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Bulletin de l'Ecole française

d'Extrême-Orient

Contribution à l'étude du système phonétique des langues thaï


Henri Maspero

Citer ce document / Cite this document :

Maspero Henri. Contribution à l'étude du système phonétique des langues thaï. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-
Orient. Tome 11, 1911. pp. 153-169;

doi : https://doi.org/10.3406/befeo.1911.2678

https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1911_num_11_1_2678

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CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU SYSTÈME PHONÉTIQUE

DES LANGUES THAI.

Par M. H. Maspero,
Pensionnaire de l'École française d'Extrême-Orient.

La précision de plus en plus grande que les publications de ces dernières


années ont apportée à notre connaissance des langues du groupe thai (*),
permet dès maintenant l'étude comparée de ces dialectes. Ce travail repose
sur la comparaison de sept d'entre eux, connus par des dictionnaires ou des
vocabulaires fort étendus : siamois, laotien, shan (Haute Birmanie et Sud du
Yun-nan), tai-noir (Tonkin, haute Rivière Noire), tai-blanc (Tonkin, Rivière
Claire), thô (Tonkin, province de Cao-bàng), dioi (Kouang-si). L'ahom,
dialecte aujourd'hui perdu (Assam) et assez mal connu, a été utilisé, autant que
le petit nombre de mots le rendait possible, à cause des formes archaïques
qu'il contient souvent et qu'il est important de rapprocher des formes siamoises.
Pour quelques autres dialectes du Tonkin et du Sud de la Chine, représentés
seulement par de courtes listes de mots trop hâtivement compilées, et d'ailleurs
sans notation des tons, il m'a semblé que leur emploi serait plus dangereux
qu'utile (2).

(*) On a discuté souvent sur l'orthographe à donner à ce mot, thai avec aspiration
ou lai sans aspiration. La question est pourtant très simple et ne méritait pas tant
d'efforts. Il s'agit d'un mot à ancienne sonore initiale, qui en siamois, laotien et tai noir,
s'écrit encore dai. Comme on le verra plus loin, les dialectes du Sud (siamois et laotien)
ont changé les anciennes sonores en sourdes aspirées, tandis que les dialectes du Nord
(shan, tai noir, tai blanc, thô, dioi) les transformaient en sourdes non aspirées. Il résulte
de là que l'ancien mot dai a abouti naturellement à t'ai en siamois et en laotien, et à
tai en shan et dans les dialectes tonkinois ; il ne me paraît pas exister en dioi.
Les deux formes thai (t'ai) et tai sont donc également correctes, et le choix entre les
deux implique seulement une préférence pour les dialectes septentrionaux ou les
dialectes méridionaux. — Dans cet article, j'emploie le mot thai pour désigner l'ensemble
des langues de ce groupe, et le mot tai quand il s'agit des tribus de ce nom (Tai noirs,
Tai blancs).
(2) A titre de renseignement, voici la liste sommaire des principaux ouvrages
employés :
io Langue siamoise. Pallegoix. Dictionarium linguce thai sive siamensis,
— 154 —

La seule des langues thai dont le système phonétique ait fait l'objet d'une
étude approfondie est tout naturellement la langue siamoise, qui est la plus
anciennement connue et la plus importante du groupe. On sait que l'écriture
siamoise, qui fut créée de toutes pièces en 1284 de notre ère (4), comporte
quarante-trois consonnes, alors que la prononciation moderne ne compte que
vingt sons réellement différents. Si on laisse de côté la série des six cacumi-
nales avec los deux sifflantes palatale et cacuminale, qui ne s'emploient
régulièrement que dans les mots pâli, et hors cela, ne sont en siamois que des
variantes orthographiques élégantes des dentales et de la sifflante dentale
communément employées (2) ; si on rejette également les deux lettres n l et t
h créées il y a une cinquantaine d'années pour la transcription des mots
européens, il n'en subsiste pas moins une grande différence entre le nombre
des signes écrits et celui des sons prononcés. Fr. Mùller (3) a fait de cette

interpretatione latina, galliea, et anglica illustration- Paris, 1854.


2" Langue laotienne. Cuaz. Lexique français-laotien. Hongkong, 1904.
3° Langue shan. Cushing. A Shan and English Dictionary. Rangoon, 1881.
4° Langue des Tai noirs. Diguet. Etude sur la langue tai, précédée d'une notice tur
les races des Hautes Régions du Tonkin, comprenant grammaire, méthode d'écriture tai
et vocabulaire. Hanoi, 1895.
5° Langue des Tai blancs. Savina. Dictionnaire tây-annamite-français, précédé d'un
précis de grammaire tây et suivi d'un vocabulaire français tây. Hanoi-Haiphong, 1910.
6'"> Langue des Thô de Cao-bàng. Diguet. Etude de la langue thô. Paris, 1910.
70 Langue des Dioi. Esquirol et Williatte. Essai de dictionnaire dioi^-français
reproduisant la langue parlée par les tribus de la haute Rivière de l'Ouest (Щ j^Tj)
suivi d'un vocabulaire français-dioi^. Hongkong, 1908.
8° Langue ahom. Grierson. Notes on Ahom, dans Zeitschrift der deutschen morgen-
làndischen Gesellschaft, 1902. p. 1-59.
On trouvera des spécimens des autres dialectes tonkinois dans Lunet de Lajonquière,
Ethnographie du Tonkin septentrional, p. 208, et de quelques dialectes du Kouang-tong
et de Hai-nan dans Madrolle, Les peuples et les langues de la Chine méridionale.
p. 10; ni les uns les autres ne sont utilisables.
(') C'est un des rares faits de l'histoire ancienne du Siam dont la date soit sure, car
il est mentionné dans la fameuse stèle de Rama Khamheng, la plus ancienne inscription
en langue siamoise, qui fut érigée en 1293 de notre ère. L'inscription a été traduite à
plusieurs reprises ; la traduction la meilleure et la plus récente est la traduction anglaise
de Bradley, The oldest known writing in Siamese (Journ. of the Siam Society, vol. VI
[1909], part I, 1-68), suivie d'un fac-similé de l'inscription en 4 planches.
{-) Dès les premiers temps de l'écriture siamoise, la stèle de Rama Khamheng les
montre couramment employées les unes pour les autres. On trouvera une série
d'exemples dans l'index des mots siamois de cette inscription à la suite de la traduction de
Bradley, loc. cit., p. 63.
(3) Fr. Muller, Das Lautsystem der siamesischen Sprache (Wiener Zeitschrift, VII
[1893], p. 71 et suiv). Cf. Frankfurter, Some suggestions for romaniçing Siamese,
(Journal of the Siam Society, III [1906], p. 52-62.)
— 155 —

