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Par:
Hakima LOUKILI
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Saïs-Fès.
Université Sidi Mohamed Ben Abdellah.
Résumé :
Mots clés :
1
Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
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Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
1 A. Khatibi, Pèleri age d’u artiste a oureu , Ed. du Rocher ,Col. Motifs, 2006, p 293
2 Ibid, p., 267
3
Ibid, p 267
4
Ibid, p294
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Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
Or, les différents tatouages dans la culture berbère, confirme le narrateur ont
chacun une histoire et renferment une sagesse héritée des ancêtres. Il est
impossible donc de négliger le texte essentiel, que renferme ce tatouage,
essentiel, notamment, pour la réflexion sereine de sa signification. Le triangle
selon la culture berbère renferme les quatre éléments de la nature, à savoir le
feu, l’eau, l’air et la terre.
Le feu : les berbères dans leur vie se basent surtout sur l ‘agriculture, les terres
brulées. Le triangle pointé vers le haut, il symbolise la flamme qui s’élève vers
les cieux, symbolise la destruction mais aussi la fertilité
5
Jacques Derrida, Khatibi, L’Ha e-les-Roses, Editions Al Manar, 2007, p. 5
6 Op cit, p 24
Ibid, p20 .
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Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
L’eau : le triangle pointé vers le bas, symbolise l'élément de l'Eau, qui est le
principe de vie qui coule en chacun et sans lequel la vie ne serait pas possible.
Air : Pour symboliser l'Air qui est indispensable à la vie, il suffit de rajouter
une ligne horizontale en travers du triangle pointé vers le haut. Il permet au
Feu de se développer.
Terre : Pour symboliser la Terre, il suffit de rajouter une ligne horizontale en
travers du triangle pointé vers le bas, puisque la Terre se nourrit de l'eau qui
coule en elle, elle est le terreau du monde végétal et le garde-manger des
animaux et des hommes.
E n effet, Raïssi, personnage principal de khatibi affirme que les objets que
portent des femmes dans le désert suscitent l'analyse. La bédouine par exemple «
se protège contre l'usure du temps en se tatouant, et ornée de bijoux et de gris-
gris, elle s'embellit ainsi contre la stérilité, si fréquente dans les pays du désert» 8.
Le tatouage énonce donc, avec une force et une clarté remarquables la manière
dont doit s’articuler la relation entre l’identité et la culture berbère. Plus
particulièrement ‘’La géométrie’’ du tatouage fait ‘’barrage’’ à plusieurs
dérives possibles. En plus les différentes formes sont réputées sacrées sur
l’esprit qui les a engendrés, monopolisent une relation singulière avec une
croyance particulière et une ‘’séquestration’’ identitaire d’une culture
prodigieuse. Or, le voyage de Raïssi ( de Fès à la Mecque) renforce le caractère
sacré du tatouage qui est en quelque sorte un voyage vers un espace et un temps
révolus. Par ailleurs, le recourt aux différentes formes tatoués est aléatoire
ajoute le narrateur sachant que pour les maux de tête, de gorge et du ventre, les
tatouages se pratiquent sur le front, pour les douleurs rhumatismales, les dessins
sont aux articulations. Par contre, pour les plaies, la fièvre, les yeux et la
stérilité des croix sont tatoués aux poignets, au dessus du pubis, au sacrum.
