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CIVILISATION

CHRÉTIENNE

« La civilisation n’est plus à inventer, ni à bâtir dans les nuées.


Elle a été, elle est : c’est la civilisation chrétienne, la cité ca-
tholique. Il s’agit de la restaurer sur ses fondements naturels
et divins : omnia instaurare in Christo. »

Saint PIE X.
Lettre sur le Sillon.
Le génocide de la Vendée
(1793-1794)

par Michel Defaye

Deux siècles nous séparent des Guerres de Vendée et la vérité commen-


ce à se faire jour, dans le monde universitaire et enseignant, sur le génoci-
de perpétré pendant cette guerre civile. En effet, depuis trois décennies,
plusieurs historiens 1, non dépourvus de courage, ont dénoncé la politique
exterminatrice de la Convention (1792-1795) sur les populations de cette
région appelée Vendée militaire qui comprenait une partie des anciennes
provinces de la Bretagne (du sud), du Poitou et de l’Anjou. Ce territoire
recouvrant près de 800 villages se souleva en mars 1793 lorsque la Conven-
tion, après avoir décapité le roi Louis XVI, décida la levée en masse de
300 000 hommes. Cette conscription devait permettre la défense des fron-
tières attaquées par les puissances voisines coalisées par le pape Pie VI.
Dans un premier temps (mars-décembre 1793) le soulèvement vendéen fut
sauvagement réprimé par la Convention. Dans un second temps (janvier-
avril 1794), les Colonnes infernales, par une politique de terre brûlée,
anéantirent villages et populations. Dans l’un comme dans l’autre temps,
les révolutionnaires conçurent et planifièrent l’extermination de la popula-
tion habitant la Vendée Militaire.

Historique du génocide
Aux États Généraux de juin 1789, la bourgeoisie libérale, lors d’un véri-
table coup d’État, confisqua le pouvoir législatif au roi Louis XVI. Ces
députés, pour la plupart juristes et imbus de l’esprit des Lumières,
s’attaquèrent à tout l’édifice social puis à celui de l’Église en votant la

1 — Reynald SECHER, La Vendée-Vengé : le génocide franco-français, PUF, 1986, réédition


chez Perrin, 2006 ; Gracchus Babeuf – la guerre de Vendée & le système de dépopulation (en
collaboration avec J.-J. BRÉGEON et S. COURTOIS), Cerf, 2009. — Alain GÉRARD, Par principe
d’humanité : la Terreur et la Vendée, Paris, Fayard, 1999. — Sous la direction de Jacques
HUSSENET (co-écrit avec sept historiens) : Détruisez la Vendée ! Regards croisés sur les victimes
et destructions de la guerre de Vendée, Éditions CVRH, 2007.
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Constitution civile du clergé, en supprimant les vœux religieux et en


persécutant l’Église.
Se considérant à juste titre, prisonnier de cette assemblée révolutionnai-
re, Louis XVI quitta la capitale, mais, après sa fuite avortée, il fut empri-
sonné à la tour du Temple (août 1792) et la République fut bientôt procla-
mée. On songea alors à se débarrasser du roi. « Louis doit mourir parce
qu’il faut que la patrie vive. » (Robespierre, le 3 décembre 1792.) Le procès
débuta le 13 novembre 1792 et se prolongea jusqu’au 15 janvier 1793. Alors
que la Gironde (révolutionnaires, modérés sur les moyens à mettre en
œuvre) penchait pour la clémence (exil ou emprisonnement), les Monta-
gnards (des extrémistes sans foi ni loi) demandèrent la mort « au nom de
Brutus ». Celle-ci fut votée à une courte majorité. Louis XVI demanda à ce
que le jugement soit porté devant les Français. Robespierre refusa. En
faisant guillotiner Louis XVI le 21 janvier 1793, place de la Révolution
(aujourd’hui place de la Concorde !), les conventionnels défiaient l’Europe.
Le pape Pie VI coalisa l’Angleterre, l’Espagne, les princes allemands et
italiens qui rejoignirent la Prusse et l’Autriche, déjà en guerre, pour sauver
la France d’un pouvoir tyrannique et sanguinaire, décidé à « régénérer »
l’espèce humaine !

L’élément déclencheur
La Convention, sûre d’elle-même, déclara la
guerre à la coalition le 1er février 1793 et décida
la levée en masse de 300 000 hommes dans toute
la France. L’Assemblée conventionnelle, malgré
le fort clivage entre Girondins et Montagnards,
eut le temps d’instituer un gouvernement
d’exception (appelé révolutionnaire) pour met-
tre en place une politique de terreur. A cette fin,
elle créa un Tribunal révolutionnaire à Paris ju-
geant sans appel « les entreprises contre- Jacques Cathelineau
révolutionnaires » ; elle mit sur pied, le 6 avril (1759-1793)
1793, un comité de Salut public destiné à se substituer aux ministres pour
l’exercice du pouvoir exécutif ; elle institua un comité de Sûreté généra-
le chargé de diriger la police et la « justice » révolutionnaires. Enfin, elle
forma dans chaque commune un comité de Surveillance chargé de contrôler
les étrangers et les suspects jugés contre-révolutionnaires.
La conscription de mars 1793 fut l’élément déclencheur du soulèvement
vendéen. Spontané et populaire, ce soulèvement fut mené par un colpor-
teur, père de famille, Jacques Cathelineau, qui devint bientôt le premier
généralissime de l’Armée catholique et royale. Les paysans allèrent chercher

