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mihi opus est aliqua re, "il y a du travail, il y a affaire pour moi avec quelque
chose", d'où "j'ai besoin de quelque chose"; cf. le français "besoin" et "be-
sogne"3. Dans cette évolution supposée, le passage de la notion de "travail" à
celle de "besoin" paraît ne pas créer de difficulté. Notons toutefois que le rap-
prochement fait avec les mots français "besoin" et "besogne" n'est guère con-
vaincant, car l'évolution sémantique s'est faite ici en sens inverse4. En revan-
che, le rapprochement, en latin même, de opus est et de usus est paraît pouvoir
aider à mieux comprendre la valeur de opus dans le tour impersonnel opus est.
En latin archaïque, usus est, dont on relève plus de 30 occurrences chez Plaute,
est assez souvent utilisé avec la même valeur que opus est. Les deux expres-
sions sont parfois employées comme d'exacts synonymes; ainsi chez Plaute:
(1) Plaut. Amph. 505 citius quod non facto est usus fit quod facto est opus.
"(quand le général n'est pas à son armée) ce qu'il ne
faut pas faire s'y produit plus vite que ce qu'il faut"
et chez Térence:
L'emploi de usus est comme impersonnel au sens de "il est besoin de" peut
s'expliquer à partir d'un des sens usuels d'usus. Ce substantif, dérivé du verbe
utor, désigne en effet non seulement 1' "usage", mais aussi l'"utilité". Par exem-
ple, usui esse alicui signifie "être utile à quelqu'un". Le passage a pu se faire
aisément de la notion d' "usage" ou de celle d'"utilité" à celle de "besoin"5. La
même évolution sémantique s'est produite dans l'histoire du grec χρή: dans le
3
Ernout-Meillet, s.v. opus.
4
Ici, c'est la notion de "besoin" qui est première; la besogne, qui désignait d'abord ce
qu'il faut accomplir, a pris ensuite comme sens usuel celui de "travail", "ouvrage".
5
En ce qui concerne usus, cette notion se retrouve aussi dans l'expression «sus uenit, "le
besoin se présente".
groupe de χρή et de χρήσθαι la notion d' "usage", d' "utilisation" est antérieure
à celle de "besoin" et de "nécessité". G.Redard définit le sens ancien de χρήσ-
θαιcomme "rechercher l'utilisation de quelque chose", "avoir recours à quelque
chose pour s'en servir"6. Il indique avec juste raison que la connexion entre "ce
à quoi on recourt" et "ce qui est nécessaire" apparaît dans d'autres langues et
cite opportunément cette remarque de F.de Saussure: "Entre être utile et être
nécessaire, entre trouver utile et avoir besoin, il n'y a jamais eu qu'une
frontière des plus incertaines."7 Les lignes suivantes de Saussure sont non moins
utiles pour comprendre l'évolution du sens de usus est: "Je n'en veux pour
preuve que l'allemand brauchen qui, signifiant d'abord notoirement utiliser,
user de, à telles enseignes qu'il est le latin frui, "jouir", se retrouve dans la
langue modeme avec le second sens d'avoir besoin. Dans la négation et l'in-
terrogation, cette frontière devient même impossible à observer. Ce qui est sans
g
utilité est sans nécessité."
Je proposerai volontiers pour opus est une évolution analogue à celle de
usus est, la notion de "besoin" qu'exprime opus est n'est pas issue du sens
ancien de "travail", mais des notions intermédiaires d* "usage" et d' "utilité".
Avant de signifier "il est besoin de", opus est a pu vouloir dire "il est utile de".
Cette valeur est bien attestée dans divers passages de Cicéron où l'auteur établit
une distinction soit entre opus est et necesse est:
(3) Cie. fam. 1, 9, 25 legemque curiatam consult ferri opus esse, necesse non
esse, "que la loi Curiate fût votée était, pour un consul, chose utile, mais
non pas chose nécessaire".
soit entre opus est et necessarium est:
(4) Cie. de orat. 2, 43 Nam illud tertium...etiamsi opus est, minus est tamen
necessarium. "Car ce troisième genre, même s'il est utile, est cependant
moins nécessaire".
6
Redard 1953: 36.
7
Redard 1953:49, n.l; de Saussure 1892: 84.
8
de Saussure 1892: 84.
(5) Plaut. Mil. 766 ...mihi opus est opera tua. "J'ai besoin de ton aide"
(6) Plaut. Persa 328 ad earn rem usus est tua mihi opera.
