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Carlos SANTISO 1
1. Cet article reflète le point de vue et les interprétations de son auteur et n’engage pas les institutions
auxquelles il appartient.
Cette étude a été menée durant un séjour professionnel au bureau du Contrôleur général du Chili et une
version précédente a été publiée dans la Revue de la commission économique des Nations-Unies pour
l’Amérique latine et les Caraïbes en 2004 (CEPAL Review no 83, 2004). L’auteur remercie pour leurs
observations et suggestions Anne Mondoloni, Barry Anderson, Vinod Saghal, Koldo Echebarría, Linn
Hammergren, William Dorotinsky, Warren Krafchik, Mario Marcel, Patricia Llanos, Hernán Llanos, Joaquín
Vial, et Jesús Rodríguez. Il va sans dire que toute erreur ou omission est de la seule responsabilité de l’auteur.
Ce manuscrit a été finalisé en décembre 2005 et traduit de l’anglais en octobre 2006 par François
Bernard.
2. La gouvernance du budget fait référence aux institutions, individus, intérêts et motivations qui
gouvernent la formulation, l’approbation, l’exécution, la supervision et le contrôle du budget, cf. Schick
(Allen), A Contemporary Approach to Public Expenditure Management, Washington, DC, WBI, 1998.
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Une réforme budgétaire durable nécessite une approche globale qui considère à la fois
les institutions et les motivations modèlant le comportement fiscal au long des différentes
phases du processus budgétaire et conditionnent l’interaction entre les différents acteurs du
« jeu budgétaire ». Dans les régimes démocratiques, les parlements nationaux et les cours
des comptes sont des institutions clés du contrôle budgétaire et fiscal 4. Ces organes
favorisent la transparence de l’information fiscale et obligent les gouvernements à rendre
compte de leur gestion et de l’usage des deniers publics.
Alors que la première génération de réformes fiscales intervenue dans les années
quatre-vingt-dix s’est concentrée sur le renforcement des fonctions exécutives du gouver-
nement dans la gestion des finances publiques, préconisant une plus grande centralisation
des systèmes budgétaires et l’adoption de contraintes procédurales et numériques, la
seconde génération de réformes met l’accent sur la consolidation des institutions fiscales,
en particulier la transparence budgétaire et la responsabilité fiscale, mais aussi la reddition
des comptes et le contrôle externe exercé par le parlement et la société civile. Si les deux
approches se renforcent mutuellement, la seconde engage un plus grand nombre d’acteurs
et d’organisations au-delà de la sphère exécutive.
Cette conception élargie des institutions fiscales et de la gouvernance financière
envisage la réforme budgétaire dans le contexte global des relations économiques et
politiques entre l’exécutif et le législatif. En conséquence, le rôle des parlements et la
contribution des cours des comptes au contrôle des finances publiques acquièrent une
nouvelle importance. Ces institutions ont souvent été négligées par la modernisation des
systèmes de gestion des finances publiques 5.
3. « La responsabilité horizontale » est ici définie comme « l’existence d’agences étatiques légalement
habilitées, disposant de pouvoirs, de la volonté et des moyens de mener des actions allant du contrôle routinier aux
sanctions pénales ou à la mise en accusation, dans le cas d’agissements ou d’omissions d’autres agences étatiques,
pouvant être qualifiés d’illégaux », cf. O’Donnell (Guillermo) « Horizontal Accountability and New Polyar-
chies » in Schedler (Andreas) et al., eds., The Self-Restraining State, 29-52, 1999 et Mainwaring (Scott) and
Welna (Christopher), eds., Democratic Accountability in Latin America, Oxford, Oxford University Press,
2003.
4. Nous employons le terme cours des comptes pour désigner les institutions pratiquant le contrôle
externe des finances publiques. Celles-ci sont souvent désignées comme institutions de contrôle suprême.
5. Voir : Santiso (Carlos), « Pour le meilleur ou pour le pire ? Le rôle du parlement dans le processus
budgétaire dans les pays en développement », Revue française d’administration publique, no 117, 2006,
pp. 149-183 ; Idem, Budget Institutions and Fiscal Responsibility : Parliaments and the Political Economy of
the Budget Process, Washington DC, World Bank Institute Working Paper 37253, 2005 ; Idem, « Development
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tions budgétaires et des systèmes de gestion financière de plusieurs manières : au travers d’un
travail d’analyse, de services de conseil, de prêts spécifiques, d’assistance technique, et de
prêts sous conditions privilégiées. Cet article se concentre sur l’analyse de l’assistance
multilatérale fournie sous forme de prêts, d’assistance technique et de conseil par la Banque
mondiale, et la Banque inter-américaine de développement (BID) en Amérique latine.
Le choix des États d’Amérique latine est motivé par la nature des régimes politiques
et des systèmes budgétaires de la région. Ces pays combinent des régimes présidentiels
forts et des systèmes budgétaires hautement centralisés. Ce choix est également motivé par
l’expérience que les institutions financières internationales ont accumulée dans la région
pendant les dix dernières années. En effet, contrairement à d’autres régions en développe-
ment, les banques de développement sont particulièrement actives dans la région en ce qui
concerne l’appui apporté aux institutions fiscales et aux organismes parlementaires,
contrairement à d’autres régions où les banques de développement sont moins actives.
Cet article est structuré en trois parties. La première analyse les changements dans la
compréhension qu’ont les institutions financières internationales de la gestion des budgets
et du renforcement de leur contrôle. Elle examine les normes internationales, les
instruments d’analyse et les services de conseil mis en place par les institutions financières
internationales afin d’améliorer la transparence fiscale et la responsabilité financière. La
deuxième partie évalue les principales formes de soutien multilatéral aux parlements et aux
cours des comptes, en portant une attention particulière aux prêts accordés par des banques
multilatérales de développement. La troisième et dernière partie détaille quatre enseigne-
Finance, Governance and Conditionality : Politics Matter », International Public Management Journal 7(1),
2004, 73-100 ; Schick (Allen), « Can National Legislatures Regain an Effective Voice in Budget Policy »,
OECD Journal on Budgeting 1(3), 2002, 15-42 ; Schick (Allen), A Contemporary Approach to Public
Expenditure Management, Washington DC, WBI, 1998 ; Wehner (Joachim), Between Rubber Stamp and Policy
Maker : Legislative Budgeting in Forty-eight Countries, Mimeo, 2004 ; Manning (Nick) and Stapenhurst
(Rick), Strengthening Oversight by Legislatures, Washington DC, World Bank PREM Note 74, 2002.
6. Le soutien aux organisations de la société civile impliquées dans le contrôle du budget est exclu de
cette étude, car c’est un domaine émergent de l’engagement des institutions multilatérales. Il est néanmoins
particulièrement prometteur. Voir, par exemple, le travail du International Budget Project (IBP) en matière de
renforcement des organisations de la société civile impliquées dans le contrôle budgétaire de part le monde :
www.internationalbudget.org.
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ments relatifs aux implications politiques de l’appui multilatéral apporté aux institutions
participant au contrôle budgétaire.
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Assurer une gestion saine des finances publiques et un contrôle efficace du budget sont
deux facteurs clés de la bonne gouvernance, qui traduit, selon les normes de la Banque
mondiale, « la manière dont le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources sociales
et économiques d’un pays pour son développement » 7. Les institutions financières
internationales reconnaissent que le renforcement de la responsabilité et de la reddition des
comptes dans la gestion des finances publiques est essentielle à la consolidation des
réformes économique de seconde génération 8.
Lors de la première étape des réformes économiques, les prescriptions du Consensus
de Washington ont préconisé la prédominance de l’exécutif dans le processus budgétaire et
le confinement de la politique économique dans les ministères des finances, aboutissant à
une plus grande centralisation du processus budgétaire au sein de la branche exécutive,
sous l’égide des directions du trésor. Alesina et alii ainsi que Stein et alii ont montré que
les règles numériques, les contraintes de procédure et les obligations de transparence
imposées par un exécutif fort, doté de pouvoirs budgétaires importants, ont un effet positif
sur la performance fiscale 9. Selon ces théories, en matière budgétaire, la centralisation des
systèmes et la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif sont « plus à même
d’imposer la contrainte fiscale, éviter des déficits importants et persistants et opérer plus
rapidement les ajustements fiscaux » 10. Cette perspective met en garde contre les effets
néfastes des pouvoirs budgétaires parlementaires mal maîtrisés et, par conséquent,
préconise que la politique fiscale soit du ressort de la branche exécutive 11.
