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[1903-1970]
(1957)
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PREMIÈRE PARTIE.
La femme haïtienne dans l’histoire [1]
INTRODUCTION [3]
DEUXIÈME PARTIE.
La femme dans la famille, la société et l'économie haïtienne [101]
Chapitre II. Rôle de la femme dans les différentes classes de la société. [144]
1. Enfance [184]
a) Bourgeoisie [185]
b) Classe moyenne et prolétariat des villes [188]
c) Classe paysanne [194]
Appendice I
Appendice II
Appendice III
Bibliographie [249]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 8
[v]
AVANT-PROPOS
De plus, une enquête a été faite par l’auteur sur les conditions de
vie de 597 femmes et fillettes des bourgs et communautés rurales.
Cette enquête est basée sur des questionnaires remis à un certain
nombre d'institutrices du pays. Celles-ci devaient répondre à quelques
questions concernant les femmes qu'elles connaissaient de très près.
Ces réponses ont pu être contrôlées par des visites personnelles. Les
questionnaires incomplets et de véracité douteuse ont été éliminés et
l’auteur a procédé elle-même à des enquêtes supplémentaires. Le
nombre restreint de cas étudiés ne permet pas de tirer des conclusions
statistiques, mais donne une idée exacte des conditions de vie d'un
certain nombre de femmes habitant les bourgs et les communautés ru-
rales.
Il nous a été souvent difficile d'obtenir des renseignements impor-
tants à cause de l'insuffisance des statistiques sociales. Les recherches
ayant été faites en Haïti et aux Etats-Unis, il a été impossible de
consulter les archives des bibliothèques de Paris et de Séville qui
contiennent les meilleures collections d'ouvrages et de manuscrits trai-
tant de la période coloniale. L'auteur espère néanmoins que cette
étude, bien que brève et incomplète, servira de point de départ à
d'autres discussions plus approfondies sur /a situation de [vii] la
femme haïtienne, sujet entièrement négligé jusque présent.
Ceux qui s'intéressent au problème de révolution culturelle trouve-
ront aussi dans cet ouvrage une illustration intéressante de l'histoire
d'un peuple transplanté dans un nouveau milieu et soumis à des in-
fluences variées. Ce sujet a été plus spécialement traité par Hersko-
Août 1953
[viii]
[1]
Première partie
LA FEMME HAÏTIENNE
DANS L’HISTOIRE
[2]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 12
[3]
Introduction
[4]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 13
[5]
Chapitre I
PÉRIODE INDIENNE
ET ESPAGNOLE
devaient assister leurs maris quand ils mouraient, sous peine de passer
pour infidèles et leurs enfants illégitimes 9. »
« ... Il me parait que dans toutes ces iles les hommes se contentent
d'une seule femme, mais en donnent une vingtaine à leur chef ou leur
roi 18. »
moins que chacun avait sur cela une liberté entière et comme la plu-
part n'avaient guère que le nécessaire, le commun se contentaient
d'une femme. Quant au degré prohibé il n'y avait que le premier sur
lequel on ne se relâchait jamais. Parmi les femmes d'un même mari, il
y en avait généralement une plus distinguée que les autres, mais elle
n'avait aucune supériolité [10] sur ses compagnes. Toutes couchaient
autour du mari, nulle jalousie ne troublait la paix du ménage. À la
mort du mari, les femmes avaient le choix de se faire enterrer avec lui,
toutefois la chose était peu pratiquée 19. »
Parmi les femmes des grands caciques l’une avait la préséance sur
les autres et était considérée comme reine 20. Nous ne savons pas si
c'est le mari ou la femme qui changeait de logement, nous savons
seulement que les mariages se faisaient entre les gens de la même
classe sociale et en ce qui concerne les caciques ce n'était vrai que
pour la femme principale. Le cacique achetait une femme de la famille
d'un autre cacique. Il y avait échange de cadeaux entre le fiancé et son
futur beau-père comme nous l’avons dit. Si le cacique méprisait les
cadeaux déjà échangés et mariait sa fille à un autre candidat, son acte
était considéré comme une cause de guerre. Un homme ne pouvait
épouser sa sœur ou la fille de sa sœur. Le mariage était célébré par une
fête à laquelle les gens de la même classe sociale étaient invités.
D'après M. Loven, tous les convives avaient le droit d'essayer la
femme 21.
La chasteté avant le mariage n'était pas considérée comme obliga-
toire ; au contraire, Martyr prétend « qu'une femme à marier qui avait
accordé ses faveurs au plus grand nombre de personnes était réputée
être la plus honorable et la plus généreuse de toutes 22. » Il ne semble
pas que ce soit un cas de prostitution payée. De plus, en vertu des lois
coutumières de l'hospitalité, les caciques plaçaient leurs femmes à la
disposition de leurs égaux, quand ceux-ci les visitaient. À l'occasion
d'une visite de Colomb au cacique Guacanagaric, à son second
voyage, celui-ci lui donna pour la nuit sa femme et douze jeunes filles
Les tainos employaient à peu près la même technique que les tribus
de l’est du Venezuela et de la Guyane pour la préparation du manioc.
Dès que la racine était retirée de terre [12] elle était grattée d'abord
avec des coquillages, puis avec un grattoir. Pour en extraire le jus em-
poisonné, les morceaux de manioc étaient alors pressés dans un long
tube de coton ou de vannerie dont une extrémité était accrochée à une
branche et l'autre alourdie par un poids ou une barre transversale sur
laquelle une femme s'asseyait. Le manioc était cuit sur une plaque
d'argile placée sur trois pierres au-dessus du feu, puis les cassaves
étaient séchées au soleil 28 : Le jus de manioc transformé en vinaigre
par la cuisson permettait de conserver les aliments. Une soupe à la-
quelle on ajoutait continuellement de nouveaux ingrédients était lais-
sée à bouillir en permanence sur le feu. Elle contenait outre de l'eau et
du jus de manioc, des pommes de terre, du mais vert, des haricots et
d'autres produits des champs. Les femmes confectionnaient aussi des
gâteaux de manioc plus fins pour les caciques. Les tainos consom-
maient encore des fruits, des poissons et la chair de quelques oiseaux
et rongeurs. Ils faisaient ordinairement provision d'aliments pour cinq
à huit jours.
Ils prenaient quatre repas par jour : petit déjeuner, déjeuner, diner
et souper, ce dernier peut-être réservé aux jours de fête. Entre le dîner
et le souper, ils prenaient un vomitif avant de consacrer la nuit au sou-
per et à la « collation », nom dont on désignait les danses pendant les-
quelles ils buvaient et s'intoxiquaient avec la chicha et le tabac.
Les hommes et les femmes se peignaient le corps en certaines oc-
casions, ils se tatouaient aussi et les femmes déformaient la tête de
leurs enfants à la naissance.
Les hommes circulaient entièrement nus, les caciques portaient des
couronnes incrustées de pierres précieuses et d'or par devant, et par-
fois des ceintures brodées de perles. On a retrouvé des idoles avec des
bandelettes aux genoux et des disques d'or aux oreilles (les hommes
les portaient probablement aussi, au moins dans certaines occa-
sions) 29.
[19]
Chapitre II
TRADITION AFRICAINE
51 Ibid., p. 23.
52 Herskovits, op. cit., pp. 23 24.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 29
D'après Mason 53, dans les sociétés primitives c'est la femme qui
nourrit la famille, l'habille, sert de bête de charge, [21] exécute toutes
sortes de besognes, s'adonne à la poterie, crée l'art développe la langue
et patronne la religion.
En était-il ainsi au Dahomey ? La femme y occupait une place im-
portante et était plus favorisée que dans la plupart ces autres sociétés
patriarcales, en raison de la survivance des traditions de la famille uté-
rine. Le Dahomey est l'une des rares régions de l'Afrique Occidentale
où la constitution du clan est basée sur la filiation consanguine.
D'après Baumann 54, il existe un rapport entre la prépondérance de la
filiation utérine et le rôle de la femme dans la culture à la houe. Il
semble que le travail des femmes aux champs soit souvent associé au
clan utérin parce qu'il est lié au droit de possession du sol et que ce
droit en retour se soit développé en faveur de la femme parce que
seule elle s'occupait d'agriculture. En général, dans la zone forestière
de l'Afrique Équatoriale et du bassin du Congo, le travail des champs,
à l'exception du défrichement, est fait par les femmes et on ne pratique
pas la culture intensive. Au nord de cette zone la culture du millet
dans les savanes herbeuses est l'objet d'une collaboration plus grande
des deux sexes. L'homme retourne la terre à la houe et la culture est
plus intensive Dans la région s'étendant du Soudan au centre de
l'Afrique Occidentale et dans les hauteurs d'Angola, même là ou
l'igname et le manioc croissent vigoureusement, dans le sol meuble,
les hommes sont aussi cultivateurs.
Il est rare de trouver en Afrique des régions ou l'homme travaille
seul.
Au Dahomey comme dans les autres sociétés patriarcales afri-
caines, les deux sexes travaillaient aux champs et l’agriculture était
pratiquée intensivement. Les hommes préparaient le terrain pour la
plantation, ils ne se contentaient pas de défricher, de couper les arbres
53 Mason, O. T., Woman's Share in Primitive Culture, New York, 1891.
54 Baumann, H. « The Division of Work According to Sex in African Hoe
Culture », Africa, Vol. I, 1928, pp. 290-307.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 30
vendre. Mais les simples échanges entre [23] indigènes se font aussi
par l'intermédiaire des femmes 57.
Dans certaines régions les femmes rendaient aussi de précieux ser-
vices au commerce en servant d'intermédiaire entre des populations
ennemies : « Les Massais de l'Afrique Orientale fournissent un
exemple de l'immunité commerciale reconnue aux femmes par les
mœurs de ces contrées ; les Massais ont même entièrement abandonné
à leurs femmes le soin des opérations commerciales et celles-ci s'y
livrent tranquillement, fut-ce en temps de guerre, confiantes dans l'im-
munité dont elles jouissent ordinairement. Rencontrent-elles une cara-
vane étrangère, elles l'abordent, sans hésiter ; mais, suivant un rite
convenu à petits pas, en sautillant, en imprimant à leur corps des mou-
vements ondulés et en entonnant une cantilène. En outre, elles
s'avancent en tenant à la main une touffe d'herbes, et ce langage mi-
mique signifie : « Paix ! Amitié ! » Même aux époques les plus trou-
blées, quand deux tribus se font une guerre à mort, les femmes cir-
culent entre les belligérants, paisiblement, isolément, parfois en chas-
sant un âne devant elles et s'en vont sans danger ni crainte acheter des
grains et des légumes pour les leurs. En général les hommes Massais
ne se mêlent que des marchés relativement importants, quand il s'agit
d'un bœuf, par exemple, et alois la vente ne se conclut qu'après une
heure de discussion animée 58. »
Ordinairement, dans les marchés dahoméens, les échanges se fai-
saient directement ; les producteurs ou artisans vendaient eux-mêmes
leurs marchandises. Les seuls marchés servant d'intermédiaires étaient
les marchés de gros ou les grands cultivateurs écoulaient leurs pro-
duits. Les acheteurs à ces marchés de gros étaient principalement des
femmes, car il y avait peu d'hommes faisant le commerce. La [24] vie
de ces marchandes était très pénible, se levant avant l'aube, elles se di-
rigeaient vers le marché portant sur la tête plusieurs calebasses conte-
nant des articles faits en ville qu'elles remplaçaient le soir par des pro-
duits de la région. Souvent elles taisaient des affaires dans plusieurs
marchés et elles devaient voyager à pied en transportant leurs far-
deaux sur la tête. Si elles avaient un petit enfant, elles le portaient sur
le dos attaché avec une ceinture. Actuellement, presque la moitié des
dahoméennes vendent dans les marchés et s'occupent de la préparation
des commodités qui y sont vendues. La marché commence à 8 heures
et dure toute la journée. On y remplit aussi certains devoirs religieux
si l’on veut s'assurer une bonne vente. On a estimé que 10.000 Per-
sonnes passent par le marché d'Abomey dans une journée. 59
À côté de ces occupations en quelques sorte professionnelles, la
femme avait la responsabilité des soins domestiques. « Parfois on les
rencontre s'en allant en bandes par douzaines ou vingtaines allant
chercher de l’eau, ce qui n’est pas toujours le moins pénible de leurs
devoirs ; néanmoins elles cheminent en jasant, leur cruche sur la tête
et leur enfant sur le dos, parfois la pipe à la bouche 60. »
Livingston fait remarquer que « chez les nègres africains en géné-
ral la préparation des aliments, partout laissée aux femmes, comportait
avant tout un travail très long et très pénible, le broyage du grain pour
le réduire en farine. Nulle part dans le continent noir la meule circu-
laire n'avait été inventée et l'on devait écraser le grain à la mode pré-
historique entre deux pierres, l'une inférieure, concave et immobile,
l'autre convexe et à laquelle la meunière imprimait des mouvements
de va et vient 61. »
La femme aussi bien que l'homme pouvait posséder des biens.
Tous deux disposaient d'une série de vêtements pour les grandes cir-
constances et, s'ils étaient membres d'un culte, ils devaient avoir les
insignes et les habits de cérémonie de [25] ce culte, les charmes, etc..
La femme avait le droit de disposer de tout ce qu'elle avait gagné au
marché, même pendant le mariage, généralement le profit de ce qu'elle
avait produit par ses efforts personnels et de tout ce dont elle avait hé-
rité de sa propre famille lui appartenait. Nous verrons que certaines
femmes mariées étaient très riches et que d'autres pouvaient fonder
des familles, et même des dynastie qui, dans ce cas, passaient le plus
souvent aux mains de leurs filles. Comme nous l'avons déjà dit, la
succession se faisait en ligne masculine avec droit de primo géniture,
l'un des fils du défunt était choisi comme héritier, pourtant les autres
enfants n'étaient pas entièrement déshérités, car le père leur laissait or-
dinairement quelque chose par une espèce de testament rendu public
après sa mort par l'intermédiaire de son meilleur ami. Toutefois, s'il y
avait des contestations, le patriarche ou chef du clan, après avoir mis
de côté les biens du clan, partageait ordinairement l'héritage en deux
parties qui n'étaient pas nécessairement égales, l'une pour l'héritier et
l'autre à partager entre les deux autres enfants. Cette partie était divi-
sée de la façon suivante : les vêtements du père étaient partagés entre
les fils et les filles, ceux-ci prenant les plus grands et celles-là, les plus
petits. Son argent était divisé en trois parties égales, une pour les filles
et deux pour les fils. Parmi les filles, l'ainée prenait un peu plus que
les autres et le reste était divisé également ; les fils divisaient leur part
également 62.
Les biens de la femme étaient partagés de même entre ses enfants
d'après un testament rendu public après sa mort. Mais ce partage ne
suscitait jamais de disputes, car les frères et sœurs utérins étaient
étroitement unis.
Rôle Social
[28]
Rôle politique.
