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L'OBTENTION DE L'IMPOSSIBLE
PAR
Toufic Fahd
Université des Sciences Humaines de Strasbourg
Il y a une part d'inconnaissable dans la vie, que l'homme a toujours tenté de percer. Cet
effort a laissé des traces écrites et orales dans toutes les civilisations, quelle qu'en soit
l'expression. En Islam, l'inconnaissable est rendu par un terme qui revient souvent dans
Coran : al-gayb, terme qui désigne "le monde invisible", c'est-à-dire « ce qui n'est pas per
par les sens ou ce qui n'est pas immédiatement déchiffré par la raison » (Baydãwi, Tafsîr sur
Coran, II, 3).
Le gayb comporte deux modalités : la première est révélée aux hommes par le
prophètes, la seconde est connue de Dieu seul {Coran, X, 20). « Le gayb est donc, tantôt l
révélation, tantôt l'inconnaissable, tantôt les deux à la fois. Dans l'incapacité de traduire,
commente. » 1 Ibn Haldün (II, 177/205) résume cela dans cette phrase :
« Wa-inna al-bašar mahgübün 'an al-gayb illä man atla'a Allãh 'alayhi min
'indihi fi nawm aw bi-wilãya. »
Participent de ce gayb des privilégiés auxquels Dieu octroie la connaissance de certain
de ses mystères, tels les prophètes, les imams chiites, les mystiques, les pieux, mais aussi ceux
dont la nature est douée de certains pouvoirs que le commun des gens n'a pas : les devins, les
magiciens, les astrologues qui parviennent à percer les mystères de la connaissance, avec o
sans la permission de Dieu. La ligne de démarcation entre divination, magie et astrologie e
impossible à établir. Tout ce qu'on peut dire est que « la magie et l'astrologie, dépassant l
stade de l'observation et de l'intuition, s'engouffrent dans des dédales sans limites, alors que
la divination et la phy
d'intuition » 2.
Dans la divination, la magie et l'astrologie, il y a des méthodes permises et des méthodes
prohibées. Nous allons les énumérer, en définir l'objet et nous arrêter sur les plus
importantes d'entre elles. Vu la longueur du sujet, je n'aborderai l'astrologie que par le biais
de ses rapports avec la divination et la magie 3.
LA DIVINATION
Dans la pensée arabe telle qu'elle se dégage des écrits du polygraphe al-Mas'ûdï, du
sociologue Ibn Haldün et des grands représentants de la philosophie au Moyen Âge (al-Fãrâbí,
Ibn Sina, Ibn Rušd, Maïmonide), il existe une certaine continuité entre divination et
prophétie.
« En effet, on a l'impression, en les lisant, que le devin qui s'exerce et se perfectionne,
peut atteindre le grade supérieur du prophète et de l'inspiré. On pourrait aller jusqu'à croire
que tout prophète avait été quelque peu devin avant de parvenir à l'état d'épanouissement de
sa faculté de divination. Cela équivaut, en fait, au passage de la divination proprement dite,
qui se fait par intermédiaire, à la divination sans intermédiaire, qui n'est autre, au terme de
son évolution, que la prophétie. Cela s'entend strictement sur le plan théorique ; car, dans la
pratique, l'infériorité du devin par rapport au prophète a toujours été manifeste, surtout
depuis que le prophète s'est voué à l'idéal du monothéisme ou de la monolâtrie et que le devin
est resté au service des divinités inférieures et des esprits hostiles. Le point commun qui les
unit reste le fait que l'un et l'autre cherchent lumière et inspiration auprès de la divinité ; l'un
et l'autre en sont les confidents » ( Divination , 63). Mahomet lui-même, effrayé des signes
qui se manifestaient en lui, aurait dit à Hadiga, sa femme : « Je ne hais rien autant que les
idoles et les devins ( kuhhãn ), mais j'ai bien peur d'être un kãhin. » 4
En Islam, l'affirmation constante de la tradition se résume dans ce principe : lã kihãna
ba' d al-nubuwwa (plus de divination après la prophétie). Quand le Prophète fut envoyé, les
devins furent privés de la possibilité de prendre connaissance des choses cachées ; elles leur
furent voilées par le triomphe de la lumière du Prophète. Je ne m'arrête pas ici sur le fait que
Mahomet fut traité de devin et de "possédé" par ses concitoyens, en raison du style oraculaire
de certaines sourates du Coran.
