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Analyse de l’évolution des relations UE-Burkina Faso de 1957 à 2020

DIANDA Inoussa
Université Joseph KI-ZERBO (Burkina Faso)
inosdia@gmail.com

Résumé

La coopération entre le Burkina Faso et l’Union Européenne trouve ses origines


dans la colonisation européenne en Afrique au XIXe siècle. Cette coopération s’inscrivait
dans les accords de coopération entre les anciennes puissances colonisatrices de l’Europe
avec leurs colonies d’Afrique. Ce faisant, après les indépendances des pays africains, les
futurs pays de l’Union Européenne ont manifesté des intérêts pour les pays d’Afrique
Caraïbes et Pacifique (ACP) en général et le Burkina Faso en particulier. C’est ainsi que de
1957 à 2020, les accords de coopération vont maintenir ces deux parties du monde. Ces
accords sont les accords de Yaoundé, de Lomé et en 2000 l’accord de Cotonou. Le Burkina
Faso, à l’instar des autres pays ACP s’est inscrit dans cette dynamique de coopération avec
l’Union Européenne. La présente étude pose la problématique des relations qui existent
entre l’Union Européenne et le Burkina Faso. En d’autre terme, nous entendons analyser
les enjeux de cette coopération de 1957 à 2020. Pour ce faire, notre étude analyse d’une
part l’évolution des accords de coopération entre l’Union Européenne et le Burkina Faso,
et décrypte les enjeux de cette coopération sur le développement socio-économique du
Burkina Faso d’autre part.

Mots clés : Accord- coopération-convention- partenariat- conditionnalité

Abstact

Cooperation between Burkina Faso and the European Union has its origins in European
colonization in Africa in the 19th century. This cooperation was part of the cooperation
agreements between the former colonizing powers of Europe with their colonies in Africa.
In doing so, after the independence of African countries, the future countries of the
European Union have shown interest in African, Caribbean and Pacific (ACP) countries in
general and Burkina Faso in particular. This is how from 1957 to 2020, the cooperation
agreements will maintain these two parts of the world. These agreements are the Yaoundé
and Lomé agreements and, in 2000, the Cotonou agreement. Burkina Faso, like the other
ACP countries, is part of this dynamic of cooperation with the European Union. This
study raises the issue of relations between the European Union and Burkina Faso. In other
words, we intend to analyze the challenges of this cooperation from 1957 to 2020. To do
this, our study analyzes on the one hand the evolution of the cooperation agreements
between the European Union and Burkina Faso, and deciphers the stakes of this
cooperation on the socio-economic development of Burkina Faso on the other hand.

