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Phonétique et Phonologie II 2020 – e caduc

Contraintes de maintien ou de suppression du « e caduc » (ou schwa)


selon sa position dans l’énoncé

1. Schwa ou « e caduc » ?

Le terme schwa (Prononcé [Gva], de l’hébreu chav « rien, vide », Petit Robert, 2009) fait son apparition très tôt dans
les grammaires, pour identifier une voyelle moyenne, centrale et non labiale. L’API désigne au moyen du symbole [B]
une voyelle qui se réalise différemment selon les langues et qui est représentée par des graphies diverses. En
anglais, par exemple, le schwa correspond à certaines voyelles inaccentuées, différemment représentées à l’écrit. Le
mot est utilisé aujourd’hui comme équivalent de « e caduc » pour le français dans la plupart des publications
scientifiques. Pourtant, la prononciation actuelle de [B] en français ne correspond plus à celle d’une voyelle moyenne
non arrondie. Elle est proche de [V] ou de [Z], selon les locuteurs ou l’environnement phonétique. Elle se réalise
donc comme une voyelle labiale.

Même si son timbre n’est pas différent de /OE/, on emploie le symbole [B] pour rendre compte du comportement
particulier de cette voyelle, qui, à la différence des autres phonèmes vocaliques, peut être prononcée ou non dans
l’énoncé, en fonction de facteurs phonétiques, phonostylistiques ou diatopiques. En effet, les voyelles [V] ou [Z],
par exemple, correspondant aux graphèmes EU ou OEU, ne sont pas susceptibles de disparaître, à de rares

exceptions près. (Par exemple : peut-être, prononcé [ptDt(Y)]).


La dénomination « e caduc » s’est largement imposée par l’usage au détriment d’autres plus anciennes comme e
muet ou e instable (voire e féminin). Même si, comme il a été dit précédemment, les travaux scientifiques actuels
parlent plutôt de schwa, on préférera ici le terme « e caduc » : d’une part, parce qu’il permet d’établir le lien entre cette
voyelle et sa représentation graphique (qui en français correspond la plupart des fois à « e ») et d’autre part, parce
qu’il met en évidence le caractère instable de cette voyelle, c’est-à-dire, sa grande variabilité en termes de présence
ou d’absence dans un énoncé.

2. « e caduc » : Un phonème ?

Rappelons qu’un phonème est défini comme une unité minimale, dépourvue de sens et ayant une fonction distinctive.
Lorsque l’on dresse l’inventaire des phonèmes vocaliques du français, ou en tout cas de ce que l’on appelle
« le français de référence », on s’accorde pour dire que le système phonologique actuel contient 13 voyelles, ce qui
exclut du système maximal de 16 voyelles le [A] dit palatal, la nasale [X] et le [B], du fait de leur faible rendement
phonologique. Ceci signifie qu’il existe actuellement peu de mots dont le sens se différencie par la prononciation de
[a] ou [A], de [X] ou [R], ou de [B] opposé à l’absence de voyelle. La plupart des locuteurs ne font plus la
différence entre patte et pâte, entre brun et brin, et le fait que l’on prononce [lasBmDn] ou [lasmDn] ne changera en
rien le sens que l’on attribuera à ces mots.
On peut donc s’interroger sur le statut phonématique du [B]. Sa chute ou réalisation dans un énoncé peuvent fournir
des informations quant au registre de langue, au groupe social auquel appartient le locuteur ou à son origine

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géographique. On lui reconnaîtra donc une fonction identificatrice. Mais il ne rentre pas dans des oppositions de sens
au même titre que les autres phonèmes de la langue, à l’exception de quelques cas isolés tels que dehors / dors, ou
des syntagmes où [B] se maintient devant un h dit aspiré, ce qui permet de distinguer, par exemple l’eau et le haut.

Si on considère strictement son timbre, c’est-à-dire, si on laisse de côté sa spécificité, [B] peut être assimilé à /OE/, et

de ce fait, il ne constitue pas un phonème différent de [V] ou [Z].

3. Importance du « e caduc » pour l’enseignement / apprentissage du FLE

Si le statut phonologique de [B] peut être remis en cause, on peut se poser la question de savoir quelle place il faut lui
accorder dans le cadre de l’enseignement/ apprentissage du FLE.

