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PROTECTION DES AGRUMES

Les plantations agrumicoles font l’objet de diverses maladies et attaques de très nombreux ravageurs.
L’intérêt économique et qualitatif contraint l’agrumiculteur à utiliser des pesticides, soit au verger, soit au
cours de la conservation ou du conditionnement des fruits et ce, dans le but d’éliminer ou de réduire les
pertes de production. Le défi à relever est d’y parvenir sans risque pour le consommateur et
l’environnement.

RESIDUS DES PESTICIDES SUR AGRUMES Après examen du dossier destiné à vérifier
l’efficacité biologique et l’innocuité du produit, le
Dans la détermination de la qualité des agrumes et comité d’homologation, après avis des
autres produits horticoles, les résultats d’analyse commissions spécialisées sur la toxicité, propose,
des résidus constituent un critère très important. soit l’homologation de la spécialité, soit une
Le terme « résidus de pesticides » signifie tout ce autorisation provisoire de vente avec demande de
qui reste de la matière active ou de son métabolite renseignements complémentaires ou un refus
sur ou dans les produits traités au champ et ce, d’homologation.
après leur récolte. Ces résidus sont généralement
présents à des teneurs très faibles, de l’ordre de Tolérance des résidus : LMR
quelques mg par kg de produit.
Les LMR correspondent aux concentrations en
Une distinction est à faire entre la notion de résidus les plus élevées, légalement acceptables
marquage sur produit et résidu : le marquage est pour que les denrées alimentaires restent
dû à des souillures provoquées par la charge et les commercialisables. Ces LMR, ou Limites
adjuvants de formulation des spécialités Maximales de Résidus, sont des références
phytosanitaires commercialisées alors que le imposées lors des échanges commerciaux. Si le
terme résidu toxique est lié à la seule matière producteur respecte les doses et usages
active présente dans le produit. recommandés en matière de pesticides, les
résidus qui en résultent dans les fruits ne doivent
Si aucune précaution n’est prise en matière pas excéder les LMR. Ces limites s’appliquent au
d’utilisation de ces pesticides, le risque serait donc moment où les fruits traités entrent sur les
de trouver sur les agrumes des teneurs en résidus marchés. Elles sont exprimées en mg/kg, c’est à
de pesticides en quantités inquiétantes pour la dire en mg de matière active par kg de fruits.
santé du consommateur. La santé publique se
trouve donc protégée par une réglementation En France, les LMR sont fixées par arrêtés
stricte mise en place dans la plupart des pays interministériels (Agriculture – Consommation –
importateurs et producteurs. Santé – Industrie), qui fixent également les délais
de rémanence, à savoir, les délais d’interdiction de
REGLEMENTATION GENERALE récolte après traitement.

Les agrumes, comme d’ailleurs tous les fruits et Les LMR varient d’un pays à l’autre et l’on
légumes frais mis en vente pour leur constate que, plus les méthodes d’analyse
consommation directe, doivent présenter un deviennent performantes, plus les LMR ont
certain nombre de critères de qualité : tendance à diminuer, rendant ainsi plus difficiles
les exportations de produits.
• ils doivent être sains,
• exempts d’attaques d’insectes ou de maladies, CONTROLE ET METHODES D’ANALYSE
• exempts de signes visibles de moisissures,
• ne doivent pas comporter de résidus excédant Contrôle
la teneur autorisée,
• ne doivent pas avoir été l’objet, avant ou après Le contrôle a pour but de constater le respect des
récolte, de traitements antiparasitaires avec normes de qualité sanitaire des produits. Il est
des matières actives non autorisées. important de signaler que ce contrôle s’effectue
par sondage à tous les stades de la
Homologation des produits antiparasitaires commercialisation par des institutions étatiques et
privées appartenant aux pays exportateurs ou
Il est important de rappeler que les produits importateurs.
antiparasitaires à usage agricole et produits
assimilés doivent faire l’objet, avant toute mise sur Le Maroc, en tant que pays producteur et
le marché, d’une demande d’homologation auprès exportateur d’agrumes, a réalisé depuis quelques
des organismes compétents. années, en matière de contrôle des résidus de
pesticides, un progrès appréciable. On peut citer
notamment la création de l’Etablissement
Autonome du Contrôle et de Coordination des avec du matériel de traitement pas toujours
Exportations (EACCE), en 1986, après la performant, a été à l’origine de résistance des
libéralisation des exportations des produits parasites aux pesticides et aussi de coûts
alimentaires. Son laboratoire, doté d’équipements relativement importants en achats de produits
des plus modernes, permet de contrôler les phytosanitaires.
teneurs en résidus de pesticides sur les fruits
destinés à l’exportation. Il informe également les La seconde phase, qui s’étend de 1984 à nos
producteurs et conditionneurs de l’évolution des jours, est une période de développement
normes de tolérance des résidus de pesticides. importante pour la SODEA en matière agrumicole.
Cet établissement est en cours d’accréditation par
l’Union Européenne. En effet, la société s’est rapidement équipée d’un
complexe de haut niveau pour la micropropagation
Il y a lieu de signaler aussi le rôle d’encadrement du matériel végétal sain et indemne de maladies,
des producteurs joué par la SASMA (Société la production de variétés et clones nouveaux. Elle
Agricole de Services au Maroc), au niveau d’abord a également mis en place des pépinières agréées,
de l’utilisation des pesticides aux vergers et dans à travers ses différentes régions agrumicoles afin
les stations de conditionnement. de disposer du matériel certifié nécessaire à ses
propres besoins et ceux des producteurs
Méthodes d’analyse nationaux.