singularité d'écriture une étude courte, mais approfondie, qui malgré quelques
erreurs de détail (1) est certainement exacte dans son ensemble.
Il est cependant un problème important que Mùller n'a pas résolu. On sait
qu'il existe dans l'écriture siamoise trois caractères qu'il est malaisé de classer
exactement. Ce sont les lettres ai, fl, U, que l'on transcrit d'ordinaire d, d, b. Les
cacuminales n'étant en siamois que des variantes orthographiques des
dentales et n'ayant aucune valeur propre, il faut écarter de suite le premier
signe: ces trois lettres ne figurent que deux sons différents. Elles présentent
ceci de remarquable que, malgré leur prononciation qui les rapproche des
sonores, elles doivent être considérées comme des occlusives sourdes; en effet,
dans cette langue où le ton du mot est commandé dans une large mesure par le
fait que l'initiale est sourde, sourde aspirée, ou sonore, elles imposent aux mots
qui les ont pour initiale le même ton que les sourdes correspondantes (2).

(*) En particulier l'attribution d'une valeur spéciale à chacune des sifflantes; en


réalité, si l'alphabet contient trois signes différents par suite de la nécessité d'écrire
correctement les mots pâli ou sanscrits, la langue siamoise n'avait dès le XIIIe siècle
qu'un seul son de cette catégorie; et le fait que, sur la même inscription, les mêmes
mots siamois sont écrits tantôt avec l'un tantôt avec l'autre, me paraît démontrer qu'il
est inutile de chercher à les différencier.
(2) Je les transcris par ď et par Ь pour les distinguer des sonores qui seront
transcrites d et b, et des sourdes /, p. L'aspiration sera marquée par une apostrophe [k',
g', ť , ď, etc.). Pour toutes les langues qui ont une écriture, la transcription suit
l'orthographe et non la prononciation; toutefois pour les mots à sonores initiales, j'ajouterai
la prononciation moderne entre parenthèses à la suite de la transcription orthographique.
Au reste, la transcription est conforme à celle qui est généralement usitée dans ce
Bulletin.
Pour la notation des tons, il est impossible d'adopter les systèmes employés dans
chacune des langues citées, car ils présentent des divergences beaucoup trop

considérables: en siamois, en laotien et dans les dialectes tonkinois, les tons sont marqués par
des signes placés sur ou sous la voyelle, tandis qu'en dioi et en shan, ils sont marqués
par des chiffres placés à la suite du mot. De plus les signes ou chiffres utilisés ne
servent pas à marquer les mêmes tons d'une langue à l'autre: pour le laotien, on a adopté
les signes de la transcription siamoise; pour les dialectes du Tonkin, on a préféré ceux
de la transcription annamite (quôc-ngiF) : il en résulte qu'un même signe, le point placé
sous la voyelle (a), sert dans le siamois et le laotien à indiquer le ton le plus élevé de
la série, tandis qu'en tai noir et en thô, il sert à noter le ton le plus bas. Les chiffres
employés en dioi et en shan ne concordent pas davantage.
II m'a paru nécessaire d'adopter un système unique. Rejetant la notation par signes
qui est toujours compliquée et d'ailleurs devient insuffisante dès que le nombre des tons
augmente, j'ai adopté la notation par chiffres. Les tons des langues thai répondent à
trois inflexions de la voix : égale, montante, descendante. Un quatrième ton est
caractérisé par une interruption brusque du souffle; il n'existe ni en siamois, ni en laotien,
mais est fréquent en dioi, en shan et dans les dialectes tonkinois ; d'après les définitions
qui en sont données, il parait analogue au nang annamite; je le désignerai du nom de
rompant. Ces, quatre tons peuvent se prononcer à deux hauteurs différentes; mais
le ton rompant supérieur n'a été encore rencontré dans aucun dialecte, et le ton égal
- 156 —

Mûller supposait que ces consonnes étaient des sonores de formation


récente, postérieure à la disparition des sonores anciennes. Pour expliquer
leur existence chez les dentales et les labiales seulement, il supposait que
l'évolution qui transforma les sonores en sourdes aspirées s'était effectuée plus
anciennement dans ces deux classes que dans les gutturales et les palatales (*) ;
quand celles-ci à leur tour commencèrent à se transformer, les dentales et les
labiales entrèrent dans une nouvelle période d'évolution, qui changea dans
certains cas (que d'ailleurs Mûller ne détermine pas) les anciennes sourdes en
sonores (2). L'explication était certainement très ingénieuse, mais elle n'était
pas moins inexacte. Si les faits s'étaient passés comme le supposait Mûller,

a de plus une troisième forme, qui est intermédiaire entre le ton égal élevé et le
ton égal grave. Voici le tableau des concordances entre ma notation et la notation
habituelle.
SIAMOIS SHAN TAI NOIR TAI BLANC THÔ DIOI
Í supérieur a1 a a 4 ... á á ai
Egal. j moyen a a a 3 a a a al
\ inférieur ai à ai ... ... à ď2
..Montant. . . . (l supérieur «2 á a \ á ... a a4
( .inférieur
' . a.2 ... ... ... a, a, «4
^Descendant. {( supérieur a* ... ... â ... ... a?>
. ~, .
{ intérieur a.à a ... a a ал
nRompant. . . (< supérieur a4 ... ... ... ...
r . ' .
.

