Vous êtes sur la page 1sur 18

Critique de l'humanisme

Vulgarisé au xixe siècle, le mot


« humanisme » renvoie à une
conception du monde prenant son essor
au xive siècle en Italie, puis au xve siècle
dans les Flandres et enfin dans
l'ensemble de l'Europe occidentale,
quand émerge une nouvelle classe
sociale, la bourgeoisie, qui - exerçant
des activités commerçantes lucratives ou
politiques - s'émancipe peu à peu de
l'influence de l'Église catholique. Le
concept d'humanisme se caractérise
donc par l'esprit de laïcité qui s'inscrit en
contrepoint de la crise de confiance qui
affecte l'Église : les hommes n'éprouvent
plus fondamentalement le besoin de s'en
remettre à Dieu pour organiser leurs vies Les Désastres de la guerre, série de 82 gravures réalisées par
Goya de 1810 à 1815, constituent un contrepoint à l'idéal
et ils s'estiment capables d'énoncer leurs
rousseauiste de « l'homme naturellement bon », fondement de
propres valeurs puis, au travers du droit
l'humanisme moderne.
et de l'intervention étatique, d'instituer
les dispositifs visant à les faire respecter
et appliquer.

On peut distinguer trois grandes phases dans la critique de l'humanisme :

Période classique. Entre le xve siècle, moment d'éclosion de l'humanisme de la


Renaissance, et le xviiie siècle, dit « Siècle des Lumières », le mouvement humaniste ne
cesse de prendre de l'ampleur : les critiques restent éparses et, dans l'ensemble,
contribuent davantage à le réorienter qu'à le contester.

Période moderne. À partir du xixe siècle, quand le terme « humanisme » commence à être
usité, la critique se développe, visant à démontrer le caractère idéologique du concept.
Elle émane principalement de Marx (qui l'identifie à une propagande voilée de la
bourgeoisie, lui permettant de légitimer sa domination sur le reste de la population) puis
de Nietzsche, qui, à travers le thème du surhomme, pointe les risques et les enjeux de
l'inflation du moi dans la civilisation occidentale. La critique prend un tournant décisif au
début du xxe siècle avec Freud, qui relativise l'importance du moi dans le psychisme, face
à l'inconscient ; puis, à partir des années 1960, avec les penseurs post-structuralistes
français ; enfin, à partir des années 1980, avec les Américains s'inscrivant dans le courant
des gender studies (études de genre), elles-mêmes nourries par le féminisme.

Période contemporaine. Au début du xxie siècle, de moins en moins d'intellectuels se


référant au concept d'humanisme : celui-ci n'est plus tant critiqué de façon théorique que
par l'émergence de facto d'une nouvelle idéologie, le transhumanisme, résultant de
l'impact croissant des nouvelles technologies sur la condition humaine.
Mais alors qu'en 1936, le philosophe Jacques Maritain a forgé le terme « antihumanisme » pour qualifier
1
Marx, Nietzsche et Freud , différents intellectuels (notamment le Français Jacques Ellul) estimeront par la
suite qu'une critique de l'humanisme ne signifie pas nécessairement un rejet du concept mais simplement sa
réactualisation, au fil de l'évolution de la condition humaine, notamment au contact des technologies.
Raison pour laquelle il est jugé ici préférable d'intituler cet article « Critique de l'humanisme » plutôt
qu'« Antihumanisme », comme le font par exemple les anglophones (lire) ou les hispanisants (lire).

Historique
Rappelons les trois grandes phases :

Période classique (xve siècle - xviiie siècle) : avant même que le mot n'apparaisse, ce
concept fait l’objet de critiques qui restent très rares. Certaines voix s'élèvent pour
contester la prétention des hommes à s'émanciper de la relation à Dieu. Au fil du
e
xviii siècle, la critique revient simplement à surestimer les capacités de la raison.

Période moderne (xixe siècle - xxe siècle) : la critique se développe et s'avive dès lors que
le mot « humanisme » a cours, au xixe siècle, à la suite des conflits meurtriers nés de la
montée des nationalismes, puis au xxe siècle), face aux crimes contre l'humanité perpétrés
par les régimes totalitaires, qui font douter les humains de leurs capacités à vivre en paix
grâce à des valeurs qu'ils édictent eux-mêmes. Il apparaît clairement que la « foi en
l'homme » est tout autant critiquable que la foi en Dieu.

Période contemporaine (xxie siècle) : à l'aube du troisième millénaire émerge le


transhumanisme qui, pour certains, constitue une critique radicale de l'humanisme, pour
d'autres son prolongement. Au cœur de cette nouvelle idéologie se trouve l'affirmation
que, grâce aux « progrès » incessants de la technique, et pour repousser les limites de la
maladie et de la mort, les humains peuvent désormais transformer considérablement leur
condition physique et mentale. L'idéal à atteindre n'est donc plus un « homme meilleur »
(spirituellement ou moralement) mais un « homme augmenté » (matériellement), pourvu
d'un grand nombre de prothèses électroniques : le cyborg.

Période classique

Ce qu'on appelle « humanisme » étant compris dans un premier temps comme un mouvement
d'émancipation des cadres religieux traditionnels, on l'associe alors au vaste mouvement de laïcisation et de
sécularisation qui gagne peu à peu toute la société occidentale. Il se traduit d'abord (du xve siècle au
e
xvii siècle) par l'affirmation de valeurs instaurées sans aucune référence à Dieu ni à la moindre instance
transcendante. Puis, quand la société s'est globalement laïcisée (à la fin du xviiie siècle), l'humanisme
s'exprime par différentes formes de rationalisme.

La critique de l'humanisme porte donc successivement sur les prétentions de l'homme à se couper du divin
puis à s'ériger lui-même en substitut du divin. Elle ne s'exprime toutefois que faiblement et de façon
sporadique. On citera ici quatre exemples.

e
xv siècle

Le premier (et finalement le seul) à oser critiquer explicitement et publiquement l'humanisme de la


2
Renaissance au moment même où il se développe est un moine dominicain : Jérôme Savonarole . Pendant
quatre ans, de 1494 à 1498, il initie et parvient à instituer une dictature théocratique à Florence, qu'il décrit
comme une « République chrétienne et religieuse ». En 1497, il élève un « Bûcher des Vanités » où il fait
disparaître des livres qu'il juge licencieux (notamment les écrits de Boccace et de
Pétrarque) et des quantités d'objets d’art. Ce faisant, il ne rejette pas seulement un
mouvement intellectuel mais tout ce qui le sous-tend et qu'il assimile à du laxisme
spirituel. Se repliant sur l’étude de la Bible et des Pères de l’Église et prêchant
l'ascèse et l'aumône, il dénonce avec vigueur la corruption morale du clergé
(notamment le commerce des indulgences) et également la toute puissance des
Médicis. Son intransigeance le mène à l'extrémisme (il proclame Jésus-Christ « roi
du peuple florentin ») et finalement au bûcher.

Après lui, le mouvement humaniste poursuit sa lancée et on ne connaît aucun


autre cas de contestation jusqu'au xixe siècle. Jérôme Savonarole

e
xvi siècle

Bien que régulièrement considéré comme un penseur humaniste, et à la différence d'un Rabelais ou d'un
Érasme qui se montrent confiants dans les capacités de la raison, Montaigne exprime ses doutes au fil de ses
Essais, publiés dans les années 1580 : « la reconnaissance de l'ignorance est un des plus beaux et plus sûrs
3
témoignages de jugement que je trouve . » L'idée de perfectibilité lui est étrangère : il rejette toute idée de
progrès, d'ascension lente et graduelle de l'humanité vers un avenir meilleur et il voit en l'homme non plus
le centre de tout mais un être insaisissable. Il se plaît autant à l'abaisser qu'à l'encenser, en recourant pour
cela à l'observation de sa propre personne afin d'en démêler les contradictions.

