Vous êtes sur la page 1sur 18

LA "ZĀ'IRǦA" ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BnF

Author(s): Bakri ALADDIN


Source: Bulletin d'études orientales , 2001-2002, T. 53/54 (2001-2002), pp. 163-179
Published by: Institut Francais du Proche-Orient

Stable URL: http://www.jstor.com/stable/41608507

JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide
range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and
facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org.

Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at
https://about.jstor.org/terms

Institut Francais du Proche-Orient is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend
access to Bulletin d'études orientales

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÂ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BnF

Bakri ALADDIN
INALCO

La zâ'irga évoque en premier lieu une table astrologique circulaire divinatoire. Plus
précisément, elle se présente « comme un grand tableau comprenant huit cercles concentriques
figurant les sept sphères, plus la sphère des étoiles fixes. Les sphères sont divisées en douze
secteurs égaux, correspondant aux secteurs zodiacaux... » '. Il s'agit d'une combinaison
complexe qui fera intervenir l'ascendant astrologique, la valeur numérique des lettres de
l'alphabet arabe abgad, de la poésie, de la musique. . . Elle permet, une fois certaines conditions
remplies, de répondre à des questions de toutes sortes, de deviner la nature d'un objet caché et
de lire l'avenir (ou de « dire la bonne aventure », selon l'expression de Kazimirski à la racine
ZYR).
D'une manière générale, la zâ'irga a été très peu étudiée, et n'a jamais fait l'objet d'une
monographie. Comme point de départ, il a paru important de commencer par l'étudier sous
l'angle de son évolution historique, sans prétendre pour le moment résoudre toutes les difficultés
que présente ce sujet, surtout en ce qui concerne la pratique divinatoire elle-même.

LA ZÂ'IRGA DANS QUELQUES MANUSCRITS DE LA BnF

Il est indispensable, pour commencer, de ne pas confondre les deux formes de la zã 'irga :
la première, purement astrologique, remonte aux débuts de l'empire abbasside (début IIIe/
IXe siècle). La seconde, qui n'est plus uniquement astrologique, a vu le jour au début du VIIe/
XIIIe siècle au Maghreb, et elle est beaucoup plus complexe. Comme procédé divinatoire,
elle atteint son plein développement à l'époque d'Ibn Haldün (808/1406 ). Elle garde la forme
de base de la zã 'irga astrologique et mobilise d'autres connaissances de l'époque, en particulier
le gafr (ou science ésotérique des lettres de l'alphabet, cf. E F).
La zã 'irga astrologique avait pour but de deviner ce qui est caché ( al-damïr 2) au moyen
de la consultation des étoiles. F. Rosenthal (1958 I, 239, n. 364 et III, 132, n. 678) a attiré

1. Cf. P. Lory, « La mystique des lettres en terre d'Islam », Annales de philosophie de l'Université Saint-Joseph ,
Beyrouth, 1996, vol. 17, p. 107.
2. Le mot damïr signifie, dans la langue arabe moderne, « conscience morale », « pensée intime ». Mais la significa-
tion ancienne est celle de « caché », « latent ».

Bulletin d'Études Orientales , LIII-LIV, 2001-2002, IFEAD, Damas, p. 163-180

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
164 BAKRI ALADDIN

l'attention sur le rapport étymo


signifie « table astronomique »,
sans explication linguistique conv
dictionnaire (1992, II, 1716-1717
D'autre part, l'un des premiers
Sa'ïd Ahmad b. Muhammad al-Si
katfyida fut dédié au prince bou
Sigzï, que la zã 'irga a été considér
on avait besoin de connaître les th
service, pour mieux les former. «
choses possibles 6. »
Pourtant, avant al-Sigzï, la techn
et de lire la pensée était bien conn
opuscule sur le sujet, intitulé Ist
al-$afa (IV, 388 sq ., et 376 pour
cherché à retrouver l'origine de ce
opinions des sages de l'Inde et d'au
D'autres auteurs tardifs donnen
zâ'irga astrologique. L'historien de
l'anecdote suivante :

« Un astrologue célèbre pour ses capacité à deviner ce qui est caché (fi ifyrãg al-damïr)
était connu sous le surnom de "l'imbattable" (al-mu 'giz). L'écrivain Ibn Naçr raconte que
quelqu'un lui lança un défi et paria avec lui contre quelques dinars qu'il ne pourrait deviner
ce qu'il avait caché ; il prit pour témoins les personnes présentes, et promit devant eux de
le payer aussitôt qu'il aurait réussi. Alors le mujjrig al-damïr (l'identificateur) étala sa
"table astrologique" (zã 'irga), et se mit à répéter : "Tu as caché l'une des substances de la
terre qui n'a ni goût ni odeur". Puis il rajouta : "Il s'agit d'une pierre ! " Puis, brusquement,
il enleva son turban et partit au souk la tête découverte. Une fois de retour il déclara :
"L'objet que tu as caché est un aiguisoir comme celui-ci", et il jeta devant lui un morceau
d'aiguisoir. Puis il empocha les dinars.

3. Sur le zïg cf. El2, s. v. 'Ilm al-hay 'a.


4. Notons le mot persan zãyega pour l'arabe zã 'irga. Le Dr Mo'ïn n'explique pas l'absence du « r ». Quand à F. Rosenthal
il écrit : « But the r seems to be an arbitrary addition, possibly by combination with dã 'ira "circle" » (cf. note 6). Voir
également sur le sens du mot persan HaööI Halïfa, Kasfal-Zunün (p. 964 + note) où zik signifie « règle du maçon ».
D'ailleurs, on constate au début du VIe siècle de l'hégire l'usage du mot persan zayga , pour la qualification d'un
procédé rudimentaire d'astrologie qui fut en usage au Caire, cf. Ibn al-'IbrI (m. 685/1286), Tãrib mufytaçar al-
duwal , Beyrouth, s.d. p. 201.
5. Sur al-Sigzï voir Sezgin (1977, 178). Concernant la dédicace du livre à 'Adud al-Dawla, cf. AL-Sigzï, Ms. BnF 6686,
f. 2 1 . Il y a dans ce texte plusieurs tableaux dont les titres comportent des variantes. Ainsi on a zaïrgât au f. 2 1 , zaïgât
au f. 21 v (à comparer avec la note 4), et zïrgât f. 22. Sur 'Adud al-Dawla, cf. EI2 (I, 217).
6. Ms. BnF 6686, f 20v.
7. A ce stade le babï' et le damïr sont liés à l'astrologie, tout ceci dans la dernière Risàia (épître) sur la magie (IV,
p. 320-478).

