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Pauline Muller

La définition du politique par l’écologie politique

On parle aujourd’hui beaucoup de l’« écologie politique » comme d’un courant de


pensée, alors même que les pensées qu’elle rassemble sont très disparates. Paul Robbins
écrit : « Rather than finding a single body of theory, we discover instead a number of independent trains of
thought colliding in the field”. 1 Dominique Bourg et Kerry Whiteside dressent ainsi une typologie
des différents courants de l’écologie politique2. Leur étude s’intitule même « écologies
politiques » au pluriel. Ce flou de l’écologie politique n’est-il pas dû au fait qu’elle se
questionne rarement sur ses termes ? L’écologie « politique », dans quel sens est-elle
politique ? Elle le dit rarement. Elle admet donc dans son champ des pensées éloignées voir
opposées, mais qui n’entrent que rarement en débat les unes avec les autres.

Il ne s’agit pas ici de faire une typologie des sens que peut prendre le prédicat
« politique » dans les différentes évocations de l’« écologie politique ». Il s’agit ici de montrer
les enjeux d’une définition du politique pour l’écologie politique. Pour cela, il suffit
d’imaginer certaines oppositions qu’il peut y avoir dans cette définition, ce que la typologie
de Bourg et Whiteside permet de faire. On peut facilement imaginer que l’écologie politique
« institutionnaliste » ne donnerait pas la même définition du politique que celui de l’écologie
politique « anarchiste ». Les disparités posent la question : à quel point ces définitions sont
idéologiques ? Et s’il y a une dimension idéologique à l’écologie politique, ne va-t-elle pas
contre son caractère politique ?

On s’intéresse d’abord (I) aux définitions négatives, communes mais problématique,


d’une écologie politique par l’opposition à l’apolitique. Puis on se demande (II) si le politique
de l’écologie comme production de « projets de société » peut être une définition commune.
C’est là qu’on entrera dans la problématique de l’idéologie : ces projets de société, s’ils sont
politiques, sont aussi idéologiques - c’est-à-dire qu’ils reposent sur un « système d’idées qui
se tiennent et se forment dans des rapports déterminés »3. On doit donc se demander : sous
quelles conditions l’idéologique est-il compatible avec le politique ? (III)

On pose cette question de l’idéologie et du politique avec en tête la définition


arendtienne du politique comme exercice de la pluralité 4. La pensée idéologique, en tant

1
ROBBINS Paul, Political Ecology. A Critical Introduction, John Wiley & Sons Ltd, 2nd Ed, 2012.

2
BOURG Dominique, WHITESIDE Kerry, « Écologies politiques : essai de typologie », La Pensée
écologique, 2017/1 (N° 1), DOI : 10.3917/lpe.001.0001. URL : https://www.cairn.info/revue-la-
pensee-ecologique-2017-1-page-a.htm
3
JAEGGI Rahel, « Qu'est-ce que la critique de l'idéologie ? », Actuel Marx, 2008/1 (n° 43), p. 96-108.
DOI : 10.3917/amx.043.0096. URL : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2008-1-page-96.htm
4
« la politique, qui ne se réduit pas à l’exercice du gouvernement (distinction commandement-
obéissance), est ce qui donne pleinement sens à la condition de pluralité, puisque dans la politique, on
s’expose, on décide, on justifie ses décisions par la parole. » BUSSY, Florent. « Hannah Arendt, la
politique et la pensée », L’Enseignement philosophique, vol. 67a, no. 2, 2017, pp. 19-24.
qu’appuyé sur un réseau d’idée prédéterminé, n’est-elle pas un obstacle à la politique comme
exercice de la pluralité ? On peut prendre une autre définition philosophique du politique :
Badiou considère que « La politique commence quand il y a deux orientations majeures, deux
voies » 5. Ces deux voies ce sont en réalité le capitalisme et le communisme ; on peut donc
dire deux idéologies. Pourquoi nécessairement deux ? car sans ça il n’y a pas de discussion.
« L’existence de ces deux voies, la capitaliste et la communiste, est le principe majeur de
l’existence effective de la discussion politique. »6 Cette « discussion politique » se distingue
de la discussion « gestionnaire », qui ne comprend pas cette opposition idéologique. Discuter
ce n’est pas avoir une conversation indéfinie. Badiou est ici conforme à l’étymologie de
discuter : [discutere] fendre. On voit dans cette action de « fendre » l’action du « choix » que
décrit Badiou. Discuter (selon Badiou et conformément à l’étymologie), c’est donc avoir
conscience de sa propre idéologie, et de celle à laquelle on s’oppose. Et c’est dans cette
discussion que se situe la politique.
On se pose donc la question, à partir de ces définitions philosophiques du
politique mais sans nous y arrêter : l’écologie politique peut-elle prétendre être politique
sans discuter du sens dans lequel elle est « politique » ?