Il s'attache à démontrer comment la misère (miseria hominis) peut cohabiter ou


alterner avec la grandeur (dignitas hominis) : « (n')est-ce pas un misérable animal
4
que l'homme ? » . Cet homme n'est qu'une créature parmi toutes celles qu'abritent
l'univers, lequel n'est plus hiérarchisé ni ordonné selon l'ancienne conception
aristotélicienne. Quant à la raison, sur laquelle bien des hommes fondent leur
supériorité sur les animaux, Montaigne estime qu'elle est et sera toujours
insuffisante car il n'y a pas de connaissance certaine. Il la qualifie d'ailleurs de
« fantaisie », de « rêverie », de « pot à deux ances, qui se peut saisir à gauche et à
dextre », elle n'est qu'un jugement subjectif : « j'appelle raison cette apparence de
discours que chacun forge en soi ; cette raison, de la condition de laquelle il y en Montaigne
peut avoir cent contraires autour d'un même sujet, c'est un instrument de plomb et
de cire, allongeable, ployable, et accommodable à tous biais et à toutes
5
mesures » .

Montaigne ne se prive pas de mépriser ce « tintamarre de tant de cervelles philosophiques » qui font sans
cesse l'éloge de l'homme. Selon lui, accéder à la connaissance n'est pas impossible, mais on doit se
contenter d'un savoir relatif, en changement constant. Il insiste sur l'aspect précaire et trompeur de cette
connaissance, qui ne saurait atteindre l'origine et l'essence des choses : l'esprit humain est impuissant à
découvrir le vrai. Cela dit, cette « critique de l'humanisme » avant la lettre ne constitue pas une réfutation
mais un renouvellement car si les Essais ne font pas l'apologie de l'« homme exceptionnel », ils assurent la
6, 7
promotion de l'« homme ordinaire », à la fois universel et unique . Avec Montaigne, l'humanisme prend
donc une orientation explicitement moraliste.

e
xvii siècle

« Si au xvie siècle et au début du xviie siècle les premiers humanistes s'accordent avec la religion, au
e
xvii siècle l'humanisme libertin se construit contre le catholicisme et contre l'idée fondamentale dans
8
l'augustinisme que tout est dû à Dieu » . Dès l'éclosion de la Réforme, au xvie siècle, jusqu'au siècle des
Lumières, l'histoire de l'humanisme est donc liée à celle de la Réforme. À l'inverse le mouvement de la
Contre-Réforme, né en 1542 lors du Concile de Trente, peut être considéré comme un mouvement
d'opposition au courant humaniste ; plus particulièrement la théologie des augustiniens de Port-Royal. « Il y
a ainsi au xviie siècle d'une part les tenants de la culture humaniste, libertins et jésuites, qui feront le lien
avec les Lumières du siècle suivant, et de l'autre les adversaires de cette culture, les augustiniens de Port-
Royal, qui réussissent à occulter toutes les tendances humanistes selon des perspectives théocentriques qui
9
marquent le catholicisme jusqu'au xxe siècle » .

e
xviii siècle

Quand, sur toute l'Europe, se développe ce que l'on appellera plus tard
10
l'« humanisme des Lumières » , peu de voix, une fois de plus, s'élèvent pour
remettre en cause le mouvement. Le philosophe allemand Johann Georg Hamann
en fait partie. En 1757, âgé de 26 ans, il séjourne à Londres où il découvre les
effets de l'industrialisation massive dans une grande métropole. Marqué par cette
expérience, il se réfugie dans l'étude de la Bible. Revenu chez lui deux ans plus
tard, il s'oppose aux idées de Kant (avec qui il entretient cependant des relations
amicales), inaugurant ce qu'on appellera plus tard le mouvement des Contre-
Lumières. Convaincu que les fondements du psychisme sont étrangers à la raison, Johann G. Hamann
il rejette le principe de l'universalisme, promu par les Lumières, qu'il juge trop
abstrait. Il valorise en revanche l'intériorité et l'expérience vécue et, ce faisant,
influence Herder, selon qui on ne saurait penser l'histoire en termes de progrès, puis Goethe, contribuant
ainsi à l'émergence du mouvement Sturm und Drang dans les années 1770.

Hamann conteste le primat de la raison sur l'irrationnel, annonçant ainsi les premières théories sur
l'inconscient, mais nullement le rôle moteur de l'homme, ce en quoi sa critique ne constitue qu'une remise
en cause très partielle du concept d'humanisme Celui-ci s'en trouve même revitalisé comme le montre en
1797 le poème L'Apprenti sorcier de Goethe, qui décrit un homme littéralement dépassé par ses créations
techniques, incapable de les contrôler, mais sauvé par le retour de son maître, lequel met fin au sortilège.

Au cours du siècle, pas plus que lors des deux précédents, on ne peut identifier
la moindre prise de position à l'encontre de ce qui fait la caractéristique
première de l'humanisme : la propension des individus à vouloir diriger eux-
mêmes leurs destinées. Pas même au sein de l’Église catholique. Au point que
le message de celle-ci tend à s'éloigner de toute référence mystique pour
s'apparenter à une simple morale : à partir de 1880, plusieurs penseurs français
11
parlent de morale judéo-chrétienne .
Le Cauchemar, tableau
En revanche, l'artiste Heinrich Füssli (Le Cauchemar, 1781) dresse une vision d'Heinrich Füssli, 1781.
inquiétante et peu flatteuse de la psychologie humaine tandis que son confrère
William Blake (Nègre pendu par les côtes à un échafaud, 1792) apporte un
démenti flagrant à l'idéal des Droits de l'Homme célébré par l'humanisme de l'époque. Plus encore,
l'apologie de la torture et de la perversité par les écrits du Marquis de Sade (Les Cent Vingt Journées de
12
Sodome, 1785) révèle la « part d'ombre des Lumières » .

Période moderne

Alors que se répand le mot « humanisme », les conflits meurtriers qui se multiplient en Europe et à travers
le monde au xixe siècle et xxe siècle contribuent à dévaluer le concept. Petit à petit s'élabore alors une
remise en cause de la notion de libre arbitre et l'idée qu'il existe des mécanismes qui déterminent les
humains à leur insu. En analysant le phénomène de l'idéologie, au xixe siècle, Karl Marx est le premier à
théoriser le processus de l'aliénation collective. Et en étudiant ce qui peut motiver les humains à se
comporter de façon irréfléchie, mais cette fois de façon individuelle, Sigmund Freud élabore au début du
e
xx siècle les concepts d'inconscient et de névrose.

Dans les deux cas, l'idée que la liberté n'est qu'une illusion alimente la critique de l'humanisme.

e
xix siècle

Au début du siècle, bien que les guerres napoléoniennes effritent à l'étranger


l'image de la France « pays des droits de l'homme », Hegel voit en Napoléon
13
la figure de l'État moderne . En 1808, un de ses proches, F. I. Niethammer,
promeut le terme « humanisme » en réaction au concept de philanthropie, qu'il
considère comme un succédané de la charité chrétienne. L'expression
« l'Homme » désigne non plus tel ou tel humain dans sa singularité mais « la
globalité des humains ». Alors que l'universalisme n'était qu'une théorie au
Siècle des Lumières, il devient un sentiment collectivement vécu, le sentiment
d'individualité.

Cette double consécration de l'« Homme » et de l'État va générer puis irriguer


tout un courant critique. Certains manifestent leur inquiétude, notamment
l'artiste espagnol Goya à travers sa célèbre gravure Le sommeil de la raison Le sommeil de la raison
engendre des monstres, en 1799. Lors des années 1810, il est l'un des premiers engendre des monstres,
à décrire et dénoncer les atrocités commises sur les populations civiles, gravure de Goya, 1799.
consécutives de la montée des nationalismes. À travers notamment sa série de
gravures Les Désastres de la guerre et son tableau, Tres de mayo.