Seul le chef du clan était plus important que les « akovis. » Toute-
fois, à l'exception des trois plus âgées, ces femmes continuaient à rési-
der dans leur collectivité. Là leur fonction principale consistait à don-
ner des aliments aux âmes des ancêtres, à bénir les nouveaux mariés et
elles continuaient à participer à la vie journalière du clan. Toutes les
femmes sur le retour d'âge pouvaient faire partie de ce groupe. Il y
avait pourtant deux catégories d'akovis, le groupe dont nous venons de
parler et les akovis proprement dites qui servaient aux funérailles. Ce
dernier groupe était composé des deux [30] ou trois plus vieilles
femmes du clan résidant dans la collectivité principale.
Quand un membre du clan mourait, l’une d'elles se rendait au lieu
des funérailles et y restait jusqu'à la fin des cérémonies où elle devait
officier.
63 Herskovits, op. cit., p. 302.
64 Herskovits, op. cit., p. 340.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 38
Elles avaient une place très élevée dans les conseils du clan. Si la
plus âgée d'entre elles était plus vieille que le chef, son opinion était
souvent plus importante que la sienne et il ne désirait pas la contrarier.
De plus, c'était elle qui, suivant les cérémonies d'usage, devait sacrer
le nouveau chef de clan dès qu'il avait été accepté par le roi. Son pou-
voir était très grand et tout membre du sib craignait de lui déplaire, car
elle pouvait faire un mauvais rapport sur l'offenseur « et les morts
écoutent ces femmes 65. »
Les femmes libres, chefs d'habitation, étaient connues pour leur
pouvoir politique. D'une part, elles avaient un grand nombre d'indivi-
dus sous leurs ordres, d'autre part, menant une vie très libre, elles re-
cevaient beaucoup de notabilités et pouvaient influencer leurs déci-
sions.
Ces femmes pouvaient ainsi faire ou ruiner la carrière d'un chef 66.
À la cour du roi, la femme agissait aussi dans l'ombre, mais son
rôle était néanmoins très important. Les rois dahoméens avaient une
grande quantité d'épouses, certains auteurs prétendent qu'ils en avaient
plusieurs milliers. Toute femme mariée ou non était à la disposition du
monarque qui pouvait la choisir comme épouse. Naturellement, il ne
lui était pas possible de les prendre toutes comme maitresse. Certaines
vivaient plus ou moins constamment avec lui, tandis que d'autres ne
servaient les plaisirs royaux que très rarement ou même jamais. Ces
dernières n'avaient le choix qu'entre le célibat et l'adultère qui était
puni de mort. Il régnait à la cour une atmosphère de jalousies et d'in-
trigues. En général, c'étaient les plus jeunes et les plus jolies qui jouis-
saient de la faveur royale quelle que fût leur condition précédente. Le
roi pouvait choisir comme héritier un fils [31] d'esclave. S'il était frap-
pé par l'intelligence et le sérieux d'une femme, il s'en servait comme
conseillère et surveillante des hauts fonctionnaires.
RELIGION
CYCLE DE VIE
Jusqu'à 7 ans, quand l'enfant est encore plus ou moins libre, elle
peut jouer pendant le jour et ses soirées sont consacrées à la récitation
ou à l'audition de contes avec ses camarades de jeux. Les enfants se
réunissent dans la maison d'une personne âgée et l'un d'eux sert le
chef. On ouvre la soirée par des devinettes et ceux qui n'ont pas réussi
à trouver les réponses sont condamnés à raconter des contes. Ces
contes étant toujours accompagnés de morale, les enfants apprennent
ainsi, les prescriptions du groupe. Jusqu'à l'âge de la puberté, les en-
fants continuent à jouer et à redire des contes ensemble. Toutefois on
ne les laisse pas aller dans des endroits éloignés où ils échapperaient à
la surveillance des adultes. Dans certaines habitations, les garçons et
les filles jouent séparément à partir de 7 ans, dans d'autres, la sépara-
tion ne se produit que vers 11 ans.
La tendance commerciale est encouragée de bonne heure chez l'en-
fant. Le père ou la mère donne à la petite fille de 8 ou 10 ans quelques
provisions ou marchandises à vendre. Le bénéfice gagné lui appar-
tient 71. Vers 9 ou 11 ans, cette éducation est donnée dans une véritable
école. Les fillettes sont réunies en groupe de 5 à 12 après le coucher
du soleil derrière la maison de celle qui a été choisie comme institu-
trice et qui est chargée de développer les aptitudes commerciales de
ses élèves. Avec des ingrédients fournis par les parents des fillettes,
elle confectionne des gâteaux qu'elle envoie [36] ses élèves vendre au
marché ou en ville. Si l’une d'elles ne réussit pas à vendre sa marchan-
dise on lui donne un autre article sans se moquer d'elle ou la répriman-
der, mais au contraire en l'encourageant par des conseils. Pourtant
celle qui réussit bien est généralement complimentée et présentée en
exemple. Les bénéfices appartiennent aux élèves. L'institutrice n'est
pas payée, le plaisir de diriger ses élèves et le prestige qui en résulte
dans la communauté sont considérés comme suffisants 72.
L'institutrice est particulièrement chargée de faire l'éducation
sexuelle des élèves, pour cela on choisit ordinairement une jeune
femme de 25 à 35 ans afin que la différence d'âge ne soit pas trop
grande pour qu'elle puisse se souvenir de ses expériences person-
nelles. Elle doit pourtant avoir un enfant et avoir une vie sexuelle et
sociale satisfaisante. On commence alors à élargir les lèvres du vagin.
Ceci se fait par de : massages répétés et à l'aide d'instruments méca-
71 Herskovits, op. cit., pp. 269-276.
72 Herskovits op. cit., pp, 278-285.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 44
femmes libres pendant cette période. Bien que les enfants soient fort
désirer, il y a des cas où l'on a recours à l'avortement 75.
La paix du ménage ne dépend pas seulement des relations [40]
entre époux, car l’on vit en communauté. La maison est entourée de
celles des membres de la famille, des autres femmes du mari, de ses
jeunes frères et de leurs femmes, de ses fils mariés et de leurs femmes
ainsi que des enfants de celles-ci. De plus, la femme doit encore parta-
ger son mari avec d'autres épouses qui vivent chez elles. Elle doit
s'adapter et vivre en bonne harmonie avec tout ce monde. Parfois c'est
facile, certaines épouses accueillant bien une nouvelle femme, elles
aident même leur mari à en acheter une, et elles sont bonnes envers les
enfants des autres lits. La plupart des mariages dahoméens sont per-
manents ; c'est une preuve de la bonne entente. Pourtant il y a parfois
une atmosphère très tendue bien que cela ne paraisse pas à la surface.
La tension augmente avec le nombre de femmes, car il y a nécessaire-
ment des favorites. Tout dahoméen considère comme naturel que ses
femmes se jalousent. Le plus ou moins de tact du mari en la circons-
tance joue un grand rôle pour maintenir 1a paix. Dans les grandes
maisons, il y a des jalousies de groupes, et quand deux femmes se
querellent chacune est appuyée par les autres épouses mariées sous le
même régime 76.
Les enfants sont parfois les causes de ces disputes. Une femme
garde ses filles auprès d'elle jusqu'à leur majorité, les fils quand ils
sont assez âgés, vont vivre dans une maison à part, mais vont manger
avec leur mère ou leur grand’mère. Chaque épouse désirant que ses
enfants soient les favoris de leur père, se charge de les corriger avec le
concours de ses parents à elle. Si on amenait trop souvent un enfant à
son père pour être corrigé, cela ferait mauvais effet. Sauf les cas
graves, la mère ne révélera pas à son mari les incartades de ses en-
fants. Ils sont pourtant battus et fouettés par la famille maternelle et
c'est encore une occasion de commérage si le mari favorise les enfants
d'une des mères aux dépens des autres. Bien que ce soit la famille ma-
ternelle qui punisse, l'enfant éprouve pour elle beaucoup plus d'affec-
tion que pour sa famille paternelle. Le lien qui l'unit à cette dernière
est légal tandis que celui qui l'unit à la première est sentimental. Un
père appartient aux enfants de plusieurs [41] femmes et ils seront
75 Herskovits, op. cit., pp. 259-269.
76 Ibid., pp. 336, 341.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 48
79 Ibid., p. 345.
80 Ibid., p. 351.
81 Ibid., p. 351.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 51
[45]
Chapitre III
PÉRIODE FRANÇAISE
dant Montholon déclare, en 1742, que si l'on n'y prend garde, les fran-
çais deviendront rapidement comme les espagnols dont [47] les trois
quarts sont de sang-mêlé. M. de la Rochelar observe qu'au quartier de
Jacmel à la revue qu'il a passée, il a remarqué que « presque tous les
habitants sont mulâtres ou qu'ils en descendent. Cela nous prouve que
les pénalités édictées dans les premières années contre les unions entre
les deux : races ne furent pas très rigoureusement appliquées. L'amour
noir, au surplus, n'inspire pas que des passions illégitimes ». La cupi-
dité aidant, il trouve parfois sa consécration dans le mariage. Dans
quatre mois, écrit M. de Cussy, en 1688, il s'est fait vingt mariages
d'habitants avec des mulâtresses ou des négresses 86. »
En général, toutefois, les choses ne vont pas si loin car la « com-
modité du libertinage éloigna nombre d'habitants du mariage même
avec les femmes blanches 87. »
Par l'Edit de 1685 ou Code Noir, Louis XIV autorisa le mariage lé-
gitime entre les deux races (Cet acte affranchissait la femme et les en-
fants), condamna le concubinage des maitres avec leurs esclaves (les
maitres étaient condamnés à l'amende et à la perte de l'esclave et de
ses enfants confisqués au profit de l'hôpital) et réglementa le mariage
entre esclaves qui ne pouvait avoir lieu qu'avec le consentement du
maître. Cet Edit réglait aussi le sort des enfants nés de ces mariages.
86 Vaissière, op. cit., pp. 74-75.
87 Ibid., p. 77.
88 Ardouin, op. cit., I. p. 35.
89 Vaissière, Ibid., p. 79.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 55
[48]
« Voulons que, si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants
tant mâles que filles suivent la condition de leur mère, et soient libres
comme elle, nonobstant la servitude de leur père ; et que si le père est libre
et la mère esclave, les enfants seront esclaves pareillement. 91 »
« Que voulait donc le Code Noir », dit Moreau de St. Méry « dans
cette partie si favorable à l'affranchissement des esclaves ? Évidemment,
la fusion des deux races d'hommes qui habitaient les colonies françaises,
par les avantages accordés à ceux qui parvenaient à la liberté. Plusieurs de
ces articles témoignent de cette louable préoccupation du Législateur, no-
tamment celui qui prescrivait le mariage entre l'homme libre et la femme
esclave dont il aurait eu des enfants. Mais si les premiers administrateurs
des colonies se montrèrent disposés à seconder les vues du Gouvernement
royal à cet égard, leurs successeurs ne furent que trop empressés à adopter
les préjugés nés dans ces pays lointains, par l'effet de cette corruption mo-
rale que l'esclave engendre 92. »
Les mariages mixtes ne sont pas interdits entre eux, toutefois, ils se
font de plus en plus rares, et de plus en plus grandit le mépris ou
tombent pareilles unions. Une concubine noire, des enfants mulâtres
n'entachent en aucune manière l'honorabilité d'un blanc, en revanche il
n’est pas de pire honte pour un colon que d'être soupçonné d'avoir
dans les veines ne serait-ce que quelques gouttes de sang noir 93.
90 Madiou, op. cit., III, pp. 443, 444.
91 Ibid.
92 Ardouin, op. cit., I. p. 21.
93 Vaissière, op. cit., p. 217.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 56
[49]
Hilliard d'Auberteuil nous raconte « Qu'en exécution de l’Edit de
1865, les missionnaires Jésuites (établis dans la partie du Nord)
avaient entrepris de marier légitimement tous les nègres esclaves ;
mais cette méthode qui ôtait au maitre la faculté de diviser ses es-
claves, nuisait au droit de propriété et à la soumission nécessaire. » Un
mauvais nègre corrompait une famille, cette famille tout l'atelier, et la
conspiration de deux ou trois familles pouvait détruire les plus
grandes habitations, y porter l'incendie, le poison, la révolte 94. »
Comme on le voit, les colons français, par intérêt d'une part, et
pour satisfaire leurs passions de l'autre, favorisaient le concubinage
dont ils donnaient eux-mêmes l'exemple. Ceci joint aux habitudes an-
cestrales de polygamie apportées par les esclaves de l'Afrique, empê-
cha la formation de familles monogames et retarda l'évolution sociale
de la Colonie 95.
Le Père de Charlevoix remarqua à ce propos : « il faut convenir
que dans ce qui se passe au sujet de leur mariage, il y a des inconvé-
nients qu'il faudrait tâcher d'éviter. La loi du Prince ne veut pas qu'un
esclave se marie sans la permission de son maitre, cela est dans l'ordre
d'ailleurs, les mariages clandestins sont défendus et nuls... Les habi-
tants, pour l'ordinaire, se figurent qu'il est contre leur intérêt que leurs
esclaves soient engagés dans le mariage, parce que la loi du Prince
aussi bien que celle de l'Eglise leur défend de vendre le mari sans la
femme et les enfants au-dessous d'un certain âge. Les nègres de leur
côté, ne sont jamais pressés de se marier, parce qu'ils envisagent ce se-
cond engagement comme une espèce de servitude plus onéreuse que
celle où ils sont nés 96. »
La famille et le clan africain étaient entièrement détruits et n'étaient
remplacés par aucune institution stable.
La période trouble de la révolution ne devait guère favoriser les
mariages, aussi malgré la proclamation des Commissaires Polvérel et
Sonthonax qui étendait l'acte d'affranchissement [50] aux familles des
soldats, les mariages n'augmentèrent pas.
97 Mills, H. E., The Early Years of the French Revolution in San Domingo, p.
9 Cornell University, 1889.
98 Moreau de St. Rémy M. I. E., Description de la partie française de l'Ile de
St-Domingue, 2 vols. Vol. I. p, 100, Philadelphia 1797.
99 Boissonade, P., St-Domingue à la veille de la Révolution, pp. 6 et 7. Paris,
1903.
100 Op. cit., I, p. 106 ; II, 13, II, 533.
101 Garran-Coulou J., « Rapport sur les Troubles de St-Domingue fait au nom
de la Commission des Colonies des Comités, etc., 4 vols. Vol. 0. p. 16, Paris,
An Vi. 1798.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 58
vaient occuper des places spéciales dans les théâtres, les auberges, les
églises et les véhicules publics 116.
Ils jouissaient du droit de propriété et pouvaient hériter et acquérir
des terres. Ils faisaient le commerce et exerçaient la plupart des mé-
tiers et avaient même des esclaves. C'est ainsi que, Gouy d'Arcy un
des députés de Saint-Domingue aux Etats Généraux, écrit à la même
époque : que les mulâtres possédaient un dixième des terres et cin-
quante mille esclaves 117.
Quoiqu'il en soit, leurs richesses étaient considérables, et, comme
il y avait peu d'écoles publiques, plusieurs d'entre eux avaient été éle-
vés en France où ils n'avaient guère eu à souffrir du préjugé de cou-
leur, étant reçus avec sympathie par une large section de la population.
