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Chapitre 3.

COMPORTEMENT MECANIQUE DES MATERIAUX

1. Caractéristiques des matériaux

Le béton précontraint est un matériau soumis à des contraintes très élevées et


destiné à assurer une grande sécurité aux ouvrages, par conséquent exige des
matériaux (béton et armatures) de haute performance, c’est-à-dire des
matériaux avec des caractéristiques mécaniques élevées.

1.1. Le béton

Le béton utilisé dans la précontrainte doit être de très bonne qualité pour
plusieurs raisons :
 le béton, en durcissant dans le moule (coffrage) court le risque de
fissuration, car le moule gène les déformations de retrait ;
 pour éviter cette fissuration, il faut que le béton soit très tôt
précontraint ;
 l’effort de précontrainte étant très élevée, le béton court les risques de
fissuration et de perte de résistance aussi bien au niveau des sections
courantes qu’au niveau des ancrages ;
 pour éviter ces effets de la précontrainte, il faut que le béton ait une
résistance très élevée au moment de la précontrainte, c’est-à-dire au
moment de la mise en tension des armatures ;
 les charges extérieures destinées à neutraliser une partie importante des
contraintes dans le béton sont encore incomplètes ou absentes
complètement.

Aussi, pour aider le béton, on a recourt à :


 un traitement particulier des zones d’ancrage : on dispose des ancrages
dans la pièce d’about préfabriqués en béton fretté et suffisamment âgé
pour pouvoir résister aux efforts localisés ;
 la mise en tension différée des armatures : quelques uns des fils sont
d’abord tendus en jeune âge du béton (7 jours) et le reste plus tard (15 à
28 jours).

La résistance du béton à la compression fc28 est déterminée comme d’habitude


après traitement statistique des résultats des essais. Avant l’âge de 28 jours, le
BPEL (Règles de calcul du béton précontraint aux états limites, normes
Françaises) propose la formule suivante pour évaluer la résistance fcj du béton à
l’âge j (jours) :
fcj = 0,685lg(j+1) (3.1)

On utilise couramment des bétons avec fc28  30 MPa. La résistance du béton à


la traction est déterminée par la formule habituelle :
ftj = 0,6 + 0,06fcj (en MPa) (3.2)

Le module de déformation du béton est évalué par les mêmes expressions ; ici,
en précontrainte, c’est le module de déformation sous charge instantanée
(module d’élasticité instantané) qui est utilisé ; à l’âge j, il est égal à :

Eij = 11 000 fcj1/3 (en MPa) (3.3)

Le diagramme de déformation du béton ci après (voir fig. 3.1) montre le


comportement du béton du début du chargement jusqu’à la rupture.

Aussi, en précontrainte, il est important


d’évaluer les déformations de retrait et
de fluage. Il faut donc prendre des
dispositions pour atténuer ces
déformations, comme par exemple la
protection du béton contre
l’ensoleillement durant son jeune âge et
vite effectuer la précontrainte.

Fig. 3.1. courbe de déformation du A tout moment, les déformations de


béton sou charge instantanée avec un retrait r(t) peuvent être exprimées par
chargement à vitesse modérée. la relation suivante :
r(t) = rr(t) (3.4)

où, r est le retrait final du béton (20 …. 50 .10 -3, en général) ; r(t) est une
fonction du temps telle que 0  r(t)  1 et :

r(t) = , (3.5)

où, t est l’âge du béton ; B est la section droite de la pièce et u est le périmètre
de la section droite en contact avec le milieu extérieur.

Comme cela a été déjà dit, pour empêcher le retrait du béton, il faut vite
effectuer la précontrainte. Signalons également qu’après la précontrainte, les
déformations de retrait du béton provoquent une diminution de la tension dans
les armatures tendues.

Les déformations de fluage du béton  s’effectuent aussi dans le temps. Au


moment t, les déformations de fluage sont égales à :
 = i + ft (3.6)
où, i est la déformation instantanée ; ft – la déformation de fluage, fonction du
temps t.

Les déformations de fluage, au début provoquent une diminution progressive de


la tension dans les armatures de précontrainte, puis après, le fluage va entraîner
des déformations différées dans l’élément.

1.2. Armatures de précontraintes

L’acier de précontrainte est obtenu après une succession de traitement


spécifique thermique et mécanique. Les armatures de précontrainte se
présentent, en général sous les formes suivantes :
 les fils (de diamètre   12 mm) ;
 les barres (de diamètre  > 12 mm) ;
 les torons qui sont des fils enroulés.

Les fils peuvent être ronds lisses ou non lisses, c’est-à-dire nervurés, crantés ou
ondulés pour améliorer leur adhérence en cas de précontrainte par prétension.
Ils sont utilisés dans les deux cas de précontrainte : prétension et post –
tension.

Les barres peuvent être aussi ronds lisses ou nervurées pour améliorer leur
adhérence. Elles sont utilisées aussi bien en prétension qu’en post – tension.

Les torons sont des fils enroulés hélicoïdalement les uns sur les autres ou autour
d’un fil central en une ou plusieurs couches. Les torons les plus courants sont à
sept (7) fils. Ils sont désignés par la lettre T suivi de la valeur (approximative)
du diamètre en mm, par exemple T13.

