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Évaluer l’activité éducative parentale : Les méthodes se

valent-elles ?
Isabelle Roskam, Jean-Christophe Meunier, Caroline Mouton, Émilie Vassart
Dans Enfance 2009/4 (N° 4), pages 423 à 432
Éditions NecPlus
ISSN 0013-7545
DOI 10.3917/enf1.094.0423
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Évaluer l’activité éducative parentale :
Les méthodes se valent-elles ?

Isabelle ROSKAM, Jean-Christophe MEUNIER, Caroline


MOUTON et Émilie VASSART∗

RÉSUMÉ
L’activité parentale d’éducation a fait l’objet d’une vaste littérature
depuis des décennies. Elle a été mesurée à partir de trois méthodes
d’évaluation : les observations, les entretiens et les questionnaires.
Ces trois méthodes comportent un ensemble de caractéristiques
propres et de qualités psychométriques guidant le chercheur dans ses
choix méthodologiques. La présente recherche évalue les relations
existant entre les informations obtenues par questionnaire d’une
part et par entretien semi-structuré d’autre part auprès de 27
mères d’enfants âgés de 4 à 12 ans. Les résultats montrent des
relations significatives entre les facteurs issus du questionnaire et
les catégories de codage issues du manuel de codage de l’entretien.
Ces relations modérées entre les deux méthodes donnent des
indications importantes quant à la comparabilité des études reposant
sur des méthodologies différentes et sur la validité écologique des
questionnaires mesurant l’activité parentale d’éducation.
MOTS-CLÉS : PRATIQUES ÉDUCATIVES, ENTRETIEN, QUESTIONNAIRE, VALIDITÉ ÉCOLOGIQUE
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*Université Catholique de Louvain, Faculté de Psychologie, 10 Place Cardinal Mercier,


B- 1348 Louvain-la-Neuve, E-mails : isabelle.roskam@uclouvain.be ; jean-christophe.meunier
@uclouvain.be ; emilievassart@hotmail.com ; caroline.mouton@hotmail.com

nfance n◦ 4/2009 | pp. 423-432


424 Isabelle ROSKAM, Jean-Christophe MEUNIER, Caroline MOUTON, Émilie VASSART

ABSTRACT
Assessing parental childrearing behavior: Are methods alike?
Parental childrearing behaviour was regularly studied in previous
studies as an important topic of research for several decades. It has
been assessed with three different methods: observations, interviews
and questionnaires. These methods differ in their procedures and
psychometrical properties which influence the researchers in their
methodological options. The present study appraises the relationships
between data obtained from a questionnaire on the one hand and
data obtained from a semi-structured interview on the other hand
with 27 mothers rearing children aged from 4 to 12 year-old. The
results show significant relations between the factors extracted from
the questionnaire and the coding categories from the manual of the
interview. Those moderate relations between the two methods provide
important information about the possible comparison between studies
conducted with different methods as well as about ecological validity of
questionnaires assessing parental childrearing behavior.
KEY-WORDS: CHILDREARING BEHAVIOR, INTERVIEW, QUESTIONNAIRE, ECOLOGICAL VALIDITY
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Évaluer l’activité éducative parentale 425