Toutes les méthodes d’analyses employées pour Entamant ainsi ses plantations sur des bases
la détermination de résidus de pesticides sont en saines, elle a pu mieux orienter son approche en
général des méthodes officielles, nécessitant des matière de phytoprotection et à essayer, dans la
équipements relativement onéreux suivant la mesure du possible, de revoir sa stratégie de lutte.
matière active ou le groupe de produits à analyser. Par ailleurs, les exigences de plus en plus
Les résultats d’une analyse ne peuvent être draconiennes des pays importateurs, en matière
interprétés qu’eu regard de la précision et de la de résidus de pesticides, ont été un stimulant pour
fiabilité de la méthode employée. Ces méthodes la SODEA au développement de nouvelles
évoluent de manière à prendre en considération techniques de protection du verger, plus
les progrès scientifiques et techniques. respectueuses de l’environnement.

LA SODEA ET LA LUTTE PHYTOSANITAIRE En collaboration avec la SASMA et la DPVCTRF,


de nombreux progrès ont été réalisés en matière
L’expérience agrumicole de la SODEA peut être de lutte :
ramenée à deux phases bien distinctes.
ý le suivi des stades sensibles du pou de
La première, de 1972 à 1983, est caractérisée Californie pour décider des périodes propices de
essentiellement par l’amélioration du profil variétal traitement ;
du verger, son assainissement et sa remise en
état. ý le piégeage du pou de Californie et de la
cératite
Les actions mises en œuvre en matière de
protection phytosanitaire visaient avant tout : ý la technique d’échantillonnage séquentiel pour
les acariens
ý une meilleure connaissance des maladies et
parasites rencontrés (conditions de ý l’application d’un supplément de fumure azotée
développement, cycle biologique, suivi de l’état et à la veille du débourrement pour mieux favoriser
de l’évolution des infestations) et leur incidence sur les jeunes pousses et lutter ainsi contre la mineuse
la productivité et la qualité de la production ; (lutte culturale)

ý la vulgarisation des techniques de traitement de ý l’introduction de deux parasitoïdes (Ageniaspis


base (dose de matières actives, bouillie à l’arbre, citricola et Semielacher petiolatus) de la mineuse
réglage des pulvérisateurs) ; (lutte biologique)

