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Écriture et prononciation du lao

L’écriture lao trouve son origine dans des adaptations du


système graphique khmer aux langues taï, dont l’exemple le
plus fameux est la graphie de Ramkhamhaeng, du nom d’un roi
de Sukhothaï de la fin du XIIIe siècle, l’écriture khmère étant
elle-même dérivée d’une écriture originaire du sud de l’Inde.
L’une ou l’autre de ces adaptations auraient ensuite été adoptées
dans les autres royaumes taï d’Ayutthaya (centre de la
Thaïlande) et de Luang Prabang, donnant respectivement
l’écriture thaï et l’écriture lao, qui, même si elles ont évolué
séparément, continuent de présenter nombre de caractéristiques
communes, notamment en ce qui concerne la notation des tons.

Parmi les autres graphies présentes au Laos, le tham (du pali


dhamma « doctrine ») est une écriture utilisée par les moines
pour écrire les textes bouddhiques, et de ce fait elle est connue
exclusivement de ceux qui ont eu une reçu une éducation
religieuse avancée. Les textes canoniques étant en pali, le tham
sert à noter aussi bien le pali que le lao. L’écriture lao et le tham
se rattachent aux écritures indiennes et présentent des procédés
de graphie très voisins, mais il faut noter que le tham a été
constitué à partir du style d’écriture des Môns, différent de celui
des Khmers, ce qui rapproche le tham de l’écriture birmane et
des écritures taï de Birmanie (shan, khuen), du nord de la
Thaïlande (kammueang) et du Sipsongpanna (lue).

L’écriture latine est présente au Laos sous diverses formes, avec


tout d’abord des romanisations du lao, en particulier dans les
noms de lieu. La romanisation quasi-officielle des toponymes,
héritée de l’époque coloniale, témoigne d’usages d’écriture
venant du français (« eu », « ou », « e final muet », etc.) et
parfois du vietnamien (« x » pour un « s », « ai » et « ay », se
lisant respectivement « aille » long et « aille » bref). La
romanisation de l’Institut Royal de Thaïlande, tout-à-fait
pertinente et adaptée, et des graphies plus ou moins rigoureuses
inspirées de l’anglais sont de plus en plus fréquentes.
44 LAO EXPRESS

On fera également état de l’utilisation de l’écriture latine par


des missionnaires étrangers pour noter des langues de groupes
ethniques sans tradition écrite avant que ne s’impose l’alphabet
phonétique international. On a en réalité affaire à des systèmes
de transcription, mais, dans certains cas, notamment chez les
(H)mong, la graphie ainsi constituée est devenue l’écriture
courante utilisée par les locuteurs alphabétisés. Ces
transcriptions peuvent comporter des règles d’écriture et de
lecture bien spécifiques, parfois complexes, dans la mesure où il
s’agissait au départ de transcrire les sons de la manière la plus
précise possible. Pour citer le seul exemple du mot « (h)mong »,
il s’écrit dans l’écriture (h)mong moob pour désigner les sous-
groupes ethniques mong, dont les représentants les plus connus
sont les Moob Ntsuab (prononcé mong ndjoua) « Mong verts »
ou les Moob Leej (mong léng) « Mong Leng », et hmoob,
lorsqu’il est question des Hmong, comme les Hmoob Dawb (ce
qui se lit mong daeu) ! Le lecteur francophone non initié, même
s’il a déjà appris plusieurs langues européennes, se trouve bien
en peine de déchiffrer et d’interpréter de telles graphies : hm
désigne en effet une nasale sourde par opposition à la nasale
sonore m, la double voyelle indique un phonème vocalique
suivi de la consonne nasale gutturale [ŋ], cependant que les
lettres finales b et j ne se lisent pas et notent les tons des
syllabes !

La réforme de l’écriture lao et son statut officiel


La prise du pouvoir par le Parti populaire révolutionnaire lao en
1975 s’est accompagnée d’une réforme de l’écriture lao dans le
sens d’une normalisation et d’une simplification. Il n’est en
particulier plus question de tenir compte de l’étymologie dans
les nombreux emprunts au sanskrit, au pali et au khmer, et la
graphie des mots ne doit comporter que les éléments de graphie
effectivement prononcés.

Il est d’autre part stipulé dans la Constitution et dans les


différents textes du gouvernement et du Parti concernant la
politique ethnique du pays que l’écriture lao est l’écriture
officielle du Laos, ce qui doit être interprété comme une
prescription s’appliquant à toutes les langues du pays. En cas de
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 45
diffusion, les transcriptions des langues ethniques doivent se
faire au moyen de l’écriture lao. Il en allait de même à l’époque
de la monarchie, mais, suite à des pratiques instaurées dans les
zones sous le contrôle des forces communistes du Pathet Lao
avant 1975, où l’on se mit à rédiger des avis administratifs et
des documents de propagande dans les langues des deux ethnies
les plus importantes du pays, le (h)mong et le kmhmu, en
recourant à la graphie lao, le nouveau régime encourage
explicitement, selon une résolution du parti de 1992 portant sur
la politique ethnique, les recherches de systèmes d’écriture
(h)mong et kmhmu fondées sur l’écriture lao. L’écriture
alphabétique des (H)mong dont nous avons fait état
précédemment n’en continue pas moins d’être utilisée, de
manière informelle, par les (H)mong du Laos et, de manière
assez systématique, dans la communication écrite (notamment
sur les réseaux sociaux d’internet) par les (H)mong de
l’étranger.

Caractéristiques générales et transcription de l’écriture lao


L’écriture lao, qui se lit horizontalement de gauche à droite, est
de nature syllabique. Le lao étant une langue à tendance
monosyllabique (les polysyllabes sont des emprunts au sanskrit,
au pali, au khmer ou encore au français et à l’anglais), les
syllabes y jouent un rôle équivalent à celui du mot en français.
Une des difficultés de l’écriture lao est que les mots ne sont pas
séparés les uns des autres par un espace. Un espace, lorsqu’il
survient, indique une pause plus ou moins importante. Enfin, il
n’existe pas en lao de lettres majuscules, ni en début de phrase,
ni pour les noms propres.

Nous avons adopté pour les mots et les phrases du guide de


conversation de ce livre une transcription fondée sur l’alphabet
phonétique international. Les tentatives de transcription du lao
fondées sur les habitudes graphiques du français ou de l’anglais
présentent en effet l’inconvénient d’enfermer les débutants en
lao dans des réflexes de déchiffrement et de syllabation qui ne
les aident pas véritablement dans leurs efforts en vue d’acquérir
des habitudes de prononciation foncièrement nouvelles.
46 LAO EXPRESS

Les syllabes
L’unité graphique de base est la syllabe consonne-voyelle (CV).
On insistera sur le fait que le lao ne connaît pas de voyelles
existant indépendamment d’une consonne antécédente. À
l’attaque vocalique du français correspond en lao une consonne
glottale non aspirée [ʔ] sur laquelle s’appuie la voyelle, tant
dans la prononciation que dans l’écriture.

L’adjonction graphique à la syllabe de base CV de consonnes


finales dépourvues de signe vocalique donne des syllabes
fermées CVC. Les schémas syllabiques CCV et CCVC existent
en lao, mais se limitent à quelques cas, notamment lorsque la
deuxième consonne est la semi-consonne [w].

Les consonnes
L’identification des consonnes à la lecture ne pose pas de
problèmes majeurs en lao : toutes les syllabes (CV ou CVC)
prononcées avec une consonne initiale identique présentent un
élément graphique clairement identifiable représentant cette
consonne. La véritable difficulté des consonnes en lao est dans
la coexistence de lettres distinctes, homophones d’une certaine
façon, pour le même phonème : l’écriture lao dispose en effet de
33 consonnes (27 si l’on compte seulement les consonnes
simples) pour seulement 20 phonèmes consonantiques.

Pour comprendre cette apparente redondance, il faut savoir que


les consonnes en lao se répartissent en trois classes, les
« moyennes », les « hautes » et les « basses ». L’appartenance
de la consonne initiale à telle ou telle classe donne en effet une
indication sur le ton de la syllabe, même si ce ton n’a pas grand
chose à voir avec les désignations indiquées ci-dessus.
Lorsqu’un même phonème consonantique est représenté par
deux consonnes de l’« alphabet lao », la première est
invariablement une consonne haute et la seconde une consonne
basse. Pour faciliter l’identification des consonnes dans la
transcription, nous avons choisi de noter les consonnes hautes
au moyen de majuscules, les basses correspondantes étant en
minuscules, procédé que nous empruntons aux travaux de
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 47
James R. Chamberlain, spécialiste reconnu du Laos et des
langues du groupe taï.