Du point de vue articulatoire, la correction phonétique ne devrait pas porter sur d’autres traits que la labialité et
l’antériorité, comme pour [V] ou [Z].
Pourtant, de par son caractère erratique, le [B] mérite d’être traité spécialement dans l’enseignement de l’oral. Sa
suppression entraîne des conséquences non négligeables pour la compréhension, en raison des phénomènes qui lui
sont associés :

 La mise en contact de consonnes qui, autrement, ne constitueraient pas de groupes


consonantiques attestés dans la langue au sein d’une syllabe bien formée.
 La « resyllabation » : A cause de la chute d’un « e », une consonne appartenant à une attaque
syllabique (et par conséquent forte) peut faire partie du coda de la syllabe précédente et devenir, de
ce fait, faible, ce qui modifie l’impression acoustique du mot pris isolément.
 L’assimilation consonantique résultant du contact de deux consonnes de nature différente par suite
de la chute d’un « e » : « On faisait » [2fBzD] pouvant être prononcé [2vzD], ce n’est pas facile pour
un élève d’identifier la forme [vzD] à [fBzD], qu’il a stockée dans son lexique mental en construction,
ce qui se fait la plupart des fois à partir de la graphie.

Entraîner l’étudiant à la chute du [B] peut sembler une tâche dépourvue de sens si l’on considère, comme on l’a vu,
que la présence ou l’absence de la voyelle n’a pas de conséquences au niveau phonologique. Pourtant, en
s’habituant à prononcer le mot autrement que comme l’indique la graphie, même s’il s’agit d’une prononciation
correcte, l’apprenant enregistre d’autres variantes de prononciation du mot, ce qui l’aide à mieux comprendre les
messages oraux dont la forme obéit à des lois qui diffèrent de celles de l’écrit. C’est donc par le biais de la
prononciation que l’on vise la compétence de réception, et c’est là le plus grand intérêt du travail sur le [B] en classe
de FLE.
Les programmes de formation des futurs enseignants ont toujours accordé une place importante au « e caduc ».
Outre le fait que l’étude du fonctionnement du système phonologique doit inclure forcément ce son dont le
comportement est propre au français, la pratique de la suppression du [B] améliore sensiblement la compréhension
orale des étudiants non francophones qui n’ont pas eu d’entraînement à ce type de prononciation lors de
l’apprentissage de la langue.

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4. Reconnaissance du « e caduc » à partir de la graphie

Le « e caduc » correspond à la graphie e sans accent orthographique lorsqu’elle se trouve en syllabe inaccentuée
ouverte et si elle n’est pas suivie d’une consonne redoublée (ff, ll, tt, etc.). Ceci est dû au fait que les consonnes
doubles étaient autrefois des géminées, c’est-à-dire qu’on les prononçait toutes les deux, ce qui plaçait le « e » dans
une syllabe fermée. Rappelons que le préfixe re- se prononce [YB], même suivi de ss (ressaut, ressemblance,
ressentir, ressource, etc.), de même que les adverbes dessous et dessus.
D’autres graphies peuvent représenter des « e caducs », susceptibles d’être supprimés suivant les règles générales.

 « ai » dans des formes du verbe faire : nous faisons [fBz2], il faisait [fBzD], faisan [fBzS].

 « on » dans monsieur [mBsjV].


 Les terminaisons verbales -es et - ent, ainsi que « es » du pluriel des noms et des adjectifs, sont
considérées également des « e caducs ».

5. Position de « e caduc » dans l’énoncé.

Le tableau 1 montre les différentes positions où peut apparaître le « e » dans l’énoncé, chacune desquelles est
associée à critère général déterminant la chute ou le maintien de [B]. N’y sont pas inclus des facteurs qui jouent
également (tels que la présence de la syllabe tonique après [B] ou l’impossibilité de produire une gémination dans
certaines positions) et qui seront développés plus loin.

5.1. Précisions concernant certaines positions.

« e » en syllabe initiale d’énoncé : La syllabe contenant « e » se trouve dans un monosyllabe (ou, moins souvent,
dans un polysyllabe) et est séparée de l’énoncé précédent par une pause.
« e » en syllabe intérieure de polysyllabe graphique : Un polysyllabe graphique peut bien être un monosyllabe
phonétique. Ainsi, le mot conte, par exemple, est constitué de deux syllabes graphiques (puisqu’il contient deux
voyelles à l’écrit) mais il s’agit d’un monosyllabe phonétique car on ne prononce qu’une voyelle : [k2:t]. Pour analyser
les suppressions ou les maintiens du « e » dans cette position, on ne considérera que les mots comportant au moins
trois syllabes graphiques, le « e » à analyser ne se trouvant ni dans la première syllabe ni dans la dernière.