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÂ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF 165

Une fois qu'il fut revenu à lui, on lui dit : "Nous avons tout compris, sauf lorsque tu es
parti en courant, la tête découverte. . Il répondit : "Un astre m'a indiqué une couleur, u
autre astre une autre couleur, et ces deux indices sont entrés en conflit, car ils n
s'harmonisaient pas entre eux. Je ne savais pas quelle couleur on obtiendrait en l
mélangeant, ni ce qui se trouvait entre elles. Si bien que mon cœur se mit à s'échauffer
La chaleur de la réflexion atteint la tête, et c'est pourquoi je me suis découvert le crâne e
ai couru chez le teinturier. Je lui ai demandé : "Lorsqu'on mélange telle et telle couleur,
que va-t-on obtenir ? Il me répondit : " la couleur de l'aiguisoir " ( misannï ). Par augure
par conjecture, j'ai deviné que c'était un aiguisoir. Mon intuition s'est donc révélé
bonne 8 ! »

Dans cette anecdote, la zâ'irga reste fondamentalement liée à l'astrologie. Elle obéit
principes de l'harmonie universelle, où rien sur terre ne peut échapper à ce qui a été dicté
le mouvement des astres. Mais on voit que l'intuition du praticien est fondamentale, de sor
que, en fin de compte, la table astrologique n'est qu'un support, un prétexte, l'essenti
travail revenant à l'astrologue. Celui-ci avoue d'ailleurs qu'il faut faire la part du hasard et
la chance dans son travail.
Par ailleurs, on nous a raconté ici l'histoire d'une réussite exemplaire. Qu'en est-il des
échecs ? Mais, bon an mal an, la zâ'irga n'a cessé de progresser !
Le premier tournant de son évolution est marqué par l'empreinte de Mâlik Ibn Wuhayb
(525/1 13 1), un proche conseiller d'Ibn Tâsfin à Marrakech. Ibn Haldün (1 957, 1, 387) lui attribue
l'invention du bayt al-qasïd (le "vers-modèle"), vers indispensable au bon fonctionnement du
procédé divinatoire 9. C'est un vers de mètre tawil comprenant 44 lettres. On assiste là à l'entrée,
dans la pratique de la zã 'irga astrologique, d'éléments de gafr et de poésie.

LA ZÂ'IRGA DANS LE ŠAMSAL-MA 'ÃR1F D'AL-BÛNÏ,


COMPARAISON AVEC LE CHAPITRE VI DE LA MUQADDIMA D ' IBN -HALDÜN.

En mettant de côté les problèmes que pose la biographie d'al-Bùnï (622/1225) et les
différentes éditions de son livre principal Šams al-ma 'ãrif al-kubrã 10, on découvre dans celui-
ci des informations très importantes sur la zã 'irga au VIIe/XIIIe siècle. La grande édition,
plusieurs fois parue au Caire et reprise à Beyrouth se trouve, par rapport aux deux autres
éditions, encore à l'état manuscrit, enrichie par plusieurs chapitres, dont un sur la zâ'irga (à
laquelle une vingtaine de pages sont consacrées dans le chapitre XXXIV). Malgré certaines

8. Le personnage d'Ibn Naçr al-Kãtib (« l'écrivain », « le secrétaire ») est cité une deuxième fois par Ibn al-Qiftï (1903,
439), qui lui attribue un livre intitulé Kitãb al-Mufäwada. Sous ce titre on trouve le nom entier du personnage (Abü
al-Hasan Muhammad b. 'All), qui écrivit la Mufâwada pour le roi bouyide Galâl al-Dawla, mort à Bagdad en 435/
1044 (Haggï Halïfa II, 1758).
9. De Slane (1862, 247, n. 3) l'appelle « le vers technique » et il écrit à ce propos : « au reste, ce vers ne sert qu'à aider
la mémoire en indiquant certaines lettres qui doivent s'employer dans cette opération cabalistique et montrer l'ordre
dans lequel on doit les prendre ».
1 0. Sur ce livre voir P. Lory ( 1 989, 97- 1 1 1 , et la note 1 ). Les manuscrits de la BnF Arabe 2650 et Arabe 265 1 contiennent
le texte de la grande édition, dont le nombre de chapitres a été augmenté, par rapport à la petite, du chapitre XXXIV
(ou XXXV selon Arabe 265 1). Ce chapitre, qui traite de la zâ'irga , fait défaut dans la première édition.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
166 BAKRI ALADDIN

différences, les principaux élément


fournis par Ibn Haldün. Les sources
d'amis ou de connaissances, qu'
malheureusement sans les nomme
plusieurs intermédiaires, d'al-Bûn
les principales sont les suivantes
Parmi leurs idées communes, on
à Mãlik b. Wuhayb. On retrouve
auteur n'apparaît pas. Al-Büni donn
l'appelle le bayt al-qasid, même s'il
son mètre ( al-tawïl ), le nombre d
par Ibn Haldün lui-même, il devrai
sa rime en « lã ».