Les deux tableaux des pages suivantes présentent les 27


consonnes simples et les 6 consonnes composées du lao. Une
consonne s’épelle en lao au moyen de la voyelle [ɔɔ] et
précédée du mot ໂຕ [too] « corps (de la lettre), signe,
caractère », d’où une épellation ໂຕກໍ [too kɔɔ] « la lettre [kɔɔ] »
pour ກ, la première lettre de l’alphabet lao.

Lettre Prononciation Classe de la consonne,


(en écriture phonétique) notation utilisée dans ce
À l’initiale - En finale livre (autres transcriptions
Remarques de prononciation en usage au Laos)
ກ k - k moyenne k
k implosif en finale
ຂ kh - * haute kh

ຄ kh - * basse kh

ງ ŋ - ŋ basse ŋ
Comme ng en anglais (transcrite ng au Laos)
ຈ tɕ - * moyenne c
Comme ti + voyelle (tiare) (transcrite ch au Laos)
ສ s - * haute s
(transcrite s au Laos)
ຊ s - * basse s
(transcrite x au Laos)
ຍ ɲ - j** basse ɲ à l’initiale
Comme gn (oignon) à j en finale
l’initiale et ille (paille) en (transcrite nh à l’initiale et i
finale ou y en finale au Laos)
ດ d - t** moyenne d à l’initiale
t implosif en finale t en finale
(transcrite th en finale au
Laos)
ຕ t - * moyenne t
48 LAO EXPRESS

ຖ th - * haute th
Un t aspiré, pas le th anglais
ທ th - * basse th
Un t aspiré, pas le th anglais
ນ n - n basse n
(parfois transcrite nh en
finale au Laos)
ບ b - p** moyenne b à l’initiale
p implosif en finale p en finale
ປ p - * moyenne p

ຜ ph - * haute ph
Un p aspiré, pas f
ຝ f - * haute f

ພ ph - * basse ph
Un p aspiré, pas f
ຟ f - * basse f

ມ m - m basse m

ຢ j - * moyenne j
Comme y (yacht, yoga) (transcrite y au Laos)
ຣ l - * basse r
Lettre désuète : un r roulé,
désormais prononcé comme l
ລ l - * basse l

ວ w - w basse w
Un w, pas le v du français (transcrite v à l’initiale
et o en finale)
ຫ h - * haute h
Le h anglais (help, to hate)
ອ ʔ - * *** moyenne ʔ
Le h du français (les haricots)
ຮ h - * basse h
Le h anglais (help, to hate)
*Les consonnes autres que ກ, ງ, ຍ, ດ, ບ, ນ, ມ et ວ ne peuvent jamais
figurer en finale. **Les lecteurs noteront le changement de
prononciation des consonnes ຍ, ດ, ບ quand elles se trouvent en
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 49
position finale. ***Graphiquement, la lettre ອ [ʔ] ne figure pas en
finale, mais, phonétiquement, la consonne glottale non aspirée [ʔ]
existe aussi bien à l’initiale (transcrite ʔ dans ce livre) qu’en finale
(non notée dans notre transcription). À l’initiale, elle indique l’attaque
glottale de toute voyelle non portée par une autre consonne, cependant
qu’en finale, elle marque l’arrêt glottal de la prononciation de toutes
les voyelles brèves.

Les six consonnes composées du lao, que nous présentons


maintenant, sont six consonnes hautes que nous transcrivons Ƞ,
Ɲ, N, M, L et W. Leur graphie repose sur la combinaison de la
consonne haute H avec l’une des basses correspondantes (ŋ, ɲ,
n, m, l, w). Il ne s’agit toutefois pas de groupes consonantiques,
mais d’un artifice d’écriture permettant de générer des
consonnes hautes à partir de consonnes basses en leur préfixant
la haute H. Trois de ces « digrammes » (N, M et L) présentent
des procédés de jonction des consonnes qu’il faut savoir
identifier à la lecture.

ຫງ ŋ - *** haute Ƞ

ຫຍ ɲ - *** haute Ɲ

(ຫຽ*)
ໜ n - *** haute N

(ຫນ)
ໝ m - *** haute M

(ຫມ)
ຫຼ ** l - *** haute L

(ຫລ)
ຫວ w - *** haute W

*La graphie ຫຽ est sortie de l’usage au Laos. **La consonne


composée ຫຼ, où l’on notera la graphie souscrite de la lettre ລ, peut
également représenter la combinaison, théoriquement possible dans
50 LAO EXPRESS

l’ancien système d’écriture, de ຫ (H) et ຣ (r) – d’où une haute R – ce


qui explique pourquoi beaucoup de livres font état de sept consonnes
composées. ***Les consonnes composées sont toutes absentes de la
position finale.

On évoquera pour terminer le cas des groupes consonantiques


à l’initiale (syllabes CCV et CCVC). Phonétiquement, les seuls
groupes consonantiques possibles en début de syllabe sont ceux
dont la deuxième consonne est la semi-consonne [w], comme
dans les mots très usités ກວາ່ [kwaa1] « plus (que) », ຂວາ
[Khwaa] « à droite », ຄວາຍ [khwaaj] « buffle » ou ສວາຍ
[Swaaj] « fin de la matinée ». Dans l’écriture, les consonnes
initiales de ces groupes sont simplement juxtaposées. Un autre
cas est la graphie occasionnelle dans des mots d’origine
sanskrite ou dans des emprunts à l’anglais de groupes
consonantiques initiaux où la deuxième consonne, non
prononcée en lao, était un [l] ou un [r] : dans les mots tels que
ພຣະ [ph(r)a] « sacré, vénérable », ຄຼນ ີ ກິ [k(l)iinik] « cabinet
médical » et ບ ັດເຄຼດດິ (ou ບ ັດເຄຣດິດ) [bat kh(r)eedit] « carte de
crédit », le [l] ou le [r] subsistent dans l’écriture, soit sous la
forme d’une juxtaposition des lettres, soit par le recours à la
graphie souscrite de la deuxième consonne (comme dans la
consonne composée ຫຼ ). Dans la transcription que nous
utilisons, la deuxième consonne de ces groupes, qui est écrite
mais non prononcée, apparaît entre parenthèses.

Voyelles et diphtongues
On signalera que, depuis la réforme de l’écriture du nouveau
régime, les voyelles doivent toutes figurer dans la graphie, et il
y a une graphie unique et spécifique pour chaque phonème
vocalique. Le seul cas où l’on ne note pas la voyelle est celui
des abréviations, où il faut lire les consonnes comme lorsqu’on
épelle les lettres de l’alphabet, c’est-à-dire avec la voyelle [ɔɔ],
comme dans ປກສ [pɔɔ kɔɔ Sɔɔ], désignation courante de la
police et des forces de sécurité publique.
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 51
En dehors des abréviations et des lettres de l’alphabet, il
n’existe plus de cas de « voyelle inhérente » en lao. On pouvait
en effet trouver dans les graphies étymologiques une séquence
de trois consonnes dépourvues de tout signe vocalique, et il
fallait, comme c’est encore le cas en thaï, interpréter la lecture
au moyen d’un schéma syllabique CV-CVC, avec la voyelle [a]
dans la syllabe CV, puis la voyelle [ɔɔ] dans la syllabe CVC.
Les mots d’origine sanskrite comme l’exemple classique ນຄຣ
« ville » (nagara en sanskrit) font désormais l’objet d’une
graphie phonétique à la lao, d’où la graphie ນະຄອນ [nakhɔɔn].

Le lao ne dispose pas de lettres pour les voyelles au sens où


nous l’entendons en français, et il n’y a d’ailleurs pas de
voyelles dans l’« alphabet lao ». On note les voyelles en lao au
moyen de diacritiques. Le nombre considérable de ces signes
vocaliques – il y aurait ainsi une quarantaine de « voyelles »,
voire même plus de 50, si l’on en croit certains ouvrages – a de
quoi décourager les débutants au premier abord, sans compter
que les signes vocaliques peuvent se placer avant, après, au-
dessus ou encore au-dessous de la consonne.

