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CHF 3.80 / France € 3.50 LUNDI 31 MAI 2021 / N° 7028

Autobiographie Enquête Débats Technologies

Christophe, les fragments L’UNRWA, histoire d’une Appel à défendre les avocats Le feuilleton WhatsApp
de la vie d’un artiste dérive en l’absence de des droits de l’homme en Chine, tourne au ridicule avec une
si singulier ●
 ● ● PAGE 25 son patron ● ● ● PAGES 4, 5, 6 harcelés par le régime ●
 ● ● PAGE 12 énième volte-face ● ● ● PAGE 13

Les banques mises à l’écart

ÉDITORIAL

Massacre de Tulsa:
les fantômes d’une
amnésie collective
VALÉRIE DE GRAFFENRIED
t @VdeGraffenried
sur les paiements
Aux Etats-Unis, il est beaucoup ques- FINANCE Depuis la pandémie, les DZ Autres concurrents: les banques DZ Au vu du rythme des innova-
tion, ces jours, du massacre racial de fintechs, ces sociétés qui allient centrales qui prévoient d’émettre tions technologiques, les ménages
Tulsa de 1921. Il y a cent ans, les 31 mai
et 1er juin, près de 300 Afro-Améri- nouvelles technologies et services des monnaies numériques sous et les entreprises pourraient à
cains ont été lynchés par des émeu- financiers, altèrent de plus en forme de jetons que les utilisa- terme se passer de comptes cou-
tiers blancs lors de violents heurts,
qui se sont également soldés par la
plus la position des banques sur le teurs stockeraient et échange- rants. Et l’épargne devenir le seul
destruction de plus de 1250 bâti- terrain des paiements raient sur leur smartphone terrain d’action des banques
ments et le placement de milliers de ● ● ● PAGES 15 à 19
Noirs dans des camps. Le «Wall Street
noir», surnom de cette communauté
aisée du quartier de Greenwood, a été
anéanti, comme par volonté de tuer
dans l’œuf tout symbole de réussite
et d’émancipation chez des familles
noires, dans une ville alors en plein
boom pétrolier. Mort au
A ce drame national est venu s’en
greffer un autre: une amnésie quasi
collective. Pendant des décennies,
jusqu’à tout récemment, le massacre
tournant
de Tulsa était ignoré, tabou, effacé
des mémoires, absent de l’enseigne-
ment dans les écoles. A cause d’un
cocktail de facteurs: mentalité de
suprémacisme blanc ou honte d’un
côté, syndrome de stress post-trau-
matique de l’autre.
En se rendant à Tulsa ce mardi
pour commémorer le massacre, Joe
Biden contribue à le sortir de l’ombre.
L’an  dernier, de nouvelles fosses
communes ont été
découvertes et le
«Le passé n’est
maire de la ville
jamais mort.
semble déterminé à
Il n’est même
vouloir localiser et
pas passé»
identifier d’autres
victimes. Trois sur-
vivants, de 100, 106 et 107 ans, ont par
ailleurs récemment témoigné de la
terreur vécue devant le Congrès, en
demandant reconnaissance et répa-
ration. Dans une Amérique qui peine
à regarder son passé en face, ce pas-là
n’a toujours pas été franchi. Des des-
cendants des victimes se sentent d’ail-
leurs exploités par la commémoration
du massacre. Mais le drame de Tulsa
n’est au moins plus ignoré.
Son héritage reste lourd. Difficile
de ne pas faire le lien avec la situation
actuelle des Afro-Américains, encore
trop souvent l’objet de discrimina-
(RONNY LEKL/GP/PHOTO.DE)

tions et victimes de brutalités poli-

cières. Mais il y a une différence de
taille: aujourd’hui, l’amnésie collective
n’est plus possible. Joe Biden a reçu il
y a quelques jours la famille de George
Floyd, un an après son asphyxie sous
le genou d’un policier blanc, Derek
Chauvin. Un drame médiatisé grâce DISPARITION Au lendemain de son tragique accident sur le circuit du Mugello en qualifications du Grand Prix d’Italie, le Fribourgeois Jason Dupasquier,
aux passants qui avaient filmé l’ago- 19 ans, est décédé dimanche dans un hôpital de Florence. Hommage à un pilote talentueux dont la mort a mis le monde du motocyclisme en émoi.
nie de l’Afro-Américain et à la puis- ● ● ● PAGE 24
sance des réseaux sociaux. Ce sont
d’ailleurs ces images qui ont été au
cœur du procès.
Cette visibilité peut être un anti-
dote efficace à l’oubli. Mais depuis la
La star qui double La loi sur le CO2 vue Stocker ses photos chez
mort de Floyd, d’autres Afro-Améri-
cains sont décédés injustement, par-
les stars du val d’Anniviers Google devient payant
fois dans l’ignorance. Une amné- CINÉMA C’est la voix du Joker TECHNOLOGIES Au moment de lancer son ser-
sie partielle peut encore frapper. dans The Dark Knight de Chris-
VOTATIONS La loi sur le CO2 impactera vice de stockage en ligne de photos, la multinatio-
Ou, pire, la banalisation de crimes topher Nolan ou encore celle de beaucoup plus fortement les régions nale américaine avait alors fait croire que celui-ci
racistes. Une raison de plus d’écou- Fele Martinez dans La Mauvaise périphériques, très dépendantes de la allait demeurer gratuit de manière illimitée. Mais
ter les survivants et les descendants Education d’Almodovar. En Ita- voiture et du mazout, pour le chauffage ce ne sera plus le cas dès demain mardi. Six ans
des victimes du massacre de Tulsa. lie, qui a la réputation de réali- après ses débuts, Google Photos devient en par-
Car comme le disait William Faulk- ser les meilleurs doublages du DZ Reportage en Valais, dans le val tie payant. C’est l’occasion pour ses utilisateurs
ner: «Le passé n’est jamais mort. Il monde, Adriano Giannini est d’Anniviers qui illustre la difficile de faire les bons choix afin de pouvoir sauvegarder
n’est même pas passé.» lll PAGE 8 une star. Portrait d’un comédien pour qui «le dou- des clichés si précieux. Souscrire un abonnement
blage fonctionne lorsque l’on réussit à disparaître transition écologique des régions de ou chercher des solutions alternatives? Le Temps
derrière le jeu de l’acteur». lll PAGE 25 montagne ● ● ● PAGE 10 vous dit tout ce qu’il faut savoir. lll PAGE 13

LE TEMPS 20022
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 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

2 Hyperlien

Le certificat covid, sujet passionnant

VOUS ET NOUS

SANTÉ J’avais adoré écrire sur l’app SwissCo-
vid (et ce n’est pas fini), et j’ai encore davan-
tage de plaisir à traiter du futur certificat
covid. Un document sur lequel ma position a
évolué ces derniers jours
ANOUCH SEYDTAGHIA
t @Anouch
lue. Ils sont encore sujets à caution. Et ils ne
résolvent pas tout. La propagande officielle
– servie notamment par l’auteur de l’édito-
rial en question – peut-elle entendre cela?»
écrivait ainsi un lecteur suite à mon premier
éditorial sur ce sujet. D’autres lecteurs s’in-
terrogent: pourquoi la loi covid, soumise au
vote le 13 juin, ne fait-elle pas mention de ce
En démocratie,
taires – mais ils ne sont pas majoritaires
– sont résolument en faveur de ce futur chacun doit pouvoir
document, tel celui-ci: «Je peine à com-
prendre, dans ces circonstances, le repli
à soi, la défense des libertés individuelles,
s’exprimer librement
la sphère privée à l’égard d’un modeste pas-
seport vaccinal. A situation exceptionnelle, BORIS GOEBEL, 21 ANS, GENÈVE
mesures exceptionnelles. Je partage plei-

J’avais déjà eu l’occasion, dans le cadre de
la rubrique «Hyperlien», de raconter mon
plaisir à écrire sur SwissCovid. C’était en juil-
let 2020, une éternité… Combien ai-je écrit
d’articles sur cette application? Je n’ai pas
compté, il doit y en avoir au moins une tren-
taine. Et encore, l’histoire n’est de loin pas
finie, puisque l’app est toujours en fonc-
tion et que son avenir – ou plutôt son
débranchement – sera sans doute
discuté ces prochains mois.
Aujourd’hui, c’est le certificat
covid qui me passionne. J’adore
ce sujet, sur lequel j’ai com-
mencé à écrire fin avril. Pour-
quoi? Car il est au croisement
de tout ce que j’aime: l’aspect
technologique, bien sûr, qui est
ma spécialité. Mais le certificat
pose une foule de questions liées
au droit, à la santé, à l’économie
et bien sûr à l’éthique. Je me plais
à dire que le certificat, c’est un peu
«SwissCovid, puissance dix»: un sujet
qui va tous nous toucher de près ou de
loin dans les jours à venir. Beaucoup de
vaccinés voudront l’obtenir, beaucoup de
non-vaccinés se demanderont comment
accéder à des lieux qui l’exigent… Ce vaste
débat, passionnant, ne fait que débuter,
puisque les premiers certificats devraient
être émis dès le 7 juin.
«Propagande officielle»
certificat? «Je ne comprends pas en quoi ce
texte est la base du certificat. La base du cer-
tificat se trouve dans la loi sur les épidémies
qui n’est pas soumise au vote le 13 juin. Je vous
invite à clarifier cela dans votre article», me
suggère un autre lecteur.
A
nement les opinions exprimées dans mon lors que le 13 juin se rapproche à grands
journal préféré.» pas et que l’émotion en Suisse est de
plus en plus vive, nous ne pouvons rester
Opinion différente indifférents aux tentatives d’intimidation qui
Mais au fait, quelle est justement l’opinion émaillent cette campagne de votation. Des
de «votre journal préféré»? A titre person- simples affiches de votation arrachées aux
nel, j’écrivais le 21 avril qu’il ne fallait plus incendies criminels, ainsi que les insultes et
perdre de temps et lancer au plus vite ce menaces de mort à l’encontre de partisanes
certificat, pour lever rapidement les et partisans du oui ou du non, ne peuvent et
restrictions. Le 7 mai, je me montrais ne sauront être tolérées. Il est important de
un peu plus nuancé, affirmant que rappeler que nous vivons en démocratie, où
l’Etat devait absolument justifier chacune et chacun est libre d’exprimer son
clairement l’existence même du opinion sans avoir à craindre une quelconque
certificat, lancé si tard et qui pose conséquence. Ce qui fait la richesse de notre
tant de questions éthiques. démocratie, ce sont certes nos institutions
Aujourd’hui, je suis donc mais ce qui en fait la réelle richesse, ce sont
réservé, car tant de questions se ces citoyennes et citoyens qui s’expriment,
posent: combien de temps le cer- affirment leurs opinions et osent les défendre
tificat sera-t-il nécessaire à l’in- en public. C’est l’essence même de ce pays que
térieur de nos frontières? Quels chaque personne, peu importe son opinion,
seront exactement les critères puisse participer à ce processus démocratique.
médicaux pour l’obtenir? Comment […] Il faut comprendre que la voie que
«rattraper» toutes les personnes cette votation emprunte est potentiellement
déjà vaccinées? Les restaurateurs dangereuse pour le futur de notre démocratie
ou théâtres qui l’exigeront à l’entrée se telle que nous la connaissons. Tout d’abord
donneront-ils vraiment les moyens de parce qu’elle risque de laisser un précédent.
contrôler chacun de leurs hôtes? Si nous tolérons dans un silence général que
des actes criminels soient commis à l’encontre
Flou technique de personnes qui expriment leurs opinions
Sans parler des questions techniques… Car publiquement, alors qu’est ce qui empêchera que
aujourd’hui encore, on ne sait absolument cela devienne la nouvelle norme à l’avenir et que
rien des spécifications de ce futur document. le débat soit tout simplement court-circuité ?
J’ai d’ailleurs hâte de voir ce que va propo- Secondement, la dégradation de biens
ser la Confédération, elle qui n’a pas un his- privés, le déchaînement d’insultes sur les
torique très reluisant dans le domaine numé- réseaux sociaux ainsi que les menaces de mort
(SALVATORE DI NOLFI)

Un sujet passionnant, car aussi extraordi-
nairement clivant. Il y a d’abord les sceptiques
face aux vaccins, qui le sont encore davan-
tage face au certificat. «Les vaccins actuels
ne constituent sûrement pas la panacée abso-
A nos lecteurs
Dans cette page, nous revenons sur les conditions
de réalisation des articles que vous lisez, pour
plus de transparence, et répondons à vos
questions sur l’actualité. Cet espace permet
également d’annoncer les événements organisés
par notre rédaction et de vous informer sur
l’évolution de nos contenus multimédias. Enfin,
nous publions ici, chaque lundi, dans les pages
Carnet du journal et sur notre site chaque
mercredi, les courriers que vous nous envoyez.
Vous avez des questions à nous poser, une opinion
à partager, un commentaire, une critique ou une
proposition de sujet à nous faire? Ecrivez-nous!
HYPERLIEN@LETEMPS.CH
Par e-mail, via Twitter ou sous forme de
commentaires sous mes deux éditoriaux
consacrés à ce sujet, nombreuses sont les
réactions face au développement – chao-
tique – du certificat. Certains commen-
Événement
DZ VISIOCONFÉRENCE
Avec la Verte Léonore Porchet et le centriste
Charles Juillard qui débattront de la loi sur
les mesures policières de lutte contre le ter-
rorisme.
Mardi 1er juin, 13h
Inscriptions sur:
WWW.LETEMPS.CH/EVENEMENTS
rique. risquent de décourager de futurs initiantes
Alors oui, de très impatient, je suis devenu et initiants de proposer leurs initiatives ou
prudent. Mais toujours autant passionné par de prendre position publiquement. Si, à
ce sujet qui pourrait bientôt concerner des l’avenir, certaines et certains dans ce pays ne
millions de Suisses. ■ s’expriment plus par peur des conséquences,
alors nous perdrons un élément essentiel de
notre démocratie. (…) Cela est bien triste de
devoir parler de courage pour le simple fait
d’avoir osé exprimer son opinion en Suisse.
Haïku (…) Nous réitérons que nul ne devrait
souffrir des conséquences de l’expression de ses
droits démocratiques fondamentaux en Suisse.
En s’attaquant à ne serait-ce qu’une seule
Ô vaccination personne qui s’exprime durant un processus
démocratique, c’est toute la Suisse que l’on
mère de nos grands attaque. Unus pro omnibus, omnes pro uno. n
espoirs
à portée de bras Un atout
considérable
Contribution personnelle de Léo Bolliger,
enseignant de Lutry, qui a fait participer ses
pour Genève
élèves à notre appel à haïkus.
MICHAEL MØLLER – ANCIEN DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE L’OFFICE DES NATIONS UNIES À GENÈVE

G
enève décidera le 13 juin si elle souhaite

La seconde main en ligne, grand bazar de l’humanité une Cité de la musique au cœur d’un
quartier principalement dévolu jusqu’ici
aux organisations internationales. Un point
mérite d’être pris en compte: celui de l’intérêt
LA VIE À 25 ANS que représentera la réalisation de ce projet pour
la place des Nations, la famille onusienne et

V
ous vous comptez parmi les
quasi-trentenaires désabusés
qui, comme moi, s’apprêtent à
ne jamais devenir propriétaires?
Pas Demi Skipper. Cette Californienne
de 29 ans, employée chez Buzzfeed, s’est
récemment lancé le pari fou d’acheter une
maison… avec une épingle à cheveux. Si,
un simple sixtus. Sa méthode? Une série
de trocs, élevant à chaque fois la valeur
de l’objet. Et ça fonctionne: sur TikTok,
où Demi documente ses acquisitions
successives, on l’a dernièrement vue céder
une maisonnette en bois pour une vieille
Honda, elle-même échangée contre un…
trio de tracteurs.
Négoce le plus ambitieux, mais aussi
le plus viral, de l’histoire. Des milliers
d’internautes suivent fiévreusement ses
étapes – incarnations de notre passion
collective pour le commerce alternatif.
Qui a encore enflé depuis le début de la
pandémie: le nombre d’objets vendus sur
Ricardo.ch a battu des records en 2020
tandis que Marketplace, espace de vente
entre particuliers sur Facebook, vient
d’atteindre le milliard d’utilisateurs.
Addictive, la seconde main?
VIRGINIE NUSSBAUM
t @Virginie_Nb
Mon butin?
Une tringle de douche,
un étendoir,
une cafetière italienne
Vous n’imaginez pas à quel point.
Un déménagement et trop de temps sur
les bras, je me suis retrouvée à fouiner
dans les tiroirs sans fond d’Anibis & Cie.
Si elles n’ont pas le charme olfactif des
friperies, mi-cuir mi-grenier renfermé,
les plateformes en ligne permettent de
pister l’objet désiré sans franchir des
montagnes de bric-à-brac. Mais bientôt,
elles vous happent dans leur vortex de prix
négociables, de photos fantaisistes et de
scrolls infinis.
Mon butin? Une tringle de douche,
un étendoir, une cafetière italienne, une
enceinte Bluetooth. Et la chasse continue,
alimentée par ce sentiment grisant
d’avoir fait une affaire – il stimulerait les
centres cérébraux du plaisir, selon les
neuroscientifiques – et celui, flattant tout
ego écolo qui se respecte, de consommer
responsable. Rien ne se perd, tout se
refile (même les arrosoirs roses en forme
de lapin). Minuscules résistances à
l’obsolescence.
Mais c’est au coin «gratuit» que ces
plateformes se révèlent, là où les meubles
qui ont vécu s’offrent à des inconnus.
Comme mon vieux lit Ikea, endormi à la
cave, qui soulage cette mère de famille
épuisée par son divorce. Ou cette table de
cuisine à retaper, devenue le projet d’une
équipe de joyeux bricoleurs. Les échanges
sont brefs mais ont des airs de passage
de témoin, de ponts étrangement intimes
entre deux existences. Alors on oublie les
arnaques pour croire à un monde utopique.
A un monde où une épingle achète une
maison. n
diplomatique en général et tous les habitants de
Genève et, en particulier, de la rive droite.
Avec la Cité de la musique, la présence
d’une école, de 500 étudiants et professeurs de
musique, de plusieurs salles musicales destinées
à toutes les musiques du monde changera
la physionomie et l’ambiance du quartier. A
l’activité quotidienne des journées rythmées
par les sessions internationales s’ajoutera une
vie culturelle en soirée et durant les week-ends,
qui lui fait défaut aujourd’hui. Aux activités
diplomatiques et politiques, qui donnent peu
d’occasions aux habitant-e-s de Genève de
fréquenter les lieux, s’adjoindront des offres
artistiques pour toutes et tous et un nouveau parc
public à la place des Nations. L’humanisation
bienvenue d’un quartier un peu austère!
L’ Opéra des Nations nous a bien montré
les avantages d’une cohabitation des activités
internationales et de celles de l’art. La Cité de
la musique permettra de transformer ce bon
exemple pour le bien commun, le pérenniser,
et ainsi renforcer la vie culturelle, la vitalité
et l’attrait de notre ville pour le plus grand
bien des citoyens de Genève tout entière et ses
visiteurs diplomatiques et touristiques. n
ÉCRIVEZ-NOUS!

4 International
Retour
sur l’UNRWA,
une agence à la
dérive en l’absence
de son patron
Alors que le commissaire général
LA TEMPÊTE DE L’UNRWA (2/3) 
Pierre Krähenbühl voyage pour récolter les fonds man-
quant à l’agence de l’ONU chargée des réfugiés palesti-
niens, quelques hauts responsables prennent le pouvoir
et mettent en danger l’organisation. Ils seront l’objet
d’enquêtes menées par l’ONU, jamais rendues publiques
Rappel des faits
«Il n’y a aucun cas de corruption, ni
de fraude, ni de mauvaise gestion des
financements.» C’est ainsi que Pierre
Krähenbühl, commissaire général de
l’UNRWA, annonce sa démission, le
6 novembre 2019, expliquant vouloir
créer un choc psychologique par cette
décision. Cette annonce fait suite à des
mois d’enquête menée par l’ONU, dé-
clenchée par un rapport du Départe-
ment éthique de l’UNRWA, diligenté
par Lex Takkenberg. Le 17 décembre
2020, Temps présent diffuse un do-
cumentaire révélant que les conclu-
sions de l’enquête de l’ONU concer-
nant Pierre Krähenbühl infirment les
principales accusations du rapport
Takkenberg, à l’exception de quelques
points de management.
Renvoyant à l’ONU, le Département
fédéral des affaires étrangères (DFAE)
refuse de publier les résultats de l’en-
quête de cette dernière concernant
le Suisse et de se prononcer à son
égard. Le Temps a cherché à com-
prendre les raisons de ce silence.
Outre le rapport sur Pierre Krähen-
bühl, quatre autres rapports concer-
nant des hauts cadres de l’UNRWA
ont été réalisés par l’ONU mais n’ont
jamais été rendus publics. Au fil de
l’enquête du Temps, basée sur de nom-
breux témoignages directs et docu-
ments, une image complexe de la crise
à l’UNRWA est apparue.
LUIS LEMA
t @luislema
En l’absence de Pierre Krähenbühl,
occupé par ses nombreux voyages
dès son entrée en fonction en 2014, va
croître le rôle de la commissaire géné-
rale adjointe américaine, Sandra Mit-
chell (entrée en fonction en janvier
2015), ainsi que de Hakam Shahwan,
propulsé «chief of staff». Tous deux se
connaissent bien. Ils ont notamment
été ensemble en poste à Bagdad. Ils
seront bientôt pratiquement les seuls
maîtres à bord, la première à Amman,
le second à Jérusalem. «Au-dessus de
Mitchell et de Shahwan, il n’y a per-
sonne d’autre. Il n’y a plus que le ciel»:
la formule devient le code de ralliement
de ceux qui se sentent mis sur le côté
dans la configuration qui s’est mise en
place.
Hakam Shahwan est Palestinien. Il
possède notamment un restaurant
à Jérusalem, exerce des activités à
Amman, et il sait faire fructifier son
business en jouant de ses contacts. «Les
conflits d’intérêts sautaient aux yeux»,
dit un haut responsable de l’UNRWA.
Shahwan procède à des promo-
tions incompréhensibles, élargit son
champ d’action bien au-delà de son
cahier des charges, intervient dans
toutes les affaires. Souvent, le «chief
of staff» insiste pour que des four-
nisseurs soient payés cash, en viola-
tion de toutes les règles – «C’est pour
Taled», pouvait-il se contenter de dire
de manière mystérieuse – y compris
pour des questions liées à la sécurité,
comme la pose de caméras de sur-
veillance. Pour ceux qui, du côté des
services de la comptabilité, s’éton-
naient de ces pratiques, les repré-
sailles pouvaient fuser. «Alors que
des contrats de travail ou des visas
devaient être renouvelés, on lais-
sait traîner les choses», explique une
source. Shahwan disait: «Ton dossier
est sur le bureau de Pierre. Mais il est
en voyage. Il n’a pas eu le temps de le
regarder.»
Un autre cadre de l’organisation
enchaîne: «Tout était devenu tran-
saction au sein de l’agence. Une pers-
pective de promotion ou une gratifi-
cation contre un service rendu; une
procédure qu’on accepte de violer
aujourd’hui contre un retour d’ascen-
seur demain…»
Au moins depuis avril 2018, Pierre
Krähenbühl est averti de toute une
série d’éléments qui pèsent sur son
«chief of staff», et menacent le fonc-
tionnement de l’organisation, selon un
document de l’organe de supervision
de l’agence que possède Le Temps. Ces
faits (19 en tout) vont de l’achat hors
règlement d’un iPhone dernier cri à
des mesures de représailles exercées
contre les membres des organes de
contrôle, de nominations irrégulières
à des mises à la porte injustifiées.
A la même époque, le cercle rappro-
ché du commissaire général continue
pourtant de surnommer affectueuse-
ment Shahwan «notre émir».
En tant que Palestinien, Shahwan
n’était pas autorisé à franchir la fron-
tière jordanienne sans que sa voiture
soit fouillée par les Israéliens. Il met
sous son autorité directe les chauffeurs
internationaux de l’UNRWA qui, eux,
22 janvier 2018: Pierre Krähenbühl lors d’une conférence de presse de l’UNRWA à Gaza. (MUSTAFA HASSONA/ANADOLU AGENCY)
bénéficient de l’immunité diploma-
tique. A plusieurs occasions, Erdinch
NOTICE Lutfiev, l’un de ces chauffeurs, a vu dans
le coffre de la voiture en route pour ou
en provenance d’Amman, des cargai-
A nos lecteurs
Le Temps a publié sons qui, selon lui, n’avaient aucun lien
un premier article à avec les activités de l’UNRWA. Le Temps
propos de la crise de l’a appris par d’autres sources. Lorsqu’il
l’UNRWA. Depuis
a contacté le chauffeur – renvoyé entre-
cette publication, de
nouveaux faits ont temps mais dans une procédure encore
été portés à notre en cours devant la justice pour contes-
connaissance, ter ce renvoi –, celui-ci était réticent à
retardant la parler directement de son cas, de peur
publication des de voir l’issue de son procès compro-
éléments suivants,
mise. Il admet cependant avoir «vu de
que voici.
ses propres yeux des choses qui sem-
blaient suspectes. C’est pour cette rai-
son que Shahwan voulait me voir quit-
ter l’agence», croit-il.
«Plus je réclamais
de la transparence,
et plus je devenais
un ennemi»
NICK KALDAS, EX-DIRECTEUR
DU DÉPARTEMENT DE SUPERVISION INTERNE
DE L’UNRWA
Un ancien «senior official» de l’or-
ganisation du QG d’Amman note:
«Dans le cadre du Proche-Orient,
ces manières d’agir commençaient à
devenir extrêmement dangereuses,
et à mettre en péril l’avenir même de
l’agence. Les Israéliens auraient été
ravis de mettre la main sur ce genre
d’informations. D’ailleurs, ils les
avaient peut-être.»
Contacté, Hakam Shahwan assure
qu’il n’est pas impliqué dans la mise à la
porte du chauffeur. «Ce sont des men-
songes fabriqués qui nuisent à ma répu-
tation», dit-il.
LE TEMPS
A propos de ces actes supposés de
son «chief of staff», Pierre Krähenbühl
affirme: «Rien de cela ne m’a été indi-
qué. D’ailleurs, le rapport d’enquête de
l’ONU me concernant n’aborde pas ces
points.» L’ancien commissaire géné-
ral précise: «N’ayant pas vu les conclu-
sions les concernant, je ne peux pas me
prononcer sur les enquêtes portant sur
d’autres collègues.»
«Le candidat qui a fait 38 points
doit passer»
Nous sommes le 5 mars 2018. Le
nom de Hakam Shahwan, de facto le
numéro 3 de l’UNRWA, s’affiche sur le
téléphone d’un haut responsable de
l’agence. Alors que 16 candidats sont
en lice pour un poste important au QG
de Jordanie, Shahwan explique qu’il
faut faire passer au second tour un
«ami particulier» de Sandra Mitchell,
la commissaire générale adjointe (soit
la numéro 2). Cet «ami spécial» est en
réalité le mari de l’adjointe.
L’homme qui reçoit l’appel est si aba-
sourdi par cet ordre qu’il prend la cap-
ture d’écran de son téléphone
pour conserver la trace de l’ap-
pel. Il est 10h12, la conversa-
tion a duré 15 minutes. Crai-
ENQUÊTE
gnant des représailles venant
du plus haut niveau, il hésite à en par-
ler autour de lui. Mais il finit par se
confier à son chef direct.
Cet appel de Hakam Shahwan n’est
pas le résultat d’un coup de tête irré-
fléchi. Dans un premier temps, il avait
essayé de convaincre de changer les
règles du jeu et de renoncer à tout test
d’examen pour ce poste. Devant les
réticences des responsables confir-
més, il doit trouver un autre moyen de
privilégier l’ami spécial. Ce n’est pas
facile: au sein de l’agence de l’ONU, les
règles de procédure sont très strictes
et les dossiers des candidats sont ano-
nymisés. Pour mener ses visées à
bien, il faut avoir accès notamment à
la base de données. Shahwan s’en est
LUNDI 31 MAI 2021
chargé, avec l’aide d’une personne des
ressources humaines dont il avait lui-
même contribué à assurer la nomina-
tion. «Le candidat qui a fait 38 points
doit passer», enjoint le chef du per-
sonnel au téléphone. Il n’y en a qu’un
à avoir obtenu ce résultat, c’est le mari
de la «numéro 2».
Pierre Krähenbühl informé
Pierre Krähenbühl est informé de
cette affaire particulière en date du
21 mars, comme le montre une série
de documents que Le Temps s’est pro-
curée. Cette grave entorse aux règles
réclame, selon les services de super-
vision de l’agence, une «action immé-
diate». «Le cœur même de notre sys-
tème de responsabilité est frappé»,
souligne le rapport. Mais le commis-
saire général ne réagira pas.
Propulsé au 2e tour, le mari, Robert
Langridge, échouera finalement par
manque de compétences. Il finira
toutefois par obtenir un poste équi-
valent, six mois plus tard, en tant que
directeur adjoint sur le terrain, tou-
jours en Jordanie. Pour cette
deuxième tentative, comme
pour la première, Hakam
Shahwan a insisté pour faire
partie du panel de sélection
des candidats. Dans le panel de 3
membres, il sera accompagné de la
même personne des RH dont il aurait
favorisé la nomination, selon les ser-
vices de supervision.
A propos de la nomination de Lan-
gridge, Hakam Shahwan affirme: «Le
processus a été respecté et l’enquête
de l’OIOS n’a décelé aucune influence
exercée de mon côté.» Puis il ajoute:
«Le commissaire général a approuvé
la sélection (du panel) et n’a pas dis-
cuté avec moi d’inquiétudes liées au
procédé de recrutement.»
De son côté, Sandra Mitchell n’a pas
répondu aux sollicitations du Temps.
Hakam Shahwan, Sandra Mitchell
et son mari sont parmi ceux qui ont
 LUNDI 31 MAI 2021
quitté l’UNRWA lorsque les enquê-
teurs de l’ONU ont commencé à s’in-
téresser de plus près à eux.
«Je devenais un ennemi»
L’évocation de cet épisode fait encore
trembler de colère la voix de Nick Kal-
das, contacté chez lui, en Australie.
A l’époque des faits, il était le direc-
teur du Département de supervision
interne de l’UNRWA, celui qui a pré-
cisément alerté Pierre Krähenbühl.
L’homme n’est pas un néophyte. Il
fut autrefois le responsable adjoint
des 22 000 membres de la police de
la région de Sydney. Il a aussi été l’un
des principaux enquêteurs dans le
meurtre de l’ancien premier ministre
libanais Rafic Hariri. Au téléphone, il
décrit ses mails restés sans réponse,
les rencontres de plus en plus espa-
cées avec le commissaire général – «Je
rêvais d’en avoir une par mois, mais il
était absent.» Il devient l’objet de pres-
sions. Puis de rumeurs et de plaintes,
orchestrées dit-il par le cercle rappro-
ché du commissaire général. «Plus je
réclamais de la transparence, et plus je
devenais un ennemi», affirme-t-il. L’af-
«Il apparaît
clairement qu’un
certain nombre
d’irrégularités
ont été commises
au moins pendant
deux ou trois ans
par certains seniors
managers
de l’agence»
JEAN-FRANÇOIS COUSIN, JUGE
D’UN TRIBUNAL INTERNE DE L’UNRWA
LE TEMPS
faire du mari de l’adjointe, ses rapports
restés sans suite et le manque d’inté-
rêt affiché par le commissaire général
finissent de le miner. Il démissionne
quelques semaines plus tard, en mai
2018.
A propos de cette nomination, Pierre
Krähenbühl affirmait dans le Temps
présent diffusé en décembre 2020: «Je
me suis renseigné… oui, c’est permis.
Mais même avec ces paramètres en
tête, je pense que j’aurais dû lui dire,
à cette époque: «Ne prenons pas ce
risque, cela arrivera forcément à des
interprétations mauvaises.» C’est clair,
c’était une erreur et on aurait pu évi-
ter cela.»
Nick Kaldas, aujourd’hui en semi-re-
traite, est d’origine égyptienne. «En
approchant de la fin de ma carrière,
j’étais séduit par l’idée d’apporter une
aide concrète aux Palestiniens. C’est
pour cela que j’ai postulé à l’UNRWA.»
Pour lui, la désillusion a été grande,
comme pour un bon nombre de collè-
gues. «Les directeurs, à cette époque,
ont perdu la foi en l’organisation»,
résume-t-il. Mais les représailles pour
les «lanceurs d’alerte» sont monnaie
courante, comme le montrent d’autres
documents consultés par Le Temps.
Un jugement interne
Ce fonctionnement de l’équipe diri-
geante autour de l’ancien commis-
saire général a été mis en lumière
par un tribunal interne de l’UNRWA,
le 10 novembre 2020, à la suite d’une
plainte interne formulée pour des faits
remontant à l’été 2019, mais dont les
origines, décrites par le juge, recoupent
en partie les épisodes décrits plus haut.
Le verdict n’a fait aucun bruit en
Suisse. Pierre Krähenbühl est reconnu
coupable de «violation flagrante des
valeurs fondamentales de l’ONU»
pour avoir essayé de camoufler les rai-
sons réelles d’un renvoi et les dégui-
ser en démission volontaire, accom-
pagnée d’appréciations positives sur
l’employée. Dans le verdict de 43 pages
rendu par le juge français Jean-Fran-
çois Cousin, il est question entre autres
de CV maquillés et de représailles
contre un lanceur d’alerte.
Le juge place ce verdict dans un
contexte plus général: «Il apparaît clai-
rement qu’un certain nombre d’irré-
gularités ont été commises au moins
pendant 2 ou 3 ans par certains senior
managers de l’agence.» Le contexte est
tel, poursuit le juge, qu’il «oblige le tri-
bunal à avoir de sérieux doutes sur la
véracité des témoignages et des décla-
rations.»
Plus spécifiquement, à propos de
Pierre Krähenbühl, il appelle à ce que
son successeur à la tête de l’UNRWA
prenne une possible action contre lui,
afin de «le rendre comptable de sa res-
«Au cours
de cette année
très exigeante,
nous avons dû
prendre des
décisions internes
difficiles,
comme des coupes
budgétaires ou
des licenciements.
Ces décisions
n’ont pas plu à tout
le monde. Cela nous
a valu des critiques»
PIERRE KRÄHENBÜHL
ponsabilité». Situation ubuesque: si le
Suisse revenait aujourd’hui dans le sys-
tème des Nations unies, son successeur,
Philippe Lazzarini, Suisse lui aussi, se
verrait ainsi obligé d’envisager de le
sanctionner.
Pierre Krähenbühl a fourni une
réponse écrite au Temps à ce propos:
«Ce cas n’est lié ni à l’enquête de l’OIOS
(Office of Internal Oversight Services
de l’ONU), ni à ma démission. Il s’agit
d’une procédure qui s’est conclue près
d’un an après mon départ de l’UNRWA,
sans avoir sollicité mon témoignage sur
les faits, et qui fait aujourd’hui l’objet
d’un appel formel de l’UNRWA qui en
conteste les conclusions.»
L’UNRWA confirme l’existence de cet
appel, au nom du commissaire général
actuel. Le dossier est entre les mains
du Tribunal de 2e instance de l’ONU et
sort donc du cadre interne de l’UNRWA.
Lors d’un entretien avec Le Temps,
Pierre Krähenbühl a également for-
mulé ce commentaire général: «En
2018, l’UNRWA a fait l’objet d’une
attaque financière et politique sans
précédent [l’administration Trump a
réduit, puis coupé ses contributions
à l’UNRWA]. J’ai assumé un rôle diri-
geant dans la campagne qui a permis
de sauver l’organisation en mobili-
sant près d’un demi-milliard de dol-
lars de fonds additionnels. Comme
toujours, un tel résultat est un suc-
cès collectif, avec des contributions
essentielles de nombreux collègues
et acteurs externes. Au cours de cette
année très exigeante, nous avons dû
prendre des décisions internes diffi-
ciles, comme des coupes budgétaires
ou licenciements. Ces décisions n’ont
pas plu à tout le monde. Cela nous a
valu des critiques.»
La RTS révèle en mars 2021 que Pierre
Krähenbühl a été désigné par le Comité
international de la Croix-Rouge (CICR)
comme envoyé spécial du président de
l’organisation et chef de la délégation
à Pékin. ■
International 5
Cinq rapports d’enquête
«interreliés», selon l’ONU
UNRWA Dès l’année dernière, les
Etats donateurs étaient informés du
fait que les cinq rapports d’enquête
devront «circuler ensemble»
On peut imaginer une certaine
nervosité au Palais de verre de
l’ONU, à New York, en ce 19  mai
2020. Il s’agit de révéler aux Etats
les suites des enquêtes qui ont visé
Pierre Krähenbühl et d’autres res-
ponsables de l’UNRWA. Fin du sus-
pense: des «actions disciplinaires»
ont été menées contre 4 d’entre
eux. Quant au commissaire géné-
ral, des «mesures ont été prises»
en novembre 2019, note de manière
énigmatique Maria Luiza Ribeiro
Viotti, la cheffe de cabinet du secré-
taire général de l’ONU, Antonio
Guterres. Pour rappel, le Suisse avait
annoncé sa démission le 6 novembre
2019, quelques heures après avoir
reçu des indications selon lesquelles
les conclusions du rapport le concer-
nant ne relevaient que «quelques
manquements de gestion» de sa part.
Le compte rendu de cette réunion,
destiné à rester confidentiel, mais
dont Le Temps a obtenu une copie,
vaut la peine d’être détaillé. Aucune
«fraude» n’a été identifiée, il reste
cependant à expliciter ce qui a valu
à l’agence de perdre ainsi ses princi-
paux dirigeants, dont son commis-
saire général. Le cas de la commis-
saire générale adjointe, l’Américaine
Sandra Mitchell, est particulière-
ment révélateur. Partie en vacances
avec son mari en Australie, elle
n’est jamais revenue à son bureau
à Amman, en Jordanie, tandis que
l’enquête progressait. Son départ est
effectif au 25 juillet 2019. «Elle a été
informée de la décision qui aurait été
prise contre elle, en termes de res-
SUR sources humaines, si elle n’avait pas
quitté l’agence», enchaîne une autre
LE WEB responsable de l’ONU. Manière élé-
gante de suggérer qu’en ne cherchant
Retrouvez pas à reconduire son contrat, elle a
le premier ainsi évité l’affront de ne pas être
épisode de notre renommée.
enquête sur
www.letemps.ch
«L’ONU travaille
à une stratégie
de communication
globale»
CATHERINE POLLARD, SOUS-SECRÉTAIRE
GÉNÉRALE DE L’ONU, EN MAI 2020
A cette date, l’enquête n’est pas
encore achevée en ce qui concerne
Hakam Shahwan, l’«émir», et qui
s’est finalement «séparé» lui aussi
de l’UNRWA après qu’il a envoyé un
mail anonyme à la chaîne Al Jazeera
afin de discréditer le chef du Dépar-
tement d’éthique, Lex Takkenberg,
qui recueillait les plaintes à son sujet.
Enquête encore en cours, à l’époque,
sur le mari de Sandra Mitchell, qui
avait été nommé à un poste de direc-
teur adjoint lors d’une procédure
qui ne respectait pas les règles, et
qui avait été approuvée par Pierre
Krähenbühl.
Autre «séparation», enfin: celle
de la conseillère spéciale, Maria
Mohammedi. Mais pas avant que
l’UNRWA ait «recouvré un mon-
tant d’argent qui lui est dû», affirme
encore le procès-verbal de la séance.
De fait, a appris Le Temps, les enquê-
teurs ont découvert qu’elle avait
sollicité un montant de plusieurs
dizaines de milliers de dollars pour
financer les études de son fils auprès
d’un riche donateur, en marge de
ses rencontres officielles aux côtés
de Pierre Krähenbühl. Or la même
somme lui avait aussi été accordée
par l’UNRWA, et elle a donc perçu
la somme deux fois. Maria Moham-
medi n’a pas donné suite à nos solli-
citations.
Sur cette affaire, Pierre Krähen-
bühl dément aussi toute faute de sa
part. Dans une réponse écrite, il sou-
ligne: «Il ne relevait pas de ma res-
ponsabilité de suivre ce type de ques-
tion. Il n’est fait aucune mention de
ce reproche dans les conclusions du
rapport de l’OIOS me concernant.»
Le Suisse s’en tient en effet à la ver-
sion selon laquelle les enquêtes «sont
indépendantes les unes des autres».
Seul le contenu de son propre rap-
port, pour l’instant non rendu public,
«fait foi», argue-t-il.
Cette lecture est cependant battue
en brèche par l’ONU elle-même. «Ces
cas sont interreliés», affirme ainsi, au
cours de la même réunion, Catherine
Pollard, sous-secrétaire générale de
l’ONU. «Les rapports devront donc
circuler ensemble», ajoute-t-elle,
en assurant que l’ONU «travaille à
une stratégie de communication
globale» à ce propos. L’équipe sor-
tante, comme l’établit le contenu de
cette discussion, est bien considérée
comme collectivement responsable.
Besoin de transparence
Mais au-delà de ces cas, il s’agit sur-
tout de tenter de limiter les dom-
mages causés à l’agence. Chacun,
ici, sait que la question est cruciale.
Sujette depuis longtemps à d’innom-
brables attaques, qui ont culminé
avec la décision de Donald Trump
de cesser le financement américain
ainsi qu’avec une campagne menée
par la droite israélienne, l’UNRWA
doit se montrer irréprochable en
termes de gestion. Or elle a grave-
ment prêté le flanc à ses détrac-
teurs, selon la liste qu’établit lors
de la même réunion Philippe Lazza-
rini, le successeur de Pierre Krähen-
bühl, Suisse lui aussi. «La plupart des
problèmes de management étaient
liés à la culture organisationnelle, à
la prise de décision beaucoup trop
centralisée, et au manque d’adéqua-
tion entre les responsabilités et les
compétences, explique-t-il aux prin-
cipaux donateurs. Cela a amené une
partie du personnel à partager un
sentiment d’impuissance.»
Un an plus tard, les rapports ont
été achevés, mais la «stratégie de
communication globale» promise
par l’ONU n’a pas beaucoup pro-
gressé. Ainsi, les Nations unies n’ont
répondu à aucune de nos questions
au sujet de ces rapports, de leur
contenu et de leur caractère «inter-
relié».
Pour sa part, le Département fédé-
ral des affaires étrangères (DFAE)
confirme les déclarations d’Ignazio
Cassis selon lesquelles la Confédéra-
tion a demandé et reçu ces 5 rapports
qui concernent «des senior mana-
gers de l’UNRWA». Quant à l’éven-
tuelle mise à disposition de ces rap-
ports, le DFAE souligne qu’ils sont
«classés hautement confidentiels par
les Nations unies» et se contente d’af-
firmer: «La Suisse considère qu’il est
important que la transparence soit
faite et a entrepris des démarches
pour rendre publiques les conclu-
sions des rapports.» n L. L.
● ● ● SUITE EN PAGE 6

