Mai 68 est l’un des mouvements sociaux français les plus importants qu’ait connu notre pays.

Comment définir ce mouvement, multiforme, inédit, et bref (1 mois).

Mouvement étudiant à l’origine, il se caractérise par l’irruption de la jeunesse dans la société française.
Mouvement social ensuite avec l’irruption du monde ouvrier et une alliance contre nature inédite avec
les universitaires. Enfin, une contagion à l’ensemble de la société et la remise en cause des dogmes
familiaux et sociétal aboutissant à une crise politique.

I/ Un mouvement latent : les raisons de Mai 68

A- Un sentiment d’inquiétude généralisé

1- l’apogée des « Trente Glorieuses »

Certes,
taux de croissance de 5 %
société de consommation : de nouveaux produits régrigérateur, machine à laver, voiture, télévision
mais une prospérité non partagée...

2 – des secteurs sacrifiés

- textile, mécanique et métallurgie ; mines du Nord de la France (1963) : fermeture d’usines
- 500 000 demandeurs d’emplois taux de chômage 2%)(2023 : 5 129 600 tx 7,4 %)
- 5 millions de personnes sous le seuil de pauvreté

3- avec une pauvreté réelle

2 millions de travailleurs sous le smig dont beaucoup d’ouvriers, de femmes et immigrés.

Salaires qui baissent
existence de bidonvilles à Nanterre (à côté de l’université foyer de mai 68)
dès 1967, grèves chez les ouvriers qui occupent des usines : revendique une hausse des salaires (les
plus bas de la CEE communauté économique européenne) diminution de la durée du travail (52 h par
semaine à l’époque)

une situation économique sans gravité cependant une croissance régulière et inéluctable du chômage,
les jeunes particulièrement touchés : un sentiment général d’inquiétude

B- Une conjoncture mondiale propice à l’embrasement

Viet nam, printemps de prague, assassinat Luther King, grève des étudiants de Tokyo en janvier,
manifs étudiantes en Pologne….

1 - Allemagne : protestation contre la guerre du VN (1964-1793) + rejet de l’histoire liée au nazisme

dans la jeunesse allemande
2 - Italie : blocage des universités de Turin, Milan et Rome pour une rupture avec la société
traditionnelle (série tv « amie prodigieuse »)
3 - Etats-Unis:retournement de l’opinion en 1967 (3 mars 1968 200 gi’s tués à Hué » couvert par la
presse américaine cbs ; mouvements pacifistes et hippies + mouvements des droits civiques et du droit
des femmes.
4 - France : meeting de la mutualité en mai 1966 ; lycéens intellectuels + appartition des comités
Vietnam lycéen (lycée Decour, Turgot, Henry IV)

C- Un carcan sociétal intenable

- « une ambivalence entre la France du 19ème siècle et la France moderne » (J.P Legoff « La France
d’hier »)
- une société de consommation mais une société mécontente
- une société du Babyboom mécontente de l’autoritarisme de la France de De Gaulle réclamant des
changements sociaux et culturels.
- Une génération des yés yés imprégnée de culture américaine ; 22 juin 1963 concert avec des milliers
de jeunes place de la Nation pour un concert organisé par Salut les copains.
- en 1968 1 français sur 4 a moins de 16 ans ce sont les 12 millions de bébés du baby boom ; mai 68
pour Raymond Aron « Nous sommes en présence d’un phénomène biologique autant que social »
- un univers culturel et social figé :
- la majorité est à 21 ans
- la pilule n’est pas en vente en pharmacie
- les femmes n’ont pas le droit de travailler en pantalon et ne peuvent ouvrir un compte en banque sans
l’autorisation de leur mariages
- l’avortement est illégal

II/ Une contagion qui aboutit à un blocage du pays

A- Un « immense défoulement » pour les étudiants bourgeois Raymond Aron – Une « Chienlit » pour le
Général de Gaulle

1) un événement anodin…puis l’embrasement

- 20 mars 68 une centaine d’étudiants manifestent contre la guerre du VN des jeunes lancent des
pavés dans la vitrine de la succursale d’american express, Daniel Cohn Bendit est arrêté.
- un groupe d’étudiants se mobilise dans un amphithéatre de la fac de Nanterre ; le 22 mars ils
occupent la tour administrative de l’université (agitation pendant tout le mois d’avril)

= un arc en ciel contestataire : ces jeunes se disent situationnistes, anarchistes, trotskistes, prochinois,
communistes dissidents, socialistes unifiés..

- 2 mai le doyen de la fac décide de fermer l’université de Nanterre et d’envoyer les agitateurs devant le
conseil de discipline
- intervention de policiers dans la Sorbonne pour évacuer les manifestants = révoltes
= huit semaines de révoltes étudiantes , barricades,

2) les aspirations multiformes de la jeunesse

- condamnation de l'impérialisme nord-américain face à l'atrocité de la guerre du Vietnam.

- dégradation des conditions matérielles des universités

- contre un pouvoir rigide en général (absence de mixité dans les écoles, système des diplômes injuste,
absence de libertés individuelles...

- rejet de la société de consommation

- Quelques groupes de jeunes comme les scouts de France décrient la rigidité du Vatican (refus de la
contraception...).