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les nobles (Charette, Bonchamps, La Rochejaquelein, etc.) pour les mettre à


leur tête. Une armée improvisée était née.
Dans les premiers mois, les Vendéens allèrent de victoire en victoire,
chassant les troupes républicaines du pays des Mauges et des alentours.
Ces paysans en sabots connaissaient bien ce bocage aux chemins creux,
bordés de genêts en fleurs. Fourches à la main et Sacré-Cœur sur la poitri-
ne, ils firent bénir leurs armes et prirent bientôt les villes de Cholet (14
mars), Chalonnes (22 mars), Pornic (27 mars), Argenton-Château (1er mai),
Bressuire (2 mai), Thouars (5 mai), Parthenay (13 mai), Fontenay-le-Comte
(24 mai), Saumur (9 juin). Le 18 juin, les Vendéens, s’emparaient d’Angers.
Le premier sérieux échec eut lieu à Nantes, le 29 juin 1793 et Jacques Ca-
thelineau, le Saint de l’Anjou, y fut mortellement blessé.

Jusqu’en juin, la Convention avait plutôt réagi mollement, faute de


moyens et de coordination. Mais, après la victoire des Républicains à
Nantes, la guerre évolua différemment. Les forces en présence furent
rééquilibrées et les victoires dans les deux camps succédèrent aux défaites.
Malgré les oppositions fédéralistes dans le Midi, celles des chouans en
Bretagne et des populations contre-révolutionnaires un peu partout en
France (Franche-Comté, Berry, Normandie, Mayenne, etc.), c’est la Vendée
militaire qui inquiéta le plus sérieusement la Convention. C’est elle qui fut
l’objet des discussions animées de l’Assemblée : comment arrêter ce soulè-
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vement de paysans qui viennent à vous le chapelet et le scapulaire à la


main ?

La rhétorique génocidaire
Pour briser ce soulèvement, les conventionnels Mazarde et Garnier
proposèrent, dès le 12 juin 1793, de brûler les moulins, de déporter la
population et de repeupler cette région de « bons citoyens ». Le 26 juillet,
le comité de Salut public décréta contre la Vendée une levée en masse de
tous les adultes mâles des contrées voisines, l’incendie des bois et des
genêts, la destruction des « repaires des rebelles », la saisie de leurs récol-
tes et enfin la déportation des vieillards, des femmes et des enfants. « Ce
qui revient à dire, souligne Alain Gérard, que tous les hommes en âge de
combattre devront être liquidés 1. » Bertrand Barère de Vieuzac, membre
du comité de Salut public, fit, ce même jour, un rapport sur les événements
vendéens. Il acheva son discours ainsi :
La guerre de la Vendée s’est composée jusqu’ici de petits succès et de grands
revers. C’est le royalisme qui, dans Paris, a fait lever ces héros de cinq cents li-
vres, qui font la honte de l’armée. Parmi les mesures prises et à prendre, il en est
de très fortes, qui resteront secrètes et que la Convention devine sans peine ; je
vais lui soumettre les autres 2.
En effet, le 1er août 1793, Barère se chargea, au nom du comité, de pré-
senter à la Convention un décret pour en finir avec « l’exécrable guerre de
Vendée ». Son discours propose, ni plus ni moins, un plan de destruction
totale de la Vendée :
Ici, le comité, d’après votre autorisation, a préparé des mesures qui tendent à
exterminer cette race rebelle, à faire disparaître leurs repaires, à incendier leurs
forêts, à couper leurs récoltes et à les combattre autant par des ouvriers et des
pionniers que par des soldats. C’est dans les plaies gangréneuses que la médeci-
ne porte le fer et le feu, c’est à Mortagne, à Cholet, à Chemillé que la médecine
politique doit employer les mêmes moyens et les mêmes remèdes. L’humanité
ne se plaindra pas : les vieillards, les femmes et les enfants seront traités avec
les égards exigés par la nature. L’humanité ne se plaindra pas : c’est faire son
bien que d’extirper le mal ; c’est être bienfaisant pour la patrie que de punir les
rebelles. Qui pourrait demander grâce pour des parricides ? […] Nous vous pro-
posons de décréter les mesures que le comité a prises contre les rebelles de la
Vendée ; et c’est ainsi que l’autorité nationale, sanctionnant de violentes mesu-

1 — Alain GÉRARD, « Par principe d’humanité… », p. 151.


2 — Cité dans Guerre des vendéens et des chouans contre la République française, par un offi-
cier supérieur des armées de la République (Jean Julien Michel Savary), Paris, Baudouin
Frères, 1824, t. 1, p. 431.