De tous les procédés mantiques de l'Arabie préislamique, l'Islam n'a légitimé que
l'oniromancie, largement pratiquée par le Prophète lui-même et ses Compagnons, en
particulier Abü Bakr, son premier successeur, et la physiognomonie. Tous les procédés
cléromantiques, basés sur l'oracle (divination intuitive) ou sur le tirage au sort (divination
inductive), telles : a) la bélomancie, représentée par al-istiqsãm bi al-azlãm, le jeu à'al-
maysir et le jeu des osselets ( ki'âb ), assimilé à al-maysir ; b) la lithomancie ( al-tarq bi al-
hasa) ; et c) la géomancie ( al-hatt bi al-raml), ont été interdites, en raison de leur caractère
sacré païen, du fait qu'ils confient au « hasard apparent le soin de révéler la volonté ou la
2. Cf. T. Fahd, La divination arabe. Etudes religieuses, sociologiques et folkloriques sur le milieu
natif de l'Islam, Leyde, Brill, 1966 ; reprod. chez Sindbad, Paris, 1987, p. 42, cité par la suite sous
Divination.
3. Voir mes articles dans E.1. 2 : « Munadidiim » et « Nudjùm [ahkam al-] ».
4. Ibn Sa'd, Tabaqãt, I, 1, p. 129 sq.
pensée de la divinité » 5. Mais d'autres procédés s'y sont substitués, basés soit s
prophétique, comme la qur'a (tirage au sort), soit sur l'interrogation des
comme la Bible et le Coran, ou les livres de base de la Tradition (Buhãri)
mystique ( Matnawï ), etc. D'où sont nés des procédés rhapsodomantiques, tels :
hurüf (une divination basée sur les lettres de l'alphabet) ; b) les malãhim
caractère eschatologique) ; c) les Noms divins ( al-asmã ' al-husnã) ; d)
(, hawãss ) du Coran, et la zâ'irga, une « machine à calculer les présages au moy
de cercles concentriques, apparentés à l'Ars Magna de Lulle » (Massignon)
lettres de l'alphabet, la gématrie et l'astrologie.
L'ornithomancie, très pratiquée par les Arabes préislamiques, est auss
'iyäfa, art de tirer présage des noms des oiseaux, de leurs cris, de leur vol et d
le zagr art qui consiste à lancer un caillou contre un oiseau et à crier cont
présage de la direction qu'il prend, sont interdits dans le Coran et da
prophétique, où ils sont considérés comme un reste du paganisme, en ce
conçus comme un acte de foi aux forces aveugles de la nature et aux d
représentaient.
Cet acte est appelé tira. On fait dire au Prophète que « la tïra est idolât
qu'elle « est dans la femme, l'habitation et la bête de somme ». Dans ce der
s'agit pas d'ornithomancie mais de présages domestiques que l'homme tir
paroles de sa femme, des habitants de sa maison et des ustensiles et animaux y e
Cela nous amène aux omens, qu'ils soient animaux (' iyãfa ), qu'ils soient
c'est-à-dire l'onomatomancie, le clédonisme et l'astrologie judiciaire.
Le fa'l représente la masse imposante des autres catégories d'omens. A
exprimait le bon et le mauvais présage ; mais l'Islam primitif, qui condamna l'o
puisque « l'Envoyé de Dieu aimait le fa'l et ne pratiquait pas la 'iyãfa » ( Di
commença par l'attribuer au bon présage, réservant au mauvais présage le n
point qu'on a pu dire : « L'objet du/a7 est d'aller de l'avant, celui de la tïra
et le recul » (ibid.).