6 International
«Les mécanismes actuels ne devraient plus
permettre que les règles soient contournées»
LA TEMPÊTE DE L’UNRWA (3/3) Le com-
missaire général de l’UNRWA répond
aux questions sur les défis actuels de
l’organisation, sur la situation à Gaza
et sur les réformes entreprises à la
suite du départ de l’ancienne équipe
dirigeante
PROPOS RECUEILLIS PAR LUIS LEMA
t @luislema
Le Suisse Philippe Lazzarini, l’actuel
commissaire général de l’UNRWA, est
rentré il y a quelques jours de Gaza,
où il a rencontré une population trau-
matisée par les onze jours de bombar-
dements israéliens qui ont précédé
le cessez-le-feu, le 20 mai. Il évoque
ici le sentiment des Gazaouis d’avoir
vécu «l’enfer sur terre», mais aussi les
réformes entreprises par l’UNRWA
pour dépasser la «crise de manage-
ment» traversée en 2019 qui a abouti
à des réformes visant entre autres à
améliorer la transparence des proces-
sus de décision et le rôle des supervi-
seurs.
Vous rentrez de Gaza, où les bombarde-
ments israéliens ont fait plus de 200
morts. Qu’avez-vous vu? J  ’y ai vu une
population traumatisée, qui s’interroge,
une fois de plus, sur les raisons
de ce cycle de violence. Des
gens qui ont vécu avec ce sen-
timent de peur au ventre et qui
INTERVIEW
m’ont décrit «l’enfer sur
terre». Qui, lorsqu’ils n’ont pas perdu
un proche, ont eu l’impression de
constamment côtoyer la mort. Comme
l’histoire de ces mères qui racontent
que, chaque jour, les membres de leur
famille se demandaient ce qui valait
mieux: dormir ensemble ou séparés,
se faire tous tuer ensemble ou non? Ce
sentiment de peur et de terreur semble
avoir été omniprésent. Et en revenant
de Gaza, je me dis qu’il y a une pandé-
mie invisible qui est en train de frapper
la population, cette pandémie du trau-
matisme.
Vous évoquez un sentiment de répéti-
tion… Il règne à Gaza l’aspiration à une
vie normale mais aussi ce ressenti-
ment très fort face à une situation qui
empêche de vivre cette vie. Il y règne
la peur que l’histoire ne se répète. C’est
clair, à la fin d’un conflit on parle de
trêve humanitaire, et c’est très impor-
tant. L’UNRWA va essayer de rétablir
ses services le plus rapidement pos-
sible et de ramener un semblant de
normalité. Mais nous sommes
PUBLICITÉ
conscients que cela ne suffira pas et
qu’il est temps maintenant d’avoir une
approche différente. Si l’on veut avoir
une réhabilitation et une reconstruc-
tion qui soient durables, elles doivent
être accompagnées d’une trajectoire
politique sérieuse. Ces derniers évé-
nements nous montrent que si l’on
n’adresse pas les causes profondes de
l’occupation, du blocus, etc., l’on met
simplement en place un nouveau cycle
de violence.
L’autre jour, quelqu’un me rappelait
la définition de l’insanité, qui consiste
à attendre des résultats différents en
continuant d’appliquer les mêmes
recettes. Les gens sont exsangues. Il
y a eu maintenant quatorze ans de blo-
cus, quatre guerres en treize ans… Il
n’y a pas de réelles perspectives de
voir les choses évoluer différemment,
à moins d’entreprendre une réelle
politique pour s’atteler à ce problème.
Les biens et le personnel de l’UNRWA
peuvent-ils désormais entrer sans
entrave à Gaza? L a particularité de ce
dernier conflit, c’est que pendant onze
jours, il n’y a eu aucune trêve huma-
nitaire. Contrairement aux épisodes
précédents, il était impossible d’opé-
rer avec la moindre garantie de part
et d’autre. Cela a rendu l’en-
vironnement beaucoup plus
dangereux. Il faut aussi rap-
peler que les guerres à Gaza
ont la particularité que les
gens n’ont nulle part où fuir. Ils ne
peuvent traverser aucune frontière.
Nos 58 écoles de l’UNRWA ont accueilli
jusqu’à 70 000 personnes pour leur
fournir un abri temporaire. Les empla-
cements des Nations unies n’ont pas
été la cible d’attaques.
Ce rappel est nécessaire pour com-
prendre que personne n’a pu entrer
avant la proclamation du cessez-le-
feu. Depuis lors, Erez, qui est le lieu
de passage pour les humanitaires et
les piétons est ouvert. Pour ce qui est
du lieu de passage de Kerem Shalom,
par où passent les biens, la situation
est encore différente. Les biens pure-
ment humanitaires peuvent entrer,
mais les Israéliens ont revisité la liste
des autres biens pour éviter qu’il n’y
ait de «double use» [soit, officielle-
ment pour éviter leur emploi dans
la fabrication de roquettes, ou autre
matériel considéré comme militaire,
ndlr]. Dans l’ensemble, le passage est
donc plus restrictif qu’auparavant
«Le Temps» vient de publier une série
d’articles qui confirment de graves pro-
blèmes de fonctionnement interne à
l’UNRWA ces dernières années. Une par-
tie de son équipe dirigeante, dont son
chef, a quitté l’agence. L’UNRWA a-t-elle
entrepris des réformes afin que cela ne
se reproduise pas? Premièrement, le
secrétaire général de l’ONU a désigné
un nouveau commissaire général, un
nouvel adjoint du commissaire géné-
ral, et il y a effectivement une équipe
du «senior management» qui s’est
mise en place. Tout cela a pris du
temps. Déjà, au moment de la crise de
transition, de la crise de management,
l’équipe en place à l’époque a com-
mencé d’initier un certain nombre
d’actions dont le but a été d’améliorer
la transparence et la prise de décision
au sein de l’agence, ainsi que d’amélio-
rer la «redevabilité» (accountability).
Par exemple, nous avons aujourd’hui
une fonction d’ombudsman qui a été
créée, ainsi qu’une fonction d’applica-
tion de l’éthique qui est totalement
indépendante. Nous avons aussi mis
en place un service de supervision
interne plus abouti. Nous avons aussi
renforcé les procédures de recrute-
ment au sein de l’agence, amélioré le
reporting financier des bailleurs de
fonds, qui est devenu beaucoup plus
accessible et qui est devenu davantage
le miroir de la réalité financière de
l’organisation.
Enfin, nous avons mis en place un
Comité qui devient l’organe de prise
de décision pour le commissaire géné-
ral. C’est-à-dire que, désormais, toute
Philippe Lazzarini, actuel commissaire général de l’UNRWA: «Il y a de bonnes raisons pour lesquelles
des rapports internes doivent rester internes au sein du système onusien.» (KARIN HOFER/NZZ)
nouvelle politique ou toute nouvelle
stratégie est décidée à ce niveau-là. Les
décisions ensuite sont communiquées
depuis ce niveau.
Toute une série de mesures ont donc
été mises en place pour répondre aux
préoccupations qui ont été exprimées
en 2018-2019. Je pense qu’on peut
dire aujourd’hui que cette phase de
«management initiative», en réponse
à la crise, est arrivée à son terme et
que l’organisation va plus se focaliser
sur sa modernisation et son efficacité
pour délivrer des services.
«Cette année,
nous assistons
au retour bienvenu
et nécessaire
des Etats-Unis»
Les règles et les procédures semblaient
déjà solides auparavant. mais elles ont
été violées ou contournées. Vos réformes
suffiront-elles à redonner confiance aux
donateurs? Je peux dire sereinement
que les donateurs et les Etats membres,
qui nous suivent très méticuleusement
sur ces questions, ont indiqué que
l’agence répondait à leurs attentes.
Aujourd’hui, les mécanismes en place
ne devraient plus permettre, sans
qu’on le sache, que ces règles soient
contournées, par exemple.
Les cinq rapports découlant de l’enquête,
que l’ONU dit «interreliés», n’ont pas été
rendus publics. Prônez-vous leur diffu-
sion? Il y a de bonnes raisons pour
lesquelles des rapports internes
doivent rester internes au sein du sys-
tème onusien. Il ne faut pas oublier
que les mécanismes mis en place par
le secrétariat de l’ONU sur ces ques-
tions répondent aux attentes des Etats
membres de l’ONU. Je ne pense pas
qu’il faille établir un précédent, et que
rendre publics ces rapports internes
confidentiels doive devenir la norme
dans le futur.
Les relations entre la Suisse et l’UNRWA
n’ont pas été simples ces dernières
années. Où en sommes-nous? M  oi, je
qualifierais ces relations de bonnes.
J’ai rencontré le conseiller fédéral
Ignazio Cassis en novembre. La Suisse
a gardé le même niveau d’engagement
vis-à-vis de l’agence même si, malheu-
reusement, elle en a diminué la durée
de quatre à deux ans. La Suisse nous
appuie notamment sur un projet pilote
de création d’emplois pour les jeunes,
et elle a soutenu la préparation d’une
conférence internationale qui doit se
dérouler en octobre. A partir de juin,
la Confédération va aussi déployer l’un
de ses diplomates dans les bureaux de
l’UNRWA. Il y a donc un soutien très
substantiel, et je serais d’ailleurs en
visite officielle à Berne à la fin juin où
je rencontrerai à nouveau Ignazio Cas-
sis ainsi que des parlementaires.
Autant des membres de la Commission
des affaires étrangères que des parle-
mentaires membres de différents
comités, comme le comité de soutien
Suisse-Israël ou le comité de soutien
Suisse-Palestine.
Quelle est la situation de l’agence en
termes de budget? Cette année, nous
assistons au retour bienvenu et néces-
saire des Etats-Unis. Mais malgré ce
retour, les fonds ne répondent pas
encore aux besoins liés aux services
critiques de l’UNRWA. Notre budget
n’est pas encore financé et, sur ce
plan-là, notre situation continue de
rester précaire, car d’autres pays se
sont aussi désengagés ces dernières
années en raison notamment de la
crise du covid.
En bref, nous sommes aujourd’hui
dans une meilleure situation que l’an-
née dernière à la même époque mais
nous avons toujours, à ce stade, un
important déficit projeté. J’ai toutefois
confiance dans le fait que la décision
des Etats-Unis amènera d’autres Etats
à prendre des décisions similaires, et
que l’on passera cette année. ■
LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021
Benyamin
Netanyahou poussé
vers la sortie par
la droite religieuse
ISRAËL Le principal parti de la
droite nationale religieuse a
accepté dimanche de s’allier au
centre gauche pour former un
gouvernement «de changement»
sans l’actuel premier ministre
ALINE JACCOTTET, TEL AVIV
t @AlineJaccottet
Tout sauf «Bibi». Cette vieille
devise des opposants à Netanyahou,
la droite religieuse a fait sensa-
tion en l’adoptant publiquement
dimanche en Israël. Le parti reli-
gieux sioniste Yamina a ainsi
annoncé dans l’après-midi qu’il
rejoignait le bloc du «changement»
mené par le centriste Yaïr Lapid.
En fait de bloc, un patchwork idéo-
logique étonnant, des islamistes
du parti Raam à la gauche histo-
rique travailliste en passant par
les colons religieux rêvant du grand
Israël. Des hommes et des femmes
qui n’ont que deux objectifs com-
muns: permettre à leurs conci-
toyens d’échapper à une éreintante
cinquième élection et surtout,
évincer Netanyahou. Au sein de la
droite, quatre «Brutus» mènent la
MAIS ENCORE charge contre le premier ministre:
Neftali Bennett, Ayelet Shaked,
Tractations Gideon Sa’ar et Avigdor Lieberman.
sur la trêve Chacun est passé à un moment ou
entre Israël un autre par le Likoud, est devenu
et le Hamas
La consolidation
ministre sous Netanyahou et le
déteste à titre personnel. 
du cessez-le-feu
entre Israël et le Le chef du parti Yamina Neftali
Hamas était Bennett, cinq fonctions ministé-
dimanche au rielles à son actif, est un quinqua-
centre des génaire d’origine américaine au
tractations talent certain pour la création de
diplomatiques en
Egypte, avec
start-up et de colonies en Cisjor-
notamment la danie. Il a été qualifié de «petit
première visite roquet» par Netanyahou qui a tout
d’un chef de la fait pour briser sa réputation peu
diplomatie avant les élections de 2013, n’hé-
israélienne au sitant pas à s’attaquer à sa femme
Caire depuis
treize ans.
et à son père, comme l’a révélé le
Dans le même dernier volet de son procès début
temps, le chef du mai. Ayelet Shaked est la numéro
renseignement deux de Yamina: c’est grâce à son
égyptien, Abbas assentiment que le parti a pu
Kamel, s’est annoncer dimanche qu’il inté-
entretenu à
Jérusalem avec le
grait la coalition. Ministre de la
Premier ministre Justice pendant quatre ans sous
israélien, Netanyahou, elle l’a accusé publi-
Benyamin quement d’être un «tyran assoiffé
Netanyahou, et à de pouvoir». Chef du parti Nou-
Ramallah vel Espoir, Gideon Saar a, lui,
(Cisjordanie
occupée) avec le
été pendant des années le sou-
président de tien loyal du premier ministre
l’Autorité et un pilier historique du Likoud
palestinienne, avant de tourner casaque avec fra-
Mahmoud Abbas. cas, dénonçant la personnifica-
(AFP) tion du pouvoir à laquelle se livre,
selon lui, Benyamin Netanyahou.
Il y a enfin le chef d’Israël est
notre foyer, Avigdor Lieber-
man, un ancien videur de boîtes
de nuit russophone qui a beau-
coup compté au sein du Likoud
avant de se fâcher avec le premier
ministre autour de la conscrip-
tion des juifs ultraorthodoxes. 
«Comme un an ailleurs»
Un règlement de comptes
à quatre contre un, mais
Netanyahou n’a pas tiré sa der-
nière flèche. La procédure lui per-
met encore des espoirs. Lundi,
le centriste Yaïr Lapid annon-
cera officiellement au président
Rivlin qu’il a obtenu le soutien
de 61 députés du parlement. Cela
ouvre une période d’une semaine
pour que sa proposition de gou-
vernement soit approuvée par le
parlement. «Une semaine ici, c’est
comme un an ailleurs», souligne
l’analyste politique Gayil Talshir.
Et d'expliquer que mille choses
peuvent encore se produire alors
que les députés de la droite sont
soumis à une pression extrême
– menacé de mort, Neftali Ben-
nett est sous protection policière:
«Les élus peuvent changer d’avis,
s’écharper sur l’adoption du bud-
get qui a fait capoter plus d’un gou-
vernement. La situation sécuri-
taire peut dégénérer… La semaine
qui vient s’annonce fascinante.» ■

8 International
Tulsa, un massacre qui hante les mémoires
ÉTATS-UNIS J oe Biden se rend ce mardi dans la ville de l’Oklahoma, sur le lieu des émeutes qui se sont soldées par la mort de près
de 300 Afro-Américains les 31 mai et 1er juin 1921. Quelques jours après avoir une nouvelle fois rencontré la famille de George Floyd
VALÉRIE DE GRAFFENRIED, NEW YORK
t @VdeGraffenried
«Je revis le massacre tous les
jours.» Le 19 mai, devant la com-
mission judiciaire de la Chambre
des représentants, Viola Fletcher
a livré un témoignage poignant. Le
31 mai 1921, elle avait 7 ans. Pen-
dant deux jours, d’atroces heurts,
pillages et incendies se sont sol-
dés par la mort de 100 à 300
Afro-Américains, à Tulsa, dans
l’Oklahoma. Un drame national
aux lourdes ramifications, entouré
d’un silence coupable, resté long-
temps enfoui. Mardi, le président
Joe Biden se rendra sur place,
pour un hommage aux victimes.
Quelques jours à peine après
avoir reçu, à la Maison-Blanche, la
famille de l’Afro-Américain George
Floyd, décédé le 25 mai 2020 sous
le genou du policier blanc Derek
Chauvin.
«J’entends les cris»
Viola Fletcher n’était pas la seule
à témoigner au Congrès, le 19 mai,
pour réclamer justice et répara-
tions. Il y avait aussi deux autres
survivants du massacre: son petit
frère, Hughes Van Ellis, 100 ans,
et Lessie Benningfield Randle,
106 ans, apparue par vidéoconfé-
rence. «Je n’oublierai jamais la
violence de la foule hargneuse de
Blancs lorsque nous avons quitté
la maison. Je vois encore des
hommes noirs se faire tirer des-
sus et les corps noirs gisant par
terre dans la rue. Je sens encore
la fumée et je vois le feu. Je vois
encore les commerces noirs être
incendiés. J’entends encore les
avions nous survoler. J’entends
les cris», a raconté Viola Fletcher.
Les attaques sont survenues
dans le quartier de Greenwood,
surnommé le «Wall Street noir»
car fréquenté par des Afro-Améri-
cains plutôt aisés. Un jeune cireur
de chaussures, accusé d’avoir
agressé une femme blanche, est
à l’origine de la colère qui s’est
abattue sur Greenwood. Une
colère très vite transformée en
volonté de neutraliser tout signe
de prospérité parmi la population
noire. Les premiers combats ont
commencé dès l’arrivée, au tri-
bunal, d’un groupe de vétérans
noirs pour protéger l’accusé d’une
foule de lyncheurs blancs, dont
des membres du Ku Klux Klan.
La situation a rapidement dégé-
néré. Si le bilan humain est lourd,
si plus de 1250 bâtiments répar-
tis sur 35 pâtés de maison ont été
saccagés, y compris par des explo-
sifs largués d’avion, il y a égale-
ment eu d’autres conséquences:
des milliers de survivants noirs
ont par la suite été internés dans
des camps. Le nombre exact de
PUBLICITÉ
Les ruines du quartier de Greenwood, surnommé le «Wall Street noir», le 1er juin 1921. (THE CROWLEY COMPANY/LIBRARY OF CONGRESS)
morts reste sujet à caution: de
nombreux corps ont été brûlés,
enterrés dans des fosses com-
munes ou jetés dans la rivière,
sans jamais avoir été ni recensés
ni identifiés.
«On parlait de
corps flottant sur
la rivière Arkansas
et de mitrailleuses
sur les toits
des immeubles»
SCOTT ELLSWORTH, PROFESSEUR
D’ÉTUDES AFRO-AMÉRICAINES
À L’UNIVERSITÉ DU MICHIGAN
En 2001, un rapport offi-
ciel d’une commission de l’Etat
de l’Oklahoma a détaillé le
drame et évalué les pertes finan-
cières à 27 millions de dollars. En
24 heures, des familles entières
ont basculé dans la pauvreté, un
poids qui pèse encore sur leurs
descendants. «Lorsque ma famille
a été contrainte de quitter Tulsa,
j’ai perdu toute chance d’éduca-
tion. Je n’ai jamais terminé l’école
après la quatrième année… Pen-
dant la majeure partie de ma vie,
j’ai été employée de maison au ser-
vice de familles blanches. Je n’ai
jamais gagné beaucoup d’argent.
Aujourd’hui encore, je peux à
peine subvenir à mes besoins quo-
tidiens», a précisé Viola Fletcher
devant le Congrès.
Scott Ellsworth, professeur
d’études afro-américaines à
l’Université du Michigan, a tra-
vaillé comme historien pour la
commission. Il vient de publier
un nouveau livre sur le massacre
de la ville dont il est originaire,
The Ground Breaking. The Tulsa
Race Massacre and an American
City’s Search for Justice. Un livre
dans lequel il se met en scène et
raconte sa recherche de vérité,
dès l’âge de 12 ans. Et comment,
comme Blanc, il a tenté de braver
l’amnésie collective, qui parfois
touchait également les survivants
en raison du traumatisme vécu.
«Enfant, j’ai grandi à Tulsa dans
les années 1960 et j’ai entendu des
rumeurs selon lesquelles une
«émeute raciale» avait eu lieu des
années auparavant. On parlait de
corps flottant sur la rivière Arkan-
sas et de mitrailleuses sur les
toits des immeubles de bureaux
du centre-ville. Une ou deux fois,
j’avais même entendu des adultes
âgés parler de ce qui s’était passé,
mais dès qu’un jeune entrait dans
la pièce, ils changeaient de sujet.
Il était presque impossible d’ap-
prendre ce qui s’était passé. Cela
a piqué ma curiosité, raconte-t-il.
Puis, alors que j’étais un étudiant
de 21 ans en 1975, j’ai décidé de
faire du massacre le sujet de ma
thèse. Depuis, je n’ai cessé de faire
des recherches et d’écrire sur le
massacre.»
Un terrain d’enquête qui n’est
pas des plus propices: l’Oklahoma
est l’un des Etats les plus conserva-
teurs du pays, le seul dans lequel
aucun comté n’a voté en faveur
de Barack Obama en 2008 et en
2012. Mais l’an dernier, de nou-
velles fosses communes ont été
découvertes et le maire de Tulsa,
un républicain, s’est engagé à mul-
tiplier les efforts pour localiser les
restes d’autres victimes.
«Ce massacre a été délibérément
dissimulé pendant cinquante
ans», rappelle Scott Ellsworth.
«Des documents officiels ont été
LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021
de cette perte de richesse géné-
rationnelle: les citoyens du nord
de Tulsa, à prédominance noire,
ont aujourd’hui une espérance de
vie moyenne inférieure de onze
ans à celle des Tulsans blancs, et
souffrent de taux plus élevés de
pauvreté, de chômage et de mor-
talité infantile.
Commémoration tendue
La commémoration du drame
reste tendue.  Jeudi, coup de
théâtre: un des principaux évé-
nements qui devait se dérou-
ler ce lundi a été annulé. Sans
réelles explications. Les organi-
sateurs évoquent des «circons-
tances inattendues» du côté des
participants. Selon CBS, c’est un
avocat qui s’y est opposé, au nom
des survivants et des descendants
des victimes qui n’ont toujours
pas obtenu réparation.
En juin 2020, une autre polé-
mique avait émergé. Le choix de
Tulsa par Donald Trump pour
tenir son premier rallye politique
en pleine épidémie avait été res-
senti comme de la provocation, y
compris à cause de la date choisie:
le 19 juin, jour du 155e anniver-
saire de l’abolition de l’esclavage
aux Etats-Unis. Sous pression, il a
été contraint de repousser le mee-
ting au lendemain.
Cent ans après le massacre, la
situation des Afro-Américains,
régulièrement victimes de bruta-
lités policières et de racisme ins-
titutionnalisé, reste précaire. L’af-
faire Floyd a bien provoqué une
volés, des articles ont été décou- prise de conscience plus forte
pés dans les volumes reliés des que lors de drames survenus ces
journaux de 1921, et les deux quo- dernières années, mais d’autres
tidiens de Tulsa ont fait tout leur se sont déroulés depuis, parfois
possible pour ne jamais publier dans une quasi-ignorance. Et la
quoi que ce soit sur le massacre «vaste» réforme policière pro-
pendant près d’un demi-siècle.» mise depuis des mois se fait tou-
L’historien confirme l’impact jours attendre. ■
EN BREF
Rémy Daillet interpellé en Malaisie
Rémy Daillet, figure d’un mouvement complotiste
soupçonné d’avoir contribué à l’organisation de
l’enlèvement de la petite Mia retrouvée dans un squat à
Sainte-Croix en avril, a été interpellé samedi en Malaisie
où il réside, a-t-on appris dimanche de sources proches du
dossier. Il peut désormais être expulsé vers la France pour
séjour irrégulier ou en raison du mandat d’arrêt
international lancé contre lui. AFP
Boris Johnson se marie en secret
Le premier ministre britannique Boris Johnson a épousé
samedi dans la cathédrale catholique de Westminster sa
fiancée Carrie Symonds lors d’une «cérémonie secrète»,
ont rapporté les journaux Mail on Sunday et The Sun. AFP