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res militaires, portera l’effroi dans les repaires de brigands et dans les demeures
des royalistes 1.
Alain Gérard commente ainsi ce discours :
L’incendie de la Vendée prend une valeur tout à la fois expiatoire et rédemp-
trice. « L’humanité, assure l’orateur, ne se plaindra pas : c’est faire son bien que
d’extirper le mal. » Ainsi, dans « ces malheureux départements dont la gangrène
politique menace de dévorer et d’anéantir la liberté », la « médecine politique »,
affirme-t-il, est-elle habilitée à porter « le fer et le feu ». De la sorte, on tuera
moins des hommes particuliers que des symboles, et ce faisant, on se protège à
l’avance contre d’éventuels remords. Du reste, « exterminer cette race rebelle »
constitue seulement le prix à payer pour créer l’homme nouveau 2.
Le projet de décret fut bientôt adopté par la Convention. L’article pre-
mier stipulait : « Le ministre de la Guerre donnera sur le champ les ordres
nécessaires pour que la garnison de Mayence soit transportée en poste
dans la Vendée […] ». Quelques autres articles méritent d’être reproduits :
Art. VI : il sera envoyé par le ministre de la Guerre des matières combusti-
bles de toute espèce pour incendier les bois, les taillis et les genêts.
Art. VII : les forêts seront abattues ; les repaires des rebelles seront détruits ;
les récoltes seront coupées par les compagnies d’ouvriers, pour être portées sur
les derrières de l’armée et les bestiaux seront saisis.
Art. VIII : les femmes, les enfants et les vieillards seront conduits dans l’inté-
rieur. Il sera pourvu à leur subsistance et à leur sûreté, avec tous les égards dus à
l’humanité.
Article XIV : les biens des rebelles de la Vendée sont déclarés appartenir à la
République ; il en sera distrait une portion pour indemniser les citoyens qui se-
ront demeurés fidèles à leur patrie, des pertes qu’ils auraient souffertes 3.
Au club des Jacobins, Legendre, ancien boucher, approuva l’idée
d’anéantir les Vendéens dans leur ensemble : « Ce n’est plus aujourd’hui
qu’il faut se parer d’une vaine pitié, ce n’est plus le temps de faire grâce : il
faut que nous périssions ou que nous exterminions nos ennemis 4. » A
l’assemblée conventionnelle, le message fut entendu. Billaud-Varenne
pensa que les difficultés avec la Vendée étaient une occasion rêvée pour
sévir et pour se débarrasser des ennemis intérieurs de la République :
« Nous devons nous applaudir puisque les malheurs mêmes du peuple
exaltent son énergie, et nous mettent en mesure d’exterminer nos enne-
mis 5. » A Paris, fin août 1793, un certain Gaston encouragea à la besogne :

1 — Gazette Nationale ou le Moniteur universel du vendredi 9 août 1793.


2 — Alain GÉRARD, « Par principe d’humanité… », p. 155.
3 — Réimpression de l’ancien Moniteur, seule histoire authentique et inaltérée de la Révolution
française, Paris, Plon Frères, 1847, t. 17. p. 288.
4 — Journal des Jacobins, 2 août 1793. Cité dans François-Alphonse AULARD, La Société des
Jacobins, t. 5, Paris, 1895, p. 325.
5 — Réimpression de l’ancien Moniteur, t. 17, p. 581.
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« Il faut du sang pour consolider la Révolution. Si nous ne versons pas celui


des contre-révolutionnaires, ils verseront un jour le nôtre 1. » Le sang, en
effet, allait couler, en abondance, pour une semence de chrétiens.

Les débuts du génocide


En Vendée militaire, les représentants en mission veillèrent à
l’application du décret du 1er août. L’un d’entre eux (Fayau) écrivit au
comité de Salut public que toutes les mesures avaient été prises pour
« purger le sol de la liberté de cette race de brigands ». Le 16 août, le représen-
tant Momoro prêta serment :
Nous exécuterons les décrets de la Vendée, nous brûlerons tous les repaires
des brigands, nous ferons passer les femmes, les enfants et les vieillards sur les
derrières de l’armée et nous tirerons tout le reste. On n’en viendra jamais à bout
autrement, tous ces gueux sont fanatisés. Le ministre de la Guerre nous envoie
force matières combustibles 2.
L’ardeur de nos troupes est toujours la même ; partout les brigands sont re-
poussés ; ils ne peuvent résister à l’impétuosité républicaine de nos soldats qui
franchissent les haies, les fossés et les poursuivent la baïonnette dans les reins
[…] La marche de nos troupes n’est pas aussi rapide que la nécessité
d’exterminer les brigands le demanderait […] Nous exécuterons à la lettre votre
décret. Ce grand acte de sévérité nationale jette dans l’âme des rebelles une sa-
lutaire terreur ; des monceaux de cendres, la famine, la mort s’offrent de tous
côtés à leurs regards 3
A Saumur, cinq jours plus tard, Bourbotte annonça « la prochaine ex-
termination des hordes qui ravagent les départements de l’Ouest ». Le 16
septembre, Turreau et Cavaignac, assez fiers de leurs exploits, signalent
qu’ils ont fait incendier tous « les ci-devant châteaux, tous les repaires de
brigands 4 ». Concrètement, les troupes sur place (l’armée des côtes de La
Rochelle, l’armée de Mayence – 16 000 hommes – et une partie de l’armée
des côtes de Brest) incendiaient tout sur leur passage : maisons, champs,
métairies, châteaux. Les populations fuyaient ou étaient massacrées. Parmi
de multiples témoignages que l’on pourrait citer, celui d’un agent du
ministre de l’Intérieur, Pierre Petiot : « Les soldats d’un bataillon de Paris
sont allés piller les paisibles métairies et tuer les paysans dans leur aire et
dans leurs champs. »

1 — Cité dans Bernard LERAT, Le terrorisme révolutionnaire : 1789-1799, Paris, France-


Empire, 1989.
2 — Cité dans Raoul MERCIER, Le monde médical dans la guerre de Vendée, Tours, Arroult,
1939, p. 335.
3 — Extrait de la Lettre des représentants du peuple près l’armée de Brest, datée du 2
septembre 1793, dans Réimpression de l’ancien Moniteur, t. 17, p. 595.
4 — Voir Alain GÉRARD, « Par principe d’humanité… », p. 182-183.