La lecture et l’écriture des voyelles lao peuvent pourtant


s’apprendre assez rapidement, si l’on commence par identifier
les 12 timbres vocaliques de base de la langue lao : neuf
monophtongues ou voyelles simples ([a], [i], [ɯ], [u], [e], [ɛ],
[o], [ɔ] et [ɤ]) et trois diphtongues ([ia], [ɯa], [ua]). La
prononciation des voyelles lao ne pose pas de difficultés. Les
seuls timbres vocaliques nouveaux sont [ɯ] et [ɤ] : il ne s’agit
pas, comme on peut le lire ici ou là, d’équivalents du français u
et eu prononcés avec les lèvres étirées, mais en réalité d’une
prononciation des voyelles d’arrière sans l’arrondissement
labial. Le meilleur moyen d’obtenir une articulation correcte, et
audible des Lao, des voyelles [ɯ] et [ɤ], est de partir de ce que
l’on écrit ou [u] et ô [o] (« o fermé ») en français et de
s’entraîner à prononcer ces sons sans arrondir les lèvres.
Le lao connaît d’autre part une distinction pertinente des
voyelles brèves et des voyelles longues, d’où l’existence pour
52 LAO EXPRESS

chacun des douze timbres qui précèdent d’une réalisation brève


et d’une réalisation longue.
- En ce qui concerne les voyelles brèves, elles sont toutes
arrêtées en lao par l’occlusion glottale [Ɂ], qui n’apparaît pas
dans l’écriture et que nous avons choisi de ne pas noter dans la
transcription par souci de simplification.
- La durée des voyelles longues a été notée par le redoublement
du symbole phonétique utilisé pour chacune des voyelles : le [a]
long est ainsi noté [aa], et non pas [a:].

Quand on en vient à la graphie de chacune des 24 voyelles que


l’on a obtenues à partir de ce dédoublement des douze timbres
vocaliques de base, il faut garder à garder à l’esprit que la
notation des différentes voyelles peut différer selon que la
voyelle est suivie de l’une des consonnes pouvant figurer
graphiquement en finale ກ, ງ, ຍ, ດ, ບ, ນ, ມ et ວ (syllabe fermée
CVC, avec position « inter-consonantique » de la voyelle entre
une consonne initiale et l’une des consonnes finales possibles
dans la graphie lao) ou n’est pas suivie de l’une ou l’autre de
ces consonnes (syllabe ouverte CV, la voyelle se trouvant en
finale de syllabe).

Dans les tableaux qui suivent, celui des voyelles simples, puis
celui des diphtongues, nous indiquons le signe vocalique
correspondant à chacune des voyelles et la place qu’il occupe
par rapport à la consonne initiale de la syllabe. La graphie de
certaines voyelles et en particulier des diphtongues peut être
relativement complexe du fait de l’utilisation pour leur signe
vocalique respectif de plusieurs (deux, voire trois) diacritiques
et de la disposition de ces diacritiques à différents endroits
autour de la consonne.

Pour faciliter la lecture de ces tableaux, nous avons accompagné


chaque cas de l’exemple d’une syllabe théorique, CV
commençant par [k] (pour les voyelles en finale de syllabe) ou
CVC commençant et se terminant par [k] (pour les voyelles en
position inter-consonantique).
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 53
Voyelle Graphie de la voyelle en Graphie de la voyelle en
finale de syllabe (schéma position inter-consonantique
syllabique CV) (schéma syllabique CVC)
a ະ postposé ກະ ka ◌ ັ suscrit* ກ ັກ kak
aa າ postposé ກາ kaa າ postposé ກາກ kaak
i ◌ິ suscrit ກິ ki ◌ິ suscrit ກິກ kik
ii ◌ີ suscrit ກີ kii ◌ີ suscrit ກີກ kiik
ɯ ◌ຶ suscrit ກຶ kɯ ຶ ◌ suscrit ກຶກ kɯk
ɯɯ ◌ື suscrit ກື kɯɯ ື ◌ suscrit ກືກ kɯɯk
u (ou) ◌ຸ souscrit ກຸ ku ◌ຸ souscrit ກຸກ kuk
uu (ou ◌ູ souscrit ກູ kuu ◌ູ souscrit ກູກ kuuk
long)
e (é) ເ_ະ ເກະ ke ເ◌ ັ ເກັກ kek
ເ antéposé + ະ postposé ເ antéposé + ◌ ັ suscrit*
ee (é ເ antéposé ເກ kee ເ antéposé ເກກ keek
long)
ɛ (è) ແ_ະ ແກະ kɛ ແ◌ ັ ແກ ັກ kɛk
ເ antéposé + ະ postposé ແ antéposé + ◌ ັ suscrit*
ɛɛ (è ແ antéposé ແກ kɛɛ ແ antéposé ແກກ kɛɛk
long
o (ô, o ໂ_ະ ໂກະ ko ◌ ົ suscrit** ກ ົກ kok
fermé)
ໂ antéposé + ະ postposé
oo (ô ໂ antéposé ໂກ koo ໂ antéposé ໂກກ kook
long)
ɔ (o ເ_າະ ເກາະ kɔ ◌ ັອ ກ ັອກ kɔk
ouvert
de ເ antéposé + າະ postposé ◌ ັ suscrit* + ອ postposé
bord)
ɔɔ (o ◌ໍ suscrit ກໍ kɔɔ ອ postposé ກອກ kɔɔk
de
bord
long)
54 LAO EXPRESS

ɤ ເ◌ິ ເກິ kɤ ເ◌ິ ເກິກ kɤk


ເ antéposé + ◌ິ suscrit ເ antéposé + ◌ິ suscrit
ɤɤ ເ◌ີ ເກີ kɤɤ ເ◌ີ ເກີກ kɤɤk
ເ antéposé + ◌ີ suscrit ເ antéposé + ◌ີ suscrit
*Alors que chaque voyelle s’épelle précédée du mot ສະຫຼ ະ [SaLa]
« voyelle » (ສະຫຼ ະອາ [SaLa Ɂaa] « la voyelle [aa]), on épelle le signe
suscrit ◌ ັ ໄມກ ້ ັນ [maj2 kan] ou parfois ໄມກ້ ັງ [maj2 kaŋ]. Il note le [a]
inter-consonantique ou sert à indiquer la quantité brève des voyelles
[e], [ɛ], [ɔ], quand elles se trouvent en position inter-consonantique.
Pour la finale absolue, le signe postposé ະ joue un rôle analogue : il
note le [a] final ou marque la quantité brève des voyelles finales [e],
[ɛ], [o] et [ɔ]. **Le signe suscrit ◌ ົ s’épelle pour sa part ໄມກ ້ ົງ [maj2
koŋ].

Si la graphie des diphtongues obéit aux mêmes principes que


celle des voyelles simples, leur prononciation requiert une
attention particulière. Il faut insister sur le premier élément de la
diphtongue – [i] dans [ia] et [iia], [ɯ] dans [ɯa] et [ɯɯa], [u]
dans [ua] et [uua] –, cependant que le deuxième élément, noté
[a], est parfois neutralisé en [ǝ]. Une syllabe comme [buua]
« lotus » ressemblera d’une certaine façon au mot français boue
avec la réalisation du e muet comme dans la diction poétique.

Diph- Graphie de la diphtongue en Graphie de la diphtongue en


tongue finale de syllabe (schéma position inter-consonantique
syllabique CV) (schéma syllabique CVC)
ia ເ◌ ັຍ ເກ ັຍ kia ◌ ັຽ ກ ັຽກ kiak
ເ antéposé + ◌ ັ suscrit* + ຍ ◌ ັ suscrit* + ຽ postposé
postposé
iia ເ_ຍ ເກຍ kiia ຽ postposé ກຽກ kiiak
ເ antéposé + ຍ postposé
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 55
ɯa ເ◌ຶອ ເກຶອ kɯa ເ◌ຶອ ເກຶອກ kɯak
ເ antéposé + ◌ຶ suscrit + ອ ເ antéposé + ◌ຶ suscrit + ອ
postposé postposé
ɯɯa ເ◌ືອ ເກືອ kɯɯa ເ◌ືອ ເກືອກ kɯɯak
ເ antéposé + ◌ື suscrit + ອ ເ antéposé + ◌ື suscrit + ອ
postposé postposé
ua ◌ ົວະ ກ ົວະ kua ◌ ັວ ກ ັວກ kuak
◌ ົ suscrit + ວະ postposé* ◌ ັ suscrit* + ວ postposé
uua ◌ ົວ ກ ົວ kuua ວ postposé ກວກ kuuak
◌ ົ suscrit + ວ postposé
*Comme pour les voyelles, les signes ◌ ັ et ະ servent à marquer la
prononciation brève de certaines diphtongues.