8
Op cit, p 79
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Plus attrayante est la femme berbère par ces motifs qu’elle invente et perpétue et
pour reprendre le titre de l’œuvre de Khatibi on dira que c’est ‘’une mémoire
tatouée’’. Tatouage qui au même titre que les bijoux est l’apanage de la femme
berbère. Or, ‘’sur’’ ( le corps de Dawiya) ou ‘’dans’’ le corps (du texte) , ils sont
conçus avec beaucoup de délicatesse et d’amour. A titre ornemental ou pour
exprimer un sentiment quelconque, le tatouage reste un art «bien infiniment
précieux, un breuvage rafraîchissant et réchauffant, qui rétablit l'esprit dans un
équilibre naturel de l'idéal »10 .Les bijoux et les signes tatoués sur le corps des
femmes remplissent des besoins sociaux et culturels. Parfois le poids des
traditions et des rites confèrent une certaine sécurité comme le tatouage sur le
menton ‘’reliant chaque oreille, symbolisant la barbe du mari mort’’ dans
certaines tribus. Cependant d’autres formes sont usitées par les différentes
tribus. Le cercle, forme cosmique qui représente la Terre, le soleil, la pleine
Lune ; assez souvent dessiné sur la cheville ou le poignet, il exprime la
perfection, l’infini et le cycle. Or, ces différents signes servent à reconnaitre
l’appartenance à tel ou tel tribu puisque chaque signe est une identité comme le
dit Roland Barthes à propos de « mémoire tatouée » il atteste que «khatibi
interroge les signes qui lui manifesteront l'identité de son peuple […] ce que
khatibi interroge, c'est un homme intégralement «populaire», qui ne parle que
par ses signes à lui, et qui se trouve toujours trahi par les autres, qu'il soit parlé
(par les folkloristes) ou tout simplement oublié (par les intellectuels).» 11Il s’agit
pour Khatibi comme pour plusieurs écrivains et penseurs maghrébins et
étrangers, d’explorer un phénomène sociétal qui émerge sur la peau, un
phénomène qui déplace le territoire du fantastique et du merveilleux hors de son
domaine livresque pour dynamiser les efforts de pensée et de l’imagination aux
limites du concevable et du possible. L’imagination un nouvel espace permet
d’inscrire le merveilleux à même la peau. Khatibi à l’instar des différents
chercheurs, essaye de mettre en exergue le rôle qu'ont tenu ces tatouages
« hermétiques» dès les premiers siècles des tribus berbères.
9
Op cit , p 211
10
Charles Baudelaire, Salon de 1846 : « Aux Bourgeois »
11
A. Khatibi, Mémoire tatouée, Éditions Denoël, 1979, p. 214
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Malika Ouardi dans son article « diversités des statuts et des traditions » note
que « c’est aux femmes tatouées, et à leur tenue, par exemple, que le touriste
pourra reconnaître les quelques villages disséminés dans le pays berbère. », elle
ajoute que ces femmes berbères décemment vêtues, se couvraient la tête et
laissaient trainer leurs’’ jupes’’ mais ne cachaient jamais leurs visages
éblouissants par des dessins qui ont une connotation de sagesse. Donc, Les
tatouages sur le front, la joue ou le menton des ancêtres sont une transmission du
vécu .Lucienne Brousse dans son œuvre “Beauté et identité féminine » 12 répond
aux différentes interrogations à ce sujet. Elle ajoute que mariées à un âge
précoce, très tôt mère de famille nombreuse, la femme berbère mue et évolue
dans un milieu restreint où elle n’a jamais eu la liberté de jouer et de jouir de son
enfance. Lucienne Brousse note que ces femmes occupées au travail souhaitent
que leur fille soient ‘’plus chanceuses’’, qu’elles profitent de la vie et puissent
aller à l’école. Certes parmi les différents jeux connus à cette époque : la
marelle ; que ces femmes tatouent sur le visage ou le bras qu’elles appellent
“cebbak”. Ce tatouage était un rite marquant le passage à l’âge adulte, un dessin
qu’elles arborent en toute fierté. Les femmes berbères gardent encore ce même
tatouage sur le front, le cou et les joues que les regards des curieux
interrogeaient.. Par ailleurs, Les différentes figures géométriques (lignes,
obliques, verticales, cercles, triangles ou croix..) sont liées à un ensemble de
rites païens ou sorcellerie qui actuellement renferment moins de secrets. Ils ont
toutes les vertus et sont au même temps ornementaux et protecteurs. Le tatouage
d’ « el-âyacha »par exemple, dessiné sur la gorge fait vivre un pacte avec l’au-
delà, avec le monde des esprits garants de protéger. En effet, selon les
témoignages de certains praticiens ; ce tatouage se faisait en mélangeant le sang
avec certains pigments issues de substances végétales qui donnent cette
coloration sombre. Il justifie ainsi la fascination pour ce monde des ténèbres
qu’on n’arrive pas à dissiper. En plus, les mystères qui entourent la pratique d’
« el-âyacha », dont tout le monde parle, confirme son efficacité mais personne
ne semble comprendre cette énigme, Il demeure encore un secret sans réponse.
