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Lexbase Afrique-OHADA n°64 du 16 mars 2023 : (N)TIC

[Le point sur...] Le droit du numérique face à l’attractivité de


l’investissement au Maroc

N4513BZ8

par Miya Slamti, Professeur-chercheur, Ecole de Droit, Université Internationale de Rabat


(Maroc)

le 06 Mars 2023

Résumé : En édifiant une base productive variée et sophistiquée, le Maroc tend à devenir,
selon le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement marocain, le hub multisectoriel
le plus captivant de sa région et vise à profiter de sa position géographique et des
investissements importants en infrastructure réalisés ces dernières années pour valoriser
l’ensemble de ses potentialités économiques. Le Royaume a également pour ambition de
présenter au monde des produits et services à forte valeur ajoutée, porteurs de savoir-
faire, d’innovation et éco-responsables. Afin d’atteindre ces objectifs, et promouvoir plus
d’investissements nationaux et internationaux, il est primordial de privilégier le recours à
une véritable politique de digitalisation qui a d’ailleurs connu un essor considérable ces
dernières années. En outre, un cadre législatif et réglementaire diversifié et bien réfléchi a
été mis en place pour consolider le droit du numérique marocain et par conséquent
répondre aux différents besoins des investisseurs dans tous les secteurs d’activité et
accélérer de ce fait le taux d’employabilité des jeunes.

Mots clés : Investissement - droit - digitalisation

Introduction

A l’heure actuelle, le Maroc fait du numérique un outil décisif du progrès de sa compétitivité. Les technologies de
l’information et de la communication (TIC) ont gagné en importance et en expansion durant ces dernières années, ce
qui aura un impact hautement positif sur l’avenir des investissements et la création de richesses et d’emplois. L’usage
de ces TIC est un facteur majeur pour l’émergence de la société du savoir et peut activement contribuer au
développement humain, à l’amélioration de la cohésion sociale et à la croissance de l’économie nationale.

Dans un contexte de crise (sanitaire, économique, financière…), il était et est toujours nécessaire de mettre en place
un arsenal juridique solide afin d’encadrer le droit du numérique marocain et faire du digital un levier majeur de
développement de notre pays. Dans cette optique, une panoplie de lois ont vu le jour parmi lesquelles nous pouvons

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citer la loi n° 53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques, la loi n° 43.20 relative aux services de
confiance pour les transactions électroniques, la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à
l’égard des traitements des données à caractère personnel, la loi n° 61-16 portant création de l’Agence de
Développement du Digital (ADD), la loi n° 07-03 complétant le Code pénal en ce qui concerne la répression des
infractions relatives aux systèmes informatiques, la loi n° 05-20 relative à la cybersécurité… L’ensemble de ce corpus
juridique, que nous saluons au passage, permettra l’institution d’un climat d’affaire propice et d’une sécurité juridique
garantissant de ce fait l’attractivité des investissements.

Dans la même veine, la digitalisation est considérée comme un instrument au bénéfice de la performance. Celle-ci
constitue la force active de l’ensemble des secteurs d’activités : banque, assurances, industrie, services,
environnement, économie, territoires, éducation, etc. Elle constitue de ce fait un catalyseur majeur pour le
développement de l’investissement au Maroc. Le cadre légal numérique permettra en effet à notre pays de se
positionner en tant que hub digital régional et continental afin d’attirer plus d’investissements étrangers.

L’intérêt de la présente étude consiste à effectuer un état des lieux en la matière afin de délimiter les tenants et
aboutissants du droit du numérique face à l’attractivité de l’investissement au Maroc. Ceci nous permettra de déduire
les impacts de la législation numérique en vigueur sur la politique d’investissement ainsi et que les insuffisances qui en
découlent.

De ce fait, dans quelle mesure le droit du numérique pourrait-il influencer l’attractivité de l’investissement au Maroc ?

Afin de répondre à cette problématique, il serait judicieux de mettre l’accent en premier lieu sur l’analyse de la
législation numérique en vigueur en tant qu’atout majeur pour l'attractivité des investissements au Maroc (I) avant de
se pencher ensuite sur l’impact de cette législation sur l’essor de la politique d’investissement au Maroc (II).