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Tableau 1. Position du « e » dans l’énoncé et facteurs qui déterminent sa chute ou son maintien

6. Chute obligatoire ou maintien obligatoire du « e » indépendamment de


sa place dans l’énoncé.

« e » suivi de voyelle.

La graphie « e » n’est jamais prononcée si elle est suivie d’une voyelle ou d’un h muet. La consonne précédant « e »
s’enchaîne donc à la voyelle (i.e. enchaînement consonantique). Le phénomène d’élision du « e », indiqué
graphiquement par l’apostrophe, montre la correspondance entre l’écrit et l’oral.

Ex. 1 : Identifiez les enchaînements consonantiques dans le texte suivant :

« Encore aujourd’hui, il m’arrive d’entendre, le soir, une voix qui m’appelle par mon prénom,
dans la rue. Une voix rauque. Elle traîne un peu sur les syllabes et je la reconnais tout de suite
: la voix de Louki. Pas seulement le soir, mais au creux de ces après-midi d’été où vous ne
savez plus très bien en quelle année vous êtes. »

Patrick Modiano
« Dans le café de la jeunesse perdue »
Gallimard, 2007

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« e » suivi de h aspiré

Le e se conserve lorsqu’il est suivi d’un mot commençant par h aspiré.

Ex. 2 Transcrivez et prononcez les énoncés suivants:

1- Quelle honte!
2- Le homard, ce Roi des crustacés, se prête à tous les goûts et à toutes les
fantaisies!
3- Arrête de hurler pour une haie !
4- Un mendiant couvert de haillons.
5- Il portait une lourde hache.
6- Achetez une housse pour protéger vos meubles.
7- Suivons un cours de hongrois.
8- J’éprouvais pour lui une forte haine.
9- « Mon père, cehéros », est un film français de Gérard Lauzier.
10- Le hasard n’existe-t-il pas ?
11- Le nivellement par le haut.
12- Une hausse de l’inflation

« e » précédé d’une voyelle.

Il ne se prononce pas à condition, bien entendu, qu’il se trouve dans une syllabe ouverte.

Ex. 3 : Transcrivez et prononcez les mots suivants:

Licenciement - remerciement - rapatriement – maniement- enrouement – engouement - Nous


jouerons – vous étudierez – ils tueront – on rapatriera- on essuiera - nous apprécierons

Le « e » du pronom « le » se maintient lorsqu’il se trouve en position tonique, quel que soit le nombre de consonnes
qui le précèdent. Il ne s’agit pas d’un véritable « e caduc » et sa prononciation correspond à la voyelle antérieure
arrondie fermée [V].

Écris-le vite.

Fais-le

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7. Contraintes de réalisation ou de suppression du « e » selon sa position


dans l’énoncé

« e » en syllabe initiale d’énoncé

Dans cette position, le maintien du « e » dépend surtout de la nature de la consonne qui le précède (dans des
conditions normales de conversation, à un débit moyen). On le maintient donc après une occlusive. Les fricatives
facilitent la chute du « e » initial, mais cette chute est facultative.

Maintien obligatoire Chute facultative


« e » se prononce : « e » peut tomber facultativement :

S’il est précédé d’une consonne occlusive : S’il est précédé d’une consonne fricative :

Tenez, le voilà. Ce n’est pas vrai.


De quoi est-il question ? Je te l’affirme.
Petit à petit, l’oiseau fait son nid. Je te l’accorde.
Que tu es grand! Je l’ai laissé là-bas.
Ça y est. Je l’ai trouvé.

Venez donc par ici

Ferez-vous toujours l’idiot ?


Ferons-nous encore cela ?

Si sa chute entraîne la formation de


consonnes géminées:

Ce soulier me gêne.
Je justifie sa conduite.
Me mentiras-tu toujours ?
Ne néglige pas ta santé.

S’il est suivi d’une semi-voyelle :

Ferions-nous mieux d’attendre ?


Ce rien l’amuse.
Ce royaume dura longtemps.
Ce ruisseau est bien clair.
Celui-ci est trop vieux.
Je souhaite sa réussite.

