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Le défi d’une héritière

De
Brenda Jackson

Résumé : Troublée par l'ironie avec laquelle McKinnon


Quinn la dévisage, Casey ne peut s'empêcher un instant de
douter. Malgré son arrogance, cet homme l'attire
inexplicablement, avec son visage anguleux aux pommettes
saillantes, ses yeux noirs comme du jais, sa mâchoire têtue
et ses lèvres sensuelles. Pourtant, même s'il éveille en elle
d'ardents désirs, Casey sait qu'elle ne doit pas oublier les
raisons qui l'ont poussée à venir lui parler. Elle doit
absolument le convaincre de l'engager et, s'il pense qu'elle
n'est pas à la hauteur, lui montrer de quoi est capable une
Westmoreland...
-1-

Casey Westmoreland entra dans l'écurie et s'immobilisa,

subjuguée par le son d'une chaude et

séduisante voix masculine. En s'approchant, elle en

découvrit le propriétaire parlant tout doucement à un

immense cheval noir qu'il était en train de brosser.

Et elle fut encore plus subjuguée par l'homme lui-même.

McKinnon Quinn.

Métis d'indienne blackfoot et de créole louisianais; le plus

bel homme de la terre à ses yeux. Elle s'accorda quelques

instants de répit pour pouvoir mieux l'admirer.

Grand, solidement bâti, avec d'épais cheveux

d'ébène tombant sur ses épaules, il portait une

chemise bleue qui laissait deviner un torse musclé.

Quant au jean élimé... Elle tressaillit en voyant

se dessiner une musculature plus que parfaite au

moment où McKinnon se penchait pour échanger

la brosse contre un peigne.


Ses traits, elle les connaissait par cœur. Le visage

anguleux aux pommettes saillantes, les yeux noirs

comme du jais, la peau dorée, le nez droit, la mâchoire

têtue et les lèvres sensuelles étaient restés gravés

dans sa mémoire. Elle reprit hâtivement son souffle

et se sentit rougir rien qu'à évoquer ces lèvres, et

son rêve secret de les savourer.

A trente-quatre ans, surtout depuis le récent

mariage de Durango Westmoreland, son meilleur

ami qui se trouvait être aussi le cousin de Casey,

McKinnon Quinn passait pour le meilleur parti de

Bozeman, dans le Montana, et de ses environs. Mais

on racontait aussi qu'il n'avait aucune intention de

renoncer au célibat.

De leur première rencontre, un peu plus de deux

ans auparavant, elle avait conclu qu'il était d'une

nature particulièrement réservée. S'il entretenait

des relations amicales avec les cousins de Casey,

on sentait en permanence chez lui une retenue qui

laissait penser que peu de gens pouvaient se targuer

de faire partie de ses intimes. I1 avait son petit cercle


d'élus et tenait les autres à distance.

Malgré tout, chaque fois qu'elle se trouvait en sa

présence, elle sentait son regard s'appesantir sur

elle comme une caresse.

- Allez-vous m'expliquer ce qui vous amène ou

rester plantée là sans dire un mot ?

La voix coupante fit tressaillir Casey qui se

demanda s'il avait des yeux derrière la tête. Bien

qu'elle soit certaine de n'avoir pas fait de bruit, il

avait perçu sa présence.

- Sachant combien le moment du pansage est

important, je ne voulais pas vous déranger.

Il se retourna et elle eut l'impression que ses

poumons se vidaient de tout leur air. Surtout quand

une étincelle de surprise brilla dans ses yeux

sombres.

- Casey Westmoreland ! Durango m'a appris

que vous rendiez visite à votre père, dit-il d'une

voix aussi intense que son regard.

Votre père. Une expression à laquelle Casey

essayait de s'habituer depuis qu'elle avait découvert


que, loin d'être mort avant sa naissance, comme on

le lui avait dit, son père était bien vivant.

- Je ne lui rends pas exactement visite. J'ai décidé de


m'installer à Bozeman.

Si seulement il ne la dévisageait pas avec cette

intensité...

Elle le regarda glisser les pouces dans les poches

de son jean, d'un geste empreint d'une grande assu-

rance. Encore une fois, la surprise s'alluma dans

son regard.

- Vous vous installez à Bozeman ?

- Oui.

- Pourquoi ?

La question avait jailli, brutale, et Casey se

demanda en quoi son installation à Bozeman pouvait

bien lui importer.

- Corey... je veux dire, mon père, espère que

cela nous permettra de mieux faire connaissance.

Même après deux ans et demi, elle avait du mal à

donner du « papa » à Corey Westmoreland comme

ses deux frères le faisaient.


McKinnon hocha la tête et elle nota que son

regard se faisait encore plus incisif. Corey et le père

de McKinnon étant amis, McKinnon entretenait

des liens étroits avec Corey. En y réfléchissant,

McKinnon était même beaucoup plus proche de son

père qu'elle-même, ne serait-ce que parce qu'il le

connaissait depuis beaucoup plus longtemps.

- C'est le point de vue de Corey. Et le vôtre ?

« Personnellement, je pense que ça irait beau-

coup mieux si vous cessiez de me dévisager avec

cette insistance », eut-elle envie de dire. Qu'il soit

intentionnel ou non, son regard provocateur la

troublait.

- Je pense qu'un rapprochement géographique ne

peut nuire. J'ai toujours vécu au Texas, mais quand

le bail de location de ma boutique de vêtements est

arrivé à son terme et que je n'ai pu le renouveler,

j'ai envisagé la possibilité de m'installer ailleurs. Et

comme je suis tombée amoureuse du Montana lors

de mes visites, j'ai saisi l'occasion de me rapprocher

de Corey.
- Je vois.

Casey en doutait. Même ses frères mesuraient

mal l'ampleur du désarroi où l'avait plongée le

fait d'apprendre la vérité. Depuis qu'elle était en

âge de comprendre, sa mère lui avait dépeint un

portrait idéal de l'homme qui les avait engendrés,

ses frères et elle, et qui était censé avoir péri dans

un accident de rodéo.

D'après Carolyn Roberts, Corey et elle vivaient

un grand amour et elle avait eu toutes les peines

du monde à surmonter sa mort. Sa seule raison de

vivre avait été ses enfants. Car Corey ne l'avait

pas laissée enceinte d'un, ni même de deux, mais

de trois enfants. Trois enfants qui avaient grandi

entourés de l'amour de leur mère et dans le culte

de leur père disparu.

Casey avait beaucoup souffert d'apprendre

que ce beau roman n'était que mensonges. Corey

Westmoreland n'avait pas épousé Carolyn Roberts.

il n'avait pas su non plus qu'elle attendait des

triplés. Pire, il ne l'avait jamais aimée. Depuis des


années, il vivait un amour impossible pour Abby,

une femme rencontrée avant Carolyn, qu'il avait fini

par retrouver et épouser deux ans plus tôt.

Mais plutôt que de remuer d'amers souvenirs,

elle ferait mieux d'en venir au motif de sa visite,

se dit-elle.

- J'ai une autre bonne raison de m'installer dans

le Montana. Je sens le moment venu de changer

d'orientation professionnelle et, en emménageant

ici, je pourrai enfin réaliser mon rêve.

- Qui est ?

- De travailler avec les chevaux. Ce qui m'amène

à la raison de ma visite. J'ai appris que vous cherchiez

un entraîneur et je viens proposer mes services.

Casey essaya de demeurer impassible sous le

regard de McKinnon qui détaillait sans vergogne

son mètre soixante. Il se reposa enfin sur son visage

avec une expression amusée.

- Vous plaisantez, j'espère ?

Elle leva un sourcil.

- Je suis au contraire on ne peut plus sérieuse.


Elle vit sa mâchoire se contracter, son regard

se rétrécir entre ses paupières et s'en voulut en cet

instant de le trouver vraiment très séduisant.

- Il est hors de question que je vous engage,

dit-il d'une voix coupante.

Elle s'efforça de garder son calme.

- Pourquoi ? Si vous vous donniez la peine d'examiner

mes références, vous pourriez être impressionné.

Elle lui tendit une chemise qu'il regarda sans

faire mine d'y toucher.

- Possible, mais ça ne changerait rien. Je ne

vous engagerai pas.

En l'entendant répéter ces mots d'un ton buté,

Casey sentit la moutarde lui monter au nez.

- Pour quelle raison ?

- Il en existe plusieurs mais je n'ai pas le temps

de les détailler, répondit-il après quelques instants

de silence.

Cette fois, Casey ne put dissimuler sa colère.

- La moindre des politesses serait de m'en donner

une ! s'exclama-t-elle.
Il croisa les bras sur sa poitrine et, brusquement,

parut encore plus impressionnant.

- Puisque je vous dis que je n'ai pas de temps à

perdre ! rétorqua-t-il d'un ton écrasant de mépris.

J'ai à faire sur le ranch et si vous tenez à trouver du

travail, je vous conseille d'aller voir ailleurs.

Cependant, Casey, dont l'entêtement n'était pas le

moindre des traits de caractère, n'avait pas l'intention

d'abandonner si facilement la partie. Et quand elle

vit McKinnon reprendre tranquillement le pansage

de son cheval, sa colère éclata.

- Je veux savoir ! s'exclama-t-elle d'une voix

étranglée par l'indignation. On n'envoie pas les gens

promener sans un minimum d'explications !

Pendant un bon moment, McKinnon se mura dans

un silence obstiné pendant que Casey attendait sa

réponse, bouillonnant de colère, refusant de partir

sans l'avoir obtenue.

Finalement, avec un soupir, il se tourna vers elle.

Il vit ses lèvres que la fureur crispait et songea qu'à

la minute où il l'avait vue, il avait trouvé sa bouche


aussi appétissante que la belle pomme rouge et

luisante qu'Eve avait offerte à Adam. Et il aurait

parié qu'elle était aussi délicieuse et responsable

d'encore plus de délectables péchés.

Bonté divine ! Ne percevait-elle pas ce courant

chargé de sensualité qui circulait entre eux malgré

leur querelle ? A l'instant où il s'était retourné et

l'avait reconnue, un flot d'émotions l'avait submergé.

Elle était si resplendissante que même la lumière du

soleil ne pouvait rivaliser d'éclat avec elle.

De plus, elle dégageait une aura de sensualité

dont elle n'était certainement pas consciente. Si son

visage était en ce moment adorablement contracté

par la colère, les quelques occasions où il l'avait vue

sourire, il avait pu constater que sa bouche avait

une façon de s'incurver qui donnait l'irrésistible

envie d'effacer son sourire sous un baiser. Même

sa moue rageuse était diablement attirante.

Et c'était sans compter avec ses atouts physiques.

Ses cheveux bruns, à la coupe courte et impertinente,

mettaient en valeur son teint mat. Quant à ses yeux


d'un noisette sombre, mieux valait probablement

ne pas s'attarder à les contempler sous peine d'être

aspiré dans leurs profondeurs. Et bien que menue,

sa silhouette remplissait jean et chemise d'une

manière tout à fait avenante.

Il l'avait aperçue le mois dernier à la fête d'an-

niversaire surprise de sa cousine Delaney. Il avait

le sentiment que, chaque fois qu'il la voyait, elle

était encore plus jolie que la fois précédente. Et

que plus il l'appréciait, plus il était attiré par elle.

Elle réussissait même à sentir bon dans une écurie

pleine de bêtes. Et son parfum l'étourdissait. Même

s'il ne voyait pas ses jambes, le souvenir imprimé

dans sa mémoire de leur longueur et de leur galbe

revenait le titiller et.. .

- Alors ?

Il croisa son regard tout en jetant la brosse dans

un seau et enfouit ses mains dans les poches arrière

de son jean.

- D'accord, je vais vous donner une raison.

C'est un ranch d'élevage et je cherche quelqu'un


qui puisse entraîner des chevaux, pas des poneys.

Corey ne me pardonnerait pas s'il vous arrivait

quelque chose.

L'idée suffit à le faire frissonner.

- Pour l'amour de Dieu ! ajouta-t-il. Vous

n'êtes pas plus grosse qu'une puce ! Le cheval à

entraîner a le diable au corps et il doit être prêt

pour les courses dans six semaines. En ce qui me

concerne, vous ne correspondez pas au profil que

je recherche pour ce travail. Prince charmant est

trop brutal pour vous.

Les yeux étincelants de colère, Casey se redressa

de toute sa taille - guère impressionnante, il fallait

bien l'avouer.

- Et vous prenez votre décision sans me laisser

l'occasion de vous montrer ce que je vaux ?

- Oui.

- Vous n'êtes qu'un sale macho !

- Pensez ce que vous voulez-Le fait est que je ne

vous engagerai pas. Je suis sûr que vous trouverez

des places à Bozeman qui vous conviendront mieux.


Pourquoi ne chercheriez-vous pas un emploi dans

le prêt-à-porter puisque c'est votre branche ?

Casey le dévisagea tout en s'efforçant de contenir sa

colère. Il avait raison. Elle perdait son temps ici.

- Dans ces conditions, je n'ai rien à ajouter,

dit-elle sèchement.

- En effet.

Et, pour bien mettre fin à la conversation, il

s'empara de la brosse et se remit à panser le cheval,

apparemment oublieux de sa présence.

Sans un mot, Casey sortit de l'écurie.

McKinnon regarda sortir Casey avec un soupir agacé.

Elle était furieuse, naturellement, mais qu'y

pouvait-il ? Les chevaux arabes sont par nature

de tempérament doux et amicaux avec les gens.

Malheureusement, le cheval qu'il venait de prendre

en pension faisait exception à la règle et manifes-

tait son opposition par des ruades et des cabrioles.

Seule explication à ce comportement : il avait subi

de mauvais traitements et il faudrait un entraîneur


expérimenté pour venir à bout de ses défenses.

Même si, ayant été élevée au Texas, Casey avait

l'habitude des chevaux, elle serait amenée à s'oc-

cuper d'étalons réputés difficiles car il avait bien

l'intention de développer son activité. Et il refusait

d'endosser la responsabilité d'un accident.

A dire vrai, il existait une raison beaucoup plus

valable à son refus d'engager Casey. Quatre ans

plus tôt, quand Lynette l'avait quitté, il avait décidé

qu'aucune femme ne remettrait jamais plus les pieds

dans son ranch.

La seule pensée de Lynette le rendait encore

amer. Pourtant, pour être honnête, il ne pouvait lui

reprocher d'avoir voulu assouvir un désir qu'il se

trouvait dans l'impossibilité de contenter. Et son

départ lui avait fait prendre conscience qu'il ne

devait envisager sous aucun prétexte de relation

sentimentale sérieuse.

Ses pensées se reportèrent sur Casey. Elle l'attirait

comme aucune femme ne l'avait attiré, pas même

Lynette. Elle possédait tout ce qu'il fallait pour


séduire et, pour compliquer encore la situation, c'était

la fille de Corey, et la cousine de Durango. Ce qui

rendait inenvisageable toute relation avec elle.

- Tant pis si elle est en colère, maugréa-t-il entre

ses dents. J'ai agi selon ma conscience.

Il essaya de se concentrer sur Thunder et non sur

le postérieur de Casey qui ondulait gracieusement

tandis qu'elle quittait l'écurie. Tout ce qu'il attendait

d'une femme, c'était une brève aventure, passionnée

et sans lendemain. Casey Westmoreland appartenait

visiblement à ce type de femmes qui font les futures

épouses et mères.

Bref, le type de femme à éviter à tout prix.

Il refusait l'idée qu'une femme lui fasse de nouveau

prendre des risques affectifs qui menaceraient son

bien-être.

Quand elle se retrouva au soleil, Casey inspira

longuement tout en tentant de se ressaisir. Elle

n'aurait même pas su trouver les mots pour décrire

ce qu'elle ressentait en cet instant. Cet homme était


tout simplement impossible !

Elle examina les lieux et reconnut sans enthou-

siasme qu'ils étaient fort agréables. Plus petite

que celle de son père, la maison d'habitation avait

néanmoins beaucoup de classe. Les montagnes en

arrière-plan ajoutaient un charme qui valait bien

celui de son propriétaire.

C'était une belle journée ensoleillée de début mai.

Les hommes de McKinnon s'affairaient et, tout en se

dirigeant vers sa voiture, elle remarqua de superbes

chevaux qu'on menait dans un corral.

Soudain, un grand cri la fit sursauter. Elle se

retourna et vit un homme qui avait perdu la longe

du cheval qu'il tenait, l'animal faisant mine de le

charger.

Quand l'animal se dressa sur ses pattes arrière

avec l'intention évidente de piétiner sa victime, elle

retint son souffle. Cependant, l'homme exécuta une

roulade qui le mit hors de portée des redoutables

sabots. Mais le cheval semblait déchaîné et quand

des ouvriers se précipitèrent pour tenter de rattraper


les rênes, il se montra agressif et les obligea à courir

se mettre à l'abri. Malheureusement, l'un d'entre

eux manqua de rapidité et se retrouva chargé par

le cheval.

Sans réfléchir, Casey courut vers l'animal, agitant

frénétiquement les mains en l'air et sifflant pour

essayer de détourner son attention. Il tourna alors

vers elle des yeux dilatés, des naseaux frémissants,

puis, après un brusque demi-tour, la choisit pour

cible. Elle sentit les poils de sa nuque se dresser,

tous ses sens se mettre en alerte mais, au lieu de

courir, trouva le courage de demeurer immobile.

Alerté par le brouhaha, McKinnon sortit en

courant de la grange au moment où Prince charmant

lançait sa charge contre Casey. En voyant qu'elle

restait sur place, clouée par la stupeur, son sang ne

fit qu'un tour.

- Courez, Casey ! Bon sang, courez !

Voyant qu'elle ne bougeait toujours pas, il allait

s'élancer tout en sachant qu'il n'avait aucune chance

de l'atteindre à temps. Il sentit soudain qu'on lui


glissait un fusil entre les mains. Il comprit alors

qu'il ne lui restait plus qu'à abattre l'animal pour

sauver Casey. En cet instant, seule la vie de la jeune

femme comptait et le fait que l'étalon ait coûté une

petite fortune au cheik Jamal Ari Yasir n'était plus

qu'un détail dérisoire.

Il levait le fusil pour ajuster son tir quand un des

hommes cria.

- Attendez ! Regardez un peu ça !

McKinnon regarda, stupéfait. Ce n'était pas la

peur qui clouait Casey sur place car elle parlait au

satané animal et, mystérieusement, avait su l'ama-

douer. A quelques mètres d'elle, Prince charmant

avait arrêté sa charge et trottait maintenant vers

elle, la queue en panache, comme s'ils étaient les

meilleurs amis du monde. Avec circonspection, il

vint renifler la main qu'elle lui tendait puis, mis en

confiance, y pressa son nez.

McKinnon abaissa son fusil. Comme tous les

spectateurs présents, il observait la scène, retenant

son souffle, saisi d'une stupeur religieuse.


Enfin, quand elle sentit le cheval prêt, Casey

prit les rênes et le guida doucement vers un piquet

d'attache.

- Eh bien, que je sois pendu ! murmura un des

hommes de McKinnon derrière lui. Je ne I'aurais

pas cru si je ne l'avais vu de mes propres yeux !

- Vous vous rendez compte, fit une autre voix

empreinte de la même admiration. Elle mène Prince

charmant par le bout du nez. Qui est-elle donc ?

McKinnon tendit le fusil à Norris Lane, son

contremaître, et secoua la tête. Lui non plus ne

l'aurait pas cru si on le lui avait raconté.

- La fille de Corey Westmoreland, répondit-il

d'un ton brusque.

- La fille cle Corey ?

- Oui, fit McKinnon, observant toujours Casey.

Elle attacha le cheval au piquet puis, se penchant,

lui murmura quelques mots à l'oreille avant de s'éloigner.

McKinnon se dirigea vers elle, le cœur battant

encore de la frayeur qu'il avait éprouvée et avec la

très nette impression d'avoir vieilli de dix ans.


Cependant, quand il arriva à sa hauteur, il ne reçut

qu'un regard furibond. Sans s'arrêter, elle poursuivit

son chemin vers sa voiture. Jurant silencieusement,

il la vit ouvrir sa portière, grimper à l'intérieur et

démarrer dans un nuage de poussière.

-2-

Le lendemain matin, à l'aube, McKinnon buvait

son café à la table de sa cuisine quand Norris entra.

A l'expression du contremaître, il devina qu'il

apportait des nouvelles déplaisantes.

- Bonjour, Norris.

- Bonjour, McKinnon. Figure-toi que Beckman

nous a quittés. Il a filé cette nuit en laissant un mot

sur son lit expliquant que l'incident d'hier était la

goutte qui faisait déborder le vase. Bref, il est revenu

sur sa promesse de rester en attendant que tu lui

trouves un remplaçant.
McKinnon reposa sa tasse en maugréant. Pour une

mauvaise nouvelle, c'en était une. Gale Beckman lui

avait été chaudement recommandé par des éleveurs

du Wyoming. Il l'avait engagé avec un salaire royal

pour entraîner Prince charmant, l'étalon auquel le

cheik Yasir tenait comme à la prunelle de ses yeux.

Malheureusement, Beckman s'était rendu compte

qu'il avait trouvé son maître et qu'il ne viendrait pas

à bout du cheval. D'accord, Prince charmant s'était

montré exécrable hier, et même dangereux, mais

enfin, quand on élevait des chevaux, on ne pouvait

attendre douceur et obéissance de chaque animal.

Loin de là. Pour de multiples raisons, beaucoup se

montraient hostiles au mieux et, au pire, agressifs

et réfractaires au dressage.

- Comment trouver un autre entraîneur si avant

dans la saison ?

La question de Norris ramena McKinnon quelques

années en arrière, quand Durango Westmoreland,

son meilleur ami, et lui avaient lancé leur entre-

prise d'élevage par amour des chevaux. Ils s'étaient


réparti les tâches. McKinnon gérait le ranch au

quotidien tandis que Durango, toujours employé

comme garde national du parc Yellolvstone, tenait

la comptabilité.

Lorsque le cheik Jamal Ari Yasir, prince moyen-

oriental marié à Delaney, la cousine de Durango,

avait pris contact avec eux deux mois auparavant

pour leur demander de préparer Prince charmant en

vue des courses d'automne, ils avaient accepté avec

empressement, trop heureux d'élargir leur activité

de purs éleveurs à la préparation de chevaux de

compétition.

Entraîner Prince charmant était donc leur premier

test important dans ce domaine. S'ils réussissaient,

ils obtiendraient d'autres contrats du cheik ainsi

que sa recommandation auprès d'amis et associés.

Le bilan se révélait pourtant très moyen dans la

mesure où les progrès obtenus étaient maigres et

où le temps passait.

McKinnon se renversa contre le dossier de sa chaise.

- Première chose à faire : appeler nos contacts,


répondit-il enfin.

Il avait toutefois de bonnes raisons de douter de

leur fiabilité puisque c'était sur leurs conseils qu'il

avait engagé Beckman.

- Et la fille de Corey Westmoreland ?

McKinnon se crispa puis, s'écartant de la table, se leva.

- Eh bien ?

- Tu as vu comme elle a dompté Prince charmant

hier ? Cette satanée bête lui mangeait littéralement

dans la main. Crois-tu que la place pourrait l'intéresser ?

McKinnon jugea préférable de ne pas informer

Norris que justement la place intéressait Casey ;

que c'était même précisément pour postuler qu'elle

s'était présentée la veille.

- Peu importe. Tu connais ma politique : pas

de femme au ranch.

Norris le dévisagea un long moment avant de

hocher la tête.

- Lynette est partie depuis plus de quatre ans

maintenant, McKinnon. Combien de temps te faudra-

t-il pour la sortir de ta tête et de... ton cœur ?


- C'est fait, riposta McKinnon.

Norris faisait partie des rares personnes qui

connaissaient toute l'histoire de Lynette. Il se trou-

vait près de McKinnon le soir où, rentrant au ranch

après avoir rassemblé des chevaux sauvages dans la

prairie du nord, ils avaient découvert que Lynette

avait fait ses bagages et était partie, laissant un mot

griffonné pour expliquer ses raisons.

Le ton brusque de McKinnon aurait dû dissuader

Norris de continuer sur ce terrain épineux mais le

contremaître, qui connaissait McKinnon depuis sa

naissance, n'en eut cure.

- Alors, fais en sorte que ça se voie, fiston !

Agis comme si tu avais dépassé tout ça.

McKinnon poussa un juron.

- Tu t'imagines vraiment que je vais demander

à la fille de Corey Westmoreland de venir travailler

pour moi ? Tu l'as vue hier ; une puce la renver-

serait. Elle est venue à bout de Prince charmant,

soit, mais qu'en sera-t-il de ceux, peut-être deux

fois plus ombrageux, qui viendront ensuite ? De


plus, j'ai besoin d'un entraîneur sur qui je puisse

compter à long terme.

- On dit qu'elle souhaite s'installer ici pour se rapprocher

de son père. Si ce n'est pas du long terme...

McKinnon plissa les paupières. De toute évidence,

Norris avait pris des renseignements sur Casey après

son impressionnante performance de la veille.

Brusquement, il se dirigea vers la fenêtre et

regarda à I'extérieur. Il avait très mal dormi la nuit

précédente, revoyant sans cesse Casey figée sur

place devant le monstre qui se précipitait sur elle.

De sa vie, il ne s'était senti aussi impuissant. Et la

pensée du mal que l'animal aurait pu lui faire le

faisait frissonner rétrospectivement.

- Naturellement, la décision te revient, mais je

pense que, tout bien considéré, ce serait tout bénéfice

pour toi de l'engager, dit Norris derrière lui. Le cheik

compte que Prince charmant soit prêt à concourir

dans moins de deux mois. Et, de mon point de vue,

la fille de Corey est notre meilleur atout.

McKinnon se retourna, l'air mauvais.


- Il existe forcément une autre solution, dit-il

d'un ton sans réplique.

- J'espère que tu la trouveras, répliqua Norris

avant de sortir.

Il n'avait pas trouvé de solution.

Raison pour laquelle McKinnon prit son cheval

pour se rendre au ranch de Corey, un peu plus tard

dans la journée. A Ia vue de la vaste maison qui

se dressait au beau milieu des pins, sous le ciel

limpide du Montana, des souvenirs doux amers

refirent surface. Il se rappelait les innombrables

étés passés là, jeune garçon, en compagnie des onze

neveux de Corey. Comment ce dernier gérait cette

bande de marmots restait un mystère pour tout le

monde, mais ces étés avaient été les plus beaux de

la vie de McKinnon.

II était alors libre comme l'air et insouciant. Sa

seule préoccupation était de se tenir à l'écart des

mûres qui lui donnaient de l'allergie.

A présent, les choses étaient différentes. Il avait


des soucis, un ranch dont s'occuper et une affaire

à diriger. Et voilà que, pour couronner le tout, une

femme qu'il souhaitait par-dessus tout éviter allait

s'installer sur ses terres, à un jet de pierre de sa

maison..

Si, du moins, elle acceptait sa proposition.

Ce qui n'était pas gagné. Après leurs démêlés de

la veille, accepterait-elle de venir travailler pour

lui? Ses contacts dans Ie milieu de l'élevage équin

ne lui ayant offert aucune perspective valable, il se

voyait contraint de reconnaître ses torts et de faire

ce dont il ne voulait à aucun prix : proposer la place

d'entraîneur à Casey Westmoreland.

Parvenu devant la maison, il descendit de cheval

et attacha ce dernier à un piquet. Puis il scruta la

vaste étendue de champs et de prairies qui l'entou-

rait. La terre de Corey. McKinnon secoua la tête,

le cœur serré en songeant que, pendant toutes ces

années où Corey les accueillait ses onze neveux

et lui-même sur ses terres, quelque part au Texas,

il avait trois enfants dont il ignorait jusqu'à l'exis-


tence. Une fille et deux garçons. Des triplés. Avec

son cœur d'or, Corey devait s'efforcer de rattraper

le temps perdu.

Un bruit provenant de derrière les écuries attira

son attention. Renonçant à grimper les marches

du porche, il décida d'aller voir ce qui se passait.

Dès qu'il eut passé le coin des écuries, il reçut un

coup au cœur en découvrant Casey, sur le dos d'un

cheval, entourée d'un groupe d'hommes au nombre

desquels son père.

Il s'arrêta net, et s'appuyant au mur du bâtiment,

la contempla, se rappelant la première fois où il

avait posé les yeux sur elle. Cela s'était passé ici,

sur cette même terre, presque au même endroit,

alors qu'il était venu assister au mariage de Stone

Westmoreland, son ami et cousin de Casey. Lui-

même devait se marier prochainement et pourtant

il n'avait pu empêcher l'étincelle de se produire.

La scène se passait quelques minutes avant le

début de la cérémonie. Il parlait avec Durango et

ses frères, Jared et Spencer, et il avait levé les yeux


au moment exact où un mouvement de foule lui

avait offert une vue inoubliable sur ce qu'il avait

jugé être la plus jolie femme de la terre. II avait

entendu parler des triplés de Corey et avait fait la

connaissance des deux garçons. Mais, ce jour-là,

c'était la première fois qu'il posait les yeux sur

Casey Westmoreland.

Son instinct mâle s'était éveillé ; il était resté immobile,

sa conversation oubliée, et il l'avait regardée

évoluer dans le jardin tout en bavardant avec sa

cousine Delaney. Ses gestes étaient empreints d'une

telle sensualité, d'une telle grâce, d'un raffinement

si exquis qu'il trouvait difficile de croire que c'était

la même femme qu'il voyait fermement campée sur

le dos d'un cheval aujourd'hui. Cependant, un regard

sur son visage suffit à l'assurer qu'il s'agissait bien

de la jeune personne dont l'image semblait destinée

à rester gravée à tout jamais dans sa mémoire.

Soudain. comme si elle avait senti son regard

peser sur elle, Casey leva les yeux dans sa direction

et leurs regards se croisèrent. Il la vit se raidir, il


sentit sa colère et comprit que la partie allait être

rude. Après la scène d'hier. il devait être la dernière

personne qu'elle ait envie de voir.

Il continuait néanmoins de l'observer, aimant

la façon dont le soleil jouait dans ses cheveux, y

allumant de chauds reflets. Elle portait une chemise

bleue et un jean, pour autant qu'il puisse voir avec

tous ces hommes qui s'agglutinaient autour d'elle.

Curieux sans doute de savoir ce qui avait capté

l'attention de sa fille, Corey jeta un regard dans

sa direction et sourit. Il échangea alors quelques

mots avec Casey avant de venir vers lui. McKinnon

s'écarta du mur pour aller à la rencontre de celui

qu'il considérait comme un second père.

De haute taille, fort, musclé, Corey Westmoreland

était un géant doté d'un cœur d'or et d'un amour

infini pour sa terre, sa famille et ses amis.

- McKinnon ! s'exclama-t-il en serrant celui-ci

dans ses bras. Qu'est-ce qui t'amène ?

- Casey, répondit simplement McKinnon.

Curieusement, Corey ne manifesta aucune surprise.


- Elle est passée chez moi hier pour la place

d'entraîneur, poursuivit-il.

Corey rit.

- Oui. Elle m'en a parlé.

- Je viens la lui proposer si elle est toujours d'accord.

Corey haussa les épaules.

- Il faut voir avec elle. Je ne te cache pas que

tu l'as mise hors d'elle.

McKinnon hocha la tête.

- Je m'en doute.

Il jeta un coup d'œil derrière l'épaule de Corey

dans la direction d'où venait le brouhaha et fronça

les sourcils.

- Que se passe-t-il ?

- Casey se fait la main sur Vicious Glance.

McKinnon eut un haut-le-corps.

- Tu ne vas pas la laisser monter ce cheval !

Corey sourit.

- Bien malin celui qui saurait l'en dissuader !

Elle est au ranch depuis suffisamment de temps

pour savoir que cet animal est un démon mais elle


prétend le faire céder.

- Et tu la laisses faire ?

Le visage de McKinnon reflétait une stupéfaction

indignée. Tous les habitués de Corey's Mountain

savaient que Vicious Glance - ainsi nommé à

cause du regard mauvais qu'il posait sur quiconque

I'approchait de trop près - était un étalon de

grande classe mais ne supportait pas d'être monté.

PIus d'un écuyer s'était blessé en tentant de le faire

changer d'avis.

- Je ne la laisse pas faire, McKinnon. Casey est

une femme adulte, qui a passé l'âge de se faire dicter

sa conduite. Je lui ai gentiment conseillé de réfléchir

mais elle se sent de taille à maîtriser Vicious Glance.

Alors, nous allons tous assister au spectacle ! Tu ne

voudrais tout de même pas rater ça ?

Corey aurait-il perdu l'esprit ? se demandait

McKinnon. Casey était sa fille, pour l'amour de

Dieu ! Et elle risquait de se rompre le cou si ce

cheval lui faisait vider les étriers. Cependant, avant

qu'il puisse protester, Corey posait une main sur


son épaule.

- Allons, calme-toi. Il ne lui arrivera rien.

McKinnon se rembrunit. Qui Corey essayait-il

de convaincre ? Il n'avait pas été sans remarquer

l'expression fugitive d'inquiétude passer sur le

visage de son ami.

- Fasse Ie ciel que tu aies raison, dit-il en ôtant

son Stetson et en s'essuyant le front du dos de la main.

Bonté divine ! Qu'est-ce que cette bonne femme

essayait de prouver ?

Sans ajouter un mot, il remit son Stetson en place

et se dirigea au côté de Corey vers l'endroit où les

hommes s'étaient rassemblés. En l'apercevant, Casey

le toisa d'un air mauvais puis détourna le regard.

Corey se pencha vers McKinnon.

- J'ai l'impression qu'elle ne t'a pas pardonné.

- C'est aussi mon impression.

Néanmoins, en cet instant, les sentiments de Casey

à son égard étaient bien le dernier des soucis de

McKinnon. Comme les autres spectateurs, il retint

son souffle quand elle pénétra dans l'enclos avec


I'intention de grimper sur le dos de Vicious Glance,

aveuglé par un bandeau. Elle hissa souplement son

corps menu sur la selle et saisit les rênes que lui

tendait un lad.

Le cœur de McKinnon ne fit qu'un bond quand

iI la vit adresser un signe de tête à l'homme et que

le bandeau fut retiré. Alors, comme atteint de folie,

Vicious Glance s'élança, ruant et se cabrant autour

du corral pour essayer de se débarrasser de son

impudente cavalière. A plusieurs reprises, McKinnon

cessa même de respirer, certain que Casey allait

être projetée dans les airs. Mais elle tenait bon et il

se surprit bientôt à lui adresser, comme les autres,

des cris d'encouragement.

Elle eut largement le temps de prouver ses propos

avant que des hommes s'élancent vers elle et la tirent

prestement hors de la selle. Des applaudissements

fournis éclatèrent alors et McKinnon ne put s'em-

pêcher de sourire.

- Qui lui a appris à maîtriser un cheval comme ça ?

demanda-t-il à Corey, incrédule et soulagé à la fois.


Corey sourit.

- Tu as entendu parler de Sid Roberts ?

- Quel cow-boy n'en aurait entendu parler ?

Cet homme était devenu une légende, d'abord en

tant qu'étoile du rodéo, puis entraîneur.

- Pourquoi ? reprit McKinnon.

- C'était I'oncle de Casey. Le frère chez qui

Carolyn s'est réfugiée au Texas et qui l'a aidée à

élever mes enfants. Et il a transmis tout son savoir

équestre à Casey. Adolescents, Clint et Cole rêvaient

de devenir gardes de parcs nationaux, mais Casey

voulait suivre les traces de son oncle et entraîner

des chevaux.

Sans quitter Casey des yeux, McKinnon ne

perdait pas une miette des explications de son père.

Debout près de l'animal calmé, Casey chuchotait à

son oreille et, aussi fou que cela puisse paraître, le

cheval semblait comprendre ses propos.

- Que s'est-il donc passé ? demanda-t-il à Corey.

Tenir une boutique de mode et dresser des chevaux

ne relèvent pas exactement du même domaine.


- Sa mère I'a dissuadée d'embrasser cette carrière'

Elle disait qu'il était essentiel dans notre monde

d'aller à l'université et d'obtenir des diplômes.

- Elle a donc renoncé à son rêve ?

- Elle l'a mis entre parenthèses mais, aujourd'hui,

elle est plus déterminée que jamais à le réaliser.

Pour ta gouverne, Cal Hooper est passé hier soir

pour lui proposer de travailler ses chevaux.

McKinnon fronça les sourcils.

- A-t-elle accepté ?

- Non. Elle a dit qu'elle réfléchirait.

Corey eut un petit rire.

- Je crois qu'il lui fiche la frousse.