Fausses diphtongues et « voyelles spéciales »


Le lao connaît phonétiquement un certain nombre de séquences
comprenant une voyelle simple (brève ou longue) ou une
diphtongue suivie de [j] ou [w]. La phonétique lao traitant les
finales [j] et [w] comme des consonnes, de telles séquences sont
en réalité de fausses diphtongues ou triphtongues. Leur graphie
comprend dans la plupart des cas le signe vocalique de la
voyelle suivie de ຍ (consonne [ɲ] réalisée [j] en finale) ou ວ
[w], et on lira sans difficulté pour des syllabes commençant par
la consonne ກ [k] :
- (voyelle simple + [j] ou [w]) ກາຍ [kaaj], ກາວ [kaaw], ກິວ
[kiw] , ກີວ [kiiw], ກຸຍ [kuj], ເກວ [keew], ແກວ [kɛɛw], ໂກຍ
[kooj], ກອຍ [kɔɔj], ເກີຍ [kɤɤj] ;
- (diphtongue + [j] ou [w]) ກຽວ [kiiaw], ເກືອຍ [kɯɯaj] et ກວຍ
[kuuaj].

Les séquences très courantes [aj] et [aw] font toutefois l’objet


de graphies spéciales.
56 LAO EXPRESS

- La séquence [aj] est notée par le signe antéposé ໄ (ໄມມາຍ



[maj2 maaj] « signe déroulé ») dans la plupart des cas, d’où ໄກ
[kaj] « loin » ou ໄປ [paj] « aller ». Dans une vingtaine de mots
courants comme ໃກ ້ [kaj2] « près », ໃຈ [caj] « coeur », ໃຜ
[Phaj] « qui », ໃສ [Saj] « où », [aj] est toutefois représenté par
le signe antéposé (ໄມມ
້ ວນ
້ [maj2 maaj] « signe enroulé »). Dans
ces mots où [aj] s’écrit ໃ, [aj] est prononcé dialectalement [aǝ],
[aɤ] ou [ɤɤ] dans beaucoup de régions, notamment à Luang
Prabang en zone rurale ou dans les parlers de certaines ethnies
taï (les Phuan de Xieng Khouang ou les Phu Thaï de
Savannakhet et Khammouane entre autres).
- La séquence [aw] est notée ເ◌ ົາ, avec un ເ antéposé, un ◌ ົ
suscrit et un າ postposé.

À ces trois nouveaux signes, le lao ajoute ◌າໍ [am] notée ◌າ,
ໍ où
l’on reconnaît un ◌ໍ antéposé et un າ postposé. Les graphies ໄ, ໃ,
ເ◌ ົາ et ◌າໍ sont appelées les « voyelles spéciales ». On signalera
enfin le signe ຽ (postposé), qui notait, entre autres, la séquence
[ɔɔj] : la diversité des emplois de ຽ explique qu’il ait été
remplacé par ອຍ quand il représente [ɔɔj], mais il subsiste dans
la notation des diphtongues [ia] (◌ ັຽ) et [iia] (ຽ) en position
inter-consonantique.

Les tons
L’écriture lao dispose de quatre accents tonaux suscrits,
accompagnant l’initiale consonantique de la syllabe (et
apparaissant le cas échéant au-dessus des signes vocaliques
suscrits) : deux sont très utilisés, le ໄມເອກ
້ [maj2 Ɂeek] « accent
1 » (◌)່ et le ໄມໂທ
້ [maj2 thoo] « accent 2 » (◌)້ , et deux autres
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 57
beaucoup moins, le ໄມຕີ
້ [maj2 tii] « accent 3 » (◌)໊ et le
ໄມຈ້ ັດຕະວາ [maj2 cattawaa] « accent 4 » (◌)໋ . La transcription
adoptée dans ce livre note ces accents au moyen du chiffre qui
leur correspond, en les faisant figurer en fin de syllabe. Dans la
présentation qui suit, nous avons laissé de côté les accents 3 et
4, qui servent à noter la mélodie tonale de quelques syllabes
« hors système », mots étrangers encore mal intégrés dans la
langue ou onomatopées.

Malgré l’existence d’accents tonaux, il n’y a pas de notation


directe des tons en lao. Pour déterminer le ton d’une syllabe, le
point de départ est l’identification de la classe de la consonne
initiale (haute, moyenne ou basse). Il faut ensuite déterminer la
nature de la syllabe lao, et il n’est plus question ici de la
distinction, pertinente pour l’écriture des voyelles en lao, de
syllabes ouvertes (schéma syllabique CV) et de syllabes
fermées (schéma syllabique CVC). Le lao distingue, comme le
thaï, des syllabes « vivantes » et des syllabes « mortes ».

Les syllabes vivantes sont les syllabes que la voix peut


prolonger aussi longtemps qu’elle peut tenir. Elles se terminent
par l’une des consonnes sonores ງ [ŋ], ຍ (consonne [ɲ] réalisée
[j] en finale), ນ [n], ມ [m] et ວ [w] (syllabes brèves ou longues)
ou par une voyelle longue (syllabes toujours longues). Les
syllabes vivantes ont la particularité de pouvoir porter un
accent, l’accent 1 ou l’accent 2, d’où les trois catégories
suivantes : les syllabes vivantes sans accent, celles avec l’accent
1 et celles avec l’accent 2.

Les syllabes mortes sont les syllabes arrêtées, dont la voix ne


peut prolonger la prononciation. Ce sont les syllabes se
terminant par les consonnes sourdes ກ [k], ດ [t], ບ [p] (syllabes
brèves ou longues), ainsi que les syllabes avec une voyelle
brève en finale absolue (syllabes toujours brèves), dont on a vu
que l’articulation est arrêtée par la consonne glottale [ʔ]
n’apparaissant pas dans la transcription de ce livre. Il y a deux
catégories de syllabes mortes : les longues et les brèves.
58 LAO EXPRESS

Une « combinatoire » prenant en compte d’une part les trois


classes de consonnes (notées par les linguistes 1 pour les hautes,
2-3 pour les basses, 4 pour les basses) et d’autre part les
différents types de syllabes vivantes (A pour les syllabes sans
accent, B pour les syllabes avec accent 1 et C pour les syllabes
avec accent 2) et de syllabes mortes (DL pour les longues et DS
pour les brèves) nous amène à poser un ensemble de 15 syllabes
possibles pour le lao.

A B C DL DS
1 (hautes) A1 B1 C1 DL1 DS1
2-3 (moyennes) A2-3 B2-3 C2-3 DL2-3 DS2-3
4 (basses) A4 B4 C4 DL4 DS4

Ce que l’on appelle, un peu rapidement, le lao de Vientiane


répartit dans ce tableau des 15 syllabes possibles définies ci-
dessus six tons que nous allons présenter maintenant. Notons
tout d’abord que, pour transcrire les tons, il n’existe pas de
système satisfaisant. Certains manuels utilisent des accents,
mais les signes accentuels ne rendent pas compte de la hauteur
précise et de la modulation de la voix caractéristiques des tons.
Pour donner une idée plus précise des tons d’une langue, les
travaux de linguistique recourent au système de transcription
très commode de Chao Yuen Ruen : à partir d’une gradation de
référence comprenant cinq hauteurs (la plus basse étant
transcrite 1 et la plus haute 5), la notation des tons prend la
forme d’une séquence numérique faisant apparaître les
différents niveaux par lesquels la voix passe pendant la
réalisation des syllabes, ce qui permet aux lecteurs de se
représenter la mélodie tonale. Voici les six tons du lao de
Vientiane dans des mots simples, pour lesquels nous donnons la
transcription de ce livre, une traduction, puis une transcription
accentuelle et une transcription numérique.
- Le ton « bas égal » dans ກາ [kaa] « corneille » ([_kaa] ou
[kaa22]).
- Le ton « moyen égal » dans ຄາ່ [khaa1] « valeur, prix »
([–khaa] ou [khaa33]).
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 59
- Le ton « haut » dans ຄາ [khaa] « être pris » ([ ̅ khaa] ou
[khaa34]).
- le ton « bas montant » dans ຂາ [Khaa] « jambe » ([ˇkhaa] ou
[khaa215]).
- Le ton « haut descendant » dans ກາ້ [kaa2] « être
audacieux » ([ˆkaa] ou [kaa451]) et ຄາ້ [khaa2] « commercer »
([ˆkhaa] ou [khaa451]).
- le ton « moyen descendant » dans ຂາ້ [Khaa2] « tuer » [ˋkhaa],
[khaa31].

La répartition de ces six tons dans le tableau des 15 syllabes


possibles se fait de la manière suivante pour le lao de Vientiane.

A B C DL DS
1 (hautes) 215 33 31 31 215
2-3 (moyennes) 22 33 451 31 215
4 (basses) 34 33 451 451 451

Nous donnons ci-dessous, à titre de comparaison, un tableau


simplifié des notations numériques établies par la linguiste
Phinnarat Akharawatthanakun pour les tons du lao parlé dans la
province de Luang Prabang.