Le fa'l est l'antonyme du šu' m, mauvais présage. Il est spécialisé dans :
a) L'onomatomancie, l'art de tirer présage des noms propres ou
fréquemment pratiqué par le Prophète lui-même, où antiphrases et
interviennent souvent.
b) Il est spécialisé également dans le clédonisme, basé sur l'interprétation des gestes
corporels de l'homme, ses actions et paroles inconsidérées ou fortuites, ses rencontres, les
circonstances de sa vie et les pressentiments qu'il éprouve. Les difformités physiques, les
signes accidentels, les noms, les attitudes fortuites, les apparences, les comportements, les
actions irréfléchies, le rang social, le métier ; tout cela intervient dans l'interprétation de ces
présages.
c) Le fa'l est, enfin, spécialisé dans le présage astrologique qui est tiré des phénomènes
cycliques et permanents des astres. Il s'agit de l'astrologie naturelle qui consiste dans
l'observation de l'influence des astres sur les éléments naturels et de l'astrologie judiciaire qui
consiste dans l'observation de l'influence des astres sur la destinée humaine.
Un même nom les unit : l'apotélesmatique (par référence à un ouvrage de Ptolémée, le
Tetrabiblos). À l'astrologie naturelle appartient la divination météorologique où les malãhim
5. Sur ces procédés et les suivants, voir nos articles dans la nouvelle Encyclopédie de L'Islam.
Il nous reste à parler des procédés physiognomoniques (firãsa ) qui comportent les
techniques suivantes :
LA MAGIE
9. J'utilise fréquemment la thèse d'Anatoly Kovalenko, Magie et islam, préparée sous ma direction et
soutenue à Strasbourg en 1979. Cf. pour ici p. 75 sq.
10. Nombreuses réf. ap. Kovalenko, op. cit., p. 113 et p. 247 (notes) ; cf. a
L'authentique Tradition musulmane, Paris, 1964, p. 301, n° 105-106 ; 308, n° 130.
11. Muslim, II, 277 ; Bousquet, op. cit., p. 301, n 104.
12. Cité ap. Bousquet, op. cit., p. 232 sq. ; Kovalenko, p. 121.
13. Discours sur l'Histoire Universelle (Muqaddima), trad. V. Monteil, III, p. 1087.
solitude, l'isolement du
qu'en donnent les théolog
MAGIE PERMISE ET
1 - La magie permise
Outre les charmes décr
conditions, il existe une
prohibée, appelée "noir
n'ayant aucun rapport a
dans l'air, de mixtures fa
fumigations, de matières
est de produire des illu
fumées atmosphériques
effigies en cire, le déc
prestidigitation, de truca
Au-delà de ces phénom
psychiques matérialisés p
extraordinaire sur les h
assujettit quiconque le r
l'action des armes entre
concupiscence des soldats
La confection de ces
manipulation précautionn
philtres agissant par
hétéroclites.
Les effets escomptés d
haine entre hommes et f
colère et la vengeance, ca
passion dévorante, excite
le désaccord et l'inimiti
empoisonnement, dépéris
des autres, endormir qu
poisons, etc.
L'application du philtr
dans toute action magiq
tant des noms incompréh
la magie du verbe et l
magiques, du Coran, la
magie théorique, la par
Prophète, affirmant qu'i
Ce qui précède est extr
al-hakïm ("Le but du sa
Magrïtï (et non Abü al-Qãsim Maslama b. Ahmad al-Magritï), qui vivait da
moitié du Ve/X Ie s., ouvrage traduit en latin sous le titre de Picatrix 15.
Communément, la magie théorique est conçue comme un système de l
c'est-à-dire comme un exposé des lois déterminant l'enchaînement des évén
monde, alors que la magie pratique réside dans les préceptes que les magicien
d'accomplir leurs desseins 16.