Pourtant, bien que les arguments dans ce sens soient confortés de manière empirique,
l’expérience récente dévoile les risques d’une trop grande discrétion du pouvoir exécutif en
matière de politique budgétaire. Il est clair que des parlements peu expérimentés et des
systèmes politiques instables sont souvent à l’origine de mauvais fonctionnements dans la
gestion des finances publiques, de déficits budgétaires et de déséquilibres fiscaux. En même
temps, cependant, les présidents autocratiques ont tendance à abuser de l’autorité
constitutionnelle et des pouvoirs qui leur sont conférés en matière fiscale, et sont rarement
mis en cause par des parlements dociles. L’usage, voire l’abus, des pouvoirs discrétion-
naires en matière budgétaire par l’exécutif a souvent abouti à une mauvaise gestion
économique, à une corruption généralisée, et à une « confiscation » de l’État.
De plus, le pouvoir discrétionnaire de présidents autocratiques — faisant mauvais
usage de leur droit de gouverner par décret et de l’autorité législative qui leur est déléguée
— a souvent abouti à la neutralisation des contrepoids institutionnels, à l’affaiblissement
des mécanismes de responsabilité, et à l’abaissement du rôle des parlements dans le
processus budgétaire. Ainsi, la faiblesse du contrôle budgétaire comporte des effets tout
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aussi néfastes que l’excessive discrétion du pouvoir exécutif en matière budgétaire. Il est
maintenant communément admis que davantage de transparence et de responsabilité
tendent à améliorer la qualité et la légitimité de la gouvernance fiscale 12. Bien que les
preuves empiriques de l’impact du contrôle législatif et de l’audit externe sur la
« performance fiscale » soient peu concluantes en l’absence de données comparatives, leur
contribution à la « gouvernance fiscale » est évidente.
BRA
COL
CHI
CRI
NIC
SLV
MEX
PER
ECU
LAC10: 0.44
ARG
12. Santiso (Carlos), « Pour le meilleur ou pour le pire ? Le rôle du parlement dans le processus
budgétaire dans les pays en développement », Revue française d’administration publique no 117, 2006,
pp. 149-183 ; Wehner (Joachim), Between Rubber Stamp and Policy Maker : Legislative Budgeting in
Forty-eight Countries, Mimeo, 2004. Schick (Allen), « Can National Legislatures Regain an Effective Voice in
Budget Policy », OECD Journal on Budgeting 1(3), 2002, pp. 15-42.
13. ARG : Argentine, BRA : Brésil, CHI : Chili, COL : Colombie, CRI : Costa Rica, ECU : Equateur,
MEX : Mexique, NIC : Nicaragua, PER : Pérou, SLV : Salvador.
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Graphique 1 : Audit externe et contrôle de la corruption (2004) 16
0,70
0,60
0,50
y = 0,057x + 0,2173
Indice d'audit externe
R2 = 0,3843
0,40
0,30
0,20
0,10
0,00
2,0 3,0 4,0 5,0 6,0 7,0 8,0
Indice de perception de la corruption (TI 2004)
14. Lavielle (Briseida), Pérez (Mariana) et Hofbauer (Helena), Latin America Index of Budget
Transparency, Mexico et Washington DC, International Budget Project, 2003.
15. PNUD, Report on Democracy in Latin America : Towards a Citizens’Democracy, New York :
PNUD, 2004, p. 96, tableau 16.
16. L’indice d’audit externe mesure la qualité et la fiabilité des dispositions d’un audit externe. Les
valeurs possibles sont comprises entre 0 et 1. Le chiffre 1 indique que l’audit est perçu comme crédible, alors
que le chiffre 0 indique qu’il est perçu comme inefficace. L’indice de perception de la corruption de
Transparency International est utilisé comme indicateur référent du niveau de corruption. Les valeurs possibles
sont comprises entre 0 et 10. Le chiffre 10 indique qu’un pays est perçu comme exempt de corruption, le chiffre
0 indique qu’un pays est perçu comme très corrompu.
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0,70
y = 0,0102x - 0,0305
R2 = 0,3628
0,60
0,50
Indice d'audit externe
0,40
0,30
0,20
0,10
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0,00
20,0 25,0 30,0 35,0 40,0 45,0 50,0 55,0 60,0 65,0
Indice de transparence budgétaire (ITB 2003)
17. L’indice d’audit externe mesure la qualité et la fiabilité des dispositions d’un audit externe. Les
valeurs possibles sont comprises entre 0 et 1. Le chiffre 1 indique que l’audit est perçu comme crédible, alors
que le chiffre 0 indique qu’il est perçu comme inefficace. Le degré global de transparence pour 2003 est défini
par l’enquête de perception de l’Indice de transparence budgétaire (ITB) de Briseida Lavielle et alii., op. cit.
Les valeurs possibles sont comprises entre 0 et 100. Le chiffre 100 indique que le processus budgétaire est
perçu comme particulièrement transparent ; le chiffre 0 indique que le processus budgétaire est perçu comme
particulièrement opaque.
18. Santiso (Carlos), « Development Finance, Governance and Conditionality : Politics Matter »,
International Public Management Journal 7(1), 2004, pp. 73-100 ; Idem, « Re-forming the State : Governance
Institutions and the Credibility of Economic Policy », International Public Management Journal 7(2), 2004,
pp. 271-298 ; Idem, « Another Lost Decade ? The Future of Reform in Latin America », Public Administration
and Development 23(4), 2003, pp. 297-305 ; Idem, « Gobernabilidad democrática y política económica
insular : Paradoja de las reformas de segunda generación en la Argentina de los 1990 », Revista Contribuciones
4, 2001, pp. 109-136.
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à renforcer les institutions garantes de la responsabilité et de la reddition des comptes. En
1997, elle a adopté une stratégie anti-corruption et, en 2000, a défini une stratégie pour
renforcer la gouvernance dans les pays en développement 22. Plus récemment, lors de sa
réunion annuelle qui s’est tenue à Singapour en septembre 2006, elle a adopté une nouvelle
stratégie destinée à renforcer et à renouveler son engagement en matière de lutte contre la
corruption et consolidation de la gouvernance 23. Cette stratégie reflète la préoccupation
croissante de la nouvelle administration, depuis 2005, sous la présidence de Paul
Wolfowitz, de prévenir la corruption dans les projets que la Banque mondiale finance. Entre
1996 et 2000, la Banque mondiale a financé près de 600 projets destinés, totalement ou
partiellement, à renforcer la gouvernance dans 95 pays. Entre 1982 et 2002, elle a mis en
œuvre 126 projets de réforme en Amérique latine et dans les Caraïbes pour un montant de
douze milliards de dollars 24. Une majorité de ces projets, généralement des prêts
conditionnés incluant un forte composante centrée sur la réforme fiscale, comportaient des
clauses concernant la gestion des finances publiques.
Ceci étant, les institutions financières internationales doivent clarifier leurs politiques
et affiner leurs stratégies en matière de renforcement des institutions fiscales et de la
gouvernance budgétaire, en particulier en ce qui concerne le contrôle budgétaire exercé par
19. Dans le courant des années 1990, l’Argentine, la Bolivie, Le Salvador, le Honduras, le Guatemala,
le Nicaragua et le Venezuela ont bénéficié de prêts et d’assistance technique pour améliorer leurs systèmes de
gestion financière ; Dorotinsky (William) et Matsuda (Yasuhiko) « Reforma de la gestión financiera en América
Latina : Una perspectiva institucional », Reforma y Democracia 23, 2002, pp. 141-166.
20. Santiso (Carlos), « Lending to Credibility : The Inter-American Development Bank and Budget
Oversight Institutions in Latin America », CEPAL Review 83, 2004, pp. 171-190 ; Idem, « Good Governance
and Aid Effectiveness : The World Bank and Conditionality », Georgetown Public Policy Review 7(1), 2001,
pp. 1-22.
21. FMI, Good Governance : The IMF’s Role, Washington DC, FMI, 1997 ; FMI, Review of the Fund’s
Experience in Governance Issues, Washington DC, FMI, 2001 ; Op de Beke (Anton), IMF Activities to Promote
Good Governance and Combat Corruption — An Overview, Washington DC, Policy Development and Review
Department, June 7, 2002 ; Abed (George) et Gupta (Sanjeev) eds., Governance, Corruption, and Economic
Performance, Washington DC, FMI, 2002.
22. World Bank, Reforming Public Institutions and Strengthening Governance : A World Bank Strategy,
Washington, DC : WB Public Sector Group, 2000.
23. World Bank, Strengthening Bank Group Engagement on Governance and Anticorruption, Washing-
ton, DC, World Bank, 8 septembre 2006.
24. Fuhr (Harald) et Krause (Philipp), Overview of Core Public Sector Reform Projects 1982-2002,
Washington WB, 2003.
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que » 28.
