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LA CONNAISSANCE DE L'INCONNAISSABLE ET L'OBTENTION DE L'MPOSSIBLE: DANS LA

PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM


Author(s): Toufic Fahd
Source: Bulletin d'études orientales , 1992, T. 44, SCIENCES OCCULTES ET ISLAM (1992),
pp. 33-44
Published by: Institut Francais du Proche-Orient

Stable URL: http://www.jstor.com/stable/41608344

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LA CONNAISSANCE DE L'INCONNAISSABLE
ET

L'OBTENTION DE L'IMPOSSIBLE

DANS LA PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM

PAR

Toufic Fahd
Université des Sciences Humaines de Strasbourg

Il y a une part d'inconnaissable dans la vie, que l'homme a toujours tenté de percer. Cet
effort a laissé des traces écrites et orales dans toutes les civilisations, quelle qu'en soit
l'expression. En Islam, l'inconnaissable est rendu par un terme qui revient souvent dans
Coran : al-gayb, terme qui désigne "le monde invisible", c'est-à-dire « ce qui n'est pas per
par les sens ou ce qui n'est pas immédiatement déchiffré par la raison » (Baydãwi, Tafsîr sur
Coran, II, 3).
Le gayb comporte deux modalités : la première est révélée aux hommes par le
prophètes, la seconde est connue de Dieu seul {Coran, X, 20). « Le gayb est donc, tantôt l
révélation, tantôt l'inconnaissable, tantôt les deux à la fois. Dans l'incapacité de traduire,
commente. » 1 Ibn Haldün (II, 177/205) résume cela dans cette phrase :
« Wa-inna al-bašar mahgübün 'an al-gayb illä man atla'a Allãh 'alayhi min
'indihi fi nawm aw bi-wilãya. »
Participent de ce gayb des privilégiés auxquels Dieu octroie la connaissance de certain
de ses mystères, tels les prophètes, les imams chiites, les mystiques, les pieux, mais aussi ceux
dont la nature est douée de certains pouvoirs que le commun des gens n'a pas : les devins, les
magiciens, les astrologues qui parviennent à percer les mystères de la connaissance, avec o
sans la permission de Dieu. La ligne de démarcation entre divination, magie et astrologie e
impossible à établir. Tout ce qu'on peut dire est que « la magie et l'astrologie, dépassant l
stade de l'observation et de l'intuition, s'engouffrent dans des dédales sans limites, alors que

l.Cf. M. Gaudefroy-Demombynes, Le sens du substantif "gavb" dans le Coran, m Melanges


L. Massignon, II, Damas, 1957, p. 245-50 ; art. « Ghayb », in E.I.2, II, p. 1049. Notons que le terme gayb
est utilisé quarante-cinq fois dans le Coran.

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la divination et la phy
d'intuition » 2.
Dans la divination, la magie et l'astrologie, il y a des méthodes permises et des méthodes
prohibées. Nous allons les énumérer, en définir l'objet et nous arrêter sur les plus
importantes d'entre elles. Vu la longueur du sujet, je n'aborderai l'astrologie que par le biais
de ses rapports avec la divination et la magie 3.

