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PREMIÈRE PARTIE :

Le cONTexTe géNéRAL De L’évOLuTION De LA DIgITALISATION AU


MAROC
La digitalisation est généralement présentée comme un outil
de management participant activement à la modernisation de celle-ci.
Cette transformation profite des atouts dont dispose le Maroc et qui
peuvent être des facteurs favorisant la réussite de ce chantier
stratégique. On cite dans ce cadre, d’une part, les fondements
juridiques puisés de la constitution, puis les orientations royales, enfin
l’arsenal juridique diversifié, et d’autre part les multiples initiatives,
stratégies et projets mis en place pour promouvoir cette digitalisation
(Chapitre 1).

En outre, la conviction que les TIC sont aujourd’hui un levier


indispensable pour la modernisation de l’administration est largement
partagée par les pouvoirs publics. Celle-ci permet en effet d’assurer la
facilité et l’accessibilité des services publics, ainsi que leur proximité
de leurs usagers, ce qui en définitive garantit une plus grande
disponibilité de ces services, une rapide réactivité pour répondre aux
demandes, une meilleure qualité des prestations rendues et une bonne
relation avec les usagers. (Chapitre 2).

Chapitre 1 : Les atouts du Maroc en matière de la digitalisation De LA


NUMERISATION
Le Maroc consacre dans le cadre du vaste chantier de réformes qu’il a
initié depuis quelques années, une place de choix à la digitalisation de
l’ensemble de ses administrations en tant que préoccupation prioritaire
des politiques publiques. Pour ce faire, le gouvernement marocain a
mis en place un cadre juridique adéquat (Section1) pour réglementer et
accompagner les initiatives et les efforts entrepris dans le cadre de la
promotion la transformation digitale de l'administration (Section1).
Chapitre 2 : Les fondements juridiques de la transition numérique
au maroc

La transformation digitale de l’administration au Maroc repose sur


plusieurs fondements que l’on s’attachera à étudier. L’on mettra
l’accent dans ce cadre sur les fondements dans la constitution, puis les
orientations royales, enfin l’arsenal juridique.

En effet, le texte de la Constitution énonce des principes fondamentaux


contenus dans les articles 154 et 155 à savoir l’égal accès des citoyens
aux services publics, de la couverture équitable du territoire national
et de la continuité des prestations et la transparence, la probité,
l’intérêt général et de reddition des comptes et de responsabilité.
Dans son discours sur la réforme de l’administration, sa
Majesté le Roi Mohammed VI a bien souligné en 2016 :
«L’administration électronique doit être généralisée selon une approche
intégrée permettant aux différents départements et aux divers services un accès
commun aux informations. De fait, l’utilisation des nouvelles technologies
contribue à faciliter l’accès, dans les plus brefs délais, du citoyen aux
prestations, sans qu’il soit nécessaire de se déplacer souvent à l’administration
et de s’y frotter, car c’est là la cause principale de l’extension du phénomène
de corruption et du trafic d’influence »1.
Ensuite, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a placé le
potentiel du numérique comme un véritable levier stratégique de
transformations et de développement du pays 2.
En parallèle, le Maroc a mis en place un cadre juridique adéquat pour

1 « Discours de Sa Majesté le Roi MOHAMMED VI, à l’occasion de l’ouverture de la première session de la


première année législative de la 10eme l̀égislature, vendredi 14 octobre 2016 ».
2 Libérer les énergies et restaurer la confiance pour accélérer la marche vers le progrès et la prospérité
pour tous « Le nouveau modèle de développement ». Rapport General de la Commission Spéciale sur le
Modèle de Développement. Avril 2021.
accompagner la transition digitale. Les fondements juridiques de la
transformation digitale au Maroc se trouvent aux niveaux des textes
suivants :
Tout d’abord, la loi n° 53-05 relative à l'échange électronique des
données juridiques est le premier cadre réglementaire sur l’utilisation
3
de la certification électronique, adoptée le 30 novembre 2007 a pour
objectif de fixer le régime applicable aux données juridiques échangées
par voie électronique (cryptographie) et à la signature électronique au
Maroc.

Ensuite, la protection des données personnelles étant d’une importance


capitale, la loi n° 09-08 vise à définir les principes de collecte, de
traitement et de conservation des données personnelles, ainsi que les
droits des personnes vis-àvis de leurs données 4.

En ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement


5
automatisé des données, la loi n° 07-03 complétant le code pénal
permet de sanctionner toutes les intrusions non autorisées dans un
système de traitement automatisé de données. Aussi, l’article 347-1 du
Code de Procédure Pénale prévoit la possibilité pour le tribunal
d’utiliser les technologies de communication à distance pour l’audition
des témoins.
Cependant, la pandémie mondiale de la COVID-19 a mis en évidence la
nécessité d’une adaptation du cadre juridique pour le secteur digital.
C'est dans ce contexte que le Maroc a pris conscience de l’intérêt de
lancer de nouvelles lois et réglementations qui répondent aux
évolutions technologiques, aux besoins du secteur digital et aux
contraintes légales liées à chaque type de transaction numérique.

Ainsi, pour améliorer la qualité des services publics par des procédures

3 Dahir n° 1-07-129 du 19 Kaada 1428 (30 Novembre 2007) portant promulgation de la loi n°53-05
relative à l’échange électronique de données juridique
4 Dahir n° 1-09-15 du 22 Safar 1430 (08 février 2009) portant promulgation de la loi n°09-08 relative à la
protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel.
5 Loi n° 07-03 promulguée par le dahir n° 1-03-197 du 11 novembre 2003-16 ramadan 1424 modifiant et
complétant le Code pénal, B.O. du 5 février 2004.
précises et à renforcer la transparence dans la relation entre
l'administration et l’usager, la loi n°55-19 6 relative à la simplification
des procédures et des formalités administratives a été promulguée le
06 mars 2020. Les dispositions de cette loi prévoient que les
administrations sont tenues de procéder à la numérisation par
digitalisation des procédures et formalités administratives qui leur sont
propres dans un délai n’excédant pas cinq (5) années à compter de son
entrée en vigueur. Désormais, la numérisation des services publics
n’est plus laissée à l’appréciation discrétionnaire de leurs responsables
7
.

Dans un autre contexte, la loi 43-20 relative aux services de


confiance pour les transactions électroniques promulguée le 25 juin
2020 8, vise à réglementer les services de confiance électronique, tels
que la signature électronique, les cachets électroniques, les services
d'horodatage et d'autres services similaires. Elle établit un cadre clair
et sécurisé pour renforcer la confiance dans les transactions
électroniques et facilitant leur développement.

Dans le cadre du renforcement de la cyber sécurité et la protection des


données personnelles, le Maroc s'est doté d'un arsenal législatif à
savoir la loi n° 05-20 relative à la cyber sécurité, adoptée le 25 juillet
2020 9, qui vise à renforcer la sécurité des systèmes d'information de
l’administration de l’Etat, des collectivités territoriales, des
établissements et entreprises publics et de toute autre personne
morale de droit public. Elle vise également à lutter contre les cybers
menaces dans le pays.

Chapitre 3 : Les INITIATIVES GOUVERNEMENTALES EN MATIERE DE


TRANSITION NUMERIQUE
6 Dahir n° 1-20-06 du 11 rejeb 1441 (6 mars 2020) portant application de la loi n° 55-19 relative à la
simplification des procédures et des formalités administratives.
7 A. MECHERF : Services publics et numérisation : une transition contrastée. REMALD, n° 169, Mars-Avril
2023.
8 Dahir n° 1-20-100 du 16 joumada I 1442 (31 décembre 2020) portant promulgation de la loi n° 43-20
relative aux services de confiance pour les transactions électroniques.
9 Dahir n° 1-20-69 du 4 hija 1441 (25 juillet 2020) portant promulgation de la loi n° 05-20 relative à la cyber
sécurité.
Le Maroc s’est engagé dans la mise en place de solutions
numériques dans les administrations en vue de leur modernisation
comme une nécessité dictée d’une part, par les vertus du déploiement
et de l’expansion des NTIC, et d’autre part, par une concurrence
farouche dans un marché mondialisé.10

Les prémices de l’introduction des TIC dans l’administration publique


sont apparues à la fin des années 90. Au début, leur diffusion
consistait en l’utilisation dans certains services publics d’ordinateurs
dans le travail quotidien, principalement pour le traitement de textes et
l’archivage de quelques documents.

Quelques actions éparses ont été menées pour la mise en place de


l’e-administration qui désigne l’utilisation, par les administrations
publiques, des TIC pour améliorer le service rendu aux usagers du
service public. Ce mode d’action est aussi appelé « administration
électronique »11.

Au début des années 2000, la tendance vers l’informatisation


de l’administration publique se maintient à travers le lancement du
dispositif IDARATI, qui sera progressivement développé et enrichi de
fonctionnalités nouvelles comportant actuellement quatre portails
thématiques dont l’un est dédiés aux services publics 12.