NB : notre étude porte plus sur le champ de l’écologie politique française, car il s’agit
d’étudier un champ sémantique, ce qui est plus aisé à faire au sein d’une même langue.
Cependant, elle pose la question problématique de l’idéologique dans la pensée qui est
certainement présente dans la « political ecology ».

I. Il n’existe pas de définition commune du politique dans l’écologie politique

Tout d’abord, pour juger que les définitions du politique au sein de l’écologie politique
sont idéologiques, il faut montrer qu’il n’existe pas de définition commune du politique au
sein de cette pensée.
Il semble tout d’abord que la notion d’« écologie politique » désigne une écologie qui
se distingue de l’écologie scientifique. Le « politique » serait donc un adjectif distinctif, en
réaction au « scientifique ». Larrère fait effectivement cette distinction : « L’écologie ne peut
se contenter d’être scientifique ; il lui faut aussi être politique. »7. Elle reprend en fait sur une
distinction que fait André Gorz entre « écologie scientifique » et « écologie politique »8. On
peut ainsi se référer à la pensée de Gorz pour comprendre en quoi il faut se distinguer de
5

« La politique commence quand il y a deux orientations majeures, deux voies, et qu’avant toute chose,
le choix concerne la voie dans laquelle on est engagé, et comment cette voie peut et doit exister dans la
situation, à tous les niveaux. » BADIOU Alain, LANCELIN Aude, « I. Qu’est-ce que la politique ? »,
dans : , Éloge de la politique. avec LANCELIN Aude. Paris, Flammarion, « Champs - Essais », 2019,
p. 7-28. URL : https://www.cairn.info/eloge-de-la-politique--9782081451766-page-7.htm
6
ibid

7
LARRERE Catherine, « L’écologie politique existe-t-elle ? », Esprit, janvier-février 2018 (N°441).
URL : https://esprit.presse.fr/article/catherine-larrere/l-ecologie-politique-existe-t-elle-39827

8
GORZ André Ecologie politique, Paris, Seuil, 1978.
l’écologie scientifique : « il importe d’éviter que la démarche politique soit présentée comme
le résultat qui s’impose avec une “nécessité absolue” à la lumière de “l’analyse scientifique”
et que soit réédité sous une nouvelle forme le dogmatisme scientiste et antipolitique »9. Si on
s’en tient à la distinction avec l’écologie scientifique, l’écologie politique n'est donc politique
que par opposition à l’antipolitique. C’est une définition purement négative.
Il semble en fait difficile de trouver une définition commune et positive du
« politique » de l’écologie politique. Paul Robbins cherche à produire une définition
commune à partir des différentes définitions positive et il tombe sur cette même définition
négative : “The many definitions together suggest that political ecology represents an explicit
alternative to “apolitical” ecology. »10 Il semble que les définitions positives du politique
soient toujours déjà inscrites dans un des courants de l’écologie politique.
Pourrait-on considérer une définition minimale mais positive du politique de
l’écologie politique ? Bourg et Whiteside, pour justifier l’intégration de l’écologie
malthusienne à leur typologie de l’écologie politique, écrivent :« ils abordent […] des aspects
déterminants du vivre-ensemble et de l’organisation de la Cité. »11. Aborder la question du
vivre ensemble, ne serait-ce pas une des définitions que l’on pourrait donner du politique ?
« Comment vivre ensemble ? », c’est la question politique par excellence selon Barthes 12. Et
toute écologie politique aborde effectivement cette question.
Mais, en réalité, l’écologie politique ne se limite jamais à « aborder » cette question :
elle veut proposer des réponses. Dans sa plus grande part, elle a pour ambition de proposer
des modèles de « vivre-ensemble », ou bien les suppose dans ses propositions. C’est ce que
traduit la définition positive du politique que donne finalement Larrère dans le même artcile
cité plus haut : « Ce qui distingue l’écologie politique des connaissances scientifiques
auxquelles elle peut faire appel, c’est sa capacité à élaborer un projet de société différent des
modèles en vigueur. »13
C’est aussi précisément ce que la typologie de Bourg et Whiteside révèle : les courants
de l’écologie politique se distinguent par les propositions politiques qu’ils font et qui
s’opposent. Certains comme les « démocrates délibératifs » dont Dominique Bourg pensent
qu’il faut créer de nouvelles institutions ; d’autres, au contraire, comme ceux du courant
« démocratique agonistique », jugent les institutions négativement car productrices d’un
« espace public unifié » et prônent donc une « prolifération d’espaces publics radicalement
nouveaux et différents »14.
L’écologie politique se veut être une pensée appliquée. C’est d’ailleurs peut-être en ce
sens qu’elle mobilise la notion de politique : dans une ambition d’ancrage dans la vie
9
DELEAGE Jean-Paul, « En quoi consiste l'écologie politique ? », Écologie & politique, 2010/2
(N°40), p. 21-30. DOI : 10.3917/ecopo.040.0021. URL : https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-
politique-sciences-cultures-societes-2010-2-page-21.htm
10
Op cit, ROBBINS Paul
11
Op cit, BOURG Dominique, WHITESIDE Kerry, « Écologies politiques : essai de typologie », La
Pensée écologique, 2017/1 (N° 1), DOI : 10.3917/lpe.001.0001. URL : https://www.cairn.info/revue-la-
pensee-ecologique-2017-1-page-a.htm
12
BARTHES Rolland, Comment vivre ensemble : simulations romanesques de quelques espaces
quotidiens, édité par Cl. Coste, sous la direction d’É. Marty, Seuil/IMEC, « Traces écrites », 2002.
13
Op cit, LARRERE Catherine
14
LACLAU E., MOUFFE, C., Hegemony and Socialist Strategy: Towards a Radical Democratic Politics,
London: Verso, 1985.
pratique. Pour autant, c’est dans cette aspiration que l’écologie politique devient
problématique : ses propositions prennent pour acquis une certaine conception du politique
qu’elles ne questionnent pas.

