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PrincetonUniversity

Library

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6049
89
835

Library of
NOV
TESTAM
EN TVM

Dei Vigel
Sub Ilumine

Princeton Universitn .

Theodore F.Sanxay Fund


1
LI??
11,973

LA

CONSCIENCE MORALE

CONSCIENCEAORALE. 1
DU MÊME AUTEUR

A LA MÊME LIBRAIRIE

Le Père Lacordaire apotre et directeur des jeunes


gens , 12. édition , i vol . in - 12 de xvi - 3g2 pages . 6 »

La vocation dominicaine du Père Lacordaire . Essai


viii
vol

...
historique , i 4,50
80

204 pages
de
in

carré
-

-
.

jeunesse
qe
et

2 12

de
Idéal d'âme

-
édition vol

in
i

.
118 pages ....
H.-D. NOBLE , 0. P.

LA VIE MORALE
D'APRÈS SAINT THOMAS D'AQUIN

PREMIÈRE SÉRIE

LA

CONSCIENCE
MORALE
PSY CHOLOGIE DE LA CONSCIENCE MORALE
ET SES DIFFÉRENTS DEGRÉS .
DE RESPONSABILITÉ .
LES PERFECTIONNEMENTS NATURELS
ET SURNATURELS DE LA CONSCIENCE .
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE
ET LA CONSCIENCE VERTUEUSE .

PARIS ( V10 )
P. LETHIELLEUX , LIBRAIRE -ÉDITEUR
10 , RUE CASSETTE , 10
Nous déclarons avoir examine ouvrage du R. P. Henri
Dominique Noble , 0. P. intitulé : La Conscience morale et
le juger digne de l'impression .

Le Saulchoir , 7. mars 1923


Fr. Paul SYNAVE , O. P.
lecteur en théologie.

FR . ROGATIEN BERNARD , O. P.
lecteur en théologie.

Nihil Obstat .
FR . LOUIS , O. P.

Imprimatur ;

Parisiis, die ga.martii 1923

J. LAPALME , v . g.

Cet ouvrage a été déposé conformémentaux lois en juillet 1923.


tra

L'auteur et l'éditeur se réservent tous droits de reproductions et de


ductions
,
LA CONSCIENCE MORALE

.
Cel

INTRODUCTION
367.32

Je

en

la de

voudrais suivant très près pensée

la
,

psychologie
de

de
saint Thomas étudier

la
,

vie morale
.
les

Chez théologiens modernes mo


la

science
,

plus souvent
en
rale restreint
la
se

mise
le

à
,

valeur des prescriptions soigneusement


cata
,

de

loguées des diverses lois conduite


la
,

(
ob
Palermo

Mais quoi vie morale n'est elle qu'une


la
!

de

extérieure
matérielle préceptes
et

servance
Et

qu'elle
en

rigides admettant soit cela dans


?

on
se

son résultat objectif point


ne

demandera
,

t-
-
les

comment psychologies vivantes que nous


donc pas notre
ce

San sommes aboutissent N'est


y

loi

qui
di et

elle même rectifiée sur


la

conscience
,
-

multiples péripéties intestines


de

travers
de

rige commande notre vie morale


et

Pour saint Thomas science morale est


la
la
,

6049
35 640030
6 LA CONSCIENCE MORALE

science de l'action vertueuse et des principes

-
dont elle dérive ( 1 ) .
Sans doute , parmi ceux ci , il en est d'exté
rieurs , comme la Loi qui promulgue l'idéal obli
gatoire de l'activité humaine , comme la Grâce
qui surélève nos capacités d'action en vue de la

l
destinée surnaturelle . Mais , il y a aussi les prin
cipes intérieurs , les causes immédiates de la
moralité : ce sont nos facultés , intellectuelle et
volontaire , sensibles et affectives ; ce sont encore ,
dans ces mêmes facultés , les dispositions naturel
les et surnaturelles , les vertus » et « acquises
« infuses » qui nous établissent dans la droiture
et nous mènent aux réalisations nécessaires .

Je me propose précisément d'examiner ces


principes intérieurs de l'action morale .
Le présent ouvrage : La conscience morale
est une vue d'ensemble sur la psychologie de la
les

vie morale , sur la responsabilité , conditions


les

d'exercice perfectionnements possibles


et
,
de les

de

allures diverses importe


la

conscience
Il
.

déterminer ces lois générales avant d'envisa


les

de

ger séparément parties composantes cet


organisme vivant qu'est
la

conscience
.

En des volumes subséquents j'étudierai suc


,

Prologus
vi

112 Qu
1

,
I
(
)

.
INTRODUCTION 7

cessivement : les énergies qui résistent le plus

les
à l'empire de la conscience , c'est - à - dire pas
sions puis les unes après les autres les vertus

,
,

les
théologales vertus morales m'efforçant
et

;
montrer leur rôle respectif
de

et et
leur influence
réciproque dans formation l'organisation
la

stable de
la

conscience .

psychologie

de
Cet essai sur vie morale
la

la
de
ainsi pas pas

la
la
suivra les traités 11ae
à

,
,
de

de

de
IIa Somme théologique saint
II
et

la

ae

la

Thomas
.

Le Saulchoir mars 1923


7
,

.
PREMIÈRE PARTIE

Psychologie de la conscience
morale et ses différents degrés
de responsabilité
CHAPITRE PREMIER

La conscience et la règle morale .

SOMMAIRE :

LES LOIS MORALES DEVANT LA CONSCIENCE . - GROUPES HIÉ


RARCHISÉSDES LOIS MORALES . TOUTE RÈGLE MORALE SE
PRÉSENTE DEVANT LA CONSCIENCE COMME OBLIGATOIRE .

En chacun de nous , rien n'est plus actuellement


vivant que notre conscience morale . Ne croyons pas
qu'elle y joue un rôle exceptionnel , prenant seule
ment la peine de produire son verdict dans les cas
graves et embarrassés où notre ligne de conduite
n'est point claire . Sans doute , à de pareils moments ,
convient , plus que jamais , de se déclarer . Mais
il lui
sa fonction ne cesse pas dans notre vie ordinaire et .

à chaque instant, nous la consultons .


La conscience est l'avertissement toujours en éveil
qui , du dedans , et à propos de tout ce que nous faisons
pensées , sentiments , actions supérieures ou beso
gnes banales donne secrètement en nous son si
gnal en le modulant sur tous les tons .
12 LA CONSCIENCE MORALE

Le bon sens populaire prête à la conscience un ca


ractère mystérieux . La littérature la présente comme
une voix préternaturelle qui , à certaines heures tragi
ques, prononcerait en nous des oracles .
La réalité est beaucoup plus simple . La conscience
morale est le jugement d'appréciation qu'à chaque
instant notre raison porte sur nos actes réfléchis .