Le mulâtre se considérait comme supérieur au noir et un noir libre
n'osait pas acheter un esclave mulâtre car celui-ci aurait préféré la
mort à un tel déshonneur. Les mulâtres étaient réputés pour leur géné-
rosité et leur hospitalité, et particulièrement les femmes faisaient habi-
tuellement preuve de bonté et de compassion envers la pauvreté et les
souffrances. Mais leur moralité était douteuse 118. À part les quelques
filles élevées dans le couvent des religieuses, elles étaient entièrement
illettrées. Le recensement de 1774 révéla que sur un total de 7.000
femmes de couleur libres, 5.000 vivaient en concubinage avec les
blancs 119. Les mulâtresses constituaient la classe des courtisanes des
ports. Ces femmes, pour la plupart, n'avaient aucune moralité, aucune
religion (elles [55] étaient vaines, terriblement extravagantes et extrê-
mement licencieuses 120, Les planteurs et les marchands les considé-
raient comme une nécessité non seulement pour administrer leurs mai-
sons mais aussi pour les avertir des complots parmi leurs esclaves 121.
Vaissière décrit minutieusement leur luxe, leurs toilettes tapageuses et
les grands bals qu'elles offraient fréquemment à leurs amis 122. Bien
que les mariages entre les deux races fussent rares, certaines mulâ-
116 Vaissière, op. cit., pp. 224-227.
117 Stoddard, op. cit., p. 46. Cité par.
118 Ibid., pp. 47, 49.
119 De Lacroix, Général P. A., Mémoires pour servir à l'Histoire de la Révolu-
tion de Saint-Domingue, I. p. 278, Paris 1819.
120 Moreau de Saint-Méry, op. cit., I. pp. 92-97.
121 Vaissière, op. cit., pp. 28 et 282.
122 Ibid., pp. 334-337.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 62
par des piliers en pierre de taille, amenait au moulin l'eau qui descendait
des montagnes voisines. À l'horizon se déployait à perte de vue la mer im-
mense des champs de cannes, de caféiers, de cacaoyers, de cotonniers ou
de bananiers. »
« Sur chaque domaine, un terrain était réservé que le propriétaire divi-
sait en autant de lots égaux qu'il avait d'esclaves. Chaque esclave établis-
sait sur sa portion de terre un petit jardin où il cultivait la patate, l'igname,
le maïs et quelques légumes. Il ne lui était permis d'y travailler que pen-
dant ses heures de repos. Ils se levaient parfois la nuit pendant la période
de clair de lune pour cultiver leur champ 134. »
À part les heures de travail, le dimanche et les jours de [59] fêtes ils
étaient laissés plus ou moins à eux-mêmes et continuaient n mener l'exis-
tence interrompue par la traite. Ils vouaient une grande dévotion à leurs
femmes et à leurs enfants, « Ils (les nègres) travaillent encore davantage et
s'épargnent tout ce qu'ils peuvent afin que leurs femmes et leurs enfants
soient mieux habillés que les autres. Cependant il est rare que le mari fasse
manger sa femme avec lui, quelque amitié qu'il ait pour elle. Ils savent fort
bien les faire souvenir du respect qu'elles leur doivent. Il n'y a que la jeu-
nesse qui, dans le commencement de leur mariage, donne un peu plus de
liberté aux femmes et mange quelquefois ensemble 135. »
la semaine, les nègres, lorsqu'arrivent les derniers jours n'ont plus rien
à se mettre sous la dent ; le second, qu'occupés tout le temps, ils sont à
peu près dans l'impossibilité de faire une cuisine quelconque et réduits
le plus généralement à absorber leurs aliments sans préparation 136. »
Nous avons déjà donné une idée des mœurs des esclaves, nous n'y
reviendrons pas. Nous avons constaté que la femme, astreinte, comme
l'homme, aux plus durs travaux, ne voyait son sort s'améliorer que si
elle savait se concilier les faveurs de son maitre. Les colonisateurs,
hypnotisés par l'appât du gain, négligèrent de s'occuper de la forma-
tion morale de la colonie et surtout de l'éducation de la femme. Les re-
ligieux dans leurs rapports se plaignent sans cesse du manque de reli-
gion des colons. La population n'était retenue ni par la foi religieuse,
ni par la crainte de la justice 139.
Le Code Noir faisait l'obligation aux .maîtres de faire instruire
leurs esclaves dans la religion catholique, mais les prêtres se heur-
taient à l'indifférence ou à l'hostilité des autorités et des colons. Les
planteurs pensaient qu'il était dangereux d'instruire les nègres. « La
sûreté des blancs exige qu'on les tienne dans la plus profonde igno-
rance et qu'on les traite comme des bêtes 140. »
[65]
Chapitre IV
PÉRIODE HAÏTIENNE
dire cet état de choses, le 28 mai 1805, Dessalines fit une loi qui don-
nait aux enfants naturels, reconnus, les mêmes droits civils qu'aux en-
fants légitimes. D'après cette loi, le statut de l'enfant dépendait de la
reconnaissance de ses parents, il héritait de celui ou de ceux qui
l’avaient reconnu et l'enfant dont les parents mouraient avant la recon-
naissance et qui pouvait prouver sa filiation, recevait [68] sa part d'hé-
ritage ; les enfants nés hors mariage, étaient légitimés par le mariage
subséquent de leurs père et mère et un père engagé même dans les
liens du mariage pouvait reconnaître un enfant naturel né pendant, le
cours du dit pariage ; les droits de succession des enfants naturels,
étaient reconnus les mêmes que ceux des enfants légitimes, l'époux
avait le droit de désavouer l'enfant adultérin qui, dans ce cas n'héritait
que de sa mère 149. Il disait « qu'il serait injuste d'établir des droits in-
égaux dans les successions entre des hommes qui sortaient tous de la
même servitude ou de la dégradation ; que nulle disposition de loi ne
pouvait empêcher un haïtien d'hériter de celui qui lui avait donné le
jour quand celui-ci l'avait reconnu ; que les indigènes avaient tous été,
pour ainsi dire, légitimés par la révolution 150. »
Cette loi, comme le dit Madiou, était en harmonie avec les mœurs
des haïtiens qui, presque tous, étaient des enfants naturels ; toutefois,
elle consacrait une injustice envers la femme en permettant au père de
ne pas reconnaître son enfant et, sur simple soupçon, de recourir au
désaveu de la paternité. La même loi admettait le divorce pour des
causes multiples : adultère, incompatibilité de caractère et consente-
ment mutuel après simple tentative de conciliation devant le conseil
de famille. Cette loi encouragea les familles telles qu'elles étaient
constituées mais affaiblit le mariage qui ne devenait plus nécessaire
pour transmettre la propriété aux enfants.
Les mœurs continuaient à être aussi relâchés que durant la période
coloniale et les dirigeants eux-mêmes donnaient l'exemple de la dé-
bauche.
« Il (Dessalines) entretenait dans chaque ville des maîtresses aux-
quelles il fournissait des soins considérables... Le mariage loin d'être
honoré était presque un objet de mépris. Beaucoup de grands digni-
taires de l'empire étaient ; comme nous disons chez nous « placés » ou
lui donnait un rôle secondaire et, après avoir essayé vainement d'im-
poser de force ses idées, il constitua dans le nord une république indé-
pendante qu'il transforma bientôt en royaume, tandis que son rival, le
général Pétion, était élu président dans le sud. La scission dura treize
ans.
Nous laissons à d'autres le soin de relater les tâtonnements inévi-
tables de la jeune nation noire qui, péniblement, cherchait sa voie sans
aucune aide des états possesseurs d'esclaves. Ils décriront les efforts
des leaders, brillants soldats, mais illettrés pour la plupart, sans au-
cune expérience administrative et qui, fidèles à leur idéal de justice et
de liberté, essayaient d'organiser un état souverain.
Nous nous contenterons d'indiquer ici les faits qui ont influé sur la
situation de la femme et sa participation à l'évolution de la nation.
Christophe, qui succéda à Dessalines, réprouvait les mœurs colo-
niales préconisant les unions libres. « Ces états précaires, disait-il, ne
convenaient guère à une constitution stable de la famille, » Il s'était
marié à l'âge de 26 ans en 1793 à Marie-Louise Codavid qui avait
alors 15 ans. Ils eurent quatre enfants 152. Madame Christophe comme
Madame Dessalines, exerça le plus heureux ascendant sur son mari.
Elle était, dit-on, « née dans des conditions relativement avantageuses.
Ayant reçu une éducation de famille, elle était particulièrement douée
par la nature et digne du titre de reine que la nation lui décernait avec
enthousiasme 153. » Elle partagea les périls et les péripéties de la longue
carrière de son mari avec le courage et l'héroïsme qui ont distingué
nombre de femmes de cette époque.
L'histoire rapporte que Christophe cédait avec tendresse à ce qui
pouvait faire plaisir à sa femme. Elle obtint ainsi la grâce de nom-
breux militaires et civils coupables d'avoir enfreint les ordres du roi.
Leurs deux filles, Améthyste et Athénaïs, qui avaient reçu une
brillante éducation sous la direction [71] de deux préceptrices améri-
caines, sont aussi célèbres pour leur intelligence et leurs talents.
Aucun homme ne pouvait prétendre à une fonctions dans le
royaume s'il n'était marié. D'après Leconte « c'est pour avoir exigé de
ses sujets cette formalité essentielle que certains d'entre eux s'unirent
Pressées par le besoin, la femme, la jeune fille, qui avaient été tou-
jours confinées aux travaux d'intérieur, dépendant financièrement et
socialement des hommes de la famille, se virent obligées d'aller cher-
cher leur subsistance au dehors. [80] Leur préparation insuffisante li-
mitant leur champ d'action, elles songèrent à s'instruire afin de mieux
gagner leur vie. Ceci coïncida avec l'ouverture de deux écoles : l'Ecole
Elle Dubois pouf la formation professionnelle des filles et l'Ecole Nor-
male de Filles pour la préparation des institutrices. Ces deux écoles di-
rigées par des institutrices compétentes ouvrirent des horizons nou-
veaux à la jeunesse féminine qui avait dû se contenter jusqu'à présent
d'une instruction primaire supérieure. Nous assistons alors à une véri-
table ruée vers les écoles de commerce, quelques jeunes filles en-
trèrent à l'école de pharmacie 172. Les écoles d'infirmières et de sage-
femmes virent affluer de nombreuses élèves. Enfin en 1929, la Faculté
de Droit inscrivit ses premiers étudiants. En 1930, une nouvelle étape
est franchie, l'Ecole d'Art Dentaire et en 1934, la Faculté de Médecine
ouvrirent leurs portes aux jeunes filles. Avec l'indépendance écono-
mique, les femmes gagnèrent une plus grande liberté d'allure et de
pensée, elles s'intéressèrent davantage aux œuvres sociales et aux
sports. Les jeunes filles commencèrent à fonder des groupements
mondains, sportifs et littéraires, tels que Primavera en 1921, Fémina
en 1923 à Port-au-Prince ; Printania, en 1926, au Cap-Haitien ; l’Ex-
celsior à Jérémie, etc..
L'assistance sociale reçut une impulsion nouvelle. La jeunesse sen-
tit le besoin de se grouper dans un commun désir de justice sociale en
fondant des œuvres collectives. En 1925, deux associations de jeunes
filles, les pupilles de St. Antoine et le Noël virent le jour. Il y eut
quelques années plus tard toute une floraison d'autres œuvres sociales
féminines : la Crèche, les Pupilles de Ste. Thérèse, l'Œuvre des Colo-
nies de Vacances (1930), la Sainte Famille (1933), la Croix Rouge.
À partir de cette époque l'haïtienne s'émancipa de la tutelle de
l'église. Elle ne se contenta plus de participer aux œuvres paroissiales
comme « le Noël » et différentes confréries dirigées par les prêtres,
mais toutes les autres associations, [81] ci-dessus énumérées, furent
d'initiative laïque bien que parfois placées sous le patronage du clergé.
Même les jeunes filles dirigeaient elles-mêmes leurs associations ;
172 Par le règlement du 5 février 1920 de l'École de Médecine, les femmes
eurent accès à la section de Pharmacie.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 86
173 Commission d'Enquête envoyée par le Sénat Américain pour enquêter sur
l'Occupation Américaine en Haïti.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 87
« Telle qu'elle est, nous pensons que cette loi donnera, pleine satisfac-
tion à tous, qu'elle témoignera de notre esprit de justice envers la femme
haïtienne, qu'elle, facilitera, au plus haut point les affaires commerciales
ou autres entreprises des femmes mariées ; qu'elle réparera, une injustice,
séculaire envers les femmes séparées de leur mari de corps et non de
biens, et tenues quand même sous une tutelle injuste ; bienfaits dont la
femme haïtienne sera redevable à la louable initiative du sénateur St.
Aude 176. »
[88]
La même année, deux autres propositions de lois concernant la
femme furent présentées au Sénat : la proposition de loi Fanfan sur la
recherche de la paternité et la proposition de loi Albert sur la régle-
mentation de la prostitution. Ces deux propositions furent rejetées.
Répondant à une demande expresse du Président de la République,
le comité législatif de la Ligue Féminine d’action Sociale présentait,
en Juillet 1939, un projet général de modification du Code Civil en ce
qui a trait au statut de la femme. Aucune suite ne fut donnée au projet
malgré les promesses réitérées du Département de la Justice.
Quelques mois après sa fondation, la Ligue recevait la visite de
deux déléguées de la Commission Interaméricaine de Femmes de
l'Union Panaméricaine, Madame Helena Hill Weed et Mademoiselle
Mary Winsor. Ces déléguées venaient demander la ratification du trai-
té de la nationalité de la femme signé par le gouvernement haïtien à la
conférence panaméricaine de Montevideo en 1923 et l'adhésion au
traité sur l'égalité des droits civils et politiques des hommes et des
femmes présenté à cette même conférence par l'Uruguay le Paraguay,
Cuba et l'Équateur. La ligue aida ces messagères du bon vouloir dans
leur mission délicate, adhéra aux principes formulés dans le traité des
quatre états et, depuis lors, réclama continuellement la ratification du
176 Rapport de la Commission de Justice du Sénat concernant la proposition
de loi St. Aude « Voix des Femmes », No. 19, Avril 1936 p. 7.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 93
[91]
Par cet amendement, l'haïtienne pouvait être élue ou nommée à
toutes les fonctions à l'exception de celle de président, mais le droit de
suffrage lui était toujours refusé.
Le 25 décembre 1944 un décret-loi fut promulgué autorisant la re-
cherche de la paternité dans certains cas déterminés et accordant aux
enfants naturels reconnus les mêmes droits que les enfants légitimes.
Ce décret-loi avait pour but d'accorder une plus grande protection aux
mères non mariées et aux enfants naturels, car l'exposé des motifs sou-
lignait : « la justice exige d'abord que les auteurs de l'enfant naturels
n'aient pas le .moyen de se dérober à l'obligation de le reconnaître, en-
traînant celle de lui donner leur nom et de pourvoir à son entretien et à
son éducation 180. »
D'autre part, en vue de faciliter le mariage des paysans, le gouver-
nement, par le décret-loi du 15 janvier 1945, les exonérait du paie-
ment des taxes des actes de mariage 181.
