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S’engager

dans la
pédagogie
FREINET
Ginette Fournès
Sylvia Dorance

RE02934197 goaspirit@hotmail.fr EL HAOUIL JENNIFER


ISBN : 978-2-36638-028-6
© École Vivante 2018
www.ecole-vivante.com

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Table des matières

Introduction 4

L’enseignant dans la pédagogie Freinet 10

L’attitude face aux enfants et avec eux 14

L’organisation matérielle 29

Les relations avec l’extérieur 33

Les premières semaines de classe 39

Les pratiques fondamentales 47

Conclusion 62

Bibliographie 63

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Introduction
Un paradoxe
La pédagogie Freinet a fait ses preuves, souvent de façon éclatante,
dans nombre d’expériences scolaires officielles ou non, publiques ou
privées. Elle offre des réponses avérées aux problèmes de désintérêt
des enfants pour l'école, d'absentéisme, de violence, ou plus géné-
ralement d'échec scolaire. Elle est à la base de l’enseignement public en
Finlande, présenté comme l'un des meilleurs du monde occidental et
grand “gagnant” des enquêtes PISA (Programme International pour le
Suivi des Acquis des élèves), l’évaluation internationale – d'ailleurs
contestable – mise sur pied par l'OCDE, qui vise à tester les compé-
tences des élèves de 15 ans.
Pourtant, elle est peu pratiquée en France, où elle est née, et même
lorsqu’elle est connue, elle est souvent méconnue : les gens en parlent
comme si elle était synonyme de laisser faire et de désordre.
Pourquoi, dans notre pays, si peu d'enseignants, débutants ou non, se
tournent-ils vers la pédagogie Freinet ? Il ne s'agit pas d'un refus de la
pédagogie “moderne” ou active. Loin de là. La pédagogie Montessori,
par exemple, connaît au contraire un engouement croissant. Il ne peut
s'agir non plus, seulement, de l'opposition évidente de l'Education

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nationale pour tout ce qui sort un tant soit peu du modèle classique.
Nous sommes parties de l’hypothèse que cette situation vient du fait
que les jeunes enseignants ne savent pas par où commencer avec la
pédagogie Freinet. Pas plus, d'ailleurs, que les enseignants lassés du
modèle traditionnel et qui voudraient se reconvertir.
Pour la pédagogie Montessori, il y a le matériel, support attractif et
commode, qui séduit les enfants et qu’accompagnent des démarches
en apparence simples. Cela encourage les débutants. Sans les
empêcher de continuer à chercher et à améliorer leurs pratiques une
fois qu'ils sont “en chemin”.
Il n'existe pas de telle passerelle pour la pédagogie Freinet1. Freinet
lui-même craignait au plus haut point que l'on n'utilise que les “outils”
Freinet sans en appliquer l'esprit. Au début d’un fascicule (de…
12 pages à peine !) intitulé “Comment démarrer ? Guide pratique pour
le débutant”, il écrivait : “C'est contraints et forcés que nous offrons ce
memento à nos camarades désireux de s'initier aux techniques Freinet.
Nous ne voudrions pas que la publication de ces notes puisse laisser
croire que nous vous engageons ainsi dans une opération facile, et qu'en
suivant nos conseils vous réaliserez la classe moderne de vos rêves.
Vous aborderez au contraire une des tâches les plus délicates :
reconsidérer vos techniques de travail, celles qui vous sont presque
naturelles parce que vous les avez subies pendant tant d'années, et
qu'on vous a enseignées par surcroît à l'EN, celles qu'on pratique
communément autour de vous, et dont vous ne vous dégagerez qu'à
grand peine. (…) Ce memento n'est d'ailleurs pas un guide-âne. (…) Il
ne peut y avoir de truc standard valable pour toutes les classes, mais

1. Certains groupes régionaux Freinet organisent des stages


“Démarrer en pédagogie Freinet” et vous pourrez en trouver la liste sur le site de
l'ICEM, ici :
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/formations

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l'essentiel à mon avis est de bien se pénétrer de l'esprit, de l'optique
dans lesquels il faut travailler, et, nanti de toutes les idées glanées ça et
là, de les adapter à sa personnalité et à la physionomie de sa classe.
Il en est ainsi. Le métier d'instituteur n'est jamais passif. Quiconque
n'use que de trucs et de mécaniques qu'il répète au cours des ans ne
saurait être un éducateur digne de ce nom. Et nous avons l'ambition de
former des hommes conscients, aimant leur métier, capables de vivre
avec leurs enfants sans routine ni œillères.”2
Après une telle volée de bois vert, nous n'allons bien sûr pas faire ce
que Freinet lui-même refusait. Mais dans la jungle touffue semée
d'embuches que représente le chemin d'un enseignant débutant dans
le contexte actuel, notre livre est là pour débroussailler le terrain et lui
permettre de simplement faire les premiers pas. Aujourd'hui, il n'y a
plus l'EN (Ecole Normale) dont parle Freinet. Il n'y a même plus de
véritable formation pédagogique. Nous ne voudrions pas que les
nouveaux enseignants laissent de côté la formidable pédagogie Freinet,
simplement parce qu'ils sont déroutés, voire dégoûtés, et ne savent pas
comment commencer. Ensuite, ils pourront se plonger dans la
communauté de l'ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne) pour
se documenter plus avant, se former à des techniques particulières et
échanger sur leurs pratiques : la pédagogie Freinet s'est toujours
appuyée sur le groupe.
Pour le moment, avec ce livre, nous voulons simplement leur donner
confiance. Nous voulons tenter de leur fournir les fondations sur
lesquelles ils pourront construire progressivement leur propre
démarche pédagogique, en toute liberté et en observant, au fil du
temps, ce qui se passe dans leur classe. Ils pourront même remettre en

2. ICEM, Bibliothèque de l’école moderne. BP 282

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cause ce que nous écrivons dans les pages qui suivent ! Peu importe :
ils auront démarré.
Notre livre est là aussi pour souligner à quel point ils seront
récompensés dans leurs efforts : la pédagogie Freinet est réellement
gratifiante et efficace, pour les enseignants comme pour les élèves. Et,
pour reprendre les propos de Freinet déjà cités, elle permet aux
enseignants de devenir “ des hommes (et des femmes ! un peu macho,
Freinet ? Non, simplement de son temps, bien que très moderne !) [des
hommes et des femmes, donc], conscients, aimant leur métier, capables
de vivre avec leurs enfants sans routine ni œillères”.

Une pédagogie formidable


Nous ne nous étendrons pas pour le moment sur les innombrables
qualités de la pédagogie Freinet. La suite du livre fera mieux
comprendre sa richesse de façon concrète. Résumons simplement
quelques points forts :
• Elle rend les enfants autonomes, responsables, capables d'auto-
discipline, confiants, entreprenants.
• Elle permet à chaque enfant d’aller au maximum de ses possibilités
avec plaisir.
• Elle tient compte de la spécificité de chaque enfant.
• Elle favorise l'expression, la communication, le dialogue, le respect
mutuel, la collaboration.
• Elle s’enrichit de l’émulation sans encourager la compétition.
• Elle donne aux enfants le goût de travailler, de faire des efforts, de
progresser, car ils comprennent pourquoi ils le font et ils sont
convaincus d'en être capables.
• Elle s’appuie sur la compréhension beaucoup plus que sur la
mémorisation.
• Elle cultive et encourage la curiosité, la créativité et l’esprit d’invention.

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• Elle développe la personne autant que l’intelligence.
• Elle éduque autant qu’elle enseigne.
• Elle ne se cloisonne pas à l'école mais s'ouvre sur le monde.
• Et AUCUN enfant, JAMAIS, dans une école Freinet, n'a envie de
s'asseoir au fond de la classe et de s'y isoler, les yeux vides, pour
attendre l'heure de la sortie. Dans une école Freinet, les yeux brillent !

Dernières remarques
Avant d'entrer dans le vif du sujet, nous voudrions rappeler quelques
points essentiels.

• Ce livre est forcément plein de défauts dus à ses contradictions de


départ. Par exemple, il donne des conseils tout en vous recommandant
de les dépasser bien vite pour rechercher vos propres vérités ; il décrit
des pratiques étape par étape tout en vous invitant à vous laisser
influencer par le contexte, les événements, les réactions et les
interventions des enfants.
• Pour des impératifs de clarté, nous avons réparti l'information en
chapitres en apparence figés et cloisonnés. Or rien n'est figé ou
cloisonné en pédagogie Freinet. Tout est vivant et interdépendant.
Ainsi, par exemple, vous serez certainement amenés à modifier
l'organisation matérielle que nous décrivons, et cela peut-être même
dès le premier jour, en raison du nombre d'élèves ou de la confi-
guration particulière des locaux. Ou bien un événement riche et
porteur révolutionnera les premières semaines de classe, créant
d'emblée la dynamique et la motivation qui balaieront nos mises en
garde ou nos conseils. Etc. Mais vous ferez ou accompagnerez ces
changements en connaissance de cause, de façon décidée et
autonome, et non pas au hasard ou dans la panique. C'est le but que
nous voudrions atteindre.

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• N'oubliez jamais, lors de votre lecture, que les indications que nous
donnons ne sont pas des recettes à appliquer de façon mécanique. Ce
qui importe avant tout c'est l'esprit qui anime les pratiques et qui, si
vous le faites vôtre, vous permettra d'inventer et de renouveler vos
propres recettes en toutes occasions.
• Nous ne saurions trop vous recommander d'essayer, dès la lecture,
d'adapter systématiquement les informations que nous vous donnons
à votre contexte scolaire, social, géographique, matériel, personnel.
• Adopter la pédagogie Freinet ne signifie pas se fermer à toute autre
pédagogie, au contraire : vous pourrez glaner ailleurs, y compris dans
la pédagogie traditionnelle, des exercices et des pratiques qui vous
paraîtront bons et les appliquer à votre façon.
• Enfin vous n'avez bien évidemment pas entre les mains un outil apte
à résoudre tous les problèmes. Des situations complexes se présen-
teront régulièrement, pour lesquelles vous aurez à improviser et à
trouver des solutions par vous-même. Il y aura aussi des échecs, des
moments de découragement, des impasses apparentes ou réelles. Ne
restez pas seul(e), ne culpabilisez pas. Inscrivez-vous dans un groupe
d'enseignants Freinet. Cherchez. Inventez. Partagez. Le métier
d'enseignant est un métier difficile… et magnifique.

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I. L'enseignant dans la pédagogie Freinet
Nous listons ici un certain nombre de qualités, de particularités,
d'attitudes, de choix, de pratiques, qui nous paraissent définir
l'enseignant engagé dans la pédagogie Freinet. Cette liste n'est pas
exhaustive mais représente déjà une approche des points essentiels.

L'envie !
La motivation de l'enseignant est fondamentale. Si elle n'existe pas,
mieux vaut faire autre chose. On entend parfois le terme “d'apostolat”
utilisé pour les enseignants Freinet, souvent dans le but d'expliquer un
refus de s'engager dans cette voie. Cela ne devrait pourtant pas
dissuader ceux qui sont tentés. Il est vrai qu'enseigner avec la pédagogie
Freinet demande beaucoup d'engagement. C'est tout simplement parce
que ce n'est pas uniquement un métier : c'est un centre d'intérêt de toute
une vie. N'est-il pas préférable de donner beaucoup de temps à un
travail fait de façon passionnante et de faire de ce travail une
composante forte de sa vie plutôt que de passer de toute façon plus de
40 heures par semaine à exercer un métier qui nous ennuie, sans plaisir,
sans entrain, sans but autre que de gagner un salaire ?

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Aimer les enfants
Aimer les enfants, les percevoir avec sa sensibilité autant et peut-
être plus qu'avec l'intellect : cela semble une évidence. Qu'ils se
sentent avec leur enseignant comme des salades au soleil : près à
s'épanouir. C'est la confiance qu'on leur donne en leur valeur, la
bienveillance qu'ils perçoivent en nous à leur égard qui leur donne
envie de faire des efforts et de se montrer sous leur meilleur jour.
C'est aussi cette attitude bienveillante à l'égard des enfants, cette
écoute et ce respect qui permettent de les comprendre, parfois, dans
ce qu'ils ont de plus complexe et dans leurs comportements les plus
inexplicables en apparence.

L'attitude d'éveil
L'ouverture, le refus de stagner, l'envie de chercher, d'innover (on ne
suit pas un dogme et on ne s'endort pas sur les premiers travaux qui
ont marché !) font de l'enseignant Freinet un chercheur en pédagogie,
en psychologie. Il cultive sa propre curiosité et favorise celle des
enfants. Cela signifie qu'il lit, se documente, s'inscrit à des rencontres
et à des formations, partage avec d'autres enseignants ses expériences
et les leurs.