Des jeunes qui ne se reconnaissent dans aucun partis politiques légalistes comme le PCF critiqué pour
pour son manque de prise de position envers l'URSS quant à l'existence des goulags.
En résumé :
- rompre avec l’ordre des ainés
- rompre avec le gaullisme
- rompre avec le communsime

Mai 68 est donc né d’un ressentiment donnant lieu à un défoulement puis à un embrasement contre le
style autoritaire du Général de Gaulle et de la France qu’il représente d’abord dans les universités puis
une contagion vers….
B- Le mouvement ouvrier : des revendications concrétes

Le monde ouvrier et étudiant manifestent ensemble mais pour des buts différents (revendications
étudiantes voir plus haut)

Les ouvriers sont près de huit millions en 1968. Chez les hommes, ils représentent la moitié des
salariés et un quart des femmes sont des ouvrières.

1- un mouvement spontané : d’abord un mouvement syndical

- élément déclencheur du mouvement ouvrier : « nuit des barricades » du 10 au 11 mai : appel des
syndicats à la grève générale pour le 13 mai ; 1 millions de personnes défilent à Paris mais étudiants et
ouvriers ne marchent pas côte à côte

- Des arrêts de travail successifs : Usine Renault à Cléon, Billancourt

- moyens de transport, usines, administrations en grève, + pénurie de carburant pendant 1 mois
- ex : Rouen : le 22 mai les centraux téléphoniques, les chantiers de normandie, la centrale de Yainville

2- les revendications

- une hausse des salaires

- une diminution de la durée du travail (52 heures par semaine)
- autoritarisme des patrons
- contre les ordonnances de 1967 sur l’aménagement de la sécurité sociale (grève générale du 16 mai
1967 prélude à mai 68) : suppression de l’élection des administrateurs (au détriment des syndicats) et
division en plusieurs branches de la sécurité sociale

= DEUX MONDES TOTALEMENT DIFFÉRENTS SE COTOIENT

C- Une crise politique ?

1- une remise en question de la constitution par la gauche non communiste

- Mendès France demande le départ du général De Gaulle

- demande la constitution d’un gouvernement provisoire
- absence du général parti à Baden Baden (Allemagne) : consultation du général Massu pour s’assurer
du soutien de l’armée

2 – un renforcement du Gaullisme ?

- 30 mai : dissolution de l’Assemblée Nationale

- 500 000 personnes défilent sur les Champs Elysée pour soutenir De Gaulle
- 23 et 30 juin le parti gaulliste (UDR Union pour la défense de la République) remporte les éléctions :
1ere fois dans l’histoire de la république qu’un parti conquiert la majorité absolue à l’AN (354 sièges
/478)

Cl : les français semblent sanctionner le désordre lié à la crise de Mai 68

III/ L’Héritage de Mai 68 : de véritables avancées ?« en finir avec l’héritage impossible de Mai
68 » (N.Sarkozy)

A- Une avancée sociale certaine: les accords de Grenelle

* augmentation du smig de 35 % (600 francs par mois – 90 €)

* création d’une section syndicale dans les entreprises
* 4ème semaine de congès payés (2 semaines en 1936 avec le front populaire ; 3 semaines en 1956 ;
5 semaines en 1982)

B- Les débuts du féminisme ?

Mai 1968 : aucun leader féminin c’est un mouvement masculin

Le féminisme à pris son essor + tard :

- 1967 11 femmes sur 487 députés

Certes des avancées :

- arrivée des contraceptifs depuis 1967 mais difficilement prescrite
- Avortement est toujours criminalisé
- créations du MLF (Mouvement pour la Libération de La Femme) qui permettra en 1975 la loi sur
l’avortement

Donc a permis une ouverture mais l’émancipation des femmes s’est faite plus tard

C- des avis mitigés à droite comme à gauche

1- dés le début du mouvement en 1968

- à droite (gaullisme) : synonyme d’anarchie et de destruction des valeurs morales

- Raymond Aron : dénonce une société bloquée et un système politique à bout de souffle à l’origine de
l’explosion ; mai 68 c’est une majorité + forte (élections de juin) mais un sentiment de précarité car
demeure dans la société un sentiment de frustration

- à gauche : triomphe du libéralisme ; de l’individualisme (« interdire d’interdire »…) ; Le pcf critique les
« gauchistes » qui font « le jeu de la réaction »

- droite comme gauche : perte de valeurs morales, le « jeunisme », l’égoisme.

2- Critiques contre L’école héritée de 1968.

exemple Luc Ferry ministre de l’éducation nationale de 2002 à 2004 : fustige les manuels scolaires
« ridiculement formalistes et prétentieux » comme un « héritage lourd du modernisme de la pensée de
68 »
N.Sarkozy dénonce en 2007 ces « héritiers de 68 » qui ont « cherché à faire croire que l’élève valait le
maître, qu’il ne faillait pas mettre de notes pour ne pas traumatiser les mauvais élèves, et que surtout il
ne fallait pas de classement »

N.Baverez (économiste et historien) parle de « déclin » pour qui le « refus de la sélection a débouché
sur la dévalorisation des diplômes et l’explosion de l’analphabétisme »