LA DIVINATION

Dans la pensée arabe telle qu'elle se dégage des écrits du polygraphe al-Mas'ûdï, du
sociologue Ibn Haldün et des grands représentants de la philosophie au Moyen Âge (al-Fãrâbí,
Ibn Sina, Ibn Rušd, Maïmonide), il existe une certaine continuité entre divination et
prophétie.
« En effet, on a l'impression, en les lisant, que le devin qui s'exerce et se perfectionne,
peut atteindre le grade supérieur du prophète et de l'inspiré. On pourrait aller jusqu'à croire
que tout prophète avait été quelque peu devin avant de parvenir à l'état d'épanouissement de
sa faculté de divination. Cela équivaut, en fait, au passage de la divination proprement dite,
qui se fait par intermédiaire, à la divination sans intermédiaire, qui n'est autre, au terme de
son évolution, que la prophétie. Cela s'entend strictement sur le plan théorique ; car, dans la
pratique, l'infériorité du devin par rapport au prophète a toujours été manifeste, surtout
depuis que le prophète s'est voué à l'idéal du monothéisme ou de la monolâtrie et que le devin
est resté au service des divinités inférieures et des esprits hostiles. Le point commun qui les
unit reste le fait que l'un et l'autre cherchent lumière et inspiration auprès de la divinité ; l'un
et l'autre en sont les confidents » ( Divination , 63). Mahomet lui-même, effrayé des signes
qui se manifestaient en lui, aurait dit à Hadiga, sa femme : « Je ne hais rien autant que les
idoles et les devins ( kuhhãn ), mais j'ai bien peur d'être un kãhin. » 4
En Islam, l'affirmation constante de la tradition se résume dans ce principe : lã kihãna
ba' d al-nubuwwa (plus de divination après la prophétie). Quand le Prophète fut envoyé, les
devins furent privés de la possibilité de prendre connaissance des choses cachées ; elles leur
furent voilées par le triomphe de la lumière du Prophète. Je ne m'arrête pas ici sur le fait que
Mahomet fut traité de devin et de "possédé" par ses concitoyens, en raison du style oraculaire
de certaines sourates du Coran.
De tous les procédés mantiques de l'Arabie préislamique, l'Islam n'a légitimé que
l'oniromancie, largement pratiquée par le Prophète lui-même et ses Compagnons, en
particulier Abü Bakr, son premier successeur, et la physiognomonie. Tous les procédés
cléromantiques, basés sur l'oracle (divination intuitive) ou sur le tirage au sort (divination
inductive), telles : a) la bélomancie, représentée par al-istiqsãm bi al-azlãm, le jeu à'al-
maysir et le jeu des osselets ( ki'âb ), assimilé à al-maysir ; b) la lithomancie ( al-tarq bi al-
hasa) ; et c) la géomancie ( al-hatt bi al-raml), ont été interdites, en raison de leur caractère
sacré païen, du fait qu'ils confient au « hasard apparent le soin de révéler la volonté ou la

2. Cf. T. Fahd, La divination arabe. Etudes religieuses, sociologiques et folkloriques sur le milieu
natif de l'Islam, Leyde, Brill, 1966 ; reprod. chez Sindbad, Paris, 1987, p. 42, cité par la suite sous
Divination.
3. Voir mes articles dans E.1. 2 : « Munadidiim » et « Nudjùm [ahkam al-] ».
4. Ibn Sa'd, Tabaqãt, I, 1, p. 129 sq.

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pensée de la divinité » 5. Mais d'autres procédés s'y sont substitués, basés soit s
prophétique, comme la qur'a (tirage au sort), soit sur l'interrogation des
comme la Bible et le Coran, ou les livres de base de la Tradition (Buhãri)
mystique ( Matnawï ), etc. D'où sont nés des procédés rhapsodomantiques, tels :
hurüf (une divination basée sur les lettres de l'alphabet) ; b) les malãhim
caractère eschatologique) ; c) les Noms divins ( al-asmã ' al-husnã) ; d)
(, hawãss ) du Coran, et la zâ'irga, une « machine à calculer les présages au moy
de cercles concentriques, apparentés à l'Ars Magna de Lulle » (Massignon)
lettres de l'alphabet, la gématrie et l'astrologie.
L'ornithomancie, très pratiquée par les Arabes préislamiques, est auss
'iyäfa, art de tirer présage des noms des oiseaux, de leurs cris, de leur vol et d
le zagr art qui consiste à lancer un caillou contre un oiseau et à crier cont
présage de la direction qu'il prend, sont interdits dans le Coran et da
prophétique, où ils sont considérés comme un reste du paganisme, en ce
conçus comme un acte de foi aux forces aveugles de la nature et aux d
représentaient.
Cet acte est appelé tira. On fait dire au Prophète que « la tïra est idolât
qu'elle « est dans la femme, l'habitation et la bête de somme ». Dans ce der
s'agit pas d'ornithomancie mais de présages domestiques que l'homme tir
paroles de sa femme, des habitants de sa maison et des ustensiles et animaux y e
Cela nous amène aux omens, qu'ils soient animaux (' iyãfa ), qu'ils soient
c'est-à-dire l'onomatomancie, le clédonisme et l'astrologie judiciaire.
Le fa'l représente la masse imposante des autres catégories d'omens. A
exprimait le bon et le mauvais présage ; mais l'Islam primitif, qui condamna l'o
puisque « l'Envoyé de Dieu aimait le fa'l et ne pratiquait pas la 'iyãfa » ( Di
commença par l'attribuer au bon présage, réservant au mauvais présage le n
point qu'on a pu dire : « L'objet du/a7 est d'aller de l'avant, celui de la tïra
et le recul » (ibid.).
Le fa'l est l'antonyme du šu' m, mauvais présage. Il est spécialisé dans :
a) L'onomatomancie, l'art de tirer présage des noms propres ou
fréquemment pratiqué par le Prophète lui-même, où antiphrases et
interviennent souvent.