( inférieur пц ... a 5 a a a a5
Tous les tons sont donc affectés d'uu chiffre spécial, sauf le ton égal moyen qui n'en
porte aucun. Les tons du laotien sont pareils à ceux du siamois; il est du reste peu
utile de s'en occuper, car dans le dictionnaire de Cuaz où je les ai pris, ils sont assez
sujets à caution: voir ce que dit l'auteur lui-même dans l'introduction de son Lexique,
p. XII. En général, pour toutes les langues, la description des tons manque de
précision; et il est possible par suite que la place que je donne à quelques-uns dans ce
tableau soit inexacte. Le fait est de peu d'importance, puisque je ne traite jamais du
système tonique d'un dialecte déterminé, et qu'il s'agit toujours de séries de
correspondances qui restent exactes, quels que soient les noms donnés à chacun des tons.
Pour les mots shan, M. Cushing marque toujours à la suite des tons le degré
d'ouverture des lèvres ; il est nécessaire de le noter en effet quand les mots sont donnés dans
l'écriture originale, puisqu'il modifie la prononciation des signes écrits des voyelles ;
mais il était inutile de le faire ici, puisque, les mots étant donnés en transcription, la
voyelle employée est une indication suffisante. — Les mots ahom ne portent aucune
indication de ton ; les tons des mots de ce dialecte, aujourd'hui perdu, sont ignorés.
Cf. Grierson, Notes on Ahom, p. 8.
(*) Millier rejette le nom de palatales comme impropre, et désigne cette classe sous
le nom de dentales mouillées. Il est possible qu'actuellement la prononciation siamoise
ait véritablement abouti à la dentale. Mais il n'est pas douteux qu'originairement il
s'agissait d'une palatale. L'évolution paraît avoir été pareille à celle qu'a subie depuis
le XVIIe siècle le ch annamite ; celui-ci toutefois n'est pas encore devenu dental.
(2) Lautsystem der siamesischen Sprache, p. 75,
— 157 —

l'écriture siamoise n'aurait pu en conserver la trace, car ils auraient été


nécessairement antérieurs à son invention : dès ses débuts, l'inscription de Rama
Khamheng nous montre la coexistence de d et de i, ainsi que de Ь et de p.
Au reste, le fait qu'il existe des caractères correspondant à ces deux
caractères siamois et, comme eux, distincts de ceux des sourdes et de ceux
des sonores, dans l'écriture laotienne et dans celle des Tai noirs du Haut-
Tonkin (1), prouve péremptoirement que ces phonèmes ne sont pas spéciaux au
siamois.
La comparaison des langues thai permet de pousser plus loin les recherches.
Aujourd'hui, dans toutes les langues thai connues, les occlusives sonores
anciennes g, ], d, b (qui étaient caractérisées non seulement par leur
prononciation mais encore par leur influence sur le ton), ont entièrement disparu.
Elles se sont transformées de deux façons différentes suivant les dialectes :
i° Dans le Sud (Siam et Laos), elles se sont changées en sourdes aspirées
(k', č\ ť, p').
2° Dans le Nord (Birmanie, Tonkin, Chine), elles se sont changées en
sourdes non aspirées (к, c, t, p).
Nulle part elles ne sont plus prononcées ; mais elles sont encore écrites en
siamois, en laotien et en tai noir ; en shan elles ne sont même pas écrites : elles
étaient probablement perdues avant l'introduction de l'écriture birmane chez
ces tribus.
En revanche, dans presque toutes ces langues, il existe aujourd'hui encore
un .d et un b qui correspondent, non pas aux anciennes sonores, mais au
d et au Ь du siamois : là même où ils ne se rencontrent pas (en shan par

(!) L'écriture des Tai noirs m'est connue par deux ouvrages : i° le Hwng-hoa dia
dit chl Ш Vu Ша Щ; fïfe> description de la province de Htrng-hoa composée dans les
premières années de la période ttr-âurc. Ce livre contient un vocabulaire assez étendu,
mais peu utilisable, étant donnée la difficulté que présente toujours la transcription
des mots étrangers en caractères chinois, et des spécimens d'écriture. — 2° l'Etude
de la langue tai du commandant Diguet. Le fait que l'auteur s'est donné la peine de
reproduire les mots tai dans l'écriture indigène, à côté de la transcription qui figure
la prononciation actuelle, donne une valeur particulière à cet ouvrage. Cette écriture,
d'origine birmane, mais évidemment introduite par l'intermédiaire de l'écriture
laotienne, et qui doit par conséquent remonter aux environs du XVIrt et du XVIIe siècles,
comporte deux séries complètes de consonnes, les unes hautes, les autres basses ; les
aspirées elles-mêmes sont ainsi divisées, mais dans ce cas, la consonne basse,
introduite dans l'alphabet par symétrie, est inusitée dans la pratique et ne se rencontre que
dans quelques mots étrangers. Or la série haute comporte un & et un ? qui
correspondent au b et au d des autres langues thai, tandis que le 6 et Je / de la série basse
correspondent à w et à /. Toutefois le / de la série haute (que je transcrirai ici /)
répond aussi parfois au hl du siamois et du laotien. La préfixation d'un h à l'initiale
pour en modifier le ton est d'ailleurs un procédé connu de cette écriture, car la série
haute des nasales est formée de cette façon.
— 158 —

exemple), ils sont représentés d'une façon toute différente à la fois de celle des
sonores et de celle des sourdes (').
Le tableau suivant montrera nettement la régularité de ce phénomène.