Le diagramme de déformation des aciers de précontrainte a, généralement


l’allure comme représentée sur la fig. 3.2 ; ici, fe est la limite d’élasticité
conventionnelle ; fr est la limite de rupture. Les efforts correspondant à ces
contraintes fe et fr sont respectivement désignés par Fe et Fr :
F e = f eA s (3.7)
et Fr = frAs (3.8)
où,
As est la section droite de
l’armature ; Fe – la charge à la limite
d’élasticité conventionnelle ; Fr – la
charge de rupture. On appliquera des
coefficients de sécurité diviseurs sp
pour avoir les valeurs garanties (sp =
1,05 … 1,10 pour la charge à la limite
d’élasticité et sp = 1,02 … 1,05 pour
Fig. 3.2. Diagramme de déformation la charge de rupture).
de l’armature de précontrainte
La tension dans une armature tendue
diminue par relaxation. Les pertes de
tension p sont fonction :
 du temps t ;
 du niveau de la contrainte initiale i ;
 de la température ambiante.

Le temps influe sur le niveau des contraintes dans les armatures tendues et
cette influence est souvent appelée loi des temps. Dans la pratique, on évalue ces
pertes pour un temps égal à 500 000 heures, soit 57 ans (selon le BPEL, normes
Françaises).

Les pertes dues aux contraintes initiales sont, généralement linéarisées. Aussi, la
température est un facteur qui accélère la relation des contraintes.

Le tableau 3.1 donne les classes d’armatures et les catégories d’armatures qui s’y
attachent, quant au tableau 3.2, elle donne les caractéristiques des armatures
utilisées en post – tension ; il s’agit, ici, des armatures de production française.

Tableau 3.1. Classes et catégories d’armatures


Classe
2000 1900 1800 1700 1600 1500 1400 1300 1200 1100 1000
(MPa)
T T T T T T
Armatures
F F F F F B B B B
N.B. : T = torons ; F = fils ; B = barres

Signalons que l’acier des câbles de précontrainte très fortement tendus est
exposé à un phénomène appelé corrosion sous tension qui provoque une rupture
fragile et brutale (sans qu’on ne puisse remarquer cela) contre laquelle il doit
être très protégé. Cette protection peut être faite par injection de mortier de
ciment fortement basique. Rappelons que ce phénomène n’a rien à voir avec la
corrosion habituelle par oxydation de l’acier qui est ici aussi présente.

Tableau 3.2. Classes et catégories d’armatures


Nature Classe, MPa , mm Section A, mm2 Fpeg, kN Fprg, kN
T13 1860 12,5 93 154 173
T13S 1860 12,9 100 166 186
T15 1770 15,2 139 220 246
T15S 1770 15,6 150 236 265
Fil  7 mm 1670 7 38,5 57 64,3

2. Les pertes de tension dans les armatures

La force de précontrainte appliquée aux armatures lors de leur mise en tension


varie le long de l’élément et dans le temps ; autrement dit, il y a des pertes de
tension dans les armatures. Ces pertes de tension sont classées en deux (2)
grandes catégories :
 les pertes de tension instantanées dues au frottement, à la mise en
charge de l’ancrage et aux déformations instantanées du béton ;
 les pertes de tension différées dues au retrait et au fluage du béton et à
la relaxation des armatures.

2.1. Les pertes de tension instantanées

Elles sont dues au frottement, à la mise en charge de l’ancrage et aux


déformations instantanées du béton.

2.1.1. Les pertes de tension par frottement

Dans une section d’abscisse x de l’origine (ancrage), la perte de tension par


frottement peut être approximativement déterminée par l’expression suivante :

 (x) = po (f  +  x) (3.9)


où,
po est la tension à l’origine imposée aux armatures devant l’ancrage (voir fig.
3.3) ; elle est déterminée par la formule suivante :
po = Po/Ap , (3.10),
mais sa valeur est telle que :
po = Min (aofprg ; 0,90fpeg ; valeur de la notice technique) (3.11)
avec, Ap – la section nominale du câble ; Po – la force de précontrainte de
référence telle que :
Po = 0,98PA (3.12)
où,
PA est la force de précontrainte à appliquer aux armatures ; ao – coefficient
tel que : ao = 0,8 pour les fils et torons et ao = 0,7 pour les barres ;
 est la somme des déviations angulaires arithmétiques entre le point origine et
le point considéré d’abscisse x ;
 est le coefficient de perte en ligne (voir tableau 3.3) ;
f est le coefficient de frottement du câble sur son conduit (voir tableau 3.3).

Fig. 3.3.