b) Il est spécialisé également dans le clédonisme, basé sur l'interprétation des gestes
corporels de l'homme, ses actions et paroles inconsidérées ou fortuites, ses rencontres, les
circonstances de sa vie et les pressentiments qu'il éprouve. Les difformités physiques, les
signes accidentels, les noms, les attitudes fortuites, les apparences, les comportements, les
actions irréfléchies, le rang social, le métier ; tout cela intervient dans l'interprétation de ces
présages.
c) Le fa'l est, enfin, spécialisé dans le présage astrologique qui est tiré des phénomènes
cycliques et permanents des astres. Il s'agit de l'astrologie naturelle qui consiste dans
l'observation de l'influence des astres sur les éléments naturels et de l'astrologie judiciaire qui
consiste dans l'observation de l'influence des astres sur la destinée humaine.
Un même nom les unit : l'apotélesmatique (par référence à un ouvrage de Ptolémée, le
Tetrabiblos). À l'astrologie naturelle appartient la divination météorologique où les malãhim

5. Sur ces procédés et les suivants, voir nos articles dans la nouvelle Encyclopédie de L'Islam.

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(présages tirés des phén


par le lever héliaque et le
néfastes résultant de le
condamnées par l'Islam,
de la croyance que les ast
l'éclair et surtout de la p
Quant à l'astrologie ju
(mawâlïd), l'hémérolog
néfaste, établi d'après
tardivement en Islam
naturelle, à cause de son
Nous avons vu précéde
condamnation prophéti
Science connue en Ara
auprès de Mahomet, qu
rêve du croyant est un
prophétie (connu déjà d
degrés, et le chiffre don
Cela revient à dire qu
savoir le songe. 'À'isa, s
manifesta par des rêves
de sa retraite annuelle
Coran.
L'exemple prophétique a été largement imité par les musulmans, auprès desquels le rêve
jouit d'une grande faveur, comme le prouve l'immense littérature onirocritique qu'on trouve
dans toutes les bibliothèques du monde islamique. J'ai inventorié cent quatre-vingt-un traités
dans les fonds d'Istanbul et de l'Anatolie 6.
En marge de l'oniromancie, on peut mentionner l'incubation ( hälümat ), une technique
qui prédispose l'âme à avoir un rêve. « Plus forte est la prédisposition, plus immédiate sera la
réalisation de ce à quoi on est prédisposé. » 7
Dans Gãyat al-hakïm d'al-Magritï, il s'agit d'une technique, appelée hälümat al-tibã'
al-tãmm, consistant à obtenir en rêve, de la "Nature parfaite", une réponse à une question
posée au moment de se coucher, après avoir purifié sa conscience, dirigé son intention,
prononcé une formule spécifique illisible, colportée dans tous les écrits à caractère magique,
et formulé un désir. Durant le sommeil, le consultant reçoit la réponse ( kašf) à la question
posée. Nous entrons là dans le domaine de la magie.
En Islam, Yistihàra s'est substituée à l'incubation païenne. Malgré la différence qui les
sépare, elle est désapprouvée par l'orthodoxie. À signaler que l'incubation, chez les Grecs,
était conçue comme une thérapie, alors que, dans l'Orient ancien et dans l'Islam, qui en est
l'héritier, c'est une méthode divinatoire consistant à obtenir des directives divines relatives à
la conduite de la vie quotidienne ou au succès dans les affaires exceptionnelles.

Il nous reste à parler des procédés physiognomoniques (firãsa ) qui comportent les
techniques suivantes :

6. Cf. Divination, p. 330-363.


7. Ibn Haldün, Muqaddima, I, p. 191/218 ; Divination, p. 363-365.

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LA PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM 37