Le socialisme naissant

Au fur et à mesure que se développent l'industrialisation et l'idéologie capitaliste émerge une conception
matérialiste de l'histoire qui, elle-même, va donner naissance au socialisme, un vaste courant intellectuel et
militant qui, jusqu'au début du xxie siècle, se présentera comme une alternative au capitalisme. Au début des
années 1840, le philosophe allemand Ludwig Feuerbach avance l'idée que le christianisme constitue non
plus seulement une religion mais une idéologie permettant à la bourgeoisie de justifier sa domination sociale
sur la classe ouvrière. Et peu à peu va émerger la thèse que, par delà le clivage christianisme-athéisme,
l'humanisme constitue par excellence l'idéologie de la bourgeoisie.

Le socialisme va donc se présenter comme une remise en cause de cet humanisme puis comme le
fondement d'un nouvel humanisme, centré non plus sur l'« essence » de l'homme mais sa condition
14
sociale .

L'influence de Feuerbach

En 1841, Ludwig Feuerbach, un ancien disciple de Hegel, en devient le principal critique. Dans L'Essence
du christianisme, il affirme que croire en Dieu est un facteur d'aliénation : dans la religion, l'homme perd
15
beaucoup de sa créativité et de sa liberté . De par sa prise de distance avec le phénomène religieux,
Feuerbach est un humaniste mais sa prise de position conduira Karl Marx et Friedrich Engels, peu après, à
critiquer radicalement la part idéaliste de l'humanisme.

Karl Marx
Quand Marx utilise le terme « humanisme », c'est pour le déprécier. Il y voit une idéologie se développant
non seulement dans les milieux conservateurs mais aussi dans les cercles réformateurs et progressistes, donc
dans l'ensemble de la bourgeoisie. Exemple, cet extrait d'une lettre qu'il adresse en 1843 à Arnold Ruge
(qui, comme lui, est un penseur de la gauche hégélienne) :

« La philosophie s’est sécularisée et la preuve la plus frappante en est que la conscience


philosophique elle-même est impliquée maintenant dans les déchirements de la lutte non
pas seulement de l’extérieur, mais aussi en son intérieur. Si construire l’avenir et dresser des
plans définitifs pour l’éternité n’est pas notre affaire, ce que nous avons à réaliser dans le
présent n’en est que plus évident ; je veux dire la critique radicale de tout l’ordre existant,
radicale en ce sens qu’elle n’a pas peur de ses propres résultats, pas plus que des conflits
avec les puissances établies. C’est pourquoi je ne suis pas d’avis que nous arborions un
emblème dogmatique. Au contraire, nous devons nous efforcer d’aider les dogmatiques à
voir clair dans leurs propres thèses. C’est ainsi en particulier que le communisme est une
abstraction dogmatique, et je n’entends pas par là je ne sais quel communisme imaginaire
ou simplement possible, mais le communisme réellement existant, tel que Cabet, Dézamy,
Weitling, etc. l’enseignent. Ce communisme-là n’est lui-même qu’une manifestation
originale du principe de l’humanisme. Il s’ensuit que suppression de la propriété privée et
communisme ne sont nullement synonymes et que, si le communisme a vu s’opposer à lui
d’autres doctrines socialistes, comme celles de Fourier, Proudhon, etc., ce n’est pas par
hasard, mais nécessairement, parce que lui-même n’est qu’une actualisation particulière et
16
partielle du principe socialiste . »

En 1845, Marx publie ses Thèses sur Feuerbach et (en collaboration avec
Engels) L'Idéologie allemande, dont la première partie est axée sur la critique
des Jeunes hégéliens par Feuerbach. Ces textes constituent un tournant
essentiel non seulement dans son œuvre mais dans toute l'histoire de la
philosophie. Pour la première fois, en effet, et de façon explicite, Marx
conteste l'intérêt de se focaliser sur la nature ou l'essence de l'homme, principe
fondateur de l'humanisme, et pointe en revanche la nécessité de s'interroger sur
sa condition, consécutivement au processus d'industrialisation qui se
développe alors en Europe.

Une controverse s'ouvrira dans la deuxième moitié du xxe siècle visant à


déterminer s'il faut classer Marx comme antihumaniste ou si, au contraire, il
17, 18
perpétue la tradition humaniste .
Karl Marx (en 1861)
Louis Althusser défend le premier point de vue : « on peut et on
doit parler ouvertement d'un anti-humanisme théorique de Marx
et (y) voir la condition de possibilité absolue - négative - de la connaissance - positive - du
monde humain lui-même et de sa transformation pratique. On ne peut connaître quelque
chose des hommes qu'à la condition absolue de réduire en cendres le mythe
19
philosophique, théorique, de l'homme » .
Jacques Ellul estime que si Marx est un anti-humaniste, c'est uniquement parce qu'il taxe
l'humanisme d' idéalisme. Mais ce faisant, il appelle de ses vœux un humanisme
matérialiste : « il rejette la philosophie humaniste du xixe siècle bourgeois. (...) Mais cela
ne signifie en aucun cas qu'il n'est pas un humaniste. Si « humanisme » signifie donner à
l'homme une place privilégiée, dire qu'il est créateur d'histoire et qu'il peut seul se choisir
20
pour devenir quelque chose de nouveau, alors Marx est parfaitement humaniste » . Par
la suite, d'autres intellectuels estimeront que le marxisme constitue à la fois un
21
« antihumanisme théorique » et un « humanisme pratique » car s'il déconstruit la
conception idéaliste bourgeoise, axée sur l'essence de l'homme, c'est pour lui substituer
une autre conception, proprement existentialiste et axée - elle - sur la condition humaine.
Selon cette seconde acception, la critique de l'humanisme ne signifie donc nullement la négation du concept
mais son renouvellement, en fonction de l'évolution monde.

Pierre-Joseph Proudhon

En 1846, dans Philosophie de la misère (https://fr.wikisource.org/wiki/Système_des_contradictions_écono


miques_ou_Philosophie_de_la_misère), le Français Proudhon assimile l'humanisme à « une religion aussi
22
détestable que les théismes d'antique origine » : « je regrette de le dire, car je sens qu'une telle déclaration
me sépare de la partie la plus intelligente du socialisme. Il m'est impossible (...) de souscrire à cette
déification de notre espèce, qui n'est au fond, chez les nouveaux athées, qu'un dernier écho des terreurs
religieuses ; qui, sous le nom d'humanisme réhabilitant et consacrant le mysticisme, ramène dans la science
23
le préjugé » .

Friedrich Nietzsche

En 1882, dans Le Gai Savoir, Nietzsche affirme que « Dieu est mort » et que c'est
l'homme qui l'a « tué » :

« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué !
Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? (...) La
grandeur de cet acte n'est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-
nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne
fût-ce que pour paraître dignes d'eux ? »
— Le Gai Savoir, Livre troisième, 125.
Friedrich Nietzsche
Six ans plus tard, il estime qu'une majorité de ses contemporains font du progrès
un mythe et qu'à travers celui-ci, ils croient en l'homme comme on croyait en
Dieu :

« L’humanité ne représente nullement une évolution vers le mieux, vers quelque chose de
plus fort, de plus élevé au sens où on le croit aujourd’hui. Le progrès n’est qu’une idée
moderne, c’est-à-dire une idée fausse. L’Européen d’aujourd’hui reste, en valeur, bien au-
dessous de l’Européen de la Renaissance ; le fait de poursuivre son évolution n’a
absolument pas comme conséquence nécessaire l’élévation, l’accroissement, le
renforcement. »
— L'Antéchrist. Trad. Jean-Jacques Pauvert, 1967, p. 79

e
xx siècle

La critique de l'humanisme se développe au début du siècle quand Freud affirme que la raison ne peut plus
être considérée comme le moteur des activités humaines et que les humains sont fondamentalement mus par
des pulsions siégeant dans leur inconscient.