ý l’arrachage des mauvaises parcelles, trop De nombreux efforts ont été fournis afin de faire
âgées ou trop infectées et la sauvegarde des accepter par tous un seuil de tolérance pour
parcelles rentables par des traitements chimiques chaque ravageur pour n’intervenir chimiquement
uniquement que dans le cas où ce seuil est atteint.
L’application de cette règle favorise le
Les principales préoccupations étaient de lutter développement des auxiliaires et permet de faire
contre les ravageurs déclarés afin de sauver la des économies substantielles en matière de
qualité de la production. Cette conception de lutte, produits phytosanitaires. L’alternance des matières
dominée par les interventions parfois mal ciblées, actives est également appliquée car indispensable
pour parer aux problèmes d’accoutumance. Des pucerons, …), trouvant leur nourriture assez
progrès ont également été réalisés en matière de abondante avec l’invasion de la mineuse, ont
matériel de pulvérisation et de formation des adapté et modifié leur comportement trophique en
techniciens, bien qu’il reste encore beaucoup à se nourrissant aux dépens de la mineuse :
faire dans ce domaine. Chrysopes, coccinelles, punaises, fourmis,
acariens prédateurs, thrips, etc.
En matière de coûts, les chiffres sont aussi
significatifs : durant la période 1987/1990, la L’ensemble de cette faune autochtone exerce son
moyenne annuelle des dépenses en pesticides impact sur les deuxième et troisième stades
pour les agrumes s’élevait à 1.700 DH par hectare. larvaires notamment, amenant ainsi une forte
De 1992 à 1996, cette moyenne annuelle a déjà mortalité à ce niveau de développement.
baissé de plus de 40 % et se chiffre à 1000 DH par
hectare. Par ailleurs, l’introduction de parasitoïdes
exotiques, particulièrement Ageniaspis citricola et
LA MINEUSE DES AGRUMES Semielacher petiolatus, actuellement bien
acclimatés au Maroc, a permis d’augmenter
Recul des infestations l’impact des auxiliaires naturels sur les populations
de la mineuse.
Depuis son introduction au Maroc en 1994, la
mineuse des feuilles d’agrumes a causé des LUTTE BIOLOGIQUE
dégâts spectaculaires mais, on constate que sa
pression diminue d’année en année. Si en Cas de l’U.P. 6108 SODEA
1994/95, on atteignait des taux d’infestation des
pousses de 100 %, avec une présence de tous les Ageniaspis citricola a été introduit à l’UP 6108 du
stades vivants de la mineuse, à partir de la Département de Ksiri/Larache entre juin et juillet
campagne 1995/96, la situation s’est pratiquement 1996. Quelques 120 individus ont été libérés dans
inversée. une parcelle de clémentinier et les techniciens ont
laissé le temps au parasitoïde de s’installer avant
En effet, il est aisé de constater actuellement que, d’entamer les premières observations ; celles-ci
malgré une présence quasi constante sur les ont commencé au début du printemps 1997, suite
jeunes pousses, les populations larvaires de la à une activité intense de Ageniaspis dans la
mineuse arrivent rarement à terme ; une forte parcelle de lâchers.
mortalité frappe les stades embryonnaires et
larvaires au point que dans certains vergers, moins Les échantillonnages et dénombrements des
de 10 % de la population larvaire arrive au stade populations de la mineuse ont porté sur la pousse
adulte. d’été durant les mois de juin, juillet, août et
septembre. Les résultats obtenus ont été les
Certes, des dégâts sont toujours observés, mais suivants :
en opérant à des échantillonnages et des
observations adéquates, on constate que les Dates 17/6/97 15/7/97 07/8/97 03/9/97
mineuses sont stoppées aux premiers stades Effectif
larvaires (L1, L2, L3) et qu’il y a peu ou pas de Total 345 442 563 423
nécroses sur les feuilles. Les rameaux dénudés, dénombré
suite aux attaques de générations estivales et Vivants (*) 138 92 140 0
Morts 174 244 227 333
automnales du lépidoptère, ne sont plus observés
Parasités 33 106 196 90
dans le verger adulte.
Taux de 19,3 % 53,5 % 58,3 % 100 %
parasitisme
D’où provient ce recul au niveau des dégâts ? (**)