En 2005, les pouvoirs publics ont élaboré la stratégie e-Maroc,


visant le développement des technologies de l’information et de
libéralisation des télécommunications afin d’accélérer la transition du
Maroc vers une société de l’information, et de permettre à tous les
citoyens marocains de bénéficier du potentiel de cette nouvelle société
13
.
10 Ibid 13.
11 O. VIBOUD, « E-administration », dans : Nicolas Kada éd., Dictionnaire d'administration publique.
Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, « Droit et action publique », 2014, p. 177-178. URL :
https://www.cairn.info/dictionnaire-dadministration-publique--9782706121371-page-177.htm.
12 Portail des réclamations www.chikaya.ma, Portail de géolocalisation www.maps.ma, Portail de l’emploi
public www.emploi-public.ma, Portail des services publics www.service-public.ma et un centre d’appel
3797.
13 N. Rochdi : « e-Maroc : la transition du Maroc vers l'économie de l'information et du savoir », Les Cahiers du
numérique, vol. 2, no. 3, 2001, pp. 251-265.
L’intérêt pour la numération s’est renforcé par l’adoption en
2009 de la “Stratégie nationale pour la société de l’information et de
l’économie numérique’’ dénommée “Plan Maroc Numéric 2009-2013’’.
Une circulaire du Premier ministre d’alors de juillet 2013 avait invité
les administrations publiques à se conformer au cadre général
d’interopérabilité et à une charte commune des portails internet
officiels14.

En 2011, il y a eu la mise en place d’une plateforme Open Data


où ont été publiées des données publiques non personnelles
(géographiques, démographiques, statistiques, environnementales….)
provenant de différents ministères et organismes publics, pouvant être
utilisées par les citoyens, les chercheurs, les entreprises et
l’administration elle-même. 15

Le Maroc a également conçu d’autres stratégies de développement de la


digitalisation de son administration:

- La stratégie Maroc Digital 2020 : Il s'agit d'une stratégie


nationale
pour le développement de l'industrie des Nouvelles Technologies de
l'Information, parrainée par le Ministère du Commerce, de l'Industrie,
16
de l'Investissement et de l'Economie numérique . Cette stratégie vise,
d'ici les quatre prochaines années, à dématérialiser 50% des
démarches administratives, à connecter 20% des PME marocaines et à

réduire de moitié de la fracture numérique.

- Le Programme National de la Réforme Administrative


(2018-2021)
s’articule autour de plusieurs axes : L’élaboration d’un schéma
directeur de la transformation numérique de l’administration, la mise
en place de la plateforme “Gateway gouvernemental’’, le développement

14 A. Aboutaoufik et G. Salam : Retour sur l’experience de l’administration numerique au Maroc : cas des
douanes et impots indirects et de Portnet. 2021. halshs-03215800.
15 Le portail www.data.gov.ma, qui a été initialement lancé en 2011 par le Ministère de l’Industrie, du
Commerce et de l’Economie Numérique, est actuellement géré par l’Agence de Développement du Digital.
16 Ibid 21.
d’un système de gestion des réclamations et des doléances des citoyens
et la mise en place du système d’information de gestion des ressources
humaines des administrations publiques.

- La Stratégie du Développement du Digital au Maroc à


horizon 2025,
est fondée sur 03 axes: La transformation digitale de l’administration,
le développement de l’écosystème digital et l’innovation et l’inclusion
sociale et développement humain 17.

En parallèle, le Maroc a créé des instances spécialisées dans ce domaine


telles que :

- L’Agence de Développement du Digital (ADD) créée en 2017


24
, s’est
vue attribuer la mise en œuvre de la stratégie de l’État en matière de
développement du digital et la promotion de la diffusion des outils
numériques et le développement de leur usage.

- La Commission Nationale de Contrôle de la Protection des


Données à Caractère Personnel (CNDP)18, est chargée de vérifier que les
traitements des données personnelles sont licites, légaux et qu’ils ne
portent pas atteinte à la vie privée, aux libertés et droits fondamentaux
de l’homme.

Pour asseoir sa souveraineté numérique, le Maroc a mis en place


l’Observatoire Marocain la Souveraineté Numérique (OMSN), qui fait
partie des acteurs nationaux œuvrant pour la souveraineté numérique
du pays. Ce think tank réunit des experts, des académiciens et des
chercheurs pour mener une réflexion collective pour assoir un modèle

17 La Note d’Orientations Générales pour le développement du Digital au Maroc à horizon 2025 publié

en mars 2020. 24 Loi n° 61-16 promulguée par dahir n° 1-17-27 (30 août 2017), B.O. n° 6622 du 16
novembre 2017, p. 1277
18 Créée par la loi n°09-08 du 18 février 2009.
marocain de souveraineté numérique basé sur un cloud 100%
souverain 19.