La deuxième idée de base chez Ibn Haldün consiste à appliquer à la za irga astrologique
des techniques empruntées au gafr, comme al-bast (détachement des lettres, pour donner à
chacune sa valeur numérique) et al-kasr (fractionnement). Ces deux procédés font partie d'une
large opération appelée istinfãq al-hurüf (questionnement des lettres). Elle consiste par exemple,
à décomposer la lettre A (alif) en ses trois lettres de base prononçables (= ALF), et faire la même
décomposition des trois lettres sorties de la première opération de détachement. Ceci afin de
trouver la valeur numérique de chacune des lettres en question. Une fois converties en valeurs
numériques, celles-ci, dans des opérations compliquées et à travers des « règles » précises, aident
à « extraire » une réponse, en prose ou en poésie, à une question préalablement posée 13. À tour
de rôle, les auteurs de la zâ'irga « polyvalente », insistent sur la complémentarité de ces deux
composantes principales. Si un auteur parle de l'aspect astrologique de cette zâ 'irga postérieure
au VIIe s.h., sans tarder il se rattrape pour rappeler l'autre aspect, le gafr, et vice- versa. L'ensemble
des « sciences » et techniques qu'il faudrait gérer décourage les curieux. « Il faut noter, écrit al-
Büni, l'énoncé de la question posée, le nom de celui qui la pose, le jour, l'heure, l'ascendant, le
couchant, l'intermédiaire, le diamètre, ce qui se trouve entre eux comme signes du zodiaque, la
balance de la métrique et la balance de la musique. Fais le total de toutes les lettres alphabétiques
et procède à leur fractionnement l4. » Les connaissances exigées par al-Büni couvrent plusieurs
domaines de la culture générale de son époque.

1 1 . Ibn Haldün ( al-Muqaddima , 1 962, IV, 1151 ; 1 1 54, 1155, 11 57) cite al-Bunï plusieurs fois, et parle souvent de son
livre al-Anmãt mais jamais du Šams al-ma 'ãrif.
12. Sous ce nom il est cité une seule fois ibid., p. 1 178, et une vingtaine de fois bayt al-qasïd , ibid., p. 1 169-1 176.
L'expression « bayt al-qasïd » signifie le vers qui résume le message moral d'un poème ; R. Blachère traduit par :
vers essentiel, sublime, quintessence, cf. Dictionnaire arabe-français-anglais , Paris 1977, t. 2, p. 933. V. Monteil le
traduit par « poème clef », Cf. la traduction de al-Muqaddima ou Discours universel sur l'Histoire, vol. Ill, p. 1 150.
13. Pour plus de détail cf. E. Doutté, Magie et religion dans l'Afrique du Nord , Paris 1984, p. 176. D'ailleurs, on peut
noter un rapport direct entre le kasr (fraction) et le bast (numérateur) mis en pratique par le mathématicien Ibn al-
Bannã al-Marrakushï (VII-VIIIC h.) et les termes utilisés dans la zâ'irga, cf. Kasr et 'Ilm al-hisãb in EP.
14. Šams al-ma 'ãrif p. 346.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÂ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF 1 67

Ceux-ci sont augmentés et détaillés dans le fameux poème attribué à al-Sabtï, et donné
entier par Ibn Haldùn (cf. trad. V. Monteil III, p. 1 1 1 4 sq.). Ce long poème de quelques cent
n'est pas produit par al-Büni. Pourtant le nom de son auteur est cité trois fois dans son Šam
ma 'ãrif. L'identification du personnage pose quelques difficultés. Le célèbre mystique Abü
' Abbas al-Sabtï (601/1205, EI2, VIII, p. 71 1-713) pouvait en être l'auteur pendant sa jeuness
à l'époque où, pour assurer sa vie, il enseignait la grammaire et le hisãb (l'arithméti
Autrement dit, c'est son ascétisme basé sur la charité et la pratique de l'aumône pour répan
le bien, qui pousse les chercheurs à écarter toute possibilité de le confondre avec l'auteur d
dite qasïda. Mais le problème, dans Šams al-ma 'ãrif, est que al-Büni ne fait pas une n
distinction entre « Abü al-'Abbãs al-Sabtï qui avait atteint la perfection dans le gouvernem
des événements du monde ( al-tasrïf) en adoptant, comme modèle moral, le nom de Dieu, e
soit-il, le Généreux » et « le ustãd (maître) du Centre dont la zâ'irga a pris le nom » 15.
Al-Bùnï distingue, au début du chapitre XXXIV de Šams al-ma 'ãrif, trois catégorie
la zâ'irga :

a) Une première catégorie nommée al-mawdü ' al-musta 'ãr (le sujet emprunté). C
ressemble au fa 7 ( omen = présage), on l'appelle également al-markaz (le centre). D'après lu
ce procédé était connu à l'époque du calife abbasside al-Ma'mùn. Il consiste à noter le
de la personne qui pose une question, de faire le fractionnement des lettres arabes de son n
de les mélanger avec les lettres extraites du fractionnement des lettres de la question posé
de convertir toutes les lettres en valeurs numériques... Ce procédé dont la base est le
ressemble, si on le suit jusqu'à la fin, à une sorte de zã 'irga coupée de son autre composant
l'astrologie. Ce qui est contradictoire avec l'évolution de la zâ'irga conçue dans cet art

b) Une deuxième nommée : al-mawdü ' al-bastï (le procédé de la conversion des let
en chiffres) est prise des carrés magiques ( awfãq ) quadrilatères et hexagonaux inscriptibl
dans des cercles. Al-Bùnï considère ce procédé divinatoire comme étant le plus facile.
réponses sont données soit en vers du mètre ragaz soit en prose rimée.

c) La troisième catégorie s'appelle al-mawdü' al-ragazï (le sujet versifié). L'exposé


cette partie de la zâ'irga, présentée par al-Bùnï, est structuré comme celui d'Ibn Ha
Autrement dit les éléments de base sont les mêmes : un fond astrologique, une application
gafr, un élément indispensable : le vers-modèle ( al-qutb selon l'expression d'al-Bùnï) e
réponse donnée en poésie, du mètre tawïl de préférence l6. Il y a, au niveau structur
schématique, une ressemblance frappante entre l'exposé d'al-Bùnï de cette troisième catégo
de la zã 'irga et celle détaillée par Ibn Haldùn. Sans oublier que celle-ci est largement inspir
du célèbre poème d'al-Sabtï. La ressemblance finit par un poème écrit par al-Bùnï s'inspira