II y avait de quoi, se dit McKinnon. Tout le monde

savait que. malgré sa quarantaine bien tassée, Cal

Hooper, un rancher local, se considérait toujours

comme un grand séducteur et qu'il avait la réputation

d'être un coureur de jupons invétéré. Si les bruits

qui couraient se révélaient exacts, il avait également

semé un certain nombre d'enfants illégitimes dans

la région.
Le regard de McKinnon se reporta sur Casey qui

venait vers eux. Au pli dur de ses lèvres, il pouvait

affirmer qu'elle n'était pas du tout contente de le

voir. Pour tout dire, elle paraissait même carrément

exaspérée.

- Bonjour, McKinnon, fit-elle sèchement en

arrivant à leur hauteur.

- Bonjour. Casey. Vous nous avez, fait là une

belle démonstration de vos talents de cavalière.

- Merci.

Son ton laissait toutefois entendre que son opinion

lui importait peu.

- Je suis d'accord avec McKinnon, intervint

Corey. Tu as été formidable.

Elle adressa un sourire sincère à son père.

- Merci, Corey. Vicious Glance se conduira beau-

coup mieux désormais. Il faut juste qu'il comprenne

qu'il ne peut pas toujours n'en faire qu'à sa tête.

- Je vais discuter de son cas avec Jack. Si vous

voulez bien m'excuser.

Et Corey s'éloigna, les laissant face à face.


Après quelques instants, McKinnon repoussa son

chapeau en arrière et examina Casey, paupières

plissées. Avant de lui proposer la place, il devait

préciser sans délai un point avec elle.

- Ne vous avisez jamais plus de prendre chez

moi des risques comme vous l'avez fait hier. Vous

ne pouviez pas savoir comment ce maudit cheval

allait réagir. Il aurait pu vous tuer.

- Mais je suis bien vivante, non ? répliqua-t-elle

vertement. Fichez-moi la paix. Vous n'êtes pas mon

père, McKinnon.

- Dieu m'en garde !

Casey poussa un soupir agacé.

- Bon, je crois que nous nous sommes tout dit.

Sur ces mots, elle s'apprêta à tourner les talons.

- Vous n'ayez pas envie de savoir pourquoi je suis là ?

Elle grimaça.

- Pas vraiment ! Je suppose que vous venez voir Corey.

Il enfouit ses mains dans ses poches.

- Je viens vous voir.

Mains sur les hanches, elle le considéra d'un air


soupçonneux.

- Et pourquoi viendriez-vous me voir ?

-- Pour vous offrir la place que vous réclamiez hier.

Elle le dévisagea sans aménité.

- Hier, c'était hier ! Je n'ai aucune envie de

travailler pour un sale macho !

McKinnon fronça les sourcils.

- Un sale macho ?

- La description vous convient parfaitement.

Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je ...

- Le salaire est très correct et vous pourrez

habiter le cottage.

Casey se redressa de toute sa hauteur.

- Allez au diable, vous, votre salaire et votre

cottage, McKinnon ! Je vous ai déjà dit que la place

ne m'intéressait plus. Maintenant, excusez-moi, j'ai

à faire.

Il la regarda s'éloigner. balançant les hanches à

chaque pas. Cependant, tout en admirant son cran,

il refusait de lui laisser le dernier mot.

- Casey ?
Elle s'arrêta, se retourna lentement.

- Réfléchissez à mon offre et donnez-moi votre

réponse d'ici une semaine.

Elle lui asséna un regard écrasant de mépris.

- C'est inutile, McKinnon. Travailler pour vous

est la dernière chose que je souhaite au monde.

Et elle se remit en route.

La remarque exaspéra McKinnon parce que, au

fond, il n'avait pas non plus envie qu'elle travaille

pour lui. Seulement, il avait besoin d'elle... enfin,

de son savoir-faire équestre.

Plus que tout, il devait garder à la mémoire la

différence énorme qui existait entre la personne et

son savoir-faire.

-3-

Vraiment, cet individu ne manquait pas de toupet !

songeait Casey en se glissant dans l'eau mousseuse

de l'immense baignoire à pattes de lion. Pourquoi se


montrait-il si obtus et combien de fois devrait-elle

lui répéter qu'elle ne voulait pas travailler chez lui

pour qu'il comprenne ?

Elle appuya sa tête au rebord de la baignoire

et ferma les yeux. Il était vraiment exaspérant et,

comme elle le lui avait dit, ce serait la dernière

personne pour qui elle accepterait de travailler. Elle

envisagerait d'abord de travailler pour Cal Hooper,

même si son regard lui donnait la chair de poule

quand il se posait sur elle. Du moins saurait-elle

repousser ses avances grâce aux cours d'autodéfense

que ses frères lui avaient fait prendre.

Quand il s'agissait de McKinnon, elle était aussi

vulnérable qu'un nouveau-né. Il y avait quelque chose

d'incroyablement séduisant chez ce bel homme en

jean ajusté. D'autant qu'il avait de quoi le remplir.

Ajoutez à ça un visage trop beau pour être vrai et

n'importe quelle femme normale perdrait la tête pour lui.

Pour l'amour du ciel. elle était seulement humaine !

Elle s'enfonça un peu plus dans l'eau chaude,

souhaitant pour la énième fois oublier un peu cet


individu. Il l'avait exaspérée la veille avec son

attitude machiste et, aujourd'hui, il était venu

lui proposer la place qu'il avait juré de ne pas lui

donner. Eh bien, tant pis pour lui ! Il pouvait aller au diable !

Bien décidée à écarter une fois pour toutes la

pensée de McKinnon de son esprit, elle ouvrit les

yeux et examina la pièce attenante. La chambre

qu'Abby lui avait attribuée était tout simplement

magnifique. Avec ses tentures de soie, ses murs

crème et sa décoration raffinée, comme le reste

de la maison, elle portait l'empreinte d'une main

féminine. Si le ranch de Corey avait à une époque

été un domaine exclusivement masculin, aujourd'hui,

il comptait visiblement une femme au rang de ses

habitants. Et cette femme, c'était Abby.

Abby.

Quand elle avait découvert son existence, Casey

s'était imaginé qu'elle détesterait cette femme qui

régnait si bien sur le cœur de son père qu'il n'avait

jamais pu en aimer une autre, pas même sa propre

mère. Mais elle n'avait pas eu besoin de passer


beaucoup de temps en compagnie de Corey et

d'Abby pour comprendre la force de l'amour qui

les unissait malgré les cinquante et quelques années

de célibat de Corey et les quinze années pendant

lesquelles Abby avait été mariée à un homme qu'elle

n'aimait pas.

Casey sourit. Elle devait reconnaître qu'elle s'était

prise d'une grande affection pour la femme que

son père avait épousée, qui se trouvait aussi être la

mère de Madison, la femme de son cousin Stone.

Depuis qu'elle avait appris l'existence de son père,

Casey s'était découvert tout un tas de cousins, la

plupart Westmoreland ; cousins de tous les milieux

qui les avaient accueillis à bras ouverts, ses frères et elle.

Elle jeta un coup d'œil au réveil. Le dîner serait

servi dans une demi-heure, et c'était, avait découvert

Casey, une véritable épreuve pour Abtry qui était

incapable de simplicité, dans ce domaine tout du

moins. Ainsi, pour lui faire plaisir, au lieu de porter

un jean comme d'habitude, elle ferait l'effort de mettre

une jupe et un chemisier, ou bien une robe.


Elle sortit du bain et s'enveloppa dans une serviette.

Et, instantanément, McKinnon revint hanter ses

pensées. Elle espérait bien ne pas le revoir avant un

moment. Si elle ne travaillait pas chez lui, elle était

bien décidée à travailler ailleurs. Elle ne pouvait

accepter indéfiniment l'hospitalité de son père et

d'Abby même s'ils la poussaient à s'installer avec

eux. En réalité, elle ressentait l'impérieux besoin

d'avoir un endroit bien à elle.

Elle sourit, pensant que, d'une certaine façon,

son père et Abby étaient de jeunes mariés ou, en

tout cas, qu'ils agissaient comme tels. Plus souvent

qu'à son tour, elle était tombée sur un échange

passionné de baisers. Et même si une part d'elle-

même se réjouissait sincèrement de leur bonheur, ces

moments lui rappelaient cruellement l'inexistence

de sa vie sentimentale.

Bien sûr, elle sortait avec des hommes au Texas.

Seulement, la plupart n'acceptaient pas qu'elle

veuille se garder vierge pour le mariage. Ils tenaient

à « essayer la marchandise », comme ils disaient


crûment, avant de s'engager. Ce qu'elle refusait

énergiquement. D'autant qu'elle avait été nourrie,

depuis qu'elle était haute comme trois pommes, du

récit idyllique de l'union de ses parents.

Casey voulait rencontrer elle aussi le grand amour,

et était prête à assumer le fait qu'elle ne coucherait

qu'avec son mari. Évidemment, après avoir découvert

la vérité sur ses parents, sa virginité avait perdu de

son importance. Et si elle l'avait conservée, c'était

tout simplement qu'elle n'avait pas rencontré d'homme

avec qui elle aurait partagé suffisamment de centres

d'intérêts pour partager aussi sa couche.

Ses pensées revenant à McKinnon, elle serra les

dents. Elle refusait d'envisager une telle éventualité

car il était aussi exaspérant qu'attirant. Et puis, à ce

tournant de son existence, elle avait d'autres sujets

de préoccupation, comme trouver du travail.

Avec un soupir, elle décida qu'elle réintégrerait

sa chambre après le dîner pour éplucher les petites

annonces du journal acheté pour l'occasion. Il était

grand temps de prendre en mains son avenir. La


décision de venir habiter dans le Montana pour se

rapprocher de Corey était un premier pas. L'étape

suivante serait de trouver un emploi et un logement.

- Je suis soulagé que tu acceptes mon hospita-

lité pour la nuit, McKinnon, dit Corey, tendant au

jeune homme un verre de son meilleur whisky. Tout

cavalier expérimenté que tu sois, la montagne est

dangereuse à cette heure. Il ferait nuit avant que tu

atteignes la vallée.

Il éclata de rire.

- Et Étoile du matin et Martin me feraient la

peau s'il arrivait malheur à leur fils aîné !

McKinnon sourit. Corey avait raison ; il entretenait

une relation très étroite avec sa mère et son père,

ainsi qu'avec ses trois plus jeunes frères. Matthew,

vingt-sept ans, Jason, vingt-cinq et Daniel. vingt-

trois, tous trois célibataires et sans intention de

changer de mode de vie avant longtemps.

McKinnon avait parfois du mal à croire que

Martin Quinn était en réalité son beau-père. Il était


adolescent lorsqu'on lui avait expliqué que son père

biologique, un descendant de créoles de couleur de

Louisiane, avait péri dans un accident de voiture

avant sa naissance. Sa mère, membre de la tribu

indienne des Blackfoot, avait trouvé un emploi de

comptable chez le très estimé juge Martin Quinn.

Elle était tombée amoureuse de lui et l'avait épousé

avant la venue au monde de l'enfant.

- Alors, comment vont les affaires ?

La question de Corey ramena McKinnon à la réalité.

- Elles iraient beaucoup mieux si j'obtenais que

Casey vienne travailler pour moi. Je sais que j'ai

tout gâché hier, mais j'avais de bonnes raisons. Tu

sais ce que je ressens à l'idée qu'une femme vienne

habiter au ranch.

Corey hocha la tête. Oui, il savait. Seulement,

il ne s'agissait pas de n'importe quelle femme ; il

s'agissait de sa fille. N'étant pas né de la dernière

pluie, il avait bien senti le courant qui passait entre

McKinnon et Casey dès qu'ils se trouvaient en

présence l'un de l'autre. Jusqu'à aujourd'hui, ils


s'étaient soigneusement évités, mais ce serait moins

facile pour eux maintenant que Casey vivait ici,

avec leurs parents qui étaient les meilleurs amis

du monde.

- Que vas-tu lui dire ?

McKinnon ne s'inquiétait pas trop. Quand il s'agis-

sait de persuasion, biologique ou pas, McKinnon

était bien le fils de Martin Quinn. Celui-ci ne serait

pas arrivé au sommet de la hiérarchie des magistrats

sans un grand talent dans ce domaine.

Corey sourit. La pauvre Étoile du matin ne savait

pas ce qui l'attendait, des années plus tôt, quand

Martin lui avait proposé un mariage de raison qui

avait fini par être tout sauf raisonnable.

- Je ne sais pas encore mais je trouverai, répondit

McKinnon. J'ai promis à Jamal que son cheval serait

prêt pour les courses d'automne et je compte bien

tenir parole.

Sur ces entrefaites, la belle Abby passa la tête par

l'entrebâillement de la porte et leur sourit.

- Navrée d'interrompre votre si importante


conversation, messieurs, mais le dîner va être servi

et Casey sera là d'un instant à l'autre !

- Nous arrivons, chérie, dit Corey, souriant à la

femme qu'il aimait à la folie et qu'il avait toujours aimée.

McKinnon observait le tendre échange entre

les époux, si semblable à celui qu'il avait toujours

observé entre ses parents. Certaines personnes

avaient la chance de rencontrer leur âme sœur et

de passer leur vie avec elle, dans une totale félicité.

Mais depuis longtemps, il avait accepté de ne jamais

en faire partie. Son avenir était tout tracé ; aucune

femme n'y avait sa place.

**

Consciente d'avoir déjà quelques minutes de retard,

Casey se rua dans I'escalier. Elle avait perdu du temps

au téléphone avec un de ses frères qui venait aux

nouvelles. Même au loin, Clint et Cole maintenaient

le contact avec elle. Elle sourit, songeant qu'il en


avait toujours été ainsi et que, même si pour rien au

monde elle ne le leur avouerait, elle trouvait bien

agréable d'être toujours l'objet de leurs attentions.

Nés triplés, tous trois entretenaient des relations

très étroites et étant ses aînés, Clint et Cole consi-

déraient de leur devoir de la protéger.

Elle gagna rapidement la salle à manger et se

figea sur place en découvrant McKinnon installé

à la table. Son père et lui se levèrent à son entrée

et elle essaya tant bien que mal de dissimuler son

déplaisir.

- Je suis surprise de vous trouver là, dit-elle en

essayant d'atténuer la sécheresse de sa voix.

Elle savait que le sourire qu'il lui adressait n'était

que pure provocation mais, avant qu'il ait pu ouvrir

la bouche, Corey répondait à sa place.

- Comme cela aurait été dangereux de regagner

la vallée de nuit, j'ai invité McKinnon à dormir ici.

expliqua-t-il quand ils se rassirent après qu'elle se

soit installée.

- Oui, bien sûr.


Casey réprima un mouvement d'humeur. La seule

idée que McKinnon et elle allaient passer la nuit

sous le même toit la mettait dans un tel état d'éner-

vement qu'elle préférait ne pas y penser. Quand les

plats commencèrent à circuler, elle essaya de fixer

son attention sur un autre sujet.

- Ça paraît délicieux, Abby.

Abby lui sourit.

- Merci, Casey. J'ai reçu un coup de téléphone

de Stone et Madison aujourd'hui, ajouta-t-elle,

s'adressant à la ronde. Ils sont au Canada et saluent

tout le monde. Ils espèrent nous rendre visite d'ici

quelques semaines.

- J'aimerais tant les voir, dit Casey.

Et elle était sincère. Elle avait découvert qu'il n'y

avait que deux femmes de sa génération nées dans

la famille Westmoreland : Delaney et elle. Delaney

vivait au loin, avec son cheik de mari. Néanmoins,

chaque fois qu'elle venait aux Etats-Unis, elle

prenait contact avec Casey. L'année dernière, elle

s'était même rendue au Texas pour la voir. Mais


à présent que Delaney était enceinte, ses voyages

étaient devenus plus rares.

Et puis, il y avait ses cousines par alliance, Shelly,

Tara, Jayla, Dana, Jessica et Savannah, d'adorables

jeunes femmes qu'elle avait appris à connaître. Quant

à Madison, la fille d'Abby, elle la traitait plus en

sœur qu'en cousine.

Décidant d'ignorer autant que possible McKinnon,

Casey se tourna vers Abby. assise près d'elle, et

se lança dans une conversation sur les dernières

tendances de la mode et les potins d'Hollywood.

Pourtant, bien qu'elle s'efforçât d'ignorer la

discussion entre Corey et McKinnon, des bribes lui

parvenaient malgré elle. Ils parlaient de la meilleure

méthode pour entraîner un cheval et elle n'arrivait

pas à croire possibles les énormités suggérées par

McKinnon. Son affaire péricliterait en un clin d'œil

s'il appliquait ses théories.

- Il serait peut-être préférable que vous vous

cantonniez à l'élevage plutôt que de vous lancer dans

le dressage, McKinnon, ne put-elle s'empêcher de


faire remarquer. Toute personne vraiment au fait de

l'éducation des chevaux et qui se tient au courant

des méthodes modernes sait que les entraves sont

un moyen de coercition barbare et inefficace.

McKinnon leva un sourcil, comme s'il ne prenait

pas ses propos au sérieux.

-Ah bon?

- Oui, parfaitement ! Si infliger la souffrance et

intimider a longtemps été la seule méthode appli-

quée, les mentalités ont évolué ! Les entraîneurs

utilisent maintenant des méthodes beaucoup plus

douces, fondées sur la communication avec les

chevaux. Et il est triste de constater que certains

propriétaires croient qu'il est bon pour un cheval

de rester attaché à un piquet ou de tourner en rond

jusqu'à épuisement !

McKinnon se renfonça contre le dossier de sa chaise.

- Et si vous aviez affaire à un cheval difficile

comme Prince charmant ou à un troupeau de chevaux

sauvages, que feriez-vous ?

- J'agirais de même. Toutefois, dans le cas de


Prince charmant, je dirais qu'il a été maltraité, et

assez récemment je suppose. Il a dû malgré tout

avoir, à un moment ou à un autre, un dresseur

plus compréhensif et, quand je me suis mise à lui

parler pour le calmer, il s'est souvenu de ces jours

heureux et c'est pourquoi il ne m'a pas attaquée.

Quoi qu'il en soit, je suis totalement opposée aux

méthodes violentes en ce qui concerne Ie travail

des chevaux.

- J'apprécie votre avis, Casey, mais je ne suis

pas d'accord. Si je désapprouve la cruauté envers

un cheval, je continue de penser que les méthodes

traditionnelles ont fait leurs preuves. Vous avez eu

beaucoup de chance hier avec Prince charmant,

mais je doute que la douceur marche avec tous les

chevaux. Par exemple, il serait impossible d'obtenir

que Prince charmant soit prêt pour les courses

d'automne sans employer la manière forte.

- Je ne suis pas d'accord !

Il soutint son regard.

- Vous en avez parfaitement le droit, Casey. Mais


nous sommes dans le Montana ici, pas au Texas.

Nous n'avons pas les mêmes pratiques.

- Pourtant, un cheval reste un cheval. Et pourquoi

pratiquer différemment quand on peut obtenir

de meilleurs résultats ?

Casey but nerveusement une gorgée de limonade.

Elle avait le plus grand mal à rester aimable. Il fallait dire

qu'il n'y mettait pas du sien. Pourquoi se montrait-il si têtu ?

- Je trouve insupportable que certains entraî-

neurs ne cherchent que le profit, c'est-à-dire des

résultats rapides, alors qu'avec amour et patience

on obtient tout d'un cheval. Si vos méthodes sont

utilisées sur une certaine période, elles rendront le

cheval anxieux et désireux de rendre la pareille à

son propriétaire.

- A vous entendre, Casey, un cheval serait presque humain.

- C'est faux ! Ce que je dis, c'est que, s'agissant

de chevaux, il faut établir à la base une relation de

confiance sur laquelle tout travail ultérieur s'appuiera.

Sans cette base solide, il ne faut pas espérer préparer

un cheval comme Prince charmant à faire quoi que


ce soit, et surtout pas à gagner une course...

En réalité, McKinnon était tout à fait d'accord

avec les théories de Casey, mais pas question de le

lui faire savoir ! Il jouerait l'avocat du diable jusqu'à

ce qu'il l'ait amenée là où il le désirait.

- Je pense que vous avez tort, Casey.

- Et moi, je pense que vous êtes trop étroit

d'esprit pour admettre que j'ai raison !

Son regard rivé au sien, il haussa un sourcil

- Je vous mets au défi de me prouver que j'ai tort.

- Pari tenu ! s'écria-t-elle sans réfléchir.

Il se pencha en avant.

- Très bien. Et puisque vous êtes si excitée par

l'idée d'appliquer vos nouvelles méthodes, vous avez

huit semaines pour mener le travail à bien. Vous

logerez au ranch et recevrez un bon salaire.

Casey cligna des yeux, effarée.

- Qu'est-ce que vous racontez ?

- Vous venez de relever un défi. Mais si vous

craignez d'échouer à me prouver que j'ai tort au sujet

de Prince charmant, je vous rends votre parole.


Casey le fusilla du regard.

- Je sais de quoi je suis capable, McKinnon !

- C'est vous qui le dites. Mais enfin, je ne veux

pas vous mettre au pied du mur. Je comprendrais

parfaitement que vous ne vous sentiez pas capable

de gérer la situation.

Le regard de Casey se fit menaçant.

- Dans ce domaine, McKinnon, je peux gérer

n'importe quelle situation !

Il haussa les épaules.

- Vous avez huit semaines pour le prouver.

Du regard, Casey fit le tour de la table. Son père

et Abby, demeurés silencieux durant l'échange, la

fixaient. Difficile de reculer maintenant, même si

elle avait la nette impression d'avoir été délibérément

poussée dans cette direction par McKinnon.

Elle posa sur lui un regard glacé.

- Très bien. Je vous montrerai de quoi je suis

capable, McKinnon Quinn. J'espère juste que vous

êtes prêt à reconnaître vos torts.

McKinnon se renversa contre le dossier de sa


chaise. Il valait mieux taire à Casey que, dût-il vivre

jusqu'à l'âge avancé de cent ans, il ne serait jamais

prêt pour quoi que ce soit avec elle.

-4-

La voiture bleue accrocha le regard de McKinnon

au moment où il sortait des écuries. Il s'arrêta un

instant pour observer la jeune femme assise au

volant. Elle lui avait promis d'être là deux jours

plus tard, elle avait tenu parole.

Il éprouvait toujours des sentiments mitigés au

sujet de sa venue mais, ayant une entreprise à gérer,

il ne pouvait guère se permettre d'avoir des états

d'âme. D'ailleurs, il lui suffirait de se raisonner et

de garder ses distances. Déjà, elle vivrait dans le

cottage et pas sous le même toit que lui. se dit-il

en la regardant projeter ses belles jambes hors

de la voiture. Vision qui l'obligea à reprendre sa


respiration.

Regardant autour de lui, il constata qu'il n'était

pas le seul à avoir remarqué son arrivée ou, tout

au moins, ses jambes. Les ouvriers avaient tous

interrompu leur tâche pour admirer le spectacle

et un silence de mort s'abattit sur le ranch quand

elle se tourna pour prendre un sac posé sur le siège

arrière. Elle portait un chemisier vert menthe qui

moulait ses seins parfaits et une jupe qui dansait

sur ses jambes si bien galbées.

Quand elle se dirigea vers I'arrière de sa voiture

et ouvrit le coffre. tous comprirent qu'elle emmé-

nageait. Connaissant sa décision de ne tolérer

aucune femme dans son ranch, la plupart des

hommes de McKinnon s'en étonnèrent. Mais ils

I'examinaient aussi pour une tout autre raison.

Lors de sa précédente visite, elle avait gagné leur

respect par sa façon d'agir avec Prince charmant.

De leur point de vue, elle avait épargné à Edwards

Price d'être piétiné à mort en mettant en danger

sa propre vie.
Quand ses hommes de main se précipitèrent vers

la voiture pour aider Casey à sortir ses bagages,

se bousculant dans leur hâte à lui proposer leurs

services, McKinnon secoua la tête. Il lui faudrait

avoir une discussion sérieuse avec eux et bien leur

expliquer que Casey avait été engagée pour accom-

plir un travail, et uniquement pour ça.

Quand il devint évident que Jed Wilson et Evan

Duvall allaient en venir aux mains pour savoir lequel

offrirait son aide à Casey, McKinnon décida qu'il

était temps d'intervenir.

- Remettez-vous au travail, les gars ! J'aiderai

moi-même Casey à porter ses bagages.

Il vit la déception se peindre sur les visages des

hommes pendant qu'ils obtempéraient, les laissant

seuls, Casey et lui.

- Bonjour, dit-il.

A son expression, on devinait qu'elle n'était pas

extrêmement satisfaite de se retrouver là.

- Bonjour, McKinnon. Je vous serais reconnais-

sante de me montrer l'endroit où je vais habiter.


Malgré ses efforts, elle n'arrivait pas à maîtriser

totalement son amertume.

- Suivez-moi. Je reviendrai chercher vos bagages

plus tard. Le cottage se trouve derrière la grande

maison.

Tandis qu'ils contournaient la maison princi-

pale, une fois de plus. Casey se dit que le ranch de

McKinnon se dressait sur un magnifique terrain.

Le chaud soleil du Montana qui brillait par cette

journée superbe lui rappela le Texas et elle soupira,

pleine de nostalgie pour son pays.

- Vous allez bien ?

Elle tourna la tête vers McKinnon. Oh ! si seule-

ment il ne possédait pas des yeux aussi sombres,

aussi intenses et enjôleurs.

- Très bien. C'est que je suis dans le Montana

depuis un peu plus d'une semaine et le Texas me

manque déjà.

- Le temps est doux pour la saison, expliqua-

t-il d'une voix dénuée de chaleur. Ce qui signifie

qu'on peut s'attendre à un hiver plus rigoureux que


la normale.

Casey frissonna.

- Je supporte mal le froid.

- Si vous comptez vous installer dans la région,

je vous conseille de vous y habituer, répliqua-t-il

d'un ton brusque. Sinon, vous n'arrêterez pas de

claquer des dents. Le Montana est réputé pour sa

beauté mais aussi pour la rigueur de ses hivers.

Un frisson qui ne devait rien au froid parcourut

Casey quand leurs bras se frôlèrent et elle s'étonna.

Jusqu'à présent, aucun homme n'avait provoqué une

telle réaction chez elle. Troublée, elle ne put s'em-

pêcher de jeter un coup d'œil sur le corps musclé

de son compagnon, d'une beauté attirante.

Quand ils atteignirent le cottage, elle s'écarta

pour lui permettre d'ouvrir la porte. Quand ce fut

fait, il lui fit signe d'entrer et la suivit à I'intérieur.

Comme il se dirigeait vers I'extrémité opposée de

la pièce, elle se détendit et examina les lieux. De

vastes proportions, la salle était décorée dans de

jolis tons naturels, et les meubles, fruits de l'arti-


sanat local, taillés dans un beau bois sombre, ainsi

que la baie donnant sur les montagnes donnaient à

la pièce un aspect confortable.

- Vous pouvez visiter la chambre et Ia salle de

bains pendant que je vais chercher vos bagages,

suggéra-t-il.

Elle se tourna vers l'endroit d'où provenait sa voix.

- D'accord.

- Il n'y a pas de cuisine car les repas sont servis

dans la grande maison. Mais si vous préférez les

prendre ici, c'est possible. Prévenez simplement

Henrietta.

Casey haussa les sourcils.

- Henrietta ?

- Ma gouvernante.

- Elle vit au ranch ?

- Oh non ! se récria McKinnon comme si la

supposition était absurde. Henrietta et son mari

Lewis vivent à quelques kilomètres d'ici, pas très

loin de chez mes parents. Elle vient tous les jours

de 6 heures du matin à 6 heures du soir.


Il s'écarta du mur.

- Je rapporte vos bagages.

Quand il quitta la pièce, Casey éprouva du soula-

gement à être débarrassée de sa présence. McKinnon

transpirait la sensualité par tous ses pores et, en

tant que femme, elle était pleinement consciente

de sa virilité. Elle tenait par-dessus tout à juguler

les sentiments troublants qu'il éveillait en elle et

à combattre le crépitement de désir qui la faisait

tressaillir quand elle se trouvait près de lui.

Décidant de secouer ces pensées incongrues, elle

traversa la pièce pour aller admirer les montagnes

qui formaient le fond du décor.

Il s'agissait d'accomplir une tâche, rien de plus.

Ce ne devait tout de même pas être si difficile.

Ainsi que McKinnon l'avait suggéré, Casey

examinait les lieux quand il revint avec ses bagages.

En la découvrant près du massif lit de chêne, son

pouls s'accéléra. Il y avait quelque chose dans la vue

d'une jolie femme près d'un lit qui devait produire


un effet sur tous les hommes sans exception.

En I'entendant entrer dans la chambre, Casey se

retourna et il sentit une sorte de courant passer entre

eux. Ce qui lui déplut prodigieusement. Furieux de

son incapacité à se contrôler comme d'ordinaire

avec les femmes, il posa le sac sur le lit.

- Je vous laisse défaire vos bagages, dit-il d'un

ton bourru. Puisque vous ne commencez officielle-

ment votre travail que demain, vous pouvez profiter

de la journée pour vous installer.

- Très bien. Et je vous remercie d'avoir apporté

mes bagages.

- Ce n'est rien.

Il jeta un coup d'œil à sa montre.

- Connaissant Henrietta, elle va venir se présenter

sous peu.

- J'attends avec impatience sa visite.

McKinnon souhaitait pouvoir fixer son attention

sur les propos de Casey plutôt que sur ses traits,

qu'il trouvait plus harmonieux que jamais. Ses yeux,

sa bouche, ses cheveux convenaient parfaitement


à son visage.

- Y a-t-il autre chose ? demanda-t-elle.

Il se reprit et fronça les sourcils. mécontent qu'elle

l'ait surpris à la dévisager.

- Non, rien. A ce soir, au dîner.

- Non.

- Pardon ?

- Vous ne me verrez pas au dîner. Je suis invitée.

La nouvelle ne fit qu'ajouter à son irritation. Et

bien qu'il s'interdise de se demander avec qui elle

partagerait son repas, la curiosité le démangeait.

S'agissait-il de Cal Hooper ? D'un homme rencontré

depuis son arrivée ? Mais quelle importance ? Et,

surtout, pourquoi I'idée le contrariait-elle autant ?

- Très bien. Passez une bonne soirée.

Il s'apprêtait à se retirer quand elle le rappela.

- McKinnon ?

Il se retourna. Pour une raison inconnue, il se

sentait d'humeur maussade. Il avait envie de passer

sa colère sur un objet, ou plutôt de briser les os de

quelqu'un, par exemple à l'homme qu'elle allait


retrouver.

- Quoi ? demanda-t-il avec brusquerie.

Il vit qu'elle n'appréciait guère sa grossièreté.

- Je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression

que vous ne m'aimez pas et que vous mettez de

côté vos réticences pour utiliser mes compétences,

dit-elle, les mains sur les hanches. Ça ne me dérange

pas parce que, pour parler franchement, moi non

plus je n'ai pas envie d'être ici.

Il croisa les bras sur sa poitrine et la toisa du regard.

- Dans ce cas, pourquoi ôtes-vous venue ?

- Pour vous prouver que toutes les femmes ne

sont pas incompétentes en matière de chevaux.

La mine de McKinnon s'assombrit encore.

- Je n'ai jamais dit ça !

- Pas explicitement mais c'était visiblement le

fond de votre pensée quand vous avez refusé de

m'engager le premier jour.

Elle était si loin de la vérité que c'en devenait

pathétique. S'il avait refusé de l'engager ce jour-là,

ce n'était pas parce qu'il doutait de ses capacités à


entraîner les chevaux mais parce qu'il faisait trop

confiance à ses capacités de séductrice. Casey était

une femme très désirable mais il ne pouvait lui

faire un tel aveu.

- Vous vous trompez, Casey. J'ai un grand

respect pour les femmes qui savent s'y prendre

avec les chevaux. En réalité, le plus grand homme

de cheval que j'aie connu était une femme. Et elle

surpasse en monte, lancer de lasso et probablement

tir, n'importe quel homme de ma connaissance. J'ai

énormément d'estime pour elle.

- Qui est-ce ? demanda Casey, très intriguée.

- Ma mère, Étoile du matin. répondit-il avant

de faire demi-tour et de quitter la pièce.

- Quelle charmante enfant !

Se retournant, Casey découvrit une femme au

sourire si lumineux et gai qu'elle le lui retourna

spontanément.

- Merci ! Je suppose que vous êtes Henrietta.

Le rire de la gouvernante résonna dans la pièce.


- C'est bien moi ! Et vous êtes la fille de Corey

Westmoreland. Vous lui ressemblez tellement ! En

beaucoup plus jolie, je dois dire.

- Merci.

- McKinnon m'a donné l'ordre express de ne pas

vous déranger pendant que vous vous installiez. J'ai

pensé que ceci rendrait l'endroit plus accueillant pour

vous, ajouta-t-elle en tendant à Casey un b ouquet

de fleurs fraîchement cueillies.

Le visage de Casey s'illumina.

- Oh ! merci. Elles sont très belles.

- Je vous en prie. Je les cultive moi-même dans

le jardin de fleurs, à côté de la grande maison.

Elle rit.

- C'est un bon moyen de pression pour McKinnon.

Quand il veut me faire céder, il menace de le tondre.

Mais il ne me fait pas peur !

- Vraiment ?

- Pas le moins du monde ! Je connais cet enfant

depuis sa naissance. J'ai été sa première et unique

nounou, alors vous pensez si je sais comment le prendre !


Casey se demanda quel genre d'enfant avait été

McKinnon mais se garda de poser la question.

- Et vous vous occupez toujours de lui, dit-elle, cher-

chant des yeux un endroit où placer le bouquet.

- C'est qu'il a besoin de moi ! Si je ne lui

préparais pas un bon repas de temps à autre, il se

laisserait probablement mourir de faim. A propos

de repas, si j'ai bien compris, vous ne me ferez pas

le plaisir de vous préparer un menu spécial pour

votre arrivée ?

Casey sourit. Elle trouvait déjà extrêmement

sympathique cette grande et robuste personne.

- Je suis vraiment navrée mais mon cousin m'a

invitée à dîner.

Henrietta hocha la tête.

- J'imagine qu'il s'agit de Durango. Dans ce

cas, je vous pardonne ! Je suis si heureuse que ce

garçon se soit marié et qu'il y ait un bébé en route !

Ça prouve que les miracles existent. Vous voyez,

même un célibataire endurci peut se laisser fléchir

si son âme sœur se présente.


Casey espéra que la brave femme ne faisait pas

allusion à une quelconque possibilité de romance

entre McKinnon et elle. Parce que, dans ce cas, elle

risquait fort d'être déçue ! Jamais elle ne se laisserait

attendrir par un homme de sa trempe, beaucoup

trop réservé, rigide et amer à son goût.

- Je me réjouis également pour Durango et

Savannah. Ils sont très heureux ensemble, dit Casey,

espérant qu'Henrietta n'insisterait pas.

- Je suppose que c'est à cause de votre décision

de dîner dehors que McKinnon m'a dit qu'il était

inutile que je cuisine. Il a aussi des projets mainte-

nant, semble-t-il. Je crois qu'il dîne en ville.

Si la curiosité de Casey était éveillée, une part

d'elle-même ne voulait pas savoir ce que faisait

McKinnon quand il se rendait en ville ni qui il voyait.

- Vous avez donc votre soirée pour vous, dit-elle.

- Oui, je vais rentrer chez moi d'ici quelques

heures. à moins que vous n'ayez besoin de moi. J'ai

essayé de rendre cette maison aussi agréable que

possible pour votre venue.


- Et vous y avez merveilleusement réussi,

Henrietta. Je suis déjà certaine que je vais m'y sentir

chez moi le temps que je passerai au ranch.

- C'est le souhait de McKinnon.

Casey en doutait fort mais garda son opinion pour

elle. Cependant, elle avait deux ou trois questions à

poser auxquelles Henrietta pourrait répondre. Elle

aurait pu s'adresser à McKinnon mais, moins elle le

verrait, mieux elle se porterait. Ce serait pourtant

utile de connaître les horaires du ranch, le matin,

par exemple. Pas question qu'elle dorme pendant

que les autres seraient à l'ouvrage. Les ouvriers de

son père commençaient leur journée dès 4 heures

du matin.

- Si vous buviez une tasse de café avec moi ? J'ai

quelques questions à vous poser sur l'organisation

du ranch et je préfère ne pas ennuyer McKinnon

avec ces détails.

Henrietta sourit.

- J'y répondrai bien volontiers. Vous avez apporté

une cafetière ?
- Oui. J'ai juste besoin d'une prise. Je vais utiliser

la table du couloir et nous pourrons nous installer

sur le canapé. J'aime la vue sur les montagnes.