I - Le droit numérique : un atout majeur pour l'attractivité des investissements au Maroc

A l’instar du droit, la digitalisation est actuellement omniprésente dans tous les secteurs de l’activité humaine. En
raison des avancées continues des technologies de l’information et de la communication (TIC) [1], elle est devenue un
moteur de la globalisation des échanges de toute nature.

Toutefois, le monde du numérique n’est pas mis en œuvre de façon anarchique mais obéit à un certain nombre de
règles et de lois qui constituent le cadre légal et les règles d’étanchéité de base de leur bonne marche (A). Ce corpus
de règles juridiques a également mis en place un certain nombre d’intervenants qui veillent à l’application conforme de
la législation en vigueur ainsi qu’à la sécurité des différentes parties prenantes (B). L’ensemble de ces éléments,
permettent en effet de favoriser l’accès des investisseurs nationaux et étrangers au marché marocain dans le but de
promouvoir l’attractivité des investissements dans tous les secteurs d’activité.

A - Règlementation et attractivité des investissements : l'importance de la législation numérique

La règlementation et l'attractivité des investissements dans l'économie numérique sont étroitement liées. En effet, pour
que les investissements soient attractifs, il est nécessaire que les entreprises et les investisseurs aient confiance en la
réglementation en vigueur et dans sa mise en œuvre. Ainsi, une réglementation claire et efficace est essentielle pour
garantir la sécurité juridique et la transparence des différents marchés, ce qui est crucial pour inciter les entreprises et
les investisseurs à investir.

Dans le cadre du développement de l’arsenal juridique numérique, le législateur marocain a mis en place un éventail
de loi afin de rehausser le Royaume vers les meilleurs standards internationaux en la matière.

Plusieurs lois ont été adoptées dans le domaine des TIC et du digital parmi les plus importantes nous pourrions citer
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tout d’abord la loi n° 24-96 relative à la poste et aux télécommunications telle qu’elle a été modifiée et complétée.
Cette loi a pour objectif de réglementer les activités de la poste et des télécommunications au Maroc. Elle vise à
assurer la libéralisation progressive du secteur des télécommunications, notamment en permettant l'entrée de
nouveaux acteurs sur le marché, tout en garantissant la qualité des services offerts aux utilisateurs. La loi établit
également les règles relatives à la surveillance des communications. En outre, cette loi a pour but de favoriser
l'investissement dans le secteur des télécommunications en garantissant la transparence et la concurrence, ce qui
permet aux entreprises privées d'investir en toute sérénité dans le marché marocain des télécommunications.

Une autre loi importante ayant été mise en place par le législateur marocain est la loi n° 43.20 relative aux services de
confiance pour les transactions électroniques. Cette loi a pour finalité de favoriser le développement des transactions
électroniques en garantissant la sécurité et la confiance des utilisateurs. Elle réglemente les services de confiance
pour les transactions électroniques, tels que les certificats électroniques, les signatures électroniques et les
horodatages électroniques, pour garantir la sécurité et l'intégrité des transactions effectuées en ligne.

Dans la même veine, la mise en place des dispositions de la loi n° 43-20 peut avoir un impact direct sur
l'investissement en créant un cadre juridique stable et sûr pour les transactions électroniques. Cela peut inciter les
investisseurs à investir dans les entreprises marocaines qui utilisent des services de confiance réglementés par la loi,
car ils peuvent être rassurés de la sécurité et de la fiabilité de ces transactions. De même, la reconnaissance de la
signature électronique et de la signature électronique avancée comme des moyens de preuve légaux en matière de
transactions électroniques, permet de faciliter les investissements et réduire les coûts liés à l'utilisation de la signature
manuscrite.

De surcroît, la réglementation juridique digitale s’étend également au volet pénal dans la mesure où le législateur a
veillé à intégrer dans la législation marocaine des règles qui encadrent la matière. Il s’agit de la loi n° 07-03
complétant le Code pénal concernant les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données
(STAD). Celle-ci a pour but de protéger les données et les systèmes informatiques contre les atteintes illégales [2] en
prévoyant des sanctions pénales pour les infractions relatives aux STAD.

La loi n° 07-03 a un effet direct sur l'investissement en créant un cadre juridique stable et sécurisé pour les données
informatiques et les systèmes de traitement automatisé des données. En outre, cette loi contribue à renforcer la
confiance des investisseurs dans les marchés marocains en garantissant un niveau élevé de protection des données
et de conformité aux normes établies, ce qui incite les investisseurs à investir dans des entreprises marocaines qui
utilisent des systèmes de traitement automatisé des données réglementés.