10 Suisse
«Les automobilistes sont des vaches à lait»
LOI SUR LE CO2 L e lobby automobile et pétrolier combat la révision de la loi climatique. Pour le président des importateurs, François
Launaz, celle-ci est «punitive» et est surtout destinée à récolter de l’argent qui ne profitera pas à ceux qui doivent utiliser la voiture
PROPOS RECUEILLIS
PAR BERNARD WUTHRICH, BERNE
t @BdWuthrich
Les milieux de l’automobile et
du pétrole combattent la révision
de la loi sur le CO2. Le président
d’Auto-suisse, François Launaz,
explique pourquoi les importa-
teurs n’en veulent pas.
La loi sur le CO2 n’anticipe-t-elle
pas la fin annoncée du pétrole? Si,
mais les constructeurs automo-
biles aussi l’anticipent. De plus en
plus de marques annoncent qu’il
n’y aura plus de nouvelle géné-
ration de moteurs à combustion
à partir de 2030. Ils seront rem-
placés par des propulsions élec-
triques et peut-être aussi à hydro-
gène. Notre branche a déjà lancé
une démarche de décarbonisa-
tion. Malgré la crise, la part des
voitures électriques augmente
parmi les nouvelles immatricula-
tions: en une année, elle est pas-
sée de 21 à 37%.
Pourquoi alors ne soutenez-vous pas
la loi sur le CO2 puisqu’elle va dans
votre direction? Nous pourrions
la soutenir si les automobilistes
n’étaient pas les vaches à lait qui
devront payer leur essence plus
En Anniviers, la difficile écologisation des régions périphériques
VOTATIONS La loi sur le CO2,
soumise au peuple le 13 juin,
impactera plus fortement les
régions périphériques, dans les-
quelles la dépendance à la voiture
et au mazout, pour le chauffage,
est forte. Exemple en Valais, dans
le val d’Anniviers
GRÉGOIRE BAUR
t @GregBaur
La route  serpente à flanc de
montagne. De celles que l’on ne
rencontre qu’en Valais. Si au fil
des années, les travaux ont per-
mis de l’élargir, certains passages
demeurent vertigineux dans le val
d’Anniviers. Entre Niouc et Les
Pontis, le tracé semble comme
suspendu dans le vide. Il n’y a pas
de place pour deux voies de cir-
culation. Pourtant, en moyenne
annuelle, près de 3000 véhicules
l’empruntent chaque jour. Dépen-
dants de la voiture, comme la majo-
rité des habitants des régions péri-
phériques, les Anniviards seront
ainsi impactés par la loi sur le CO2,
qui devrait engendrer une hausse
du prix du carburant.
Chaque jour, les transports
publics réalisent 11 courses depuis
la plaine. En moyenne, il faut
attendre 75 à 90 minutes entre deux
cars postaux. De quoi décourager
plus d’un habitant de les utiliser. «Il
faut accepter le fait que le transport
individuel sera toujours nécessaire
pour les régions périphériques
comme la nôtre», appuie David
Melly. Le président de la commune
d’Anniviers ajoute: «Pour mainte-
nir une vie, une école dans la vallée,
nous avons besoin d’un minimum
de population et donc des pendu-
laires qui travaillent à Sion ou Mar-
tigny et qui représentent environ
30% des actifs de la commune.»
La voiture, un nécessaire
confort
Existe-t-il des Anniviards qui ne
possèdent pas de véhicule privé?
David Melly n’en connaît en tout
cas pas. «Même les citoyens qui
font très attention à l’environne-
ment ont une voiture», glisse-t-il.
Rencontrée sur la terrasse d’un res-
taurant de Vissoie, Delphine fait
partie de cette frange de la popula-
tion. Si elle reconnaît qu’elle pour-
chère mais ne recevront pratique-
ment rien en retour. Le trafic est
responsable de 35% des émissions
de CO2. C’est une réalité que nous
ne contestons pas. Et je soutiens
le principe du pollueur-payeur.
Le fonds climatique pro-
met beaucoup d’argent à
beaucoup de monde, mais
à part quelques pecca-
INTERVIEW
dilles pour des stations de
recharge des batteries, les proprié-
taires de voiture ne recevront rien.
En revanche, on va les ponctionner
pour développer par exemple les
trains de nuit. Ce n’est pas juste.
La pose de stations de recharge, ce
n’est pas rien, non? Le fonds prévoit
d’allouer 60 millions de francs à
toute une série de mesures, parmi
lesquelles l’installation de ces sta-
tions de recharge. En fin de compte,
on ne va y consacrer que 5 à 10 mil-
lions. Ce sont des cacahuètes. Il
faudrait 60 à 70 millions par an
rien que pour ces stations, à raison
d’environ 1500 francs par unité.
C’est ce que j’ai demandé dans un
courrier adressé à Simonetta Som-
maruga. Par ailleurs, si les taxes
incitatives fonctionnent, le bud-
get du fonds descendra un jour à
zéro. Et là, il n’y aura plus d’argent
pour personne.
Une route comme tant d’autres en montagne. Certains passages demeurent vertigineux dans le val d’Anniviers. (DIDIER MARTI)
rait utiliser les transports publics,
elle souligne que la voiture lui offre
un certain confort. Dans certaines
situations, elle demeure même
nécessaire: «Si je décide d’aller au
cinéma, à Sierre, il n’y a plus de car
pour remonter dans la vallée une
fois la séance terminée.» Le week-
end, la dernière course part de la
plaine à 20h45.
Pour se forger une opinion sur la
loi soumise à votation, Delphine a
calculé le surcoût que l’acceptation
du texte engendrerait pour elle. Elle
l’estime à 75 francs par année. Plus
que surmontable, dit-elle. Et même
si ce devait être supérieur, cette
«pénalité» ne l’effraie pas. «Je suis
d’accord de payer plus pour vivre
dans ce cadre incroyable», assure-
t-elle en regardant les montagnes
qui l’entourent.
Le lobby pétrolier et automobile
ne s’accroche-t-il pas à ses acquis
en combattant la loi sur le CO2?
Je ne le pense pas. Le motif du
référendum est de rejeter une
loi punitive qui coûte trop cher
et ne soutient pas assez
la décarbonisation de la
mobilité. Nous sommes
d’accord avec les objec-
tifs d’émissions de CO2
prévus, qui sont actuellement
de 95 grammes par kilomètre et
baisseront progressivement vers
zéro d’ici à 2040 ou 2050. Mais
nous avons besoin de soutien.
Nous sommes d’accord de rem-
placer les voitures utilisant du
carburant par des véhicules élec-
triques. Mais ceux-ci coûtent plus
cher à l’achat à cause des batte-
ries. L’Europe l’a bien compris.
Elle fait davantage pour obliger
les propriétaires d’immeubles à
installer des stations de recharge
pour leurs locataires et pour inci-
ter les automobilistes à acheter
un véhicule électrique.
Votre opposition n’est-elle pas
motivée par le relèvement du prix
de l’essence de 10 à 12 centimes par
litre? Nous étions d’accord avec 8
centimes par litre, à condition
que ces recettes profitent à la
Ces sommets attirent, tout au
long de l’année, de nombreux tou-
ristes. L’hiver, ils arpentent les
domaines skiables de la vallée.
Ces derniers aussi subiront l’im-
pact de la loi sur le CO2, en raison
du diesel utilisé par les dameuses.
Pour les remontées mécaniques de
Grimentz-Zinal, la facture devrait
s’alourdir de «quelques dizaines
de milliers de francs», indique le
directeur, Pascal Bourquin. Pour
l’heure, il n’existe aucune alter-
native. «Nous dépendons des
constructeurs et de l’évolution
des motorisations», souligne Pas-
cal Bourquin, qui voit dans les pre-
miers prototypes de dameuses à
hydrogène une solution d’avenir.
L’augmentation de la taxe CO2
prélevée sur les combustibles, éga-
lement prévue par la loi, aura aussi
FRANÇOIS LAUNAZ
PRÉSIDENT
D’AUTO-SUISSE
«Le motif
du référendum est
de rejeter une loi
punitive qui ne
soutient pas assez
la décarbonisation
de la mobilité»
transition écologique de la mobi-
lité. J’aimerais ajouter un élé-
ment dont on ne parle jamais: le
projet prévoit de détourner vers
le fonds climatique une partie
des recettes fiscales qui servent
actuellement à financer les
infrastructures de mobilité dans
les villes et les agglomérations.
Ce détournement est contre-pro-
ductif, puisque, pour absorber la
croissance démographique, nous
un impact en Anniviers. Dans la
vallée, le mazout demeure une
source de chaleur importante. Au
niveau cantonal aussi. En Valais,
il existe 37 000 installations de ce
type, qui contribuent à environ
20% des émissions de CO2. L’ac-
ceptation de la loi pourrait bien
inciter les propriétaires à chan-
ger ces appareils. Mais en mon-
tagne, la donne est quelque peu dif-
férente. «Les réalités climatiques
renchérissent fortement le rem-
placement du mazout au-dessus
de 1500 mètres d’altitude», appuie
David Melly.
C’est surtout le cas pour les rési-
dences distantes des centres des
villages. Car la commune d’Anni-
viers n’a pas attendu la loi sur le
CO2 pour agir sur son empreinte
carbone. Les bâtiments commu-
LE TEMPS
avons besoin de ces investisse-
ments dans l’infrastructure.
Ces 10 à 12 centimes seront payés
par les importateurs pour compen-
ser l’achat de carburant. Seront-ils
entièrement répercutés sur les prix
à la colonne? D’après les experts, le
prélèvement maximal sera néces-
saire dès le premier jour pour cou-
vrir l’obligation de compenser les
émissions dues aux carburants sur
l’ensemble de la période jusqu’à
2030. Il sera forcément répercuté
sur les prix.
Combien la loi sur le CO2 coûte-
ra-t-elle à une famille moyenne?
Je ne veux pas entrer dans une
querelle de chiffres. Simonetta
Sommaruga dit que ça coû-
tera 100 francs par an, les oppo-
sants ont annoncé un montant de
1000 francs. En moyenne, la vérité
se situera quelque part entre ces
deux extrêmes. Mais je pense que
les moyennes par personne ne
reflètent de toute manière pas la
réalité pour la population: la loi
coûtera certainement beaucoup
plus aux ménages avec deux voi-
tures et un chauffage à mazout.
Une partie des taxes sera remboursée
à la population et aux entreprises.
naux sont chauffés grâce à des pla-
quettes forestières locales. Au fond
du val, à Zinal, un chauffage à dis-
tance est en création. La commune
délie aussi sa bourse pour inciter
ses habitants à accélérer la transi-
tion énergétique.
Efforts en faveur
de l’environnement
Dans les régions de montagne,
directement confrontées au chan-
gement climatique, la conscience
de la problématique est peut-
être plus forte qu’ailleurs. Anni-
viers détient, depuis 2004, une
participation de 7,7% dans les
forces motrices de la Gougra, ce
qui représente une production
de 45 millions de kilowattheures
par année. Autant que la consom-
mation totale sur le territoire
LUNDI 31 MAI 2021
N’est-ce pas une mesure juste? J’ai
de la peine à comprendre ce méca-
nisme. Cette redistribution se fera
par le biais des primes d’assurance
maladie. C’est donc une subvention
transversale qui prouve l’incapa-
cité du monde politique à régler
le problème des coûts de la santé.
C’est aberrant de penser qu’une
réduction de 60 à 80 francs par an
sur les primes d’assurance mala-
die pourrait modifier le compor-
tement de la population en matière
de mobilité ou de chauffage. Par
ailleurs, les membres du Conseil
fédéral n’ont pas tous un véhicule
de fonction à faibles émissions
de CO2. Avant de vouloir taxer la
population, ils devraient montrer
l’exemple.
Le Conseil fédéral prétend que la loi
sur le CO2 est une réforme sociale.
Contestez-vous cet argument?
D’une part, je ne vois pas ce qu’il y
a de social à rembourser la même
somme à un milliardaire qu’à un
contribuable modeste. Et d’autre
part, cette loi aura clairement des
effets antisociaux pour les per-
sonnes et les PME dépendant de
la voiture. Dans un contexte de
crise, ce n’est pas raisonnable de
taxer davantage les bas revenus et
les petites entreprises. ■
communal. Les 4500 hectares de
forêt, entretenus par la commune
et les bourgeoisies, permettent
une absorption de CO2 corres-
pondant au double de celui pro-
duit par la population locale. Des
actes en faveur de l’environnement
qui passent inaperçus aux yeux des
habitants des centres urbains,
déplore David Melly.
«Il faut accepter
le fait que
le transport
individuel
sera toujours
nécessaire
pour les régions
périphériques»
DAVID MELLY, PRÉSIDENT
DE LA COMMUNE D’ANNIVIERS
Le démocrate-chrétien a l’im-
pression que les régions péri-
phériques servent de bouc émis-
saire aux partisans de la loi. Une
nouvelle fois. Car David Melly
retrouve dans la campagne
actuelle des similitudes avec celles
liées à la Lex Weber, en 2012, et à la
LAT, une année plus tard. «Malgré
l’acceptation de ces deux textes, la
Suisse bétonne toujours à la même
vitesse. On s’est simplement donné
bonne conscience en ralentissant
le rythme en montagne. Avec la
loi sur le CO2, on va pénaliser
les régions périphériques, sans
prendre en compte leurs efforts
en faveur de l’environnement, et
engendrer un flux d’argent de ces
régions vers les centres urbains»,
regrette-t-il.
Conscient de la nécessité d’agir,
David Melly préférerait que cela se
fasse par incitation plutôt que par
obligation. Une obligation qui pour-
rait encourager les Anniviards à
s’opposer à la loi sur le CO2? David
Melly n’en est pas sûr. S’il devait
parier aujourd’hui, il miserait sur
une acceptation du texte dans sa
commune, mais du bout des lèvres.
Réponse le 13 juin. ■
 LUNDI 31 MAI 2021
Pour les infirmières québécoises, venir
en Suisse va devenir très difficile
DIPLÔMES L  e personnel de santé
canadien travaillant déjà en Suisse
bénéficie encore quelques semaines
de la reconnaissance de ses diplômes,
mais pour ceux qui voudraient venir
par la suite, une formation supplé-
mentaire sera imposée
AÏNA SKJELLAUG
t @AinaSkjellaug
Un courrier officiel envoyé ce mois
par la Direction générale vaudoise
de la santé a semé le trouble dans les
services hospitaliers. Il s’adressait
aux détenteurs d’un diplôme cana-
dien et à leurs employeurs, et annon-
çait un changement considérable. «La
nouvelle loi sur les professions de la
santé est entrée en vigueur. Les condi-
tions pour une reconnaissance en tant
qu’infirmière niveau Ecole Supérieure
(ES), qui était possible jusqu’à pré-
sent, ne sont plus remplies. Un délai
est accordé aux personnes concer-
nées leur permettant de déposer
une demande de reconnaissance sur
la base des anciens critères avant le
31 juillet 2021», pouvait-on y lire.
Prises de panique, des infirmières
québécoises, exerçant depuis vingt
ans en Suisse, ont contacté la direction
générale du CHUV. L’hôpital vaudois
s’est montré rassurant en s’engageant à
soutenir ses employés concernés et en
assurant qu’aucune rupture de contrat
n’interviendrait suite à l’absence de
reconnaissance d’un diplôme. Dans
les années 2000, le CHUV avait mené
une vaste campagne de recrutement
au Québec, il compte aujourd’hui une
trentaine de personnel de santé qué-
bécois en son sein.
Garantir les postes et les salaires
Appelé à l’aide par l’une des infir-
mières concernées, le conseiller
national vaudois vert’libéral François
Pointet s’est emparé de l’affaire sous
la Coupole. «Ce qu’il se passe avec
cette nouvelle loi sur le personnel de
santé, c’est que la base légale n’a pas
changé, mais la pratique qui était plu-
tôt laxiste s’est durcie. Cela met en
danger certaines personnes.» Face
à l’urgence de la situation, François
Pointet définit des priorités. «Mon
objectif est de régler le problème des
infirmières qui sont en Suisse depuis
de nombreuses années en m’assurant
que leur poste et leur salaire sont
garantis. Dans un second temps, il
faudra voir ce que nous pouvons faire
pour les nouveaux arrivants. Ce qui
est délicat au niveau fédéral, c’est
que c’est un problème uniquement
romand», relève-t-il.
PUBLICITÉ
LE TEMPS
Dans les années 2000, le CHUV avait mené une vaste campagne de recrutement au Québec. (JEAN-CHRISTOPHE BOTT/KEYSTONE)
La reconnaissance des professions
de la santé est régie au niveau natio-
nal par la Croix-Rouge suisse. Une dis-
position qui date de 1930, au moment
des premières réglementations des
métiers. En ce temps-là, la Croix-
Rouge détenait l’unique école de santé
des professions non universitaires en
Suisse, fondée en 1899. Aujourd’hui,
elle effectue 4500 reconnaissances de
diplômes étrangers par année, obliga-
toire pour pouvoir exercer en Suisse.
La majorité – environ 2000 – vient de
France, puis arrivent les Allemands,
les Italiens, enfin les Canadiens ne
constituent que 20 à 30 enregistre-
ments par année.
«Les conditions pour une recon-
naissance de diplôme sont triples:
le niveau, la durée et les contenus de
la formation doivent être les mêmes
que la formation suisse», détaille Marc
Bieri, responsable des professions de
la santé auprès de la Croix-Rouge. «Il
s’agit par là de protéger les patients
mais aussi de permettre aux gens de
travailler au niveau de leurs compé-
tences.» L’homme constate que l’an-
nonce du changement de pratique
a créé un affolement qui n’a pas lieu
d’être. «Personne ne risque d’être
déclassé. Les personnes qui sont
«Ce qui est délicat
au niveau fédéral,
c’est que
c’est un problème
uniquement
romand»
FRANÇOIS POINTET, CONSEILLER NATIONAL
VAUDOIS VERT’LIBÉRAL
venues il y a longtemps ont déjà leur
reconnaissance, pour les autres, elles
ont la possibilité de bénéficier d’une
phase transitoire de la procédure
appliquée jusqu’à maintenant, et ce
jusqu’à fin juillet. C’est un changement
de pratique soft.»
Vaud a facilité le recrutement direct
au Québec pour combler sa forte
demande en personnel de santé. Mais
la pratique a changé. Il y a vingt ans,
le canton exigeait 3600 heures de
formation pour devenir assistant en
soins et santé communautaire (ASSC),
aujourd’hui, c’est 5400 heures. «Nous
devons comparer les formations
étrangères avec la situation actuelle
en Suisse. Le diplôme d’études collé-
giales (DEC) canadien, comparable au
diplôme de fin d’études secondaires
d’ASSC, ne compte que 2600 heures
de formation environ. Le contenu n’est
résolument plus le même. C’est pour-
quoi nous allons adapter notre pra-
tique», examine Marc Bieri.
Cela signifie-t-il que, dès le 1er août
2021, il sera impossible aux infirmières
et aides-soignantes québécoises de
venir travailler en Suisse romande?
Elles ne pourront en tout cas plus exer-
cer le métier pour lequel elles ont été
formées outre-Atlantique sans pas-
ser par des cours supplémentaires en
Suisse. «Leur formation d’études col-
légiales en soins infirmiers sera com-
parée avec la formation suisse d’une
ASSC mais elles auront le même accès
aux formations continues que les per-
sonnes avec une formation suisse»,
garantit Marc Bieri. Le bachelor cana-
dien se rapproche davantage de la for-
mation suisse d’infirmière, mais pour
ses détenteurs aussi des cours supplé-
mentaires seront attendus. Les pays
limitrophes, tels que la France et l’Ita-
lie, sont favorisés: leurs travailleurs
bénéficient d’une procédure de recon-
naissance simplifiée garantie par l’ac-
cord sur la libre circulation des per-
sonnes. ■
Suisse 11
Le retour
à la normale
prend forme
PANDÉMIE Les restaurants, la
culture et le sport en particulier
bénéficieront de l’assouplisse-
ment des mesures anti-covid
ATS
Vu que le nombre des nouvelles
infections recule et que les per-
sonnes vulnérables devraient être
vaccinées à la fin du mois, la Suisse
fera un grand pas vers le retour à
une vie normale dès ce lundi. Tout
en restant prudente.
Les restaurants pourront rou-
vrir complètement. Les tables à
l’intérieur devront être limitées
à quatre convives, celles en ter-
rasses à six personnes. Tous les
clients devront remettre leurs
MAIS ENCORE coordonnées. Le masque sera
obligatoire uniquement pour se
La police évacue déplacer.
un centre
autonome Les bains thermaux rouvrent
à Lugano Les événements avec public,
La police
cantonale
comme les compétitions sportives
tessinoise a ou les cinémas, pourront se dérou-
évacué le centre ler à l’intérieur en présence de 100
autonome Molino personnes au lieu de 50, ou jusqu’à
(CSOA) à Lugano la moitié de la capacité de la salle,
samedi soir. et à l’extérieur, en présence de 300
L’expulsion a été
effectuée sur
personnes au lieu de 100. Cela vaut
ordre de la ville, a aussi pour les cérémonies reli-
indiqué la police. gieuses. A condition qu’ils soient
L’intervention au à l’air libre, les concerts et spec-
centre autonome tacles sont de nouveau autorisés.
a eu lieu suite à Les réunions comme les visites
une manifestation
de protestation
guidées ou les assemblées de
durant laquelle
plus de 100
sociétés pourront se tenir avec
un maximum de 50 personnes.
participants
avaient pénétré
C’est aussi valable pour les réu-
nions telles que les mariages ou
dans un bâtiment
qui n’est
anniversaires qui se déroulent
hors du domicile. Pour les réu-
actuellement pas
utilisé et nions privées à la maison, la limite
appartient à une
fondation privée.
passe de 10 à 30 participants dans
les espaces fermés et de 15 à 50
(ATS) dehors. Pour les manifestations
dans l’espace public, il n’y a plus
aucune restriction. Les bains ther-
maux et les centres de wellness
peuvent également rouvrir.
Quid des discothèques?
Comme cette quatrième étape
de réouverture va bien au-delà du
plan initial, le Conseil fédéral ne
prévoit plus qu’un dernier paquet
d’assouplissements avant la pause
estivale. Il sera alors temps d’évo-
quer les discothèques.
Le gouvernement devrait consul-
ter les milieux concernés dès le
11 juin et prendre une décision
le 23 juin pour une entrée en
vigueur le 1er juillet. Le passage
à la phase 3, dite de la normali-
sation, interviendra en août, si la
campagne de vaccination se pour-
suit au même rythme. ■
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

12 Débats

Appel à défendre les avocats de Chine

OPINION 

La Chine détient arbitrairement
nombre d’avocats des droits de
l’homme, en secret dans des cas
extrêmes, lorsque le régime estime que
leur pratique entre en conflit avec ses
intérêts. L’action la plus spectaculaire
reste à ce jour la «répression 709».
Le 7 juillet 2015, plusieurs centaines
d’avocats et de défenseurs des droits
avaient été détenus ou persécutés.
Certains furent torturés ou maltraités
durant leur détention. Depuis, il
semble que le pouvoir a mis au point
une nouvelle procédure pour faire
taire les avocats des droits de l’homme.
Il s’agit de les priver de leur moyen
de subsistance en réexaminant, en
retirant ou en suspendant leur permis
professionnel et leur droit d’exercer
leur métier. On peut diviser cette
«stratégie» en trois parties.
D’une part, les avocats sont
soumis à un contrôle à travers un
système d’évaluation annuelle. C’est
la révision. Selon les articles 58
et 59 des «mesures administratives
concernant les cabinets d’avocats»
(«Administrative Measures for Law
Firms») publiées par le Ministère
de la justice de la République
populaire de Chine, les avocats et les
cabinets d’avocats exerçant en Chine
continentale doivent se soumettre
à un système d’évaluation annuelle
administré par le Département de la
justice (Justice Bureau) et l’Association
des avocats de la Chine (All China
Lawyers Association ou ACLA –
l’association officielle qui gère les
avocats en Chine). En résumé, les
licences des praticiens du droit ainsi
que celles des cabinets d’avocats
sont soumises à un renouvellement
annuel sous le contrôle des autorités
gouvernementales. Il arrive
fréquemment que le renouvellement
des licences des avocats spécialisés en
droits de l’homme soit refusé sans que
le motif en soit précisé. En devenant
une cible de la répression, l’avocat est
menacé de ne plus pouvoir poursuivre
sa carrière. La Chine se distingue en
cela de la plupart des juridictions dans
le monde.
D’autre part, les avocats
peuvent se voir retirer leur licence
professionnelle de façon temporaire.
C’est la suspension du droit d’exercer.
Cette norme excessivement
rigide est une façade utilisée par
les autorités pour empêcher les
avocats de poursuivre leurs activités
professionnelles. Conformément à la
section 4 de l’article 23 des «mesures
administratives sur la pratique des
avocats» («Administrative Measures
for Lawyers Practice»), la licence
d’un avocat qui n’est pas engagé par
un cabinet pendant plus de six mois
consécutifs est en effet suspendue.
Or, le système d’évaluation annuelle
susmentionné permet aux autorités
d’écarter les avocats des droits
de l’homme en interdisant leur
engagement par des cabinets sous
la menace de ne pas renouveler leur
licence. Une fois privés de leur activité
durant six mois, ceux-ci se voient
automatiquement retirer leur droit
d’exercer. Les avocats ainsi ciblés ne
peuvent rien faire sinon attendre la
révision annuelle en espérant, entre-
temps, pouvoir trouver une place
dans un nouveau cabinet d’avocats qui
voudra bien les engager. Dissuadés
par ce système de renouvellement
annuel, bien peu de cabinets acceptent
encore d’engager des avocats qui
s’occupent de cas «sensibles». Sous ses
apparences réglementaires, ce procédé
répressif permet au gouvernement
de justifier son action au nom de
ALBERT HO
PRÉSIDENT DU CHINA HUMAN RIGHTS LAWYERS
CONCERN GROUP, AVOCAT ET EX-LÉGISLATEUR
À HONGKONG
La Chine profite
du manque
de compréhension
de son régime
pour agir
de façon invisible
pratiques administratives pour réguler
un secteur d’activité. Ce procédé
est largement utilisé en Chine. Liu
Xiaoyuan, Wang Yu et Peng Yonghe
sont quelques-unes de ses victimes.
Il y a enfin la privation
permanente du droit des avocats
des droits humains à exercer leurs
activités professionnelles. C’est la
révocation de licence. De récents
événements démontrent que les
autorités y ont recours de façon
effrénée. C’est la forme la plus
destructrice de répression parmi
les trois catégories analysées. Les
avocats privés de licence ne pourront
plus jamais exercer leur métier. La
loi sur la radiation du barreau a été
promulguée en vertu de l’article 49 des
«lois sur les avocats de la République
populaire de Chine» («Laws on
Lawyers of the People’s Republic of
China»). Les «standards» actuels de
ce qui peut constituer une révocation
restent toutefois complètement
incompréhensibles pour toute
personne raisonnable. Les avocats Lu
Siwei et Ren Quanniu se sont ainsi
vu retirer leur licence en janvier 2021
après avoir défendu le cas délicat
des «douze de Hongkong» [ndlr: 12
Hongkongais ont été arrêtés en août
2020 alors qu’ils tentaient de fuir vers
Taïwan]. D’après les notices officielles,
Lu est privé de sa licence pour avoir
«publié en ligne à plusieurs reprises
des contenus inappropriés qui nuisent
gravement à l’image de l’industrie
juridique, causant des effets négatifs
sur la société». Ren n’aurait pour
sa part «pas respecté la définition
officielle de «secte perverse» en
prenant la défense de ses clients» lors
d’une affaire remontant à plus de deux
ans. Quant à l’avocat Xi Xiangdong,
il s’est vu retirer sa licence au même
moment pour «avoir dérangé de façon
répétée le juge et le procureur durant
le procès».
Ces diverses stratégies
permettent au régime chinois d’écarter
les avocats des droits de l’homme au
nom de la légitimité du droit plutôt que
de les placer arbitrairement au secret
ou de les faire disparaître. Alors que la
«répression 709» ou, plus récemment,
la répression massive de la «réunion
de Xiamen» [ndlr: en décembre 2019,
une dizaine d’avocats et défenseurs des
droits de l’homme ont été arrêtés après
avoir appelé à la fin du parti unique]
avaient provoqué une condamnation
de la part de la communauté
internationale, cette nouvelle
manière de procéder des autorités
chinoises pour faire taire les avocats
sous couvert d’actes administratifs
permet d’agir sans conséquences
internationales. La Chine profite du
manque de compréhension de son
régime pour agir de façon invisible.
En perdant leur droit d’exercer,
les avocats des droits de l’homme n’en
souffrent pas moins. Sans leur permis,
ils sont privés de revenu. L’interdiction
d’exercer, confiait un avocat des droits
de l’homme radié du barreau, a en
fait le même effet de dissuasion que la
détention. La crainte suscitée par une
telle menace conduit à l’autocensure
et, en définitive, à se détourner des
cas «sensibles». La défense des droits
civiques et humains n’est plus possible
en recourant au système judiciaire.
C’est une perte substantielle de
savoir-faire et de connaissances pour
protéger les citoyens sous un régime
autoritaire.
C’est pourquoi nous exigeons
que le gouvernement chinois arrête
immédiatement de s’immiscer dans les
activités professionnelles des avocats
des droits de l’homme. Il est d’une
importance capitale que les droits
civiques en Chine soient protégés
et défendus par voie judiciaire par
les avocats spécialisés en droits de
l’homme, de telle sorte que le système
juridique avance dans la bonne
direction et qu’un véritable Etat de
droit puisse se développer. Nous
appelons la communauté juridique
internationale à prendre la parole
plus activement à ce sujet. Car cela ne
concerne pas que le peuple chinois.
Cela permet aussi de comprendre le
véritable sens de l’Etat de droit au sein
de la communauté internationale. n
La version originale en anglais
de ce texte a été publiée en avril 2021
par la China in the Law Society Gazette
au Royaume-uni.

