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La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981) - Chapitre II. L’ac…ante : selon quelles modalités ?

- Presses universitaires de Rennes 15/11/2022 14:54

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Chapitre II. L’action militante :...

Presses
universitaires
de Rennes
La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981)
| Jean-Paul Salles

Chapitre II.
L’action militante :
selon quelles
modalités ?
p. 79-109

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Géographique :
France

Texte intégral

Des militants « exemplaires »


1 Pour les militants d’extrême gauche jusqu’ici très isolés, Mai
68 a révélé la vulnérabilité du pouvoir gaulliste et
l’inadaptation des propositions de la gauche classique. Les
élections de juin 68 n’ont rien réglé. La victoire écrasante de
la droite a été obtenue dans un contexte de peur. La nouvelle
Chambre n’a pas une grande légitimité aux yeux des
militants révolutionnaires. De plus les deux principaux
partis de gauche se sont « disqualifiés » au cours des
événements de mai-juin 68, incapables d’offrir un débouché
politique à la révolte des « masses ». C’est dans cet état
d’esprit que les militants de l’ex-JCR abordent la rentrée.
Mai 68 a redonné de l’actualité à l’idée de révolution en
France, mais le parti révolutionnaire a fait défaut. Pour que
la prochaine crise révolutionnaire, qui ne manquera pas de
se produire, ait quelque chance de réussir, la construction
du parti est un impératif.

Le sérieux militant
2 Il faut, en matière de mœurs organisationnelles, se
conformer au modèle bolchevik. Les dirigeants sont issus de
ce moule et donc le sérieux militant, la discipline sont des
vertus nécessaires, et la centralisation autour de la direction
un objectif à atteindre.

L’importance de la cellule
3 Tout militant appartient à l’organisation de base qu’est la
cellule. Chaque cellule a un nom, décidé librement par les
militants concernés. Souvent c’est le nom d’un ancien

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militant trotskyste qui est choisi, dans le but de lui rendre


hommage. Cela peut aller de Ta Thu Thau à Ignace Reiss ou
Chen Duxiu, jamais Ho Chi Minh bien sûr. Après le décès du
militant trotskyste Charles Marie, cheminot à Rouen, la
cellule SNCF de Rouen adopte son nom.
4 L’effectif de la cellule est variable. Trois militants suffisent
pour constituer une cellule mais nous en avons trouvé de
douze ou même de treize militant(e)s1. Le nombre habituel
est de 5 à 7 militant(e)s. En général quand se crée une ville
de la Ligue n’existe qu’une cellule, ainsi à Avignon en 19752.
Mais très vite, du fait de la variété des terrains
d’intervention se pose le problème de créer des cellules
unithématiques en quelque sorte, c’est-à-dire centrées sur
un lieu ou sur un secteur d’intervention. Cela peut être une
entreprise, un établissement hospitalier, plus généralement
un secteur d’activité, la santé, l’enseignement, la jeunesse
scolarisée, le secteur ouvrier. Rares ont été à la Ligue les
cellules de quartiers.
5 La réunion de cellule est hebdomadaire, même si des voix
s’élèvent parfois contre ce qui apparaît comme un rite :
« Pourquoi ne pas adopter un rythme de fonctionnement
plus souple ? On n’est pas obligé, par je ne sais quel
léninisme de chapelle, à une réunion par semaine de 9
heures à minuit… surtout pour ce qu’on y fait
actuellement3 ».
6 Mais l’assouplissement demandé par le militant ne se
traduira pas vraiment par une diminution du nombre des
réunions puisqu’il propose à ses camarades de Pau de se
réunir en assemblée générale toutes les trois semaines en
plus de la réunion de cellule maintenue à un rythme plus
souple.

La fin du dilettantisme
7 La présence à la réunion de cellule est obligatoire, de même
que la diffusion des tracts, la vente de Rouge ou les collages.

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Le statut d’observateur n’existe pas à la Ligue, le CC le


rappelle en octobre 1974 à la suite d’une demande faite par
« le camarade François4 ». Au cours des débats précédant le
congrès de fondation de la Ligue, Jebracq affirme que
« l’organisation doit changer, corriger l’hétérogénéité
interne, le style militant débridé ou dilettante5 ».Dans une
de ses résolutions, le congrès demande « qu’en particulier
les périodes de vacances universitaires ne se traduisent pas
par la disparition des militants6 ».
8 Cette chasse au dilettantisme est poursuivie
systématiquement, en témoigne le blâme infligé au
camarade Eric par la cellule Venceremos de Paris, pour ses
absences répétées et injustifiées aux réunions de cellules du
mois d’août7. Les statuts de la LC adoptés à l’issue du
premier congrès précisent les devoirs et les droits des
militants. Dans la rubrique « Discipline », ils prévoient, en
cas de manquement aux statuts, trois sanctions possibles, le
blâme, la rétrogradation au rang de stagiaire, l’exclusion,
avec possibilité de recours aux instances supérieures8. Un
texte du BP daté du 7 septembre 1971 dénonce « le
comportement de type individuel, parfaitement
“anarchisant” et qui nie les projets de transformer les
mœurs et le fonctionnement de la Ligue », à propos des
absences non excusées de camarades, très nombreux (150 à
200 sur 600), qui s’étaient inscrits aux stages d’été. Il
promet un blâme à ceux qui ne fourniront pas par écrit des
excuses valables9. Le BP légifère véritablement sur les
vacances en juin 1975. Dans une circulaire du 7 juin, il
rappelle « que sauf exception ratifiée par les directions, les
militants ne prennent pas plus de quatre semaines de
vacances pendant l’été […]. Les camarades doivent laisser
aux responsables qui assurent la permanence (DS, DV) les
moyens de pouvoir les contacter pendant leur période de
vacances10 ». Ainsi, les supposées tendances au
dilettantisme de la camarade Zoé de Montpellier, expliquent

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que la DV ne ratifie pas à l’unanimité sa titularisation


décidée par la cellule11.

Les pseudonymes
9 Une fois entré à la Ligue, le nouveau militant doit se choisir
un pseudonyme. Ceux-ci sont variés, un simple prénom,
Nadia pour Sylvie Faitg infirmière à Thuir (Pyrénées-
Orientales), décédée d’un accident de la route12. Ludo pour
Michel Recanati et Roger premier pseudonyme de Gérard
Filoche (parfois Roger Norman). Cela peut être le nom d’un
poète, Péret (hommage à Benjamin Péret) pour Michel
Hassoun, médecin et psychanalyste, Juif né à Alexandrie
(Egypte), militant de la LC à Paris dans les années soixante-
dix13. Par le choix de leur pseudonyme certains militants
rendent hommage à un personnage important pour eux,
Modzelewski, un opposant politique polonais encore en
activité, pour cet étudiant en philosophie, un poète, Milos,
pour ce professeur de sciences économiques et sociales
(André Rosevègue), une journaliste féministe, Séverine,
pour ce professeur de sciences et techniques économiques
(Françoise Rosevègue Desjacques), un poète américain de la
beat generation, Ferlinghetti, pour cet employé de la Caisse
des allocations familiales (Christian Chatillon), tous
militants du Havre au début des années soixante-dix. Mais
deux lycéens du Havre, inséparables, ont fait dans la
dérision en se baptisant Johnnie et Walker, sans pour
autant se passionner de manière inconsidérée pour cette
boisson. Quant à A. Krivine, il utilise d’abord l’anodin
Delphin pour passer ensuite au plus inquiétant Tinville,
mais A. Chemin ne nous dit pas si ce dernier pseudonyme a
été choisi en référence au célèbre Fouquier-Thinville,
l’accusateur du Tribunal révolutionnaire14. On peut voir
dans cette pratique des pseudonymes — qu’on retrouve chez
les religieuses catholiques — la volonté d’abandonner le
« vieil homme » à l’entrée dans l’organisation nouvelle.

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C’était aussi une façon de se situer parmi les héritiers du


parti bolchevik. C’était aussi bien sûr une manière de rendre
plus difficile la tâche de la police pour identifier les
militants. Mais cela contribuait surtout à créer une
connivence entre les militants et introduisait un brin de
fantaisie dans une vie militante plutôt austère.

La vigilance à l’égard de la police


10 La lutte contre l’infiltration policière n’est pas une
obsession, mais un souci réel. Les dirigeants de la LC, et en
particulier la journaliste de Rouge qui signe sous le nom
d’Anne-Marie Lespinasse, savent que :
De tout temps, les polices bourgeoises ont cherché à
pénétrer les organisations ouvrières. Les agents de
l’Okhrana (police politique tsariste) pullulaient au sein du
parti bolchevik. Le principal d’entre eux, Malinowski,
siégeait au CC et était l’homme de confiance de Lénine ! Le
PCF lui-même compta en son sein de nombreux
« honorables correspondants »15.

11 Toujours la référence au parti bolchevik. Le but de cet article


est de répondre à la campagne du PCF visant à amalgamer
les gauchistes à la police (le fameux « gauchiste-Marcellin »,
du nom de Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur après
1968). Ces affirmations s’appuient sur des révélations
venues du pouvoir : « En confidence, un préfet évaluait à
10 % la proportion d’indicateurs ou de provocateurs dans les
groupes gauchistes. Il se vantait peut-être16 ». La solution
pour se prémunir contre de telles tentatives policières est
double. Il s’agit de faire preuve d’une grande rigueur
organisationnelle alliée à une bonne formation politique :
« Il est bien rare en effet qu’un flic se comporte durablement
comme un militant révolutionnaire17 ». De même, certaines
orientations politiques, « les lignes putschistes, terroristes »,
qui privilégient la violence minoritaire, se prêtent plus que
d’autres à la provocation policière.

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12 La vigilance des militants permet parfois de démasquer un


policier infiltré. Ainsi à Bordeaux en mars 1973, Henri
Pedemonte avait adhéré au FSI et à la LC alors qu’il était
inspecteur de police18. En Lorraine, les militants
confondirent Emile Lepetit, policier des renseignements
généraux, qui militait dans le Comité de défense des appelés
(CDA), mettant en péril le « travail militant » dans les
casernes. Ils durent pour cela appeler à l’aide des camarades
de Paris19.

Sacrifices financiers
13 Un autre devoir, important, du militant est d’ordre
financier. Selon les statuts, il doit payer une cotisation
mensuelle (article 32), dont le barème est fixé par le CC
(article 33) et non par le congrès. Cette cotisation représente
environ 10 % du salaire mensuel20, elle est lourde, d’autant
qu’elle peut être augmentée d’une surcotisation au moment
des campagnes importantes. Pour prendre un exemple, dans
la cellule Davidovitch de Rouen, la cellule Médecine,
l’éventail est large entre les militants/cotisants en 197021.
Les lycéens versent 10 F par mois, les médecins (Martel et
Carlos) 300 F, les étudiants entre 25 et 50 F. Marcel, jeune
médecin de 25 ans, qui annonce qu’il sera à la rentrée en
médecine du travail à Paris, paie 50 F, Stenka médecin
remplaçant 100 F22. La cotisation ne doit pas entraîner, par
sa lourdeur, des difficultés financières pour le militant,
simplement une gêne. Il est toujours possible d’en rediscuter
le montant si la situation familiale du militant change. Mais
diverses circulaires insistantes rappellent la nécessité de
faire remonter rapidement le produit des cotisations.
14 Seul le tiers du montant des cotisations reste localement23.
L’argent met du temps à remonter à Paris. Des textes
internes s’en plaignent, en 197024 comme en 197525. Les
menaces de sanction semblent impuissantes à modifier les
choses26.