Malheureusement, l'amendement constitutionnel accordant l'éligi-
bilité à la femme n'était qu'une manœuvre politique destinée à atténuer
l'impopularité d'un autre amendement voté en même temps, prolon-
geant le mandat présidentiel.
179 Le Moniteur, 99ème Année, No. 34, 20 Avril 1944, Port-au-Prince, 1944.
180 Le Moniteur, 99ème Année, No. 105, 25 Déc. 1944, Port-au-Prince, 1944.
181 Le Moniteur, l00ème Année, No. 5, 15 Janvier 1945, Port-au-Prince, 1945.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 96
[101]
Deuxième partie
LA FEMME DANS
LA FAMILLE, LA SOCIÉTÉ
ET L’ÉCONOMIE HAÏTIENNE
[102]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 106
[103]
Chapitre I
STATUT LÉGAL
1 — DROITS CIVILS
a) Mariage.
parents dans le cas où il s'impose devra être donné par écrit ou verba-
lement.
Les conjoints doivent payer une taxe de dix gourdes pour avoir une
copie de leur acte de mariage néanmoins le paiement de cette taxe est
supprimé pour les indigents 196.
Une action en nullité peut être intentée contre tout mariage qui a
été contracté en contravention des dispositions [105] légales soit par
les époux, soit par tous ceux qui ont intérêt, soit par le ministère pu-
blic 197.
Le mariage qui a été déclaré nul, produit néanmoins des effets ci-
vils à l'égard de l'époux qui l'avait contracté de bonne foi et des en-
fants issus de cette union 198.
Le Code se charge de fixer la situation réciproque des deux époux.
Le mari est le chef de la famille. Il doit protéger sa femme et elle doit
lui obéir 199. La situation est ainsi nettement établie : d'un côté, autorité
absolue et de l'autre dépendance complète. « Là est consignée, dit
Price Mars, la règle qui fixe les devoirs des époux avec une inflexibi-
lité tellement unilatérale que, des deux parties en cause, une seule a
probablement dressé le contrat 200. »
En se mariant la femme prend habituellement le nom de son mari
bien qu'il n'y ait aucune disposition légale qui l'y oblige. Elle continue
à porter ce nom même après la mort de son mari, mais en cas de di-
vorce elle reprend habituellement son nom de famille.
L'haïtienne mariée à un étranger conserve sa nationalité mais ne
peut la transmettre à son enfant que s'il n'a pas été reconnu par son
père. L'étrangère mariée à un haïtien suit la condition de son mari 201.
Le Code impose au mari comme à la femme le devoir de fidélité 202
mais ici l'inégalité entre les époux éclate de façon flagrante. La Légis-
196 Léger, op. cit., Lois-du 16 Décembre 1929 et Arrêté du 10 Janvier 1930.
197 Ibid., op. cit., Art, 165 et suivant C. C.
198 C.C. art. 187 et 188.
199 C. C. art. 197.
200 Mars. Price, op. cit., pp. 101 — 102.
201 Loi du 22 Août 1907 sur la nationalité modifiée par le décret-loi du 25 Oc-
tobre 1942.
202 Léger. Abel, op. cit., Art. 196.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 109
son mari, peut disposer de son salaire ou des revenus provenant de son
travail personnel, à l'exception de la portion qui doit être affectée à sa
contribution aux charges du ménage. Elle peut en faire le dépôt dans
une banque ou dans une maison de commerce à son crédit personnel
ou l'employer pour l'acquisition de biens mobiliers ou immobiliers.
Elle peut, sans l'autorisation de son mari, aliéner à titre onéreux, les
biens ainsi acquis 216.
Ces dispositions ne sont pas applicables aux gains résultant [109]
d'un travail commun des époux. Dans ce cas, c'est toujours le mari qui
en a seul l'administration.
L'incapacité de la femme subsiste quel que soit le régime matrimo-
nial adopté, cependant les stipulations du contrat de mariage peuvent
l'augmenter ou la diminuer.
En principe les époux sont entièrement libres de fixer eux-mêmes,
par contrat, avant le mariage les dispositions régissant leurs biens
pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes mœurs et ne dé-
rogent pas aux droits résultant de la puissance maritale sur la personne
de la femme et des enfants, ou qui appartiennent au mari comme chef,
c'est-à-dire seigneur et maitre de la communauté, ni aux droits confé-
rés par le Code au survivant des époux 217.
En tenant compte de ces restrictions, les époux peuvent adopter
avec ou sans modification l'un des régimes suivants : communauté
restreinte ou universelle, sans communauté, séparation de biens et do-
tal 218.
À défaut de contrat les époux sont censés mariés sous le régime de
la communauté légale qui forme le droit commun en Haïti 219.
Le régime de communauté est caractérisé par le fait que tout ou
partie des biens des époux sont mis en commun et ne sont partagés
qu'à la dissolution du mariage.
Toutes espèces de modifications peuvent être apportées conven-
tionnellement à ce régime. Consistant principalement dans la quantité
des biens faisant partie de la communauté et les droits respectifs d'ad-
216 Le Moniteur, 99e année, Mo. 4 — 13 Janvier 1944, Port-au-Prince, 1944.
217 Léger, op. cit., art., 1173 et 1174.
218 Ibid., art. 1282 à 1366.
219 Ibid., art. 1179.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 113
ministration et de disposition des époux 220. Quand tous les biens pré-
sents et à venir forment une masse commune ; nous avons le régime
de la communauté universelle 221. Quand les biens meubles seuls de-
viennent la propriété des deux époux ainsi que les revenus des im-
meubles personnels des époux et leurs biens à venir, nous nous trou-
vons en présence de la communauté légale, ou de meubles et d'ac-
quêts, notre régime de droit commun 222.
[110]
Quand tous les biens personnels que les époux possédaient avant le
mariage : meubles et immeubles continuent à leur appartenir en
propre, nous avons la communauté réduite aux acquêts, c'est-à-dire
aux acquisitions faites par les époux provenant de leur travail ou de
leur industrie commune et des économies qu'ils ont réalisé 223.
Dans le régime sans communauté, chaque époux conserve la pro-
priété de tous ses biens mais tant que dure le mariage la femme n'a pas
le droit d'administrer ses biens ni d'en percevoir les revenus qui sont
censés apportés au mari pour soutenir les charges du mariage 224.
Dans le régime sans communauté, chaque époux conserve l'entière
administration de ses biens meubles et immeubles et la libre jouis-
sance de ses revenus. Pourtant l'autorisation expresse du mari ou à son
refus de la justice est nécessaire pour l'aliénation de ses immeubles.
Chacun des époux contribue aux charges du mariage suivant les
conventions contenues en leur contrat ; et s'il n'en existe point à cet
égard, la femme contribue à ces charges jusqu'à concurrence du tiers
de ses revenus. À la dissolution du mariage, la femme recouvre la
pleine propriété de ses biens. Si le mari a eu la jouissance des biens de
sa femme durant le mariage, il n'est tenu à sa dissolution qu'à la repré-
sentation des fruits existants et ne doit point rendre compte de ceux
qui ont été consommés jusqu'alors.
Dans le régime dotal, la dot est le bien que la femme apporte au
mari pour supporter les charges du ménage, il en a l'administration et
ou de la justice pour tous les actes importants 239. Elle devra contribuer
proportionnellement à ses facultés et à celles de son mari, tant aux
frais du ménage qu'à ceux d'éducation des enfants communs. Elle doit
supporter entièrement ces frais, s'il ne reste rien au mari, Les [115]
époux peuvent décider par acte notarié de mettre fin à la séparation
des biens et de rétablir la communauté qui reprendra alors effet du
jour du mariage.
Si la vie commune lui est insupportable, la femme peut recourir à
la séparation de corps ou au divorce.
Plusieurs femmes préfèrent la séparation de corps, car elle est per-
mise par l'église. Elle peut être demandée par chacun des époux pour
les causes qui donnent lieu au divorce, mais ne peut avoir lieu par le
consentement mutuel des époux. Quand elle est prononcée, elle sus-
pend la puissance maritale sur la personne et les biens de la femme,
elle entraîne toujours la séparation détiens et redonne à la femme sa
pleine capacité civile, sans qu'elle ait besoin de recourir à l'autorisa-
tion du mari ou de la justice, tout en laissant subsister les liens du ma-
riage. Après trois ans, le jugement de séparation de corps peut être
converti en divorce sur la demande d'un des époux 240.
La femme peut aussi demander le divorce pour l’une des causes
suivantes : adultère, excès, sévices, injures graves et ; publiques,
condamnation définitive de l'un des époux à une peine afflictive et in-
famante et par consentement mutuel 241. La femme pourra être autori-
sée, dès le début de la poursuite à quitter le domicile du mari. Dans ce
cas, le tribunal lui fixera une demeure provisoire ; elle pourra aussi
demander une pension alimentaire et la garde des enfants pendant
cette période. Après le divorce, c'est l'époux qui a obtenu gain, de
cause qui exerce la puissance paternelle ; à moins que le tribunal ne
décide pour le plus grand bien des enfants de les confier à l'autre
époux, à leurs grands parents ou à une maison d'éducation, mais
quelque soit le lieu où résident les enfants, les pères et mères
conservent toujours leurs droits de surveillance et surtout d'entretien.
[120]
À son lit de mort, la mère veuve a le droit de désigner un tuteur à
ses enfants mineurs. Sinon cette tutelle sera conférée à l’aïeul paternel
de préférence à l’aïeule maternelle et ainsi de suite, en montant de gé-
nération en génération.
d) Unions illégitimes.
L'enfant naturel reconnu a les mêmes droits que l'enfant [122] légi-
time. Il porte le nom du parent qui l’a reconnu ou s'il a été reconnu par
les deux, celui de son père.
Celui ou ceux qui ont reconnu l'enfant sont tenus de pourvoir à son
entretien et à son éducation. La puissance paternelle est exercée ordi-
nairement par le parent avec qui l'enfant habite ; si les parents habitent
ensemble, le père a la prépondérance comme dans le mariage.
La reconnaissance faite pendant le mariage par l’un des époux au
profit d'un enfant naturel qu'il aurait eu avant son mariage d'un autre
que son époux, ne pourra nuire ni à celui-ci ni aux enfants nés du ma-
riage ; néanmoins elle produira son effet après la dissolution de ce ma-
riage, s'il n'en reste point d'enfant 269. Dans ce cas, l'enfant naturel perd
son droit à une pension alimentaire parce que les sommes qui lui se-
raient attribuées devraient être prises sur les revenus dont jouissent les
époux.
Les enfants naturels légalement reconnus héritent de leur père ou
mère ou de leurs ascendants naturels. Ils n'héritent jamais des ascen-
dants légitimes de leurs père ou mère.
La part de l’enfant naturel sera égale à celle de l'enfant légitime.
En cas de prédécès d'un enfant naturel, ses descendants héritent de ses
droits 270.
Les enfants adultérins ou incestueux n'ont droit qu'aux aliments,
c'est-à-dire à l'entretien et à l'éducation. Ceci constitue seulement une
obligation morale bien qu'elle soit consignée dans le code, il leur est
impossible de faire valoir ce droit, car ils ne peuvent être reconnus 271.
La succession de l'enfant naturel décède sans postérité légitime ou
naturelle et sans frère ni sœur naturel, ni descendants d'eux est dévo-
lue au père ou à la mère qui l'a reconnu ou par moitié à tous les deux,
s'il a été reconnu par l’un et par l'autre.
2. DROITS POLITIQUES.
Les femmes peuvent donc être nommées ou élues à toutes les fonc-
tions ; légalement il n'existe aucune discrimination à leur égard, elles
sont soumises aux mêmes règlements administratifs que les hommes
et ont droit à une pension de retraite, [124] après au plus vingt-cinq
ans de service, équivalente à la totalité ou à une partie de leurs appoin-
tements, suivant qu'elles ont occupé des postes dans l'enseignement ou
dans d'autres services de l'État 275.
La loi sur le travail accorde aux femmes travaillant dans les ser-
vices publics de l'Etat et les entreprises privées, un congé annuel de 15
jours et un congé de maternité de six semaines, trois semaines avant
l'accouchement et trois semaines après, pendant lequel elles devront
toucher l'intégralité de leur salaire 276.
Enfin les femmes fonctionnaires de l'Etat et des Administrations
contrôlées par l'Etat, les employées des entreprises agricoles, commer-
ciales et industrielles, les institutrices des établissements d'enseigne-
ment privé et le personnel domestique rémunéré en nature ou en es-
pèces bénéficient des assurances sociales sur les accidents de travail.
Les femmes chefs d'entreprises, celles qui travaillent avec leur
mari et les enfants de 18 ans ou au-dessous qui travaillent pour le
compte de leur père et mère et à leur domicile sans recevoir un salaire
en espèces déterminé à l'avance, ne participent pas pour le moment
aux assurances sociales 277.
Les assurés, victimes d'accident de travail, ont droit à l'assistance
médicale et à une rente mensuelle proportionnelle au degré de l'inca-
pacité ou des deux tiers de leur salaire, suivant que l'incapacité est
partielle ou totale. Le montant de cette indemnité ne peut pas être in-
férieur à soixante-dix gourdes, ni supérieur à cinq-cents gourdes.
En cas de décès, les héritiers recevront de plus une indemnité funé-
raire, équivalente à un mois du salaire de base de l'assuré, victime d'un
275 Le Moniteur, lois sur les pensions du 5 Févr. 1923, du 12 Janv. 1943, du 25
Déc. 1945, Du 21 Août 1950 et du 20 Sept 1952.
276 Le Moniteur, Loi sur le travail 10 Août 1934.
277 Le Moniteur, Loi sur les assurances, sociales 12 Septembre 1951 Jusqu'à
présent pendant une période d'essai l’assurance accident de travail a été
seule mise en application ; plus tard les assurances couvriront les risques de
maladie et de maternité.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 128
3. COUTUMES TRADITIONNELLES
Comme nous l'avons vu, le code civil donne à l'haïtienne une situa-
tion inférieure dans la famille vis-à-vis de son mari et de ses enfants,
toutefois ces lois ne correspondent pas à un état de fait et ne tiennent
pas compte des conditions sociales.
a) Unions Matrimoniales.
parfois avec plus d'une femme 280. La proportion de placage n’est pas
plus élevée dans certaines communautés rurales : sur les 884 familles
étudiées par M. Dartigue un [127] peu plus de 25% prétendaient vivre
dans les liens du mariage. Dr. Simpson estime le pourcentage des
unions légitimes à 17% ; dans la région de Plaisance 281. D'autre part,
d'après les statistiques de l'Enseignement Rural 21.61% des parents de
1.453 élèves des fermes-écoles situées dans les centres ruraux et 30%
des parents de 333 élèves des écoles de bourgs sont mariés 282. Il y a de
grandes variations locales. À Poteau, communauté rurale, sur 275 fa-
milles, 17 seulement étaient mariées, sur 300 enfants 25 seulement
étaient légitimes, ce qui donne un peu moins de 8%. De même dans la
Colonie Agricole du Grand Bassin sur 299 colons adultes inscrits il
n'y en avait que 22 engagés par les liens du mariage, ce qui fait à peu
près 7% 283. D'après une enquête faite par le Département de l’Agricul-
ture sur les conditions de vie de 372 familles de la région de la Vallée
de l’Artibonite 62,6% ou presque les deux tiers des chefs de ménage
visités vivent dans la « placage » approximativement et 18% sont ma-
riés.
