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Description du document
L’extrait du texte décrit l’étape des entretiens exploratoires
de la phase de l’exploration dans le processus de recherche
Exercice à faire :
1- Etablir une grille de lecture pour cet
extrait
2- élaborer un schéma décrivant les
différents éléments considérés dans la
grille de lecture.
3- Faire un résumé du document
les objectifs de l’entretien et sur ce qui en est attendu suffit généralement pour
lui donner le ton général de la conversation libre et très ouverte.
2. Dans la mesure où un minimum d’interventions est toutefois nécessaire
pour recentrer l’entretien sur ses objectifs, pour en relancer la dynamique ou
pour inciter l’interviewé à approfondir certains aspects particulièrement
importants du thème abordé, l’interviewer doit s’efforcer de formuler ses
interventions d’une manière aussi ouverte que possible. Au cours des entre-
tiens exploratoires, il importe que l’interviewé puisse exprimer sa propre
« réalité », dans son propre langage, avec ses propres cadres de référence. Par
des interventions trop précises et autoritaires, l’interviewer impose ses
propres catégories mentales. L’entretien ne peut plus alors remplir sa fonc-
tion exploratoire car l’interlocuteur n’a plus d’autre choix que de répondre à
l’intérieur de ces catégories, c’est-à-dire confirmer ou infirmer les idées
auxquelles le chercheur avait déjà pensé auparavant. En effet, il est rare que
l’interlocuteur rejette la manière dont le problème lui est posé : soit qu’il y
réfléchisse pour la première fois, soit qu’il soit impressionné par le statut du
chercheur ou la situation d’entretien.
3. A fortiori, l’interviewer doit s’abstenir de s’impliquer lui-même dans le
contenu de l’entretien, notamment en s’engageant dans des débats d’idées ou
en prenant position à l’égard de propositions du répondant. Même
l’acquiescement doit être évité car, si l’interlocuteur s’y habitue et y prend
goût, il interprétera par la suite toute attitude de réserve comme le signe d’une
désapprobation.
Un principe clé de toute analyse sociologique (mais également anthro-
pologique ou psychosociologique) des phénomènes sociaux est en effet de
considérer a priori toute manière de vivre et de percevoir ses propres expéri-
ences de vie comme normale et sensée, ce qu’elle apparaît presque toujours à
partir du moment où on la resitue dans la situation sociale et personnelle qui
est la sienne. Ce principe est valable y compris dans les situations extrêmes
comme celle étudiée par E. Goffman dans son célèbre ouvrage Asiles. Études
sur la condition sociale des malades mentaux (Paris, Minuit, 1968). Pour un
exposé détaillé de ce principe, voir L. Van Campenhoudt, Introduction à
l’analyse des phénomènes sociaux, Paris, Dunod, 2001, chap. 2 « Considérer
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
c. Le contexte de l’entretien
Le contexte dans lequel se déroule l’entretien peut influencer
considérablement son déroulement et son contenu.
Le cadre spatio-temporel doit favoriser l’expression de la personne inter-
viewée, ce qui suppose qu’il convienne à l’objet d’étude et réponde à certaines
exigences techniques comme l’isolement, le calme et la discrétion, de sorte
que l’interviewé se sente à l’aise. Le moment de l’entretien doit être bien
choisi afin de disposer de suffisamment de temps. Il est important d’informer
l’interviewé de ces exigences et de l’avertir de la durée probable de
l’entretien, pour éviter d’être interrompu par des visites intempestives ou des
coups de téléphone et de devoir précipiter les choses, faute de temps. Une
interview exploratoire dure facilement une heure, souvent davantage. Il n’est
d’ailleurs pas rare que, passionnée par son sujet et se trouvant bien avec
l’interviewer, la personne interviewée accepte ou manifeste son désir de
prolonger l’entretien au-delà de la limite convenue.
Tout aussi important est le rapport social entre l’interviewer et l’interviewé.
Surtout s’ils sont importants, les écarts en termes de classes sociales (par
exemple si l’un est de classe bourgeoise et l’autre de classe populaire), de
statut hiérarchique et de fonction (par exemple si l’un est un étudiant en
gestion et l’autre un directeur de grande entreprise), de genre (par exemple si
l’un est un homme et l’autre une femme entre lesquels s’instaurent une atti-
rance à sens unique ou à double sens), d’âge (par exemple si l’un des deux est
jeune et l’autre âgé), de conviction philosophique (par exemple si l’un est
croyant très engagé et l’autre un militant de la laïcité) affectent la relation
d’entretien avec des effets potentiellement déterminants comme, entre autres,
l’autocensure de l’interviewé ou au contraire son désir d’étaler avec complai-
sance sa vie personnelle, un profil bas ou au contraire l’envie de faire la leçon
à l’interviewer. Le chercheur doit être lucide à propos de ce que ces
paramètres peuvent induire et s’efforcer de présenter à l’interviewé une atti-
tude sereine d’écoute et de neutralité bienveillantes, favorable à l’instaura-
tion d’un climat de travail dans la confiance et la franchise. Plus l’écart entre
L’EXPLORATION 65
d. Le premier contact
étudiés, par exemple sur les représentations des acteurs concernés ou sur les
tensions entre eux (Ruquoy, op.cit., p. 73-76).