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Tableau n° 1 Cotisations parvenues à la trésorerie


nationale, chaque mois (1970 et 1972)

Source : APGF, Carton n°10, BI, avant avril 1970


15 En 1970, le montant des cotisations versées par Paris s’élève
à 20 000F et un peu plus par mois, celui de province oscille
entre 10 000 et 20 000F27. Ce flou du chiffre de province est
le reflet de la mauvaise remontée des finances. En calculant
sur la base minimale, les cotisations envoyées au national
s’élèveraient donc avant avril 1970 à 360 000 francs par an.
16 Au 3e congrès (Rouen, décembre 1972), un bilan financier
est fait28. Le montant annuel des cotisations a plus que
doublé, un peu moins de 80 000 F par mois, soit la somme
importante de 1 000 000 de francs par an. Le nombre total
de permanents salariés est de 50, toujours d’après Rouge.
D’après un document interne, ils se répartiraient ainsi : 10
permanents politiques nationaux (membres du BP), 7-8
permanents politiques régionaux et 19 permanents
techniques29. Si ces permanents touchent un salaire de
1 000 F par mois, ce qui est plausible étant donné que le
projet de programme de la LC d’avril 1972 réclame « pas de
salaire à moins de 1 000 F », le montant des salaires versés
par la Ligue s’élève à 600 000 francs annuels, auxquels il
faut ajouter la part patronale des cotisations sociales.
Tableau n° 2 : Souscriptions nationales (1969-1973)

Source : Hebdomadaire Rouge et BI (APGF, Carton n°10)


17 Les militants doivent contribuer à la réussite des
souscriptions. L’objectif de la souscription lancée en juin
1969 est ambitieux, 300 000 F, dans le but d’acheter des
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machines et de louer un local de 400 m2 à Paris. Tout est mis


en œuvre pour sa réussite, 800 lettres envoyées, 5 000
feuilles de souscription diffusées, une équipe d’une
quinzaine de camarades « délégués » auprès de
personnalités30. Michel Rotman, le trésorier, fait preuve
d’efficacité : « On allait “taper” les personnalités… Montand
nous a écoutés, il a appelé un gars, “Bill, donne de l’argent à
ces petits gars !”, on a eu une poignée de billets qu’on a mis
dans nos poches, on a compté après être sortis, il y avait
20 000 francs31 ». D’après le rapport financier fait au CC,
cette souscription aurait atteint à peu près les deux tiers de
l’objectif. Un résultat sans doute insuffisant, puisqu’un
nouvel appel à souscription est lancé en août 1970, avec un
objectif de 200 000 francs, dont la moitié est atteint fin
octobre. Le local est trouvé début novembre 1970, ce sera le
10, impasse Guéménée près de la Bastille.
18 Une souscription terminée, on embraye sur la suivante ! Du
fait des nombreux procès auxquels Rouge est confronté, une
souscription démarre le 13 septembre 1971 jusqu’au 20
novembre 1971. Elle dépassera l’objectif fixé, 100 000 F,
pour atteindre 124.949 francs et 67 centimes ! Pour la
première fois, Rouge fait paraître successivement 11 listes de
souscripteurs, indiquant leurs initiales, leur occupation
professionnelle, leur ville ou arrondissement de résidence.
Plus de la moitié de l’argent réuni provient de Paris et de la
banlieue. Les sommes collectées à Toulouse (6.250 F) et à
Rouen (4.580 F) représentent près de 10 % du total.
Quelques sympathisants étrangers ont versé, « deux
camarades libanais », un lecteur de RFA, un autre de
Montréal. La rédaction du Nouvel Observateur a envoyé son
obole, par solidarité avec son jeune confrère. Les groupes
Taupe sont peu nombreux à apparaître dans les listes de
souscription, celui de Sovirel à Montargis, ceux des
Chantiers navals de La Ciotat et des Assurances générales de
France à Paris. Par contre à plusieurs reprises la librairie La

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Joie de Lire du Quartier latin fait remonter l’argent


collecté32. Enfin une souscription est lancée le 6 janvier
1973, en prévision des prochaines élections législatives, avec
un objectif de 400 000 francs.
19 C’est donc avec opiniâtreté que le groupe de militants
aborde le problème de l’argent. Dès sa naissance la Ligue
s’efforce de se donner des moyens matériels à la hauteur de
ses ambitions.

Un devoir de violence ?
20 Précocement aussi et avec esprit de continuité la Ligue
aborde la question de la violence, masquant parfois derrière
la dérision ce grave problème. En effet, choisir Arthur Colt
comme pseudonyme33 est sans doute révélateur de la
mentalité d’un militant qui assume, à sa manière…
humoristique, la violence, de même que faire figurer sous le
dessin d’un revolver « T’as pensé à t’abonner à Rouge34 ? ».

Toujours le même modèle, la révolution russe


21 Plus sérieusement, les textes programmatiques de la Ligue
sont clairs à ce sujet. Si l’on veut passer réellement au
socialisme, on ne pourra faire l’économie de la violence,
seule façon pour les travailleurs de « se prémunir contre les
tentatives des exploiteurs dépossédés35 ». Toute l’histoire
politique récente, l’Espagne, la Grèce, l’Indonésie, la Bolivie,
le Chili en septembre 1973, montre la vulnérabilité du
mouvement populaire quand il est désarmé. Un article de
Rouge au titre… définitif, « Finissons-en avec ces
sucreries », évoque le centième anniversaire de la naissance
de Gandhi pour se démarquer de ses méthodes36. La vision
est internationaliste et la Ligue n’accepte pas au nom d’une
spécificité française qu’elle ne reconnaît pas, d’abandonner
les leçons de Lénine. L’État et la révolution est donc
toujours d’actualité. « Un gouvernement des travailleurs […]
se montrera fort et résolu, en développant l’armement des

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travailleurs organisés en milices populaires, incarnation de


la nouvelle légalité37 ».
22 L’armée et la police sont caractérisées comme étant au
service d’un État dominé par la bourgeoisie. Il faut donc
faire émerger des luttes ouvrières une force alternative. Le
modèle de la révolution russe est prégnant.

Pour l’autodéfense ouvrière : à contre-courant


23 Mais les militants de la LC ont beaucoup de mal à
convaincre les travailleurs français de la validité de leur
stratégie. Ceux-ci n’ont-ils pas fait l’expérience depuis plus
d’un siècle du suffrage universel ? Déjà Victor Hugo, lors de
la discussion de la loi électorale du 31 mai 1850 justifiait
ainsi le suffrage universel :
Le suffrage universel, en donnant à ceux qui souffrent un
bulletin, leur ôte le fusil. En leur donnant la puissance, il
leur donne le calme. Vote ! Ne te bats plus38 !

24 Il faut tout d’abord, en allant à contre-courant, redonner aux


travailleurs le goût de se battre, « armer les travailleurs du
désir de s’armer ». Utilisant plusieurs conflits sociaux,
notamment celui du Joint français à Saint-Brieuc, au
printemps 1972, les militants de la Ligue tentent de
démontrer l’importance de « l’autodéfense ouvrière ». Mais
le « piquet de grève » de cette usine bretonne montré par
Rouge39 semble bien perméable ! Des grèves plus dures ont
lieu en Espagne, dans les mines des Asturies et à la Seat de
Barcelone, en octobre 1971. Les ouvriers se sont affrontés à
la police :
Tout ce qui tombe sous la main devient arme : barres de fer,
outils, pièces détachées. Des barricades rudimentaires sont
dressées avec des bidons vides. Des cocktails Molotov
improvisés repoussent les premières attaques 40…

25 Remarquons le titre martial, « Piquets d’autodéfense et


détachements de combat ouvriers ». Martial et exagéré, car

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s’il y eut riposte ouvrière violente et début d’autodéfense, les


« détachements de combat ouvriers » ne sont qu’une
perspective lointaine.

Un service d’ordre multifonctionnel


26 C’est sans doute pour donner l’exemple, pour se substituer à
une gauche classique qu’elle estime défaillante sur ce plan-là
aussi, que la Ligue décide d’organiser un service d’ordre, à
Paris surtout. Mais plusieurs villes de province, Rouen
Français
notamment, ont le leur. Le service d’ordre central, c’est-à-
Portail
dire celui de Paris, était dirigé par M. Recanati etdeH.ressources
Weber.électroniques
en sciences humaines et sociales
Ce dernier, répondant à Isabelle Sommier, déclare :
Avoir un bon SO qui manœuvrait comme OPENEDITION
à la parade et qui
était efficace, ça conférait un prestige important dans le
milieu lycéen et étudiant […]. Il y avait desNos
stages, des sorties
plateformes
en forêt le samedi et le dimanche avec entraînement aux
actions collectives, coordonnées, avec maniement du bâton,
OPENEDITION BOOKS
du cocktail molotov .41

OPENEDITION JOURNALS
27 Interrogé quelques années plus tôt par V. Faburel, H. Weber
disait avoir fait partie de l’Hachomer Hatzaïr (La Jeune
HYPOTHESES
Garde), organisation sioniste-socialiste. C’est au cours d’un
CALENDA
stage à Mons (Belgique) notamment, encadré par des
officiers israéliens, au moment où de Gaulle arrive
Bibliothèques au
et institutions
pouvoir, « qu’il apprit le service d’ordre42 ».
28 Cette force de frappe permet tout d’abordOpenEdition
de réaliser des
Freemium
« bons coups », notamment pour dénoncer l’intervention
américaine en Indochine : « Il y avait presque une
Nos services
esthétique du bon coup réussi43 ». Elle permet aussi
d’imposer la présence des révolutionnaires dans les
OpenEdition Search
manifestations contre la guerre au Viêtnam organisées par
la gauche, aux rassemblements du premier mai, contre la
volonté des « staliniens » qui avaient aussi leur SO44. Au
Havre, la venue du SO de la Ligue de Rouen permet à la
section locale de tenir son premier meeting public à
l’occasion de l’élection présidentielle de 1969. En effet

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plusieurs dizaines de militants du PC tentent de barrer


l’entrée au meeting, aux cris de « Krivine à l’usine », « Votez
Duclos45 ». Le maire communiste du Havre a été obligé
d’accorder une salle municipale à la LC, mais des militants
de son propre parti ont tenté d’empêcher la réunion
publique46.
29 À Paris, le SO de la Ligue permet à plusieurs reprises de
ramener à la raison les casseurs qui risquent de dénaturer le
sens de telle ou telle manifestation, d’où l’accusation
proférée parfois par l’ultra gauche d’une collusion entre la
Ligue et la police. En effet, entre les forces de l’ordre et le
SO, il y a une sorte de gentleman agreement, une retenue :
« Eux savaient qu’on n’allait pas tirer. Et puis on était
CATALOGUE
protégés par toute une série d’organisations syndicales47 ».
ACCUEIL DES 13404 ÉDITEURS AUTEURS OPENEDITION SEAR
Un devoir sacré, « éthique », la lutte contre l’extrême droite
LIVRES
30 L’utilisation du SO a été fréquente contre l’extrême droite.
Ce combat apparaît aux militants de la Ligue comme sacré,
en mémoire des victimes du nazisme. Il faut étouffer dans
l’œuf « la peste brune ». La lutte contre l’extrême droite,
Ordre nouveau mais aussi la Confédération Française du
Travail (CFT), voire les Royalistes, est systématiquement et
totalement justifiée en vertu de l’adage « Pas de liberté pour
les ennemis de la liberté ». Il s’agit là aussi de se substituer à
une gauche défaillante, et en montrant l’exemple, de susciter
la réaction des masses.
31 La Ligue se mobilise contre la CFT, née en 1959, et très
présente notamment à Simca Poissy et à Citroën Rennes.
Devant les deux usines Citroën de Rennes, elle impose les
distributions de tracts alors qu’elles étaient jusque-là
interdites par la CFT48.
32 Mais la cible permanente de la Ligue, c’est Ordre nouveau
(ex-Occident) et le Front national, l’organisation mise en
place par Ordre nouveau à partir du meeting à la Mutualité
du 7 novembre 1972, « le cache-sexe législatif des nazillons