S’il se trouve dans la syllabe initiale d’un mot


isolé (quel que soit le nombre de consonnes qui
le précèdent) :

Bredouiller Brevet Squelette


Fenêtre Semoule Besoin

Tableau 2 Maintien obligatoire et chute facultative de « e » en syllabe initiale d’énoncé

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Dans le cas des consonnes vibrantes, latérales ou nasales, la chute est facultative aussi, mais elle est beaucoup
moins fréquente et dépend notamment du débit et du registre de langue.

R+e L+e N ou M+ e

Refais-le si tu peux. Le matin, je ne fais rien. Ne vous donnez pas la peine.


Recule un peu ta chaise Le premier jour. Ne viens pas avec lui.
Mais non, refuse cette offre. Tu sais, le train était souvent en
retard. Me donner ça ? À quoi bon ?

REMARQUE :

La première personne du présent du verbe être (je suis) et le pronom démonstratif “celui-là” présentent une
prononciation particulière en langue courante non soignée. [B] tombe fréquemment dans les deux cas. Dans le
premier cas, la chute du e met en contact la consonne sonore [F] et la sourde [s]. Cette dernière produit une
assimilation sur la précédente. Cette assimilation peut être un simple assourdissement [FsPi] ou une assimilation
totale avec assimilation de traits articulatoires [GPi].
Dans le deuxième cas (celui-là), l’omission du « e » entraîne aussi la suppression de la consonne “l” : [sPila].

Application pratique :

Transcrivez les énoncés suivants en indiquant toutes les prononciations possibles en fonction du registre de
langue :

1. Je suis prête.
2. Je suis là.
3. Celui-là est le plus grand.
4. -Tu préfères lequel ?
-Celui-là.

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« e caduc » à l’intérieur d’un polysyllabe graphique

Comparez:
« e » précédé de deux « e » précédé d’une seule
consonnes consonne

Vendredi Samedi
[vSdYBdi ] [samdi]

Simplement Seulement
Vous entrerez Vous passerez
Exactement Vaguement
Tristement Joyeusement
Largement Étroitement
Forgeron Bûcheron
Fermeté Doucement
Fortement

REMARQUES ET CAS PARTICULIERS:

1. Dans les mots composés, le e caduc peut tomber s’il n’est pas immédiatement suivi de la syllabe
tonique. Autrement, il se maintient obligatoirement.

Une garde-malade Un garde-meuble


[yngaYdmalad] ou [yngaYdBmalad] [RgaYdBmZbl]
Un garde-barrière Un garde-boue
Un porte-monnaie Un porte-plume

2. Dans le futur des verbes du premier groupe, au même niveau de langue, l’e caduc précédé de deux
consonnes peut se maintenir ou tomber. Au conditionnel aussi, le maintien est facultatif, excepté à la
première et deuxième personne du pluriel (suivi du groupe [Yj]) Le maintien est dans ce dernier cas
obligatoire.

Je resterai Tu conserveras
[FBYDst(B)Ye] [tyk2sDYv(B)Ya]
Il tardera Nous insisterons
Vous tarderez Je calquerai
Il conserverait Ils accorderaient

Nous resterons / Nous resterions


Vous resterez / Vous resteriez
Nous conserverons / Nous conserverions
Nous tarderons / Nous tarderions
Nous insisterons / Nous insisterions

3. « e caduc » précédé d’une consonne tombe, même si sa chute entraîne la formation de consonnes
géminées.

unanimement honnêteté netteté légitimement tu prépareras quatrièmement


nous jurerons il aérera nous tirerons

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4. Précédé d’une seule consonne, « e » se maintient dans les mots où il est suivi des groupes [Yj] et [lj]

Atelier [atBlje] bachelier chancelier


Coutelier hôtelier Richelieu

Nous appelions Vous appeliez


Que nous appelions Que vous appeliez
Nous épelions Vous épeliez
Nous demanderions Vous demanderiez
Vous passeriez Vous couperiez

5. Il se maintient également dans quelques mots isolés :

attenant champenois enchevêtré dépecer

6. Dans le mot quelquefois « e caduc » se maintient, suivant la règle générale. Il faut cependant noter la
prononciation familière de certains locuteurs qui le font tomber, ainsi que la consonne « l » : [kDkfwa]

7. La locution conjonctive parce que se prononce [paYskB]. Il faut également noter la prononciation particulière
de certains locuteurs qui prononcent parfois [paYsBkB].