La qiyàfa arabe est la reconnaissance de la paternité d'un enfant par l'exam


plante du pied du père, du fait qu'elle constitue l'extrémité de la forme du corp
( Murûg , HI, 335) écrit : « Même si l'enfant diffère de son père par son comportem
l'ensemble de sa silhouette, la plupart du temps, il a le même pied que lui ; car
l'hérédité confère à quelque chose une vertu propre susceptible de la faire distingue
hérédités. »
Cette qiyàfa concerne les humains (basar), mais il existe parallèlement une qiyàfat al-
atar qui consiste à reconnaître les empreintes des pieds dans le sable. Les spécialistes arrivent
à distinguer celles d'un jeune de celles d'un vieillard, celles d'un homme de celles d'une
femme, celles d'un blanc de celles d'un noir, celles d'un étranger de celles d'un habitant des
lieux, celles d'une femme enceinte, celles d'un voleur, etc.
Cette faculté étonnante de divination ne se limite pas aux hommes ; elle concerne aussi le
comportement des animaux et leur manière d'être. L'art du qâ'if peut s'exercer sur toutes
choses : son œil perspicace et son pouvoir de déduction dépassent le domaine de l'intelligence
et supposent même une part d'inspiration divine.
Longtemps, la Loi islamique considéra la qiyàfa arabe comme une preuve juridique
valable dans les procès relatifs à l'établissement de la paternité d'un enfant ou d'un esclave
( Divination , 370 sqq.).
La firàsa islamique, ou physiognomonie, se substitua à la qiyàfa arabe après des
transformations qui en ont fait un art strictement physiognomonique. L'objet de cet art est
l'observation des particularités physiques du corps humain, telles la couleur, la forme et la
constitution des membres, dans le but d'en déduire la destinée de l'homme, par l'inter-
médiaire de son tempérament ; car ce dernier, « s'il n'est pas l'âme (< mizàg ) elle-même, est
l'instrument de ses actions. Dans les deux cas, le comportement physique et la conduite
morale sont nécessairement liés au tempérament » 8. C'est, par conséquent, une technique
analogue au diagnostic médical ; son développement et son perfectionnement en Islam vont
de pair avec la diffusion des sciences médicales.
Appartiennent à la physiognomonie : les présages tirés des naevi ou taches de la peau, la
chiromancie, l'omoplatoscopie, la palmomancie, la connaissance divinatoire du sol et la
divination météorologique que nous avons mentionnée auparavant ( Divination , 378 sqq.).
Voilà, donc, ce que permettent de connaître les techniques divinatoires. Le voile du gayb
est légèrement soulevé par la divination, alors qu'il sera déchiré par la magie.

LA MAGIE

À la base de la magie, il y a la conception des rapports entre Dieu et les hommes. La


transcendance divine, dans la pensée monothéiste, ne permet pas à l'homme de traiter
directement avec Dieu. D'où la nécessité d'êtres spirituels intermédiaires, les anges, chargés
de guider les hommes vers Dieu. Ces anges se servent d'êtres physiques appartenant aux trois
règnes, capables d'agir sur l'esprit de l'homme. C'est le cas du bâton de Moïse qui devient
serpent devant Pharaon (Coran, XX, 18-24) ; c'est le cas des démons au service du roi
Salomon (Coran, II, 96).
Le Coran nous apprend que lors de la création de l'homme par Allah, Iblis (diabolos)
refusa de se prosterner devant Adam (Coran, XXV, 26-34) et fut, de ce fait, expulsé du
Paradis avec ceux qui l'ont suivi. Ainsi, les anges se scindèrent en deux groupes : les fidèles et

8. Fahr al-Dîn al-Ràzï, cité ap. T. Fahd, Divination, p. 380.

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les rebelles. Les premi


cherchent à l'éloigner de
séduction constituent le
Il découle de ce principe
aux hommes par des an
djinns, esprits inférieu
gardiens de ces portes l
Les anges déchus épousè
enseignèrent « la sorcel
(Livre d'Enoch VII, 1 sq
«l'art de résoudre les
«les mouvements de la
Ces enseignements, tra
naturellement prédispo
les anges, leurs informat
terre périraient [par le
démons, la puissance d
secrets qu'ils ne devaien
10).
Quels sont ces secrets que les hommes ne doivent pas connaître ?
Le désir de l'homme de tout savoir en ce qui concerne son avenir et de tout faire pour
obtenir ce qui, normalement, ne lui est pas dû, est déconseillé par Allah, qui met l'homme en
garde contre le danger d'une curiosité trop poussée. « O vous qui croyez ! N'interrogez pas
sur des choses qui, si elles vous étaient montrées, pourraient vous nuire. Mais, si vous
interrogez à ce sujet, lorsque le Coran aura été [entièrement] révélé, elles vous seront
montrées » (Coran, V, 101-2). Mais le Prophète étant mort prématurément, avant l'achè-
vement du Coran, la Tradition prophétique et exégétique tenta de combler le vide, autant que
possible, en tenant compte des aspirations des hommes et des usages dans les pays conquis.
Une palette importante de procédés magiques entra alors dans les usages.
Il y a les prodiges accomplis par les prophètes, rivaux des magiciens, que les infidèles et
les faibles d'esprit assimilent à la magie, alors qu'ils n'en sont pas. Il s'agit du bâton de Moïse
devenu serpent devant Pharaon (Coran, XX, 18-24 ; 66-75 ; XXVII, 13-14 ; XXVIII, 32 ;
VII, 101-5). Il s'agit aussi des quatre oiseaux coupés en morceaux et placés sur les montagnes
par Abraham et qui revinrent vers lui (Coran, II, 262). Il s'agit encore du vent qui souffle en
tempête pour courir aux ordres de Salomon et des démons qui exécutaient ses ordres (Coran,
XXI, 81-82 ; XXXIV, 11-13). Il s'agit aussi de la naissance de Yahyã (Jean-Baptiste) d'un
père très vieux et d'une femme stérile (Coran, III, 33-36) ; de l'oiseau que 'Isa (Jésus) forma
de la boue et y insuffla la vie (Coran, V, 109-1 10).
Tous ces faits merveilleux qui fascinent l'esprit de l'homme sont autant de signes (ãyãt)
qui démontrent le pouvoir que Dieu confère à ses prophètes, dans le but de les rendre
crédibles ; mais ils demeurent facilement assimilables aux actions des magiciens.
La sorcellerie (sihr) est, aux yeux de Mahomet, l'un des plus grands péchés de l'homme
(Buhãri, 55/23 ; 76/47) ; « celui qui s'occupe de sorcellerie est polythéiste » (ašraka)