La disponibilité
La disponibilité est essentielle vis-à-vis des enfants et vis-à-vis des
occasions d'enseignement, de communication. Pour pouvoir rebondir
sur toutes les occasions d'apprentissage, l'enseignant Freinet doit avoir
des antennes : à chaque instant, en observant les enfants, leurs
comportements, mais aussi leur environnement, les événements
quotidiens, l'actualité. Il fait feu de tout bois, repère ce qui peut être

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utile et intéressant pour sa classe. Il connecte aussi toutes ces occasions
fortuites aux apprentissages officiellement répertoriés, de façon à traiter
le sacro-saint programme de façon intelligente et motivée.

Le droit à l’erreur
L'enfant est encouragé à prendre des initiatives, à émettre des opinions,
à proposer des solutions et des réponses aux questions et aux
problèmes qui lui sont posés. C'est totalement impossible s'il est inhibé
par la peur de l'échec. Il est donc bien entendu exclu de se moquer de
lui ou de le sanctionner s'il se trompe, comme c'est malheureusement
trop souvent le cas dans l'enseignement classique. Il faut aussi éviter de
le mettre inutilement dans des situations d'échec. Cela ne signifie pas
qu'il faille lui éviter tous les risques. Bien au contraire. Il faut
simplement que le “challenge” ait été préparé, qu'on ait aidé l'enfant à
mettre toutes les chances et le maximum d'atouts de son côté. Ensuite,
s'il échoue ou s'il fait des erreurs, eh bien, ce n'est pas grave. Il va
travailler, progresser, réussir plus tard.
Le fait que l'erreur ne soit ainsi qu'un passage, un tremplin pour
rebondir, est renforcé par le fait que, dans une classe Freinet, on ne
passe pas son temps en contrôles et on ne donne pas de notes. Les
évaluations se font entre pairs, lors des réunions de coopérative.
Souvent, elles se font entre l'enfant et lui-même : "Bon, où est-ce que
j'en suis ?" ou entre l'enfant et l'enseignant, dans un dialogue
constructif et certainement pas censeur.

Pas d'infaillibilité
Ce droit à l'erreur est aussi valable pour l'enseignant. Au lieu d'une
posture fausse d'infaillibilité, l'enseignant adopte une attitude de
confiance qui lui fait admettre tranquillement qu'il ne sait pas tout ou

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qu'il s'est trompé, car tout le monde peut se tromper et personne ne sait
tout. Mais lorsqu'il ignore quelque chose, il montre qu'il a envie de
chercher la réponse, il explique comment et où il la cherche, et il finit
par la trouver. Lorsqu'il se trompe, il cherche à réparer son erreur. En
d'autres termes, il montre, par l'exemple, la démarche que doivent suivre
les enfants eux-mêmes. Il montre aussi que reconnaître ses limites et ses
erreurs est une force et non une faiblesse, et que cela permet d'avancer.
La plupart du temps, d'ailleurs, il ne donne les réponses que lorsque les
enfants ne les ont pas trouvées seuls et lorsqu'ils les demandent
expressément. Il préfère les formules : “Tu trouveras la réponse dans tel
livre.” ou “Tu devrais chercher encore un peu…” au fait de donner
directement la réponse à l'enfant ou, pire, de lui dicter un résumé de
savoir, avant même que l'enfant ne se pose des questions ! Pour éviter de
paraître le seul détenteur des connaissances, il fait aussi appel à la
collaboration entre enfants et au tutorat des plus grands avec les petits
ou des “enfants-experts” dans un domaine précis avec ceux qui ont des
difficultés... mais sont certainement experts dans un autre domaine.

Le soutien d'un groupe pédagogique


L'enseignant Freinet travaille en équipe. D'abord parce qu'il ne craint
pas d'identifier ses faiblesses et ses doutes lorsqu'il en découvre.
Ensuite parce qu'il est toujours enrichissant de partager ses
expériences. Enfin parce que l'isolement est un des grands dangers,
une des grandes tristesses de l'enseignement : seul face à sa classe, on
peut soit se trouver démuni, déstabilisé, malheureux inutilement, soit
au contraire se considérer trop rapidement comme parfait, car on est
le seul adulte, tout-puissant, face au groupe des enfants. Comme un
médecin doit se recycler, participer à des congrès, s'informer sur les
nouvelles découvertes, un enseignant qui se respecte a besoin de
confronter ses pratiques et d'en découvrir d'autres.

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II. L'attitude face aux enfants et avec eux
L’exemple plutôt que le conseil
Nous savons tous, bien sûr, quel est le poids réel des conseils et surtout
la durée de leur séjour dans la tête des enfants. Ne parlons même pas
des injonctions sans explications. En revanche si l'enseignant applique
ce qu'il conseille et montre ainsi l'exemple, lui qui, par son attitude et
sa fonction, a acquis un statut de modèle, là, c'est une autre histoire.
Montrer l'exemple peut se faire dans de très nombreux domaines.
Dans celui de la vie sociale : ne pas abuser de son pouvoir, ranger les
outils et les livres qu'on a utilisés, parler doucement pour ne pas
déranger les enfants qui travaillent, respecter la parole de celui qui
parle, argumenter ses opinions… Dans celui de l'effort : aller au bout
d'un travail, d'une recherche, se montrer opiniâtre. Dans celui de
l'honnêteté intellectuelle : reconnaître ses erreurs, accepter d'avoir
tort… De plus, montrer l'exemple présente deux avantages :
• Théoriser n'est plus nécessaire, et on peut dire définitivement adieu
aux stupides et archaïques leçons de morale ;
• L'enfant, qui n'est pas contraint, adhère beaucoup plus volontiers à
ce qu'on lui demande.

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Dialogue et respect mutuel
Fondée en grande partie sur la collaboration entre les enfants, la
pédagogie Freinet a besoin du dialogue et elle le favorise. Or le
dialogue serein ne s'improvise pas : il faut apprendre à se taire et
écouter attentivement pendant que l'autre parle, savoir patienter et
attendre son tour de parole, argumenter ses propos, être ouvert aux
arguments contraires et être capable d'en reconnaître l'éventuelle
justesse. Il faut même être capable de mener un débat pour qu'il
aboutisse à un consensus. C'est bien sûr à l'enseignant d'apprendre
tout cela aux enfants, évidemment pas par la contrainte, mais, ici
encore, par l'exemple et la pratique. Au moment où s'engage un débat
houleux où tout le monde parle à la fois, interrompre la discussion, parler
très bas pour forcer les enfants à faire un silence parfait pour écouter et
demander aux uns et aux autres : “Tu as entendu quelque chose de
précis, toi ? Quoi ? Et toi ? Bon. Quand on parle tous ensemble, c'est
comme si personne ne parlait. Ce n'est pas la peine.”
Le respect mutuel s'installe parallèlement à la qualité du dialogue. Là
encore, il faut sauter sur la première insulte ou la première manifestation
de mépris ou d'absence de respect pour provoquer une réunion et un
dialogue sur le sujet. Il faut que chacun ait l'occasion de s'expliquer.
Pourquoi ces paroles ou ces gestes ? Comment sont-ils perçus par
l'autre ? D'où viennent-ils ? A quoi mènent-ils ? Sont-ils supportables
dans un groupe ? Pourquoi ? Que peut-on faire pour les éviter ?

Guider et laisser libre


C'est peut-être ici l'attitude la plus difficile à trouver et à maintenir
dans la durée. Il s'agit de guider sans “téléguider” et de laisser libre sans
laisser aller. Gérer le tâtonnement expérimental n'est pas une mince
affaire. Il arrive constamment que l'adulte ait envie d'intervenir pour

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infléchir le cours du débat ou de l'expérience, surtout lorsque ceux-ci
s'engagent sur une piste apparemment erronée ou stérile. Ou pour faire
ou finir quelque chose à la place de l'enfant car celui-ci hésite “trop”
longtemps ou “rate” plusieurs fois de suite. Or si l'on intervient de façon
trop fréquente ou trop importante, on court le risque de retomber dans
le cours magistral et de déposséder les enfants de leur propre création,
invention, recherche, découverte. En revanche, ne jamais intervenir et
laisser la classe prendre tous les chemins de traverse peut aussi
entraîner une grande confusion et l'amener à tourner en rond. Il faut
donc rester constamment vigilant, attentif et rigoureux.
De même, il est important de faire le point, pour soi-même, à la fin de
la journée, sur ce qui a été abordé et, éventuellement, sur les points du
programme qui ont été “visités”. Il peut s'avérer très utile d'enregistrer
la classe et d'écouter l'enregistrement pour se rendre compte de la
façon dont s'est déroulée la séance. Cela permet de vérifier comment,
combien de fois, avec quel résultat on est intervenu. Cela permet aussi
de découvrir les occasions manquées ou au contraire bien exploitées,
la dynamique du groupe, etc.

La discipline
“L'ordre et la discipline sont nécessaires en classe. On croit trop
souvent que les techniques Freinet s'accommodent volontiers d'un
manque anarchique d'organisation, et que l'expression libre est
synonyme de licence et de laisser-aller. La réalité est exactement
contraire : une classe complexe, qui doit pratiquer simultanément des
techniques diverses, et où on essaie d'éviter la brutale autorité, a besoin
de beaucoup plus d'ordre et de discipline qu'une classe traditionnelle,
où manuels et leçons sont l'essentiel outillage.”3
D'autre part, l'habitude de la discipline est très ancrée dans les
mentalités. Les enfants eux-mêmes subissent parfois une autorité

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lourde et arbitraire dans leur vie quotidienne. Ils sont habitués à réagir
par rapport à elle et à tester les marges d'action auprès des adultes. Ils
peuvent ne pas comprendre ce qui est permis ou pas lorsqu'une
autorité rigide ne se manifeste pas. Donc, la question se pose bien :
comment mettre en place la discipline nécessaire au fonctionnement
agréable et productif de la classe ?
Célestin Freinet toujours : “Avez-vous remarqué combien vos enfants,
en famille ou à l'école, sont sages et faciles à supporter quand ils sont
occupés, en totalité, à une activité qui les passionne ? Le problème de
la discipline ne se pose plus : il suffit d'organiser le travail enthou-
siasmant. Regardez les enfants composer ou imprimer leur texte
journalier, décorer leur classe, faire de la poterie, terminer leur plan de
travail, effectuer des découpages ou des montages électriques. Vous
sentez bien alors comment et combien la notion de la discipline
change de sens. Il y aura peut-être encore du désordre excessif, trop de
bruit, de petites batailles. Elles ont toujours une cause technique : un
appareil ne fonctionne pas, ou bien on a mis trop d'encre, il manque
telle ou telle pièce. Plus souvent encore, mal entraînés à notre nouveau
rôle d'aide technique, nous manquons de fiches de travail et de modes
d'emploi. Nous assistons au désordre accidentel de l'atelier qui n'est
pas encore suffisamment organisé. Mais les réussites dont nous nous
enorgueillissons nous prouvent que, dans nos classes, l'épreuve de
force est désormais dépassée. Nous accédons à la discipline
démocratique, celle qui prépare l'enfant à forger la société démo-
cratique qui sera ce qu'il en fera.”4

3. C. Freinet, cité par Guy Lebas dans “Célestin Freinet et la discipline” :


http://www.icem-pedagogie-
freinet.org/sites/default/files/198_Celestin_Freinet_et_la_discipline.pdf
4. C. Freinet, Les dits de Mathieu, Œuvres pédagogiques, T 2, Ed. du Seuil, p.192.