La délibération et la démocratie Problème

L’objectif ultime de la démocratie est
connu: faire participer le plus grand
nombre aux décisions politiques. Mais
comment organiser une prise de décision
efficace, qui ne nuirait pas à l’action de
l’Etat placé au service du bien commun?
La voie la plus habituelle renvoie le
processus décisionnel à des assemblées
élues auxquelles est confiée une double
mission: élaborer les lois qui légitimeront
l’action de l’Etat et assurer la surveillance
des gouvernements. C’est le modèle de la
démocratie représentative, fondée sur la
séparation des pouvoirs et socle de nos
démocraties libérales et sociales.
Une autre approche s’est développée
en Suisse, qui a doublé la mécanique
parlementaire d’un recours intensif
à la volonté populaire appelée à faire
valoir ses choix directement, à travers
référendums et initiatives populaires. Ce
système allait-il se généraliser au-delà des
frontières suisses dès lors que le principe
parlementaire allait se voir accusé de
trahir l’idéal démocratique? La critique
des parlements, ancienne, gagne effet
en ampleur à la fin du XIXème siècle
et, surtout, dans les années 60 et 70 du
XXème siècle.
Un puissant besoin de
démocratisation de la société se fait
alors jour, comme réponse à des
fonctionnements politiques jugés
sclérosés. Si, en Suisse, le nombre des
référendums et initiatives explose,
l’idée de démocratie directe n’essaime
pas véritablement ailleurs, ou
marginalement. Longtemps l’idée d’une
société capable de se gouverner par elle-
même, sans médiation parlementaire,
dans une sorte de démocratie «pure»,
demeure ainsi dans les limbes. Face au
discrédit dans lequel s’enfonçaient les
assemblées législatives, qu’il est toutefois
aisé d’accuser de tous les maux, de
nouvelles idées apparaissent cependant
dans les années 80 et 90.
OPINION 
OLIVIER MEUWLY
HISTORIEN
Dans plusieurs pays sont créés
des jurys citoyens ou assemblées
de consensus, destinées à associer
davantage les populations aux débats
politiques, jusque-là confinés dans les
seules enceintes parlementaires. Ces
nouvelles pratiques, rassemblées dans la
notion de «démocratie participative», se
répandent largement au fur et à mesure
que la mondialisation économico-
technologique se met à hoqueter,
donnant l’impression que le fossé entre
«élites» et populations ne cesse de se
creuser. La crise des années 2007/2008
accélère ce processus de défiance envers
les institutions, tout en stimulant
la recherche de nouveaux moyens
d’accéder à une démocratie plus aboutie,
au-delà de décisions construites sur de
majorités arithmétiques inaptes, selon
les tenants de ce discours, à refléter la
réalité de la volonté populaire.
Ce type de démocratie s’est
cependant concentré sur l’intégration du
«peuple» dans le débat, surtout que des
algorithmes permettent de constituer
des «mini-publics», soit des groupes
constitués à travers des tirages au
sort «orientés», afin que la société soit
représentée dans sa réalité. C’est dans cet
esprit qu’a été organisée la Convention
pour le climat voulue par Emmanuel
Macron en France. Mais la décision
paraît presque moins importante que le
fait de pouvoir apporter son avis. Comme
si la délibération suffisait, par son
existence et sa mise en forme rationnelle,
à emprisonner gouvernants et autorités
dans une logique décisionnelle presque
immanente.
La recherche politologique
souhaite désormais renforcer l’efficacité
de l’idéal délibératif, comme le montre
l’ouvrage dirigé par Bernard Manin et
Loïc Blondiaux, Le Tournant délibératif
de la démocratie, paru récemment
aux Presses de SciencesPo. Mais
remarquable et significative est la place
qu’il laisse aux outils de la démocratie
directe, pourtant souhaités largement
aujourd’hui, comme en ont témoigné
les Gilets jaunes. Remarquable car un
chapitre leur est tout de même accordé,
centré sur la question de savoir si ces
outils sont à même de promouvoir une
réelle délibération. Et significative car
ils ne sont pas repris par les directeurs
de l’ouvrage comme une solution
au problème démocratique, tant les
théoriciens de la délibération y restent
hostiles puisqu’ils ne se soustrairaient
en rien, selon eux, aux logiques binaires
qu’ils rejettent.
Or, les auteures de ce chapitre,
Marion Paoletti et Laurence Morel,
démontrent avec pertinence que ces
instruments, certes vissés sur un vote
«classique», combinent en fait la sûreté
d’une décision effective et une véritable
délibération à travers les nombreux
débats qui ont lieu dans les médias
ou dans une multitude de cercles. Ce
constat n’étonnera par les Helvètes mais
il est bon de rappeler à certains critiques
de ce système que la démocratie directe
parvient à associer constamment, les
populations. Ce qui n’empêche pas qu’il
puisse être amélioré et, dans ce sens, la
démocratie participative peut permettre
d’approfondir le dialogue, l’échange, la
compréhension des enjeux. C’est aussi la
thèse que nous avons défendue dans une
étude publiée en décembre 2020 par le
Canton de Vaud. ■
de paradigme
avec l’Europe
CONTINUONS LE DÉBAT
FRÉDÉRIC KOLLER
RESPONSABLE DES PAGES DÉBATS
SUR LES BLOGS Les sept Sages du Conseil fédéral ont souverainement
décidé de dire non à un accord-cadre avec l’UE.
Guy Parmelin, Karin Keller-Sutter et Ignazio Cassis
Quand avaient préparé leurs «éléments de langage» pour
s’en expliquer. C’est donc une «pesée d’intérêts»
les droits qui a convaincu les ministres de refuser un accord
fondamentaux institutionnel qui représentait un «changement
de paradigme» que la majorité du peuple ne serait
cèdent pas prête à accepter. Après dix ans de négociations,
leur place il fallait donc bien reconnaître que «ce n’était pas
le bon chemin». Ou, pour le dire comme Pierre-
à l’arbitraire Yves Maillard, nous sommes en fait confrontés à un
problème d’incompatibilité philosophique avec l’UE.
«Plus de 60 profes- Trop néolibérale pour la gauche et trop sociale pour
seur·e·s de droit des la droite. Pour le détail, les Suisses sont invités à lire
différentes universi- le rapport de 35 pages résumant ce grand désaccord.
tés suisses ont écrit Et qu’y lit-on? Sur la question des aides d’Etat,
une lettre ouverte pour l’Europe entrait en matière sur les demandes suisses
mettre en garde le pour autant que les deux autres points faisant litige
Conseil fédéral et les trouvent une solution. Sur la protection des salaires
parlementaires contre en lien avec les travailleurs détachés, contrairement
l’adoption d’une loi en à ce que disent le Conseil fédéral et les syndicats,
de nombreux points pro- Bruxelles s’était rapprochée de la position suisse
blématique», écrit sur avec l’acceptation du principe «à travail égal, salaire
son blog Christophe Cli- égal». La protection des salaires, comme l’expliquait
vaz, le premier conseil- Jean-Claude Rennwald dans ces colonnes, relève de
ler national vert valai- l’extension des CCT, un débat interne à la Suisse et
san. A lire sur le site du non lié à l’Europe. Reste le 3e point, celui qui faisait
«Temps». véritablement problème: la directive européenne
sur la citoyenneté. Elle n’était pas explicitement
mentionnée dans le projet d’accord, mais elle complète
www.letemps.ch/blogs la libre circulation des personnes. Berne demandait
«uniquement» d’exclure «7 dispositions» (seuls trois
sont listées) de ladite directive? Bruxelles refuse pour
une question de principe «et de justice». Céder, pour
le Conseil fédéral, c’était changer de «paradigme».
Déchirons ce texte mal fichu! La coalition des
souverainistes de droite et de gauche l’emportait.
Keller-Sutter, Parmelin et Cassis ont toutefois ajouté:
«Mais n’en doutez pas, la Suisse partage les mêmes
valeurs que l’Europe!» En toute autonomie. Fin du
débat? Il ne fait que commencer. ■
 LUNDI 31 MAI 2021
Google Photos n’est plus gratuit,
voici tout ce qu’il faut savoir
IMAGES Depuis ce mardi 1er juin,
le stockage en ligne de photos
chez Google n’est plus gratuit de
manière illimitée. Les utilisateurs
de ce service peuvent acheter un
abonnement… ou chercher des
solutions alternatives
ANOUCH SEYDTAGHIA
t @Anouch
C’était une promesse, émise en
2015. Au moment de lancer son ser-
vice de stockage en ligne de photos,
Google écrivait ceci: «Vous pourrez
sauvegarder une vie entière de sou-
venirs. Et quand nous disons une
vie entière, nous le pensons vrai-
ment.» La multinationale amé-
ricaine avait alors fait croire que
son service allait demeurer gra-
tuit de manière illimitée… Mais
ce n’est plus le cas. Six ans après
ses débuts, Google Photos devient
en partie payant. C’est l’occasion,
pour ses utilisateurs, de faire les
bons choix pour sauvegarder des
clichés si précieux.
Et ces utilisateurs sont nom-
breux: ils sont environ un mil-
liard au total, ayant mis en ligne
plus de 4000 milliards de photos.
Ce sont surtout les propriétaires
de smartphones Android – le sys-
tème de Google – qui utilisent ce
service. Mais tout un chacun pos-
sédant un compte auprès de cette
société peut stocker des clichés
en ligne, y compris les proprié-
taires d’iPhone.
Limite de 15 Go
Jusqu’à ce mardi 1er juin, les uti-
lisateurs de Google Photos avaient
de la chance: tous les clichés sau-
vegardés en ligne n’étaient pas
décomptés du forfait de stoc-
kage gratuit de 15 Go (20 Go pour
les tout premiers clients à ce ser-
vice). Ce qui signifie que toutes les
photos pouvaient être stockées en
ligne, en haute résolution, sans
limite. Mais dès le 1er juin, les cli-
chés seront décomptés des 15 Go.
Pour de nombreux utilisateurs,
cela ne changera pas grand-chose,
par exemple s’ils n’ont enregistré
en ligne que quelques centaines
de photos. Mais les gros consom-
mateurs de ce service risquent de
se voir proposer des forfaits de
stockage plus importants, et donc
payants. Il faut savoir qu’un Go de
MÉTÉO
Situation générale
aujourd’hui à 13h
Haute
pression
H La Chaux-de-Fonds
Basse
pression
B 11° 21°
Isobares
(hPa)
1015
Front
froid
Front
chaud
Front
occlus
- de -5° 0 à 5° 5 à 10° 10 à 15° 15 à 20° 20 à 25° 25 à 30° 30 à 35° 35 à 40° 40° et +
Prévisions en Suisse pour le matin et l’après-midi.
Les températures indiquées sont les valeurs minimales (en bleu)
et maximales (en rouge)
LE TEMPS
Parmi les alternatives à Google Photos, le service KDrive du suisse Infomaniak est intéressant. (SSILVER/123RF)
mémoire représente entre 200 et
Pourquoi ne pas
300 photos en haute résolution.
opter pour une
On atteint donc assez rapidement
la limite des 15 Go de stockage
solution suisse?
gratuit, d’autant que dans ce for-
fait sont aussi comptés les e-mails
de Gmail et tous les autres docu- L’hébergeur
ments (textes, PDF, etc.) stockés
sur Google Drive.
Infomaniak,
basé à Genève,
Tarifs raisonnables
Du coup, deux solutions est une alternative
s’offrent aux gros utilisateurs de
Google Photos. Ils pourront payer
très intéressante
pour des forfaits plus impor-
tants. Les tarifs sont tout à fait
abordables: 100 Go pour 2 francs 9,99 euros. Citons aussi Apple et
par mois ou 20  francs par an, son service iCloud: 5 Go gratuits,
200 Go pour 3 francs par mois 50 Go pour 1 franc par mois, 200
ou 30 francs par an ou 2 To (soit Go pour 3 francs mensuels et 2 To
2000 Go) pour 10 francs par mois pour 10 francs par mois.
ou 100 francs par an.
L’autre solution, c’est de migrer L’alternative Infomaniak
vers des services concurrents. Et pourquoi ne pas opter pour
Cela peut être par exemple Micro- une solution suisse? L’héber-
soft, qui propose 5 Go gratuite- geur Infomaniak, basé à Genève,
ment avec son service OneDrive, est une alternative très intéres-
100 Go pour 1,95 franc par mois, 1 sante. Son service de stockage
To pour 69,95 francs par an (com- KDrive propose les offres sui-
prenant aussi la suite Office en vantes: 3 Go gratuitement, 2 To
ligne, ce qui est intéressant). Il pour 5,95  francs par mois ou
y a aussi Dropbox, qui propose 64,50 francs par an et des espaces
2 Go gratuitement et 2 To pour de stockage plus conséquents
lever: 05h48
ÉPHÉMÉRIDE coucher: 21h19
Lundi 31 mai 2021
2 minutes de soleil en plus
Bâle
7° 22°
5° 18°
Berne
6° 20°
Lausanne
Genève
Sion 11° 25°
8° 22°
Verbier 7° 17°
LA SEMAINE q  ui débute sera bien
estivale. La première partie, jusqu’à
mercredi compris, sera bien enso-
leillée et chaude. Seuls quelques
cumulus gonfleront l’après-midi sur
le Jura et les Préalpes. Les plus gros
pourraient lâcher localement une
MétéoSuisse tél. 0900 162 666
en ligne avec nos météorologues, 24 heures sur 24
(fr. 2.90 la minute)
encore, pour des prix tout à fait
concurrentiels.
Une chose est certaine: il est
toujours très important de sau-
vegarder ses clichés sur plusieurs
supports, des défaillances tech-
niques pouvant survenir à tout
moment. Ce qu’il y a de mieux à
faire, c’est de conserver toutes ses
photos sur son téléphone, mais
aussi de le synchroniser réguliè-
rement avec son ordinateur, et en
plus de les sauvegarder aussi dans
le cloud via l’un des services pré-
cités. L’utilisation d’un disque dur
externe est aussi une possibilité.
Outils précieux
Les utilisateurs de Google Pho-
tos, qui avaient été avertis par
la société en novembre 2020
des changements à venir dès ce
mardi, ont donc plusieurs options
face à eux. Ils disposent aussi de
plusieurs outils fournis par la
multinationale: la possibilité de
voir en un coup d’œil le stockage
actuellement utilisé, une estima-
tion du temps qui se passera avant
que la limite soit atteinte, mais
aussi la possibilité de téléchar-
ger ses photos, et de les exporter
vers des services concurrents. ■
Saint-Gall
Zurich
6° 16°
7° 20°
8° 21° Coire
Saint-Moritz
–1° 10°
Locarno
15° 22°
averse parfois orageuse. Dès jeudi,
le soleil se fera plus discret et les
nuages seront bien présents tous
les après-midi tant en plaine qu’en
montagne. Les averses seront éga-
lement plus fréquentes mais tou-
jours dans une ambiance très douce.
Technologies 13
COURT-CIRCUIT
WhatsApp, la farce
tourne au ridicule
Utilisateurs de WhatsApp, rassurez-vous:
vous n’avez plus à accepter les nouvelles
conditions générales. Même sans ce feu vert,
vous pouvez continuer à employer librement
la messagerie. Ce n’est pas une plaisanterie,
mais un énième rebondissement dans l’af-
faire du transfert de données entre What-
sApp et Facebook. La semaine passée, la mes-
sagerie a encore une fois modifié sa stratégie.
Les nouvelles conditions générales sont
entrées en vigueur le 15 mai dernier. What-
sApp avait prévenu: ceux qui ne les acceptent
pas en payeront les conséquences. Petit à
petit, ils auront une expérience dégradée
de la messagerie, avec, à terme, l’impossi-
bilité de répondre aux messages. Ce ne sera
plus le cas.
«Compte tenu des discussions récentes
avec diverses autorités et experts en matière
de protection de la vie privée, nous tenons
à préciser que nous n’avons actuellement
aucun plan pour limiter la fonctionnalité
du fonctionnement de WhatsApp pour ceux
qui n’ont pas encore accepté la mise à jour.
SUR Au lieu de cela, nous continuerons à rappe-
ler aux utilisateurs de temps en temps la
LE WEB mise à jour ainsi que lorsque les gens choi-
sissent d’utiliser des fonctionnalités option-
Retrouvez nelles pertinentes, comme la communica-
en semaine tion avec une entreprise qui reçoit le soutien
l’actualité de Facebook», a affirmé l’entreprise au site
TheNextWeb.
du monde
de la technologie
sur
letemps.ch/ Absence totale de vision
Cette énième volte-face met en lumière
economie
plusieurs aspects intéressants. D’abord,
l’absence totale de vision et de cohérence
de WhatsApp, sans stratégie sérieuse et qui
traite ses utilisateurs comme des marion-
nettes. Rappelons une chose: la message-
rie n’a jamais voulu expliquer clairement les
conséquences de ses conditions générales.
C’est évidemment inacceptable.
Ce revirement suggère autre chose: que la
pression des autorités, que ce soit en Alle-
magne ou en Inde, semble payer. WhatsApp
ne peut pas faire n’importe quoi, surtout de
manière opaque.
La messagerie affirme que la majorité des
utilisateurs ont d’ores et déjà accepté les
conditions générales, ce que je crois volon-
tiers. Elle ne souffre pas de désaffection
majeure de ses clients, qui sont souvent cap-
tifs à cause du nombre de leurs contacts qui
leur écrivent sur cette plateforme. Mais cette
dernière mérite-t-elle notre confiance? Je
n’en suis pas certain. ■
ANOUCH SEYDTAGHIA
t @Anouch
lever: 01h41 lune décroissante
coucher: 10h49 taux de remplissage: 69%
PRÉVISIONS À CINQ JOURS
MARDI MERCREDI JEUDI VENDREDI SAMEDI
90 % 80 % 70 % 70 % 70 %
8° 23° 10° 23° 14° 23° 13° 25° 14° 25°
Bassin lémanique,
Plateau romand
et Jura
Limite du zéro degré – – – 2900 m 3000 m
10° 27° 12° 26° 14° 26° 14° 28° 15° 27°
Alpes
vaudoises
et valaisannes
(500 m)
Limite du zéro degré – – – 3000 m –
7° 24° 10° 24° 14° 23° 13° 26° 14° 26°
Suisse
centrale
et orientale
Limite du zéro degré – 2700 m 2900 m 3000 m 3000 m
13° 23° 16° 23° 15° 24° 16° 25° 17° 25°
Sud
des Alpes
Limite du zéro degré – – – – –
www.MeteoSuisse.ch
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

14 Bourses

SEMAINES DE LA BOURSE 28.05.2021 k Stoxx Eur. 50 3462.96 0.59% k Dow Jones 34529.45 0.19% l Brut 68.99 –0.69% k €/CHF 1.0969 0.27%

k SMI 11426.15 0.76% k GAGNANTS Cours du SMI de 28.05.2021 PERDANTS l k SPI 14731.05 0.75% k GAGNANTS Cours du SPI de 28.05.2021 PERDANTS l
Richemont 109.30 +10.05% Swisscom 508.80 –0.24% Swiss Steel H. 0.45 +18.16% Santhera Pha. 2.09 –6.70%
Swatch Group I 326.00 +7.73% Novartis 79.60 +0.38% Newron Pharma 2.63 +16.37% Relief Th. 0.20 –4.76%
SGS 2815.00 +4.18% Nestlé NA 111.12 +0.52% Meyer Burger 0.50 +14.76% u-blox Holding 56.50 –4.56%
Geberit NA 653.80 +3.32% Alcon 62.84 +0.71% Richemont 109.30 +10.05% Zehnder Gr. 84.70 –4.51%
Partners Gr. 1360.00 +3.30% Zurich Ins. Gr. 378.70 +1.07% Aryzta NA 1.21 +9.91% Bq. Cant. de G. 156.00 –3.41%

VALEURS SUISSES
52 semaines cours 28.05. Var. % 946 866 Baselland. KB 908 ±0.00 20.90 15.65 Fund. Real 19.60 ±0.00 24.61 16.48 Ina Invest 18.50 –1.07 81.15 48.18 Landis+Gyr 65.60 2.50 101 86.00 SF Urban Prop. N 99.50 1.53
Haut Bas clôture s.d’av. 61.95 41.62 Basilea Pharm. 43.90 –0.72 71.80 57.15 Galenica NA 63.50 1.60 1088 653 Inficon 1038 3.80 45.00 15.10 lastminute 42.50 3.16 128 83.00 SFS Group 127 1.85
72.20 57.20 Basler KB PS 62.40 –0.32 2.98 1.41 GAM NA 2.31 0.52 3580 1810 Interoll 3565 5.63 1.30 0.50 Leclanché NA 0.87 –2.03 864 384 Siegfried 807 –2.18
SMI 93.45 56.50 BB Biotech 80.80 3.00 235 145 Gavazzi 224 1.36 637 522 Intershop 625 2.46 1998 1260 Lem 1964 1.87 24.12 14.48 SIG Combib. 23.84 2.49
405 312 Belimo 383 4.79 31.90 28.60 Glarner KB N 29.60 –0.34 98.00 80.60 Investis 97.00 –0.61 49.45 30.80 Leonteq 46.15 0.44 30.15 20.55 SoftwareONE 22.35 1.82
30.88 18.79 ABB NA 30.68 1.76
70.34 49.89 Alcon 62.84 0.71 298 223 Bell Food 281 ±0.00 384 308 Grp. Minoteries 350 –3.31 193 149 IVF Hartmann 164 0.61 62.70 49.50 Liechten. LB 54.00 ±0.00 321 185 Sonova 319 2.38
13.50 8.50 Cr. Suisse NA 9.85 3.01 43.50 21.00 Bellevue Gr. 38.30 –3.28 2800 1332 Gurit Hold. 2405 5.71 62.46 36.71 Julius Bär NA 61.30 2.51 9240077100 Lindt & Spr. 90100 –1.21 18.00 8.40 Spice Private 15.50 –1.90
654 443 Geberit NA 654 3.32 60.00 36.30 Bergb.Engelb. 54.80 5.38 114 69.25 Helvetia 101 –0.30 149 99.50 Jungfraubahn 138 –3.22 8745 6965 Lindt & Spr. PS 8490 –0.29 450 383 St. Galler KB 425 0.47
4099 3267 Givaudan 4025 1.49 238 206 Berner KB 208 –0.72 118 84.40 HIAG Immo. 100 1.83 220 142 Kardex 202 2.85 111 53.00 Logitech NA 111 9.81 47.88 35.88 Stadler Rail 43.68 –0.64
58.46 38.00 Holcim N 53.92 1.24 111 76.10 BKW 100 1.62 37.40 24.80 Highlight 28.40 5.19 25.90 11.95 Klingelnb. 22.00 ±0.00 456 374 Luzerner KB 427 –0.12 47.00 33.20 Starrag Gr. 47.00 9.81
638 446 Lonza Gr. 582 2.28 7.20 0.66 Blackstone 4.02 –0.50 82.00 55.10 Hochdorf 59.50 2.41 267 127 Komax 218 3.51 20.50 10.75 MCH Group N 13.80 4.94 1417 722 Straumann 1410 3.22
113 95.00 Nestlé NA 111 0.52 68.40 42.22 Bobst Group 63.85 5.71 79.00 63.60 Huber+Suhner 72.20 1.98 5.21 2.93 Kudelski 4.04 –2.06 128 71.50 Medacta Gr. 124 –0.48
119 62.10 Sulzer NA 115 9.18
87.06 70.42 Novartis 79.60 0.38 241 130 Bossard 214 –2.51 4420 4160 Hypo Lenzburg 4320 0.47 306 138 Kuehne + Nagel 304 2.77 83.70 36.20 Medartis 81.60 0.87
2.93 1.81 Kuros Bios. 2.03 1.50 62.45 35.64 Swatch N Gr. 62.30 5.68
1360 783 Partners Gr. 1360 3.30 184 153 Bq. Cant. de G. 156 –3.41 32.40 22.06 Idorsia 24.56 4.87 16.50 8.92 Meier Tobl. 15.60 –1.58
43.38 16.79 Implenia 25.80 0.86 40.00 22.40 Lalique Group 35.00 ±0.00 2070 1095 Metall Zug 2020 2.80 97.10 73.90 Swiss Pr. Site 92.50 2.55
110 55.40 Richemont 109 10.05 58.50 50.00 Bq. Cant. de J. 53.50 1.90
0.50 0.09 Meyer Burger 0.50 14.76 0.45 0.13 Swiss Steel H. 0.45 18.16
346 291 Roche Hld.GS 316 1.54 102 83.60 Bq. Cant. Vaud. 84.90 0.24
6.80 4.65 Mikron 6.30 2.94 150 62.10 Swissquote 140 2.48
2834 2153 SGS 2815 4.18 507 265 Bucher Ind. 493 3.27
12.66 7.18 Mobilezone 11.40 5.17 480 307 Tecan 451 4.26
290
328
165
183
Sika
Swatch Group I
290 2.51
326 7.73
1580
369
1435
195
Bündner KB
Burckhardt
1490
367
±0.00
3.97 INDICES BOURSIERS (Semaines d’avant) 304 251 Mobimo 302 2.03 165 96.42 Temenos NA 139 3.41
481 300 Swiss Life 470 1.73 76.70 54.50 Burkhalter 73.80 –0.94 28.70 13.42 Molecular Partn. 25.25 6.99 110 101 Thurgau. KB PS 105 –1.42
94.96 62.22 Swiss Re NA 87.08 1.52 1100 675 BVZ 845 –2.31 S&P UK (UK) DAX (DE) SMI (CH) RTS (RU) 3.30 1.31 Newron Pharma 2.63 16.37 7.52 3.50 Tornos 6.50 7.26
523 456 Swisscom 509 –0.24 1326 790 Bystronic 1184 2.78 49.00 42.40 Novavest Real Est. 48.40 –0.41 82.00 61.80 TX Group 81.10 1.25
1398.99 –0.10% 15519.98 0.97% 11426.15 2.46% 1603.79 2.18%
15.24 9.65 UBS Group 14.70 3.05 38.20 26.30 Calida Holding 34.70 ±0.00 6.90 1.75 ObsEva SA 2.62 –1.13 79.35 43.80 u-blox Holding 56.50 –4.56
411 298 Zurich Ins. Gr. 379 1.07 58.60 33.20 Cassiopea 48.10 –0.82 11.29 6.19 OC Oerlikon NA 10.33 3.56 10.00 7.40 Valartis 9.10 8.33
115 88.50 Cembra Money 103 –0.87 HANG SENG (HK) 12.06 7.53 Orascom Dev. 11.80 1.72 103 71.70 Valiant Hld. 93.90 –3.30
SPI (sans SMI) 5.20 1.84 CI Com 3.34 2.45 S&P TSX (CA) b 121 86.00 Orell Füssli 102 –1.45 234 129 Valora 208 8.33
54.40 34.80 Cicor Technol. 48.20 1.47
bb 29096.18 2.31%
87.20 65.70 Orior 82.90 ±0.00 40.70 35.90 Varia US Prop. 37.80 ±0.00
1.67 0.17 Achiko Ltd 0.20 ±0.00 19852.18 1.58%
2.95 1.17 Addex Therap. 1.55 0.65 20.70 15.12 Clariant 19.47 0.03 b bb b 60.60 33.90 Peach Prop. 58.80 0.34 285 157 VAT Group N 275 5.70
67.04 42.93 Adecco Gr. NA 62.40 2.70 134 67.00 Coltene 129 8.38 bb 0.30 0.02 Perfect Hold. 0.07 2.24 502 432 Vaudoise 485 4.30
253 113 Comet 242 5.92 DOW JONES (US) b 124 104 Perrot Duval 0.00 –
189 125 Adval Tech 172 2.99 CAC 40 (FR) NIKKEI (JP) 64.90 48.95 Vetropack N 57.00 0.18
14.00 10.20 Aevis Vict. NA 13.50 3.85 120 102 Comp. Fin.Tr. 118 –0.84 34529.45 0.94% 485 326 Phoenix Mecano 467 –0.32 153 99.68 Vifor Pharma 131 4.37
NASDAQ 6484.11 1.53% 29149.41 2.94% 83.00 41.80 Pierer Mob. 80.30 –0.12
1.02 0.70 Airesis S.A 0.76 –0.66 97.30 71.10 Cosmo Pharma. 86.40 0.93 780 700 Villars 730 –
207 178 Allreal NA 181 0.67 76.00 60.60 CPH 61.00 –3.17 13748.74 2.06% b 324 266 Plazza 319 ±0.00 0.92 0.62 Von Roll 0.77 1.32
289 206 Also Holding 267 2.10 134 85.20 Crealogix 119 0.85 b 55.20 44.00 Poenina Hold. 53.60 0.75 78.00 55.10 Vontobel 70.20 1.30
42.20 18.10 Aluflexpack 32.80 –0.61 308 162 Dätwyler 306 2.17 b 9.34 6.18 Polyphor 6.87 –2.55 136 99.00 VP Bank 111 ±0.00
24.83 12.72 AMS 17.72 5.63 75.70 52.50 DKSH Hold. 73.40 1.73 86.00 42.60 Private Equity 81.00 1.25
88.00 69.70 VZ Holding 77.60 0.65
248 159 APG SGA NA 239 7.17 659 410 dormakaba 617 –0.56 BOVESPA (BR) S&P SOUTH AFRICA (ZAR) STRAITS TIMES (SG) 121 101 PSP 118 2.17
140 65.50 V-ZUG 140 7.54
17.54 8.60 Arbonia NA 16.70 1.21 70.66 19.35 Dufry 56.92 4.98 125019.80 2.61% 2791.33 0.14% 3178.55 2.00% 0.80 0.02 Relief Th. 0.20 –4.76
112 99.60 Walliser KB 103 –1.90
4.00 1.70 Arundel NA 2.48 – 135 96.40 Edisun Pow. 120 1.27 178 73.90 Rieter 172 –0.69
8.08 4.80 EFG Int. 7.16 –1.51 1330 1005 Romande Energie 1325 1.92 2430 1985 Warteck Invest 2390 –1.24
1.22 0.39 Aryzta NA 1.21 9.91
15.76 6.34 Ascom NA 15.10 5.15 590 442 Elma Electronic 0.00 – AEX (NL) 713.28 0.89% OMX (SE) 913.77 1.37% 9.69 2.02 Santhera Pha. 2.09 –6.70 3.47 0.84 Wisekey 1.40 4.10
4.88 1.35 Asmallworld 3.08 2.67 998 796 Emmi NA 917 –0.33 All Ordinaries (AU) 7424.00 2.18% OMXC 20 (DK) 1587.37 0.90% 282 175 Schaffner 261 2.35 163 112 Ypsomed 151 7.38
201 86.00 Autoneum H. NA 176 2.56 904 679 Ems-Chemie 845 3.36 ATX (AT) 3464.10 1.40% S&P 500 (US) 4204.11 1.16% 280 211 Schindler N 262 3.07 93.00 35.25 Zehnder Gr. 84.70 –4.51
2.94 1.31 B. Profil de G. 2.24 ±0.00 0.37 0.18 Evolva Hold. 0.19 0.87 Euro Stoxx 50 (CH) 4070.56 1.11% SET Index (TH) 1581.98 1.90% 290 212 Schindler PS 268 2.37 30.00 25.00 Züblin Immob. 29.40 5.00
497 215 Bachem H. NA 495 3.89 72.10 44.45 Feintool Int. 59.80 0.17 IBEX 35 (ES) 9224.60 0.22% SSE 180 (CH) 10861.08 4.39% 30.00 23.20 Schlatter Hold. 26.40 3.13 2050 1900 Zug Estates 1975 ±0.00
169 121 Bâloise NA 150 2.81 1343 745 Fischer Ge. NA 1294 4.27 Kospi (KR) 3188.73 1.02% Stoxx Europe 600 (CH) 448.98 1.02% 1690 1034 Schweiter Tech. 1522 4.25 6980 6100 Zuger KB 6820 –0.58
565 460 Bank Linth 525 1.94 171 113 Flugh. Zürich 158 –1.56 Nasdaq 100 (US) 13686.51 2.05% Stoxx Singap. 20 (CH) 1545.48 2.34% 5500 4300 Schweizer NB 5320 ±0.00 514 171 Zur Rose N 338 3.05
2250 1766 Barry Callebaut 2048 0.99 1858 1286 Forbo Hold. NA 1804 1.01 OBX (NO) 986.58 3.40% Taiwan Weighted (TW) 16870.86 3.49% 68.00 35.95 Sensirion 64.20 4.22 218 133 Zwahlen&Mayr I 0.00 –

ACTIONS NON COTÉES CROISSANCE INFLATION CHÔMAGE

Titre Demande Offre Congress Centre Kursaal 295,00 335,00 Ports Francs et Entrepôts de G 1050 - Suisse Suisse Suisse
Crédit Mutuel de la Vallée - - Reussegg N 60,00 - Zone euro Zone euro Zone euro
acrevis Bank N 1350 1385 Dolder Hotel, Zürich 1755 2400 RMH Regionalmedien N - - Allemagne Allemagne Allemagne
Alpha Rheintal Bank 545,00 565,00 Energ Elec du Simplon E.E.S. 870,00 1100 SA Agricola Ticinese 275,00 375,00 États-Unis États-Unis États-Unis
Arosa Bergbahnen 95,00 105,00 Energie Zürichsee 1985 - Saline de Bex N 1300 - Japon Japon Japon
Auto AG Rothenburg 450,00 480,00 Eniwa 1026 1150 Seiler Hotels N - - Gr.-Bretagne Gr.-Bretagne Gr.-Bretagne
Aventron 11,60 12,50 Ersparniskasse Affoltern 1970 - Société des Forces électriques - -
Bad Schinznach 1960 2045 Espace Real Estate 183,00 187,00 Spar + Leihkasse Gürbetal N 4420 4750 -6,4 -4,8 -3,2 -1,6 0,0 1,6 -1,2 0,0 1,2 2,4 3,6 4,8 0,0 2,0 4,0 6,0 8,0 10,0
Bank Leerau 390,00 - EW Altdorf 875,00 975,00 Spar- und Leihkasse Buch. 5700 5800
Bank SLM N 1585 1610 EW Jona-Rapperswil, Jona 5600 5750 Spar- und Leihkasse Frutigen 2350 2400
BBO Bank Brienz-Oberhasli
Beau-Rivage Palace SA
136,00
246,00
190,00
300,00
Gestione Stalvedro SA
Gondrand N
-
750,00 1000
- Spar+Leihkasse Riggisberg
SSE Holding N
5860
3075
6200
3100
ÉCONOMIE
Bernerland Bank 475,00 - Griesser 1152 1249 Stadtcasino Baden 680,00 720,00 Croissance du PIB* Production Chômage Inflation** Chiffre d’affaires Rendements Taux d’intérêt
Biene-Bank im Rheintal 240,00 249,00 Télé Villars-Gryon SA, Villars - - Pays dernier Forecast industrielle* ** dernier Forecast du commerce de détail**obligations d’État Réel
Griston Holding 2225 3500
Caran d`Ache, Genève B 17500 - Holdigaz, Vevey 195,00 198,00 Thermalbad Zurzach - - Suisse -1,60 (12.20) 2,40 (07.21) 4,80 (03.21) 3,10 (04.21) 0,30 (04.21) 0,20 (07.21) 1,80 (04.21) -0,17 (05.21) -0,47 (12.20)
Casale 15400 26000 Immobiliare Pharmapark N 2655 3000 Toggenburg Bergbahnen N 255,00 260,00 Zone euro -1,80 (03.21) 4,60 (07.21) 10,90 (03.21) 8,10 (03.21) 1,60 (04.21) 0,70 (07.21) 4,30 (03.21) -0,07 (05.21) -1,67 (03.21)
Casino de Montreux 2200 2400 Konkordia N 6705 11000 Usines Metallurgiques de V. 6100 6500 Allemagne -3,00 (03.21) 3,60 (07.21) 4,90 (03.21) 6,00 (04.21) 2,00 (04.21) 1,10 (07.21) 5,20 (04.21) -0,13 (05.21) -2,13 (03.21)
Cendres+Métaux, Biel 4725 5000 Lagerhäuser der Centrals. 23550 26000 Weleda 4850 4975
France 1,50 (03.21) 7,10 (07.21) 13,70 (03.21) 7,90 (03.21) 1,40 (05.21) 0,40 (07.21) 6,40 (04.21) 0,17 (05.21) -1,13 (03.21)
Chemholding N 13500 - Loeb 210,00 219,00 Welinvest, Basel 4850 5000
Weiss & Appetito 317,00 330,00 Gr.-Bretagne -6,10 (03.21) 1,10 (07.21) 3,60 (03.21) 4,80 (02.21) 1,50 (04.21) 0,70 (07.21) 3,90 (04.21) 0,84 (05.21) -0,66 (03.21)
Claretta Hldg N 3500 3900 Montana Tech N 25,50 26,75
Clientis Bank Aareland N 1600 1625 Montreux-Berner Oberl. Bahn 4,00 5,35 WWZ N 1375 1420 Italie -1,40 (03.21) 5,30 (07.21) 37,70 (03.21) 10,10 (03.21) 1,10 (04.21) 0,40 (07.21) 6,50 (04.21) 1,04 (05.21) -0,09 (03.21)
Clientis Bank Oberuzwil 605,00 - Neue Zürcher Zeitung 5300 5800 Zermatt Bergbahnen 475,00 530,00 Japon -1,90 (03.21) 2,70 (07.21) 3,40 (03.21) 2,80 (04.21) -0,40 (04.21) 0,20 (07.21) 3,60 (04.21) 0,08 (05.21) 0,48 (03.21)
Clientis EB Entlebucher 220,00 - NV Remontées mécaniques - - États-Unis 0,40 (03.21) 4,40 (07.21) 16,50 (04.21) 6,10 (04.21) 4,20 (04.21) 1,90 (07.21) 6,20 (04.21) 1,63 (05.21) -2,57 (03.21)
Clientis Sparkasse Oftringen 1980 2030 Parking des Alpes Fribourg - - Source Berner KB, Lienhardt & Partner PB Chiffres en pourcentage, * trimestriels sur une base annuelle ** mensuels sur une base annuelle

l Suisse 10 ans Bonds -0.171 +0.029 k Allemagne 10 ans Bonds -0.186 –0.055 l Gr.-Bretagne 10 ans Bonds 0.796 –0.039 l États-Unis 10 ans Bonds 1.5986 –0.031