- N'est-elle pas magnifique ? demanda Henrietta,

regardant par la fenêtre. Le seul point noir de cette

maison, c'est l'absence de cuisine. J'en ai parlé à

McKinnon pendant la construction mais il a prétendu

que ce serait superflu vu qu'il s'agissait juste d'une

annexe pour loger les gens, que c'était tout près de

la grande maison et qu'on pouvait y faire un saut

si on avait faim.

Casey hocha la tête, pas vraiment surprise qu'il

ait réagi ainsi étant donné son caractère inflexible

et obtus.

- Asseyez-vous donc en attendant que j'apporte

le café, proposa-t-elle.

La présence d'Henrietta l'aiderait certainement à

supporter le temps qu'elle aurait à passer au ranch,

se dit Casey en allant préparer le café.

Alors qu'il s'engageait dans l'allée de Durango,


McKinnon reconnut immédiatement Ia voiture bleue

garée devant la maison. Apparemment. Savannah

avait de son côté invité Casey à dîner. Au temps

pour le mystère dont celle-ci entourait son invi-

tation. Soudain pourtant, il rengaina son sourire.

Les nouveaux époux n'auraient-ils pas imaginé ce

stratagème pour tenter de les rapprocher ?

McKinnon avait du mal à croire que Durango lui

aurait joué pareil tour. C'était son meilleur ami ;

il savait pourquoi il ne caresserait jamais l'idée

de se marier et de fonder une famille. Cependant,

il se pouvait très bien que Durango n'ait pas mis

Savannah dans le secret de son problème médical.

Et dans ce cas. Savannah, qu'il considérait comme

une sœur depuis son mariage avec Durango, s'était

peut-être mise en tête qu'il lui fallait une femme

dans sa vie. Une fois mariés, les gens avaient souvent

tendance à vouloir imposer le même mode de vie

à leurs amis.

Il descendit de voiture, se demandant comment

il allait supporter toute une soirée avec Casey. Il


aurait mieux fait de décliner I'invitation et de s'en

tenir à son premier projet : dîner au restaurant et

se dénicher une gentille petite compagne d'un soir.

Il ne tenait pas de comptes, mais il y avait bien six

mois qu'il n'avait profité de la compagnie d'une

femme. Il avait été bien trop occupé par le ranch

pour chercher une partenaire de lit.

Il hocha la tête, cherchant à se convaincre que

cette trop longue période d'abstinence expliquait

son attirance pour Casey. Tout de suite pourtant, il

reconnut que c'était faux. Il l'avait toujours trouvée

désirable.

Quand Durango vint lui ouvrit la porte, McKinnon

attaqua sans détour.

- Ta femme ne t'aurait pas demandé de jouer

les entremetteurs, par hasard, Rango ?

Durango secoua la tête en riant.

- Voyons, tu me connais ! J'ignorais ta venue

jusqu'à il y a deux heures. Mais je ne devrais pas

être surpris. Savannah a décidé qu'il te fallait quel-

qu'un de particulier dans ta vie.


McKinnon fronça les sourcils.

- J'ai quelqu'un de particulier. Il s'appelle Thunder.

Durango rit.

- Permets-moi de ne pas partager ton avis. Un

cheval dans ton lit le soir ne fera pas l'affaire.

- Je n'ai pas besoin d'une femme dans mon lit le soir !

La mine de McKinnon s'assombrit un peu plus.

- Je suppose que tu n'as pas raconté à Savannah

que je ne pouvais avoir de femme en particulier

dans ma vie, même si je le souhaitais.

Durango croisa le regard de McKinnon.

- Non. C'est à toi de partager ton secret si tu le désires.

- Merci.

- Tu n'as pas à me remercier et tu le sais très bien !

McKinnon hocha la tête. Oui, il le savait très bien.

Durango et lui étaient amis intimes depuis cette sale

histoire, quand ils avaient dix ans et qu'ils voulaient

devenir frères de sang. Le couteau qu'ils utilisaient

ayant glissé et entaillé plus profondément que prévu

la main de McKinnon, celui-ci avait atterri aux

urgences pour des points de suture.


- Mais tu connais mon point de vue sur la ques-

tion, McKinnon. On peut toujours envisager...

- Non, Rango. Tu ne me feras pas changer d'avis.

J'ai pris ma décision ; je ne reviendrai pas dessus.

- Il me semblait bien avoir entendu quelqu'un

arriver ! s'exclama Savannah. venant vers eux avec

toute l'agilité dont était capable une femme enceinte

de cinq mois.

Elle était si forte que les médecins avaient soup-

çonné un moment qu'elle attendait des jumeaux.

Mais une récente échographie avait montré qu'il

n'en était rien. Savannah attendait une grosse et

unique petite fille.

Elle traversa la pièce pour venir embrasser McKinnon.

- Tu es plus beau que jamais. dit-elle avec un sourire.

McKinnon était plutôt content de la diversion.

Jamais il ne tomberait d'accord avec son ami sur les

conséquences de ses problèmes médicaux.

- J'ai l'impression que tu mijotes quelque chose,

dit-il, cherchant sur le visage de Savannah des traces

de culpabilité.
La jeune femme éclata de rire.

- Pourquoi ferais-je une chose pareille ?

McKinnon croisa les bras sur sa poitrine.

- C'est ce que j'aimerais savoir. Et ne me regarde

pas comme ça !

Savannah secoua la tête en riant et rejeta derrière

son épaule ses cheveux châtains.

- Je ne te regarde d'aucune façon particulière,

alors cesse de te montrer soupçonneux.

Rapidement, elle ajouta avec un sourire :

- J'ai oublié de te dire que j'avais aussi invité

Casey. Elle est en train de téléphoner dans le bureau

de Durango. Tara vient d'appeler. Elle aura sa

première échographie dans quelques semaines et

Thorn et elle sont complètement surexcités.

- Qu'est-ce que va devenir ta famille avec tous

ces futurs bébés, Durango ? demanda McKinnon,

hochant la tête.

Durango rit.

- Nous leur ferons de la place ! J'ai parlé à

Stone au téléphone hier soir. Madison et lui vont


passer nous rendre visite à leur retour du Canada.

J'ai l'impression qu'ils ont une nouvelle à nous

apprendre.

McKinnon ouvrait la bouche pour répondre

quand Casey entra dans la pièce. A en juger par son

expression, elle paraissait surprise de le trouver là,

ce qui signifiait qu'elle ignorait sa présence au dîner.

Elle avait passé une jupe et un chemisier, tenue qui

lui allait tout aussi bien que la précédente.

- Bonsoir, McKinnon.

- Bonsoir, Casey, répondit-il avec raideur.

- Bien..., dit Savannah, arborant un radieux sourire.

Elle regarda tour à tour McKinnon et Casey tout

en ignorant I'air mécontent de son mari.

- J'espère que vous avez faim, mes enfants,

parce que j'ai préparé un véritable festin !

-5-
Sitôt le repas terminé, McKinnon se retira. Passer

trop de temps auprès de Casey ne lui réussissait pas.

Pendant tout le dîner, il s'était surpris à l'observer et,

chaque fois que leurs regards se croisaient, il avait

reçu un drôle de coup au cœur. A dire vrai, même

quand elle ne le regardait pas, lui la mangeait des

yeux. Il étudiait sa bouche et pensait au milliard de

choses qu'il pourrait lui faire. Chaque fois qu'elle

se levait de table. il admirait son corps ferme et son

esprit vagabond I'imaginait nue dans son lit.

Il avait décliné l'offre du dessert, remercié

Savannah pour le délicieux repas et fait savoir à

Durango qu'il prendrait contact avec lui durant la

semaine. Puis, sur un signe de tête à l'intention de

Casey, il était parti et avait roulé jusqu'au ranch à

vive allure. Normal, se dit-il. Souvent, les hommes

trouvent une soupape à leur frustration sexuelle

dans la vitesse. Encore heureux qu'il ne soit pas

tombé sur un adjoint du shérif posté sur une route

secondaire pour un contrôle radar.

Une fois chez lui, il se rendit dans la cuisine pour


prendre une bière dans le réfrigérateur. Une demi-

heure plus tard, après avoir pris une douche froide,

il se glissa entre ses draps frais avec l'intention de

profiter d'une bonne nuit de sommeil. Cependant,

ses yeux à peine fermés, son esprit opéra un retour

vers le passé et les raisons pour lesquelles il dormait

seul dans son lit.

Il avait acheté le ranch à vingt-cinq ans, sachant

déjà qu'il y vivrait seul. Il savait aussi qu'il mour-

rait célibataire puisqu'iI refusait énergiquement de

fonder une famille au risque de transmettre à ses

enfants la maladie génétique héritée de son père

biologique.

Quand il était tombé amoureux de Lynette, il

avait cru qu'elle l'aimait aussi. Il l'avait si bien

cru que, fait exceptionnel. il s'était senti capable

de lui proposer de vivre avec lui aussi bien que

de lui révéler ses antécédents médicaux. Il avait

la ferme intention de la demander en mariage si

elle l'acceptait tel qu'il était. Cependant, moins de

quarante-huit heures après qu'il lui avait expliqué


sa situation, elle le quittait, lui laissant une lettre

lui expliquant sommairement qu'elle ne pouvait

envisager d'épouser un homme qui lui refuserait

le bonheur d'être mère.

Il avait reçu une autre lettre d'elle, environ un

an plus tard, où elle s'excusait du chagrin qu'elle

lui avait causé et l'informait qu'elle avait rencontré

quelqu'un, s'était mariée et attendait un enfant.

Avec un juron, il repoussa les couvertures. Une

fois hors du lit, il enfila son jean. C'était par des

nuits comme celle-ci qu'il éprouvait le besoin

d'aller s'immerger dans la nature sauvage. Il savait

que lorsqu'il pénétrerait dans l'écurie, Thunder

comprendrait. Ce cheval était plus intelligent que

permis. Quand ils partaient dans la nature, ils ne

formaient plus qu'une entité, mi-homme, mi-bête,

qui volait librement dans le vent.

Ce soir, il avait besoin de la griserie de la vitesse,

besoin d'écarter de son esprit la seule femme qu'il

ne pouvait posséder, de cesser d'imaginer comment

elle serait entre ses bras, quel effet produirait Ia


sensation de son corps si mince fondant contre Ie

sien. Mais ce qui le rendait vraiment fou, c'était

d'imaginer son goût et combien il serait délicieux

de le percevoir sur sa langue.

Bref, elle l'obsédait, ce qu'il s'était juré de ne plus

tolérer d'aucune femme.

Casey se tenait près de la fenêtre de sa chambre

et regardait au-dehors les montagnes qu'on distin-

guait nettement sous le ciel illuminé par la lune.

Elle frissonna en se remémorant la soirée, quand,

assise en face de McKinnon à Ia table du dîner,

elle essayait de s'intéresser davantage au contenu

de son assiette qu'à lui.

Et puis, il y avait eu ce moment où, comme elle

aidait Savannah à débarrasser la table, il lui avait

tendu son assiette. Lorsque leurs mains s'étaient

frôlées, elle avait ressenti une intense chaleur envahir

son corps. Il y avait eu aussi les moments où elle

I'avait surpris en train de la dévorer des yeux. Le

seul fait de repenser au désir qu'elle avait lu dans


son regard la troublait au-delà de toute expression,

et rien n'arrivait à apaiser cette émotion.

Elle avait essayé de dormir mais son esprit en

ébullition lui interdisait tout repos. Des images de

McKinnon la tenaient en éveil. Comment pourrait-elle

se concentrer sur l'entraînement de Prince charmant

quand elle avait tant d'autres idées en tête ?

Comprenant qu'il était inutile d'espérer trouver le

sommeil, elle décida de sortir faire un tour dehors.

Après avoir passé une robe de chambre, elle gagna

le jardin entre les deux maisons où Henrietta culti-

vait avec amour une multitude de fleurs. C'était une

nuit superbe, la nuit idéale pour admirer le ciel du

Montana en respirant le parfum des fleurs.

Elle profitait du jardin depuis environ un quart

d'heure et songeait à regagner la maison quand un

bruit attira son attention. Son cœur bondit et elle

cessa de respirer, clignant des yeux en se demandant

si elle avait des visions ou si McKinnon se tenait

vraiment à quelques mètres d'elle, campé sur son

immense cheval noir et l'observant.


Cependant, quand elle le vit glisser à bas de sa

monture, elle comprit qu'il ne s'agissait pas d'une

hallucination.

Elle essaya en vain de se ressaisir. Elle sentait sa

respiration s'accélérer à mesure qu'il s'approchait

d'elle.

La lune éclairait suffisamment sa beauté virile

pour qu'elle remercie le ciel d'être née femme. Ses

cheveux tombaient en désordre sur ses épaules ;

il portait un jean mais allait torse nu. Son corps

solide et musclé évoquait un animal sauvage et cette

vision lui coupa le souffle. Elle savait pourtant que

celui qui s'approchait à pas lents ne représentait pas

une menace pour elle. En tout cas, pas une menace

physique. En ce qui concernait ses émotions, c'était

une autre histoire.

- Que fabriquez-vous ici ? demanda-t-il de

cette voix âpre et traînante qui lui donnait la chair

de poule.

Il vint se placer devant elle. A la lumière de la lune,

elle distinguait I'intensité de son regard noir.


- Comme je n'arrivais pas à dormir, j'ai décidé

de faire un petit tour.

Brusquement consciente que son mince vêtement

n'offrait qu'une faible protection contre la chaleur

qui brûlait dans ses yeux, elle rajusta précipitam-

ment la ceinture de sa robe de chambre.

- Vous devriez rentrer, dit-il d'un ton bougon.

- C'est ce que j'allais faire.

Après quelques instants de silence, elle demanda:

- Que faites-vous dehors à cette heure ?

Elle crut tout d'abord qu'il ne lui répondrait pas.

- Comme je n'arrivais pas non plus à dormir,

j'ai eu I'idée de monter Thunder.

Elle inspira une longue bouffée d'air.

- Eh bien, je ferais mieux de rentrer. Bonne...

- Je sais pourquoi nous n'arrivons pas à dormir,

déclara abruptement McKinnon.

Comme il se rapprochait encore, elle soutint son regard.

- Vraiment ?

- Oui. Voilà ce qu'il nous faut.

Sur ces mots, il la prit dans ses bras et posa


ses lèvres sur les siennes. Il I'embrassa d'abord

doucement mais, après quelques instants, saisissant

ses hanches, il plaqua son corps contre le sien et

fouilla sans ménagement sa bouche.

Devant son bref sursaut, le frémissement de tout

son corps, McKinnon se dit que, en trente années

d'existence, cette fille n'avait jamais été correctement

embrassée. Et qu'il soit pendu s'il ne comptait pas

faire sans délai son éducation dans ce domaine.

Ses doigts se crispèrent sur la taille de Casey

comme il approfondissait son baiser, savourant en

pionnier les profondeurs humides de sa bouche.

C'était chaud et délicieux. Et comme elle lui rendait

caresse pour caresse, le désir l'embrasa tandis que

son cerveau se mettait en berne. En cet instant, plus

rien ne comptait que de serrer Casey dans ses bras,

de l'embrasser à l'étouffer.

Une petite voix lui soufflait bien qu'il devrait

arrêter, mais la part de lui-même qui avait perdu

le contrôle de la situation le pressait de continuer

sous prétexte que ce serait sa seule occasion de se


conduire ainsi. Demain, elle commençait officiel-

lement à travailler pour lui et il devrait se montrer

raisonnable. Pas question d'avoir une aventure avec

une de ses employées, surtout celle-ci. C'était une

Westmoreland, bonté divine ! Mais pour ce soir, il

revendiquait le droit à la folie.

Il la sentit soupirer dans sa bouche et l'embrassa

de plus belle, unissant leurs lèvres, échangeant

leurs souffles, mêlant leurs goûts. Sa langue explo-

rait à fond sa bouche, suçant. léchant. mordillant,

bref, le baiser le plus érotique jamais donné à une

femme.

Et il n'avait pas l'intention de s'arrêter en si bon

chemin. Bien au contraire. Il avait envie de pousser

les choses plus loin. Il voulait détacher sa bouche

de ses lèvres et tracer un chemin de baisers le long

de son cou, ouvrir sa robe de chambre. écarter sa

chemise de nuit et prendre ses seins dont les pointes

se pressaient contre le léger tissu.

Il glissa une main dans l'entrebâillement de la

robe de chambre et lorsqu'elle rencontra un sein, il


poussa un soupir de béatitude. Même à travers la

dentelle de la chemise de nuit, il pouvait affirmer

qu'il était d'un galbe exquis. Puis il écarta les pans

de la robe de chambre, avec l'urgent besoin de la

toucher sinon de l'embrasser à cet endroit précis.

Au moment où sa main entra en contact avec la

peau nue de son sein, une partie bien précise de

son anatomie prit soudain la dureté du roc et il crut

mourir sur-le-champ.

Il lâcha sa bouche et. avant qu'elle puisse prononcer

un seul mot, se pencha pour prendre la pointe d'un

sein entre ses lèvres et la suça, la lécha comme un

dément. Il entendait les gémissements de plaisir

sourdre de la gorge de Casey, la sentait se cambrer

pour lui donner un meilleur accès à son sein. ll était

fou de son corps et pouvait dire à ses soupirs de

volupté qu'elle savourait intensément ses caresses.

Et il se demanda comment elle réagirait s'il faisait

glisser ses lèvres le long de son corps pour aller

explorer une autre région très secrète.

Il bougea légèrement, prêt à se baisser pour tenter


l'expérience quand un coyote hurla au loin. Alors,

pour une obscure raison, McKinnon se rétracta. Il

s'attarda sur son sein, en souligna de la langue les

reliefs avant de relever la tête pour reprendre ses

lèvres, éprouver leur douceur, se délecter de leur goût.

- Casey, dit-il très doucement, comme pour ne

pas briser le sortilège.

- Oui, répondit-elle.

Entendant le tremblement de sa voix, il sourit,

sachant qu'il en était la cause.

- J'aime ton goût.

Il recula pour la regarder tout en remettant en

place sa chemise de dentelle et en refermant sa robe

de chambre. Devant son expression égarée, il eut

envie de I'embrasser encore.

Il sourit.

- Tu ne reçois pas souvent de baisers, j'ai l'impression.

Elle pressa son visage contre sa poitrine pour

cacher son embarras. Comme elle marmonnait une

réponse incompréhensible, il la prit par le menton

et fit basculer sa tête en arrière pour l'obliger à le


regarder.

- A quand remonte la dernière fois qu'un homme

t'a correctement embrassée ?

- On ne m'a jamais embrassée comme ça. Tu

es le premier, je t'assure.

En entendant ces mots. il resserra son étreinte

sur sa taille et reprit ses lèvres. Il mourait d'envie

de la goûter encore. pour graver à tout jamais le

souvenir de ses lèvres dans sa mémoire. Se faisant

encore plus impérieux, son baiser lui arracha un

gémissement qui accéléra au centuple la course de

son sang dans ses veines. Quand ils se séparèrent,

tous deux haletaient, au bord de l'asphyxie.

Casey recula légèrement.

- Il faut vraiment que je rentre.

Et. sans laisser à McKinnon le temps de réagir,

elle se fondit dans l'obscurité et gagna rapidement

le cottage.

Beaucoup plus haut dans la montagne, une autre

personne cherchait en vain le sommeil. Scrutant


le paysage par la fenêtre, Corey Westmoreland se

demandait si tout allait bien pour sa fille. Elle l'avait

appelé en fin d'après-midi pour l'informer qu'elle

avait défait ses bagages et qu'elle aimait le cottage

où on l'avait installée. Ce qu'elle n'avait pas précisé

et qui tracassait un peu Corey, c'était l'état de ses

relations avec McKinnon.

En entendant un bruit de pas, il se retourna et

sourit en voyant la femme qu'il aimait plus que tout

au monde venir se blottir dans ses bras tendus.

- Je suis navré, chérie, je ne voulais pas te

réveiller. chuchota-t-il à son oreille.

Il y posa un tendre baiser.

- Tu t'inquiètes au sujet de Casey, n'est-ce pas ?

demanda Abby.

Il hocha la tête, sachant que, non seulement il

ne le souhaitait pas, mais que, de plus, il était bien

inutile de chercher à dissimuler quelque chose à

Abby. surtout pas ses sentiments.

- Oui. Clint et Cole se font également du souci.

- Parce qu'elle a pris cette place chez McKinnon ?


Corey secoua la tête.

- Non. McKinnon et Casey finiront bien par

régler leurs problèmes. Nous voudrions savoir, ses

frères et moi, si elle a fini par digérer les mensonges

que Carolyn lui a racontés toutes ces années. Casey

a été bouleversée d'apprendre la vérité.

Abby se nicha plus étroitement entre les bras de

son époux.

- A mon avis. ce qui aiderait Casey à se remettre

d'aplomb, ce serait l'amour d'un homme. Et je crois

que McKinnon est cet homme.

Corey haussa les épaules.

- Possible, mais il n'acceptera jamais de s'engager.

Je t'ai parlé de ses problèmes médicaux. Lorsqu'il

s'est découvert porteur d'une maladie rare. Il a

renoncé à se marier et à avoir des enfants. Ce fut

une dure décision pour lui. Et puis, il y a quelques

années, il a rencontré une femme dont il était très

épris, la femme idéale selon lui. Mais quand il lui

a expliqué ses problèmes de santé et sa décision de

ne pas avoir d'enfants. elle l'a quitté. McKinnon en


a énormément souffert.

- Casey a également souffert. C'est pourquoi

ils ont besoin l'un de l'autre.

Corey secoua la tête.

- McKinnon ne voit pas les choses de cet œil.

- Je veux croire qu'il est capable de changer

d'avis. Tout peut arriver si c'est écrit ; toi et moi en

sommes la preuve vivante. Et si ça compte pour eux

d'être ensemble, eh bien, ils seront ensemble. Tout

ce qu'il leur faut, c'est du temps et des occasions de

rencontres. Et avec Casey travaillant presque côte

à côte avec lui, ils en auront. McKinnon a besoin

de Casey autant que Casey a besoin de lui, voilà

mon avis !

Abby leva la tête et dévisagea Corey en souriant.

- J'ai l'impression que, d'ici peu, tu seras le

père de la mariée !

Corey lui retourna son sourire et la serra dans

ses bras. McKinnon était un jeune homme remarquable

mais qui se complaisait pour le moment dans

sa souffrance et son amertume. Restait à espérer


que sa fille saurait venir à bout de ses sentiments

négatifs.

- . Mais enfin, si quelqu'un en était capable, c'était

bien une Westmoreland !

McKinnon se glissa entre les draps après avoir

pris sa deuxième douche froide de la soirée. Il

était rentré en sueur d'avoir chevauché Thunder et

très excité par l'intermède avec Casey. S'il pensait

n'être pas capable de dormir tout à l'heure, c'était

bien pire maintenant avec ses souvenirs plein la

tête de la bouche avide de Casey et de ses seins

tout frémissants !

Elle avait exactement le goût qu'il avait imaginé,

avec une touche toute personnelle. Rien que de

penser à sa pureté le faisait frissonner sensuelle-

ment. Il se demanda si son inexpérience résultait

de l'attitude protectrice de ses frères mais secoua la

tête. Il commençait à connaître suffisamment Casey

pour savoir que même si Clint et Cole surveillaient

ses relations, si elle avait voulu coucher avec un


homme, elle n'en aurait fait qu'à sa tête.

La plupart des femmes de son âge avaient reçu

de nombreux baisers, sur toutes les parties de leur

corps, et il ne pouvait s'empêcher de se demander

ce qu'elle savait vraiment. Une part de lui aurait

adoré le découvrir, mais l'autre, celle qui jugeait

sage de maintenir une prudente distance entre Casey

et lui, combattait I'idée avec passion.

La passion.

Voilà à quoi il ne fallait pas penser, surtout

concernant Casey. Il devait absolument s'en tenir

à cette règle. Il ne pouvait la traiter comme n'im-

porte quelle femme qu'il désirait mettre dans son

lit. De toute façon, il devait ôter cette idée de sa

tête parce que cela ne se produirait jamais. Et pour

en être bien certain, il reprendrait ses distances dès

le lendemain. Les seuls moments où il entrerait

en contact avec elle seraient dédiés à discuter des

progrès réalisés avec Prince charmant.

Satisfait d'avoir fait le tour du problème et clarifié

ses idées, McKinnon chercha une position confor-


table dans son lit et espéra de tout son cœur dormir

du sommeil du juste.

- Casey fait un sacré bon boulot avec Prince

charmant, déclara Norris, jetant un coup d'œil à McKinnon.

- Vraiment ?

Tout en affectant la nonchalance, McKinnon se

maudissait parce que son pouls s'emballait imman-

quablement à la mention de ce prénom. Il ne l'avait

pas vue depuis une semaine, du moins de près. Le

lendemain de la nuit où ils s'étaient embrassés. il

s'était tenu à distance, confiant à Norris le soin

de lui expliquer ses attentes concernant Prince charmant.

Par Henrietta, il avait appris qu'elle préférait

dîner seule au cottage. En revanche, pour ce qui

était du déjeuner, les deux femmes, qui semblaient

s'être liées d'amitié, le prenaient ensemble à la

grande maison. Une fois connu l'emploi du temps

de Casey, il lui avait suffi d'adapter le sien pour

être sûr de ne pas la rencontrer. Ce n'était pourtant

pas la panacée car trop de détails lui rappelaient


sa présence. L'odeur de son parfum, par exemple,

qui lui donnait un coup au cœur chaque fois qu'il

pénétrait dans la maison.

Le week-end précédent, elle lui avait facilité les

choses en partant le vendredi chez son père, dans la

montagne, pour n'en revenir que tard le dimanche.

Pendant ce temps, il s'était abruti de travail sur ses

dossiers mais s'était surpris à se lever de temps à

autre et à regarder par la fenêtre de son bureau,

comme s'il attendait anxieusement son retour.

Et puis, le soir, quand il allait au lit, il n'avait

qu'à fermer les yeux pour se rappeler la sensation

produite par la bouche de Casey sur la sienne. par sa

langue dans cette bouche et sa saveur qui semblait

incrustée dans ses papilles.

Avec pour résultat qu'il la désirait passionnément.

Pour éteindre ce désir, il s'était rendu au Haley's

Bar, depuis toujours leur point de ralliement en

ville à Durango et lui. mais il n'avait pas trouvé de

fille avec qui il ait envie de coucher. La seule fille

qu'il voulait vivait dans son cottage, et lui était


irrémédiablement interdite. Cela ne l'empêchait

pas pour autant de rêver d'elle la nuit, souhaitant

passionnément qu'elle soit avec lui dans son lit

pendant qu'il la déshabillerait et...

McKinnon poussa un juron en découvrant l'entaille

dans sa main provoquée par le fil de fer barbelé

de la clôture qu'il était en train de réparer. Il avait

retiré ses gants pour avoir une meilleur prise sur

la pince quand le fil lui avait échappé. Voilà ce

qu'on récoltait à rêver de Casey plutôt que de se

concentrer sur son ouvrage !

Par chance, la coupure n'était pas trop profonde et

ne nécessitait pas de points de suture. N'empêche,

il faudrait y mettre un pansement.

- Ça va, McKinnon ?

Il leva les yeux sur Norris.

- Je me suis coupé avec le barbelé. Il faut que

j'aille mettre un pansement. Je suis là dans une

minute.

Norris examina la blessure et, devant le sang qui

coulait abondamment, fronça les sourcils d'un air


préoccupé.

- Il vaudrait mieux que le Dr Mason y jette un coup d'œil.

- Non, non ! Mes vaccins antitétaniques sont à

jour et je n'ai pas besoin de points. C'est bon.

-Tu es sûr?

- Mais oui !

- Comme tu voudras. Mais pas question qu'Etoile

du matin et le juge me fassent la peau si quelque

chose t'arrivait ! Reste donc à la maison ; je finirai

les réparations avec les gars.

McKinnon dévisagea Norris, se demandant s'il

ne le considérait pas comme une entrave au bon

déroulement des travaux plutôt qu'une aide. Oh ! il

reconnaissait bien volontiers que, ces derniers temps,

hanté par la pensée de Casey, il avait du mal à se

concentrer sur son travail, mais tout de même...

- Es-tu sûr que vous arriverez à terminer les

réparations à temps ?

Norris éclata d'un gros rire.

- Écoute, McKinnon, je réparais déjà ces clôtures

depuis belle lurette quand tu es né !


Et, pour faire bonne mesure, le contremaître ajouta :

- Et je me suis déjà entaillé tous les doigts.

Maintenant, file !

- D'accord, j'y vais.

McKinnon se dirigea vers Thunder. Il entendit

Norris dire dans son dos

- Je ne sais pas où tu as la tête ces temps-ci,

mais ton esprit vagabonde pas mal.

Jugeant inutile de relever, il se mit en selle sans un mot.

Une demi-heure plus tard, après avoir nettoyé,

désinfecté la plaie et appliqué un pansement,

McKinnon sortait de la salle de bains tout en se

félicitant qu'Henrietta soit partie en ville faire ses

achats d'épicerie de la semaine. Si elle avait vu

la blessure. sûr et certain qu'elle l'aurait harcelé

jusqu'à ce qu'il accepte d'aller chez le Dr Mason

se faire recoudre.

En entendant frapper à la porte, il se retourna

puis, se rappelant l'absence d'Henrietta, alla ouvrir.

Instantanément, ses poumons se vidèrent de leur


air, sa respiration se bloqua, et son pouls entreprit

une course démentielle.

Casey, bien sûr.

Il toussota, s'efforça de prendre une contenance.

- Que puis-je pour toi, Casey ? demanda-t-il

d'un ton aussi naturel que possible.

Elle paraissait aussi surprise que lui de le trouver là.

- Rien. Comme je descends en ville, je passais

demander à Henrietta si elle voulait que je lui

rapporte quelque chose.

Ce fut alors qu'il remarqua sa tenue : une robe

qui, il l'aurait parié, devait virevolter sur ses jambes

quand elle marchait. Rose pâle, elle la faisait paraître

infiniment féminine. délicieuse et désirable. Elle

s'était légèrement maquillée, avait même passé un

peu de fard sur ses lèvres. Lèvres qu'il se rappelait

avoir embrassées et qu'il mourait de désir d'embrasser

encore.

Il s'éclaircit la gorge.

- Henrietta n'est pas là, expliqua-t-il. Elle est

partie faire des courses.


Il consulta sa montre.

- Tu as déjà fini ta journée ?

Aussitôt, il regretta sa question. Surtout quand

il vit à son expression qu'elle l'agaçait prodigieusement.

- Oui, répondit-elle sèchement. J'ai fait des heures

supplémentaires cette semaine et j'ai demandé à

Norris l'autorisation de finir plus tôt aujourd'hui

parce que j'ai un rendez-vous.

Il se rembrunit.

- Un rendez-vous ?

- Avec un agent immobilier. Elle a des appartements à me

montrer.

L'expression de McKinnon s'assombrit un peu plus.

- Tu déménages ? Notre contrat stipule que tu

habites le cottage.

- Je sais ce que stipule le contrat, McKinnon !

riposta-t-elle, l'affrontant du regard. Et je compte

bien l'honorer. Je cherche un endroit où habiter

quand j'aurai fini mon travail ici.

- Et le ranch de Corey ?
- Eh bien ?

- Je croyais que tu allais y habiter puisque

tu t'installes dans le Montana pour apprendre à

connaître ton père.

- Ce n'est pas une raison pour être constamment

dans ses jambes ! De toute façon, Abby et lui ont

besoin de leur intimité.

McKinnon devina ce qu'elle taisait. Le couple

était très démonstratif. Quant à lui, ça ne le déran-

geait pas ; il était habitué à un tel comportement

chez ses parents.

- Je ne peux pas m'installer là-bas de façon

permanente, reprit Casey. J'ai besoin d'avoir un

endroit bien à moi. Et puis, si je trouve un emploi,

je ne pourrai pas faire l'aller-retour tous les jours.

McKinnon hocha la tête. Perché tout là-haut dans

la montagne, le ranch de Corey n'était accessible

en voiture que jusqu'à un certain point. Ensuite, il

fallait faire le reste du trajet à cheval. Du moins,

avant que Serena Preston emménage à Bozeman

et crée une entreprise de transport par hélicoptère.


En plus des trajet privés, elle assurait deux fois par

semaine un service de liaison entre les ranchs isolés

et la ville. Mais utiliser régulièrement ce mode de

transport pouvait se révéler très onéreux.

- Qu'as-tu à la main ? demanda soudain Casey,

interrompant le cours des pensées de McKinnon.

Baissant les yeux, il se rendit compte que la blessure

recommençait à saigner à travers son bandage.

- Je me suis coupé avec du barbelé.

- Tu ne vas pas chez le médecin ? demanda-

t-elle, un début de panique dans la voix.

- Je n'en avais pas l'intention, répondit-il, s'ac-

cotant au chambranle de la porte. J'ai mis ce qu'il

fallait dessus.

- Mais tu saignes !

- J'ai remarqué.

Elle posa sur lui un regard exaspéré.

- Il faut que tu voies un médecin, McKinnon !

Si tu veux, je t'emmène.

- Et ton rendez-vous ?

- C'est seulement dans deux heures. Je partais


plus tôt parce que je voulais faire des courses mais

je peux remettre à une autre fois. Il me paraît plus

urgent de faire soigner ta main.

McKinnon la considéra quelques instants, vit son

inquiétude. C'était la femme qu'il évitait depuis

une semaine. La femme dont il rêvait chaque nuit.

La femme dont il sentait encore les baisers sur ses

lèvres. La femme qu'il désirait à la folie.

La femme qu'il ne pouvait obtenir.

Cet après-midi pourtant, il avait envie de passer

du temps avec elle. D'apprendre par sa bouche, et

non par celle de Norris ou d'Henrietta, comment

se déroulait son travail.

Il voulait entendre sa voix, respirer son odeur,

s'introduire dans son intimité...

- McKinnon, veux-tu que je t'emmène chez le

médecin, oui ou non ?

Arraché à sa rêverie, il la regarda et prit une

décision. Il passerait deux heures avec elle aujourd'hui

mais, dès demain, reviendrait à la routine habituelle

en remettant une certaine distance entre eux.


- Tu es sûre que ça ne te retarderas pas pour

ton rendez-vous ?

- J'en suis sûre !

Il hocha la tête.

- Je prends mon chapeau et je suis prêt.

Casey conduisait tandis que McKinnon, sur le siège

du passager, sombre et silencieux, regardait d'un air

absent se dérouler derrière la fenêtre les kilomètres

de prairies, de pâturages et de montagnes.

Il faisait la tête, comme à son habitude.

EIle se demanda s'il lui arrivait de sourire. Elle

avait surpris sa gaieté un jour qu'il se trouvait au

milieu d'un groupe de cousins. Spencer avait fait

une plaisanterie et tous les hommes, McKinnon

compris, avaient éclaté de rire. A part cette unique

fois, elle semblait destinée à ne le voir que les lèvres

pincées. Elle ne pouvait s'empêcher de s'interroger

sur la tristesse et la rancœur qu'elle lisait fréquem-

ment dans son regard. Un jour, elle avait questionné

Durango à ce sujet, mais il avait haussé les épaules

en disant qu'il ne voyait pas de quoi elle parlait.


De toute évidence, iI l'avait évitée cette semaine.

Même maintenant, elle voyait que quelque chose le

contrariait. Seulement, elle ne savait comment s'y

prendre pour faire tomber ses défenses. A cause de

ses frères. elle avait l'habitude de fréquenter des

grincheux. La mauvaise humeur, elle pouvait s'en

accommoder. Mais Ia colère la dérangeait parce

qu'elle n'en comprenait pas la raison.

Elle se doutait un peu que son attitude était motivée

par le baiser échangé une semaine auparavant. Mais

pourquoi en faire un drame ? Ils étaient tous deux

adultes ; de plus, c'était lui qui avait lancé l'idée,

disant savoir ce qu'il Ieur fallait pour trouver le

sommeil. Et, bien sûr, elle avait marché. Elle mourait

d'envie de l'embrasser depuis si longtemps ! Et il

avait eu raison à propos de ce baiser. Ensuite, elle

avait dormi comme un bébé et s'était réveillée le

lendemain avec une terrible envie de le voir. Mais il

regrettait évidemment cet instant d'intimité puisqu'il

I'avait depuis soigneusement évitée.

Jusqu'à maintenant.
- Alors, comment se passe I'entraînement de

Prince charmant ?