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d’Ordre Nouveau49 ». Ce combat est pris au sérieux


précocement. Déjà à la fin de la guerre d’Algérie, en 1961, les
principaux dirigeants de la Ligue, dont A. Krivine, avaient
fait leurs premières armes dans le cadre du Front
Universitaire Antifasciste (FUA), dans la lutte contre l’OAS.
Après 1968, ils retrouvent leurs adversaires bien connus.
Tout d’abord la Ligue réalise un travail d’enquête sur les
groupes d’extrême droite, tentant de mettre à jour les
réseaux, les connexions entre ces groupes et les hommes du
pouvoir gaulliste, les Services d’Action Civique (SAC)
notamment. Le Document rouge n° 23-24 déjà cité met ces
informations à la disposition des militants et des
sympathisants. Dans son combat contre Ordre nouveau puis
le Front national, Rouge insiste sur le nécessaire front uni50,
fustigeant les « autres organisations d’extrême gauche
quand elles se défilent51 ». N’étant pas parvenue à
convaincre LO de s’associer à elle, la LC décide de s’opposer
malgré tout au meeting d’Ordre nouveau à Paris, le 21 juin
1973. Plusieurs centaines de militants casqués, armés de
manches de pioches et de cocktails molotov s’affrontent avec
la police qui essaie de s’interposer. Plusieurs policiers sont
blessés, le 27 juin le gouvernement décide par décret la
dissolution de la LC et d’Ordre nouveau. Alain Krivine et
Pierre Rousset sont arrêtés, le premier est libéré le 2 août, le
second restera plus longtemps en prison. Il avait déjà été
condamné à la prison avec sursis pour « avoir transporté des
produits susceptibles de rentrer dans la composition
d’explosifs pour des militants latino-américains52 ».
Les jeunes militants les plus battants, les plus actifs,
populaires, Olive, Cavalier, Gamin, les frères Cyroulnik,
Arafat… étaient surtout enthousiasmés par toutes les tâches
du SO. Les grandes légendes, les mythes, pour eux, étaient
les actions antifascistes : le soir, dans l’un des troquets près
de l’impasse Guéménée, on parlait surtout de la dernière
bataille rangée devant le palais des Sports pour empêcher
que se tienne le dernier meeting d’Occident. La Ligue était

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de plus en plus soumise aux tentations ultra gauches

33 écrit G. Filoche pour le regretter53. Sur le moment les


dirigeants de la Ligue assument pleinement la décision
d’attaquer le meeting d’Ordre nouveau. Pour la justifier, D.
Bensaïd fait appel à l’histoire :
Nous nous souvenons. De tout. Mieux parfois que ceux qui
ont vécu cette époque. La génération militante d’aujourd’hui
est née de ses cendres. Les démissions, les responsabilités,
les héroïsmes, aussi, du mouvement ouvrier d’alors font
partie de notre éducation. C’est pourquoi nous tenons à dire
Non à temps54 !

Le risque d’une dérive militariste ?


34 Au vu de la détermination des membres du service d’ordre le
soir du 21 juin, on est en droit de se demander si la Ligue
n’est pas elle-même en train de se transformer en une
« bande armée » sous prétexte de lutter contre « les bandes
armées du capital ». D’après Hamon et Rotman, la direction
de la Ligue a mis sur pied une Commission Technique
Spéciale (CTS) en 1970. Composée d’une demi-douzaine de
membres, « elle a pour mission de préparer les coups
tordus, ceux qui sortent de la légalité », plus généralement
d’organiser le Service d’ordre55.
35 Le jugement a posteriori de R. Goupil rapporté par C. Nick
est très négatif. Il parle du service d’ordre comme « d’une
garde prétorienne », totalement dévouée au petit cercle
dirigeant et pour qui « la ligne politique n’a plus aucune
importance56 ». Cinéaste, ancien militant de la Ligue et du
SO, très ami avec Ludo (M. Recanati) à qui il a consacré un
film émouvant (Mourir à trente ans), R. Goupil a pris
beaucoup de distance avec son engagement de jeunesse. Ce
n’est pas le cas de Françoise Filoche, interrogée elle aussi
par C. Nick. Elle insiste sur le machisme de cette société
d’hommes, parlant « d’Olive et des soudards du SO57 ».
Comme en écho, H. Weber interviewé en 1998, met la

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violence déployée par le SO de la Ligue le soir du 21 juin sur


le compte « d’un excès de testostérone58 ». Jean-Michel
Mension, toujours militant de la Ligue, donc a priori moins
défavorable, raconte un épisode tendant à prouver que les
risques de dérive étaient bien réels. La Ligue ayant envoyé
une forte délégation en Italie pour participer à une
manifestation sur le Viêtnam, en 1971 ou 1972 : « au cours
du voyage de retour, des membres du SO organisèrent une
razzia dans un resto-route. Tout fut piqué, au grand dam de
militants, scandalisés, du FSI59 ». Mais dans un autre
passage, il insiste sur « le courage, le calme, le sang-froid »
de ces camarades, héritiers selon lui de la période « très
gauche de la Troisième Internationale60 ».
36 En province la réalité est différente. À Montpellier, il est vrai
quelques années plus tard, les militants, et en particulier les
militantes intégrées au SO ne semblent pas participer avec
enthousiasme à ses activités. Seul(e)s sept ou huit sont
présent(e)s aux entraînements sur les seize prévu(e)s.
L’auteur du bilan, après avoir constaté, fataliste, « qu’on ne
peut forcer les camarades à participer au SO », remarque
que si les initiatives de l’organisation ont été correctement
protégées, « nous avons été incapables de riposter aux
réapparitions des groupes fascistes61 ».
37 Ces divers témoignages sont intéressants parce qu’ils nous
montrent qu’existent à la Ligue des sensibilités diverses et
aussi des réalités locales différentes. Pour bien des militants
de province, le premier souci est de gagner le droit d’exister,
la faiblesse de leurs forces les prémunissant contre le risque
de déviation militariste. La situation parisienne est
différente. Il existe dans la capitale un vivier militant
important, du fait du grand nombre d’étudiants. Le 21 juin
1973, la catastrophe a été évitée de peu. C’est in extremis
que des militants du service d’ordre empêchent que des
excités ne s’acharnent sur les deux occupants d’un car de
police secours en feu62. La direction saura tirer les leçons de

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juin 1973 et évitera l’aventure de la violence minoritaire.


Pour reprendre une formule célèbre de Mao Zedong, « le
parti ne se laissera pas commander par le fusil ».

Les rapports avec les organisations


d’extrême gauche
38 Point de révolution réussie sans l’outil qu’est le parti
révolutionnaire, tel est un des postulats essentiels des
militants de la LC. Or, dans la France de l’après-68, d’autres
militants poursuivent le même objectif. La crise du
mouvement communiste international dans les années
soixante a libéré des énergies et compliqué le panorama à la
gauche du PC. En France, nous distinguons trois
composantes essentielles avec lesquelles la Ligue entretient
des rapports différents, les maoïstes, les trotskystes et les
« centristes » du PSU. Rappelons que pour le parti qui se
prétend révolutionnaire, le groupe centriste est celui qui
oscille entre réforme et révolution.

La Ligue communiste et les maoïstes

La réflexion sur la Chine


39 L’attention portée par les militants de la QI à la querelle
entre la Chine et l’URSS est précoce et, dès le début, la
position chinoise est jugée positive car « elle attribue une
importance primordiale au mouvement des masses », elle ne
subordonne pas tout à la « coexistence pacifique63 ». La
révolution culturelle fait l’objet d’une réflexion importante
lors du débat préparatoire au IXe congrès mondial (1969).
Sans aller jusqu’à faire de la révolution culturelle une
révolution politique anti-bureaucratique, la majorité de la
QI affirme que les mobilisations des masses qui l’ont
accompagnée « ont changé le rapport de force entre la
bureaucratie et le peuple à l’avantage de ce dernier64 ». De
grandes forces ont été mises en mouvement et la QI scrute
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attentivement la situation en Chine, espérant voir émerger


une « nouvelle avant-garde de révolutionnaires
authentiques65 ». Dans une lettre à J. Hansen, P. Frank
insiste sur les différences entre l’URSS des années vingt,
pendant lesquelles la montée de la bureaucratie s’est faite
« sur un fond de passivité des masses », et la Chine des
années soixante, qui voit « les masses intervenir comme des
forces sociales indépendantes ». Toutefois il se dit moins
« excited » que Sam, un autre dirigeant de la QI66.
40 La Ligue tient meeting à la Mutualité devant un public
nombreux, le 30 septembre 1969, pour le vingtième
anniversaire de la naissance de la République populaire de
Chine. On donne la parole à un maoïste présent qui
demande aux trotskystes « d’être plus modestes devant
l’habileté du grand timonier67 ». Un établi maoïste, interrogé
par Marnix Dressen, explique cette fascination ainsi : « la
Chine, c’était plusieurs centaines de millions de gens, alors
que les trotskystes n’avaient jamais réussi nulle part68 ».
41 La position minoritaire défendue par le SWP des États-Unis
et par un vieux trotskyste chinois, « très âgé, émouvant »,
Peng Tchu Chei69, était plus pessimiste quant aux
possibilités d’évolution, la révolution culturelle ayant été
incapable de donner naissance à la « démocratie ouvrière ».
Peu de temps après, Rouge rappelle que les trotskystes ont
été et sont réprimés dans la Chine de Mao, évoquant
notamment Chen Chao Lin, né en 1901, qui passa sept ans
en prison sous Chang Kaï-Shek et vingt ans sous Mao
Zedong70.
42 Ainsi, les militants trotskystes ne succombent pas à cet
« incroyable engouement » qu’a suscité l’État chinois à
l’Ouest dans les années soixante71, quand des intellectuels
prestigieux, J.-P. Sartre et S. de Beauvoir, mais aussi M.
Foucault, J.-L. Godard, Ph. Sollers, Ch. Bettelheim,
apportaient leur caution aux maoïstes.

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La Ligue communiste et La Cause du Peuple


43 Le jugement porté sur les maoïstes français de La Cause du
Peuple (journal de la Gauche prolétarienne lancé en octobre
1968, notamment par Benny Lévy72) est tout de suite très
négatif. Son « révolutionnarisme sommaire » est fustigé et
une de ses manifestations à Belleville caractérisée comme
une « cavalcade désordonnée », responsable de l’arrestation
et du fichage de 700 personnes73. L’épithète infamante de
« spontex », pour spontanéistes, est accolée à « maos ». Les
militants de La Cause du Peuple, les maos-spontex, sont
distingués des staliniens de L’Humanité Rouge. H. Weber
les accuse de confondre violence révolutionnaire et
putschisme : « Les militants maos substituent leur propre
violence à la violence des masses74 ».
44 La LC prend soin de se distinguer des « violences des
anarcho-maoïstes de La Cause du Peuple à l’université » :
« Nous appelons à refuser de voter (aux conseils
d’université), mais nous refusons de prôner la destruction
stupide des urnes75 ».
45 Mais quand le gouvernement décide de dissoudre la Gauche
Prolétarienne (GP), le 27 mai 1970, et arrête plusieurs
dizaines de ses militants, dont Alain Geismar, Jean-Pierre
Le Dantec, la LC se mobilise aux côtés du PSU notamment,
pour les défendre malgré tout. À la rentrée d’octobre 1970
était créé le Secours rouge. Il sert jusqu’en juin 1971 de cadre
à la mobilisation d’une bonne partie de l’extrême gauche
contre la répression. Mais la LC le quitte du fait de son
« orientation antisyndicale76 ».
46 La relative mansuétude du gouvernement vis-à-vis des
militants maoïstes — Alain Geismar est condamné à 18 mois
de prison et les autres militants à des peines allant de trois à
six mois — fait vite perdre de l’actualité à ce combat contre
la répression. Cette lutte n’aura pas rapproché les
trotskystes des maoïstes, au contraire, ni même l’assassinat
du militant maoïste Pierre Overney le 25 février 1972 par un

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vigile de Renault. Certes Rouge profite de l’événement pour


rappeler la nécessité de « l’autodéfense ouvrière » mais
critique durement l’enlèvement de Robert Nogrette, « chef
de la police de Renault », riposte tout à fait inadaptée et
minorisante, signant un communiqué commun avec le PSU,
LO, l’AMR, l’ORA, le CIC et même l’AJS, pour le dénoncer77.
Après l’auto-dissolution de la Gauche prolétarienne, le
premier novembre 1973, rares sont ses anciens militants à
avoir rejoint la Ligue. Dans l’école de formation parisienne
de 1974-1975 par exemple, les militants d’origine maoïste
(comptabilisés avec ceux de l’AJS et de l’Organisation
Révolutionnaire Anarchiste, ORA) représentent moins de
5 % du total, sur 200 personnes environ78. Maïté Astruc, de
Bordeaux, avait 20 ans en 1968, de formation chrétienne
(JEC), après quelques mois à la Gauche prolétarienne, elle
adhère à la LC79.

