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Laurice ALEXANDRE-LECLAIR
Introduction
L’entrepreneuriat social peut être défini comme toute création
d’activité à finalité sociale et durable, à but lucratif ou non lucratif grâce
à l’innovation sociale et la gouvernance participative. L’objectif princi-
pal étant de privilégier la création de valeur sociale et collective plutôt
que la valeur financière et l’enrichissement des individus. En effet, les
individus dirigeant ou travaillant dans une entreprise sociale acceptent
une lucrativité limitée dans la mesure où les bénéfices réalisés sont
alloués en grande majorité au développement de l’entreprise soit sur un
plan économique, soit en termes de ressources humaines. En France,
l’entrepreneuriat social s’inscrit dans le cadre de l’Économie Sociale et
Solidaire (ESS) qui représente 10% environ des emplois, 215 000
établissements employeurs, et plus de 100 000 emplois créés chaque
année. Constituée d’associations, coopératives, mutuelles et fondations,
l’ESS rassemble les structures qui se définissent, par leur statut, comme
des groupements de personnes et non de capitaux (CNRES, 2012).
D’après la même source, la taille moyenne d’une entreprise du secteur
de l’ESS est de 11 salariés, contre 9 salariés pour les petites et
moyennes entreprises (PME) du secteur privé hors ESS. Ces chiffres
démontrent la croissance du secteur et son rôle dans le développement
de l’emploi (2,4% en 2008 contre 1,8% pour le secteur privé).
L’entrepreneuriat social est donc une pratique en forte croissance ba-
sée sur une profonde volonté de participer au développement écono-
mique et social d’un pays ou d’un territoire au travers de l’innovation
sociale. Par conséquent, les modèles économiques des entreprises
sociales ne sont pas strictement économiques. Ils s’inscrivent dans une
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Fowler (2000) définit trois types d’activités qu’il qualifie de socialement entrepre-
neuriales : l’entrepreneuriat social intégré qui fait référence à des situations dans les-
quelles les activités économiques d’une organisation sont expressément destinées à
générer des retombées sociales positives, la réinterprétation : des activités existantes
non lucratives sont utilisées de manière créative de sorte qu’elles réduisent les coûts
pour l’organisation en augmentant et diversifiant les revenus de l’organisation,
l’entrepreneuriat social complémentaire est une situation où la génération de surplus
financiers ne produit pas de bénéfices sociaux mais est une source de revenus.
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Elle a déjà fait ses preuves au 19e siècle avec Godin en France et des
entrepreneurs comme Robert Owen en Angleterre.
En France, c’est à partir de 1996 que des travaux sérieux sur l’ESS
ont commencé à voir le jour avec notamment ceux du réseau EMES2.
Defourny (2004) présente les travaux menés par le réseau EMES qui ont
tenté de trouver une définition satisfaisante de l’entrepreneuriat social.
Leur approche s’est fondée sur deux critères majeurs : économique et
social.
Sur le plan économique, les chercheurs ont retenu quatre éléments :
1) Une activité continue de production de biens et/ou de services.
Les entreprises sociales, à l’inverse de certaines organisations à but non
lucratif traditionnelles, n’ont normalement pas comme activité princi-
pale la défense d’intérêts, ni la redistribution d’argent, mais elles sont
directement impliquées, d’une manière continue, dans la production de
biens et/ou de l’offre de services aux personnes. L’activité productive
représente donc la raison d’être – ou l’une des principales raisons
d’être – des entreprises sociales.
2) Un degré élevé d’autonomie. Les entreprises sociales sont créées
par un groupe de personnes sur base d’un projet propre et elles sont
contrôlées par celles-ci. Elles peuvent dépendre de subsides publics
mais ne sont pas dirigées, que ce soit directement ou indirectement, par
des autorités publiques ou d’autres organisations (fédérations, entre-
prises privées, etc.).
3) Un niveau significatif de prise de risque économique. Les créa-
teurs d’une entreprise sociale assument totalement ou partiellement le
risque qui y est inhérent. À l’inverse de la plupart des institutions pu-
bliques, leur viabilité financière dépend des efforts consentis par leurs
membres et par leurs travailleurs pour assurer à l’entreprise des res-
sources suffisantes.