Le son de sa voix ramena brutalement Casey sur

terre. Elle tourna la tête vers lui. Son grand corps

incliné contre le dossier de son siège, son Stetson

abritant ses yeux de l'éclat du soleil, il regardait

droit devant lui. Son jean étroit moulait ses cuisses

et sa chemise bleue mettait en valeur son torse bien

bâti. Ses cheveux attachés sur sa nuque révélaient

un profil aussi séduisant que le reste.

Des images incongrues se formèrent dans son

esprit. Elle le revit, sauvage, indompté, cette nuit-là

dans le jardin. Oh ! si seulement leur baiser avait

pu durer indéfiniment. Elle l'avait tant apprécié.

Aucun homme ne l'avait embrassée ainsi et...

- Casey ?

En tressaillant, elle se tourna vers lui et rencontra

son beau regard sombre. Et elle éprouva le soudain,

urgent, besoin de l'embrasser de nouveau.

- Oui ?

- Je t'ai demandé comment se passait l'entraî-


nement de Prince charmant.

Et, bien sûr, pendant ce temps, elle pensait à des

choses interdites.

- Nous en sommes au stade où j'apprends à

le connaître mieux. répondit-elle, s'efforçant de

reprendre sa respiration. Je le fais beaucoup marcher,

pour apprécier son équilibre et découvrir ses motifs

de distraction. J'essaie de le mettre en confiance,

de lui donner une bonne impression de moi, une

impression qui durera. Il est encore nerveux et je

travaille à améliorer son équilibre émotionnel. Quand

il sera détendu, le lien pourra s'établir.

- Tu ne travailles pas sa vitesse ?

Du coin de l'œil, Carsey voyait que McKinnon

l'étudiait mais elle refusa de croiser son regard.

- Il a déjà la vitesse, McKinnon. Sinon, Jamal

ne l'aurait pas acheté pour la reproduction. Quand je

l'aurai débarrassé de son stress et qu'il pourra établir

des rapports de confiance, alors, il sera capable de

prouesses ; entre autres, d'accroître sa vitesse. Tu

peux me faire confiance sur ce point.


McKinnon demeura quelques instants silencieux.

Se rappelant les raisons pour lesquelles elle se

rendait en ville, il se rembrunit.

- N'as-tu pas songé à t'installer avec Durango

et Savannah au lieu de chercher un logement toute seule ?

Pour une raison inconnue, l'idée qu'elle vive seule

en ville le dérangeait.

- Je parie qu'ils adoreraient t'accueillir quelque temps.

Les mains de Casey se crispèrent sur le volant.

- A quoi songes-tu, McKinnon ? Des jeunes

mariés ! J'aurais vraiment l'impression d'être de trop !

- Je comprends, dit-il en hochant la tête. Même

à présent que Savannah est enceinte, chaque fois

que je passe chez eux, j'ai l'impression que, soit ils

sortent du lit, soit ils y vont.

Quelle chance ils avaient ! songea Casey. Mais

elle garda sa réflexion pour elle.

- Tu pourrais habiter chez mes parents, suggéra

McKinnon.

Cette fois, Casey le regarda. Sentant une fois

de plus passer ce mystérieux courant, elle essaya


d'ignorer la chaleur qui I'envahissait, prestement,

elle reporta ses yeux sur la route, serrant de toutes

ses forces le volant. Elle ne comprenait pas l'origine

de ces sensations qui la submergeaient chaque fois

qu'il la regardait d'une certaine façon.

Elle se ressaisit et réfléchit à sa proposition d'aller

habiter chez ses parents. Comment lui expliquer en

termes pas trop choquants qu'ils se comportaient

exactement de la même façon que son père et Abby ?

Jamais elle n'aurait cru possible que des gens de cet

âge puissent se manifester une telle adoration.

Elle toussota.

- Là aussi, j'aurais l'impression d'être de trop.

McKinnon sourit.

- C'est vrai. Eux aussi roucoulent comme des tourtereaux.

- Et ça ne te dérange pas ?

- Non. Mes frères et moi y sommes habitués.

Mes parents s'adorent et ne voient aucune raison de

le cacher. Je suppose que c'est assez exceptionnel.

Depuis son enfance, Casey croyait que ses parents

avaient également partagé un amour exceptionnel.


Quelle déception, pourtant !

Désireuse de changer de sujet, elle décida de

poser la question qui lui brûlait les lèvres.

- Pourquoi ne supportais-tu pas l'idée que je

travaille pour toi, au début, McKinnon ?

Il leva les yeux, se félicitant qu'elle regarde la route.

Il ne tenait pas à l'affronter directement pendant

qu'il mentirait. Car il ne pouvait se montrer tout à

fait honnête en lui expliquant ses raisons de ne pas

s'engager. Il ne pouvait lui avouer qu'il ne se sentait

pas de taille à résister à la tentation perpétuelle de

l'avoir à portée de main dans son ranch.

- Comme je te I'ai dit, s'il arrivait le moindre

accident, je devrais rendre des comptes à Corey,

sans parler des autres membres de ce satané clan

Westmoreland.

Elle sourit.

- Ils sont plutôt nombreux, n'est-ce pas ?

Il haussa un sourcil.

- Ils ? Dois-je te rappeler que tu en fais partie ?

Le sourire s'effaça instantanément du visage de Casey.


- Je sais. Et il m'a fallu vingt-huit ans pour le découvrir.

Devant l'amertume dans sa voix, McKinnon

comprit qu'elle n'avait pas toujours pas surmonté le

traumatisme d'apprendre la vérité sur son père.

- Ta mère avait sûrement de bonnes raisons pour

agir comme elle l'a fait, dit-il doucement.

Il se rappelait que sa propre mère lui avait caché

que Martin n'était pas son vrai père jusqu'à ce qu'elle

n'ait plus le choix.

- Il existe des choses que nous ne sommes pas

en mesure de comprendre, reprit-il, et ce qui s'est

passé entre ta mère et Corey en fait probablement

partie.

Casey poussa un profond soupir. Qu'il connaisse

l'histoire ne la surprenait pas. Leurs pères étaient

amis intimes, et ce depuis des années. Et, de toute

façon, étant donné la cote de popularité de Corey,

toute la région devait être au courant de l'irruption

de ses triplés dans sa vie.

- N'essaie pas de trouver des excuses à ce qu'elle

nous a fait à mes frères et moi. Rends-toi compte :


toutes ces années où nous avons cru notre père

mort alors qu'il était bien vivant... Songe à tout

ce temps perdu, dont nous aurions pu profiter sans

cette monstrueuse mascarade.

- Mais tu connais ton père maintenant. Je déteste

user de vieux clichés mais « mieux vaut tard que

jamais » me semble approprié à la situation.

Casey se rembrunit.

- Non, ce n'est pas approprié. Et je préfère

que nous changions de sujet. Nous allons d'abord

passer chez le médecin, ajouta-t-elle après quelques

instants.

McKinnon hocha la tête. En plus d'être combative,

elle était plus têtue qu'une mule.

- Comme tu voudras.

Deux heures plus tard, comme ils sortaient du

cabinet du médecin, Casey regarda McKinnon.

- Es-tu sûr que tu ne veux pas que je te recon-

duise au ranch tout de suite ?

- Pour l'amour de Dieu, Casey ! Il s'agit de deux


petits points de rien du tout ! Et d'ailleurs, je reste

persuadé que je n'en avais pas besoin. Pas plus que

de ces piqûres antitétaniques ! Mais le Dr Mason

a toujours eu la main Iourde en ce qui concerne les piqûres.

Après avoir ouvert la portière, il se glissa sur le siège

du passager, boucla sa ceinture et la consulta du regard.

- N'est-il pas trop tard pour ton rendez-vous ?

- Non. L'endroit n'est pas très éloigné. Le premier

appartement est situé au-dessus d'un bâtiment vide.

Il la dévisagea comme si elle avait perdu l'esprit.

- Que ferais-tu dans un endroit pareil ?

Elle le toisa du regard.

- Je l'habiterais, McKinnon. Je n'ai guère le choix, vois-tu.

Bozeman ne regorge pas de logements disponibles.

Sans un mot, il se rencogna contre la portière et,

l'air maussade, regarda au-dehors. Que lui importait

l'endroit où elle avait décidé de vivre ? C'étaient

ses affaires, après tout.

Ainsi que l'avait dit Casey, ils gagnèrent le quar-

tier en un rien de temps. L'agent immobilier, une

robuste femme entre deux âges, les attendait, un


grand sourire aux lèvres. Quand les présentations

furent faites, elle les poussa vers l'escalier de l'immeuble.

McKinnon examinait les Iieux, pas très satisfait

de ce qu'il voyait. Il connaissait le quartier. Pas

vraiment louche mais pas vraiment très sain non

plus. Avec un bar proche de l'immeuble, l'endroit

pourrait se révéler passablement bruyant certains

soirs de la semaine, sans parler des week-ends.

Jamais elle n'arriverait à trouver le calme ici.

En haut de l'escalier, l'agent, qui s'était présentée

sous le nom de Mme Mills, s'écarta pour les laisser

entrer.

- Joli appartement, dit Casey tout en examinant

la vaste pièce. J'en vois le potentiel.

McKinnon ne le voyait pas du tout. Et pendant

que Casey discutait avec I'agent, il essayait de se

concentrer sur ses paroles et non sur ses gestes. Car

elle avait posé les mains sur ses hanches, geste qui

soulignait la minceur de sa taille. Une taille qu'il

avait étreinte le soir où il l'avait embrassée. un corps

qu'il avait passionnément serré contre le sien.


- McKinnon ?

Il la regarda d'un air interrogateur.

- Oui?

- Qu'en penses-tu ?

- Il ne me plaît pas, répondit-il d'un ton sec.

Trop de travaux sont nécessaires pour le rendre

habitable.

Casey tionça les sourcils.

- Tu ne pourrais pas te montrer un peu plus positif ?

- Tu m'as demandé mon avis.

Il se tourna vers Mme Mills.

- Vous n'ayez rien de disponible dans un quartier

plus résidentiel '? Ce bar, au coin de Ia rue, risque

d'être l'occasion de fâcheuses rencontres. Et puis,

le soir, les rues sont désertes.

L'agent n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que,

déjà, Casey s'écriait :

- Rien ne t'oblige à habiter ici, McKinnon !

Personnellement, ce bar ne me dérange pas.

Toutefois...

Cette fois, elle s'adressa à l'agent.


- La taille de la cuisine, si. Elle est beaucoup

trop petite. J'aime cuisiner de temps en temps et il

n'y a pas assez de placards. Qu'avez-vous d'autre

à proposer ?

McKinnon n'apprécia pas plus les deux appar-

tements suivants et Casey dut convenir qu'elle non

plus. Il était tard quand la dernière visite prit fin et

Mme Mills promit d'appeler quand d'autres occa-

sions se présenteraient.

- Tu ferais mieux de t'acheter un bout de terrain

et d'y faire construire une maison, dit McKinnon

comme ils regagnaient la voiture.

- Je serai peut-être amenée à cette solution.

Sauf que cela prendrait un temps fou.

Elle jeta un bref coup d'œil à son compagnon.

Bien qu'il l'ait agacée à plusieurs reprises avec ses

critiques, elle avait apprécié sa compagnie.

- Comment va ta main ?

- Bien, je te I'ai dit. Et pour te le prouver, je te

ramène au ranch.

Casey n'y trouva rien à redire. D'autant moins


qu'elle avait un mal fou à se concentrer sur sa

conduite quand il était assis à côté d'elle. Sa présence

la distrayait au-delà de toute raison. Et. maintenant

qu'il avait ôté l'élastique qui retenait ses cheveux,

avec sa crinière qui flottait librement sur son dos,

il paraissait plus proche de l'état de nature que de

la civilisation. Et puis, il y avait son regard sombre,

trouble, qui s'attachait par instants au sien. Plus d'une

fois dans la salle d'attente du médecin, elle avait

levé les yeux du magazine qu'elle feuilletait pour

s'apercevoir qu'il l'observait avec une expression

indéchiffrable. Chaque fois que leurs regards se

croisaient, elle sentait battre son cœur un peu plus

vite et, bien qu'elle s'efforcât de regarder dans une

autre direction, ses yeux revenaient inexplicable-

ment aux siens, pour découvrir qu'il la regardait

toujours.

Elle lui tendit les clés.

- Si tu veux conduire. pas de problème.

- Merci.

McKinnon ouvrit la portière du passager et la


maintint pendant que Casey s'installait. Il essaya

d'ignorer la façon dont sa jupe remonta quand

elle s'assit, découvrant un petit morceau de peau.

Il éprouvait pour elle une étrange attirance que

ces moments passés en sa compagnie n'avaient

fait que renforcer. Il l'avait observée tandis qu'ils

attendaient leur tour chez le médecin et l'examen

avait été particulièrement excitant. Il était presque

certain de l'avoir rendue nerveuse, mais n'avait pas

pu s'en empêcher. Elle était ravissante et, tout en

l'observant, il s'interrogeait sur un certain nombre

de points.

A quoi ressemblait-elle nue, par exemple ? Quels

sons produisait-elle quand elle atteignait l'extase ?

Des visions de leurs deux corps nus, enlacés dans

des draps froissés, se matérialisèrent immédiatement

dans son esprit.

Il se ressaisit en gagnant son siège. Il savait géné-

ralement ce qu'il voulait et faisait tout pour l'obtenir.

Mais dans le cas présent, il devait constamment se

rappeler que Casey n'était pas pour lui. Pire. Elle lui
était absolument interdite. Et iI avait déjà enfreint la

règle en l'embrassant. Pourtant, il était absolument

déterminé à partir de maintenant à s'en tenir à sa

résolution, si difficile soit-elle.

- Hé, McKinnon ! Un instant !

Mâchoires crispées, McKinnon se retourna.

Rick Summers, une connaissance de McKinnon et

Durango qu'ils jugeaient particulièrement odieuse,

approchait à grands pas de la voiture. Depuis qu'il

avait emménagé dans la région, quelques années

plus tôt, il s'était spécialisé dans l'art de rivaliser

avec eux dès qu'il s'agissait de conquêtes féminines.

Il avait une très haute opinion de lui-même et,

dans ses relations avec les femmes, se conduisait

très mal.

- Que veux-tu, Rick ? demanda McKinnon d'un

ton dépourvu d'aménité.

Peu rancunier, Rick lui adressa un sourire.

- J'allais rendre visite à un ami quand j'ai cru

te voir sortir d'un immeuble où un appartement est

en vente. Tu songes à t'installer à Bozeman ?


- Non.

Rick scruta I'intérieur de la voiture, découvrit

Casey sur le siège du passager et se pourlécha

littéralement les lèvres.

- J'ai vu ton amie aussi. Vas-tu faire les présen-

tations, à la fin ?

McKinnon eut bien envie d'envoyer promener

l'agaçant personnage. Mais, à vrai dire, il n'avait

aucune raison de se montrer grossier.

- Casey, je te présente Rick Summers. Rick,

voici Casey Westmoreland.

Une expression de surprise passa sur le visage de Rick.

- Westmoreland ?

- Oui. Casey est la cousine de Durango et la

fille de Corey Westmoreland.

Rick sourit. McKinnon n'avait pas besoin de

lire dans ses pensées pour savoir qu'il adressait

à Casey ce qu'il supposait être son sourire le plus

charmeur.

- Ravi de faire votre connaissance, Casey, dit-il

en ouvrant la portière de la jeune femme pour lui


serrer la main.

Casey lui rendit son sourire

- Heureuse également, Rick.

- Vous nous rendez une petite visite ?

- Non, je m'installe dans la région.

Dans le regard de Rick s'alluma une lueur concupiscente.

- Vous vous installez dans la montagne, avec votre père ?

Casey eut un petit rire.

- Non. Quelque part en ville.

McKinnon observa le sourire de Rick qui s'élar-

gissait et lui donnait l'air d'un loup en chasse.

- Dans ce cas, j'espère que nous nous croiserons

de nouveau... très bientôt.

Il porta la main à son chapeau en guise de salut

et s'éloigna en sifflotant.

McKinnon secoua la tête d'un air réprobateur

et, quand il se glissa derrière le volant, claqua sa

portière avec humeur. Si Rick Summers s'imaginait

un seul instant pouvoir ajouter Casey à la liste de

ses conquêtes, il ferait bien d'y réfléchir à deux

fois. Même si les fréquentations de Casey ne le


regardaient en rien, l'idée qu'elle se retrouve en

compagnie d'individus comme Summers le mettait

hors de lui.

- Il a l'air d'un brave type.

McKinnon la dévisagea.

- Eh bien, l'air ne fait pas la chanson. Parce que

Rick est tout sauf un brave type. Et je te conseille

de te tenir à l'écart de lui.

A en juger par son expression. Casey n'appréciait

que modérément le conseil,

Cependant, comme il roulait vers la grand-route

qui les ramènerait au ranch, il décida que, qu'elle

apprécie ou pas, il s'occuperait personnellement

d'empêcher Summers de poser ses sales pattes sur elle.

-7-

- Qu'as-tu prévu pour le dîner ?

Casey se raidit. Maintenant qu'ils étaient au


ranch, il n'allait tout de même pas I'inviter à dîner

avec lui !

- Comme d'habitude, s'entendit-elle répondre.

Henrietta me prépare quelque chose et je dîne au

cottage tout en mettant à jour le fichier de progression

quotidienne de Prince charmant sur l'ordinateur.

Pourquoi ?

- Comme ça. Merci encore pour m'avoir conduit

chez le médecin.

- N'en parlons plus.

La raison voulait que leurs chemins se séparent

ici, se disait McKinnon. Elle gagnerait le cottage,

lui la grande maison. Et s'il lui restait une once de

bon sens, il ne la reverrait pas de la semaine. Il avait

passé bien assez de temps avec elle aujourd'hui. Il

avait entendu sa voix, respiré son parfum et main-

tenant il devait l'oublier un peu. Enfin, un petit peu.

Mais comme il se forçait à marcher vers sa porte,

quelque chose le poussa à se retourner.

- Casey, et si...

Les mots s'éteignirent sur ses lèvres car elle avait


déjà disparu, en direction du cottage, sans doute.

La déception de McKinnon se teinta de contra-

riété. Manifestement, elle l'avait assez vu pour la

journée. Il aurait aimé réagir pareillement mais

c'était impossible. Parce qu'il avait l'impression

qu'il ne se rassasierait jamais de Ia voir. Jamais.

Il était constamment conscient d'elle en tant que

femme, une femme qui. selon toute vraisemblance,

ignorait son pouvoir de séduction. Et il aurait aimé

lui enseigner ce qu'elle ignorait, lui expliquer deux

ou trois petites choses. Bonté divine ! Plus que

deux ou trois !

Une demi-heure plus tard, après avoir pris une

douche tout en prenant garde à ne pas mouiller son

pansement, il se rendit dans la cuisine pour réchauffer

son repas. Il suivait la même routine depuis que

Lynette I'avait quitté. ll y était accoutumé et aimait

que sa vie soit bien ordonnée.

Il allait glisser son assiette dans le four à micro-

ondes quand le téléphone sonna.

- Oui ?
- Comment vas-tu. McKinnon ?

Il sourit en reconnaissant la voix de sa mère.

- Bien ? Et papa et toi ?

- Bien tous les deux. Nous revenons d'un petit

séjour chez Corey. C'est même la raison de mon

appel. Abby et moi avons décidé que ce serait gentil

d'organiser une petite fête pour Casey.

A la mention de ce prénom, il eut un involontaire

tressaillement.

- Une fête ? Pourquoi ?

- Pour lui souhaiter la bienvenue chez nous.

Beaucoup de nos voisins ont eu vent de I'existence

des triplés de Corey ; certains ont même rencontré

Clint et Cole mais peu ont eu la chance de faire

la connaissance de Casey. Et nous avons pensé

qu'une fête serait une merveilleuse occasion d'y

remédier et de l'accueillir convenablement dans

notre communauté.

Étoile du matin et Abby semblaient parfaitement

à leur affaire.

- Qu'attends-tu de moi ?
Rien, espérait-il.

- En plus de ne pas la faire travailler trop tard

pour qu'elle soit en état de profiter de sa fête,

j'aimerais que tu t'arranges pour qu'elle y assiste

à coup sûr.

McKinnon se crispa. Il avait déjà subi un trajet en

voiture avec Casey et n'était pas certain de pouvoir

réitérer l'expérience de sitôt. II lui semblait que son

parfum l'imprégnait des pieds à la tête.

- Quand aura lieu cette fête ?

- Vendredi prochain. A 8 heures à notre ranch.

Puis-je compter sur toi ?

Il soupira. Il ne pouvait rien refuser à sa mère et

elle le savait très bien.

- Oui. Ce jour-là je m'assurerai qu'elle ne travaille

pas trop et qu'elle va bien chez vous.

- Merci, McKinnon. A propos, ce n'est pas une

surprise ni rien du genre. Je viens juste d'en parler

avec Casey et elle est d'accord.

- Tant mieux, dit-il sombrement avant de raccro-

cher le téléphone.
Une nouvelle nuit d'insomnie s'annonçait pour

Casey, littéralement obsédée par la pensée de

McKinnon. Il envahissait même ses rêves. ce qui

ne lui plaisait pas du tout.

Non. c'était faux !

En réalité, elle avait beaucoup apprécié. Tellement

même qu'elle s'était éveillée encore toute pleine

d'un ardent et presque douloureux désir.

Elle enfila sa robe de chambre et, comme chaque

fois qu'elle n'arrivait pas à trouver le sommeil, décida

de faire un petit tour dans le jardin pour savourer

la beauté de la nuit.

Quelques instants plus tard. elle sortait par la porte

de devant et longeait I'allée pavée. La lumière du

porche de la grande maison suffisait à éclairer les

fleurs qu'Henrietta avait plantées ce week-end.

- Encore une insomnie ?

Casey porta une main à sa gorge. Comme la

dernière fois, elle n'avait pas entendu McKinnon

approcher. Elle se retourna lentement, songeant


qu'elle ferait bien de trouver une bonne raison pour

réintégrer le cottage. Le souvenir de ce qui s'était

passé lors de leur dernière rencontre dans Ie jardin

était encore très vivace dans son esprit.

Pourtant, au lieu de rentrer, elle répondit :

- Oui. J'ai trop de choses en tête.

Le regard posé sur elle était sombre, intense...

prodigieusement attirant.

- Tu penses à la fête ?

Elle parut surprise.

- La fête ?

- Mais oui. Maman m'a appelé pour me mettre au courant.

- oh...

Elle faillit lui dire que la fête que sa mère et

Abby organisaient pour elle était bien loin de ses

pensées. Elle avait bien songé à une fête toute la

soirée, mais à une fête des sens, à célébrer à deux,

sans chapeau, cotillons ni serpentins.

Avec juste un grand lit, des draps de soie et

beaucoup de sensualité.

- Non, je ne pensais pas à la fête.


Il se rapprocha et, baigné par Ie clair de lune,

entra dans son champ de vision. Elle aurait aimé

glisser ses doigts dans ses cheveux qui tombaient

librement sur ses épaules et attirer sa tête à elle pour

prendre possession de sa bouche, comme il avait

pris possession de la sienne I'autre nuit.

Elle aurait aimé...

- Les étoiles sont de sortie, ce soir.

La remarque de McKinnon la ramena à la réalité,

ce qui était une bonne chose car ses pensées prenaient

un tour inavouable. Suivant son regard, elle leva la

tête vers le ciel.

- Oui. Mais, selon moi, quand on en a vu une,

on les a toutes vues.

- Fasse le ciel que Ian ne t'entende pas, malheureuse !

C'est l'astronome de la famille Westmoreland.

Casey sourit.

- J'avais oublié ! A propos de Ian. je suppose

que tout le monde se prépare pour son mariage, le

mois prochain. J'ai entendu dire qu'il y aura une

réception monstre au Rolling Cascade Casino.


McKinnon acquiesça d'un signe de tête.

- A propos de fête, tu étais ravissante I'autre

jour, à l'anniversaire de Delaney.

Un petit frisson courut le long du dos de Casey.

Elle appréciait le compliment à sa juste valeur car

il ne semblait pas en être prodigue.

- Merci. Tu n'étais pas mal non plus !

Pas mal du tout, oui. Ils n'avaient échangé que

quelques mots ce soir-là, mais elle l'avait remarqué

et, à en croire son compliment. lui aussi.

- J'ai vu Norris à notre retour. Il paraît que

nos pères sont passés examiner Spitfire en notre

absence.

- Spitfire ?

- La jument couverte par Thunder. Corey me

I'a donnée il y a deux ans et nous avons convenu

qu'il aurait son premier poulain.

Casey lui jeta un rapide regard.

- Tu aimes beaucoup Corey, n'est-ce pas ?

Il la dévisagea, se demandant pourquoi elle posait

cette question.
- Oui, répondit-il en souriant. Mon père et lui

étaient déjà amis avant ma naissance et je ne peux

me rappeler un événement de ma vie auquel il n'ait

participé.

Casey n'en croyait pas ses yeux. C'était la première

fois qu'elle voyait un sourire sur les lèvres de

McKinnon Quinn.

- Tu veux savoir ce que j'admirais le plus chez

lui dans ma jeunesse ?

- Oui.

- C'était son amour pour sa famille. Il était alors

jeune célibataire et pourtant, chaque été, il invitait

tous ses neveux et son unique nièce à passer les mois

d'été chez lui, et j'étais toujours de la partie.

- Vous avez dû beaucoup vous amuser.

McKinnon éclata de rire. Et Casey en aima le

son chaleureux et sincère.

- Pour ça, oui ! Surtout quand Delaney rentrait à

Atlanta. Alors, nous pouvions faire toutes les bêtises

imaginables sans que personne ne nous gronde.

Casey sourit.
- Corey vous laissait tout faire ?

- C'est-à-dire que nous savions jusqu'où nous

pouvions aller avec lui. Mais il aurait fait n'importe

quoi pour nous faire plaisir. Comment il arrivait à

survivre à ces mois d'été en compagnie de notre

bande de sauvages sans devenir fou, mystère !

Casey réfléchissait. Si son père avait connu leur

existence, ils auraient été conviés comme les autres

à participer à ces joyeuses réunions. Mais il ne la

connaissait pas.

Voyant qu'elle restait silencieuse, McKinnon dit

doucement :

- Désolé. Je n'aurais peut-être pas dû évoquer

ces étés chez Corey.

Casey releva vivement la tête. On aurait dit qu'il

lisait dans ses pensées.

- Ce n'est pas grave. De toute façon, on ne peut

pas réécrire l'histoire. Franchement, je ne vous en

veux pas de ces bons moments passés avec mon

père. Ce n'est la faute de personne.

De ma mère, si ! aurait-elle voulu crier.


McKinnon écarta une mèche de cheveux de son

front, songeant que sa coupe courte et désinvolte

lui allait à ravir. La lumière de la lune baignait ses

traits de sensualité.

- McKinnon ?

Il entendit le trémolo de sa voix ; le même qu'il avait

surpris l'autre soir, juste avant de I'embrasser.

- Oui?

- Il vaut mieux que je rentre.

- Pourquoi ? On est bien dehors. tu ne trouves pas ?

- Si, mais...

Il perçut l'appréhension dans sa voix à l'instant

où son regard se posa sur sa bouche.

- Mais quoi ?

Elle soupira. Il sentit frémir ses lèvres entrouvertes,

son souffle chaud contre ses propres lèvres.

Ce qui signifiait qu'il avait involontairement

baissé la tête vers elle.

- La dernière fois que nous nous sommes

retrouvés dehors tous les deux, répondit-elle enfin,

il s'est produit une chose qui t'a poussé à m'éviter


toute une semaine.

Elle ne prononcerait pas le mot, décida-t-elle,

jusqu'à ce qu'elle soit certaine qu'il savait de quoi

elle parlait.

- Si tu dois avoir par la suite des regrets à propos

de ce que nous faisons, je préfère m'abstenir.

- Ce que nous faisons, c'est-à-dire ? demanda-t-il

en approchant un peu plus ses lèvres des siennes.

- Peu importe.

Elle mordilla nerveusement sa lèvre inférieure.

Soudain, il tira la langue et, de I'extrémité, en

suivit le contour.

- Par ce que nous faisons, entends-tu quelque

chose de ce genre ? demanda-t-il tout en continuant

à taquiner ses lèvres.

- Oui, balbutia-t-elle, toujours incapable de

prononcer le mot. Quelque chose de ce genre.

- Et que penses-tu de ça ?

Il prit son visage entre ses mains et se mit à

mordiller tout doucement ses lèvres, l'inférieure

d'abord, puis, après quelques secondes, il infligea


le même traitement à la supérieure.

Casey sentit son estomac se contracter et une

chaleur sourdre au creux de ses cuisses : et elle

souhaita qu'il cesse de la torturer et lui donne le

coup de grâce. A chaque caresse de sa langue, elle

mourait un peu plus d'une lente mort sensuelle.

- J'aime t'embrasser. murmura-t-il contre ses

lèvres humides.

Elle se demanda s'il se rendait compte qu'il ne

l'embrassait pas vraiment, mais qu'il la tourmentait

juste. Puis, comme une illumination, elle se souvint

qu'il se comportait de la même manière dans ses

rêves, l'obligeant à l'implorer pour qu'il lui accorde

enfin ce qu'elle voulait. Elle n'avait aucune expérience

du désir charnel ; elle n'avait pas la moindre idée

de sa profondeur ou de sa puissance. ni de I'effet

que cela faisait de désirer quelqu'un au point d'en

perdre la tête.

Mais ce qui rendait la situation vraiment passion-

nante, c'était de savoir qu'il la désirait aussi. En dépit

de son inexpérience, quand il la serrait contre elle,


elle ne pouvait s'y méprendre et, plus il taquinait

sa bouche, plus leur excitation croissait.

Décidant soudain que cela suffisait, elle plongea

ses doigts dans ses cheveux et les empoigna. Il

s'immobilisa, plongea son regard dans le sien. Dans

ses yeux si proches, elle lut un désir sans fard, sans

douceur, alors elle tira ses cheveux pour amener sa

bouche sur la sienne.

Elle écarta les lèvres sans savoir exactement ce

qu'elle faisait mais en ayant une idée assez précise

de ce qu'elle voulait. Et comme il l'imitait, elle glissa

sa langue dans sa bouche. bien décidée à retrouver

le plaisir inouï qu'elle avait connu I'autre soir.

Elle n'eut pas longtemps à attendre. Avec fougue,

il réagit à sa caresse. Et sous l'impact de ce baiser

habile, déterminé, empreint de désir, elle eut la

sensation que tout son sang affluait vers une région

bien précise de son anatomie. Les sensations se

succédaient sans fin ; il lui fallait assouvir cette

envie jamais ressentie, ce besoin de...

- Désolé de vous interrompre...


Dans un sursaut. Casey et McKinnon s'arrachèrent

à leur baiser sans pour autant qu'il la lâche.

- Qu'y a-t-il. Norris ? demanda McKinnon d'un

ton irrité, ignorant le regard curieux du contremaître.

Ce n'était pas la première fois qu'on le surprenait

en train d'embrasser une femme et ce ne serait sans

doute pas la dernière.

- Spitfire ne va pas bien.

Avec un juron, McKinnon lâcha Casey.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il d'une voix

assourdie par I'inquiétude.

- Le travail a commencé mais les contractions

sont inefficaces. J'ai appelé Paul mais Beth m'a dit

qu'il était chez Monroe où des bêtes sont malades.

Elle ne sait pas exactement quand il va rentrer.

Casey s'était suffisamment ressaisie pour suivre

la conversation entre McKinnon et son contremaître.

Elle savait que Beth Manning, garde de parc national,

travaillait avec Durango et que Paul, son mari, était

le vétérinaire local.

Soudain, sans se soucier de la présence de Norris,


McKinnon effleura ses lèvres d'un baiser.

- Il faut que j'y aille, murmura-t-il tout contre sa bouche.

A peine avait-il prononcé ces mots qu'il dispa-

raissait derrière Norris en direction des écuries.

- Est-ce qu'elle va bien, McKinnon ?

Ce dernier leva les yeux sur Casey qui entrait

dans l'écurie. Elle avait échangé sa chemise de

nuit et sa robe de chambre contre un jean et une

chemise. Tenue plus pratique et, du point de vue de

McKinnon, tout aussi sexy.

Il déglutit et reporta son attention sur la jument

étendue sur la paille du box de mise bas.

- Je l'espère mais on dirait que son premier

poulain lui fait passer un sale quart d'heure.

- La pauvre...

- Oui. Et le père ne prend pas mieux les choses,

dit McKinnon, désignant de la tête Thunder qui

arpentait anxieusement son box. Si tu peux t'oc-

cuper de Spitfire, qu'elle reste calme surtout. je vais

mettre Thunder dans un box du fond. Moins il en


saura, mieux ce sera pour lui.

- Bien sûr. dit Casey, s'approchant de la jument.

Elle n'était pas choquée d'entendre McKinnon

parler de Thunder comme s'il s'agissait d'un être

humain ; ses frères avaient la même attitude vis-à-

vis de leurs chevaux.

Seule avec Spitfire, elle lui parla tout doucement,

s'efforçant de l'apaiser. Elle avait fréquenté assez de

juments pleines pour savoir que, Iorsque venait le

moment de la délivrance. elles avaient tendance à

devenir anxieuses, exactement comme les humains.

Mettre au monde un petit, qu'on soit femme ou

jument, ne semblait pas une partie de plaisir.

- Elle va bien ? s'enquit McKinnon, rentrant

dans le box après sa courte absence.

- Oui. As-tu des nouvelles de Paul ?

- Il a appelé sur mon portable pendant que je

changeais Thunder de box. Il part de chez Monroe.

Espérons qu'il arrivera à temps pour donner un

calmant à Spitfire.

McKinnon se rapprocha de Casey.


- Tu es probablement fatiguée après cette dure

journée. J'ai le sentiment que la nuit va être longue.

Tu ferais mieux d'aller te coucher.

Casey le dévisagea. Il cherchait visiblement à se

débarrasser d'elle ; il voulait revenir à une relation

plus distante.

- Je ne suis pas fatiguée, McKinnon. Et comme

demain c'est samedi, je pourrai toujours faire la

grasse matinée.

Sans mot dire, il soutint son regard. Elle sentait

pourtant bien qu'il cherchait à gommer I'instant

d'intimité qu'ils avaient partagé. Une part d'elle-

même lui soufflait que si tel était son désir, elle

n'avait qu'à y accéder. Mais l'autre part, celle qui

pressentait que tout cela n'était pas clair. décida

de ne pas renoncer aussi vite. Le comportement

de McKinnon cachait un secret qu'elle était bien

décidée à percer.

- C'est vraiment un superbe poulain ! s'exclama

Casey, incapable de contenir son exaltation en


songeant au petit animal que Spitfire avait mis bas

deux heures plus tôt.

La mère et le petit se portaient bien. Quant au

père, il hennissait fièrement.

- Oui, il est superbe, convint McKinnon.

Tous deux revenaient vers la maison.

- Ton père va être content, ajouta-t-il.

- J'en suis sûre !

Après l'arrivée de Paul, une telle effervescence

avait régné dans les écuries qu'ils n'avaient pu songer

à autre chose qu'à l'événement qui se préparait. Mais

à présent que tout était rentré dans I'ordre, d'autres

sujets de préoccupation reprenaient leurs droits.

- Tout à l'heure, tu parlais de grasse matinée,

reprit McKinnon, d'un ton aussi neutre que possible.

Est-ce que ça signifie que tu comptes passer le

week-end au ranch ?

- Mes parents vont rendre visite aux tiens ce

week-end. En fait, je vais avec les deux couples

voir une pièce de théâtre demain soir. Si tu veux

te joindre à nous, tu es le bienvenu.


- Non, merci. J'ai du travail.

Elle hocha la tête, sachant très bien que c'était

une façon de lui signaler qu'il ne souhaitait pas sa

compagnie.

- Très bien. A plus tard alors.

Avant qu'il puisse ajouter un mot - ce qui restait

du domaine de la supposition -, elle se détourna

et gagna d'un pas rapide le cottage.

**

Savannah téléphona pour inviter Casey à dîner

Ie dimanche. Durango travaillait ce jour-là et elle

détestait prendre ses repas seule. Casey fut heureuse

de l'occasion qui se présentait à elle de quitter le

ranch. Etant donné que McKinnon avait recom-

mencé à la fuir, I'ambiance y était un peu lourde.

De plus, elle appréciait la compagnie d'une jeune

femme de son âge avec qui elle avait tissé des liens

d'amitié.
Au cours du repas, elles bavardaient à bâtons

rompus quand brusquement Savannah attaqua un

sujet que Casey aurait volontiers évité.

Tout en portant sa fourchette à sa bouche, elle

dévisagea Savannah.

- Pourquoi supposes-tu qu'il se passe quelque

chose entre McKinnon et moi ?