On observe une très faible proportion de célibataires et de veufs 284.
À Hinche, par contre nous avons constaté au cours d'une enquête que
sur 1.150 baptêmes, il y avait 690 enfants naturels pour 460 légitimes.
Le pourcentage est même plus élevé pour la population du bourg pro-
prement dit, car un grand nombre d'enfants naturels des campagnes
environnantes sont baptisés en ville.
Dans mon enquête parmi 230 femmes des bourgs et communautés
rurales il y a 123 personnes mariées, ce chiffre est particulièrement
élevé et ne représente pas les conditions habituelles existant dans les
campagnes 285. Les femmes interrogées constituent l'élite des commu-
nautés rurales, car les institutrices se sont adressées à leurs amies qui
sont ordinairement plus évoluées que la majorité. Dans les bourgs au
280 Ibid., p. 19.
281 Dartigue, op. cit. p. 1.
282 Rapport de la Section des Statistiques 1939-1940. Archives Services Na-
tional de la Production Agricole et de l'Enseignement rural.
283 Sylvain, Pierre G. (Le Problème Matrimonial dans les campagnes) Voix
des Femmes » No. 39 Mai 1939 p. 5.
284 Bulletin Trimestriel, op.cit. No. 7 Décembre 1952 p. 15.
285 Appendice I. Table 12.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 131
[129]
Il en est de même dans les classes pauvres des villes. D'après l'en-
quête de Mme Comhaire sur mille deux cent six enfants interrogés
dans mille trente-huit cas, la charge morale de l'enfant revenait à une
personne de la famille spirituelle ou naturelle, sur ce nombre il y avait
deux cent quarante-sept cas ou vingt-quatre pour cent où il ne s'agis-
sait ni du père ni de la mère, les enfants étant adoptés par des per-
sonnes de la famille ayant plus d'argent ou plus de loisirs, quatre-
vingt-huit enfants vivaient avec des étrangers, parfois il s'agissait d'en-
fants habitant d'autres régions du pays, venant pour leur éducation à la
capitale. Dans sept cent quatre-vingt-trois cas ou soixante-quatre pour
cent, c'étaient des femmes qui étaient responsables des filles, dans
cent cinquante-trois cas des hommes et dans cent cas des parents des
deux sexes 291.
b) relations familiales.
Quel que soit le mode d'union, la famille est l'unité sociale par ex-
cellence de la nation haïtienne. Dans les villes comme dans les com-
munautés rurales, la vie de famille est universellement répandue. On
ne rencontre point ou presque point d'individus vivant seuls, même les
célibataires vivent avec leurs parents.
Autrefois à la campagne, comme en Afrique, le groupement type
était la famille étendue, comprenant tous les individus vivants, issus
d'un ancêtre commun et placés sous l'autorité matérielle et morale du
chef de famille ; il s'est désagrégé en raison du morcellement des
terres et de la fragilité des [133] liens du mariage, pourtant il subsiste
en partie dans beaucoup d'endroits.
Les parents habitent ordinairement à proximité l'un – de l'autre leur
maison étant construite sur des terrains provenant d'un héritage com-
mun.
Certaines femmes interrogées au cours de notre enquête évaluent à
plus de cent le nombre des membres de leur famille, d'autres pré-
tendent qu'elles ne peuvent pas le calculer. Le plus âgé du groupe,
homme ou femme, a hérité des pouvoirs du chef de clan et exerce
avec les autres vieillards une autorité prépondérante sur la vie sociale
291 Comhaire Sylvain, Suzanne. « Ce que…», op. cit., pp. 6-9.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 136
294 Sylvain, Jeanne G., « L'Enfance paysanne en Haïti » Haïti, Poètes Noires,
Présence Africaine, Ed. du Seuil 12, Paris 1951 p. 93.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 138
la tête, qui le tua par accident. Elle fut acquittée par le tribunal, mais
n'osa retourner au village affronter la réprobation de la famille du dé-
funt. En général toutefois, la jurisprudence ne considère pas comme
un délit le fait par un mari de battre sa femme. Celle-ci, soumise en
apparence, désire pourtant un meilleur sort.
Au cours de la campagne féministe, l'argument décisif qui gagna
l'adhésion des femmes du peuple à la cause fût « que le règne du bâton
était terminé », que si la femme obtenait les droits qu'elle réclamait,
elle serait légalement protégée contre les violences de l'homme et
qu'elle pourrait l'obliger à reconnaître et à entretenir ses enfants. Ce
dernier argument a plus d'importance en ville qu'à la campagne, car
les paysans reconnaissent ordinairement leurs enfants naturels et c'est
seulement par négligence que certains tardent à le faire.
[137]
En ce qui concerne la question des biens, habituellement durant le
mariage, le mari n'exerce pas les pouvoirs que lui confère le législa-
teur. La femme de la bourgeoisie ou de la classe moyenne dirige le
foyer sans contrôle excessif du mari, elle fait tes dépenses du ménage
et à part quelques exceptions son conjoint la consulte avant de faire
des transactions importantes. A la dissolution du mariage, l'application
du régime de communauté n'est pas tellement désavantageuse pour
elle, car dans les classes aisées, les seules d'ailleurs dans lesquelles il y
ait une fortune à partager, le mari, par son travail, est souvent le seul
ou le principal artisan de la fortune commune, qui doit être partagée
également entre les deux époux.
Nous reviendrons ultérieurement sur cette question avec plus de détail
en étudiant le cycle de vie de la femme de la bourgeoisie.
La femme, quand elle travaille, contribue ordinairement aux dé-
penses de la famille et se charge souvent des frais du ménage si c'est
nécessaire. La loi l'oblige à participer aux dépenses pour le tiers, de
ses revenus, mais le mari ne consent à jouir des rentes de son épouse
que, forcé par la nécessité, car il considère qu'il doit seul subvenir aux
frais du ménage. Cette coutume toutefois se transforme rapidement
avec l'augmentation du nombre des femmes de la bourgeoisie qui
exercent un métier ou une profession.
La citadine du peuple ou de la classe moyenne travaille ordinaire-
ment autant que l'homme. Dans les familles régulières, le père et la
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 140
[142]
[144]
Chapitre II
RÔLE DE LA FEMME
DANS LES DIFFÉRENTES CLASSES
DE LA SOCIÉTÉ
liance Internationale des Femmes pour unir ses efforts à ceux des
femmes du monde entier qui luttent pour la même cause. Elle a son
siège à Port-au-Prince où elle maintient à l'Avenue Marie-Jeanne une
permanence qui est ouverte tous les jours.
Nous avons déjà parlé de l'action de la Ligue en faveur de l'amélio-
ration des conditions de la femme et du suffrage. Pour le moment, elle
concentre ses efforts sur la préparation civique de la femme. À cette
fin, elle a recommencé à publier son organe « Voix des Femmes » et
organise chaque semaine des séances d'études et de discussions. Elle
vient aussi de fonder une caisse coopérative populaire.
Elle a sept filiales : à Port-de-Paix, à St. Marc, aux Cayes, à Pé-
tionville, à Léogâne, aux Gonaives et au Cap-Haitien, fonctionnant
avec les mêmes statuts que le Comité Central avec lequel elles colla-
borent étroitement. Ces filiales gardent néanmoins toute leur indépen-
dance en ce qui a trait à leur programme d'action immédiate, s'appli-
quant à satisfaire d'abord les besoins locaux. L'Association a de plus
des représentantes dans les autres villes importantes.
L'action éducative de la Ligue s'exerce par les cours du soir pour
les ouvrières dans quelques centres populeux. Tout en combattant
l'analphabétisme, on y inculque les premières notions d'hygiène, de
puériculture, de civisme et de morale ; des cours pratiques ménagers
sont ajoutés aux programmes des écoles dès que les disponibilités
budgétaires le permettent ; des séances de cinéma éducatif y sont
faites de temps en temps. L'action de ces cours est élargie par des as-
sociations d'ouvrières ayant un but récréatif et social et la création de
coopératives. Tous les deux ans, un Congrès réunit les membres de
l'Association ainsi que les représentantes des filiales, on y fait le bilan
de l'œuvre accomplie, on y discute le programme futur et les questions
sociales importantes pour le progrès du pays.
Comme on a pu le constater dans la première partie de notre ou-
vrage, la Ligue a joué un rôle important pour l’évolution de la femme
haïtienne. Si elle ne peut pas se vanter [150] de conquêtes éclatantes,
elle creuse son sillon petit à petit, son influence se fait sentir dans bien
des domaines, et bien qu'elle ne soit pas l’unique cause de certaines
améliorations sociales, elle en est certainement l'un des facteurs.
Depuis 1948, les organisations syndicales ont été créé en Haïti et la
femme participe à leurs activités. Certains syndicats, où la main-
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 152
305 Rapport des activités de la Fondation Mme. Paul E. Magloire, Janvier 1952
— Janvier 1953.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 155
2) RÔLE ÉCONOMIQUE.
donne quelquefois à coudre des robes au dehors, soit parce que le temps
manque, soit parce que l'enfant désire certains modèles plus chics pour les
jours de fête, soit au contraire, parce que la maman trouve plus écono-
mique de faire exécuter ses robes de tous les jours et celles de la fillette
par une autre couturière, dont les tarifs sont moins élevés. » 309
une machine à pied. 324 À Port-au-Prince, les deux tiers des 1.200 fa-
milles de l'enquête de Mme Comhaire possédaient une machine à
coudre. Il est à remarquer que le plus souvent, ces machines servent à
plusieurs [165] familles et sont prêtées à des amies qui n'en possèdent
pas.
Les marchés jouent un rôle de premier plan dans l'économie des
campagnes. Il y a les grands marchés qui se trouvent dans les villes ou
à la croisée des routes importantes et où se rendent les habitants de
toute une région. Certains sont spécialisés pour la vente du bétail ou
de produits déterminés.
Les marchés ruraux ne comportent ordinairement pas de construc-
tion. Ce sont de grands espaces libres avec parfois des abris rudimen-
taires où les marchandes peuvent s'installer. À proximité, se trouve un
enclos pour les bêtes de charge.
À l'intérieur des marchés, il y a différentes sections pour la vente
des produits agricoles et artisanaux : viande, volaille, légumes, fruits,
céréales et chapeaux, sandales, tissus, cordes, nattes, etc… vêtements
confectionnés, articles de la ville, savon, fil, cigarettes, etc.
On y trouve aussi des boissons, des aliments cuits, des friandises
etc. Tout autour des marchés des villes ou villages, il y a une série de
boutiques où s'approvisionnent les marchandes.
Dans les marchés haïtiens comme dans les marchés dahoméens,
les échanges se font directement, les cultivateurs y écoulent leurs pro-
duits. Ce sont ordinairement les femmes qui y font le commerce.
Comme autrefois en Afrique, les paysannes se lèvent avant l'aube, par-
fois à deux heures du matin ou la distance est très grande, elles se
mettent en route la veille et dorment au bord du chemin ou sous des
galeries en attendant l'ouverture du marché.
Elles voyagent à pied en groupe, transportant leurs fardeaux sur la
tête, les plus fortunées ont un âne.
Le marché commence au lever du jour et dure jusqu'à deux ou trois
heures. Dès que les marchandes ont fini d'écouler leurs produits, elles
achètent les marchandises dont elles ont besoin et prennent le chemin
du retour.
dans les parcs, 513.715,10 gourdes [167] pour l'abattage des bêtes de
boucherie. Il ne comprend pas les taxes perçues pour patentes. 325
Un grand nombre de femmes (155 sur 230 dans notre enquête)
s'occupent de la préparation et de la vente des commodités qui sont
vendues au marché.
Il y a un certain nombre de femmes qui ne s'occupent pas d'agricul-
ture, mais se livrent uniquement au commerce et passent d'un marché
à un autre, revendant ce qu'elles ont acheté. Elles sont appelées reven-
deuses ; elles disposent d'un petit capital et achètent les produits et les
revendant sur place ou en ville. Elles servent d'intermédiaires entre la
ville et la campagne.
Ce sont le plus souvent des marchandes urbaines qui se rendent
dans les marchés ruraux pour s'approvisionner et revendre leurs mar-
chandises en ville. Certaines font des transactions considérables et
voyagent constamment dans tout le pays d'un marché à l'autre, échan-
geant les produits des différentes régions contre les articles importés.
Parfois, elles conservent les denrées dont il y a pénurie pour faire
monter les prix et provoquant une disette temporaire.
« La plus grande difficulté, dit Mme Comhaire-Sylvain, pour une
femme qui veut s'adonner au commerce est de trouver la somme qui
lui permettra d'acheter son premier lot de marchandises. Il lui faut très
souvent emprunter de 20 à 30 gourdes à un taux d'intérêt qui varie de
5 à 10 gourdes pour une ou deux semaines.
Certaines revendeuses font fructifier l'argent que leur remet
l'homme avec lequel elles vivent, ou celui que leur confie leur fille ou
leur gendre.
les dettes ne rentrent pas assez vite, ou lorsqu'il s'agit d'effectuer une dé-
pense exceptionnelle, le mari peut être appelé à prêter de l'argent, mais
contrairement à ce qui a eu lieu pour le capital d'établissement, la femme
est tenue de le lui restituer en temps voulu. » 327
3) CONTRIBUTION CULTURELLE
FÉMININE 328
327 Ibid.
328 Le chapitre traitant de l'Education des femmes a déjà été publié en 1944
sous le titre : « Education des Femmes en Haïti ».
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 171
Ouvrages publiés :
Contributions
Articles :
Nos fillettes en dehors des heures de classe (Voix des Femmes) Haïti 1942
Co-auteur :
des professeurs de musique sont des femmes et trois d'entre elles sont
aussi compositeurs.
Mme Lina Mathon-BLANCHET, fut l'initiatrice du mouvement
de renaissance du Folklore Haïtien. Elle fonda et dirigea une Troupe
de Danse Folklorique pour laquelle elle harmonisa de nombreux airs
populaires. Cette troupe a obtenu beaucoup de succès au cours de ses
tournées aux Etats-Unis d'Amérique.
Mme Carmen BROUARD, ancienne élève du Conservatoire de
Paris, dirige une École de Musique et a donné plusieurs récitals où
elle a fait entendre ses œuvres.
Melle Micheline LAUDUN, pianiste de talent, ancienne élève du
Conservatoire de Paris, a obtenu plusieurs prix à des concours interna-
tionaux et est en ce moment professeur de piano au Conservatoire Na-
tional.
Haïti compte aussi plusieurs cantatrices de talent dont quelques-
unes, telles que Mme Valério CANEZ, Melle Andrée LESCOT et Car-
men MALEBRANCHE ont donné des concerts au Canada, aux États-
Unis et en Europe.
La danse et le chant sont par excellence le mode d'expression artis-
tique de notre peuple. Notre folklore est d'une richesse incomparable
et les paysannes exécutent à la perfection les danses populaires les
plus compliquées, Depuis [179] une quinzaine d'années, des troupes
de danseurs et de chanteurs ont été organisés qui jouent régulièrement
à la radio et dans les théâtres. Ces troupes sont mixtes, mais presque
toujours les artistes doivent avoir aussi d'autres moyens de vivre, car
le produit des représentations ne suffit pas à les entretenir.