En ce qui concerne la stratégie de la Banque mondiale à l’égard des cours des
comptes, celle-ci s’est traditionnellement focalisée sur l’aspect fiduciaire du renforcement
des institutions d’audit public ainsi que sur sa propre politique en matière d’audit
financier 29. Son évaluation de la fiabilité des audits menés par les cours des comptes des
pays emprunteurs est avant tout destinée à mesurer si ceux-ci offrent l’assurance que les
fonds prêtés seront gérés conformément aux critères d’intégrité internationalement recon-
nus 30. Elle lui permet également de décider de l’acceptabilité des cours des comptes
nationales comme auditeurs des projets qu’elle finance 31. Cette appréciation éclaire
l’évaluation du degré de risque fiduciaire, les décisions concernant les montants des prêts
accordés ainsi que les conditions qui leur sont attachées. Néanmoins, dans ses relations
avec les pays en voie de développement, la Banque mondiale accorde une importance
croissante aux objectifs de renforcement des institutions de contrôle fiscal et d’audit
financier. Elle reconnaît qu’une gestion plus efficace et probe des finances publiques permet
non seulement de garantir l’intégrité des projets qu’elle finance, mais plus fondamentale-
ment de renforcer l’impact des politiques publiques.
25. Pelizzo (Riccardo) and Stapenhurst (Rick) eds., Legislatures and Oversight, Washington DC, World
Bank Institute Working Paper, 2004 ; Manning (Nick) and Stapenhurst (Rick), Strengthening Oversight by
Legislatures, Washington DC, World Bank PREM Note 74, 2002.
26. World Bank, Reforming Public Institutions and Strengthening Governance : A World Bank Strategy,
Washington, DC : WB Public Sector Group, 2000, p. 60.
27. Messick (Richard), Strengthening Legislatures : Implications from Industrial Countries, Washington
DC, World Bank, PREM Note 63, 2002.
28. Ibid., p. 62.
29. World Bank, Audit Policies and Practices for World Bank-Financed Activities, Washington, DC :
WB OPCS R2003-007 et IDA/R2003-0013, 2003.
30. La politique de la Banque mondiale concernant la gestion du risque fiduciaire dans les prêts
d’investissement est définie dans la politique opérationnelle P010.02 de la gestion financière révisée en avril
2004. La politique concernant la gestion du risque fiduciaire dans des prêts dits de politique ou d’ajustement
structurel est contenue dans la politique opérationnelle de P08.60 révisée en août 2004.
31. Il convient également de souligner que les cours des comptes des pays donateurs ont également
développé un intérêt accru dans la gestion de l’aide au développement, réalisant un nombre croissant d’audit
des programmes d’aide mais également des capacités d’audit des pays bénéficiaires de l’aide, en particulier au
travers de l’appui budgétaire. Par exemple, la Cour des comptes européenne a, depuis 2000, mené de nombreux
audits de l’aide communautaire, relevant de nombreuses lacunes et contribuant à en améliorer la gestion. Voir :
Santiso (Carlos) « Reforming European Foreign Aid : Development Cooperation as an Element of Foreign
Policy », European Foreign Affairs Review 7, 2002, pp. 401–422.
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d’autres banques régionales de développement, s’engager dans des domaines politiquement
sensibles tels que la promotion de la démocratie et le renforcement de la gouvernance
politique. La huitième reconduction de son budget, en 1994, énonce qu’elle doit contribuer
à consolider la démocratie dans la région 36.
En conséquence, le renforcement parlementaire est un domaine explicite de l’enga-
gement de la Banque interaméricaine de développement dans ses efforts pour consolider les
démocraties fragiles d’Amérique latine. Le rôle des parlements et des cours des comptes
dans la gestion des finances publiques, la responsabilité financière et le contrôle de la
corruption figurent en bonne place dans sa nouvelle stratégie de modernisation de l’État
adoptée en 2003 37. La Banque interaméricaine de développement met l’accent sur la
nécessité de « renforcer la capacité institutionnelle du pouvoir législatif » en finançant
notamment les programmes destinés à « améliorer la qualité de la législation et permettre
d’assurer que les fonctions budgétaires, de supervision et de contrôle soient fondées sur des
critères objectifs et techniques » 38.
Cette stratégie permet à la Banque interaméricaine de développement de renforcer « la
capacité technique et l’indépendance fonctionnelle des institutions qui évaluent la
performance gouvernementale » 39. Elle note que « la prévalence de la corruption est, à un
certain degré, l’expression de la faiblesse de l’État de droit mais elle attire également
l’attention sur la faiblesse de la gestion des finances publiques » et reconnaît que « les
instances de contrôle n’ont pas toujours l’indépendance, l’objectivité et l’expertise
technique qui leur est nécessaire pour surveiller la conformité à la loi » 40. Elle met donc
32. World Bank, From Adjustment Lending to Development Policy Lending : Update of World Bank
Policy, Washington DC, WB OPCS, 2004.
33. World Bank, Supporting and Strengthening Supreme Audit Institutions : A World Bank Strategy —
Draft, Washington DC, WB OPCS, 2004.
34. World Bank, Audit Policies and Practices for World Bank-Financed Activities, Washington DC, WB
OPCS R2003-007 et IDA/R2003-0013, 2003. Voir également : Wolfensohn (John), « Accountability Begins at
Home, International Journal of Government Auditing », 31(1), 2004, pp. 1-3.
35. Santiso (Carlos), « Legislatures and Budget Oversight in Latin America : Strengthening Public
Finance Accountability in Emerging Economies », OECD Journal on Budgeting 4(2), 2004, pp. 47-76.
36. IDB, Renewing the Commitment to Development, Washington DC, IDB, 1999.
37. IDB, Modernization of the State : Strategy Document, Washington DC, IDB 7/03, GN-2235-1, 2003.
38. Ibid., p. 12.
39. Ibid., p. 13.
40. Ibid., p. 5.
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l’accent sur la nécessité, d’une part, de renforcer la capacité fiscale de l’État et d’améliorer
l’efficacité et la transparence de la gestion des dépenses et, d’autre part, de mettre place
« des systèmes de gestion financière et comptable et de promouvoir la transparence des
informations budgétaires » 41.
Ces dernières années, les institutions financières internationales ont modernisé les
normes internationales, les méthodes d’analyse et les outils de diagnostic pour mieux
évaluer la qualité des processus budgétaires et la solidité des mécanismes de responsabilité
et de reddition des comptes dans la gestion financière. Le Fonds monétaire international
(FMI) promeut la bonne gouvernance fiscale au travers de nombreux canaux, notamment
sa surveillance des politiques fiscales et des finances publiques, les prêts qu’il accorde et
les conditions qu’il impose, ainsi que l’assistance technique qu’il facilite 42. En terme de
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surveillance, le FMI a activement cherché à promouvoir des normes, standards et codes de
bonne pratique en matière fiscale et financière par le biais des consultations prévues par son
article IV. Il a revu son cahier des charges en matière de gestion de la politique fiscale, en
attachant une plus grande importance à la transparence fiscale et à la solidité des « garanties
d’intégrité », telles que les cours des comptes. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, il
a reconnu la nécessité de la transparence dans la gestion des politiques monétaires, fiscales
et financières, se dotant d’un « code des bonnes pratiques de la transparence fiscale » en
1999, révisé en 2001 43. Il a identifié douze domaines-clefs pour une gestion financière
efficace et intègre, parmi lesquelles la comptabilité, l’audit, la lutte contre la corruption et
la transparence fiscale.
Dans ce contexte, les institutions financières internationales commencent à accorder
une plus grande importance au rôle des parlements et des institutions budgétaires
législatives en matière de politique fiscale et de contrôle budgétaire. Bien que cet intérêt est
récent et encore limité, il est néanmoins palpable. Si le « code » du FMI tend à se limiter
à la gouvernance fiscale au sein de l’exécutif, les bonnes pratiques de la transparence
budgétaire de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)
prennent en considération le rôle des parlements dans le processus budgétaire 44. Cepen-
dant, l’approche des institutions financières internationales en matière de réforme budgé-
taire reste essentiellement technique, voire technicienne, faisant souvent fi des facteurs
d’économie politique affectant la gouvernance budgétaire. Ainsi, par exemple, l’assistance
technique fournie par les institutions financières internationales a tendance à se concentrer :
soit sur les dépenses, en offrant une assistance aux « timoniers » fiscaux au sein du cabinet
du Premier ministre, du ministère des finances ou de la direction du trésor ; soit sur les
revenus, en conseillant les gouvernements en fiscalité ou en renforçant les capacités des
autorités fiscales. Cette assistance technique prend rarement en compte le cycle budgétaire
dans sa totalité, liant revenus et dépenses, ou dans sa globalité institutionnelle, appuyant le
renforcement des institutions fiscales et du processus budgétaire au-delà du gouvernement.
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publique et de revoir les dispositions institutionnelles concernant leur contrôle, notamment
le rôle de la cour des comptes 47.