A B C DL DS
1 (hautes) 323 33 31 31 42
2-3 (moyennes) 323 33 41 31 42
4 (basses) 434 33 41 41 32

Nous avons fait le choix dans ce livre de ne pas surcharger la


transcription des mots lao avec une notation, accentuelle ou
numérique, des tons, qui de toute façon ne pourrait même pas
s’appliquer à toutes les manières de parler que l’on entend à
Vientiane. Les tons sont différents non seulement d’une région
à l’autre, mais également d’une ethnie taï à l’autre. Quant aux
ethnies parlant des langues d’autres familles linguistiques, elles
prononcent le lao à leur façon ! La seule certitude est qu’un
dialecte lao, quelles que puissent être ses divergences tonales
60 LAO EXPRESS

avec le lao dit de Vientiane, tend à prononcer toujours de la


même manière les tons des syllabes B1, B2-3 et B4 et ne
prononcera jamais C1 et C2-3 avec le même ton. Il en va
parfois tout autrement dans les autres langues taï du Laos, où
l’on peut observer d’autres regroupements et d’autres
différenciations, comme peut le montrer l’exemple des tons
d’un dialecte phu thaï, langue taï parlée principalement dans les
provinces de Khammouane et Savannaket.

A B C DL DS
1 (hautes) 114 442 554 443 14
2-3 (moyennes) 114 442 554 443 14
4 (basses) 442 334 334 443 121

Les Lao n’ont de toute manière aucun mal à identifier plusieurs


accents, même s’il leur est parfois plus difficile de les
reproduire correctement. La standardisation du lao à partir de
l’accent dit de Vientiane n’est pas pour demain. Chacun parle et
continue de parler son lao et peut même parfois parler le lao de
ses interlocuteurs. Au Laos, en effet, l’utilisation de la langue et
de l’écriture lao sont inscrites dans la constitution, mais il n’y a
pas (pas encore ?) de prononciation imposée : les locuteurs lao,
parlant le lao de Vientiane, le dialecte lao de telle ou telle
région ou même une langue taï, vont ainsi lire et comprendre les
mêmes syllabes, même s’ils les prononcent différemment. Dans
les écoles, le fait que la plupart des maîtres parlent avec l’accent
de la région, voire celui de leur dialecte, ne pose aucun
problème, et tout écolier lao ou taï peut rapidement comprendre
à l’oral plusieurs accents : celui du dialecte lao ou taï qu’il parle
chez lui, celui de la région où il vit et celui de Vientiane (qu’il
entend à la télévision lao), sans oublier celui du thaï de
Bangkok, puisque l’on reçoit au Laos les principales chaînes de
télévision de Thaïlande.

Dans le cas d’étrangers qui sont amenés à parler lao, le


préalable est de commencer par s’appliquer à prononcer
distinctement les consonnes et les voyelles en faisant l’effort de
rester dans le cadre de la syllabe lao. Quand on aborde les tons,
le plus pratique est de garder en tête le tableau des 15 syllabes
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 61
possibles et de voir comment tel ou tel interlocuteur prononce le
ton de chacune d’entre elles. Il peut être utile d’avoir une liste
de mots de référence pour ces syllabes et de les faire enregistrer
par un locuteur que l’on connaît bien afin de se familiariser
avec sa prononciation. Nous proposons les mots suivants.

A B C DL DS
1 ຂາ Khaa ໄຂ ່ Khaj1 ໄຂ ້ Khaj2 ຂາດ Khaat ຂ ັບ Khap
« jambe » « oeuf » « fièvre » « manquer » « conduire »
2-3 ກາ kaa ໄກ ່ kaj1 ກາ້ kaa2 ກີບ kiip ກ ັດ kat
« corbeau » « poulet » « oser » « kip » « mordre, piquer »
4 ຄື khɯɯ ຄາ່ khaa1 ຟ້າ faa2 ຮອດ hɔɔt ຄິດ khit
« comme » « prix » « ciel » « arriver » « penser »

Autres signes
Parmi les autres signes utilisés dans l’écriture lao, seul le signe
servant à indiquer le redoublement de la syllabe ໆ, appelé ໄມຊ ້ າໍ ້
[maj2 sam], est d’un usage fréquent. Les signes de ponctuation
du français apparaissent parfois, notamment le point
d’interrogation et la virgule.

Quelques notions de langue lao

Le lao est décrit par les linguistes comme une langue isolante,
ce qui signifie qu’en lao les mots sont invariables. Il n’y a pas
de flexions nominales (variations en genre, en nombre, voire en
cas) ou de conjugaisons, et l’expression éventuelle de catégories
telles que le genre, le nombre ou le temps n’est jamais
grammaticale en lao. L’apprentissage de la langue passe donc
non pas tant par une progression grammaticale que par un
repérage des principaux faits de langue.
62 LAO EXPRESS

On notera tout d’abord l’ordre des mots en lao, qui est le


même qu’en français : sujet + verbe (+ complément). Une fois
noté que le lao n’a pas d’articles, on comprend sans difficulté
des énoncés tels que ຂອ ້ ຍເວົ້າພາສາຝຣງ ່ ັ [Khɔɔj2 waw2 phaasaa
Faraŋ1] je/ parler/ langue/ française « je parle le lao ».

C’est précisément dans le cadre de l’organisation de la phrase et


des fonctions qu’elle détermine que l’on peut commencer à
appréhender les classes de mots du lao. L’identification de
pronoms, de substantifs ou de verbes ne pose à première vue
pas de difficultés, mais on remarque certaines particularités.
- Quelques verbes peuvent devenir des prépositions. ຢູວ ່ ຽງຈ ັນ
[juu1 wiiaŋ can] signifie « être à Vientiane » ou simplement « à
Vientiane », selon que ຢູ່ [juu1] est le noyau de l’énoncé ou non.
- Un même terme peut être verbe ou substantif. ແກງເຫັ ດ [kɛɛŋ
het] « faire une soupe de champignons » donne en effet un ແກງ
ເຫັ ດ [kɛɛŋ het] « soupe de champignons » !
Ces deux exemples suggèrent une grande souplesse syntaxique
du lao. Les linguistes parlent de polycatégorie, ou polyvalence,
pour ces mots pouvant relever de plusieurs classes.

La polycatégorie n’est toutefois dans certains cas qu’un faux-


semblant. Si, avec des mots comme ຊື່ [sɯɯ1] et ອາຍຸ [ʔaaɲu],
l’on croit avoir affaire tantôt à des substantifs (« nom » et
« âge »), tantôt à des verbes (« s’appeler » et « avoir tel ou tel
âge »), selon l’énoncé (ຊື່ ຂອ
້ ຍ… [sɯɯ1 Khɔɔj2] nom/ moi
« mon nom [est] …» et ຂອ ້ ຍຊື່ … [Khɔɔj2 sɯɯ1] moi/ nom
« je m’appelle… »), c’est parce que l’analyse se fonde sur le
seul type de phrase sujet + verbe (+ complément). Précisément,
le lao connaît d’autres structures de phrase : il existe par
exemple des énoncés substantif + substantif + prédicatif, tels
que ນອ ້ ຍຜ ົມຍາວ [nɔɔj2 Phom ɲaaw] Noï/ cheveu(x) /long(s)
« Noï a les cheveux longs », qui ne peuvent en aucune façon
être ramenés à un schéma sujet + verbe (+ complément). La
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 63
phrase en lao apparaît comme se structurant à partir d’un thème,
ou topique, la manière dont on en parle constituant un rhème,
ou commentaire. Un locuteur donnant son âge (ຂອ ້ ຍອາຍຸຊາວປີ
[Khɔɔj2 ʔaaɲu saaw pii] je/ âge/ vingt/ ans) ou disant qu’il est
en sueur (ຂອ້ ຍເຫື່ ອອອກ [Khɔɔj2 Hɯɯa1 ʔɔɔk] je/ sueur/ sortir)
ne fait rien d’autre que de se thématiser lui-même, avant
d’enchaîner sur un énoncé développant ce qu’il a à dire (« l’âge
[est] vingt ans », « la sueur sort »). C’est ainsi que le lao est
décrit comme une langue à thème prévalant (ou proéminent).
Et, lorsqu’on lit dans les manuels que le sujet peut être omis en
lao, cela veut dire en fait qu’en l’absence d’ambiguïté
concernant le thème de la phrase dans un contexte donné, il peut
rester sous-entendu.