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Pour rendre la situation encore plus tragique, la Convention vota le 17


septembre la fameuse loi des suspects, « véritable mode d’emploi du terro-
risme d’État » (Alain Gérard). La loi permettait la délation pour écraser
toutes actions jugées contre-révolutionnaires. Et les droits de l’homme ne
s’appliquent pas aux contre-révolutionnaires, tonna Collot d’Herbois.
Les Vendéens trouvèrent la force d’écraser l’avant-garde de l’armée de
Mayence, « une armée de faïence » comme le disaient bien imprudemment
nos héros catholiques. Le mois de septembre vit encore quelques belles
victoires de l’armée de paysans. Le comité de Salut public, craignant de
compromettre sa responsabilité par l’annonce de ces défaites, arrêta un
ensemble de mesures qu’il soumit à la ratification de la Convention. Barère
de Vieuzac, son organe officiel, parut une nouvelle fois à la tribune le 1er
octobre. Son discours, tout aussi enflammé que celui du 1er août, se voulait
vengeur. Malgré les mesures exceptionnelles prises par la Convention le
1er août, la Vendée existait encore :
L’inexplicable Vendée existe encore… Ce creuset où s’épure la population
nationale devrait être anéanti depuis longtemps ; il menace de devenir un vol-
can dangereux. Vingt fois depuis l’existence de cette rébellion, les représen-
tants, les généraux, le comité lui-même, vous ont annoncé la destruction pro-
chaine des rebelles. De petits succès étaient suivis de grandes défaites. On
croyait pouvoir les détruire…
Après avoir longuement expliqué les raisons des défaites successives et
des piètres victoires obtenues, Barère lança ce mot d’ordre, imprécateur :
Détruisez la Vendée ; Valenciennes et Condé ne seront plus au pouvoir de
l’Autrichien. Détruisez la Vendée ; l’Anglais ne s’occupera plus de Dunkerque.
Détruisez la Vendée ; le Rhin sera délivré des Prussiens. Détruisez la Vendée, et
l’Espagne se verra harcelée, conquise par les méridionaux, joints aux soldats
victorieux de Mortagne et de Cholet […].
Enfin, chaque coup que vous porterez à la Vendée retentira dans les villes re-
belles, dans les départements fédéralistes, dans les frontières envahies. La Ven-
dée, et encore la Vendée ! Voilà le chancre politique qui dévore le cœur de la
République française ; c’est là qu’il faut frapper d’ici au 20 octobre, avant
l’hiver, avant l’impraticabilité des routes, avant que les brigands trouvent
l’impunité dans le climat et dans la saison 1
Barère fit approuver la réunion des deux armées en une seule, sous le
nom d’armée de l’Ouest, et la nomination du général Lechelle au comman-

1 — Extraits du discours de Barère, cité dans Réimpression de l’ancien Moniteur, t. 18.


p. 50-54. Voir aussi Histoire parlementaire de la Révolution française ou Journal des Assemblées
nationales depuis 1789 jusqu’à 1815 par BUCHEZ et ROUX, Paris, Paulin, 1836, t. 39, p. 208-212.
Ces extraits du discours de Barrère sont souvent datés du 1er août. C’est évidemment une
erreur.
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dement en chef. Par décret, la Convention assigna un terme à cette guerre


et adopta la proclamation suivante, adressée à l’armée :
La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut
public, décrète :
Art. I. Le département de la Loire-Inférieure demeure distrait de l’armée des
côtes de Brest et réuni à celle des côtes de La Rochelle, laquelle portera désor-
mais le nom d’armée de l’Ouest.
Art. II. La Convention nationale approuve la nomination du citoyen Léchelle,
général en chef, nommé par le conseil exécutif pour commander cette armée.
Art. III. La Convention nationale compte sur le courage de l’armée de
l’Ouest et des généraux qui la commandent, pour terminer, d’ici au 20 octobre,
l’exécrable guerre de la Vendée.
La reconnaissance nationale attend l’époque du 1er novembre prochain pour
décerner des honneurs et des récompenses aux armées et aux généraux qui, dans
cette campagne, auront exterminé les brigands de l’intérieur, et chassé sans re-
tour les hordes étrangères des tyrans de l’Europe 1.
Puis, la Convention nationale envoya une Proclamation à l’armée révolu-
tionnaire de l’Ouest qui encourageait à la besogne :
Soldats de la liberté, il faut que les brigands de la Vendée soient exterminés
avant la fin du mois d’octobre ; le salut de la patrie l’exige, l’impatience du
peuple français le commande, son courage doit l’accomplir. La reconnaissance
nationale attend à cette époque tous ceux dont la valeur et le patriotisme auront
affermi sans retour la liberté et la République 2.
A la Convention, les révolutionnaires discutaient depuis la fin du mois
d’août sur les moyens à mettre en œuvre pour liquider efficacement cette
population de « brigands ». De nombreux individus plus ou moins savants
se succédèrent a la tribune. Reynald Secher écrit :
Pour ce faire, on sollicite les services d’un des plus grands chimistes de
l’époque : Antoine Fourcroy qui ne trouvera pas la solution. Un pharmacien
d’Angers, physicien de son état et alchimiste, nommé Proust, avance l’arme
chimique. Elle consiste en « un levain propre à rendre mortel l’air de toute une
contrée ». Proust invente aussi « une boule de cuir remplie d’une composition
dont la vapeur dégagée par le feu devait asphyxier tout être vivant fort loin à la
ronde ». L’essai sur des moutons aux Ponts-de-Cé, en présence de députés, est
sans résultat « et personne n’en fut incommodé ». D’autres, comme le général
Santerre, proposent le recours aux mines : « Des mines, des mines à force ! …
des fumées soporifiques ! Et puis tomber dessus… 3. »