Savannah sourit.

- Parce que c'est vrai, répondit-elle en toute

simplicité. Tu peux nier tant que tu veux, ça crève

les yeux. Seulement je crois sincèrement que tu ne

comprends pas vraiment de quoi il retourne.

Étant donné son manque d'expérience dans le

domaine. Casey admettait bien volontiers cette

possibilité.

- Quels sont les signes ?

Le sourire de Savannah s'élargit.

- Je vous ai vus tous les deux assister à des

soirées. J'ai pu observer la façon dont vous regardez

l'autre quand vous supposez qu'il ne vous voit pas.


Je sais pertinemment comment ça se passe parce

que c'est ainsi que tout a commencé entre Durango

et moi. C'était si fort entre nous que nous étions

au lit Ie lendemain du jour où nous nous sommes

rencontrés,

Elle se caressa le ventre en souriant.

- Et tu connais la suite...

Casey rit.

- Vous êtes tellement amoureux ! Ne viens pas

me raconter que vous vous êtes mariés à cause du

bébé !

- Bien vu ! s'exclama Savannah, son sourire

s'élargissant. Disons que ça a été l'argument décisif.

Nous ignorions être amoureux I'un de I'autre. Ou

peut-être que, tout au fond de nous, nous le savions

mais avions peur de le reconnaître. Encore heureux

que nous soyons revenus à nous ! Je ne peux imaginer

la vie sans Durango et je voudrais que tu connaisses

le même bonheur.

Casey secoua Ia tête.

- Minute. Savannah ! Tes yeux sont si pleins


de ton amour pour Durango que tu ne vois plus le

monde qu'à travers un filtre rose ! Une fois pour

toutes, crois-moi : il n'y a rien entre McKinnon et moi.

- Tu peux dire ce que tu veux, tu ne me feras

pas changer d'avis. Chaque fois que vous vous

retrouvez ensemble, on a l'impression de vivre sur

un volcan. C'est comme si des braises couvaient en

permanence sous la cendre et je ne pense pas que

tu te doutes à quel point ça peut être explosif.

A voir... Après deux baisers, qu'elle n'envisageait

pas d'évoquer pour le moment, elle savait à quel

point la passion pouvait se révéler explosive.

- D'accord. Je veux bien admettre que je suis

attirée par McKinnon. Quelle femme ne le serait

pas ? Mais l'attirance physique n'a rien à voir avec

ce que tu sous-entends. Il a opté pour le célibat et

moi, j'en suis à me demander quelle orientation je

veux donner à ma vie. Mes choix ont été si long-

temps fondés sur des mensonges...

Elle eut un rire dépourvu de gaieté.

- Sais-tu que j'étais tellement fascinée par le


beau roman d'amour que, selon ma mère, mon père

et elle avaient vécu. que, voulant vivre le même, je

me suis gardée vierge pour l'homme de ma vie ?

Casey poussa un profond soupir. Voilà, impossible

désormais de revenir en arrière ; elle avait livré

son secret. En un sens, elle ressentait un certain

soulagement. Elle n'avait pas de sœur et ses frères

étaient bien les dernières personnes avec qui elle

pourrait aborder des sujets aussi intimes.

- Mais c'est merveilleux ! S'exclama Savannah.

Elle s'agita sur sa chaise pour trouver une position

plus confortable.

- Tu sais, j'aurais aimé me garder pour Durango.

Celui qui est passé avant lui était un minable, un

sale égoïste et je regrette le jour où je l'ai rencontré.

Et encore plus d'avoir couché avec lui...

Après quelques instants de silence, elle reprit :

- Il faut dire que je n'avais aucune raison de

croire au prince charmant. Mon père était le pire

salaud que la terre ait porté et je peux t'assurer qu'il

ne donnait pas envie de croire aux contes de fées.


- Possible mais, au moins, on ne t'a pas abreuvée

de mensonges durant toute ta jeunesse.

- Certes, mais je continue à penser que tu as

bien de la chance. Ta mère s'est consacrée à votre

éducation à tes frères et toi. Sa vie de mère céli-

bataire n'a pas dû être facile et, pourtant, elle t'a

inculqué un solide sens des valeurs. Tous les enfants

ne peuvent en dire autant. Et quand elle s'est sentie

mourir, elle a voulu que vous sachiez la vérité alors

qu'elle aurait très bien pu emporter son secret dans

sa tombe. Si tu as souffert de l'absence de père dans

ton enfance, tu as fini par le rencontrer et tu as pu

constater quel homme merveilleux il est. Tu sais, si

je pouvais, j'échangerais volontiers Jeff Claiborne

contre Corey Westmoreland...

Le silence tomba sur les deux jeunes femmes.

- Il y a peut-être un détail qui t'échappe, reprit

Savannah après quelques instants.

- Lequel ?

- Les raisons qui ont poussé ta mère à entretenir

un tel mensonge. Il lui fallait peut-être ce fantasme


pour s'en sortir, supporter l'idée que le seul homme

qu'elle ait aimé par-dessus tout en aimait une autre.

J'imagine l'épreuve que ça a dû représenter pour elle.

Casey regardait Savannah tout en songeant qu'elle

n'avait jamais envisagé les choses sous cet angle.

Les deux dernières années, elle en avait tant voulu

à sa mère qu'elle n'avait pas été en état de réfléchir

à la souffrance d'aimer éperdument un homme qui

ne la paierait jamais de retour.

- Promets-moi quelque chose, Casey.

- De quoi s'agit-il ? s'enquit cette dernière, étonnée.

- Si jamais tu te rends compte que tu tiens à

McKinnon, ne renonce pas sans te battre ! Sans être

psychologue, je devine une blessure en lui. Même

quand il paraît heureux, il subsiste toujours chez

lui un fond de tristesse dont j'ignore la cause. C'est

comme si quelque chose le rongeait intérieurement,

mais je n'ai aucune idée de ce que cela peut être. Je

l'ai parfois surpris nous observant d'un air pensif,


Durango et moi, quand nous échangions des gestes

tendres. Et, bien qu'il clame sur tous les toits qu'il

ne se mariera jamais et ne veut pas d'enfant, je ne

crois pas que, tout au fond de lui, il soit sincère.

J'ai essayé d'en discuter avec Durango mais il se

ferme comme une huître dès que j'aborde le sujet.

Je ne m'en offusque pas. Je trouve normal que deux

amis si intimes partagent des secrets.

Casey hocha la tête. Elle connaissait le lien qui

unissait les deux hommes.

- Bon, assez bavardé ! conclut Savannah en

se levant. Promets-moi seulement, si l'occasion se

présente, de réfléchir à ce que je t'ai dit.

Avec un soupir, Casey promit.

-8-

Bien installé dans son confortable bureau,


McKinnon consultait un dossier. L'étalon blanc

importé d'Australie venait d'arriver au ranch. Crown

Royal était un superbe animal, à la silhouette

parfaite, en excellente condition physique et doté

d'un caractère exceptionnel. Après sa capture, il

avait été confié à Marcello Keaston, entraîneur de

renom, qui l'avait parfaitement préparé à ce qu'on

attendait de lui. La jument sélectionnée étant de

grande valeur, McKinnon ne doutait pas que les

petits de Crown Royal rapporteraient de jolies

sommes dans les ventes.

Il se leva, s'étira et son regard tomba machina-

lement sur le calendrier accroché au mur. Quatre

jours s'étaient écoulés depuis sa dernière entrevue

avec Casey. Il avait mis un point honneur à éviter

toute rencontre depuis et il semblait qu'elle agisse

de même. C'était heureux car cette fille le mettait

dans un état émotionnel inacceptable.

Un coup fut frappé à la porte.

- Entrez !

En voyant paraître Durango, son visage s'éclaira


d'un sourire.

- Comment va, Rango ?

- Très bien. J'ai déposé Savannah au salon de

coiffure et pensé tuer le temps ici en l'attendant. Je

viens de voir Crown Royal. Quelle beauté !

McKinnon rit d'un air fier tout en se rasseyant.

- C'est vrai et je compte qu'il nous rapporte

de sympathiques sommes d'argent au cours des

prochaines années. J'ai déjà eu un coup de téléphone

de Mike Farmer.

Le sourire de Durango s'élargit.

- Les nouvelles vont vite, on dirait !

McKinnon hocha la tête.

- Ce qui me convient tout à fait, pour autant que

ce soit en notre faveur. Et tu connais Mike, il veut

être le premier partout et a suffisamment d'argent

pour se le permettre. Il semble prêt à acheter les

premiers poulains de Crown Royal maintenant que

nous avons sélectionné Courtship.

Courtship, un produit de Thunder et d'une superbe

jument australienne nommée Destiny, avait déjà été


remarquée pour sa beauté et sa vélocité.

- Et j'ai eu un coup de téléphone de Jamal, ajouta

McKinnon, souriant.

- Il voulait des nouvelles de prince charmant, je suppose ?

- Oui. Et il désire que je rencontre deux de ses

associés qui séjourneront en Colombie-Britannique

cette semaine. Notre programme d'élevage les intéresse.

Jamal assistera-t-il à cette réunion ?

Non. Il reste près de Delaney à Téhéran pour

Ie moment. Ils assisteront au mariage de Ian le

mois prochain mais, sinon, les médecins leur ont

conseillé d'interrompre leurs vagabondages autour

du monde.

Durango rit.

- Étant donné que nous avons un certain nombre

de femmes enceintes dans la famille, je peux

comprendre le problème ! Tu vas donc te rendre

en Colombie-Britannique ?

- Oui. Je pars demain, dès l'aube, et ne serai

probablement de retour que samedi.

- Tu vas rater la fête de Casey.


- C'est plus que probable.

McKinnon n'ajouta pas que c'était assurément

pour le mieux.

- Veux-tu boire quelque chose ?

Durango fit signe que non de la tête.

- Merci. Savannah nous a préparé un bon petit

dîner et je ne veux pas me couper l'appétit. Tu es

invité. à propos.

McKinnon réfléchit. S'il était invité, il y avait de

bonnes chances que Casey le soit aussi. Très vite,

il décida de décliner l'invitation. Il n'avait aucune

envie de s'infliger le martyre de la contempler par-

dessus la table sans pouvoir la toucher.

- Merci, mais j'ai une tonne de paperasses à

régler avant mon départ.

De peur que Durango ne lui fasse remarquer que

c'était une piètre excuse, il ajouta très vite :

- Pendant que tu es là, veux-tu jeter un coup

d'œil aux livres ? Je pense que tu trouveras tout

en ordre.

- Comme d'habitude.
Durango traversa la pièce pour aller s'asseoir à

un bureau installé dans un coin.

Quand ils avaient décidé de se lancer dans l'éle-

vage de chevaux de course, tous deux savaient

qu'il s'agissait d'une entreprise à risques. A présent

pourtant, leur audace payait. En quelques années à

peine, non seulement ils avaient gagné l'estime de

leurs pairs, mais encore l'entreprise générait plus

de profits que ni Durango, ni McKinnon n'auraient

jamais osé l'imaginer.

- Comment Casey se débrouille-t-elle ? demanda

Durango quelques instants plus tard.

- Bien. Elle utilise une approche différente,

qui nécessite davantage de temps, mais j'ai toute

confiance en elle. Elle sait ce qu'elle fait, il n'y a

aucun doute là-dessus.

McKinnon préférait ne pas mentionner les

nombreuses occasions où il s'était tenu à la fenêtre de

son bureau et l'avait regardée agir avec les chevaux.

Enfin, pour être plus précis. où il l'avait regardée,

elle. Chaque fois qu'il Ia voyait, il repensait à leurs


baisers passionnés.

C'était affreux, ce besoin presque irrépressible de

sentir ses lèvres sous les siennes alors qu'il luttait

contre l'envie de l'embrasser depuis des jours.

Encore maintenant. il se rappelait précisément la

chaleur de ses lèvres, comment elles s'écartaient

sous les siennes, le bref soupir qu'elle exhalait juste

avant qu'il ne glisse sa Iangue à la recherche de la

sienne. Et...

- Comment gères-tu sa présence au ranch ?

McKinnon adressa à Durango un regard signifiant

clairement qu'il ne gérait pas bien du tout.

- Ta cousine est une belle femme qui pourrait me

faire perdre la tête si je la laissais faire, Durango.

- Pour toi, ce serait la catastrophe, n'est-ce pas ?

McKinnon soupira profondément.

- Tu es mieux placé que quiconque pour le savoir,

non ? Tant que nous maintiendrons une relation

employeur-employée, tout se passera bien.

Il avait beau jeu d'affirmer ça, lui qui n'avait même

pas été capable de s'en tenir à cette règle.


- Regardons les choses en face, reprit-il. J'ai

pris un jour une décision qui, je le savais, affecte-

rait irrémédiablement mes futures relations avec la

gent féminine. A l'époque, j'ai jugé que c'était le

seul choix pour moi étant donné les circonstances

et je n'ai pas changé d'avis.

- Je comprends, dit Durango, refermant les livres

de comptes. Et comme je te l'ai dit alors, j'approuve

tout à fait ta décision. Mais cette opération ne marque

pas la fin du monde, McKinnon. Pourquoi refuses-

tu d'envisager les autres possibilités ?

McKinnon ne répondit pas. Enfin, pas immédia-

tement. Quand il parla, ce fut d'une voix chargée

de rancune.

- J'ai envisagé les autres possibilités, je te rappelle.

Mais je ne peux exiger d'une femme qu'elle les

envisage aussi. Lynette s'y est refusée. Crois-moi,

Rango, c'est beaucoup plus facile ainsi.

Durango se pencha en avant sans quitter son ami

des yeux.

- Choisir de vivre seul toute ton existence


n'est pas une solution, McKinnon. A une époque,

nous croyions tous les deux que le célibat était le

seul mode de vie qui nous convenait, mais depuis

que Savannah est entrée dans ma vie, je suis plus

heureux que tu ne peux l'imaginer. Sans elle, je

serais probablement mort solitaire et misérable.

De plus, si j'en juge par les regards que tu posais

sur Casey l'autre soir, au dîner, ta position n'est

pas aussi simple que tu le prétends. Tu la désires

passionnément, c'est évident. De mon point de vue,

en tout cas. Mais je pense que ça va un peu plus

loin. Je pense que tu pourrais bien être en train de

tomber amoureux, McKinnon.

- Tu te trompes, gronda ce dernier. Tu te trompes

complètement !

Durango resta quelques instants silencieux.

- Nous verrons, dit-il enfin, se renversant contre

le dossier de son siège.

- Bon sang, Rango ! C'est tout vu !

Profondément agacé de s'être laissé atteindre

par la supposition de son ami, McKinnon se leva


brusquement.

- Je sors, dit-il, laconique.

Durango haussa les sourcils.

- Où vas-tu ?

- Monter Thunder.

Sur ces mots, McKinnon pivota sur ses talons et,

en un clin d'œil, disparut de la vue de Durango.

En voyant un cavalier et sa monture approcher,

Casey mit une main en visière sur ses yeux pour

se protéger du lumineux soleil de mai. Et cessa de

respirer en reconnaissant McKinnon. Sous le ciel

du Montana, ses cheveux flottaient librement sur

ses épaules et il lui parut absolument parfait dans

son jean usé et sa chemise de coton bleu. Même ses

bottes éculées trouvaient grâce à ses yeux tandis

qu'il se tenait campé sur son immense cheval, se

découpant sur un arrière-plan de sommets déchi-

quetés. Elle déglutit, tenta d'apaiser les palpitations

de son cœur. Sa seule vue lui remettait en mémoire

leurs baisers, plus fougueux et hardis les uns que


les autres.

Il s'arrêta près du ruisseau, là où son cheval et

elle se reposaient.

- Bonsoir, McKinnon.

Après avoir terminé sa séance de travail avec

Prince charmant, elle avait décidé de faire une

petite promenade. Et ensuite, elle se rendrait chez

Savannah qui I'avait invitée à dîner.

- Bonsoir, Casey, dit-il d'un ton de politesse

circonspecte. Tu as décidé de faire un petit tour, à

ce que je vois.

- Oui, et avant que tu ne fasses une remarque

malveillante, sache que Prince charmant et moi

avons bien travaillé aujourd'hui.

- Loin de moi cette idée ! J'ai entendu dire que

sa vitesse dépassait les prévisions de Jamal. Ce qui

prouve l'excellence de tes méthodes.

- Je savais parfaitement ce que je faisais, souligna-

t-elle en croisant les bras sur sa poitrine.

- Et tu avais raison.

Quelques secondes s'écoulèrent.


- Je pars demain matin pour la Colombie-

Britannique et ne reviendrai sans doute que samedi.

Si tu as besoin de quoi que ce soit en mon absence'

adresse-toi à Henrietta ou Norris.

Même s'il recommençait de toute évidence à

l'éviter, l'idée qu'il partait, qu'elle ne l'apercevrait

plus dans les parages, causa un drôle de pincement

au cœur de Casey. Mais elle se reprit énergique-

ment. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire qu'il

quitte le ranch ? Il ne signifiait rien pour elle. Et

elle, rien pour lui.

- Merci de m'avoir prévenue, dit-elle d'une

voix qu'elle se réjouit d'entendre assurée. Et bon voyage !

Refermant ses doigts sur les rênes, il fit faire

demi-tour à Thunder. Et, ce faisant, les paroles de

Durango revinrent résonner à ses oreilles. Avant

même que son ami ait fait allusion à la possibilité

qu'il soit tombé amoureux de Casey, McKinnon

entretenait des doutes à ce sujet. Ses sentiments pour

la jeune femme s'étaient développés depuis le jour

où elle avait mis les pieds au ranch et c'était une


catastrophe dans la mesure où ils ne pouvaient mener

qu'à une impasse... Pourtant, tout en sachant cela,

il ne parvenait pas à se résoudre à embarquer dans

un avion le lendemain sans emporter le souvenir

d'un dernier baiser.

Il trotta quelques mètres avant d'arrêter Thunder

et de lui faire opérer un demi-tour. C'était pour

échapper à I'obsédante pensée de Casey qu'il était

sorti faire cette promenade. Et voilà qu'il se retrouvait

face à elle. Elle le dévisageait tandis qu'un silence

électrique s'étirait entre eux.

Sur une irrésistible pulsion, il sauta à bas de son

cheval et s'approcha lentement d'elle.

Casey regardait venir McKinnon, ses beaux traits

taillés dans le granit tout empreints de sensualité.

Après leur dernier baiser et la distance qu'il avait

mise entre eux ensuite, elle aurait juré ne pas le

revoir de sitôt en tête à tête. Et plus il approchait,

plus elle soupçonnait que ses sentiments naissants

étaient déjà trop profonds pour qu'elle puisse rien


lui refuser.

Elle le détailla du regard quand il s'arrêta juste en

face d'elle. A la façon dont ses poings se crispaient,

elle devinait qu'il luttait contre un urgent désir de

la prendre dans ses bras. Elle décida donc de lui

faciliter la tâche.

Se soulevant sur la pointe des pieds, elle prit son

visage dans ses mains et s'apprêta à lui donner de

quoi réfléchir en son absence. C'était son baiser,

décida-t-elle. Elle prendrait donc son temps. Elle

serait tendre et savourerait chaque instant.

Se laissant aller à son instinct puisqu'elle possédait

si peu d'expérience, elle caressa doucement sa joue.

Et comme il poussait un profond soupir, profita de ce

qu'il entrouvrait les lèvres pour explorer la caverne

aux trésors. Mais quand leurs langues se mêlèrent,

une sorte de tremblement de terre intérieur la fit

frémir d'un besoin qu'elle ne ressentait que dans

ses bras. Se sentant sombrer, elle se raccrocha à ses

épaules pour ne pas tomber.

Au bruit d'un cheval qui s'ébrouait, elle lâcha sa


bouche et posa son front contre celui de McKinnon

tandis qu'ils essayaient tous deux de reprendre leur

souffle.

Un moment après, McKinnon recula et elle le

vit se frotter les yeux et le visage. Après quoi, il

marmonna quelque chose qui ressemblait à un juron

avant de s'écarter. Enfin, il remonta en selle et

n'aurait pas galopé plus vite s'il avait eu les troupes

du shérif à ses trousses.

Un peu plus tard, ce même après-midi, installées

sous le porche, Savannah et Casey admiraient la vue

imprenable sur les montagnes. A l'intérieur de la

maison, Durango regardait un match de basket-ball

à la télévision.

- Ça va, Casey ? demanda Savannah.

Casey leva les yeux sur son amie.

Pour le dîner, Savannah avait préparé un poulet

accompagné de boulettes de pâte, spécialité

Westmoreland soutirée à Chase, le cuisinier de la

famille. Chase et sa femme tenaient un restaurant


à Atlanta. Et il se trouvait que la femme de Chase,

Jessica, était la sœur de Savannah.

Bref, le repas avait été un pur délice.

En parlant de délice... Les pensées de Casey se

reportèrent sur McKinnon. Sans doute était-il de

retour au ranch, occupé à faire ses bagages en vue

de son départ matinal. Elle se demanda s'il pensait

comme elle à leur dernier baiser.

- Casey ?

La jeune femme soupira.

- Oui, oui, je vais bien. Je pensais juste à quelque

chose.

- A quelque chose ou à quelqu'un ? répliqua

Savannah avec un sourire.

Casey sourit à son tour. Elle pensait bel et bien à

quelqu'un. McKinnon Quinn avait le chic pour vous

embrasser comme un fou un instant pour disparaître

dans la nature le suivant.

- Je n'arrive pas à comprendre, dit-elle

doucement.

- Comprendre quoi ?
- Pourquoi un homme qui semble adorer vous

embrasser une minute s'éloigne de vous à la vitesse

de l'éclair la suivante, comme s'il regrettait son geste.

Savannah eut un petit rire.

- A mon avis, il a peur d'aller trop loin. Ça te

pose problème qu'il t'embrasse ?

- Oui. Enfin, non. Je... je ne sais pas. Nos baisers

ne signifient rien.

- Qu'est-ce qui te fait croire ça ?

Casey leva les yeux au ciel.

- Crois-moi, il s'agit de simples baisers ! S'ils

avaient une quelconque signification, il ne les

regretterait pas le jour suivant.

Savannah hocha la tête.

- McKinnon te désire, c'est évident, mais il

essaie de toutes ses forces de résister. Je me demande

combien de temps il pourra se contrôler.

Casey haussa les épaules.

- C'est une question que je ne veux même pas me poser.

Savannah émit un grognement de réprobation.

- Casey Westmoreland, ne souhaites-tu pas,


un tout petit peu, savoir pourquoi il a si peur de

s'engager dans une relation sérieuse ?

- Je ne suis pas aussi naïve que tu le crois,

Savannah ! J'ai deux frères, souviens-toi. Alors,

je sais pourquoi certains hommes préfèrent rester

libres. Ça s'appelle la phobie de l'engagement !

McKinnon me paraît plutôt branché sur le sexe. Et,

comme Clint et Cole, je suis persuadée qu'il juge

très acceptable une vie uniquement axée sur les

rapports physiques. J'ai pu observer comment mes

frères pratiquaient, changeant de femme comme

de chemise. Des trois, c'était moi qui avais la tête

farcie d'illusions romantiques. J'étais bien la seule

à croire à l'amour éternel !

- Moi, si un homme s'intéressait un jour à moi

pour m'ignorer le lendemain, je voudrais savoir

pourquoi, dit Savannah. Comme ça, je saurais

comment m'y prendre avec lui.

En regagnant le ranch ce soir-là, Casey finit par

admettre que Savannah avait soulevé une excellente

question. Pourquoi l'éventualité d'une liaison entre


eux épouvantait-elle tellement McKinnon ?

Il y avait des limites à ce qu'un couple pouvait

faire avant que les baisers ne se métamorphosent

en câlins, caresses plus appuyées et déshabillage...

Croyait-il qu'ils pourraient continuer à s'embrasser

sans chercher à pousser plus loin ? Déjà, dès qu'il

la prenait dans ses bras, elle ressentait des émotions

inconnues. Son corps vibrait et s'impatientait comme

s'il avait reconnu l'autre moitié de lui-même et

voulait la rejoindre.

Ce qui était complètement fou.

A moins que...

A moins qu'il ne soit vraiment l'autre moitié d'elle-

même. Une intense chaleur l'envahit en évoquant

cette possibilité et sa gorge se contracta. Se pouvait-il

que McKinnon lui soit destiné ? Sa mère prétendait

toujours qu'une femme reconnaissait à coup sûr

celui qui était fait pour elle. Et même si elle lui avait

rempli l'esprit d'idées fausses concernant Corey et

elle, il suffisait à Casey de regarder autour d'elle

pour voir que le grand amour existait. Durango et


Savannah en étaient un exemple. Son père et Abby,

les parents de McKinnon, pour ne citer qu'eux, en

étaient d'autres. Il existait de nombreux membres

de la famille Westmoreland heureux en ménage.

Elle décida d'exiger certaines réponses au retour

de McKinnon. Et s'il cherchait seulement à s'amuser

avec elle, elle lui montrerait qu'il s'attaquait à un

adversaire plus coriace qu'il ne l'imaginait. Si elle

n'avait pas une grande expérience dans le domaine

des relations amoureuses, il apprendrait à ses dépens

qu'elle n'était pas pour autant une femme à prendre

à la légère.

Elle portait un jean, un chemisier vert largement

décolleté, ce qui ressemblait à de grosses bottes et

ses cheveux tout ébouriffés suggéraient soit qu'elle

sortait du lit d'un homme, soit qu'elle avait conduit

vitres baissées. Il préférait nettement la deuxième

solution. L'idée qu'elle puisse batifoler dans le lit

d'un homme le rendait fou.

Quand elle rentra dans le cottage et referma


la porte derrière elle, il s'écarta de la fenêtre, se

demandant comment il pouvait se montrer aussi

possessif vis-à-vis d'une femme sur laquelle il

n'avait aucun droit et n'en aurait jamais. N'importe

quel homme dans sa situation aurait la décence de

la laisser tranquille. En réalité, pour commencer.

aucun homme dans sa situation, doté d'un grain de

bon sens, ne l'aurait embrassée. Et comme s'il ne

suffisait pas d'une fois, il avait recommencé. On

savait où ça menait.

Mais ce qu'il savait surtout, c'était qu'il la désirait.

Compte tenu de la situation , c'était complètement

fou. Et pourtant, il aurait donné n'importe quoi

pour la prendre une dernière fois dans ses bras et

revendiquer sa possession, ne serait-ce que pour

une minute, une heure... une nuit. Il était bien placé

pour savoir que, s'agissant de Casey, l'embrasser ne

serait jamais suffisant. Elle était capable d'éveiller

chez lui un désir si fort, si puissant, que sa seule

pensée suffisait à le pétrifier.

Comme à présent.
Il ferma sans douceur son bagage tout en jurant

intérieurement. Il voulait sentir ses seins aux pointes

durcies pressés contre sa poitrine. Il voulait serrer

son corps contre le sien, aussi étroitement que

possible, pour interrompre la douloureuse pulsation

du désir. II voulait l'embrasser encore, glisser sa

langue dans sa bouche, dévorer ses lèvres, savourer

chaque caresse... ou lui laisser prendre le contrôle

de la situation, comme tout à l'heure, près du

ruisseau. Si inexpérimentée soit-elle, sa technique

avait été sans défaut et elle I'avait excité au point

que son désir n'était toujours pas retombé. Un lien

puissant les unissait, qu'il n'arrivait pas à dissiper.

Un homme raisonnable ne se laisserait pas ainsi

réduire en esclavage ; mais, en sa présence, toute

raison semblait l'abandonner.

Même à présent, il I'imaginait se préparant pour

la nuit, prenant une douche, laissant l'eau couler sur

son corps nu. Plus que tout, il aurait voulu être sous

la douche avec elle, la prendre contre le mur carrelé,

I'entendre crier son prénom quand elle jouirait.


Des signaux d'alarme s'allumèrent dans son

cerveau. Aurait-il oublié les raisons pour lesquelles

une relation sérieuse entre eux était impossible ?

Avec un sourd grognement, il les écarta et sortit de

sa chambre pour se diriger vers la porte arrière.

En cet instant, il était allé trop loin pour réfléchir

sainement.

Casey entendit frapper bruyamment à sa porte au

moment où elle sortait de sa chambre. Elle rajusta

les pans de sa robe de chambre et traversa la salle

de séjour pour aller ouvrir tout en se demandant s'il

était arrivé quelque chose à Prince charmant.

A travers le judas, elle aperçut McKinnon et

ouvrit précipitamment la porte.

- Que se passe-t-il ?

- Rien.

Casey croisa son regard, plein d'un brûlant désir.

Et elle comprit qu'il n'avait pas I'intention d'en

rester là. Elle n'arrivait pas à décider si elle devait

l'attraper par sa chemise, Ie tirer à I'intérieur et


satisfaire son envie de lui ou bien courir chercher

un abri. Elle se remémora sa conversation avec

Savannah et, plus récemment encore, celle qu'elle

avait eue avec elle-même en regagnant le ranch.

Elle déglutit, luttant contre l'envie de donner à cet

homme ce qu'il voulait. Elle devait camper sur ses

positions, ne pas lui faciliter les choses.

Du moins, pas trop.

Elle le considéra, s'efforçant d'ignorer la lueur

dans son regard.

- Dans ce cas, que viens-tu faire ici, McKinnon ?

Il la dévisagea. Comme il I'imaginait, elle était

par endroits encore humide de la douche et prête à se

mettre au lit. Il lui saisit la main sans qu'elle puisse

s'en défendre, sentit le frisson qui la parcourait,

l'entendit reprendre brièvement sa respiration.

- Je suis venu parce que je pars demain matin

et que je veux un baiser d'adieu.

- Pourquoi ? Pour avoir une bonne raison de

m'ignorer à ton retour ?

Ces paroles, proférées sur un ton dur, atteignirent


McKinnon en plein cœur. Elle avait interprété sa

dérobade après chacun de leurs baisers comme un

rejet, alors qu'il essayait seulement de préserver sa

santé mentale en n'entamant pas une relation qui ne

les mènerait nulle part. Il avait cru que l'éloignement

était la seule réponse possible. Seulement, là où il

s'efforçait de se montrer positif, elle ne voyait que

sentiments négatifs. Au point où il en était, toutefois,

il n'était plus question d'héroïsme. Ils baignaient

dans une atmosphère d'intimité, ils la respiraient,

s'y anéantissaient.

- Pas du tout ! Je veux t'embrasser pour emporter

ton goût sur mes lèvres.

Elle tressaillit. Décidément, il savait quoi dire

pour la réduire à sa merci. Quand la chaleur de ses

doigts se diffusa autour des siens, elle comprit qu'elle

allait perdre la bataille. Elle refusait pourtant de

s'avouer vaincue avant d'avoir obtenu les réponses

aux questions qui la taraudaient.

- Pourquoi ? Pourquoi te tiens-tu soigneusement

à l'écart après chacun de nos baisers ? demanda-


t-elle doucement.

Il comprit que, cette fois, il devait se montrer

honnête avec elle. Enfin, le plus honnête possible.

- Ce n'est pas de toi que je m'écarte, Casey, mais

de la tentation. C'est ça ou m'évertuer à t'attirer

dans mon lit chaque fois que je me retrouve en ta

présence. Je te désire tellement...

- Et c'est une mauvaise chose de ton point de vue ?

- Ce n'en est pas une bonne, en tout cas. Tu

es la fille de Corey, la cousine de Durango. Les

Westmoreland sont comme ma seconde famille. Je

ne peux entamer avec toi une relation dont la seule

issue serait une impasse. Je doute qu'aucun d'entre

eux apprécie.

Casey ne comprenait toujours pas.

- Tu es sûr qu'une relation entre nous aboutirait

à une impasse ?

- Certain. Je n'ai pas l'intention de m'engager

sérieusement avec une femme, Casey. Le célibat

est mon lot.

- Puis-je te demander pourquoi ?


- Non. C'est un sujet que je refuse d'aborder.

Crois-moi simplement sur parole.

Il avait subi un chagrin d'amour, Casey en était

maintenant certaine. Était-ce la cause de son amer-

tume et de cette décision de n'ouvrir son cœur à

aucune femme ?

- Alors, pourquoi es-tu ici, McKinnon ? Je suis

toujours la fille de Corey, la cousine de Durango.

Et tu ne veux toujours pas entendre parler de rela-

tion durable.

Il lui lâcha la main pour s'appuyer au chambranle

de la porte et laissa son regard errer sur son corps,

du sommet de sa tête à la pointe de ses pieds nus.

Il la trouvait adorable dans son court peignoir de

soie noire.

Il la regarda dans les yeux.

- Parce que, dit-il lentement, en plus d'être la

fille de Corey et la cousine de Durango, je ne peux

nier plus longtemps que tu es une femme extrême-

ment désirable...

Il la prit par le menton pour l'amener à le regarder


en face.

- Une femme à qui je meurs d'envie de faire

l'amour, précisa-t-il.

Ces mots prononcés d'une voix assourdie par le

désir produisirent sur Casey un effet dévastateur.

Un trouble tel qu'elle n'en avait jamais ressenti l'envahit.

- Et tu as pris ta décision, comme ça ? parvint-elle

à dire en claquant des doigts.

- Non. Il m'a fallu presque trois semaines et ton

initiative de m'embrasser tout à l'heure pour que je

comprenne et accepte que tu es une femme, avec

tes propres exigences.

Casey se demanda comment il réagirait s'il savait

que c'était lui, et lui seul, qui éveillait son désir, que

les exigences dont il parlait n'avaient jamais existé

avant leur rencontre. A présent, non seulement elles

prenaient vie, mais encore elles semblaient animées

d'une volonté propre.

Elle se mordit nerveusement les lèvres.

- Tu ne préfères pas mordre les miennes ?

Casey essaya d'avaler la boule qui lui nouait


la gorge. La question de McKinnon avait si bien

fouetté son imagination qu'elle se voyait l'embrasser

à en perdre haleine. EIle perdait pied avec lui, se

rendit-elle compte. Il savait déchaîner ses émotions,

attiser sa passion. En tremblant, elle inspira une

bouffée d'air et recula d'un pas. Alors, il entra et

referma la porte derrière lui.

Il se tenait devant elle. grand, Iarge d'épaules,

bien proportionné. Sur son torse musclé, il portait

une chemise ocre qui mettait en valeur le brun doré

de sa peau. Sa chevelure flottait sur ses épaules et

ses yeux sombres la fixaient avec une intensité à

vous liquéfier sur place.

McKinnon Quinn était le rêve de toute femme.

Pour l'empêcher de reculer encore, il lui prit le

bras et l'attira à lui.

- Je ne plaisantais pas en disant que je voulais

emporter ton goût...

Et, joignant le geste à la parole, il se pencha et

prit sa bouche. Le soupir de plaisir de Casey alluma

un brûlant désir dans ses veines. Et il intensifia


son baiser, cherchant désespérément à gommer la

distance physique des semaines passées aussi bien

que celle qui s'annonçait pour les jours à venir. Il

dévorait sa bouche en homme affamé, qui avait

autant besoin de la goûter que de respirer, puis il

l'enveloppa dans son étreinte, pressant les courbes

de son corps tout contre lui, la serrant avec empor-

tement, voulant qu'elle sente combien elle lui était

nécessaire, avec quelle force il la désirait.

Comme si elle voulait lui transmettre le même

message, elle lui rendit avec fièvre ses caresses et

elle glissa ses bras autour de sa taille tandis qu'il

continuait à se délecter de sa bouche. Son goût

l'étourdissait. Il avait une odeur masculine mais

un goût suave de chocolat.

Elle sentit qu'il la soulevait dans ses bras mais,

contre toute attente, au lieu de l'emmener dans la

chambre, il la déposa doucement sur le canapé. Après

quoi, debout au-dessus d'elle, il la contempla.

Enfin, il s'agenouilla près d'elle et écarta les pans

de son peignoir. En découvrant qu'elle ne portait


qu'un slip dessous, il tressaillit. Leurs regards se

croisèrent un instant puis il baissa la tête pour prendre

la pointe d'un sein entre ses lèvres, s'acharnant sur

elle avec la même ferveur que précédemment sur

sa bouche. Chaque succion de son mamelon faisait

courir dans le ventre de la jeune femme des ondes

de voluptueux plaisir qui aboutissaient au cœur de

sa féminité.

Il posa les mains de chaque côté de son corps

pour mieux en poursuivre I'exploration avec ses

lèvres. Quand il atteignit son ventre, du bout de la

langue, il traça des cercles autour de son nombril,

le baisa avant de reprendre sa progression vers une

zone située plus bas.