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Une grande partie du problème sera donc résolue dès que les enfants
seront au travail, intéressés, et concentrés sur ce qu'ils font. La vie
quotidienne dans une classe Freinet va également leur apprendre
l'autodiscipline : comme l'enseignant ne se comporte pas en gendarme,
l'enfant n'est pas tenté de se dérober et de transgresser la loi commune
pour garder une certaine liberté. Au contraire, il cultive une espèce de
respect personnel, d'amour propre, qui le fait agir d'une façon dont il
n'ait pas à rougir. Tout cela vient progressivement.
En attendant, surtout si les enfants viennent de classes où ils ont été
beaucoup contraints et peu passionnés, il va falloir “inverser la
tendance”. Ce n'est pas toujours simple, loin de là.
“Sachez bien d'abord que, si vous engagez l'épreuve de force avec les
enfants, vous avez perdu d'avance. Vous sauverez la face et obtiendrez
le silence et l'obéissance, à condition encore de rester sans cesse sur
vos gardes pour éviter les pieds de nez et les crocs-en-jambe. En
profondeur, vous n'aurez fait aucun travail constructif parce que, au
mieux, vous aurez seulement donné des habitudes de passivité et de
servitude, toujours doublées d'hypocrisie et de rancœur. L'enfant y
échappe heureusement, par toutes les ressources de sa vie débordante
et par son habileté à franchir les obstacles qu'il rencontre sur sa route.
Je n'exagère pas. Vous n'avez qu'à puiser, tous, comme je le fais, dans
les souvenirs loyaux et sincères de l'école que vous avez subie. Et vous
étiez les têtes de classe ! Non l'épreuve de force ne saurait être qu'un
pis-aller. Et il est à plaindre, l'éducateur qui est condamné à y faire face
pendant les quarante ans de sa carrière. Nous entrevoyons,
heureusement, une solution : la discipline coopérative du travail.” 5
La solution peut passer par le dialogue en groupe : les réunions de
coopérative peuvent vous aider dans la résolution des conflits ou des

5. Idem, p.176.

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problèmes graves de discipline. N'oubliez pas non plus que le groupe
Freinet peut également vous donner des idées, vous soutenir. Lire des
livres sur la gestion des conflits, quels qu'ils soient, peut aussi vous
apporter beaucoup : comment commencer par se mettre à la place de
l'autre, comment éviter de braquer son interlocuteur, etc.
La discipline demande aussi des dialogues seul à seul entre l'enfant et
l'enseignant, d'où l'enfant doit ressortir en ayant l'impression qu'on lui
a parlé sans a priori, qu'on ne l'a pas jugé, mais qu'on a été clair sur ce
que l'on demande et sur les raisons pour lesquelles on le demande. Il
faut qu'il comprenne qu'il a tout intérêt pour lui-même d'abord, à se
comporter correctement dans le groupe et qu'il sera beaucoup plus
heureux avec le groupe que contre lui. Il doit se sentir considéré,
valorisé, mais pas craint… un équilibre parfois compliqué à trouver avec
certains enfants vraiment difficiles. On doit toujours sortir de la
discussion en lui ayant montré une porte de sortie positive de son
attitude. Il faut éviter d'en faire une affaire personnelle : ce n'est pas lui
qui est mis en cause mais ses actes, son attitude. Il lui suffit de changer
ces actes pour que tout redevienne équilibré et confortable pour tous.
Dans les cas vraiment complexes, ou lorsque plusieurs enfants posent
problème à la fois, il peut être utile de faire entrer un observateur dans
la classe. Quelqu'un d'extérieur, un autre enseignant, par exemple, lors
d'un regroupement de classes. Le rôle de cet observateur sera
d'analyser ce qui se passe pendant que vous travaillez, de chercher
pourquoi l'enfant perturbateur crée des troubles. La connaissance des
raisons du conflit est évidemment un grand pas vers sa résolution.
Souvent, les raisons apparentes ne sont que des prétextes. Une raison
plus profonde (manque de confiance en soi, besoin de reconnaissance,
problèmes à l'extérieur de l'école, etc.) doit alors être repérée. C'est
pour elle qu'il faudra trouver une solution.
Dans tous les cas, le dialogue et la recherche commune de l'intérêt de
chacun sont à privilégier par rapport à toutes les formes d'affrontement.

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Punitions et récompenses
Punir, au sens où on l'entend habituellement, c'est contraindre,
humilier, et, d'une certaine façon, abuser de son autorité. Même si la
punition se traduit par un travail utile pour le groupe ou pour l'élève
lui-même. Ce que nous venons de dire au sujet de l'attitude à adopter
en cas de conflit est totalement en contradiction avec ce type de
punition. Cependant, nous avons dit aussi qu'il fallait savoir être ferme
et qu'on devait pouvoir marquer son désaccord. Une façon de se sortir
de l'impasse est par exemple de faire faire à l'enfant quelque chose qui
le défoule sans l'humilier : “Tu fais trop de bruit, tu bouges trop, tu
gênes tout le monde… Tu dois avoir trop d'énergie à dépenser : va faire
quelques tours de cour en courant, ça te fera du bien.”
On peut aussi discuter de cela en réunion de coopérative et arriver à
une liste de travaux utiles pour le groupe qui pourraient être faits par
ceux qui gênent les autres. Il est important que cette liste soit décidée
par tous et à froid, en dehors de toute situation conflictuelle.
Pour ce qui concerne les récompenses, elles n'existent pas en tant que
telles dans la pédagogie Freinet : puisque l'enfant travaille pour lui, il
ne s'attend pas à être remercié. Puisque son travail l'intéresse, il n'a pas
besoin de “carotte”. Cependant, chacun aime que son travail ou ses
efforts soient encouragés, valorisés. C'est ainsi que l'on acquiert la
confiance qui permet d'aller de l'avant. Il est donc important que
chaque enfant, à un moment ou à un autre, pour une attitude, un effort,
un résultat, sente qu'il est apprécié. Cela ne doit entraîner aucune
compétition, aucune flagornerie. Cela ne doit pas non plus être
disproportionné. Dans ses appréciations comme pour tout le reste, il
faut que l'enseignant soit, le plus possible, juste et constant.

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Notes et corrections
En pédagogie Freinet, il n'y a pas de notes et les corrections sont une
aide et non une sanction. “La maman ne gronde jamais son enfant
parce qu'il a mal prononcé un mot ou qu'il est tombé lors de ses
premiers pas. Elle sait intuitivement que l'enfant, par nature, fait tout
son possible pour réussir car l'échec le déséquilibre. S'il a fait une faute,
c'est qu'il n'a pu faire autrement. Notre rôle d'éducateur est semblable :
non corriger, mais aider à réussir et à dépasser les erreurs. L'attitude
aidante est la seule valable en pédagogie.”6
Le mode de correction est lié au droit à l'erreur et à l'encouragement
à progresser. S'il n'y a pas de notes, c'est parce qu'elles ne servent qu'à
mettre les enfants en compétition, à humilier les plus faibles et à les
renfoncer régulièrement et obstinément dans leur échec. Cela ne
signifie pas qu'il ne doive y avoir aucune signalisation des erreurs. Il est
nécessaire de préciser quand quelque chose est inexact ou incomplet.
Sinon, comment l'enfant pourrait-il savoir où et comment progresser ?
L'essentiel est d'encourager l'enfant et de lui indiquer comment
rectifier. Il faut aussi valoriser ses succès lorsqu'il a fait un effort.
Pour cela, en corrigeant un cahier, on peut très bien mettre des
annotations du type “c'est bien !”, mais lorsque c'est raté, n'employer
que très rarement “pas bien” ou “pas appliqué”. Il est bien plus
productif de remplacer cela par un commentaire précis et utile
accompagné de l'indication de la fiche autocorrective ou du travail
individuel qui permettront de surmonter l'échec. Concrètement, cela
donne : souligner l'erreur et inscrire dans la marge “Fais la fiche n° XX
pour comprendre comment accorder l'adjectif”.

3. C. Freinet, cité par Guy Lebas dans “Célestin Freinet et la discipline” :


http://www.icem-pedagogie-
freinet.org/sites/default/files/198_Celestin_Freinet_et_la_discipline.pdf

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Les corrections peuvent aussi se faire à deux ou en groupe, en
échangeant les travaux et en consultant l'enseignant quand il y a
des doutes.
Enfin la correction ne se fait pas par rapport à un niveau attendu ou
par rapport aux autres enfants, mais par rapport à l'enfant lui-même et
à son niveau propre. Si un enfant qui peinait depuis des mois à écrire
proprement commence à y parvenir, il est essentiel de lui montrer
qu'on a constaté un progrès, même s'il écrit encore beaucoup moins
bien que certains de ses camarades.
De même, les exercices et les activités qu'on propose à chaque enfant
sont adaptés à SON niveau et pas à celui de toute la classe, qu'il soit
en avance, en retard, ou au même niveau que la moyenne de ses pairs.
A souligner aussi : la relecture et la correction se font le plus souvent
dans un contexte utile. Par exemple, on corrige les erreurs
d'orthographe, de grammaire, de frappe, de mise en page, lorsqu'on va
envoyer un texte aux correspondants, ou l'afficher en classe, ou le
publier dans le journal ou sur le blog. C'est de la simple “correction”
par rapport aux lecteurs. Comme de faire la cuisine avec des mains
propres. Ce n'est pas juste parce que “c'est comme ça !”

La liberté et l'organisation
Les détracteurs de la pédagogie Freinet pensent et disent qu'une classe
Freinet, c'est le désordre, la colonie de vacances… pour ne donner que
les qualificatifs les plus polis. C'est méconnaître totalement le travail
énorme mais discret, parfois même “en coulisses” de l'instituteur
Freinet. Ce qu'un observateur superficiel peut prendre pour du
désordre est en fait une liberté très grande pour les enfants et une
rigueur aussi grande du côté de l'enseignant. Le but, et l'équilibre
délicat qu'il faut atteindre, consistent à permettre aux enfants de
s'épanouir pleinement, de chercher, d'expérimenter, de bouger dans la

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classe, de communiquer, de s'exprimer librement… tout en acquérant
des méthodes de travail, de la rigueur, des compétences, des
connaissances, un esprit curieux et créatif. Pour cela, l'enseignant doit
toujours garder le contrôle dans sa tête. Il doit être disponible et réactif,
pour sauter sur les bonnes occasions d'apprentissage, pour canaliser
le foisonnement, pour vérifier qu'aucun enfant n'est laissé de côté ou
ne se trouve en souffrance d'une façon ou d'une autre.
Il doit aussi garder en tête les buts généraux ou officiels à atteindre
(ex : apprendre à lire, “couvrir” tous les points fondamentaux du
programme, etc.), mais sans imposer aux enfants un ordre et un rythme
préétablis et commun à tous et sans les déposséder de leur faculté
créative. En pédagogie Freinet, on couvre en général les programmes
plutôt deux fois qu'une et de façon concrète, vécue, chargée de sens.
Mais il est bon, surtout au début pour se rassurer et pour pouvoir
opposer de bons arguments aux éventuelles critiques de la hiérarchie
ou de l'inspection, de créer ses propres outils d'évaluation et de
contrôle.

Les outils d'évaluation et de contrôle


Ces outils ont essentiellement pour but de permettre un suivi régulier
de la progression de chaque enfant (tel enfant a maîtrisé tels et tels
phonèmes, graphèmes, tel autre a des difficultés en calcul mental, etc.).
Pour une vérification par rapport aux programmes officiels, si vous
travaillez dans le public et que vous avez besoin de faire le point avec
un éventuel inspecteur, vous pouvez établir des listes de compétences
ou de savoirs à acquérir. Une liste par grand domaine (écriture, lecture,
grammaire, calcul...). Vous cocherez au fur et à mesure, chaque soir, ce
qui aura été abordé dans la journée. Ces listes vous permettront aussi,
en début de carrière, de vous rassurer vous-même sur le fait que vous
traitez bien (et plutôt deux ou trois fois qu'une, vous le verrez !) chaque

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point du programme. Vers le dernier quart de l'année, vous pourrez
éventuellement compléter par des activités spécifiques, si vous
constatez que quelque chose d'important est passé à travers les mailles
du filet.
Ce travail vous prouvera à quel point les apprentissages ne
s'acquièrent pas de façon linéaire, mais en zig-zag, au gré des
découvertes des enfants, avec des reprises qui permettent de
consolider les acquis. C'est beaucoup plus efficace que lorsqu'on
décide de traiter tel point tel jour, sans le connecter à rien de concret
et surtout sans y revenir ensuite, comme si c'était acquis pour tous et
de façon définitive.
Pour un suivi individuel des progrès de chaque enfant, beaucoup plus
important, en fait, vous pouvez utiliser des tableaux à double entrée :
une colonne par enfant, une ligne par compétence ou savoir important.
Ex : La lecture au CP : nom de l'enfant / âge avec le mois / retrouve un
mots parmi des mots connus / associe lettre et son/ cherche et déchiffre
des mots dans un livre / sait raconter un texte lu silencieusement / lit
couramment à haute voix / lit de façon expressive / aime lire...
Ces tableaux peuvent être remplis régulièrement avec l'enfant lui-
même, lors des dialogues d'évaluation. Les petits collent des
gommettes dans les cases correspondant à des savoirs ou des
compétences acquis. Les grands cochent les cases. Ces dialogues
d'évaluation remplacent les sacro-saints contrôles écrits ou oraux,
stressants et perçus comme un couperet, une censure, un examen, un
piège. Régulièrement, un enfant, à tour de rôle, reste pendant la
récréation : “Tiens, on va voir ensemble où tu en es.”
Nous vous proposons ces deux outils de base, mais, comme
d'habitude, ce ne sont que des exemples qui ne seront peut-être jamais
les vôtres. Vous en aurez peut-être d'autres. Vous en aurez peut-être
plus. Ou moins. Ou bien vous adopterez ceux-ci au début, lorsqu'il y
a tant à faire, et vous les ferez évoluer ensuite en fonction de vos

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pratiques. Il est fort probable qu'au bout de quelques années vous n'en
ayez même plus besoin du tout car vous aurez acquis l'habitude et le
métier nécessaires pour avoir un “tiroir” pour chaque enfant dans la tête.
Certains enseignants Freinet utilisent deux autres façons particulières
de marquer la progression des enfants. Nous parlerons ici de deux
d'entre elles : les ceintures et les brevets.
Le principe des ceintures est emprunté à la “pédagogie institutionnelle”
de Fernand Oury, enseignant qui pratiquait le judo et qui fut, pour un
temps, adepte de la pédagogie Freinet. L'idée de départ est que les
enfants n'ont pas tous le même niveau et que l'on ne doit pas attendre
la même chose de tous. On n'attend pas d'un judoka ceinture verte
qu'il se batte comme un ceinture noire ou même qu'il se comporte avec
la même noblesse. Lorsqu'elles sont utilisées dans une classe Freinet,
les ceintures servent à marquer un niveau de comportement ou de
compétence particulière. Elles sont à la fois un signe d'accom-
plissement et une forme d'engagement : on peut être plus exigeant avec
celui qui a une ceinture d'un grade plus élevé et on peut lui demander
d'aider ses camarades.
Le problème est dans l'application et dans les dévoiements possibles
de l'utilisation de ces ceintures. Elles sont parfois confondues avec des
récompenses. Elles représentent un but symbolique à atteindre qui n'a
rien à voir avec la réalisation de soi ou l'acquisition d'une compétence
pour elle-même. Elles peuvent entraîner une compétition dans la
classe, ce qui, nous l'avons vu, est évité le plus possible en pédagogie
Freinet. Elles ne tiennent pas compte de l'incroyable diversité des
compétences et masquent la réalité qui veut qu'un enfant puisse être
très performant dans un domaine et pas du tout dans un autre. Donc,
personnellement, nous sommes plutôt opposées à ce principe.
Les brevets, quant à eux, utilisés par Freinet lui-même, sont empruntés
au mouvement scout. Il les appelle aussi chefs-d'œuvre, du nom de la
grande réalisation de fin d'étude de chaque Compagnon Bâtisseur.