En 1949, le Gouvernement a fondé la Troupe Folklorique Natio-
nale dont les artistes reçoivent un salaire mensuel et doivent jouer ré-
gulièrement.
Une subvention a été aussi accordée à la SOCIETE NATIONALE
D'ART DRAMATIQUE qui représente des pièces de théâtre. Ces deux
sociétés sont mixtes ainsi que les autres groupes de théâtre ou de
danse d'amateur. L'artiste Emérane de PRADÏNES dirigeait une de ces
troupes. Mme. Wanda WÏENER, avocate, est aussi une de nos artistes
les plus remarquables en même temps auteur, metteur en scène, actrice
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 179
b) Religion.
330 Bien que la plupart du temps ils tiennent à la religion même s'ils ne la pra-
tiquent pas et y reviennent au moment de la mort.
331 Comhaire-Sylvain, Suzanne. « Ce que… » renseignements inédits.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 182
334 Ibid.
335 Ibid et Herskovits « Life » op. cit., chap 8 -14
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 184
[184]
Chapitre III
CYCLE DE VIE
1. ENFANCE
a) Bourgeoisie
et 9 mois. Il parle ordinairement très tôt, car chacun s'ingénie à lui ap-
prendre des mots nouveaux. On encourage aussi [187] l'enfant à mar-
cher en le mettant à terre clans un petit parc ou étroitement surveillé
dans une chambre. Dès qu'il commence à marcher, il est toujours suivi
par sa bonne ou par la petite domestique qui veille sur lui ou l'amuse.
L'éducation commence de très bonne heure, parfois, dès la première
semaine, on lui apprend à ne pas réveiller ses parents pendant la nuit
et aussitôt que possible à ne pas mouiller son berceau. Dès qu'il peut
s'asseoir, il est astreint à des stations régulières sur un vase. À deux
ans, il est puni s'il se salit. Il doit obéir à ses parents et à sa bonne. Il
apprend en même temps à parler français avec ses parents et créole
avec les domestiques. À trois ou quatre ans, l'enfant peut ordinaire-
ment s'exprimer dans les deux langues. Dès deux ans, il joue avec les
voisins, s'il n'a pas de frères et sœurs. La petite fille a des poupées et
d'autres jouets. A trois ou quatre ans, quelques enfants sont envoyés à
l'école maternelle, mais la plupart restent à la maison, où leur mère
leur apprend à chanter, à dessiner, leur raconte des histoires. La bonne
les amuse par le récit des contes du pays.
Jusqu'à ce qu'ils aillent à l'école, il n'y a pas beaucoup de différence
entre l'éducation des garçons et des filles. Toutefois, comme nous
l'avons vu, on a commencé à développer le goût de la parure chez la
petite fille, elle est déjà sensible aux rubans et aux jolies robes et elle
consent à demeurer tranquille pendant une coiffure compliquées qui
doit la rendre jolie ; elle imite sa maman en jouant avec ses poupées.
Vers cinq ou six ans, les garçons et les filles sont envoyés à l'école
où ils demeurent ensemble jusqu'à l'âge de sept ou huit ans, toutefois
certains parents envoient leurs fils dès le début dans une école de gar-
çons. Les petites filles commencent parfois très tôt à vouloir attirer
l'attention de leurs petits camarades ; j'ai vu des gamines de quatre et
cinq ans qui se disputaient les faveurs d'un camarade du même âge.
En général, les petites haïtiennes sont passives, dociles et tranquilles,
elles apprennent très tôt à demeurer des heures assises sans bouger à
l'école. Un jour, l'institutrice de la classe maternelle d'une grande
école étant absente, au signal de la cloche, ses élèves, une trentaine de
garçons et de filles de quatre à cinq ans, se rendirent dans la salle de
classe et a [188] tendirent tranquillement sa venue. Quand après un
quart d'heure une autre institutrice arriva, elle les trouva assis en si-
lence à attendre.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 188
unissent parrains et marraines aux filleuls sont les mêmes que pour la
bourgeoisie. La petite citadine porte parfois des charmes, comme la
petite paysanne et est présentée rituellement aux esprits ancestraux si
ses parents sont des adeptes du vaudou.
L'alimentation est la plupart du temps défectueuse. Très souvent, la
mère est obligée de sevrer son bébé immédiatement, car elle doit re-
commencer à travailler au dehors. Même quand elle allaite l'enfant, à
partir de deux ou trois mois, elle ajoute toutes sortes d'autres aliments
au régime. D'après l'enquête du Dr. Yvonne Sylvain, les affections
gastro-intestinales représentaient 19% du chiffre total des mortalités
survenues à la salle des enfants à l'Hôpital Général, d'Août 1937 à
Août 1938. 336
Grâce à la propagande menée par les maternités, une amélioration
dans la diète alimentaire des nourrissons commence à se faire sentir.
D'autre part, les conditions d'hygiène dans lesquelles vivent les fa-
milles pauvres des villes favorisent la généralisation de parasitisme in-
testinal. « Des examens des matières fécales d'enfants de l'école des
Pupilles de St Antoine, pratiqués il y a trois ans au Laboratoire de pa-
rasitologie de la Faculté de Médecine, avaient permis de trouver par
les méthodes ordinaires plus de 50% de cas positifs. Les procédés
d'enrichissement firent monter ce pourcentage à plus de 80. À peu
près 15% des décès de la salle des enfants pour 1937 38 étaient dus à
l'helminthiase. »337
Quand la mère travaille, le bébé est laissé aux soins d'une parente
ou voisine, parfois celle-ci le néglige, car elle doit s’occuper de son
ménage ou d'autres travaux lucratifs. La [190] petite fille qui a pu,
malgré ces conditions adverses, traverser les dangers de la première
enfance, est placée sous l'égide d'une autre enfant, sa sœur ainée, ou
d'une petite domestique qui prend soin d'elle et l'amuse tout aussi bien
que la petite fille de l'élite. Pourtant les adultes s'occupent moins d'elle
et sa mère consent volontiers à la confier à un autre membre de la fa-
mille qui a un peu plus d'argent et de loisirs. Un grand nombre d'en-
fants de province ou de la campagne sont envoyés à la capitale pour y
faire leur éducation ou y apprendre un métier. Dans ce cas, les enfants
336 Sylvain, Dr. Yvonne, « La mortalité infantile » Voix des Femmes, No. 53, Déc.
1940, pp 8 et 88, Port-au-Prince.
337 Ibid.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 190
339 Ibid.
340 École « mi-temps » où Ton reçoit les enfants pendant leurs périodes de liber-
té, le matin ou l’après-midi.
341 Comhaire-Sylvain, Suzanne, Ce que…, op. cit., pp. 9, 11,
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 192
des enfants dont nous nous occupons vont au cinéma une fois par an,
cinéma gratis le 1er ou le 2 janvier ; quelques-unes y vont tous les
mois et un tout petit nombre, tous les dimanches. Il y a encore cepen-
dant beaucoup d'enfants qui ne se rappellent avoir été au cinéma
qu'une ou deux fois, et trop d'enfant qui ne savent pas ce que c'est. »
c) Classe paysanne.
tion des populations rurales. Dans les bourgs et les districts ruraux, on
doit, le plus souvent, se contenter des services des matrones, guidées
seulement par l'expérience et qui opèrent presque toujours dans des
conditions d'hygiène déplorables. Heureusement, la construction de
dispensaires-hôpitaux dans les bourgs améliorera bientôt la situation,
car les paysannes pourront y accoucher dans de meilleures conditions.
Les pauvres bébés se ressentent de l'ignorance des mères et de l'ab-
sence d'assistance médicale adéquate. 74.97% des femmes faisant par-
tie de notre enquête, avaient perdu une moyenne de 2,62 enfants par
famille, sur 6,62 soit 39% et à peu près la moitié des enfants (44%)
avaient succombé pendant la première année.343
[195]
Dans l'enquête de Melle Jeanne Sylvain sur la région de Marbial,
des renseignements reçus de 27 familles de Cochon Gras, il résulte
que des 163 enfants nés de ces familles, 61 sont morts en bas âge, soit
une mortalité de 38.42 % laissant une moyenne de 3 enfants vivants
par famille. 344
Comme nous l'avons vu, les paysannes peuvent se faire soigner
dans les cliniques rurales, s'il y en a dans le voisinage. Notre enquête
montre que seulement 71 femmes sur 597 ont déclaré être entièrement
dépourvues d'assistance médicale.
Il est vrai que 109 se contentent des services du « bocor » et que 68
s'adressent tantôt au « bocor, tantôt au médecin et tantôt à l'hôpital.
Enfin, 306 prétendent n'avoir recours qu'aux services du médecin ou
de l'hôpital. 345
Toutefois, il convient de remarquer que ces enquêtes, ayant été
faites avec l'aide des institutrices qui mènent une campagne active
contre le bocor et les superstitions, fait socialement réprouvé par
l'école, il est naturel de supposer qu'un grand nombre de femmes et de
jeunes filles n'ont pas voulu avouer qu'elles avaient parfois recours
aux services du bocor. Il est évident que dans un grand nombre de
communautés rurales, le bocor est la seule source médicale à laquelle
tous sont obligés de faire appel. Et que même là où le médecin, les
« Après la délivrance, le placenta est enterré dans la case (afin que per-
sonne ne puisse s'emparer dans un but magique) et du feu est maintenu au-
dessus de l'emplacement. Les ciseaux sont placés sous la tête de la mère.
Ces deux mesures, selon la croyance populaire, assurent la chute rapide et
sans complication du cordon. Quand celui-ci tombe, on l'enterre et on
plante une arbre dessus, souvent un bananier, qu'on fera voir plus tard à
l’enfant, en lui disant que c'est son arbre. »
« Le bébé, après avoir été baigné par l’accoucheuse, est vêtu d'une pe-
tite robe courte de cotonnade, sa tête est étroitement emprisonnée dans un
bonnet, le bas de son corps est enveloppé dans une serviette ou un linge.
Puis il est disposé près de sa mère sur le lit ou la natte. Pendant une pé-
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 196
riode, qui varie selon les familles, il couchera seul avec elle. Dans cer-
taines maisons on place près de lui une bouteille emmitouflée, afin de
tromper la sorcière qui lui voudrait du mal. »
« La mère se bouche les oreilles avec du coton, elle ne doit rien man-
ger de « froid » (par exemple coco, avocat, corrosol), ni rien de blanc (ex-
cepté le lait), durant cinq mois. Elle boit des tisanes pendant trois jours et,
ensuite de l’eau tiède au soleil. Même dans les familles les plus pauvres,
on se [197] procure un poulet, qui lui sera offert sitôt après l'accouche-
ment.
« Pendant les premiers jours, la mère et l'enfant gardent la maison. En
attendant la montée du lait, et pour débarrasser le bébé des mucosités qui
l'empêcheraient de bien digérer (car le dedans du corps de la mère est sale,
et par conséquent celui de l’enfant aussi), on lui administre une purge.
« L'accoucheuse vient, chaque matin, pendant une semaine, baigner
l’enfant et prendre soin de la mère. Il faut toujours qu'un membre de la fa-
mille soit présent quand elle arrive, prêt à l'assister. Sa tâche n'est pas ter-
minée tant qu'elle n'a pas présidé à la sortie de l’enfant le septième jour, en
faisant des cérémonies pour le protéger des loups-garous. » 346
ler ses bébés. Par contre, le père, même polygame, est beaucoup plus
proche de ses bébés, car il en assume souvent la charge, quand la mère
s'absente. Les femmes sont patientes et bienveillantes envers les petits
enfants. La tendresse des mères est calme et sans effusion.
Jusqu'à l'âge de quatre ans, l'enfant est ordinairement laissé libre de
faire ce qui lui plait, sous la vigilance de son « gardô » qui ne le quitte
pas pendant les premières années. Dès l'âge de cinq ans, l'enfant ac-
compagne sa mère ou ses ainés, quand ils vont chercher l'eau, fait des
petites commissions, aide au ménage, commence à balayer la cour et à
s'occuper de rassembler les bûches et à activer le feu.
Bientôt, il commence à y avoir une différenciation entre les sexes :
les jeux et les occupations ne sont plus tout à fait les mêmes et les gar-
çons coucheront bientôt d'un côté et les filles de l'autre.
Les petites filles font des pâtés de terre, jouent à la poupée avec
des poupées de chiffon confectionnées par leurs sœurs ainées ou ache-
tées au marché ; elles s’amusent à écouter les contes, à chanter les re-
frains des chansons populaires et accompagnent bien souvent leur
mère au marché ou au jardin, dès l'âge de six ou sept ans. Très tôt, la
mère leur donne quelques articles à vendre dont le bénéfice leur re-
viendra bien souvent en propre. À sept ou huit ans, une petite mar-
chande sait déjà très bien calculer le prix de ses produits et reconnaitre
la valeur de la monnaie. Elle fait [202] aussi les commissions pour sa
mère et sait très bien acheter, même si elle n'est pas marchande ; dans
les bourgs, toutes les petites filles servent de commissionnaire. Dans
notre enquête, 63% des fillettes des bourgs et 82% des fillettes des
communautés rurales se livraient à des activités commerciales. Parmi
elles, 44% des fillettes des bourgs et 34% des fillettes rurales dispo-
saient du produit des ventes.353 Elles ont aussi souvent la garde des ani-
maux ; pour les y intéresser on leur donne en toute propriété une par-
tie des portées issues de leur élevage ; elles doivent aussi allumer le
feu, transporter le bois et faire la corvée d'eau.354
Dans notre enquête, dans les bourgs 46% des fillettes interrogées
s'occupaient des animaux domestiques, 74% transportaient l'eau et
32% le bois. Dans les campagnes, 66% s'occupaient des animaux do-
mestiques, 74% transportaient l'eau et le bois.355
Les petites filles accompagnent aussi leur mère aux champs, ce-
pendant, ce genre de travail est plus répandu parmi les petits garçons.
Pourtant, nous ayons, constaté au cours de notre enquête que 43% des
fillettes des bourgs et 64,8% de celles des communautés rurales ai-
daient leur mère aux travaux agricoles. En général à partir de six ou
sept ans, elles participent à toutes les occupations de leur mère en pre-
nant de plus en plus de responsabilité au fur et à mesure qu'elles gran-
dissent. Dans notre enquête, nous avons constaté que les occupations
des femmes et' des fillettes sont les mêmes. La fillette apprend ainsi
son métier de femme, elle s'exerce à coudre, à cuisiner, à laver, à re-
passer et à prendre soin de ses petits frères et sœurs. C'est elle qui les
baigne et prépare leurs repas. Dans les bourgs, parmi les fillettes inter-
rogées, 90% aidaient à la lessive, 95% au ménage, 79% à la cuisine,
79% prenaient soin des bébés, près de 49% cousaient les vêtements de
la famille. Dans les campagnes, 93% aidaient à la lessive, 93% au mé-
nage et 82% à la cuisine, [203] 79% prenaient soin des bébés et 44%
cousaient les vêtements de la famille. 356
La petite fille participe aussi aux veillées et aux danses et l'une de
ses distractions préférées est l'audition des contes populaires, dans les-
quelles les traditions et la morale du groupe se trouvent condensées.