OBLIGATIONS Glarner Kantonalbank 0.25 13.04.35 100.65 0.00 0 Industrie Corporacion Andina de Fomento
Corporacion Andina de Fomento
0.7
1.5
04.09.25
01.12.28
103.10
109.40
0.59
0.64
0
0
UBS Group AG 0.375 24.08.29 101.20 0.00 0 Autoneum 1.125 08.12.25 99.00 8.20 25000
Corporacion Andina de Fomento 0.3 07.04.25 101.40 0.45 0
Taux dernier % debut volume Valiant Bank 0 20.01.26 101.25 0.00 100000 Firmenich International SA 1 19.12.23 103.00 0.194 0
Corporacion Andina de Fomento 0.5 26.02.26 101.95 0.99 5000
Nom d’intérêt Échéance cours de l’annèe échangé Groupe Acrotec Ltd 4 22.11.21 100.95 2.28 0
Groupe Acrotec Ltd 3.5 16.10.25 100.00 3.63 0 Intl. Bk f. Rec. a. Develop. 0 26.11.21 100.35 0.338 0
Etabl. de prêts hypotécaires
OBLIGATIONS SUISSES Holcim Ltd 2 09.06.22 102.35 0.631 250000
Pfandbriefbank 0.125 19.03.31 101.05 0.00 0
Pfandbriefbank 0.25 27.04.26 102.69 1.288 0 Kudelski 1.5 27.09.24 83.65 32.36 20000 Banques et sociétés financières
Confédération Pfandbriefbank 0.125 19.11.32 100.19 3.076 0 Kudelski 1.875 12.08.22 96.51 16.77 0 BBV Argentaria SA 0.125 27.08.26 99.45 0.847 0
Pfandbriefbank 0.25 06.10.42 101.52 4.226 0 LafargeHolcim Helvetia Finance 1.05 11.04.22 101.29 0.344 550000 BoS Funding Limited 1.5 29.11.23 102.00 0.244 0
Conféd. 0 22.06.29 103.12 0.00 0 LafargeHolcim Helvetia Finance 0.25 18.03.27 100.60 0.00 0
Pfandbriefbank 0.375 10.07.28 103.61 1.81 0 CBQ Finance Ltd 0.195 22.04.24 100.25 0.00 15000
Conféd. 0.5 27.06.32 108.58 0.00 0 Lonza Swiss Finanz AG 1 28.04.23 102.50 0.097 50000 CBQ Finance Ltd 0.735 27.11.24 101.80 0.44 0
Conféd. 0 22.06.29 102.33 3.161 13000 Pfandbriefzentrale 0.1 03.10.31 100.52 0.00 0
MSC Cruises 3 14.07.23 88.80 2.13 1730000 Cellnex Finance Company S.A.U0.935 26.03.26 101.05 0.00 0
Conféd. 0.5 27.05.30 106.60 3.704 156000 Pfandbriefzentrale 0.2 10.09.29 102.11 2.109 0
Pfandbriefzentrale 0 05.02.29 101.27 0.00 0 MSC Cruises 3 30.11.21 95.90 2.03 75000 Citigroup Inc. 0.5 01.11.28 101.45 1.217 20000
Conféd. 0 24.07.39 100.32 0.00 0
Pfandbriefzentrale 0.75 01.10.32 107.20 3.345 0 Proman Holding 3.5 31.05.22 99.09 0.60 165000 Citigroup Inc. 0.5 22.11.24 101.95 0.779 1700000
Conféd. 0 26.06.34 100.56 5.807 0 Sulzer 0.8 23.09.25 101.55 0.975 220000 Credit Agricole S.A. 0.45 14.03.22 100.79 0.079 0
Conféd. 2.5 08.03.36 136.75 5.585 0 TEMENOS 1.5 28.11.25 102.05 1.95 50000 Credito Real SAB 2.875 09.02.22 93.80 5.003 275000
Conféd. 0 26.06.34 101.58 0.00 0 Centrales d’émissions Deutsche Bank 0.625 19.12.23 101.40 0.15 25000
TEMENOS 2 17.06.22 101.08 0.33 15000
Conféd. 0.5 28.06.45 109.90 0.868 200000 EGW 1.375 24.07.23 104.50 0.381 0 TEMENOS 1.875 30.11.23 102.05 0.94 110000 Deutsche Bank 0.75 05.07.21 100.09 0.239 0
Conféd. 1.25 27.06.37 119.20 6.068 0 EGW 0.3 25.11.39 102.20 0.632 0
DVB Bank 0.575 17.06.22 100.86 0.41 0
Conféd. 1.25 11.06.24 105.93 1.12 13000 EGW 0.125 27.05.25 103.15 0.24 0
OBLIGATIONS ÉTRANGÈRES First Abu Dhabi Bank P.J.S.C 0.068 31.03.27 100.45 0.00 0
Conféd. 3.5 08.04.33 142.55 4.872 100000 EGW 1.125 24.09.29 110.65 1.732 0
First Abu Dhabi Bank P.J.S.C 0.07 18.10.27 99.70 1.22 0
Conféd. 4 08.04.28 130.60 3.438 0 EGW 0.875 24.03.23 102.85 0.436 0
J.P. Morgan & Co. 0.5 04.12.23 102.25 0.098 150000
Conféd. 1.5 30.04.42 129.01 8.439 100000 EGW 0.375 27.05.30 105.50 0.612 0 Etats et Municipalités
Conféd. 1.25 28.05.26 108.90 2.051 15000 National Australia Bank 0.35 05.08.22 101.08 0.119 0
New Brunswick 0.125 06.12.32 99.90 0.893 0 New York Life Funding 0.125 23.07.30 99.30 0.00 0
Conféd. 2 25.05.22 102.80 1.087 1000000 Sociétés financières New Brunswick 0.2 07.11.31 101.25 0.881 0 New York Life Funding 0.375 02.02.22 100.75 0.356 0
Conféd. 1.5 24.07.25 108.75 1.832 24000 New Brunswick 0.25 06.12.39 98.90 2.562 0 Powszechna Ksa 0.3 02.11.21 100.36 0.199 0
Conféd. 0.5 24.05.55 115.50 5.017 0 Allreal Holding AG 0.4 26.09.29 98.95 1.542 5000 New Brunswick 0.25 19.01.29 102.60 1.156 0
Allreal Holding AG 0.7 22.09.28 102.35 1.063 0 Wells Fargo 1.125 26.05.28 105.15 0.52 0
Conféd. 0 24.07.39 98.31 7.167 450000 Ontario 0.25 28.06.29 102.95 0.483 0
PSP Swiss Property AG 0.2 04.02.31 99.25 0.00 0 Wells Fargo 1.25 03.09.24 104.25 0.43 600000
Swiss Prime Site Finance AG 0.375 11.02.28 100.45 0.00 0 Province of Quebec 1.125 22.02.23 103.05 0.435 25000 Wells Fargo 0.5 02.11.23 101.75 0.15 0
Cantons, Villes et Communes Swiss Prime Site Finance AG 0.5 03.11.25 101.75 0.15 5000 Province of Quebec 0.75 21.11.24 104.40 0.191 0
Republic of Poland 1 17.09.21 100.76 0.395 0
Basel-Landschaft, Kanton 0.5 30.03.22 101.09 0.502 0 Swiss Prime Site Finance AG 0.375 30.09.31 97.40 1.317 0 Industrie
Basel-Stadt, Kanton 0 28.11.23 101.75 0.049 0 Swiss Prime Site Finance AG 0.65 18.12.29 101.40 0.491 0
Transports Enel Finance 0.55 03.09.24 102.65 0.146 0
Genf, Kanton 2 28.11.41 137.05 0.975 0 Swiss Prime Site Finance AG 0.825 11.05.26 103.45 0.097 20000 Gategroup Finance (Luxembourg) 3 28.02.22 89.50 4.81 5000
Kanton Bern 2.375 25.03.22 102.68 1.193 0 Hyunday Capital Services 0.753 06.07.23 101.75 0.098 0 Glencore Finance Ltd 0.35 10.09.25 100.50 0.20 0
Kanton Bern 2.5 26.11.21 102.11 0.874 0 Hyunday Capital Services 0.26 11.02.25 100.95 0.75 0
Energie Metropolitan Life Global Fund 0.15 25.09.29 99.40 0.00 0
Tessin, Kanton 2.5 04.11.21 101.73 0.925 0 Hyunday Capital Services 0.695 27.06.23 101.70 0.147 50000 Open JS Company Gazprom 1.45 06.03.23 100.90 0.444 185000
Alpiq Holding AG 2.25 20.09.21 100.78 0.914 60000 Russian Railways 0.84 12.03.26 100.15 0.40 5000
Zürich, Kanton 0 23.06.28 102.65 0.146 0 Open JS Company Gazprom 2.25 19.07.22 101.75 0.732 50000
Axpo Holding AG 1.75 29.05.24 105.80 0.43 200000 Russian Railways 0.898 03.10.25 100.00 0.498 80000
EKW 0.125 02.03.22 100.41 0.04 0 Open JS Company Gazprom 2.75 30.11.21 101.20 0.93 20000
Banques cantonales Grande Dixence 1.125 04.07.24 103.95 0.78 20000 Russian Railways 2.1 02.10.23 103.75 0.48 0 Otto 1.5 09.12.24 102.50 3.02 0
KLL 2 11.12.23 105.40 0.237 0 Russian Railways 1.195 03.04.28 99.45 0.60 0 Teva Pharmaceutical Finance IV 1 28.07.25 91.10 2.36 105000
Aargauische Kantonalbank 0.15 18.05.22 100.83 0.237 0
Verizon 0.555 24.03.31 101.40 0.00 0
Basellandschaftliche Kantonalb 0.01 28.01.33 97.95 0.00 100000 KLL 0.5 09.09.21 100.26 0.10 185000
Credit Suisse (Switzerland) 0 27.01.33 97.65 0.00 0 Nant de Drance 1.25 25.06.27 106.65 0.28 50000 Emprunts supranationaux Verizon 0.193 24.03.28 100.25 0.00 0
CSG 1 14.04.23 101.85 0.489 0 Nant de Drance 2 02.02.26 109.40 0.14 100000 CABEI 0.194 19.11.21 100.39 0.357 0

EXPLICATIONS: les prix des actions et des obligations de la bourse suisse ; * = dernier prix mentionné ; GS = bons de participation ; I = actions au porteur ; NA = actions nominatives ; PS = bons de participation ; le bas/haut sur 52 semaines se réfère uniquement aux transactions boursières. cours 28.05.2021 / 22.15 h CE(S)T cours sans garantie. Source
 LUNDI 31 MAI 2021
Paiements :
place au numérique
Dopé par la pandémie, le commerce
électronique ne cesse de se
développer et avec lui les moyens de
paiement. Dans ce secteur en forte
croissance, les économies d’échelle
sont réelles et les nouveaux acteurs
se profilent. ● ● ● PAGE 16
Les banques seront évincées des paiements
GESTION L  es géants de la technologie, les fintechs et les banques centrales avec leur projet de monnaie numérique altèrent
la position des banques traditionnelles. Bientôt, les ménages n’auront plus besoin de compte courant à la banque
EMMANUEL GARESSUS, ZURICH
t @garessus
La mutation des paiements s’est
accélérée durant la pandémie.
Sous la pression de la fintech,
c’est-à-dire des sociétés qui asso-
cient de nouvelles technologies
aux services financiers pour les
rendre plus simples, rapides et
confortables, les changements ne
se limitent pas à l’abandon pro-
gressif du cash au profit d’autres
moyens de paiement. La crois-
sance de la fintech est telle qu’il
est permis de se demander si
l’épargnant aura encore besoin
des banques à l’avenir.
«Le processus ne fait que com-
mencer. En bourse, la capitalisa-
tion boursière de la fintech ne
correspond qu’à 10% de celle du
secteur financier alors qu’elle ne
dépassait pas 1% il y a dix ans»,
déclare Rolando Grandi, gérant
de fonds auprès de La Financière
de l’échiquier.
Une concurrence plus forte
Profitant d’une structure de
coûts allégée et d’équipements
innovants, «la fintech concur-
rence de plus en plus les banques»,
confirme Eric Dor, professeur à
l’Ieseg School of Management de
l’Université catholique de Lille. Il
est même possible de «se deman-
der si les ménages et les entre-
prises auront encore besoin des
banques à l’avenir», ajoute-t-il.
Ne restera-t-il aux banques que
le compte d’épargne? Effective-
ment, avec l’émergence des mon-
naies numériques des banques
centrales, les paiements n’auront
plus besoin de passer par le
compte courant d’une banque,
selon le chercheur. En vertu des
projets tels que celui de la Banque
c e nt r a l e e u ro p é e n n e, p a r
exemple, d’ici quelques années les
instituts d’émission émettront
des jetons que les utilisateurs
pourront stocker sur leur smart-
PUBLICITÉ
LE TEMPS
Lundi Finance
L’apport de la
numérisation aux PME
Il y a clairement des efforts à faire
en matière de numérisation. Et ils
ne doivent pas forcément passer
par des révolutions technologiques.
Des facilités numériques seraient
bienvenues pour les PME.
● ● ● PAGE 16
PayPal, l’entreprise américaine de paiements en ligne, présente une capitalisation de près de 300 milliards de francs, soit cinq fois
plus que celle d’UBS. (FELIX KÄSTLE/DPA/KEYSTONE)
phone. «L’argent sera alors une
créance auprès de la banque cen-
trale et non plus envers  une
banque commerciale. Chacun
pourra se l’échanger sans inter-
vention bancaire», avance Eric
Dor.
Fintech: un risque
systémique?
La fintech se développe si vite
que la question de son risque sys-
témique se pose déjà, avance Lars
Hornuf, chercheur à l’Université
de Brême, sur le blog oekono-
mentstimme.ch.
L’affaire Wirecard, du nom
d’une société de paiements alle-
mande dont les irrégularités
comptables portent sur 1,9 mil-
liard d’euros, a valeur d’avertis-
sement. Pour la fintech, les
FINTECH & CRYPTOS
Guy de Blonay : baisse
des prix des services
La fintech est une chance pour le
consommateur de services financiers,
selon Guy de Blonay, gérant du fonds
Jupiter Financial Innovation. De
nombreuses banques se transforment
de plus en plus en groupes
technologiques. ● ● ● PAGE 19
craintes proviennent de l’ab-
sence de surveillance par les
autorités bancaires et de modèles
souvent opaques. Le chercheur
se veut toutefois rassurant, ainsi
qu’en témoigne une étude menée
avec Christian Haddad, portant
sur l’analyse de 8092 instituts de
87 pays entre 2005 et 2018, et
publiée le 5 mai dernier. La fin-
tech réduirait le risque systé-
mique.
Le consommateur apprécie les
innovations. Après une hausse de
90% en 2019, le marché des paie-
ments par smartphone s’est accru
de 75% en 2020 et devrait encore
augmenter de 24% en 2021, selon
une étude de ComprarAcciones.
com. Il a franchi la barre des 2
milliards de milliards de dollars
dans le monde. Un chiffre à com-
Le néobanques canibalisent-
elles les banques ?
Alors que PostFinance et Swissquote
ont lancé Yuh, le risque existe, selon
les experts. Celui de laisser sa clientèle
partir vers des banques
étrangères sur smartphones
est encore plus grand.
● ● ● PAGE 18
(DR)
mêmes devenues des concurrentes
des banques dans les paiements,
comme Amazon, Shopify, Alibaba
et Mercado Libre en Amérique
latine, Sea à Singapour.
Les banques traditionnelles, qui
dépensent parfois 10% de leurs
revenus dans la technologie, ne
restent pas inactives. Mais «elles
doivent supporter ce qu’il est
convenu d’appeler leur dette tech-
nologique, c’est-à-dire une archi-
tecture informatique qui n’est plus
adaptée au paradigme du cloud»,
poursuit Rolando Grandi. A l’in-
verse, les fintechs emploient d’em-
blée un capital technologique basé
sur la dernière génération.
La taille supérieure
des banques et leur
expérience ne
suffisent pas à les
protéger des
nouveaux entrants
parer aux 84 700 milliards de dol- Les banques conservent cer-
lars du PIB mondial en 2021, tains atouts. Elles ont les licences
estimé par le FMI. qui leur permettent d’opérer, d’ac-
cueillir de l’argent et d’accorder
Des start-up devenues des prêts. Et elles ont déjà des
des géants clients. Mais la taille supérieure
La Chine se taille la part du lion, des banques et leur expérience ne
avec près de la moitié du marché suffisent pas à les protéger des
mondial des paiements mobiles. nouveaux entrants.
Les Etats-Unis représentent un Le covid a facilité la progression
tiers du marché chinois. de la fintech. Les consommateurs
Les pionniers du paiement ont été forcés d’adopter les nou-
mobile et des cartes bancaires veaux moyens de paiement dans
sont déjà des géants, comme Pay- leur quotidien. Les nouvelles
Pal, avec une capitalisation de habitudes sont maintenant
plus de 300 milliards de dollars, ancrées et les services numé-
et Square, avec 2 millions d’utili- riques sont reconnus comme
sateurs et une capitalisation de sûrs, simples et rapides, selon
100 milliards de dollars, soit près Rolando Grandi.
du double d’UBS. L’innovation est aujourd’hui en
Les grandes plateformes de com- train de faire un pas de géant. Les
merce électronique  sont elles- portefeuilles numériques se sont
Les alternatives au
«acheter et prier»
Acheter des cryptos et espérer
qu’elles montent peut être délicat, vu
l’extrême volatilité du bitcoin. Des
produits financiers apparaissent
pour se protéger. Trois stratégies
made in Switzerland.
● ● ● PAGE 18
fortement développés à travers
les apps Wechat ou Alipay. «La
Chine est allée plus vite et plus
loin que l’Occident avec l’adoption
des paiements par QR code, les
codes pixelisés qui permettent
d’identifier les paiements avec
une caméra. Des années ont été
gagnées dans l’adoption des paie-
ments électroniques», avance
Rolando Grandi.
Les prochaines innovations
La prochaine innovation à se
propager viendra du prêt instan-
tané au consommateur, selon
Rolando Grandi. Cette innovation
pourrait remplacer les cartes de
crédit en raison des taux d’intérêt
élevés de ces dernières. Des socié-
tés comme Afterpay en Australie,
Affirm aux Etats-Unis, Shopify au
Canada, Klarna en Suède se sont
installées sur ce créneau. «C’est
une révolution puisque le service
est dorénavant gratuit pour l’uti-
lisateur», indique Rolando
Grandi. L’européen Klarna, qui est
la plus grande fintech non cotée
du continent, vient de lever un
milliard de dollars pour une capi-
talisation de 30 milliards de dol-
lars.
Plutôt que les leaders des cartes
de crédit, ce sont plutôt les
banques qui cèdent des parts de
marché aux fintechs, notamment
dans la banque de détail.
L’innovation devrait progressi-
vement porter sur les entreprises
et leur financement, prévoit
Rolando Grandi. Les start-up n’y
sont guère actives parce que les
moyens financiers nécessaires
sont plus conséquents. Mais la
blockchain devrait faciliter leur
accès, avance Rolando Grandi. 
Les gouvernements sont les
ultimes décideurs de la régle-
mentation. Ils décideront par-
tiellement du rythme du chan-
gement. Mais si la disruption
technologique peut être freinée,
elle ne sera pas bloquée. ■
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

16 Lundi Finance

Paiements: place PME: la numérisation

au numérique!
GESTION Dopé par la pandémie, l’e-commerce
ne cesse de se développer et avec lui les moyens
de paiement. Dans ce secteur, les économies
d’échelle sont réelles et les nouveaux acteurs
se profilent, affirme Samuel Traub
Selon McKinsey, les revenus générés par les
paiements mondiaux ont avoisiné les 1900 mil-
liards de dollars sur l’exercice 2020, en recul
par rapport à 2019 après une croissance avoi-
sinant les 10% pendant plus de dix ans. Cette
baisse, principalement due au recul des
dépenses dans le tourisme, masque cependant
l’accélération du remplacement des espèces,
alimenté par l’accélération impressionnante
de l’e-commerce.
L’écosystème des paiements est stimulé non
seulement par le remplacement des liquidités,
mais aussi par des innovations telles que les
cartes NFC (communication en champ proche),
le peer-to-peer (P2P) et les paiements «push».
Si une partie de cette croissance est suscep-
tible de revenir aux sociétés de paiement tra-
ditionnelles, de nouveaux acteurs se pressent
aussi sur le marché.
Les géants technologiques
comme Apple (Apple Pay),
Google (Google Pay)
et Alibaba (Alipay) ont
insufflé de l’innovation
à grande échelle
Le paiement par carte a été conçu pour les
clients et les commerçants physiques. Avec l’es-
sor de l’e-commerce, les exigences ont évolué.
Les nouveaux venus comme les acteurs éta-
blis ont développé de nouvelles fonctionnali-
tés de paiement numérique à distance, notam-
ment avec PayPal, mais d’autres sociétés (par
exemple Adyen et Global Payments) ont mis en
place des plateformes de paiement mondiales
pour tous les canaux. Les économies d’échelle
inhérentes devraient stimuler la croissance
organique et/ou la consolidation.
Du côté du client, la croissance exponentielle
de l’économie numérique et de l’e-commerce a
conduit à des solutions innovantes telles que
le portefeuille numérique et les applis de paie-
ment P2P. Leur nombre de services a explosé
ces trois à quatre dernières années, avec l’arri-
vée d’applis comme Venmo, Zelle et Cash App/
Square, etc.
Ces applis se sont diversifiées et éloignées
du simple P2P avec l’ajout à leurs attributs de
fonctions de type e-commerce, transformant
le prestataire en acquéreur de commerçants.
Elles évitent aux consommateurs la manipula-
tion d’espèces et leur permettent de recourir
à des paiements à distance plus rapides, les-
quels ont été simplifiés par des processus inno-
vants (par exemple par numéro de téléphone
portable ou code QR). Grâce à leurs gigan-
tesques bases d’utilisateurs, les géants tech-
nologiques comme Apple (Apple Pay), Google
(Google Pay) et Alibaba (Alipay) ont insufflé de
l’innovation à grande échelle, notamment avec
les transferts de fonds internationaux par mes-
sage ou courriel, rendant ces services encore
plus simples et attrayants.
Du côté du traitement et de l’acquisition de
commerçants, nous observons que les ten-
dances favorisent les plateformes logicielles
intégrées de grande ampleur et les réseaux de
cartes mondiaux, qui semblent demeurer au
centre de l’ensemble du système.
L’arrivée d’Apple, Amazon et Facebook
Les grands noms de la technologie comme
Apple, Facebook, Alphabet et Amazon sont
entrés dans le secteur des paiements il y a un
moment déjà.
Facebook Pay a la présence la plus forte et
vise non seulement à simplifier les paiements
entre utilisateurs, mais s’efforce également de
connecter les commerçants avec sa base d’uti-
lisateurs pour faciliter les paiements consumer
to business (C2B). La société semble vouloir
imiter la plateforme de paiement de WeChat,
développée par Tencent en Chine, qui réali-
serait une moyenne de 1 milliard de transac-
tions de paiement chaque jour et regrouperait
72 millions de commerçants.
Pour l’instant, à la différence des chinoises,
les Big Tech américaines sont avant tout inté-
ressées par les données et elles hésitent à s’en-
gager dans un secteur bancaire fortement
réglementé. Elles collaborent avec des socié-
tés de carte de crédit et des banques pour les
opérations de paiement. Elles pourraient néan-
moins profiter à l’avenir de leurs compétences
en matière de paiements et élaborer une plate-
forme BaaS (banque en tant que service). Goo-
gle Pay a fait des avancées en ce sens en per-
mettant aux utilisateurs de surveiller leurs
dépenses et les soldes de plusieurs comptes
bancaires liés. En outre, Google devrait lancer
avec Citigroup un compte numérique Plex qui
offrira des prestations bancaires complémen-
taires aux paiements. Quant à Amazon Pay, il
détient toutes les cartes pour devenir une véri-
table plateforme bancaire.
Si les services de paiement des Big Tech sont
actuellement des initiateurs de rupture, le fait
que leurs plateformes commencent à cumu-
ler paiement numérique et services ban-
caires signifie pour les secteurs concernés
qu’ils risquent de perdre un jour l’accès direct
à leurs clients. ■
SAMUEL TRAUB
EQUITY RESEARCH ANALYST,
BANK / INSURANCE, CREDIT SUISSE
doit être facilitée
TECHNOLOGIES I l y a clairement des efforts
à faire en matière de numérisation en Suisse.
Et ils ne doivent pas forcément passer par des
révolutions technologiques. Mais des facilités
numériques seraient bienvenues, surtout pour
les PME
L’irruption imprévue de la pandémie du
Covid-19 a cruellement mis au jour de surpre-
nantes lacunes au sein des administrations hel-
vétiques. On se souvient de l’usage du fax par
les cantons pour communiquer les chiffres des
nouvelles infections à la Confédération. Ou des
pesées de piles de papier effectuées par l’Of-
fice fédéral de la santé publique pour estimer
le nombre de cas.
Il n’y a pas que les administrations qui usent
encore de méthodes archaïques. L’industrie
suisse accuse aussi du retard.
Un récent sondage a révélé que seule une
entreprise manufacturière sur trois considère
que sa maturité numérique est à niveau. Et le
SUR monde des PME n’est malheureusement pas
en reste. Nombre d’activités ne sont pas encore
LE WEB numérisées. En particulier pour les activités
bancaires et financières.
Chacun le sait, la plupart des PME du pays
Retrouvez
en semaine travaillent avec une banque principale, mais
l’actualité
du monde
ont souvent un, deux ou trois autres établis-
sements avec qui elles font aussi affaire. Bien
de la finance
sur
évidemment, en Suisse, tous les instituts pro-
posent désormais une offre d’E-Banking. Mais
Letemps.ch/
economie les différents systèmes ne sont pas compatibles
entre eux. Ce serait trop simple.
Vue d’ensemble difficile à obtenir
Et le problème se complique encore si l’en-
treprise travaille également avec des banques
étrangères. Souci supplémentaire: sauf à
disposer d’une informatique interne sophis-
tiquée, il est difficile pour l’entreprise de gar-
der une vue d’ensemble de la situation de ses
liquidités et de gérer tous ses différents
comptes.
On pourrait croire qu’à l’heure de la réalité
augmentée, offrir une plateforme unique pour
accéder à ses comptes auprès de ses différentes
banques en Suisse, voire dans le monde entier,
relève de la banalité. Rien de plus simple, pour-
rait-on croire. Et pourtant… Comme souvent,
le diable se cache dans le détail.
Rien qu’en Suisse, deux standards de com-
munication avec les établissements financiers
cohabitent en parallèle pour le transfert sécu-
risé des données. La norme EBICS (Electronic
Banking Internet Communication Standard)
utilisée dans les banques et par beaucoup d’en-
treprises est le clair leader du marché. Mais La
Poste a préféré le Secure File Transfer Proto-
col (SFTP).
Dans une grande partie des pays européens,
la norme EBICS s’est aussi imposée car elle
est bien adaptée aux besoins de la clientèle
commerciale (par exemple pour les droits de
signature tels que les signatures électroniques
partagées). En plus, elle est avantageuse en
termes de coûts. Mais tous les pays n’utilisent
pas (encore) la même version…
Au plan mondial, c’est la norme SWIFT (pour
Society for Worldwide Interbank Financial
Telecommunication, une coopérative basée
en Belgique et détenue par plusieurs banques
internationales) qui tient le haut du panier.
Elle sert à la transmission d’informations et de
paiements entre la plupart des banques inter-
nationales, notamment en Asie, et est aussi uti-
lisée par un grand nombre de multinationales.
SWIFT et/ou ripple?
Mais, outre le fait d’avoir connu dans le passé
quelques problèmes de sécurité aujourd’hui
corrigés, SWIFT souffre d’une certaine lenteur.
Il faut souvent de trois à six jours pour qu’un
paiement transfrontalier puisse être exécuté.
Il est difficile pour
l’entreprise de garder
une vue d’ensemble de la
situation de ses liquidités
A l’ère du numérique, certains aimeraient
que ce genre de transfert puisse s’effectuer
sans délai. Si bien qu’un concurrent pointe le
bout du nez, la cryptomonnaie ripple dont la
vocation est exclusivement d’offrir un support
d’échange pour réaliser des transactions ban-
caires en temps réel, en utilisant la technolo-
gie de la blockchain. SWIFT et ripple vont-ils
cohabiter? Ou l’un prendra-t-il l’ascendant sur
l’autre? L’avenir le dira.
Une solution helvétique en vue
Mais, pour l’heure, revenons aux préoccupa-
tions plus immédiates des PME helvétiques.
On l’imagine: pouvoir effectuer des paiements
directement via une plateforme unique et avec
un seul identifiant E-Banking faciliterait la vie
de tous les directeurs financiers et comptables
du pays. D’autant plus si une telle solution est
aussi capable de donner une vue d’ensemble
consolidée des liquidités de l’entreprise pour
toutes les banques et toutes les devises. Il va
bien falloir l’offrir! ■
ALEXANDRE PRÊTRE
RESPONSABLE DE LA CLIENTÈLE
ENTREPRISES, UBS GENÈVE
STÉPHANE MATEY 
RESPONSABLE DE LA CLIENTÈLE
ENTREPRISES, UBS ROMANDIE

Gestion privée: l’apport de l’économie du partage

NUMÉRISATION L  es fintechs joueront
un rôle de plus en plus important dans
la préservation de la souveraineté des
banques privées
Révolutionner le secteur financier par
des solutions innovantes et rester dans la
course au numérique, les ambitions des
fintechs et des banques privées semblent
définitivement se rejoindre face à l’arri-
vée d’une nouvelle clientèle jeune et digi-
talisée.
Mais les faits montrent que l’innovation
numérique seule ne suffit pas si l’accès
au marché fait défaut. En effet, la plupart
des fintechs sous-estiment la difficulté
et le coût de l’accès aux clients fortunés.
La banque privée, quant à elle, se rend
compte qu’une numérisation efficace
orientée vers ses clients ne nécessite pas
seulement des investissements en infor-
matique, mais également une réorienta-
tion complète de son modèle d’affaires.
Briser les murs…
Traditionnellement, les banques pri-
vées revendiquaient la maîtrise de
l’ensemble de leur chaîne de valeur,
construisant des murs contre la concur-
rence en détenant leurs propres pro-
duits, infrastructures et relations clients.
Cependant ce modèle d’affaire est de plus
en plus difficile à satisfaire car aucune
banque n’est capable d’innover sur tous
les fronts. Pour survivre dans l’envi-
ronnement actuel, les banques privées
se doivent de changer d’optique en se
concentrant systématiquement sur leurs
compétences clés et en adoptant les prin-
cipes de l’économie du partage.
Airbnb, le plus grand fournisseur d’hé-
bergement au monde, ne possède pas
de biens immobiliers, Uber, la plus grande
compagnie de taxis, ne possède pas de
véhicules et Facebook, le fournisseur
de médias le plus populaire, ne crée pas
de contenu. Le principe de l’économie du
partage, le passage de la possession de
biens à leur utilisation, qui a fondamen-
talement changé certaines industries,
atteint également le secteur financier.
La compétence essentielle d’une
banque privée est de conseiller ses clients
et de leur fournir le meilleur service pos-
sible. Lorsqu’il s’agit d’établir des rela-
tions de confiance avec des clients HNWI
(plus de 1 million de francs) sophistiqués
qui durent souvent des décennies, per-
sonne ne peut battre une banque privée
suisse. En revanche, ce n’est pas forcé-
ment le cas lorsqu’il s’agit de développer
des produits, des infrastructures et des
technologies.
… et construire un écosystème
financier
Le partenariat avec les fintechs offre
aux banques privées un moyen simple
et rapide d’offrir de nouveaux services
et fonctionnalités en contact avec la
clientèle sans avoir à les développer
elles-mêmes à partir de zéro. Les nou-
veaux acteurs mettent fortement l’ac-
cent sur l’expérience client numérique.
Des prestataires tels que Revolut dans
le domaine des systèmes de paiement
ou Robo Advisors dans celui des inves-
tissements numériques redéfinissent
de plus en plus les standards du par-
cours utilisateur. Agiles, habituées à
la standardisation et à la modularisa-
tion, ces plateformes technologiques
permettent de réduire le coût d’un ser-
vice clients.
En parallèle, la clientèle des banques
privées évolue. Les clients de la jeune
génération, férus de numérique, sont
prêts à utiliser, voire à exiger de nou-
velles approches pour interagir avec
leur banque et leur chargé de clientèle.
Les banques privées sont mises au défi
d’élargir efficacement leur offre de ser-
vices digitaux – agrégation de comptes,
gestion intégrée des risques, interaction
via la fonction de chat…
L’industrie fintech gagne en maturité.
De nombreux acteurs ont acquis une
excellente réputation leur permettant
de collaborer avec des banques privées
de premier plan sur des processus et des
offres clés, comme le montre la coopéra-
tion entre Julius Baer et Seba Bank par
exemple sur les actifs numériques.
Banques privées et fintechs béné-
ficient d’une telle collaboration. Ces
dernières obtiennent un accès au mar-
ché et peuvent augmenter considéra-
blement leur public cible. Les banques
privées accélèrent leur transforma-
tion numérique et la mise sur le mar-
ché d’innovations donne une touche
de fraîcheur à leurs services. Les par-
tenariats permettent la création d’un
écosystème financier sain et axé sur la
croissance.
Dans un avenir proche, les banques pri-
vées pourront s’approvisionner auprès
de différents acteurs technologiques
pour obtenir un ensemble de services
bancaires numériques adaptés à leurs
besoins. La banque privée devient ainsi
la gardienne de l’interface avec le client
et l’agrégatrice de services provenant
des nouveaux acteurs. Les fintechs, de
leur côté, joueront un rôle de plus en
plus important dans la préservation de
la souveraineté des banques privées. ■
RENATO SANTI 
DIRECTEUR GÉNÉRAL
DE SAXO BANK (SUISSE)
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

18 Lundi Finance

Néobanques: le risque de cannibalisation

FINANCE A  lors que PostFinance et Swissquote ont lancé Yuh, après CSX de Credit Suisse et Zak de Cler, le risque existe, selon les experts.
Mais celui de ne rien faire et de laisser sa clientèle partir vers des offres de banques étrangères sur smartphones est encore plus grand
MATHILDE FARINE, ZURICH
t @Mathilde_Farine
Elles sont désormais trois, les offres
des établissements suisses pour
contrer les néobanques. Après Zak, l’ap-
plication de la banque Cler (ex-banque
Coop), CSX, l’offre numérique de Cre-
dit Suisse, PostFinance et Swissquote
se sont alliées pour lancer Yuh au début
de ce mois. Ces établissements tradi-
tionnels espèrent ainsi se tailler une
part d’un marché pour l’instant surtout
exploitée par la britannique Revolut
et l’allemande N26, arrivées en 2018 et
2019, de même que la zurichoise Neon. 
Au risque de cannibaliser leurs offres
traditionnelles? En proposant des ser-
vices très bon marché à l’heure où l’en-
semble des banques relèvent leurs
tarifs pour compenser les effets des
taux négatifs, la multiplication des
applications de banques sur smart-
phones peut étonner. C’est d’ailleurs
l’un des doutes soulevés par Benjamin
Manz, directeur général du site de com-
paraison en ligne Moneyland: «Le plus
gros danger de cannibalisation en ce
moment concerne Yuh, en particu-
lier parce que PostFinance vient d’an-
noncer des augmentations de frais»,
estime-t-il.
Solutions gratuites
Pourtant, les principaux concernés
défendent leurs choix stratégiques.
«Yuh vient répondre à des besoins que
notre offre grand public, bien que très
étendue, ne couvre que partiellement
pour un certain type de clients», estime
un porte-parole de PostFinance. Le
géant jaune ne fait pas un secret de ses
ambitions: «Le nombre croissant d’uti-
lisateurs de Revolut et consorts est la
preuve qu’il existe une forte demande
en matière de solutions allégées, sou-
vent gratuites, telles qu’en proposent
les néobanques. C’est précisément sur
ce créneau que nous nous positionnons
avec Yuh.»
Son partenaire, Swissquote, ne voit
pas ou peu  de risques de doublons.
«Les offres sont complémentaires,
assure Marc Bürki, patron de la banque
en ligne, qui souligne que l’application
Yuh permet  de faire des paiements
avec une carte de débit multi-mon-
naie, un service que Swissquote n’offre
pas autrement. Les offres se recoupent
en partie car, admet-il, «on peut égale-
ment investir et acheter des produits
financiers [avec Yuh], mais l’offre a été
définie pour cette typologie de clients
ses propres revenus, mais il pourrait
être plus que compensé. Ce d’autant,
ajoute Andreas Dietrich, que les per-
sonnes attirées par les banques sur
smartphones sont relativement jeunes,
ont généralement des revenus et un
niveau d’éducation plus élevés que la
moyenne, si l’on en croit les statistiques
dévoilées par la Banque Cler pour son
application Zak. 
Créer sa propre
néobanque est avant
tout un geste défensif,
selon Benjamin Manz,
directeur général
de Moneyland
Benjamin Manz, directeur général de
Moneyland, juge, lui, le risque de canni-
balisation «exagéré». Pour lui, le dan-
ger de laisser la place à d’autres acteurs
et d’y laisser une partie de la clientèle
est bien plus grand. Dans ce sens, créer
sa propre néobanque est pour lui avant
Neon est la banque suisse qui supprime les frais de carte dans le monde. (DR) tout un geste défensif. Au-delà, le suc-
cès est loin d’être garanti car il est diffi-
cile de convaincre beaucoup de clients
de la rejoindre. Une offensive marke-
et on est évidemment très loin des 3 Professeur à la Haute Ecole de chers, simples à utiliser, font juste: ting de grande ampleur est la norme
millions de produits disponibles sur Lucerne, spécialiste des services finan- «Elles offrent une alternative à des pour tenter d’y parvenir, ajoute-t-il.
l’offre eTrading de Swissquote». Les ciers, Andreas Dietrich est moins caté- clients qui pourraient de toute façon Développer sa néobanque est d’autant
choses évolueront néanmoins. Marc gorique. «Il se pourrait bien que cer- être attirés par Revolut, Neon ou Zak. plus essentiel que les utilisations des
Bürki, qui considère que «plusieurs tains clients passent de PostFinance C’est donc un service spécifique à une smartphones pour les opérations ban-
dizaines de milliers de clients» exis- ou de Swissquote à Yuh et génèrent catégorie de clients qu’elles risquent de caires vont prendre toujours plus d’im-
tants pourraient se convertir à Yuh, le ainsi moins de revenus», prédit-il. perdre, et qui s’adresse en même temps portance, reprend Andreas Dietrich.
promet: «Nous allons sortir des nou- Pour autant, les banques qui pro- à de potentiels nouveaux clients.» Le Restera l’enjeu financier: comment être
veautés avec un rythme haletant.» posent ces nouveaux services moins risque existe, donc, de cannibaliser bénéficiaire en proposant un service
très bon marché? «Il faut être conscient
que les banques traditionnelles gagnent
CHIFFRES de l’argent principalement grâce aux
hypothèques et aux investissements.
Les offres qui sont «seulement» limi-
Bon marché et parfois gratuit tées aux opérations bancaires quoti-
diennes (comptes, paiements, cartes)
Aucun doute, les offres bancaires sur smartphones d’utilisation.  En tête, CSX de Credit Suisse et Yuh, pour devront chercher des revenus supplé-
sont plus avantageuses que les traditionnelles. Ainsi, lesquels aucun frais n’est prélevé. Vient ensuite Neon mentaires», prévient l’expert. C’est
dans le top 5 des comptes bancaires les moins chers qui facture l’utilisateur entre 0 et 10 fr., puis Yapeal, ainsi que Yuh est la plus audacieuse:
de Moneyland ne figurent que des néobanques. Pour une autre fintech zurichoise, avec 49 fr., puis Zak, de elle est la plus risquée, mais aussi la
autant que le client se satisfasse d’un service qui ne la Banque Cler (75 fr.). Les offres traditionnelles qui plus prometteuse puisqu’elle permet
comprend pas d’argent en liquide (pas de retrait au suivent sont celles de Banque Migros (79 fr.), Cre- de faire des placements, y compris dans
bancomat sans frais). Le site de comparaison en ligne dit Suisse (110 fr.) et UBS (146 fr.). Les suivantes sont les cryptomonnaies. «Là, on peut faire
s’est concentré sur les tarifs pour la première année encore plus chères. n (M. F.) de l’argent», conclut-il. ■