Keywords : Agreement- cooperation- convention- partnership- conditionality

Introduction

Les accords de coopération qui lient l’Afrique et l’Europe ont une histoire lointaine.
De la traite nègrière en passant par la colonisation, l’Europe a imposé à l’Afrique des
méthodes commerciales afin de s’approvisionner en ressources naturelles et en produits
agricoles. De ce fait, suite au traité de Rome de 1957 et aux mouvements des indépendances
africaines de nouveaux rapports dits de « coopérations » ont été institués entre l’Europe et les
futurs pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) (I. Dianda, 2020, p.5). Le traité
prévoit une politique de coopération visant au développement économique et social durable
des pays en développement, et leur insertion harmonieuse et progressive dans l’économie
mondiale, ou encore à la lutte contre la pauvreté. Mais, de 1963 à 2000, les relations ont pris
la tournure d’une véritable coopération. C’est ainsi que dix-huit Etats Africains et Malgache
associés (EAMA) et les six Etats fondateurs ont signé des accords de Yaoundé marquant le
passage d’une association octroyée à une association négociée (H. ALMEIDA-TOPOR, 1994
p. 74). A l’instar des autres pays ACP, le Burkina Faso s’est inscrit dans cette dynamique de
coopération avec l’Union Européenne. C’est dans ce cadre que s’inscrit le présent article. Il
entend analyser l’évolution et les enjeux des accords de coopération entre l’Union
Européenne et le Burkina Faso de 1957 à 2020. Pour ce faire, notre hypothèse principale
formule que la coopération entre l’UE et le Burkina Faso trouve ses fondements dans
l’histoire. Cette hypothèse principale se décline en deux hypothèses secondaires. La première
hypothèse secondaire postule que la coopération UE-Burkina Faso est régie par des accords
de coopération. La deuxième hypothèse secondaire quant à elle, stipule que les relations entre
l’UE et le Burkina Faso a des impacts positifs et négatifs sur le développement socio-
économique du Burkina Faso.
Dans cette optique, l’objectif principal de cette étude est d’analyser l’évolution de la
coopération UE-Burkina Faso depuis le traité de Rome à l’accord de Cotonou. Il se décline en
deux objectifs spécifiques. Le premier objectif spécifique de cette étude est d’analyser les
accords historiques qui régissent la coopération UE-Burkina Faso. Le deuxième quant à lui est
de présenter les impacts positifs et les limites de cette coopération sur le Burkina Faso de
1957 à 2020.
L’approche méthodologique adoptée dans le cadre de cet article a consisté en une étude
qualitative. La méthode et la technique de collecte des données relative aux accords de
coopération UE-Burkina Faso se sont articulées autour de la revue et l’analyse documentaire
d’une part, et d’autre part de l’organisation d’une opération de collecte de données à travers
entretiens. Cette démarche a consisté à interroger les responsables de la délégation de l’Union
Européenne au Burkina Faso et les responsables des différentes structures de la Coopération
UE-Burkina Faso.
1. Evolution des accords de coopération UE-Burkina Faso
1.1. Origines des accords de coopération et le traité de Rome
L’Europe et l’Afrique sont deux continents marqués par l’histoire de liens
économiques dont la perception a varié au fil du temps. En effet, selon H. Almeida-topor
(1994, p.5) : « Ces relations ont largement mobilisé l’attention des spécialistes surtout dans
les années soixante-dix ». De ce fait, les négociations entre l’UE et les pays ACP
remontent à plusieurs décennies et se fondent sur les relations de coopération économique
et commerciale nées de la colonisation. Déjà en 1950, l’ancien Ministre français des
affaires étrangères M. Robert Schuman, déclarait : « l’Europe pourra avec des moyens
accrus, poursuivre la réalisation d’une de ses tâches essentielles : le développement du
continent africain » (J. J. Suoare, 2011, p. 74).
A la suite de cela, plusieurs traités et conventions vont maintenir les relations entre
ces deux parties du monde. Après l’indépendance de leurs colonies, la France, la Belgique,
l’Italie, et les Pays-Bas ont cherché à entretenir des relations commerciales privilégiées
avec ces nouveaux pays d’Afrique. En 1957, le traité de Rome instituait un régime
d’association des pays et territoires d’outre-mer pour conserver les relations particulières
avec ces derniers. Ce traité prévoit une politique de coopération visant le développement
économique et social durable des pays en développement, à l’insertion harmonieuse et
progressive de ces pays dans l’économie mondiale, ou encore à la lutte contre la pauvreté.
Cette association a donné naissance aux PTOM (Pays et Territoires d’Outre-mer) ainsi
qu’au 1er FED (Fonds Européen de Développement).
De 1959 à 2020, les relations entre l’Union Européenne et les pays ACP en général
et le Burkina Faso en particulier ont été formalisées à travers les conventions de Yaoundé
et de Lomé. Ces deux conventions reposaient sur deux piliers : « le libre accès non
réciproque des exportations ACP au marché européen et un appui financier dans le cadre
du Fonds Européen de Développement (FED) » (F.Z. Niang, 2008, p.65).