(I) Si on classe les dialectes thai a ce point de vue, ils ne divisent en trois groupes:
I-a/Transformation des sonores en sourdes aspirées. Í Siam.
b/Conservation du d et du h- ( Laos.
f Tonkin : (Tai noirs,
II-a/Transformation des sonores en sourdes non aspirées. 1 Tai blancs, Thô).
b/Conservation du d et t. j Chine : Dioi.
[ Assam : Ahom.
III-a/Transformation des sonores en sourdes non aspirées. $ Birmanie: Shan.
b/Transformation du ď et Ь en m et l (n). ( Khamti.
Cette division répond, dans l'ensemble, à la répartition géographique ; toutefois il
faut remarquer la position singulière du dialecte ahom, qui, bien que situé à l'extrème-
Ouest du domaine linguistique des langues thai, et côte à côte avec les langues du <
3e groupe (Khamti), appartient néanmoins, à ce point de vue, au 2e groupe, celui des
langues du Nord-Est. D'autre part le tai noir occupe une place intermédiaire entre
le groupe shan et le groupe tonkinois, car il a conservé intact le b comme celui-ci,
mais transformé au moins partiellement le d en / comme celui-là.
Ce classement me paraît préférable à celui qui répartit les dialectes suivant la
manière dont ils ont traité les liquides initiales précédées d'un préfixe asyllabique. La
chute delà liquide est un phénomène général commun à tous les dialectes: le siamois,
bien qu'il en ait moins ressenti les effets que les autres, Га pourtant subi aussi, et sa
comparaison avec l'ahom, qui a gardé un aspect archaïque, donne des résultats intéressants".
AHOM SIAMOIS
Rayon de miel p -run bien-, (abeille)
Être gelé k'-run k'eň.2
Cheveu p'-rum p'ôm
Revenant, démon p'-ri p'i
Boire k-lin kïn
Dent k'-riu k'iau.^
Buffle k'-rai gwai (k'wai)
Oeuf k'-rai k'ait
Toutefois le siamois a généralement conservé ces liquides, ainsi que l'ahom, tandis que
le laotien, qui les écrit encore, ne les prononce plus; les dialectes du Tonkin et de la
Chine les ont également perdues. Les dialectes thai, à ce point de vue, se partagent
aussi en trois groupes, mais ces groupes sont constitués de façon différente:
I — Conservation de la liquide précédée d'un préfixe. s
II — Chute de la liquide, qui est remplacée par un i ou un è \ Dialectes tonkinois,
formant diphthongue avec la voyelle du mot. ( Dioi.
III — Chute pure et simple de la liquide. \ Shan.
Laotien.
On voit que ce classement a le grave défaut de séparer complètement le laotien du
siamois pour le rapprocher du shan. Or le laotien, que Ton a parfois traité, à tort je
- 159 —-

Ь (Siamois U)

Siamois Laotien Ahom S HAN Tai noir Tai blanc Thô Dioi
Ъа- ba1 ba'
Epaule bai bai mat ba-s
Feuille bai bai bail тао'ъ boo" bffW baw bao-
Village batii ban-j, ban mân barií ba tio Ьащ Ьащ
Mince baň ban mafia taň baň bah ban
Quelques bani bah m a fi bau'
Ьапз
Léger bâo bâo maui bad bao
bol
{boi bo bu hoi
Ne... pas
l bau mau\ дао bao
ho' bo' Ьо{
Source, mine boi boi mawi
Lotus bu a bua tïlOi bita
Aveugle bodi bot i mawt\ bo ř boř boř

В (Siamois

Plier bab (p'âb) bab (p'âb) papi


Carte à jouer bais, (p'ài) bais (p'ai) p'aii vai (fai) pais paix pak
Séparer bah (p'àk) hakz (p'àk) pawk\bak~ (pá) рок piâki
buň po'
Montagne b'u (p'u) bu (p'u) (pu) риз pily
Chèvre be (p'e) be?, (p'è)
Radeau be (p'e) be (p'e) pel be (p'e) ре-з pêi
S'écrouler bâà (p'an) pan pan' pans
Père boA (p'o) 6o:i (p'o) po paw bo (poj po po* po
Ventre buň (p'uiï) buiï (p'ufi) ращ
Glisser blad(p'làd) bâ-lat-j yah piat

P (Siamois il)

Forêt pa{ pai — pai pa pa —


Tante pas pa-â — pa pa^ pai pa 3
Marcher pai pâi pai pai-i pâi pâi pëi pai

crois, de dialecte du siamois, en est extrêmement proche, tant par le vocabulaire que
par le système phonétique. Il semble bien que siamois et laotien soient les deux dérivés
modernes d'un dialecte unique, parlé par les tribus qui, vers le XIIIe et le XIVe siècles,
s'emparèrent les unes de la plaine du Mé-nam, les autres de celle du Mé-không, et
différencié à une époque relativement récente. Un phénomène qui sépare des dialectes
aussi étroitement apparentés sur tous les autres points ne peut être adopté comme base
de classement. Au reste, des comparaisons minutieuses entre les vocabulaires des langues
thai permettront seules d'établir un classement définitif.
— 160 —

Siamois
pak1 рак1 pa1
Bouche paki paki pak
Tourner pan1 pân pan1
pâni pins pâni pin
Partager pân pân pan pân pân pân pan'
àRainette
- \ \A 1 11 vliv tâ-paU pat1
pah
ращ paô' pou1
Souffler pâo\ pao pol
Gâteau, pain pens pân peih peih piň
Poisson pla pla (pa) pla pa* pa pèa pia pia
pïk pit (Pí) pïk, pïk1
Aile pi ki piki

В (Siamois ç\)

Obtenir dais dâ'h dai lai 1а'ц dak ââU dak


Etoile dao dao dau la и' lao dao dao dao
Rouge de il deň dm líiť leň deň deň di1
deň
Bon di di di li děi de i
Vť at
lín dcrn"
Terre dïn dïn dïn dïn din dïn
Van dôih dons .... lu ň .... dcrňj
du* dôih
di
4. .2
Nombril dw .... lř .... dwêhs

D (Siamois VI)
Ventre doň (ťoň) doň (ťoň) toň taw ň doňs (toň) toňi toň/, tons
Endroit di3 (ťl) ti ti ti tU ti
taň1 daňA
di (ti)
Route (ťqň) taň taňs tans
daň (ťaň)
daň1 (ťqň) daň1
daň (ťaň)
taň taň1 de ň3 (taň) taň
Tout (ten) tans
ta1 tâih
Perdrix kâda(kât a )da (ťa)
Cendre dâos (ťao) dao3 (ťao) .... >••■ dao (taô) tous taôo tau
Plier en deux dbb\ (ťob) dobi (ťob) .... tup, tap* topa, tap