La Ligue communiste et les organisations


trotskystes
47 Les groupes trotskystes sont tout aussi divisés que les
maoïstes. Deux se détachent surtout, Lutte Ouvrière et
l’OCI-AJS, l’Alliance Marxiste Révolutionnaire (AMR) ayant
des forces beaucoup plus limitées. Ce groupe et ses quelques
correspondants étrangers regroupés dans la Tendance
Marxiste Révolutionnaire Internationale (TMRI), créée par
Michel Raptis (dit Pablo) au moment de sa rupture avec le
Secrétariat Unifié (SU) de la QI en 1965, intéresse rarement
Rouge : six mentions en cinq ans. Un article se félicite de la
« décomposition du courant pabliste », quand la section
hollandaise de la TMRI demande son affiliation au SU de la
QI80, un autre, sous le titre « la grenouille et le bœuf » se
moque de ce « groupuscule qui prétendait que dans un de
ses meetings parlerait un membre du FDPLP », ce que ce
dernier a démenti dans un communiqué81. Toutefois la LC se
solidarise avec deux de ses militants, Baby et Schmidt,

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arrêtés et inculpés pour « détention d’armes par


destination82 ».

Les rapports avec Lutte Ouvrière


48 Lutte Ouvrière (LO) a pris la suite de Voix Ouvrière, une des
organisations gauchistes dissoutes en juin 68. Elle a une
autre réalité que l’AMR. Ses militants sont les héritiers du
journal La lutte de Classes créé en 1942 par Barta (David
Korner), militant d’origine roumaine83. Toujours à l’écart de
la réunification des trotskystes en 1944, ils jouent un rôle
important dans le déclenchement de la grève à Renault
Billancourt à la fin du mois d’avril 1947. Après quelques
années d’éclipse reparaît leur journal, bimensuel de 1962 à
1967, puis hebdomadaire, Voix Ouvrière84. L’activité de ces
militants, qui se proclament « la tendance prolétarienne »
de l’extrême gauche est centrée sur les entreprises. Ils
rédigent des « feuilles de boîtes » à partir des échos que leur
fournissent sympathisants et contacts, puis les distribuent
avec régularité, sur près de 160 entreprises85. Ce sérieux leur
a permis de recruter quelques centaines de militants, c’est
ainsi qu’A. Laguiller, jeune employée de banque, militante
du PSU, a été approchée et gagnée à l’organisation, un peu
avant Mai 6886. Après Mai 68, tournant le dos à son
isolationnisme traditionnel, LO propose la fusion de ceux
que le PC appelle les Gauchistes dans la même organisation.
F. Lourson n’est pas d’accord avec cet « œcuménisme
révolutionnaire87 ». Rouge a beau jeu de démontrer le
caractère prématuré de cette proposition, « les courants
maos n’ayant pas rompu avec le stalinisme ni avec le
terrorisme et le populisme88 ». LO et la LC se contentent
plus modestement d’organiser quelques meetings communs
à la Mutualité. L’assistance est nombreuse à chaque fois, les
photos montrent une foule jeune, debout, chantant le poing
levé, dans une salle décorée de la faucille et du marteau89.
49 Lors de l’élection présidentielle de 1969, LO appelle à voter

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pour Alain Krivine, puis participe à la manifestation de la QI


pour le centenaire de la Commune (15-16 mai 1971), deux
brochures sont réalisées en commun sur les augmentations
uniformes et « un intéressant effort de travail unitaire est
réalisé à la CGCT, entreprise importante située à Paris90 ».
Enfin une candidature commune est présentée aux élections
législatives partielles de Bordeaux, en septembre 197091.
Malgré l’ampleur des divergences persistant avec LO, qui
continue à caractériser Mao, Ho, Castro comme des
« symboles de la petite bourgeoisie radicalisée92 », un
protocole d’accord est signé entre LO et LC. Ces divergences
sont déclarées « résorbables dans le cadre d’une
organisation commune93 ». LO a accepté en effet deux
conditions sur lesquelles la LC n’est pas prête à transiger,
l’adhésion à la QI et l’adoption du centralisme démocratique
comme mode de fonctionnement du parti.
50 À partir de janvier 1971 s’ouvre une phase cruciale qui doit
montrer la possibilité d’une activité commune LO-LC.
Plusieurs manifestations sont organisées en commun, à
Paris sur l’Indochine, à Rouen sur la Tchécoslovaquie94.
Mais très vite, les divergences s’accentuent sur la
mobilisation contre Ordre nouveau, sur le Secours rouge
aussi ou même le FSI, désertés par les militants de LO. Les
divergences les plus importantes concernent le « travail
ouvrier » et en particulier le militantisme à Force Ouvrière
(FO). Rouge regrette que la présence d’A. Laguiller à FO
permette à André Bergeron de faire de la démocratie interne
une caractéristique de son organisation95.
51 La LC est bien invitée à la fête de LO à Presles (Val-d’Oise),
les 20-2122 mai 1972, où elle tient un stand, mais le compte
rendu est rosse. Sans nier le succès d’affluence et la bonne
organisation, Rouge critique le contenu :
Suffit-il d’y mettre des CRS pour qu’un jeu de massacre
devienne socialiste ? […] Avec ses 20 000 participants, la
fête ressemblait aux premières fêtes de l’Huma, dans les

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années trente. En moins politique96.

52 Les relations entre les deux organisations vont peu à peu


s’étioler malgré un accord de répartition pour les législatives
de 1973, et c’est sans LO, depuis toujours réticente, que la
LC tentera de s’opposer au meeting d’Ordre nouveau le 21
juin 1973. Lors des élections, la personnalisation autour de
la figure d’A. Laguiller, l’électoralisme — Rouge parle du
caractère racoleur des campagnes de LO — sont dénoncés.
Pour que les deux organisations participent conjointement à
des élections, il faut vraiment que le mode de scrutin les y
contraigne, ainsi lors des Européennes de 1979.

Les rapports avec l’OCI-AJS


53 Autant les relations entre la JCR et Voix Ouvrière étaient
rares avant 68, les deux organisations n’intervenant pas
dans les mêmes secteurs, autant la LC et l’OCI sont de
vieilles connaissances. Les deux groupes sont issus du même
parti, le PCI unifié en 1944. Le journal de l’OCI,
Informations ouvrières (IO), est devenu hebdomadaire
après 68 et son organisation de jeunesse, l’Alliance des
Jeunes pour le Socialisme (AJS), commence à publier un
mensuel, Jeune Révolutionnaire (JR), le 10 octobre 1968.
En outre l’OCI publie une revue théorique, La Vérité.
54 Les rédacteurs d’une brochure de la LC sur l’OCI-AJS
reconnaissent la force du mouvement, « la plus grosse
organisation trotskyste juste avant 6897 ». Cela ne les a pas
empêchés de rater complètement Mai 68 et de s’aliéner pour
longtemps les sympathies des étudiants :
Pendant plus d’un an, les orateurs lambertistes ne pourront
prendre la parole dans les assemblées étudiantes de la
région parisienne. Ce n’est que lorsque le souvenir de Mai 68
se sera estompé que l’AJS et l’UEC retrouveront droit de cité
dans les facs98.

55 Cette stratégie, perçue comme peu offensive par les


étudiants radicalisés, est sous-tendue par une analyse
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particulière de la période. Les dirigeants de l’OCI-AJS


continuent à penser, contre toute évidence, écrivent les
militants de la LC, que « les forces productives ont cessé de
croître ». En vertu de cette analyse, la classe ouvrière doit
défendre « les acquis » menacés par la bourgeoisie, sans
plus. Rouge évoque fréquemment l’OCI-AJS, presque
toujours de manière très négative, utilisant les mots de
« clowns », « puristes sectaires », « secte », et l’expression
« l’extrême droite de l’extrême gauche99 ». Rouge présente
l’AJS comme peu respectueuse de la démocratie ouvrière,
accusant ses militants de Clermont-Ferrand d’avoir saboté
un meeting de la Ligue le 9 décembre 1970100. Pire, une de
leurs actions à l’université de Vincennes amène Rouge à les
comparer aux staliniens : « Les méthodes classiques des
staliniens déteignent sur certains groupes
révolutionnaires101 ». Le jeudi 16 octobre 1969, une
soixantaine de militants de l’AJS, blousons de cuir,
démarche virile, auraient tabassé des maos-spontex et
vendu leur journal, Jeune révolutionnaire, en lançant les
slogans suivants : « Contre la vérole, la syphilis, la drogue
dans le mouvement ouvrier, achetez JR102 ».
56 Mais l’OCI-AJS dépasse la mesure selon la Ligue au sujet de
la Bolivie. La LC a lancé une campagne de solidarité
financière en faveur de son organisation sœur, le POR-
Gonzalez Moscoso. Or Informations ouvrières publie une
mise au point du POR-Lora, réunissant les partisans de
l’OCI en Bolivie, qui dit que « le dénommé Hugo Gonzalez
Moscoso ne représente rien en Bolivie », que « de sérieux
soupçons » laissent penser « qu’il travaillerait pour le
compte du gouvernement bolivien » et qu’enfin « ces fonds
rassemblés ne serviront qu’à arrondir les revenus du Sieur
Gonzalez Moscoso103 ». À ces très graves accusations, Rouge
répond par un article intitulé « Charognards !104 », qualifiant
à son tour l’OCI « d’individus que se disent trotskystes »,
qu’il n’est pas étonnant de les voir prendre parti contre la

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guérilla, quand on connaît leur attitude en mai 68 : « En


1968 ? L’AJS a toujours crié à la boucherie, appelant à la
dispersion des manifs105 ».
57 Il est bien évident que dans ce contexte le travail avec l’AJS
est des plus ténus. Relevons toutefois un tract unitaire aux
Beaux-Arts pour dénoncer l’agression perpétrée à Censier
par La Cause du Peuple contre des militants de l’AJS et de
l’UEC106, un communiqué commun critiquant l’enlèvement
de Nogrette par la Nouvelle résistance populaire maoïste107.
Mais la polémique reprend vite à propos du militantisme à
FO et de la « capitulation honteuse » des lambertistes
devant A. Bergeron108, de leur compromission aussi avec les
francs-maçons, les radicaux de gauche avec qui l’OCI-AJS
est accusée de commémorer la Commune109. L’OCI-AJS
rend à la Ligue la monnaie de sa pièce, dénonçant le
candidat Krivine aux présidentielles de 1969, « destiné à
diviser les ouvriers “avancés” des ouvriers fidèles à leurs
organisations et à leurs partis, […] une candidature qui
donne des armes à la bourgeoisie comme à l’appareil
stalinien110 ». Après avoir négocié quelque temps avec LO et
la LC, l’OCI-AJS refuse la répartition des circonscriptions
électorales entre les trois organisations trotskystes à la veille
des législatives en 1973 et dénonce de manière virulente les
candidats LOLCR, « crypto-staliniens propulsés par la
bourgeoisie111 ». Cette hostilité ne se dément pas. Lors des
présidentielles de 1974, l’OCI combat de nouveau les
candidatures de Krivine et d’A. Laguiller, « candidatures
sans principe contre le Front Unique Ouvrier (FUO)112 ».
L’OCI voit dans les démarches faites par la Ligue pour
demander à Piaget, « PSU, clérical, néo-corporatiste », de
devenir le candidat de l’extrême gauche une preuve
supplémentaire de la malfaisance de cette organisation.
Finalement dès le premier tour l’OCI appelle à voter
« Mitterrand, premier secrétaire du PS, appuyé par le PCF,
de façon à chasser l’UDR, parti bourgeois, du pouvoir113 ».

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58 La coupure est totale entre les frères ennemis du


trotskysme. Cela n’empêche pas malgré tout localement
certains passages d’une organisation à l’autre. Ainsi Michel
Zimmerman, lycéen à l’époque, aujourd’hui conseiller
principal d’éducation, adhérent à l’AJS de 1973 à 1975 (entre
17 et 19 ans), passe à la LCR, « plus unitaire », plus ouverte à
la collaboration avec d’autres groupes114.