INTRODUCTION
L’activité éducative parentale a fait l’objet de nombreuses publications. Elle
a été étudiée en tant que style éducatif et en tant que pratique éducative.
Ces concepts se distinguent par leur niveau de spécificité. Les styles éducatifs
se rapportent à l’activité parentale telle qu’elle se présente de manière
générale, avec une consistance importante entre les moments où elle est
observée et une relative indépendance au contexte dans lequel elle se
produit. Il s’agit de variables de macro-niveau. Les pratiques éducatives par
contre se réfèrent à des comportements particuliers tels qu’ils sont reliés
aux circonstances dans lesquelles ils sont observés. Il s’agit de variables de
micro-niveau qui varient dans le temps et selon le contexte (Darling et Steinberg,
1993).
D’un point de vue méthodologique, l’activité parentale d’éducation a été
évaluée à partir de trois méthodes : les observations, les entretiens et les
questionnaires. Les deux premières méthodes tentent plutôt d’approcher les
pratiques éducatives, c’est-à-dire les variables de micro-niveau. Les observations
sont soit directes soit filmées à partir d’une situation inductrice proposée
par le chercheur, par exemple la réalisation d’un jeu avec l’enfant ou d’une
routine comme le repas. L’observation se rapporte donc par nature à des
situations spécifiques fortement contextualisées. L’observation des stratégies de
distanciation des mères au cours d’un jeu avec l’enfant par Labrell, Deleau
et Juhel (2000) en est un bon exemple. Les entretiens consistent le plus
souvent en des approches semi-structurées à travers lesquelles le chercheur
recueille une information ciblée sur les pratiques éducatives, tout en offrant la
possibilité au répondant de nuancer ses propos. Le Parental Discipline Methods
Interview (PDMI) de Conners et Whiteside-Mansell (2006) en est un bon
exemple. Les questionnaires évaluent quant à eux, des variables plus proches
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du macro-niveau de l’activité éducative parentale dans la mesure où ils sont
basés sur des affirmations, des items généraux décrivant des comportements
éducatifs peu contextualisés. Il est en outre impossible pour le répondant de
nuancer ses réponses par d’autres moyens que les échelles de Likert appréciant
l’intensité ou la fréquence avec laquelle il adopte tel ou tel comportement
éducatif. De nombreux questionnaires évaluant l’activité éducative parentale
ont été publiés sous la forme d’évaluations auto-rapportées par les parents,
par exemple l’Échelle des Compétences Éducatives Parentales (ECEP) de Larose,
Terrisse et Grenon (2000) ou sous la forme d’hétéro-évaluations comme les
Pratiques Éducatives Parentales Perçues par les Enfants (PEPPE) de Durning et Fortin
(2000).
Au-delà de leur degré de généralisation relatif à l’activité parentale d’éducation,
les trois méthodes utilisées comportent un ensemble de caractéristiques propres
permettant de guider le chercheur dans ses choix méthodologiques. Les
observations comme les entretiens constituent des approches qualitatives offrant
au chercheur une information riche et ouverte pouvant être quantifiée au

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moyen de techniques de codage reposant sur des catégories définies soit a priori
dans une démarche hypothético-déductive soit a posteriori dans une démarche
inductive.
L’observation offre un accès direct aux pratiques parentales, donnant une
image écologiquement valide des interactions parents-enfants : le chercheur
se positionne comme observateur direct par le biais d’un miroir sans tain ou
au moyen d’une séquence vidéo filmée. L’observation nécessite toutefois un
investissement en temps très important, tant en ce qui concerne la récolte
et le dépouillement des données qu’en ce qui concerne l’entraînement de
l’observateur. La présence de l’observateur (ou de sa caméra) peut en outre
modifier fortement les comportements habituels des individus se sachant
observés. L’entretien quant à lui, donne un accès indirect aux pratiques
éducatives dans la mesure où le répondant rapporte la perception qu’il
a des pratiques éducatives qu’il met en œuvre et non une information
objective. Quant aux questionnaires, ils présentent l’avantage d’être peu
coûteux en temps et de permettre de recueillir des données sur de
grands échantillons. Le dépouillement des données est par ailleurs immédiat.
L’information obtenue comporte toutefois le même type de biais lié au
répondant lui-même, que les entretiens. Elle est aussi limitée au seul contenu
des items. Les quelques éléments méthodologiques présentés ici permettent
de comprendre pourquoi les questionnaires sont largement préférés dans
les études empiriques alors que les entretiens et les observations sont
majoritairement utilisés par les cliniciens travaillant auprès des enfants et de leur
famille.
La question de la validité et de la fidélité des instruments est de première
importance pour les chercheurs et les cliniciens. Les études se sont ainsi attachées
à démontrer les qualités des différentes méthodes d’évaluation. À cet égard,
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une stratégie de choix pour augmenter la validité des instruments est le fait
d’utiliser et de comparer plusieurs méthodes qui sont supposées évaluer le même
construit (Fagot, 1992). Toutefois, en ce qui concerne l’activité éducative, force
est de constater que cette question de la comparabilité des méthodes reste peu
abordée. Si de rares études ont pu comparer observations et questionnaires
(Hawes et Dadds, 2006), aucune ne s’est attelée à confronter un entretien à
une autre méthode d’évaluation. Une telle confrontation permet d’interroger
la comparabilité des résultats obtenus par les chercheurs en fonction de leurs
choix méthodologiques et d’approcher la question de la validité écologique
des questionnaires souvent déniés par les cliniciens en raison de leur degré de
généralité. Dans quelle mesure les propositions générales formulées en items
dans les questionnaires décrivent-elles bien les comportements éducatifs des
parents tels qu’ils les rapportent dans le cadre des entretiens ou les expriment
lorsqu’ils sont en interaction avec leur enfant ? La présente recherche se propose
d’évaluer l’activité éducative parentale à partir d’un entretien semi-structuré et
d’un questionnaire et de comparer les informations obtenues par ces deux
méthodes.
Évaluer l’activité éducative parentale 427