4) Un niveau minimum d’emploi rémunéré. Tout comme les organi-
sations à but non lucratif traditionnelles, les entreprises sociales peuvent
faire appel à des ressources tant monétaires que non monétaires, et à des
travailleurs rémunérés comme à des volontaires. Cependant, l’activité de
l’entreprise sociale requiert un niveau minimum d’emploi rémunéré.
Quant au critère social, cinq facteurs ont été pris en compte :
2
EMES est un réseau réunissant des centres de recherche universitaires et des cher-
cheurs individuels reconnus, dont l’objectif est de construire progressivement un cor-
pus européen de connaissances théoriques et empiriques sur l’économie sociale et
l’entreprenariat social. Le réseau, pluraliste tant par les disciplines impliquées que
par les méthodologies adoptées, étudie les questions liées au « tiers-secteur »
(www.emes.net.).
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& Dutant, 2005). Suite à cette affaire, le Code général des impôts a
mobilisé la notion en donnant une définition qui demeure jusqu’à pré-
sent la seule : est d’utilité sociale toute réponse à un besoin qui n’est pris
en charge ni par l’État, ni par le marché. De son côté, Gadrey (2004)
définit l’utilité sociale comme étant l’activité d’une organisation qui
contribue à la cohésion sociale (notamment par la réduction des inégali-
tés), à la solidarité (nationale, internationale, ou locale) et à la sociabili-
té, et à l’amélioration des conditions collectives du développement
humain durable dont font partie l’éducation, la santé, l’environnement et
la démocratie.
Cela dit, selon l’instruction fiscale, une association ou entreprise est
considérée comme relevant de l’utilité sociale en vertu des 4 « P »
suivants :
1. Le Produit proposé répond à un besoin peu ou mal pris en considé-
ration par le marché,
2. Le Public visé est constitué de personnes que le marché délaisse
ou dont la situation économique et sociale justifie l’octroi d’avantages
particuliers,
3. La Publicité est réduite à des opérations de communication,
4. Le Prix se distingue de ceux pratiqués par le secteur lucratif grâce
à l’effort consenti pour faciliter l’accès du public.
Cambon (2006) évoque même la « valeur sociale » comme étant un
facteur déterminant qui donne un « sens » à la réussite d’une personne
ou d’un objet. En s’appuyant sur les travaux de Beauvois (2005),
l’auteur définit cette valeur sociale sous deux angles : désirabilité sociale
et utilité sociale. Cambon (2006) propose la définition de Pansu et
Beauvois (2004 : 171) sur la désirabilité sociale comme étant
l’adéquation connue des comportements observés ou anticipés d’une
personne aux motivations ou aux affects réputés des membres typiques
d’un collectif social. Quant à l’utilité sociale, elle peut être définie par
les chances de succès ou d’échec d’une personne dans la société dans
laquelle elle vit. Cette connaissance serait informée par la manière dont
les personnes adhèrent aux exigences du fonctionnement social. Il est
important de souligner que le terme d’utilité n’est pas à entendre dans
son acception fonctionnelle (le fait de rendre service à telle personne ou
à tel groupe) mais dans une acception quasi-économique (la « valeur
marchande » d’une personne).
Si l’on se réfère aux différents travaux sur l’entrepreneuriat, on peut
constater que l’entrepreneuriat œuvre aussi pour des causes sociales.
Aujourd’hui, la littérature sur la responsabilité sociétale des entreprises
est en plein essor et est riche d’exemples quant aux actions menées par
les entreprises pour améliorer les conditions de travail et de vie de leurs
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b. L’innovation sociale
C’est en 1986 où de véritables recherches interdisciplinaires sur
l’innovation sociale ont vu le jour grâce à la création du CRISES3 au
Québec. Composé d’anthropologues, géographes, historiens, mathéma-
ticiens, philosophes, gestionnaires, économistes, politiciens, socio-
logues, etc., les membres du CRISES étudient et analysent les innova-
tions et les transformations sociales à partir de trois axes : le
développement et le territoire, les conditions de vie et le travail et
l’emploi. Ainsi, Tardif (2005), citant les travaux de Cloutier (2003,
pp. 41-42), considère que l’innovation sociale est une réponse nouvelle
visant le mieux-être des individus et/ou des collectivités. Elle se définit
par son caractère novateur et son objectif qui prévoit des conséquences
sociales positives. En revanche, plusieurs chercheurs définissent égale-
ment l’innovation sociale par son processus. Autrement dit, pour ré-
pondre à ce titre, l’innovation sociale doit respecter certaines exigences
en ce qui concerne son processus de création et de mise en œuvre.