Ces instruments de diagnostic sont complétés par ceux de la Banque mondiale qui
évaluent la qualité de la gestion des dépenses publiques. Leurs recommandations sont
souvent utilisées pour orienter les décisions quant aux conditions attachés aux prêts, en
particulier ceux dits de politique ou d’ajustement structurel. Elles aident également à
l’allocation de l’aide, la définition des stratégies-pays et au développement de prêts
d’investissement. En particulier, les « évaluations institutionnelle et politique du pays »
(Country Policy and Institutional Assessment, CPIA), établies chaque année par la Banque
mondiale sont utilisées pour mesurer la capacité des structures politiques et institutionnelles
des pays à réduire la pauvreté et assurer un usage efficace de l’aide au développement. Elles
permettent d’identifier les défis à relever et les capacités existantes afin d’orienter les
subventions de l’Association internationale pour le développement (AID) en fonction de la
performance des pays 48. Comme le montre le tableau 1, les CPIA comptent vingt critères
d’égale importance, répartis en quatre catégories. La catégorie gestion du secteur public et
qualité des institutions comprend des indicateurs clefs de la gouvernance budgétaire et de
la gestion financière, notamment l’efficacité dans la mobilisation des revenus, la transpa-
rence de l’administration publique, la reddition des comptes, ainsi que le contrôle de la
corruption dans le secteur public.
45. FMI, Peru : Report on the Observance of Standards and Codes — Fiscal Transparency, 04/109,
Washington DC, FMI, 2004.
46. FMI, Brazil : Report on the Observance of Standards and Codes — Fiscal Transparency, 01/217,
Washington DC, FMI, 2001.
47. FMI, Chile : Report on the Observance of Standards and Codes — Fiscal Transparency,
Washington, DC : FMI, 03/237, 2003 ; World Bank and Inter-American Development Bank, República de
Chile : Evaluación de la responsabilidad financiera pública, Washington, DC : World Bank, 2004.
48. IDA, Linking IDA Support to Country Performance — Third Annual Report on IDA’s Country
Assessment and Allocation Process, Washington DC, WB, 2002.
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE... 471
Variables CPIA
A. Gestion économique
1. Gestion de l’inflation et des déséquilibres macro-économiques
2. Politique fiscale
3. Gestion de la dette extérieure
4. Gestion et reconduction du programme de développement
B. Politiques structurelles
5. Politique commerciale et régime du commerce extérieur
6. Stabilité et capacité financière
7. Efficacité du secteur bancaire et mobilisation des ressources
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8. Environnement concurrentiel du secteur privé
9. Facteur et produit des marchés
10. Politiques et institutions du développement durable
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contexte institutionnel et des contraintes politiques pour une gestion saine et efficace des
dépenses publiques et pour la reddition des comptes en matière financière 52. De la même
manière, les IGR du Paraguay 53 et de l’Argentine 54 se concentrent sur le contexte
institutionnel de la gestion financière et du contrôle fiscal.
Comme le note la Banque mondiale, « les IGR complètent les CFAA dans la mesure
où ils mettent en évidence des lacunes dans les systèmes formels de gestion des finances
publiques dues à des compétences, des motivations ou des signaux inadéquats » 55. En effet,
il existe une convergence graduelle entre l’approche économique traditionnelle de la
gestion des finances publiques et celle qui prend en compte l’économie politique de la
gouvernance budgétaire, notamment en ce qui concerne l’influence du système politique et
des règles électorales sur les motivations des acteurs politiques en matière de politique
budgétaire. La Banque mondiale réalise parfois des « analyses institutionnelles des
systèmes de dépense publique » qui évaluent les fondements institutionnels de la gestion
des dépenses publiques.
Bien que leurs mandats et leurs fonctions soient différents, les institutions financières
internationales cherchent à harmoniser leurs normes, à coordonner leurs approches et à
intégrer leurs instruments d’évaluation 56. En 1995, le FMI et la Banque mondiale ont
adopté des orientations communes visant à améliorer leur coordination opérationnelle et à
exploiter leurs synergies sectorielles. Cet engagement a été réaffirmé en 1998 et en 2003 57.
De manière similaire, depuis le début des années 2000, les donateurs bilatéraux ont
51. World Bank, Country Financial Accountability Assessment : Guidelines to Staff, Washington DC,
WB Financial Management Sector Board, 27 mai 2003.
52. World Bank, Peru : Institutional and Governance Review, Washington DC, WB, Report 22637-PE,
2001.
53. World Bank, Paraguay Institutional and Governance Review — Breaking with Tradition : Overco-
ming Institutional Impediments to Improve Public Sector Performance, Washington DC, WB Report
No.31763-PY, 2005.
54. World Bank, Argentina Institutional and Governance Review : Concept Paper, Washington DC, WB
draft mimeo, 2003.
55. World Bank, Country Financial Accountability Assessment : Guidelines to Staff, Washington DC,
WB Financial Management Sector Board, 27 mai 2003.
56. OCDE, Harmonizing Donor Practices for Effective Aid Delivery, Paris, OCDE CAD Série
orientations et références, 2003.
57. World Bank et FMI, Bank/Fund Collaboration on Public Expenditure Issues, Washington, DC : FMI
FAD et WB PREM, 2003.
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE... 473
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Tableau 2 : Indicateurs de performance de la gestion des finances publiques 59
C. Cycle budgétaire
C(i) Plan à moyen terme et formulation budgétaire
11. Perspectives sur plusieurs années en matière de planification fiscale, de politique de
dépense et de budgétisation.
12. Participation à la formulation du processus budgétaire et procédures.
13. Coordination de la budgétisation des dépenses récurrentes et d’investissement.
14. Examen parlementaire de la loi annuelle des finances.
58. OCDE, Harmonizing Donor Practices for Effective Aid Delivery, Paris, OCDE CAD Série
orientations et références, 2003.
59. Source : PEFA, Cadre de mesure de la performance de la gestion des finances publiques,
Washington, DC, PEFA, 2005.
474 CARLOS SANTISO
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23. Pertinence et régularité du recoupement des données.
24. Pertinence et qualité des rapports rédigés tout au long de l’année sur l’exécution du
budget
25 Pertinence et qualité des audits financiers soumis au parlement.
C(iv) Responsabilité externe, audit et examen
26. Étendue et nature des audits externes.
27. Suivi des rapports d’audit par l’exécutif ou une instance contrôlée.
28. Examen parlementaire des rapports de la cour des comptes.
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l’institutionnalisation des parlements, d’améliorer la qualité du pouvoir législatif, de
rationaliser les procédures et structures parlementaires ou encore de faciliter l’interaction
avec la société civile. La majorité des financements se concentre sur les « investissements
matériels », tels que le développement des infrastructures parlementaires, le renforcement
des technologies de l’information ou encore la modernisation de la gestion des ressources
humaines.
60. Source : d’après des projets approuvés ou en cours d’élaboration jusqu’en octobre 2004 : a)
Opération de prêt en cours d’examen (DCP), 23 juin 2004. b) Le programme comporte deux composantes
inter-dépendantes : un prêt conditionné (15 million US $) et un prêt d’investissement (13 million US $), une
sous-composante (1,2 million US $) a pour but d’accroître le contrôle fiscal et fiduciaire en renforçant des
commissions de contrôle de l’assemblée nationale : la très ancienne commission des comptes publics et la
commission des services économiques nouvellement établie. c) Montant attribué à l’assemblée nationale de
Guyane britannique. Comme il n’est pas possible de distinguer la part du co-financement, la totalité du montant
assigné au financement du programme est attribuée à la BID. d) Opération de prêt en cours d’élaboration (Profil
I), 6 juin 2003. e) Opération de prêt en cours d’approbation (Profil II), 21 mars 2002. f) Partie d’un prêt plus
important alloué au parlement.
476 CARLOS SANTISO
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Colombie
1999 Le Salvador BID Modernisation et 4,40 3,50 0,90 4 ans
renforcement de l’Assemblée
législative
1998 Brésil BID Interlegis — Intégration 50 25 25 3 ans
législative et réseau de
participation
1996 Venezuela BID Programme de soutien à 8,50 6,4 2,1 n.a.
l’analyse économique et
politique et au processus
budgétaire
1996 Panama BID Projet de modernisation du 4,10 2,80 1,30 4 ans
corps législatif
1994 Pérou BID Développement institutionnel 3,74 2,70 1,04 n.a.
de la branche législative du
gouvernement
TOTAL 150,14 102,30
Ces prêts ont pour caractéristique notable d’accorder une attention croissante au rôle
des parlements dans le processus budgétaire, en incluant des clauses visant à moderniser les
processus budgétaires, faciliter le travail des commissions, renforcer la planification
stratégique ou encore accroître les capacités de recherche. Il est possible de distinguer deux
principaux types d’interventions.