1 5. Cf. Šams , p. 1 55, 345, un contemporain et disciple du grand mystique Abü al-4 Abbãs al-Sabtï, a laissé une biogra
pleine d'anecdotes sur la générosité de celui qui est devenu l'un des sept patrons de Marrãkush ; cf. Yüsuf b. Ya
al-Tàdilï (ou Ibn al-Zayyãt), al-Tašawuf ilã rigai al-tasawwuf ] éd. par A. Tawfíq, Rabat 1984, p. 451 sq. Jam
ne parie de zã 'irga.
16. Cf. Šams al-ma' ãrif (ch. XXXV), manuscrit BnF, Arabe 2651 f. 91. Le texte du manuscrit diffère légèrem
l'édition du Caire, ch. XXXIV, p. 345-346.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
168 BAKRI ALADDIN

semble-t-il, de celui d'al-Sabtï. L


de leurs biographies). Le poème
l'alphabet arabe ; celui d'al-Sabtï
Une étude mieux ciblée devrait
est le plus ancien. On déduira, esp
de ces deux auteurs, très célèbre

LA ZÄ'IRGA D'AL-SABTÏ EST SU


AU « CERCLE » C DÀ'IRA ) D'IBN T

Dans un article publié en 1943, H


Gamal al-Dïn 'Abd al-Malik b. 'A
sans titre, fut dédié par l'auteur a
à 774h. (1366 à 1372) sur une gra
Le texte en question « occupe l
d'astrologie, copié au Maroc au XV
de la collection de la bibliothèqu
La nouvelle édition du catalogue
de cet opuscule : 'Atãr al-dawla a
de l'état royal en matière de stat
Grâce à l'étude de Renaud et aux
le texte du manuscrit de la BnF, A
le baron de Slane : « Traité de di
sous les auspices du sultan mérin
Abü al-'Abbäs Ahmad al-Sibti 20. »

Grâce également à la nouvelle édition du catalogue de Rabat, j'ai comparé les incipit de
deux titres de Margäni. De Slane a présenté l'œuvre du pseudo-Sabtï contenue dans les folios
1-20 comme étant un seul traité.

En effet il y a dans ces vingt folios deux traités du même sujet qui se suivent et se
complètent, sans que le copiste les sépare d'une façon nette, du fait de l'absence des deux
titres :

17. Pour le poème d'al-Sabtï, cf. Ibn Haldûn, al-Muqaddima , éd. Wãfi, Le Caire, vol. Ill, p. 1158-1165 ; pour celui
d'al-Bûnï, cf. Šams , op. cit , pp. 348-349.
18. Cf. H.-P.-J. Renaud, « Divination et histoire nord-africaine au temps d'Ibn Haldûn », Hespéris XXX (fase. 3-4),
Paris, 1943, p. 213-21.
19. Cf. Catalogue E. Lévi-Provençal, Les manuscrits arabes de Rabat , Paris 1921, p. 191 n° 478 ; cf. également la
nouvelle édition : Muhammad Ibrahim al-Kattânï et S. al-TãdilI, Fahras al-mabtütä( al-'arabiyya al-mahfuzafi
al-ffizãna al- ' ãmma , Casablanca, 1997, vol. V, p. 238, n° 4401 .
20. Cf. Catalogue des Mss. Arabes de la B.N. Paris 1883, p. 485. L'attribution du titre à Abü al-'Abbäs al-Sabtî se
trouve en effet dans la page de garde, au premier emplacement d'un tableau qui sert de table des matières de quelques
19 titres que contient ce recueil de la BnF N° 2684. Mais cette table des matières faite par le copiste s'avère fautive,
dès le départ.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÄ'IRÖA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF 1 69

a) BnF 2684, ff. lv-12v 'Atar al-dawla al-malakiyya... dont Y incipit s'accorde, à u
variante près, avec celui du ms. de Rabat décrit dans la nouvelle édition du catalog
b) id., ff. 12v -20 Tuhfat al-lablb al- 'ãlim fi al-kašf 'an asrãr al- 'awâlim (chef d'œu
de l'intelligent savant en matière de dévoilement des secrets des mondes). Le cont
de ce deuxième traité est en fait l'exposé de deux questions et les réponses obtenu
par la zã 'irga.

L'auteur précise (f. 1 9) que le šayh (son maître) utilisait dans ses travaux la totalité
cercle (= table circulaire). Quant à lui, il avoue qu'il fait usage uniquement d'une partie
celui-ci. Ce procédé s'appelle selon ses propres termes al- 'amai al-awsat (le procédé moy
À la fin du texte de ce deuxième titre, on trouve un tableau qui contient l'usage ( tadbïr ) d
douze signes du zodiaque.
Toutes ces précisions aideront, un jour, à mieux orienter les chercheurs dans ce domain
trop compliqué et face auquel plusieurs chercheurs, suivant l'exemple d'Ibn Haldün,
avoué leur incapacité à percer le mystère de ce procédé divinatoire 21 .
Mais ce qui nous intéresse, en matière de développement de ce procédé, est de pouvoir fai
la part de la zã 'irga et d'autres procédés, tel le gafr. Une phrase d'al-Margânî, dans le prem
traité ( 'Atar al-dawla ), nous paraît d'un grand secours dans ce domaine. Al-Margânï voulait
effet, offrir au sultan marinide Abü Färis (qui avait un grand intérêt pour les sciences) un t
sur l'une des sciences occultes (al- 'ulüm al-maktüma), celle qui devrait être la meilleure (f.
et b). Il a décidé d'écrire un traité sur la « zã 'irga al- 'alam » (table astrologique du monde)
l'on attribuait à Abü al-'Abbãs al-Sabtï. « Car, celle-ci, écrit-t-il, nous rend plus satisfaits p
ses multiples cercles concentriques que le cercle ( dâ'irat ) d'Ibn Talha » (f. 2V).