3.1.1. Opus est et usus est sont alors des verbes autonomes à statut plein, mais le
complément au datif se rencontre souvent aussi lorsqu'ils sont des auxiliaires
9
modaux . Alors qu'avec necesse est, le trait sémantique du datif est toujours
humain , avec opus est le complément au datif ne désigne pas toujours une per-
sonne"; par commodité, parlons néanmoins pour le moment du datif de la per-
sonne . Sans entrer dans le débat concernant ce que l'on appelle habituellement
dativus auctoris, contentons-nous de dire qu'auprès d'opus est et d'usi« est cet
emploi du datif est dérivé de la valeur d'intérêt de ce cas.
Il faut préciser qu'auprès d'opus est la personne intéressée par l'action n'a
pas toujours une expression grammaticale. On peut consulter sur ce point l'étu-
de de D. Shalev qui a examiné chez Térence ce qu'elle appelle les expression
9
Voir supra l'exemple (2), où on lit tibi opust facto et quoiquam est usus homini.
10
"
ρ Voir infra l'exemple (8) et la note 16.
~ Pour ce datif, voir Serbat 1996: 501 (où l'emploi du datif avec ce qu'il appelle "les
verbes ou locutions verbales à valeur déontique" (necesse est, opus est, licet) est classé
avec les datifs employés auprès de l'adjectif en -ndo- et de l'adjectif en -to-) et Suárez
Martínez 2001.
implicites de l'agent' 3 ; elle considère, entre autres cas, celui des impersonnels et
14
en particulier les emplois à'opus est , dont celui-ci:
(7) Ter. Heaut. 187 CHR. Atque etiam nunc tempus est.
CL. Caue faxis; non opus est, pater.
CHR. "Maintenant, il est encore temps" CL. "Garde-toi de
le faire; il ne faut pas, père ".
Ici, c'est le vocatif pater qui sert à l'expression implicite de l'agent ou, disons
plus prudemment, de la personne intéressée. Des tours de ce genre ne sont pas
rares avec opus est . Voici un passage où le datif ne désigne pas une personne:
13
Shalev 2001.
14
Shalev 2001: 593.
15
Voir les dénombrements indiqués dans la case 1 ("emplois absolus") du tableau (à la
fin de l'article).
16
Voir, par exemple, Lucrèce 1, 206: semine quando opus est rebus, "puisque les objets
ont besoin d'une semence" et 6, 365: quorum utrumque opus est fabricando ad fulmina
nubi, "(le froid et le chaud) qui sont tous deux indispensables au nuage pour fabriquer la
foudre".
est aliqua re, qui est très fréquent' 7 . Le substantif qui indique ce dont on a be-
soin est le plus souvent à l'ablatif (le génitif ou même l'accusatif peuvent se
18
17
Voir les dénombrements indiqués dans la case 3 ("avec un complément à l'ablatif ")
du tableau (à la fin de l'article).
18
Voir Hofmann-Szantyr 1972: 83 et 123-124.
19
Voir, par exemple, Bennett 1914: 356-357.
20
Voir, par exemple, Emout-Thomas 1972: 92; Hofmann-Szantyr 1972: 122-123;
Nutting 1930: 75.
21
Nutting 1930: 74.
22
Ernout-Thomas 1972: 92.
23
Ernout-Meillet, s.v. opus.
3.2. Dans le tour mihi opus est aliqua re, opus est est un verbe autonome à statut
plein. Il en est de même pour une partie des constructions personnelles où opus
24
est reçoit un sujet . Dans les diverses autres constructions qui sont indiquées
dans le tableau 25 , opus est est un auxiliaire modal. Ces constructions sont plus
variées que celles des verbes modaux possum, debeo et des impersonnels
necesse est, oportet. Nous n'étudierons pas les tours que opus est a en commun
avec ces autres verbes, c'est-à-dire les emplois avec l'infinitif ou la proposition
infinitive et les emplois avec le subjonctif précédé ou non de ut. Le tableau
montre que ces divers emplois représentent une proportion assez faible de
l'ensemble des occurrences de opus est.26
3.2.1. Sont plus intéressants à étudier les tours particuliers à opus est et à usus
est, à savoir l'emploi avec un participe passé au neutre impersonnel (type opus
est facto) et celui qui réunit un substantif (ou un pronom) à l'ablatif et un
participe passé (type hoc homine conuento opus est). Ces deux tours sont les
plus usuels chez Plaute et chez Térence quand opus est est un auxiliaire modal 27 .
Ils se rencontrent encore chez Tite-Live, mais c'est le tour opus est facto qui
s'est le mieux conservé 28 . On trouve aussi, mais rarement, une construction avec
24
Voir infra, en 3.2.2, les exemples (14) à (19).