Dans le même sens, le législateur marocain a adopté récemment la loi n° 05-20 relative à la cybersécurité qui tend à
instaurer un cadre juridique prônant de nombreuses règles et mesures de sécurité. L’objectif étant d’assurer et
consolider la sécurité et la résilience des systèmes d’information des administrations de l’Etat, des collectivités
territoriales, des établissements et entreprises publics et de toute autre personne morale de droit public de l’Etat [3]
ainsi que des infrastructures d’importance fondamentale détenant des systèmes d’information sensibles.

La loi marocaine n° 05-20 relative à la cybersécurité [4] peut avoir un impact positif sur la politique d'investissement du
pays. Elle contribue à renforcer la confiance des investisseurs étrangers dans le marché marocain, car elle démontre
que le pays prend des mesures pour protéger les systèmes d'information et les réseaux de communication contre les
menaces de cybercriminalité et garantir la sécurité des données des utilisateurs et de ce fait des investisseurs.

Par ailleurs, une autre loi fondamentale a été instaurée par le législateur marocain et qui s’inscrit dans le cadre de la
lignée de l’article 24 [5] de la constitution marocaine. Il s’agit de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes
physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Cette loi vise à protéger les droits et les libertés
des personnes physiques en matière de protection de leurs données à caractère personnel. Elle établit des règles
pour la collecte, l'utilisation, la conservation et la divulgation des données à caractère personnel, ainsi que des
sanctions pour les violations de ces règles. En d’autres termes, elle tend à garantir une protection efficace des
individus contre les abus d’utilisation des données de nature à porter atteinte à leur vie privée et d’harmoniser le
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système marocain de protection des données personnelles avec celles de ses partenaires notamment européens [6].

Dans le même ordre d’idées, la loi n° 09-08 peut avoir un impact positif sur l'essor de l’investissement au Maroc en
imposant des exigences de protection de la vie privée aux entreprises qui opèrent dans le pays. Cela peut inclure des
exigences en matière de transparence, de notification en cas de violation de données et de responsabilisation des
entreprises en cas de non-respect de la loi. Celle-ci renforce la confiance des investisseurs et des consommateurs
dans les entreprises qui opèrent au Maroc. Ces derniers sauront que leurs données seront protégées par un cadre
juridique solide et sécurisé.

Il est également important de noter que cette loi est en ligne avec les normes étrangères de protection des données,
notamment avec le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD), ce qui peut faciliter les
investissements étrangers au Maroc et favoriser l'ouverture sur l’international.

A côté de la législation en vigueur qui tend à mettre en place un climat propice aux investissements nationaux et
étrangers, plusieurs intervenants interfèrent dans le cadre de la bonne marche de la politique digitale marocaine.

B - Les principaux intervenants dans la mise en œuvre de la politique de digitalisation au Maroc

Afin de garantir le bon fonctionnement de la politique de digitalisation [7] et par conséquent attirer plus d’investisseurs,
le Maroc a mis en place un certain nombre d’intervenants afin d’assurer une application efficace des dispositions
légales en vigueur.

Parmi les principaux acteurs nous pouvons citer tout d’abord l'Agence Nationale de Réglementation des
Télécommunications (ANRT) [8]. En effet, en tant que régulateur du secteur des télécommunications, l’ANRT joue un
rôle important afin de préserver un équilibre concurrentiel sur le marché des télécommunications, de manière à
permettre un déploiement du secteur, avantageux tant pour les acteurs du marché que pour les consommateurs. En
outre, l’ANRT est un acteur clé dans la mise en place d'un cadre réglementaire favorable à l'investissement et à
l'innovation dans le secteur des télécommunications.

Dans la même veine, le législateur marocain, par le biais de la loi n° 61-16, a institué l’Agence de Développement du
Digital (ADD). Nouveau acteur dans le développement de la digitalisation, l’ADD a pour mission de mettre en œuvre la
stratégie de l’Etat en termes de croissance du digital, de promouvoir des instruments numériques et le développement
de leur emploi auprès de l’administration, des entreprises et des citoyens.