« e caduc » à l’intérieur du groupe rythmique, à la fin d’un polysyllabe graphique


Dans cette position, il faut tenir compte du nombre de consonnes qui restent en contact à la suite de la disparition
du B pour déterminer sa chute ou son maintien. En règle générale, le « e » apparaît pour éviter la rencontre de quatre
consonnes, mais plusieurs cas de figure se présentent :

1. Précédé et suivi d’une seule consonne, «e » tombe (sa chute entraîne la rencontre de deux consonnes.) La chute
est obligatoire même si elle entraîne la formation de consonnes géminées

Je vous demande pardon. Je vois une jeune fille.


[FvudmSdpaYd2] [FBvwaynFZnfij]
Une bonne différence. Une affaire difficile.
Peine perdue. Je compte sur toi.
Elle passe sans regarder. Des coquillages géants.
[DlpassSYgaYde] [dekCkijaFFES]
Une grève violente. De la terre rouge.

2. Précédé d’une consonne et suivi de deux, «e » tombe (sa chute entraîne la rencontre de trois consonnes.)

Une grande prairie. Il connaît la côte bretonne.


[yngYSdpYEYi] [ilkCnDlakotbYBtCn]
Une technique primitive. Elle a mis sa robe grise.
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3. Précédé de deux consonnes et suivi d’une, «e » tombe généralement (sa chute entraîne la rencontre de trois
consonnes.) Cependant cette chute n’est pas considérée obligatoire et on entend des [B] dans cette position. La
chute ou le maintien du « e » sont liés à la nature des consonnes, les fricatives facilitant généralement la
disparition du « e ».

Le tourisme d’aventure Elle parle lentement


La porte du salon Une peste terrible. La gémination
On regarde la télé ? n’empêche pas
La marche des événements la chute du
Elle farde ses joues « e ».

4. À la fin des mots : quelque(s), risque, jusque, puisque et presque, « e » se maintient :

Quelques fleurs. Vous voulez quelque chose ?


[kDlkBflZ:Y] [vuvulekDlkBGo:z]
Il risque sa vie. Quelques milliers de dollars.
Jusque là-bas. Presque toujours.
Puisque je vous le dis. Presque jamais.

5. « e » final de polysyllabe précédé de deux consonnes prononcées et immédiatement suivi de la syllabe


tonique se maintient.

Comparez:

Une arme défensive. Une arme courte.


[ynaYmdEfSsi:v] [ynaYmBkuYt]
Il parle beaucoup. Il parle bas.
Elle reste toute seule. Elle reste seule.
Georges Duhamel. George Sand.
Il en reste beaucoup. Il en reste deux.
Une écharpe de couleur. Une écharpe rouge.
Une source d’inspiration. De source sûre.

6. S’il se trouve à la fin d’un polysyllabe précédé d’un groupe à liquide, il se maintient obligatoirement en
langue soutenue. En langue courante, on peut le maintenir ou bien on peut le faire tomber mais sa chute entraîne
aussi celle de la consonne liquide (“r” ou “l”).

Le siècle passé. [lBsjDklBpase] ou [lBsjDkpase]


Une boucle d’oreille.
Je vais attendre là-bas.
Un maître d’hôtel.
Quatre centimes.
Sur la table du salon.

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REMARQUE : Après les prépositions entre et contre, « e » suivi de consonne se maintient presque toujours, même
en langue familière.

C’est un secret entre toi et moi


Les députés ont voté contre cette loi

7. « e » se prononce à l’intérieur du groupe rythmique, à la fin d’un polysyllabe, précédé de deux consonnes et suivi
de deux consonnes (sa chute entraînerait la rencontre de quatre consonnes).

Une table pliante. Un geste brusque.


Un disque 33 tours. Un calque frappant.
Votre fragilité.

REMARQUES :

 Quand les deux consonnes qui le précèdent forment un groupe à liquide, le « e » caduc et la consonne liquide
peuvent tomber en langue courante.

 Le « e » peut tomber même si sa chute entraîne la rencontre de quatre consonnes en fonction de la nature
des consonnes en contact. La présence d’un [s] ou d’un [Y] dans le groupe disjoint précédant le «e » facilitera
sa chute, de même qu’un groupe conjoint après le « e »,

Il parle français.
Une ferme provençale.
Une porte sculptée.
Les forces françaises libres.
Un guitariste prétentieux.

8. A l’intérieur de groupe rythmique, à la fin d’un polysyllabe, précédé de trois consonnes et suivi d’une ou
plusieurs consonnes, « e » se prononce (sa chute entraînerait la rencontre de quatre consonnes ou plus)

Il va perdre son argent. Cherchez un texte plus long.