On s’éloigne encore un peu plus du cadre de la grammaire


française et de ses parties du discours avec les adjectifs ou
plutôt ce qui en tient lieu. Comme en français, l’on identifie des
épithètes, et l’on note au passage que le déterminant suit
toujours le déterminé en lao, d’où des groupes nominaux tels
que ຫອ້ ງສະອາດ [Hɔɔŋ2 SaɁaat] « une chambre propre ». Mais,
pour l’attribut, le lao n’a pas de verbe copule. L’adjectif
devient l’équivalent d’un verbe : ຫອ້ ງສະອາດ [Hɔɔŋ2 SaɁaat]
peut donc également signifier « la chambre [est] propre ». Le
caractère systématique de ces emplois a conduit les linguistes à
repenser la classe de ces prétendus adjectifs pour des langues
comme le lao, en posant les notions plus adéquates de
prédicatif ou de verbe d’état.

Dans le paragraphe précédent consacré aux prédicatifs, on a vu


un premier cas de groupe nominal (ຫອ ້ ງສະອາດ [Hɔɔŋ2
SaɁaat] « une chambre propre »), dans lequel le déterminé, un
substantif, se place devant le déterminant, un prédicatif épithète.
Lorsque le déterminant est complément de nom, on retrouve la
même structure déterminé + déterminant, avec la possibilité
d’insérer une préposition comme ຂອງ [Khɔɔŋ] « de », que le
complément de nom soit un substantif ou un pronom : ເຮືອນ
64 LAO EXPRESS

ຂອ້ ຍ [hɯɯan Khɔɔj2] maison/ moi ou ເຮືອນຂອງຂອ ້ ຍ [hɯɯan


Khɔɔŋ Khɔɔj2] maison/ de/ moi « ma maison ». On signalera ici
que le complément de nom est la seule manière d’exprimer la
possession dans un groupe nominal en lao, car il n’existe pas
d’adjectifs ou de pronoms possessifs. Même si les notions de
substantif et de groupe nominal de nos grammaires semblent
pouvoir être transposées dans le contexte de la grammaire lao,
l’utilisation de certains substantifs comme classificateurs et les
déterminations comprenant des structures avec le classificateur
constituent des traits spécifiques.

En l’absence de formation morphologique, le pluriel ne peut


être exprimé explicitement que par des procédés lexicaux. Pour
compter des animés ou des inanimés, le lao a ainsi recours à une
détermination complexe comprenant le numéral et une unité de
comptage spécifique, cette dernière pouvant être un ensemble
plus large ou un élément relatif à la description de ce que l’on
veut compter (ressemblance ou caractérisation). Ces unités de
comptage sont des substantifs dotés d’une acception précise,
mais qui se trouvent également utilisés comme classificateurs.
Le groupe nominal « trois livres » se traduit ປື້ ມສາມຫ ົວ
[pɯɯm2 Saam Hua] livre/ trois/ classificateur, tour où l’on
relève l’utilisation comme classificateur d’un substantif dont le
sens courant est « tête ». On retiendra la structure substantif +
numéral + classificateur, l’ordre des deux derniers termes
pouvant s’inverser quand le numéral est « un ». Il arrive qu’un
mot puisse être son propre classificateur, auquel cas il est répété
dans la structure présentée ci-dessus (ບ ັນຫາໜຶ່ງບ ັນຫາ [banHaa
Nɯŋ1 banHaa] problème/ un/ problème « un problème »), mais
l’utilisation de classificateurs distincts est tellement ancrée dans
la langue que des locuteurs sauront bien lui en trouver un
(ບ ັນຫາໜຶ່ງຢາ່ ງ [banHaa Nɯŋ1 jaaŋ1] problème/ un/ problème
« un problème ») ! Nous donnons une liste des principaux
classificateurs au chapitre 6 « Compter, mesurer, exprimer le
temps ».
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 65
Utilisés pour compter, les classificateurs sont susceptibles
d’autres emplois en lao : déictique (structure : substantif +
classificateur + déictique), anaphorique (structures :
classificateur + déictique ou classificateur + adjectif) ou
indéfini (structures : substantif + indéfini + classificateur ou
substantif + classificateur + indéfini). On peut maintenant lire
les séquences suivantes (où il est toujours question de livres) :
ປື້ ມຫ ົວນີ້ [pɯɯm2 Hua nii2] « ce livre-ci », ປື້ ມຫ ົວນນັ ້ [pɯɯm2
Hua nan2] « ce livre-là », ຫ ົວນີ້ [Hua nii2] « celui-ci », ຫ ົວໃຫຍ ່
[Hua Ɲaj1] « le grand », ປື້ ມບາງຫ ົວ [pɯɯm2 baaŋ Hua]
« certains livres », ປື້ ມຫ ົວໃດກະໄດ ້ [pɯɯm2 Hua daj ka daj2]
« n’importe quel livre ».

À ces différentes structures avec le classificateur du lao, il faut


rattacher l’expression de la quantité au moyen d’unités de
mesures (chapitre 6) ou de récipients, d’où ໝາກມວງສອງກິ່ ໂລ
[Maak muuaŋ1 Sɔɔŋ kiloo] mangue/ deux/ kilo « deux kilos de
mangues » ou ເບຍສອງຈອກ [biia Sɔɔŋ cɔɔk] « deux verres de
bière »), ainsi que des tournures dans lesquelles les locuteurs
distinguent des sortes, ou des types, d’objets (ປື້ ມຊະນິດໃດກະໄດ ້
[pɯɯm2 sanit daj ka daj2] « n’importe quelle sorte de livres »).

Le même besoin d’intégrer les personnes et les choses dans des


ensembles plus larges ou de les considérer du point de vue de
l’analogie va se retrouver dans l’utilisation de substantifs
comme termes génériques. Des mots courants, qui, pris
isolément, signifient « eau », « fruit », « insecte », « poisson »
ou « oiseau », vont ainsi servir de noms de classe, chacun
générant un ensemble de désignations spécifiques – en
l’occurrence de liquides, de fruits, d’insectes, d’animaux vivant
dans l’eau ou de volatiles. Ce type de composition nominale, où
l’ordre des constituants est générique + déterminant (ນາເຜິ ໍ ້ ້ງ
[nam2 Phɤŋ2] liquide + abeille « miel »), est particulièrement
productif en lao et génère des champs lexicaux de locutions
nominales d’une très grande précision sémantique. Des
66 LAO EXPRESS

approches lexicologiques plus spécifiques, explorant les


différents vocabulaires et la profusion lexicale du lao,
permettront sans aucun doute d’approfondir les rôles respectifs
des génériques (ensembles, classes se constituant à partir de
caractérisations) et des déterminants (particularisation d’espèces
et de variétés, spécification à partir de la fonction).
- Pour prendre l’exemple parlant des arbres fruitiers, l’on
appréhendera au moyen des génériques l’arbre lui-même, son
tronc et ses fruits, le nom de l’espèce étant à chercher du côté
du déterminant, d’où des locutions nominales comme ກ ົກກຽ້ ງ
[kok kiiaŋ2] « oranger », ລ ໍາກຽ້ ງ [lam kiiaŋ2] « tronc
d’oranger » ou ໝາກກຽ້ ງ [Maak kiiaŋ2] « orange ».
- Dans le cas de désignations d’êtres humains, on signalera le
rôle des génériques dans la formation de noms d’agent,
cependant que le déterminant peut servir à exprimer le domaine
de compétence (ຜູສ ້ ອນ [Phuu2 Sɔɔn] « enseignant ») ou à
spécifier la catégorie que l’on veut identifier (ຊາວບາ້ ນ [saaw
baan2] « gens des villages, villageois »).
Pour en revenir à l’analyse des mots, on notera que le
déterminant peut être un substantif (comme dans ກ ົກມວງ ່ [kok
muuaŋ1] « manguier »), un verbe (ປື້ ມຂຽນ [pɯɯm2 Khiian]
livre/ écrire « cahier ») ou encore un prédicatif (ລູກຊາຍ enfant/
mâle « fils »).

Un dernier emploi des substantifs, cette fois-ci en concurrence


avec les éléments identifiés comme des pronoms, va nous
donner des indications précieuses sur la manière dont s’effectue
la référence à soi-même et aux autres en lao. On trouve, si l’on
tient compte de tous les niveaux de langue, beaucoup de
pronoms en lao, à commencer par les plus utilisés dans
(presque) tous les parlers lao (et taï) du Laos : ກູ [kuu] « je (très
familier) », ມຶງ [mɯŋ] « tu (très familier) », ມ ັນ « il, elle
(familier, utilisé aussi pour les animaux et les objets) ». On
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 67
entendra aussi ເຮົາ [haw] « je (familier) », ກ ັນ [kan] « je (entre
amis proches) », ໂຕ [too] « tu (entre amis) », ເຂ ົາ [Khaw] « on,
il y a des gens qui ». Pour éviter les impairs, les étrangers
apprennent généralement des pronoms plus formels : ຂອ ້ ຍ
[Khɔɔj2] « je », ເຈົາ້ [caw2] « vous », ລາວ [laaw] « il, elle
(neutre) », ເພິ່ ນ [phɤn1] « il, elle (honorifique), on » ou encore
ຂະເຈົາ້ [Khacaw2] (ou ເຂ ົາເຈົາ້ [Khaw caw2]) « il(s), elle(s)
(honorifique) ». L’emploi de pronoms, s’accompagnant de la
personnalisation du discours, peut cependant être à tout moment
concurrencé par celui de termes de relation, c’est-à-dire des
désignations référant à la relation des interlocuteurs d’une
conversation et à leur situation respective dans cette relation.