Investir dans le bitcoin: les alternatives au «acheter et prier»

CRYPTOS En acheter et espérer
qu’elles montent peut se révéler
délicat, vu l’extrême volatilité du
bitcoin et de ses cousines. Des pro-
duits financiers apparaissent pour
se protéger. Trois stratégies made
in Switzerland
SÉBASTIEN RUCHE
t @sebruche
Tout le monde n’est pas un
«maximalist» ou un «hodler»,
ces partisans du bitcoin déter-
minés à ne jamais vendre leurs
précieuses cryptos. Des investis-
seurs peuvent vouloir se proté-
ger contre l’extrême volatilité de
la plus grande cryptomonnaie,
capable de perdre 10  0 00 dol-
lars en quelques heures, comme
le 19  mai.  De nouveaux outils
sont maintenant disponibles
pour investir dans le bitcoin
au-delà de la simple détention
de la crypto, avec l’espoir que
son cours progresse. Plus préci-
sément, des instruments et des
mécanismes classiques dans le
monde de la finance sont main-
tenant disponibles pour les actifs
cryptos.
«L’achat d’options put  sur le
bitcoin ou l’ether permet par
exemple à un détenteur de cryp-
tos qui s’attend à une baisse des
cours de protéger son portefeuille
sans devoir vendre», détaille Ste-
fan Schwitter, responsable des
solutions d’investissement chez
SEBA Bank, une banque spécia-
lisée dans les actifs numériques.
Coupon jusqu’à 50% annualisé
Dans le cadre de mandats de
gestion, la banque zougoise uti-
lise des produits dérivés tels
que des options put sur le bit-
coin ou l’ether. Un put confère
le droit de vendre un actif à un
certain prix et à une date fixée
à l’avance. La vente tactique de
puts a deux avantages, poursuit
Stefan Schwitter: «D’une part,
l’investisseur reçoit un coupon
qui dépend du prix d’exercice de
l’option et de la volatilité. Cette
dernière étant très élevée sur
les cryptos, ce coupon peut
atteindre 50% en rythme annua-
lisé. D’autre part, lors des pics de
volatilité, le prix des puts s’en-
vole, il est donc très intéressant
de les vendre.»
Alors que la vente de dérivés est
avant tout destinée aux investis-
seurs professionnels, l’achat de
dérivés pour protéger le porte-
feuille est très utile lorsque leur
prix est plus bas. Typiquement,
un client achètera des protec-
tions pour un montant représen-
tant entre 3 et 5% de son porte-
feuille. Les options existent depuis
environ deux ans sur le bitcoin et
depuis six mois sur l’ether.
Faire travailler ses bitcoins
Une autre possibilité consiste
à «faire travailler ses bitcoins, à
faire en sorte qu’ils génèrent un
rendement», avance pour sa part
Olivier Cohen, d’Altcoinomy, un
courtier genevois spécialisé dans
les cryptos. Le bitcoin ne produit
pas d’intérêt… sauf si on le prête à
un autre intermédiaire financier.
En pratique, «nous achetons des
bitcoins pour nos clients puis, sur
leur instruction, nous les prêtons
à d’autres acteurs institutionnels
régulés, qui nous versent un inté-
rêt d’environ 2,5% par an, dont
nous reversons 2% aux clients»,
précise le spécialiste, dont la
société a par ailleurs mis au point
une technique de récupération
des bitcoins sur des wallets dont
la clé a été perdue.
Ces emprunteurs peuvent avoir
momentanément besoin de bit-
coins pour constituer du collaté-
ral en vue d’obtenir un prêt. Les
emprunter permet de se protéger
contre une soudaine baisse des
cours, qui impliquerait de devoir
fournir davantage de collatéral.
Autre utilité, effectuer un arbitrage
sur un marché à terme comme le
Chicago Mercantile Exchange,
qui autorise le trading de futures
sur le bitcoin. «Ce dernier  se
trouve actuellement en situation
de contango, ce qui signifie que le
prix à terme est supérieur au prix
au comptant, dit spot. Un arbitrage
consiste donc à acheter au prix
spot et à s’engager à vendre à une
date future, à un prix plus élevé»,
poursuit Olivier Cohen.
Ce mécanisme est pratiqué
depuis longtemps sur les mar-
chés des matières premières.
Emprunter des bitcoins se révèle
moins coûteux que d’en acheter.
Cette stratégie est possible car
ces opérations n’impliquent pas
de livraisons physiques des bit-
coins, tout comme la majorité
des investisseurs dans le pétrole
ne prennent jamais livraison de
leurs barils. Altcoinomy a lancé
un certificat similaire sur l’ether
et un autre produit en franc, qui
rapporte jusqu’à 4% d’intérêt par
an.
Venture capital sur les alt coins
Enfin, se plonger dans le monde
des «alt coins», ces cryptos alter-
natives au bitcoin qui se sont mul-
tipliées ces dernières années,
offre un autre moyen de s’expo-
ser à ces actifs. «Des clients ins-
titutionnels comme des family
offices, qui détiennent déjà du
bitcoin, sont très intéressés par
ce genre d’investissement, qui
ressemble à du capital-risque.
C’est là que se situe beaucoup de
valeur», reprend Stefan Schwit-
ter, de SEBA Bank.
Parmi les milliers d’alt coins dis-
ponibles sur le marché, la banque
veut investir dans une dizaine de
projets, après avoir effectué une
analyse fondamentale comme le
ferait un investisseur dans une
start-up technologique. L’équipe,
son historique, la technologie
qu’elle développe, les capitaux
dont elle dispose: ces éléments
sont passés en revue par l’équipe
de recherche afin d’identifier les
success stories de demain.
Ces possibles pépites sont cher-
chées parmi les 75 plus grandes
capitalisations boursières dans le
monde des cryptos, ce qui corres-
pond à des valeurs allant de 1,3 à
plus de 60 milliards de dollars. Les
nombreux «shitcoins» présents
dans cette gamme sont naturelle-
ment exclus. Et la corrélation des
alt coins avec le bitcoin et l’ether,
la deuxième plus grande crypto-
monnaie, reste forte, conclut Ste-
fan Schwitter, «mais c’est une
classe d’actifs nouvelle et en pleine
expansion». ■
 LUNDI 31 MAI 2021
«Les banques naviguent en eau trouble»
TENDANCE L  a fintech est une chance pour le consommateur de services financiers, selon Guy de Blonay. Le gérant du fonds Jupiter
Financial Innovation estime que de nombreuses banques se transforment de plus en plus en groupes technologiques
PROPOS RECUEILLIS
PAR EMMANUEL GARRESSUS, ZURICH
t @garessus
Si les banques ne sont plus
attractives pour l’investisseur,
pourquoi ne pas s’intéresser aux
acteurs de l’innovation finan-
cière? C’est en partant du constat
d’une détérioration des perspec-
tives des banques traditionnelles
au sortir de la crise financière de
2008 que le gérant de fonds bri-
tannique Jupiter Fund Manage-
ment a lancé sa stratégie Jupiter
Financial Innovation. L’objectif
consiste à combiner les investis-
sements dans la fintech et dans
les banques traditionnelles. La
performance du fonds géré de
Londres depuis dix ans par le
Vaudois Guy de Blonay a été au
rendez-vous avec une plus-value
de 95,3% sur cinq ans (surperfor-
mance de 37% par rapport à l’in-
dice).
Les gains se sont élevés à 24%
l’an dernier, alors que l’indice
référence (MSCI World Financial
Index) reculait de 11,7%. La straté-
gie gère aujourd’hui 723 millions
d’euros, dans un groupe Jupiter
de 65,7 milliards d’euros d’actifs
gérés.
Jupiter Fund Management est
coté à la bourse de Londres. Créé
en 1985 par John Duffield, ce
dernier a vendu ses parts à Com-
merzbank en deux tranches, en
1995 puis 2000. Le management a
racheté le capital à la banque alle-
mande en 2007 avant d’entrer en
bourse en 2010.
A quelle étape de la transition
numérique des services financiers
sommes-nous aujourd’hui? Les
modèles des banques tradition-
nelles ont été sévèrement mis à
mal en raison des taux d’intérêt
extrêmement bas, en particulier
dès 2015. Certains établissements
sont sortis du lot en investissant
massivement dans la numérisa-
tion et en essayant de gagner des
parts de marché. La fin-
tech est apparue en
réponse à ces investisse-
ments massifs dans la
INTERVIEW
technologie. Les établis-
sements cherchaient à accroître
leur compétitivité, à offrir des
services moins chers et plus effi-
caces ainsi qu’un confort d’utili-
sation supérieur pour le client.
Les taux bas et l’abondance de
liquidités ont permis aux innova-
teurs de trouver les fonds néces-
saires pour leur développement.
En supposant que le monde entier
deviendra, à terme, entièrement
numérique, nous pourrions pen-
ser que nous n’en sommes qu’au
début de ce développement. En
termes d’innovation, les dix pro-
chaines années seront sans doute
encore plus fructueuses que les
cinq dernières.
Les fintechs sont les partenaires des
banques, sans en devenir des adver-
saires. Les frontières entre ces deux
mondes ne vont-elles pas dispa-
raître? Est-ce que Swissquote est
une banque ou une plateforme tech-
nologique? Le nouveau patron
d’UBS, alors à la tête d’ING, avait
déclaré que son ambition de chan-
gement consistait à passer d’une
banque avec une licence bancaire
à une entreprise technologique
au bénéfice d’une licence ban-
caire.
JPMorgan et Bank of Ame-
rica, ces cinq dernières années,
ont investi plus de 10% de leurs
revenus dans les nouvelles tech-
nologies et le maintien de leur
infrastructure existante. Pour
JPMorgan, cela représente 10 mil-
liards de dollars par an, pour
Bank of America 15 milliards de
LE TEMPS
Aujourd’hui, les banques traditionnelles ne sont plus assez attractives pour les investisseurs. (TOBY MELVILLE/REUTERS)
dollars. Avec de tels montants,
nous naviguons en eau trouble.
Nous ne savons plus guère si ce
sont des banques ou des plate-
formes technologiques. Dans le
cas de Swissquote, l’incertitude
est réelle.
Swissquote a créé une néobanque
avec PostFinance. Quel est l’avenir
des néobanques? L’avenir appar-
tient aux banques en ligne. Toutes
les banques finiront probable-
ment par créer leur néobanque,
sans succursales, sans vieille
infrastructure, où tout business
sera entrepris entière-
ment numériquement.
La question consiste à
savoir si la Suisse est
prête à se transformer en
un système financier entièrement
numérique, à l’image de la Suède.
Cela ne sera pas le cas dans l’im-
médiat, mais la tendance est
nette. Les changements sont
innombrables, mais des forces
séculaires sont assez claires, à
commencer par l’emploi du
smartphone par les jeunes ou l’in-
clusion financière.
«Toutes les
banques finiront
probablement
par créer
leur néobanque,
sans succursales,
sans vieille
infrastructure»
Un éclaircissement de la situation
est-il en vue? Je m’attends à davan-
tage de clarté ces cinq prochaines
années. L’exemple asiatique peut
nous inspirer. Le régulateur
chinois est intervenu pour cana-
liser la croissance d’Ant Group, la
filiale financière d’Alibaba, dans
son développement d’une super
app financière capable de suivre
toutes les décisions financières
de l’individu de l’adolescence à la
retraite. Une app financière per-
mettra de répondre à tous les
besoins à partir d’un smartphone,
des questions d’assurance aux
paiements.
Square ou PayPal aux Etats-Unis
partagent la même ambition. Ces
derniers groupes sont appelés des
fintechs, mais certains grands
établissements comme JPMorgan
partagent aussi la même vision.
Ceux-ci aussi ajoutent sans cesse
de nouveaux services, pour en
faire une plateforme technolo-
gique.
La culture et la réglementation
varient. Que pensez-vous des
rythmes de numérisation différents
entre une banque suisse et PayPal
par exemple? J’ai longtemps dis-
cuté, dans le passé, avec Pascal
Kiener, le directeur général de la
BCV, sur ses objectifs en la
matière. Je constate que son but
n’est pas de développer un écosys-
tème complètement numérique
mais d’être toujours à l’écoute de
ses clients et d’imaginer les ser-
vices qui leur conviennent le
mieux. Une banque ne doit pas
voler plus haut que son client.
Pour des raisons culturelles, à
savoir les besoins des clients, la
situation est donc différente entre
Alibaba, PayPal et une banque
suisse. Les freins au changement
sont culturels. La régulation ne
fait que s’adapter à la culture.
Votre portefeuille fintech est, à plus
des trois quarts, composé de socié-
tés américaines. Pourquoi faites-
vous un pari sur les Etats-Unis? Les
raisons de la composition du
fonds sont nombreuses, les pre-
mières sont d’ordre macroécono-
mique. Les perspectives de crois-
sance sont supérieures
outre-Atlantique. La concentra-
tion des fintechs cotées dont l’am-
bition est globale est supérieure
aux Etats-Unis.
En Europe, les candidats
sérieux se profilent à l’horizon,
mais peu sont cotés. Nous sui-
vons attentivement le dévelop-
pement de nombreuses fintechs
non cotées, pour être prêts à les
aider avant, pendant ou après
l’introduction en bourse. Gar-
der le contact avec l’évolution du
GUY DE BLONAY
GÉRANT DU FONDS
JUPITER FINANCIAL
INNOVATION
marché et des technologies nou-
velles reste crucial.
Pourquoi PayPal était votre pre-
mière position en portefeuille et ne
l’est plus aujourd’hui? Le change-
ment d’environnement écono-
mique, avec l’arrivée des vaccins,
nous a amenés à modifier quelque
peu nos portefeuilles. Nous avons
pris nos bénéfices dans certaines
valeurs technologiques très per-
formantes durant l’année de la
pandémie parce qu’elles ont pro-
fité d’un besoin de numérisation
exceptionnel et que leur valorisa-
tion a parfois atteint un niveau
stratosphérique. Avec la réouver-
ture des marchés, le risque de
hausse des taux s’est accru. Il nous
a amenés à réduire des titres
comme PayPal. Au niveau de l’in-
novation et de l’ambition, cette
dernière est, avec 392 millions
d’utilisateurs actifs et 30 millions
de marchands, l’équivalent occi-
dental d’Ant Group en Chine, avec
son milliard d’utilisateurs. A long
terme, PayPal reste une référence.
La question porte bien sûr sur la
valorisation.
Aucun groupe financier ne figure
dans les GAFA. Est-ce que ces géants
du Net vont se lancer dans la fintech
et dépasser JPMorgan ou Goldman
Sachs? Il est possible que des
géants comme Amazon capita-
lisent sur la loyauté de leurs uti-
lisateurs. Aux Etats-Unis par
exemple, la moitié de la popula-
tion a adopté Amazon Prime.
Cette entreprise est un géant du
commerce en ligne qui offre
toutes sortes de produits. Cette
confiance a de la valeur. La régu-
lation paraît être la principale
barrière à son ambition d’acqué-
rir une licence bancaire. Les par-
tenariats devraient donc conti-
nuer à se succéder. Amazon
coopère avec NatWest et Vanquis,
dans les cartes de crédit, et Gold-
Lundi Finance 19
man Sachs avec Apple pour des
cartes de crédit. PayPal s’est
récemment allié avec Barclays
pour gérer sa clientèle.
Comment distinguez-vous entre
votre critère cyclique et la tendance
à la numérisation dans vos choix de
titres? Notre fonds exploite aussi
bien l’aspect cyclique de la banque
traditionnelle que la fintech pure.
La remontée des taux d’intérêt
leur fera profiter d’une hausse
plus que proportionnelle du béné-
fice quand les revenus augmente-
ront (levier opérationnel).
«Il sera intéressant
de voir si Ralph
Hamers arrivera
à transformer
le Wealth
Management
d’UBS en un leader
numérique,
peut-être du style
Ant Group»
Nous voulons être capables de
profiter de tout environnement
économique. Mais chaque banque
a son histoire, son ambition. Cette
dernière décennie, beaucoup
d’établissements ont enduré tant
bien que mal un environnement
relativement hostile souvent
lié aux taux bas, une régulation
plus stricte, dans certains cas des
amendes à payer et une structure
de coût trop élevée. Les organes
dirigeants ont aussi changé.
Le nouveau patron d’UBS, à
l’époque chez ING, a transformé
son établissement en banque
numérique avec plus d’un tiers
des clients en contact avec la
banque exclusivement via leur
smartphone. Il sera intéressant
de voir si Ralph Hamers arrivera
à transformer le Wealth Manage-
ment d’UBS en un leader numé-
rique, peut-être du style Ant
Group.
PROFIL
1970 Naissance à Genève.
1994 Certificat en gestion
d’actifs, Londres.
1995-2001 Gérant de fonds,
Jupiter Asset Management,
Londres.
2001-2009 Gérant de fonds,
New Star Asset Management,
Londres.
2009 Gérant de fonds,
Henderson Asset Management,
Londres.
Depuis 2010 Gérant de fonds,
Jupiter Asset Management,
Londres.
Est-ce que la présence d’activités
dans les cryptomonnaies est un
atout ou un handicap pour un éta-
blissement financier? Les mêmes
causes provoquent les mêmes
effets. Dans un cadre de liquidités
abondantes, sous l’effet des
banques centrales et des plans de
relance, des excès financiers sont
inévitables, comme l’est (ou
l’était) l’euphorie sur le bitcoin et
les sociétés qui y sont actives. Les
monnaies numériques sont ins-
tallées pour durer, mais la ques-
tion est posée sur l’évaluation des
cryptos.
Dans l’après-covid, l’innovation
aidera à réduire les coûts. Est-ce que
les honoraires des clients seront
revus à la hausse dans un environ-
nement d’inflation? L’évolution
des honoraires bancaires dépend
avant tout de la concurrence.
Avec l’arrivée de nouveaux
acteurs sur le marché hypothé-
caire par exemple et l’augmenta-
tion de la transparence dans ce
sous-secteur, les marges ont
baissé. Les institutions réagissent
en limitant leurs dépenses. L’aug-
mentation des affaires des
banques va compenser la baisse
des marges, d’autant que les pro-
visions diminueront avec la
reprise économique.
Est-ce que le consommateur de ser-
vices financiers appartient aux
gagnants de la hausse des taux d’in-
térêt et du développement de la
numérisation? Le consommateur
en ressortira gagnant. Le prix
continuera à baisser dans la majo-
rité des services. Les opportuni-
tés de choix et d’accès à la finance
vont s’accroître, au profit du
consommateur. Les entreprises
continueront, elles, à investir
dans les nouvelles technologies et
à adapter leur modèle.
Est-ce qu’avec la fintech, l’inves-
tisseur affronte un nouveau pro-
blème éthique avec l’automatisa-
tion des décisions? Existe-t-il une
perte de responsabilité du ban-
quier et de l’épargnant si un algo-
rithme décide d’acheter un titre?
Je ne crois pas aux robots conseil-
lers, mais l’intelligence artificielle
conserve sa place dans les tâches
les plus simples. Les décisions les
plus importantes resteront de la
responsabilité de l’être humain.
L’automatisation va se poursuivre
tant en finance que dans d’autres
domaines, comme les services
juridiques ou l’assurance. Les
cas complexes nécessiteront tou-
jours une interaction humaine.
La super app d’Ant Group fait
très peu appel à l’homme pour
les tâches simples, mais il est le
fruit d’un processus d’apprentis-
sage. ■

20 Économie
PROPOSÉ PAR
Pour une gestion d’actifs suisse influente
FINANCE Stefan Bichsel a été un pilier de la gestion d’actifs en Suisse. Début 2021, il a quitté son rôle de chef de la division
Asset Management et Trading et de Direction Générale de la BCV
VANESSA A. HAERRY
Comment voyez-vous l’avenir de
l’asset management en Suisse, et
quels seront ses plus grands défis
pour continuer à faire de la Suisse
une place financière qui se dis-
tingue à nouveau? Les acteurs
suisses de la gestion d’actifs
doivent savoir être utiles et se
donner les moyens de l’excel-
lence. Il faut être meilleur que la
concurrence internationale et
pas uniquement nationale car,
tout comme le droit, la gestion
d’actifs n’a plus de frontières.
L’asset management suisse peut
réussir à se repositionner en
force si son ambition est d’opti-
miser son offre plutôt que ses
revenus. Il faut pouvoir montrer
aux clients les impacts possibles
de leur choix.
La maladie de l’époque est de
donner la priorité à une commu-
nication d’apparence. Si le
«Le fonds de
placement est
réglementé pour
protéger le
porteur de part
(ou investisseur),
ce dernier ne s’en
rendant souvent
pas compte»
contenu est faible, elle est juste
suffisante pour créer une percep-
tion positive mais ne pourra per-
durer, car de nos jours tout se
compare. Nous devons nous ren-
forcer en nous imposant des
ambitions plus élevées qu’ail-
leurs, aider par exemple le client
à calibrer son ambition ESG,
utiliser toutes les nouvelles tech-
nologies et connaissances à notre
disposition et dégager du temps
pour construire une relation de
qualité avec les clients.
Qu’est-ce qui doit changer sur la
place financière Suisse? Nous
avons la chance d’avoir un point
de départ fort avec des volumes
sous gestion importants. Cela
nous permet de financer notre
évolution. Il ne faut pas oublier
que notre marché de la gestion
d’actifs est atypique, avec un côté
international très important et
un côté domestique qui l’est tout
autant.
Nous sommes bons dans la pro-
duction de produits financiers et
pour obtenir des résultats per-
formants. Nous sommes excel-
lents dans la gestion des clients
internationaux fortunés aux
patrimoines sophistiqués. Nous
devons rester connectés à l’inter-
national tout en ne négligeant pas
la clientèle suisse, privée et ins-
titutionnelle, en nous concen-
trant sur le moteur qui anime le
tout, les processus solides de la
gestion d’actifs et les rendements
convaincants qui en découlent.
Stefan Bichsel, Président du Conseil d’administration Gérifonds SA. LL.M. Georgetown - Washington DC, barreau de New-York et du Connecticut. (BERTRAND COTTET)
Qu’avez-vous appris de détermi-
nant lors de vos études aux Etats-
Unis? Très vite, durant mes
études, je me suis rendu compte
que le droit était, à l’époque, une
activité géographiquement limi-
tée, et cela m’a convaincu de
poursuivre mes études aux Etats-
Unis. Comprendre les deux sys-
tèmes de droit a élargi mon hori-
zon et m’a apporté un avantage
très précieux. Savoir comment
interagir avec des avocats anglo-
saxons est indispensable lors-
qu’on souhaite évoluer dans le
secteur financier. Si on com-
prend leurs démarches et on
parle leur langage, on obtient
plus facilement ce dont on a
besoin, évitant d’être noyé sous
une documentation à rallonge
astucieusement préparée par des
équipes très coûteuses.
Vous avez été président de l’EFAMA
(European Fund and Asset Mana-
gement Association) et de l’actuel
AMAS (Asset Management Associa-
tion Switzerland, anciennement
SFAMA), qu’avez-vous fait pour
l’industrie? Le fonds de placement
est réglementé pour protéger le
porteur de part (ou investisseur),
ce dernier ne s’en rendant sou-
vent pas compte. C’est d’ailleurs
pourquoi le métier de la direction
de fonds s’effectue dans une
entité légale distincte de celle de
la gestion, et son devoir est de
défendre en tout temps les inté-
rêts des investisseurs.
En Suisse, nous avons intro-
CHARTE ÉDITORIALE  Le contenu de cette page est réalisé par notre partenaire, sans implication de la rédaction du «Temps». Pour plus d’informations : www.letemps.ch/partenariats
duit, sous ma présidence, le code
de conduite pour les directions
de fonds. Pas forcément
populaires chez tout le
monde, ces règles ont
certainement contribué
INTERVIEW
au fait qu’il n’y a pas eu
d’accidents notables dans les
fonds suisses. Plus tard, notre
code a servi de modèle au niveau
européen – jolie reconnaissance.
A force de surréglementer les
fonds de placement, nous étions
arrivés en Suisse et en Europe à
la situation absurde où les pro-
duits financiers non ou moins
réglementés, constitués des
«L’asset management suisse peut
réussir à se repositionner en force
si son ambition est d’optimiser
son offre plutôt que ses revenus»
mêmes actifs mais sans protec-
tion, étaient plus faciles à vendre
aux clients que les fonds.
Après un lobbying très actif à
Bruxelles, nous avons obtenu que
les mêmes règles soient appli-
quées à tous les produits d’inves-
tissement destinés aux clients
privés.
Qu’en est-il du devoir d’information
envers les investisseurs? Cela a été
le sujet clé des dernières
décennies et, pour que
cela le soit toujours,
nous, l’industrie finan-
cière et le secteur de
l’enseignement, n’ont visible-
ment pas assez fait. Mais cela
dépend aussi de l’image que l’on
se fait de l’investisseur, soit un
adulte capable de se forger une
opinion sur la base d’informa-
tions pertinentes, soit un indi-
vidu ayant besoin de protection
en permanence. Personnelle-
ment j’adhère au premier modèle.
Ensuite il y a le choix entre l’exi-
gence d’une information perti-
nente ou complète. Les législa-
teurs ont opté pour l’information
complète, ce qui a globalement
engendré une multitude de docu-
ments et une augmentation des
coûts de production, mais pas
nécessairement amené de la
LE TEMPS
clarté. Finalement, de nouvelles
générations arrivent et leur façon
de s’informer est contemporaine,
les produits financiers sont de
plus en plus complexes et les
canaux d’accès sont multiples.
Quoi qu’il en soit, nous devons
avoir l’ambition d’employer un
langage et des prospectus com-
préhensibles pour tous. Si un
investisseur potentiel comprend
facilement le contenu, cela lui
donnera l’envie d’investir. Sim-
plicity is key.
Quelles sont pour vous les règles
fondamentales d’une bonne équipe
de gestion d’actifs? D’abord se
souvenir que nous sommes au
service des clients. Nous ne
sommes pas là pour nous faire
plaisir avec l’argent confié ou
mener des croisades acadé-
miques. En priorité il faut se
concentrer sur le client, ensuite
faire preuve de discipline ou de
rigueur, si vous préférez. Penser
bien faire ne suffit pas et avoir
tous les jours une autre idée est
carrément un poison pour la per-
formance. Dans le secteur immo-
bilier, il est coutume de dire
«location, location, location».
Dans la gestion d’actifs, la règle
est simple: «discipline, disci-
pline, discipline». Je suis ama-
teur d’une approche d’équipe
compétente et complémentaire
basée sur un processus clair et
transparent plutôt que de croire
en un système qui met en valeur
des individus au rang de stars.
LUNDI 31 MAI 2021
Au firmament de notre métier,
les étoiles fixes sont bien plus
rares que les étoiles filantes.
Que répondez-vous aux personnes
qui pensent que la gestion passive
donne de meilleurs résultats que la
gestion active? Avec la gestion
passive, ce n’est jamais une catas-
trophe mais jamais un exploit
non plus. Faire uniquement de la
gestion passive, qui a ses mérites,
signifie renoncer à prendre la
responsabilité d’un effort pour
battre les indices. Ce n’est certes
pas facile mais pourtant possible
et une des grandes satisfactions
de ce métier.
Quels aspects de la gestion d’actifs
vous paraissent les plus profitables
sur le long terme pour des investis-
seurs institutionnels ou pour des
investisseurs privés et retail, et
pourquoi? Cela va paraître banal,
mais après bientôt quarante ans
passés dans ce secteur, je n’ai pas
vu mieux sur la durée qu’un bon
mandat balancé, aussi bien pour
un client institutionnel que
privé. Avoir des investissements
diversifiés, alloués de façon rai-
sonnable, tout en restant investi
sur le long terme sont les fonda-
tions d’une bonne gestion. Cela
me donne à nouveau l’occasion
de recommander l’emploi des
fonds de placement, qui s’y
prêtent bien, et, faut-il le rappe-
ler, sont les seuls produits finan-
ciers entièrement réglementés
dans l’intérêt des investisseurs.
La Suisse doit-elle se doter de stan-
dards propres? Vous soulevez un
point crucial. La Suisse ne doit
pas inventer ses propres stan-
dards, mais d’abord intégrer les
standards internationaux large-
ment reconnus et viser à démon-
trer la qualité de nos expertises
par rapport à ceux-ci. Ensuite on
peut aller plus loin dans l’appli-
cation ou le développement de
certaines normes, notamment
ESG. Je pense que notre place
financière a un rôle important et
crédible à jouer dans ce dernier
domaine, mais pour cela il faut
(enfin) occuper le terrain, mener
les débats dans un contexte inter-
national et devenir un leader plus
exigeant en gestion d’investisse-
ments ESG. Les initiatives dans
ce sens sont heureusement en
route.
Un dernier conseil pour la relève
en gestion d’actifs en Suisse?
Comme je l’ai évoqué plusieurs
fois, il faut avant tout se concen-
trer sur les clients et la bonne
compréhension de leurs besoins
et de leurs attentes; attention,
car ce n’est pas forcément la
même chose. Sans clients satis-
faits, pas d’actifs à gérer. Les
générations changent, leurs
besoins et leurs souhaits évo-
luent. Il faut véritablement saisir
ces mutations le plus vite pos-
sible, car les nouvelles généra-
tions sont très bien informées et
sont plus exigeantes. Le contexte
a passablement changé. Je veux
à nouveau parler des investisse-
ments de type ESG. C’est pour-
quoi il va falloir offrir de vrais
produits ESG dont les critères
seront astreignants, mesurables
et mesurés, et compris des
clients. ■
 LUNDI 31 MAI 2021 LE TEMPS

Economie 21

SOLENN PAULIC, BRUXELLES a lui aussi mis en garde Bruxelles

«Nous avons accompagné cette
région tout au long de la lutte
contre la pandémie.» En visite
début mai à Belgrade lors de sa
tournée dans les Balkans occi-
dentaux, le commissaire européen
au Voisinage et à l’Elargissement,
Oliver Varhelyi, avait visiblement
besoin de communiquer sur l’ac-
tion de l’Union européenne (UE)
face au Covid-19. Et il y a annoncé
la livraison de 651 000 doses à la
région, en plus du mécanisme
Covax qui a fourni, pour l’heure,
617 000 doses à la Bosnie-Herzé-
govine, à l'Albanie, au Kosovo, à la
Macédoine du Nord, au Monténé-
gro et à la Serbie. Une annonce qui
serait anodine si elle n’avait pas été
faite dans ce dernier pays qui a jus-
tement largement aidé à vacciner
ses voisins grâce à du Pfizer mais
surtout du Spoutnik V et beau-
coup de Sinopharm, dopant ainsi
la popularité de la Chine.
Fin avril, la Commission a d’ail-
leurs tiré la sonnette d’alarme avec
un rapport dénonçant la désin-
formation «agressive» de la Chine
et de la Russie, assurant que les
Vingt-Sept auraient complètement
abandonné la zone. Les ministres
des Affaires étrangères de l’UE
ont été saisis de ces problèmes
le 10 mai et le haut représentant
Josep Borrell a lui dîné le 18 mai
à Bruxelles avec les dirigeants de
fin avril: sans attention redoublée
vers cette zone, «le vide sera com-
blé par quelqu’un d’autre».
L’Union européenne reste de
loin le premier investisseur et
partenaire commercial dans les
Balkans. Elle a encore adopté en
octobre un plan de 9 milliards d’eu-
ros pour soutenir leurs économies
et un mécanisme pouvant lever
jusqu’à 20 milliards d’investisse-
ments pour financer entre autres
des infrastructures de transport.
«La Chine,
qui ne respecte ni
les règles sociales
environnementales
ni celles contre
la corruption,
peut promettre
une autoroute
en deux ans»
LOÏC TRÉGOURÈS,
UNIVERSITÉ CATHOLIQUE DE PARIS
Mais le succès est mitigé et, rap-
pelle Loïc Trégourès, les projets
Le Monténégro, qui n’arrive pas à rembourser un prêt chinois pour la construction d’une autoroute, a demandé une aide européenne, sans succès. (SAVO PRELEVIC/AFP) financés par l’Union européenne
«prennent des années» quand

Pékin, nouveau défi pour

ces pays pour faire le point sur les la Chine, qui ne respecte «ni les
moyens de répondre aux besoins règles sociales, environnemen-
de leurs habitants et de bâtir pour tales ou de lutte contre la corrup-
eux des «récits positifs». tion, peut promettre une autoroute
en deux ans». Un plus offrant allé-