1.2. Les relations sous les conventions de Yaoundé (1963-1974)

Après les indépendances dans les années 60, la Haute Volta (l’actuel Burkina Faso)
et certains pays africains vont se réunir et négocier des relations avec la CEE. En effet, dix-
huit (18) Etats africains dénommés Etats Africains et Malgache Associés (EAMA) 1
regroupés au sein d’une organisation ont maintenu leurs relations avec la CEE à travers les
accords de Yaoundé de 1963 et de 1969. La particularité de ces derniers accords réside
dans le caractère de négociation. Ils ne sont plus octroyés comme le traité de Rome.
Ce faisant, le 20 juillet 1963, à Yaoundé les deux partenaires ont signé le premier
accord officiel jamais conclu entre l’Europe et l’Afrique. Il s’agit de la convention de
Yaoundé I signée entre les dix-huit (18) EAMA et les six Etats de la CEE. Cette signature
a donné du nouveau dans les relations internationales en ce sens qu’elle marque une
rupture avec la période coloniale. Cependant après la signature de cette convention,
quelques pays nouvellement indépendants anglophones d'Afrique (Nigeria, Kenya,
Ouganda, Tanzanie, etc.) ont décelé les failles de ladite convention. Pour J. L. Nikabou
(2013, p.75), « ces derniers pays pensent que Yaoundé I était davantage orientée vers la
sauvegarde des liens séculaires entre la France et ses anciens territoires ». Cette convention
marque le début d’une coopération franche sous le signe de l’égalité entre les deux entités.
Au terme de Yaoundé, l’on a assisté à la signature du Yaoundé II.

La convention de Yaoundé II a été signée le 19 juillet 1969 par la CEE et les dix-huit
(18) EAMA. La principale innovation de Yaoundé II a été l'instauration d'un régime souple
pour les produits agricoles relevant de la Politique Agricole Commune (PAC) de la CEE, à
l'instar du sucre. L'aide financière et technique au cours de cette période quinquennale va
s'élever à 246 milliards de FCFA sur fonds FED et prêts de la Banque Européenne
d'Investissement (BEI). En 1973, l’adhésion de l'Irlande, du Danemark et de la Grande

1
Les Etats membres de E.A.M.A. : « les Etats signataires africains étaient : le Burundi, le Cameroun, la
République centrafricaine, le Tchad, le Congo Brazzaville ancien Congo français, le Congo Léopoldville
ancien Congo belge, le Dahomey, le Gabon, la Cote d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la
Somalie, le Togo et la Haute volta ».
Bretagne à la CEE verra la politique de développement européenne s’ouvrir davantage aux
pays membres du Commonwealth sur trois (03) continents : l'Afrique, les Caraïbes et le
Pacifique. « Tel fut le point de départ vers la naissance du groupe ACP qui interviendra
officiellement au cours de la première convention de Lomé » (B. Faucheux et al., 2005, p.
47). Cet évènement conjugué avec la crise pétrolière des années 70 imposa la nécessité de
redéfinir les conventions et accords passés, d'où la signature des conventions successives
de Lomé.