---
Une suggestion me vient de faire ceci ou cela
peu importe tendance qui m'y appelle passion
la

,
:
impulsif

un
ou

agrément suis pas


je
si ne
intérêt
si
;
au

qui cède premier attrait me comporte


je

en
,

homme qui avant d'agir demande pourquoi tout


,

?
en ,

de suite face d'une telle invite m'interroge je


,

:
Et

Que vaudra mon action ma raison répond


«

?
»

ou
Agis Abs
de

par jugement motivé


ce

sorte
la

«
»
«
:
toi

Et

tandis que mon action poursuit

et
se

tiens
»
-

s'achève ma conscience toujours présente approuve


,
,

désapprouve suivant que j'agis selon


ou

ou

contre
,

sa sentence
.

Mais pour juger ainsi mon action est nécessaire


il
,
,

Pour appré
sa je

que compare autre chose qu'elle


la

contrôler sur une règle


je

cier valeur morale dois


la
,

morale Ma pensée regarde sans doute mais


la

à
,

,
.

comme par transparence regarde encore


et

travers
,

ou

principe sur lequel


je

mesure son accord son


le

désaccord
.

Pour aboutir cette vérification raisonnée mon


à

intelligence est donc obligée


de

brancher fois sur


la
à

l'acte juger sur règle morale base du jugement


la
et
à

,
LA CONSCIENCE ET LA RÈGLE MORALE 13

comme , dans l'ordre spéculatif , mon raisonnement


n'admet une conclusion qu'à travers l'évidente vérité
du principe général qui fonde ma déduction .
La réalité psychologique de ma conscience morale ,
les
en ses traits plus simples présente donc ainsi

se
,

:
ou
j'apprécie

de
bonté malice mes actions
la

la

la
à
j'ai
de

lumière l'idéal moral que adopté comme règle


de conduite
.
Ce

jugement pratique juge


de

ce
ma raison

,
d'appréciation clairvoyante
et
ment motivée est
l'acte propre
de

ma conscience morale

1
de (
).
de

complexité

de
Avant décrire cet acte
la

jugement importe d'être renseigné sur son point


la il
,

départ sur son objet


de

et

règle morale l'action


:

:
humaine
.

Dans premier chapitre parlons d'abord de


ce

la
,

règle morale restreignant notre point


en

de

vue se à
envisager seulement règle morale
la

façon dont
la

présente devant notre conscience


)2
(
.

LES LOIS MORALES DEVANT LA CONSCIENCE


1.

au

point
je

de

de

Quand me considère vue l'action


,
en

en

que puis découvrir moi Une volonté éveil


je

,
?
-

Qu

13

Summa theologica Pars LXXIX De Veritale


Ia

,
1

1.-P.
dea
,

,
;
,
.
. (
la ) le )

Qu XVII Beaudoin O.P. Tractatus Conscientia édité


. ,
a

,
,
JeP. ,
.

par Paris Gabalda 1911. Qu proem


0.

Gardeil
P.

.p
8
,

.,
.

suppose résolus question métaphysique des fondements


la
2
(

la en

de moralité n'ayant vue dans cet ouvrage que des


la
,

,
de

cription psychologique conscience morale


,
14 LA CONSCIENCE MORALE

d'attraits et en poursuite d'occasions , des tendances


qui travaillent au centre de ma personnalité et sub
juguent mes vouloirs . Des actions surgissent , elles
me portent , et leur trame déroulée fait la durée de
mes jours . Mais je ne suis point seulement passif ;
je réagis , je domine par ma réflexion l'activité qui
m'entraîne et , par ma liberté , je l'oriente vers des
buts que ma raison désigne.
Deux courants principaux se partagent le flot de
mes actions successives.Bien qu'unique personnalité ,
je me découvre double . A certains instants , je veux
selon mon capricieux plaisir ou mon futile intérêt ;
à d'autres instants , je veux selon un parti pris inté
rieur que j'appelle devoir et dont je saisis l'objective
exigence , même quand , sciemment , je ne m'y sou
mets pas . Il y a deux hommes en moi : le froid rai
sonneur qui stigmatise mes faiblesses , rappelle la loi
et en évoque la contrainte ; puis , en face de cet aus
tère censeur , un autre moi qui s'évade de la règle mo
rale et, tant bien que mal , essaie de justifier ses
écarts . Contraste , lutte , victoire ou défaite , trébuche
ment puis redressement , avec plus ou moins de fixité
dans la continuité du devoir , avec une plus ou moins
grande intermittence dans la concession au plaisir , telle
est la mobile et sinueuse ligne de mon activité morale .
Une réalité permanente domine pourtant et em
brasse toute cette évolution ; même , quand je m'y
soustrais , elle proclame sa présence et me juge : c'est
la règle morale .
LA CONSCIENCE ET LA RÈGLE MORALE 15

Devant mon attention , cette règle morale est loin

d'être simple se ; elle


présente comme une complexité
d'éléments divers juxtaposés et superposés , comme
une masse énorme de prescriptions de toutes sortes .
C'est un vrai code en perpétuel mouvement d'ouvrir
ses pages et de légiférer des lignes de conduite , de
promulguer des ordres .
Toute une variété presque incalculable d'admo
nitions me pressent. Non pas que toutes ces lois me
signifient en même temps leurs arrêts . Une seule ,
en ce moment précis, suffit à me tenir en haleine ;
mais bientôt une autre la remplacera , m'objurguant
derechef avec le même empressement .

loi
A cette heure , je réfléchis , j'écris :: c'est la pré
régit pas mon voisin
un de

ne

mon état Elle

et
sente
;;

,
.

loi

ma part
de

dans instant une autre sollicitera


,

,
,

une activité différente Ma besogne intellectuelle


.

étant interrompue
je

converse avec des amis l'en


.;
,

un

ma parole m'amène juger


de

traînement absent
à
loi

justice s'agite
Je de

avec malveillance aussitôt


la
::

un

reproches dans ma conscience


en

refuse ser
je .

vice qu'on me demande que pourrais rendre


et

loi;
de le un

riposte par l'injustice mot blessant


la
de je

::

charité provoque manque


en

de
ce

moi remords
d'obligeance pardonner
de
au ce
et

refus
.

changeante
de

Constamment gré l'occasion


de ,
,

loi

surgit esprit qui signifie


en

mon une chacune


,
à
ou

Autant mon
de

mes actions mot passe d'arrêt


le
,

lois diverses me pour


de
de se

activité diversifie autant


,

suivent leur lumineuse obsession


.
16 LĄ CONSCIENCE MORALE

2. GROUPES HIÉRARCHISÉS DES LOIS MORALES

Toutes ces lois , placées on vedette dans ma con


science , ne se ressemblent pas. Leur origine est dis
les

tincte et obligations qu'elles formulent n'ont pas


même teneur
la

Les premiers principes l'honnêteté imprègnent

de

ils
depuis longtemps ma raison

se
sont éveillés avec
elle aux premiers contacts de ; mon expérience morale

.
les
l'enseignement

de
L'éducation traditions mon
,
,

social ont prescrit devant moi les


et

milieu familial
de

applications déterminées ces lois essentielles Ma

.
de
d epuis longtemps

et
établie faire bien

le
conviction
,
,

d'éviter mal s'est intimement renforcée par toutes


le

,
les

conséquences expérimentées
de

programme
ce

primitif Elles sont exprimées dans les Précep


se
.
du

tes Décalogue que ma mémoire d'enfant récita


d'abord machinalement dont ma réflexion dut
et

approuver plus tard puisqu'elle


y

les directives
,

retrouvait développées mes premières injonctions


morales Aujourd'hui chaque
de

contenu condensé
je en le
,
.