L’innovation sociale est alors celle qui résulte de la coopération entre
une diversité d’acteurs. Sous cet angle, l’innovation sociale peut être
envisagée comme un processus d’apprentissage collectif et de création
de connaissances. Elle exige également la participation des usagers et
ce, à des degrés divers variables au cours du déroulement du processus
de création et de mise en œuvre de l’innovation sociale.
Fontan (2004) déclare que l’innovation sociale apparaît comme un
processus multiforme et multidimensionnel de production et de rénova-
tion de l’existant, dans le but de produire du changement social, et ce, à
diverses échelles. L’action socialement innovante représente une média-
tion qui permet d’apporter une réponse à un besoin ou à un désir formu-
lé par des acteurs sociaux pour trouver une solution à un problème
social. L’action socialement innovante relève du domaine de la stratégie
puisqu’elle agit sur le système d’action d’une organisation ou d’une
communauté. L’action socialement innovante signifie une plus grande
structuration du social, 1) en amont de l’innovation, par la redéfinition
des orientations culturelles, 2) lors de sa mise en œuvre, par les nou-
velles modalités de gestion des rapports sociaux, la concertation et le
partenariat par exemple, et 3) en aval de celle-ci, par les pressions
exercées pour changer les habitudes individuelles et collectives de
consommation. C’est ainsi qu’il se construit des milieux où l’invention
et la nouveauté émergent plus facilement et où le cycle conduisant à la
reconnaissance de son usage social et à son institutionnalisation
s’accélère, ce qui met en place des systèmes d’innovation. Donc,
l’innovation sociale englobe à la fois le fait d’innover, c’est-à-dire une
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Centre de recherche sur l’innovation sociale.
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une description suffisante des actions des coquilles, ils vont adhérer au
système, et le réseau devient de plus en plus stable.
Conclusion
La notion d’entrepreneur social est devenue depuis le début des an-
nées 1990 un domaine fertile en recherche, reflet d’un fait social beau-
coup plus ancien. L’entrepreneur social est d’abord un entrepreneur, par
conséquent un individu qui crée une organisation dont le statut juridique
relève de l’ESS (qui peut être une association, une coopérative, une
fondateur ou autres), En tant qu’acteur social, son objectif est de créer
une activité qui répond à un objectif social donné (par exemple lutter
contre l’exclusion sociale, contre la pollution d’un site naturel ou encore
promouvoir certaines causes sanitaires).
D’un autre côté, la notion de système national d’innovation a été éla-
boré à peu près au même moment (mais indépendamment l’un de
l’autre) pour détailler les mécanismes de la production de l’innovation
en privilégiant deux grands types d’acteurs : les entreprises et les institu-
tions publiques. Or, les mécanismes de la production de la connaissance
sont beaucoup plus complexes et surtout ne sont pas isolés du reste de la
société qui les contient. Les innovations que les entreprises offrent sur le
marché ne sont pas le produit de considérations qui seraient déconnec-
tées de l’ensemble social dans lequel elles sont encastrées. Elles répon-
dent à des besoins sociaux (en matière d’alimentation, de transport, de
santé, etc.). Cependant, s’il existe selon les dires de Schumpeter des
équipes de spécialistes qui dans les grandes entreprises ont pour fonc-
tion essentielles d’innover, ces dernières doivent en capacité de détecter
les informations nécessaires. Dans ce contexte, nous avons tout particu-
lièrement souligner le rôle des associations qui sont créées pour dé-
fendre par exemple la cause des maladies orphelines et ainsi faire pres-
sion sur les laboratoires de recherche des grandes entreprises pour mener
des recherche dans cette direction. Ce qui signifie que le marché n’est
pas le seul vecteur d’information que les entreprises sont susceptibles
d’exploiter, d’où notre intérêt pour ce qui ne relève ni du marché, ni du
secteur public.
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