Or pour les tribus berbères, le tatouage d’ « el-âyacha », est une manière de
subsister et de s’accrocher à la vie et d’en garder l’empreinte. Au moment
même de la pratique du tatouage les Hommes ne savent pas qu’il va disparaitre
au bout de quelques temps ou qu’ils vont le garder à vie. Mais sont sures que
cette médecine va sauver une vie ou des vies (cas de femmes enceintes, enfants).
12
Lucienne Brousse, “Beauté et identité féminine : les tatouages féminins berbères des régions de Biskra et de
Touggourt” , éditions Dar Khettab. 2015
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Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
En effet, Barthes (dans ce que je dois à Khatibi), dit que Khatibi et lui-même
s’intéressent « aux mêmes choses : aux images, aux signes, aux traces, aux
lettres, aux marques » que khatibi déplace les formes, les entraîne dans « son
territoire à lui » ainsi il ébranle le savoir et enseigne quelque chose de nouveau.
En plus ajoute Barthes, Khatibi interroge les signes, en l’occurrence les
tatouages, qui lui révèlent leur identité. L’originalité de l’écrivain au « sein de
sa propre ethnie est donc éclatante » et sa voix « particulièrement singulière », il
illustre ainsi l’identité et la différence, une identité que Barthes juge tel qu’un
« métal »si pur, si incandescent « qui oblige quiconque à la lire comme une
différence ». Cependant, le tatouage bien que caché sur le sein de Dawiya révèle
une identité forte de signes, irréductible qui permet de saisir la différence avec
l’autre. Ce qui est frappant chez Khatibi c’est cet « Amour Bilingue » de ses
traditions, ce joyaux sur le corps de la protagoniste ne perd pas de sa valeur
même exprimé dans une autre « langue ».Au contraire, tout en poursuivant la
description de ce tatouage, on se rend compte qu’il est absolument nécessaire de
poursuivre la lecture avec la plus grande attention. On ressent la même euphorie
que Raïssi devant ce corps tatoué. Toujours imprévisible, son « écriture est une
aventure » pénétrant la scène sociale au Maghreb confirme Marc Gontard dans
la préface de « Mémoire tatouée » de Khatibi. En effet, l’image que reflète ce
tatouage même discret, il couvre non seulement une partie du corps mais par sa
portée purement esthétique, symbolique et culturel tout le corps. Par la richesse
et la finesse de ses contours il relate l’histoire de Titnfetr, permet à Dawiya de
prendre le contrôle de son corps gravé à jamais par le sceau de la culture et des
rites de son village. Or, on dira à la suite de Roland Barthes qu’ « une fois qu’on
a fini de parler, commence le vertige de l’image », on a beau glorifier ce rite, les
mots échappent et ne rendent pas exactement toute l’ampleur du signe et dans
l’exploration de la géométrie de ce tatouage les mots s’effondrent dans le
raccordement de la pensée à l’image.
8
Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
14
Ibid, p 147
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En effet, de tous les tatouages berbères sur le front, les tempes, le menton, les
joues et le dos des mains, le triangle a pu triompher par l’ensemble
d’enseignements qu’il renferme. Or quand Khatibi décrit le tatouage de Dawiya,
en plus du triangle il parle également de points qui sous-entendent l’hésitation et
l’émerveillement de Raïssi devant ce hiéroglyphe, ses paroles ‘’perdues’’
devant la beauté de cette découverte qui lui rappelle sa culture et ses origines. Ils
constituent selon le narrateur une suite, une référence, une complicité avec le
corps et un effet sur l’artiste stucateur.
16
Alfonso De Toro, Abdelkebir Khatibi Fondateur des stratégies »planétaires » culturelles, littéraires et
politiques, représentations de la pensée hybride khatibienne dans le maghreb , In : Abdelouahed Mabrour.
