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Qui Perd Gagne ! (PDFDrive)
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— Non, ça ne va pas.
Claus secoua la tête en contemplant la robe.
Assise sur le lit, dans sa chambre d'hôtel, Sydney le
regarda prendre, de ses énormes mains, une autre robe
dans la penderie. La tenant devant lui, il l'examina d'un
œil critique.
— Celle-ci non plus...
Un peu plus tôt, avant de disparaître, Jack avait dit
à Claus :
— Arrangez-la, faites quelque chose avant ce soir.
Les joues brûlantes, elle avait voulu le supplier
d'oublier sa requête, lui affirmer qu'elle n'irait nulle
part avec lui. Mais il avait déjà refermé derrière lui la
porte de sa chambre.
— Vous savez quoi? fit Claus. J'ai une idée.
— Je n'ai pas d'autres vêtements ! s'exclama-t-elle
d'un ton rageur. Et mes robes sont très bien !
— Oui, mais trop amples pour vous. Pourquoi
portez-vous des vêtements aussi grands?
— Parce que je suis grosse.
Elle se leva, lui arracha les robes des mains, et les
suspendit de nouveau dans la penderie.
— Vous?
— Oui, moi. Oh ! c'est ridicule. Oubliez toute cette
histoire.
— C'est impossible, mademoiselle Sydney. Vous
accompagnez M. Ames, ce soir.
Il la regarda gentiment.
— Vous êtes embarrassée, c'est tout. Attendez de
savoir ce que j'ai en tête.
Du bout des doigts, il tapota son crâne chauve.
— Je me demande..., commença-t-il d'un air pensif.
Il s'interrompit pour l'examiner avec attention. Ne
sachant plus où se mettre, elle s'efforça d'aiguiller la
conversation sur un autre sujet.
— Il y a longtemps que vous êtes avec Jack?
demanda-t-elle.
Tout à ses pensées, il hocha la tête.
— Oui, très longtemps.
— C'est vrai ?
La prenant par le menton, il l'obligea à tourner la
tête sur le côté.
— Depuis qu'il m'a gagné à Monte Carlo. Elle lui
fit face, horrifiée.
— Depuis qu'il a... quoi? Il vous a gagné? Je n'ai
jamais rien entendu de pareil. C'est affreux.
— Non, pas du tout. J'aime bien M. Ames. L'autre
type n'était pas si gentil. Il allait toujours au restaurant.
Vous avez des lentilles de contact?
— Vous êtes obligé de travailler pour lui ? Vous
pouvez partir si vous voulez, dites ?
— Bien sûr. Mais pourquoi voudrais-je le quitter?
Je serai chef pâtissier dans le centre de loisirs de M.
Ames. Sydney le regarda sans comprendre.
— Chef pâtissier ?
— Il vous faut des lentilles de contact. Vous les
avez ?
— Oui. Quelque part. Mais je ne les porte jamais.
Je ne... Oh ! non ! cria-t-elle comme il lui enlevait ses
lunettes. Je n'y vois rien, Claus.
— Vous allez mettre les lentilles.
— Elles me démangent.
— On n'a rien sans peine, déclara-t-il, philosophe.
— Mais c'est vraiment insupportable.
— Mademoiselle Sydney... Elle prit son sac.
— Je commence à comprendre pourquoi Jack
tourne autour de vous, conclut-il avec une lueur de
malice dans le regard.
Carlton Van Hausen se tenait debout devant la baie
vitrée de son bureau, les mains crispées derrière le dos.
La fureur durcissait encore son visage aux traits figés.
Confortablement installée dans un luxueux fauteuil de
cuir, sa maîtresse Rachel Bennet l'observait de ses
grands yeux couleur d'ambre. « Seigneur ! pensa
Carlton, cette femme a une allure de tigresse... »
Comme il aurait aimé prolonger la soirée avec elle, et
elle seule ! Au lieu de ça, il devait attraper un voleur.