23
Voir les cases 5 à 10 dans le tableau (à la fin de l'article).
26
Voir les cases 8,9 et 10.
27
A eux deux ces tours représentent chez Plaute 37 emplois sur 52 emplois de opus est
auxiliaire modal et chez Térence 16 sur 23; avec usus est, les dénombrements sont
également significatifs: chez Plaute 9 emplois sur 14 et chez Térence 3 sur 4.
28
Le tableau donne un aperçu des principaux auteurs chez lesquels ce tour se rencontre;
le tour survit à l'époque tardive par exemple dans la Vulgate et dans les Lettres de
Symmaque. Ce tableau n'est pas exhaustif; opus est facto se lit chez d'autres auteurs à
diverses époques; citons, par exemple, Caton, Apulée, Aulu-Gelle (pour Caton, voir le
texte (13)).
•>9
l'ablatif du supin". Le supin est bien attesté dans deux passages de Térence {Ad.
740; Heaut. 941); voici le texte du premier d'entre eux:
(9) Ter. Ad. 740 si illud quod maxime opus est iactu non cadit.
"Si ce qu'il faudrait lancer ne tombe pas" (il s'agit du jeu de dés).
(10) Cie. Inu. 1, 28 si non longius quam quod scitu opus est in narrando
procedetur. "si, dans la narration, on ne s'avance pas plus loin que ce qu'il
convient de savoir".
(11) Cist. 129: quod tacito opus est. "Ce qu'il faut taire"
et chez Térence:
(12) Andr.523: quod parato opus est para. "Prépare ce qu'il faut préparer'.
29
En dehors des deux passages que nous citons (Ter. Ad. 740; Cie. Inu. 1, 28), oi ne
peut guère ajouter que Ter. Heaut. 941; Tib. 3, 10, 21; Symm. Epist. 3, 50. Les exemples
de Plaute que l'on cite parfois ne sont pas sûrs.
30
En choisissant plutôt la leçon quo opus est, les éditeurs récents ont éliminé, peut-êre à
tort, le supin scitu de ce passage.
31
Vendryès 1956: 334 sq.
32
Vendryès 1956: 336. Pour la valeur du participe passé, voir aussi infra les exenples
(24) et (25).
(13) Cato, agr. 2, 6 quae opus siiti locato locentur. "Que les ouvrages à mettre
en louage soient mis en louage."
et chez César:
Avec un pronom neutre pluriel pour sujet, ce tour est assez fréquent, en
particulier chez Tite-Live, chez qui l'expression quae opus sunt (ou erant ou
essent) se rencontre dans une quinzaine de passages, dont le suivant:
_34
(16) 44,22,5: quae ad bellum opus sunt. " Ce qui est nécessaire à la guerre.'
Mais le sujet peut être assez souvent aussi un substantif; ainsi chez Térence:
(17) Heaut. 893: Sponsae uestem aurum atque ancillas opus esse.
"Pour la fiancée, il faut une toilette, de l'or et des servantes... "
chez Cicéron:
33
Vendryès 1956: 334.
34
Voir encore, comme exemples comportant aussi l'expression ad bellum opus esse, 23,
5, 3; 23, 5,4; 27,10, 11; 31, 9, 5; 44, 22, 5; 45, 13, 14.
(18) Farn. 2, 6,4: dux nobis et auctor opus est. " Il nous faut un chef et un
guide."
(19) Matth . 9,12: non est opus ualentibus medicus, sed male habentibus. "Ce
n'est pas aux bien portants qu'il faut un médecin, mais aux malades."
Pour ces constructions de licet et de oportet, voir Emout-Thomas 1972: 211; pour
celles de necesse est, voir, par exemple, Caton, ap. Sénèque, Epist. 94, 27 (emas non
quod opus est, sed quod necesse est)', Cicéron, Phil. 13, 15; De orat. 1, 129; Tuse. 1, 119.
36
Pour opus est exprimant une nécessité, voir supra les exemples (14), (15), (16) et infra
les exemples (27), (28).
37
Le sujet peut-être de classe humaine, comme dans les exemples (18) (dux, auctor) et
(19) (.medicus), mais le plus souvent c'est un pluriel neutre (voir les exemples (13) à
(16)).
38
Pour opus est, voir Mil. 636; Poen. 311; Stich. 81-82; Truc. 470; pour usus est, voir
Asin. 376.