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Pour plus de détails et, en particulier, pour voir les tâtonnements de
Freinet lui-même par rapport à leur rôle, leur mise en place, les risques
qu'ils comportent, voir ici :
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/15568
Dans leur forme la plus aboutie, ils fonctionnent de la façon suivante.
Il peut y avoir des brevets pour toutes sortes de compétences
(imprimeur, poète, lecteur à haute voix, jardinier, chanteur, danseur,
balayeur, constructeur, spécialiste de la division, bon correspondant...).
Chaque enfant peut décider de postuler pour un ou plusieurs brevets
de son choix, quand il se sent prêt. Il peut aussi proposer un brevet
qui n'existait pas jusqu'alors. Il y a également des brevets obligatoires,
que chacun doit chercher à obtenir à un moment ou à un autre. Tout
cela, et en particulier les règles de fonctionnement, d'attribution, etc.,
se décide en réunion de coopérative. L'enfant annonce qu'il veut
postuler pour tel ou tel brevet. Il travaille pour atteindre son but et
réaliser le chef-d'œuvre qu'il va soumettre et, quand il se sent prêt, il
présente sa réalisation au groupe qui décide, en argumentant et en
étant le plus objectif possible, de lui attribuer son brevet ou non.
L'enfant lui-même peut donner son point de vue. Il s'agit en fait d'une
variante de la pédagogie de contrat, qui permet en outre de révéler des
passions, de déterminer les goûts, les compétences, les envies de
chaque enfant et d'améliorer l'orientation par la suite.
Un prolongement possible : une exposition des chefs-d'œuvre à
l'intention des parents. Cette exposition présente un grand nombre
d'avantages et de qualités. Elle montre à TOUS les parents que leur
enfant est bon en quelque chose et ils sont souvent époustouflés par
ce dont leur enfant est capable. Elle valorise le travail des enfants. Elle
crée des liens entre l'école et les parents. Elle montre que les enfants
de l'école Freinet ne sont pas inactifs !
Deux écueils à éviter : donner petit à petit les brevets trop facilement, par
faiblesse, ce qui diminue leur valeur de reconnaissance d'un travail bien

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fait et n'encourage pas l'enfant à donner le maximum de lui-même ;
choisir des critères ou des normes scolaires pour juger les chefs-
d'œuvre, ce qui les ferait vite rejoindre les contrôles du système
traditionnel.

Les devoirs à la maison


Les devoirs écrits à la maison sont interdits par les textes officiels en
primaire. Cette consigne n'est pas appliquée dans la pédagogie
traditionnelle. En pédagogie Freinet, on ne donne aucun devoir écrit à
la maison à l'exception du texte libre. Mais justement, puisqu'il est
libre, il peut être écrit quand l'enfant le veut, chez lui ou à l'école. Il
n'est pas “commandé” pour le lendemain ou pour tel ou tel jour.
Parfois, ce sont les parents qui demandent des devoirs et qui jugent la
compétence de l'enseignant à la somme de devoirs qu'il donne, un peu
comme certains malades pensent que leur médecin est mauvais s'il ne
leur délivre pas une longue ordonnance. Vous aurez donc à défendre
l'idée inverse face aux parents. Les arguments ne manquent pas. Pour
ne citer que les principaux : les enfants ont un emploi du temps bien
assez chargé et ils doivent aussi jouer et se détendre ; le travail est fait
en classe et il n'est pas nécessaire d'y consacrer du temps supplé-
mentaire ; tous les parents ne sont pas disponibles pour aider leurs
enfants, ce qui crée des inégalités.
Certains parents disent que les devoirs leur permettent de savoir ce
qui se fait en classe. La réponse est simple dans l'école Freinet : il y a
des quantités d'occasions et d'outils meilleurs que les devoirs pour
faciliter le dialogue famille/école. Les cahiers peuvent circuler, un
journal est régulièrement publié, il y a éventuellement un blog, les
parents sont invités dans la classe, il y a des expositions, etc. De plus,
l'enseignant dit, redit et montre très souvent qu'il est disponible pour
parler des enfants avec les parents.

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Les seuls devoirs à la maison donnés assez régulièrement sont donc
oraux : il s'agit par exemple de l'apprentissage d'un poème ou du texte
d'un sketch. Cet apprentissage demande du temps, du calme, de la
concentration. Souvent, le fait de dormir juste après avoir relu le texte
aide à le mémoriser. Tout cela justifie que ce travail soit fait à la maison.

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III. L’organisation matérielle
Les ateliers
Les ateliers sont une particularité forte de la pédagogie Freinet. Ils
correspondent un peu à la notion d'environnement préparé de la
pédagogie Montessori. Leur but est le travail individuel totalement
autonome. Et ce travail doit pouvoir se faire à la fois dans une grande
richesse de possibilités et... sans déranger les autres enfants. Grâce aux
ateliers, un enfant qui a fini le travail en commun peut travailler seul,
au lieu de s'ennuyer et de bavarder, de se tortiller sur sa chaise et de
perturber les autres.
La nature, mais aussi la disposition des ateliers doit donc faciliter au
mieux l'autonomie.
Les grands bacs (grands tiroirs, à roulettes si possible) sont une
solution commode. Ils doivent être assez grands pour pouvoir y ranger
tout le matériel, éventuellement dans des compartiments. Mais ils ne
doivent pas non plus être trop lourds ou difficiles à manœuvrer,
surtout chez les petits. Au-dessus des bacs, les tablettes de type établi
sont fixées au mur, à hauteur d'enfant.
Voici une liste indicative d'ateliers (vous ferez le tri et ajouterez vos
idées) : bricolage, outils pour le dessin et la peinture, rangement des

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dessins, modelage (tout sauf l'argile, trop salissante, qu'on n'utilise
qu'en groupe, avec l'enseignant), cuisine, jardinage, imprimerie.
• Eau : récipients divers, boîtes, tuyaux, vases communicants,
entonnoirs... idéalement, à côté d'un point d'eau et d'un évier placé à
hauteur d'enfant.
• Bric-à-brac et récupération, objets apportés par les enfants.
Marionnettes : chaussettes dépareillées, boutons, tubes de cartons de
sopalin ou de papier hygiénique, scotch, tissus divers, etc.
• Electricité : ampoules, piles, fil.
A cela s'ajoutent les ateliers plus traditionnels : fichiers autocorrectifs
(maths, français), bibliothèque (documentaires, ouvrages de référence,
manuels avec exercices corrigés, expériences de sciences, BT, magazines
pour enfants, encyclopédie, dictionnaire adapté à l'âge des enfants).
Les grands chevalets pour la peinture doivent être casés le long d'un
mur ou dans un couloir. Assez larges pour trois ou quatre élèves de
chaque côté, avec un rebord pour les pots de peinture, ils permettent
d'accrocher verticalement le papier des frises ou des grandes peintures.
Le papier sera punaisé sur le bois. Une alternative, si vous ne disposez
pas de chevalets et ne pouvez en faire faire, consiste à afficher sur un
mur les papiers à peindre et à poser les pots de peinture et les pinceaux
sur un “bar” à hauteur des enfants.
Un coin particulier est à réserver à l'ordinateur et à l'imprimante. Deux
ou trois enfants doivent pouvoir s'asseoir devant ensemble, assez loin
du reste de la classe pour pouvoir éventuellement parler entre eux sans
gêner les autres.

La disposition des meubles


Les deux buts principaux dans l'aménagement de la classe sont,
comme pour les ateliers, l'autonomie des enfants et la commodité du
travail, qu'il soit individuel ou en groupe.

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En dehors des tables et chaises indépendantes, une ou plusieurs
grandes tables rondes (basses dans les petites classes) permettront le
travail en commun.
Si la taille de la classe le permet, un lieu de parole et/ou de spectacle
réunira des bancs (poufs, coussins…) en cercle ou en arc de cercle. Cet
endroit servira entre autres pour les réunions de coopérative. S'il est
impossible de monopoliser autant de place, il faudra pouvoir déplacer
chaises et tables au moment des réunions, des jeux théâtraux, etc.
La disposition des tables implique et dépend des façons de travailler :
• L'avantage de l'arc de cercle est que tout le monde y voit de la
même façon et que tous les enfants se voient. Votre circulation est
aussi plus facile d'un élève à l'autre. Mais le travail en commun
demandera de déplacer des tables et des chaises, ce qui fait perdre
du temps et génère du bruit.
• La disposition classique, l'un derrière l'autre est celle qui demande le
moins de place, si la classe est nombreuse. Dans ce cas, il faut que le
passage soit toujours possible pour rejoindre un enfant et travailler
avec lui sans gêner les autres. On peut coller 2 ou plusieurs tables de
temps en temps pour un travail collectif.
• Le système qui permet la meilleure collaboration entre les enfants est
celui des modules de 4 ou 6 tables collées face à face. Les enfants
peuvent avoir du matériel commun au centre. Ils peuvent resserrer leurs
chaises 2 par 2 ou 3 par 3, et peuvent éventuellement en retourner
certaines vers le centre de la classe pour un travail en grand groupe.

L'affichage
Avant de lister quelques possibilités d'affichage, rappelons qu'un
affichage trop vieux et trop peu souvent renouvelé finit par devenir
quasi invisible. Sauf pour ce qui concerne les tableaux interactifs et
quelques références que l'enfant doit pouvoir consulter quand il le veut

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d'un simple coup d'œil, l'affichage sera donc en permanence le reflet
de la vie foisonnante de la classe et comprendra :
• Les textes de lecture en commun (copiés sur des grands papiers
padex, craft).
• Les derniers dessins, réalisations graphiques, frises, tapisseries,
collages, découpages, récoltes, etc.
• La dernière lettre collective des correspondants.
• Les documents récents.
Cet affichage démarre dès le premier jour de classe. Il peut remplacer
progressivement certains éléments que l'enseignant met au mur au
départ, comme référence commode ou comme incitation à créer,
chercher, se documenter plus amplement.
En ce qui concerne les éléments fixes, quelques suggestions :
• Le tableau des responsabilités, revu chaque semaine ou quinzaine,
selon ce qui est décidé en réunion de coopérative.
• Le tableau des compétences (Je sais faire ci, faire ça : un tableau à
double entrée portant, horizontalement, le nom de chaque enfant et
verticalement un certain nombre de compétences à acquérir. Les
enfants collent des gommettes au fur et à mesure de leur progression
et discutent périodiquement de leur auto-évaluation avec l'enseignant
ou en réunion de coopérative). Ce tableau est remplacé par le tableau
des brevets si l'activité est mise en place.
• Le tableau “Je critique/je félicite/je propose”, sur lequel chaque enfant
(et l'enseignant !) peut venir écrire ce qu'il veut dans l'une des trois
colonnes, ou demander à l'enseignant d'écrire sous sa dictée. Chaque
inscription doit bien sûr être signée et sera commentée par son auteur
en réunion de coopérative.
• Un éphéméride mis à jour chaque matin par le responsable.
Même pour ces éléments “fixes”, il y aura forcément des évolutions
d'année en année, des outils dont vous vous apercevrez que vous ne les
utilisez pas ou qu'il serait utile de les transformer, etc. Rien n'est figé.