Un marbre poli. Un arbre creux.
Un meurtre brutal. Il doit mordre très fort.

REMARQUE :

Dans certains cas, on peut prononcer un « e » d’appui (dit « e » épenthétique) lorsque quatre consonnes se trouvent
en contact, même s’il n’y a pas de « e » écrit.

OURS BLANC FILM TCHÈQUE


[uYsBblS] [filmBtGDk]

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7.4. « e caduc » à l’intérieur du groupe rythmique en syllabe initiale de polysyllabe ou « e


caduc de monosyllabe

Dans cette position, e caduc précédé de deux consonnes se conserve et précédé d’une consonne tombe
facultativement. Sa chute est très fréquente en langue parlée. Le critère qui régit donc le maintien ou la chute du B est
le nombre de consonnes qui le précèdent.

Comparez :
MAINTIEN OBLIGATOIRE CHUTE FACULTATIVE
Au premier Au second
[opYBmje] [os(B)g2]
Nous crevons Nous venons
Son brevet Sa revue
En prenant En tenant
Un squelette Un secret

Cette leçon Sa leçon


[sDt lBs2] [sal(B)s2]
Chaque repas Deux repas
Une petite Un petit
Une seconde Deux secondes
Ils veulent venir Il veut venir
Par semaine À la semaine

LE
Avec le mien Sans le mien
[avDk lB mjR] [sSl(B)mjR]
Passe le faire Va le faire
Toujours le même Vraiment le même
Vers le train Dans le train

JE
Quoique je comprenne Quand je comprends
[kwakFBk2pYDn] [kSF(B)k2pYS]
Car je peux Mais je peux

CE / SE
Il compte se venger Il veut se venger
[ilk2:tsBvSFe] [ilvVs(B)vSFe]
Cherche ce passage Lis ce passage
Comme ce pays C’est ce pays
Perds ce ton Prends ce ton

ME
Ils veulent me voir Il va me voir
[ilvZlmBvwa:Y] [ilvam(B)vwa:Y]
Sors me voir Viens me voir

DE
Une femme de chambre Un valet de chambre
Une chaise de bois Un morceau de bois
Une tasse de thé Un pot de thé
Un verre de vin Un tonneau de vin

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TE
Ils descendent te voir Il descend te voir
Ils viennent te chercher Il vient te chercher

QUE
Dites que c’est moi Dis que c’est moi
Je n’en trouve que deux Je n’en ai que deux.
La poire que tu vois L’abricot que tu vois

REMARQUES:

 En langue soignée, on maintient le « e caduc » devant « rien » et devant le pronom personnel « lui », ainsi
que celui du pronom démonstratif « celui ».
Je pensais ne rien faire.
Il n’a besoin de rien.
Prends celui-là.
Je veux celui-là.
Oui, tu dois le lui donner.

 « e »se maintient également quand il appartient à la première syllabe d’un nom propre.

C’est René qui a commencé.


C’est Degas le peintre.
Nous ne pouvons pas commencer sans Chevalier

 « e caduc » se prononce généralement dans les mots : dehors, femelle, guenon, vedette et quenelles.

La guenon est la femelle du singe.


Elle a servi des quenelles de brochet.
Cet acteur est la vedette du moment.
Il est dehors.

« e caduc » dans deux syllabes consécutives

I. C B C B… : (Chaque « e caduc » est précédé d’une seule consonne)

Par règle générale, le premier « e » tombe (obligatoirement ou facultativement selon sa position dans l’énoncé) et le
deuxième se conserve. Mais l’inverse est possible aussi.

Et jE rEconnais qu’elle avait raison.


[eFBYBkCnD]
[eFYBkCnD]
[eFBYkCnD]
Mais, qui te menace ?
Elle s’est évanouie pendant le repas.
Tu ne le fais pas exprès, je suppose

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PRONONCIATIONS FIGÉES OU SEMI-FIGÉES

1. ÉCHEVELÉ, ENSEVELIR, ENSEVELISSEMENT, GENEVIÈVE

Dans ces mots, c’est le premier e caduc qui se maintient et le deuxième qui tombe.
Une jeune fille que le vent a échevelée.
Une dizaine de personnes ont été ensevelies sous les décombres de l’immeuble.
Sa chevelure blonde.
Les enfants sortirent et Geneviève alla avec eux.

2. JE NE

Le groupe je ne est un groupe figé. Ici, c’est le deuxième “e” qui tombe [FBn]

Je suis vraiment ennuyé mais je ne peux pas faire autrement.