En plus, ladite agence joue un rôle important dans le développement de l'investissement dans le secteur du
numérique au Maroc en proposant des mesures incitatives pour attirer les investisseurs en les accompagnant pour la
mise en place de leurs projets [9]. L’ADD tend aussi à soutenir la croissance de l'investissement en mettant en place
des conditions favorables pour les entreprises et les investisseurs et en promouvant le développement de
technologies de pointe.

Toujours dans le cadre des acteurs de la sphère numérique, la loi n° 09-08 a mis en place la Commission nationale de
contrôle de la protection des données à caractère personnel (CNDP). Celle-ci a pour objectif principal de veiller au
respect des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques à l'égard des traitements de données à
caractère personnel [10]. La Commission Nationale de Contrôle de Protection des Données à Caractère Personnel
(CNDP) joue un rôle important dans l'attractivité des investissements au Maroc en veillant à ce que les entreprises et
les organisations respectent les lois et les réglementations en vigueur en matière de protection des données à
caractère personnel. En garantissant la conformité aux normes de protection des données, la CNDP contribue à
instaurer un climat serein pour les investisseurs étrangers qui peuvent être rassurés quant à la sécurité de leurs
données et la protection de leurs intérêts.

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De plus, la CNDP contribue à faire de la protection des données un critère de choix pour les investisseurs étrangers
en mettant en place des mesures pour renforcer la protection des données personnelles. Ces mesures peuvent
inclure la mise en place de normes de protection des données, la formation des employés des entreprises et la
sensibilisation des citoyens aux questions de protection des données personnelles. En veillant à la conformité des
entreprises et organisations aux normes de protection des données, la CNDP contribue également à éviter les risques
de poursuites judiciaires ou de sanctions financières pour les entreprises qui peuvent avoir un impact négatif sur
l'attractivité des investissements au Maroc.

Par ailleurs, d’autres intervenants veillent à la prolifération efficace de la politique de digitalisation. Il s’agit notamment
de la Direction Générale de la Sécurité des Systèmes d’Information [11], le ministère de la transition numérique et de
la réforme de l’administration [12], l’Association des Utilisateurs des Systèmes d’Information au Maroc (AUSIM) [13],
l’Observatoire Marocain la Souveraineté Numérique OMSN [14]…

Il est important de noter que la mise en œuvre de la digitalisation au sein des différents secteurs d’activité nécessite
une collaboration et une coordination étroites entre tous ces intervenants pour garantir son succès.

II - L’impact de la législation numérique sur l’essor de la politique d’investissement au Maroc

L’analyse des principales lois et acteurs clés dans la mise en œuvre de la politique numérique et digitale comme
établie, ci-dessus, est intimement liée au respect de la conformité juridique en la matière. Afin d’assurer un
environnement favorable aux investissements, il serait opportun de se conformer au cadre juridique en vigueur en tant
que gage essentiel à l’essor des investissements (A) et ce malgré les insuffisances qui existent en la matière (B).

A - La politique numérique : véritable locomotive de développement des investissements au Maroc

La digitalisation a transformé les modalités d’information de l’investisseur. Internet et les applications mobiles
révolutionnent les relations au sein des divers secteurs d’activité [15]. Ils permettent l’accès, à tout moment et en tout
lieu, à l’investissement, la rapidité de la réponse et la fluidité de l’expérience [16].

Le cadre juridique numérique est essentiel pour rassurer les investisseurs nationaux et étrangers qui désirent
développer leurs activités dans le pays. Une réglementation efficace contribue à créer un environnement favorable
aux entreprises qui utilisent les services numériques. En outre, la législation numérique peut avoir un impact significatif
sur la politique d'investissement au Maroc en raison de son retentissement sur la protection des données
personnelles, la sécurité des réseaux, la lutte contre la cybercriminalité… Ces facteurs peuvent affecter les
opportunités des investissements.

Dans la même lignée, plusieurs programmes [17] et initiatives [18] ont été mis en place visant à développer les
infrastructures de télécommunications, à promouvoir l'utilisation des technologies de l'information et de la
communication (TIC) dans les entreprises et les divers secteurs d’activité et à améliorer l'accès à ces technologies
pour tous les citoyens.