Pour être convaincant, l’interviewer doit croire lui-même en l’intérêt de
l’étude qu’il mène et le montrer. Il doit donner les raisons pour lesquelles la
personne a été retenue parmi les interviewés et indiquer en quoi sa contribu-
tion est particulièrement précieuse. Il doit enfin préciser l’utilisation qui sera
faite des résultats et répondre aux éventuelles questions et objections de
l’interviewé. Les interviewés ont en effet bien le droit d’avoir des réticences
et de recevoir des explications claires et honnêtes sur la recherche en cours.
Enfin, l’interviewer demandera l’autorisation d’enregistrer l’entretien en
précisant bien l’usage qui sera fait de l’enregistrement. Bref, il doit susciter
un climat de confiance.
Le chercheur augmentera ses chances de succès s’il prépare ses explica-
tions avec soin et sait se présenter et se comporter d’une manière qui traduit
impartialité et respect pour l’interviewé potentiel (notamment en étant à
l’heure au rendez-vous et en accueillant correctement la personne si l’inter-
view se déroule dans son propre bureau) (Ruquoy, op.cit., p. 76).
e. La conduite de l’entretien
– « Quand les pouvoirs publics ont pris telle décision, quelles ont été les
réactions dans votre quartier ? ».
La question initiale détermine la suite de l’entretien et en donnera le ton. À
partir d’elle, la personne interviewée percevra s’il est attendu d’elle qu’elle
parle principalement de ses pratiques concrètes ou de ses idées, de la manière
dont une situation peut être décrite objectivement ou de la manière dont elle est
subjectivement vécue par ceux qui l’expérimentent (Ruquoy, op.cit., p. 78).
Dès que l’entretien a démarré, les interventions suivantes de l’interviewer
seront de nature à faciliter l’expression libre de l’interviewé. Pour cette
raison, on les nomme couramment des « relances » :
– « Si je comprends bien, vous voulez dire que… » ou « Que voulez-vous
dire exactement par… » (pour faire préciser une idée) ;
– « Hmm… oui » (pour manifester l’attention et l’intérêt que l’on porte à ce
que dit le répondant et pour l’inciter à poursuivre) ;
– « Vous me disiez tout à l’heure que…, pouvez-vous préciser ? (pour reve-
nir sur un point qui mérite d’être approfondi) ;
– « Vous avez évoqué l’existence de deux aspects de ce problème. Vous avez
développé le premier, quel est le second ? » (pour revenir sur un « oubli »,
volontaire ou non) ;
– « Nous n’avons pas encore parlé de… ; pouvez-vous me dire comment vous
voyez… ? » (pour aborder un autre aspect du sujet).
Dans le même esprit, il ne faut pas craindre les silences. Ils effrayent
toujours l’interviewer débutant aux yeux de qui quelques secondes semblent
une éternité. Quelques petites pauses dans un entretien peuvent permettre au
répondant de réfléchir plus calmement, de rassembler ses souvenirs, de
contrôler une émotion et, surtout, de se rendre compte qu’il dispose d’une
importante marge de liberté. Vouloir combler frénétiquement le moindre
silence est un réflexe de peur et une tentation aussi courante que néfaste car
elle conduit à multiplier les questions et à étouffer l’expression libre. Ces
silences ne sont pas des vides ; il s’y passe beaucoup de choses dans la tête
de celui que l’on interviewe, surtout si le thème le touche de près et intime-
ment. Bien souvent, il hésite à en dire davantage. Il convient alors de
l’encourager par un sourire ou par toute autre attitude très réceptive, car ce
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.
qu’il dira juste après ce silence peut être essentiel (Ruquoy, op.cit., p. 79).
Les silences sont aussi l’occasion, pour le chercheur lui-même, de réfléchir
à ce qu’il a entendu précédemment, de se poser à lui-même de bonnes
questions et de penser à l’une ou l’autre hypothèse qu’il cherchera à tester à
la faveur de questions ultérieures, telles que les suivantes :
– « Si je résume votre point de vue, je dirais que… Vous ai-je bien
compris ? » ;
– « Il me semble que tout à l’heure vous disiez autre chose que maintenant à
ce sujet. Je ne comprends pas bien. N’y a-t-il pas une contradiction ? » ;
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a.
Les entretiens exploratoires n’ont pas pour fonction de vérifier des
hypothèses, ni de recueillir ou d’analyser des données précises mais bien
d’ouvrir des pistes de réflexion, d’élargir les horizons de lecture et de les
préciser, de prendre conscience des dimensions et des aspects d’un problème
auxquels le chercheur n’aurait sans doute pas pensé spontanément. Ils
permettent aussi de ne pas se lancer dans de faux problèmes, produits incon-
scients de nos préjugés et prénotions. Les divergences de points de vue entre
les interlocuteurs sont faciles à repérer. Elles peuvent faire apparaître des
enjeux insoupçonnés au départ et donc aider le chercheur à élargir son hori-
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sociales (Paris, Dunod, 1987) comporte en outre une synthèse des principales questions posées par la
pratique de l’entretien de recherche, sous le titre « Interviewer » par A. Blanchet. Concernant l’entretien
compréhensif, voir en particulier l’ouvrage de J.-Cl. Kaufmann, L’Entretien compréhensif (Paris,
Armand Colin, 1996).