précepte s'est ouvert multiples précisions


de

la et
;
,

dans chacune d'elles reconnais explicitement


,
de

formule mon devoir d'honnête homme


(1
.)

ipsa anima est quidam habitus naturalis primorum prin


In
1
«
(
)

; .

cipiorum operabilium quæ sunt naturalia principia juris naturalis


,

qui quidem habitus ad synderesim pertinet De Verit Qu XVI


»

.,

., , a ,
.

--Sur genèse des premiers principes moraux voir Joannes


1.

la
S. a,

la

Thoma Curşus Theolog Qu LXII art Sur loi morale


II
. et ,

.,

,
.

.
.

naturelle les Préceptes dų Décąlogue voir Summa Theolog


,
Co

Qu xciv
II

et

Qu
«
,
I*

.
LA CONSCIENCE ET LA RÈGLE MORALE 17

Ma Foi confirme ces lois du bien en y ajoutant de


nouvelles directions . Mon devoir se hausse jusqu'au
plan de ma destinée surnaturelle . Ce n'est plus seu
lement le programme de l'honnêteté qui doit rallier
mes suffrages , mais celui que m'exprime la volonté
positive de Dieu . Dieu m'aime et m'appelle à l'amour
éternel dans la participation de sa vie intime. Il veut

ici
m'adopter au royaume des Saints et , dès bas m'in

,
-
Le

vite me sanctifier servir par une conduite qui


à

voilà l'idéal complet

de
prouve mon retour d'amour
:

ma moralité
.

C'est pourquoi dans cadre religieux

de
nouvelles
le
,

,
au

réglementations m'astreignent culte prière

la la

,
à
,

participation aux sacrements sources


de
grâce
la

,
à

aux vertus mortifiantes qui attirent


en

mon âme
,

,
rédemption Jésus Christ L'Église
de

de

bénéfice
la
le

points d'ap
en

les

me détaille ses Commandements


,

plication Dieu Puisqu'un objet


de

de

volonté
la

divin remplit mon coeur puisque mon intelligence


,
,

un

illuminée par Foi accepte avec fervent assen


la

timent que première


de

Vérité Éternelle soit


la

la
,

mes certitudes comment donc toutes mes intentions


,

ne

mes plus particulières actions


se

mesureraient
et

nouveau rythine avides


un

elles pas sur


de

sou
se
,

mettre aux lois générales qui gouvernent ma condi


de

tion prédestiné ainsi qu'aux lois spéciales qui


régissent mon état ma fonction dans l'ordre hié
et

rarchique l'Église militante


de

?
(1
)

- natu
Quia beatitudo upernaturalis proportionem humanae
1
«
(
)

)
(s

LA CONSCIENCEMORALE.
2
18 LA CONSCIENCE MORALE

Deux groupes importants de lois dirigent ainsi ma


conscience : le groupe des préceptes de l'honnêteté
naturelle , qu'ils soient principes premiers , conclu
sions dérivées ou même applications plus lointaines ;
puis le groupe des préceptes ordonnés à l'économie
de ma vie surnaturelle et de ma situation particulière
dans la société religieuse .
Mais , mon idéal moral n'est point définitivement
clos . Autour de moi , tout un monde , si j'ose ainsi dire ,
est occupé à l'accroître . Des décrets nouveaux s'a
joutent aux lois positives déjà connues , substituant
d'autres applications plus adaptées .
Mon état de vie peut évoluer lui aussi et passer
sous un régime d'obligations qui , jadis , ne l'attei
gnaient pas . Mon instruction morale se perfectionne

et se précise . Ma réflexion et mon expérience per


sonnelles , les bons et les mauvais exemples , mes ef
forts vertueux et mes passagères défaillances m'obli
les

gent à vérifier lois qui composent mon idéal


et
à

développer leur clarté


.

au

Dieu qui est principe


de

de

La grâce cet envahis


sement progressif
de

ne

lumière cesse d'en étendre


rayon Par ses Dons l'Esprit Saint met jour
au
le

,
-
,
.

ex

rae excedit principia naturalia hominis quibus procedit ad bene


,

, ,

agendum secundum suam proportionem non sufficiunt ad ordinan


dum hominem praedictam unde oportet quod
in

beatitudinem
;

superaddantur homini divinitus aliqua principia per quae ita ordi


,
ad

netur beatitudinem supernaturalem sicut per principia naturalia


,

ordinatur ad finem connaturalem non tamen absque adjutorio


:

hujusmodi principia virtutes dicuntur theologicae


. et

divino
»
;

.
1.

Qu LXXII
P
..

a
,
I*
(

)
.
LA CONSCIENCE ET LA RÈGLE MORALE 19

devant le regard de ma conscience , des zones jusque


là ténébreuses et dans lesquelles ma raison toute
seule n'osait guider mes pas .
Du dehors me viennent encore d'autres ressources .
Diverses autorités sont providentiellement placées
près de moi pour la vigilance de ma vie :: leurs moni
tions , leurs conseils , leurs ordres et leurs sanctions
restaurent , s'il en est besoin , la vigueur de mon idéal .
Elles y ajoutent des interprétations autorisées et
agrandissent par là même les détails de mon pro
gramme moral .

3. TOUTE LOI MORALE SE PRÉSENTE COMME


RÈGLE OBLIGATOIRE

Pensera - t - on que ce nombre presque incalculable


de lois qui m'obligent va encombrer ma conscience
et , par cet afflux même , troubler son discernement ?
Il n'en est rien .

Ma conscience vivante est essentiellement uni


fiante . Elle n'est point une spéculation appliquée
à trier des lois et à distinguer leur titre d'origine
respectif . Mon jugement de conscience part d'une
vue simple . Toute règle morale se présente sous la
forme unique et très nette d'une objurgation au
devoir . Quand je l'appelle en consultation , c'est sous
cet angle très précis de norme obligatoire que je la
considère et qu'en face d'elle j'examine ma conduite .
Il doit en être ainsi .
20 LA CONSCIENCE MORALE

raison
Toute loi valable détient en elle un ordre de
raison re
qui justifie son impératif . Cet ordre de

produit même l'ordre éminemment raisonnable


lui
-

ne

de
peut exiger

la
de

Loi Éternelle car Dieu

,
la

;
créatures que déploiement d'une

. le
part
de

ses

,
L'ampleur

de
leur nature l'être
activité conforme à

en
tout être

et
perfection de

,
sa
mesure l'ampleur

dû ,
c'est dire son
loi

réalise son
sa

accomplissant


-
,
,

bien
.