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IV. Les relations avec l'extérieur
Surmonter les contraintes
La sécurité
Tous les instituteurs un peu actifs dans leur classe et un peu militants
quant à la qualité de leur enseignement vous le diront : en l'état actuel
des consignes de l'Education Nationale sur la sécurité, n'importe quel
instituteur se trouve en situation d'illégalité toutes les deux minutes,
presque sans rien faire. Mais si, en plus, il veut laisser aux enfants la
possibilité d'être actifs et créatifs, c'est-à-dire d'utiliser toutes sortes
d'outils, les choses deviennent carrément rocambolesques. Enfin,
comment éduquer des enfants à la sécurité si on ne les laisse pas
toucher un couteau, utiliser un appareil électrique, faire des crêpes,
etc., après leur avoir fait les démonstrations nécessaires et en
organisant ces activités dans des conditions de sécurité raisonnable ?
Une première réponse se trouve dans le dosage, la façon d'encadrer et
d'organiser les ateliers, et de favoriser la responsabilisation des enfants
le plus tôt possible. Ne mettez pas tous les outils à disposition en
même temps, réservez certains ateliers aux plus grands, montrez
plusieurs fois et dans le calme l'utilisation des outils dangereux,

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expliquez les consignes de sécurité, les symboles sur les produits
ménagers courants, surveillez discrètement les enfants qui sont plus
agités ou plus casse-cou que les autres, donnez-leur justement, en
priorité, la responsabilité solennelle de la sécurité de tous.
Autre point important : les petits groupes sont en principe moins
dangereux que les grands. d'abord parce que tous les enfants sont
occupés par l'activité principale et donc tout le groupe est concentré
dessus. Ensuite parce qu'il est plus facile pour vous qui vous promenez
discrètement entre les tables et les établis, de voir ce qui se passe à
l'intérieur d'un petit groupe.
Il arrive que des enfants jouent à des jeux extrêmement dangereux
dans la cour de récréation, comme le jeu du foulard ou autre jeu
sadique. En principe, c'est impossible dans un environnement Freinet,
mais pour des raisons diverses (un enfant qui vient d'arriver d'une autre
école, ou le fait que vous démarrez la pédagogie Freinet dans cette
école), cela peut arriver et il faut le savoir. Soyez donc extrêmement
vigilant au moment de la récréation et ne négligez aucune remarque
plus ou moins discrète d'un enfant qui cherche à vous prévenir qu'il se
passe de drôles de choses dans la cour. Si cela se produit, la seule
solution qui s'impose est une réunion de coopérative immédiate.

Le budget
On ne peut pas sortir loin de l'école sans argent pour des transports.
On a besoin de beaucoup de matériel pour une quantité d'activités. Il
faut de l'argent pour la correspondance. Etc.
Si vous vous contentez du budget annuel alloué par l'Etat et les
collectivités locales, vous ne ferez quasiment rien.
Commencez par adhérer à l'OCCE (Office central des coopératives à
l'école) : http://www.occe.coop/federation/nous-connaitre/locce
Cet office ne gère pas que les questions de finances, mais vous aide dans
ce domaine et vous apporte des informations et des outils précieux.

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Organisez des kermesses, tombolas, fête (payant pour les parents),
gâteaux, lotos (participation des parents volontaires). Bien entendu
cela alimentera votre cagnotte et, au passage, cela créera
progressivement une véritable communauté autour de l'école au sein
de laquelle vous pourrez nouer des liens décomplexés et déstressés
avec les parents sur d'autres thèmes que les progrès de leurs enfants.
Tous les dialogues en seront facilités.
Pour en revenir au budget, il est bien évidemment obligatoire de garder
une comptabilité rigoureuse des recettes et des dépenses, pour éviter
tout faux procès. Dès qu'on parle d'argent, les choses peuvent devenir
un peu compliquées, voire risquées... Pensez aussi à expliquer votre
démarche aux parents : à quoi va servir cet argent, quelles sont les
activités que vous projetez pour le faire rentrer, etc.

Les contacts avec les parents


Il y a deux méthodes : annoncer la couleur pour éviter les surprises...
ou pas, pour éviter les levées de boucliers ! Parfois, il vaut mieux faire
de la pédagogie Freinet sans le dire d'emblée, pour éviter de
déstabiliser les parents. Mettez-vous à leur place : leur enfant entre
dans la classe d'un jeune enseignant, c'est déjà un peu inquiétant pour
certains. Si vous leur annoncez en plus que vous n'allez rien faire
comme tout le monde... Aïe ! Il faut malheureusement reconnaître que
la pédagogie Freinet est très mal connue du grand public qui la dénigre
sans la connaître. Mettez plutôt toutes les chances de votre côté.
Annoncez des faits vrais et rassurants : vous allez traiter le programme
de façon scrupuleuse, les enfants seront actifs et vous allez vous
attacher à tenir compte des particularités de chacun. Annoncez aussi,
pour que les parents ne s'étonnent pas, qu'il n'y aura pas de devoirs à
la maison parce que la loi l'interdit depuis 1956. Mais précisez que
c'est en classe que l'on travaille. A la maison, on se repose, on joue, on

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se détend, on participe à la vie de la famille. Tout cela peut se dire dans
une courte lettre que les enfants emporteront chez eux le premier soir,
ou lors d'une réunion de rentrée.
Par la suite, vous pourrez commencer à parler de vos méthodes. Les
parents seront beaucoup plus réceptifs et ouverts à la nouveauté
quand ils auront vu que leurs enfants sont heureux et progressent, par
exemple grâce à une première exposition de travaux réalisés en classe.
Arrangez-vous pour qu'il y ait quelque chose d'intéressant à montrer
assez vite (résultat de recherche documentaire en commun, par
exemple, sous forme d'affichage de textes, dessins, photos, etc.).
Freinet lui-même suggérait cette démarche progressive lors d'une
conférence à Neufchâtel, en 1958 (retransmise en partie par France
Culture en 2013 et dont on peut lire les extraits ici :
http://ecolededemain.wordpress.com/2013/01/09/quand-freinet-
parle/).
“Ce que nous recommandons aux instituteurs, c’est de ne pas trop
parler aux parents. Mais ce qui réussit à 100%, c’est d’organiser une
classe-exposition vers février-mars, quand la classe a déjà bien
fonctionné. Dans la classe, on expose les travaux des élèves, les belles
peintures, les textes, tout ce qu’ils ont réalisé d’intéressant, et puis on
met la classe au travail. Un enfant est en train d’imprimer, l’autre
compose, l’autre grave un limolium, d’autres sont en train de peindre…
les parents rentrent et circulent, ils voient la forme nouvelle d’école.
‘Oh, c’est mon gosse qui peint ainsi ! Oh, c’est le mien qui grave ainsi,
mais je te croyais trop maladroit !’ Les parents sont satisfaits et s’en
retournent en disant qu’ils travaillent dans cette école. Nous leur
faisons toucher du doigt que tous les enfants ont des possibilités
énormes, il suffirait de mobiliser ces possibilités, ce que nous
tâchons de faire.”

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Les contacts avec les autres enseignants
Là encore, à vous de voir quel est le contexte. Mais pensez à deux
paramètres : 1) vous débarquez en terrain inconnu et 2) vous êtes
débutant(e). Sans vouloir noircir le tableau, nous faisons le choix, dans
ce livre, de dire ce que nous pensons vraiment. Les enseignants
“traditionnels” ne sont pas habitués à remettre leurs méthodes en
cause, surtout pas avec quelqu'un qui en est à ses débuts. Il est sans
doute inutile de les braquer d'emblée. Mieux vaut prendre le temps
d'identifier ceux qui, éventuellement, seraient disposés à travailler en
équipe au bout d'un certain temps.
Idéalement, la pédagogie Freinet se pratique dans une école entière,
en rassemblant les niveaux, et en travaillant en équipe. Si les conditions
ne semblent pas être réunies pour cela dans l'école où vous arrivez, ne
forcez rien mais ne restez pas seul. Rejoignez rapidement le groupe
Freinet de votre région pour pouvoir échanger sur vos pratiques,
demander des conseils et, éventuellement de l'aide ou du soutien.

Les correspondants
A quoi servent les correspondants ? A tant d'activités toutes plus riches
les unes que les autres ! (Voir le détail au chapitre VI). Mais d'abord
comment les choisir ?
Pour des petits, on choisit plutôt une école relativement proche, pour
pouvoir organiser plus facilement des échanges “en vrai”, des
invitations, des visites communes, des pique-nique, des goûters. La
proximité est aussi plus à l'échelle des jeunes enfants. Le monde
proche n'est déjà pas totalement clair dans leur esprit, inutile de leur
compliquer la vie avec le monde lointain. Mais ce n'est pas une loi. Et
avoir des correspondants dans un autre pays (francophone) peut

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justement servir à rendre concrètes des notions jusque-là très
abstraites : longues distances, décalage horaire, frontières, variations
de la langue...
Avec des plus grands, il y a moins de contraintes pour choisir et cela
dépendra de vos propres contacts ou des disponibilités.
Si vous n'avez pas encore de contacts avec une école, proche ou
lointaine, pour établir une correspondance, vous pouvez en chercher
une par le biais de l'ICEM :
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/correspondants

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V. Les premières semaines de classe
Le tout début
C'est très joli, tout ça... Mais maintenant, la date approche : vous allez
vous retrouver en classe avec les enfants. Dans l'école traditionnelle, on
dirait “Face à la classe”, avec ce que cela peut comporter d'angoisse
inutile (Face aux lions !!). Justement, ce qui va rendre l'expérience
enrichissante pour tous, c'est que vous allez mettre immédiatement en
place le fait que vous êtes AVEC la classe. Donc, pas d'inquiétude, mais
une bonne préparation, pour être à l'aise.
Cela commence par une bonne analyse des particularités des premiers
jours et une certaine préparation pour les prendre en compte
sereinement : avec des très jeunes, nécessité de les rassurer, parfois
même de les consoler. Avec tous, les intéresser dès le début, les mettre
en confiance, leur préciser le cadre, commencer à souder le groupe-
classe, instaurer le dialogue et le respect mutuel tout en découvrant
les enfants et leur personnalité.
Dès la rentrée, chaque enfant montre son caractère et apporte ses
attitudes et parfois ses difficultés particulières : enfant qui pleure,
enfant qui se renferme, enfant handicapé, enfant hyperactif, enfant qui

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veut marquer son territoire ou son pouvoir sur le groupe, enfant qui
teste l'enseignant, enfant capable de proposer seul des solutions pour
tout le groupe, enfant déjà autonome sur lequel vous allez pouvoir
vous appuyer pour donner l'exemple de la collaboration, etc.
Vous allez aussi montrer d'emblée quelle va être votre propre attitude.
Pas de fermeté excessive, bien sûr pas de cris, d'abus de pouvoir, mais
pas de laisser-aller non plus. Pas de surenchère avec les enfants qui
font visiblement juste un caprice : “Viens t'installer ici pour te calmer”
ou “Tu es excité et tu as besoin d'exercice. Tu fatigues tout le monde et
on ne s'entend plus. Va faire quelques tours de cour en courant, si tu
veux.” Tout est dans l'équilibre entre fermeté et gentillesse. Certains
très jeunes enfants ont vraiment besoin d'être consolés. Sans
“maternage”, vous leur offrirez une activité qui va les rassurer. La petite
fille mutique se mettra à parler à une marionnette.
Et vous verrez que, très vite, votre problème sera plutôt les enfants qui
ne veulent pas partir de l'école que ceux qui ne veulent pas y venir !

Un premier jour possible


Pour permettre un petit dialogue avec les parents sans que les enfants
touchent à tout dans la classe, il est préférable de faire l'accueil dans
la cour. L'entrée en classe se fait ensuite dans le calme... mais pas en
régiment. C'est la vie qui entre en classe, donc on ne peut pas
demander aux enfants de se mettre en rang, d'entrer sans parler, de
s'asseoir, de se taire et de ne plus bouger pendant des heures ! Mais le
calme est nécessaire pour que tout le monde puisse parler et que
personne ne soit obligé de crier.
Au CP, une première activité formidable consiste à proposer aux
enfants de retrouver l'étiquette où est marquée leur prénom. Vous
aurez préparé ces étiquettes à l'avance et elles seront posées sur les
tables avant l'entrée des enfants. Les enfants cherchent, bougent, se

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croisent, se parlent. Presque tous, à cet âge reconnaissent déjà leur
prénom : vous commencez donc par leur demander un exercice un
peu difficile mais faisable et qu'ils vont réussir !
Autre point fort : cela remplace le traditionnel appel puisqu'on voit
quelles sont les étiquettes délaissées... mais en beaucoup plus
chaleureux et moins administratif !
Une fois tous les prénoms retrouvés, il n'est pas obligatoire de s'asseoir
à la place où se trouvait son étiquette. Laissez faire les affinités.
Pendant ce temps, les plus grands peuvent aussi s'asseoir où ils veulent et
écrire leur nom sur une étiquette qu'ils épingleront sur leur poitrine,
comme pour une conférence très sérieuse. S'ils ont fini, ils peuvent
éventuellement aider ceux des plus petits qui seraient encore en difficulté.
Quand tout le monde est assis, c'est le moment de vous présenter et de
parler de la façon dont vous allez travailler ensemble. Les enfants
seront contents de découvrir qu'ils vont pouvoir décider de beaucoup
de choses, et qu'ils vont pouvoir raconter ce qu'ils voudront et parler
de ce qui les intéresse. Ils pourront apporter à l'école ce qu'ils
voudront, pour que les autres enfants en profitent. Ils pourront poser
des questions et vous leur expliquez le rôle de la boîte aux questions
: une boîte dans laquelle chacun peut déposer une question rédigée et
signée (écrite par vous sous leur dictée pour les petits). En fin de
semaine, par exemple au début de la réunion de coopérative, on ouvre
la boîte aux questions et on répond tous ensemble. Les questions
peuvent porter sur un fonctionnement de la classe, une attitude d'un
enfant, un problème particulier ou tout autre sujet de préoccupation
d'un enfant ou d'un groupe.
Puis c'est au tour des enfants de se présenter. Qu'aiment-ils faire ? Que
n'aiment-ils pas ? En quoi chacun est-il un champion ? Il ne s'agit pas
forcément des disciplines officiellement répertoriées comme scolaires :
cela peut être le bricolage, le vélo, la course, le dessin, le chant,
reconnaître les voitures... Au fur et à mesure, vous notez les présents,