Elle pensait que son slip l'arrêterait mais décou-

vrit très vite qu'il n'avait l'intention de laisser aucun

obstacle se mettre entre son désir et lui. Quand il

exposa son intimité en faisant glisser le bout de

tissu le long de ses jambes, elle se raidit.

Puis il y posa sa main et elle frissonna tandis

qu'une intense chaleur la consumait.


Les doigts de McKinnon glissèrent dans les boucles

sombres, trouvèrent le point sensible, l'agacèrent.

Puis il testa l'humidité entre ses jambes avant de

glisser un doigt en elle.

- McKinnon...

Elle prononça son prénom comme un feulement

tandis qu'il continuait à la caresser, provoquant

des spasmes d'une volupté telle qu'elle en perdait

la tête.

Il se pencha et elle souleva les hanches pour mieux

sentir la pointe de sa langue prendre possession du

lieu qu'abandonnait sa main. Les sensations que

procuraient ces caresses étaient si puissantes qu'elle

pensa s'évanouir. Et quand il souleva doucement ses

hanches pour l'amener plus près de sa bouche, elle

gémit son prénom dans une plainte venue du plus

profond de sa gorge.

Il ne cessait de la lécher, stimulant chaque termi-

naison nerveuse, la faisant trembler de tous ses

membres. Il avait allumé en elle un incendie qu'elle

ne croyait plus possible d'éteindre. Et au moment


où elle pensa se consumer dans les flammes, une

sensation plus aiguë que les autres lui arracha un cri.

Elle ferma les yeux, pensant reprendre pied,

mais les sensations voluptueuses se succédaient

en avalanche et, une fraction de seconde plus tard,

quelque chose explosa en elle et son corps se brisa

en une infinité d'éclats de bonheur.

Quand il arracha ses lèvres de son corps, elle ouvrit

les yeux et croisa son regard. Avant qu'elle puisse

dire un mot, il l'embrassa. Ensuite, il se redressa et

la contempla, le corps vibrant du douloureux désir

de la pénétrer. Mais le moment n'était pas venu.

Avant, il devait s'assurer qu'elle acceptait en toute

connaissance de cause ses conditions.

- McKinnon ?

Il se pencha et la serra tendrement dans ses bras

puis la regarda au fond des yeux.

- Avant que nous puissions aller plus loin, je

veux être sûr que tu comprends bien que c'est tout

ce que nous partagerons et que tu devras t'en satis-

faire. Réfléchis-y en mon absence.


Et il reprit ses lèvres pour un baiser donné avec

une ferveur qui lui coupa le souffle.

Alors, il se redressa et, sans ajouter un mot, se

dirigea vers Ia porte.

Et il sortit sans un regard en arrière.

-9-

- Te voilà de retour. McKinnon ! s'exclama

Étoile du matin, ravie de voir son fils aîné. Nous

ne t'attendions pas avant demain.

- J'ai réussi à boucler tout ce que j'avais à faire

un jour plus tôt que prévu, répondit-il en regardant

autour de lui.

Il y avait un monde fou. Sa mère et Abby avaient

décidément vu grand. Mais quoi de surprenant ?

Il examina la pièce à la recherche de la reine de

la soirée, celle qui avait hanté sans répit son esprit

depuis son départ. Il sourit quand son regard fut


happé par Stone Westmoreland qui avait dû arriver

pendant son séjour en Colombie-Britannique.

Il lui adressa un signe de tête puis continua sa

quête. Et soudain, comme un groupe d'invités

s'éparpillait, il se crispa en apercevant Casey en

conversation dans un coin avec Rick Summers.

Elle était tout simplement ravissante dans sa jupe

couleur café accompagnée du haut assorti.

- Veux-tu boire quelque chose, McKinnon ?

La question de sa mère détourna momentanément

son attention du couple. Il la regarda et se força à

sourire.

- Non, merci. Je pense que je vais me mêler aux invités.

Ii allait surtout se mêler des affaires d'une certaine

jeune personne, pensa-t-il. Et il se dirigea vers

l'endroit où se trouvaient Casey et Summers qui ne

semblaient pas avoir remarqué son arrivée.

- Je croyais que tu ne revenais que demain ! s'ex-

clama Durango, jailli du néant sur son chemin.

- Pas maintenant, Rango ! Grommela McKinnon.

Je n'ai qu'une envie : écraser mon poing sur la figure


de Summers.

Durango haussa les sourcils.

- Pourquoi ferais-tu une chose pareille ?

- Parce que Rick Summers est un...

- ... minable, termina Durango. Ce n'est pas

nouveau. Écoute, allons chercher des bières et

nous nous installerons quelque part pour décompresser.

McKinnon plissa les paupières.

- Je ne veux pas décompresser. Je veux...

- Casser la figure à Summers, je sais. Mais tu

dois d'abord te calmer et me raconter pourquoi le

fait de voir Casey en sa compagnie te met dans un

état pareil. C'est ma cousine, j'ai donc le droit d'être

mis au courant, surtout connaissant la réputation de

ce pauvre type... Mais enfin, au cas où tu ne l'aurais

pas remarqué, je ne suis pas le seul Westmoreland

présent dans cette salle. Il y a aussi Stone, Corey,

Clint et Cole.

McKinnon regarda autour de lui.

- Clint et Cole sont là ?

- Oui. Mais peut-être surveillent-ils le mauvais


bougre. Peut-être est-ce sur toi qu'ils devraient

garder un œiI... Lors de notre dernière discussion,

tu m'as affirmé n'être pas amoureux de Casey.

Alors, je voudrais bien savoir ce qui arrive à un

homme qui veut casser la figure d'un autre juste

parce qu'il parle avec une fille qui ne signifie rien

pour lui. Au lieu d'aller mettre ton poing dans la

figure de Summers, tu ferais peut-être bien d'y

réfléchir à deux fois. t

Et. sans attendre la réaction de McKinnon,

Durango tourna les talons.

Casey se dit que si Rick Summers continuait de

l'accaparer, elle n'arriverait pas plus longtemps à

cacher son ennui. En moins d'une demi-heure, elle

avait découvert que l'homme était si imbu de lui-

même que c'en était une honte. Il possédait un ego

surdimensionné et, pour une raison que Casey n'ar-

rivait pas à comprendre. une femme avait dû un jour

le persuader qu'il était un rêve devenu réalité.

Elle scruta la pièce à la recherche de Clint et de


Cole. En vain. Jamais là quand on avait besoin d'eux,

pensa-t-elle. Elle avait un temps espéré que l'un

d'eux s'approcherait et trouverait un prétexte pour

l'emmener loin de l'odieux individu. Mais aucun de

ses frères n'avait montré le bout de son nez.

Elle continua de sonder la pièce et, soudain,

eut la sensation que son cœur s'arrêtait de battre.

McKinnon ! Une montée d'adrénaline jointe à

l'effet de surprise produisait tout un tas de réac-

tions bizarres dans son corps. Elle ne l'attendait

pas avant le lendemain et le voir de l'autre côté de

la pièce, s'entretenant avec un de ses frères tout en

la couvant du regard, accroissait sa nervosité. Les

moments d'intense intimité vécus la veille du départ

de McKinnon lui revinrent à la mémoire. Et le simple

fait d'y repenser la fit frissonner de désir.

- Voulez-vous que nous sortions ?

Les paroles de Rick parvinrent jusqu'à sa conscience.

Une bonne chose, car elle était sur le point de se

liquéfier sous I'effet du regard de McKinnon. Elle

détourna son regard de ce dernier pour le poser sur Rick.


- Non, Rick. Je préfère rester à l'intérieur. De

plus, étant I'invitée d'honneur, ma disparition ne

serait pas très correcte.

Il haussa les épaules.

- Qui se soucie de ces gens ?

Casey se rembrunit.

- Moi. La plupart sont mes amis ou ceux de mon père.

Voyant qu'il l'avait irritée, Summers tenta de

revenir dans ses bonnes grâces.

- Veuillez m'excuser, Casey, mes propos prêtaient

à confusion. Je comprends que le moment soit mal

choisi, mais d'ici la fin de la soirée, nous pourrions

peut-être nous glisser dehors et...

- M'accorderas-tu cette danse ?

La voix grave, rocailleuse, fit tourner les tôtes

de Casey et de Rick. La surprise de ce dernier se

mua très vite en contrariété.

- D'où sors-tu McKinnon ? Je pensais que tu

ne rentrais que demain.

McKinnon lui adressa un sourire glacé.

- Voilà ce qui arrive quand tu penses. Summers.


Il se tourna pour faire face à Casey et lui tendit la main.

- Alors, danseras-tu avec moi, Casey ?

- Il n'en est pas question ! Comme tu peux

le constater, elle est avec moi, riposta aigrement

Summers.

- Est-ce exact ? demanda McKinnon, interro-

geant Casey du regard.

Sans répondre, Casey mit sa main dans celle de

McKinnon.

- Je danserais volontiers avec toi.

Elle se tourna vers Rick.

- Je vous prie de m'excuser.

Casey sentait la colère de Rick bouillonner dans

son dos tandis qu'ils s'éloignaient. Mais c'était bien

le dernier de ses soucis. Et quand McKinnon la

prit dans ses bras, entrelaçant de façon possessive

ses doigts aux siens, le souvenir de Rick Summers

s'évanouit comme s'il n'avait jamais existé.

McKinnon semblait avoir parfaitement choisi

son heure ; avec le slow qui passait, elle ne pouvait

imaginer être ailleurs que dans ses bras, se balançant


lentement au rythme de la musique.

Faux ! se dit-elle soudain. Elle pouvait très bien

imaginer être ailleurs avec lui. Dans son lit, par

exemple. Après son départ, ce soir-là, après les

merveilles qu'il avait opérées sur son corps, elle

était restée étendue sur le canapé, trop agitée par

ses émotions pour bouger.

Elle avait beaucoup réfléchi au cours des trois

derniers jours. Elle voulait McKinnon Quinn. Ce

n'était pas plus compliqué que ça. Elle n'avait nul

besoin de promesses d'amour éternel ou qu'ils

feignent éprouver des sentiments qui n'existaient

pas. Enfin, chez McKinnon, parce que, pour sa part,

elle ne pouvait plus s'aveugler. Il lui avait suffi de

s'éveiller le lendemain matin, de se rappeler ces

instants d'intimité si particulière partagés la veille

et de savoir qu'il se trouvait à des centaines de

kilomètres de là pour reconnaître ce qu'elle refusait

de toutes ses forces.

Oui, elle l'aimait. Et, contrairement à sa mère,

elle saurait regarder la vérité en face. Au lieu


d'échafauder un roman, elle accepterait que son

amour soit à sens unique et elle s'efforcerait d'être

heureuse malgré tout.

Sur ces entrefaites, la musique s'arrêta. Il se

pencha à son oreille et murmura :

- Voudrais-tu sortir quelques instants ?

Son regard, si passionné, Ia fit chavirer. Et, contrai-

rement à sa réaction quand Rick lui avait posé la

même question, sans hésitation, elle accepta.

La prenant par la main, il l'entraîna vers la porte.

Quand ils furent sous le porche, il la prit par la

taille. Il semblait savoir où il allait, ce qui paraissait

bien normal. Cela avait été sa maison, pensa-t-elle.

L'endroit où il avait grandi. Il connaissait certaine-

ment des endroits secrets que, ce soir, elle en avait

le sentiment, il désirait partager avec elle.

- Voici l'endroit idéal, dit-il comme ils longeaient

le côté sombre des écuries. loin des regards indiscrets.

Il la prit dans ses bras.

- L'endroit idéal pour quoi ? Demanda-t-elle, tout émue.

- Pour ça...
Il se pencha et l'embrassa tout en resserrant son

étreinte. Décidément, leurs baisers semblaient

destinés à être toujours plus fiévreux. plus hardis,

plus profonds. Le pouls de Casey s'accéléra et son

amour décupla. Maintenant, elle connaissait la

raison de l'attirance qu'elle avait immédiatement

éprouvée pour lui.

Quelques instants plus tard, il lâcha doucement

sa bouche et elle leva les yeux vers lui, avide de

respirer son entêtante odeur.

- C'était I'accueil dont j'avais besoin, Casey,

murmura-t-il contre ses lèvres humides. Celui que

j'espérais trouver à mon retour.

- Pourvu seulement que je ne t'aie pas déçu,

dit-elle en souriant.

Il lui accorda un de ses rares sourires.

- Impossible !

Après quelques secondes, il ajouta :

- As-tu réfléchi à ce que je t'ai demandé avant de partir ?

- Oui.

- Et?
Elle ne savait que trop ce qu'il désirait entendre.

- J'accepte tes conditions, McKinnon. Pas d'at-

tentes, rien que du plaisir.

Il la considéra longuement avant de hocher la tête.

- Tu pourras vivre avec ça ?

- Oui, je pourrai.

Il hocha de nouveau la tête.

- Comment es-tu arrivée ici ?

- Cole est venu me chercher.

McKinnon se félicita en secret que ça n'ait pas été Rick.

- Je préviendrai ton frère que je te reconduirai

au ranch la fête terminée.

- D'accord.

Il lui donna un fervent baiser avant de la lâcher

à contrecœur.

- Je suppose qu'il vaut mieux que nous rentrions,

dit-il d'un ton pas très convaincu. Ce ne serait pas

très correct de ma part de t'accaparer toute la soirée,

ajouta-t-il en lui prenant la main.

- Je ne m'en plaindrais pas, tu sais.

Un long silence tendu s'installa entre eux et Casey


se demanda à quoi il pensait. Si elle ignorait tota-

lement ses pensées, elle savait très bien ce qu'elle

avait en tête. Elle s'assurerait que, après cette nuit,

I'idée de reprendre ses distances soit bien la dernière

chose à Iaquelle songe McKinnon.

Elle avait la ferme intention de renverser les rôles

et de lui donner un petit aperçu de séduction, style

Westmoreland.

Jamais, au grand jamais McKinnon n'avait trouvé

aussi long le chemin séparant le ranch de ses parents

du sien. On aurait dit que le trajet durait des heures.

Il aurait dû se sentir soulagé par la décision de

Casey d'envisager une aventure sans engagement

affectif, mais il se sentait tout au contraire tendu

et obsédé par son désir pour la jeune femme assise

à côté de lui.

En arrivant de l'aéroport, il avait garé son pick-up

et décidé de prendre sa Corvette 85, jouet réparé

par ses soins deux ans plus tôt. Elle lui procurait

une puissance en chevaux-vapeur dont même


Thunder était incapable. Il jeta un coup d'œil de

biais à Casey. Depuis leur départ de la fête, elle

avait gardé le silence.

Quand ils étaient rentrés après leur baiser dans

la salle où se déroulait la soirée, il n'avait pas été

surpris de constater que Rick Summers cherchait

Casey, bien décidé à l'accaparer. Mais elle l'avait

envoyé promener sous prétexte qu'étant I'invitée

d'honneur de la soirée, elle devait partager son

temps entre tous. McKinnon sourit, se rappelant la

rage de Summers et son départ précipité.

Il se rappela aussi cette danse, presque à la fin de

la soirée, après laquelle ils avaient décidé de fausser

compagnie à leurs hôtes. Le moment où il l'avait

tenue serrée contre lui, sachant qu'un peu plus tard

ce soir-là, elle serait sienne de toutes les façons

possibles et imaginables, avait allumé un véritable

brasier dans ses veines. Et quand elle avait tremblé

dans ses bras. il avait su qu'elle était parfaitement

consciente de son état.

Il inspira une profonde bouffée d'air mais, au lieu


de I'odeur des lewisies. cette fleur rose si abondante

dans la région, ses narines s'emplirent du parfum de

Casey. Son désir pour elle se fit alors insupportable.

Il la désirait avec une violence qu'il n'avait jamais

connue, pas même avec Lynette.

Ses mains se crispèrent sur le volant. Dans

l'avion qui le ramenait de Colombie-Britannique au

Montana, il avait rêvé du moment où il la tiendrait

dans ses bras, où il l'embrasserait... où il lui ferait

l'amour. Et il n'avait pu empêcher son imagination

de vagabonder. Chaque fois qu'il fermait les yeux, il

la voyait dans son lit. Il se représentait la pénétrant,

si profondément que...

- J'ai été heureuse de voir Spencer, dit-elle.

Spencer. le frère de Durango installé en Californie.

- Et je trouve intéressant son projet d'acheter

un établissement viticole dans la Napa Valley,

poursuivit-elle.

Ces paroles prononcées d'une voix si douce flot-

tèrent autour de lui. Il mourait d'envie de la dévorer

des yeux, mais si leurs regards s'attachaient l'un à


l'autre, il serait tenté de s'arrêter sur le bas-côté de

la route pour mettre fin à son supplice.

- C'est vrai. Mais il faut dire que Spencer a

toujours été le génie de I'investissement de la famille

Westmoreland, souligna-t-il.

- Et c'est une nouvelle fantastique que nous ont

appris Stone et Madison. dit-elle peu après. Je suis

si heureuse qu'ils attendent un enfant.

- Moi aussi. Et Abby est folle de joie à I'idée

de devenir grand-mère.

Casey sourit.

- Dire que mon père va être grand-père. Un

nouveau bébé Westmoreland ! Je trouve ça formidable.

McKinnon demeura quelques instants silencieux.

- Je suppose que tu veux avoir des enfants ?

- Bien sûr !

Elle rit.

- Peut-être pas une pleine maisonnée comme

Madison mais j'aimerais en avoir au moins deux.

Un grand froid traversa McKinnon. Il essaya de le

combattre. Quoi de plus normal que Casey veuille


avoir un enfant ?

Un enfant qu'il ne pourrait pas lui donner.

- Ton voyage a-t-il porté ses fruits, McKinnon ?

La question le ramena au présent.

- Je le pense. Les amis de Jamal sont impres-

sionnés par les méthodes de travail américaines,

surtout dans le domaine de l'élevage des chevaux.

Ils se sont constitués en partenariat et pensent

s'orienter vers les pur-sang. Ils ont aussi l'intention

d'éIever des frisons Black Sterling.

- Ce sont de beaux chevaux. Mon oncle en a

élevé et entraîné un.

- Quel a été le résultat ?

- Excellent. Il faut dire que Sid est un homme

très patient. Le cheval s'appelait Filou, nom qui lui

allait très bien. Il avait un faible pour une jument et

aucune cajolerie n'a pu le convaincre de coopérer

avec son dresseur avant d'être parvenu à ses fins

avec elle.

McKinnon voyait très bien de quoi elle voulait

parler, mais il avait envie de I'entendre préciser.


- C'est-à-dire ?

Il sentit son regard sur lui, intense comme une

caresse, et se demanda si elle oserait entrer dans

les détails.

- A vrai dire, je n'étais pas censée assister à

la scène. Je n'avais que quatorze ans et je suppose

que l'oncle Sid pensait que la vue de chevaux s'ac-

couplant serait trop brutale pour mes yeux délicats.

Seulement il s'est trouvé que le soir où ça s'est

produit, de la fenêtre de ma chambre, j'étais aux

premières loges.

Il entendit I'amusement dans sa voix.

- Ce devait être un rendez-vous privé, avec seule-

ment mon oncle et Vick, son entraîneur en chef, pour

témoins. Oncle Sid et Vick étaient dissimulés dans

un coin, afin de ne pas perturber Filou. En réalité,

je doute fort que ce dernier se serait laissé troubler

par quoi que ce soit ce soir-là. Il voulait absolument

la jument. Au début, quand elle a lu dans le regard

de Filou ses intentions, elle a été un peu effrayée.

Elle reculait sans cesse, secouait la tête comme pour


dire « Non ! Pas question ! » Et puis...

- Oui?

- Il l'a suffisamment amadouée en gambadant

autour d'elle et en hennissant pour qu'elle lui permette

de venir la flairer. Quand il s'est aperçu qu'elle était

prête, en un clin d'œil, il s'est dressé sur ses pattes

arrière et il a cherché à la prendre. J'avais déjà vu

des chevaux s'accoupler, mais jamais comme ça.

Sa curiosité éveillée, McKinnon déglutit.

En quoi était-ce différent ?

Bien qu'elle ait évidemment été en chaleur, la

jument refusait de se laisser faire. J'avais entendu

Vick la traiter d'aguicheuse. Il disait qu'elle avait

décidé de rendre Filou fou. Heureusement que c'était

un étalon hors pair.

- Comment s'appelait la jument ?

- Hot Pursuit.

- Je vois. Continue.

- Finalement, Hot Pursuit a eu ce qu'elle voulait.

Pendant que Filou l'immobilisait avec ses pattes

avant pour... enfin... pour faire sa petite affaire, elle


hennissait et tremblait. Je croyais qu'elle souffrait

mais à entendre parler mon oncle et Vick, elle était

tout au contraire au comble de l'extase.

Le récit avait produit un effet extraordinaire sur

McKinnon. Son corps entier s'était ramassé, dur

comme un roc en un certain endroit tandis qu'il

visualisait les deux chevaux s'accouplant.

Ils demeurèrent quelques instants silencieux, ce

qui convenait parfaitement à McKinnon qui avait

besoin de laisser retomber la tension. Peu après, ils

entraient dans la cour du ranch.

- Nous y voilà, dit-il, espérant que son excitation

n'était pas trop perceptible.

Il brûlait d'impatience de rentrer dans la maison.

Comme le lendemain était un samedi, il n'y avait

aucune nécessité à se lever tôt. Autant dire qu'il

pourrait lui faire l'amour toute la nuit et toute la

journée du lendemain. D'abord, il la prendrait sans

ménagement. Ensuite, il ferait preuve de douceur.

Puis, de nouveau, il provoquerait brutalement leur

plaisir. Et quand arriverait le lundi, il comptait bien


avoir effacé de l'esprit de Casey le moindre souvenir

de relation physique avec un autre homme.

Bonté divine ! De sa vie, il ne s'était senti aussi

excité. Il n'avait pas encore arrêté la voiture qu'il

s'imaginait déjà toucher ses seins, écarter ses cuisses

pour se glisser entre elles et la posséder...

- McKinnon ?

Le son de sa voix le fit tressaillir. Il coupa le

contact et se tourna vers elle. Son excitation fut

à son comble quand il I'entendit demander d'une

voix de gorge :

- Veux-tu venir au cottage boire un dernier verre ?

Il poussa un soupir tremblant.

- J'adorerais.

De la façon dont il envisageait les choses, il aurait

dû se sentir coupable de ne lui offrir qu'une aven-

ture sans lendemain. Mais la décision venait d'elle.

Elle savait à quoi s'en tenir ; il ne lui avait pas fait

de promesses. Elle avait accepté ses conditions et,

compte tenu du fait qu'elle appartenait à la famille

Westmoreland, la seule chose qui l'avait poussé


à aller de l'avant était de savoir qu'elle le désirait

autant que lui.

Il n'en doutait pas une seconde. C'était dans son

regard chaque fois qu'il croisait le sien, ce soir à

la fête. Quels que soient les gens qui l'entouraient,

il pouvait deviner exactement le moment où elle

posait les yeux sur lui. Il le sentait. Chaque fois,

des picotements lui électrisaient la peau.

Il descendit de la voiture et vint lui ouvrir la portière.

En se penchant, il essaya de ne pas remarquer que

sa jupe remontait sur ses cuisses et découvrait une

plage de peau bronzée. La tension monta d'un cran

et il tenta de reprendre le contrôle de la situation.

Il lui tendit la main et, à l'instant où elle toucha la

sienne, son pouls s'accéléra.

Alors, il ne put plus résister. Au lieu de lâcher sa

main quand elle fut debout devant lui, il la tira, la

faisant trébucher jusque dans ses bras. Il était prêt

à l'accueillir, oh ! si prêt. Surtout sa bouche qui prit

immédiatement possession de celle de Casey.

La tension s'évapora miraculeusement dès I'ins-


tant où leurs lèvres entrèrent en contact, quand il

caressa, fouilla, explora sa bouche. C'était comme

un retour à la maison, et il étreignit fermement ses

fesses pour bien illustrer ce point. Il avait besoin

de l'embrasser, de la sentir, de la toucher et peu

lui importait qu'ils soient debout au beau milieu

de la cour pendant qu'il prenait ses aises avec sa

bouche.

La seule chose qui comptait pour lui, c'était qu'elle

le laisse faire. Non ! Pas seulement qu'elle le laisse

faire, mais aussi qu'elle participe d'une façon qui

faisait palpiter le sang brûlant dans ses veines. Leur

baiser devint alors si intense qu'il jugea préférable

de le poursuivre à l'intérieur, avant d'être tenté

de la faire sienne, ici même, contre sa voiture. La

réaction si pleine de feu de Casey avait porté son

excitation à son comble.

- Rentrons.

Il referma la portière, prit sa main et l'entraîna

vers le cottage.
- 10 -

Casey dut faire appel à toutes les ressources de

sa volonté pour marcher d'un pas assuré à côté de

McKinnon. Elle I'avait délibérément appâté en lui

racontant I'histoire de Filou et Hot Pursuit de la

manière la plus érotique possible. Et, alors qu'il

essayait de garder son regard fixé sur la route, elle

surveillait à la dérobée la montée de son désir.

Devant sa métamorphose, un troublant désir

l'avait envahie. La suite ne serait une surprise pour

personne. Ce qui risquait de surprendre McKinnon

en revanche, ce serait l'étape suivante de son plan

de séduction.

Même si, en s'habillant pour la fête, elle ignorait

qu'il serait de retour le soir même, elle n'en portait

pas moins des sous-vêtements sexy. Et, à en juger par

la façon dont il l'avait détaillée de la tête aux pieds

plusieurs fois au cours de la soirée, elle ne doutait


pas qu'il appréciait sa tenue : une jupe de mousseline

café arrivant au-dessus du genou accompagnée d'une

tunique assortie. Quand elle s'était examinée dans

le miroir avant de se rendre à la soirée, elle s'était

sentie féminine et séduisante. Et les hommages

masculins qu'elle avait reçus n'avaient fait que la

conforter dans son impression. Cependant, elle se

moquait pas mal de plaire à ces hommes. Seule

I'opinion de McKinnon comptait à ses yeux.

Casey fit de son mieux pour calmer les battements

de son cœur en atteignant la porte. Quand elle glissa

sa clé dans la serrure. au lieu d'attendre derrière

elle, McKinnon se colla si bien à elle que la bosse

dure de son pantalon pressée contre ses fesses ne

lui permit pas d'oublier à quel point il la désirait.

Crispée dans I'attente de ce qui n'allait pas manquer

de se produire, elle franchit le seuil, McKinnon

sur ses talons. Il referma la porte derrière eux et

la saisit immédiatement à bras-le-corps.

- Tu n'iras nulle part, murmura-t-il d'une voix

rauque.
Ses mains emprisonnant sa taille la firent pivoter.

- Je te veux, ajouta-t-il crûment.

Et. sur ces mots. il I'embrassa avec une passion

redoublée.

Quand il recula. elle poussa un gémissement

instinctif de protestation. Alors, par manière de

consolation, il sema des baisers sur ses lèvres et

sa joue.

- ll faut te débarrasser de ces vêtements,

murmura-t-il à son oreille.

Et il entreprit de la déshabiller. D'abord, il fit

passer sa tunique par-dessus sa tête et puis il s'age-

nouilla pour tirer sa jupe vers le bas. Elle enjamba

le petit tas à ses pieds, s'offrant à ses regards en

sous-vêtements et sandales à talons hauts.

Au lieu de se redresser, il leva les yeux vers elle

tout en faisant courir lentement un doigt le long de

sa cuisse, se dirigeant sans doute possible vers le

cœur de sa féminité, à peine voilé par un minuscule

cache-sexe.

- Sais-tu que j'ai emporté ton goût en Colombie-


Britannique et que ça a été mon seul rempart contre

la folie au cours de ces nuits passées dans une

chambre d'hôtel à te désirer si ardemment que je

restais en état de te prendre toute la nuit.

Il fit descendre le triangle de dentelle le long de

ses jambes.

- J'ignorais quelle serait ta réponse, mais après

t'avoir goûtée comme je l'ai fait ce soir-là...

Il la prit par surprise en se penchant et en glis-

sant vivement sa langue dans les boucles brunes. à

hauteur de son visage.

- ... tu es devenue mienne, Casey. Entièrement mienne.

Il rejeta la tête en arrière pour la contempler.

- Et c'est pourquoi j'ai éprouvé une telle fureur

en te voyant avec Summers quand je suis arrivé,

avoua-t-il d'une voix étranglée.

Le regard voilé de Casey croisa le sien.

- Je me moque pas mal de Summers et, quand tu

auras fini de me déshabiller, je te le prouverai !

Il se redressa en souriant.

- J'en prends bonne note.


Cette fois, il avança la main pour dégrafer I'attache

frontale du soutien-gorge. Quand le sous-vêtement

s'ouvrit, les seins en jaillirent.

- J'aime aussi leur goût, dit-il.

Et il lécha tour à tour ses mamelons tout en lui

ôtant son soutien-gorge.

Casey gémit. Les sensations qu'éveillait la langue

de McKinnon semblaient se regrouper au creux de

ses jambes et elle éprouvait un violent désir d'être

caressée là.

- Maintenant, prouve-le, dit-il d'un ton de défi

tout en reculant de deux pas.

Il contempla son corps nu de haut en bas et Casey

frémit sous l'effet conjugué de I'air froid sur sa peau

et de la brûlure de son regard. Elle n'avait pas de

scrupule à lui prouver quoi que ce soit, car elle avait

d'ores et déjà décidé de lui donner un petit aperçu de

ce qu'était la séduction. style Westmoreland. L idée

qu'elle n'avait jamais encore utilisé ses artifices

sur un homme ne l'arrêtait pas tant elle se sentait

pleine de ressources. Elle avait beau être novice,


quand elle en aurait fini avec McKinnon Quinn, il

serait tellement ébloui qu'il voudrait la garder avec

lui pour toujours.

Pour avoir surpris des conversations entre ses

frères, elle savait que les hommes préféraient les

femmes désinhibées, entreprenantes, et elle avait

l'intention de se métamorphoser en créature la plus

légère possible.

- T'ai-je déjà dit quelle grande cavalière j'étais ?

demanda-t-elle.

Elle s'approcha de lui et tira sa chemise hors de

son jean. Quand elle se mit à détacher les boutons,

un par un, McKinnon hoqueta, surtout quand les

doigts de Casey effleurèrent sa poitrine nue.

- Inutile, répondit-il d'une voix rauque. Je t'ai

vue monter à plusieurs reprises.

Première nouvelle. A part chez son père, tout au

début, si McKinnon avait assisté à une séance de

travail, elle ne s'en était pas aperçue. Cela signifiait-il

qu'il l'épiait à son insu ?

- Possible, dit-elle en détachant le dernier bouton


et en faisant glisser la chemise sur ses épaules.

Mais si tu m'as vue monter, tu ignores ce que ça

fait d'être sous moi.

Devant son regard qui noircissait, elle jugea inutile

d'ajouter que l'expérience était toute nouvelle pour

elle. Après tout, si elle se débrouillait si bien avec

les chevaux, ce ne devait guère être plus compliqué

avec les hommes. Et elle avait entendu quelques

amies plus dégourdies qu'elle jurer que les hommes

adoraient que les femmes prennent la direction des

opérations et ne se sentent pas obligées de s'en tenir

à la sempiternelle position du missionnaire.

- En effet, dit-il, son regard toujours plus noir,

sa respiration plus haletante.

- Veux-tu savoir quel effet ça fait, McKinnon ?

Il hocha la tête et ôta ses chaussures sans la

quitter des yeux.

- Oui.

- Très bien. Mais, d'abord, je dois finir de te déshabiller.

Elle lui ôta sa ceinture et l'envoya rejoindre la

chemise. Alors, elle entreprit de baisser la ferme-


ture Eclair du jean, plus troublée qu'elle ne voulait

le laisser paraître par la bosse qui en déformait le

devant.

- Oh..., dit-elle, langoureuse, je vois qu'on est

fin prêt pour cette chevauchée.

Elle s'agenouilla pour faire descendre le jean le

Iong de ses hanches mais ne se releva pas quand

il s'en débarrassa d'un coup de pied. Tendant les

mains, elle le prit dans ses paumes à travers le

caleçon, testant sa rigidité.

- Maintenant, débarrassons-nous du dernier

obstacle...

Elle fit glisser le caleçon sur ses chevilles.

Quand il se trouva debout devant elle, totalement

nu, une zone très particulière de son corps lui arracha

un cri d'admiration.

Ensuite, elle releva lentement la tête pour l'admirer

dans toute sa splendeur ; grand, ineffablement beau

avec ses épais cheveux noirs tombant librement

sur ses épaules dorées, son torse musclé parsemé

de poils qui formaient un sentier descendant vers


son sexe. La part de lui qu'elle avait l'intention de

chevaucher.

Une bonne chose dans Ie fait d'avoir des frères

et d'épier leurs conversations, c'était la possibi-

lité de parfaire ses connaissances des hommes et

d'enregistrer des informations à utiliser le moment

venu. Elle avait toujours pensé attendre pour cela

son mariage avec l'homme de sa vie. Aujourd'hui,

elle savait que l'élu serait McKinnon, même s'ils

n'avaient que cette nuit à partager.

Elle avait entendu une fois ses frères chuchoter à

propos du plaisir que pouvait dispenser une femme

avec sa bouche, et jugea le moment venu de vérifier.

Se rappelant les caresses merveilleuses que lui avait

prodiguées McKinnon la veille de son départ, elle

décida que, en amour, tout était permis.

Sans fausse honte, elle le prit dans ses mains,

comptant bien lui rendre la pareille. Du bout de sa

langue, elle se mit à tracer des cercles et à donner de

petits coups sur le membre tout vibrant. Cependant,

avant qu'elle puisse refermer sa bouche sur lui,


prestement, il se pencha et la releva.

- Pas ça. Je veux te pénétrer.

La tenant bien serrée dans ses bras, il l'entraîna

vers la chambre. Une fois là, il la jeta sur le lit

avant de l'y rejoindre, la clouant au matelas de tout

son poids. Son regard étincelait d'un désir presque

désespéré. Elle fronça les sourcils, désireuse de

rester maîtresse de la situation, de jouer jusqu'au

bout son rôle de séductrice.

- Je veux te chevaucher, McKinnon, dit-elle en

le repoussant.

- A ton aise !

D'un geste, il fit basculer leurs deux corps de

manière qu'elle se retrouve sur lui.

En souriant, elle redressa le buste et serra ses

hanches dans l'étau de ses jambes.

- Je vois que tu es prêt, et bien prêt, dit-elle en

plaçant son sexe au-dessus du sien en érection.

En se laissant descendre dessus, elle poussa un

délicieux gémissement. Ils ne se quittaient pas des

yeux tandis qu'elle sentait le membre dur pénétrer


peu à peu sa moite intimité.

- C'est encore meilleur que je ne le rêvais,

murmura-t-elle en ondulant des hanches pour s'em-

paler un peu plus profondément.

Comme elle scrutait son regard, elle devina I'ins-

tant exact où il perçut une résistance. Cependant,

avant qu'il puisse ouvrir la bouche pour prononcer

un seul mot, elle secoua la tête.

- Tais-toi, McKinnon et fais ce que tu as à faire !

C'est ce que je veux, alors vas-y !

Elle le sentit se figer, vit ses lèvres prendre un pli

obstiné. Les hommes étaient comiques, se dit-elle,

avec leur aversion pour les surprises. Pourtant, elle

était tout à fait déterminée à lui faire apprécier

celle-ci. Elle agita son corps et comprit à la façon

dont il aspirait une brusque gorgée d'air qu'elle

avait touché un point sensible.

Alors, elle se pencha et tenta de faire disparaître

sa moue sous ses lèvres.

- Tïr aurais dû me prévenir, grommela-t-il entre

ses dents serrées.


- Je te le dis maintenant, répliqua-t-elle avec Ie

plus grand naturel.

Pourquoi fallait-il qu'un homme dans un tel état

d'excitation se pique de noblesse dans un moment

pareil ?

- D'ailleurs. ce n'est pas toi qui as quelque

chose à perdre.

Et elle se contorsionna délibérément tout en

songeant à sa virginité quasi envolée.

- Arrête ça !

- Essaie de m'y obliger ! l

Qu'il le veuille ou non elle se donnerait à lui. Une

seconde s'écoula, suivie d'une autre. A un moment,

il dut reconnaître sa détermination, ou bien perdre

le contrôle de lui-même, elle hésitait entre les deux.

Toujours est-il qu'elle sentit qu'il la soulevait pour

pousser plus avant et dépasser l'obstacle. Alors, elle

laissa retomber son corps à la rencontre du sien,

heureuse qu'il ait finalement cédé.

- Tu vas me le payer, dit-il quand il fut enfin

totalement plongé en elle.