T (Siamois fi)
ta ta*
Œil ta ta ta2 ta (ťa) ta
Ramper tâi{ tail tâÛ
Sous tah .... tail taii tao-i to-u*i too- * ....
Mourir tai tai tai tak tai (t'ai) (ťai) ta i
Broyer tam ta m tâm tâm
fík1 tâk* ta к1 tâk1 tak1
Puiser tâk\ ta ki ....
Etablir táni taň3 tan taň ta ni .... ....
Plein těm těm tim tïrriî têm têm těm ....
tin'
Pied tin tin tin tînt tin tin tin
Numérale des
animaux tua to tu to tu tu tUO*\
Ces correspondances régulières dans toutes les langues de la famille (') me
paraissent prouver suffisamment qu'il s'agit là de sons anciens tout à fait
différents du d et du b sonores. Mais on vient de voir que le shan les représente
toujours par / et m : on pourrait supposer que cette langue a conservé ici la
forme ancienne, et que le â et le Ь des autres langues thai dérivent l'un d'un
ancien / et l'autre d'un ancien m. L'examen du système des correspondances de
tons entre les langues thai montre qu'il n'en est rien. Mais avant d'en donner la
démonstration, il est nécessaire d'exposer ce que sont ces correspondances.
Les systèmes de tons des divers dialectes thai, bien qu'ils soient semblables
dans leurs grandes lignes, présentent de nombreuses différences de détail. Celui
du dioi, qui est très développé, compte huit tons (2) ; le tai noir en a six ; les
autres langues ont cinq tons, mais ces tons ne sont pas les mêmes partout : le
siamois et le laotien n'ont pas le ton rompant ; de leur côté le shan et le thô n'ont
pas de ton descendant.
Ces divergences montrent qu'à une certaine époque le système des tons a
subi dans chaque langage une série de perturbations. La perte de trois des huit
tons dans presque tous les dialectes a amené un remaniement général semblable
à celui qu'ont subi dans des circonstances analogues les dialectes chinois
septentrionaux : à mesure que certains tons disparaissaient, les mots qui en étaient
affectés se répartissaient entre un ou plusieurs autres tons. Les détails de cette
évolution n'ayant pas été identiques dans tous les dialectes, il en résulte qu'un
1on ancien du thai commun est représenté aujourd'hui par des tons différents
dans chaque langage, ou (ce qui revient au même, mais a l'avantage d'être
directement saisissable) qu'un mot affecté d'un ton quelconque dans une langue
thai, porte, dans les autres langues thai, un ton pareil ou différent, qui est
strictement déterminé, pour chacune de ces langues, par les conditions mêmes de
son évolution ; la correspondance des tons est aussi régulière que celle des autres
-éléments phonétiques.
Si on institue une comparaison des tons dans les langues thai, on constate
de suite qu'à un ton particulier d'une langue donnée correspondent, dans les
autres langues, des tons différents suivant que la consonne initiale du mot est

(l) Autant qu'on peut le reconnaître, elles s'observent aussi dans les dialectes de
Hai-nan. Je relève dans Madrolle, loc. cit., p. 10, les deux mots suivants, qui
appartiennent à celui des Sai du centre de l'île:
Sai Siamois Dioi
Etoile. dao dao dao
Terre. den dïn din
Ces deux mots étant uniques, il est difficile d'en tirer une conclusion sûre.
(2) En distinguant le ton montant supérieur et le ton montant inférieur, dont les
PP. Esquirol et Williatte reconnaissent l'existence séparée, mais qu'ils confondent,
dans leur notation, pour des raisons pratiques. Cf. Dictionnaire dioi-français, Notions
de Grammaire, p. IX.
B. E. F. E.-O. T. XI. — 11
— 162 —

une ancienne sonore ou une ancienne sourde. Ce phénomène n'a rien


d'étonnant, étant donnée l'influence qu'exerce la valeur sourde ou sonore de l'initiale
sur le ton. On peut dresser ainsi pour chaque catégorie d'initiales un tableau
de correspondance des tons entre les dialectes thai, en partant de chacun d'eux.
Le tableau suivant est rapporté à la langue siamoise, non que le système de
tons de celle-ci paraisse particulièrement intéressant, mais parce que des trois
dialectes où l'orthographe a conservé la distinction des sourdes et des sonores,
c'est celui dont il existe actuellement le meilleur dictionnaire (*).

Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi

Consonnes hautes : aspirées, sifflantes.


Egal
Egal infé- Egal infé- Montant su- Egal supê- Egal supérieur
supérieur rieur périeur rieur rieur Descendant
supérieur
Montant su- Montant su- Egal moyen Egal moyen Egal moyen Montant
périeur périeur
Descendant
Descendant Egal moyen Rompant Montant 'in- Montant supérieur
ininférieur férieur férieur Descendant
inférieur

Consonnes moyennes : sourdes (2).


Egal moyen Montant su- Egal moyen Egal moyen Egal moyen Montant
périeur
Egal injé- Egal infé- Montant su- Egal supé- Egal supé- Egal
supérieur rieur périeur rieur rieur rieur
Descendant Egal moyen Rompant Montant in- Montant in- Descendant
inférieur férieur férieur supérieur

0) Pour les exemples justificatifs, voir ci-dessous p. 166, Appendice. — Le laotien


est écarté: les tons, dans le dictionnaire de Cuaz, sont systématiquement ramenés au.
système siamois (voir Notions préliminaires, p. XII).
(2) Les grammairiens siamois et d'après eux les grammairiens européens admettent
que les initiales moyennes et les consonnes basses peuvent supporter les cinq tons. Le
fait est pratiquement exact ; et ces affirmations peuvent être admises dans des ouvrages
destinés à l'enseignement de, la langue courante. Scientifiquement elles ne sont pas
soutenables.
A. — Avec une consonne moyenne comme initiale, les mots au ton égal supérieur ou
au ton montant,- du reste fort rares, ne se rencontrent que dans les deux catégories,
suivantes :
163 —

Consonnes basses : sonores, liquides, nasales.