LE CERCLE D'IBN TALHA

Kamãl al-Din Muhammad Ibn Talha, originaire de Nisibin, fut à la fois jurisconsulte,
spécialiste du Hadit (tradition du Prophète de l'Islam), théologien et praticien des sciences
occultes. Plusieurs fois qâdï, imam d'une mosquée à Damas et ministre pour deux jours, il
s'installe à la fin de sa vie à Alep où il mourra en 652/1254 22. Dans cette ville, il écrit al-
Durr al-munazzam fi al-Ism al-a 'zam (Les perles enfilées concernant le plus grand Nom).
C'est un commentaire d'un « cercle » qui contient le mystère du plus grand Nom de Dieu,
toujours inconnu des musulmans. L'histoire de la découverte de ce « cercle » est rapportée
par l'auteur au début de son livre. Elle est confirmée à deux reprises par al-BQnï dans Sams

2 1 . De Slane a écrit une note pour exprimer son regret de la traduction du texte d'Ibn Haldün sur la zã 'irga ; on peut y
lire : « Toutes les incorrections queje viens de signaler, la complication des procédés, l'obscurité répandue à dessein
sur les passages les plus importants du texte, et surtout l'absence d'un bon exemplaire des tables, me décidèrent enfin
à discontinuer un travail qui ne pouvait offrir un résultat satisfaisant. Je le fis avec d'autant moins de regret que le
sujet lui-même n'a aucune importance réelle ou scientifique, et qu'Es-Sibti, en imaginant son procédé, n'a probablement
eu pour but que d'abuser de la crédulité de ses lecteurs ». Cf. Les Prolégomènes d'Ibn fjaldün , Paris 1938, troisième
partie, p. 206.
22. Cf. Kahhãla, Mu 'gam ... X, p. 1 04.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
170 BAKRI ALADDIN

al-ma'ãrif 23. Il s'agit, en fait


l'identifier deux siècles plus tar
cet ami, Abü 'Abdallah Muhamm
tableau ( lawh ) en forme de cercle
lettres. Il en fit une copie et fut
40/661). Ce dernier lui demanda
son incompréhension de la sign
nommément Ibn Talha pour qu'i
écrire al-Durr al-munazzam 24 .

Il est indispensable de noter que le Durr est un ouvrage de gafr, procédé de divination
basé sur la valeur numérique des lettres de l'alphabet et les noms divins. Il contient aussi des
thèmes tels les malãhim : prédiction concernant le Mahdi, le retour du Christ, l'anté-Christ, la
fin des dynasties et celle du monde. Il ne traite aucunement de zâ'irga. Celle-ci n'était pas
encore répandue en Orient musulman. L'éloge fait par al-Margânï de la zã 'irga et sa supériorité
sur le « cercle » d'Ibn Talha, signifie qu'en Occident musulman le gafr y est déjà intégré.
Vu sous un autre angle, le Durr reflète une influence précoce d'Ibn 'Arabi sur Ibn Talha 25.
À signaler, à titre d'exemple, quelques idées : a) La distinction faite par Ibn 'Arabi entre les
gens de la lumière (ahi al-anwãr ) pour désigner les mystiques de l'Orient musulman et les gens
des secrets (alh al-asrãr) pour qualifier les mystiques de l'Occident musulman ; on la retrouve
dans al-Durr (Ms. BnF 2666 f. 39). b) On y retrouve également la notion du « sceau des saints »
(hãtam al-awliyã '), qui est, selon Ibn Talha, Jésus Christ ('Isa al-Masïh), qui rencontrera al-Mahdi
à la Grande Mosquée de Damas, rencontre qui assurera la perfection mutuelle des deux entités
(kamula ahaduhumã bi-al- 'ãhar) 26 (id., f. 54v). Bien qu'il y ait des connotations si'ites dans ce
livre, on ne peut pas considérer Ibn Talha comme un auteur chi 'ite ; car il occupait des postes
clés dans l'administration ayyoubide en Syrie, c) Enfin, la notion de la šagara (arbre, avec la
racine arabe qui signifie discorde) y est présente toute seule ou annexée à d'autres mots : šagarat
al-hilãf (l'arbre de la discorde) ou šagarat al-hanzal (l'arbre de la coloquinte, symbolisant une
dynastie ennemie) (ff. 35, 36). Il faudrait signaler enfin la ressemblance de cette notion avec
celle de la šagarat al-nu 'mãniyya, faussement attribuée à Ibn 'Arabi qui contient des prédictions
sur la conquête par le sultan ottoman Selim 1er de la Syrie et de l'Egypte 11 .

23. Cf. Šams al-ma 'ãrif. op. cit , p. 48-19 et 328 sq ., où al-Bûnï consacre tout un chapitre pour exprimer son admiration
de ce « cercle de l'être » (< dâ'irat al-wugüd), car il contient tout ce qui apparaîtra dans le monde : des rois, des
souverains et des événements futurs (p. 328-345) ; à noter que ce chapitre est suivi dans Šams par celui de lazâ 'irga.
24. Cf. Manuscrit de la BnF, Arabe 2666, f. 3. Cf. également H. H., Kašf al-zunün, éd. Yaltakãya, Istanbul 1941, vol. I,
p. 734 où H. H. rapporte la même histoire. À noter, d'après lui, que c'est 'Abd al-Rahmãn al-Bastãmi (m. 858/1454)
qui identifia le nom de l'ascète de la Mosquée d'Alep, al-Ihmïmî.
25. Son nom entier : Kamãl al-Dïn Abü Sãlim (Abü 'Abdallah) Muhammad b. Talha b. Muhammad b. al-Hasan al-
Quraši al-'Adawi. Il est säfi'ite. Il mourut, d'après le manuscrit de la BnF, Arabe 2440 (ff. 1-138) le 27 rajab 652h.
/ 14. 09. 1254 à Alep. Le Ms. de la BnF 2440 contient le texte de son Kitãb al-'iqd al-farïd li al-Malik al-Sa'ïd ,
ouvrage de morale politique et religieuse, copié le 13 jumãdã 805h.
26. Sur la notion de sceau des saints, cf. M. Chodkiewic z, Le Sceau des saints , Paris, 1986.
27. Sur al-Šagara al-nu 'maniyya et la réfutation de son attribution à Ibn 'Arabi, cf. D. Gril, « L'énigme de la Shajara
al-nu' mãniyya fi al-Dawla al-'Uthmâniyya », Varia Turcica , XXXII, Paris-Montréal, 1999.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 001 Jan 1976 12:34:56 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÂ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DF. LA BNF '1'

Pourtant il faudrait prendre avec précaution toutes ces ressemblances entre le li


Talha et l'œuvre d'Ibn 'Arabi. Car tous les manuscrits consultés ďal-Durr al-munazzam sont

copiés à l'époque ottomane. Un seul texte, copié avant cette époque (776h.) et qui fait partie
du fonds de la Staatsbibliothek de Berlin (Sprenger 869, ff. 28-52v), présente beaucoup de
différences en volume et en contenu. Ceci dit, il faudrait trouver d'autres copies manuscrites
anciennes pour pouvoir mieux juger des interpolations et les distinguer du texte originel d'Ibn
Talha.