(Hrsg.). (2009). Hommage à Abdelkebir Khatibi. El Jadida : Publication de la Faculté des Lettres. S. 99-155.,
p100
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D’après Makilam,17 les triangles dont le sommet est dirigé vers le bas (la terre)
« traduisent le principe primaire de la vie dans le delta fertile du corps de la
femme » dont ils glorifient la nature créatrice dans un sens mystique.( …)
Ces représentations féminines, loin d’êtres érotiques ne « servent pas non plus à
provoquer ou à prôner la fécondité de la femme en réduisant celle-ci à son rôle
de reproductrice », mais rappelant la fonction sacrée de la maternité. En plus ,
Mahand Akli hahhadou dans « Le guide de la culture berbère »18 note que la
fécondité est symbolisée de plusieurs manières par les artistes ,sous la forme
d’une poitrine féminine portant deux points noirs au-dessus ou au-dessous des
seins ou encore par un point isolé entouré d’un cercle (il symbolise la vie portée
et donnée par les femmes).
17
Makilam [Malika Grasshoff], Signes et rituels magiques des femmes kabyles, Aix-en-Provence, Edisud, 2005
18
Mahand Aki Hahhadou, Le gude de la culture berbère, Paris , ed. Paris Mediterranee, 2002.
19
M.C Huet-Brichard., Littérature et mythe. Paris , Hachette, 2008. p.37
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constitué une grande partie de leurs croyances, de leur milieu agricole et des
besoins de leur période. Même après d’importantes investigations, la
signification des tatouages et le rôle qu’ils ont joué dans les vies de ces femmes
reste ambigüe. Cette ‘’écriture féminine’’ illustre le rôle des femmes et le savoir
énigmatique dont elles étaient les seules dépositaires dans la société
traditionnelle à l’exclusion des hommes. « C’est dans et avec son corps que
chacun de nous naît, vit, meurt ; c’est dans et par son corps qu’on s’inscrit dans
le monde et qu’on rencontre autrui » déclare Michela Marzano dans « La
philosophie du corps »20
Conclusion
Historiquement, les tatouages ont joué un rôle important dans les rituels et les
traditions, ont été assez souvent utilisés pour relater les pratiques de certaines
sociétés et ethnies. Or, penser que le tatouage d’une femme est sans objet ou
laid s’avère un jugement inéquitable. Bien que cela puisse paraître insignifiant,
le tatouage est un héritage de savoir et témoin d’une civilisation. Certes, le
tatouage facial était autrefois considéré comme un signe de beauté chez les
femmes berbères. Aujourd'hui cette pratique est interdite par la majorité de la
population musulmane. Malgré quelques tabous qui entourent le tatouage, cet art
est encore très populaire dans diverses régions du monde. Certaines femmes
regrettent les tatouages, contrairement, d’autres femmes jugent que c’est grâce au
tatouage qu’elles ont pu garder leur enfant et par la suite sauver leur mariage.
On pense souvent à tort que les tribus arabes étaient contre le tatouage parce
qu’il est considéré ‘’haram’’. Or le Coran n’en parle pas, ce sont les hadiths qui
20
Michela Marzano, La philosophie du corps, Collection : Que sais-je , Éd. Presses Universitaires de France,2009
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Actuellement, le tatouage est une pratique qui se propage de plus en plus dans le
monde, un phénomène qui a affecté différents groupes d'âge. Le tatouage est
devenu le noyau des habitudes de la société moderne que certains considèrent
comme une manifestation et symbole de l'expression individuelle de la liberté.
Ils reflètent une certaine affiliation à un groupe ou une pensée spéciale. Les gens
se font tatouer pour de nombreuses raisons, que ce soit pour honorer un être
cher, s'exprimer d'une manière différente ou représenter quelque chose de
significatif. Chaque tatouage a une raison et un but, a une signification
particulière et raconte une histoire unique.
BIBLIOGRAPHIE
Corpus :
A. Khatibi , Pèlerinage d’un artiste amoureux, Ed. du Rocher ,Col. Motifs, 2006
Ouvrages :
-A. Khatibi, Mémoire tatouée, Éditions Denoël, 1979
21
David Le Breton, Le monde à fleur de peau : sur le tatouage contemporain, in La Revue Hermès, n° 74 – la voie des sens- 2016
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Revue Interdisciplinaire Vol 3, N°1 (2018)
Revues :
-David Le Breton, Le monde à fleur de peau : sur le tatouage contemporain, in
La Revue Hermès, n° 74 – la voie des sens- 2016
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