Tableau 3.3. Valeurs moyennes de f et 


Les câbles Valeurs de f pour
traversent un rayon de
Valeurs de
Cas de la Etat des des points Nature des courbure R du
,
précontrainte armatures ou des armatures tracé, en m tel que
en m-1
surfaces de
3 R 6 R >6
reprise
Fils tréfilés
ronds et 0,16
Oui lisses 0,002
Armatures Torons 0,18
Précontrainte
huilées avec
intérieure au
conduits en Fils tréfilés
béton
bon état ronds et 0,18
Non lisses 0,003
Torons 0,20
Barres logées à l’intérieur des gaines de
0,05 0,001
faible diamètre
Précontrainte
0,20 … 0,30
extérieure au 0
(tubes métalliques)
béton

2.1.2. Les pertes à la mise en charge de l’ancrage


Lors du report de l’effort du vérin à l’ancrage, le câble subit un léger
raccourcissement noté g. Ce raccourcissement occasionne une perte de tension
égale à :
g (x) = p (x) - ’p (x) (3.13)
où,
p(x) est la tension (contrainte) avant rentrée d’ancrage à l’abscisse x ; ’p (x)
est la tension après rentrée d’ancrage à l’abscisse x en tenant compte des pertes
dues au frottement.

2.1.3. Les pertes par déformations instantanées du béton

Les actions permanentes appliquées postérieurement à la réalisation d’ancrage


d’un câble de précontrainte qui peuvent résulter, soit :
 de la mise en tension d’un nouveau câble,
 de l’application d’un supplément de poids pour le cas des constructions en
phase,
 de la mise en place d’une superstructure quelconque,

provoquent un raccourcissement du béton, donc une perte de tension dans


l’armature. Ces pertes de tension peuvent être exprimées comme suit :

e = Ep (3.14)

où, bj est la variation de contrainte du béton sous l’effet des actions
permanentes à l’âge j ; kj est le coefficient tel que kj = 0,5 dans le cas où la mise
en tension des autres câbles est comprise dans les actions permanentes et kj =1,0
dans le cas contraire ; Ep st le module d’élasticité de l’armature précontrainte.

Habituellement, si l’on a une famille de câbles, on utilise l’expression suivante :

e = (3.15)

On remarquera que, si Ep/Eij = 6  e =3bi ; si Ep/Eij = 10  e =5bi.

2.14. Les pertes instantanées totales

Les pertes instantanées totales sont ainsi gales à :


i (x) =  (x) + g (x) + e (3.16)

2.2. Tension initiale


Une fois que toutes les pertes instantanées sont effectuées, la tension dans les
câbles est appelée tension initiale ; elle est déterminée par l’expression
suivante :
i (x) = po - i (x) = po -  (x) - g (x) - e (3.17)

2.3. Les pertes de tension différées

Elles sont dues au retrait et au fluage du béton et à la relaxation des armatures.

2.3.1. Les pertes de tension par retrait du béton

Elles sont déterminées par la formule suivante :


r = Epr (1 – r(t)) (3.18)
ou approximativement par :
r = Epr (3.19)
où,
r est le retrait final ; r(t) est la fonction exprimant la loi d’évolution du retrait.

2.3.2. Les pertes de tension par fluage du béton

Elles sont évaluées à l’aide de l’expression suivante :

fl = Epfl = (3.20)

où, max est la valeur extrême de la contrainte dans le béton qui varie dans le
temps pour plusieurs raisons (nouvelles charges permanentes, pertes de tension,
etc…).

Dans la pratique, on utilise, par simplification, l’expression suivante :

fl = 2,5 (3.21)

On remarquera que, si Ep/Eij = 6  fl = 15b ; si Ep/Eij = 10  fl =25b.

2.3.3. Les pertes de tension par relaxation des armatures

Rappelons que la température influe sur les pertes de tension par relaxation des
armatures. Ainsi, la perte de tension finale d’une armature soumise à une
température proche de la température climatique peut être exprimée par la
formule suivante :
p = 6p1000 i (3.22)

où, p1000 est la perte relative de tension observée à 1000 heures mesurée à 20°C
d’une éprouvette initialement tendue avec une force de 0,7Fr (ici, p1000 est en
unité ; le résultat est divisé par 100 si p1000 est en pourcentage) : pour les
armatures à relaxation normale (RN), on a p1000 = 8 % ; pour les armatures à très
basse relaxation (TBR), on a  p1000 = 2,5 % ; fprg est la valeur garantie de la limite de
résistance des armatures : fprg = fr/sp ; i est la contrainte initiale, généralement i
= 0,6 … 0,8 fprg ; o – coefficient dépendant du type d’armatures : o = 0,30 pour les
armatures à relaxation normale (RN) ; o = 0,43 pour les armatures à très basse
relaxation (TBR).

Dans le cas où l’armature sera exploitée dans un milieu à température supérieure


à la température climatique, il convient de majorer la valeur obtenue des pertes
de tension pour tenir compte de l’effet accélérateur de la température.

2.3.4. Les pertes de tension différées totales

Les pertes de tension totales différées, en tenant compte de l’interaction du


retrait et du fluage du béton et de la relaxation des armatures, sont évaluées
par l’expression suivante :
d = r + fl + p (3.23)
A un instant t quelconque, la perte de tension est telle que :
d(t) = r(t)d (3.24)

2.4. La tension à un instant t quelconque

La tension à un instant t quelconque est telle que :


p (x, t) = po - i (x) - d (x, t) (3.25)
ou encore
p (x, t) = po - p (x, t) (3.26)
où, p est la perte totale de tension à l’abscisse x et au temps t.

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