Bruxelles dans les Balkans

Les Serbes plébiscitent Pékin
L’Union européenne peut s’in-
quiéter. Fin 2020, selon le Belgrade
Center for Security Policy, 69,4%
des Serbes étaient ainsi d’avis que
la Chine leur avait fourni la plus
grande aide financière et humani-
taire contre le covid, quand 9,6%
des sondés citaient l’UE.
Un exemple récent a encore
un peu brouillé l’image de cette
dernière. Alors que le processus
d’élargissement piétine, le Mon-
ténégro, qui est l’Etat de la région
le mieux préparé à cette perspec-
tive, s’est vu refuser sa demande
d’aide financière à l’Europe pour
rembourser un prêt auprès d’une
banque chinoise pour un tronçon
d’autoroute. En cas de non-paie-
ment, la Chine pourra réclamer
des terres monténégrines en
échange.
Jusqu’ici, à Bruxelles, c’était
surtout l’influence russe dans
les processus démocratiques de
chant pour les dirigeants locaux
mais dangereux, comme le montre
l’exemple monténégrin. L’UE avait
«dit à ce pays de ne pas contracter
ce prêt, mais le laisser se débrouil-
ler seul n’est pas la solution»,
estime le politologue.
INFLUENCE Il est évident que l’Union euro-
péenne doit être «beaucoup plus
Accusée d’abandonner les pays de la région face à la pandémie, l’Union européenne allante et mieux communiquer
sur ce qu’elle fait» dans cette zone
peine à formuler une vision claire pour des pays pourtant appelés à la rejoindre. Elle fragile exposée aux puissances
doit surtout composer désormais avec des acteurs étrangers, en particulier la Chine étrangères, souligne de son côté
l’eurodéputée française Natha-
lie Loiseau, y compris en termes
la région qui avait concentré l’at- faire. Une commission spéciale du ans occidentaux sont arrimés à y a «une sorte d’idée acquise que d’image. Car elle est «timide et
tention. Face à la Chine, la défense Parlement européen présidée par l’UE et bénéficient de fonds euro- l’intégration à l’Union européenne en retard». Mais les dirigeants
des intérêts industriels straté- Raphaël Glucksmann a cependant péens et de projets. «Mais il n’y se fera un jour et réglera tout; il locaux «complaisants» jouant sur
giques des Vingt-Sept débute à vu le jour en 2020 pour faire la liste a aucune  vision stratégique», n’y a donc pas de débat», analyse les deux tableaux limitent aussi
peine. Mais s’il existe une cellule de tous les types d’interférences. concède-t-il. le chercheur. Il s’étonne de cette son action. Sans compter les diri-
dédiée à la désinformation russe Pour Loïc Trégourès, qui inertie alors que l’UE avait à ses geants européens comme Viktor
– et son influence en Ukraine ou enseigne les sciences politiques à Ventre mou de l’Europe portes, et bien avant l’irruption Orban, promoteur du train Buda-
en Biélorussie –, il n’y a pas d’équi- l’Université catholique de Paris, il Plusieurs raisons à cela: cette de la Chine, un acteur russe «qui pest-Belgrade soutenu par la Chine
valent pour la Chine. Josep Borrell est faux de dire que l’Union euro- zone, sorte de ventre mou géo- sait lui très bien ce qu’il veut dans et lui-même vacciné au Sino-
a même récemment indiqué qu’il péenne a abandonné la région graphique, présente moins d’in- la région». Le président de la Macé- pharm, qui n’aident pas Bruxelles
n’avait ni budget, ni mandat pour le pendant la pandémie. Les Balk- térêts géopolitiques urgents et il doine du Nord, Stevo Pendarovski, à envoyer un message clair. ■

Comme créancière, la Chine n’a pas bonne presse EN BREF

DETTE P  ékin finance l’aménagement
de routes, rails, ports et autres
infrastructures à coups de milliards
de dollars à l’étranger. Une étude l’ac-
cuse d’opacité dans ses conditions de
prêts. L’agence de notation Standard
& Poor’s ne s’en offusque pas
RAM ETWAREEA
t @rametwareea
Il n’est pas évident de cerner de façon
précise l’ampleur des sommes que les
pays pauvres doivent à la Chine. Pékin
ne publie pas de registre de ses prêts.
De son côté, le Fonds monétaire inter-
national (FMI), gardienne de l’écono-
mie mondiale, se contente de four-
nir une montagne de statistiques. En
revanche, une étude critique, How
China Lends* publiée en mars par
trois institutions occidentales, révèle
que les conditions des prêts accor-
dés à des pays en Afrique, en Asie, en
Europe de l’Est et centrale ainsi qu’en
Amérique du Sud ne sont pas transpa-
rentes. «Au fil des années, la Chine est
devenue, selon nos propres calculs, la
première créancière dépassant même
les institutions financières comme la
Banque mondiale et le FMI», affirme
Sebastian Horn, l’un des auteurs de
l’étude.
Selon l’étude, l’opacité autour des
prêts chinois freine les négociations
en cours par les Etats et les institu-
tions internationales pour la restruc-
turation de la dette. Ce processus s’im-
pose du fait que les économies ont été
sévèrement frappées par la pandémie
du Covid-19, réduisant leur capacité
d’honorer les dettes. Sebastian Horn
précise que les prêts chinois ont baissé
ces dernières années. «Désormais,
nous sommes dans une situation où
le flux de capitaux des pays en déve-
loppement est favorable à la Chine»,
dit-il.
Des conditions secrètes
Sebastian Horn et ses collègues ont
décortiqué 100 contrats pour un mon-
tant de 36,6 milliards de dollars signés
entre 2014 et 2020 par des agences
gouvernementales chinoises (China
Export-Import Bank et China Deve-
lopment Bank) et 24 pays emprun-
teurs dont l’Angola, le Ghana, le Nige-
ria, l’Ethiopie, le Mozambique, la
République démocratique du Congo,
le Venezuela, le Cambodge et le Kirghi-
zistan. Le premier élément qui ressort
de 38 des 100 transactions concerne
les clauses de confidentialité. Cela
rend difficile aux autres créanciers et
aux agences de notation de connaître
la vraie situation financière de pays
débiteurs. «Les autres pays prê-
teurs, la France par exemple, ont les
mêmes clauses restrictives, mais la
Chine arrive en tête parmi les pires,
dit le chercheur allemand. Il est tout
de même vrai que les prêts chinois
portent sur un taux d’intérêt plutôt
bas, entre 2 et 3% avec une maturité
allant de 15 à 20 ans.»
L’histoire de la Chine prêteuse a
débuté il y a une vingtaine d’années,
à partir du moment où elle avait accu-
mulé des montagnes de réserves. Les
clients n’étaient pas difficiles à trou-
«Les autres pays
prêteurs, la France
par exemple, ont
les mêmes clauses
restrictives, mais
la Chine arrive
parmi les pires»
SEBASTIAN HORN, COAUTEUR DE L’ÉTUDE
HOW CHINA LENDS
ver. «Elle a prêté largement pour les
infrastructures, notamment à des pays
africains qui en avaient besoin, relève
Ravi Bhatia, directeur de l'agence de
notation Standard & Poor’s à Londres.
Pékin est  aujourd’hui  devenu un
créancier normal et comparable à tout
autre bailleur de fonds.»
Le manque de transparence n’est-il
pas un problème lorsqu’il s’agit de
noter un pays qui s’est endetté vis-à-
vis de la Chine? «Pour notre analyse,
c’est important de connaître non seu-
lement le montant de la dette, répond
le directeur de S&P Global Ratings.
D’autres éléments (capacité de rem-
boursement, stabilité des institutions,
politique fiscale, PIB/habitant, etc.)
sont tout aussi essentiels pour éva-
luer la situation financière d’un pays
et sa capacité d’honorer ses créances.»
Pékin n’est pas insensible à la crise
de l’endettement qui est devenu insup-
portable pour de nombreux pays,
encore plus dans le sillage de la pan-
démie. Il participe aux initiatives du
G20 au sein du Club de Paris pour sus-
pendre le paiement du service de la
dette pour l’année 2020-21. «Cela est
un grand progrès même si la Chine
maintient une indépendance pour
pouvoir agir de façon unilatérale»,
commente Ravi Bhatia. Au total, 73
pays sont qualifiés à bénéficier du
moratoire, selon une note du FMI.
Quarante pays ont utilisé cette facilité
pour un montant de 5 milliards de dol-
lars. A elle seule, la Chine a suspendu
le remboursement de 1,3 milliard de
dollars. ■
* Publiée par le Center for Global Deve-
lopment, le Kiel Institute for the World
Economy et le Peterson Institute for
International Economics.
La Samaritaine rouvre
Après seize ans de fermeture, La
Samaritaine rouvre ses portes au public
le 19 juin au terme de multiples
péripéties et d’un chantier colossal qui
aura coûté 750 millions d’euros, a-t-on
appris auprès de son propriétaire le
groupe LVMH. Fermé en 2005 pour des
raisons de sécurité liées à sa vétusté, le
célèbre magasin de la rue de Rivoli à
Paris devait rouvrir en 2020 pour son
150e anniversaire. La pandémie aura
reporté d’un an l’événement. AFP
Déficit record en France
Le déficit du budget de l’Etat en France
va atteindre en 2021 un nouveau record
après celui de 2020, en raison des
dépenses massives engagées pour
soutenir la reprise de l’économie affaiblie
par l’épidémie de Covid-19, a déclaré
samedi le ministre des Comptes publics
Olivier Dussopt. AFP
L’OPEP se réunit
L’Organisation des pays exportateurs de
pétrole (OPEP) réunit mardi ses
membres et leurs dix alliés, avec à la clé
une probable nouvelle hausse de sa
production de pétrole à la faveur d’une
demande qui repart. AFP
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

22 Carnet du jour

DEUIL TÉLÉPHONES UTILES

NUMÉROS D’URGENCE Hôpital de Nyon: Morges, av. de Vertou 8,
Urgences santé/Ambulances: Tél. 144 Tél. 022 994 61 61 Tél. 021 801 23 43
Police Secours: Tél. 117 Hôpital du Pays-d’Enhaut, Bière: Tél. 021 809 51 60
Sauvetage du lac: Tél. 117 Château-d’Œx: Tél. 026 923 43 43 Nyon: Tél. 022 361 05 05
Pompiers: Tél. 118 Policlinique médicale universitaire:
Perroy: Tél. 021 825 30 40
Secours routier: Tél. 140 Tél. 021 314 60 60
La Main tendue: Tél. 143 Gavillet SA Pompes funèbres:
Permanence PMU-Flon:
Centre d’information toxicologique: Tél. 021 314 90 90 Montreux, avenue des Alpes 90bis,
Tél. 145 Tél. 021 963 27 32
Aide pour enfants Pro Juventute: FRIBOURG Vevey: Tél. 021 922 89 11
Tél. 147 Hôpital cantonal: Générales SA:
REGA: Tél. 1414 Tél. 026 306 00 00 Montreux, avenue des Alpes 90bis,
Air Glaciers: Tél. 021 963 10 43
Tél. 1415 NEUCHÂTEL
Hôpital Pourtalès: Vevey, boulevard Paderewski 12,
Tél. 032 713 30 00 Tél. 021 922 89 13
HÔPITAUX ET CLINIQUES
Hôpital La Chaux-de-Fonds: Le Sépey, route de Leysin 35,
GENÈVE Tél. 032 967 21 11 Tél. 024 491 18 51
HUG: Hôpital de la Providence: Echallens, Grand-Rue 7,
Tél. 022 372 33 11 Urgences médicales et chirurgicales Tél. 021 882 20 22
HUG Urgences adultes: Tél. 032 720 30 46 Lucens, avenue de la Vignette 25,
Tél. 022 372 81 20 Clinique de la Tour, La Chaux-de-Fonds: Tél. 021 906 60 44
HUG Urgences de gynécologie et Tél. 032 930 30 00
Lausanne, rue du Maupas 6,
d’obstétrique: Clinique Montbrillant,
Tél. 022 372 42 36 La Chaux-de-Fonds: Tél. 021 342 20 20
HUG Urgences ophtalmologiques: Tél. 032 910 094 00 Pérusset SA: Orbe., rue Sainte-Claire 8,
Tél. 022 372 84 00 Tél. 024 441 32 78
HUG Urgences pédiatriques: VALAIS Pompes Funèbres de la Riviera:
Tél. 022 372 45 55 Hôpital de Sion: Tél. 027 603 40 00 Vevey, avenue Mayor-Vautier 22,
HUG Urgences psychiatriques: Hôpital de Sierre: Tél. 027 603 70 00 Tél. 021 922 69 00
Tél. 022 372 38 62 Hôpital Martigny: Tél. 027 603 90 00 Clarens, Tél. 021 961 11 12
HUG Prévention suicide: Hôpital Riviera-Chablais,
La Tour-de-Peilz, Tél. 021 944 50 80
Tél. 022 372 42 42 site de Rennaz: 058 773 21 12
HUG Ophtalmologie: Permanence médicale du Chablais: St-Légier-La Chiésaz, Tél. 021 943 53 00
Tél. 022 382 84 00 Route de Morgins 54, Monthey, Pompes Funèbres de Saint-Laurent SA:
Hôpital de La Tour: 058 773 11 46, ouverte du lundi Moudon. rue du Temple 6, Tél. 021 905 12 00
Tél. 022 719 61 11 au vendredi de 9h à 18h,
Centre médico-chirurgical Grand-Pré: avec ou sans rendez-vous. NEUCHÂTEL
Tél. 022 734 51 50 Wasserfallen Pompes Funèbres:
Centre Médical Eaux-Vives: JURA faubourg du Lac 11, Tél. 032 725 40 30.
022 737 47 47 Hôpital de Delémont:
Flühmann-Evard:
Clinique de Carouge: Tél. 032 421 21 21
Hôpital de Porrentruy: rue de la Maladière 16, Tél. 032 725 36 04
Tél. 022 309 45 45
Clinique La Colline, urgences: Tél. 032 465 65 65 Pompes Funèbres Flühmann-Evard,
Tél. 022 702 21 44 Couvet: Tél. 032 863 23 42.
Clinique Générale-Beaulieu: ADRESSES DE POMPES FUNÈBRES Accompagnement Guntert J.-F.
Tél. 022 839 54 15 EN SUISSE ROMANDE pompes funèbres SA,
Clinique des Grangettes: GENEVE La Chaux-de-Fonds: rue de Chasseral 79,
Tél. 022 305 01 11 Pompes Funèbres Officielles Ville Tél. 032 968 38 33
Urgences adultes: de Genève: Tél. 022 418 60 00
Pompes funèbres Yan Dubois, Couvet:
Tél. 022 305 07 77 Pompes Funèbres Générales Genève SA:
Tél. 022 342 30 60 Clos-Pury 7, Tél. 032 861 12 64
Urgences enfants:
Tél. 022 305 05 55 A. Murith SA: Tél. 022 809 56 00, Emery Pompes funèbres, Hauterive:
Clinique et permanence d’Onex: VAUD Rouges-Terres 1B, Tél. 032 841 18 00
Tél. 022 709 00 00 Pompes funèbres officielles Pompes Funèbres Horizon, Colombier:
Clinique dentaire de Genève: de la Ville de Lausanne: rue du Creux-du-Sable 20,
Tél. 022 735 73 35 Tél. 021 315 45 45 Tél. 032 842 18 42
Garde pédiatrique de Lancy: Blanchet & Wiesmann SA:
Tél. 022 879 57 00 (Jour) Renens, Tél. 021 636 13 13
JURA
Tél. 0844 022 022 (Soir sur RDV) Cossonay-Ville: Tél. 021 861 13 13
Nyon: Tél. 022 362 33 33 ARC-Jura Voisard SA:
SOS médecins à domicile: www.arc-jura-voisard.ch
Tél. 022 748 49 50 Cassar Pompes Funèbres SA:
Lausanne: rue du Tunnel 7, Bassecourt: Tél. 032 426 88 88
SOS Infirmières:
CARNET DU JOUR Tél. 022 420 24 64 Tél. 021 329 08 10.
Aigle: tél 024 466 46 56
Aubonne: Tél. 021 808 62 88
Delémont: rue de Fer 7,
Tél. 032 422 25 25
VAUD Porrentruy: Pompes Funèbres d’Ajoie SA,
CHUV: Bex: tél : 024 463 35 79 rue Pierre-Péquignat 46,
Pour tout faire-part de décès, l’avis de remerciement de la famille est offert Tél. 021 314 11 11 Carrouge: Tél. 021 903 26 24 Tél. 032 466 38 38
Hôpital de l’enfance, Lausanne: Corcelles-le-Jorat: Tél. 021 903 18 69
Saignelégier: Pompes Funèbres
Tél. 021 314 84 84 Château-d’Oex: Tél. 026 924 40 00
Chexbres: Tél. 021 946 24 01 Chaignat SA, rue de la Gruère 25,
Hôpital ophtalmique, Lausanne:
Echallens: Tél. 021 882 23 35 Tél. 032 951 24 51
Le Temps publicité: Tél. 021 626 81 11
Centrale téléphonique des médecins Froideville: Tél. 021 881 15 20
Tél. +41 58 269 29 00 de garde du canton de Vaud: Goumoens-la-Ville: Tél. 021 881 56 94 FRIBOURG (CANTON)
E-mail: carnets@letemps.ch LE TEMPS Tél. 0848 133 133 La Tour-de-Peilz: Tél. 021 944 00 54
Le Mont-sur-Lausanne:
Pompes Funèbres Générales
Centre de la main: Fribourg-Région Sàrl:
Tél. 021 314 25 50 Tél. 021 653 06 12 Fribourg: rue de Morat 54,
Clinique Cecil, Lausanne: Mézières: Tél. 021 903 23 38 Tél. 026 322 39 95
Tél. 021 310 50 00 Montreux: Tél. 021 964 46 46
Bulle: Tél. 026 913 97 07.
CONVOIS FUNÈBRES Clinique de Montchoisi, Lausanne:
Tél. 021 619 39 39
Morges: Tél. 021 801 06 08
Morrens: Tél. 021 731 16 55 Romont: Tél. 026 652 89 90
Clinique Bois-Cerf, Lausanne: Moudon: Tél. 021 905 28 28 Murith P. SA:
LAUSANNE NEUCHÂTEL Tél. 021 619 69 69 Nyon: Tél. 022 361 80 10 Fribourg: bd de Pérolles 27,
15 h : Le Locle – 14 h 30 : Clinique de La Source, Lausanne: Orbe: Tél. 024 441 15 55 Tél. 026 322 41 43
M. Philippe Martin ; Lausanne ; centre funéraire de Montoie, Mme Nathalie Erard ; Centre forestier du communal (en Tél. 021 641 33 33 Oron-la-Ville: Tél. 079 398 80 15 Corserey: les Pontets 10,
chapelle B. respectant les règles sanitaires). Clinique de Genolier: Rolle: Tél. 021 825 50 60 Tél. 026 470 19 94
Tél. 022 366 90 99 Villeneuve: Tél. 021 960 30 20 Domdidier: route de Saint-Aubin 6,
VAUD VALAIS Vuibroye: Tél. 021 907 79 18
Centre hospitalier Yverdon: Tél. 026 675 41 33
Montreux – 14 h : Martigny-Bourg – 10 h : Tél. 024 424 44 44 Yverdon-les-Bains: Tél. 024 425 27 27
Murten: Tél. 026 672 21 00
M. Edmond Millioud ; temple St-Vincent. M. Jean-Bernard Crettenand ; église Saint-Michel. Hôpital Saint-Loup: Eggs F. & Fils: Territet, av. de Chillon 74,
Tél. 021 963 44 24 Bestattungsdienst Josef Mülhauser:
FRIBOURG Dorénaz – 16 h : Tél. 021 866 51 11
Hôpital Orbe: Fischer Manfred Sàrl: Chavornay, Düdingen: Velgaweg 4,
La Roche – 14 h : Mme Monique Biollay ; église (en respectant les règles
Tél. 024 442 61 11 le Verneret 27A, Tél. 024 441 13 38 Tél. 026 493 30 46
M. Meinrad Kolly ; église (en respectant les règles sanitaires). sanitaires).
Hôpital La Vallée, le Sentier: Florideuil: Lausanne, Bestattungsdienste Raemy GmbH:
Font – 14 h 30 : GENÈVE Tél. 021 845 18 18 av.William-Fraisse 1, Giffers: Allmendstrasse 20,
Mme Marguerite Honegger-Porchet ; église (en respectant les Chêne-Bougeries – 10 h 30 : Hôpital Riviera-Chablais, Tél. 021 616 05 97 Tél. 026 418 14 29
règles sanitaires). Mme Gisèle Rollier-Bachmann ; temple. site de Rennaz: Funeradog: Pampigny.
Fribourg – 14 h 30 : Genève – 10 h : 058 773 21 12 rte de la Moutonnerie 3A, VALAIS
M. René Piller ; église Saint-Jean (en respectant les règles Mme Marilena Romagnolo ; église St-Jean 23. Centre hospitalier de La Côte, Morges: Tél. 021 800 08 33
Gay-Crosier & Terrettaz SA:
sanitaires). Tél. 021 804 22 11 Funesta: Aigle, rue de Jérusalem 2,
Genève – 14 h 15 : Martigny: rue D’Octodure 2,
Hôpital de Rolle: Tél. 024 471 91 91
JURA M. André Pittet ; centre funéraire de Saint-Georges. Tél. 021 822 11 11 François Schneiter et fils, Tél. 027 722 24 13.
Les Breuleux – 14 h : Genève – 16 h: Hôpital de Gilly: Tél. 021 822 47 00 Yverdon-les-Bains et environs: Pompes funèbres Pagliotti & Fils:
Mme Jeannette Donzé-Boillat ; église (en respectant les règles Mme Gabrielle Scaramuzza; église néo-apostolique, rue Clinique La Lignière, Gland: rue du Buron 2, Tél. 024 425 73 43. Martigny: av. du Grand-St-Bernard 66,
sanitaires). Liotard 14. Tél. 022 999 64 64 Gaillard et Pittet SA pompes Funèbres: Tél. 027 721 87 21

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 LUNDI 31 MAI 2021
VIRGINIE MALINGRE (LE MONDE)
Il n’a pas vraiment le style «maison». Mais,
un an et demi après avoir pris ses fonctions
de commissaire européen au Marché inté-
rieur, Thierry Breton s’est imposé dans le
paysage communautaire. Il est un signe qui
ne trompe pas: le Français a fait son entrée
sur les comptes satiriques des réseaux
sociaux consacrés à la bulle bruxelloise,
aux côtés des stars de l’Europe – Ursula von
der Leyen, la présidente de la Commission,
Charles Michel, son homologue du Conseil,
ou encore Margrethe Vestager, la
commissaire à la Concurrence.
Ancien ministre sous Jacques Chi-
rac, ingénieur de formation et plu-
PORTRAIT
sieurs fois patron, il n’a pas pour
autant adopté les codes de la sphère com-
munautaire. Le Français de 66 ans détonne
dans l’univers compassé de Bruxelles – où
l’on aime à valoriser l’expertise, la collégia-
lité et le respect des procédures –, où ses
longues tirades, son débit rapide ou ses fré-
quentes références à sa propre expérience
peuvent agacer. «Il trouve toujours une rai-
son de vous expliquer qu’il sait tout, qu’il
connaît tout le monde. Je ne suis toujours
pas capable de savoir s’il y croit vraiment
ou pas», note une source européenne. « Au
début, au Parlement européen, c’était un
peu un ovni. Il irritait plus qu’il ne convain-
quait. Aujourd’hui, c’est l’inverse », analyse
l’eurodéputé macroniste Pascal Canfin.
La crise sanitaire et les ratés de la stratégie
vaccinale européenne ont rebattu les cartes
en sa faveur. Fin janvier, l’Europe apparaît
tétanisée. Les vaccins manquent – AstraZe-
neca multiplie les retards – et la pandémie
enfle. Un mois après le Brexit, les relations
avec Londres sont au plus mal. Partout, on
accuse Bruxelles d’avoir failli. Aux abois,
après l’avoir tenu à l’écart du dossier des
vaccins, Ursula von der Leyen le charge, le
5 février, de réfléchir aux moyens de doper
la production.
Celui qui s’est fait connaître pour avoir
redressé successivement de grandes entre-
prises françaises comme Bull, Thomson
Multimedia, France Télécom et Atos – des
sociétés qui, après son départ, ont néan-
moins pu connaître des difficultés – n’aime
rien tant que les missions commandos. Avec
son passé d’industriel, d’homme politique
et sa force d’entraînement, c’est «l’homme
qui tombe à pic», s’amuse l’eurodéputée
Nathalie Loiseau, en référence à une série
américaine des années 1980.
Travail de déminage
Depuis, Thierry Breton s’emploie à
montrer une Europe à la manœuvre. Les
journées commencent à l’aube pour cet
homme au style de vie ascétique. A 5h, le
voilà déjà sur son vélo d’appartement ou
son rameur à écouter des MOOC (cours
en ligne) sur la physique quantique ou les
dernières trouvailles en mathématiques
– «quand il ne fait pas son sport, il est
insupportable», témoigne un ex-collègue
–, avant d’envoyer des messages à ses col-
laborateurs qui les découvriront au réveil.
Elles se poursuivent intensément, mais
rarement au-delà de 20h30.
Parallèlement à ce travail de déminage,
le commissaire procède à un état des lieux
et comprend vite qu’AstraZeneca est une
cause perdue. De fait, les Vingt-Sept se ver-
ront lésés de 200 millions de doses (sur
300 millions) au premier semestre. Mais
le commissaire sait mettre en scène son
action, à coups de tweets et d’interven-
tions médiatiques, et montrer une Europe
pugnace, comme en atteste la décision de
la Commission d’attaquer AstraZeneca en
justice.
Thierry Breton ne manque jamais de rap-
peler que les Européens ont interdit l’ex-
portation de 250 000 doses de ce vaccin
vers l’Australie, une opération symbolique
compte tenu de la faible quantité en jeu. Il
relate aussi volontiers la descente des ins-
pecteurs italiens dans l’usine AstraZeneca
d’Anagni (Italie) où étaient entreposées 29
LE TEMPS
Thierry Breton: «Je vais voir un à un l’ensemble des gouvernements européens pour leur donner les prévisions sur ce qui va arriver.» (AGNES DHERBEYS/MYOP)
Sur le front des vaccins
BRUXELLES A  66 ans, Thierry Breton détonne dans l’univers des institutions européennes.
Commissaire européen au Marché intérieur, chargé du suivi de l’approvisionnement en vaccins, l’ancien
ministre français a mis à profit son passé de grand patron pour s’imposer sur la scène bruxelloise
millions de doses, alimentant savamment
les doutes sur leur destination.
Puisqu’il n’y a rien à attendre d’AstraZe-
neca, Thierry Breton mise sur les autres
laboratoires, auxquels les Vingt-Sept
achètent des vaccins. Il visite les usines,
dont celle de Moderna à Lonza (Valais),
mais aussi les installations de Pfizer/BioN-
Tech et Johnson & Johnson. Il veut tout
savoir de leurs processus de production,
discute avec les sous-traitants et fait le tour
des fournisseurs. «Il connaît le monde du
business. C’est une compétence unique à
la Commission», se félicite Manfred Weber,
le président du groupe PPE (conservateurs)
au Parlement européen.
In fine, Thierry Breton identifie 53 sites à
même de participer à «l’effort de guerre» de
l’Europe pour produire des vaccins, contre
14 en décembre 2020. De quoi vacciner plu-
sieurs fois la population européenne et
affronter les futurs variants du virus. Avec
l’allemand BioNTech, le principal fournis-
seur des Européens, «c’est von der Leyen
qui a la ligne directe», nuance toutefois une
source européenne.
Un sens aigu de la communication
Qu’importe. Le commissaire s’active et le
fait savoir, avec un sens aigu de la commu-
nication qui confine parfois à la forfanterie.
«Je connais chaque usine du continent et je
sais ce qu’il s’y passe, déclare-t-il, bravache.
Je vais voir un à un l’ensemble des gouverne-
ments européens pour leur donner les pré-
visions de ce qui va arriver.» En mars, il s’est
rendu dans 13 capitales, avec ses calculs mis
en fiche, pour désamorcer les inquiétudes
et ramener sur le bateau européen ceux qui
songeaient à le quitter.
Après avoir été tenté de faire cavalier seul
et d’acheter des vaccins en dehors du méca-
nisme communautaire, Berlin est resté à
bord. La Hongrie a pris du Spoutnik V,
mais Rome, Luxembourg et Dublin, qui
hésitaient à se tourner vers Moscou, se
sont ravisés. Quant à l’Autriche et au Dane-
mark, ils n’ont pour l’heure pas concrétisé
leur projet d’alliance avec Israël. «On a évité
la contagion», estime Valère Moutarlier, le
chef de cabinet de Thierry Breton. Lequel
sait flatter aussi les pays partenaires, dont la
Confédération: «Compte tenu de son posi-
tionnement au cœur de l’Europe, des rela-
tions très privilégiées qu’elle entretient avec
l’Union européenne et de la présence très
forte d’industriels de la santé sur son sol,
la Suisse joue un rôle extrêmement impor-
tant», déclarait-il au Temps le 18 février lors
de son passage en Valais.
«L’Europe pourra produire plus de 3 mil-
liards de doses par an d’ici à la fin de l’an-
née», martèle, pour sa part, le commissaire.
Le message est clair: il a les choses en main,
les vaccins arrivent. A l’entendre, l’immu-
nité collective sera atteinte le… 14 juillet,
jour de fête nationale.
Et tant pis si Ursula von der Leyen évoque
une échéance plus lointaine («avant la fin
de l’été»). Thierry Breton ne s’embarrasse
pas des convenances. Lorsqu’au printemps
2020, les Européens se divisaient encore
sur l’idée d’un plan de relance et que Paris
militait, contre son avis et celui de Berlin,
pour plus de solidarité entre eux, sans en
avertir sa cheffe, Thierry Breton avait alors
convaincu son homologue à l’Economie,
Paolo Gentiloni, de signer avec lui une tri-
bune dans Le Monde, le 5 avril 2020, pour
défendre l’émission d’une dette commune
aux Vingt-Sept.
La présidente de la Commission l’a aussi
vu à l’œuvre avec Margrethe Vestager,
vice-présidente et, à ce titre, supérieure
hiérarchique de Thierry Breton. Entre
BILATÉRALES
«La Suisse? Un partenaire très important»
Le 19 février, Thierry Breton était
à Viège (Valais) pour visiter l’usine
de Lonza, qui fabrique le principe
actif du vaccin de Moderna. Deux
jours avant, la firme américaine
avait signé avec Bruxelles un contrat
portant sur quelque 300 millions de
doses, dont la moitié à fournir d’ici
à la fin de l’année. Interrogé par Le
Temps, il confie avoir trouvé dans
l’usine suisse «l’organisation très
attentive, méticuleuse, précise,
structurée, indispensable lorsqu’on
travaille aussi rapidement». Et sur la
Confédération, qui négociait encore,
alors, un hypothétique accord-cadre
ces deux-là, les relations sont abrasives.
«Breton, c’est un patron, rappelle Pascal
Canfin, il n’est pas vraiment calibré pour
être numéro trois dans la hiérarchie, c’est
normal que ça grince.»
«Il connaît le monde
du business. C’est
une compétence unique
à la Commission»
MANFRED WEBER, DÉPUTÉ EUROPÉEN
CONSERVATEUR
Sur le fond aussi, ils s’affrontent. Thierry
Breton défend la souveraineté européenne
– quitte à froisser les Etats-Unis ou à fâcher
la Chine – quand Margrethe Vestager hon-
nit le protectionnisme et vante les mérites
d’une concurrence loyale. Il veut pouvoir
démanteler les géants de la Silicon Valley
quand elle est d’abord atlantiste. Google,
d’ailleurs, ne s’y est pas trompé, qui, à l’au-
tomne 2020, pour influencer les futures
finalement abandonné le 26 mai?
«Compte tenu de son positionne-
ment au cœur de l’Europe, des rela-
tions très privilégiées qu’elle entre-
tient avec l’UE et de la présence très
forte d’industriels de la santé sur son
sol, la Suisse joue un rôle extrême-
ment important. C’est un partenaire
très important [...] Il est certain que
nous sommes entrés dans cette crise
en étant ce que nous étions, et que
nous en sortirons différents: plus
unis, plus solidaires [...] Tout ce qui
renforce notre coopération va dans
le bon sens.» Le message n’a pas
convaincu Berne. ■ LT
Eclairage 23
législations bruxelloises sur le numérique,
avait fomenté un plan de bataille contre le
Français, préférant miser sur la Danoise…
A Bruxelles, Thierry Breton peut exercer
ses talents de chef d’entreprise et de poli-
tique, et entretenir des liens avec les indus-
triels tout en parlant aux chefs d’Etat. Pour
cet homme qui aime à raconter ses multi-
ples vies (romancier, professeur, politique,
patron) et côtoyer les grands de ce monde
(combien de fois l’a-t-on entendu dire qu’il
est ami avec l’ex-ministre des Finances de
Bill Clinton, Larry Summers, ou qu’il a été
reçu chez le fondateur de Microsoft, Bill
Gates), c’est un fantastique terrain de jeu.
«Je n’exclus rien»
Fin 2019, il n’était pas le premier choix
d’Emmanuel Macron pour la Commis-
sion, et il a fallu que le Parlement européen
retoque la candidature de Sylvie Goulard
pour que l’Elysée pense à lui. Mais il était
légitime pour gérer l’énorme portefeuille
que revendiquait Paris (marché intérieur,
industrie, numérique, espace et défense), il
avait appelé à voter Macron dès le premier
tour en 2017 et il connaît bien les Allemands
depuis son passage à Bercy.
Le président français lui a téléphoné le
22 octobre 2019, interrompant son dîner
avec son épouse, pour lui proposer le poste.
Après une nuit de réflexion, Thierry Bre-
ton a accepté. Encore chez Atos, il avait
préparé sa succession à la tête de l’en-
treprise de services informatiques et ne
cachait pas son envie de revenir à des fonc-
tions plus politiques.
Son mandat s’achèvera le 1er décembre
2024. On l’imagine mal se retirer ensuite
dans sa maison au Sénégal, un pays qu’il a
découvert en 1981 lors de vacances avec sa
femme et auquel il est très attaché (il en a
d’ailleurs la nationalité). «Je n’exclus rien,
il est en pleine forme, et Biden a 78 ans»,
répond un observateur de la vie politique
française. «Il a de l’ambition», commente
un proche de l’Elysée, et «il entretient
ses réseaux à Paris». Après son passage à
Bruxelles, Thierry Breton a déjà prévu de
publier un livre – «un essai historico-po-
litique», nous dit-on – qu’il avait terminé
d’écrire avant d’être nommé. Et auquel il
n’est pas exclu qu’il ajoute quelques cha-
pitres. ■