U$ÜL AL- 'UQÜL FlAL-ZÄ'IRGA

Ce titre est attribué, dans plusieurs manuscrits, à Ibn 'Arabi (638/1240), comme c'est le
cas pour les deux textes conservés à la BnF (Arabe 2684, ff. 90-123 ; et 2694, ff. 1-48, copié
au début de l'année 1008h.). O. Yahia, dans son Histoire et classification de l'œuvre d'Ibn
'Arabi, ne met pas en cause l'authenticité de cette attribution. Il classe cette œuvre sous la
catégorie : « ésotérisme, art divinatoire et symbolisme des lettres » 28.
Il est impossible, dans le cadre de cet article, de faire le point sur cette œuvre ; je
tâcherai d'en donner un aperçu rapide. Schématiquement, celle-ci est susceptible d'être divisée
en trois parties : les vingts premiers folios sont consacrés à la zâ'irga, les folios 21 à 44
reflètent une cosmologie et une physique très proches de celles des Ihwãn al-safã et d'Ibn
'Arabi, et l'auteur nous invitant au folio 35v à adopter la doctrine de l'unicité de l'être ( wahdat
al-wugüd) ; la dernière partie (f. 45-48) expose une éthique et une mystique philosophiques.
Ibn 'Arabi ne peut pas être l'auteur de cette œuvre. L'expression « unicité de l'être »
présentée ici implicitement, comme madhab, doctrine, correspond à une époque contemporaine
ou postérieure à Ibn Taymiya (728/1328), qui, par sa critique, l'avait répandue. En revanche,
il est très probable que l'auteur de cette œuvre originale soit le maître d'al-Margâni, l'initiateur
d'Ibn Haldün à la zã 'irga. Il s'agirait de Abü Zakariyã Yahiã b. ' Abdalwãhid ai-Andalusi al-
Hayyãt (m. après 764h.), duquel al-Margânî, nous donne un portrait qui manque de beaucoup
de traits pour être clair ! Tout d'abord, al-Margânî confirme que son maître était en Afrique
en 764h. et qu'il l'avait côtoyé un certain temps. Toujours d'après al-Margãni, son maître
avait une maîtrise extraordinaire de la pratique de la zã 'irga, il était capable de deviner tout ce
que faisait son disciple en son absence 29 . Son maître avait la possibilité de deviner le passé,
le présent et le futur. « On dirait, écrit-il, qu'il recevait une Révélation 30. » Une lecture attentive
de Usül al- 'uqül permet de constater qu'on est devant un auteur sûr de lui ; il dicte son livre à
un disciple afín de l'initier à la compréhension de la zâ'irga et à une doctrine philosophico-
magique. Le folio 9 (ms. 2694) présente une définition globale et caractéristique. Tout d'abord
la zâ'irga renferme des secrets kabbalistiques ( asrãr harfiyya). Elle dépend des relations
(nisab) naturelles, d'une capacité intellectuelle et d'un procédé technique ( qâ'ida sinâ'iyya).

28. Cf. O. Yahia, Histoire et classification de l'œuvre d'Ibn 'Arabi, Damas, 1964, vol. II, p. 519 (R. G. 808).
29. Cf. Ms. BnF, Arabe 2684, f. 3.
30. Cf. id., f. 4.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
172 BAKRI ALADDIN

Étant science et art ( sinâ'a ), elle


pratiques. La zâ'irga est finaleme
base sur les 28 lettres de l'alphabe
al-falak ) lui est supérieure... Il ne
cette science (la zâ'irga) se dresse
L'un des indices fournis par al-
al-Andalusï al-Hayyãt est son pouvo
Al-Marjâni lui-même avoue avec mo
de ce cercle. Ce procédé est appel
Arabe 2684, f. 19). L'auteur de Usül
majeur ( al-tarïqa al-kubrã), mais to
(al-nisab, sing, nisba). Il en dénom
relations trouvent leur équivalent, m
vol. IV, p. 1 167 sq.) ; il les nomm
extraire les réponses aux questions
Ce vers est qualifié par Ibn Haldün
Il est nommé par l'auteur de Usül a
Arabe 2694, f. 2. Pourtant, l'aute
Muqadimma (op. cit, vol. 1, 387) co
de la mise en pratique. La seule diff
Tandis que Ibn Haldün se réfère à c
Un autre indice de l'originalité
maître al-Andalusï al-Hayyãt, expr
le shaykh « m'a tenu un certain
mondes sont liés les uns aux autr
l'on soit à une distance égale ent
Ms. BnF, Arabe 2684, f. 3V). On tro
universelle et de l'unité des contrai
qui s'intéresse uniquement à l'asp
'Uqül à al-Andalusï al-Hayyãt s'av
« Le Créateur (al-Bârî)... est un
hiérarchisés est à la base de l'app
principe, chaque forme (šakl) a un
est une force qui surgit de ce mo
forces de tout étant par le secour
parties sont secourues par leurs se
wa al-sa '(f) sont deux contraires. .
Celles-ci sont en état d'équilibre (i
saurait subsister. . . La cause de cet
l'équivalence (takãfu ') de tout con
sorte que l'un ne peut évincer l'au
triomphaient des autres, le fond

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÂ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF ' 73

deviendrait la cause du relâchement du lien de la structure et puis de la décomposition. .


Ceci s'applique également aux Principes simples qui sont le fondement de toutes l
choses composées. Il sont contraires, mais équivalents au niveau de la force. Sans cela l
cosmos serait tombé dans le néant ( baiala al-kawn ). » (Ms. BnF, Arabe 2694, ff. 43v-44v

La zâ'irga dans Usül al- 'uqül n'est point un simple procédé technique isolé, elle e
par ce principe de contrariété, ancrée dans une théorie de magie sympathique qui jus
toute action divinatoire. Ceci mérite un examen plus spécifique.