Les mesures prises comprennent notamment la création de zones franches technologiques [19] pour attirer les
entreprises de haute technologie, la construction de centres de données pour améliorer la connectivité et la
disponibilité des données, la mise en place de programmes de formation pour les citoyens et les entreprises. Cela a
eu pour résultat d'améliorer la compétitivité du pays et d'attirer les investissements étrangers, notamment dans les
secteurs de l'automobile, de l'aéronautique, de l'aérospatiale, de l'énergie, de l'agroalimentaire et de l'industrie
pharmaceutique [20].

Cependant, malgré les atouts et la croissance du droit du numérique ainsi que ses répercussions positives sur la
politique digitale marocaine, un certain nombre d’insuffisances ou de lacunes persistent.

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B - La politique digitale : les lacunes à combler

Il est important de soulever que la politique de digitalisation mise en place par la législation en vigueur connait un
certain nombre d’insuffisances pour les entreprises et les investisseurs qu’il convient de soulever.

Nous pouvons citer en premier lieu des lacunes en termes d’instauration d’une véritable «souveraineté numérique».
En effet, dans une ère caractérisée par une émergence technologique exponentielle, le Maroc est à la traîne par
rapport aux autres pays précurseurs en matière de souveraineté numérique [21].

Notons au passage que la souveraineté numérique désigne la capacité d'un pays, d'une entreprise ou d'une personne
à maîtriser les technologies de l'information et de la communication (TIC) et à en définir les règles d'utilisation
domestiques [22]. Il est important pour un pays de développer des infrastructures numériques et des compétences
pour garantir une certaine indépendance vis-à-vis des entreprises étrangères afin de gérer ses propres données et
services.

Cependant, la souveraineté numérique peut être compromise par des acteurs étrangers qui peuvent avoir un accès
non autorisé aux données et aux systèmes d'information d'un pays, ou encore par des entreprises qui peuvent utiliser
les données des utilisateurs pour leur propre profit. Il est donc important de mettre en place des réglementations pour
protéger les citoyens et les entreprises nationales contre les risques liés à la digitalisation, ce qui pourrait constituer un
facteur attrayant pour les investisseurs locaux et internationaux.

De ce fait, cette perte de souveraineté numérique constatée au Maroc se caractérise par l’utilisation régulière d’outils
propriétaires donnant une possibilité potentielle à de tierces parties d’accéder aux données. Même si cette utilisation
par les tierces parties reste cadrée par un cadre légal, contractuel ou juridique, en pratique, tout changement de ce
cadre-là donnera lieu à une perte de contrôle des données qui peut être à l’origine de plusieurs résultats
catastrophiques : espionnage politique et industriel, chantage, révélation d’affaires secrètes [23]…

Toujours dans le cadre des insuffisances à relever, on peut citer la présence d’exigences réglementaires strictes ou
des processus de conformité complexes. Les entreprises ont parfois du mal à de se familiariser avec les lois et
règlementations en vigueur ce qui pourrait se répercuter sur l’équilibre que doivent assurer ces dernières entre la
conformité juridique et l’efficacité économique [24].

En effet, la conformité aux différentes lois liées à la digitalisation est un enjeu majeur pour les entreprises qui
exploitent des données et des technologies en ligne. Il est nécessaire pour les entreprises de trouver un équilibre
entre la conformité à la loi numérique et l'efficacité économique. Les entreprises doivent s'assurer qu'elles respectent
les lois et réglementations en vigueur, tout en cherchant des moyens pour maximiser leur rentabilité. Certaines
entreprises peuvent également utiliser la conformité à la loi numérique comme un avantage concurrentiel en montrant
à leurs clients qu'elles prennent la protection de leurs données personnelles au sérieux.

De même, l'efficacité économique est également un défi pour les entreprises. Celles-ci peuvent l’améliorer en usant
des technologies numériques pour automatiser les processus, améliorer la productivité et réduire les coûts. Pourtant, il
est important de veiller à ce que ces technologies soient employées de manière responsable et conforme aux lois et
réglementations en vigueur [25].