Plutôt que de chercher à connaître l’ensemble des pronoms lao,


il est plus important d’apprendre à observer la manière dont les
rôles s’établissent dans une interaction. Comme en français,
l’utilisation des pronoms implique une inversion des rôles à
chaque nouvelle réplique. En revanche, la désignation de soi-
même et de l’autre (ou des autres) au moyen de termes
représentants, contextualisés par la relation existant entre les
différents interlocuteurs, aboutit à une situation plus
« statique », où chacun d’une certaine façon campe dans son
rôle ! On sera ainsi attentif à l’emploi des termes de parenté
comme substituts des pronoms : un père ou une mère
s’adressant à l’un de ses enfants peut dire « je » en utilisant soit
ກູ [kuu] « je », soit les substantifs « père » (ພໍ່ [phɔɔ1]) ou
« mère » (ແມ ່ [mɛɛ1]), le terme « enfant » (ລູກ [luuk]) pouvant
lui-même faire office de pronom de deuxième personne (« tu »).
Lorsque l’enfant prend à son tour la parole, et s’il ne choisit pas
le pronom plus neutre ເຮົາ [haw], l’auto-désignation au moyen
de ລູກ [luuk] ou de son propre prénom ou surnom, devient-elle
pour autant l’équivalent d’une première personne ? Ou bien
serait-on, avec l’usage de ces termes représentants, en présence
d’un système où l’on s’exprime d’une manière générale à la
68 LAO EXPRESS

troisième personne (« le père – ou la mère ou l’enfant – fait ceci


ou cela »), comme le perçoivent certains Français ? Il ne s’agit
bien sûr, dans le meilleur des cas, que de commodités
d’analyse, et l’on appréhendera beaucoup mieux l’esprit de la
langue lao en faisant état d’un choix mis à la disposition des
locuteurs entre l’utilisation de pronoms et celle, plus
contextuelle, de termes de relation !

Il reste à évoquer quelques caractéristiques du verbe pour


achever de se faire une première idée de la langue lao dans son
ensemble. On a déjà signalé l’absence d’un verbe copule devant
les éléments prédicatifs qui sont l’équivalent de nos adjectifs.
Pour rendre les autres emplois que connaît le verbe « être » en
français, le lao a recours à plusieurs verbes : ເປັນ [pen] « être,
avoir la qualité de » (« il est professeur »), ແມນ
່ [mɛɛn1] « être
(à savoir, c’est-à-dire) » (« c’est mon père ») et ຢູ່ [juu1] « être
à, se trouver » (« il est à Vientiane »). ມີ [mii], qui permet de
rendre la tournure présentative « il y a » quand il est en début de
phrase ou à la suite d’un thème non animé faisant figure de
sujet apparent (ຫອ້ ງມີຕຽງ [Hɔɔŋ2 mii tiiaŋ] chambre/ il y a/ lit
« il y a un lit dans la chambre »), traduit le verbe « avoir »
lorsqu’il a un sujet susceptible d’exprimer la possession, il. Le
rapport de possession peut être conçu comme dans le français
« être à, appartenir à » avec la tournure ເປັນຂອງ [pen Khɔɔŋ]
(ປື້ ມຫ ົວນີເ້ ປັນຂອງຂອ
້ ຍ [pɯɯm2 Hua nii2 pen Khɔɔŋ Khɔɔj2]
« ce livre est à moi »). Les négations se placent devant le verbe,
et l’on distinguera ບໍ່ [bɔɔ1], négation des phrases assertives, de
ຢາ່ [jaa1], négation des phrases impératives.

En l’absence de conjugaisons, comment le lao va-t-il exprimer


les temps du verbe ? Le lao, qui privilégie en fait toujours
l’aspect, recourt à des termes faisant office d’auxiliaires ou de
marques aspectuels. On commencera par se familiariser avec les
valeurs suivantes.
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 69
- L’accompli est exprimé en lao par ແລວ ້ [lɛɛw2] (un verbe
dont le sens premier est « finir, être fini »), placé en fin
d’énoncé. Pour comprendre la notion d’accompli, on peut
penser à l’emploi de l’adverbe « déjà » en français.
- L’inaccompli, qui sert aussi à exprimer l’irréel, est marqué
par ຊິ [si] ou ຈະ [ca], que l’on trouve juste devant le verbe.
- L’aspect progressif de l’action est indiqué par l’utilisation
dans un rôle auxiliaire du substantif ກາລ ໍ ັງ [kamlaŋ] « force »,
qui précède le verbe, tout comme ພວມ [phuuam], auxiliaire de
même valeur nettement moins utilisé.
- L’aspect continu est exprimé par ຢູ່ [juu1], quand il est placé
en fin d’énoncé. On notera la valeur énonciative de l’emploi de
ຢູ່ [juu1] avec les prédicatifs pour suggérer la conviction du
locuteur : ແຊບຢູ່ [sɛɛp juu1] « c’est bon (à manger) ».

D’une manière générale, le verbe n’exprime pas le temps en lao,


et seuls d’éventuels compléments de temps permettent
véritablement de situer l’action dans le temps avec une certaine
précision. L’habitude considérée comme une expérience, qui
est exprimée par l’auxiliaire ເຄີຍ [khɤɤj], placé devant le verbe,
correspond dans certains contextes à un imparfait ou un passé
composé. Le verbe ໄດ ້ [daj2], qui, utilisé devant un complément
d’objet, signifie « obtenir », sert de marque du passé ponctuel
quand il précède un verbe principal, mais il est peu utilisé dans
cet emploi, alors qu’on le trouve très fréquemment en fin
d’énoncé, pour indiquer la possibilité : ຂອ ້ ຍໄປບໍ່ ໄດ ້ [Khɔɔj2 paj
bɔɔ1 daj2] « je ne peux pas aller ». Si l’on remplace dans la
structure précédente ໄດ ້ [daj2] par ເປັນ [pen], dont on a vu qu’il
signifie « être, avoir la qualité de » quand il figure entre un sujet
et un substantif attribut), on obtient une tournure exprimant la
capacité. Avec l’auxiliaire de l’obligation ຕອ ້ ງ [tɔɔŋ2], on
revient devant le verbe : ຂອ
້ ຍຕອ
້ ງໄປ [Khɔɔj2 tɔɔŋ2 paj] « je
70 LAO EXPRESS

dois aller »). Et il en va de même quand il s’agit de marquer la


volonté (ຢາກ [jaak] « vouloir ») de faire quelque chose : ຂອ້ ຍ
ຢາກໄປ [Khɔɔj2 jaak paj] « je veux aller ». Sous l’influence du
thaï, ຢາກ [jaak] est parfois remplacé dans cet emploi par
ຕອ
້ ງການ [tɔɔŋ2 kaan]. Il n’est pas inutile de signaler que,
lorsque ຢາກ [jaak] accompagne des verbes signifiant
« oublier » (ຢາກລືມ [jaak lɯɯm]) ou « avoir mal à la tête »
(ຢາກເຈັບຫ ົວ [jaak cep Huua]), il n’est plus question d’une
envie, mais d’un symptôme ou d’une tendance !