Elle prit une bouffée d'air. C'était si bon d'être

ainsi reliée à lui. La douleur avait été discrète et,

maintenant. elle entendait bien tirer le maximum

de plaisir de I'aventure.

- Et je vais faire en sorte que tu ne regrettes

pas ta décision.

Casey ne savait peut-être pas rendre un homme

heureux par la méthode traditionnelle, mais, si ce

qu'elle avait entendu raconter par ses frères était

vrai, alors elle allait compenser d'une autre manière.

Fermant les yeux. elle s'imagina sous le ciel du

Montana, environnée d'une multitude de fleurs et

faisant l'amour à celui qu'elle considérait comme

le plus bel homme de la terre.

Il était tout ce qu'elle attendait d'un homme, et plus

encore. Et elle l'aimait. EIIe souleva ses hanches, les

abaissa, leur imprima un mouvement circulaire, se

tortillant, tournoyant, s'agitant sur lui pendant qu'il

s'efforçait de rester en position de la pénétrer.

A un moment, il se souleva, captura la pointe

d'un sein dans sa bouche et la suça pendant qu'elle


continuait sa folle chevauchée.

Peu après, elle sentit la première secousse et se

rappela de façon fulgurante un détail auquel ni I'un

ni I'autre n'avait pensé.

- McKinnon, dit-elle d'une voix étranglée par

I'appréhension. nous n'avons pas...

Il ne la laissa pas terminer sa phrase. Agrippant

fermement ses hanches, d'un coup de rein, il se

propulsa au plus profond d'elle, en hurlant son

prénom. L intensité de son plaisir fut telle qu'elle

cria de surprise tandis qu'il continuait de pousser

en elle, fort et vite, amenant son propre corps à la

félicité ultime.

Aucune sensation ne pouvait se comparer à celle-

ci, se disait-elle. Et elle continuait de s'agiter sur

lui dans une folle cavalcade. Elle se sentait pleine

de sauvagerie ; une femme qui avait obtenu ce

qu'elle attendait depuis presque trente ans, et avec

celui qu'elle aimait. Et à en juger par la grimace

de plaisir qui déformait les traits de McKinnon, il

appréciait autant qu'elle.


Elle ressentit de nouvelles contractions de plaisir

et cria son prénom au moment où il criait le sien.

Instantanément, elle décida que si c'était la première

fois, ce ne serait sûrement pas la dernière. Mais

uniquement avec McKinnon. Si elle avait orchestré

une scène de séduction, style Westmoreland. il avait

mis au point une technique infaillible pour l'anéantir

à coup d'incroyables sensations. Et quand les derniers

spasmes moururent et qu'elle retomba telle une

poupée de chiffon sur sa poitrine, elle pensa qu'elle

n'arriverait plus jamais à lever le petit doigt.

- Tu vas bien ?

Malgré ses efforts, épuisée qu'elle était, Casey était

incapable de lever la tête pour regarder McKinnon.

Elle respirait déjà à grand-peine. Et au bruit qu'il

produisait, il n'était probablement pas dans un état

plus brillant.

Mais, bien sûr, elle pouvait toujours répondre à

sa question.
- Je vais admirablement bien.

Elle sentit qu'on lui soulevait la tête. McKinnon

la rapprochait de la sienne pour l'embrasser avec

ferveur. Il lâcha peu après sa bouche pour y revenir

aussitôt, comme le métal attiré par l'aimant. Et il

l'embrassa, I'embrassa comme s'il était incapable

de se rassasier d'elle.

Ça tombait bien car elle était incapable de se

rassasier de lui. Elle soupira contre ses lèvres en

sentant qu'il saisissait ses hanches pour resserrer

sa prise sur leurs corps encore emboîtés. Ce fut

alors qu'elle se rappela de nouveau ce détail si

important.

Arrachant sa bouche de la sienne, elle le regarda.

- Nous n'avons pas utilisé de protection, McKinnon.

Il la dévisagea un long moment. Elle crut voir

quelque chose luire dans son regard mais, finale-

ment, il se pencha et l'embrassa légèrement.

- Tout va bien. Ne te fais pas de souci à ce sujet.

Il en avait de bonnes ! Elle fronça les sourcils.

- Je ne comprends pas. Pourquoi ne devrais-je


pas me faire de souci à ce sujet ?

- Parce que je suis sain et n'ai aucune raison de

douter que tu le soies aussi.

- N'as-tu pas songé à une grossesse non désirée ?

Il prit une profonde inspiration.

- Est-ce que c'est la mauvaise période du mois ?

Elle réfléchit et calcula mentalement. Puis elle

sourit, soulagée.

- Non, je ne crois pas.

- Tant mieux.

Et il prit son visage entre ses mains pour mieux l'embrasser.

McKinnon se réveilla aux premières lueurs de

l'aube, tout réjoui qu'on soit samedi et qu'il ne soit

pas obligé de se lever avant de l'avoir décidé, ce

qui n'arriverait pas de sitôt étant donné l'état d'une

certaine partie de son individu.

Il lui suffit de fermer les yeux pour se rappeler

comment, au deuxième round, il avait dirigé les

opérations, habile à aller et venir en elle, se soulevant,

replongeant encore et encore, sentant ses muscles


intérieurs se contracter autour de lui tandis qu'il

s'enfonçait toujours plus profondément en elle.

En elle... un endroit fait pour lui, où il aurait pu

demeurer pour l'éternité. Chaque fois qu'il baissait

les yeux sur son visage, le plaisir qui l'auréolait

I'encourageait à doubler, tripler, quadrupler l'ivresse

du plaisir. En trente-quatre années d'existence, il

n'avait jamais rien expérimenté d'aussi stupéfiant,

d'aussi primitif.

Et elle était vierge...

La pensée que ce qu'ils avaient partagé, elle

ne l'avait partagé avec aucun autre, lui rendit ce

moment encore plus exceptionnel. C'était une des

rares femmes à avoir attendu d'être prête et dont la

décision d'explorer sa sexualité avec un partenaire

n'avait pas obéi à des conventions mais à son envie

d'attendre que le moment soit venu.

Et le moment n'était pas venu jusqu'à hier soir.

Il la contempla. Elle dormait profondément,

exposant sans fausse honte sa nudité, superbe. Il

fut tenté de se pencher pour baiser ses seins mais


savait qu'il ne s'en contenterait pas et finirait par

l'éveiller. Or, après cette torride nuit d'amour. elle

avait besoin de repos.

Et lui, de réflexion.

Pendant un bref instant, la veille, quand elle avait

eu cet élan de panique à la pensée qu'ils n'avaient

pas utilisé de moyen de contraception, il avait envi-

sagé de lui révéler la vraie raison pour laquelle elle

n'avait pas à s'inquiéter d'être enceinte. Cependant,

se rappelant l'issue de la confession faite à Lynette,

il avait renoncé.

Il avait raconté à Lynette la maladie dont il était

porteur, les risques de la transmettre à un enfant et,

finalement, sa décision longuement pesée, à vingt-

trois ans, de s'assurer qu'il ne procréerait jamais en

recourant à la vasectomie.

Il aimait les enfants, avait toujours désiré en avoir.

Mais cela aurait été injuste de donner le jour à un

être qui risquait de rencontrer de gros problèmes de

santé. Et il avait supposé que Lynette comprendrait.

Cependant, la lettre laissée à son départ précisait


qu'elle tenait à être mère, et d'un enfant né de sa

chair. Autrement dit, elle ne pouvait épouser un

homme qui ne pourrait lui accorder ce bonheur.

Le rejet de Lynette I'avait profondément blessé

et, sachant que la plupart des femmes désiraient,

comme elle, porter leur enfant et non se tourner vers

l'adoption, il avait décidé de mettre fin à son rêve de

rencontrer l'âme sœur, et de passer le reste de ses

jours à se contenter d'aventures sans lendemain.

Même à présent, étudiant la nudité de Casey, il

aurait donné n'importe quoi pour la voir un jour

enceinte de ses œuvres. L idée lui avait traversé

l'esprit quand elle avait manifesté son inquiétude de

ne pas avoir utilisé de contraceptif. De toute façon,

il la voyait mère et, tant que cette vision subsisterait

dans son esprit, il n'y aurait pas de place pour elle

dans sa vie ailleurs que dans son lit.

Il avait envie de hurler sa colère, de marteler les

murs de coups de poing, de donner des coups de

pieds. Il avait toutefois appris des années aupara-

vant à accepter la cruauté de la vie, à continuer sa


route sans regarder en arrière, sans s'apitoyer sur

lui-même, songeant que, quelque part sur la planète,

il y avait forcément quelqu'un qui se trouvait dans

une situation bien plus dramatique que la sienne.

Casey était son présent mais elle ne ferait jamais

partie de son avenir. Il faudrait bien qu'il trouve le

moyen de l'accepter. Ce qu'ils partageaient n'était

pas destiné à durer, c'était aussi simple que ça, et

il n'avait pas l'intention de compliquer les choses.

Cet arrangement fonctionnerait très bien pour lui

et il s'arrangerait pour qu'il fonctionne sans désa-

grément pour elle.

Il entendit son soupir et guetta sur son visage

les signes de l'éveil. Un adorable sourire étira ses lèvres.

- Bonjour, McKinnon, dit-elle d'une voix chargée

de suffisamment de langueur pour exciter instanta-

nément son désir. Qu'est-ce qui se dessine ?

- C'est drôle que tu poses la question, répon-

dit-il avec un rire grivois avant de se pencher pour

prendre sa bouche.
- 11 -

McKinnon ne l'évitait plus.

La pensée fit sourire Casey tandis qu'elle descen-

dait de Prince charmant après une fructueuse séance

de travail. Deux semaines s'étaient écoulées depuis

leur première nuit, quand il lui avait fait l'amour

des heures entières. Encore maintenant, le souvenir

faisait battre son cœur.

Bien sûr, pendant la journée, chacun vaquait à

ses occupations, mais le soir, ils avaient pris l'ha-

bitude de partager le même lit, soit à la grande

maison, soit au cottage. A vrai dire, le personnel

commençait à s'habituer à sa présence. Après

l'embarras d'un matin où il l'avait amadouée pour

obtenir un dernier câlin avant qu'elle ne quitte son

lit pour regagner le sien, et qu'elle était tombée nez

à nez avec Henrietta, Casey n'essayait plus de passer

inaperçue. McKinnon et elle étaient adultes, et s'ils

décidaient de s'octroyer une aventure, c'était leur


affaire et celle de personne d'autre.

Tout de même, elle se félicitait que personne, aucun

membre en particulier de sa famille ou de celle de

McKinnon ne pose de questions sur l'évidence, à

savoir qu'ils étaient amants. Ils prenaient leur petit

déjeuner ensemble chaque matin, et dînaient ensemble

tous les soirs. Ils rendaient même visite ensemble à

leurs familles et pas plus les parents de McKinnon

que Corey ne semblaient s'en offusquer.

On était début juin et le soleil tapait plus fort

qu'à l'accoutumée, pensa-t-elle en ramenant Prince

charmant à son box. A cause de la chaleur, elle

avait décidé d'abréger la séance. D'ici quelques

semaines, McKinnon et elle, comme beaucoup de

Westmoreland, se rendraient à Lake Tahoe pour

assister au mariage de son cousin Ian. Et si quel-

qu'un ignorait encore leur liaison, le doute ne serait

alors plus permis car ils projetaient de prendre une

suite ensemble.

- Hé ! beauté, que dirais-tu d'une petite prome-

nade avec moi ?


La voix grave et légèrement traînante de McKinnon

la fit tressaillir. Elle se retourna pour le découvrir

à quelques pas de là, campé sur le dos de Thunder

avec le soleil qui éclaboussait de lumière ses longs

cheveux noirs et faisait ressortir ses traits amérin-

diens. A ce moment précis, il ne ressemblait plus à

I'homme civilisé qui lui avait fait l'amour le matin

même, mais à un féroce guerrier, prêt à la faire

prisonnière si elle n'accédait pas à sa demande.

- J'adorerais ! Donne-moi une minute, le temps

de seller Runaway Child.

Quelques instants plus tard, ils traversaient à vive

allure une vaste étendue de prairie.

- Belle journée pour une balade à cheval, n'est-ce

pas ? dit Casey quand ils ralentirent leurs montures

en atteignant les rives d'un lac.

- Sûr. J'avais besoin de prendre l'air. Et d'ailleurs,

c'est une récompense bien méritée. J'ai vendu six

étalons aujourd'hui, ce qui nous procure à Durango

et moi un joli bénéfice.

- Fantastique ! Mes félicitations, McKinnon.


- Merci, dit-il modestement.

Comme ils chevauchaient côte à côte, elle décida

de lui poser une question qui la titillait depuis un

certain temps.

- Qu'est-ce qui t'a poussé à te lancer dans l'éle-

vage, McKinnon ?

Ce dernier arrêta sa monture et s'éventa avec son

chapeau avant de le remettre en place.

- Quand j'ai acheté cette propriété, je pensais

que le travail du ranch m'occuperait suffisamment,

mais je me trompais, dit-il en penchant la tête pour

la regarder. Alors, Durango a suggéré que nous

montions notre affaire parce qu'il pense que j'ai

un don avec les chevaux.

- Partages-tu son avis ?

Il haussa les épaules.

- Probablement. Mais pas plus que toi. J'ai

découvert que si tu élèves des chevaux de qualité,

des acheteurs venus des quatre coins du monde

seront prêts à traiter avec toi. C'est une des raisons

de notre succès.
McKinnon observait les cheveux de Casey que la

brise du soir soulevait. L'envie d'y glisser ses doigts,

de les ébouriffer davantage, le tenaillait. Il serra

les poings. S'il la touchait, il ne s'arrêterait pas là.

Il aurait envie de l'embrasser, de la soulever pour

la poser sur son cheval et I'emmener dans un lieu

secret où il pourrait faire ce qu'il voudrait d'elle.

Il passa une main sur sa joue, songeant que,

après tout, ce n'était pas une si mauvaise idée. Et,

justement, il connaissait l'endroit idéal.

- Veux-tu t'amuser un peu, Casey ?

- M'amuser ? demanda-t-elle en lui jetant un

regard de biais.

Il sourit.

- Oui. Je connais un endroit pas très éloigné d'ici

où nous pourrions nous amuser à notre guise.

Elle lui retourna son sourire.

- Qu'entends-tu au juste par s'amuser ?

Cette fois, il rit.

- On pourrait jouer à la cow-girl et à l'indien...

Le rebord de son Stetson abritait ses yeux, mais


Casey n'avait pas besoin de les voir pour deviner

qu'ils avaient noirci devant les perspectives qu'un

tel jeu pouvait laisser entrevoir.

- La cow-girl et l'indien, hein ?

- Oui.

- Oublierais-tu que je suis texane ?

- Et alors ?

- Je suis une vraie cow-girl, dans tous les sens

du terme.

McKinnon n'en doutait pas, ayant été un certain

nombre de fois le bénéficiaire de ses « chevauchées ».

- Et?

- Je ne suis pas une proie si facile, si c'est ce

que tu crois.

Le sourire de McKinnon s'élargit.

- C'est à voir. Alors veux-tu jouer ou non ?

Elle lui offrit un adorable sourire.

- Oui, McKinnon. Je veux jouer.

- Où m'emmènes-tu exactement ? demanda

Casey tout en examinant les alentours.


Ils se trouvaient toujours sur les terres de McKinnon

mais à quel endroit précis, elle n'en avait pas la

moindre idée. Il l'avait guidée au-delà des collines

moutonnantes et ils cheminaient à présent à travers

un dédale de rochers et de crevasses.

- Tu deviens nerveuse, cow-girl ? demanda-t-il

en riant. Aurais-tu peur ?

Elle lui adressa une grimace.

- Bien sûr que non ! Mais ne t'a-t-on pas averti

que c'est dangereux de mettre une femme au pied

du mur ?

McKinnon sourit en se représentant la scène.

Sauf que la femme dans son esprit était une Casey

nue.

- Permets-moi de ne pas être de ton avis. En

réalité,je pense à tout un tas de bonnes raisons pour

coincer une femme - à savoir toi, Casey - contre

un mur.

Sa voix s'étant assourdie et son regard assombri,

elle avait une idée assez exacte de ce à quoi il

pensait. Elle se força à détourner son regard vers le


paysage. Ces quinze derniers jours, elle avait poussé

l'art de la séduction à un niveau très sophistiqué.

Elle s'était révélée inventive et avait éprouvé une

extrême satisfaction en constatant que McKinnon

adorait être la victime de ses manœuvres hardies.

Son expérience étant bien mince, elle suivait son

instinct, ce qui ne faisait qu'ajouter du piment à

l'affaire. Des frissons la parcouraient quand elle se

rappelait comment McKinnon l'avait métamorphosée

de vierge en geisha.

Elle lui jeta un coup d'œil et, voyant qu'il l'ob-

servait avec une rare intensité, comprit qu'il fallait

s'attendre à un retournement de situation. C'était

lui qui allait jouer le rôle du séducteur. Elle avait

honte de l'admettre, mais à l'idée que ses fantasmes

sexuels se focalisent sur elle. un délicieux frisson

la parcourait.

- Nous devons descendre de cheval maintenant.

Casey immobilisa son cheval derrière Thunder.

McKinnon ôta son Stetson et mit pied à terre puis

il s'approcha et lui tendit la main pour l'aider à


descendre de Runaway Child.

- Tu ne veux toujours pas me dire où nous

allons ? demanda Casey, une fois à terre.

Son pouls s'accéléra en constatant qu'il I'avait

prise au piège entre Ie cheval et lui.

- Pas encore. Viens, il faut marcher.

Il s'empara de sa main et ils cheminèrent à travers

un paysage que des années d'érosion et de chutes de

rochers ne rendaient praticable qu'à pied.

Casey s'immobilisa en découvrant bientôt un autre

résultat de l'érosion : une grotte creusée à flanc de

montagne. La splendeur du travail de la nature lui

coupa le souffle et elle se tourna vers McKinnon.

- Tu ne m'avais pas dit qu'il y avait une grotte sur tes terres.

McKinnon sourit.

- C'est notre secret à Rango et moi. Nous sommes

tombés dessus un jour, il y a une bonne quinzaine

d'années. Et j'ai été tellement séduit que j'ai décidé

que, si cette terre était un jour à vendre, je l'achè-

terais. Et, un jour, elle a été disponible. Alors, j'ai

tenu ma promesse et je l'ai achetée avec I'aide d'une


somme prêtée par mes parents et deux emprunts

contractés auprès de la banque. Aujourd'hui, j'ai

intégralement remboursé mes parents et il ne reste

plus qu'un emprunt qui court. Et je suis heureux de

posséder un des plus beaux sites du Montana.

Casey manifesta son approbation par un vigoureux

hochement de tête.

- Tu viens souvent ici ?

- Pas autant que je le voudrais, mais c'est

agréable de pouvoir s'évader de temps en temps.

Viens voir l'intérieur.

Voyant Casey hésiter, il prit un air interrogateur.

- De quoi as-tu peur ?

- Des chauves-souris, des ours. Tu es sûr qu'il

n'y a pas de danger ?

Il éclata de rire.

- Crois-moi, il n'y a ni chauves-souris ni ours ici !

Rango et moi les avons chassés à l'époque où nous

avons fait de cet endroit notre cachette secrète.

Déterminée à lui faire confiance, Casey le suivit.

Du moins jusqu'à l'entrée de la grotte, protégée par


une porte métallique. Cependant, ce qui attira l'at-

tention de la jeune femme, ce fut l'épaisse couche

de poussière de tabac qui cernait l'entrée. Comme

elle s'arrêtait, McKinnon se retourna et vit la cause

de son hésitation.

- C'est pour éloigner serpents et autres bêtes

indésirables, expliqua-t-il.

Casey hocha la tête. Exactement ce qu'elle craignait.

Après avoir ouvert la porte, il cria :

- Viens, cow-girl ! Tu peux le faire !

Casey soupira. Elle ne se sentait pas très coura-

geuse mais serait morte plutôt que de I'avouer à

McKinnon. Néanmoins, une fois à I'intérieur, elle

poussa un cri de surprise. C'était bien une grotte

mais McKinnon l'avait effectivement transformée

en cachette secrète avec un lit rustique, un fauteuil,

un buffet, deux tables supportant des lampes à

pétrole et des tapis de l'artisanat indien accrochés

aux murs de pierre.

ElIe se tourna vers lui, abasourdie.

- C'est magnifique, McKinnon !


Et, songeant à la difficulté d'atteindre cet endroit

à cheval, elle se demanda comment il avait réussi

à y amener des meubles.

Il sourit, devinant sa question.

- La tâche a été rude et, plus d'une fois, Rango et

moi nous sommes demandé si nous n'étions pas fous

de nous lancer dans une aventure pareille. Enfin,

nous en avons bavé mais nous avons réussi.

Il eut un sourire malicieux en ajoutant :

A cette époque, nous pensions que ce serait

l'endroit idéal pour amener des filles.

- L'avez-vous fait ?

Il rit.

- Crois-moi, nous avons essayé ! Mais celles

qui sont arrivées jusqu'à la porte refusaient éner-

giquement d'entrer dès qu'elles sentaient l'odeur du

tabac. Tour le monde dans nos régions sait à quoi

elle est destinée.

Casey eut un reniflement de mépris.

- C'étaient des poules mouillées, pas de vraies

cow-girls !
- Je suis bien d'accord avec toi !

Casey croisa les bras sur sa poitrine et lui jeta

un regard insistant.

- Alors, McKinnon, pourquoi m'as-tu amenée ici ?

Un éclair de satisfaction passa dans son regard.

- Pour te rendre la monnaie de ta pièce.

- Que veux-tu dire ? demanda-t-elle avec un

soupçon d'inquiétude.

- Je veux dire que tu es devenue la reine de la

séduction mais que, aujourd'hui, je serai le roi des

prédateurs. Et je vais te prendre à mon idée, Casey,

déclara-t-il d'un ton âpre.

Devant son demi-sourire, le cœur de Casey se décrocha.

- Je projette de te faire l'amour sur ce lit, contre

ce mur, sur cette table. Bon sang, je projette de te

faire l'amour partout où c'est possible !

Casey déglutit tandis que son regard faisait le

tour du lieu. En réalité,les paroles de McKinnon

avaient attisé son désir ; l'idée de passer du temps

seule ici avec lui allumait un feu d'artifice dans

ses veines.
Elle croisa son regard sombre et pénétrant. Il se

tenait au milieu de la pièce, ses pieds écartés soli-

dement rivés au sol, ses mains posées sur sa taille

et, malgré elle, ses yeux se portèrent sur un endroit

bien précis de son anatomie et elle put constater

qu'il ne plaisantait pas.

- Tu veux me faire l'amour partout où c'est

possible ? répéta-t-elle, soutenant son regard.

- Tu es prévenue, Casey Westmoreland. Ce n'est

pas un vœu pieu de ma part. Je mettrai ma menace

à exécution.

Elle sourit, provocante, et entreprit de défaire les

boutons de sa chemise.

- Eh bien, d'accord, roi des prédateurs. Puisqu'il

n'y a pas moyen d'y échapper...

McKinnon traversa la pièce, un sourire fanfaron

aux lèvres. Mais Casey décida sur-le-champ qu'il

ne la posséderait pas simplement à son gré, que la

réciproque serait vraie, parce qu'elle le désirait tout

autant qu'il la désirait.

Il s'arrêta en face d'elle.


- Besoin d'aide pour te déshabiller ? demanda-

t-il d'un ton suggestif.

- Non. Tu n'as qu'à me regarder faire ou gagner

du temps en te déshabillant.

En souriant, il suivit son exemple et se débarrassa

en un tournemain de ses vêtements qui rejoignirent

la pile de ceux de Casey. Alors, il caressa du regard

son corps nu et se dit, comme toujours, que c'était

une très belle femme.

Il posa ses mains sur sa taille, sachant exactement

par où il voulait commencer.

- Si j'ai bien compris, tu n'aimes pas être coincée

contre un mur ?

Et, tout en parlant, il la faisait reculer.

- C'est bien dommage, reprit-il, parce qu'avec la

bonne personne, l'expérience peut être plaisante.

Il s'arrêta quand le dos de Casey se retrouva

plaqué contre la roche, heureusement pour elle

recouverte d'un couverture amérindienne. Les

mains de McKinnon descendirent de sa taille à ses

hanches et, empoignant ses fesses, il la souleva.


Instinctivement, elle noua ses jambes à sa taille.

- Guide-moi, demanda-t-il.

Elle ne se fit pas prier. Le prenant dans ses mains,

elle le positionna à l'entrée de son sexe et le regarda

dans les yeux.

- Je te veux là, McKinnon

Il poussa en elle. Quand il sentit sa chaleur

humide, ses muscles tout féminins Ie saisir, il serra

les dents.

- Non, bébé. C'est moi qui te veux là.

Et, d'un coup de reins, il s'enfonça en elle, lui

arrachant un cri de plaisir. Comme toujours quand

il la pénétrait, Casey éprouvait un bouillonnement

de tous ses sens. C'était comme si chaque cellule de

son être implorait d'en recevoir toujours davantage.

Les sensations déferlaient sur elle Ies unes après les

autres et ses muscles se crispaient autour de son

membre comme si elle essayait de l'emprisonner. Et

quand son orgasme se déclencha, elle cria assez fort

pour faire fuir les animaux sauvages susceptibles de

rôder dans les parages. Mais ce n'était que le début


car un deuxième orgasme succéda au premier.

Elle savait toujours quand il atteignait le plaisir

ultime ; elle sentait le liquide chaud se répandre

dans tout son corps. Sa jouissance se prolongeait,

comme chez elle, et quand il se pencha pour capturer

la pointe d'un sein entre ses lèvres, un trait de feu

se propagea jusque dans son entrecuisse et elle

cria encore.

Il maintenait ses hanches à chaque assaut afin

qu'elle ne se blesse pas le dos et s'il était prévisible

que,le lendemain, elle serait incapable de marcher,

aujourd'hui, cela lui était bien égal. Et quand il

rejeta la tête en arrière et rugit, le bruit seul suffit

à la faire venir.

Ensuite, elle s'effondra contre son torse et il l'em-

brassa passionnément dans le cou, la marquant au

fer rouge. Bien que probablement épuisé, il réussit

à la prendre dans ses bras et la porter jusqu'au lit.

Il l'y déposa puis, se laissant tomber à côté d'elle,

la prit dans ses bras.

- Nous allons nous reposer un peu et, ensuite,


je te ferai l'amour dans ce lit.

Casey ferma les yeux. Elle n'avait aucune raison

de douter de sa parole.

***

- Comment ça se passe entre ton père et toi ?

Casey se blottit plus étroitement contre McKinnon.

Un regard vers l'entrée de la grotte lui apprit que le

jour baissait, mais aucun des deux ne manifestait la

moindre velléité de bouger. Fidèle à sa parole, il lui

avait fait l'amour dans tous les endroits possibles

et imaginables de la grotte et elle se demandait

si la moindre partie de son corps serait jamais la même.

- Bien. Je découvre un peu plus chaque jour

quel être attentionné, bon, affectueux il est. Et il

se montre très compréhensif, ce que j'apprécie.

Seulement...

- Seulement quoi ?

- C'est plus difficile pour moi que pour Clint

et Cole d'établir une relation intime avec Corey.


Pourtant, je fais des efforts. C'est juste qu'il faudrait

que je laisse certaines choses derrière moi.

- Je comprends. Je me souviens de ce que j'ai

ressenti en découvrant que Martin n'était pas mon père.

- Tu avais quel âge ?

- Seize ans. Au début, j'avais le sentiment

d'avoir été trahi.

Casey ne connaissait que trop ce sentiment.

- Comment as-tu réagi ?

- Quand ma mère m'a expliqué les raisons de

son silence, j'ai bien compris qu'elle n'avait agi

que dans le but de me protéger et, peu à peu, j'ai

accepté. Mes grands-parents paternels n'ont jamais

approuvé qu'elle épouse leur fils, et quand Martin

m'a adopté à la naissance, elle a pensé qu'il valait

mieux tourner la page pour m'épargner d'être blessé

par leur rejet.

Il marqua une pause avant d'ajouter :

- Comme elle pensait que je devais avoir quelque

chose de mon père biologique, elle m'a appelé

McKinnon, qui était son patronyme. Ainsi, j'ai le


meilleur des deux univers McKinnon et Quinn. Et

quand je vois mon nom, je pense aux deux hommes

à qui je rends hommage.

- As-tu eu l'occasion de rencontrer tes grands-parents ?

- Oui. J'ai fait la connaissance de ma grand-

mère quand j'avais dix-huit ans. Mon grand-père

était mort depuis des années. Mon père étant enfant

unique, ma grand-mère voulait que je sache ce qui

me reviendrait après sa mort. Comme si c'était tout

ce qui importait... Ça m'attriste vraiment de penser

à toutes ces années où j'aurais pu les connaître,

tisser des liens avec eux. Mais ils refusaient de me

rencontrer à cause de mon héritage sang-mêlé. Ils

appartenaient à l'élite fortunée de La Nouvelle-

Orléans et jugeaient ma mère indigne d'épouser

leur fils. Ce qui a été terrible pour eux, c'est qu'ils

n'ont pas eu leur mot à dire. Mon père était assez

grand pour prendre ses responsabilités.

- M. Quinn et toi êtes si proches que j'ai dû mal

à croire qu'il n'est pas ton vrai père. J'ai été très

surprise quand je l'ai appris.


- Il est le seul père que j'aie jamais connu. Ma

mère dit que John McKinnon était un homme bon

et que leur mariage a été court mais heureux. Ils

se sont rencontrés à un rassemblement culturel des

nations. EIle représentait les nations blacktbot et

Iui, les créoles de couleur de Louisiane.

McKinnon la serra un peu plus fort contre lui.

- Je suppose que tu n'as jamais eu de beau-père.

Elle secoua la tête.

- Naturellement non. Bien que des hommes se

soient intéressés à elle, ma mère n'a jamais répondu

à leurs avances. Son cœur a appartenu à mon père

jusqu'à sa mort.

Quel gâchis ! songea McKinnon. Mais après tout,

n'était-il pas en train de suivre le même chemin ?

N'avait-il pas décidé de renoncer à toute vie senti-

mentale pour une raison qu'il jugeait primordiale ?

Bien qu'il n'aimât plus Lynette, à cause d'elle, il

avait renoncé pour toujours à aimer.

- Prête à rentrer ? demanda-t-il.

Elle lui sourit en se retournant sur le dos.


- Merci de m'avoir amenée ici, McKinnon. C'est

un endroit magique.

Il l'embrassa sur la joue.

- Non, c'est toi qui es magique.

Casey poussa un soupir de volupté quand leurs

lèvres se trouvèrent. Ils devaient rentrer et la dernière

chose dont elle avait besoin était de recevoir le long

et enivrant baiser qu'il n'allait pas manquer de lui

donner.

Mais, bien sûr, elle n'envisageait pas de le refuser...

Deux jours plus tard, Casey reçut la visite surprise

de son père. Quand elle ouvrit la porte après avoir

entendu frapper, elle le trouva devant elle.

- Corey ? Quelle bonne surprise !

Il lui sourit.

- Je suis passé voir comment se portaient Spitfire

et son poulain et prendre de tes nouvelles par la

même occasion.

- Je vais bien. Veux-tu entrer ?

- Avec plaisir.
Casey recula pour laisser passer son père, abso-

lument pas gênée qu'il l'ait trouvée chez McKinnon

et non au cottage.

- J'allais justement déjeuner. Veux-tu partager

mon repas ?

Il regarda autour de lui.

- Où est Henrietta ?

- Son mari et elle sont partis passer la journée

à Helena. D'habitude, McKinnon et moi déjeunons

ensemble mais il a dû retrouver ses frères en ville.

Alors, tu vois, tu es le bienvenu.

- Dans ce cas, j'accepte avec plaisir.

- Formidable ! Installe-toi pendant que je termine

les préparatifs.

Dans la cuisine, Casey se dit que la visite de

son père tombait à pic. Le moment était venu de

tourner la page sur Ie passé, chose dont elle n'avait

pas été capable jusqu'à présent. Et il était grand-

temps d'en parler avec Corey. Elle se sentait bien

avec lui car il lui donnait toujours I'impression de

tenir beaucoup à elle. Et puis, sa conversation avec


McKinnon I'avait aidée à y voir plus clair.

Quelques instants plus tard, elle regagna la salle

de séjour pour le trouver en pleine contemplation

du paysage par Ia fenêtre.

- Le déjeuner est prêt, papa.

Il se retourna comme si une mouche l'avait piqué

et la dévisagea. Elle comprit aussitôt la raison de

sa réaction si vive : c'était la première fois qu'elle

l'appelait papa.

- D'accord. Laisse-moi juste le temps de me

laver les mains.

Elle le regarda gagner la salle de bains, persuadée

qu'il avait surtout envie de cacher son émotion. EIle

n'avait pas compris jusque-là à quel point le fait de

l'appeler par son prénom avait dû Ie chagriner. Il

ne lui en avait rien dit ; il avait respecté ses senti-

ments, lui avait donné le temps de s'habituer à la

situation à son rythme et elle ne l'en l'appréciait

que mieux.

- Qu'y a-t-il donc au menu ?

Elle se tourna en l'entendant entrer dans la cuisine.


- Rien d'extraordinaire. Juste des sandwichs à

la salade et au poulet et de la limonade.

Elle prit place à table.

- Mais c'est extraordinaire pour moi, Casey !

dit-il d'un ton convaincu. Tu comprends, ce n'est pas

tous les jours qu'un homme a l'occasion de déjeuner

avec une fille qui est, de surcroît, une ravissante

jeune femme.

- Surtout une fille qu'il ignorait avoir jusqu'à

peu, répliqua-t-elle en le regardant s'asseoir en

face de lui.

- Peu importe. Dès que j'ai eu vent de votre

existence à Clint, Cole et toi, je vous ai aussitôt

aimés. De savoir que vous étiez miens représentait

tout pour moi et mon amour a tout de suite été

absolu et indéfectible.

Elle hocha la tête, Ie croyant volontiers.

- Il m'a fallu du temps pour m'habituer à l'idée,

reconnut-elle. Maman et moi étions très proches et

quand elle me racontait ses fabuleuses histoires, je

la croyais. Je vous imaginais tous deux éperdument


amoureux, et quand j'ai appris que tu ne l'avais jamais

aimée et que tout cela n'avait été que mensonges,

j'ai été profondément choquée.

Corey serra sa main dans la sienne.

- Je l'ai aimée, mais d'une autre façon. Carolyn

comptait pour moi, Casey, ne va pas t'imaginer le

contraire. Elle était entrée dans ma vie alors que

j'étais au plus bas et nous avons eu de bons moments.

Et parce qu'elle était bonne, je savais que je lui

devais la vérité dès le début. C'est pourquoi je lui

ai dit que je ne pourrais jamais I'aimer totalement,

parce que mon cœur appartenait à une autre.

- Et je suis sûre que maman a apprécié ton

honnêteté. Tant d'hommes auraient agi différem-

ment. C'est certainement pour cette raison qu'elle

ne pouvait prononcer ton nom sans que sa voix

vibre d'amour.

Casey demeura quelques instants silencieuse.

- Tu sais, je m'étais préparée à détester Abby,

surtout quand j'ai su que c'était la femme qui t'avait

empêché d'aimer maman. Mais c'est impossible de


ne pas aimer Abby. Elle est vraiment exceptionnelle,

papa. Tu as de la chance de l'avoir et plus de chance

encore qu'elle soit revenue dans ta vie après toutes

ces années. C'est comme si vous étiez vraiment

destinés l'un à l'autre. Abby et toi réunis, quelle

belle fin pour un roman d'amour ! Je le vois main-

tenant. Je vois aussi I'amour quand tu la regardes

et qu'elle te regarde, et je crois sincèrement que

maman ne t'en a pas voulu d'en aimer une autre

parce que tu lui as donné quelque chose de spécial.

Tu lui as donné une part de toi, même si ce n'était

pas ton cœur.

Casey sourit et serra la main qui tenait la sienne.

En voyant les yeux humides de son père, elle

comprit que ses paroles l'avaient touché et en fut

heureuse.

- Tu es mon père, je t'aime et je suis fière d'être

ta fille. Je suis heureuse de faire partie de ta vie

comme tu fais partie de la mienne.

Elle se leva et fit le tour de la table. Et comme

il se levait aussi, elle se jeta dans ses bras tendus,


trouvant délicieux de laisser s'envoler la rancune et

le chagrin qui l'habitaient depuis si longtemps.