Dans notre enquête, parmi 367 fillettes des bourgs et des districts ru-
raux, 313 connaissaient des contes et en racontaient, 215 dansaient et
109 allaient dans les veillées. Leurs distractions favorites étaient les
jeux pour 226, les contes pour 55, la promenade pour 55, les danses
pour 30. Toutefois, il se peut que les enfants aient eu honte d'avouer
cette dernière distraction à leur institutrice, à cause de la mauvaise ré-
putation des danses de vaudou à l'école.
La couture et le chant furent aussi considérés comme des distrac-
tions par beaucoup de fillettes des districts ruraux, respectivement 25
et 30. La lecture était la distraction favorite seulement de 22 fillettes,
355 Appendice I, Table No. 24 p. 18 a.
356 Appendice I, Table No, 24.
En enseignant la puériculture dans une école rurale, j'ai été étonné de
constater que les petites paysannes étaient aussi habiles que leurs mères :
elles étaient déjà au courant de toutes les traditions et pratiques de leur
groupe et il suffisait de suppléer à l'insuffisance de l'éducation coutumière.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 202
bien que 237 prétendent lire. Il n'y a rien d'étonnant à cela, car on ne
peut trouver aucun livre intéressant dans les communautés rurales, en
dehors des livres classiques. 357
La séparation des sexes dans les jeux commence d'assez bonne
heure, vers sept ou huit ans, quelquefois plus tôt. Suivant la région, les
enfants jouent en groupes d'une même famille ou d'une même habita-
tion, ou en réunions plus nombreuses, comprenant tous les enfants de
la communauté. Comme nous l'avons vu, les jeux occupent une place
privilégiée, dans les distractions de la petite paysanne, jeux tranquilles
pour la plupart : poupée, fabrication de robes, maison de poupée,
confection de petits objets en roseau, jonc, liane et de paniers, sifflets
ou de petites nattes, rondes, jeux de courses, [204]jeux enseignés à
l'école et importés de la ville, se rapprochant de ceux des petites cita-
dines. 358
S'il y a une école de filles dans la communauté et que les parents
puissent faire la dépense d'une robe convenable et de sandales, l'enfant
y est envoyée parfois depuis l'âge de cinq ou six ans dans les bourgs,
généralement plus tard à la campagne, car l'école est souvent trop éloi-
gnée et la fillette ne peut s'y rendre sans fatigue avant dix ou douze
ans, et du reste, ses services sont parfois indispensables à la maison.
Elle ne passe souvent que deux ou trois ans à l'école quoique certaines
y restent huit à dix ans, surtout dans les bourgs. Un très faible pour-
centage des élèves, inscrites dans les écoles rurales de filles atteint la
classe intermédiaire II (4ème année) et la classe avancée (5ème et
6ème année) la grande majorité est inscrite dans les trois premières
années. 359
Dans notre enquête, 73 % des élèves des communautés rurales
étaient inscrites dans les classes commençantes. À l'école rurale l'en-
fant reçoit une instruction classique, agricole et ménagère
La discipline familiale est stricte ; une enfant qui désobéit ou
manque de respect aux personnes âgées de la famille est sévèrement
fouettée. 360
357 Appendice I, Tables nos 25, 26, 27.
358 Comhaire-Sylvain, « loisirs etc… op. cit. pp. 10, 11, 12.
359 Voir Appendice I Tables 10 et 11, p. 6. a. Environ 75% des élèves des
écoles rurales sont inseres dans la classe commercante.
360 Herskovits op. cit., p.100.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 203
« Il est rare, dit Jeanne Sylvain, que des pères soient cruels dans les
châtiments infligés à leurs enfants. Les coups, taloches et le refus de parler
au coupable, sont les seules punitions que nous ayons notées dans les fa-
milles. »
Les enfants sont punis pour désobéissance aux ordres qui leur sont
intimés en particulier au sujet des travaux qui leur incombent, pour
impertinence et manquement aux bonnes manières... On les bat quand
ils font du « désordre », qu'ils se battent, crient, brisent quelque objet,
etc. Il n'est pas porté de jugement moral sur le mensonge, et il n'est
puni que s'il se complique de circonstances qui entraînent des résultats
graves et désagréables. 361
[205]
Vers dix ou douze ans, si la famille peut faire la dépense, les en-
fants sont préparés à leur première communion, d'autres fois leur céré-
monie doit être retardée jusqu'à quatorze Ou seize ans. Si l'enfant ne
fréquente pas l'école, elle doit apprendre le catéchisme par cœur sous
la direction d'un sacristain ou instituteur payé par le prêtre.
Comme le baptême, la première communion est célébrée par une
fête familiale, particulièrement dans les bourgs. Vers cette même
époque, si la famille est un adepte du Vaudou, on donne aussi à la
fillette quelques renseignements concernant le culte des esprits ances-
traux et les sacrifices qui doivent être faits en leur honneur. 362
La petite fille ne reçoit aucune éducation sexuelle. Les logements
étroits où toute la famille dort dans une ou deux chambres, lui per-
mettent le plus souvent d'observer le comportement de ses parents.
Les jeunes enfants dorment habituellement dans le même lit que ceux-
ci et plus tard, dans la même pièce. Garçons et filles jouent librement
pendant la première enfance, toutefois, à partir de l'âge de sept ans une
division s'opère, les fillettes ne désirent pas participer aux jeux des
garçons, de peur d'être bagues. On leur défend aussi d'avoir des rap-
ports sexuels, et si elles sont surprises elles seront sévèrement fouet-
tées.
361 Sylvain, Jeanne, « l’enfance etc… », op. cit. p. 105.
362 Herskovits, op. cit., pp. 101, 102.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 204
2. ADOLESCENCE ET MARIAGE
a) Bourgeoisie
filles. Si elle ne s'entend pas avec son mari, elle peut demander le di-
vorce, toutefois l'église catholique n'admet que la séparation ou le di-
vorce avec promesse de ne pas se remarier. Malgré cela, le nombre de
divorces a considérablement augmenté durant ces dernières années.
On croit généralement que cette augmentation est due à un relâche-
ment des mœurs, pourtant, nous croyons plutôt que cela vient surtout
d'un changement dans la compréhension du mariage.
Autrefois, la femme acceptait passivement le concept de la double
moralité. Elle savait qu'elle ne pouvait pas s'attendre à ce que le mari
soit fidèle et elle se consacrait à ses enfants, sans chercher à connaître
les aventures de son époux. Celui-ci la respectait et il était très attaché
à son foyer légitime, malgré les liaisons qu'il pouvait avoir au dehors.
La prospérité de la famille et l'avenir des enfants semblaient plus im-
portants que des liaisons passagères. En ce moment, la famille com-
mence à se désagréger, car la femme ne reconnaît plus à son mari le
droit de la tromper et préfère rompre le mariage, quand elle s'aperçoit
qu'elle a une rivale préférée, en d'autres cas, elle veut, par représailles,
jouir de la même liberté accordée par les mœurs à son mari ou si sa
moralité ne le lui permet pas, elle lui reproche bruyamment son infidé-
lité, celui-ci ne peut supporter cette nouvelle attitude de son épouse.
Cette révolte est la cause de la plupart des divorces bien qu'elle soit
souvent masquée par d'autres raisons, qui sont mises en avant pour ca-
cher la vérité.
En cas de divorce, la femme retourne ordinairement dans sa fa-
mille avec ses enfants jusqu'à ce que le tribunal attribue la garde des
enfants à l'un ou l'autre des deux conjoints. Le mari est obligé légale-
ment d'entretenir sa femme [215] et ses enfants pendant le poursuite
en divorce, mais très souvent, il ne le fait pas. Après le divorce, si la
mère a la garde des enfants, le père doit lui verser une pension pour
leur entretien, mais la plupart du temps, il ne continue pas à payer
pendant longtemps.
La femme divorcée se remarie fréquemment bien que la religion
catholique ne le permette pas. Malgré cette défense, bon nombre de
femmes, réputées bonnes catholiques, n'hésitent pas à le faire.
Quelques-unes acceptent le verdict de l'église et se mettent bravement
au travail pour gagner leur vie et celle de leurs enfants.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 213
mètres carrés... À peu près la moitié des enfants couchent sur des lits...
Dans les familles très pauvres, il n'y a, le plus souvent, qu'un lit sur le-
quel couchent le père, la mère et un ou deux bébés, les autres per-
sonnes ont des matelas, des nattes ou rien du tout. Quand l'homme
n'habite pas la maison, le lit a beaucoup plus d'occupants, jusqu'à six,
lorsqu'il s'agit de ce que nous appelons couramment : lits à deux
places. Les petits divans canapés si étroits, les lits à cadres, hébergent
souvent trois personnes. Les grands matelas servent dans certains cas,
à neuf personnes ; vous comprenez aisément que la plupart de ces en-
fants couchent à moitié par terre. Dans certaines familles, on étend des
nattes jusque sous le lit des parents... À cause de l'exiguïté des mai-
sons, il est quelquefois impossible d'avoir des tables de dimensions
suffisantes pour accueillir tous les membres de la famille... Quelque-
fois, on fait deux services, d'autres fois, les enfants mangent sur leurs
genoux. Beaucoup de nos enfants sont sous-alimentés. L'habitude des
trois repas s'est à peu près généralisée en [219] ville, mais ces repas
sont quelquefois excessivement légers et mal composés. Prenons par
exemple, le menu des treize enfants de l'école Théophile Martin, qui
font trois repas par jour : le matin, sept enfants absorbent une tasse de
café et un biscuit ou un morceau de pain, quatre de l’acassan avec ou
sans pain, un enfant du lait ou du pain, un autre du chocolat et du pain.
À midi, huit de ces enfants mangent des pois et riz ou petit-mil avec
des pois (ni viande, ni légume, même le dimanche, dans d'autres quar-
tiers, ce serait du mais moulu), trois autres, de la viande avec ou sans
bananes et deux du hareng-saur ou de la morue avec des bananes. Le
soir, trois enfants se nourrissent de lait et pain ou chocolat et pain,
deux enfants de pois et riz, ou riz et morue, un enfant de bouillon,
trois de vivres, un enfant qui prend des pois et riz à midi, un de la mo-
rue et de la banane le soir.
L'alimentation des enfants a été notée durant trois jours consécutifs
(dimanche, lundi, mardi) afin de déterminer la nourriture habituelle. 363
Il est très difficile d'évaluer le prix de la vie pour une famille de
cette classe, nous avons constaté que les revenus sont tout à fait va-
riables.
363 Comhaire Sylvain Suzanne. – Ce que font les fillettes en dehors de leurs
heures de classe (manuscrit).
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 217
364 Bulletin Trimestriel, No. 2 octobre 1951, pages 46, 47, 48, 49.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 218
c) Classe paysanne
C'est l'une des raisons pour lesquelles elles ne pouvaient vraiment pas
s'intéresser à la lecture, d'autre part, il est très difficile de se procurer
des livres dans les communautés rurales, et la fillette, quelques années
après avoir quitté l'école, oublie bien vite le vocabulaire acquis.
La paysanne a beaucoup d'amies, elle aime bavarder avec ses voi-
sines, faire la route du marché en compagnie, aller dans les réunions,
au marché, etc.
Comme nous l'avons dit plus haut, les vieillards sont respectés et
les enfants prennent soin de leur vieille mère, qui d'ailleurs leur, est
toujours utile. Elle soigne les malades, veille au maintien des tradi-
tions ancestrales et s'occupe des petits enfants.
Les funérailles sont l'un des événements les plus importants de la
vie paysanne, elles sont ordinairement précédées, par une grande
veillée à laquelle assistent tous les membres de la famille et de la
communauté. On passe la nuit à raconter des contes appropriés à l'âge
et au caractère du mort, car la fête est en son honneur. La cérémonie
funéraire est accompagnée de rites. 378 Pendant neuf jours on se réunit
tous les soirs à la maison mortuaire et on passe la soirée à prier, chan-
ter, à dire des contes, à boire et à jouer. Les enfants doivent porter le
deuil de leurs parents et faire chanter des services pour le repos de
leur âme, sinon le mort viendra les rappeler à leurs devoirs. Pourtant,
si la situation économique ne permet pas de faire immédiatement les
dépenses du deuil, on peut remettre cette obligation à plus tard, sans
toutefois jamais l'oublier. Une paysanne peut porter le deuil de sa
mère ou de sa marraine dix ans après la mort de celle-ci.
Dans notre enquête, nous avons cherché à savoir quelles étaient les
ambitions des femmes pour leurs enfants et pour [230] elles-mêmes et
si elles étaient satisfaites de leur situation.
Soixante-cinq femmes sur deux cent trente étaient satisfaites de
leur situation et 118 ne l’étaient pas. 379 114 désiraient avoir une
meilleure situation économique et de plus, 33 avaient exprimé des
vœux spécifiques, dépendant aussi d'une amélioration économique. 380
[231]
CONCLUSIONS GÉNÉRALES
en avant, elle le retient ; or, la femme telle que l'ont faite jusqu'ici
l'évolution historique et l'éducation, a été le plus souvent aveuglément
conservatrice. » 383
Pourtant, il ne suffit pas d'améliorer le sort de la femme dans le
cadre de l'organisation sociale actuelle, le problème [233] féminin
n'est qu'une des phases du problème haïtien en général, et tant que cer-
tains changements fondamentaux n'auront pas été apportés aux institu-
tions sociales et économiques, nous ne pouvons pas espérer arriver à
améliorer la situation de la femme.
Les problèmes de l'hygiène, de l'éducation, des récréations, de l'as-
sistance sociale, du développement économique, du régime de pro-
priété, du travail, du mariage, de la famille et de l'organisation poli-
tique doivent être envisagés dans leur ensemble. Ces problèmes dé-
passent le cadre de noire étude et ont déjà fait l'objet de nombreuses
discussions. Nous nous contenterons de rappeler brièvement certains
aspects de la question strictement féminine, en nous souvenant qu'elle
ne saurait être résolue sans un examen et une amélioration des condi-
tions sociales en général.
Examinons rapidement la position de la femme sous ses différents
aspects : situation matérielle, économique, sociale et pédagogique et
cherchons les améliorations qu'on pourrait y apporter.
Au point de vue matériel, nous avons vu que le standard de vie
était très bas et que la femme était surchargée d'une quantité de be-
sognes ménagères qui pourraient être supprimées ou facilitées par
l'emploi d'outils et de matériel modernes. Mais, d'une part, le plus sou-
vent, sa condition économique ne lui permet pas de se les procurer et,
d'autre part, elle ne sait pas tirer le meilleur parti possible des res-
sources naturelles. Il serait nécessaire de donner aux femmes du
peuple une éducation ménagère appropriée, qui leur permettrait d'af-
fronter les difficultés de la vie dans des conditions moins défec-
tueuses. Le gouvernement a établi des cours ménagers dans plusieurs
écoles des villes et des campagnes ; nous espérons qu'ils pourront être
généralisés afin que toutes celles qui en ont besoin puissent en bénéfi-
cier.