II. L’écologie politique comme proposition de projet engage des définitions


idéologiques du politique

Le caractère politique de l’écologie politique repose sur sa « capacité à élaborer un


projet de société différent des modèles en vigueur. » : voici peut-être une idée commune à la
plupart des penseurs qui s’en revendiquent. On pense notamment à André Gorz qui parle lui
de « projet de civilisation »15 et à qui Larrère emprunte l’idée. Jean Zin parle, lui, de « projet
politique »16. Avec cette formule de Zin on s’aperçoit que tout projet de société présuppose de
nouveau, nécessairement, une définition du politique. Ainsi, plutôt que de rompre avec
l’idéologie, cette écologie politique s’enfonce dedans.

Prenons l’écologie politique de Bookchin, qui est précisément l’élaboration d’un


projet de société. Il pense un abolissement de l’Etat et la formation de la société en
municipalités. Son modèle est empreint de son idéologie libertarienne, selon laquelle la
société se déploie en l’absence de l’Etat. Elle est idéologique en ce sens qu’elle repose sur un
réseau d’idées prédéterminées et non questionnées.
Il est même possible de qualifier sa pensée d’idéologique dans un sens plus
commun encore : il est hors-sol. C’est ce que Bourg et Whiteside lui reprochent : « Il est
difficile d’imaginer le moindre avenir au municipalisme libertaire tel que le conçoit Murray
Bookchin sans effondrement préalable des grands États. »17 C’est une critique qui rejoint la
critique pour utopisme qui lui a été faite. On peut résumer le problème ainsi : Comment cela
peut advenir à partir de ce qui existe ?
On arrive par là au réel problème de la pensée idéologique par rapport au politique :
Quel ancrage dans la pratique a-t-elle ? Il ne s’agit pas de dire que c’est irréalisable dans
l’absolu, mais de se demander : quel lien une telle pensée a-t-elle avec la réalité ?
On rejoint par cette question la démarcher de la critique de l’idéologie telle que la
décrit Rahel Jaeggi : « les contradictions dont il s’agit [qui sont critiquées dans l’idéologie] ne
sont pas des contradictions logiques mais pratiques. Cela signifie qu’elles ne sont pas des
« impossibilités de penser », mais qu’elles conduisent à des crises, à des expériences de la
déficience ou de l’insuccès » 18 On peut dès lors penser non seulement aux idéologies qui