La notion d’auxiliaire présente l’avantage de faire comprendre


la manière dont le lao exprime l’aspect, la possibilité,
l’obligation ou la volonté, mais l’auxiliation peut en fait être
vue comme ne constituant qu’un exemple parmi d’autres d’une
tendance du lao à accumuler les verbes dans une même phrase,
sérialisation qui permet une description plus minutieuse de
l’action, en multipliant les points de vue sous lesquels on peut
envisager cette action. On prendra l’exemple d’une question
que les Lao aiment poser à quelqu’un qui arrive ໄປໃສມາ? [paj
Saj maa ?] aller/ où/ venir. L’utilisation de deux verbes (aucun
des deux n’est ici auxiliaire) suggère une mise en
séquence (« vous êtes allé(e) où », « vous venez »). Quand on
traduit en français, langue qui ne peut utiliser qu’un seul verbe
par proposition, le seul moyen de rendre la question est de
privilégier et d’expliciter l’une des séquences seulement,
cependant que l’autre, ne pouvant être exprimée, est comprise
implicitement, d’où les traductions : « Vous êtes allé(e) où ? » ;
« D’où venez-vous ? ». L’habitude de laisser implicite l’une des
actions de la phrase en français peut même se faire dans ce cas
précis aux dépens des deux verbes, si l’on choisit de mettre
l’accent sur l’interrogatif : « Où étiez-vous ? » !
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 71
La sérialisation permet de rendre des nuances de l’action que le
français n’explicite pas ou exprime à l’aide de préfixes ou de
tours périphrastiques. Dans « emporter » (ເອົ າໄປ [ʔaw paj]
prendre/ aller) et « apporter » (ເອົ າມາ [ʔaw maa] prendre/
venir) ou « emmener » (ພາໄປ [phaa paj] mener/ aller) et
« amener » (ພາມາ [phaa maa] mener/ venir), les préfixes du
français sont rendus en lao par les verbes directionnels ໄປ [paj]
« aller » (mouvement d’éloignement par rapport au locuteur) et
ມາ [maa] « venir » (mouvement en direction du locuteur). On
considèrera également la notion exprimée par le verbe
« donner », que le lao a beaucoup de mal à envisager
synthétiquement : pour « donner de l’argent », il faut en effet
prendre de l’argent pour le donner (ເອົ າເງິນໃຫ້ [ʔaw ŋɤn Haj2]
prendre/ argent/ donner). Le verbe ໃຫ້ [Haj2] exprime par
ailleurs des nuances auxquelles on ne pense même pas en
français : s’il est question de « faire la soupe », il y a une seule
action en français (ແກງ [kɛɛŋ]), mais le Lao prend
spontanément en compte les personnes pour qui on prépare la
soupe (ແກງໃຫ້ [kɛɛŋ Haj2] faire la soupe/ donner). Nous avons
jusqu’à présent limité notre propos à la sérialisation à deux
verbes, mais il est possible de trouver trois verbes, voire
davantage : si « apporter » se dit ເອົ າມາ [ʔaw maa] ou ນ ໍາມາ
[nam maa] prendre/ venir, la prise en compte d’un bénéficiaire
de l’action nous amène en effet à ນ ໍາມາໃຫ້ [nam maa Haj2]
prendre/ venir/ donner !

Pour commencer à communiquer, il faut savoir poser des


questions. Comme le lao ne connaît pas de phénomène
comparable à l’inversion du sujet et du verbe, l’ordre des mots
dans une phrase interrogative est le même que dans la phrase
assertive correspondante.
72 LAO EXPRESS

Pour former une interrogation totale, il suffit d’ajouter la


particule ບໍ [bɔɔ], qui est prononcée par beaucoup de locuteurs
comme la négation des phrases assertives ບໍ່ [bɔɔ1] : ເຂົ້າໄປທາງ
ໃນໄດບ ້ ່ ໍ? [Khaw2 paj thaaŋ naj daj2 bɔɔ1 ?] « Est-il possible
d’entrer ? ». Il n’existe pas de réponse par « oui » ou « non », et
le lao répond en reprenant l’énoncé ou, plus économiquement,
en reprenant le verbe (sans sujet) à la forme affirmative (ໄດ ້
[daj2] « oui ») ou négative (ບໍ່ ໄດ ້ [bɔɔ1 daj2]). Comme nous
avons retenu la graphie ບໍ່ [bɔɔ1] pour la marque de
l’interrogation totale (en fin d’énoncé), les lecteurs s’attacheront
à la distinguer de la négation (devant le verbe). Lorsque la
marque de l’accompli ແລວ ້ [lɛɛw2] figure dans la question (ກິນ
ເຂົ້າແລວ
້ ບໍ່ ? [kin Khaw2 lɛɛw2 bɔɔ1 ?] « Est-ce que vous avez
déjà mangé ? »), la réponse affirmative est ແລວ
້ [lɛɛw2]
« déjà », cependant que la réponse négative est ຍ ັງ [ɲaŋ] « pas
encore ».

Dans les interrogations partielles portant sur tel ou tel


constituant de la phrase, les mots interrogatifs figurent au même
endroit que les informations requises dans les phrases assertives
correspondantes. On se familiarisera d’abord avec ໃຜ [Phaj]
« qui, qui est-ce qui », ຫຍ ັງ [Ɲaŋ] « qu’est-ce qui, qu’est-ce
que, quoi, que » et ໃສ [Saj] (ou ຢູໃ່ ສ [juu1 Saj]) « où », avant de
passer à ຈ ັກ [cak] « combien de » et ໃດ [daj] « quel, lequel »,
qui requièrent la structure avec le classificateur (substantif +
ຈ ັກ [cak] + classificateur, substantif + classificateur + ໃດ
[daj]). L’interrogatif ໃດ [daj], jouant un rôle comparable à celui
de l’adjectif interrogatif en français, permet d’obtenir de
nombreux autres interrogatifs tels que ຈງ່ ັ ໃດ [caŋ1 daj]
« comment », ແນວໃດ [nɛɛw daj] « comment (quelle sorte) »,
ÉCRITURE ET NOTIONS DE LANGUE 73
ເທົ່ າໃດ [thaw1 daj] (ou ທໍ່ ໃດ [thɔɔ1 daj]) « combien », ເມື່ ອໃດ
[mɯɯ2 daj] « quand », ມືໃ້ ດ [mɯɯ2 daj] « quel jour », ຍາມໃດ
[ɲaam daj] « à quel moment, quand », ຜູໃ້ ດ [Phuu2 daj] « qui »,
ບອ່ ນໃດ [bɔɔn1 daj] « où (à quel endroit) », ອ ັນໃດ [ʔan daj]
« qu’est-ce qui, qu’est-ce que, quoi, que », etc. L’abondance de
formes résultant de l’utilisation abondante dans la langue parlée
d’interrogatifs formés à partir de ໃດ [daj] est encore accrue par
les multiples prononciations dialectales [daǝ], [daɤ], [dɤɤ] ou
[lɤɤ] de la syllabe ໃດ [daj] et par l’existence d’interrogatifs
dialectaux très utilisés comme [kadaɤ], [kadɤɤ], [kalɤɤ] « où ».

Pour les interrogatives causales, le lao n’a pas d’interrogatif


spécifique et recourt à une phrase interrogative complexe (ເປັນ
ຫຍ ັງບໍ່ກິນ ? [pen Ɲaŋ bɔɔ1 kin ?] être/ quoi/ ne … pas/ manger
« Pourquoi tu ne manges pas ? », où le lien entre les deux
propositions est parfois assuré par ຄື [khɯɯ] ou ຈ ັງ [caŋ].

Une dernière particularité du lao qu’il faut connaître est d’ordre


énonciatif. De nombreuses particules de fin de phrase servent
à souligner la modalité de la phrase ou l’intention du locuteur.
- ແມ ໋ [mɛɛ4] indique la modalité impérative d’un énoncé.
- ເນາະ [nɔ] ou ນໍ [nɔɔ] viennent renforcer les interrogatifs (ໃສ
ເນາະ), sans forcément indiquer une insistance.
- ເດ [dee] ponctue une exclamation.
- L’omniprésent ເດີ [dɤɤ] (souvent ເນີ [nɤɤ]) s’adresse à
l’interlocuteur, qu’il s’agisse de le remercier, de l’inviter ou
d’attirer son attention comme lorsque l’on vend quelque chose.
ໍ້
ນາເດີ [nam2 dɤɤ] à l’intention des passants signifie ainsi qu’il y
a de l’eau à acheter !
74 LAO EXPRESS

- Très utilisé, ແດ ່ [dɛɛ1], ou ແນ ່ [nɛɛ1], est en quelque sorte le


pendant de ເດີ [dɤɤ] et indique le souhait du locuteur d’être le
bénéficiaire de l’énoncé. Malgré l’absence de verbe, ນາແນ ໍ້ ່
[nam2 nɛɛ1] se comprend comme « je veux de l’eau, donnez-
moi de l’eau ».
- Un emploi distinct de ແດ ່ [dɛɛ1], ou ແນ ່ [nɛɛ1], cette fois-ci
dans une question, indique que le locuteur escompte plusieurs
réponses, ແດ ່ [dɛɛ1] faisant dans cet emploi office de marque du
pluriel ບອ
່ ນໃດແດ?່ [bɔɔn1 daj dɛɛ1 ?] « (à) quels endroits ».

Notes personnelles

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