La querelle humanisme/antihumanisme émerge aux lendemains de la Seconde guerre avec la Lettre sur
l'Humanisme de Martin Heidegger, qui réagit aux positions de Jean-Paul Sartre, selon qui le concept
d'humanisme reste pertinent.

La situation évolue à partir des années 1960 en France avec les penseurs de la French Theory (et plus
généralement la philosophie dite « postmoderne ») puis durant la décennie suivante aux États-Unis, avec le
24
mouvement de la contre-culture , à partir duquel le féminisme prendra son essor puis l'androcentrisme et
la théorie du genre.

À la fin du siècle, alors que le terme « humanisme » tend à devenir un lieu commun (lire) et qu'émerge
l'idéologie transhumaniste, le concept d'humanisme est de moins en moins critiqué dans les milieux
philosophiques.

Sigmund Freud

En 1900 parait L'Interprétation du rêve, un ouvrage rédigé par un médecin


autrichien, Sigmund Freud. À peine remarqué sur le coup, ce livre va marquer la
fondation d'une nouvelle discipline, la psychanalyse. À l'opposé d'un Descartes,
qui postulait qu'il n'y a pas de connaissance possible sans une solide conscience
de soi, puis d'un Kant, qui surenchérissait en faisant primer le sujet sur l'objet,
Freud affirme que le moi ne peut en aucune manière être considéré comme une
instance totalement libre : il est au contraire pris en étau, « complexé », entre le
« ça » (constitué de toutes sortes de pulsions, essentiellement d'ordre sexuel) et le
« surmoi » (ensemble de règles morales édictées par la société). Freud précise
que, dès lors que les humains se préoccupent avant tout de répondre aux attentes Sigmund Freud
sociales, ils refoulent leurs pulsions dans l'inconscient, rendant celles-ci toujours
plus pressantes. Continuellement en proie au conflit, ils en deviennent
chroniquement malades, névrosés.

Après les ravages de la Première Guerre mondiale, Freud estime que les hommes peuvent être mus par une
pulsion de mort (Au-delà du principe de plaisir) et, en 1930, il estime qu'une névrose peut être
diagnostiquée non plus seulement au niveau d'un individu ou d'un groupe mais à l'échelle d'une civilisation
tout entière (Malaise dans la civilisation). Alors que l'humanisme de la Renaissance puis celui des Lumières
avaient auréolé « l'Homme », Freud en donne une image considérablement dépréciée. Le psychologue
américain Frank Sulloway estime qu'il « se caractérise par une foi inébranlable dans l'idée que tous les
phénomènes de la vie, y compris ceux de la vie psychique, sont déterminés selon des règles inéluctables par
le principe de la cause et de l'effet. (...) Que les réponses du patient soient vérité ou fantasme, elles sont
25
toujours déterminées psychiquement » .

Les thèses de Freud ne feront autorité que jusqu'au succès de l'approche comportementale, née aux États-
26
Unis (Watson, puis Skinner), qui redonnera au moi le rôle moteur du psychisme .

Martin Heidegger

La querelle humanisme/antihumanisme prend véritablement naissance avec la


Lettre sur l'humanisme que Martin Heidegger adresse en 1946 à Jean Beaufret
(qui lui demandait de commenter la position de Jean-Paul Sartre à l'égard de
l'humanisme) et qui ne sera traduite en français qu'en 1957.

Dans ce texte assez bref mais de lecture difficile, Heidegger affirme que les
termes en « isme » ne sont apparus que tardivement, lorsque la pensée - selon lui -
a commencé à décliner en s'égarant dans la métaphysique. Parce que l'humanisme
s'inscrit dans une certaine conception de l'homme, du monde et de la nature, il
Martin Heidegger
relève de la métaphysique. Or, la métaphysique n'interroge pas vraiment le seul
sujet qu'Heidegger trouve pertinent : l'essence de l'homme. Le philosophe
transforme donc la question de Beaufret « comment redonner un sens au mot
humanisme » en « au cœur de quoi la question de l'humanisme se situe ? ». S'il y a dépérissement du
concept d'humanisme, estime-t-il, la cause doit en être essentiellement attribuée à la domination des
sciences, biologie et anthropologie, issues de la métaphysique, qui ne permettent pas d'apprécier à sa
hauteur la dignité propre de l'homme. Heidegger se demande en conséquence s'il est judicieux de conserver
le terme « humanisme » ou s'il ne serait pas préférable d'utiliser un autre terme pour désigner le projet d'une
pensée de l'humanité de l'homme qui soit à la hauteur de sa dignité véritable. Cela implique de ne plus
penser l'homme à partir de son animalité, mais à partir d'une provenance plus digne.

Le post-structuralisme

Durant les années 1960 se répand en France le courant post-structuraliste, connu aux États-Unis sous le
nom French theory. La rupture avec les présupposés humanistes est radicale, comme le souligne
27
l'universitaire Mary Klages, qui établit cette typologie :

Le modèle humaniste présuppose que :


il y a un monde réel que nous pouvons comprendre grâce à notre esprit rationnel ;
la langue est plus ou moins capable de décrire et analyser objectivement ce monde
réel ;
elle est un produit du libre arbitre : nous déterminons ce que nous signifions dès lors
que nous le disons ;
la langue exprime donc l’essence d'un moi individuel, dont elle est au service ;
les mots signifient ce que nous voulons qu’ils signifient (logocentrisme), c'est nous
(notre moi) qui fixons leur sens ;
le moi est le centre et l'origine de toutes les significations et de la vérité ;
la vérité est ce que nous percevons comme telle.

À l'inverse, le modèle structuraliste soutient que :


la structure du langage produit la « réalité » : nous ne pouvons
penser de façon réfléchie qu'à travers lui ;
nos perceptions sont donc toutes fondées et déterminées par sa
structure ;
la source du sens n’est pas l’expérience mais les signes et la
grammaire qui gouvernent le langage ;
c'est la structure du langage et elle seule qui produit du sens (je Jacques Lacan,
ne peux dire « je » que parce que j’habite un système de figure centrale du
langage dans lequel la position du sujet est marquée par post-
l’emploi du premier pronom personnel, mon identité n'est que le structuralisme.
produit du système linguistique où je prends place).

À l'instar du mouvement psychanalytique, le néo-structuralisme remet donc radicalement en cause les


prétentions du moi et du libre-arbitre, qui constituent le socle de l'humanisme : il démystifie l'idée même
28
d'un « sujet parlant souverain » . Mais là où Freud pointait un simple décentrement du moi (par
l'inconscient), les penseurs de la French theory poussent le déterminisme jusqu'à suggérer son effacement
29
(par les structures), sa « destitution » pure et simple .

Lacan, Althusser, Foucault, Derrida, Deleuze, Lévi-Strauss... sont ainsi généralement considérés comme les
30
promoteurs de l'« antihumanisme théorique » .

Louis Althusser
En 1965, Louis Althusser considère le marxisme comme un « anti-humanisme ». Selon lui, Marx s'est
opposé à l'humanisme à partir de 1845, lorsqu'il a rompu avec toute théorie relative à l'« essence de
l'homme ». Et lui-même estime que toutes les théories de ce type forment une idéologie, un moyen plus ou
moins conscient pour les individus qui les propagent d'entretenir une forme de domination sur d'autres
31
individus .