1 — Gazette Nationale ou le Moniteur universel, n° 275, 2 octobre 1793, vol. 24, p. 16. (Voir
document original en annexe 1).
2 — Gazette Nationale ou le Moniteur universel, ibid. p.16. (Voir document en annexe 1)
3 — Reynald SECHER, La guerre de Vendée : guerre civile, génocide, mémoricide, dans
l’ouvrage collectif « Le Livre noir de la Révolution française », Paris, Cerf, 2008, p. 235. Les

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Jean-Baptiste Carrier, quant à lui, soumit à l’Assemblée l’utilisation du


poison :
Que font au peuple vos victoires qui ne terminent rien ? Il faut employer les
moyens extrêmes. Vous avez délivré le pays d’un chancre qui le dévore. Le poi-
son est plus sûr que toute votre artillerie. Ne craignez donc pas de le mettre en
jeu. Faites empoisonner les sources d’eau. Empoisonnez du pain, que vous
abandonnerez à la voracité de cette misérable armée de brigands, et laissez faire
l’effet. Vous avez des espions parmi ces soldats du pape qu’un enfant conduit.
Lâchez-les avec ce cadeau et la patrie est sauvée. Vous tuez les soldats de La
Rochejaquelein à coups de baïonnettes, tuez-les à coup d’arsenic, cela est moins
dispendieux et plus commode 1.
Pendant que les républicains remet-
taient de l’ordre et de l’unité dans leurs
troupes et envisageaient les moyens
d’anéantir la Vendée militaire, les chefs
Vendéens se divisaient. Les généraux,
en désaccord sur les objectifs à atteindre,
décidèrent de se battre séparément. Dès
lors, une succession d’erreurs stratégi-
ques condamna inexorablement l’Armée
catholique et royale d’autant qu’après la
défaite de Cholet (17 octobre 1793), elle
perdit trois de ses principaux chefs :
Bonchamps, Lescure et d’Elbée.
Malgré les avis de Charette et de
Stofflet, le conseil de Châtillon – présidé
Henri de la Rochejaquelein à la bataille par le marquis de Donnissan, le beau-
de Cholet, le 17 octobre 1793 père de Louis de Lescure – céda aux
Vendéens ? Inquiets d’une menace d’en-
cerclement de leur territoire, ils souhaitèrent traverser la Loire. Le prince
de Talmont les appuya. Il leur fit espérer l’aide des Anglais et celle des
émigrés. Ceux-ci devaient débarquer à Granville et, selon les plans, se
joindre à la Grande Armée pour soulever tout le grand Ouest. 90 000
vendéens, dont 50 000 non-combattants, franchirent la Loire le 18 octobre,
à Saint-Florent-le-Vieil. Ce fut la malheureuse Virée de Galerne, où les
Blancs se couvrirent de victoires, à Entrammes, Laval, Dol et Antrain, mais
qui se termina par la défaite du Mans (12 décembre 1793). A compter du
21 décembre, les Bleus massacrèrent le reste de cette pauvre armée dans

mêmes exemples dans Jacques CRÉTINEAU-JOLY, Histoire de la Vendée militaire, Paris, Plon,
1865, t. 1, p. 229.
1 — Extrait du discours de Carrier cité par Jacques CRÉTINEAU-JOLY, Histoire de la Ven-
dée militaire, t. 1, p. 367-368.
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les marais de Savenay comme s’en vanta le général Westermann dans son
rapport, rédigé à chaud (23 décembre) :
Il n’y a plus de Vendée, citoyens républicains, elle est morte sous notre sabre
libre avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et les
bois de Savenay. Suivant les ordres que vous m’avez donnés, j’ai écrasé les en-
fants sous les pieds des chevaux, massacré des femmes qui au moins pour cel-
les-là n’enfanteront plus de bri-
gands. Je n’ai pas un prisonnier
à me reprocher, j’ai tout exter-
miné… Mes hussards ont tous à
la queue de leurs chevaux des
lambeaux d’étendards brigands.
Les routes sont semées de cada-
vres. Il y en a tant que, sur plu-
sieurs endroits, ils font pyrami-
de. On fusille sans cesse à Sa-
venay car à chaque instant il ar-
rive des brigands qui prétendent Passage de la Loire après la bataille de Cholet
se rendre prisonniers. Kléber et
Marceau ne sont pas là. Nous ne faisons pas de prisonniers, il faudrait leur don-
ner le pain de la liberté et la pitié n’est pas révolutionnaire 1.
A la lecture de ce bulletin, la Convention décréta des « actions de grâ-
ces » pour les armées qui venaient d’écraser la Vendée. Marceau et Kléber,
avec les représentants Prieur et Turreau, se rendirent à Nantes pour assis-
ter à la fête civique préparée en l’honneur de cette journée mémorable. La
Convention avait déjà nommé (le 8 novembre) la Vendée, le département
Vengé. La mission était accomplie. Barère de Vieuzac pouvait être satisfait :
la Vendée Militaire n’existait plus, ou si peu.