Elle sentait son cœur battre contre sa cage thora-

cique et pensa qu'elle n'était pas débarrassée de tous

ses chagrins. Mais c'était un chagrin qu'elle s'infli-

geait à elle-même. Elle aimait McKinnon et n'était

pas stupide au point de s'imaginer que leur histoire

pourrait continuer indéfiniment sur les mêmes bases.

Dans moins d'un mois, Prince charmant serait fin

prêt pour les courses et elle n'aurait plus de raison

de rester au ranch. Elle s'était montrée négligente

dans sa recherche d'appartement mais elle allait s'y

remettre sérieusement. L'idée lui fendait le coeur,

mais elle savait au fond d'elle-même qu'elle devait

en passer par là.

Elle écarta de son esprit la triste pensée que,

comme sa mère, elle passerait le reste de son

existence à n'aimer qu'un seul homme et qu,elle

n'aurait pour tout réconfort que les souvenirs de

leur liaison.
- 12 -

McKinnon sortit en toute hâte de la chambre

et décrocha le téléphone. Il venait de se rappeler

qu'Henrietta était partie pour Bozeman faire ses

cour,ses d'épicerie de la semaine.

- Oui?

- Joan Mills à l'appareil. J'essaie de joindre

Casey Westmoreland.

McKinnon haussa un sourcil. Si ses souvenirs

étaient bons, Mme Mills était l'agent immobilier

qui avait fait visiter des appartements à Casey.

- Ici McKinnon Quinn, madame Mills. Casey

est occupée aux écuries. Puis-je vous être utile ?

- Oh ! bonjour, monsieur Quinn. Vous seriez

très aimable de dire à Mlle Westmoreland que, suite

à notre conversation de la semaine dernière, nous

avons un appartement qui pourrait lui convenir. Le

vendeur ne sera pas trop exigeant car il tient à ce

que l'affaire se règle vite.


McKinnon éprouva le besoin de prendre appui

sur la table. Casey envisageait de déménager ?

L'émotion qui lui serrait la gorge l'empêchait presque

de respirer.

Monsieur Quinn ? Vous êtes toujours là ?

Oui, oui. Et je lui transmettrai Ie message.

McKinnon raccrocha, saisi par un froid mortel.

Maintenant, il devait bien admettre que ce qu'il

refusait de toutes ses forces s'était produit ; il était

tombé fou amoureux de Casey.

Il jura. Il n'avait même pas Ie droit de songer à

l'aimer. Et pourtant... Elle était tout ce qu'il voulait

chez une femme mais elle était inaccessible. Dans

ces conditions, peut-être était-il préférable qu'elle

déménage ? La situation finirait par se détériorer

de toute façon.

Il se dirigea vers la porte en arrachant au passage

son chapeau de la patère. S'il était préférable que

Casey parte, pourquoi se sentait-il si épouvantable-

ment malheureux ?
Durango jeta un regard à McKinnon de l'autre

côté de la table. lls venaient juste de terminer leur

réunion d'affaires avec Mike Farmer qui leur avait

fait une offre mirifique. Non seulement Mike se

portait acquéreur des poulains de Courtship mais.

de plus, il se réservait les droits de reproduction de

Crown Royal pour un demi-million de dollars la

saillie. Il était convaincu qu'un rejeton de l'étalon

serait un jour vainqueur de la Triple Crown.

- Qu'est-ce qui ne va pas, McKinnon ? Farmer

vient de faire de nous des hommes riches et tu

restes assis là, accablé comme si tu venais de perdre

père et mère. Laisse tomber ta bière, mon vieux,

et commandons une bouteille de champagne pour

fêter l'événement !

McKinnon se renversa contre le dossier de son

siège. La conversation qu'il avait eue avec l'agent

immobilier résonnait encore à ses oreilles.

- Je n'ai pas le cœur à fêter quoi que ce soit, Rango.

Le front de Durango se plissa.

- Que t'arrive-t-il ?
- L'agent immobilier à qui Casey s'est adressée

pour trouver un logement en ville a appelé ce matin ;

elle a peut-être quelque chose qui lui conviendrait.

Avec la fin de l'entraînement de Prince charmant

qui approche, Casey n'a plus de raison de s'attarder

dans le coin.

Durango dévisagea son ami.

- Que comptes-tu faire ? demanda-t-il brusque-

ment. Je ne perdrai pas mon temps à te demander

si tu l'aimes ; ton attitude me paraît suffisamment

éloquente. Un conseil, McKinnon.

- Quoi ?

- Cesse de ruminer et fonce comme tu l'as

toujours fait quand tu as envie d'une femme.

Les lèvres de McKinnon prirent un pli amer.

- Cette fois, c'est différent. Je ne peux pas agir ainsi.

- Bien sûr que si !

McKinnon essaya de contrôler le flot d'émotions

qui le submergeait.

- Bon sang, Rango,je ne peux pas parce que je

l'aime ! Je n'ai pas le droit de la priver d'un bonheur


légitime.

- Mais comment peux-tu être sûr de ce qui va

se passer ? Casey mérite la vérité, McKinnon. Tu

dois lui parler.

McKinnon poussa un profond soupir. Il avait

encore en tête sa réponse quand il lui avait demandé

si elle voulait des enfants.

- A quoi bon ? Nous ne pouvons vivre ensemble,

Rango. Je ne laisserai pas commettre une abomi-

nation pareille. Il me semble qu'elle mérite mieux,

ajouta-t-il d'un air sombre.

- Pour ma part, rétorqua Durango, je trouve que

ce serait vous rendre à tous deux un bien mauvais

service que de prendre ta décision sans la consulter.

Si tu la veux, McKinnon, ne laisse aucun obstacle

se mettre en travers de ton chemin. Dis-lui la vérité,

et vois sa réaction. Accepte ce conseil venant de la

part de quelqu'un qui sait, mon vieux. Crois-moi,

l'amour d'une femme, d'une femme bien, est le plus

beau cadeau qu'un homme puisse recevoir.

Durango avala une gorgée de sa bière avant d'ajouter :


- Si tu es tellement certain qu'elle partira de

toute façon, qu'as-tu à perdre ?

Casey regardait Henrietta qui, de l'autre côté de

la table, épluchait des pommes pour une tarte. Elle

avait une question à lui poser et espérait que la brave

femme y répondrait avec franchise.

- Henrietta, qui est Lynette ?

La gouvernante s'interrompit dans sa tâche et

fixa sur Casey un regard perçant.

- Qui vous a parlé de Lynette ? Je suis sûre que

ce n'est pas McKinnon.

- Non, ce n'est pas lui. Norris a laissé échapper

ce prénom un jour en disant qu'il était heureux que

je ne lui ressemble pas.

Henrietta sourit.

- Non, vous ne lui ressemblez pas. Ce n'est pas

que Lynette ait été une personne fondamentale-

ment mauvaise. C'est juste qu'elle n'a pas soutenu

McKinnon quand elle l'aurait dû. D'autant qu'elle

prétendait l'aimer. Elle l'a beaucoup fait souffrir.


Qu'avait bien pu faire cette Lynette ? se deman-

dait Casey. Il ne semblait pas s'agir d'une histoire

d'infidélité. Et comment aurait-elle dû soutenir

McKinnon ? Etait-ce à cause de Lynette qu'il refusait

d'ouvrir son coeur à une femme ?

- Vit-elle dans les parages ?

Henrietta secoua la tête.

- Dieu m'en garde ! A ce que m'a dit McKinnon,

Lynette serait mariée, aurait un enfant et vivrait du

côté de Great Falls. Une bonne chose. Voir Lynette

et son enfant à tout bout de champ serait la dernière

chose souhaitable pour McKinnon.

A présent, de nouvelles questions se bousculaient

dans la tête de Casey. Pourquoi serait-ce si terrible

pour McKinnon de voir Lynette et son enfant ?

Auraient-ils perdu un bébé ?

- Pourquoi cela serait-il si dramatique ?

Henrietta parut sur le point de parler mais se

ravisa brusquement.

- Ce n'est pas à moi de vous répondre, Casey. Un

jour, peut-être, McKinnon vous parlera-t-il d'elle.


Peut-être vous racontera-t-il toute l'histoire.

Casey en doutait fort. En réalité, depuis son réveil

ce matin, elle avait remarqué un changement chez

McKinnon. Habituellement, ils prenaient leur petit

déjeuner ensemble mais ce matin, il avait déjà mangé

et s'était éclipsé quand elle s'était réveillée. Pour tout

dire, il agissait étrangement depuis qu'il lui avait

fait part de I'appel de Joan Mills. Se pouvait qu'il

soit contrarié parce qu'elle repartait en quête d'un

logement ? S'imaginait-il qu'elle allait continuer

d'habiter avec lui éternellement ? Elle ne savait

que penser mais espérait de toutes ses forces que

cette froideur n'était qu'un effet de son imagination

et que McKinnon ne cherche pas à reprendre ses

distances.

- Merci de m'avoir répondu, Henrietta'

- C'est bien normal. Comme je vous le disais,

cette femme l'a fait souffrir. Mais vous, vous pouvez

le rendre heureux.

Casey sourit.

- Le croyez-vous vraiment ?
Henrietta émit un petit rire.

- J'en suis sûre ! Il sourit davantage et son

humeur est bien meilleure. Et vous êtes la cause

de sa transformation. Je sais que vous l'aimez, que

vous I'aimez vraiment.

La gouvernante demeura quelques instants silencieuse.

- Promettez-moi une chose, demanda-t-elle enfin.

- Quoi ?

- Quoi qu'il arrive, suivez les élans de votre cœur

et vous ne pourrez pas vous tromper. En amour, il

n'est pas question de tourner le dos et de fuir. Il

n'en est vraiment pas question.

Ce soir-là, McKinnon revint tard au ranch. Il n'était

pas rentré pour le dîner, ce qui conforta Casey dans

son idée qu'il cherchait à l'éviter. Elle l'attendait

près de la cheminée quand il ouvrit la porte.

- McKinnon, dit-elle, voyant qu'il se taisait. Je

t'attendais pour dîner.

Avec un haussement d'épaules, il referma la porte

derrière lui.
- J'ai été retardé. Je suis étonné que tu soies

encore debout.

De toute évidence, il avait espéré qu'elle serait

couchée. Cela renforça la résolution de Casey et la

rendit plus que jamais décidée à découvrir ce qui

se tramait.

- Je suis également surprise. D'autant que nous

nous sommes couchés tôt, ces derniers temps.

Elle cherchait délibérément à raviver les souve-

nirs de ce qu'avaient été leurs soirées au cours

des trois dernières semaines. Dès qu'il le pouvait,

McKinnon se précipitait le soir à la maison, ils

dînaient, prenaient une douche ensemble, allaient

au lit et faisaient l'amour.

- Oui, eh bien, comme je te disais, j'ai été occupé.

De plus, j'ai réfléchi.

Elle ressentit une brusque nausée au creux de l'estomac.

-A quoi?

- A nous. Tu vas bientôt terminer l'entraîne-

ment de Prince charmant et déménager. Si j'ai bien

compris, tu cherches à acheter quelque chose en


ville et...

- C'est ce qui te tracasse, McKinnon ? Tu es

contrarié parce que j'ai repris mes recherches ?

Parce que si c'est ça, alors...

- Contrarié ? Pourquoi serais-je contrarié ? Toi

et moi savions depuis le début que notre histoire

n'était pas destinée à durer. Ce n'est vraiment pas

un problème. Tu fais bien de déménager'

Casey tressaillit. On aurait dit qu'il se moquait

éperdument qu'elle parte ou non et elle n'arrivait

pas à le croire. Elle refusait de le croire. Certes, elle

connaissait le postulat de base mais, à un moment

donné, il lui avait semblé que les règles changeaient,

non seulement pour elle mais aussi pour lui. Bien

qu'elle ne puisse prétendre qu'il soit tombé amou-

reux d'elle comme elle l'était de lui, elle refusait

de croire qu'elle n'avait été à ses yeux rien d'autre

qu'un corps consentant.

- C'est ce que tu veux vraiment, McKinnon ?

Il hésita un instant.

- Oui, dit-il enfin. C'est mieux.


Casey poussa un grand soupir. Dans ce cas, elle

allait faire en sorte de lui donner satisfaction. Sa

fierté lui interdisait d'entretenir comme sa mère

une passion pour un homme qui ne I'aimait pas.

Au début, elle avait cru pouvoir se contenter des

souvenirs de ce qu'ils avaient partagé mais, à présent,

elle s'apercevait que c'était impossible. Et elle avait

le sentiment que sa mère s'en était, à un moment

ou à un autre, également rendu compte.

Brusquement, elle comprenait ce que sa mère

avait pu ressentir en apprenant que l'homme qu'elle

aimait ne le lui rendait pas. Mais enfin, il lui avait

donné des enfants, ce qui, pour Carolyn Roberts,

était peut-être les seuls souvenirs dont elle avait

besoin. Casey était persuadée que, chaque fois que

sa mère avait regardé le visage de ses enfants, si

semblables à son amour, elle en avait éprouvé de la

joie. Et cette joie avait perduré jusqu'au jour de sa

mort. En prenant conscience de cette réalité, Casey

sentit s'accroître son amour et son admiration pour

sa mère.
Aujourd'hui, Casey pourrait bien se retrouver

face au même choix que sa mère. Durant toute la

période où McKinnon et elle couchaient ensemble,

ils n'avaient pas utilisé de protection. Les premières

fois, c'était pendant le moment du cycle présen-

tant peu de risques mais, ensuite, c'était une autre

histoire. C'est-à-dire qu'elle pouvait se retrouver

exactement dans la même situation que sa mère.

Seule et enceinte d'un homme qui ne l'aimait pas.

Seulement, contrairement à sa mère qui avait gardé

le silence, elle avait l'intention de dire à McKinnon

de quoi il retournait.

- Très bien. Je trouverai un endroit où habiter à

la fin de mon contrat. Et si je suis enceinte, je te le

ferai savoir. Nous avons fait l'amour de nombreuses

fois sans protection, je te rappelle.

L'espace d'un instant, il la dévisagea comme si

elle l'avait giflé. Enfin, après quelques secondes de

silence, il déclara :

- Tu n'es pas enceinte.

Elle rit amèrement, pour dissimuler sa peine.


- Oh ! je vois. Monsieur est médecin ?

Il s'adossa à la porte fermée et croisa les bras sur

sa poitrine. Son expression était rigide et sévère.

- Non, je ne suis pas médecin, mais tu n'es pas

enceinte. C'est impossible.

Sourcils froncés, Casey le dévisagea.

- Qu'est-ce qui te rend si sûr de toi ?

Nous y voilà, pensa McKinnon. Le moment était

venu de lui dire la vérité, pour qu'elle puisse s'en-

fuir à toutes jambes, comme Lynette qui n'avait pas

perdu de temps pour faire ses bagages et le quitter

parce qu'il ne pouvait lui donner l'enfant qu'elle

désirait. Allons, parle à Casey, se disait-il. Ce sera

amusant de voir combien de temps elle va mettre

à disparaître !

Mais il en était incapable.

Il se rappelait avec une netteté implacable le jour où

il était revenu de Bozeman après sa réunion d'affaires

avec Durango et Mike Farmer, bien décidé à suivre

le conseil de Durango, à aller trouver Casey et à

la mettre en face de Ia vérité. Ensuite, se disait-il,


elle prendrait sa décision en toute connaissance de

cause. Mais quand il était entré dans les écuries,

elle discutait avec Dawn Harvey, la femme d'un

employé du ranch, qui avait eu un bébé quelques

mois plus tôt. Casey avait pris cet enfant dans ses

bras et elle lui souriait, lui parlait le langage bébé

et le faisait rire en produisant des petits bruits

amusants. Et, après avoir vu l'éclat heureux de son

visage, il avait su qu'il ne pourrait jamais lui refuser

le bonheur d'être mère. Il l'aimait trop pour gâcher

ainsi sa vie.

Avec un gros soupir, il s'écarta de la porte et se

dirigea vers Casey. Quand il s'arrêta devant elle,

il essaya de se rappeler le moment exact où il était

tombé amoureux d'elle et n'y parvint pas. Sans doute

était-ce au double mariage de Stone et de Corey. En

tout cas, il ne se rappelait pas le moment où il s'était

avoué à lui-même son amour. Ce devait être le soir

où ils avaient fait l'amour pour la première fois et

où elle avait délibérément joué les séductrices. Ce

soir-là, il s'était donné à elle corps et âme.


- Qu'est-ce qui te rend si sûr que je ne suis pas

enceinte, McKinnon ?

Il la regarda au fond des yeux, ses yeux qui le

laissaient sans volonté dans ses bras, ses yeux qu'il

adorait scruter quand il la pénétrait, ses yeux qui

noircissaient juste avant qu'elle n'atteigne le plaisir

suprême.

- Ce qui me rend si sûr que tu n'es pas enceinte,

c'est que je ne peux pas te mettre enceinte.

Ignorant le regard ahuri qu'elle lui jeta, il poursuivit.

- A peu près à l'époque où j'ai su que Martin

n'était pas mon père biologique, j'ai appris que ce

dernier était atteint d'une maladie rare du sang, ce

que ma mère et lui ignoraient. En réalité, elle a été,

diagnostiquée après l'accident de voiture qui lui a

coûté la vie. Bien que je ne risque pas de développer

la maladie, je suis porteur du gène et peux donc le

transmettre. Estimant que je ne pouvais pas infliger

ce calvaire à un enfant, il y a onze ans, j'ai décidé

de subir une vasectomie.

Elle secoua la tête, incrédule.


- Tu as subi une vasectomie ?

- Oui. Maintenant tu sais pourquoi notre relation

n'a pas d'avenir.

Elle parut toute décontenancée.

- Excuse-moi, McKinnon, dit-elle après quelques

instants, je suis sans doute obtuse mais je ne

comprends pas.

- Tu comprendras un jour. Si tu veux bien m'ex-

cuser, il faut que je prenne une douche. Je pense

qu'il vaudrait mieux que tu dormes chez toi ce soir...

Enfin, à partir de maintenant.

Et, sans lui laisser I'occasion de répliquer, il se

dirigea vers sa chambre et ferma la porte derrière lui.

Casey demeura pétrifiée pendant ce qui lui sembla

être une éternité, tandis que son esprit se repassait

les propos de McKinnon. Était-ce d'apprendre sa

stérilité qui avait fait fuir Lynette ? Mais alors, dans

ce cas, cette femme ne l'avait jamais aimé !

Une part de Casey, la part obstinée, celle qu'elle

avait héritée des Westmoreland, avait envie d'aller


sur-le-champ tambouriner à la porte de McKinnon

pour éclaircir cette affaire. Il ne pouvait tout de

même pas supposer que le fait d'apprendre qu'il ne

pouvait avoir d'enfant entamerait son amour pour

lui. Cependant, après réflexion, elle comprit qu'il le

pensait vraiment. D'autant plus qu'une autre femme

avait réagi de cette façon.

Son cœur saigna pour lui. Lynette et lui n'avaient-ils

pas envisagé d'autres possibilités telles que l'adop-

tion ? Lynette ne voulait-elle vraiment pas voir les

alternatives qui existaient à la stérilité ? Pas éton-

nant qu'Henrietta ait dit qu'il valait mieux qu'elle

ne vive pas dans les parages parce que, sûrement, la

voir avec son enfant serait un vrai crève-cœur pour

McKinnon. Casey le comprenait à présent. La vue

de cet enfant serait un constant rappel de ce qu'il

n'avait pu donner à la femme qu'il aimait.

Il s'était retiré dans sa chambre, manifestant qu'il

préférait rester seul ce soir et, pour une fois, elle

accéderait à son désir. Surtout parce qu'elle avait

besoin de réfléchir au meilleur moyen d'aborder le


sujet avec lui. Comment lui faire comprendre que

sa stérilité ne pesait en aucun cas dans la balance,

et qu'un jour, elle songerait à adopter un enfant ou

bien à recourir à l'insémination artificielle ?

En soupirant, elle se dirigea vers la porte de

derrière. Elle allait regagner le cottage. Demain, elle

mettrait son plan à exécution. Le premier plan avait

pour objectif de séduire ; celui-ci viserait à obtenir

satisfaction. Et elle ne serait pas satisfaite avant que

McKinnon comprenne qu'elle serait toujours à son

côté, quoi qu'il advienne.

Tôt le lendemain matin, Casey alla trouver Norris

aux écuries et sollicita une journée de congé. Elle

sentait qu'elle devait parler sans délai à la mère de

McKinnon.

Quand elle entra dans la cour du ranch, Etoile

du matin sortit sur le seuil de la maison, un grand

sourire de bienvenue aux lèvres. Comme d'habitude,


Casey la trouva éblouissante avec ses immenses

yeux noirs sertis dans un fin visage aux pommettes

hautes et ses longs cheveux bruns qui tombaient

au creux de ses reins. Ses origines amérindiennes

étaient incontestables et elle paraissait bien plus

proche de ses trente ans que de la cinquantaine.

- Quelle bonne surprise, Casey ! s'exclama-t-elle

en l'étreignant. Est-ce que tout va bien?

Casey secoua la tête.

- Non. Mais je pense que ça devrait s'arranger.

Tout d'abord, j'ai besoin de vous parler de quelque

chose d'important.

- Naturellement. Entrez donc boire une tasse

de café.

Casey lui emboîta le pas. A l'instant où elle fran-

chit le seuil, elle sentit l'atmosphère de la maison,

particulièrement chaleureuse, I'envelopper. Elle

suivit Étoile du matin dans la cuisine où elles prirent

place à Ia table.

- M. Quinn est-il à la maison ?

Étoile du matin, qui servait le café, lui jeta un


bref coup d'œil et sourit.

- Non. Il est parti à la chasse avec votre père

et il ne faut pas les attendre de si tôt. Vous vouliez

le voir ?

- Non, c'est vous que je venais voir. Je voudrais

vous parler de McKinnon.

Les sourcils d'Etoile du matin se froncèrent.

- Qu'y a-t-il ?

- Je l'aime, dit Casey, jugeant inutile d'y aller

par quatre chemins.

Devant le lumineux sourire qui se peignait sur

les lèvres d'Etoile du matin. elle se détendit.

- Je le voyais venir, dit Étoile du matin, buvant

une gorgée de café.

Le visage de Casey exprima la surprise.

- Vraiment ?

- Oui. C'est dans vos yeux quand vous le regardez

et je vois la même expression dans les siens.

Avec un soupir, Casey porta sa tasse à ses lèvres.

Que McKinnon puisse I'aimer était une véritable

révélation pour elle.


- Nous sommes ensemble depuis le soir de ma

fête, dit-elle, certaine qu'Etoile du matin compren-

drait le sens profond de ses propos. Et, hier soir,

McKinnon a en quelque sorte rompu. ll m'a expliqué

qu'il était porteur d'une maladie rare, il m'a parlé

de son opération et, pour je ne sais quelle raison,

il est persuadé que...

- Rien n'est possible entre vous même si vous

le désirez, termina Étoile du matin.

- Exactement !

Étoile du matin demeura quelques instants silencieuse.

- C'est à Lynette Franklin que nous devons une

telle réaction. Nous pouvons I'en remercier. Elle a

quitté McKinnon juste après qu'il se soit confié à elle.

Casey hocha la tête.

- Mais c'était Lynette Franklin. En quoi sa

réaction me concerne-t-elle ?

Étoile du matin sourit.

- En ce que vous êtes une femme. Casey. McKinnon

voit en vous la femme qui voudra certainement

avoir un enfant qu'il ne pourra lui donner. Il pense


se montrer généreux en coupant les ponts.

- Quelle erreur ! Bien sûr que je veux des enfants

mais nous pouvons avoir recours à l'adoption.

Donner naissance à un enfant n'est pas l'essentiel

pour moi.

- Certaines femmes ne partagent pas ce point

de vue et il le sait.

Étoile du matin soupira.

- Prendre la décision de subir une vasectomie

a été une des plus dures épreuves que mon fils ait

eu à subir, parce qu'il aime les enfants et a toujours

envisagé de fonder un jour un foyer. Il était déchiré

jusqu'à ce jour où il a dû se rendre à I'hôpital pour

ses examens annuels.

- Que s'est-il passé ?

Étoile du matin se leva et se dirigea vers l'évier.

Quand elle se retourna, Casey lut sur son visage

l'amour et la souffrance qu'elle éprouvait pour son enfant.

- Dans la salle d'attente. McKinnon a fait la

connaissance d'un homme qui était également

porteur d'une maladie génétique. Et cet homme lui


a raconté comment, sans le savoir, il avait transmis

la maladie à son petit garçon, et le calvaire enduré

par celui-ci avant que la mort ne survienne à l'âge de

six ans. J'ai compris que, après cette conversation,

McKinnon s'est juré de ne jamais avoir d'enfant

à cause du risque de lui transmettre une maladie

mortelle.

Bouleversée par le drame de l'inconnu et plus

encore par I'anéantissement des rêves de McKinnon

de fonder une famille, Casey essuya une larme.

- Je refuse de baisser les bras et de le laisser vivre

tout seul avec cette souffrance, madame Quinn.

- Il s'est mis en tête de rester célibataire.

Casey se leva et dévisagea Étoile du matin avec

un regard plein de défi.

- C'est à voir. J'aime McKinnon et je ne le

laisserai pas gâcher ce que nous pouvons vivre

ensemble. Je refuse, tout simplement !

Étoile du matin sourit.

- Je suis heureuse cle l'entendre, Casey. Ne vous

laissez pas impressionner par son caractère difficile.


Ne permettez pas qu'il vous repousse. Battez-vous

pour votre amour.

Casey hocha la tête, bien déterminée à suivre le

conseil.

McKinnon aperçut Casey dès qu'il tourna le coin

de la grande maison. Elle I'avait fait prévenir par

Norris qu'elle voulait le voir et, ne sachant pas si ça

pouvait attendre, il avait laissé son travail en plan

pour partir à sa recherche.

En chemin, il avait croisé Henrietta qui rentrait

chez elle et il s'était demandé comment il se faisait

qu'elle ait fini sa journée de travail si tôt pour conclure

que, comme on était vendredi, elle avait sans doute

à faire en ville et avait oublié de le prévenir.

Il prit une profonde inspiration. Casey se trouvait

dans le jardin, près des massifs de fleurs, à I'endroit

même où elle se tenait la nuit où ils avaient échangé

Ieur premier baiser. Un juron lui échappa. Comme

s'il avait besoin de repenser à ce baiser maintenant !

D'un autre côté, comment pourrait-il l'éviter quand


elle avait si fière allure dans son jean qui la moulait

adorablement et son court chemisier de soie qui

soulignait le galbe de ses beaux seins ? Ses beaux

seins qu'il avait caressés et embrassés tant de fois.

Il les caressa du regard avant de se reprendre.

- Norris m'a dit que tu voulais me voir, Casey ?

demanda-t-il, essayant désespérément de calmer les

battements désordonnés de son cœur.

Elle leva les yeux vers lui.

- Oui. Je voudrais que nous terminions notre conversation.

Elle le regarda prendre la position qu'elle aimait :

bras croisés sur la poitrine, jambes écartées.

Aujourd'hui, ses cheveux attachés sur sa nuque lui

donnaient une allure encore plus séduisante.

Il soupira d'un air irrité.

- Nous l'avons terminée hier soir. Il n'y a rien

à ajouter ni à retrancher.

- A mon avis, si. Et j'aimerais que tu m'écoutes.

Les lèvres de McKinnon se pincèrent.

- D'accord. Dis ce que tu as à dire, que je puisse

me remettre au travail.
Hochant Ia tête, elle avança. quand elle s'arrêta

devant lui, d'un geste nerveux, il se frotta la nuque.

Elle était beaucoup trop proche de lui pour qu'il se

sente à I'aise et elle sentait beaucoup trop bon.

- Je voulais juste tirer certains points au clair,

McKinnon. Scénario numéro un. Imaginons que je

sois venue te trouver l'autre soir pour t'apprendre

qu'un problème gynécologique m'interdisait de te

donner un enfant, aurais-tu rompu toutes relations

avec moi ?

- Bien sûr que non !

- D'accord. Passons au scénario numéro deux.

Si, pour une raison quelconque, je voulais adopter

un enfant, y verrais-tu un inconvénient ?

McKinnon fronça les sourcils, se demandant où

elle voulait en venir.

- Non, je n'y verrais pas d'inconvénient.

- Et si je voulais tenter l'insémination artificielle

pour porter un enfant, est-ce que cela te gênerait ?

- Pas plus.

Les mains sur les hanches, elle le dévisagea sans


aménité.

- Alors, je me demande bien où est ton problème !

s'écria-t-elle. Quelle genre de femme crois-tu que je

sois pour supposer que j'attends plus de toi que je

ne suis prête à donner ? Exactement comme je ne

m'attends pas à ce que tu te détaches de moi parce

que je ne peux te donner d'enfant, j'aurais cru que

tu aurais la décence de ne pas t'attendre à la même

chose de ma part ! Mais toi, comment réagis-tu ?

Pour l'amour de Dieu ! Tu crois que je vais me

comporter comme cette Lynette, incapable, soit

dit en passant, de reconnaître un homme bourré de

qualités quand elle l'a sous ses yeux, et te quitter ?

Il y a plein d'enfants qui attendent d'avoir un foyer

aimant, un foyer que nous pouvons leur offrir. C'est

une honte que tu penses si peu de bien de moi !

- Casey, dit-il d'une voix assourdie, si assourdie

qu'elle ressemblait à un murmure, ce n'est pas que

je pense peu de bien de toi, c'est au contraire parce

que je te mets au pinacle que je veux te donner

toujours plus. Je t'aime. Je t'aime à en mourir, et


de savoir que je ne peux t'accorder ce dont tu auras

envie un jour me met à la torture.

Le cœur de Casey battait follement. Il I'aimait !

- Si tu m'aimes autant que tu le dis, tiens

compte de ce que je veux, McKinnon. Je te veux.

Toi, l'homme qui s'efforce toujours de cacher son

sourire et cette lueur gentille dans son regard.

L'homme qui m'a montré ce qu'était l'amour véri-

table, qui m'a fait voir quel être merveilleux était

mon père, et m'a aidée à comprendre pourquoi ma

mère a préféré passer le restant de son existence

avec ses souvenirs. Moi, contrairement à elle, je

ne me contenterai pas de cette vie, McKinnon. Je

te veux. Peu m'importe si je ne peux pas mettre

d'enfants au monde du moment que je t'ai, toi. Je

t'aime, et pour moi, pour nous. ce devrait être tout

ce qui compte. Il sera toujours temps d'affronter les

difficultés quand elles se présenteront.

Elle prit sa main et entremêla ses doigts aux siens.

Et, peu à peu, elle sentit sa tension la quitter.

- Je veux que tu soies là pour moi, McKinnon.


Pour me tenir serrée dans tes bras au cœur de la

nuit, pour me faire l'amour à toute heure, pour

t'éveiller à mes côtés. Ces trois semaines nous ont

montré à quel point nous sommes bien ensemble

et, s'il ne devait y avoir que toi et moi, ce serait le

destin. Mais, puisque tu aimes les enfants, et que

je les aime aussi, je ne vois pas notre avenir sans

ces petits êtres. Ces petits êtres que nous ferons

nôtres, que nous regarderons grandir, entourés de

notre amour. Même si Martin n'est pas ton père

biologique, tu ne l'en aimes pas moins, n'est-ce

pas ? Ce sera pareil avec nos enfants.

Elle prit son visage entre ses mains et vit ses yeux

que l'émotion embuait.

- Cesse de protéger ton cœur, McKinnon, et

confie-le à mes bons soins. Il ne craint rien avec moi

et je te promets de ne jamais lui faire de mal.

Avant que Casey puisse reprendre son souffle, les

bras de McKinnon se refermaient sur elle. Il la serra

contre sa poitrine et lui donna un baiser, plein de feu,

comme tous les autres. Quand il I'embrassait, elle


sentait I'univers vaciller, Ie sol trembler et chaque

atome de son corps se liquéfier. Pourtant, celui-ci

avait quelque chose de différent car il traduisait tout

l'amour de McKinnon, ainsi que sa ferveur. Non

seulement il lui donnait son cœur mais, encore, il

lui ouvrait son âme.

ll la souleva dans ses bras et la contempla gravement.

- Casey, veux-tu m'épouser ? demanda-t-il d'une

voix enrouée par l'émotion.

Elle eut un lumineux sourire.

- Oh ! oui. Après la séduction style Westmoreland,

je veux le mariage style Westmoreland ! Un mariage

pour la vie !

Il se pencha pour l'embrasser et murmura :

- Oui, mon amour. Un mariage pour toute la vie.

Épilogue

McKinnon regarda sa fiancée, assise près de lui

sur un banc d'église. Naturellement, il savait que


les mariages arrachent souvent des larmes aux âmes

sensibles. Mais là, Casey exagérait. Ce n'étaient plus

des pleurs d'attendrissement mais un véritable déluge.

Il remit son mouchoir dans sa poche, jugeant qu'il

ne serait pas d'une grande efficacité pour étancher

ce torrent. En réalité, il ne connaissait qu'un seul

moyen de la calmer. Aussi, oublieux de la cérémonie

qui se déroulait devant l'autel, de ses parents, du

père de Casey, de sa belle-mère, assis derrière eux,

il se pencha et I'embrassa.

Comme il l'avait prévu, elle fondit dans ses bras.

Alors, il la souleva et l'assit sur ses genoux. Elle

noua ses bras à son cou et se serra contre lui.

- Merci. J'en avais besoin, chuchota-t-elle à

son oreille.

- N'oublie pas de le dire à tes frères et cousins après

la cérémonie. Ils me fusillent tous du regard.

Un peu plus tard, tout le monde se leva après que

le révérend eut déclarés Ian et Brooke Westmoreland

mari et femme. Cris de joie et applaudissements

retentirent dans église de Lake Tahoe qui accueillait


plus de trois cents invités.

Cela avait été une belle journée. Tous les membres

de la famille Westmoreland étaient présents. Même

Delaney qui semblait sur le point d'accoucher à tout

moment. Le jet de Jamal se tenait prêt à décoller

pour Téhéran dès Ia fin de la cérémonie car le futur

père voulait que son second enfant naisse dans son

pays.

McKinnon et Casey restèrent en arrière tandis

que les invités quittaient l'église pour se rendre à

Rolling Cascade, le casino de Ian, où une impres-

sionnante réception était prévue.

- Maintenant dis-moi, pourquoi tant de larmes

aujourd'hui ?

Elle leva sur lui des yeux humides.

- Parce que je sens l'amour qui unit Ian et Brooke

et que je suis moi-même comblée. Dans un mois,

presque jour pour jour, je serai la mariée et toi, le

marié. Pendant un moment, j'ai cru te voir debout,

là, me promettant un amour éternel... Et puis, il

faut dire que c'était une belle cérémonie.


Tout en hochant la tête, McKinnon lui prit la main

et la guida hors de l'église.

- C'est vrai.

lls avaient choisi de se marier en novenlbre, avec

une réception qui se tiendrait au ranch de Corey et

Abby. Corey était surexcité à l'idée d'être le père

de la mariée et dire qu'Etoile du matin et Abby

l'étaient à l'idée d'organiser la cérémonie restait

très en dessous de la vérité.

En repensant à la fête qu'elles avaient donnée en

I'honneur de Casey, le mois précédent, McKinnon

hocha la tête. Ils pouvaient s'attendre à ce que leur

mariage se déroule à une échelle beaucoup plus

grande, bien qu'ils aient fait savoir qu'ils préféraient

une cérémonie plus intime. Seulement Etoile du

matin Quinn et Abby Westmoreland ne connaissaient

pas la signification du mot << intime >> en matière

de réception.

- Crois-tu que nous devrions nous éterniser à

la soirée ? demanda Casey.

Elle s'arrêta sur les marches de l'église et se


souleva sur la pointe des pieds pour amener ses

lèvres à la hauteur de celles de McKinnon.

- Mais non.

Il glissa un bras autour de sa taille et leurs lèvres

se joignirent dans un baiser plein de promesses.

Un peu plus tard, elle s'écartait de lui en souriant.

- J'ai choisi I'endroit où j'aimerais que nous

passions notre nuit de noces, McKinnon.

- Vraiment ? Et puis-je savoir où ?

- Dans ta grotte.

Il leva un sourcil sceptique. S'apercevant toute-

fois qu'elle était sérieuse, il sourit car l'idée le séduisait.

- Tu es sûre que ça t'est égal de te retrouver

dos au mur ?

Elle sourit et lui prit la main pour descendre les

marches du porche.

- A condition que tu me laisses te prouver ensuite

mes talents de cavalière.

Il éclata de rire puis, se penchant, lui murmura à l'oreille :

- Tu sais que tu peux faire de moi ce que tu

veux, mon amour.


Fin

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