MÉTHODE
Les données ont été collectées par deux assistantes de recherche auprès de
27 mères d’enfants âgés entre 4 et 12 ans (M = 8,35, SD = 3,7), dont 10
filles et 17 garçons, rencontrées lors de consultations pédiatriques. Le motif de
consultation concernait exclusivement des plaintes relatives au comportement
de leur enfant. Les mères provenaient de diverses régions de la Communauté
Française de Belgique et de milieux socio-culturels variés. Les mères ayant accepté
de compléter un questionnaire relatif à leur activité éducative parentale envers
l’enfant cible ont été invitées quelques jours plus tard, à s’entretenir avec l’une des
deux assistantes de recherche. Cet entretien a été enregistré avec l’autorisation des
mères avec la garantie de l’anonymat.
Le questionnaire utilisé pour évaluer l’activité éducative parentale est l’Évaluation
des Pratiques Éducatives Parentales (EPEP, Meunier et Roskam, 2007). Il repose
sur la « théorie sociale interactionnelle » (Patterson, Reid, et Dishion, 1992)
et distingue neuf types d’habiletés parentales dans sa version francophone
(35 items) : le soutien, le monitoring, les règles, la discipline, la discipline
inconsistante, les punitions sévères, l’ignorance de l’enfant, les récompenses
matérielles et l’autonomie. La validité de l’EPEP a été éprouvée auprès de
plusieurs échantillons indépendants dont un de 493 parents d’enfants âgés de 6 à
12 ans. L’EPEP témoigne de très bonnes qualités méthodologiques (64,33 % de
variance expliquée par la solution à neuf facteurs ; α de Cronbach de 0,69 à 0,87 ;
fidélité test-retest r = 0,51 à 0,84). Les neuf facteurs issus de l’analyse exploratoire
ont ensuite été introduits dans un modèle confirmatoire à deux facteurs de
macro-niveau (GFI = 0,92, RMSEA = 0,11, RMR = 0,04) : le contrôle constitué
des facteurs discipline (« Quand mon enfant est impoli ou se comporte mal, je
le/la punis »), discipline inconsistante (« Les punitions que je donne à mon enfant
dépendent parfois plus de mon humeur que de son comportement. »), punitions
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sévères (« Je donne une fessée ou une claque à mon enfant quand il/elle a fait
quelque chose qu’il ne faut pas. »), ignorance (« Quand mon enfant fait quelque
chose qu’il ne faut pas, je lui adresse la parole seulement quand il se comporte
mieux. ») et récompenses matérielles (« Je donne un récompense à mon enfant,
quand il a fait quelque chose dont je suis content(e). »), et le support constitué des
facteurs autonomie (« J’apprends à mon enfant à prendre lui-même/elle-même
des décisions. »), soutien (« Quand mon enfant a un problème, je regarde avec
lui/elle les différentes solutions qui sont possibles. »), monitoring (« Je surveille
et m’informe du comportement que mon enfant peut avoir à l’extérieur (amis,
école. . .). ») et règles (« J’apprends à mon enfant à se tenir aux règles qu’on
a établies ensemble. »). Le contrôle incite l’enfant au respect des normes. Il
s’agit pour l’enfant de se conformer à ce qui est attendu de lui et aux normes
intériorisées par le parent. Le support se réfère à des comportements éducatifs
tels qu’ils invitent l’enfant à prendre distance par rapport à la situation, à générer
des solutions par lui-même sur base des règles qu’il a intériorisées, à développer
son autonomie et à verbaliser.