15
Op cit, GORZ André
16
ZIN Jean, « Qu'est-ce que l'écologie-politique ? », Écologie & politique, 2010/2 (N°40), p. 41-49. DOI :
10.3917/ecopo.040.0041. URL : https://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-sciences-cultures-societes-
2010-2-page-41.htm
17
Op cit
18
JAEGGI Rahel, « Qu'est-ce que la critique de l'idéologie ? », Actuel Marx, 2008/1 (n° 43),
p. 96-108. DOI : 10.3917/amx.043.0096. URL : https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-
2008-1-page-96.htm
mènent à la crise écologique (ce que fait déjà l’écologie politique), mais aussi aux idéologies
qui sous tendent les propositions de l’écologie politique et qui font leur insuccès.
On rentre donc ici dans le problème de l’idéologie, avec les outils de la critique de
l’idéologie hérités de la théorie critique. Le problème n’est pas tant en soi dans le caractère
idéologique d’une pensée. Toute pensée contient peut-être de l’idéologique. Mais que faire de
cet idéologique lorsque l’on veut être une pensée effective ?

III. L’écologie critique du politique pour une écologie politique

Jean Zin, penseur de l’écologie politique, voit ce problème de l’effectivité de


l’idéologie qui se pose à l’écologie politique. Il se demande comment l’écologie politique ne
serait pas une « idéologie » comme les autres, c’est-à-dire « qui se projette dans l’avenir
supposé radieux au nom de quelque valeur unilatérale et d’utopies entièrement
artificielles » ?19 Selon lui, « le caractère le plus évident de l’écologie et qui la spécifie » -ce
qui pourrait différencier l’écologie des autres idéologie-, « c’est bien de partir du négatif de
notre industrie et du progrès ». Zin va donc contre Larrère selon qui la spécificité de
l’écologie politique est dans sa force de proposition. Justement, il souligne les difficultés à
proposer des réponses : « le caractère le plus évident de l’écologie et qui la spécifie c’est bien
de partir du négatif de notre industrie et du progrès alors qu’elle a le plus grand mal à y
donner une réponse positive […] ». Selon lui, la force première est essentielle de l’écologie
politique est sa force critique.
En effet, toute une part de l’écologie politique a repris cette ambition de la théorie
critique. Roberts la considère comme « a field of critical research »20, Fabrie Flipo comme une
« critique de la modernité »21… Il s’agit même parfois directement d’une critique des
idéologies à l’œuvre dans la crise écologique (notamment le capitalisme).
« Elle met au jour des connexions, renvoie à des contradictions internes, déchiffre des
mécanismes qui contribuent à la dissimulation de ces contradictions et analyse des intérêts de
domination. ». Cette description que fait Rahel Jaeggi de la critique de l’idéologie énonce des
ambitions dans lesquelles on retrouve l’écologie politique (au moins certains de ses courants).
C’est d’ailleurs surement sur la base de cette ambition critique et analytique qu’elle peut se
distinguer de l’écologisme, qui serait, elle, purement idéologique.
Pour autant, selon Zin : « il y a nécessité d’un retour au réel et d’une définition
plus conceptuelle et critique de l’écologie-politique ». Ce que l’on avançait plus tôt :
l’écologie politique devrait se prendre elle-même comme objet de critique. Cela rejoint selon
lui, comme pour nous, la problématique de la définition. L’écologie se nomme politique mais
ne définit pas le terme, ce qui lui permet aussi de ne pas entrer dans une critique de sa
conception.

