Jean- Paul Brisson, Carthage ou Rome ?

/ Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier1 COMPTE RENDU

== Trois thèmes principaux ont été retenus :

- Les causes et les avantages de l'impérialisme romain en Afrique

- La romanisation et son extension
- L'apport de ces régions à la civilisation de l'empire.
-
== L'auteur insiste dans sa première communication sur deux points :

— Le caractère irrationnel de la décision d'annexer L’Africa et de détruire Carthage au

milieu du IIème siècle avant notre ère. Seule une crainte irraisonnée de voir se
reconstituer dans cette région une puissance politique et militaire peut expliquer la
troisième guerre punique, et, par la suite, l'attitude romaine, en 122, lors de la tentative
de colonisation de C. Gracchus ainsi qu'en 112-106, lors de la guerre de Jugurtha ;
— Ensuite l'importance vitale pour les Romains des importations massives de blé
africain. L'examen des textes et du monnayage montre en effet leur caractère essentiel
pour la vie de Rome, en particulier. Une autre exportation de premier plan : les
animaux pour les jeux. L'Afrique offrait à Rome panem et circenses.

Le second chapitre est consacré à la romanisation et à son paradoxe africain : ce fut

apparemment une des provinces les plus marquées par la civilisation romaine et c'est l'une de
celles qui en ont gardé l'empreinte la plus faible.
Une étude attentive des limites de la romanisation montre qu'elle était essentiellement
urbaine. Elle ne survécut pas aux Vandales ni surtout aux Arabes parce qu'elle n'avait pas
atteint les couches profondes de la population.

== Il était également intéressant de souligner les apports de l'Afrique au monde romain ; I. M.

Barton en relève trois principaux :

- L'armée — la IIIe légion Augusta se recrutait sur place de même sans doute
que les auxiliaires dès le deuxième siècle. Des carrières militaires (postes
subalternes et sous-officiers) sont attestées.
- L'administration — les chevaliers et sénateurs africains sont en nombre et le
plus célèbre fut empereur : Septime Sévère
- La littérature — citons Térence, Suétone, Apulée, Saint-Augustin.
== A l'intention à la fois du public cultivé et de l'historien de l'antiquité, Jean-Paul Brisson fait
un récit aussi précis, aussi clair, aussi explicite que possible du conflit qui opposa Rome et
Carthage au cours des me et ne siècles et de ses prolongements par la fondation de la Colonia
Carthago par Caius Gracchus, César et Auguste. Ce n'est pas seulement le récit détaillé des
grandes phases militaires et diplomatiques que l'auteur nous propose ici, mais aussi l'essai de
démonter les mécanismes politiques ou socio-économiques, de déceler les motifs véritables et
surtout de mesurer les conséquences que la guerre a entraînées pour les deux Etats. Cet aspect
de la question et cette recherche sont extrêmement enrichissants pour l'historien de Rome et
de Carthage.

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Citer ce document / Raepsaet-Charlier Marie-Thérèse. Jean- Paul Brisson, Carthage ou Rome ?. In: L'antiquité
classique, Tome 43, fasc. 1, 1974. pp. 572-573;
== Du point de vue romain, on retiendra les modifications capitales de l'art de la guerre
(passage de la guerre primitive à la stratégie, importance de la flotte), des institutions
(nécessité de proroger les magistrats), de la vie sociale et économique (allongement des
durées de campagnes, abandon des terres, de la classe censitaire, nouvelle conception des
conquêtes comme sources de revenus), des relations avec les alliés qui sont ici analysées et
définies de manière remarquable.

== L'évolution de l'impérialisme romain bien engagé au IIème siècle dans des conquêtes
lointaines, et non «inévitables» comme on a trop souvent voulu le montrer, le grand projet
hellénistique d'Hannibal, les raisons de la réussite de l'un et l'échec du second, les motifs
fondamentaux de la volonté destructive des Romains lors de la troisième guerre punique et
ceux des étapes de la reconstruction de la ville — avec l'aide doctrinale de l'Enéide de
Virgile — sont admirablement dégagés et mis en valeur. Jean- Paul Brisson nous livre ici le
résultat de réflexions pénétrantes sur un sujet difficile mais capital pour la compréhension de
l'histoire méditerranéenne, dans un ouvrage un des plus enrichissants qui aient été écrits sur le
thème de l'impérialisme romain.