1.3. Les relations sous les Conventions de Lomé (1975-2000)

Suite à l'entrée de la Grande Bretagne dans la CEE et avec l'arrivée des pays du
Commonwealth, le concept de pays ACP est consacré dans la première convention de
Lomé (Togo). Quatre (04) autres vont se succéder tous les 5 ans pendant 25 ans. Basées sur
le principe de la souveraineté, elles ne seront pas assorties de conditionnalités. Mais elles
sont fondées sur le partenariat et la solidarité entre 46 pays ACP et 9 pays européens. De ce
point de vue, Lomé I été l’occasion de créer un Fonds de stabilisation des recettes
d’exportation, le Système de stabilisation des recettes d’exportation (STABEX). Selon, J.
L. Nikabou (2013, p. 13), « ce système avait pour but de remédier aux effets désastreux des
instabilités des prix des matières premières agricoles, et donc des recettes à l’exportation
sur les économies des pays ACP ».
Lomé II quant à lui, fut signée le 31 octobre 1979 entre neuf (09) Etats de la CEE
avec cinquante-huit (58) pays ACP. Sa particularité est la mise en place du SYSMIN
(Système de Stabilisation de la production Minière). Cela signifie qu’en cas de fluctuations
des revenus tirés de la production et de la vente de produits miniers, les pays dépendants
beaucoup des produits miniers ont accès à des prêts permettant de soutenir la production 2.
« Dans ce cadre, le Burkina Faso a bénéficié entre 1993 à 2002 un transfert de 27 millions
d’euros suite notamment à la non viabilité de la mine de Poura » (I. Dianda, 2020, p. 65).
Mais pour M. T. Andeme Medjo (2011, p. 13), « ce système permet à la CEE de s'assurer
un approvisionnement en matières premières minières importantes telles que le cuivre, le
cobalt, le phosphate, le manganèse, l’or, la bauxite, l’étain, l’uranium, le minerai de fer ».
Lomé III est paraphée le 08 décembre 1984 entre la CEE comprenant désormais dix
(10) membres et le groupe ACP rassemblant soixante-cinq (65) Etats. Cette convention
s’est axée sur l’idée de renforcer l'efficacité de l'aide en vue de sa meilleure insertion dans
2
Olympio John B., interview du 07/02/2017
les efforts de développement des pays ACP. Cependant, le contexte des années 60 et 70
miné par la crise d’endettement, la mal gouvernance, n’ont pas permis aux pays ACP de
faire un décollage sur le plan économique. Cela va emmener les bailleurs de fonds à
subordonner l'Aide Publique au Développement (APD) à des conditionnalités.
Lomé IV fut signée le 15 décembre 1989 entre l'Europe des douze (12) et les
soixante-huit (68) Etats ACP. Elle couvre une période de dix (10) ans. Sur le plan
géopolitique, intervient-elle dans un contexte marqué par la chute du mur de Berlin et
l’affaiblissement du monde communiste. C’est ainsi que cette période est marquée par
l’introduction de la double conditionnalité dans la coopération UE-ACP. Les Plans
d'Ajustement Structurel (PAS) du Fonds Monétaire International (FMI) font alors leur
entrée dans les relations entre les pays du Sud et ceux du Nord. Ils avaient pour but de
remédier aux échecs des conventions précédentes3.

Cependant, les limites de ces conventions liées aux conditionnalités et la naissance de


l’OMC en 1995 vont aboutir à la signature d'un nouvel accord à Cotonou au Benin le 23
juin 2000. Ce nouvel accord de Cotonou contient des nouveaux accords commerciaux
appelés accords de partenariat économique (APE). L’accord de Cotonou maintient les
relations UE-ACP de 2000 à nos jours.

2. Analyse critique de la coopération UE-Burkina Faso

2.1. L’impact positif des interventions de l’UE au Burkina Faso


Dans le cadre de l’aide au développement suivant le traité de Rome et les
conventions de Yaoundé et de Lomé, le Burkina Faso bénéficie des dons et des prêts de la
part de l’UE. Le but recherché de cette aide au développement s’inscrit dans le cadre du
développement des PMA en général et du Burkina Faso en particulier. Ce faisant, les
projets et programmes de développement de l’UE au Burkina Faso révèlent des aspects
positifs. Ainsi, les impacts positifs d’ordre macroéconomiques et microéconomiques des
projets et programmes de l’UE au Burkina Faso sont scrutés.
S’inscrivant dans la logique du développement économique et social du Burkina Faso,
l’UE sur la période depuis 1959 intervient au Burkina Faso à travers le financement des
projets et programmes. En effet, compte de l’augmentation continue des financements de

3
Ouédraogo, B., 2015, « Analyse et interprétation des accords de coopération économique et commerciale
ACP-UE de la convention de Lomé de IV et de l’accord de Cotonou de 1990 à 2008 », rapport de DEA,
Université de Ouagadougou, p. 87
l’UE au Burkina Faso, nous pouvons soutenir leur volonté de lutter contre la pauvreté du
peuple burkinabè. Le tableau suivant traduit cette volonté de l’UE.
Tableau n° : Les montants des 03 FED de l’UE au Burkina Faso (en 20 ans)
Période de FED Montant en millions d’euros