Une première série d’initiatives vise à renforcer les structures, règles et procédures
internes façonnant le processus législatif ; elle porte une attention particulière aux
commissions parlementaires impliquées dans le processus budgétaire, tant durant la phase
d’approbation que durant celle de contrôle. Les commissions des finances, du budget et des
comptes publics sont l’objet d’une attention spéciale, concernant notamment les règles
parlementaires régissant leur organisation et leur fonctionnement. Par exemple, le pro-
gramme de gestion fiscale et financière de la Banque interaméricaine de développement en
Guyane britannique, approuvé en 2004, contient une composante qui vise à renforcer les
capacités législatives en matière de contrôle budgétaire par le biais du renforcement de la
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE... 477
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empêchent souvent un contrôle parlementaire efficace, en particulier en matière budgétaire
compte tenu du degré de complexité du processus budgétaire. Mais cette situation est en
train d’évoluer, à la suite de la re-démocratisation des pays de la région à la fin des années
quatre-vingt et de l’élargissement de la compétition politique depuis les années quatre-
vingt-dix. Les parlements sont des institutions déterminantes, à la fois dans l’élaboration de
la politique budgétaire (via la commission des finances et du budget) et dans la supervision
de l’exécution budgétaire (via la commission des comptes publics).
Dans ce contexte, la contribution des bureaux parlementaires chargés de l’analyse et
du contrôle budgétaires à la transparence fiscale et la reddition des comptes financiers est
mieux reconnue. En particulier, ces bureaux facilitent l’accès des parlements à des sources
d’information fiscale indépendante et impartiale. Au Brésil, par exemple, la compétence
technique du parlement s’appuie sur un personnel nombreux et qualifié qui fournit un
service d’analyse et de conseil. Même s’ils ne sont pas aussi puissants que celui du Congrès
des États-Unis, (le Congressionnal Budget Offıce, CBO), des bureaux parlementaires
d’analyse budgétaire commencent à émerger et à se renforcer. Le Chili, le Mexique et le
Venezuela en possèdent un, alors que l’Argentine et la Colombie envisagent d’en établir 61.
Il est cependant difficile de dire, jusqu’à présent, quel est l’impact réel de ces bureaux sur
la transparence fiscale et la responsabilité financière et de mesurer leurs effets (en
comparant, par exemple, la situation avant et après leur création).
Le renforcement des compétences législatives en matière budgétaire coïncide avec la
réaffirmation de l’autorité budgétaire du parlement dans la région. Des sources indépen-
dantes d’analyse permettent aux parlements de compenser, en partie, l’asymétrie abyssale
qui existe vis-à-vis de la branche exécutive en matière d’information fiscale. L’analyse
indépendante du budget peut également répondre à une motivation stratégique pour des
raisons politiques parce que l’opposition parlementaire a un intérêt accru à renforcer le
contrôle parlementaire sur le gouvernement 62. C’est donc l’opposition parlementaire qui
est la plus encline à renforcer les capacités parlementaires d’analyse et d’évaluation
budgétaire.
61. Santiso (Carlos), « Pour le meilleur ou pour le pire ? Le rôle du parlement dans le processus
budgétaire dans les pays en développement », Revue française d’administration publique no 117, 2006,
pp. 149-183 ; Idem, Budget Institutions and Fiscal Responsibility : Parliaments and the Political Economy of
the Budget Process Washington DC, World Bank Institute Working Paper, 2005 ; Uña (Gerardo), El Congreso
478 CARLOS SANTISO
Dans de nombreux pays, les parlements réaffirment leurs pouvoirs sur la politique
fiscale et le contrôle budgétaire, traduisant en partie l’émergence d’une opposition
parlementaire souvent forte, bien que généralement peu cohérente 63. La transformation des
relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif a un impact significatif sur le
processus budgétaire et le contrôle parlementaire. En particulier, le poids relatif de
l’opposition parlementaire est un facteur déterminant sur l’intensité et l’efficacité du
contrôle parlementaire des finances et du budget 64. Par exemple, au Mexique, le renouveau
du zèle parlementaire dans le processus budgétaire est en partie lié à l’émergence d’une
opposition vigoureuse, depuis que le parti longtemps au pouvoir, le parti révolutionnaire
institutionnel (PRI), a perdu sa majorité parlementaire en 1997 65. La création en 1998,
d’un bureau parlementaire du budget n’est pas une coïncidence et son renforcement à partir
de 2000, lorsque le PRI a perdu le pouvoir, ne l’est pas non plus.
Le cas du Venezuela est particulièrement intéressant dans la mesure où la Banque
interaméricaine de développement s’est retrouvée, à dessein ou non, impliquée dans la lutte
qui opposait le pouvoir exécutif au pouvoir législatif concernant la répartition des
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compétences budgétaires. En 1997, un bureau de conseil économique et financier fut créé
au sein de l’Assemblée nationale avec le soutien de la Banque interaméricaine de
développement afin d’accroître les services en conseil financier du parlement. Mais
l’arrivée au pouvoir du président Hugo Chavez a provoqué d’importantes tensions entre
l’exécutif et le législatif et a entravé le fonctionnement de ce bureau. Il fut fermé en février
2000, pour être réouvert en juin de la même année, dans le cadre de la réactivation du prêt
de la Banque interaméricaine de développement. En 2003, le bureau fut de nouveau soumis
à de fortes pressions 66.
Il n’est pas étonnant que les banques de développement reconnaissent, de manière
croissante, que la nature du régime politique, la qualité du système de partis et les
motivations politiques fournies par le code électoral sont des paramètres essentiels d’un
contrôle parlementaire efficace du budget. Au final, la discipline des partis politiques
détermine la qualité des relations entre l’exécutif et le législatif en matière budgétaire. Ceci
explique que, dans de nombreux systèmes parlementaires, les commissions des comptes
publics sont présidées par le principal parti d’opposition. Ces questions sont délicates pour
les banques de développement et génèrent souvent d’importantes controverses. D’ailleurs,
il est peu surprenant que les prêts d’investissement destinés à renforcer les parlements ont
un faible taux d’exécution. Les opérations de prêt ont donc tendance à se concentrer sur les
améliorations techniques et le fonctionnement interne des parlements, en partie afin de
s’assurer de leur faisabilité. Elles se focalisent sur des aspects particuliers des systèmes
budgétaires et sur des institutions budgétaires spécifiques, et négligeant de prendre en
compte l’économie politique du processus budgétaire dans sa globalité. En conséquence,
elles ne parviennent pas toujours à générer l’impact qu’elles pourraient exercer sur le
processus budgétaire dans son ensemble et sur le rôle de contrôle et de supervision externe
qu’y joue le parlement.
Pour les banques de développement, les prêts multilatéraux destinés à renforcer les
cours des comptes dans les pays emprunteurs suscitent moins de controverses. Les cours
des comptes constituent une composante importante du système de contrôle budgétaire et
de responsabilité financière (objectif de développement) ; elles offrent aussi aux organismes
prêteurs l’assurance que leurs fonds seront utilisés de manière appropriée (objectif
fiduciaire). Les banques de développement soutiennent les cours des comptes de multiples
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façons, formelles et informelles ; elles fournissent notamment conseil et analyse, et
développent également des projets d’assistance technique, accordent des prêts concession-
nels conditionnés et développent des prêts ciblés d’investissement.
Cependant, les différentes banques adoptent des approches distinctes. La Banque
mondiale soutient les cours des comptes essentiellement dans le cadre de sa politique de
dialogue avec les pays emprunteurs et conformément aux exigences qui découlent de ses
prêts conditionnés. Selon une récente estimation de la Banque mondiale, entre 1997 et
2002, les prêts d’ajustement structurel incluaient 1 479 conditions liées à la réforme du
secteur public ; 90 d’entre elles (soit six pour cent) concernaient le renforcement des cours
des comptes et des systèmes d’audit financier de 38 pays emprunteurs 67. La Banque
mondiale offre également une assistance technique par le biais de subventions, souvent
liées à des prêts d’ajustement structurel ou en préparation à des prêts d’investissement.
Selon une estimation, en 2003, plus de trente de ces subventions, d’une valeur de dix
millions de dollars, ont été accordées pour renforcer la gestion des finances publiques et la
responsabilité financière 68. En 2000, par exemple, la Banque mondiale a accordé au
Mexique une subvention pour améliorer les capacités d’audit financier de ses gouverne-
ments régionaux et, en 2003, une autre à l’Argentine pour renforcer sa cour des comptes.
En 2001, elle a approuvé une initiative régionale visant à soutenir les cours des comptes en
Amérique centrale.
Récemment, les banques de développement ont commencé à développer des prêts
ciblés d’investissement spécifiquement destinés à consolider les cours des comptes.
