Les Carthaginois face aux exigences des Romains (150-149)

Depuis longtemps déjà la chose [la décision d’anéantir Carthage] était décidée une fois pour
toutes dans l'esprit de chacun, mais on cherchait une occasion favorable et un prétexte
honorable aux yeux de l'étranger. Les Romains attachaient à cela beaucoup d'importance et
avec raison. […]
LES CARTHAGINOIS EN ÉTAIENT TOUJOURS À DÉLIBÉRER SUR L'ATTITUDE QU'ILS DEVRAIENT
ADOPTER DEVANT LA RÉPONSE DE ROME, QUAND LES HABITANTS D'UTIQUE, LES PRÉVENANT
DANS LEUR DESSEIN, LIVRÈRENT LEUR VILLE AUX ROMAINS. […] IL LEUR APPARAISSAIT QUE
LEUR SEULE CHANCE DE SALUT SE TROUVAIT DANS UNE REDDITION SANS CONDITIONS […].
MAIS VOILÀ QU'ILS S'ÉTAIENT LAISSÉ PRÉVENIR PAR LES HABITANTS D'UTIQUE, QUI LEUR
AVAIENT AINSI RAVI LE FRUIT QU'ILS COMPTAIENT TIRER DE CETTE REDDITION. ILS N'AVAIENT
POURTANT PLUS LE CHOIX QU'ENTRE DEUX MAUX : SOUTENIR VAILLAMMENT LA GUERRE OU
LIVRER LEUR CITÉ. LE CONSEIL TINT UNE SÉANCE SECRÈTE ET, APRÈS DE LONGS DÉBATS,
DÉSIGNA DES PLÉNIPOTENTIAIRES QU'IL ENVOYA À ROME, AVEC MISSION D'AGIR, EN TENANT
COMPTE DES CIRCONSTANCES, SELON CE QU'ILS ESTIMERAIENT ÊTRE L'INTÉRÊT DE LA PATRIE.
[…] ARRIVÉS À ROME, ILS APPRIRENT QUE LA DÉCISION D'ENTRER EN GUERRE ÉTAIT D'ORES
ET DÉJÀ PRISE ET QUE LES CONSULS ÉTAIENT PARTIS AVEC LEURS TROUPES. COMME LA
SITUATION NE LEUR LAISSAIT PLUS LE CHOIX, ILS ANNONCÈRENT QUE CARTHAGE SE RENDAIT
À MERCI […]. PEU APRÈS AVOIR FAIT AINSI ACTE DE SOUMISSION, LES ÉMISSAIRES
CARTHAGINOIS FURENT ADMIS DEVANT LE SÉNAT ET LE PRÉTEUR LEUR DONNA
CONNAISSANCE DE LA DÉCISION PRISE PAR L'ASSEMBLÉE : PUISQUE LES CARTHAGINOIS
AVAIENT SU PRENDRE UN PARTI AUSSI SAGE, ON LEUR LAISSERAIT LEUR LIBERTÉ AINSI QUE
LEURS LOIS ; ILS CONSERVERAIENT LA JOUISSANCE DE TOUT LEUR TERRITOIRE AINSI QUE DE
LEURS BIENS PUBLICS ET PRIVÉS […]. MAIS LE PRÉTEUR LES INFORMA ENSUITE QUE, POUR
OBTENIR DE TELLES CONDITIONS, ILS DEVRAIENT, DANS LES TRENTE JOURS, ENVOYER À
LILYBÉE TROIS CENTS OTAGES PRIS PARMI LES FILS DES MEMBRES DU CONSEIL ET DE LA
GEROUSIA ET OBÉIR AUX ORDRES DES CONSULS. ILS SE DEMANDÈRENT ALORS AVEC
INQUIÉTUDE EN QUOI CONSISTERAIENT CES ORDRES. QUOI QU'IL EN FÛT, ILS REPARTIRENT
IMMÉDIATEMENT POUR METTRE LEURS COMPATRIOTES AU COURANT DE TOUT CELA. APRÈS
AVOIR ENTENDU LE RAPPORT DÉTAILLÉ QU'ILS LEUR FIRENT, LES CARTHAGINOIS, TOUT EN
APPROUVANT LA CONDUITE DE LEURS REPRÉSENTANTS, NOTÈRENT QU'AUCUNE MENTION
N'AVAIT ÉTÉ FAITE DE LEUR VILLE, CE QUI NE MANQUA PAS DE LES SURPRENDRE ET DE LES
INQUIÉTER VIVEMENT C'EST ALORS, DIT-ON, QUE MAGON, DIT LE BRUTTIEN, INTERVINT ET
PRONONÇA DES PAROLES COURAGEUSES ET PLEINES DE BON SENS. IL DÉCLARA QUE […] CE
N'ÉTAIT CERTES PAS MAINTENANT QU'IL FALLAIT SE DEMANDER QUELS SERAIENT LES ORDRES