9. J'utilise fréquemment la thèse d'Anatoly Kovalenko, Magie et islam, préparée sous ma direction et
soutenue à Strasbourg en 1979. Cf. pour ici p. 75 sq.

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LA PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM 39

(Nasâ'I, 37/19 ; Abü Däwüd, 27/17 et 24). « Le châtiment du sorcier est


(Tirmidi, 1, 276). Lui-même a été ensorcelé par un juif qui déposa une mèche de
prise à un peigne, dans un puits. Il en résulta un affaiblissement de la mémo
cinations, une impuissance sexuelle, etc. Cela eut lieu à la fin de l'an 6/628 et
jours. Il l'aurait appris par deux êtres de forme humaine qui conversaient auprès
alla au puits, retira les cheveux et fut guéri (Muslim, H, 275).
Par contre, les charmes ( ruqã ), du latin carmen (chant magique), cons
prononciation de formules magiques visant le désenvoûtement, sont p
exceptionnel, à condition qu'ils soient bénéfiques aux gens et ne portent p
autrui. Leur emploi est autorisé contre le poison, les morsures, la fièvre, le
etc. 10. Dans le cas contraire, les charmes sont prohibés, dès qu'ils touchent, d'un
une autre, au polythéisme (Muslim, n, 279).
Le Prophète croyait que la bonne ruqya pouvait modifier le destin décrét
qu'elle en faisait partie (Tirmidi, II, 7). Pour lui, « le mauvais œil existe ré
quelque chose pouvait prévenir le destin, le [mauvais] œil le précéderait » (M
Dans ce cas, il recommandait la ruqya. Devant une esclave au teint altéré, il dit à
femmes : « Recourez à des moyens magiques ; car elle a été frappée p
maléfique. » 11 Lui-même utilisait la ruqya pour guérir un malade : il lui im
droite et prononçait une formule de conjuration (Muslim, II, 276 sq.). Quand
il récitait sur lui-même des conjurations et crachait. 'Â'isa le lui faisait quand la
particulièrement vive (Ib., 277). L'ange Gabriel venait parfois chez lui et l
ruqya (Ib., 274 sq.). Il existe toute une littérature appelée al-tibb al-nabawiyy
prophétique », pleine de recettes et de pratiques de ce genre attribuées à Mahom
Partant de ces exemples prophétiques, les ruqã se sont énormément m
particulier dans les milieux défavorisés. La classe intellectuelle est unanim
formellement la magie, mais en l'absence d'une définition du concept de sihr
comme dans la jurisprudence, cette interdiction est atténuée par l'exemple p
öuwayni (1028-1085), un juriste as'arite, écrit : « Dieu a seulement défe
nuisible et non ce qui est utile ; s'il t'est possible d'être utile à ton frère, fais-le
qu'Ibn Haldùn, évoquant le statut juridique des sciences et pratiques magiqu
sciences [le sihr et les tilasmãt ] sont interdites par les différentes religions, pa
dangereuses et qu'elles tournent l'âme vers les astres ou vers d'autres objets
direction de Dieu. La Loi religieuse, poursuit-il, ne fait aucune différence entre
talismans et l'illusionnisme : elle les range tous dans la catégorie des choses défe
Un auteur plus récent, Hãggi Halïfa, compilateur d'une grande bibliog
s'emploie à décrire les sciences et à les classer, se montre moins catégo
l'existence d'une magie permise à côté d'une magie défendue. Pour lui, « la magie
s'effectue que par une piété parfaite, une abstention totale de tout ce qui est ill