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428 Isabelle ROSKAM, Jean-Christophe MEUNIER, Caroline MOUTON, Émilie VASSART

L’entretien utilisé pour évaluer l’activité éducative parentale est l’Entretien


d’Évaluation des Pratiques Éducatives Parentale (EEPEP ; Roskam et Schelstraete,
2007). Préalablement à l’entretien proprement dit, les mères avaient été invitées
à évaluer les traits de personnalité de leur enfant au moyen de 25 items. Au
cours de l’entretien et pour chaque trait évalué, les mères étaient invitées à
décrire librement un comportement observé chez leur enfant (exemple : « Vous
avez dit que votre enfant était plutôt imprécis ». Quel comportement avez-vous
observé chez votre enfant vous faisant dire qu’il est imprécis ? »). Ensuite, il était
demandé aux mères de décrire librement comment elles avaient réagi en termes
de comportements éducatifs (« Comment avez-vous réagi concrètement face à ce
comportement que vous venez de décrire ? »).
Ces 25 séquences de comportements éducatifs ont été enregistrées et
intégralement retranscrites. Ce sont ces 25 séquences de nature qualitative portant
sur les comportements éducatifs auto-rapportés par les mères qui ont fait l’objet
d’une analyse de contenu de type hypothético-déductive. Ainsi, les séquences de
comportement ont été analysées suivant un manuel de codage ayant fait l’objet
d’une recherche auprès de 31 mères d’enfants présentant une déficience (Roskam
et Schelstraete, 2007). L’accord entre deux juges indépendants (K de Cohen) était
de 0,84. Le manuel d’analyse de contenu définit les règles du codage comme la
segmentation du texte en unité de codage ou encore le codage des répétitions.
Huit catégories de codage sont proposées et situées sur un axe bipolaire allant
du contrôle exercé par la mère sur le comportement de l’enfant à l’autonomie
laissée à l’enfant par sa mère. Comme pour le questionnaire EPEP, les catégories
les plus contrôlantes incitent l’enfant au respect des normes. Il s’agit de rappels
à l’ordre, de procédés utilisés par la mère pour conformer les comportements
de l’enfant à ce qui est attendu de lui, aux normes intériorisées par la mère. La
mère ordonne, rappelle à l’ordre, crie, sévit, punit, entrave la liberté de l’enfant,
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contrôle la situation. Les quatre catégories se rapportant le plus au contrôle sont
présentées et définies ci-après.
Capteurs attentionnels : la mère tente d’attirer l’attention de l’enfant dans le but de
reprendre le contrôle sur le comportement de l’enfant. Elle crie, secoue l’enfant,
etc. Il s’agit le plus souvent de mécanismes conversationnels visant à interpeller
l’enfant. Exemples : / Si c’est un jouet de son frère (qu’il casse) je me fâche / je
lui dis « attention/,/ (je lui dis) Martin ! On te laisse regarder et tu abîmes » /
Performatives : la mère veut que l’enfant fasse quelque chose ou cesse de
faire quelque chose. Il s’agit le plus souvent d’unités impératives, d’ordres
directs donnés à l’enfant. La mère a clairement pour objectif que polarité du
comportement s’inverse : l’enfant fait quelque chose qu’il doit cesser ou ne
fait pas quelque chose qu’il doit faire. Les punitions corporelles sont également
codées dans cette sous-catégorie. Exemples : / je lui dis « tu t’exprimes même si
ce n’est pas bien dit » / « répète ce que tu as dit » / je lui ai repris le jouet / y a des
claques/ je lui tiens tête / je le mets au coin /.
Affirmatives : la mère rapporte/rappelle des obligations, des règles générales,
des consignes, des croyances concernant ce qu’il convient de faire ou comment il
convient de se comporter. Ces pratiques diffèrent des pratiques explicatives dans
Évaluer l’activité éducative parentale 429