Merci de votre adhésion dont je ne doutais pas.
Mais je ne t’avais pas reconnue avec cette coiffure.

3. CE QUE

Le groupe ce que est aussi un groupe figé. Mais ici, c’est toujours le premier e caduc qui tombe [skB]
A remarquer que « e » de « CE » tombe même s’il est précédé de deux consonnes prononcées.

Répète ce que tu as dit.


Je n’ai pas l’intention de vous récompenser pour ce que vous nous avez fait.

4. JE TE JE LE JE ME CE NE DE ...E QUE ...E

Les groupes je te, je me, je le, ce ne sont des groupes semi figés. Tantôt c’est le premier e qui tombe, suivant la règle
générale, tantôt c’est le deuxième, imitant un peu le groupe je ne. Il arrive de même avec les groupes comportant
comme premier élément de ou que.

Car je te l’avais promis.


Puisque je te connais.

Moi je le trouve sérieux.


Quand je le voyais, je courais vers lui.

Et je me suis dit que non.


Non, mais je me moque de cet usage.

Mais ce ne sont pas mes parents.


Vous ne parlez que de ça.
Il faut que je parle.
Les jeux que ne connaissent pas tous les enfants
Je viens de me laver.

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CAS PARTICULIERS

1. LOUVETERIE PAPETERIE PELLETERIE

Plusieurs prononciations sont attestées pour les mots suivants :

Louveterie [luvEtʀi; luv(ə)tʀi] (La variante graphique louvèterie, avec accent grave, est admise)
Papeterie [papEtʀi; pap(ə)tʀi]
Pelleterie [pɛltʀi; pElEtʀi]

C’est un expert en pelleterie.


En France, la Louveterie était une institution, créée par Charlemagne, avec l'objectif de procéder à la destruction
systématique et organisée des loups.
J’ai acheté ce cahier à la papeterie d’en face.

2. RECEVOIR REVENIR RETENIR DEVENIR

Dans les verbes qui ont deux syllabes consécutives avec e caduc comme devenir, recevoir, etc., on entend trois
prononciations différentes. Parfois on prononce les deux e caducs, mais on peut aussi faire tomber le premier ou le
deuxième.

Elle a retenu ses larmes.


[DlaYBtBnyselaYm] [DlaYtBnyselaYm] [DlaYBtnyselaYm]
Il serait tombé si je ne l’avais pas retenu.
Elle s’est présentée chez lui, mais il n’a pas voulu la recevoir.
Elle est devenue taciturne.

3. CHUTE DES DEUX “e” APPARTENANT À DEUX SYLLABES CONSÉCUTIVES:

En langue parlée, on remarque parfois la chute des e caducs dans deux syllabes consécutives, lorsque le deuxième
est précédé d’une constrictive (type de consonne qui facilite la chute du e ), particulièrement “s” ou “f”.

Tu ne seras pas content. [tynsYapak2tS]


Tu ne feras pas ça. [tynfYapasa]
Mieux que cela. [mjVksla]
On ne se moque pas de lui.
Rien ne se fait sans peine.

II. CCBCB
Quand le premier e caduc est précédé de deux consonnes et le deuxième d’une, c’est le premier qui se conserve et
le deuxième qui tombe.

Il a eu une amende car il a conTREVEnu à un arrêt de police.


Ces bâtiments ont été mal entretenus.
Il le reconnaît.
Ils se reposent.
Ils ne le disent pas.

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Phonétique et Phonologie II 2020 – e caduc

REMARQUES :

1. PARCE QUE PAR CE QUE car CE QUE avec CE QUE

Le groupe figé ce que conserve sa prononciation même si le premier e est précédé de deux consonnes.

Répète ce que tu as dit.


Nous passons parce que c’est notre tour.
Je ne te crois plus parce que tu ne dis jamais la vérité.
Par ce que mon oncle m’a dit, je suppose qu’il n’y aura pas de grève.
Par ce que tu gagnes dans cette affaire, ça ne vaut pas la peine de t’en occuper.
Car ce que nous voulons est bien différent.
Je ne serai jamais d’accord avec ce que tu dis.

De même pour le groupe JE TE ([FtB]) :

N’aie pas peur car je te dis la vérité.

2. CCBCB + Groupe Consonne + [j]

NOUS CONTREVENIONS NOUS ENTRETENIONS

Quand le deuxième e caduc précédé d’une seule consonne est suivi de CONSONNE + [j], on le maintient aussi,
comme dans vous contreveniez, nous contrefaisions.