— Ça ne signifie peut-être rien, observa Frank
Bovo, son directeur commercial, mais personne ne
pensait qu'il s'y remettrait. Pourtant, il ne cache pas
qu'il dispose d'une grande quantité d'argent liquide.
Van Hausen se tourna vers la baie, et fixa le ciel en
silence. Derrière lui, il entendit Bovo s'agiter
nerveusement. Apparemment, il venait d'apercevoir,
dans le mur, le coffre-fort que Van Hausen avait laissé
ouvert et vide à dessein. « Parfait, pensa-t-il dans sa
rage. Laissons-le mijoter. » Il fallait qu'il soit partout,
qu'il pense à tout, qu'il surveille tout le monde... Quelle
vie!
— Si vous voulez, continua Bovo d'une voix qui
tremblait, je peux le faire interroger par deux hommes.
Voir s'il sait quelque chose là-dessus.
Van Hausen se tourna lentement vers lui et le fit
taire d'un seul regard de ses yeux gris acier.
— Ça ne tient pas debout, déclara-t-il. Même si
Jack n'était pas un de mes vieux amis, il ne serait pas
assez stupide pour me voler deux millions de dollars, et
rester dans mon hôtel.
— Je ne sais pas, fit Bovo. A mon avis, ça
ressemble exactement au genre d'entourloupes qu'il a
commises par le passé.
Un bref instant, Van Hausen eut un rictus qu'on
aurait presque pu appeler un sourire.
— Possible, dit-il. Possible.
— Je pense que nous devrions lui parler, monsieur.
De nouveau, Van Hausen se tourna vers la baie. Lui et
Jack revenaient de loin. Il l'avait connu au tout
début, quand il se décarcassait pour faire démarrer le
casino. Jack était alors plein aux as grâce à ses
magouilles compliquées et à ses vols de bijoux en
Europe. Ils avaient passé de bons moments ensemble, à
cette époque.
Et puis, les choses avaient changé. Il savait depuis
toujours que Jack n'avait pas la carrure pour devenir
riche. Vraiment riche. Aujourd'hui, les rôles étaient
renversés et Jack essayait de mettre sur pied ce ridicule
centre de loisirs à San Miguel. Tandis que lui... Eh
bien, il possédait le Sunburst, l'hôtel et le casino, et
vivait dans cet appartement luxueux avec la danseuse
la plus affriolante qui ait jamais mis les pieds à Las
Vegas. Oui, si Jack faisait maintenant étalage de
beaucoup d'argent liquide, c'était surprenant.
— D'accord, dit Van Hausen d'un ton glacial.
Parlez-lui.
— J'y vais tout de suite, assura Bovo, visiblement
impatient de quitter le bureau.
Van Hausen le rappela alors qu'il allait sortir.
— Encore un point... Pas le visage, Bovo. Jack en a
besoin pour vivre. Et, après tout, c'est un vieil ami.
— Oui, monsieur.
Quand Bovo eut refermé la porte, Van Hausen se
tourna vers Rachel.
— Je t'ai négligée, ma chère. Qu'aimerais-tu faire
ce soir? Dîner? Danser? Tout ce que tu voudras.
Avec un sourire mystérieux, Rachel s'étira avec la
grâce nonchalante d'une chatte, et lui prit la main.
*
**
En revenant vers la table, Jack s'efforça de se
calmer. Et il parvint à sourire aux joueurs en reprenant
sa place.
Il avait atteint le moment le plus difficile de son
plan, celui où il fallait qu'il maîtrise son attitude et la
moindre de ses expressions. Et pour ça, il devait avoir
les idées claires et tout son sang-froid. Or, ses pensées
étaient envahies par Sydney Stone. Cela faisait
longtemps que quelqu'un n'avait pas éveillé ses
émotions comme elle le faisait.
Se forçant à paraître nonchalant, il fixa résolument
ses cartes. Il fallait qu'il se concentre, sans quoi il
risquait de perdre une grande partie de son capital et
celui de Sydney.
*
**