La Ligue communiste et le PSU


59 Fatigués de l’impuissance groupusculaire, un certain
nombre d’extrotskystes ont participé en 1960 à la fondation
du PSU. Ils ont animé une des trois composantes originelles
du PSU, l’Union de la Gauche Socialiste (UGS) — aux côtés
des militants chrétiens du Mouvement Pour la Libération du
peuple (MPL) —, les deux autres étant le Parti Socialiste
Autonome (PSA) et Tribune du communisme. À la veille de
1968, bien qu’hétérogène, ce parti a une réelle implantation
dans certaines régions, au total environ 10 000 membres,
500 élus municipaux et trois députés115. Comme l’écrit Yvan
Craipeau : « L’avantage du PSU, par rapport aux autres
groupes gauchistes, tenait à sa composition sociale (pas des
étudiants, mais des travailleurs, souvent syndicalistes, voire
responsables syndicaux)116 ».
60 Le PSU participe pleinement au mouvement de Mai 68, se
distinguant de la gauche classique, beaucoup plus
électoraliste. Le nombre d’ouvriers est assez important dans
le Nord ou en Rhône-Alpes. Une enquête interne au PSU
réalisée après Mai 68 révèle un nombre important de
fonctionnaires, d’enseignants, les ouvriers représentent 13 %
et les employés 14 %117. Si ses résultats aux élections de juin
1968 sont décevants (un million de voix réparties sur ses 317
candidats, soit environ 4 % des suffrages exprimés), ce parti
recrute, atteignant jusqu’à 16 000 membres. Militant à cette
époque dans la région parisienne, Y. Craipeau a le souvenir
d’une « augmentation considérable, notamment dans la

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région parisienne118 ».
61 Déjà avant Mai 68, les militants de l’UEC qui allaient fonder
la JCR et les Étudiants Socialistes Unifiés (ESU) se sont
rencontrés. Les uns et les autres fréquentent les AG de
l’UNEF, les étudiants du PSU prennent son contrôle en
janvier 1967, les JCR se contentant de l’AG de Nanterre119.
Un certain nombre d’ESU trotskysants participent à la
fondation de la JCR à Dijon, où leur apport est essentiel, à
Rouen ils représentent les deux tiers des effectifs initiaux120.
Les trotskysants sont majoritaires aussi aux ESU à la
Sorbonne (groupe Poing rouge)121, certains rejoindront la
LC, comme Joël Euvrard, nommé professeur de philosophie
à Niort, où il contribue à créer la section locale de la Ligue
communiste.
62 Après Mai 68, les relations se poursuivent entre les deux
organisations, ainsi dans le Calvados, on colle les affiches
ensemble pour se protéger contre l’extrême droite122. Peut-
être faut-il voir dans cette attitude unitaire l’influence d’Yves
Salesse, professeur et militant JCR puis LC sur la région, qui
signe dans Rouge plusieurs études sur le PSU123. Les
rencontres ont lieu aussi au niveau national entre le BN du
PSU et le BP de la Ligue. Des textes communs sont adoptés
dénonçant « la répression exercée sur les travailleurs dits
“gauchistes” par les directions syndicales » et plaidant pour
la démocratie syndicale, pour que soient sauvegardés les
droits des militants ouvriers révolutionnaires dans les
syndicats124. La Ligue considère que « le PSU est au
carrefour125 », oscillant entre orientation révolutionnaire et
orientation réformiste. Avec l’élection de M. Rocard au siège
de député de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines), du fait
du retrait du socialiste et du vote du PC en sa faveur, les
tendances au réalisme et à l’intégration dans le jeu politique
classique commencent à l’emporter. Comme l’écrivent de
manière pittoresque les leaders de la tendance marxiste
révolutionnaire du PSU : « La rigueur de M. Rocard, c’est

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l’intrusion de la comptabilité nationale dans le mouvement


ouvrier126 ».
63 Sous le titre « le PSU vire à droite, il exclut à gauche »,
Rouge publie la déclaration de deux adhérents du PSU,
Jean-René Chauvin et André Durez, exclus pour avoir
appelé à voter Krivine à la présidentielle de 1969127.
Rapidement les relations se dégradent entre les deux
organisations. Un tract du PSU distribué sur les hôpitaux de
Paris, affirmant « On n’est plus en mai comme s’y croient les
étudiants de la Taupe rouge », attire une réplique cinglante
de Rouge128.
64 Cependant, la Ligue soutient le candidat du PSU et son
suppléant de LO aux élections partielles dans le XIIe
arrondissement de Paris. Philippe Simon, candidat du PSU,
secrétaire de la Fédération de Paris, se situe, il est vrai, à la
gauche du parti. Mais après le congrès de Lille et la prise en
main du parti par M. Rocard, la collaboration semble limitée
à « des actions ponctuelles sur des thèmes précis129 ». Le
PSU est décrit comme un bateau ivre, écartelé entre ses
tendances, des maoïstes de la Gauche révolutionnaire
organisés en fraction indépendante, à la droite du PSU qui
s’apprête à rejoindre le PS130. Une attention particulière est
portée à la tendance la plus proche du trotskysme, la
tendance marxiste révolutionnaire animée notamment par
Jacques Kergoat. Y. Salesse, dans son compte rendu du
congrès de Lille, lui lance un appel direct :
Vous usez vos forces, et vous contribuez, par les illusions que
vous perpétuez sur ce parti, à les méséduquer [les militants
que vous influencez], à leur faire user leur énergie pour peu
de résultats. C’est de l’extérieur que vous les ferez
progresser131.

65 Cet appel est entendu. Au cours de l’année 1972, plusieurs


dizaines de militants adhèrent à la Ligue, notant que « le
petit groupe d’étudiants des années soixante » a vraiment
changé132. En juin 1972, 17 militants du PSU, dont 11

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parisiens, font connaître leur adhésion à la Ligue, suivis par


8 militants de la section PSU de Levallois-Perret, dont les 4
membres du bureau de section133. Le même numéro de
Rouge nous apprend l’adhésion de Guy Rey, secrétaire de la
section de Sedan. En juin 1972, un autre groupe de 36
militants (17 de la région parisienne, 19 de Rouen et de la
Haute-Normandie) rejoint la LC134. Enfin 34 militants
écrivent à la LC, parmi eux 23 parisiens dont J. Kergoat, Ch.
Phéline (de la Direction politique nationale du PSU), 5
militants du Puy-de-Dôme, 3 des Vosges dont le secrétaire
fédéral, 2 de l’Oise et Maguy Guillen des Alpes-Maritimes,
membre de la DPN et de la Commission nationale
agricole135. Plusieurs rejoindront la Ligue. Y. Craipeau, tout
en appartenant à la même tendance, alors militant dans les
Alpes-Maritimes, ne fait pas le choix de quitter le PSU pour
la Ligue136.
66 Dans ce contexte, les relations entre les deux organisations
ne cessent de se dégrader. La tension atteint son point
culminant quand Rouge accuse un militant du PSU de
Baroclem (Rouen), syndicaliste CFDT, de s’être fait l’agent
de la répression bureaucratique contre des militants de la
Ligue exclus du syndicat137. Le départ de Michel Rocard et
des deux tiers des militants au PS ne facilite pas pour autant
le rapprochement avec le PSU. Amer, A. Krivine constate la
séduction exercée sur les membres du PSU par le
Programme commun138.

La naissance de l’organisation communiste


Révolution !
67 À l’issue du congrès de fondation (1969), les militants de la
principale tendance minoritaire, regroupés autour de
Rivière et Créach, sont restés à la Ligue139. Au fil des mois
cependant les divergences s’approfondissent avec la
majorité, à la fois sur l’intervention dans le mouvement
syndical et sur l’Internationale. Les minoritaires pensent

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que les syndicats doivent être considérés seulement comme


un point d’appui devant faciliter le « dégagement d’une
gauche ouvrière ». Ce n’est pas au nom de principes, mais
seulement en considération de questions de tactique, qu’ils
préconisent, momentanément, l’intervention dans les
syndicats140. Leurs réserves sont plus grandes encore sur la
Quatrième Internationale. Certes ils ne sont pas favorables
aux positions des spontanéistes qui réduisent
l’internationalisme à la solidarité internationale des
travailleurs, mais ils refusent aussi « le formalisme des
trotsko-triomphalistes » qui réduisent l’internationalisme à
l’appartenance à une organisation internationale141. Ils
semblent aussi appréhender de manière plus positive
« l’apport stratégique de la révolution chinoise, et plus
particulièrement de la révolution culturelle142 ». Ils font une
distinction entre l’URSS et les pays de l’Est, où « la
bureaucratie a pris le pouvoir comme classe dominante et
spécifique », et la Chine « où les choses ne sont pas jouées ».
Ils s’affirment prêts à apporter un soutien concret à la
révolution chinoise143.
68 Ce groupe de militants a pris contact avec la Voie
communiste et avec un groupe de Marseille, ils organisent
même un stage commun avec eux. C’est l’initiative de trop,
pour la direction de la Ligue. Le CC demande aux cellules de
condamner cette action. La plupart des minoritaires quittent
la Ligue ou sont exclus. Ils fondent quelques mois plus tard
une nouvelle organisation, Révolution ! D. Bensaïd tente de
minimiser ces départs, qu’il estime à 6 % des effectifs, pour
Paris. De plus, affirme-t-il, « ces camarades n’ont pas
émergé de la pression de l’idéologie étudiante, des nouvelles
couches moyennes, intellectuelles, techniciennes144 ».
L’essentiel est sauf, la base ouvrière de la Ligue n’est pas
écornée par cette scission. En fait, dans quelques villes de
province, Caen ou Marseille, la Ligue est durablement
affaiblie. D’après Jean-Jacques Adam, un ancien militant,

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les effectifs de l’organisation Révolution ! à Caen ne sont pas


négligeables, approchant la centaine. Certes beaucoup de
militants sont étudiants, mais certains travaillent au CHU,
aux PTT, ou comme lui à la SNCF145. Un texte interne de la
LCR reconnaît à Révolution ! 800 militants au printemps
1975, et note ses progrès, à Caen, Marseille, dans le Nord et
en Franche-Comté146.
69 Malgré tout la LC exerce une certaine attractivité sur les
militants qui, après Mai 68, cherchent à s’organiser à gauche
du PC et de la SFIO. Les adhésions venues du PSU se
montent à quelques dizaines, en 1972, parfois plus tôt. Ainsi,
Bernard Couturier, à Bordeaux, membre du PSU depuis Mai
68 adhère à la LC, où il milite toujours, en 1971147. Les
départs de LO vers la Ligue existent aussi. Si l’on en croit les
statistiques de l’école de formation parisienne de 1974, 5 %
de ceux qui la fréquentent en viennent, autant que du
PSU148. Nous avons vu également que quelques militants
sont en provenance du maoïsme. Enfin, une organisation
libertaire est secouée par un débat interne important qui se
solde par des exclusions… pour trotskysme. Les exclus
rejoignent LO ou la LC. Ceux qui s’apprêtent à rejoindre la
LC expliquent dans Rouge que leur organisation d’origine,
l’Organisation Révolutionnaire Anarchiste (ORA), elle-
même issue en 1968 de la Fédération anarchiste, refuse la
conception marxiste de la lutte des classes, ne peut rompre
avec « le passé petit-bourgeois de l’anarchisme149 ».
70 Pas d’afflux massif mais un filet continu d’adhésions, avec
également des départs, notamment au moment de la
scission de Révolution ! Les changements d’organisation ne
sont pas rares. On a l’impression qu’il existe un vivier de
militants disponibles pour un engagement à l’extrême
gauche et que le choix de l’organisation est dicté par les
circonstances. Ensuite on rectifie.