CONCLUSION

La position d'Ibn Haldün vis-à-vis de la zâ'irga est bien mitigée.Tout d'abord, il refu
l'idée selon laquelle la zâ'irga peut être un moyen de dévoiler l'Inconnaissable ou de per
le Mystère divin ( al-Gayb ). Ce domaine, d'après lui, est réservé aux prophètes et aux grand
saints de l'Islam. Il affirme qu'elle doit rester dans le cadre d'un procédé technique ( am
sinâ'ï) bien déterminé. Celui-ci consiste à établir une correspondance entre la question e
réponse au niveau de la connaissance humaine ( Muqaddima , I, 388 ; III, 1 157). Pourtant
reconnaît que beaucoup d'hommes parmi l'élite de la société (al-f}awã$$) ont la passion
d'obtenir, par son intermédiaire, des renseignements sur l'Inconnaissable, et cela malgr
caractère étrange et énigmatique de sa mise en pratique (id., I, 368 ; 388).
D'autre part, Ibn Haldün défend avec enthousiasme l'authenticité de cette pratique. F
à ceux qui refusent de croire à ce procédé et qui nient sa validité, il oppose son témoign
personnel. Le fait d'avoir assisté à plusieurs « essais » de cette pratique lui a permis de const
qu'elle fonctionne régulièrement ( 'amai muttarid) et qu'elle obéit à des lois sûres (qän
sahih). Celui qui la pratique, ayant un niveau suffisant d'intelligence et une certaine intuitio
y croit fermement (id., I, 389). « J'ai vu, écrit-il, dans la contrée du Maghreb (ard al-Magrib
des gens qui l'ont pratiquée ; ils ont réalisé des choses étranges et extraordinaires, ils ont ét
capables d'influer sur l'être des choses (al-tassarufbi al-wugüd), ceci grâce à une assista
divine » (id., III, 1181 ; ce passage pourrait être une citation d'un maître d'Ibn Haldün,
éventuellement d'un autre maître antérieur à lui). Cette pratique de la zã 'irga vaut pour lui
titre d'« une curiosité formidable » (malïha mina al-mïlah ). Mais malgré l'attrait de la zâ'irg
et son usage répandu en Afrique du Nord, avant Ibn Haldün et à son époque, il n'hésite pas à
l'identifier à la magie, un nom auquel ceux qui la pratiquaient ont voulu échapper à tout pri
(id., 1157).
Ce qu'il faudrait retenir à propos de la zã 'irga, c'est qu'elle a continué d'être admirée
pratiquée après Ibn Haldün, tout en restant une curiosité d'une élite politique pratiquée
cour des rois du Maghreb. Son équivalent en Orient musulman fut « le cercle » d'Ibn Ta
qui sera remplacé, à l'époque ottomane, par « l'arbre » de Nu'mân (al-šagara al-nu 'mãniyya...
L'une des manifestations tardives de la zâ'irga insistait sur sa marque royale. Dans l
recueil de textes regroupant des traités de la zã 'irga (ms. BnF 2684), il y en a un, anonyme
sans titre. L'auteur de celui-ci écrit : « Je n'ai vu personne parmi les gens au pouvoir q
autorise l'usage ou qui en a fait une faveur aux autres, au contraire tous ils l'ont caché

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
174 BAKRI ALADDIN

l'ont mise sous clef » (f. 66v). En a


on devinerait le rang social d'une
Voici quelques exemples des tre
propos desquelles on pouvait for
femme d'un rang très élevé et de n
valet du roi. (9) À propos d'un diam
hommes afin de s'emparer du pou
parmi ses princes il léguera son p
d'un rikãz (trésor) caché d'avant
plus ? (id., ff. 66v-67).
Si l'on compare ce qui préoccu
représentait les intérêts de tel ou t
la zâ'irga ou encore « l'astrologie
descriptive (elle décrit très réalisti

3 1 . Voir C. Hamès, « Taktub ou la magie d


(fase. 3), Leiden, 1987, p. 31 'sq.
32. R. Barthes par R.B., Paris, 1975, p. 86

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
la /J irga ht lls manuscrits arabls de la bnf 175

'JtyjV i j ¿ j

¿¿¡¿¿i i ÎJ#I j*

i<y l -OW
I) o fe¿ó¿U 1^ £

Jür ^bl^l/IWý Itfl&jé"' ff

j^3üU>> i¿> I

• •%/ .»

a ' >^Ar -r¿>


UOJ U>Orb
'73^n
s^Wj s^W
t&,' ¿¡|: J
^ c>^" /
n' /|^A 1 ' Áh*>

*''|i '''| V'


■Q ìì -hi -ir
'K|V}
I JŽ»/ fr1-" ' ťcjl ' àyS'A/
"A^O> 7 /SiU' ^ '
Al-Sigzï, Kitãb al-Za'irgât, Manuscrit de la BnF, Arabe 6686, f 21a.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
176 BAKRI ALADDIN

U W íAj) t j Ul «i ji
i' I ft: I 'n#>u .

^ ^' S Ã''V*
% ^ %fi*! ^'
■rvs^jiy
«UJ'rV?/ «UJ'rV?/
Wjbv^',:x ^
Wjbv
tJ'^ Z-
w tJ' w ¿¡ ' T*Ji^
' T*Ji^ ! , '' '>J'"

~y crjU' . f.U1 tr*U' ns I/JÜ1 j ^(j>

(¿itc'f! [jJJ

n'7¿Í^i| JíŠS» I I
i/^jN^i» JClt^
' txí^V /tfy «o«tj

IP"V^j
"V^j $*¿ú^.V
¿ú^.V ^ ^mi■■ ^A'-¿
^A'-¿ ut ^^
■ ■ >«-• - ■ I Mr . ■! I ■ I ■ ■! + wwt I I I 1 - ^ >» ■ ( II ^ I ■ I 1 ' »■

p&i'py ■ ■ >«-• - ■ I Mr . ■! ¿ÍS^^ I ■ I ■ ' ■! + wwt I I I 1 - ^ >» ■ ( II ^ I ■ ' I 1 «v,,! '


^•'.¿-r^ ' ¿ur^/ j ^c^ryiíř" 'tT^' «v,,!
l^JÜ' ¿"jg ^u. Kl^j j k^N.