La maison que nous entretenions était très grande.


Il ne faut pas que vous contreveniez à ses ordres.

3. Si le premier e caduc à la fin d’un polysyllabe précédé de deux consonnes se maintient, le deuxième ne tombe
jamais. (Sauf si le « e » de la syllabe suivante appartient à un groupe figé)

Il tremBLE DEvant vous.


Pour rendre ce papier.
Un câble secret.
On ouvre le portail.
Tu meubles le salon.
La lettre de ton oncle.

III. CBCCB .... Si le premier e caduc est précédé d’une consonne et le deuxième de deux, le premier tombe et le
deuxième se conserve.

Le paLEFREnier pansait un cheval. [lBpalfYBnje]


L’embrayage et le vilebrequin du moteur.
Il est en train DE CREver.
Vous ne prenez rien?
Il ne fait que bredouiller des excuses.

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Phonétique et Phonologie II 2020 – e caduc

IV. CC B CC… Si chaque e caduc est précédé de deux consonnes, les deux “e” se maintiennent.

En ce moment nous enTREPREnons la construction d’un pont.


Il est sorti avec le Premier Ministre.

Plusieurs syllabes consécutives contenant un e caduc.

Lorsque plus de deux syllabes consécutives contiennent un “e”, c’est le comportement du premier « e » qui
commande la chute ou le maintien des suivants. Il faut tenir compte, bien sûr, des groupes figés.

Ils viennent de le refaire. Il vient de le refaire.


Est-ce de ce jour qu’on parle? C’est de ce jour qu’on parle.
Ils viennent de me le dire. Il vient de me le dire.
Il me le demande. Il ne me le demande pas.
Il me le refuse. Il ne me le refuse pas.

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Phonétique et Phonologie II 2020 – e caduc

Tableau des contenus du dossier


Contraintes de maintien ou de suppression du « e caduc » selon sa position dans l’énoncé

1. Schwa ou « e caduc » ?
2. « e caduc » : Un phonème ?
3. Importance du « e caduc » pour l’enseignement/ apprentissage du FLE
4. Reconnaissance du « e caduc » à partir de la graphie
5. Position de « e caduc » dans l’énoncé.
Précisions concernant certaines positions.

6. Chute obligatoire ou maintien obligatoire du « e » indépendamment de sa place dans l’énoncé.


6.1 « e » suivi de voyelle.
6.2 « e » suivi de h aspiré.
6.3 « e » précédé d’une voyelle.
6.4 Le « e » du pronom « le » postposé.

7. Contraintes de réalisation ou de suppression du « e » selon sa position dans l’énoncé


- « e » en syllabe initiale d’énoncé
- « e caduc » à l’intérieur d’un polysyllabe graphique

Remarques : 1. Mots composés


2. Futur et conditionnel
3. Formation de consonnes géminées
4. e suivi de [Yj] et [lj]
5. Mots isolés
6. Quelquefois
7. Parce que

« e caduc » à l’intérieur du groupe rythmique, à la fin d’un polysyllabe graphique


« e caduc » à l’intérieur du groupe rythmique en syllabe initiale de polysyllabe ou « e caduc de monosyllabe
« e caduc » dans deux syllabes consécutives

I. CBCB…

 PRONONCIATIONS FIGÉES OU SEMI-FIGÉES


1. ÉCHEVELÉ, ENSEVELIR, ENSEVELISSEMENT, GENEVIÈVE
2. JE NE
3. CE QUE
4. JE TE JE LE JE ME CE NE DE ...E QUE ...E

 CAS PARTICULIERS

1. LOUVETERIE PAPETERIE PELLETERIE


2. RECEVOIR REVENIR RETENIR DEVENIR
3. CHUTE DES DEUX “e” APPARTENANT À DEUX SYLLABES CONSÉCUTIVES

II. CCBCB

 REMARQUES
1. PARCE QUE PAR CE QUE car CE QUE avec CE QUE
2. CCBCB + Groupe Consonne + [j]
3. Si le premier e caduc à la fin d’un polysyllabe précédé de deux consonnes se maintient, le
deuxième ne tombe jamais. (Sauf si le « e » de la syllabe suivante appartient à un groupe figé)

III. CBCCB....
IV. CCBCC…
Plusieurs syllabes consécutives contenant un e caduc.
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