Michel Foucault

En 1966, Michel Foucault, tourne ostensiblement le terme « humanisme » en dérision :

« On croit que l'humanisme est une notion très ancienne qui remonte à Montaigne et bien
au-delà. (...) on s'imagine volontiers que l'humanisme a toujours été la grande constante de
la culture occidentale. Ainsi, ce qui distinguerait cette culture des autres, des cultures
orientales ou islamiques par exemple, ce serait l'humanisme. On s'émeut quand on
reconnaît des traces de cet humanisme ailleurs, chez un auteur chinois ou arabe, et on a
l'impression alors de communiquer avec l'universalité du genre humain. Or non seulement
l'humanisme n'existe pas dans les autres cultures, mais il est probablement dans la nôtre de
l'ordre du mirage.

Dans l'enseignement secondaire, on apprend que le xvie siècle a été l'âge de l'humanisme,
que le classicisme a développé les grands thèmes de la nature humaine, que le xviiie siècle a
créé les sciences positives et que nous en sommes arrivés enfin à connaître l'homme de
façon positive, scientifique et rationnelle avec la biologie, la psychologie et la sociologie.
Nous imaginons à la fois que l'humanisme a été la grande force qui animait notre
développement historique et qu'il est finalement la récompense de ce développement, bref,
qu'il en est le principe et la fin. Ce qui nous émerveille dans notre culture actuelle, c'est
qu'elle puisse avoir le souci de l'humain. Et si l'on parle de la barbarie contemporaine, c'est
dans la mesure où les machines, ou certaines institutions nous apparaissent comme non
humaines.

Tout cela est de l'ordre de l'illusion. Premièrement, le mouvement humaniste date de la fin
du xixe siècle. Deuxièmement, quand on regarde d'un peu plus près les cultures des xvie,
e e
xvii et xviii siècles, on s'aperçoit que l'homme n'y tient littéralement aucune place. La
culture est alors occupée par Dieu, par le monde, par la ressemblance des choses, par les
lois de l'espace, certainement aussi par le corps, par les passions, par l'imagination. Mais
32
l'homme lui-même en est tout à fait absent . »

Guy Debord

En 1966, Guy Debord estime que, complètement immergés dans la société de consommation et l'univers
des mass media, les humains sont façonnés par eux, littéralement « aliénés » : « Le barbare n’est plus au
bout de la Terre, il est là, constitué en barbare précisément par sa participation obligée à la même
consommation hiérarchisée. L’humanisme qui couvre cela est le contraire de l’homme, la négation de son
activité et de son désir ; c’est l’humanisme de la marchandise, la bienveillance de la marchandise pour
l’homme qu’elle parasite. Pour ceux qui réduisent les hommes aux objets, les objets paraissent avoir toutes
33
les qualités humaines, et les manifestations humaines réelles se changent en inconscience animale » .

Jacques Ellul

En 1967, Jacques Ellul se livre lui aussi à une critique radicale :


« Comment nier que l'humanisme a toujours été la grande pensée bourgeoise ? Voyez
comme il s'est répandu partout. (...) Maintenant, il est un rassurant thème de devoirs d'école
primaire et tout le monde en veut : il s'agit de prouver que le marxisme est un humanisme,
que Teilhard est humaniste, que le christianisme est un humanisme, etc. Mais il est toujours
le même. Il a toujours été ce mélange de pseudo-connaissance de l'homme au travers
desdites humanités, de sentimentalité pleurnicharde sur la grandeur de l'homme, son passé,
son avenir, ses pompes et ses œuvres, et sa projection dans l'absolu de l'Homme, titularisé.
L'humanisme n'est rien de plus qu'une théorie sur l'homme.

Depuis longtemps, on a dénoncé le fait que, grâce à cette


théorie, grâce à cette exaltation, on pouvait éviter de considérer
la réalité, le concret, la situation vécue de l'homme. (...)
L'humanisme est la plus grande parade contre la réalité. Il s'est
présenté comme doctrine pour éviter que, du premier coup,
chacun ne voie qu'il était simple discours et idéologie ». (...)
Doctrine, certes, mais toujours exposée dans les larmoiements.
(...) Le tremolo est la marque du sérieux. Il fallait à tout prix
empêcher d'apercevoir le hiatus entre « l'Homme de
Jacques Ellul
l'humanisme » et « les hommes menant leur vie concrète ».
C'est la sentimentalité qui comble le hiatus. (...) L'unité de
l'objet et du sujet se reconstitue dans la sentimentalité. On ne
peut plus à ce moment accuser l'humanisme de manquer de sérieux ou de concret. Cette
comédie du sérieux à l'état pur fut encore une invention géniale du bourgeois. elle révèle
par son existence même ce qu'elle prétendait cacher, à savoir l'éclatement de l'homme,
dénoncé par Marx, et non seulement voilé mais provoqué par l'humanisme lui-même. Il
suffit de poser la question de la coïncidence historique : « Quand donc l'humanisme fut-il
clamé et proclamé ? ». Exactement au moment où, dans ses racines, l'homme commençait à
34
être mis en question par l'homme . »

Pour expliquer comment et pourquoi « l'humanisme est la plus grande parade contre la réalité », Ellul
précise cinq ans plus tard :

« Se justifier soi-même est la plus grande entreprise de l'homme, avec l'esprit de puissance,
ou plutôt après la manifestation de cet esprit. Car l'homme ayant agi ou vécu selon cet
esprit ne peut pas se contenter d'avoir réalisé sa puissance, il faut encore qu'il se proclame
35
juste . »

Le « progrès technique »

Après la découverte de l'ADN, en 1953, les recherches en biologie cellulaire et en pharmacochimie


évoluent considérablement, passant de la culture de cellules à l'ingénierie cellulaire et de tissus vivants. La
fécondation artificielle et la manipulation embryonnaire entrent dans les mœurs, faisant passer la critique du
concept d'humanisme par des intellectuels au second plan. Le biologiste Jean Rostand montre notamment
comment l'artificialisation du processus de la procréation bouleverse toute la réflexion morale et remet
36
fondamentalement en question le concept d'humanisme .

Les choses se compliquent encore quand les recherches en biologie se croisent avec celles en intelligence
artificielle et celles en sciences cognitives et en nanotechnologies, formant les NBIC. Comme l'explique
37
l'essayiste Jean-Claude Guillebaud, cette convergence remet en cause le principe d'humanité lui-même :
« Une inflexion décisive de l'aventure humaine est en cours. Elle n'a rien de commun avec les mutations
historiques du passé. Elle s'apparente pour l'instant à un tourbillon énigmatique qui bouscule notre
perception du réel et, de proche en proche, transforme ou "augmente" ce dernier. Comment désigner la
chose ?... La simple description devient malaisée, et toute anticipation risible. La panne qui affecte le
38
langage est plus sérieuse qu'on ne l'imagine. (...) Les mots, en somme, ne parlent plus » .

Les problèmes éthiques posés par l'innovation technologique provoquent l'émergence d'une nouvelle
39
discipline, la bioéthique, et d'un nouveau principe, le principe de précaution , souvent présentés, à partir
40
des années 1980, comme les formes renouvelées de l'idéal humaniste . Mais en 1988, Jacques Ellul estime
que ces concepts traduisent une totale impuissance face à la montée en force des technologies : « le système
technicien, exalté par la puissance informatique, a échappé définitivement à la volonté directionnelle de
41
l’homme » . Et il en va ainsi, estime-t-il, du fait que les humains associent plus ou moins consciemment le
processus technicien à un progrès : « ce n'est pas la technique qui nous asservit mais le sacré transféré à la
technique, qui nous empêche d'avoir une fonction critique et de la faire servir au développement
42
humain » .