Descendant
Egal supé- Rompant Descendant Rompant Rompant inférieur
rieur inférieur Egal
inférieur
Egal moyen Egal supé- Descendant Descendant Descendant Egal
inférieur supérieur inférieur inférieur rieur
Egal moyen .,
Descendant Egal moyen Descendant Montant /. Montant in- Egal moyen.
inférieur inférieur férieur
supérieur

Ce tableau naturellement ne vaut que pour les mots terminés par une voyelle
ou par une nasale ('). Les mots à occlusive finale forment dans les langues thai,
comme dans les dialectes chinois, une catégorie à part au point de vue des tons.

i° Exclamations, onomatopées, etc. :


lui (chá) oui
Од (ô) ah ! (exclamation d'admiration).
du$-du (dû-du) ah ! (exclamation d'indignation).
tad^i (tád) chant des poules qui viennent de pondre.
kcr-tuk% bruit des battements du cœur.
ti tok% frapper en faisant toc.
о1 (оц) oh ! (exclamation d'admiration).
cal (cha) ha ! (interjection pour appeler).
2° Mots d'origine étrangère:
kadt (angl. card), carte.
W (cambodg. tok), table.
B. — Avec une consonne basse comme initiale, la langue parlée possède un assez
grand nombre de mots aux deux tons montants. Mais ces mots sont toujours écrits
avec une aspiration initiale. Cette aspiration ne se prononce plus aujourd'hui ; mais il
n'en a certainement pas été toujours ainsi. Si en effet on compare les mots siamois aux.
mots correspondants des autres langues thai, ils sont partout traités comme des mots a
initiale haute ; le h muet du siamois actuel doit donc être considéré comme la véritable
initiale.
Régulièrement, en siamois, les trois catégories d'initiales ne peuvent supporter
chacune que trois tons différents.
Í1) La nasale finale se comporte exactement comme le second élément d'une
diphthongue, et, en réalité, devrait être considérée comme telle. Ce qu'on appelle
improprement diphthongue dans ces langues est, en fait, un son complexe formé d'une
voyelle longue ou brève suivie de vibrations d'un timbre différent : lorsque les
vibrations sont buccales, on considère l'ensemble comme une diphthongue et on admet
que la syllabe est ouverte ; lorsque les vibrations sont nasales, on considère l'ensemble
comme formant une voyelle suivie d'une consonne et on admet que la syllabe est
fermée. Cette distinction, absolument arbitraire, est inexacte. La nasale finale, simple
т. xi. - 11.
- 364 -

Ils ne sont pas, il est vrai, différenciés au point de former un groupe ayant un
ton spécial. Ils ont néanmoins une caractéristique qui les distingue des autres
mots : le petit nombre de tons différents qu'ils peuvent prendre. Dans tous les
dialectes sauf le shan, si leur initiale est haute ou moyenne, ils ne peuvent avoir
qu'un seul ton ; il en est de même avec une initiale de la série basse, dans le
groupe des dialectes du Nord-Ouest (dioi, tai noir, tai blanc, thô) ; mais dans
ce cas les dialectes du Sud (siamois et laotien) distinguent deux tons suivant
que la voyelle est longue ou brève (1). En shan la différence entre les mots à
occlusive finale et les mots à voyelle ou à nasale finale est moins tranchée :
le seul ton où on ne puisse jamais les rencontrer est le ton montant ; mais aux
quatre autres tons, égal supérieur, égal moyen, égal inférieur et rompant (il
n'y a pas en shan de ton descendant), ils sont également nombreux.

vibration durant une implosion qui n'est jamais suivie d'explosion, ne ferme pas la
syllabe. Il est curieux qu'on ait reconnu le fait pour les semi-voyelles w ou y, et non
pour les nasales; mais il est certain que dans le siamois âaw (transcr. dao) ou le shan
law (transcr. lau), « étoile », et dans le siamois gam (k'âm) ou le shan k'âm, « or »,
les éléments w et m jouent exactement le même rôle. La répartition en deux catégories
toniques des mots des langues thai (mots terminés par une voyelle ou une nasale d'une
part, mots terminés par une occlusive sourde de l'autre) serait donc imputable, en
définitive, au fait que la syllabe est ouverte dans le premier cas, et fermée dans le
second.
(l) Ce cas est remarquable, car il est le seul, à ma connaissance, où la quantité de la
voyelle et le ton soient ainsi en concordance régulière. En général, dans les dialectes
thai, aussi bien que dans les dialectes chinois et qu'en annamite, la quantité de la voyelle
et le ton du mot sont choses absolument distinctes qui n'exercent aucune influence
l'une sur l'autre. Mais il n'est pas sûr que ce cas particulier déroge véritablement à la
règle ordinaire. Les dialectes du Nord-Ouest (Chine et Tonkin) confondent les deux
tons. D'autre part, le shan est d'accord avec le siamois pour distinguer deux tons ;
mais bien qu'il y ait concordance à ce point de vue entre les deux dialectes, la quantité
de la voyelle n'a en shan aucune importance: on trouve des mots à voyelle longue et
des mots à voyelle brève dans les deux tons. La comparaison avec les dialectes du
Tonkin et du Sud de la Chine permettrait seule de déterminer la quantité de la voyelle
en thai commun. Malheureusement la quantité est insuffisamment notée dans presque
tous les dialectes autres que le siamois. Du moins peut-on constater une grande variété
entre les diverses langues: si le mot qui signifie « dérober» (siamois râk) a bien la voyelle
brève dans tous les dialectes, le mot «ongle» (siamois lëb, shan rïpk) et le mot «oiseau»
(siamois nok, shan nok) ont la voyelle longue en tai noir {lëp, nok)', et le mot «racine»,
qui a la voyelle longue en siamois (rak), en tai noir, en tai blanc et en dioi, l'a brève
en shan (hâk). A mon avis, la différence de la quantité de la voyelle dérive en siamois
d'une évolution de la voyelle distincte de celle du ton, et spéciale au siamois et au
laotien, puisqu'en shan, où il y a également deux tons correspondant exactement à ceux
du siamois, aussi bien que dans les dialectes de la Chine et du Tonkin, où les deux
tons sont confondus en un, la quantité de la voyelle diffère souvent de celle qu'on
trouve en siamois et laotien.
- 165 -