Le génocide confirmé : les Colonnes infernales


Après les batailles du Mans 2 et de Savenay, l’Armée catholique et roya-
le était anéantie. Il restait quelques pelotons désœuvrés que Charette,
Stofflet et La Rochejaquelein s’efforcèrent de grossir. La région appelée
Vendée militaire était ravagée et en partie incendiée. Femmes, enfants,
vieillards qui s’étaient cachés ou qui avaient erré revinrent dans les villa-

1 — Extrait du rapport de Westermann, cité dans Jacques CRÉTINEAU-JOLY, Histoire de


la Vendée militaire, Paris, Plon, 1865, t. 2, p. 4.
2 — Depuis un an, des archéologues de l’INRAP (Institut national de recherches archéo-
logiques préventives) ont exhumé les victimes vendéennes des massacres des 12 et 13
décembre 1793. Ils ont retrouvé neuf charniers : « De nombreux corps portaient les stigmates
osseux de combats violents à l’arme blanche : fractures, incisions nettes, mandibule tranchée,
maxillaire coupé, omoplate percée… » (Extrait du communiqué de presse du 23 juin 2010.
Voir www.inrap.fr.)

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ges détruits. Ils aspiraient tous à la paix. Tout pouvait renaître, dans les
larmes et dans la douleur.
Mais la Convention en décida autrement. Hentz et Francastel, commis-
saires de la République à Angers, expliquèrent dans un rapport de trente-
huit pages que « la pensée d’une amnistie était odieuse et la dignité natio-
nale la repoussait […] même si la guerre de Vendée était politiquement finie ».
Le général Turreau, nommé récemment commandant en chef de l’armée
de l’Ouest, proposa un plan
d’amnistie auquel le comité de
Salut public ne répondit pas. Il
adressa un second plan au
comité, daté du 15 janvier
1794 :
Mon intention est bien de tout
incendier, de ne réserver que les
Les fusillades de Nantes points nécessaires à établir les
cantonnements propres à l’anéantissement des rebelles ; mais cette grande me-
sure doit être prescrite par vous. Je ne suis que l’agent passif des volontés du
Corps législatif que vous devez représenter dans cette partie. Vous devez éga-
lement vous prononcer d’avance sur le sort des femmes et des enfants que je
rencontrerai dans ce pays révolté. S’il faut les passer tous au fil de l’épée, je ne
puis exécuter une pareille mesure sans un arrêté qui mette à couvert ma respon-
sabilité […]. En huit jours, la Vendée doit être battue, tous les rebelles pressés
entre moi, Haxo et Dutry […] 1.
Sans attendre de réponse, il envoya des instructions à ses généraux le
19 janvier 1794 dont le texte est intitulé : « Instruction relative à l’exécution
des ordres donnés par le général en chef de l’armée de l’Ouest, contre les brigands
de la Vendée, (30 nivôse an II) 2.
Tous les brigands qui seront trouvés les armes à la main, ou convaincus de
les avoir prises pour se révolter contre leur patrie, seront passés au fil de la
baïonnette. On en agira de même avec les filles, femmes et enfants qui seront
dans ce cas. Les personnes seulement suspectes ne seront pas plus épargnées,
mais aucune exécution ne pourra se faire sans que le général l’ait préalablement
ordonnée. Tous les villages, métairies, bois, genêts et généralement tout ce qui
peut être brûlé sera livré aux flammes, après cependant que l’on aura distrait des
lieux qui en seront susceptibles, toutes les denrées qui y existeront ; mais, on le
répète, ces exécutions ne pourront avoir leur effet que quand le général l’aura
ordonné […].

1 — Cité par M. de BARANTE, Histoire de la Convention nationale, t. V, Paris, 1853, p. 463.


2 — Guerre des vendéens et des chouans contre la République française, par un officier supé-
rieur des armées de la République (Jean Julien Michel SAVARY), Paris, Baudouin Frères,
1825, t. 3, p. 56 et 57.
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Le plan de Turreau entra en vigueur le 21 janvier. Il eut à sa disposition