(21) Mil. 636: Quid opust nota noscerei "Pourquoi faudrait-il apprendre ce
qu'on sait? "
La formule comportant un participe passé aurait été *quid opust notis notisi et
aurait constitué un énoncé plutôt ambigu! En revanche, sont parfaitement claires
des phrases comme:
(22) Pseud. 732-733: Sed quinqué inuentis opus est argenti minis
mutuis... "Mais il faut queje trouve cinq mines d'argent à
emprunter"
(23) Pseud. 50 quam subito argento mi usus inuento siet. "Combien rapidement
il me faut trouver de l'argent."
(25) Cist. 704: ...sunt qui uolunt te conuentam. "Il y a des gens qui veulent te
rencontrer."
39
Vendryès 1956: 335-336.
40
existe entre la volonté et le résultat en tant que 'déjà obtenu' " . Le tour homine
conuento opus est, bien représenté chez Plaute, n'a pas été ensuite beaucoup
utilisé. Après Plaute, c'est Tite-Live qui s'en sert le plus souvent; ainsi dans:
(26) Liv. 40, 35, 5 nec frumento portato ad exercitum ...opus esse. "Et il
4|
n'était pas utile ... de transporter du blé pour l'armée"
40
Orlandini 1986: 136.
41
Voir aussi 3, 44, 8; 7, 5, 3; 39, 11, 5; 43, 19, 4. Il faut noter que ces tours, chez Tite-
Live, se rencontrent toujours dans des propos rapportés au discours direct ou indirect.
42
Inst. XVIII, 175: huic consimile esse uidetur 'fieri opus est' et 'facto opus
est'...quomodo e nini illa, sic etiam ista participio pro infinitis uerbis ponuntur.
(27) Lucr.3, 967 materies opus est ut crescant postera saecla. "La matière est
indispensable pour que croissent les générations nouvelles".
Sans présenter ce fait comme une constante, on peut observer que la construc-
tion personnelle correspond souvent à une valeur forte d'opus est.
3.2.5. Opus est a été concurrencé, surtout dans la latinité tardive, par opus
habeo, "j'éprouve le besoin de", "j'ai besoin de", autre type de construction
personnelle. Opus habeo se rencontre, par exemple, dans la Vêtus Latina:
(29) Matth. 9, 12 (cod.f): non opus habent sani medicum 44.
"Les gens bien portants n'ont pas besoin de médecin".
(30) Luc 5, 31 (cod.d): non habent opus salui medico.
Le Nouveau Testament grec, dans ces deux versets, offre l'expression χρεί-
ας εχουσιν qui a sans doute influencé le choix, en latin, de la tournure opus
habeo45.
modalités établie par J.P. Sueur pour les verbes français pouvoir et devoir, sont
distinguées les interprétations radicales et les interprétations épistémiques. J.P.
Sueur considère l'obligation et la nécessité comme des valeurs radicales du ver-
be devoir; quant à l'interprétation épistémique de devoir, elle concerne la proba-
bilité 4 6 .
4.1. Dans le cas d ' o p u s est, M. Bolkestein et S. Núñez ont montré que, comme
auxiliaire modal, ce verbe n'exprime jamais la modalité épistémique (appelée
parfois inférentielle)47 . En revanche, debeo, comme le français devoir, peut
exprimer cette modalité ; par exemple, dans:
(31) Petr. 49, 7 plane hic debet seruus esse nequissimus. "Vraiment cet esclave
doit être le dernier des vauriens" (autrement dit "est probablement le
dernier des vauriens!").
l'on peut appeler les valeurs déontiques . Debeo, comme le français devoir,
peut exprimer ces valeurs. En est-il de même pour opus est? On pourrait se
contenter de dire que la valeur de base de opus est, auxiliaire modal, est celle
qui lui est commune avec debeo, oportet et necesse est, à savoir l'obligation.
Mais, si on suit les analyses de J.P.Sueur
50
qui distingue obligation et nécessité
d'après les sources de l'obligation , on peut, au moins dans un petit nombre
d'emplois de opus est, reconnaître la valeur de nécessité. Si la source est un être
animé, on parlera d'obligation ("quelqu'un oblige à"), et s'il s'agit de condi-
tions matérielles, de nécessité ("les circonstances exigent que", "la situation
impose que"). Avec opus est, forme impersonnelle, il n'est pas toujours facile
46
Sueur 1983a.
47
Bolkestein 1980: 153, n . l ; Núñez 1991: 64.
48
Voir Orlandini 1998; Martín Rodríguez 2001.
49
Je réserve l'expression "valeur déontique" aux valeurs de verbes utilisés comme
auxiliaires modaux; utiliser "valeur déontique"à propos de debeo ou de necesse est
employés comme verbes à statut plein peut créer de regrettables confusions.
50
Sueur 1983a: 99-100.