la mesure où la mère dicte la règle générale en vue de contrôler le comportement


de l’enfant sans lui expliquer la portée de la règle, sa pertinence ou ses nuances.
Exemples : / il faut quand même sévir / « quand tu casseras ton jouet tant pis
pour toi, tu le garderas cassé comme ça » / « tu ne peux pas te mêler de tout » / je
lui dis : « tu fais ça, sinon tu ne vas pas chez mamy ! » / « ça, tu dois pas dire » /.
Régulation : la mère soutient, accompagne l’enfant dans son activité en donnant
de la guidance (manuelle, gestuelle, verbale) ou en montrant comment faire,
en donnant des renforcements positifs (souvent verbaux) pour encourager la
poursuite d’une activité. La mère a clairement pour objectif de maintenir voire
d’amplifier une activité en cours et d’en assurer le bon déroulement en canalisant
l’enfant. Quelques fois ces pratiques sont intrusives, les parents agissent en lieu et
place de l’enfant. Exemples : / j’essaie beaucoup de la motiver à continuer dans
cette voie / (j’essaie) de l’encourager quand elle fait quelque chose qui est bien
/ je lui dis « c’est pas comme ça qu’on joue mais toi tu as trouvé cette façon et
c’est bien aussi / je lui dis « tu vois, il est gentil avec toi, alors tu ne dois pas le
pousser » / (l’enfant fait un câlin à un autre) « elle n’a peut-être pas envie que tu la
serres trop » / on veut prendre le manteau avec lui voire aller le mettre à sa place
/ Quand c’est bien je le lui dis et quand c’est pas bien je le dis aussi / Si c’est
correct je lui dis ; s’il se plante, je lui dis qu’il se plante /.
Comme pour le support dans l’EPEP, les catégories les plus reliées à
l’autonomie invitent l’enfant à réfléchir, à prendre de la distance par rapport à
la situation qu’il vit. La mère invite l’enfant à s’exprimer, verbalise, lui explique
ce qui se passe ou les raisons pour lesquelles il doit se comporter de telle ou
telle manière, et lui confie des responsabilités. Sont codées également dans cette
catégorie les pratiques maternelles visant le développement social, cognitif et
langagier de l’enfant.
Cognitives : la mère tente de stimuler le langage (pose des questions à l’enfant, le
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fait parler . . .), la mémoire, le raisonnement, la réflexion, l’écoute, la lecture, etc.
Elle encourage l’enfant à découvrir de nouveaux savoirs, de nouveaux centres
d’intérêt et domaines d’activité. Exemples :/ je lui pose beaucoup de questions
« tiens, qu’est ce que tu as fait aujourd’hui ? » / j’essaye de lui apprendre au niveau
des couleurs / je lui montre ce qu’on peut faire d’autre pour ouvrir son esprit /.
Explicatives : la mère tente d’expliquer à l’enfant les règles, les activités en cours,
les solutions possibles par rapport aux difficultés rencontrées, etc. Elle verbalise
pour tenter de faire comprendre à l’enfant le contexte en cours. Exemples : /
j’essaye toujours de lui expliquer que si un autre venait ce ne serait pas pour lui
faire mal / j’essaie par des chemins détournés de lui expliquer que c’est comme
cela/j’essaie de lui expliquer que ce n’est pas la faute des autres s’il n’arrive pas à
faire certaines choses /.
Soutenantes : la mère se montre sensible aux besoins de l’enfant et souligne le
fait qu’elle agit en conséquence de ses besoins spécifiques. Exemples : / je l’amène
doucement sans la forcer / j’essaye gentiment de l’amener là-bas / j’essaye de lui
transmettre un peu de calme moi qui suis très nerveuse /.
Incitation à la maîtrise de situations difficiles : la mère laisse l’enfant faire face à un
problème, à une résolution de conflit. L’enfant est encouragé à gérer la situation

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430 Isabelle ROSKAM, Jean-Christophe MEUNIER, Caroline MOUTON, Émilie VASSART

ou à trouver une solution par lui-même. Exemples : / le camion a cassé et je l’ai


laissé pendant une semaine cassé, maintenant je l’ai réparé pour bien lui montrer
/ je le laisse pour qu’il se calme de lui-même /.
Pour la présente recherche, l’accord entre deux juges indépendants (K de
Cohen) était de 0,79.

RÉSULTATS
Le tableau 1 présente les corrélations obtenues entre les pratiques éducatives
évaluées par le questionnaire EPEP et l’entretien EEPEP.
Les résultats obtenus dans le cadre de cette recherche démontrent l’existence
de relations modérées entre les informations obtenues par questionnaire et celles
obtenues par entretien. Vingt-deux corrélations sont en effet supérieures à 0,20.
Les coefficients significatifs fournissent une vision conceptuelle cohérente des
relations entre les deux méthodes d’évaluation. Les facteurs liés au support du
questionnaire sont en effet reliés positivement aux catégories situées sur le versant
autonomie de l’entretien ou négativement à celles situées sur le versant contrôle
de l’entretien. À l’inverse, les facteurs liés au contrôle du questionnaire sont
reliés positivement aux catégories situées sur le versant contrôle de l’entretien ou
négativement à celles situées sur le versant autonomie de l’entretien. La catégorie
« régulation » occupe une position assez centrale sur l’axe autonomie-contrôle
de l’entretien. Les corrélations attestent de cette position dans la mesure où
elle corrèle positivement avec à la fois des facteurs de contrôle (discipline
et récompenses matérielles) et de support (règles) du questionnaire. Quelques
coefficients compris entre 0,20 et 0,29, non significatifs en raison du petit
nombre de sujets, suggèrent des relations intéressantes entre nos variables
provenant du questionnaire et celles provenant de l’entretien. Ces tendances
pointent l’existence de relations entre les règles appartenant au facteur support
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du questionnaire d’une part et les catégories régulation et cognitives provenant
de l’entretien, entre la discipline occupant un rôle conceptuel moins tranché
entre le support et le contrôle parental et la catégorie régulation, elle-même
située au centre du continuum contrôle-autonomie lié à l’entretien, entre le
monitoring et les explicatives, entre le facteur de macro-niveau contrôle du
questionnaire et les affirmatives. Des relations négatives semblent également
pouvoir être établies entre les récompenses matérielles appartenant au facteur
macro-niveau contrôle et les trois dernières catégories du continuum sur le
versant autonomie : les explicatives, les soutenantes et l’incitation à la maîtrise
des situations difficiles.