Comme on le voit sur le tableau 4, depuis 1993, la Banque mondiale et la Banque
interaméricaine de développement ont consenti quinze prêts visant totalement ou en partie,
cet objectif. Ces opérations représentent un investissement d’environ 115 millions de
dollars, dans le cadre de programmes de modernisation évalués à plus de 184 millions.
Onze de ces prêts ont été consentis par la Banque interaméricaine de développement et
quatre autres par la Banque mondiale. Le volume financier de ces opérations varie selon les
pays, en terme absolu et relatif ; mais le nombre de ces prêts a considérablement augmenté
ces dernières années.
67. World Bank, Supporting and Strengthening Supreme Audit Institutions : A World Bank Strategy —
Draft, Washington DC, WB OPCS, 2004.
68. Wolfensohn (John), « Accountability Begins at Home », International Journal of Government
Auditing, 31(1), 2004, pp. 1-3.
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2005 Brésil BID Programme de renforcement du contrôle externe des 64,4 38,6 25,8 4 ans
états et des municipalités (PROMOEX)
a
2004 Haïti BM Projet de réforme de la gouvernance économique (in- n.a n.a. n.a 1 an
clut une composante sur le renforcement du contrôle
financier et les institutions de contrôle fiscal) (50,3)
2004 Pérou BID Modernisation du bureau du contrôleur général 14,50 10,15 4,35 4 ans
c
2002 Equateur BM Projet de gestion financière du secteur public 1,03 1,03 0 4,5 ans
b
(18,84) (13,86) (4,98)
2002 Nicaragua BID Modernisation du bureau central d’audit 6 5,40 0,60 4 ans
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2000 Honduras BM Projet de gestion économique et financière (amendé 2,33 2,33 h 0 4 ans
en 2003) g
(23) (19) (4)
1999 Salvador BID Modernisation et renforcement du tribunal des comp- 4 n.d. n.d. n.d.
tes
j
1997 Bolivie BM Projet de décentralisation des finances publiques et de 7,3 7,3 0 4 ans
responsabilisation i
(19,6) (13,3) (6.3)
1994 Uruguay BID Modernisation du tribunal des comptes 1,50 1,41 0,09 n.d.
1993 Caraïbes BID Instances de contrôle dans les pays des Caraïbes 0,81 0,60 0,21 n.d.
69. Source : d’après des projets approuvés ou en cours d’élaboration jusqu’en octobre 2004.
a)
Opération de prêt en court d’élaboration. b) Montant total alloué intégralement au projet de gestion financière du secteur public en Équateur. c) Montant alloué
à la cour de comptes d’Équateur. Comme il n’est pas possible de distinguer la part du co-financement, la totalité du montant assigné au financement du programme est
attribuée à la Banque mondiale. d) Montant total alloué au renforcement du parlement national et de la cour des comptes de la République dominicaine. e) Montant alloué
à la cour des comptes de la République dominicaine. Comme il n’est pas possible de distinguer la part du co-financement, la totalité du montant assigné au financement
du programme est attribuée à la BID. f) Opération de prêt en cours d’élaboration (Profil I) avant le 19 juillet 2000. Le conseil de probité administrative a été établi en
1975 comme institution auxiliaire de la cour des comptes du Honduras. De nos jours, c’est une entité de contrôle autonome dotée d’un statut constitutionnel (article 32
de la constitution), assistant le parlement dans ses fonctions de contrôle. g) Montant total alloué intégralement au projet de gestion économique et financière. h) Montant
alloué à la cour des comptes du Honduras jusqu’en 2003, la Contraloría General de la República (CGR) devenu par la suite Tribunal Superior de Cuentas (TSC). Comme
il n’est pas possible de distinguer la part du co-financement, la totalité du montant assigné au financement du programme est attribuée à la Banque mondiale. i) Montant
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE...
total alloué à l’intégralité du projet de décentralisation des finances publiques et de responsabilisation. j) Montant alloué à la cour des comptes de Bolivie. Comme il
n’est pas possible de distinguer la part du co-financement, la totalité du montant assigné au financement du programme est attribuée à la Banque mondiale.
481
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482 CARLOS SANTISO
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réalistes. L’efficacité finale de ces opérations est largement conditionnée par le contexte
général et la dynamique de réforme institutionnelle propre aux pays dans lesquelles elles
s’insèrent.
Deuxièmement, les dotations budgétaires aux cours des comptes ont eu tendance à
augmenter ces dernières années, même si leur part des budgets nationaux reste réduite. Au
Brésil, par exemple, le budget du Tribunal de Contas da União (TCU) représente 0,08 %
du budget fédéral 71. Troisièmement, le co-financement par la contrepartie nationale est
souvent important, dans des pays tels que le Brésil (50 % pour le prêt au TCU et 40 % pour
le prêt aux cours des comptes des États fédérés), le Chili (40 %) et la Colombie (45 %). Ces
deux derniers aspects reflètent, en partie, l’importance grandissante que les gouvernements
des pays emprunteurs accordent au renforcement du rôle de la cour des comptes. Ils
reflètent également l’exigence de co-financement national de la part des banques de
développement dans les pays à revenu moyen.
70. Source : d’après des informations fournies sur les sites internet des cours des comptes respectives.*
Attention au dollar comme référence, compte tenu de sa fluctuation.
71. TCU, TCU Annual Report — Fiscal Year 2002, Brasilia, Brésil : TCU.
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE... 483
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centrales des cours des comptes. Certaines dispositions concernent parfois des « initiatives
innovantes » : par exemple, audit de performance ou de gestion, audit environnemental ou
audit des agences de régulation des services publiques. De plus, ces prêts privilégient
l’amélioration des opérations d’audit sur des programmes gouvernementaux spécifiques,
particulièrement dans le secteur social, plutôt que d’accroître le rôle institutionnel des cours
des comptes dans le contrôle et la certification des comptes du gouvernement par le
parlement (procédure de « loi de règlement »). Il est cependant envisageable que cette
dernière fonction soit naturellement facilitée par le renforcement institutionnel des cours
des comptes dans leur ensemble, même si cela n’est pas toujours automatique.
Le trait notable de ces prêts d’investissement est qu’ils tendent à se cantonner au
renforcement des cours des comptes de manière isolée, plutôt que de chercher à renforcer
les liens inter-institutionnels entre les différentes composantes du système de contrôle
fiscal. Or, c’est précisément les dysfonctionnements dans les relations fonctionnelles entre
les parlements et les cours des comptes qui le plus souvent affectent les mécanismes de
contrôle budgétaire et l’efficacité de l’audit externe en Amérique latine 72. En règle
générale, les différentes composantes du contrôle fiscal tendent à agir de manière isolée,
reflétant la nature verticale des institutions de gouvernance fiscale dans les pays en
développement.
Les cours des comptes sont confrontées à un paradoxe : elles doivent à la fois être
suffisamment indépendantes pour accomplir leur tâche efficacement et de manière
responsable, tout en restant dépendantes des autres institutions de l’État pour avoir un
impact significatif. Elles sont partie intégrante des systèmes nationaux d’intégrité financière
et doivent donc compter sur les autres instances du système de contrôle fiscal et de lutte
contre la corruption pour obliger les gouvernements à rendre compte de leur gestion
budgétaire. Par exemple, les rapports et les recommandations des cours des comptes n’ont
guère d’efficacité s’ils ne sont pas pris en compte par les autres partenaires du système de
contrôle, en particulier l’administration publique (en ce qui concerne la responsabilité
administrative), le pouvoir judiciaire (responsabilité judiciaire) et le parlement (responsa-
bilité politique). Au final, l’efficacité des systèmes nationaux de probité financière dépend
72. Voir notamment : Santiso (Carlos), « Improving fiscal governance and curbing corruption : How
relevant are autonomous audit agencies ? », International Public Management Review 7(2), 2006, à paraître ;
Idem, « Auditing, accountability and anticorruption : How relevant are autonomous audit agencies ? », Global
Corruption Report 2007, Berlin, Allemagne, Transparency International, 2007, à paraître.
484 CARLOS SANTISO
largement de la qualité des synergies entre ses différentes composantes. Comme le souligne
la Banque interaméricaine de développement 73 : « Il est difficile de promouvoir des
changements institutionnels en traitant les institutions de manière isolée. Pour intervenir
efficacement, il est important de comprendre l’interdépendance complexe qui existe entre
les institutions [...] Essayer de renforcer le corps législatif pour améliorer sa contribution
à l’élaboration et la mise en œuvre de politiques c’est agir sur les facteurs déterminant les
motivations des législateurs à s’investir dans ce sens, ce qui peut amener à modifier le code
électoral ou le système de partis ».