Le Maroc a pu mettre en place plusieurs projets de transformation


digitale de l'administration à travers plusieurs départements
20
ministériels et institutions. Il y a lieu de citer à titre d'exemple :

- La Direction Générale des Impôts (DGI) qui a mis en place


plusieurs
initiatives digitales pour les déclarations et le paiement des taxes et
impôts en ligne (vignette, IR, IS, TVA, etc.) ;

- Le département de la Justice qui a mis au point une


solution
visioconférence, permettant de tenir des audiences et des procès à
distance. L’on assiste à la mise en place d’un service de plainte
électronique à distance (plus de 14.000 audiences ont pu être réalisées
à distance). Dans le même contexte, le ministère de la justice a lancé
plusieurs applications dont l’application « e-justice mobile » offrant aux
justiciables un suivi à distance de leurs dossiers et également aux
demandeurs de leurs casiers judiciaires de consulter le traitement de
leurs demandes 21.

- Le Département de Réforme de l'Administration qui a lancé


la
plateforme « Chikaya » en collaboration avec le Département de
l'Economie numérique afin de faciliter la procédure de dépôt des
plaintes : les citoyens ont pu déposer plus de 800 000 réclamations
depuis son lancement en janvier 2018 à mars 2021 avec un taux de
traitement d'environ 70%.
- Le Ministère de l'Intérieur a mis en place le programme de
modernisation de l'état civil, La plateforme « Watiqa » permet
l'obtention des documents administratifs à distance. Le dépôt des
19 Monographie sectorielle. Les Datacenters, un marché en plein essor au Maroc. Conseil de la Concurrence.
Septembre 2023. P 37.
20 Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental. Bulletin officiel n° 7070 du 3 mars 2022.
21 S.LOUADI : La transformation digitale au service de la justice au Maroc. REMALD, numéro
167 ,novembre-décembre 2022.
réclamations par les citoyens est possible via la plateforme «Chikaya »
et la délivrance des autorisations via la plateforme « Rokhas ».
- Le Ministère chargé de l'Education Nationale a mis en place
le
programme GENIE (Généralisation des Technologies d'Information et
de Communication dans l'Enseignement au Maroc) permettant
d'équiper 87% des 11.000 établissements scolaires ordinaires avec des
salles multimédia ou avec des valises multimédia. Au cours de la crise
sanitaire, le ministère a mis le portail « TELMIDTICE » à disposition des
élèves pour assurer l'enseignement à distance.
- Le Ministère de la Santé a adopté un cadre juridique de la
télémédecine (loi 131-13 et décret n° 2-18-378 modifié et complété par
le décret n° 2-20-675). De plus, le Ministère a lancé un portail de prise
des rendez-vous en ligne « mawiidi.ma ».

D’autres services incarnent l’objectif de la simplification, comme c’est le


cas, du Ministère de l’Equipement pour le permis de conduire
biométrique, la TGR avec le système de Gestion Intégré des Recettes
(GIR) pour le paiement des taxes via Internet, la DGI pour la mise en
place de l’Identifiant Commun de l’Entreprise (ICE), la CNOPS pour
l’accès à l’information administrative et le suivi du traitement de
dossiers, les Agences Urbaines pour l’accès à l’information
urbanistique et l’instruction des dossiers, la CNSS pour la télé-
déclaration et le télépaiement, etc22.

Par ailleurs, les marocains peuvent commenter, sur le site du


Secrétariat Général du Gouvernement, les avant-projets des textes de
lois et décrets, tout en consultant les suggestions proposées par les
concitoyens et le statut retenu ou non des suggestions déposées. En
outre, le Maroc vient de lancer en juillet 2018 une plateforme web, « le

22 DEPF Etudes : Le Maroc sur la voie de la transition numérique : Enjeux, risques et opportunités. Juillet
2021.
portail national de la participation citoyenne », afin de recueillir les
pétitions des citoyens et de la société civile23.

En ce qui concerne la transformation digitale des principaux secteurs de


l'économie. Il y a lieu de citer :

- Une digitalisation avancée du secteur bancaire (banques en ligne) et


des réflexions pour la digitalisation du secteur de l'assurance ;
- Quelques initiatives dans le secteur agricole telles que le « guichet
unique» électronique ou des outils d'intelligence artificielle au niveau
de l'INRA (en collaboration avec la société SOWIT) ;
- Concernant le secteur de la culture et médias : un ensemble
d'initiatives médias et culture ont été lancées (applications SNRT,
streaming de films pendant le confinement).

23 Le Maroc sur la voie de la transition numérique : Enjeux, risques et opportunités. DEPF.finances.gov.ma.


Juillet 2021.

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