La « dialectique des secteurs


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d’intervention » (DSI)
71 Manifestement ce n’est pas par le regroupement et la fusion
des groupes d’extrême gauche existants que se construira le
parti révolutionnaire. La Ligue préfère se lancer dans cette
aventure à partir de ses propres forces.
72 De nouveaux militants ont été gagnés en Mai 68, en
particulier en milieu étudiant et dans les villes phares de
l’ancienne JCR. À Toulouse par exemple, Tornade Rouge
annonce l’existence de huit Cercles rouges à la faculté des
lettres, soit environ 100 militants ou sympathisants150. La
faculté des lettres est qualifiée de « base rouge
coordinatrice », envoyant des « brigades d’intervention
étudiantes » dans les villes alentour, Auch, Rodez, Albi, pour
vendre le journal, tenir des réunions publiques ou passer des
films151.
73 À Rouen, existent 14 Comités d’Action étudiants distribuant
la Lutte Continue, bulletin local des militants de Rouge,
dans 14 entreprises correspondantes152. C’est en utilisant les
acquis obtenus par l’intervention passée dans la jeunesse
scolarisée que la Ligue se propose d’opérer la percée en
milieu ouvrier. Outre le problème de l’internationale, le
problème du « travail ouvrier » est au centre des débats
préparatoires au premier congrès. Comment passer du
groupuscule étudiant au groupe politique implanté et au
parti ouvrier ? De ces débats émerge une stratégie, baptisée
« dialectique des secteurs d’intervention ». C’est une
stratégie de contournement : de la périphérie (les étudiants,
les enseignants), vers le centre (les ouvriers).
74 Au même moment, une grève dans l’entreprise du bâtiment
Caillol (main d’œuvre à majorité immigrée) à Aix-en-
Provence semble valider cette stratégie. Les étudiants
organisent une collecte à la faculté des lettres en février
1969. Puis 60 étudiants sont présents aux côtés des grévistes
devant le siège de l’entreprise à Marseille, enfin un meeting
rassemble 450 personnes à la faculté, autour des grévistes.
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Au dixième jour de grève se constitue un groupe Taupe


rouge, comprenant des « cadres ouvriers de chez Caillol et
d’autres chantiers d’Aix ». Ces militants ouvriers dirigeant la
grève constituent ce que la Ligue appelle l’avant-garde
ouvrière. Il est satisfaisant de voir qu’elle est organisée au
sein du groupe Taupe rouge, moteur de la lutte et vivier de
recrutement pour le parti153.
75 Ce sont des ouvriers du bâtiment, appartenant à des
entreprises de taille plutôt modeste, qui se montrent les plus
intéressés par cette collaboration avec les étudiants. Les
particularités de ces travailleurs, immigrés en majorité à
Aix, ne semblent pas gêner les dirigeants de la Ligue qui
élaborent leur stratégie à partir de ces réalités très
particulières.

Les modalités du « travail ouvrier »


76 Dans les départements de l’Ouest après 1968 la combativité
est forte, dans les bastions ouvriers anciens de la métallurgie
nantaise comme dans les usines récemment créées du fait de
la politique de décentralisation industrielle.
77 Les militants de la Ligue de Nantes tentent un premier
rapprochement avec « l’avant-garde ouvrière large
(AGOL) » lors de la grève de l’usine Batignolles, « usine à
tout faire de la métallurgie nantaise154 ». Un peu après le
début de la grève, fin janvier 1971, la Ligue met en place des
comités de solidarité étudiants et lycéens. Il s’agit d’utiliser
l’implantation de la Ligue dans la jeunesse scolarisée pour
soutenir les grévistes dans leur lutte ainsi que pour faire
sauter « le verrou réformiste155 ». Les réformistes,
nommément désignés dans l’éditorial du 25 janvier 1971,
sont les dirigeants cégétistes et communistes de Nantes
« qui ont injurié, affirme l’éditorialiste, les travailleurs qui
ont chahuté le bureau de la direction de l’usine des
Batignolles, les traitant de brigands, et s’étonnant que la
direction ait embauché pareils agitateurs156 ». Le même

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numéro n’hésite pas en une à assimiler « patrons et


conciliateurs » accusés de conjuguer leurs forces pour
étouffer la combativité ouvrière, qui se manifeste par des
occupations et des séquestrations. Le fond de l’air est
toujours rouge pour les militants de la Ligue. Et si le bilan de
la lutte est mitigé après 44 jours de grève, cela s’explique
selon eux par les atermoiements de la direction réformiste
du syndicat.
78 Toujours à Nantes, les métallurgistes de la SA Paris entrent
en lutte au début du mois de mars 1972. Cette entreprise,
qui fabrique des charpentes métalliques, est ce qu’il est
convenu d’appeler un fief du PC. D’après Jean-Paul
Molinari, il existait une cellule et 11 adhérents en mai 68, et
à la fin de l’année, 14 cellules et plus de 100 adhérents (sur
500 salariés), d’un âge anormalement élevé, adhésions-
régularisations d’anciens sympathisants157. Cette grève, par
sa durée — elle en est à sa sixième semaine le 8 avril 1972 —,
symbolise pour les militants de la Ligue cette combativité
ouvrière à laquelle les directions réformistes ne donnent pas
tous les débouchés possibles158. Dans ces bastions ouvriers
traditionnels, malgré une présence assidue à leurs portes, les
militants de la Ligue ne réussissent pas la jonction avec
l’hypothétique AGOL.
79 L’usine du Joint Français, créée en 1962 à Saint-Brieuc par
des investisseurs attirés par une main d’œuvre qu’ils
espéraient moins exigeante, semble a priori plus favorable.
L’usine mère se trouve à Bezons, dans le Val d’Oise, les deux
usines produisant des pièces d’étanchéité en caoutchouc.
Elles constituent une filiale de la CGE, les ouvriers de Saint-
Brieuc ont des salaires inférieurs de 13-14 % à ceux de la
région parisienne. À Saint-Brieuc au contraire de Nantes, les
ouvriers sont peu organisés159. Au début de la grève n’y
existent ni cellule du PC ni section PSU, et les syndicats sont
de création récente (mai-juin 1968), avec une majorité en
faveur de la CFDT. Quant aux gauchistes ils sont peu

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présents, deux ou trois ouvriers sont en contact avec des


maoïstes, et les contacts que la Ligue pouvait avoir dans
l’entreprise sont hypothétiques. Si la Ligue a profité de la
campagne Krivine en 1969, ici comme dans bien des petites
villes, pour s’implanter, ses forces sont strictement
étudiantes ou enseignantes. Ainsi le meeting, tenu à la fin du
mois de mai 1969 à Saint-Brieuc, commence vraiment mal,
les 5 militants, tous élèves à l’École normale, étant consignés
par la direction de l’école160. Un militant de Guingamp,
distante de 20 kilomètres, Édouard Renard, enseignant lui
aussi, joue un rôle important dans le comité de soutien, il est
un moment arrêté pour cela. La Ligue dispose sur place de
quelques militants lycéens, animant deux comités rouges,
l’un au lycée technique Vau Meno, l’autre au lycée classique
Renan. Au Joint français les jeunes, les femmes, les OS sont
majoritaires et combatifs. Les salaires sont inférieurs à ceux
de Bezons ainsi qu’à ceux des salariés briochains de Sambre
et Meuse ou Chaffoteaux et Maury. Les ouvriers demandent
leur augmentation (0,70 F de l’heure en plus), une réduction
du temps de travail, une prime de transport. Pour obtenir
satisfaction ils décident le lundi 13 mars 1972, après un vote
à bulletins secrets, la grève illimitée avec occupation. Le 17
mars les forces de l’ordre occupent l’usine, un tribunal
sollicité par le directeur ayant estimé l’occupation illégale.
L’évacuation s’est faite sans heurt, le piquet de grève étant
réduit à 15 personnes à ce moment-là. Se crée alors un
comité de soutien assez large. En plus de la LC et du PSU on
y trouve le PS, le CDJA, la FDSEA, les Amis de Politique
Hebdo, le foyer Paul Bert, les comités lycéens. Le PC, lui, est
extérieur à ce comité, ses militants appuient un deuxième
comité de soutien créé à l’initiative des syndicats.
80 La grève se radicalise à partir du 20 mars. Ce jour-là, des
ouvriers tentent de se rassembler près de l’usine, mais les
gardes mobiles présents dans l’usine les repoussent. Au
cours des échauffourées qui s’en suivent une ouvrière est

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blessée par une grenade lacrymogène. Le lendemain, une


manifestation rassemble 5 000 personnes au centre de la
ville, à l’appel des syndicats. Mais les négociations ne
reprennent que le 5 avril et devant ce qu’ils estiment être la
mauvaise volonté patronale, un groupe de grévistes retient
les représentants patronaux toute la nuit du 5 au 6 avril. La
solidarité, notamment celle des agriculteurs, contribue à
populariser la lutte sur la région, alors qu’elle est peu
soutenue au niveau du groupe CGE. Dans ce contexte, la
Ligue s’efforce de mobiliser les lycéens, son champ d’action
naturel, des comités de soutien professeurs-lycéens sont
même mis en place. À la manifestation du 18 avril, point
culminant de la mobilisation, les lycéens représentent plus
de 10 % des manifestants, 1.500 sur 12 000161. Au plan
national la Ligue tente d’organiser la solidarité financière.
81 Finalement, un protocole d’accord est signé le 6 mai 1972,
les ouvriers obtenant en partie satisfaction, avec la promesse
d’harmoniser les salaires avec Bezons d’ici le 1er juillet 1975.
La Ligue ne fait pas de commentaire mais critique en termes
vifs le refus de « l’aile capitularde ralliée aux positions des
staliniens des directions CGT et FEN » de monter vers
l’usine à l’issue de la manifestation du 18 avril162. Après la
grève, la Ligue ne parvient pas à constituer un groupe dans
l’usine, pas plus que le PSU ou les maoïstes, par contre une
cellule du PC est créée en octobre 1972, à partir de militants
cégétistes, quelques mois après la signature du Programme
commun. Un meeting Krivine rassemble 200 personnes à
Saint-Brieuc, mais aux élections législatives de mars 1973 le
candidat de la Ligue à Saint-Brieuc, Édouard Renard,
pourtant très présent tout au long du conflit, ne fait pas
mieux qu’ailleurs. Il obtient 462 voix, soit 0,64 % des
suffrages exprimés. Maigre consolation, dans une des listes
de souscription pour le quotidien Rouge, on voit R.,
travailleur au Joint français, verser 50 Francs.
82 Ainsi le processus de construction du parti se solde souvent

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par un échec. Il se heurte parfois à l’hostilité de dirigeants


syndicaux, comme ce cégétiste des traminots de Marseille
caractérisant les distributeurs de la feuille locale de la LC, La
Lutte Continue, en ces termes : « ces fils de patrons qui
attendent l’héritage, ces individus qui n’ont jamais
travaillé ». Pour Rouge, il s’agit bien sûr d’un bureaucrate163.
Par ces interventions plaquées sur les entreprises, les
militants obtiennent peu de résultats. Elles ne parviennent
pas à remplacer le travail militant au jour le jour aux côtés
des ouvriers. Au contraire ces interventions parfois
intempestives, la constante surévaluation du niveau de
conscience, de la capacité à lutter des ouvriers, indisposent
plutôt ceux-ci.

L’intervention dans la « périphérie »


83 Malgré la volonté clairement affirmée de relativiser la
jeunesse scolarisée164, l’intervention dans la « périphérie »
est prise au sérieux. Étant donné la politisation du milieu, il
est possible « d’unifier le mouvement étudiant sur notre
base165 ». La thèse, dite du « deuxième souffle » (du
mouvement étudiant), développée dans une brochure écrite
par D. Bensaïd et Camille Scalabrino, en août 1969 propose
de « reconstruire un mouvement étudiant directement sous
l’impulsion de l’avant-garde, de ressusciter des structures
d’abord conjoncturelles et de plus en plus partie prenante de
la constitution d’un mouvement de la jeunesse166 ». Ils
appellent les jeunes à rejoindre les comités rouges qui
doivent prendre en charge aussi bien la campagne de
soutien aux révolutionnaires boliviens que l’organisation de
la grève dans les facultés de lettres167. Il est impératif
immédiatement après mai de « s’arracher au temps et aux
déterminations politiques du mouvement étudiant168 ». Le
temps n’est pas venu de ressusciter l’UNEF mais de créer
des comités de lutte.
84 Dans les lycées, moins concurrencés par les « réformistes »

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(le PC et les JC ne parviendront pas à faire de l’UNCAL une


organisation de masse), la LC est fidèle à la ligne « comités
rouges ». Elle organise une première rencontre nationale à
Paris les 11-12 mars 1972169. À peu près au même moment
aussi arrive à la tête du secteur lycéen de la Ligue un
militant hors pair, Michel Field, récemment exclu du lycée
Claude-Bernard.
85 Les militants ne laissent donc pas en friche leur « secteur
naturel ». Le soin qu’ils mettent à le structurer se révélera
payant au printemps 1973, lors de la mobilisation contre la
loi Debré à laquelle la LC prendra une part déterminante.