19
op cit., ZIN Jean
20
Op cit
21
FLIPO Fabrice, «Penser l’écologie politique», VertigO - la revue électronique en sciences de
l'environnement [Online], Volume 16 Numéro 1 | mai 2016, posto online no dia 09 maio 2016,
consultado o 28 maio 2023. URL: http://journals.openedition.org/vertigo/16993
Remarquons que Zin écrit « ecologie-politique », avec un tiret, ce qui est déjà en soi
une nouvelle proposition de définition, critique. Il annule par là notre question : en quel sens
l’écologie est-elle politique ? Car le politique, par ce tiret, n’est plus un prédicat de l’écologie
mais un autre nom, qui compose le nom composé écologie-politique. Zin opère ce geste car
selon lui le politique et l’écologie sont deux réalités corrélées. La crise écologique, selon lui
est entièrement corrélée à l’état du politique, produite par le politique actuel. Pour sortir de la
crise écologique, l’écologie doit donc mener une critique du politique actuel .
Ainsi, la définition du politique n’est plus du tout idéologique comme lorsque l’on
essaye de dire dans quel sens l’écologie doit être politique. L’écologie est chargée de mener
une critique du politique, dans sa réalité et dans sa définition actuelle, pour le transformer.
Mais qu’est ce qui fait que l’écologie politique critique aurait une capacité à
transformer que la pensée en élaboration de « projets de société » n’aurait pas ? N’est-elle pas
plutôt, en tant que critique de la pensée, dégagée d’une pensée appliquée ? On peut de
nouveau se référer à la présentation de la critique de l’idéologie que fait Jaheggi : « La
critique immanente, en tant que ferment d’un tel processus, n’est pas simplement destructrice,
mais constructive ou affirmative. Le « nouveau » est ici toujours le résultat d’une
transformation de « l’ancien », qui, en lui, est « dépassé » (au triple sens du verbe aufheben :
supprimer, conserver et surmonter). »22.
On ne peut donc plus dire qu’une pensée constructive est nécessairement une pensée
qui fait des projets. Au contraire, la constructivité nécessite la critique de l’actuel, car le
nouveau apparaît dans une dialectique avec l’actuel. Cela nous fait penser à l’idée de
déconstruction, très présente dans le militantisme aujourd’hui. On fait le rapprochement car il
nous fait penser que l’écologie politique pratique admet cette efficience de la
critique contrairement à l’écologie politique pensante. On fait aussi le rapprochement car il
nous semble qu’il nous permet de mieux comprendre l’idée de déconstruction, souvent
mésinterprétée.
On interprète souvent l’idée de déconstruction comme une opération purement
négative. Or, il nous semble qu’il en va de la déconstruction comme de la critique.
Déconstruire c’est détruire les constructions actuelles. Est-ce pour autant renoncer à toute
nouveauté ? C’est au contraire potentiellement rendre possible la nouveauté, si l’on considère
qu’il n’y a de nouveauté que dans un « dépassement » de l’« ancien ». D’ailleurs, la
déconstruction n’est pas pensée comme destructive dans le militantisme. Au contraire, elle est
pensée comme geste constructif : un geste pour le dépassement, donc positif.

Pour conclure : une écologie politique non-critique peut-elle même être politique ?
L’écologie est politique si elle parvient à transformer le politique. C’est aussi un point
qui devrait mettre d’accord tout courant de l’écologie politique : il s’agit par l’écologie
politique de transformer le politique.

22
Op cit JAHEGGI Rahel
Or nous avons essayé de montrer que la force de transformation d’une pensée est
indexée à sa force critique plutôt qu’à son caractère propositionnel. Surtout, il est possible que
la transformation ne puisse avoir lieu que dans la critique, dans un dépassement de l’ancien
qu’elle permet. C’est donc à une critique du politique (dans sa pratique et dans sa définition)
que l’écologie devrait s’atteler pour être politique.
Bibliographie

BADIOU Alain, LANCELIN Aude, « I. Qu’est-ce que la politique ? », dans : ,


Éloge de la politique. avec LANCELIN Aude. Paris, Flammarion, « Champs -
Essais », 2019, p. 7-28. URL : https://www.cairn.info/eloge-de-la-politique--
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BOURG Dominique, WHITESIDE Kerry, « Écologies politiques : essai de typologie », La


Pensée écologique, 2017/1 (N° 1), DOI : 10.3917/lpe.001.0001. URL :
https://www.cairn.info/revue-la-pensee-ecologique-2017-1-page-a.htm

BUSSY, Florent. « Hannah Arendt, la politique et la pensée », L’Enseignement


philosophique, vol. 67a, no. 2, 2017, pp. 19-24.

DELéAGE Jean-Paul, « En quoi consiste l'écologie politique ? », Écologie & politique,


2010/2 (N°40), p. 21-30. DOI : 10.3917/ecopo.040.0021. URL : https://www.cairn.info/revue-
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FLIPO Fabrice, «Penser l’écologie politique», VertigO - la revue électronique en sciences de


l'environnement [Online], Volume 16 Numéro 1 | mai 2016, posto online no dia 09 maio
2016, consultado o 28 maio 2023. URL: http://journals.openedition.org/vertigo/16993

GORZ André Ecologie politique, Paris, Seuil, 1978. JAEGGI Rahel, « Qu'est-ce que la
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LARRERE Catherine, « L’écologie politique existe-t-elle ? », Esprit, janvier-février 2018


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RECLUS Elisée, Pourquoi sommes-nous anarchistes ?, Editions de l’Herne, Paris, 2016.

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ZIN Jean, « Qu'est-ce que l'écologie-politique ? », Écologie & politique, 2010/2 (N°40), p.
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politique-sciences-cultures-societes-2010-2-page-41.htm

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