2001 -2007 319,65

2008-2013 529

2014-2020 623

Total (2001-2020) 1471,65

Source : Rapport de la coopération UE-Burkina Faso de 2000 à 2020


La remarque est que de 2000 à 2020, l’UE a financé plusieurs grands projets et
programmes dans le secteur macroéconomique au Burkina Faso. Ce faisant, au terme de leur
mise en œuvre en 2020, les indicateurs concernant le secteur « sécurité alimentaire » nous
permettent d’apprécier l’impact positif des projets et programmes au Burkina Faso.
S’agissant du renforcement de la prévention et de la gestion des crises alimentaires
conjoncturelles, les projets et programmes de l’UE ont permis de palier certaines poches de
crise alimentaire dans les régions de la Boucle du Mouhoun, du Sahel, de l’Est et du Nord.
La carte ci-dessus montre les efforts de l’UE dans la lutte contre l’insécurité alimentaire de
certaines régions du pays.

Carte n° 1 : Les zones d’intervention du PASA


L’UE a contribué à la mise en place des outils de suivi et d'intervention rapide en
cas de crise alimentaire. « Ces outils sont le Fonds d'appui à la sécurité alimentaire
(FASA), le système d'information sur la sécurité alimentaire (SISA) » (Commission
européenne, 2007, Op.cit., p. 44). Ce dernier permet aux différents acteurs aux niveaux
national et régional, d’avoir des informations fiables et actuelles sur l’insécurité
alimentaire et sur ses causes. Le FASA et plus particulièrement le stock de sécurité
alimentaire et la facilité d’achat et de distribution des vivres dont il est doté permettent au
Burkina Faso de répondre à l’insécurité alimentaire sans solliciter systématiquement une
aide alimentaire extérieure.

Aussi, l’intervention de l’UE a contribué à l’augmentation du nombre des


institutions de microfinance (IMF) d’une part et des personnes bénéficiant de leurs services
d’autre part. Suivants les rapports de la commission européenne, le nombre d’IMF est
passé au Burkina Faso de 293 en 2003 à 446 en 2006. Le nombre de bénéficiaires a, quant
à lui, progressé de 500 000 à environ 800 000. Pour l’année 2006, cela signifie qu’environ
44% des familles burkinabè, dont 70% de ruraux, bénéficient des IMF. « L’encours global
de l’épargne des IMF est passé de 23,1 à 63,1 millions d’euros, et l’encours de crédit de
22,8 à 50,3 millions d’euros entre 2000 et 2006 » (Commission européenne, 2007, Op.cit.,
p. 47).

Les projets et programmes de l’UE ont permis également de réduire


considérablement le taux de la malnutrition des populations, particulièrement des groupes
vulnérables au Burkina Faso. En effet, dans le cadre de la lutte contre la malnutrition, 13%
des enfants qui avaient des problèmes de taille et d’émaciation ont été pris en charge en
2000. En 2003, on enregistre 19% de ces enfants qui sont pris en charge par les projets de
l’UE au Burkina Faso.

De 2000 à 2007, la contribution directe du programme à la production nationale de


riz (PAFR) a eu des impacts positifs chiffrés. En effet, la production du riz s’est accrue de
5 000 tonnes (soit 4,4% de la production nationale à savoir 113 000 t de riz paddy) sur les
2 500 ha concernés4.

En plus, au niveau des revenus et de la pauvreté monétaire, l’évaluation à mi-


parcours de la coopération UE-Burkina Faso sur la période de 1995 à 2000 estimait que
l’augmentation du revenu des producteurs a été effective pour les bénéficiaires. Elle était
estimée à environ 25 000 FCFA par an pour la parcelle moyenne de 0,25 ha. En effet, pour
les bénéficiaires, l’intervention de l’UE a contribué à accroître la production, réduire la
pauvreté et diversifier et enrichir le régime alimentaire.

En outre, les indicateurs de stabilité macroéconomique de 2000 à 2020 sont


généralement satisfaisants. En effet, la croissance est restée positive, les fluctuations ont
été atténuées par rapport aux périodes précédentes, et l’inflation est sous contrôle, en
dehors de l’épisode 2008 de flambée d’inflation importée. La croissance moyenne du PIB
du Burkina Faso s’est située à 5,5% en moyenne de 2000 à 2020, un taux significativement
plus élevé que celui des autres pays de l’UEMOA. Au-delà de ces aspects positifs de
l’intervention européenne au Burkina Faso, force est de reconnaitre qu’après plus 60 ans de
coopération, le pays est toujours logé dans le rang des pays moins avancés.