Le système des correspondances devient alors celui-ci :


Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi
Consonnes hautes et moyennes: aspirées, sifflantes, sourdes.
Egal infé- SEgal inférieur {Montant supérieur Egal su- Egal su- Egal su-
rieur (Egal supérieur (Egal moyen périeur périeur périeur
Consonnes basses : sonores, nasales.
Egal
rT moyen Rompant Íi^ Egal
„ , moyen n , Rompant
_ Egal
, . r. i Rompant
Descendant Egal moyen ) moyen
II suffit de jeter un coup d'œil sur les tableaux précédents pour constater
que les correspondances de tons des mots siamois à initiale d et Ь ressortissent
au système des consonnes moyennes, et ne rentrent pas dans celui des
consonnes basses comme elles le feraient si ces deux consonnes dérivaient d'anciens
m et /. Si d'autre part on examine les correspondances de tons en les
rapportant au shan, on voit que dans cette langue, les tons des mots à initiale m et
/ répondent tantôt à la série basse, tantôt à la série moyenne, tantôt à la série
haute : dans le premier cas, les autres langues ont m on l pour initiale ; dans le
second, elles ont d ou Ь, et enfin le troisième cas est celui des mots auxquels
le siamois et le laotien préfixent un h aujourd'hui muet. Voici quelques
exemples qu'on pourra comparer aux tableaux précédents :
Shan Siamois Tai noir Tai blanc Thô Dioi
M
Venir mah{ ma то? таз таг ma2
Cheval mai ma1 mď- ma^ mai тал
Veuf mai mai a ••. ma и maiz maix
Brûler mai mâh ma i i mai*» mâi<2 maïà
Arbre maii mai* mais та'ц ma i i mah
TL
Voler laki lâk lâk"1 lâki lâki Qaki
Profond liik4 lifrk libk* lith litki luki
Descendre lôn[ Ion loňd IuÛa, 1опъ 1опз Ooiï*
Alcool lau lâo3 lao\ lou* /aô-2 lau3
Enfant luk lu k^ luk luh luh lo-k.
On voit que les cas où m et / shan doivent être classés dans la série moyenne
sont ceux où ils ont pris la place des anciens Ь et ď , disparus aujourd'hui de ce
dialecte, mais conservés dans les autres.
En résumé, la comparaison avec les autres langues montre que le à" et le Ь
diffèrent à la fois de t et p, les sourdes correspondantes, et de d et 6, les
— 163 -

sonores correspondantes ; les traitements différents que subissent ces trois sortes
d'occlusives dans les diverses langues les distinguent nettement les unes des
autres. Quant à la valeur exacte de ces deux consonnes spéciales, des
expériences précises, qu'il est impossible de faire à Hanoi, permettraient seules de
s'en assurer. Etant données leurs caractéristiques, j'inclinerais à y voir des
■douces non sonores : cette hypothèse expliquerait à la fois leur prononciation
et leur influence sur le ton.
Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, il reste établi qu'il a existé en thai
commun, avant la séparation des langues modernes, en dehors des aspirées,
trois sortes d'occlusives dentales et labiales, la première sonore, la seconde
sourde et la troisième intermédiaire entre la sourde et la sonore, mais rentrant, en
ce qui concerne l'influence exercée sur le ton, dans la catégorie des sourdes.
La disparition des anciennes sonores a considératjfement modifié ce système.
Dans la prononciation actuelle, les dialectes méridionaux (siamois et laotien) et
orientaux (tai noir, tai blanc, thô et dioi), ont encore conservé la distinction des
sourdes et des demi-sourdes. Dans les dialectes occidentaux (shan, khamti (*),
etc.) cette dernière distinction elle-même s'est effacée par la perte complète
des demi-sourdes. Le système ne s'est conservé complet que dans les écritures
siamoise, laotienne et des Tai noirs, grâce à la tradition orthographique. Dans
toutes les autres langues thai, le ton seul en a gardé quelques traces.

APPENDICE.
Les exemples suivants permettent de se rendre compte du système des
concordances des tons.
i° Mots terminés par une voyelle ou par une nasale.
Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi
Consonnes hautes.
Fendre p'ay p'a{ fa- fa1 p'a{ pal
Charbon ťani ťan\ ťarí2 ťan1 ťaiV tan1
Oeuf k'âii k3ai[ k'âi1 kia'O
Croiser k'ivaii k'wâi1

(i)On trouvera dans le même volume du Linguistic Survey of India (Mon-khmer and
Siamese-chinese family) des vocabulaires d'un groupe de dialectes thai parlés en Assam
et apparentés de très près au shan ; le khamti est le plus important et le mieux connu de
ces dialectes (grâce à la grammaire de Needham (Outline grammar of the tai (khâmtt)
language as spoken by the Khâmtts residing in the Neighbourhood of Sadiya, with
illustrative Sentences, Phrase-book and Vocabulary, Rangoon, 1893). Je n'ai utilisé
aucun d'eux dans ce travail parce que, pour aucun d'eux, les tons ne sont notés, et aussi
à cause de leur extrême ressemblance avec le shan. Voir la liste comparative des mots
de ces dialectes dans le Linguistic Survey of India, loc. cit. p. 214 et suiv.
- 167 —