10. Nombreuses réf. ap. Kovalenko, op. cit., p. 113 et p. 247 (notes) ; cf. a
L'authentique Tradition musulmane, Paris, 1964, p. 301, n° 105-106 ; 308, n° 130.
11. Muslim, II, 277 ; Bousquet, op. cit., p. 301, n 104.
12. Cité ap. Bousquet, op. cit., p. 232 sq. ; Kovalenko, p. 121.
13. Discours sur l'Histoire Universelle (Muqaddima), trad. V. Monteil, III, p. 1087.

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40 TOUFIC FAHD

solitude, l'isolement du
qu'en donnent les théolog

MAGIE PERMISE ET

1 - La magie permise
Outre les charmes décr
conditions, il existe une
prohibée, appelée "noir
n'ayant aucun rapport a
dans l'air, de mixtures fa
fumigations, de matières
est de produire des illu
fumées atmosphériques
effigies en cire, le déc
prestidigitation, de truca
Au-delà de ces phénom
psychiques matérialisés p
extraordinaire sur les h
assujettit quiconque le r
l'action des armes entre
concupiscence des soldats
La confection de ces
manipulation précautionn
philtres agissant par
hétéroclites.
Les effets escomptés d
haine entre hommes et f
colère et la vengeance, ca
passion dévorante, excite
le désaccord et l'inimiti
empoisonnement, dépéris
des autres, endormir qu
poisons, etc.
L'application du philtr
dans toute action magiq
tant des noms incompréh
la magie du verbe et l
magiques, du Coran, la
magie théorique, la par
Prophète, affirmant qu'i
Ce qui précède est extr
al-hakïm ("Le but du sa

14. Kašf al-zunün , IV, p


Orientales , Paris, Le Seuil,

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LA PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM 41

Magrïtï (et non Abü al-Qãsim Maslama b. Ahmad al-Magritï), qui vivait da
moitié du Ve/X Ie s., ouvrage traduit en latin sous le titre de Picatrix 15.
Communément, la magie théorique est conçue comme un système de l
c'est-à-dire comme un exposé des lois déterminant l'enchaînement des évén
monde, alors que la magie pratique réside dans les préceptes que les magicien
d'accomplir leurs desseins 16.
Jusqu'ici, l'exercice de la magie blanche est toléré, tant que cela ne nuit pas
continue à être licite quand le magicien, faiseur de pluie, commande aux as
exigeant, contraignant, parfois même effronté vis-à-vis du ciel ; d'autres
flatteries envers Dieu. Le rite de Yistisqã' (rogations) s'est substitué rapidem
préislamiques.
Mais quand le magicien agit sur la nature dans le but de nuire, il verse
prohibée. Ibn Haldün parle de magiciens qui n'avaient qu'à diriger leur doigt ver
une peau, en marmottant quelques paroles, pour que cet objet se déchirât en
le même geste, visant des moutons ou des vaches dans un champ, ils
instantanément les ventres 17. L'efficacité de leur action, précise Ibn Haldùn, e
une direction particulière qu'ils impriment à leur pensée, soutenue par « de
genre spécial, tels que des invocations impies et des tentatives pour associer
spiritualité des djinns et des astres... Leur pouvoir ne s'exerce pas seulemen
libre, mais il atteint les effets mobiliers, les bestiaux et les esclaves » 18, en som
négociables. Cette pratique est présentée comme propre au Maghreb, mais o
exemples en Orient 19.
Là nous entrons dans le domaine de la magie défendue.