Dieu m'a donné d'en prendre con


et

Moi aussi

de
trouver
de

réaliser mon
je

science réclame

,
de
ma perfection créature
mon bien d'atteindre
,

raisonnable
.

loi

qui présentera com


Et

se

c'est pourquoi toute


me une règle d'actions ordonnées ma perfection
à

devra m'apparaître
de
au

vrai bien mon être


et

la
prescrire devant ma raison sous

un

se

comme
,

devoir Par une promptitude


du

formule expresse
.

en

native ma conscience cherche tout précepte


,
,
,

lui droit
le

l'ayant reconnue donne


et

cette valeur
,
,

de contraindre mon action


.

loi

divine positive
Si

même pour
la
de
en

est
.
Il

ma nature d'homme Dieu


de

delà des capacités


au

pas néces
m'appelle son éternelle amitié n'est
il
,

-
à


un

comme un
saire que ma raison dénonce comme
,

divine qui m'assure l'amour


par
loi

devoir toute
,

fait
?

bien disait
le

que dois faut faire


»,
ce

Fais
il
«
»,
«

ma vie morale Cet


de
au

premier éveil
.

ma raison
LA CONSCIENCE ET LA RÈGLE MORALE 21

assentiment spontané se perpétue à travers la com

les
plexité de toutes prescriptions qui groupent

se
pour organiser mon action établit devant l'atten

il
;
( de

intrinsèque

et
tion ma conscience leur vivante
unité
1
.)

Mon intelligence est faite pour

en
vrai elle

le
est

,
poursuit
en
et

et
affamée toutes découvertes
le

ses
en

de
toutes ses conclusions même son assentiment
;

mon vrai bien obligatoire doit retrouver

sa
persua
à

de les

de

sion dans lois ma conduite Toutes doivent


2
(
s'éclairer cette lumière dès qu'elles veulent faire ).
de

partie mon idéal moral pour


et

chacune d'elles
,

,
être adoptée doit faire jaillir l'étincelle re
en

en
et
,

vêtir l'éclat
.

L'ouvre positive
ce de

ma conscience sera d'offrir


rayonnement juger
de
et

toutes mes actions si


à

,
ou

en

se

sa

oui non chacune d'elles reflète lueur


3
,

(
).
ex

Habitus autem quibus conscientia informatur etsi multi


, 1
«

,
(
)

sint omnes tamen efficaciam habent ab uno primo scilicet ab habitu


,

13

principiorum qui dicitur synderesis Qu LXXIX art


P.
»

,
I*
(
.

ad
) 3.
« )

judicio
ex

Tota vis conscientiae examinantis vel conciliantis


(2

ex

synderesis pendet sicut tota veritas rationis speculativae pendet


primis principiis De Verit Qu XVII art
1.
»

.,

,
(
.

)
S. .

.
de

ou

Jérôme Thomas appelle syndérèse


S.

S'autorisant
la
3

( ,
(
)

habitus des premiers principes moraux scintilla conscientiae De


«

»
,

Verit Qu XVII art ad --- Et explique ainsi cette métaphore


il
la , 1
.,

1,

, :
.

).

De même que l'étincelle étant qu'il


ce

de plus pur dans feu


le
y
«

a
de

se

syndérèse
et

survole domine toute flamme même trouve


la
,
de

en

» de

jugement
et

la et

dans conscience elle domine raison


le

le
la

cette image syndérèse est appelée l'étincelle de conscience


la

«
2, ,

.
ad

Ibid art 3.
.,
(

)
.
24 LA CONSCIENCE MORALE

Encore , qu'est - ce , au juste , qu'une action volon


taire ?
La question est urgente à résoudre , car la respon
sabilité morale de nos actes est essentiellement corré
lative à leur responsabilité volontaire .

Je restreindrai le problème à déterminer la notion


première , la plus simple de l'acte volontaire . Je dis :
« la notion la plus simple » ; car rien n'est plus com
plexe qu'une action volontaire , sortie de sa définition
abstraite et engagée dans nos états d'âme réels . Bien
perspicace serait celui qui discernerait , avec une pré

les
cision mathématique , dans ses actions ou dans
actions des autres leurs degrés comparatifs

de
volon
,

taire Car non seulement nos actes sont volontaires


,
.
ou

ou
sont plus
ils

involontaires mais encore moins


;

,
les

volontaires Parmi tous phénomènes psycholo


.

un

giques n'en est pas qui résume plus entière


il
,

ment notre personnalité que l'acte volontaire


en

lui
:

lui de
rejoignent même temps toutes nos activités
en
se

représentation
de

en
et

d'affectivité motricité
,

retentissent continuellement des influences qui accen


lui ou

volontaire que
de
ce

tuent diminuent caractère


nous attribuons
.

chapitre ferai résolument abs


je
de

Au cours
ce

toutes ces complications


de

traction m'attachant
,

du

seulement faire valoir notion pure simple


de et
la
à
en

volontaire opposition avec celle l'involon


taire
( 1
)

IV
au

Voir plus loin chapitre ces atténuations du volon


1

de ,

,
(
)
et

taire responsabilité
la

.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 25

Je me placerai au seul point de vue psychologique .

Nos actions morales ou immorales , sont , les unes et

au
les

faut qu'elles

et
autres volontaires soient

le
il
;
,

les
même titre avant que nous songions

ne
dis

à
,

de
tinguer entre elles du chef leur moralité

.
LA PASSIVITÉ DE L'ACTE INVOLONTAIRE
1.

Essayons discerner parmi nos multiples


de

donc ,

actions quels caractères différentiels présentent celles


,

que nous nommons volontaires


.

Une foule d'activités organiques

et en
livrent nous
se

leur jeu physico chimique leur existence leurs


à

;
-

procédés nous échappent La cénesthésie générale


.

notre corps qui comprend


de

masse des sensations


la
,

afférentes nos fonctions psychologiques ,


ne
se

révèle
,
à

ac
pas nous dans une conscience distincte Notre
à

tivité mentale tandis qu'elle s'exerce s'absorbe dans


,

nos représentations successives notre esprit


se

fixe
;
ne
les

ses objets poursuit songe pas retour


en

et

se
à
,
lui

ner sur même pour regarder penser Nos affec


se
-

les .

tivités sont suspendues aux attraits qui captivent


ne

perdent point leur temps s'analyser


et

Dans courant continu qui entraîne nos activités


ce

psychologiques sans qu'elles prennent une conscience


,

un

directe d'elles mêmes surgit parfois phénomène


-

brusquement senti Par exemple voici que tout


à
,
.