DES CONSULS ET POURQUOI LE SÉNAT N'AVAIT FAIT AUCUNE MENTION DE LEUR VILLE, ET IL
AURAIT FALLU Y SONGER AU MOMENT OÙ ILS S'ÉTAIENT RENDUS À MERCI. CETTE DÉCISION
AYANT ÉTÉ PRISE, ILS DEVAIENT, DIT-IL, COMPRENDRE QU'IL NE LEUR RESTAIT PLUS QU'À SE
SOUMETTRE À TOUTES LES EXIGENCES QUI LEUR SERAIENT PRÉSENTÉES, À MOINS QU'ELLES
NE FUSSENT ABSOLUMENT EXORBITANTES. SI TEL DEVAIT ÊTRE LE CAS, LES CARTHAGINOIS
POURRAIENT ALORS RECONSIDÉRER LA QUESTION ET SE DEMANDER S'IL VALAIT MIEUX
SOUTENIR UNE GUERRE SUR LEUR PROPRE TERRITOIRE ET ENDURER TOUTES LES ÉPREUVES
QUE CETTE GUERRE LEUR IMPOSERAIT, OU, AU CONTRAIRE, SI UNE TELLE INVASION LEUR
PARAISSAIT TROP REDOUTABLE, SE PLIER DOCILEMENT À TOUTES LES INJONCTIONS DES
ROMAINS. DEVANT LA GUERRE QUI MENAÇAIT ET LES INCERTITUDES DE L'AVENIR, TOUT LE
MONDE, À CARTHAGE, INCLINAIT À LA SOUMISSION. ON DÉCIDA DONC D'ENVOYER LES
OTAGES DEMANDÉS À LILYBÉE […]. DÈS QUE LES OTAGES EURENT DÉBARQUÉ À LILYBÉE, ILS
FURENT CONFIÉS PAR LES CONSULS À Q. FABIUS MAXIMUS, QUI ÉTAIT ALORS PRÉTEUR
CHARGÉ DU GOUVERNEMENT DE LA SICILE. CELUI-CI LES CONDUISIT, EN PRENANT BIEN SOIN
D'EUX, JUSQU'À ROME ET ILS FURENT ENFERMÉS TOUS ENSEMBLE DANS LA LOGE DE
L'HEKKAIDÉKÈRE1.
LES OTAGES SE TROUVAIENT DONC À ROME QUAND LES CONSULS DÉBARQUÈRENT AU CAP
D’UTIQUE. LORSQU’ON APPRIT LA NOUVELLE À CARTHAGE, L’ÉMOTION ET L’INQUIÉTUDE
FURENT VIVES […]. LES CARTHAGINOIS DÉCIDÈRENT CEPENDANT D’ENVOYER DES
ÉMISSAIRES AUX CONSULS POUR LEUR DEMANDER CE QU’ILS DEVAIENT FAIRE ET LES
INFORMER QU’ILS ÉTAIENT TOUT PRÊTS À EXÉCUTER LES ORDRES QUI LEUR SERAIENT
DONNÉS. […] LE PLUS ÂGÉ DES DEUX CONSULS […] LEUR ENJOIGNIT DE LIVRER, SANS DOL
ET SANS FRAUDE, TOUT CE QU’ILS POSSÉDAIENT COMME ARMEMENT LOURD ET COMME
PROJECTILES […]. LES ÉMISSAIRES DÉCLARÈRENT QUE CET ORDRE SERAIT EXÉCUTÉ, MAIS
NON SANS PRIER DE CONSIDÉRER CE QUI RISQUAIT DE LEUR ARRIVER S’ILS LIVRAIENT LEURS
ARMES ET SI LES ROMAINS SE RÉEMBARQUAIENT EN LES EMPORTANT. ILS FIRENT CEPENDANT
CE QUI ÉTAIT EXIGÉ D’EUX…
ON VIT ALORS CLAIREMENT À QUEL POINT CETTE CITÉ ÉTAIT PUISSANTE, CAR LES
CARTHAGINOIS LIVRÈRENT AUX ROMAINS PLUS DE DEUX CENT MILLE BOUCLIERS ET DEUX
MILLE CATAPULTES…
[MANQUE ICI UN PASSAGE CHEZ POLYBE. APRÈS LA LIVRAISON DE LEUR ARMEMENT, LES
CARTHAGINOIS APPRENNENT DE LA BOUCHE DES CONSULS LES EXIGENCES ULTIMES DES
ROMAINS]
Les Carthaginois n’avaient absolument aucune idée du sort qui leur était réservé, mais il leur
suffit d’observer la contenance de leurs émissaires pour deviner ce qu’il en était.    Ils
éclatèrent alors en plaintes et gémissements …

POLYBE, Histoire, 36, 1, 2.1-7

1
Il s’agit d’un navire de 16 ( ?), navire géant, 3 fois plus grand qu’une pentère, sans doute réservé pour la parade. Celui-ci
avait été laissé à Philippe V de Macédoine, puis amené à Ostie après la victoire sur Persée.