2 - La magie défendue
Dans la magie permise, c'est l'esprit de l'homme, sa sagacité, son
connaissances des phénomènes de la nature, qui entrent en jeu. Tandis qu
défendue, l'homme recourt à l'inspiration démoniaque (magie noire) et à
planètes (théurgie).
N'est pas magicien qui veut. Il y a, d'abord, une prédisposition innée à
laquelle je reviendrai plus tard ; ensuite, un savoir riche et varié et un ar
matière de composition, conjonction, mixtures et combinaisons, sont
quiconque cherche à « combiner les forces célestes actives avec les forces te
aux moments favorables à l'action et à l'influence recherchées [...], afin de
monde de la génération et de la corruption, des actions étranges ». C'est là l
théurgie, selon Hãggi Halïfa (IV, 165 sq.).
En effet, c'est en connaissant le mécanisme causal qui régit la nature et en
affinités qui lient étroitement l'homme au cosmos, que le magicien essaie

15. Le texte arabe fut édité par Hellmut Ritter à Leipzig, 1933, et sa traduction allem
Plessner à Londres en 1962. Voir texte arabe p. 9, et Le monde du sorcier , p. 185-6.
16. Cf. J. G. Frazer, Les origines magiques de la Royauté, trad. tr. par ť. ri. Loy
p. 36 ; comp, avec Le monde du sorcier, p. 160 sq.
. . . ... . . * X / ..

17
son
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42 TOUFIC FAHD

cours des événements na


qu'il établit entre les êt
œuvre, afin de contrai
magicien : la conjuratio
1. La conjuration dé
formules de conjuratio
insistant et sévère, par
Chaque fois que le conju
prétend « les obliger à
lui » ; et l'auteur d'ajou
assujettir les esprits, le
des merveilles de sa création. »
La conjuration devient illicite quand elle consiste à diriger l'esprit vers un objet qui n'est
pas Dieu et à être, par conséquent, infidèle à Lui. Ainsi, là où l'infidélité se présente comme
l'une des matières constituant l'acte magique ou l'un des moyens mis en œuvre pour sa
réalisation, il s'agit de magie prohibée. À ce crime vient s'ajouter un autre, qui réside dans la
conduite perverse du magicien et le mal qui en résulte pour les êtres. D'où la question qui fut
l'objet de controverses entre les juristes : « La peine de mort, infligée à un magicien, est-elle
la conséquence de l'infidélité qui précède l'acte de magie, ou bien de la conduite perverse
qu'il a tenue et du mal qui en résulta pour les êtres ? » 20
Notons cependant que l'infidélité et la perversité accompagnant l'acte magique
interviennent plutôt dans l'évocation des esprits et l'invocation des planètes, lesquelles
nécessitent des pratiques cultuelles visant à contraindre les esprits à l'aide de moyens tout
différents du langage catégorique et impérieux des incantations. Aussi y a-t-il place pour une
conjuration démoniaque permise, bien qu'il y ait manifestement recours à un secours qui ne
provient pas directement de Dieu. Cela tient à la conception démonologique de l'Islam, qui
fait des djinns des serviteurs d'Allah, un peu à la manière des hommes et des anges.
Ce principe est confirmé par les avis des théologiens et des savants, résumés par
H. Halîfa (ibid.), qui disent : « Qu'est-ce qui empêche qu'à la prononciation de certaines
paroles, tels les noms divins et d'autres noms qu'on trouve dans les livres, les incantations et
les talismans, Dieu impose à un djinn qu'il choisit sincère et obéissant, de faire connaître à un
humain ce qu'il aurait demandé à connaître au sujet des choses futures ? »
Mystiques et marabouts ont largement pratiqué cette magie qu'on peut qualifier de
"religieuse", en transposant l'antique magie païenne et en la subordonnant à la toute-puissance
du Dieu un. De là s'est posée la question de la différence entre magie et miracle. Rapportant
l'opinion des philosophes, Ibn Haldün répond à cette question en ces termes : « La différence
entre le miracle et la magie réside dans le fait que le miracle est [l'effet] d'une force divine qui
confère à l'âme [le pouvoir] d'influer [sur les êtres]. Ainsi, [le thaumaturge] est soutenu, dans
son action, par l'Esprit de Dieu, tandis que le magicien réalise son exploit par ses propres
moyens, par sa propre force psychique et quelquefois avec le concours des démons. De la
sorte, la différence qui les sépare porte à la fois sur le concept, la réalité et l'essence » (III,
133 sq.).
Cependant, il demeure difficile d'établir une ligne de démarcation nette entre certains
miracles de saints et certains actes accomplis par des magiciens. Le critère avancé par de