coup sans que l'aie prévue une violente détona


je

,
,
26 LA CONSCIENCE MORALE

tion éclate à mes côtés : mon caur saute , mes jambes


flageollent , mes dents claquent , je frissonne , j'ai peur .
Ce désordre circulatoire qui , du centre à la périphérie

ses
de mon corps , jette de tous côtés perturbations

je
,
lui
je

suis dominé par

en
subis
le

n'est aucune

il
,

:
façon volontaire .

ma part vis
de

Passivité vis d'une action dont

à
,

-
-

un
je

suis pourtant théâtre serait premier


le


ce
,

-
de

signe l'involontaire
?

suffirait point

ne
Encore faut bien l'entendre

Il
il
-

que cette passivité fut relative elle doit être totale .


de ;

.
Je

je
suppose que dans cas peur subite dont
le
,

parle non seulement j'aie éprouvé ces violentes


,

réactions organiques mais que panique s'y soit


la
,

je
et dé
ajoutée que j'aie pris fuite Or bientôt
et

la

,
.

couvre que l'incident n'est qu'une fausse alerte


ne

recèle aucun danger puis


je
ne
cet instant
A

,
.

doute apaiser brusquement


et

sans radicalement
,

du

l'émoi physiologique dont


je

suis ébranlé moins


;
je

puis arrêter ma fuite suspendre ma course Jus


et

qu'à cette prise conscience toute cette agitation


de

été involontaire puisque ses manifestations n'é


a

taient pas mon pouvoir


en

et

elle reste involontaire


;

vis vis de tous ceux de ses mouvements dont l'inhi



-

.
la vis

bition m'échappemais non pas vis


de

ceux
à
,

-
-

puis
je

dont commander immédiatement cessation


.

Un seul même acte comprend donc parfois


sa et

,
et
de

au cours durée des éléments volontaires des


,

éléments involontaires Et que l'on


ne

pense pas que


.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 27

ce phénomène composite se rencontre seulement dans


nos actes soumis à des réactions corporelles . Nos
opérations mentales , les plus immatérielles , peuvent
connaître ce mélange . En ce moment , je réfléchis à
l'étude d'analyse psychologique que j'ai volontaire
ment entreprise ; mes pensées s'éveillent , se pressent ,
se contrôlent l'une l'autre . Or , tandis que je les
rumine , voici que mon esprit , sans que je m'en aper
çoive , glisse vers un autre objet . Il n'y a qu'un ins
tant, j'étais tout absorbé par mon étude ; puis , après
un temps que je ne puis mesurer , car ma conscience
n'a pas remarqué le glissement , me voici en rêverie
imaginative et sentimentale : je me promène dans
une forêt du pays de mon enfance , sentiers ombreux ,
clairières inondées de soleil , cueillette de fraises ,
de

de
...

etc Vis ma pensée réfléchie


vis tout l'heu
à
à
-
-

ma rêverie actuelle est sans raccord conscient


re
,

Après coup restaure approximativement


je

lien des
le
,

phénomènes me suis levé pour


je

deux tout l'heure


à

,
:

regarder
je

ouvrir ma fenêtre
et

me suis attardé
à

ses ramures incendiées par dis


et

bois d'en face


le

le

L'image petit
de

que rouge d'un


ce

soleil d’hiver
.
un

bois instant contemplé évoqué par association


où a

jouait
un

l'image d'une autre forêt autre soleil


:

canevas d'images
ce

sur entremêlées ma pensée


,
...

s'est mise broder des fantaisies Cette distraction


à

ma part involontaire elle deviendrait aussi


de

est
;
,
,

remarquant
de
et

tôt volontaire loin chasser


la
la
si
,

,
,

je

pour revenir mon travail intellectuel antérieur


,
à
28 LA CONSCIENCE MORALE

la retenais avec complaisance et la favorisais . Mais


sa première existence dans mon esprit est aussi in
dépendante de mon vouloir que le torrent circulatoire
qui , à chaque pulsation de mon cœur , va irriguer le
noyau central de mes neurones , aussi indépendante
les

les

les

les
que réflexes nerveux tics mimiques

,
mouvements spontanés automatiques qui surgis

et
en

de
sent moi dans l'inadvertance totale ma cons
cience
.

quand
je
remarque mets sur même

le
Qu'on
le

rang pour les taxer d'involontaires des actes aussi

,
,

dissemblables qu'une pensée mouvement phy


un
et

siologique question possibilité


je

de

de
laisse
la

côté
,

,
soi

pour ces différents phénomènes


en

de
devenir
,

ou

volontaires quant leur apparition leur durée


à

ou à
,

,
en

d'autres circonstances psychiques physiques

.
l'heure n'était pas volontaire
de

Ma rêverie tout
à

dans son apparition


sa
mais elle devient dans
le
,

remarquant l'agrée persiste


je

l'en
et
la

durée
si

à
,
,

Elle serait volontaire tous points j'a


de

tretenir
si
.

vais décidé sciemment d'interrompre mon étude pour


m'y livrer Au contraire soubresaut d'un réflexe
le
,
.

en en

fait aussi bien qu'en droit


et en

est involontaire
,

toute hypothèse
en

toutes circonstances est


au il
,

moi sans moi est par nature réfractaire volon


il
;

taire
( 1
.)
les

Parmi actions dont nous sommes théâtre saint Thomas


le
1

,
(
)

distingue Les actions proprement humaines --- actiones humanae


1
°)

-
- :

c'est dire celles dont mode est spécifiquement humain parce


le

ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 29

Quelle que soit la fonction à laquelle il appartienne ,


un acte , pour m'apparaître volontaire , doit donc tout
d'abord se présenter, devant ma conscience , en rela
tion de dépendance causale avec moi . Si , en fait , je

lui
le subis sans avoir pu le commander , si , devant

,
je
et ne

puis être que passif sans pouvoir réagir contre


lui dominer cet acte est involontaire
le

.
LE DÉTERMINISME DE L'ACTE INVOLONTAIRE
2.

de

oppo

en
Mais ces caractères l'acte involontaire
,

ne

ils
sition avec l'acte volontaire seraient encore
-
en
que superficiels Cette conscience nous d'une
?

ou

influence causale directe d'une passivité absolue


un

au

delà duquel fau


ne

en

serait elle pas dehors il


-
-

drait encore faire pénétrer l'analyse


?
un

Mettons nous d'emblée dans acte réputé par


-

de

qu'elles sont voulues dans l'advertance faculté spécifiquement


la

humaine c'est dire raison Ce sont les actions volontaires


la
à
,

-
-

qui essentielle
ce
. ce

dont nous essayons dans chapitre de discerner


,
,

)2º

ment les rend volontaires Les actions dont nous sommes causes
efficientes fruits de nos facultés humaines actiones hominis et
,

ne pouvant être effectuées que par des facultés propre


en

qui tout
,

intelligence n'ont pourtant pas


: ce

ment humaines volonté


,
de

de

mode spécifiquement humain procéder volonté délibérée


la
ex

Actiones proprie humanae dicuntur q uae voluntate deliberata


«

procedunt quae autem aliae actiones homini conveniant possunt


Si

,
.