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sans avoir eu besoin de faire l'appel. Vous pouvez aussi noter quelques
remarques liées à chaque enfant, pour les (re)connaître le plus rapidement
possible. Essayez de les appeler très vite chacun par leur prénom.
Pour enchaîner avec les CE, ils peuvent écrire ou dessiner ce qu'ils
pensent de ce qui vient de se passer dans la classe depuis ce matin.
Pour les CM, cela peut se faire sous forme de dialogue.
Puis, pour tous, on passe à un moment essentiel : la visite des ateliers.
Vous n'en aurez préparé que quelques-uns pour le début. Ne
présentez pas tout. Mais choisissez ceux qui vont pouvoir captiver les
enfants et leur permettre de faire, dans les semaines qui viennent, des
travaux et des réalisations susceptibles de conquérir aussi les parents.
L'avantage de cette visite des ateliers est multiple : les enfants sont de
nouveau debout, ils se déplacent, leur curiosité est éveillée, ils
découvrent des activités intéressantes. Bref, ils deviennent attentifs et
ont envie de commencer à travailler.
Au moment de la récréation, observez : vous allez découvrir les
caractères, les comportements en groupe. Vous allez aussi trouver des
occasions de calcul, de discussion, d'écriture et de lecture directement
liées à ce qui s'est passé dans la cour. Une façon idéale de montrer
d'emblée que tous les travaux seront connectés au vécu des enfants.
C'est ce qui est fabuleux aussi pour vous, dans la pédagogie Freinet :
vous vous levez le matin et vous vous dites “Qu'est-ce qui va se passer
aujourd'hui ?” Ça, c'est la joie du métier !
Reprise de la classe. Surtout si vous avez une classe à niveau multiple,
vous avez besoin de découvrir à peu près le niveau des enfants pour
leur proposer des activités adaptées. Pour certains enseignants, cela
n'intervient pas si tôt. Ils préfèrent travailler d'abord sur la cohésion
du groupe et sur la mise en place d'un bon fonctionnement, par la
stimulation de l'intérêt des enfants.
Si vous optez pour la recherche du niveau, au CP ils peuvent se
compter (avec les doigts comme référence, ce qui ne signifie pas

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compter SUR les doigts). On dessine au tableau : une main, un enfant
en face de chaque doigts. Il faut une main plus une autre main plus un
doigt, plus un doigt. C'est le début du comptage et de l'addition, mais
au plus près de l'enfant lui-même puisqu'on passe par son corps.
Au CE et au CM, il est possible de faire une petite recherche pour
savoir où ils en sont : un jeu oral de calcul (préparé à l'avance ou lié à
ce qui s'est passé lors de la récréation), ou une activité de lecture, sur
des documents préparés la veille et où vous avez pris soin d'introduire
les noms des enfants.
Au cours de la matinée, un premier enfant va avoir envie d'aller aux
toilettes. C'est l'occasion de présenter un outil de simplification de la
vie de la classe : le disque de circulation pour aller aux toilettes, vert
d'un côté, rouge de l'autre, suspendu à hauteur d'enfant près de la
porte. Expliquez qu'on ne lève pas le doigt, on ne demande pas la
permission, on ne dérange pas tout le monde, mais il ne doit y avoir
qu'un enfant sorti à la fois… Donc lorsqu'on sort, on tourne le disque
pour que sa face rouge soit visible et, lorsqu'on revient, on le remet
face verte visible.
De même, les activités de la matinée vont démontrer la nécessité de
prendre en charge certaines tâches : ranger du matériel, effacer le
tableau, etc. N'en parlez pas sur le moment pour ne pas perturber
l'activité en cours, mais reprenez-les lorsque c'est fini, pour parler
avec les enfants du partage des responsabilités. Elles seront choisies
et listées au tableau avec les enfants. Vous en préparerez la liste
complète le soir pour en parler et la répartir le lendemain. La liste
pourra d'ailleurs être augmentée ultérieurement lorsque les besoins
se feront sentir.
Chaque enfant volontaire prendra une responsabilité en charge, par
exemple pour une semaine, puis il y aura une rotation. Le tout sera
précisé en utilisant un tableau que vous pourrez présenter le
lendemain.

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En réunion, à la fin de la semaine, toute la classe discutera au sujet de
ces responsabilités et de la façon dont le groupe pense qu'elles auront
été bien ou mal prises en charge. Ce sera la première occasion de
mettre en œuvre l'autoévaluation et l'évaluation entre pairs.
La matinée est déjà finie. Vous ne l'avez pas vue passer. Les enfants
non plus. Ils peuvent laisser leur étiquette de prénom à leur place pour
la retrouver cet après-midi.
L'après-midi, quand tous les enfants sont entrés en classe, vous vérifiez
ensemble qu'il n'en manque pas depuis ce matin. C'est l'occasion de
reprendre avec les petits l'activité de lecture du matin, par exemple en
affichant toutes les étiquettes au tableau. Les enfants font des
observations, en groupe (“La première lettre de Ludovic, c'est la même
que la mienne”) et chacun retient ce qu'il peut et apprend au fur et à
mesure, à son rythme.
Pendant ce temps, les plus grands écrivent et/ou dessinent ce qu'ils
ont pensé de la matinée.
Ensuite on peut en parler en grand groupe. Il y a peut-être des questions
ou des commentaires. Mais cela ne doit pas prendre trop de temps.
S'il fait beau et qu'on est à la campagne, ce serait beaucoup mieux de
faire une sortie préparée, c'est à dire qu'elle commencerait par une
discussion sur ce qu'on va trouver si on va par ici ou par là. Il est plus
facile d'appliquer la pédagogie Freinet à la campagne, non pas
seulement à cause des possibilités, mais à cause des accompagnateurs
obligatoires. Parents volontaires qui ne travaillent pas ou pas tout le
temps ? Personne salariée par la mairie ? Il faut trouver une solution
rapidement, si possible avant la rentrée, car de nombreuses activités se
feront en dehors de l'école. Cueillettes, observations, ramassages,
enquêtes, etc. à exploiter en classe.
Pour cette première sortie, écrivez les réflexions des enfants, en route.
Elles sont souvent pleines de poésie chez les petits et de bon sens chez
les grands. “La mouche, elle lave son linge avec ses pattes sur son dos”

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ou “La fourmi, elle a un ventre comme une goutte”. Ces réflexions,
signées de leur auteur, constitueront vos prochains supports de
lecture. Notez aussi ce qui va pouvoir faire l'objet d'un exercice de
calcul, d'une activité de géographie, de sciences. Notez les idées qui
vous viennent pour traiter une partie du programme. Etc.
N'oublions pas les autres atouts de la sortie dans la campagne :
exercice physique, grand air. Tout le monde rentre content, détendu, et
plein d'attente pour le lendemain.
Et voilà : votre classe est engagée sur la bonne voie. La dynamique est
lancée. Il faut organiser et approfondir, ne pas vous laisser embarquer
par le ludique, garder du recul et de la rigueur.

La suite : une journée type


Inutile d'insister : cette journée type n'est donnée, comme pour tout
notre livre, qu'à titre d'exemple. De plus, elle n'a rien d'immuable : si le
facteur apporte un colis, si un enfant vient avec un animal blessé, on
traite cela tout de suite. Il y a en revanche des choses que l'on remet à
plus tard (les questions qui vont dans la boîte à question, les “j'ai fait
ci ou ça” qui seront traités dans des textes libres ou discutés plus tard
dans la journée, etc.).
L'entrée en classe se fait comme on entre n'importe où, dans le calme,
mais pas en rang. Et le dialogue commence tout de suite car les enfants
sont heureux de vous retrouver et d'apporter en classe leur vie de
l'extérieur, comme ils apportent à l'extérieur leur vie en classe.
On s'occupe rapidement des présents et des absents. Mais c'est le
responsable qui s'en charge.
Le texte libre sert à commencer la journée car il apporte du matériau
neuf, non seulement pour la lecture, mais aussi, éventuellement, pour
des travaux dans n'importe quelle matière. Dans certaines classes, on
appelle cette séance le “Quoi de neuf ?” Raconté par les petits (pas

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tous les jours, mais affiché dès le lendemain, écrit en gros par
l'instituteur), il est lu par les plus grands. La sélection du texte sur lequel
on va travailler se fait démocratiquement : la classe vote. L'imprimerie
est aussi une activité fréquente : environ 3 fois par semaine. En
alternance, on travaille en français sur un point précis, ou sur la lettre
aux correspondants.
Le responsable des cahiers rend les cahiers portant vos annotations.
Pendant que les grands regardent leurs annotations, vous travaillez
avec les petits (lecture ou copie du texte ou écriture de son nom sous
le dessin libre).
Pour les grands, c'est le moment de correction individuelle, des
exercices avec les fichiers autocorrectifs, les livres de grammaire, de
calcul, etc. dont vous avez noté les références dans la marge sur les
cahiers. Rappelons que les corrections et les annotations ont pour but
de faire progresser l'enfant, non de le censurer. Elles comportent donc
à la fois des encouragements et des indications précises sur des
exercices à faire pour surmonter une difficulté ou corriger une erreur.
Au retour de la récréation, les grands font du calcul mental et
expliquent le raisonnement qui leur a permis d'arriver au résultat, car
c'est le plus important et chaque enfant a sa façon de comprendre.
Pendant ce temps, les petits peuvent illustrer le texte du matin ou
travailler dans les ateliers.
En début d'après-midi, les petits reprennent une activité de lecture au
début de l'après-midi. Les grands peuvent faire une autodictée à partir
d'un poème ou de quelques phrases apprises.
Mais l'essentiel de l'après-midi est consacré aux ateliers, au sport, aux
sorties préparées et, éventuellement, à la participation à un concours.
C'est aussi l'après-midi que les enfants illustrent les textes pour le
journal et le cahier de poésie.

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VI. Les pratiques fondamentales
La correspondance
La correspondance est l'une des pratiques les plus riches de la
pédagogie Freinet. Chaque enfant a SON correspondant. S'il n'y a pas
exactement le même nombre d'enfants dans les deux classes, deux
enfants volontaires peuvent avoir le même correspondant, volontaire
lui aussi. Ou on change la répartition au bout d'un trimestre. Mais
toujours après discussion avec les enfants, bien sûr.
Au départ, la répartition peut être faite par les enseignants en fonction
de ce qu'ils connaissent du niveau et des goûts, des qualités ou défauts
particuliers des uns et des autres. Voilà pourquoi on ne met
généralement pas cette activité en place avant quelques semaines.
Mais la réparition peut aussi se faire en réunion de coopérative, par
exemple après que chaque enfant des deux classes ait fait son
autoportrait ou sa lettre de présentation (ce qu'il aime, comment il vit,
etc.).
Les échanges se font par lettres individuelles et, à d'autres moments,
par lettres collectives. On peut aussi utiliser Skype ou le courrier
électronique. Les petits qui ne savent pas encore écrire dictent leurs

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lettres à l'enseignant ou aux plus grands. Ils peuvent en recopier des
morceaux.Les grands écrivent quand et comme ils le veulent, mais se
relisent avant l'envoi et vérifient avec l'enseignant. Il peut y avoir une
date fixe programmée d'un commun accord pour le prochain envoi,
et chacun prépare à son rythme ce qu'il veut envoyer. La lettre aux
correspondants est donc en fait le plus souvent un colis, qui contient
des écrits, des dessins, des réalisations, des objets locaux, etc.
On voit immédiatement tous les apports et toutes les qualités
pédagogiques et humaines de cette activité.
• Cela donne un rôle utile et un contenu affectif et intéressant à
l'écriture, à la lecture et à la relecture pour rendre les textes
parfaitement présentables. Ces apprentissages ne sont plus ni
déconnectés de la réalité ni assortis des brimades et des pensums
habituels (la dictée censure, la note éventuellement humiliante, les
corrections ennuyeuses...). Les enfants lisent leurs propres textes et
ceux de leurs copains.
• Cela demande d'organiser son discours et d'être clair dans ses
explications car on doit être compris à l'arrivée.
• Cela permet de faire toutes sortes d'activités interdisciplinaires :
géographie, calcul, arts, histoire, SVT, technologie, en fonction de ce
que nous font découvrir les correspondants.
• Cela ouvre les portes à une infinité de recherches documentaires.
• Cela peut déboucher sur des expériences, des approfondissements,
des découvertes...
Bref, c'est une véritable mine, qui, au passage, vous fera traiter une
grande partie du “programme” d'une façon si passionnante pour les
enfants que ce sera acquis et bien acquis, le plus souvent sans avoir
besoin d'y revenir.
La correspondance donne également lieu à des déplacements. Selon
les budgets qui vous sont alloués ou que vous réussissez à réunir, vous
organiserez des visites plus ou moins fréquentes, en faisant héberger