Jusqu'ici, l'exercice de la magie blanche est toléré, tant que cela ne nuit pas
continue à être licite quand le magicien, faiseur de pluie, commande aux as
exigeant, contraignant, parfois même effronté vis-à-vis du ciel ; d'autres
flatteries envers Dieu. Le rite de Yistisqã' (rogations) s'est substitué rapidem
préislamiques.
Mais quand le magicien agit sur la nature dans le but de nuire, il verse
prohibée. Ibn Haldün parle de magiciens qui n'avaient qu'à diriger leur doigt ver
une peau, en marmottant quelques paroles, pour que cet objet se déchirât en
le même geste, visant des moutons ou des vaches dans un champ, ils
instantanément les ventres 17. L'efficacité de leur action, précise Ibn Haldùn, e
une direction particulière qu'ils impriment à leur pensée, soutenue par « de
genre spécial, tels que des invocations impies et des tentatives pour associer
spiritualité des djinns et des astres... Leur pouvoir ne s'exerce pas seulemen
libre, mais il atteint les effets mobiliers, les bestiaux et les esclaves » 18, en som
négociables. Cette pratique est présentée comme propre au Maghreb, mais o
exemples en Orient 19.
Là nous entrons dans le domaine de la magie défendue.
2 - La magie défendue
Dans la magie permise, c'est l'esprit de l'homme, sa sagacité, son
connaissances des phénomènes de la nature, qui entrent en jeu. Tandis qu
défendue, l'homme recourt à l'inspiration démoniaque (magie noire) et à
planètes (théurgie).
N'est pas magicien qui veut. Il y a, d'abord, une prédisposition innée à
laquelle je reviendrai plus tard ; ensuite, un savoir riche et varié et un ar
matière de composition, conjonction, mixtures et combinaisons, sont
quiconque cherche à « combiner les forces célestes actives avec les forces te
aux moments favorables à l'action et à l'influence recherchées [...], afin de
monde de la génération et de la corruption, des actions étranges ». C'est là l
théurgie, selon Hãggi Halïfa (IV, 165 sq.).
En effet, c'est en connaissant le mécanisme causal qui régit la nature et en
affinités qui lient étroitement l'homme au cosmos, que le magicien essaie
15. Le texte arabe fut édité par Hellmut Ritter à Leipzig, 1933, et sa traduction allem
Plessner à Londres en 1962. Voir texte arabe p. 9, et Le monde du sorcier , p. 185-6.
16. Cf. J. G. Frazer, Les origines magiques de la Royauté, trad. tr. par ť. ri. Loy
p. 36 ; comp, avec Le monde du sorcier, p. 160 sq.
. . . ... . . * X / ..
17
son
18
19
observer le moment où
zodiacale, dans une lign
différente. S'il en est ain
et ininterrompue. Ensu
qu'on monte sur l'imag
description détaillée de
obtenir. On trouvera c
Orientales (p. 170 sq.).
Ces procédés magique
dispositions naturelles
ne peut être mise en p
nature » ( ôãya , p. 187
n'acquiert pas la magie
genre d'influence » (III
laquelle l'homme qui la
causes naturelles et de
quatre mots [illisibles] ;
une prière » (on trouve
Pour que la conjuratio
öähiz 24 , le mahdûm, c'
conjure les démons, les e
corps ne convient pas p
entrer. Afin d'y parveni
Jupiter, se lave à l'eau p
s'isole dans les lieux dése
fin, ressemblant un peu
de réponse, il doit renon
aptes à être un temple (
l'esprit et pourra perdre
La nature parfaite réa
esprits ; son assimilation
l'efficacité de son action
lui apparaissent alors com
Je n'ai pas abordé la qu
cette contribution. Je m
Sources Orientales (Par
The Encyclopaedia of
Truths. Magic, Alchem
Macmillan, 1989, p. 12
Ps.-Magritî », in Cien
Grenade, 1990, p. 11-21