dici quidem hominis actiones sed non proprie humanae cum non
.» ;

quantum homo remar


II
in

sint hominis Qu Qu'on


I.

le
1
a
,

1,
*
(

.)
de-
.

de

que soigneusement mode humain vient moins substance


la
, le
:
de
ce

l'action que fait savoir qu'elle dérive d'une volonté délibérée


:

.
en

Ainsi un acte d'intelligence peut n'avoir pas nous mode humain


le
,

n'être pas plus volontaire qu'un réflexe organique tandis qu'un


et

acte de passion sensible ou même l'usage d'une fonction végétative


dépendance d'une volonté délibérée
et

peut être sous donc être


la

parfaitement volontaire
.
30 LA CONSCIENCE MORALE

nous pleinement volontaire . Choisissons - le très sim


ple , désencombré de toute complication .
Après un travail intellectuel prolongé , je décide de
me délasser . A cet effet, je puis lire le journal, ou
bien ranger mes livres et mes papiers en désordre sur
mon bureau , ou enfin aller me promener . Je choisis à
ma guise n'importe lequel de ces délassements . Bref,
j'opte pour la promenade et bientôt , en effet , je par
cours les allées d'un jardin , l'esprit en liesse et le
cour allègre. Rien ne me paraît plus volontaire que
cette promenade .
Qu'y a - t - il tout d'abord dans cette promenade
volontaire ? Une action déambulatoire qui a passé à
l'exercice etse continue en vue de ce but : me pro

curer quelque repos . Une action en visée d'un but ,


serait - ce donc là le trait spécifique du volontaire ?
Mais , voici , je remarque sans peine que tout ce
qui agit en dehors de moi , dans la nature inanimée
ou dans la nature vivante , et en moi - même , dans les
actions qui me sont le plus involontaires , agit pour
un but . Ma paupière se ferme brusquement avec la
rapidité d'un déclic d'obturateur si , au cours de ma
promenade , un moucheron étourdi se précipite dans
mon oeil ; les iris de mes pupilles se contractent à cha
que fois que mes regards se portent sur des objets
vivement éclairés . Or , ces réflexes primaires , pris
en eux -mêmes , sont vraiment des mouvements
visant un résultat dans un adaptation définie , c'est
pour
fin

à - dire des actions une


.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 31

Une pierre tombe d'un mur devant moi ; l'herbe


du sentier pointe sa tige et chaque jour la monte un
peu plus haut : voilà des activités en ordonnance de

buts définis . Vais - je conclure que la chute est volon


taire et que la poussée végétale l'est également ?
Cela ne me semble pas possible ,
Un chien ratier fouille rageusement la terre tout
près de moi , s'arrête un instant , incline la tête , tend
l'oreille et reprend énergiquement sa manœuvre .
Dans cet acte animal , je constate encore la relation
fin

tout monde sait que


et

d'une action à une


le
;

au
l'adaptation des mouvements
de

de
l'animal but
ses instincts est souvent d'une perfection merveil
leuse
.

Entre végétal
et

l'animal différence n'est


le le

la
,
ou

pas dans fait d'une plus moins grande rigidité


de

dans l'enchaînement l'action au but mais seule


,

ceci que chez l'animal


en

ment les réflexes moteurs


,

psychiques physiologiques sont


et

activités
et

les
Le

déterminés par connaissance chien ratier qui


la

,
de .

gambadait follement autour moi s'est brusque


,

du

d'un point précis


en

en

ment mis arrêt face sol


,

son ouïe lui


ou

parce que son flair soudainement


a

révélé présence d'une musaraigne Cette connais


la

sance engendre son action par fait que dans son


le

instinct but savoir prendre petit


ce

s'en réveille
le
,

animal qui bouge quelques centimètres sous


le
à

partir
de

ce

pré but entrevu aussitôt s'est


A

,
.

systématisée son action


.
32 LA CONSCIENCE MORALE

Qu'on y prenne garde , ce procédé de l'activité de


l'animal marque une grande supériorité sur le procédé
de l'activité du végétal . Celui - ci est mu dans l'in
conscience pure ; l'automatisme de son processus
jeu des éléments or

sa lui
vital est en lui, sans par

le
,
ganiques qui forment substance qu'une finalité

et
un
imposée but chez lui incon
sa

nature ordonne

à
à

qui n'est conscient que dans l'intelligence


et

scient
du

au
suprême Créateur Chez l'animal contraire

de ,
,
.

au
but est conscient tout moins comme terme
le

détermine l'animal parce que


se

l'action
ci

celle
A

,
-
.

,
temps que
en

sensation s'est révélée dans


sa

même

,
,

instinct connaissance d'un but au service


la

son
,
,

duquel sans qu'il s'en rende compte ses énergies


,

lui de

la
sont organisées Mais son action dérive

il
,
,
.

on

peut dire d'une cer


en

en
et

met branle æuvre


;

taine façon qu'il meut l'action exerce celle


se

ci
il
le à

;
;

porte principe
en

en

lui même
il

1
(
.)
-

régu
un

but sur lequel s'ordonne


et

Connaître
se
se

Inveniuntur quadam quae movent ipsa non habito respectu


1

, ,
(
)

ad formam vel finem quae inest eis natura sed solum quantum
a

per quam agunt finis propter


et

ad executionem motus sed forma


;

hujusmodi sunt plan


et

quem agunt determinantur eis natura


a

se

tae quae secundum formam inditam eis natura movent ipsa


a

secundum augmentum Quaedam vero ulterius


et

decrementum
.

movent seipsa non solum habito respectu ad executionem motus


,
,

ad

sed etiam quantum formam quae est principium motus quam


,

hujusmodi sunt animalia quorum motus prin


se

per acquirunt
et

,
:

cipium est forma quae non est natura indita sed per sensum accepta
...
a

Sed quamvis hujusmodi animalia formam quae est principium mo


,
se

tus per sensum accipiant non tamen per ipsa praestituunt sibi
,

finem suae operationis vel sui motus sed est eis inditus natura
a

;
;
,
ad

cujus instinctu aliquid agendum moventur per formam sensu


apprehensam Qu XVIII
P.

3.
I^

a
,
,

)
.
(

.
.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 33

larise une action ou une série d'actions à telle enseigne


que la connaissance du but de l'action et l'action
elle -même relèvent de celui qui agit , serait - ce donc
le trait propre du volontaire ?
Et pourtant , je ne me résigne point à appeler
volontaires les actes des animaux . Ces actes , en leur

complexité parfois étonnante , ne présentent qu'une


ébauche toute rudimentaire du volontaire vrai . J'y
découvre , sous des apparences de spontanéité , une
sorte de rigidité machinale qui déconcerte l'idée de
pleine autonomie qui me paraît convenir seulement
aux actes volontaires ( 1) .