24 Sport
Jason Dupasquier, une vie en trombe
CARNET NOIR L a mort dimanche du jeune pilote fribourgeois, victime la veille d’une chute sur le circuit du Mugello, est un drame
pour le monde de la moto. Elle fauche en pleine vitesse un jeune homme de 20 ans à peine, promis à un brillant avenir
LAURENT FAVRE
t @LaurentFavre
Depuis la veille, c’était une nou-
velle à laquelle on se préparait
tout en refusant de s’y résoudre.
Jason Dupasquier, le jeune pilote
fribourgeois de Moto3, est mort
dimanche 30 mai à l’hôpital Care-
ggi de Florence. Il n’a pas sur-
vécu à de graves lésions au tho-
rax et à la tête subies lors d’une
chute samedi, à la fin des quali-
fications du Grand Prix d’Italie,
sur le circuit du Mugello. Pilote
de l’écurie allemande PrüstelGP
(KTM) depuis 2020, il disputait sa
deuxième saison en GP et occu-
pait la dixième place du classe-
ment général. Jason Dupasquier
n’avait pas 20 ans.
Il disputait
sa deuxième
saison en GP
et occupait
la dixième place
du classement
général
Les accidents mortels, fré-
quents dans les courses de moto
des années  1970 et  1980, avec
notamment la mort de trois
pilotes suisses durant la saison
1983 – Michel Frutschi au Mans,
Rolf Rüttimann à Rijeka, Peter
Huber à Silverstone –, étaient
heureusement devenus plus
rares avec le renforcement des
combinaisons et la sécurisation
des abords des pistes. Lorsqu’ils
chutent, les pilotes glissent géné-
ralement vers l’extérieur sans
autres dommages que des contu-
sions et quelques brûlures. Mais
depuis une dizaine d’années, trois
drames ont rappelé combien ce
sport reste à la merci de l’im-
prévu: le Japonais Shoya Tomi-
zawa à Saint-Marin en 2010, l’Ita-
Chelsea remporte la Cup d’Europe
FOOTBALL L  a finale de la Ligue
des champions 100% anglaise,
remportée par Chelsea devant
Manchester City, a rappelé le
meilleur de la Cup, où les entraî-
neurs restent en tribune et où les
joueurs se donnent sans compter
sur le terrain
La finale 100% anglaise de
la Ligue des champions entre
les Blues de Chelsea et les Sky
Blues de Manchester City avait
un avant-goût de Brexit. Il faudra
peut-être s’y habituer (il y avait
déjà eu Liverpool-Tottenham en
2019) tant la Premier League s’im-
pose comme la seule super ligue
existante. On n’en attendait pas
grand-chose, ces chocs nationaux
déçoivent souvent (Real-Valence,
Bayern-Dortmund, Milan-Juven-
tus). Le match fut pauvre en
actions de but mais magnifique,
d’une intensité folle qui rappela
le meilleur du football anglais: la
finale de la Cup.
A Wembley, le terrain semblait
toujours immense parce que les
équipes jouaient à fond de la pre-
mière à la dernière minute et par-
venaient malgré cette activité de
tous les instants à garder une qua-
lité technique sous pression que
l’on ne voyait nulle part ailleurs
en Europe. Ce fut le même spec-
Jason Dupasquier était dixième du classement des pilotes lorsqu’il s’est présenté au Mugello. (MARCEL BIERI/KEYSTONE)
lien Marco Simoncelli à Sepang
en 2011, l’Espagnol Luis Salom
en 2016.
Une émotion considérable
A chaque fois, un choc violent
avec une moto, la leur ou celle
d’un autre concurrent. Samedi
au Mugello, Jason Dupasquier est
tombé entre les virages 9 et 10. Sa
première chute de la saison. Selon
des images des essais et les témoi-
gnages d’autres pilotes impli-
qués, le Japonais Ayumu Sasaki
et l’Espagnol Jeremy Alcoba, il
aurait été touché par au moins
tacle samedi soir à Porto, agré-
menté des couleurs et chants des
tribunes (14 000 spectateurs). Il y
eut très peu d’occasions franches,
et un seul but – une échappée de
Kai Havertz bien lancé par Mason
Mount (39e) – mais sans contes-
tation possible, le sentiment que
Chelsea était à ce moment précis
la meilleure équipe d’Europe.
Chance et persévérance
La finale de la Cup, c’était aussi
cette image des deux entraîneurs
en costume, un œillet à la bou-
tonnière, qui conduisaient leur
équipe sur le terrain avant d’aller
s’asseoir en tribune et de profiter
du spectacle. Une manière de rap-
peler que ce sont les joueurs qui
décident du match. Pep Guardiola
semble l’avoir oublié une fois de
plus au plus mauvais moment,
sans que l’on sache si sa propen-
sion à tenter des paris tactiques
hasardeux relève d’une sur-ana-
lyse, d’un trop grand stress ou
d’une volonté d’apposer sa signa-
ture en bas de chaque victoire. En
plaçant son meilleur buteur, Ilkay
Gundogan, en sentinelle, il affai-
blit doublement son équipe, dans
l’apport de solutions offensives et
dans le filtrage défensif.
Thomas Tuchel, lui, s’est
contenté de faire faire à son
une moto, avant de glisser ina-
nimé sur la piste. Soigné immé-
diatement à même la piste durant
une quarantaine de minutes, il
fut ensuite transporté par héli-
coptère au centre de traumatolo-
gie de l’hôpital Careggi, où il fut
opéré dans la nuit d’une «chirur-
gie thoracique pour une lésion
vasculaire», selon le communi-
qué médical. En vain.
Ce décès a causé une émotion
considérable dans le monde de
la moto, dans le milieu du sport
suisse et dans le canton de Fri-
bourg, où la famille Dupas-
équipe ce qu’il lui a appris à faire
depuis son arrivée à Londres en
janvier, un mois seulement après
avoir été licencié par le Paris-SG.
Certains ricanent en le voyant
triompher, tout comme le défen-
seur Thiago Silva, sorti sur bles-
sure en larmes (33e) mais fina-
lement en joie après, pour lui
aussi, des années de déboires à
Paris. C’est oublier que le suc-
cès réclame beaucoup de per-
sévérance et un peu de chance.
Ce Chelsea champion d’Eu-
rope incarne fort bien ce qu’est
aujourd’hui le football: un
monde hybride où cohabitent
des artistes et des artisans, des
logiques industrielles et des des-
tins particuliers.
A Londres, Tuchel n’a pas les
stars qu’il avait à Paris, mais il
dispose de 25 joueurs de très haut
niveau (8 ou 9 des remplaçants
étaient des titulaires réguliers il y
a peu). Le club mise autant spor-
tivement qu’économiquement sur
des jeunes à très haut potentiel,
surdoués de la filière de la forma-
tion encadrés et choyés dès l’ado-
lescence. C’est le cas des Anglais
Mason Mount, Tammy Abraham,
Callum Hudson Odoy et Reese
James (ces deux derniers jouaient
et perdaient il y a trois ans la finale
de la Youth League à Nyon), des
quier est connue et appréciée
depuis des générations pour ses
exploits au guidon de motos de
toutes sortes. Jason était le fils
de Philippe, héros local modeste
et populaire, 25 fois champion
de Suisse en motocross. Entre
sa sœur aînée Alison et son
cadet Bryan, il a grandi dans les
lumières blafardes de garage et
les odeurs de pneus neufs, du
deux-temps dans les veines.
En 2004, à 3 ans, il est déjà dans
les paddocks du Super Cross de
Palexpo, avec son père. A 6 ans, il
remporte ses premières courses
Allemands Kai Havertz et Timo
Werner (l’un des meilleurs joueurs
d’Europe sans ballon, mais nette-
ment moins à l’aise avec le ballon),
l’Américain Christian Pulisic.
L’exceptionnel Kanté
Ils sont encadrés par des joueurs
oubliés ou sous-estimés, qui ont
éclos sur le tard et tiré des diffi-
cultés traversées une force sup-
plémentaire. Le gardien Edouard
Mendy, au chômage il y a six ans,
le défenseur Thiago Silva, jugé
trop vieux par le PSG, l’avant-
centre Olivier Giroud (non aligné
en demi-finale et finale mais meil-
leur buteur du club en Ligue des
champions). Et puis il y a bien sûr
Ngolo Kanté, exceptionnel équi-
pier qui a ajouté à son impres-
sionnante ubiquité une capacité à
se projeter vers l’avant qui donne
le sentiment à ses partenaires «de
jouer à douze», comme l’a dit son
compatriote Olivier Giroud.
Dimanche matin, l’incorrigible
France du football se deman-
dait si Kanté ne pourrait pas
coiffer Kylian Mbappé et Karim
Benzema dans la course au Bal-
lon d'or une fois l’Euro 2020 rem-
porté par l’équipe de France. Les
Bleus feraient bien de se souvenir
qu’en cette saison particulière, les
favoris ont rarement gagné. ■ L. FE
LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021
à Malters (LU), en marge des
courses d’adulte que le paternel
court et, le plus souvent, gagne.
En 2009, «Kakeu» (son surnom
en Gruyère) annonce qu’il va s’oc-
cuper de son équipe de jeunes,
parmi lesquels figurent ses
enfants Alyson (10 ans) et Jason
(7 ans). En 2010, Jason remporte
sa première victoire en catégo-
rie Kids 65 cmc. En 2014, le voici
champion de Suisse de Super-
moto en Youngster 85 cmc. En
2015, il court à Silverstone, car
il préfère désormais le bitume à
la boue.
Le FC Sion s’en sort mais
peut se faire du souci
BARRAGE Les Valaisans s’in-
clinent à domicile (2-3) après avoir
fait l’essentiel jeudi en gagnant à
Thoune (1-4). Ils restent en Super
League au terme d’une saison
minimaliste
Jouer à se faire peur aura été
la marque de fabrique du FC
Sion jusqu’au bout de cette sai-
son 2020-2021. Derniers de la
27e à la 35e journée, les Valaisans
ont arraché in extremis un bar-
rage contre Thoune, qu’ils ont
largement battu chez lui jeudi
(1-4) avant de souffrir au retour à
Tourbillon jusqu’au coup de sif-
flet final. A domicile, ils se sont
inclinés 2-3 face à des Bernois
qui ont pu y croire avec le pre-
mier but très rapide de Dzonla-
gic (3e). Un doublé de Lupta, un
joueur prêté par Vérone, permit
ensuite à Sion de contrôler plus
ou moins la situation.
Avec la mentalité du FC Thoune,
Sion serait chaque année un can-
didat à l’Europe. Au lieu de cela,
le club sédunois finit régulière-
ment entre la 7e et la 9e place.
Les raisons sont désormais bien
connues: trop de joueurs doués
mais souvent sur le déclin, gras-
Au fil des années, ce n’est plus
Jason qui accompagne Philippe,
mais Philippe qui accompagne
Jason. Le père court encore mais
doit désormais partager les unes
avec son fils. La Liberté, qui les
suit de près, parle à partir de
2016 «des Dupasquier». L’his-
toire continue, autrement. Le
fils prend de l’assurance, le père
admet prendre «dix secondes au
tour». Sur circuit, Jason va plus
vite, son style est fluide, tout en
rythme. Philippe joue les sévères
car il est pudique. Et fier.
La mort prise de vitesse
Relire cette chronologie prend
avec le recul des airs de compte à
rebours fatal. Mais l’histoire n’est
pas écrite à l’avance et ces années
sont belles. Dures, mais belles. La
carrière de Jason devient un pro-
jet familial: il arrête l’école obliga-
toire, maman gère les emplois du
temps, les budgets, les voyages,
papa fait le manager et parfois
le mécano. En 2016, il vise le GP
Moto3 «dans les trois ans». Ce
sera quatre, en raison d’une sai-
son 2018  gâchée par une frac-
ture au fémur. En 2019, l’année
de ses 18 ans et de la retraite de
son père (à 45 ans!), il signe un
pré-contrat avec l’écurie Prues-
telGP. On ne le compare plus à son
père mais à Tom Lüthi, qui en fera
son protégé et le veillera sur son
lit de mort, renonçant à sa propre
course.
En 2020, Jason a deux saisons
pour convaincre. La première est
mitigée, dans le contexte parti-
culier du covid. La seconde, en
2021, le révèle au niveau mon-
dial: 10e puis 11e à Doha, 12e en
Algarve, 7e à Jerez, 13e au Mans.
Il est dixième du classement
des pilotes lorsqu’il se présente
au Mugello. Dimanche, après sa
victoire dans la catégorie reine
MotoGP, le Français Fabio Quar-
tararo, le meilleur pilote actuel,
s’est saisi d’un drapeau suisse.
Aussi rapide fût-elle, la mort n’a
pas eu le temps d’empêcher Jason
Dupasquier d’appartenir au
monde auquel il rêvait. ■
sement payés, qui sont d’autant
moins motivés à faire plus que le
minimum qu’ils savent que le pré-
sident s’en prendra d’abord à l’en-
traîneur, placé d’emblée en posi-
tion de faiblesse. Le «sauveur» du
printemps, Marco Walker, sera-
t-il encore en poste dans six mois?
Le ménage est fait
Christian Constantin serait bien
inspiré de regarder un peu ce qui
se fait ailleurs. Les deux autres
clubs romands, Servette et le
Lausanne-Sport, sont désormais
des institutions stables, saines
et bien gérées. En Suisse alé-
manique, Saint-Gall et Lucerne
sont dans le même cas, alors que
Young Boys, Bâle et le FC Zurich
disposent de moyens bien supé-
rieurs. Avec la disparition, ces
deux dernières saisons, de Neu-
châtel Xamax, Thoune et Vaduz,
il ne reste plus beaucoup de can-
didats d’office à la relégation. Et
l’on peut penser que Grasshop-
per va remonter avec des ambi-
tions. A Sion donc de prendre de
bonnes résolutions dès mainte-
nant, histoire de s’éviter de trem-
bler jusqu’au bout la saison pro-
chaine. ■ L. FE
 LUNDI 31 MAI 2021 LE TEMPS

Culture 25

Adriano Giannini,
le Joker à l’italienne
CINÉMA L  ’Italie garde la réputation de réaliser les meilleurs
doublages du monde. Rencontre avec l’une de ses stars, la voix
de l’ennemi juré de Batman, récompensée pour ses performances

ANTONINO GALOFARO, ROME
t @ToniGalofaro
«Je l’ai doublé avec du coton
et du papier hygiénique dans la
bouche, devant les dents», se rap-
pelle Adriano Giannini. Le strata-
gème permet à l’acteur de rendre
son articulation plus difficile. «La
voix devait remonter dans le nez et
dans le crâne», détaille-t-il encore.
Sur l’écran à l’intérieur de la cabine
de doublage, on voit Heath Led-
ger interpréter le Joker dans The
Dark Knight, de Christopher Nolan.
Il était alors primordial pour le
comédien italien de retranscrire
fidèlement dans la version tran-
salpine tous les aspects de la pres-
tation vocale de l’ennemi juré de
Batman. Même, et surtout, le son
inquiétant produit par la langue
lorsque le vilain lèche entre deux
menaces ses cicatrices.
Une affaire de famille
La performance lui vaudra en
2009 un Nastro d’argento du meil-
leur doublage, prix décerné par la
critique italienne… dix ans avant
d’être récompensé pour sa voix
prêtée à un autre Joker, celui inter-
prété par Joaquin Phoenix dans le
film de Todd Phillips. Lauréat en
2019 du Grand Prix du doublage,
Adriano Giannini confirmait ainsi
être l’un des meilleurs doubleurs
italiens. Et donc du monde, l’in-
dustrie italienne étant la plus répu-
tée autour du globe. Et pourtant,
avant même que l’interview ne
démarre vraiment, l’acteur lance
d’emblée qu’«il est bien plus beau
d’écouter les versions originales».
Dans sa voix à la fois grave, caver-
neuse, douce et amicale, il semble
presque regretter cette culture tout
italienne héritée de l’après-guerre,
lorsque les films américains défer-
laient sur la Péninsule.
Mais le Romain, qui a fêté ses
50 ans le 10 mai, tient particuliè-
rement à son activité de doubleur,
en parallèle à celle de comédien. «Il
faut exécuter un rôle déjà effectué,
d’une manière que l’on ne ferait pas
soi-même, résume simplement
Adriano Giannini. Il ne faut en
réalité rien inventer, mais copier
ce qui a déjà été fait. Cela veut dire
comprendre l’intention de l’acteur
et la restituer. Si l’on réus-
sit à disparaître derrière
son jeu, alors seulement le
doublage fonctionne.» Un
PORTRAIT
rapport différent au micro-
phone sépare par ailleurs les deux
métiers. Lors d’un doublage, «la
diction doit être plus précise et la
voix doit porter plus que d’habi-
tude.»
Le rapport à l’enregistreur rap-
pelle le récit agité de Tom Hanks
à propos du doublage des Toy
Story. Il racontait à la télévision
britannique, il y a quelque temps,
combien il est difficile de prêter
sa voix à Woody, un personnage
toujours très nerveux et mouve-
menté, sans pouvoir détacher ses
lèvres du micro. «Il faut regar-
der l’acteur, lire les dialogues que
«Il faut exécuter
un rôle déjà
effectué d’une
manière que
l’on ne ferait pas
soi-même»
ADRIANO GIANNINI, DOUBLEUR
l’on ne connaît pas par cœur tout
en écoutant au casque la voix ori-
ginale, se synchroniser avec elle,
respirer, relate Adriano Giannini.
Il faut faire en même temps cinq ou
six choses que l’on fait habituelle-
ment sur un tournage sans y pen-
ser.» Mais dans tous les cas, il s’agit
toujours seulement de récitation.
«C’est de cela qu’il est question et
c’est ce que j’essaie de faire.»
Le doublage est pour l’Italien une
affaire de famille. Son père, Gian-
carlo Giannini, fameux acteur et
réalisateur, et sa mère Livia Giam-
palmo, célèbre voix de Diane Kea-
ton, Jane Fonda ou encore Goldie
Hawn, se donnent carrément la
réplique dans Shining. Leur
interprétation en italien de
Jack Nicholson et de Shel-
ley Duvall impressionnera
jusqu’à Stanley Kubrick lui-
même, très attentif au doublage. Le
réalisateur leur enverra même une
lettre pour les remercier. «Il était
pour lui incroyable de pouvoir
rejoindre le niveau des deux acteurs
originaux», se rappelle leur fils.
Adriano Giannini connaît donc
bien les studios de doublage
depuis l’enfance. En attendant
surtout sa mère, il s’amusait dans
les salles de montage à composer
des bobines avec les restes de pel-
licules de plusieurs films. Il vit le
doublage dans les coulisses mais
sans jamais vraiment s’y intéres-
ser. Il préfère rester derrière la
caméra où, jusqu’à 30 ans, il sera
assistant opérateur aux côtés de
réalisateurs comme Giuseppe Tor-
natore, Ermanno Olmi ou encore
Anthony Minghella.
Il passe finalement devant l’ob-
jectif avec un premier film en
2001. Suivi de plus d’une vingtaine Adriano Giannini avait doublé des héros de Pedro Almodovar, de Steven Soderbergh ou de Christopher Nolan. (DANIELE BARRACO)
de productions, en Italie comme
à l’étranger, et autant à la télévi-
sion. «J’ai compris que je devais le choisira pour la voix de Fele Mar- s’ouvrait sur le visage de Benicio del remémore-t-il. Le risque avec un
apprendre aussi à doubler, détaille- tinez dans La Mauvaise Education. Toro, et uniquement lorsqu’il par- personnage «si excentrique, avec
t-il, car il faut être capable de se Le comédien apprend ainsi très lait, pour me permettre de le dou- autant de tonalités, à la voix tour
doubler soi-même dans les films vite à être spontané et à improvi- bler, détaille Adriano Giannini, à tour grave et aiguë, est de tom-
internationaux.» Il suit donc une ser. C’est rare qu’il reçoive le scé- amusé. Le doublage est devenu ber dans la caricature et de deve-
école pour se spécialiser. Et cette nario en avance. Il découvre tou- objectivement plus difficile.» nir grotesque, prévient l’acteur
carrière débute en même temps jours le texte en même temps que Le temps à disposition est si res- romain. Il faut respecter ses cou-
que celle d’acteur. Sa voix s’entend l’histoire et l’acteur. Sans compter treint que l’acteur confesse d’ail- leurs en le gardant le plus authen-
pour la première fois dans Traffic, avec un nouveau problème lié aux leurs ne pas s’être préparé pour tique possible.» Le pari est réussi
de Steven Soderbergh, sorti début nouvelles technologies. Par peur les deux voix primées du Joker. pour les deux Joker. Sans doute
2001. «J’ai fait ce que l’on appelle du piratage, les maisons de produc- Le doublage d’Heath Ledger n’a parce qu’il a le personnage dans le
du bourdonnement, raille-t-il: les tion envoient des copies en basse duré que deux jours. «J’ai dû énor- sang: son père Giancarlo, voix du
voix au loin, sous celles des prota- qualité ou coupées par des bandes mément me concentrer, je faisais même méchant incarné par Jack
gonistes. J’ai prêté ma voix à un ser- noires, ce qui complique encore le très attention à chacune de ses Nicholson dans le Batman de Tim
veur.» Il doit attendre trois ans pour travailleur du doubleur. «Sur Les respirations, chacune de ses hési- Burton, lui a simplement conseillé
un premier rôle. Pedro Almodovar Derniers Jedi, seul un diaphragme tations, de ses intonations», se de se divertir. ■

Les souvenirs éclatés de Christophe, esthète nyctalope

MUSIQUE L’auteur, compositeur
et interprète français, disparu le
16 avril 2020 à l’âge de 74 ans,
revient sur son parcours dans un
livre écrit entre 2011 et 2012 en
forme de puzzle de souvenirs
OLIVIER HORNER
box, avec la même ferveur que les
belles voitures, les 78 tours de rock,
blues ou jazz, les pellicules de films
en 35 mm qu’il projetait chez lui en
toute illégalité, les synthétiseurs
ou les bandes Revox d’heures d’in-
terviews qu’il réécoute à l’occasion
en quête d’inspiration. Par contre,
devenue une chanson plus variétés,
alors que je l’avais composée avec un
côté bluesy.» Le carton de la chan-
son lui offrira surtout sa première
voiture, une Austin Cooper S.
Christophe, fan d’Elvis, Bras-
sens et John Lee Hooker, découvre
alors les studios et les techniques
Route des mots. Artiste en camou-
flage, maître des échappées libres
et belles, chantre du «beau bizarre»
et adepte de l’électroacoustique
de Pierre Schaeffer, Christophe
revendique et assume encore son
côté dandy et sa différence dans ce
Vivre la nuit, rêver le jour qui lui va
qu’au radical rockeur Alan Vega,
c’est justement que «l’inconnu ne
(lui) a jamais fait peur. Il est même
devenu un mode de vie. C’est une
PUBLICITÉ
forme d’inconscience qui me per-
met de franchir les barrières.» ■
Christophe, «Vivre la nuit, rêver le jour»,
Ed. Denoël, 255 pages. ■

t @olivierhorner
«Je voulais que cette autobio-
graphie soit une correspondance
avec moi-même. […] Je veux seule-
ment redonner vie à des souvenirs
rares, inattendus. L’inconnu est la
route qui devrait primer dans toute
recherche personnelle», écrit Chris-
tophe en avant-propos. En 55 courts
chapitres comme autant d’instants
saisis et flashs de vie, Vivre la nuit,
rêver le jour revient donc de façon
éclatée sur le parcours artistique «à
trous», le chemin de vie sinueux de
cet enfant d’une famille italienne
aimante mais chaotique devenu
un artiste singulier.
Le défunt chanteur et musicien
s’y présente comme «un mec qui
a du charme, un beau parleur, un
beau menteur», qui aurait voulu
quand il était jeune se faire «enter-
rer dans un juke, forme en bois, très
haut, le Victory de Wurlitzer». Il les
a d’ailleurs collectionnés, les juke-
il réfute avoir été «un collection-
neur de femmes» et se voyait plu-
tôt comme «un fétichiste». Hormis
son épouse Véronique, la mère de
sa fille Lucie dont il se dit «le plus
fier alors qu’elle ne m’aime pas», les
femmes n’occupent qu’une portion
congrue de l’ouvrage.
Dans la lessiveuse
C’est pourtant un autre grand
amour plus furtif, la fameuse Aline
(Aline Natanovitch qui travaillait
comme assistante dentaire dans
un cabinet à Montparnasse), qui
lui inspire son premier succès en
1965. Une chanson-cri qu’il a com-
posée en une demi-heure à la gui-
tare dans une boutique vide appar-
tenant à son père à Juvisy-sur-Orge,
là où il est né Daniel Bevilacqua en
1945, «assis sur une caisse à outils
avec une certaine résonance en
tête». Seul regret confessé à propos
du tube qui a changé sa vie et qu’il
n’a toutefois jamais renié: «Aline est
d’enregistrement qui vont dura-
blement fasciner cet expérimenta-
teur sonore hors pair qui a publié
17 albums jusqu’en 2019, dont
ses deux ultimes disques consti-
tués de duos originaux. Celui qui
découvre «sa première chambre
d’écho» en se glissant dans la les-
siveuse en zinc de sa grand-mère
aura toujours des éclats de créati-
vité, capable de passer des années
sur les sons d’un album comme de
s’éclipser du paysage musical pen-
dant dix ans pour se consacrer à sa
passion du cinéma, à la pétanque
avec son ami Darry Cowl ou à celle
des chevaux quand il a manqué de
devenir jockey.
Mais ce sera toujours pour mieux
renaître à la musique. A l’image de
l’album Bevilacqua en 1996, brisant
un silence de seize ans et qui lui vau-
dra un public plus jeune, ou de son
retour en 2002 après vingt-sept ans
d’abstinence scénique avec un hal-
lucinant son et lumière intitulé La
comme le gant blanc de son Succès
fou (1983).
Riche de liberté davantage que
d’argent, comme il le rappelle,
n’ayant jamais cédé aux sirènes de
la célébrité, le chanteur français
conte aussi ici quelques mésaven-
tures savoureuses que lui ont values
ses penchants libertaires ou anti-
conformistes: retraits de permis,
gardes à vue, amendes, arnaques. A
l’image du poker qu’il a assidûment
pratiqué, on ne peut pas gagner à
tous les coups.
Mais dans son existence comme
dans sa quête de sons inouïs ou
d’évidences lexicales, Christophe
n’a cessé de chercher et provoquer
les beaux moments. Il appelait
cela joliment «la résonance de l’in-
connu». Si son esthétisme nyctalope
et ses émotions fulgurantes ont pu
prendre le chemin de Mots bleus ou
de Paradis perdus écrits par d’autres
ou par ses soins, qu’il s’est lié autant
au synthétique Jean-Michel Jarre
 LE TEMPS LUNDI 31 MAI 2021

26 Der

«On voit avec la pandémie qu’il y a une sorte de défiance envers la science qui a fait
son chemin dans le débat public. Pour moi, c’est catastrophique»
PROFIL
1974 N aissance à Grenoble.
1993  remier stage au Musée
P
cantonal de zoologie à Lausanne
avec Daniel Cherix.

1999 A ssistant doctorant à l’Unil

pour une thèse sur l’écologie
des fourmis des bois.

2005 A ssistant scientifique

pour un documentaire de la BBC
avec David Attenborough.

2007 D irecteur du Musée

d’histoire naturelle et du zoo
de la ville de La Chaux-de-Fonds.

Au bord du lac de Neuchâtel, les problématiques actuelles du

Arnaud Maeder est captivé par monde de la recherche.
les multiples taches colorées pré- Parmi les enjeux, le plus impor-
sentes sur l’écorce d’un arbre aux tant sera la lutte pour la connais-
abords du chemin. «Regardez ce sance scientifique. «On voit avec
tronc couvert de lichens, indique- la pandémie qu’il y a une sorte
t-il en pointant une grande tache de défiance envers la science qui
orange tapissant le bois. A en a fait son chemin dans le débat
juger par les couleurs, je dirais public, reconnaît-il. Pour moi,
qu’il y en a au moins quatre c’est catastrophique.» Face à la
espèces différentes.» désinformation présente sur les
Cette fascination pour la vie réseaux sociaux notamment,
sous toutes ses formes, c’est ce Arnaud Maeder voit le Muséum
qui le caractérise. Le monde sau- comme une barrière contre

vage le fait vibrer. «En traversant
une ville, je regarde et j’écoute les
oiseaux. En forêt je cherche les
fourmilières, parfois même sans
m’en rendre compte. Quand j’ob-
serve des chamois en randonnée,
j’entre dans un état quasi médi-
tatif.»
Un mentor, un ami
Cette curiosité permanente a
guidé la vie professionnelle du
naturaliste. Le premier mai 2021,
(JEAN-PAUL GUINNARD/24HEURES)
l’ignorance, en particulier pour
la sensibilisation aux problèmes
climatiques. «Je veux redonner
confiance au fait scientifique.»
Il refuse toutefois d’adopter une
démarche moralisatrice. «On
ne peut pas s’adresser au grand
public comme à des enfants. Je
souhaite offrir les connaissances
de base, qui permettent à qui le
souhaite de faire ses propres
Daniel Cherix. Entre les discus- entre recherche, terrain, conser- recherches.» Avec 300 000 visi-
sions sérieuses et son humour vation et animation. Il se rappelle teurs par an et une collection

Vulgarisateur
il prendra les rênes du Muséum pince-sans-rire, on passe toujours encore, en 2007, le moment où il de 15 millions de spécimens, le
d’histoire naturelle de Genève. du bon temps ensemble.» est tombé sur l’annonce pour le Muséum d’histoire naturelle de
Aboutissement évident d’une C’est d’ailleurs durant cette poste de direction des institu- Genève est un des plus populaires

carrière qui a été tracée dès son
plus jeune âge. Sa mère, directrice
adjointe d’une fédération de pro-
tection de la nature, ainsi que plu-
sieurs années aux éclaireurs font
naître en lui une forte sensibilité
à l’environnement. Ses études
s’orientent donc tout de suite vers
la biologie.
En 1993, il effectue son premier
stage au Musée cantonal de zoolo-
gie à Lausanne, en compagnie de
Daniel Cherix, conservateur du
musée et professeur à l’Université
de Lausanne (Unil), qui devient
son mentor et son ami. Quelques
années plus tard, il prend Arnaud
Maeder sous son aile et lui pro-
pose un doctorat sur les fourmis
des bois. «C’est très enrichissant
de travailler avec lui, se souvient
période qu’Arnaud Maeder
rencontre son idole, Sir David
Attenborough, vulgarisateur et
réalisateur de documentaires
scientifiques. «J’ai passé mon
enfance à l’écouter dans ses docu-
mentaires animaliers, déclare-
t-il. Dans mes plus grands rêves
d’étudiant en biologie, je n’aurais
jamais osé imaginer que je puisse
un jour lui parler et encore moins
le conseiller scientifiquement
dans le domaine des fourmis pour
un de ses films.» Une admiration
qui inspirera son intérêt pour la
vulgarisation.
A la suite de ses études, Arnaud
Maeder est chargé de cours à
l’Unil et de recherche au Musée de
zoologie. Il se qualifie lui-même
de pluridisciplinaire et jongle
du sauvage
tions zoologiques de La Chaux-de- du pays, une institution clé pour
Fonds. «J’ai vu le mot directeur, je la recherche et la vulgarisation.
me suis dit que ce n’était pas tout Arnaud Maeder aimerait d’ail-
de suite pour moi.» leurs lui offrir une notoriété
internationale. «Je rêve qu’il
Au nom du savoir devienne un passage obligé
ARNAUD MAEDER C’est Daniel Cherix qui va le pour les visiteurs de la ville.»
pousser à postuler. «J’ai fini par Mais comment le différencier
tout donner, et le rêve s’est réa- d’autres, comme ceux de Paris ou
L e futur directeur du Muséum lisé», lance Arnaud Maeder avec de Londres? C’est là le défi que le
d’histoire naturelle de Genève un sourire. Ces dix années à La naturaliste va affronter avec sa
Chaux-de-Fonds lui offrent alors future équipe. Pour le moment,
est un passionné de biologie depuis une nouvelle casquette: celle du il ne peut pas encore dévoiler
management. Le scientifique d’idées de projets, mais il sou-
sa plus tendre enfance. aime travailler en équipe et se haite que le Muséum soit une
Il défend l’environnement «nourrir du savoir des autres». expérience. «Pour moi, une visite
Aujourd’hui, c’est avec confiance est réussie lorsqu’un visiteur sort
et le savoir scientifique qu’il reprend la direction du en se disant non seulement qu’il
Muséum genevois. Impatient de a appris quelque chose, mais qu’il
MATTIA PILLONEL commencer, il a déjà des objectifs a envie de revenir pour le parta-
bien précis en tête, ancrés dans ger avec sa famille ou ses amis.» n

FRANCESCA SERRA l’heure actuelle il n’existe pas de législation exacte, premières cuvées officielles. Il évoque aussi l’enthou-
Un jour, une idée un vin nature n’a pas ou très peu de soufre, à part siasme de Jean-Christoph Piccard à Lutry qui, déjà
L’arcade oblongue a été élégamment investie. celui produit naturellement par les levures durant certifié «demeter», a tenté l’expérience d’une vinifica-

Nino, la nature Le bois de chêne domine dans cet espace aéré qui
débouche sur une petite cour verdoyante. «C’est un
la vinification. Alors que, dans les vins convention-
nels, les sulfites sont ajoutés systématiquement pour
tion radicalement naturelle en 2019 avec son chasse-
las «Less is more». Foulé aux pieds et cuvé avec peaux,

dans le flacon
style qui casse un peu les codes des cavistes tradition-
nels avec des bouteilles du sol au plafond, un choix
qui peut même intimider», explique Vincent de Fer-
luc qui a lancé Nino avec son complice Anand Batde-
ger. Pour présenter les crus du moment, l’îlot central
dans l’entrée a été composé en empilant de grosses
briques de béton. Un système ingénieux qui permet
d’être modulable, à la fois brut et malin, comme un
vin nature.
Pas d’ajout de produit en cave, ni de levures dites
sélectionnées, ni de sulfites, et pas de filtration, voilà
les caractéristiques principales des références pro-
(DR)
stabiliser un vin, pour les vignerons nature il n’est
qu’une boîte de secours», résume Vincent en nous
montrant au passage la couleur jaune trouble d’un
«Klettgauer Amphore», cru signé par le vigneron
alémanique Markus Ruch. Produites dans le canton
de Schaffhouse, ses bouteilles figurent dans la carte
de nombreux restaurants gastronomiques, dont le
légendaire Noma à Copenhague.
Parmi les vignerons romands, Vincent nous raconte
du domaine de Chambet dans le village de Gy où,
après trois ans pour compléter une reconversion en
biodynamique, Anthony Fonjallaz reprend les rênes
pépins et rafles, sa subtile acidité et son aromatique
de fruits exotiques ont plébiscité et pérennisé ce cru.
Notre caviste éclairé dément aussi le préjugé selon
lequel les vins naturels ne se garderaient pas. «C’est
du cas par cas. J’estime que les vins vivants évoluent
mieux en général, mais ils sont plus fragiles et néces-
sitent un plus grand soin de conservation. Un vin tra-
ditionnel peut être exposé une journée entière de
canicule sous le soleil sans bouger alors qu’un vin
nature pourrait, dans ce cas extrême, repartir en fer-
mentation.» n

posées, majoritairement suisse et françaises. «Si à du domaine familial et vient tout juste de lancer ses Caviste Nino, bd Saint-Georges 65, Genève, ma-sa, ninocave.com