2.2. Les insuffisances ou les limites de la coopération UE-Burkina Faso


Du traité de Rome de 1957 à nos jours, le Burkina Faso entretient des relations avec
l’Union Européenne. Les différents accords et conventions qui ont jalonné cette
coopération visaient la lutte contre la pauvreté dans toutes ses formes et le développement
socio-économique du Burkina Faso. Cependant, il est à remarquer que le Burkina Faso fait
partie de 39 pays les moins avancés du monde et cela remet en cause le but ultime de la

4
Rapport annuel conjoint, 2002, « la mise en œuvre des actions de coopération dans le cadre des conventions
ACP-UE au Burkina Faso », DGCOOP du ministère des finances et du budget du Burkina et la délégation de
la Commission Européenne au Burkina Faso, p. 49
coopération UE-Burkina Faso. Les causes des limites de cette coopération sont diverses.
Mais elles sont en grande partie liées par les conditionnalités de l’aide l’UE.

La première introduction de la conditionnalité de l’aide budgétaire de l’UE au


Burkina Faso remonte en 1999. Pour P. Guillaumont et J. Guillaumont (2004, p. 205) :
Cette conditionnalité introduit dans les conventions de financement signées
avec les pays ACP une « tranche de financement variable », dont le
décaissement est conditionné par des résultats obtenus par les pays dans des
domaines convenus d’un commun accord.
Dans la coopération UE-Burkina Faso, il existe des conditionnalités qui sont axées
sur les performances principales et intermédiaires des projets et programmes de
développement. Ce faisant, toute l’aide budgétaire à savoir l’aide-projet ou programme
n’est plus affectée dans sa totalité. En effet, les décaissements des tranches (fonds) ne sont
plus conditionnés par des indicateurs traditionnels (politiques et économiques) mais plutôt
par des indicateurs secondaires. Cette conditionnalité de décaissement adossé sur les
aspects extra des projets et programmes est une limite de l’aboutissement des projets et
programmes de l’UE au Burkina Faso.
Les raisons qui expliquent l’échec de cette nouvelle approche dans l’aide
européenne au Burkina Faso sont diverses. La première est que la nature des indicateurs
utilisés n’a pas été des indicateurs de résultats finaux des projets et programmes. Cette
limite est qu’au-delà des indicateurs des projets développement viennent greffer d’autres
indicateurs sociaux tels que l’éducation et la santé qui sont relativement éloignés de
l’objectif final de développement. Ce faisant, les décaissements de différentes tranches
pour les projets de développement sont conditionnés désormais par des taux de
scolarisation et la réduction des coûts de scolarité d’une part et d’autre part par de
réduction des coûts des soins dans les dispensaires, la fréquentation des centres de santé et
les divers taux de vaccination.
Ensuite, l’introduction de ces indicateurs dans la coopération UE-Burkina Faso ne
permet pas aux autorités burkinabè de se concentrer sur les objectifs cardinaux des projets
et programmes de développement. Elles sont plus préoccupées à atteindre les objectifs de
ces indicateurs intermédiaires pour les décaissements des tranches restantes. Finalement,
l’on s’écarte des objectifs réels des projets et programmes de développement qui devraient
contribuer au développent social et économique du Burkina Faso. Sur un montant 492
966 281 euros alloué au Burkina Faso pour le financement des projets et programmes de
2000 à 2008, c’est seulement 237 664 055 euros qui ont pu être décaissés. Ce montant
décaissé représente seulement 48%.