(1) Saint Thomas attribue à l'action de l'animal , un certain volon


taire , mais imparfait secundum rationem imperfectam ( Ia Ilao ,
Qu . vi , a , 2. ) Ce volontaire imparfait pourrait aussi être appelé volon
taire « in genere » et S. Thomas le définit : celui qui procède d'un prin
fin

cipe intrinsèque avec connaissance de la cujus principium est


a
,

intrinsecum cum cognitione finis ibid Le volontaire ainsi entendu


»
(

,
.)
.
de

façon large s'oppose au violent l'acte accompli par violence


,

part
de

de

est l'acte imposé du dehors avec résistance celui qui


ne la
le

subit cette contrainte tandis que volontaire peut appartenir


en ,
lui

qu'à celui qui porte


de

principe son action Les êtres privés


nele

prin
.
de

de

faculté connaitre peuvent avoir intrinsèquement


le
la

de

de

cipe de leur action qu'au seul point non pas


et

vue l'efficience
ils

ni

ni
la

de finalité ne connaissent leur action terme de leur


le
;

de

action Seuls les êtres doués connaissance possèdent intrinsè


,
.

.
de

quement principe de leur action au point vue de l'efficience


le

finalité Ils agissent par désir visée d'une fin par eux
. la
et

et

de
.

connue
Cum omne agens seu motum agat seu moveatur propter finem
;
«

illa perfecte moventur principio intrinseco quibus est aliquod


in
a

,
ut

ut

intrinsecum principium non solum moveantur sed moveantur


,

finem Ad hoc autem quod fiat aliquid propter finem requiritur


in

,
.

cognitio finis aliqualis Quod cumque igitur sic agit vel movetur
in a
.

principio intrinseco quod habet aliquam volitiam finis habet


,
,

agat prop
ut

ut

seipso principium sui actus non solum agat sed etiam


eo

ter finem Quod autem nullam volitiam finis habet etsi sit
in
,
.

principium actionis vel motus non tamen ejus quod est agere vel
,

propter principium ipso quo


in

moveri finem est sed alio


in

ei
a
,

LA CONSCIENCE MORALE
3
,
34 LA CONSCIENCE MORALE

Dans l'acte animal , nous trouvons cette conjugai


son de deux termes : une fin et une action , toutes deux
exprimées , devant la connaissance de l'animal , en
accointance et en liaison . Car , il ne faudrait pas assi
miler l'acte instinctif à un réflexe purement mécani
que , à une réaction strictement automatique . Dès
que le chien ratier a flairé la souris , il se précipite à
son travail d'affouillement ; mais , en sa conscience
d'animal , cette manoeuvre ne se présente pas seule ,

sans rapport avec rien , comme une gymnastique


quelconque ; nul doute qu'il n'agisse, au cours de
son travail mouvementé , en escomptant la capture
de la proie qu'à défaut de ses yeux son imagination
entrevoit . Pour que cette capture soit plus prompte
et plus sûre , il dirige habilement tous ses mouvements ,
les accélérant ou les ralentissant , les adaptant au
résultat de mille manières adroites et rusées . Il y a ,
dans l'animal , une sorte de jugement de l'action , une
connaissance enveloppant ces deux termes et les
tenant ajustés : le but et l'action .

imprimitur principium suae motionis in finem . Unde hujusmodi non


dicuntur movere seipsa , sed ab aliis moveri . Quae vero habent noti
,
tiam finis dicuntur seipsa movere : quia in eis est principium non
solum ut agant ,sed etiam ut agant propter finem.Et ideo , cum utrum
quod propter
ab
sit

que intrinseco principio scilicet quod agunt


et
et ,

finem agunt horum motus actus dicuntur voluntarii hoc enim


,

importat nomen volontarii quod motus propria incli


et

actus sint
a
, ,
Vi

le 1.

natione IIae Qu
Ia
»

a
au ,
(

)
.

, .

Le volontaire sens large volontaire imparfait secundum


imperfectam rationem est celui qui convient l'animal C'est
- à

celui qui procède de tout appétit élicite c'est d ire d'une ten
«


»,

dance amorcée par une connaissance mais c'est plutôt spon


du
,

«
;
ne
va

que du volontaire d'ailleurs pas tarder


S.

tané Thomas
le
»

à
.

mode hu
à du

distinguer volontaire véritable du seul volontaire


à
,

main c'est dire du volontaire parfait


,

.
-
-
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 35

Mais , quelle est la nature de ce jugement ? Et com


ment en résulte - t - il que l'acte instinctif demeure in
volontaire ?
Ce jugement est déterminé , en ce sens qu'il offre
ses

deux termes enchaînés sans dissociation possible

.
présentent simple

de
Ils
se

en
conscience l'animal
la
à

en
jointure comme deux choses consécution toute
,

matérielle sans perception


de
leur ordonnance l'une
,

l'autre Leur rapport est préfixé l'acte est préadap


té à

;
.

au but mais non point par l'animal qui n'y est pour
mais par Dieu auteur
de

l'instinct

Si
rien l'animal
,

.
un

agit pour
en

but c'est connaissant sans doute


le

,
,

,
prévoyant même
en

l'on veut mais sans


le

se
si
,

compte
de
rete
ce

rendre des raisons que but possède

en
nir son attrait S'il lance l'action c'est encore
se

,
.

procédé
de

connaissant rendre
ci

mais sans
le

se

celle
,
-

compte qu'il est meilleur procédé pour résultat


le
le

escompté fait point activement synthèse


ne

la
Il

;
.

Le

dispo
sa

elle est faite d'avance dans conscience


.
et de

son activité est très ingénieux mais


ne

sitif crée
le
il
,

Et

pas demeure impuissant modifier c'est


le
à

pour cela qu'il est déterminé une action qui trouve


se
à

dispositifs physico sychiques


en

et

attente dans ses


-p

ou

qui déclare dès qu'une sensation externe interne


se

révèle l'opportunité
en

son estimative
à

juge pas son action


ne

vrai dire l'animal Celle


A

.
lui

est jugée d'avanceen dehors


de

l'intimation
et
ci

en

lui vient dans son instinct dès que produit


se

le
de

choc Son savoir faire procède d'un


la

sensation
.