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chaque enfant dans la famille de son correspondant. Non seulement
ces voyages sont des moments de vie sociale et personnelle riche
d'expériences (rencontres, timidité à surmonter, éloignement court de
la cellule familiale, etc.), mais ils constituent des sources inépuisables
d'activités ultérieures, grâce à la découverte d'autres traditions, cuisines,
coutumes, activités économiques dominantes, accents, paysages,
architecture, même de région à région.
Au passage, ils permettent de renforcer les liens du groupe-classe et ils
favorisent l'autonomie des enfants et l'entr'aide entre les plus
autonomes et les autres.
Pour des informations complémentaires, nous ne pouvons que vous
renvoyer une nouvelle fois à l'ICEM :
http://www.icem-freinet.fr/archives/pc/pc-cor/pc-cor.htm

Le journal et l'imprimerie
Le journal est lui aussi un formidable support de travail qui correspond
exactement à la formule de Freinet selon laquelle l'enseignement se
résume à trois mots : “ Motivation / expression / communication”.
• Il fait travailler les enfants sur leurs propres textes et dessins.
• Il valorise leurs productions.
• Il constitue un but et un cadre régulier, connu, pour le travail de
groupe. Il donne des dates butoirs, des impératifs à respecter.
• Il permet d'établir des liens entre la classe et les parents auxquels il
présente, en le mettant en valeur, le travail de leurs enfants.
• Il peut faire partie des échanges avec les correspondants.
• Il constitue une trace intéressante de la vie de la classe, année après
année.
Au temps de Freinet, le journal était imprimé sur une petite presse après
compostage du texte lettre par lettre... à l'envers en vérifiant dans un
miroir. Ces exercices avaient d'évidents avantages en ce qui concerne

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l'observation minutieuse des textes, l'attention, l'habileté manuelle, etc.
Malheureusement, on ne trouve plus ce type de presse dans le commerce.
Bien sûr l'ordinateur et l'imprimante sont là pour la remplacer. Le clavier,
en particulier, présente un énorme avantage : il permet à ceux qui ne
maîtrisent pas encore bien les gestes de l'écriture d'écrire des textes
lisibles par tous. Pour la mise en page, les enfants comprennent très
vite l'utilisation du logiciel de traitement de texte. Et il est beaucoup
moins salissant d'utiliser l'imprimante que d'encrer la presse !
Le blog a également fait son entrée dans la classe Freinet. Parfois, c'est
l'enseignant seul qui le tient. Parfois, c'est toute la classe. Un écueil :
lorsque l'on clique sur le lien d'un blog de classe Freinet, on arrive trop
souvent sur quelques pages tristes délaissées depuis plusieurs mois.
La discipline que demande la tenue régulière d'un blog est difficile à
tenir. Il est donc important de n'engager cette activité que si l'on est
fermement décidé à la mener à bien et à la faire durer.
La sélection des contenus, la relecture, l'illustration, la saisie, la mise en
page, la nouvelle relecture, la correction, la reliure... autant d'activités
et de responsabilités à répartir de façon à ce que chaque enfant ait
accès à toutes les étapes à tour de rôle s'il le veut. Le travail se fait
beaucoup par petits groupes. Au bout de quelque temps, l'enseignant
n'intervient que pour aider si on le lui demande, pour vérifier
l'orthographe avant l'impression en plusieurs exemplaires, et pour
s'assurer que chaque enfant a, de temps en temps et le plus souvent
possible, un texte ou un dessin publié, portant sa signature.
Pour ce qui est des contenus, il s'agit de textes libres des enfants
sélectionnés par eux-mêmes, de leurs dessins et photos, et de textes
racontant les événements marquants de la vie de la classe pour la
période écoulée depuis le numéro précédent.

Le journal est vendu par les enfants à leurs parents, à leur famille, à
leurs voisins... L'argent récolté alimente la caisse de la coopérative.

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La coopérative
Le terme de coopérative désigne d'abord l'organisation rigoureuse
dans le cadre de laquelle vous allez générer et gérer un budget destiné
à compléter le budget insuffisant alloué par l'Etat et les collectivités
locales. La pédagogie Freinet demande en effet de pouvoir acheter des
outils, des graines, des matériaux pour le dessin, la sculpture, la
musique, du papier pour le journal, etc. La correspondance a besoin de
timbres. Les échanges et les petits voyages coûtent cher. Tombolas,
fêtes, kermesses où vous vendrez des gâteaux, vente du journal, de
cartes de vœux... tout cela constitue un petit budget que vous devez
gérer avec une rigueur irréprochable pour éviter les critiques et la
contestation. Tenez un cahier précis des rentrées et des sorties et
demandez à un parent d'élève de participer à la gestion.
Adhérez à l'OCCE (Office Central des Coopératives à l'école) :
http://www.occe.coop/federation/nous-connaitre/locce
L'OCCE est l'organisme national qui fédère la vie et l'action
pédagogique de la plupart des coopératives scolaires de l'école
primaire et d'un grand nombre de foyers coopératifs de collèges et de
lycées. Vous y trouverez des informations, comme par exemple “Droits
et devoirs du mandataire de la coopé”, des formations (coopération et
gestion de conflit, organiser un jardin coopératif, construction de
l'identité sexuée, etc.), des exemples de projets menés ailleurs et par
d'autres, des contacts, des documents…
Le mot de “coopérative” désigne aussi le groupe social que forme la
classe et l'enseignant. On parle ainsi des réunions de coopérative : ce
sont les rassemblements hebdomadaires où sont prises les grandes
décisions à travers des discussions et un vote.
Un président de coopérative est élu par la classe pour un mois, choisi
parmi les enfants. Certains se présentent. D'autres sont plébiscités.
Leur rôle est de donner la parole pendant les réunions, de veiller (avec

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votre aide si nécessaire) à la bonne marche des débats, d'émettre des
propositions pour le bien du groupe. Il est aussi responsable de la
discipline dans la classe non seulement au cours des réunions mais
tous les jours.
Lors des réunions, la classe commence par vérifier la bonne prise en
charge des responsabilités des uns et des autres. Elle ouvre la boîte
aux questions et tente d'y répondre collectivement ou convient d'une
façon de chercher la réponse et désigne celui ou celle qui s'en chargera.
Elle parle les grandes sujets du moment : un concours, un événement
particulier, un conflit, la préparation de la fête, ou toute autre question
qui concerne tout le monde. Elle traite les remarques du tableau “je
félicite, je critique, je propose”, affiché dans la classe et rempli
librement par les enfants. Elle organise le travail scolaire et la
pédagogie de contrat au moyen du plan de travail. Elle procède à des
votes, à main levée ou à bulletin secret. La réunion de coopérative est
donc le lieu essentiel de la vie démocratique de la classe.

Le plan de travail
Cette activité ne concerne pas les tout-petits, mais ils assistent aux
discussions et se familiarisent progressivement avec le principe. Les
grands annoncent, lors de la réunion de coopérative, les travaux qu'ils
s'engagent à faire dans la semaine. Cela se réfère en général aux
annotations de leurs cahiers : ils savent qu'ils ont besoin de travailler
tel ou tel point pour progresser et décident de le faire dans tel ou tel
ordre. Il s'agit de ce que l'on appelle aussi la pédagogie de contrat.
C'est l'enfant lui-même qui s'engage et qui viendra montrer à
l'ensemble de la classe le résultat de son travail au cours de la réunion
suivante. Ce travail sera évalué par lui-même et par le groupe. Pour ce
travail, il s'appuiera le plus souvent sur les fichiers autocorrectifs et sur
les livres de référence de la bibliothèque de la classe. Mais ce travail

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n'est pas forcément que scolaire au sens traditionnel du terme. Il peut
aussi concerner telle ou telle réalisation dans un atelier, telle recherche
documentaire. Il peut aussi engager plusieurs enfants décidés à
collaborer sur un projet commun. Au cours de la réunion, chaque enfant,
appelé par le président, explique donc aux autres où il en est, ce qu'il a
fait par rapport à son plan de la semaine passée et ce qu'il n'a pas fait.
Puis il propose son plan pour la semaine suivante. Une discussion plus
ou moins courte s'ensuit. L'enfant écrit le plan définitif : ce sera son
programme minimum pour la semaine.

Le texte libre
L'activité porte toutes sortes de noms : selon les classes et les
enseignants, on l'appelle “Récit du matin” ou “Je présente” ou
simplement “Texte”, qu'il s'agisse de quelque chose de lu ou dit. On
rencontre aussi l'appellation “Quoi de neuf ?” pour une version le plus
souvent uniquement orale. Mais c'est toujours le même principe et les
mêmes buts. Cela dure environ une demi-heure, pendant laquelle se
succèdent les enfants qui veulent raconter (et éventuellement montrer)
quelque chose à la classe. Seuls les volontaires le font. Au début, cela
peut être un peu difficile car il est intimidant de parler devant un
groupe. Heureusement, il y a toujours un ou deux enfants plus
expansifs et moins timides que les autres : ils passeront en premier, il
faudra peut-être même les freiner en leur suggérant de laisser le temps
à d'autres de s'exprimer. Ils serviront de déclencheurs. Vous leur
montrerez, au début, comment on s'adresse à un groupe, en
demandant et en attendant d'abord le calme et le silence. Chaque
enfant doit être attentif et regarder celui ou celle qui va lire ou raconter.
Surtout au début, les enfants auront tendance à ne parler qu'à vous, à
chercher votre assentiment. Pour éviter cela, suggérez de s'adresser à
tout le monde, en se tournant pour regarder les uns puis les autres.

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Mettez-vous un peu en retrait, sur le côté, pas derrière l'enfant pour
qu'il ne se sente pas “épié”.
Ce qui est dit ou lu ou montré peut faire l'objet d'un court dialogue, si
certains enfants posent des questions ou ne comprennent pas tout.
Cela oblige l'enfant qui parle à expliquer clairement, sans que vous
ayez besoin d'intervenir pour corriger sa façon de s'exprimer, ce qui
évite de l'inhiber.
Le contenu pourra servir de point de départ à un travail de création ou
de recherche pour l'élève qui parle ou un petit groupe de volontaires
ou même toute la classe s'il s'agit d'un sujet jugé important et riche. S'il
s'agit d'un texte écrit, plébiscité par la classe, il fera l'objet des travaux
de lecture de la journée ou même des jours suivants. Ces textes
peuvent être écrits par les enfants à tout moment libre dans la classe
ou à la maison. Rien à voir avec un devoir imposé puisqu'il s'agit de
volontariat.
Les avantages du texte libre sont nombreux :
• Ils offrent aux enfants l'occasion de s'exprimer sur ce qu'ils veulent.
• Ils sont des exercices d'écriture motivés. L'écriture étant prise ici à
son double sens de geste graphique et de composition de texte
narratif, documentaire, poétique, etc.
• Ils fournissent des supports de lecture directement liés au vécu des
enfants.
• Ils sont une source de dialogue entre les enfants.
• Ils constituent la matière de base pour le journal et le point de départ
d'un grand nombre d'activités (recherche documentaire, expériences,
enquête...).
• Ils permettent de mieux connaître les goûts et la personnalité de
chaque enfant.
• Ils donnent parfois des informations intéressantes au sujet de la vie
familiale. Il ne s'agit bien entendu pas d'indiscrétion mais de lien entre
la vie à l'école et la vie dans la famille. Cela peut aussi vous alerter ou

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vous donner l'explication d'un comportement étonnant de l'enfant, en
cas de grave problème familial ou d'événement susceptible de le
perturber.
Bref, il s'agit d'une activité si riche qu'elle a fait l'objet d'un livre entier
de Célestin Freinet, épuisé aujourd'hui, mais que l'on trouve encore
d'occasion ici ou là.