En particulier, un système efficace de contrôle fiscal exige une relation symbiotique
entre la cour des comptes et la commission parlementaire des comptes publics 74. L’impact
de la cour des comptes dépend largement du degré de prise en compte par le parlement de
ses rapports et de ses recommandations. De même, la nomination des auditeurs généraux
ou du premier président de la cour des comptes requiert l’aval de la majorité qualifiée des
membres du parlement, y compris ceux du parti au pouvoir. Le marchandage politique, qui
a souvent cours au sujet de leur sélection, affaiblit l’indépendance politique du ou des
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candidats choisis.
Les cours des comptes fournissent aux parlements, directement ou indirectement, des
conseils essentiels à leur activité de contrôle au travers de leurs activités d’audit. Comme
le montre le tableau 6, dans une grande majorité de cas, elles sont ou agissent comme des
institutions auxiliaires ou de soutien aux parlements. Pourtant, les relations entre les cours
des comptes et les commissions des comptes publics sont souvent inadéquates ou
inadaptées. Il faut néanmoins noter que les cours des comptes ont des positions variables
dans le cadre du contrôle fiscal en général. Leur insertion institutionnelle dans le système
de contrôle fiscal varie considérablement d’un pays à l’autre. En Argentine, par exemple,
la Auditoria General de la Nacion (AGN) est une structure collégiale sans pouvoirs
juridictionnels qui est sensée appuyer le parlement en matière de contrôle budgétaire.
Depuis 1994, c’est le principal parti d’opposition parlementaire qui nomme le président de
la Auditoria General de la Nacion. Dans d’autres pays, comme le Chili ou le Pérou, les
cours des comptes sont des agences autonomes présidées par un auditeur ou contrôleur
général. Au Brésil, le Tribunal de Contas da União est une instance collégiale liée au
parlement mais dotée de fonctions semblables à celles d’une cour administrative.
Caractéris-
tiques des Contrôle Institution Institution Institution Pouvoirs Durée du
cours ex ante liée à liée au autonome quasi Procédures de nomination mandat Procédures de révocation
l’exécutif législatif judiciaires
Pays
Brésil ✔ ✔ Mixte : Président élu par ses Président : 1 an Tribunal fédéral suprême
pairs ; 1/3 nommés par le Membres :
Président et confirmé par le illimité, jusqu’à
Sénat et 2/3 nommés par le 70 ans
Congrès
Colombie ✔ ✔ Législatif, d’après une liste 4 ans Cour suprême après accusation
établie par la cour du procureur général
constitutionnelle, la cour
suprême, et le conseil d’État
Equateur Autonomie Président, d’après une liste 4 ans Parlementaire, après mise en
administrative, établie par le Congrès accusation
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE...
budgétaire et
financière.
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le renouvelable
rapport
au
congrès
Guatémala ✔ Indépendance ✔ Parlementaire 4 ans, non Parlementaire
fonctionnelle renouvelable
Honduras ✔ Indépendance Parlementaire 5 ans Parlementaire
fonctionnelle et
administrative
Mexique ✔ Autonomie Parlementaire 8 ans Parlementaire, ou à l’issue
technique et de d’une mise en accusation
gestion
Nicaragua ✔ Autonomie Parlementaire, d’après une 5 ans Parlementaire
fonctionnelle et liste proposée par le Président
administrative et les membres de l’Assemblée
législative
Panama ✔ ✔ ✔ Parlementaire 5 ans, Cour suprême
(renouvelable)
Paraguay ✔ Parlementaire 5 ans Exécutif, après l’accord du
CARLOS SANTISO
sénat
Pérou ✔ ✔ Parlementaire, proposé par le 7 ans Parlementaire
Président
Uruguay ✔ ✔ Autonomie Parlementaire 5 ans Parlementaire, après
fonctionnelle condamnation d’une cour de
justice ou d’une cour
compétente
Venezuela Autonomie Parlementaire, d’après une 7 ans, Parlementaire, après
fonctionnelle, liste établie par un comité (renouvelable) déclaration du tribunal
administrative et citoyen suprême de justice
organisationnelle
75. Source : D’après les tableaux 9.2 et 9.3 figurant dans Payne (Mark), Zovatto (Daniel), Carillo Flórez (Fernando) and Allamand Zavala (Andrés), Democracies
in Development : Politics and Reform in Latin America, Washington, DC : IDB, 2002, pp. 228-31.
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Une leçon importante de cette analyse est que pour accroître la performance des cours
des comptes, il est primordial d’améliorer leur insertion dans le système de contrôle fiscal
et de renforcer l’architecture générale de celui-ci. L’exemple du soutien de la Banque
interaméricaine de développement à la Colombie est remarquable à cet égard. En
Colombie, la Banque interaméricaine de développement a appuyé successivement les
différentes composantes du contrôle fiscal, avec pour conséquence de renforcer la probité
financière et l’État de droit. En avril 2003, elle a approuvé un prêt de 14 millions de dollars
(dans le cadre d’un programme de réforme de 20 millions) au bureau du garde des sceaux
en charge du contrôle et de la discipline des services publics. Ce programme s’inscrivait
dans un cycle de modernisation des instances chargées de contrôler les finances et de faire
appliquer la loi votée dix ans plus tôt et qui incluait : un prêt de 23 millions de dollars en
mars 2000 destiné à renforcer la cour des comptes (dans le cadre d’un programme totalisant
42 millions) et un prêt de 9,5 millions de dollars en décembre 1995 visant à moderniser
l’administration de la justice et le bureau du procureur général (dans le cadre d’un
programme totalisant 15,7 millions). L’ensemble de ces prêts fut largement co-financé par
le gouvernement colombien (à hauteur de 77,7 millions), ce qui reflète l’engagement du
pays à atteindre les objectifs des programmes.
Ainsi, les opérations de prêts multilatéraux pourraient contribuer de façon plus
décisive au renforcement de l’indépendance politique et de l’autonomie financière des
cours des comptes, en conformité avec les normes internationales. L’autonomie réelle des
cours des comptes est un élément crucial de leur crédibilité et de leur capacité à demander
des comptes au gouvernement, comme le souligne la Déclaration de Lima de 1977 de
l’INTOSAI articulant les principes généraux de l’audit gouvernemental 76. Assurer l’indé-
pendance exige d’aller au-delà des garanties formelles inscrites dans la législation. Il faut
s’assurer de l’autonomie institutionnelle, fonctionnelle et financière des cours des comptes
et de l’impartialité des auditeurs généraux. Cela oblige également à garantir des
financements adéquats et fiables et à disposer d’un personnel compétent.
Ainsi, les banques de développement pourraient développer de manière plus active les
synergies entre les cours des comptes, les parlements (en particulier avec les commissions
des finances, du budget et des comptes publics à qui il incombe de demander des comptes
76. INTOSAI (Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances politi-
ques), Independence of Supreme Audit Institutions : Final Task Force Report, Vienna : INTOSAI General
Secretariat, 2001.
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contrôle budgétaire au niveau local et national 78. Cette opération qui représente le prêt le
plus important consenti à des cours des comptes reflète non seulement la taille du pays mais
aussi l’ampleur manifeste de la tâche. L’engagement du gouvernement brésilien à renforcer
le contrôle sub-national est reflété par l’importance du co-financement national, qui s’élève
à 60 % du total. Celui-ci démontre la volonté du gouvernement fédéral d’ancrer la
discipline fiscale dans les finances publiques des États et des municipalités du Brésil,
conformément à la loi de l’an 2000 sur la responsabilité fiscale.
*
* *
Question de stratégie
77. Smulovitz (Catalina) and Peruzzotti (Enrique), « Societal and Horizontal Accountability. Lessons
from a Fruitful Relationship », in Mainwaring and Welna, Democratic Accountability in Latin America, 2003,
pp. 309-332.
78. IDB, « Programa de Modernización del Control Externo de Estados y Municipios — PROMOEX »,
Washington, DC : IDB, 13 avril 2004.
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financières internationales. On peut soutenir que certains de ces instruments sont plus utiles
à la réforme des institutions de contrôle budgétaire, alors que d’autres œuvrent davantage
à leur renforcement. Les prêts d’investissement et l’assistance technique sont particulière-
ment efficaces pour renforcer des institutions qui sont déjà compétentes et relativement
capables. À l’opposé, les conditions attachées aux prêts conditionnés sont plus à même de
réformer les institutions dont l’action se révèle médiocre ou est jugée inadéquate. Le travail
d’analyse, de conseil et le dialogue peuvent servir les deux propos, comme c’est le cas pour
les mécanismes de surveillance du FMI. Il existe, de surcroît, des possibilités de favoriser
les synergies entre les instruments disponibles, en adoptant une approche séquentielle,
visant, dans un premier temps, à réformer des institutions fiscales et, lors d’une seconde
phase, à les consolider.