Autre point important dans le cadre des manquements de la digitalisation concerne la fracture numérique,
générationnelle et sociale qui existe [26]. Cela signifie que l’on pourrait savoir surfer sur internet, faire des achats en
ligne, mais ne pas bien maîtriser la gestion des mots de passe ou la signature numérique, se sentir désemparé face
aux multiples canaux utilisés par les entreprises (mail, SMS, chat, etc.), ne pas connaître les règles de base pour
vérifier si un courriel est frauduleux ou détecter l’usurpation d’identité d’un professionnel autorisé [27], etc. Il est
primordial, du côté des professionnels de tout secteur d’activité, de prévoir un accompagnement adapté à chaque
catégorie de clientèle.
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Par ailleurs, un phénomène croissant à l'étranger et qui est sévèrement réprimé constitue aussi une autre lacune en la
matière. Il est question de la pratique du lobbying anti-plateformes. Il convient alors d'être vigilant et préventif à cet
égard. Cette technique consiste en une stratégie utilisée par certains groupes pour influencer les politiques et les
décisions des gouvernements et des entreprises en ce qui concerne les plateformes en ligne telles que les réseaux
sociaux, les moteurs de recherche et les marketplaces [28]. Ces groupes peuvent être des entreprises traditionnelles
qui se sentent menacées par la croissance des plateformes en ligne, des individus ou des groupes de consommateurs
qui sont préoccupés par les questions de confidentialité ou de manipulation de l'information en ligne, ou encore des
organisations de défense de la concurrence qui cherchent à limiter la puissance des entreprises dominantes [29].

Il est à noter que cette technique n’est pas répandue au Maroc, néanmoins il convient d’être attentif à ce genre de
pratique afin de préserver la croissance des investissements dans les différents secteurs d’activité.

Conclusion

En guise de conclusion, le Maroc a mis en place une législation numérique solide qui vise à garantir la sécurité et la
protection des données personnelles, à promouvoir le développement du secteur numérique et à lutter contre la
cybercriminalité.

Il est clair que le droit du numérique a un impact considérable sur la politique d'investissement au Maroc. Le
développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) a conduit à une augmentation de
l'utilisation des plateformes en ligne, des réseaux sociaux et des applications mobiles dans de nombreux domaines
tels que les finances, la santé, l'éducation et les services publics. Cela a entraîné des changements importants dans
les méthodes d'investissement et les opportunités d'affaires.

En outre, les politiques d'investissement au Maroc ont dû s'adapter pour soutenir l'innovation et la croissance dans le
secteur des TIC. Les initiatives telles que la création de zones franches pour les entreprises de technologie, la mise
en place de programmes de mentorat [30] pour les start-ups [31] et l'augmentation des investissements dans la
recherche et le développement ont tous contribué à renforcer la position du Maroc en tant que destination
d'investissement pour les entreprises.

Cependant, le droit du numérique pose des défis pour la protection des données et la sécurité des systèmes
d'information. Le Maroc a institué des lois et des réglementations pour protéger les droits des utilisateurs et des
entreprises en matière de protection de la vie privée et de la propriété intellectuelle, de la cybersécurité... Les autorités
marocaines continuent de surveiller et de mettre à jour ces lois pour s'assurer qu'elles restent en conformité avec les
normes internationales et les tendances émergentes.

Par ailleurs, un certain nombre de recommandations pourraient être proposées dans une perspective d’amélioration et
de consolidation de la législation en vigueur. Il s’agit tout d’abord de la codification du droit du numérique. En effet, la
législation numérique et digitale est toujours éparse. Il convient alors de mettre en place un véritable Code du
numérique qui aura certainement un impact positif sur l’amélioration de l’usage que les praticiens mais aussi les
chercheurs en la matière feront de ce qui est actuellement une masse.

Ensuite, une autre recommandation pourrait être faite dans ce sens et qui concerne le renforcement de la protection
des données à caractère personnel. Dans ce cadre, plusieurs entreprises ne se sont toujours pas conformées aux
dispositions de la loi n° 09-08, citée plus haut. Il est donc important de consolider la protection de la vie privée afin de
rassurer les investisseurs quant à la sécurité de leurs investissements.

Dans le même ordre d’idées, nous pouvons en outre suggérer d’autres remandations à savoir la promotion de la
collaboration entre les secteurs public et privé pour développer des solutions numériques innovantes qui répondent
aux besoins du marché, le développement de la formation et la formation continue pour les salariés et fonctionnaires
afin qu'ils soient en mesure de s'adapter aux exigences numériques des différents secteurs d’activité, la contribution à
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l’essor de l'intelligence artificielle et enfin contribuer à la croissance de l'innovation sociale en favorisant l’essor de
solutions numériques qui répondent aux besoins des personnes les plus vulnérables, telles que les personnes âgées
et handicapées.