DISCUSSION
Les relations décrites, bien que conceptuellement intéressantes, ne sont que
modérées en raison notamment des fondements théoriques sur lesquels les deux
instruments ont été construits. Bien que les deux dimensions principales liées
au contrôle et au support/autonomie soient présentes, le questionnaire repose
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Tableau 1.
Corrélations entre les pratiques éducatives évaluées par le questionnaire EPEP et l’entretien EEPEP.
Questionnaire

Capteurs Incitation
EPEP attentionnels Performatives Affirmatives Régulation Cognitives Explicatives Soutenantes maîtrise

nfance n◦ 4/2009
Soutien 0,04 −0,08 −0,36* −0,12 −0,13 0,18 0,15 −0,05

Monitoring −0,31* 0,19 −0,47** 0,16 0,11 0,27 0,04 −0,05

Règles −0,11 0,10 −0,34* 0,27 0,21 0,00 0,06 −0,15


Évaluer l’activité éducative parentale

Autonomie 0,08 0,14 −0,07 0,00 −0,13 −0,07 0,23 −0,18

Discipline 0,11 0,00 −0,10 0,24 0,09 −0,09 −0,12 −0,17

Discipline −0,11 0,13 0,14 −0,17 0,03 0,01 −0,15 −0,21


inconsistante

Punitions sévères 0,12 0,01 0,35* 0,02 −0,16 −0,11 −0,37* 0,00

Ignorance 0,10 −0,13 0,23 0,15 −0,14 −0,02 −0,40** −0,04

Récompenses 0,38* 0,06 0,09 0,20 −0,08 −0,20 −0,29 −0,27


matérielles

Support −0,14 0,14 −0,43** 0,18 0,03 0,16 0,15 −0,13

Contrôle 0,18 0,00 0,25 0,15 −0,10 −0,12 −0,45** −0,08


∗∗ p < 0,05
∗ p < 0,1
431

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sur la « théorie sociale interactionnelle » de Patterson et al. (1992) décrivant des


processus coercitifs au sein des relations parent-enfant tandis que les catégories
d’analyse de l’entretien reposent sur des approches développementales et psycho-
linguistiques. En outre, les différences méthodologiques associées aux propriétés
inhérentes des instruments (entretien vs. questionnaire) excluent la possibilité
d’évaluer exactement le même construit théorique (Hawes et Dadds, 2006).
Enfin, le nombre de sujets considérés dans cette étude constitue probablement sa
limite la plus importante. Il est toutefois inhérent à notre question de recherche
et à la méthode nécessaire pour la traiter. En effet, la conduite, la retranscription
et l’analyse qualitative des entretiens constituent un travail extrêmement long et
coûteux qui a fortement limité la taille de l’échantillon.

RÉFÉRENCES

Conners, N.A., Whiteside-Mansell, L., Deere, D., Ledet, T., & Edwards, M.C.
(2006). Measuring the potential for child maltreatment: The reliability
and validity of the Adult Adolescent Parenting Inventory-2. Child Abuse
and Neglect, 20, 39-53.
Darling, N., & Steinberg, L. (1993). Parenting style as context: An
integrative model. Psychological Bulletin, 113, 487-496.
Durning, P., & Fortin, A. (2000). Les pratiques éducatives parentales vues
par les enfants. Enfance, 52, 375-391.
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