[240]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 236
[241]
APPENDICE I
Le Procès de la Ligue féminine pour l'exercice intégral
des droits politiques en 1957 et la participation fémi-
nine au renversement du Gouvernement du Président
Magloire
[247]
APPENDICE II
Présentation schématique des conditions de vie
de 597 femmes et jeunes filles des bourgs
et districts ruraux
Une enquête a été faite auprès de 230 femmes et 367 fillettes des
bourgs et districts ruraux pour se rendre compte par des cas concrets
du genre de vie et des occupations des femmes de nos bourgs et dis-
tricts ruraux. Le nombre restreint des femmes interrogés ne nous per-
mettra pas de tirer des conclusions absolues pour la vie de la femme
haïtienne en général ; toutefois il donnera une idée de la vie d'un
grand nombre d'entre elles.
Il convient de noter que les cas présentés constituent l'élite des
Communautés rurales, car ce sont les femmes intelligentes et éclairées
qui ont bien voulu se prêter à notre enquête. D'autre part pour les
bourgs, au contraire, notre enquête comprend généralement la fiasse
moyenne et la classe pauvre et quelques membres de la bourgeoisie.
Dans les différents tableaux le terme : bourgs (a) désigne les
femmes habitant les bourgs ; bourgs (b) désigne les fillettes ; bourgs
désigne femmes et les fillettes : rurales (a) les femmes habitant les
communautés rurales : rurale (b) les fillettes : rurales désigne les
femmes et les fillettes rurales.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 243
[248]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 244
IDENTIFICATION
Tableau No. 1
Distribution Géographique des Femmes et Fillettes
par Département et Communautés. 385
Total
Nord Nord-Ouest Artibonite Ouest Sud
provenance
No. pers
No. pers
No. Pers
No. pers
No. Pers
No. Pers
No. pers
No. pers
No. pers
No. pers
No. pers
Bourgs (a) 16 5 8 2 21 3 22 5 16 4 93
Bourgs (b) 110 6 … … … … 39 2 39 2 199
Rurales (a) 22 7 4 1 45 6 49 5 17 5 137
Rurales (b) 58 3 20 1 34 2 20 1 47 3 179
Total 236 21 32 4 100 11 140 13 119 14 597
Tableau No 2
Voyages ou déplacements N’a pas répondu
A visite seulement environs
départements
A été à l’étranger
Les autres communautés du
Les autres
département
Provenance Total
Bourgs (a) 10 55 25 3 … 93
Rurales (a) 35 34 22 19 27 137
Total 45 89 47 22 27 230
Tableau No 2
Âge des Femmes
Pas spécifié
Plus de 60
22-30
31-40
41-50
51-60
Provenance Total
Bourgs (a) 9 50 22 9 … 3 93
Rurales (a) 16 52 46 13 6 4 137
Total 25 102 68 22 6 7 230
Tableau No 4
Âge des fillettes
Pas spécifié
Plus de 16
14-16
11-13
5-10
Provenance Total
Tableau No 5
Religion des femmes
Provenance Catholiques Protestantes Pas répondu Total
Bourgs (a) 89 2 2 93
Rurales (a) 123 11 3 137
Total 212 13 5 230
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 246
Tableau No 6
Pratiques religieuses des femmes
communion
ses enfants
à la messe
A baptisé
services
Provenance Total
Tableau No 7
Religion des fillettes
Dénomination et pratiques religieuses
Dénomination Assistance régulière à la messe
Pas spécifié
OUI
Non spécifié
Protestantes
Catholiques
parfois
NON
Total
Provenance
Tableau No 8
Nombres d’années d’école
Plus de 8 ans
Indéterminé
2 à 4 ans
4 à 6 ans
Provenance Total
Bourgs (a) 38 3 8 21 8 5 93
Rurales (a) 104 6 8 9 4 2 137
Total 142 16 16 30 12 7 230
Tableau No 9
Aptitude après éducation
Sait lire Sait écrire Sait parler
Total
Passablement
Passablement
Passablement
bien
bien
Provenance bien
Bourgs (a) 42 5 38 3 15 0 93
Rurales (a) 25 2 23 10 3 3 137
Total 67 7 61 3 18 3 230
Tableau No 10
Éducation des fillettes
Nombre d’années d’école
7 et au-dessus
Indéterminé
1-2 ans
3-4 ans
5-6 ans
Total
Provenance
Tableau No 11
Classe des Fillettes
Commençante I et II
Intermédiaire I et II
Avancée I et II
Nombre total
Indéterminé
de fillettes
Provenance
Tableau No 12
Conditions Matrimoniales
Mari Vivant Type d’union
Mariée après union libre
Union libre
Provenance
Mariée
NON
OUI
Bourgs (a) 81 10 2 50 7 5 31
Rurales (a) 120 12 5 48 18 4 67
Total 201 22 7 98 25 9 98
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 249
Tableau No 12 (suite)
3
Bourgs (a) 48 9 1 1 34 93
Rurales (a) 70 18 10 1 38 137
Total 118 27 11 2 72 230
Tableau No 13
Nombre d’enfants vivants et morts par famille
No d’enfants vivants
No de femme ayant
perdu des enfants
des enfants
par famille
Provenance
Tableau No 13 (suite)
Nombre d’enfants vivants et morts par famille
Moyenne d’enfants
morts par famille
Moyenne
famille
Provenance
Tableau No 14
Nombre d’enfants vivants et morts par famille
Plus de 10 ans
Non spécifié
No total d’enfants
No 2.1-5 ans
1.1-2 ans
morts
0-1 an
Provenance
Tableau. No 15
Assistance Médicale (1)
B
M
BM
Pas assez
No total de famille
HB
HM
HBM
Bourgs (a) 10 32 15 8 4 2 6 8 63 93
Bourgs (b) 22 62 9 26 10 2 17 38 32(2) 188
Rurales (a) 4 32 53 13 11 1 4 7 95 137
Rurales (b) 5 42 20 62 14 1 10 18 50(3) 179
Total 41 168 97 97 34 6 37 71 240 597
(1) H signifie hôpital, M signifie médecin, B signifie Bocor, Spe. Signifie spéci-
fié, Ass. Signifie assistance, Fam. Signifie famille.
(2) 35 n’ont pas répondu
(3) 40 n’ont pas répondu
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 252
CONDITIONS ÉCONOMIQUES
Tableau No. 16
Propriété Foncière
Plus de 50 carreaux
2.1-3 carreaux
10.1-20 carreaux
20.1-50 carreaux
Total
Moins de 1 carreau
1-2 carreaux
Pas de terre
Provenance
Tableau No 17
Nombres de volailles par famille
Nombre de volailles
de femmesNombre total
beaucoup
peu
au-dessus41 et
volaillesPas de
Provenance
21-40
11-22
6-10
Bourgs (a) 14 1-5
23 18 27 7 2 2 … 93
Rurales (a) 15 38 33 23 13 5 9 1 137
Total 29 61 51 50 20 7 11 1 230
Tableau No 18
Nombres d’animaux par famille
de femmesNombre total
Nombre de volailles
au-dessus41 et
beaucoup
volaillesPas de
Provenance
21-40
11-22
6-10
1-5
Bourgs (a) 14 26 12 30 16 6 4 93
Rurales (a) 13 39 36 36 12 1 13 137
Total 27 64 48 66 28 7 17 230
Tableau No 19
Nombres de maisons par famille
Provenance Nombre de maisons
Pas de maisons
Nombre total
1 2 3 4 5 8
Pas Spé
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 254
de femmes
Bourgs (a) 2 41 21 11 4 3 1 10 93
Rurales (a) … 64 34 10 5 … 1 23 137
Total 29 61 55 21 9 3 2 33 230
CONDITIONS MATÉRIELLES
Tableau No. 20
Logement
Nombre de pièces Toiture
4 et au-dessus
Pas spécifié
mélange
chaume
Provenance
Tôle
1 2 3
Bourgs (a) 14 10 2 50 7 5 31
Rurales (a) 120 12 5 48 18 4 67
Total 201 22 7 98 25 9 98
Carrelé
Provenance
ciment
Clisse
pierre
Terre
bois
Logement (suite)
Plancher (suite) Cuisine W.C
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 255
cuisine
Sans cuisine
Pas spé
Pas spécifié
Pas spécifié
Sans W.C
mélange
Planche
W.C
25 18 18 247 32 2 50 7 1
3 6 2 269 44 3 48 18 1
28 24 20 516 76 5 98 25 2
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 256
Logement (suite)
Nombre de lits Moyenne de
personnes Total de fa-
Pas de lit
1 2 3 Plus vivant dans milles
la maison
4 132 90 34 21 7.4 281
32 172 23 23 4 7.06 316
36 20 175 57 25 7.23 597
Tableau No 21
Vêtements
Nombres de robes No de foulards
Pas spécifié
Pas spécifié
1-2
3-5
6-8
9-11
Plus de 11
beaucoup
1-2
3-5
6-8
provenance
Bourgs (a) 7 30 31 5 16 … 4 44 15 1 33
Bourgs (b) 8 74 71 21 13 … 1 55 11 2 …
Rurales (a) 13 49 39 12 10 5 7 81 26 2 28
Rurales (b) 28 111 30 9 … 1 … 48 3 … 128
Total 56 264 171 47 39 6 12 228 55 5 189
Tableau No 21
Vêtements
Nombres de chapeaux No de souliers
1 2 3 et au-dessus Pas spé 1 2 3 et au-dessus Pas spécifié
21 37 24 11 41 22 16 14
40 88 52 8 95 53 16 24
51 44 21 21 75 25 10 27
85 54 6 34 99 24 5 …
197 213 102 74 320 124 47 65
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 257
Tableau No 21
Vêtements
Nombres de sandales No de boucles d’oreilles
3 et au-dessus
3 et au-dessus
Pas spécifié
Pas spécifié
1 2 1 2
75 11 … 7 44 26 9 14
111 14 12 51 108 29 7 44
105 16 1 15 73 22 6 36
103 5 6 … 95 10 1 73
394 46 19 73 320 87 23 167
Tableau No 21
Vêtements
Nombres de colliers No de Machines à coudre
Pas spé
1 fil
À pied
2 fils
1 2
31 12 2 48 13 17 3 93
71 15 5 97 27 45 5 188
50 14 2 71 24 20 2 137
77 7 … 95 14 19 1 179
229 48 9 311 78 101 11 597
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 258
Tableau No 22
Alimentation
No de repas par jour Composition des repas
Pas spécifié
Poisons frais
Poisons secs
provenance
viande
œufs
Lait
1 2 3
Tableau No 22 (suite)
Alimentation
Composition des repas cont.
Farineux
Bouillon
Légume
haricots
cassave
millet
fruits
vivre
Total
mais
Pain
riz
EMPLOI DU TEMPS
Tableau No 23
Heure lever et coucher
Pas spécifié
provenance
2 3 4 5 6 7 8 7 8 9 10
Bourgs (a) 1 1 18 54 16 2 … 3 11 45 29 6 2 93
Bourgs (b) … 1 16 98 13 8 … 2 15 112 52 7 2 188
Rurales (a) … 3 24 89 10 2 1 3 2 53 61 19 2 137
Rurales (b) … … 19 106 … 7 … 1 39 93 40 7 … 179
XX
Tableau No 24
Travail
Provenance Agriculture élevage commerce disposer couture
Bourgs (a) 67 67 72 71 60
Bourgs (b) 81 89 119 53 92
Rurales (a) 111 109 100 91 79
Rurales (b) 116 119 148 81 80
Total 375 384 439 296 308
Tableau No 24 (suite)
Travail
Lessive Ménage Eau Bois cuisine Soins des bébés
89 86 59 58 89 …
171 180 140 61 150 150
125 118 88 83 131 …
116 168 134 134 147 142
551 552 134 336 517 292
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 261
Tableau No 25
Occupations habituelles du soir
Provenance
Bourgs (a) Bourgs (b) Rurales (a) Rurales (b) Total
couture 5 10 18 9 42
contes 27 36 15 45 123
chants 6 4 5 28 43
causerie 28 … 16 2 46
danses 1 … 8 2 11
Distractions diverses 3 … 6 1 10
Etude … 104 … 1 105
Jeux 4 13 … 7 24
Lecture 4 13 … 7 24
Occuper des enfants … 2 6 2 8
Promenade 5 2 9 2 18
Phono … … 3 … 3
Prière 9 38 20 30 97
Repas 4 … 5 … 9
Travail 5 14 16 42 77
Toilette 2 2 … 9 13
Visite 2 … 2 … 4
No Total de femmes interrogées 93 137 137 179 597
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 262
Tableau No 26
Distractions Habituelles
Tableau No 27
Distractions favorites
Provenance
Total
Bourgs (a)
Bourgs (b)
Rurales (a)
Rurales (b)
Distractions
agriculture 1 1 2 4 8
Bain … 8 … … 8
Bal 4 1 4 8 17
Chants 10 … 18 30 58
Contes 10 36 16 19 81
commerce 3 2 1 2 8
Couture 1 9 1 25 36
Danse 16 17 43 22 98
Ecole … 5 … 3 8
Équitation 2 … 1 … 3
Gaguerre … … 2 … 2
Jeux divers 13 134 17 92 256
Lecture … 6 2 16 24
Phono 1 … 1 … 2
S’occuper des enfants 2 … … … 2
S’occuper du ménage … … … 8 8
Poésies … 4 … 22 6
Promenade 8 33 4 … 67
Prière 6 … 4 … 10
Travail … … 3 2 3
Travaux manuels … … … 2 2
Veillées 1 … 7 … 8
Visites 3 3 5 2 13
Vodou … … 1 1
No Total de femmes interrogées 93 188 137 179 597
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 264
PREMIÈRE PARTIE.
La femme haïtienne dans l’histoire
INTRODUCTION [3]
DEUXIÈME PARTIE.
La femme dans la famille, la société et l'économie haïtienne [103]
Chapitre II. Rôle de la femme dans les différentes classes de la société. [144]
1. Enfance [184]
a) Bourgeoisie [185]
b) Classe moyenne et prolétariat des villes [188]
c) Classe paysanne [194]
Appendice I
Appendice II
Appendice III
Bibliographie [249]
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 266
[249]
APPENDICE III
BIBLIOGRAPHIE
[252]
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Prince, 1936.
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Ferez, Jeanne. Chronique féministe. Voix des Femmes. Vol. I, No. 11, Août
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Raymond, Julien. Observations sur l'origine et les progrès du préjugé des co-
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_____, Réflexions sur les véritables causes des troubles et des désastres de
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République d'Haïti., Publications Officielles. Constitution de la République
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_____, Constitution de la République d'Haïti 1950. Port-au-Prince, Décembre
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_____, Bulletin Trimestriel de Statistiques. No. 1 à 5. Institut Haïtien de statis-
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_____, Revue du travail, Vol. II, No. II. Port-au-Prince 1er Mai 1952.
_____, Guide Pratique pour les Assurances Sociales. Département du Travail.
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Semeuse, la, Revue Mensuelle. Port-au-Prince La collection 1938, 1946.
Secrétairerie d'État à la Présidence. Rapport des activités de la Fondation
Mme. Paul E. Magloire. Port-au-Prince, 1953.
Haïti et ses femmes. Une étude d’évolution culturelle. (1957) 271
[252]
Fin du texte