En somme, il est primordial de favoriser la coopération internationale pour garantir une règlementation uniforme et
efficace des activités en ligne, et par conséquent garantir l’attractivité des investissements.

[1] Voir dans ce sens l’Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental, Vers une transformation digitale
responsable et inclusive, Auto-saisine, avril 2012.
[2] Par exemple : L'accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données, l'altération ou la suppression
de données informatiques, la divulgation illicite de données confidentielles, l'utilisation illégale d'un système
informatique, la diffusion de virus informatiques, l'utilisation de fausses identités pour accéder à des données
informatiques, l'utilisation illégale de données informatiques pour des activités criminelles.
[3] Article 1 de la loi n° 05-20 relative à la cybersécurité.
[4] Il est à noter que la cybersécurité est un enjeu crucial pour les entreprises et les investisseurs, dans la mesure où
les cyberattaques peuvent entraîner des conséquences graves sur les activités commerciales et les finances d'une
entreprise. Les investisseurs sont donc de plus en plus conscients de l'importance de la cybersécurité et cherchent
des Etats qui ont de bonnes pratiques de cybersécurité en place pour minimiser les risques de cyberattaques.
[5] «Toute personne a droit à la protection de sa vie privée. Le domicile est inviolable. Les perquisitions
ne peuvent intervenir que dans les conditions et les formes prévues par la loi. Les communications
privées, sous quelque forme que ce soit, sont secrètes. Seule la justice peut autoriser, dans les
conditions et selon les formes prévues par la loi, l'accès à leur contenu, leur divulgation totale ou
partielle ou leur invocation à la charge de quiconque. Est garantie pour tous, la liberté de circuler et de
s'établir sur le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, conformément à la loi».
[6] En effet, du fait de ses engagements économiques, le Royaume a dû instaurer une législation gardienne des
données à caractère personnel semblable à celle qui existe en Europe. Dans ce sens, il est à rappeler que le Maroc
est une destination favorable à l’offshoring de services dont la finalité est le traitement des données personnelles (les
centres d’appel, les centres de télémarketing, etc.). A ce titre, et dans l’objectif d’avoir le statut de cohérence aux
normes de l’Union européenne, il s’est avéré indispensable de se conformer totalement à la législation européenne.
[7] D’après le rapport sur le nouveau modèle de développement recommande l’infrastructure numérique et les
capacités d’adoption des technologies numériques sont des déterminants majeurs de la compétitivité d’un pays au
regard de la part croissante des nouvelles technologies dans tous les secteurs de l’économie d’aujourd’hui, exigeant
des services numériques fiables et de qualité.
[8] Elle a été instituée en février 1998 en vertu de l’article 27 de la loi n° 24-96 relative à la poste et aux
télécommunications, telle que modifiée et complétée.
[9] Dans la même veine et d’après les dispositions de l’article 3 de la loi n° 61-16 relative à l’ADD, « l’Agence est
chargée d’assurer, pour le compte de l’Etat, en coordination avec les autorités et les organismes
concernés, la mise en œuvre de la stratégie de développement, de promotion et d’incitation à
l’investissement dans le domaine du développement du digital».
[10] Voir dans le même sens Douville Thibault, Droit des données à caractère personnel, Gualino, 2020.
[11] La DGSSI a été créée par décret n° 2-11-509 du 21 septembre 2011. Elle est rattachée à l’administration de la
défense nationale du Royaume du Maroc.
[12] Parmi ses principales missions réside son rôle à participer au développement de l'administration numérique ce
qui aura un impact positif sur la fluidité de de l’ensemble des procédures administrative et par conséquent sur
l’investissement national et étranger.
[13] Une association à but non lucratif créée en avril 1993.
[14] Un think tank institué à l’initiative de plusieurs experts, académiciens et chercheurs spécialisés dans la sphère
du digital, devenant de ce fait le premier observatoire marocain réservé à la souveraineté numérique et aux différentes
problématiques en relation avec l’essor numérique du royaume.
[15] B. Docquir, Le droit des nouvelles technologies et de l'Internet, Bruylant, 2012.