De fait, de plus en plus rares sont ceux qui s'interrogent quant à la possibilité de conjuguer humanisme et
43, 44, 45 46
technoscience : fondées en 2007, les rencontres « Sciences et humanisme » cessent en 2017 et
47
les inquiétudes se font discrètes tandis qu'à l'inverse certains estiment que la croyance dans le « progrès
technique » trouve sa source dans l'idéologie humaniste. Les ouvrages se multiplient qui associent la
48
technique à un bienfait universel, notamment vis-à-vis de la jeunesse , et les concepts d' humanisme
49, 50, 51, 52
technologique et d'humanisme numérique donnent lieu a un grand nombre de publications .

Les études de genre

À partir des années 1980, un certain nombre d'universitaires américains se


nourrissent à la fois du post-structuralisme (qu'ils qualifient de « French
Theory »), du constructivisme social et de la montée en puissance du féminisme
pour développer toute une réflexion sur le genre. Ainsi par exemple l'historienne
Joan W. Scott, en 1988 voit dans l'humanisme l'expression d'une approche de
53
l'histoire quasi exclusivement masculiniste .

Durant la décennie suivante, Judith Butler développe la notion de performativité Judith Butler
dans les analyses de genre : les actes et les discours des individus non seulement
décrivent ce qu'est le genre mais ont la capacité de produire ce qu'ils décrivent.
Butler définit le genre comme « une série d’actes répétés […] qui se figent avec le temps de telle sorte qu’ils
54
finissent par produire l’apparence de la substance, un genre naturel de l’être » . Contestant le caractère
essentialiste des prises de positions se réclamant de l'humanisme, elle estime que « le genre construit le
sexe » et s'il existe bien des différences biologiques entre hommes et femmes, elles ne sont pas en elles-
mêmes significatives et déterminantes : c'est la construction sociale qui assigne un sens aux différences
sexuelles.

Période contemporaine (xxie siècle)

John Gray

En 2003, dans son livre Straw Dogs: Thoughts on Humans and Other Animals, le philosophe et essayiste
britannique John N. Gray se montre particulièrement critique de la pensée humaniste, qu'il considère
comme la mère des idéologies religieuses. Selon lui, la libre volonté et la moralité, sont illusoires et
l'humanité n'est jamais qu'une espèce animale qui a érigé la conquête des autres formes de vie en principe,
détruisant par là son environnement naturel. Il développe une vision très pessimiste
de l'humanité, considérant celle-ci comme incapable de préserver l'environnement
de la destruction qu'elle provoque et il voit dans le xxie siècle un siècle de guerres,
centrées sur la rivalité dans l'obtention des ressources naturelles.

Le transhumanisme

À la fin du xxe siècle, et sur fond de « révolution numérique », émerge aux États- John N. Gray
Unis (principalement aux alentours de la Silicon Valley) un courant de pensée porté
essentiellement par des techniciens et baptisé transhumanisme. Selon ses
protagonistes, le progrès technique autorise et contraint à la fois à dépasser
l’humanisme et les notions même de « nature » et de « nature humaine » du
fait des possibilités qu’offrent les moyens techniques de transformer en
profondeur l’environnement et le corps lui-même (anthropotechnie), au point
que le bonheur est désormais un « impératif » (David Pearce, L'impératif
hédoniste, 1995).

Alors que l'idéologie humaniste était axée sur l'idée d'une évolution de
l'homme d'un point de vue qualitatif, le transhumanisme la pose en termes
quantitatifs (concept d'homme augmenté) : plus qu'une simple « critique » de
55
l'humanisme, le transhumanisme le dévalue de façon radicale .

Types de critiques L'exosquelette symbolise


le désir éprouvé par un
On le voit dans le déroulement chronologique des prises de positions certain nombre d'humains
critiques à l'égard de l'humanisme, celles-ci sont essentiellement fondées sur d'augmenter leurs
la contestation de la pertinence de l'idée de libre-arbitre, défendue par tous les capacités physiques grâce
penseurs se réclamant ou s'étant réclamés de l'humanisme. Et, à l'inverse, à des moyens techniques.
elles se nourrissent d'un même postulat : les hommes, fondamentalement, ne
seraient pas libres (ou pas autant qu'ils le croient et le proclament) car leur
existence est sur-déterminée par toutes sortes de facteurs : psychologiques, sociaux, liés à la structure du
langage, etc.

Il existe toutefois un second type de critique, compatible avec le précédent, qui s'articule autour de l'idée
que l'humanisme constitue avant tout une idéologie et qu'aucune vision éthique n’apparaît a priori
susceptible de contrebalancer les effets :

L’humanisme, expression de la volonté de puissance

La découverte des camps de concentration, l’usage de la bombe atomique au Japon, les révélations
concernant le goulag, les actes de torture et crimes de guerre ainsi que la médiatisation de différents
génocides face à l’impuissance des institutions internationales de même la catastrophe environnementale
conduisent un certain nombre d’intellectuels à assimiler le discours humaniste à une mascarade, visant à
dissimuler les instincts prédateurs derrière tout un paravent de valeurs désormais caduques. C’est ainsi le
cas en Allemagne avec Günther Anders (L'obsolescence de l'homme), en France avec Jacques Ellul (Les
nouveaux possédés) ou, plus récemment en Grande-Bretagne, avec John N. Gray. Sous couvert d'une
argumentation d'ordre éthique, l'humanisme est une idéologie ethnocentrée dissimulant une volonté de
puissance et de domination, voire des instincts prédateurs.

L’humanisme, triomphe du narcissisme

Aux États-Unis, Christopher Lasch estime qu'au contact du capitalisme et de la société de consommation, la
célébration de l'individu par les humanistes de la Renaissance s'est effacée au profit de la « culture du
narcissisme ». En France, Jean Baudrillard et Gilles Lipovetsky avancent l'idée que l'humanité s'est
engagée dans la consommation tous azimuts et, ce faisant, dans « L'Ère du Vide ».

Commentaires
Par delà son hétérogénéité, la critique de l'humanisme suscite essentiellement deux types de commentaires,
l'un plutôt négatif, l'autre à consonance positive, tous deux non contradictoires.

Le conformisme

Certains considèrent que, derrière son aspect subversif, la critique de l'humanisme révèle un véritable
56
conformisme. Globalement, Ellul approuve l'analyse de Debord mais très partiellement seulement celle
de Foucault :

« (Son) radical rejet de presque tout ce qui constitue l'humanisme est bon. Mais (il) a tort de
ne pas voir que, ce faisant, il poursuit exactement ce que l'humanisme avait commencé.
L'humanisme, système de liquidation de l'homme dans sa période primaire de son
asservissement, de sa mise en question, œuvres l'un et l'autre du bourgeois, n'est plus
aujourd'hui pour continuer la persévérante néantisation de l'homme. Les moyens
(techniques) dépassent infiniment l'idéologie (de l'humanisme). Il fallait mettre en accord la
57
pensée avec la situation . »
58
Ellul reproche ainsi à Foucault d'exprimer une « fausse contradiction » : compte tenu de la prégnance de
l'idéologie technicienne, il est non seulement inutile de critiquer l'humanisme sans critiquer l'idéologie
technicienne mais critiquer le premier sans critiquer la seconde revient à alimenter soi-même la seconde.

Influencés eux aussi par les analyses de Feuerbach, Nietzsche et de Sartre et leur postérité, en premier lieu
l’athéisme, certains intellectuels optent pour des postures ostensiblement résignée, cynique et nihiliste, tels
59
Peter Sloterdijk (Critique de la raison cynique, 1983), Michel Houellebecq (Extension du domaine de la
lutte, 1994) ou Michel Onfray (Manifeste pour une esthétique cynique, 2003 ; Manifeste hédoniste, 2011).