six divisions à l’est de la Vendée, chacune étant divisée en deux colonnes,
ce qui portait le nombre à douze. Le 8 février, Turreau reçut de Lazare
Carnot – membre du comité de Salut public, délégué aux Armées, créateur
des quatorze armées révolutionnaires – l’approbation de son plan
d’extermination :
Tu te plains de n’avoir pas reçu du comité l’approbation formelle de tes me-
sures. Elles lui paraissent bonnes et tes intentions pures, mais, éloigné du théâtre
de tes opérations, il attend les grands résultats pour se prononcer dans une ma-
tière sur laquelle on l’a déjà trompé tant de fois, aussi bien que la Convention
nationale. […] Extermine les brigands jusqu’au dernier, voilà ton devoir ; nous
te prescrivons surtout ne pas laisser une seule arme à feu dans les départements
qui ont participé à la révolte et qui pourraient s’en servir encore. Armes-en les
soldats de la Liberté. Nous regarderons comme traîtres tous les généraux, tous
les individus qui songeraient au repos, avant que la destruction des révoltés soit
entièrement consommée 1.
Jusqu’au 17 mai 1794, les colonnes infernales massacrèrent et pillèrent
le pays tout entier. On connaît le parcours de chacune des colonnes. Le
massacre des Lucs-sur-Boulogne est le plus « célèbre » d’entre eux. Ce
jour-là, 28 février 1794, la colonne des généraux Cordellier et Crouzat fit
564 victimes, dont 110 enfants de moins de sept ans. De nombreux autres
massacres eurent lieu et les horreurs sont innombrables. Reynald Secher en
cite quelques-unes :
Des femmes enceintes étaient étendues et écrasées sous des pressoirs. Une
pauvre femme, qui se trouvait dans ce cas, fut ouverte vivante au Bois-Chapelet,
près le Maillon. Le nommé Jean Lainé, de La Croix-de-Beauchêne, fut brûlé vif
dans son lit où il avait été retenu pour cause de maladie […]. Des membres san-
glants et des enfants à la mamelle étaient portés en triomphe au bout des baïon-
nettes. […] Les registres clandestins, comme ceux du recteur Pierre-Marie Ro-
bin, curé de La Chapelle-Basse-Mer 2, dans leurs froides descriptions, se font
l’écho de « cette boucherie », expression employée par Napoléon parlant de la
Vendée. Les pires atrocités, rapportées par les révolutionnaires eux-mêmes, sont
commises : aux Ponts-de-Cé 3, ils tannent la peau des Vendéens afin d’en faire
des culottes de cheval destinées aux officiers supérieurs ; à Angers, ils coupent
les têtes pour les disséquer ; aux Herbiers 4, ils jettent les femmes et les enfants,

1 — Guerre des vendéens et des chouans contre la République française, par un officier, ibid,
t. 3, p. 151.
2 — Registre paroissial, Archives municipales de La Chapelle-Basse-Mer. Voir aussi,
R. SECHER, La Chapelle-Basse-Mer, Paris, Perrin, 1986.
3 — Archives départementales du Maine et Loire, IL, 1127/3.
4 — Archives historiques de l’armée, B58.

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Blancs comme Bleus, dans des fours ; à Clisson, ils font fondre des corps pour
en récupérer de la graisse pour les hôpitaux et les charrettes, etc 1.
Mais ajoute notre auteur :
Tout sentiment magnanime est interdit comme le proclame Carrier : « Qu’on
ne vienne pas parler d’humanité envers ces féroces Vendéens ; ils seront tous
exterminés ; les mesures adoptées nous assurent un prompt retour à la tranquilli-
té dans ce pays ; mais il ne faut pas laisser un seul rebelle car leur repentir ne se-
ra jamais sincère » 2.
Les populations qui ont fui sont soit tuées, soit emprisonnées dans les
villes des alentours. Rapidement, devant l’afflux des prisonniers qui en-
combrent les prisons, la décision est prise de les exécuter. Neuf fusillades
se déroulèrent à Avrillé, aux Champs des Martyrs, entre le 12 janvier et le
16 avril 1794 (1 994 hommes, femmes et enfants sont exécutés) 3. Une
douzaine de fusillades se déroulèrent également aux Ponts-de-Cé (au sud
d’Angers) où 1 500 à 1 600 prisonniers sont passés par les armes. A
Saumur, 950 Vendéens sont exécutés par fusillades ou par guillotine (500 à
600 vont périr en prison) ; 600 à 700 autres, capturés lors de la Virée de
Galerne, iront à Bourges, où seulement une centaine survivront 4.
On pourrait citer des dizaines d’exemples. Dans sa très longue étude
intitulée Essai sur la Terreur en Anjou 5, l’historien Camille Bourcier expli-
que comment il est arrivé à dénombrer près de 10 880 victimes vendéennes
ou angevines fusillées ou guillotinées, en Anjou :
Nous l’avons déjà dit : « Francastel ne voulait pas qu’on gardât par écrit ce
qui avait rapport aux brigands. Tous ceux qui furent arrêtés et conduits dans le
temple de la Raison, et dans la ci-devant église des Petits-Pères, furent égale-
ment fusillés sans être portés sur le registre révolutionnaire » (Blordier-
Langlois, I, p. 427). Plusieurs auteurs se sont occupés néanmoins de fixer des
chiffres. M. Godard-Faultrier, entre autres, dans son Champ des Martyrs
d’Avrillé. Il évalue à 2 100 environ le nombre des individus fusillés en cet en-
droit ; aux Ponts-de-Cé 1 500, à Angers et ses environs 3 600. Ce qui ferait un
chiffre de quatre à six mille personnes.
Mais M. Godard-Faultrier dit qu’il ne compte pas les individus fusillés au
port de l’Ancre, à Érigné, à la pointe de l’île des Ponts-de-Cé, les exécutions sur
l’échafaud, les noyades de la Baumette, de Montjean, et les fusillades répétées
sur tous les autres points de l’Anjou. M. Godard n’a pas l’air de trouver exagéré
le chiffre total de 10 000 ; c’est qu’en effet il ne l’est pas. J’admets, comme lui,