20. Ibn Haldün, III, p. 127/176.

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LA PENSÉE MANTIQUE ET MAGIQUE DE L'ISLAM 43

nombreux théologiens, à savoir le bien et le mal, ne porte pas toujours. En


du magicien qui fait le bien ?
al-Subki (m. en 1369), dans ses Tabaqãt al-süfiyya2i, énumère vingt-c
(karãmãt) dont certains, suivant I. Goldziher 22, appartiennent à la magie noir
sainteté, comme par exemple faire entendre les paroles des décédés, marc
transformer les substances, jouir de l'ubiquité, faire parler des objets
animaux, guérir des infirmes, se faire obéir des animaux et des objets inanim
allonger le temps, faire exaucer la prière, lier et délier les langues, gagner les
assemblée hostile, communiquer certaines connaissances secrètes et dévoil
disposer de ce qu'on n'a pas, voir à distance, intimider des gens par le se
épargné par un mal conçu par un autre et le transformer en bien, être
poisons, aux épidémies, au feu, etc. Tous ces faits sont attestés par des contes
des saints et des magiciens.
Mais l'opinion qui a prévalu en Islam, après des siècles de réflexion, est
(m. en 1 1 1 1), qui donna à la théologie islamique sa formulation définitive. P
est fondée sur la connaissance conjointe des propriétés de certains éléments te
ascendances astrales propices. Cette connaissance n'est pas en soi blâmab
servirait qu'à nuire aux autres et à faire le mal. Comme on le voit, une pl
donnée à la connaissance sous toutes ses formes. Une parole attribuée au P
cette attitude : « La supériorité du Croyant savant sur le croyant pieux es
degrés. » 23
2. Nous avons vu jusqu'ici le premier procédé utilisé par le magicien p
forces supérieures à son service, à savoir : la conjuration démoniaque. Le
l'évocation des esprits. Elle revêt trois formes : l'évocation des espr
nécromancie, l'évocation des esprits démoniaques et l'invocation des esprits de
a) La nécromancie appartient plutôt à la divination ; cependant, en tan
elle trempe dans la magie noire au même titre que l'évocation des démons et d
comporte deux phases : la première, de caractère matériel, consiste dan
issue du mélange de plusieurs produits, appartenant à une pharmacopée sp
fumigations de toutes sortes ; la seconde, de caractère intellectuel, résid
position, sous forme d'invocation, d'une prière mentionnant toutes les qu
attributs de l'esprit invoqué, et formulant les désirs à réaliser.
b) L'évocation des démons se fait à l'aide des incantations décrites précé
termes désignent trois procédés de spiritisme : Vistihdãm (faire faire qu
esprit), Yistinzãl (faire descendre un esprit sous forme de fantôme) et
descendre un esprit dans un corps). J'ai consacré trois articles à ces procédés
Encyclopédie de l'Islam.
c) L'invocation des esprits des planètes constitue le troisième procéd
magicien pour les mettre à son service. Ce procédé est longuement décr
o Gãya , 182-6). Il s'agit d'attirer à soi la spiritualité des planètes. Pour
connaître la nature de chacune d'entre elles, sa couleur, sa saveur, son od

21. Le Caire 1224/1906, 1, 2, p. 59-77.


22. Le culte des saints chez les musulmans, in RHR, 11/1880, p. 336 sq.
23. « Fadl al-mu'min al-'âlim 'alã al-mu'min al- ãbid sab ün daraga », in Ihya ulu
p. 49 sq.

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44 TOUFIC FAHD

observer le moment où
zodiacale, dans une lign
différente. S'il en est ain
et ininterrompue. Ensu
qu'on monte sur l'imag
description détaillée de
obtenir. On trouvera c
Orientales (p. 170 sq.).
Ces procédés magique
dispositions naturelles
ne peut être mise en p
nature » ( ôãya , p. 187
n'acquiert pas la magie
genre d'influence » (III
laquelle l'homme qui la
causes naturelles et de
quatre mots [illisibles] ;
une prière » (on trouve
Pour que la conjuratio
öähiz 24 , le mahdûm, c'
conjure les démons, les e
corps ne convient pas p
entrer. Afin d'y parveni
Jupiter, se lave à l'eau p
s'isole dans les lieux dése
fin, ressemblant un peu
de réponse, il doit renon
aptes à être un temple (
l'esprit et pourra perdre
La nature parfaite réa
esprits ; son assimilation
l'efficacité de son action
lui apparaissent alors com
Je n'ai pas abordé la qu
cette contribution. Je m
Sources Orientales (Par
The Encyclopaedia of
Truths. Magic, Alchem
Macmillan, 1989, p. 12
Ps.-Magritî », in Cien
Grenade, 1990, p. 11-21

24. K. al-hayawân, éd. du C


25. Yäqüt, Mu' gam, VI, p.
p. 193, n. 31).
26. Magntî, Gaya , p. 85.

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