Pour « une nouvelle idée de l’homme »

Constatant eux aussi les grands désordres planétaires (écologiques, démographiques, économiques,
sociaux, culturels) et le sentiment globalement partagé que l'« humanisme » ne constitue pas un cadre de
pensée satisfaisant pour y faire face, d'autres intellectuels, eux, ne s'y résignent pas et pointent la nécessité
60
de « repenser », voire « inventer » l'homme et, en contournant délibérément le concept d'humanisme, de
37
questionner le « principe d'humanité » .
Considérant que les droits de l’homme ne sont qu’une réponse technique (juridique) à des problèmes
techniques (dont l’exclusion, la paupérisation et les guerres ne sont que les effets les plus voyants) et que
cet enchaînement est sans fin, certains d'entre eux estiment qu’il importe de définir collectivement « une
nouvelle idée de l’homme ». En France, Marcel Gauchet (Le désenchantement du monde, 1985) et
Emmanuel Levinas (Humanisme de l'autre homme, 1987) s’inscrivent dans cette lignée, sans apporter plus
de précisions concrètes.

Jacques Ellul considère quant à lui que les humains ne peuvent mettre un terme à ces désordres qu'en
61 62
mobilisant au moins quatre vertus : la contemplation , l'émerveillement , l'« éthique de la non
63
puissance » et enfin - à l'opposé de la doxa humaniste qui désigne l'homme comme étant la « mesure de
toute chose » - la référence à un « transcendant » : « c'est l'existence de ce transcendant qui permet à
64
l'homme un jugement sur le monde où il se trouve » .

Annexes

Articles connexes
Androcentrisme Critique Hybris Posthumanisme
Anthropocentrisme (philosophie) Modernité Post-
Constructivisme Déconstruction Nihilisme structuralisme
social Études de genre Phénoménologie Progrès
Contre- (gender studies) Sécularisation
Philosophie
Lumières Féminisme postmoderne Transhumanisme
Criticisme Humanisme

Liens externes
La tradition humaniste et ses critiques (http://cafeuropa.e-monsite.com/blog/grande-themat
ique/la-tradition-humaniste-et-ses-critiques.html), Café Europa, 31 octobre 2017
Que reste-t-il de l’humanisme européen ? (http://www.europemaxima.com/que-reste-t-il-de
-l’humanisme-europeen-par-pierre-le-vigan/) Pierre Le Vigan, EMax, 27 octobre 2013
Une charge contre l'humanisme (https://www.franceculture.fr/emissions/les-idees-claires/u
ne-charge-contre-lhumanisme), Brice Couturier, France Culture, 16 juillet 2013
Humanisme pratique et antihumanisme théorique (http://edouard-delruelle.be/humanisme-
pratique-antihumanisme-theorique/), Édouard Delruelle, Espace de Libertés, avril 2012
L'antihumanisme (http://www.educ-revues.fr/EM/AffichageDocument.aspx?iddoc=34628),
Roberto Nigro, Éducation & management, n°27, p. 34, septembre 2004

Bibliographie
Jean-Hugues Barthélémy, La Société de l'invention. Pour une architectonique
philosophique de l'âge écologique, Éditions Matériologiques, 2018, 432 p.
(ISBN 978-2-37361-184-7) [1] (https://materiologiques.com/essais-2427-4933/273-la-societe-de
-linvention-pour-une-architectonique-philosophique-de-lage-ecologique.html)
Frédéric Neyrat, Homo labyrinthus : Humanisme, antihumanisme, posthumanisme, Paris,
Dehors, 2015, 176 p. (ISBN 978-2-36751-008-8)
Frédéric Lordon, "Anti-humanisme théorique, humanisme et religion" , in Alain Caillé (dir.),
De l'anti-utilitarisme. Anniversaire, bilan et controverses, Revue du MAUSS semestrielle,
n°27, 2006.
Jean-Claude Guillebaud, Le principe d'humanité, Seuil, 2001, 384 p. (ISBN 978-2-02-047434-4)
Pierre Magnard, Questions à l'humanisme, PUF, coll. « Intervention philosophique »,
2000, 235 p. (ISBN 978-2-13-051144-1) ; réédition : Cerf, 2012
Alain Touraine, Critique de la modernité, Fayard, 1992, 462 p. (ISBN 978-2-213-03005-0)
Henri Gaston Gouhier, L'anti-humanisme au xviie siècle, Vrin, 1987, 192 p.
(ISBN 978-2-7116-0937-6)
Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, La Table ronde (réed.), 1967, 354 p.
(ISBN 978-2-7103-0881-2)

À l'étranger

(ang) Collectif, Early modern humanism and postmodern antihumanism in dialogue,


Madison, Wisconsin, USA, Jan Miernowski, 2016, 220 p. (ISBN 978-3-319-32275-9)
(de) Michael Wimmer, Antihumanismus, Transhumanismus, Posthumanismus : Bildung
nach ihrem Ende, Francfort-sur-le-Main, Lang, 2014 (ISBN 978-3-653-05104-9)