1 — Reynald SECHER, La guerre de Vendée : guerre civile, génocide, mémoricide, dans


l’ouvrage collectif Le Livre noir de la Révolution française, Paris, Cerf, 2008, p. 239.
2 — Gazette nationale, t. 19, 23 février 1794, p. 537. Voir aussi : Charles Louis CHASSIN,
La Vendée patriote, 1793-1800, Paris, 1895, t. 7, p. 235.
3 — Jacques HUSSENET (dir.), « Détruisez la Vendée ! », p. 454.
4 — Jacques HUSSENET (dir.), « Détruisez la Vendée ! », p. 465.
5 — Revue de l’Anjou, t. 6, Angers, 1870, p. 68-71.
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son premier nombre. Avrillé : 2 100 ; Les Ponts-de-Cé : 1 500, j’irais à 1 900 ;
pour Angers et ses environs : 1 500 ; pour Saumur, Bournan, etc, : 600 ; pour
Doué-La-Fontaine : 550 ; pour Sablé, Chemillé : 180 ; pour Tours, Laval, Le
Mans, Alençon (je ne parle que des Angevins ou Vendéens) 1 500 ; Assassinés :
50 ; Paysans, femmes, etc : 2 500. Total : 10 880. En adoptant le chiffre de dix
mille, je crois rester en deçà de la vérité. Je n’y fais entrer, est-il besoin de le di-
re, aucun de ceux qui ont péri les armes à la main 1.
Après la défaite des Vendéens à Savenay, des milliers d’entre eux fu-
rent envoyés dans les prisons de Nantes. De la mi-décembre 1793 à la fin
février 1794, une commission improvisée fit exécuter 3 200 à 3 800 person-
nes par la guillotine ou par les fusillades. Comme ces moyens de tuerie
prenaient trop de temps – les morts devaient être enterrés – Carrier ordon-
na des noyades dans la Loire, mais à grande échelle. Selon Jacques Husse-
net, 1 800 à 4 800 personnes ont été noyées sur ordre de Carrier et près de
2 000 autres sur ordre d’autres révolutionnaires 2.

Le macabre bilan d’un génocide occulté


Combien de victimes ? Combien de martyrs dans cette Vendée Militaire
suppliciée ? On ne connaîtra jamais le nombre exact des victimes de la
violence révolutionnaire. Dieu seul connaît et a déjà récompensé par la
vision béatifique ces humbles paysans d’une contrée laborieuse, morts en
haine de la foi.
Le bilan humain de ce génocide a longtemps fait l’objet d’estimations
plus ou moins fantaisistes. La méticuleuse enquête démographique de
Jacques Hussenet permet de mesurer l’ampleur du désastre. La Vendée
militaire, suivant les chiffres les plus sérieux, a perdu 140 000 à 190 000
hommes, femmes et enfants entre 1793 et 1796, soit entre le cinquième et le
quart de sa population, localement plus du tiers, parfois même la moitié,
comme dans les districts de Cholet, de Vihiers et de Mauléon.
Jacques Hussenet souligne que la population du département de la
Meuse a subi des pertes identiques lors de la Première Guerre mondiale
mais il précise aussi que les moyens de destruction mis en œuvre entre
1914 et 1918 étaient beaucoup plus puissants que ceux dont disposaient les
hommes de 1793. C’est dire la violence des combats et la sauvagerie de la
répression. Cette répression ne fut que l’application d’un plan
d’extermination longuement discuté au comité de Salut public et à la
Convention et savamment mis en place du mois d’août 1793 au mois de

1 — Revue de l’Anjou, t. 6, 1870, p. 68-71. L’article fut publié en tiré-à-part chez Barassé à
Angers, 1870, 292 p.
2 — Jacques HUSSENET (dir.), « Détruisez la Vendée ! », p.458.

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mai 1794, l’extermination étant celle de la Vendée militaire sans exception


à partir de janvier 1794.
Malgré la demande de reconnaissance du génocide de la Vendée par
neuf députés en 2007 1, la tragédie vendéenne risque fort d’être victime,
pour longtemps, de la grande amnésie collective qui frappe notre société
décadente. C’est pourquoi les catholiques ont un devoir de mémoire et de
reconnaissance. Professeurs et parents doivent mieux connaître et trans-
mettre cette page si héroïquement chrétienne et française. Pour cela, il
suffit d’aller visiter les hauts lieux de la Vendée militaire, de lire et
d’étudier les bons livres sur le sujet, et de soutenir tous ceux qui se dé-
vouent à la cause, en particulier le Souvenir vendéen.
Saints martyrs de la Vendée militaire, qui nous avez montré l’exemple
de la fidélité, gardez nous la foi catholique pour aller jouir, avec vous, de
la vision de Dieu.

1 — Voir en annexe 2 la reproduction de la proposition de loi n° 3754 (21 février 2007).

Annexe 1 : Décret et proclamation


de l’Assemblée nationale du 1er octobre 1793
(copie conservée dans une mairie de Loire Atlantique)
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Annexe 2 : Proposition de loi


relative à la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-
1794, enregistrée à l’Assemblée nationale le 21 février 2007

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