Ces considérations sont également illustrées par le prêt de la Banque interaméricaine
de développement à la Guyane britannique, souscrit en 2004. Les conditions attachées au
prêt visent à accompagner un processus de réformes constitutionnelles et institutionnelles,
commencé en 2000. Le programme de gestion fiscale et financière combinait le « bâton »
des conditions attachées au prêt et la « carotte » des promesses de subventions pour
l’assistance technique et du prêt d’investissement pour renforcer la cour des comptes
réformée. Cette approche était éclairée par un travail préalable d’analyse et de conseil,
réalisé sur la base d’une évaluation des dépenses publiques et de la responsabilité financière
(PEFA) entreprise par la Banque mondiale en juin 2002. Celle-ci faisait une série de
recommandations pour réformer le contrôle fiscal. L’adoption d’un nouveau cadre légal et
institutionnel pour l’audit gouvernemental constituait une des conditions du prêt, mais la
Banque interaméricaine de développement proposait également de fournir de l’assistance
technique et des subventions. En 2001, un amendement constitutionnel autorisa une plus
grande indépendance de l’auditeur général, et, avec l’assistance technique de la Banque
interaméricaine de développement, une nouvelle loi d’audit gouvernemental et des
nouvelles règles et procédures internes de la cour des comptes furent adoptées. Une fois ces
conditions préalables remplies, la Banque interaméricaine de développement annonça
qu’une subvention de 600 000 dollars serait disponible pour le renforcement de la cour des
comptes.
Économie politique
Le troisième enseignement concerne le caractère central des considérations d’écono-
mie politique pour expliquer l’efficacité du contrôle budgétaire et de l’audit des comptes
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d’audit externe. La Banque interaméricaine de développement a néanmoins conçu un prêt
de 5,4 millions dans le cadre d’un programme de 6 millions visant à moderniser la cour des
comptes. Dès lors, compte tenu du contexte politique, on peut légitimement se poser la
question de savoir si celle-ci a besoin d’être renforcée ou si elle doit plutôt être réformée
et, par conséquent, si le choix de l’instrument du prêt par la Banque interaméricaine de
développement est adapté à la situation.
Plus fondamentalement, le cas de la cour des comptes nicaraguayenne offre un
exemple de confiscation politique d’un organe de l’État. Il démontre que la compétence
technique et la capacité d’analyse risquent fort d’être sans effet tant qu’il n’existe pas
d’espace politique suffisant pour qu’elles puissent s’exercer de manière effective. Les
meilleures solutions techniques sont impuissantes sans la volonté politique d’une gestion
saine. Les efforts de réforme n’échouent pas parce qu’ils sont incomplets, mais plus
souvent parce qu’ils sont conçus pour régler des défaillances techniques, alors que les
problèmes sont de nature politique et liés aux aménagements institutionnels. En consé-
quence, une réforme est « suffisamment bonne » dès lors qu’elle est politiquement
plausible, techniquement cohérente et administrativement faisable. La question clef pour
les institutions financières internationales est donc de savoir si le fait de doter les
institutions de contrôle de plus grandes capacités techniques peut les renforcer, ou si
davantage d’indépendance politique peut les amener à utiliser leur compétence technique
plus efficacement. Faut-il avant tout bâtir des compétences institutionnelles ou bien
celles-ci seront-elles le résultat de motivations politiques adéquates ?
En toute hypothèse, les institutions financières internationales tendent à ignorer ou
sous-estimer le contexte politique dans lequel les cours des comptes fonctionnent et les
facteurs politiques qui conditionnent leur efficacité. Cette négligence s’explique par le fait
que les prêts multilatéraux sont, en fin de compte, souscrits par des gouvernements réticents
à renforcer les institutions chargées de les contrôler et de les contraindre. Elle peut
également provenir du fait que ces questions peuvent être résolues par d’autres moyens tels
que le dialogue politique ou les conditions attachées aux prêts. Néanmoins, les institutions
financières internationales reconnaissent davantage l’importance des facteurs d’économie
politique conditionnant les réformes institutionnelles. Pour la Banque interaméricaine de
développement : « les opérations visant à appuyer la réforme de l’État doivent être conçues
79. World Bank, Nicaragua : Country Financial Accountability Assessment, Washington DC, WB
Report No.27922-NI, 2004.
LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES ET LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE... 491
comme un processus de réforme politique »80. Par ailleurs, « les projets qui se limitent à
modifier des éléments de fonctionnement ou simplement renforcer les compétences
techniques organisationnelles, sans altérer les motivations de la classe politique en charge
de les mener, ont toutes les chances de n’avoir qu’un impact négligeable. Ainsi, les
changements institutionnels qui conditionnent l’efficacité des réformes instrumentales et
organisationnelles doivent être abordés simultanément [...] Il est futile d’essayer d’établir
un système de gestion financière sans développer une autorité budgétaire qui ait
l’indépendance, le pouvoir et la compétence pour le mettre en œuvre »81.
Il existe donc un potentiel largement inexploré dans l’appui fourni par les banques
multilatérales aux parlements nationaux et aux cours des comptes. Les opérations de prêt
multilatéral échouent souvent car elles abordent les problèmes politiques avec des solutions
techniques 82. Comme Ernesto Stein et alii le notent avec justesse : « il est important de
comprendre que l’appui financier en soi ne transforme pas les institutions »83. Le soutien
multilatéral aux institutions de contrôle budgétaire devrait plutôt chercher à accroître les
liens fonctionnels entre les différentes institutions du système de contrôle fiscal. Plus
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fondamentalement, il devrait accorder une plus grande importance aux facteurs politiques
(incentives), lesquels influent sur la performance des institutions et déterminent leur
transformation, notamment le rôle joué par l’émulation politique, le système des partis et
les règles électorales sur le fonctionnement des parlements et des cours des comptes en
matière de contrôle budgétaire.
Expliquer l’inattendu
Enfin, l’autre paradoxe révélé par cette étude des prêts multilatéraux aux institutions
de contrôle budgétaire est, en fait, leur existence même. Pourquoi les gouvernements
acceptent-ils de renforcer des institutions dont l’unique tâche est de les contrôler et de les
restreindre ? Le simple fait que ces gouvernements souscrivent à de tels prêts, même avec
réticence est, en soi, un accomplissement considérable. Les prêts aux institutions de
contrôle requièrent nécessairement le consentement ou l’assentiment des gouvernements,
puisqu’ils sont les seuls à qui les banques multilatérales acceptent de prêter. Cette situation
reflète en partie la reconnaissance croissante par ces mêmes gouvernements de l’impor-
tance de renforcer le contrôle budgétaire pour réduire la pauvreté, combattre la corruption,
et ancrer la discipline fiscale. Ces considérations expliquent partiellement les restrictions
imposées sur les prêts multilatéraux par les gouvernements emprunteurs aussi bien que par
les banques multilatérales elles-même. Une recherche plus approfondie est sans doute
requise pour expliquer pourquoi les gouvernements acceptent de renforcer les institutions
chargées de les contrôler et connaître dans quelles conditions ces institutions peuvent être
réformées.
Quoi qu’il en soit, le plus grand défi sera certainement de vérifier l’impact final du
soutien multilatéral aux institutions de contrôle budgétaire, tant les parlements que les
80. IDB, Modernization of the State : Strategy Document, Washington DC, IDB 7/03, GN-2235-1, 2003,
p. 7.
81. Ibid., pp. 8-9.
82. Voir, notament : Girishankar (Navin), Evaluating Public Sector Reform : Guidelines for Assessing
Country-Level impact of Structural Reform and Capacity Building in the Public Sector, Washington, WB OED,
2001 ; Santiso (Carlos) « Development Finance, Governance and Conditionality : Politics Matter », Interna-
tional Public Management Journal 7(1), 2004, pp. 73-100 ; Idem, « Good Governance and Aid Effectiveness :
The World Bank and Conditionality », Georgetown Public Policy Review 7 (1), 2001, pp. 1-22.
83. Stein (Ernesto), et alii, The Politics of Politics..., op. cit., p. 259.
492 CARLOS SANTISO
cours des comptes. Il existe peu de recherche appliquée sur ce sujet. Cette perspective sera
confrontée à trois obstacles majeurs : (i) le manque de clarté de l’objectif ultime des prêts
multilatéraux (en particulier si leur but ultime est de renforcer ou de réformer les
institutions de contrôle budgétaire) ; (ii) l’absence d’un cadre de référence permettant de
mesure l’impact direct de l’assistance multilatérale au renforcement institutionnel des
institutions de contrôle fiscal et l’impact indirect sur l’intégrité financière et la performance
fiscale ; et (iii) l’imprécision quant aux possibles indicateurs de performance des institu-
tions de contrôle budgétaires sur les systèmes budgétaires et les finances publiques.
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