Notes et références
1. Jacques Maritain, Humanisme intégral : problèmes temporels et spirituels d'une nouvelle
chrétienté, Paris, Fernand Aubier, 1936, 334 p.
(SUDOC 016794257 (https://www.sudoc.fr/016794257))
2. Michel Feuillet, Botticelli et Savonarole. L’humanisme à l’épreuve du feu, Le Cerf, 2010.
Recension sur le site Italies (https://journals.openedition.org/italies/4114).
3. Michel de Montaigne, « De ménager sa volonté », Essais, livre III, chap. X
4. Michel de Montaigne, De la modération », Essais, livre I, chap. XXX.
5. Michel de Montaigne, « Apologie de Raymond Sebond », Essais, livre II, chap. XII.
6. Pierre Magnard, L'homme universel (https://www.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-mo
rale-2009-1-page-19.htm), Revue de métaphysique et de morale, n°161, 2009
7. Pierre Magnard, Montaigne ou l’invention de l’homme (https://www.cairn.info/revue-cites-201
0-4-page-123.htm), Cités, n° 44, 2010
8. Bernard Chédozeau, « Humanisme et religion : Synthèses des conférences données à
l’Académie des Sciences et Lettres de Montpellier » (http://www.ac-sciences-lettres-montpell
ier.fr/academie_edition/fichiers_conf/CHEDOZEAU2-2010.pdf) [PDF], sur ac-sciences-lettres-
montpellier.fr, 29 mars - 14 juin 2010
9. Ibid.
10. Stéphane Pujol, « L'humanisme et les Lumières », Dix-Huitième Siècle, PUF, no 30 « La
Recherche aujourd'hui »,‎1998, p. 271-279
(DOI 10.3406/dhs.1998.2238 (https://dx.doi.org/10.3406/dhs.1998.2238), lire en ligne (https://
www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_1998_num_30_1_2238))
11. Joël Sebban, « La genèse de la « morale judéo-chrétienne » : Étude sur l’origine d’une
expression dans le monde intellectuel français », Revue de l'histoire des religions, Armand
Colin, no 1 « Judaïsme / christianisme : syncrétismes, antinomies, dissonances »,‎2012,
p. 85-118 (lire en ligne (https://journals.openedition.org/rhr/7835))
12. « Sade. La part d’ombre des Lumières » (https://www.philomag.com/les-idees/dossiers/sade-
la-part-dombre-des-lumieres-10694), sur philomag.com, 27 novembre 2014
13. Nicolas Broussard, « Napoléon, héros hégélien », Revue du Souvenir Napoléonien, no 400,‎
mars-avril 1995
14. Paul Mattick, Humanisme et socialisme (http://www.mondialisme.org/spip.php?article1253),
hiver 1963-1964
15. Ludwig Feuerbach (trad. Jean-Pierre Osier), L'Essence du christianisme, Gallimard,
coll. « Tel », 1992, 532 p. (ISBN 978-2-07-072723-0)
16. Lettre de Karl Marx à Arnold Ruge, 1843 (http://www.gauchemip.org/spip.php?article3004),
Midi insoumis, populaire et citoyen, 10 février 2018
17. Joachim Israel, « L'humanisme dans les théories de Marx », L'Homme et la société, no 11
« Freudo-marxisme et sociologie de l'aliénation »,‎1969, p. 109-126
(DOI 10.3406/homso.1969.1180 (https://dx.doi.org/10.3406/homso.1969.1180), lire en ligne
(http://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1969_num_11_1_1180))
18. Franck Fischbach, « Le marxisme est-il un humanisme ? », L'Humanité « Marx, le coup de
jeune (Hors-série) »,‎février 2018, p. 16-17
19. Louis Althusser, "Marxisme et humanisme", octobre 1963; in Pour Marx, Maspero, 1965;
réed. La Découverte, 2005, p. 227-249. On trouve cette citation p. 236.
20. Jacques Ellul, La pensée marxiste : Cours professé à l'Institut d'études politiques de
Bordeaux de 1947 à 1979, La Table Ronde, coll. « Contretemps », 2003, 253 p.
(ISBN 978-2-7103-2574-1), p. 63
21. Étienne Balibar, Écrits pour Althusser, La Découverte, coll. « Armillaire », 1991, 133 p.
(ISBN 978-2-7071-2021-2)
22. Pierre-Joseph Proudhon, Système des contradictions économiques ou Philosophie de la
misère, volume 1; quatrième édition : 1872 p. 366
23. Propos repris dans la Revue des deux mondes, tome 24, 1848, p. 317-318
24. François Cusset, French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze et Cie et les mutations de la vie
intellectuelle aux États-Unis, La Découverte, 2003.
25. Frank Sulloway, Freud biologiste de l'Esprit, Fayard, p. 87
26. Laurent Nunez et Alexis Lacroix, Que reste-t-il de Sigmund Freud ? (https://www.marianne.n
et/culture/que-reste-t-il-de-sigmund-freud-0) Marianne, 26 septembre 2015
27. Mary Klages, Structuralisme et post-structuralisme (http://psythere.free.fr/article.php?id_articl
e=43), Psythère, 6 janvier 2006
28. Johannes Angermüller, « Qu’est-ce que le poststructuralisme français ? : À propos de la
notion de discours d’un pays à l’autre », Langage et société, Éditions de la Maison des
sciences de l'homme, no 120 « L'analyse du discours dans les sciences sociales en
Allemagne »,‎2007, p. 17-34 (ISBN 978-2735111015,
DOI 10.3917/ls.120.0017 (https://dx.doi.org/10.3917/ls.120.0017), lire en ligne (https://www.c
airn.info/revue-langage-et-societe-2007-2-page-17.htm))
29. Étienne Balibar, « Le structuralisme : une destitution du sujet ? », Revue de métaphysique et
de morale, PUF, no 45 « Repenser les structures »,‎2005, p. 5-22 (ISBN 978-2130550402,
DOI 10.3917/rmm.051.0005 (https://dx.doi.org/10.3917/rmm.051.0005), lire en ligne (https://w
ww.cairn.info/revue-de-metaphysique-et-de-morale-2005-1-page-5.htm))
30. Antoine Compagnon, « L’« antihumanisme théorique » : le couple Lacan et Althusser » (htt
p://www.college-de-france.fr/site/antoine-compagnon/course-2011-03-22-16h30.htm), sur
college-de-france.fr, 22 mars 2011
31. Louis Althusser, "Marxisme et Humanisme", in Pour Marx, 1965. Réed. La Découverte, 2005,
p. 227-249
32. Michel Foucault, « L'homme est-il mort ? » (http://1libertaire.free.fr/MFoucault187.html),
entretien avec Claude Bonnefoy, Arts et Loisirs, n° 38, 15-21 juin 1966, pp.8-9.
33. Guy Debord, "Le déclin et la chute de l’économie spectaculaire-marchande" (http://www.hom
me-moderne.org/societe/philo/debord/declin/index.html), Revue Internationale Situationniste,
n°10, mars 1966
34. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, 1967. Réed. La Table ronde, 1998, pp. 309-310
35. Jacques Ellul, Éthique de la liberté, tome 1, Labor et Fides, 1973, p. 277
36. Jean Rostand, Biologie et humanisme, Gallimard, 1964
37. Jean-Claude Guillebaud, Le principe d'humanité, Seuil, 2001
38. Jean-Claude Guillebaud, La vie vivante, Seuil, 2011, p.12
39. Marie-Hélène Parizeau, « Bioéthique », in Dictionnaire d'éthique et de philosophie morale
(dir. Monique Canto-Sperber), PUF, 1996 (Quadrige, 2004), p. 184-190
40. Jean-Frédéric Poisson, Bioéthique, éthique et humanisme : Les lois françaises de 1994, Les
Études Hospitalières, 2004
41. Jacques Ellul, Le Bluff technologique, 1988. Réed. Hachette, coll. "Pluriel", 2004, p.203
42. Jacques Ellul, Les nouveaux possédés, 1973. Réed. Mille et une nuits, 2003, p.316
43. Bruno Jarrosson, Humanisme et technique, PUF, Collection "Que sais-je ?", 1995
44. Collectif, Éthique, technique et démocratie, Academia, 2007
45. Axel Kahn, Humanisme et progrès (https://www.franceculture.fr/sciences/axel-kahn-humanis
me-et-progres), France Culture, 7, février 2013
46. Rencontres "Sciences et humanisme", Ajaccio, 2007-2016 (http://www.le-lazaret-ollandini.fr/
sh/?page_id=188)
47. Richard Veneau, Coordonner : Manifeste humaniste face au déluge numérique, Nouveau
Monde, 2018
48. Pascale Hedelin et Felix Rousseau, On n'arrête pas le progrès, Editions Saltimbanque, 2018
49. Xavier Guchet, Pour un humanisme technologique, PUF, 2010
50. Milad Doueihi, Pour un humanisme numérique, 2011
51. Guy Vallencien, Homo Artificialis. Plaidoyer pour un humanisme numérique, Michalon, 2017
52. Ghislaine Azémard (dir.), Humanisme numérique : valeurs et modèles pour demain ?, trois
tomes, Les éditions de l'Immatériel , 2017
53. Joan W. Scott, Gender and the Politics of History, New York, Columbia University Press,
1988
54. Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l'identité, Paris, La
découverte, 2006, p. 109.
55. La rédaction de ParisTech Review, « De l’homme augmenté au transhumanisme » (https://w
ww.contrepoints.org/2014/01/12/152972-de-lhomme-augmente-au-transhumanisme), sur
contrepoints.org, 12 janvier 2014
56. Jacques Ellul, Autopsie de la révolution, op. cit., p. 345-346
57. Jacques Ellul, Métamorphose du bourgeois, op. cit. p. 316
58. ibid. p. 305
59. La critique de l’humanisme de Peter Sloterdijk (http://assohum.org/2010/01/1665/),
Association humaniste du Québec, 22 février 2010
60. Albert Jacquard, Inventer l'homme, Complexe, 1984
61. Jacques Ellul, Autopsie de la révolution, 1969); 2ème édition La Table Ronde, coll. « La
petite vermillon », 2008, p. 334
62. Jacques Ellul, Le bluff technologique, 1988; 2ème édition 2004, Hachette, p. 731
63. Jacques Ellul, Théologie et technique. Pour une éthique de la non-puissance, Genève,
Labor et Fides, 2014, pp. 312-328
64. Jacques Ellul, Ellul par lui-même, La table ronde, collection La petite vermillon, 2008, p. 149

Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/w/index.php?


title=Critique_de_l%27humanisme&oldid=203645439 ».

Vous aimerez peut-être aussi