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[16] Voir dans ce sens C. Castanet, La digitalisation transforme les modalités d’information du
client financier, entretien, AMF-ACPR, Rapport du pôle commun, Bulletin Joly Bourse, septembre-octobre 2022, p.
8.
[17] Le Maroc a mis en œuvre des stratégies et programmes en vue d’accélérer sa transformation digitale tels que
«Maroc Digital 2020», «Maroc Numérique 2013».
[18] Plusieurs initiatives ont vu le jour dont on peut citer : le portail «Idarati» dédié aux procédures administratives, le
paiement des taxes et impôts en ligne (vignette, IR, IS, TVA, etc.), le guichet unique «PortNet», le suivi du RAMED, le
portail «Chikaya» (réclamations), la plateforme «TELMIDTICE» (enseignement à distance), le bureau d’ordre digital et
autres initiatives s’inscrivant dans les services publics numériques.
[19] Le Maroc a lancé des initiatives pour promouvoir l'investissement dans les technologies numériques, notamment
en créant des zones économiques spéciales (ZES) pour les entreprises et en mettant en place des incitations fiscales
pour les investissements. Ces initiatives peuvent contribuer à attirer les investissements étrangers et à stimuler la
croissance économique dans tous les secteurs d’activité.
[20] De même, la politique numérique marocaine a également contribué à améliorer la qualité de vie des citoyens en
augmentant l'accès à l'éducation, à la santé et aux services publics en ligne.
[21] M. Kassou, Souveraineté numérique au Maroc, enjeux et défis, IT & Digital Consultant et Co-fondatrice du
Think Tank Digital Moroccan Sovereignty, AUSMAG, n° 8, avril 2022, p. 36.
[22] P. Bellanger, La souveraineté numérique, éd. Stock, 2014, p. 24.
[23] Ibidem , p. 37.
[24] On peut citer à titre d’exemple l’existence d’une pluralité d’entreprises nationales qui ne se sont toujours pas
conformées aux dispositions exigées de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du
traitement des données à caractère personnel, chose qui pourrait constituer un frein à l’investissement.
[25] E. Caprioli, Droit international de l'économie numérique : les problèmes juridiques liés à
l'internationalisation de l'économie numérique, Paris, Litec (Pratique professionnelle), 2 ème éd., 2007.
[26] La fracture numérique décrit l'écart entre les individus ou les groupes qui ont accès à l'Internet et les technologies
de l'information et de la communication (TIC) et ceux qui n'en ont pas accès. Cela peut se produire en raison de
facteurs tels que le revenu, l'éducation, l'âge, la géographie, etc.
[27] C. Castanet, La digitalisation transforme les modalités d’information du client financier, op. cit., p. 9.
[28] H. De Pooter, M. They, Les enjeux contemporains des communications numériques, Pedone, 2020.
[29] Les arguments utilisés pour soutenir cette stratégie varient mais peuvent inclure la protection des
consommateurs, la réglementation des entreprises monopolistiques, la lutte contre la désinformation en ligne, la
protection de la vie privée, etc. Les moyens utilisés pour influencer les décisions peuvent inclure la communication
directe avec les élus et les fonctionnaires, les campagnes publicitaires et les relations publiques, et la participation à
des audiences et des consultations réglementaires.
[30] Anima développe un programme de mentorat et d’expertise afin d’accompagner les startups au Maroc, avec la
Fédération de l’Ecosystème Startup au Maroc, MSEC, qui unit une vingtaine d’intervenants de l’innovation au Maroc et
qui se positionne en tant qu’interlocuteur clé de l’écosystème.
Il est à noter qu’Anima Investment Network est une plateforme au service de la coopération économique entre
l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Elle déploie une ingénierie pour développer et mettre en œuvre des initiatives
pour construire des environnements de l’investissement et de l’entreprise au service d’une économie attractive,
durable et inclusive.
[31] La mise à niveau de l’infrastructure numérique doit être accompagnée d’une amélioration rapide des capacités à
utiliser les nouvelles technologies, avec notamment la densification des offres de formation aux compétences
numériques et à l’intelligence artificielle, l’accélération de la stratégie nationale d’inclusion financière par la finance
numérique, l’accompagnement à la digitalisation interne des entreprises, et l’accompagnement des startups. Rapport
sur le Nouveau Modèle de Développement, p. 97.

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