Cette régression provient essentiellement de (*) Aucun stade vivant de la mineuse n’est dénombré le
l’impact qu’exercent les auxiliaires naturels sur les 03/09/97 : les individus recensés sont soit morts, soit
stades de développement de la mineuse. En effet, parasités.
à partir de la deuxième année d’introduction de ce (**) Taux de parasitisme = nombre de stades hôtes
ravageur, on a assisté à un passage progressif sur parasités par rapport au total des individus vivants et
la mineuse des agrumes, de parasitoïdes qui parasités
étaient inféodés aux mineuses de cultures
légumières à des larves de diptères ou de Les niveaux de mortalité et de parasitisme relevés
lépidoptères. C’est le cas notamment de montrent que la pression parasitaire engendrée
Cirrospilus pictus et de Pnigolio mediterraneus, par Ageniaspis s'est accentuée parallèlement à la
parasitoïdes relevés fréquemment sur les larves mortalité naturelle due aux parasitoïdes et aux
de la mineuse des agrumes. Parallèlement, les prédateurs locaux. Cette pression de la faune
prédateurs qui constituent la faune classique des auxiliaire est également matérialisée par la chute
ravageurs des citrus (cochenilles, acariens, de la population vivante de la mineuse dont la
proportion sur la pousse d’été est passée de 40 %
en juin à 20-25 % en juillet-août, pour s’annuler Ce parasitoïde, originaire du sud-est asiatique,
pratiquement début septembre. Tout cela a été nécessite une forte humidité relative pour se
favorisé par les conditions climatiques particulières développer et s’étendre. Dans le cas contraire, des
de l’année en cours. élevages et une recolonisation des vergers par des
lâchers successifs sont nécessaires pour
1997, année favorable aux auxiliaires augmenter les populations du parasitoïde après de
fortes chaleurs et une baisse d’humidité. Pour ce
Si 1997 a été une année caractérisée par faire, une unité de production d’Ageniaspis citricola
l’explosion d’une panoplie de ravageurs et de a été mise en place au Département Régional de
maladies des cultures, elle a constitué aussi une Ksiri/Larache qui sera fonctionnelle à partir de cet
année exceptionnelle en matière de automne.
développement de la faune auxiliaire,
particulièrement en verger de citrus. Parallèlement, un autre parasitoïde de la mineuse,
Semielacher petiolatus, mieux adapté aux
En effet, l’absence de chergui, une humidité conditions de fortes températures et de basse
relative se situant au-dessus des moyennes humidité, a été introduit dans les vergers SODEA
mensuelles habituellement enregistrées et des du Gharb après des essais concluants dans la
températures clémentes ont caractérisé la période région de Rabat.
hiver-printemps-été 1997, ce qui a permis le
développement d’Ageniaspis citricola tout au long
de cette période.

METHODES DE PROTECTION DES CULTURES

Lutte chimique aveugle


Utilisation sans discrimination des pesticides les plus efficaces d’après un calendrier fixe et préétabli de traitements.
Dépenses élevées en pesticides
Risques toxicologiques importants
Risques de pollution de l’environnement

Lutte chimique conseillée


Utilisation réfléchie des pesticides, en relation avec des conseillers en entomologie et phytopathologie.
Dépenses moins élevées en pesticides
Réduction des risques toxicologiques
Réduction des risques de pollution de l’environnement

Lutte dirigée (ou raisonnée)


Utilisation des pesticides, uniquement au niveau des « seuils de nuisibilité » ou « seuils de dégâts économiques ».
Faibles dépenses en pesticides
Réduction des risques toxicologiques
Moins de répercussions sur l’environnement

Lutte culturale
Utilisation de techniques culturales ou de méthodes modifiées de culture (assolements, fumure, désherbage mécanique,
taille) ou de variétés et porte-greffes plus résistants aux attaques.
Souvent inefficace à elle seule en cas de fortes pullulations ou infections

Lutte biologique
Utilisation, contre les déprédateurs ou parasites des cultures, de leurs ennemis naturels (virus, bactéries, insectes,
acariens, champignons, …) : acclimatation d’entomophages exotiques et multiplication, colonisation massive par des
auxiliaires indigènes, utilisation de micro-organismes conditionnés comme des insecticides (biopesticides, pesticide
bactérien), utilisation d’hormones de croissance, stérilisation des mâles, …
Nombreuses exigences techniques et contraintes économiques
Risque de perturbation de l’équilibre entre espèces si mal appliquée
Aucun risque toxicologique

Lutte intégrée
Utilisation de toutes les techniques de lutte (chimique, biologique, culturale et autres), judicieusement réparties dans le
temps, en limitant la lutte chimique aux seules interventions indispensables.
Technique relativement complexe qui exige déjà les acquis de la lutte dirigée et de nombreux spécialistes
multidisciplinaires
Faibles dépenses en pesticides
Respect maximum de l’environnement

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