Par ailleurs, la mise en œuvre des conditionnalités se justifie par une croissance de
développement économique dans les pays bénéficiaires. Cela supposerait que les pays en
voie de développement ne sont pas capables de mettre des politiques solides de
développement. C’est d’une manière d’infantiliser les autorités des pays moins avancés.
Les pays donneurs des fonds estiment que les gouvernements des PMA ne sont pas
qualifiés de mettre en œuvre à eux seuls de véritables politiques de développement sans
une assistance étrangère. Pour L. BOISDEFFRE, et alii (2002, p. 47) « Il se peut même
que les investisseurs étrangers assimilent l’existence de la conditionnalité à un manque de
volonté propre des pays en développement de mener les réformes, et que cela les conduise
à prévoir leur abandon ».

En outre, la mise en œuvre de la conditionnalité est souvent un jeu de faux-


semblants, de telles sortes que les réformes programmées ne sont pas effectivement mises
en œuvre. C’est ce qui explique que plusieurs projets et programmes n’aboutissent pas.
Dans cette dynamique, certains États acceptent formellement des mesures de politique
économique qu’ils ne sont pas décidés à mettre en œuvre ou qu’ils pensent pouvoir être
facilement vidées de leur contenu. Ces réformes introduites dans le cadre de l’appui des
projets et programmes constituent un échec quant à leurs réalisations.
Ces réformes préconisées par les bailleurs de fonds en général et l’UE en particulier
sont considérées comme mal adaptées à la situation spécifique des pays en développement
comme le Burkina Faso. Ont été aussi critiqués le formalisme et la multiplicité des
conditions, comme le manque de coordination entre les bailleurs de fonds, exigeant des
conditions parfois discordantes.
La suspension des financements des projets et programmes liée aux conditionnalités
peut avoir des effets pervers sur le Burkina Faso. Il est évident que l’UE à travers la
conditionnalité de l’aide au développement tente de s’immiscer dans les affaires internes
du Burkina Faso. C. M. Ndoye (2012, p. 284) souligne que « pour certains Etats en voie
développement, la démocratie fait partie de l’arsenal néocolonial destiné à saper la
souveraineté des Etats ». C’est dire que la culture démocratique fait partie des valeurs
européennes et non africaines. De ce fait, vouloir forcement imposer cette culture aux
africains constitue une erreur car la démocratie bien qu’une valeur universelle trouve ses
fondements dans la culture européenne. Ainsi, elle ne reflète pas la réalité sociale et
culturelle des pays ACP en général et du Burkina Faso en particulier.

Ainsi, la contradiction des objectifs de la conditionnalité semble être une limite des
réalisations des projets de développement au Burkina Faso. En effet, elle poursuit deux
objectifs contradictoires. C’est-à-dire elle prône le décaissement rapide des financements et
son conditionnement à des réformes destinées à promouvoir durablement la croissance
économique.

Conclusion

Au terme de cette étude, il ressort que les relations entre le Burkina Faso et cette
partie de l’Europe qui constitue actuelle l’Union Européenne a une longue histoire. De
Rome à Cotonou, le Burkina Faso est impliqué dans le jeu de la coopération UE/ACP.
L’histoire de cette coopération s’inscrit dans la volonté de contribuer au développement
économique et sociale des pays ACP en général et du Burkina Faso en particulier. S’il est
admis que l’intervention de l’UE au Burkina Faso a permis de relever certains défis du
développement, force est de constater que ce pays traine toujours des carences de
développement. Ce faisant, derrière l’esprit philanthropique de l’UE au Burkina Faso
cache des conditionnalités liées aux financements des projets et programmes de
développement.

Références bibliographiques
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master d’histoire des relations internationales, Université Joseph KI-ZERBO
- Diop S. M., et Ndir B., « Impact macroéconomique d’un accord de partenariat
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- Ouédraogo, B., 2015, « Analyse et interprétation des accords de coopération
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l’accord de Cotonou de 1990 à 2008 », rapport de DEA, Université de
Ouagadougou
- Rapport annuel conjoint, 2002, la mise en œuvre des actions de coopération dans le
cadre des conventions ACP-UE au Burkina Faso, Ouagadougou, DGCOOP du
ministère des finances et du budget du Burkina et la délégation de la Commission
Européenne au Burkina Faso

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