Siamois S HAN Tai noir Tai blanc Thô Dioi


Fille sao® .... sao ťao, sao sao sao-
Deux so/i2 s'avjň% son ťoň, soň soň so/i2
Trois sam® s'am<ï sam ťam, sam sam sam®
Haut ' suň* SU/Î2 suň ťuň, suň suň saň-
Tigre swa® SWi sua swa swa
Labourer t'ai2 ťak t'ai ťai ťei sai®
Mâle p'u-A pu роч риз
Entrer к'аоз k'âu k'aôi к'ощ k'âbv, каиз
Riz к'аоз k'âu k'abi k'ou^ k'âo% haui
Dent кЧаиз k'io 'k'êo к'еоч к'еоц hou-A
Monter k'wn6 k'iin к'йщ к'йгп* k'wn* hen-A
Consonnes moyennes.
Je, moi ku kâu® ku кои kâô ku^
Loin klâi kai® kwëi kwëi kâi kiai®
Chaux pun fan fan fan
Année pi pP pi pi pi pi®
Mollet pli pi pi pp
Lune dwen lûn® dwcrn
Oeil ta ta* ta t'a t'a ta®
Aller pai pai® pai pai pëi pai®
Siège taňx taňi taň1
Bas, peu élevé tâm\ ta m® tâm> tâm^ tam1
Avant kotu коп9 коп1 коп1 коп1
Poulet kâii kai{ kâi® k'âi1 kâi1 kai1
Lâcher ploii po'h pêoi1
Délier кез ke ]/■ p кеч kiê3
Joue kêms këm kênii keniz kêm% kiem3
Cul кэпз kôn kwu-щ kôn$
Semis de riz кЫз ka каь cya* (châ) cya<i kia3
Difforme Ыаиз Ьещ
Consonnes 1 jasses.
Eau пат1 nâni\ патъ nâmi nâmi батз
Injurier bo1 ..... fo-u-з
Savoir ru1 hui rui, 1щ ГЩ QO3
Enfiler roi1 roii, loin, 60 /3
Chouette ^âoi кащ кощ
Paresseux g ran1 )апз (càn) yam
Viande nwa1 по-%
k'an^ пйа& по
(hňwa-) nwcu
Un peu noi1 no h (petit) nôk noii noi
г- 168 —

Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi


Or gâm (k'âm) k'âm1 gâm3
(kâm) k'ania
Argent ňcrn /гйп1 ňo-n3 пггпз ňo-щ ňan\
Serpent ňu пи1 ňu3 ňu3 ňu\ ňo-Wi
Radeau be (p'e) pes bèd (ре) реъ pêi
haní haô*

.
Nous râo гомз, lo Из Qaui
Nid raň haň1 han* laň i raň i eorti
Besace dah (t'ai) ..... tek tai
Enclume dans (t'àn) taň (taň-s)
Morceau dons (t'en) (ton') ton ton
Père 603 (p'o) pâw bo (po) po роч po
Nuit gam-è (k'àm) k'âm gâm (kâm) k'âm kâm% ham
Arqué gums (k'ùm) kom
Engourdi mwaii (mwài) mwcri mai
Vêtir гшггз (nuň) мй à nuň
Lancer gwaňz(k>ivaň) kaň» kweňv
Prix ga% (k'à) ka 2a'è ка
Dette ni-з (ni) ni no-3 nk nk (nř)
On remarquera les affinités toniques des consonnes hautes et des consonnes
moyennes. En réalité il n'y a pas là deux systèmes différents de correspondance,
comme entre les moyennes et les basses. Les sourdes et les sourdes aspirées
ont les deux tons inférieurs de leur groupe identiques dans tous les dialectes.
Seul le ton supérieur diffère également dans tous les dialectes. Il faut noter
aussi que la série correspondant au ton descendant siamois est toujours la
même, quelle que soit l'initiale, en shan et en thô.
Des correspondances irrégulières comme les suivantes s'expliquent par
l'adjonction d'un préfixe sourd ou aspiré :
Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô D101
Vin Ш03 la и loû% loui lâôz laiř
Arbalète nas .... hna^ пач na% nwt
2° Mots à occlusive finale (!).
Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi
Consonnes hautes et moyennes.
S'épanouir mawki bêôk1
Cru âib\ lïp1 âip^ dip1 eip1
lip
Légume p'âki fâk pêâk{ p'iâh piak1

0) Pour la chute de l'occlusive gutturale finale en dioi après une voyelle longue,
voir Huber, BEFEO, IX (1909), 396. Un cas analogue se produit également en tai noir,
où le к final tombe régulièrement lorsque la voyelle est longue. Dans aucun des deux
dialectes le ton ne subit de modification par ce fait.
— 169 —

Siamois Shan Tai noir Tai blanc Thô Dioi


Racler k'ah k'ot* k'oW hot1
Canard pedi pit{ pêfi pit1 pet1 pit1
Poitrine oh (rk* crk* ak*
Aveugle mawti bot* boV ....

Consonnes basses.

Voler, dérober râk la кi lak ldkk lâh eak


Profond lirk luh litk lith lith lak
Ongle let lep lepí lepí sip
nok*
rïpi
Oiseau nôk nok noh, nuh noh вок
Dehors noks nawk nok (no) noh noh Oo
Traîner la ks lak lak (la) la h lah la
Enfant luh lak luk (lu) luh luh Iwk
Racine raks hák hak (ha) lah, raki laki oa

II va sans dire que, dans tous les cas, il y a de nombreuses exceptions


apparentes. Parfois la cause se détermine aisément. Ainsi les correspondances
suivantes :
Siamois Laotien Shan Tai noir Tai BLANC Thô Dioi
k'Ôbi к'йр к op к ,лop 1 k'bpX
Mordre
gob hap
paraissent bien devoir s'expliquer par l'existence en thai commun d'une double
forme avec initiales appartenant à des séries différentes. Mais si l'écriture
laotienne n'avait pas conservé la forme à initiale sonore, le ton du mot dioi
serait incompréhensible. Il est probable que nombre d'exceptions apparentes
proviennent de faits de ce genre. L'adjonction de préfixes qui ont cessé de se
prononcer (comme h siamois par exemple) a dû être aussi une cause de
perturbations. En dehors de ces cas qui sont assez bien déterminés, il en reste
encore un certain nombre qui sont difficilement explicables. Une étude détaillée
du système phonétique des langues thai permettra seule d'en rendre compte.

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