L’intervention en milieu enseignant


86 Dans le cadre de la dialectique des secteurs d’intervention, le
milieu enseignant a les mêmes vertus que la jeunesse
scolarisée. Les enseignants faciliteront également la
diffusion des idées révolutionnaires hors des centres
universitaires, « dans les petites villes et au sein des
campagnes ». L’intervention autonome des militants
enseignants de la LC est nécessaire, mais ce milieu est
anciennement et solidement structuré par les syndicats.
87 Dans le syndicat le plus important, la FEN, a survécu le droit
de tendance, « composante essentielle de la démocratie
ouvrière170 ». À la veille de Mai 68 coexistent donc trois
tendances à la FEN, qui expriment les trois grands courants,
socialiste, communiste et révolutionnaire. Après mai,
plusieurs dirigeants de la LC considèrent l’EE, la tendance
révolutionnaire, comme un acquis inestimable. Mai 68 l’a
vivifiée, elle est implantée désormais dans près de 70
départements, influençant environ 10 % des syndiqués, et
majoritaire à la FEN dans les départements de l’Oise et des
Alpes-deHaute-Provence. Les responsables du travail
enseignant tentent de convaincre leurs camarades réticents
de s’investir à l’EE, de militer dans ses groupes
départementaux (GD) et au Collège national.

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88 Mais cette position ne l’a pas emporté sans débat. Certains


militants auraient voulu transformer l’EE en « fraction
rouge », en « fraction communiste », envisageant la sortie
de la FEN et la création d’un syndicat révolutionnaire de
l’enseignement. La mainmise, pronostiquée par eux, des
staliniens sur la FEN, devait précipiter cette évolution. Cette
position inspire un texte rédigé par les militants de la Ligue
pour le congrès du SNESUP, en avril 1970. Selon eux, la
position sur le problème de la participation (aux conseils de
gestion des universités) « trace une ligne de démarcation
décisive entre collaboration de classe et lutte de classe ». Il
faut, au cours de cette bataille, « convaincre et gagner des
forces », pour opérer une « rupture de masse ». Ces
militants implantés surtout dans le supérieur ont donc une
perspective « sortiste ». De même, au CC de la Ligue en juin
1969, D. Bensaïd met en garde, au cours de la discussion
ayant suivi le rapport introductif de Gil, contre le risque de
voir « l’EE s’enliser dans une démocrasouillardise
véhiculant une idéologie unitaire en contradiction avec les
processus objectifs171 ». Plusieurs militants manifestent leur
appréhension face aux autres forces politiques présentes à
l’EE, « conseillistes » de la Voie Communiste (avec Michel
Bernard) ou anarcho-syndicalistes (avec Gabriel Cohn-
Bendit). La cohabitation n’est pas toujours facile. Faisant le
bilan du Collège de l’EE de février 1973, Michèle Bouyer
qualifie G. Cohn-Bendit de « ponte » et respire quand, par
chance, il s’absente du Collège172. Mais dans les textes de
Congrès, les militants de la Ligue renouvellent
majoritairement leur volonté de construire la tendance, aux
côtés d’autres courants de l’extrême gauche et de rester
présents dans les syndicats173.
89 Dans le secteur de l’enseignement, la Ligue a su éviter les
séductions gauchistes, les militants enseignants se sont
globalement insérés dans le syndicalisme enseignant
traditionnel et dans l’EE. À la rentrée 1970, plusieurs

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responsables de GD sont militants ou proches


sympathisants de la Ligue, Geneviève Thoumas à Tarbes,
Janine Bascoulary à Clermont-Ferrand, André Durand en
Charente-Maritime, Jean-Claude Meyer à Strasbourg,
Michèle Bouyer dans les Hauts-de-Seine. Et quand meurt
Marcel Valière, vieux militant syndicaliste révolutionnaire,
figure historique de l’EE, Rouge le place parmi « Les
Nôtres », traitement habituellement réservé aux militants de
la Ligue et de l’Internationale174. C’est une façon de se placer
dans une tradition qu’une minorité de militants de la Ligue
avait jugée un moment obsolète. Dans le milieu enseignant
comme dans le monde du travail en général, le devoir d’un
révolutionnaire est de militer dans le syndicat. Et quand par
chance le droit de tendance a survécu, comme c’est le cas
dans la FEN, il faut faire vivre un tel héritage.

Notes
1. C’est le cas de la cellule Lettres de l’université de Paris VII (Jussieu)
composée de 12 militant(e) s en juin 1974 (APGF, carton n° 9, Paris) ou
de la cellule Renault-Ateliers, 13 militant(e) s (APJPS, carton n° 19,
« Affaire Lafitte », avril 1975).
2. APGF, carton n° 4, Sud-Est. Galine, « Sur la tactique de construction
de la ville d’Avignon », 3 février 1976, 18 p. man., 9 militants participent
à la création de la cellule.
3. APGF, carton n° 5, Sud-Ouest, Pau, Que Podem Parlar, BI de la
section du Béarn (Pau-Oloron-Mourenx) de la LCR, n° 17, octobre 1978.
Texte de Voiron, 2 octobre 1978, 2 p.
4. APJPS, carton n°III, CRS n° 21, p. 18, 31 octobre 1974.
5. Cahier Rouge, n° 10-11, p. 80.
6. Ibid. p. 162, résolution 4.
7. BDIC, BI parisien, n° 3, février 1972. 4° P 11258.
8. Cahier Rouge n° 10-11, op. cit., p. 175.
9. APJPS, carton n° 2, « Formation », Circulaire du BP, 7 septembre
1971, 4 p.
10. APJPS, carton n° 2, Circulaire du BP, 7 juin 1975, « Objet :

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vacances », 3 p.
11. APGF, carton n° 4, Montpellier, compte rendu de la DV, 14 octobre
1974, 3 p.
12. Rh n° 201, 20 avril 1973, p. 12.
13. Rh n° 1825, 29 avril 1999. Rubrique « Les Nôtres » par M.
Lequenne.
14. Le Monde 17-18 janvier 1999, A. Chemin sur A. Krivine (1 p.).
15. Rh n° 149, 18 mars 1972, p. 3.
16. Le Monde, 7 mars 1972, Maurice Duverger.
17. Rh n° 149, Ibid.
18. Rh n° 201, 20 avril 1973, p. 3.
19. D’après KINDO (Y.), op.cit., témoignage de Pierre Sojac, militant
LC/LCR de 1972 à 1978.
20. Rh n° 186, 6 janvier 1973, p. 11, parle d’une cotisation « d’au
minimum 10 % »
21. APGF, carton n° 1, Rouen I, enquête nominale réalisée par la DV à la
veille des vacances (été 1970).
22. KRIEGEL (A.), dans Les Communistes français 1920-70, Le Seuil,
1985, donne les taux de cotisation du PCF en janvier 1970. Le montant
le plus élevé, payé par les salaires supérieurs à 2 000 F est de 20 F. Pour
un salaire de 1.500-2 000 F : 15F, pour un salaire de 700-1 000 F : 5F.
23. APGF, carton n° 8, région Centre, BI début 1975 ou CRS n° 28, mi-
1975.
24. APGF, carton n° 10, dossier « Finances » LC, BI, avant avril 1970.
25. APJPS, carton n°III, CRS n° 28, mi-1975, compte rendu du CC.
26. Ibid. La résolution sur l’assainissement des finances a intégré un
amendement Sartan qui se termine ainsi : « Les sanctions statutaires
devront être appliquées à tout niveau avec la plus grande vigueur ».
27. BI, avant avril 1970, op. cit.
28. Rouge n° 184, en fait un compte rendu rapide.
29. APJPS, carton n°I, BI n° 20, juin 1971, « Résolution sur
l’organisation adoptée par le 2e congrès de la LC : “Améliorer l’appareil
central” ».
30. Rh n° 24, juin 1969.

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31. FILOCHE (G.), 68-69, Histoire sans fin, Paris, Flammarion, 1998, p.
118.
32. Rh, du numéro 122 (13 septembre 1971) au numéro 133 (20
novembre 1971).
33. Rh n° 204, 11 mai 1973, p. 20 par exemple.
34. Rh n° 46, 5 janvier 1970, dernière page.
35. Ce que veut la Ligue communiste, Paris, Maspero, 1972, p. 166.
36. Rh n° 34, 13 octobre 1969, p. 13.
37. Ce que veut…, Ibid., p. 166.
38. Cité par ROSANVALLON (P.), Le Sacre du citoyen, Paris, Gallimard,
1992.
39. Rh n° 150, 25 mars 1972, photo. p. 9.
40. Document rouge n° 12, « Piquets d’autodéfense et détachements de
combat ouvriers », novembre 1971.
41. SOMMIER (I.), La Violence politique et son deuil, Rennes, PUR, 1998,
p. 79-80.
42. FABUREL (V.), op.cit.
43. SOMMIER (I.), op.cit., p. 92, interview de D. Bensaïd
44. Rh n° 63, 11 mai 1970, p. 6-7.
45. Rh n° 21, 28 mai 1969, parle d’une « cinquantaine de permanents et
d’employés municipaux ».
46. DHAILLE-HERVIEU (M.-P.), Communistes au Havre, Communistes du
Havre, 1930-1983, 2 volumes, thèse de l’IEP Paris, 1997, évoque
l’affrontement PC-PSU, partenaires à la mairie du Havre, sur le refus de
prêter une salle municipale à la LC (volume 2, p. 386).
47. SOMMIER (I.), op.cit., p. 80 et sq., interview de R. Goupil.
48. Rh n° 108, 5 avril 1971, p. 4.
49. Document rouge n° 23-24, op.cit., t. 1, p. 23.
50. Rh n° 53, 23 février 1970, p. 10.
51. Rh n° 150, 25 mars 1972, p. 13.
52. Rh n° 154, 22 avril 1972, p. 5.
53. FILOCHE (G.), op. cit., p. 143-144.
54. Rh n°211, 27 juin 1973, « Éditorial », D. Bensaïd.