(32) Sail. Cat. 43, 2: facto, non consulto in tali periculo opus esse. "En un tel
danger, c'est agir qu'il faut et non pas délibérer".
(33) Liu. 26, 10, 2: senatum frequentem in foro contineri si quid in tam subitis
rebus consulto opus esset. "Les sénateurs en nombre suffisant siége-
raient au forum pour le cas où, dans des circonstances si imprévues, il
faudrait le consulter."
(34) Tac. hist. 1, 62, 1 nihil in discordis ciuilibus festinatione tutius, ubi facto
magis quam consulto opus esset. "Dans les discordes civiles, rien n'est
plus sûr que la hâte, car il faut agir plutôt que délibérer." 5 '.
4.3. Enfin on peut remarquer que l'indicatif opus est peut-être employé avec le
sens de "il faudrait" et, de même, les formes opus erat ou opus fuerat avec le
sens de "il aurait fallu". La valeur dite "modale" de l'indicatif de possum, de-
beo, oportet, necesse est, verbes modaux, est bien connue et bien étudiée52, mais
à tort, on cite moins souvent, celle de opus est. Cette valeur peut apparaître lors-
que opus est, ou usus est, est utilisé comme auxiliaire modal; ainsi chez Plaute:
(35) Plaut. Trin. 503-504 Ehen, ubi usus nil erat dicto 'spondeo '
dicebat. Nunc hic, quom opus est, non quit dicere.
"Hélas! quand il aurait fallu qu'il ne dise rien, il di-
sait 'je prends l'engagement'. Maintenant, lorsqu'il
faudrait le dire, il n'est pas capable de le faire".
51
Opus est peut exprimer aussi la nécessité dans d'autres types de contextes; voir, par
exemple, Térence, Phorm. 204; Cicéron, Cluent. 150.
52
Voir Ernout-Thomas 1972: 247-248; Mellet 1988: 219 sq.
(36) Plaut. Men. 592 Aut plus aut minus quam opus fuerat dicto dixeram.Si
54
"J'en avais dit plus ou moins qu'il n'aurait fallu dire".
A propos de ces emplois de l'indicatif de opus est, ou usus est, verbes modaux ,
on peut parler comme le fait G. Fry, de "blocage modal"55. Le mode peut égale-
ment rester bloqué sur l'indicatif, lorsque opus est est employé comme verbe de
statut plein. Ainsi dans Térence:
(37) Ter. Andr. 638a-638b Nihil pudet hic ubi opust, illic ubi
nihil opust, ibi uerentur.
"Ils n'ont pas de pudeur là où il le faudrait et là où
il ne le faudrait pas, ils font preuve de réserve".56
Bibliographie
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Bacon.
Bolkestein, Alide Machtelt (1980), Problems in the description of Modal Verbs, Assen,
Van Gorcum.
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(eds.), Paris, PUPS, 27 -38
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fluencia griega", dans: M.Iliescu (Hrsg.in), Latin vulgaire-Latin tardif III,
Tübingen, Max Niemeyer, 159-172.
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semantico estructural", Studi del Liceo ΧΠ, Ferrara, 188-236.
Hofmann, Johann Baptist - Anton Szantyr, (1972), Lateinische Syntax und Stilistik,
München, C.H. Beck.
53
Pour l'emploi du plus-que-parfait, voir Ernout-Thomas 1972: 248; Mellet 1988: 229;
Fry 2001: 34.
54
Opus est
Plau Tèten- Lu- Cicé- Cicé-ron, César Sal- Vir- Ho- Tite Ta- Sym- Vul-
te ce crè- ron, Oeu- (BG, tas- gile race Live cite maque gate
ce Disc. v.Phi- BQ te (Let-
los. tres)
1 Emploi
s absolus 8 18 1 7 4 3 2 6 1 2
2.Avec
un sujet 30 18 8 13 4 3 1 27 8
3. Avec
un com- 92 15 5 35 η 1 6 2 7 67 22 11 3
pléta à
rabí.
4. Avec 2 1 1
un com-
pléta
Aux au-
tres cas
5. Avec
un 24 14 1 1 3 1 5 12 1 13 3
participe
pour
compi.
6. Avec
un abl. et 13 2 1 1 5
un par-
ticipe a i
accord
7. Avec 2 1
un supin
8. Avec
un 4 1 2 5 1 1 4
infinitive
9. Avec
une 6 3 6 7 2 1 8
propositi
on
infinitive
10. Avec 5 1 1 2
ut (ou le
subj.
Seul)
Totaux 182 74 15 65 50 10 13 2 11 128 25 30 18