X-*'&i l» -^/á¿ X j¿L»v


^"'¿, xíí)5¿! jjù -fr"' »¿-f<* -Jvtt

Z,^l j1 . ^Ř&£
^5" ><*» ^y) ^
VfSÏ^ ^ ' : rí'11
.Ui#^ *í*e« íhk?:. frěr i*W
Al-Sigzi, Kitãb al-Za'irgat, Manus

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÄ'IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF 177

Dâ'irat d'Ibn Talha, Manuscrit BnF, Arabe 4606, f 84a.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
178 BAKRI ALADDIN

BIBLIOGRAPHIE

Les imprimés

DE SLANE (G.)
1 842 Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèque impériale , Prolégomèn
t. XIX, Paris, cxvi+468 p.(t.XX, 1852, Paris, 493 p.).

DOUTTÉ (E.)
1 984 Magie et religion dans l 'Afrique du Nord , Paris, 617 p., (1er éd.,1 908).

Encyclopédie de l'Islam , nouvelle éd., Leiden, Brill, 1968.

EI2 : voir Encyclopédie de l'Islam.

FAHD (T.)
1966 La Divination arabe , Leiden, Brill, 1 1+563 p.

GAS : voir SEZGIN

GRIL (D.)
1999 « L'énigme de la Shajara al-nu 'mãniyya fi-l-dawla al- 'Uthmãniyya attribuée
à Ibn 'Arabi », dans Les Traditions apocalyptiques, Varia Turcica , XXXIII,
Paris-Montréal, p. 133-151,154.

HÄÖÖI HALÏFA
1941-1943 Kasfal-zunün , éd. Yaltakiya, Istanbul, 1. 1, 148-940, t. II, p. 945-2056.

IBN HALDÜN
1957-1962 al-Muqadddima , éd. du texte arabe par 'Ali 'Abdalwãhid Wãfi, Le Caire,
1. 1, 1957, p. 1-402, t. II, 1958, p. 403-824, 1. 111,1960, p. 825-1 147, t. IV, 1962,
p. 1148-1371.

IBN AL-QIFTÎ
1903 Târïl} al-Hukama' éd. J. Lippert, Leipzig , 22+496 p.

IHWÃN AL-SAFÃ
1928 Rasâ'il fywãn al-safčP , éd. Ziriklï, 4 vol., Le Caire, 1. 1, 362 p., t. II, 388 p.,
t. III, 432 p., t. IV, 479 p.

LORY (P.)
1996 « La mystique des lettres en terre d'Islam », Annales de philosophie de
l'Université Saint- Joseph, Beyrouth, vol. 17, p. 101-109.
1 989 « La magie des lettres dans le Sams al-ma ' arif d'al-Bûnï », BEO 39-40, Damas,
p. 97-111.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms
LA ZÃ IRGA ET LES MANUSCRITS ARABES DE LA BNF ' 79

MO'ÏN (M.)
1992 An Intermediate Persan Dictionary , Teheran, 1992, t. II, p. 1477-2774.

MONTEIL (V.)
1978 Ihn Haldün, Discours sur l'Histoire universelle , Al-Muqaddima , Paris,
3 vol., 48+1431 p.

ROSENTHAL (F.)
1 958 Ibn Haldün, The Muqaddima, An Introduction to History, Translated from the
Arabic by..., 3 vol., New York, 1. 1, cxv+481 p., t. II, 463 p., t. III, 603p.

SEZGIN (F.)
1977 Geschichte des arabischen Schrifttums , Leiden, vol. VII, 13+486p.

4 UM AR KAHHÃLA
1957-1961 Mu'gam al-mu allifin , 15 vol., Damas.

Y AHI A (O.)
1964 Histoire et classification de l'œuvre d 'Ibn 'Arabi, 2 vol., Damas, IFEAD,
1. 1, p. 1-336, t. II, p. 337-698.

Les manuscrits arabes consultés à la BnF

Al-Bûnï, Abu al-'Abbâs, Ahmad, Šams al-ma 'arifi 2650 (ff. 1-227) et 2651 (ff. 1-256), copié au XVIIe s.

Al-Marôànï, öamäl al-Dïn, ' Abd al-Malik b. 4 Abdallah, 'Atãr al-dawla al-malakiyyafi 'ahkãm al-dawâ'ir
al-falakiyya 2684 (ff.lv-12V) ; Tuhfat al-labïb al-'âlim fi al-kašf 'an asrãr al-'awãlim , id. (ff.l2v-20).
Dans ce recueil de textes 2684 (ff. 1-167), il y a une quinzaine de traités sur la zairga. Un grand nombre
restent anonymes ou sans titres ; c'est le cas de celui que j'ai présenté à la fin de la conclusion (ff.65v-71).

Al-Siôzï, Abü Sa'ïd, Ahmad b.Muhammad, Al-Za 'irgat fi al-hïlag wa al-kathida, 6686 (ff. 23-3 lv).

Ibn Talha, Kamal al-Dïn, Muhammad, Al-Durr al-munazzam fi al-ism al-a'zam 2666 (l-109v) ; il y a
d'autres manuscrits à la BnF du même titre, cf.les Nos: 2663 (ff. 1-80), 2664 (ff. 1-132), 25 (ff. 1-88), 2667
(ff. 1-110), 2668 (ff. 1-88), 2669 (ff.1-152), 4606 (ff. 1-78, f. 48 où figure un autre cercle, cf. la figure 3 à
la fin de l'article) 6598 (ff. 1-102). Ils sont tous copiés à l'époque ottomane. Il y a un exemplaire du même
ouvrage à la Bibliothèque nationale de Berlin (Sprenger 869, ff. 28-52v) avec la variante de titre suivante :
Šarh al-Ism al-a 'zam wa tusamma Dâ'irat Ibn Talha. Tous les Mss de la BnF sont copiés après le XIe siècle
de l'hégire (XVIIe après J.-C.), celui de Berlin est copié au VIIIe h./XIVe après J.-C.

This content downloaded from


193.225.200.93 on Thu, 16 Jul 2020 08:14:17 UTC
All use subject to https://about.jstor.org/terms

Vous aimerez peut-être aussi