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55. HAMON (H.), ROTMAN (P.), op. cit., t. 2, p. 499. Pour le journaliste C.
Nick, qui évoque longuement cette CT, dans un chapitre intitulé « La
tentative insurrectionnelle de la LCR dans les années 1970 » (p. 71-131),
elle aurait constitué le centre de gravité de la LC, éclipsant ses autres
activités (dans Les Trotskistes, Paris, Fayard, 2002).
56. NICK (C.), op. cit., p. 100.
57. Ibid., p. 97.
58. MOBBS (P.), « De la JCR à la LCR : histoire d’un parti trotskiste à
travers son journal, Rouge (1968-1981) », mémoire de maîtrise,
université de Besançon, 2000, Annexe D, p. 3.
59. J.-M. Mension (Alexis Violet), Le Temps gage, Paris, Noésis, 2001,
p. 307.
60. Ibid., p. 284.
61. APGF, carton n° 4, Montpellier, BI, « Pour ouvrir le débat sur le
SO », 9juin 1975, 1 p.
62. HAMON (H.), ROTMAN (P.), op. cit., p. 495.
63. Article paru dans Revue QI, mars 1960, cité par MAITAN (L.), Le
Parti, l’armée et les masses dans la révolution culturelle chinoise,
Paris, Maspero, 1971.
64. BI préparatoire au IXe congrès mondial de la QI, SU, « Projets de
résolution sur la “Révolution culturelle” », mars 1969, 24 p. Ici, p. 7.
65. Ibid., p. 13.
66. Hoover Institution Archives, Papiers Joseph Hansen, carton 13,
chemise 20, Lettre de P. Frank, 24 janvier 1967, 2 p.
67. Rh n° 33, 6 octobre 1969, p. 4.
68. DRESSEN (M.), De l’amphi à l’établi. Les étudiants maoïstes à l’usine
(1967-1989), Paris, Belin, 1999.
69. FILOCHE (G.), op. cit., p. 108.
70. Rh n° 158, 20 mai 1972, p. 13, « Des trotskystes dans les prisons de
Mao ». Outre Chen Chao Lin sont cités 7 militants, arrêtés en 1952,
1953.
71. BOURSEILLER (C.), Les Maoïstes, la folle histoire des gardes rouges
français, Plon, 1996.
72. À l’occasion de son décès à Jérusalem, le 15 octobre 2003, à l’âge de
58 ans, son ancien camarade Bernard-Henri Lévy évoque sa mémoire

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(Le Monde, 17 octobre 2003, p. 29). Dans Rouge, Michel Laszlo ne


s’associe pas à cet hommage, rappelant ses « délires populistes, ses
ukases staliniens, son ultra-gauchisme échevelé » (n° 2036, 23 octobre
2003, p. 10).
73. Rh n° 18, 8 mai 1969, p. 8.
74. Rh n°57, 23 mars 1970, « Édito ».
75. Rh n° 26, 2 juillet 1969, p. 8.
76. Rh n° 120, 28 juin 1971, p. 3.
77. Rh n° 148, 11 mars 1972, « Éditorial » d’A. Krivine.
78. .APJPS, carton n° 2, « Formation », Circulaire nationale, fin 1975, 8
p.ron.
79. JARRIGE (P.), op. cit., annexes p. XXXIX.
80. Rh n° 157, 13 mai 1972, p. 14.
81. Rh n° 53, 23 février 1970, p. 11.
82. Rh n° 156, 6 mai 1972, p. 3.
83. Cahiers Léon Trotsky n° 49, janvier 1993, numéro spécial sur Barta
et l’UCI.
84. PLUET (J.), op. cit., p. 154.
85. LOURSON (F.), « Lutte Ouvrière ou la “tendance prolétarienne” »,
Cahier Rouge, 1971, 105 p., ici p. 93.
86. LAGUILLER (A.), Moi, une militante, Paris, J’ai Lu, 1974, p. 17 et 36.
87. LOURSON (F.), op. cit., p. 90.
88. Rh n° 56, 16 mars 1970, p. 9.
89. Rh n° 17, 1er mai 1969, p. 4 ou Rh n° 92, 14 décembre 1970, p. 5.
90. BDIC 4°P.11258, BI parisien, 4 novembre 1971.
91. Rh n° 77, 31 août 1970, p. 3.
92. Rh n° 30, 15 septembre 1969, p. 5, d’après Ch. Michaloux.
93. Rh n° 95, 4 janvier 1971, p. 3, publication du protocole.
94. Rh n° 101, 15 février 1971.
95. Rq. n° 05, 27 février 1976, p. 6.
96. Rh n° 159, 27 mai 1972, p. 4.
97. FREYSSAT (J.-M.), DUPRÉ (M.), OLLIVIER (F.), « Ce qu’est l’OCI »,
Cahier Rouge, nouvelle série, La Taupe rouge, 1977, 160 p.

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98. WEBER (H.), « Qu’est-ce que l’AJS », Cahier Rouge, série « Marx ou
Crève », 1971, n° 5.
99. Rh n° 87, p. 10, n° 93, p. 8, n° 114, p. 6, n° 187, p. 6-7.
100. Rh n° 93, 21 décembre 1970, p. 8.
101. Rh n° 36, 27 octobre 1969, p. 4
102. Ibid.
103. Cermtri, IO n° 452, 19-26 novembre 1969 et IO n° 455, 10-17
décembre 1969, une lettre de G. Lora terminée par ces mots « Pierre
Frank, Mandel ou autre charlatan ».
104. Rh n° 41, 1er décembre 1969, p. 4.
105. Ibid.
106. Rh n° 87, 3 novembre 1970, p. 10 et n° 89, 23 novembre 1970.
107. Rh n° 148, 11 mars 1972, p. 2.
108. Rh n° 39, 17 novembre 1969, p. 4 et n° 87, 9 novembre 1970, p. 4.
109. Rh n° 115, 24 mai 1971, p. 10, sous le titre « Francs-maçons de
toutes les loges, unissez-vous ! ».
110. Cermtri, JR n° 7, 13 juin 1969, p. 7.
111. D’après Rh n° 188, 20 janvier 1973, p. 19, cite Stéphane Just,
secrétaire de l’AJS.
112. APJPS, « Pourquoi l’OCI appelle à voter Mitterrand », supplément
à IO, n° 652, 1974, Selio.
113. Ibid.
114. KINDO (Y.), op. cit., vol.2, p. 177.
115. FISERA (V.C.), « Le PSU face à son histoire, le tournant de mai 68 »,
dans MOURIAUX (R.) et al., 1968, Exploration du mai français, t. 2,
Paris, L’Harmattan, 1992.
116. CRAIPEAU (Y.), Mémoires d’un dinosaure trotskyste, Paris,
L’Harmattan, 1999, p. 336.
117. KERGOAT (J.) et al., Un Bilan du PSU, 1972, brochure 106 p., p. 27-
28.
118. CRAIPEAU (Y.), op. cit., p. 321.
119. MONCHABLON (A.), Histoire de l’UNEF, Paris, PUF, 1983.
120. ARTOUS (A.), dir., Retours sur Mai, Paris, La Brèche, 1988.

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121. FISERA (V. C.), op. cit.


122. Rh n° 23, 11 juin 1969, p. 5.
123. Y. Salesse a quitté la LCR. Après avoir réussi le concours de l’Ena,
il est devenu haut fonctionnaire, membre du Conseil d’État, et a été
membre du cabinet du ministre communiste Jean-Claude Gayssot.
124. Rh n° 45, 17 décembre 1969, p. 9.
125. Titre d’un article consacré au PSU, Rh n° 38, 10 novembre 1969, p.
3.
126. KERGOAT (J.) et al., op. cit., p. 8.
127. Rh n° 28-29, juillet 1969, p. 7. J.-R. Chauvin, toujours actif, se
présente comme « militant trotskyste, résistant, déporté à
Mauthausen » dans L’École Émancipée, numéro spécial, mai 1999.
128. Rh n° 89, 23 novembre 1970, p. 40.
129. Rh n° 128, 16 octobre 1971, lettre d’A. Krivine au PSU, 13 octobre
1971.
130. Rh n° 132, 13 novembre 1971, p. 15.
131. Rh n° 121, 5 juillet 1971.
132. KERGOAT (J.) et al., op. cit., p. 80.
133. Rh n° 142 et n° 146.
134. Rh n° 160, 3 juin 1972. Parmi eux Christian Akermann, infirmier,
alors à Rouen, qui contribue ensuite à la création de la section de la
Ligue à Dreux, Eure-et-Loir.
135. Rh n° 163, 24 juin 1972.
136. CRAIPEAU (Y.), op. cit., p. 328.
137. Rh n° 189, 27 janvier 1973, p. 17.
138. Rq n° 27, avril 1976, A. K., « Les charmes discrets du Programme
commun ».
139. Par contre, ceux de la troisième tendance ont quitté la Ligue
individuellement, Guy Hoquenghem à Paris, Christian Ferrari à Rouen.
140. Cahiers Révolution ! n° 6, Paris, Maspero, 1973, 1er congrès de
Révolution, p. 99-100.
141. APJPS, carton n°I, « Travail international », janvier-février 1971, 4
p., texte interne de la future organisation Révolution !, publié dans un
BI spécial de la LC, février 1971.

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142. Ibid.
143. Compte rendu du stage de Marseille, début 1971, 3 p., reproduit
dans BI spécial, op. cit.
144. Rh n° 103, 1er mars 1971, p. 12.
145. Entretien avec Jean-Jacques Adam, le 22 août 2001, à Marseille.
146. APJPS, carton n° 19, Olivier, printemps 1975, 4 p. ron, texte sur
Révolution !
147. JARRIGE (P.), op. cit., documents p. XLVII.
148. APJPS, carton n° 2, dossier « formation », op. cit.
149. Rh n° 189, 27 janvier 1973, p. 17. Crise au sein de l’ORA.
150. Tornade Rouge, p. 9, supplément étudiant à Rh n° 37.
151. Rh n° 10, 22 janvier 1969.
152. Rh n° 12, 19 février 1969, p. 11.
153. Ibid.
154. RÉAULT (J.), « L’usine des Batignolles à Nantes », Norois, octobre-
décembre 1981, n° 112, p. 661-3. Cette entreprise, créée en 1917,
spécialisée dans la fabrication des locomotives, puis des armes, enfin
des turbines pour les centrales nucléaires emploie environ 1.800
personnes en 1970. Gilbert Declercq, célèbre militant syndical CFDT, y
a fait ses premières armes en 1946-1950.
155. Rh n° 101, 15 février 1971, « Éditorial ».
156. Rh n° 98, 25 janvier 1971. « Éditorial ». Des ouvriers avaient mis à
sac le bureau de la direction le 14 janvier (Sur ce point précis,
confirmation dans RÉAULT (J.), op. cit.).
157. MOLINARI (J.-P.), Les Ouvriers communistes, Thonon-les-Bains,
L’Albaron, 1991.
158. « Vous êtes des gauchistes, nous ne discuterons qu’avec vos
délégués », c’est en ces termes que les dirigeants de l’UL-CGT de Nantes
se seraient adressés aux ouvriers grévistes de SA Paris, d’après Rh n°
153, 15 avril 1972, p. 13.
159. Voir l’étude consacrée à ce conflit par CAPDEVIELLE (J.), DUPOIRIER
(E.), LORANT (G.), La Grève du Joint français, les incidences politiques
d’un conflit social, Paris, PFNSP, 1975.
160. Rh n° 21, 28 mai 1969.
161. Les lycéens et la grève du Joint français, brochure LC, mai 1972, 24

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p.
162. Ibid.
163. Rh n° 33, 6 octobre 1969.
164. Rh n° 1, 18 septembre 1968, p. 5, A. Krivine affirme que « les
étudiants ne doivent pas rester dans les facs, ils doivent faire connaître
et soutenir tout front de lutte ouvert par la classe ouvrière ».
165. Rh n° 3, 16 octobre 1968, p. 10-11, « Les tâches du mouvement
étudiant ».
166. Cahier Rouge n° 12, octobre 1969, « Le deuxième souffle », p. 54.
167. Rh n° 40, 22 novembre 1969, p. 9.
168. Cahier Rouge n° 12, op. cit., p. 36.
169. Rh n° 149, 18 mars 1972, p. 8, ne donne aucun chiffre.
170. Rh n° 57, 23 mars 1970, p. 9.
171. APJPS, BI n° 3, 21 juin 1969. Intervention de Jebracq, p. 19.
172. APJPS, carton n° 8, Secrétariat national enseignant, circulaire n°
8, 19 février 1973.
173. APJPS, carton n°II, Résolution adoptée au 3e congrès (décembre
1972, Rouen).
174. Rh n° 219, 7 septembre 1973, p. 13, « Les Nôtres : Marcel Valière ».

© Presses universitaires de Rennes, 2005

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Référence électronique du chapitre


SALLES, Jean-Paul. Chapitre II. L’action militante : selon quelles
modalités ? In : La Ligue communiste révolutionnaire (1968-1981) :
Instrument du Grand Soir ou lieu d'apprentissage ? [en ligne].
Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005 (généré le 15 novembre
2022). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/21297>. ISBN : 9782753531833.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.21297.

Référence électronique du livre


SALLES, Jean-Paul. La Ligue communiste révolutionnaire (1968-
1981) : Instrument du Grand Soir ou lieu d'apprentissage ? Nouvelle

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édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2005


(généré le 15 novembre 2022). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/21289>. ISBN : 9782753531833.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.21289.
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La Ligue communiste révolutionnaire


(1968-1981)

Instrument du Grand Soir ou lieu d'apprentissage


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Jean-Paul Salles

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