Le tâtonnement expérimental
Le tâtonnement expérimental est une composante emblématique de la
pédagogie Freinet. Elle est la concrétisation même de l'anti-cours
magistral. Non seulement les connaissances ne sont pas fournies
toutes prémâchées par l'enseignant à des élèves quasi inactifs qui
doivent les ingurgiter le plus rapidement possible sans trop se poser de
questions, mais ce sont les enfants eux-mêmes qui cherchent ces
connaissances, par tâtonnement, comme des scientifiques dans un
laboratoire. D'où le terme d'expérimental. Ils émettent des hypothèses,
inventent et mènent à bien les expériences qui vont leur permettre de
confirmer ou d'infirmer ces hypothèses, puis tirent des conclusions
avant de passer à l'hypothèse suivante qui découle de ces conclusions.
L'enseignant ne les guide pas, il se contente de les observer, d'être là
s'ils ont besoin de lui, de mettre à leur disposition la documentation et
le matériel nécessaires et de faire de la maïeutique : il pose de temps en
temps la question qui va leur permettre de rebondir, il souligne une
remarque utile d'un des enfants, pour qu'elle soit prise en
considération par le groupe. C'est justement le groupe qui, en
interagissant, avance. L'idée de l'un est complétée ou remise en cause
par un autre. Un dialogue s'ensuit. Qui fait naître d'autres idées. Le
savoir se construit peu à peu, presque sans l'apport de l'adulte. Au
passage, c'est toute une pratique de la recherche d'information, de la
rigueur d'analyse et d'observation et de l'esprit critique qui s'installe

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et se cultive. Les enfants Freinet font des adultes qu'on ne peut pas
manipuler si facilement que ça !
En pédagogie Freinet, les enfants ne sont donc pas seulement acteurs
de leurs apprentissages mais même auteurs. Ces apprentissages leur
appartiennent. Ils les ont construits. Bien entendu, ils s'en souviennent
pour toujours, sans avoir besoin d'apprendre des résumés par cœur.

La méthode naturelle pour l'apprentissage


de l'écriture et de la lecture
Le tâtonnement expérimental est également applicable à l'appren-
tissage de l'écriture et de la lecture. Célestin Freinet partait de
l'observation de l'enfant qui apprend à marcher en se dressant sur les
genoux, puis en se cramponnant à un meuble, puis en se lançant sans
appuis quand il se sent prêt. Au début, il tombe souvent. Ce sont des
erreurs d'équilibre qu'il apprend seul à surmonter, en tirant parti de
ses expériences. L'enfant qui apprend à écrire doit pouvoir faire de
même : lorsqu'il fait un dessin, l'enseignant note ses réflexions dans la
marge (“Là, j'ai fait un poisson. Et là un bateau de pêche...”). L'enfant
comprend intuitivement le rôle du texte écrit et l'apport
supplémentaire qu'il constitue. Parfois, il se met à gribouiller des signes
abstraits en complément de ses dessins. Il dit “Là, j'ai écrit XXX”.
Parallèlement, il apprend à reconnaître et à tracer les lettres de son
prénom, de celui de son meilleur copain. Ils reconnaît ces lettres dans
les textes libres écrits par l'enseignant sous la dictée des enfants.
Au bout de quelques semaines, on commence à faire des listes de sons
retrouvés dans plusieurs textes et reconnus par les enfants. Des listes
collectives au tableau et individuelles sur le cahier de chaque enfant,
écrites par l'enseignant au début (GA : gâteau, gagner, agaçant, etc.).
Les lectures collectives, au tableau, permettent à chacun d'avancer à
son rythme, dans le calme, en s'imprégnant des découvertes faites par

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d'autres, plus avancés, ou en voyant/écoutant lire les plus grands. Le
fait que ce qui est lu fasse partie de la vie des enfants et de la classe
enseigne aussi le fait qu'un texte est un message, qu'il a un sens que l'on
peut reconnaître et transmettre (par exemple dans la lettre aux
correspondants). Non seulement on peut raconter un événement à
travers un texte écrit, mais les correspondants pourront le retrouver et
le comprendre alors qu'ils n'étaient pas là. Ils l'ont compris, puisqu'ils
en parlent dans la réponse !
On est donc bien loin du simple déchiffrage dépourvu de sens. Et les
séances d'écriture et de lecture, au lieu d'être des séances de torture
deviennent des enquêtes passionnantes : on cherche des indices dans
le contexte, dans les lettres et les syllabes que l'on reconnaît, dans la
logique des phrases.
Les seuls contrôles individuels se font pendant la récréation avec un ou
deux enfants successivement. En leur proposant de lire quelques mots
choisis spécialement en fonction du niveau de chacun, l'enseignant
vérifie où en est l'enfant et s'il a progressé. Une remarque importante :
cette progression ne se fait pas de façon linéaire et uniforme. Il y a des
retours en arrière, des paliers, des bonds en avant spectaculaires. Et puis
un jour tout bascule et l'enfant sait lire et se met à dévorer tout ce qui lui
tombe sous la main avec l'appétit de celui qui a choisi par lui-même.

L'apprentissage par l'usage de l'orthographe


et de la grammaire
Le plus important, dans un texte, c'est le contenu. Toute correction se
fait sur des textes des enfants ou sur ceux dont ils ont besoin pour un
sketch, une pièce de théâtre. De ce fait, on est toujours en situation
authentique. Rien n'est gratuit. Tout a une raison, une justification. Et
si l'on veut que la grammaire ou l'orthographe soient correctes, c'est
tout simplement parce que le texte doit être compris par tous.

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Dans la pratique, pour arriver à des textes parfaitement corrects, on
utilise plusieurs outils chez Freinet.
• La grille de relecture personnelle, que l'enfant enrichit
continuellement, est une liste des points sur lesquels il fait
généralement des erreurs. A la fin de l'écriture d'un texte, l'enfant
consulte sa liste et vérifie chaque point précis sur son texte. La liste
peut être numérotée, pour que l'enseignant puisse y faire référence
lorsqu'il fait la dernière correction, s'il reste des erreurs que l'enfant n'a
pas rectifiées.
• La liste personnelle d'orthographe d'usage. Elle se construit de la
même façon que la grille de relecture, à partir des erreurs de l'enfant.
Celui-ci la regarde périodiquement, y puise quelques mots pour une
autodictée, y revient comme dans un dictionnaire personnel.
• La mise au propre. Lorsque la relecture et la correction sont terminées
et validées par l'enseignant, l'enfant recopie son texte avec le plus
grand soin et compare la dernière mouture avec le texte d'origine
comportant les corrections.
Et la star de l'enseignement traditionnel ? la dictée ? Telle qu'elle est
pratiquée habituellement, ce n'est pas un moyen d'apprentissage, mais
un outil de contrôle... et de censure. Chez Freinet, la dictée, quand elle
existe, est toujours préparée. Elle peut prendre plusieurs formes.
• L'autodictée est faite, comme son nom l'indique, par l'enfant lui-même
sur une ou deux phrases qu'il a apprises auparavant, éventuellement
à la maison. Ainsi, il a pu prendre le temps de regarder le texte, de le
comprendre et d'enregistrer les accords, l'orthographe d'usage des
mots complexes, etc.
• Une deuxième option consiste en un texte lu par l'enseignant puis
dicté, mais en s'arrêtant à chaque difficulté et en posant des questions
à toute la classe : ça, ça va s'accorder avec quoi ? Pourquoi ? Combien
y a-t-il de l ? Etc. Le but est ouvertement d'apprendre. Ensemble.
• La dictée-conversation est une variante de la précédente. Lorsqu'un

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enfant bute sur quelque chose, il pose la question à la classe. Ceux qui
savent et surtout qui ont des arguments donnent leur solution. Ici
encore il y a mutualisation du savoir et dialogue.
Pour de plus amples explications, voir le texte de Catherine Chabrun,
Rédactrice en chef du Nouvel Educateur, sur l'orthographe en
pédagogie Freinet :
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/26338

Le lien avec la nature


Idéalement, l'école Freinet se fait dans un village. Il faut pouvoir sortir
fréquemment et facilement en balade, observer les plantes, les
animaux, le rythme des saisons, les écosystèmes, l'évolution de
l'environnement... Il faut pouvoir faire des récoltes et cultiver un
potager. Bien entendu cela n'est pas toujours possible. En ville, il existe
des solutions de rechange comme le jardin communautaire. La
création d'un tel lieu peut même faire l'objet d'un grand projet riche en
activités, en enseignements et en expériences de vie sociale.
L'observation de la nature se fait toujours de façon “scientifique” : on
prend des notes, des photos, on fait des hypothèses, des réflexions, on
dialogue, on mesure, on se pose des questions auxquelles l'instituteur
ne répond pas. Ce sont des enfants qui sont chargés de répondre en
allant chercher l'information. Vous pouvez aider à trouver la
documentation et vous donnez les dernières informations si elles se
révèlent réellement introuvables.
Attention à utiliser Internet de façon mesurée. D'une part l'information
y apparaît parfois déjà “toute mâchée” ; d'autre part selon le contexte
où elle se trouve et les personnes qui la donnent, cette information
n'est pas forcément toujours exacte. C'est une bonne occasion pour
apprendre aux enfants à douter de ce qu'ils lisent, de ce qu'on leur
affirme. Il faut toujours recouper les informations, les contester avant

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de les valider, vérifier qui s'exprime et s'il est qualifié pour le faire.
Le lien avec la nature a de multiples qualités : il fait physiquement du
bien aux enfants ; il leur donne l'occasion de manipuler, d'observer,
d'être surpris et émerveillés ; il est une source inépuisable de sujets
d'exposés, de récits. De plus, lors d'une promenade, les enfants peuvent
être laissés plus libres dans la nature que sur un trottoir !
Il est intéressant de constater que cette nécessité du contact avec la
nature se retrouve très souvent dans la pédagogie active. Maria
Montessori préconise même une immersion totale des adolescents
dans la campagne, où ils devraient s'occuper d'une ferme autogérée,
d'élever des animaux et de faire pousser des plantes.

Les pratiques artistiques


C'est Elise Freinet qui a donné toute sa dimension au travail artistique
dans la pédagogie Freinet. Elle a développé la pratique du dessin libre
en lui donnant autant d'importance qu'au texte libre. Elle préconisait
de mettre à la disposition des enfants toutes sortes de supports, de
leur présenter une grande diversité de techniques, de matières à
travailler : papier mâché, terre glaise, fil de fer et grillage, bois, carton,
papier crépon, matériaux de récupération, lino, carte à gratter, craies
grasses, gouache, etc. Le but est de solliciter et de développer leur
créativité, leur imagination, leur esprit d'invention, aussi bien que de
faire émerger les passions et les talents.
Les pratiques artistiques dans la pédagogie Freinet n'ont donc que peu
à voir avec celles de la pédagogie traditionnelle. Ici, on ne reproduit
pas, on ne travaille pas sur un sujet imposé, on n'est pas limité par des
contraintes. Elise Freinet préconisait cependant de travailler parfois à
partir de suggestions proches de ce que l'on appelle “l'environnement
préparé” dans la pédagogie Montessori : ne mettre à un certain
moment qu'un seul outil à la disposition des enfants, ou une seule

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couleur, ou seulement trois couleurs, etc. pour leur faire explorer tous
les possibles.
Les conditions de la pratique artistique sont elles aussi différentes. On
travaille en grand, par terre ou au mur, sur de grands papiers ou même
des frises (rouleau de nappe en papier). On met une vieille chemise
d'homme sur ses vêtements pour ne pas craindre les taches et se sentir
libre de manipuler les couleurs ou la glaise.
Tous ces dessins et ces créations diverses servent à illustrer les textes,
à compléter une recherche documentaire, à rendre compte des
observations d'une sortie... ou simplement à décorer la classe, à faire
des cadeaux, à se faire plaisir.

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Conclusion
Nous l'avons dit, notre but n'a été en aucun cas, avec ce livre, de vous
mâcher le travail, de vous donner des recettes, de vous expliquer le B-
A-BA de techniques ou de pratiques. Ce que nous espérons avoir
réussi à faire, c'est de vous donner le goût d'inventer maintenant votre
propre façon d'enseigner dans l'esprit Freinet. En observant les enfants,
en ne cherchant pas à leur inculquer vos savoirs et vos compétences
mais en les aidant à découvrir et à construire les leurs. En ayant avec
eux l'attitude bienveillante, respectueuse, curieuse, attentive, ferme,
franche, structurante, coopérative, joyeuse... que prônait Célestin
Freinet. Rien ne pourrait nous faire plus de plaisir que le fait de savoir
que, grâce en partie à ce petit coup de pouce, vous allez vous engager
dans ce métier avec enthousiasme et confiance. Et qu'ensuite, grâce à
vous et à votre bonheur d'enseigner, des générations d'enfants vont
être heureux à l'école et préparés pour construire leur propre bonheur
dans la vie.
Que votre carrière soit longue et riche !

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Bibliographie
Les outils pédagogiques Freinet pour les enfants, tels que les fichiers
auto-correctifs ou les BT (Bibliothèque du Travail) ou pour les
enseignants, comme la revue Le Nouvel Educateur :
http://www.pemf.fr et http://www.icem-pedagogie-freinet.org/outils-
et-publications

Les livres de Célestin et Elise Freinet publiés par la Bibliothèque de


l'Ecole Moderne, Delachaux et Niestlé, Maspéro, Le Seuil... sont tous
épuisés. On les trouve encore d'occasion.

Voir aussi :
Le blog de Catherine Chabrun (Rédactrice en chef du Nouvel
Educateur)
www.icem-pedagogie-freinet.org/blog/13
Le blog de Marine Baro http://marine.baro.free.fr/wordpress

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