-
36 LA CONSCIENCE MORALE

tel
jugement inné qui s'ignore comme puisqu'il
pas l'enchaînement

de
n'entrevoit ses deux termes

.
, ne
Ses solutions pratiques sont point des réponses
des points d'interrogation pose pas

ne

de
car

se
à

il
problèmes est incapable poser

de
il s'en
:

.
Le

le du
déterminisme rigide préexistant juge

et
ment estimatif naturel chez l'animal tel est pour

,
quoi radical
de

de
l'involontaire ses actes

1
(
).
Et

de
maintenant allons nous conclure tout suite
,

-
que nous autres hommes nous sommes capables
,

parce que nous sommes indéterminés


de

volontaire
,

l'action
à

préciser quelle indétermination


de

Encore faut
il
-

s'agit
il

Poursuivons donc notre analyse dans cette voie


reprenant nos exemples familiers
en

ainsi orientée
,

Bruta habent aliquam similitudinem rationis quantum .


in
1
«

,
(
)

participant quandam prudentiam naturalem secundum quod natura


,

attingit
ad

inferior aliqualiter quod est naturae superioris quae


id

quidem similitudo est secundum quod habent judicium ordinatum de


aliquibus Sed hoc judicium est eis ex naturali aestimatione non ex
,
.

aliqua collatione cum rationem sui judicii ignorent propter quod hu


;
,

extendit ad omnia secundum judicium ra


se

jusmodi judicium non


,

tionis sed ad quaedam determinata Et similiter est eis quaedam


in
,

similitudo liberi arbitrii quantum possunt agere vel non agere


in
,

si ut

judicium eis quaedam


in
et

unum idem secundum suum sic sit


,

, ,

conditionata libertas possunt enim agere judicant esse agendum


;

vel non agere non judicant Sed quia judicium eorum est deter
si
,

minatum ad unum per consequens appetitus


et

et

actio ad unum
,

determinatur unde secundum Augustinum lib XI super Genes


;

III
.

lib
et

ad litteram moventur visis secundum Damascenum


;
., ),

,
(
.

Fid cap aguntur passionibus quia scilicet naturaliter


vi

arth
I,

, ,
)
.

de tali viso de tali passione judicant


et

sic unde necesse habent ab


ipsa visione alicujus rei vel passione insurgente moveri ad fugien
a

dum vel prosequendum sicutovis viso lupo necesse habet timere


et
.., ,
ad

prosequi
2.

nocendum De Veritate Qu XXIV


»

a
,

,
(

)
.

.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 37

3. CARACTÈRES

ACCIDENTELS DE L'ACTE VOLONTAIRE

Dans la promenade spontanément choisie et ré


putée par moi volontaire , où donc réside l'indéter
mination et comment se produit la détermination
autonome qui me permettra de dire cette action
volontaire ?
L'indétermination n'est pas nécessairement vis- à
vis du but de cette promenade , savoir : mon repos .
Le jugement par lequel , après une étude fatigante ,
j'accepte de m'octroyer un repos bien mérité , peut
être lui -même le fruit d'un raisonnement personnel
qui m'y a déterminé . Mais cela même n'est point
nécessaire . Ce but de repos peut fort bien m'être
suggéré du dehors par quelqu'un d'assez aimable
pour s'intéresser à ma santé . Mettons que je n'aie
eu qu'à agréer la proposition qui m'était faite d'aller

me reposer par une promenade au jardin . Il suffit


dans l'occurrence . C'est , en effet , de la promenade
elle-même en relation avec le but préfixé et agréé de
mon repos et d'elle seulement dont nous devons dé
couvrir le motif qui la rendra volontaire .
qu'il
ici

Où donc , trouve l'indétermination


se
,

faut réduire
-t ?
on

La mettra fait qu'un but étant


ce

dans
-

du

approuvé raison enquêtant meilleur


et

la

désiré
,

rencontre point dans les


ne

moyen d'y aboutir


le
,
38 LA CONSCIENCE MORALE

données antérieures de l'expérience et l'invente de


toutes pièces , créant , pour ainsi dire , un dispositif
inédit d'action ? Cette trouvaille , certes , suppose
une perspicacité compréhensive des exigences d'un
but et des d'y aboutir , puis , à partir
possibilités
de ces vues nettement établies , un aetif procédé de
raisonnement , d'induction , de déduction et de con
trôle comparatif pour abstraire , de l'expérience préa
lablement non différenciée , l'activité insoupçonnée
jusqu'alors et qui , maintenant , au terme du discer
nement , se pose en adaptation stricte avec le but
poursuivi Evidemment , cette mise en æuvre ingé
.

nieuse et personnelle ne peut convenir qu'à la raison


humaine et dépasse la capacité de l'instinct animal .
Dans ce cas d'intervention maximum de la raison ,
il est clair que l'action qui , directement , en procède
est véritablement volontaire . Cette fois , sans conteste ,
je suis maître au sựprême degré de mon action . Elle
n'est que par moi ; je la fais ; je l'appelle à être alors
qu'elle n'était point . Je puis la revendiquer non pas
seulement dans son choix ou dans son exécution ,
mais jusque dans son dispositif interne qui est la
propre invention de ma perspicacité personnelle .
Mais quoi ? Rencontrerons -nous donc seulement
le volontaire dans l'action qui est trouvaille originale
dans son opportunité et réussite inédite dans son
dispositif ? Ce serait singulièrement restreindre le
champ de nos actions volontaires et réduire celles - ci
à n'être , dans nos vies , que des cas tout à fait excep
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 39

tionnels . Or , le volontaire n'est point du tout une


rareté dans notre courant d'existence , et il peut se
trouver tout entier et parfait dans nos actions les

les
plus banales Que

je
plus coutumières et me décide

de .

un
spontanément une promenade repos après
à

travail fatigant n'y certes pas dans cette décision


il
,

,
génie d'invention particulièrement remarquable
un

.
Je

n'en suis pas me promener pour première fois

la
à

;
promenade que fais aujourd'hui que
je

et
même
la
et

j'ai parfaitement conscience d'accomplir volontaire


même que celle que m'oc

je
ment est absolument
la

les

troie quotidiennement dans mêmes conditions


,

temps
de

de
et

extérieures lieu tout devait être


Si
.

inédit dans l'action volontaire toutes nos ha


et

neuf
,

bitudes antérieures formées pourtant par des actes


,

l'on voit
ne

de

et

volontaires serviraient rien


;
,

l'absurdité d'une telle prétention


surtout lorsqu'il
la ,
de

s'agit nos actes moraux dont perfection même


est facilitée assurée par nos accoutumances ver
et
du

passé Au reste pour revenir au


et

tueuses
,
.

un

point vue psychologique


de

n'est pas
de

seul
il

plus insolite appa


en

nos actes volontaires même


le
,

qui soit entièrement neuf


en

rence tous ses éléments


,

au

qui suppose tout


ne

moins dans son exécution


et

,
,

des dispositifs déjà acquis sans parler des automatis


,

mes physico sychiques depuis longtemps fixés


et
-p

qu'utilisent toujours sans


en

être amoindris comme


,

volontaires nos actes les plus essentiellement vo


,

lontaires
.
40 LA CONSCIENCE MORALE

La nouveauté globale de l'action et de son disposi


tif

un
peut sembler fournir

de
cas maximum volon
constitue point

ne

sa
taire mais elle raison foncière
,

Elle n'en rend compte


sa
ni

même condition directe

.
qu'approximativement faut chercher plus avant

il

.
:
Le

jugement intellectuel qui d'un état préalable

de
ment indéterminé nous détermine façon autonome
,

une action particulière que nous appelons volon


à

pas tout particulièrement

sa
taire n'aurait raison
il
,

d'être dans les cas d'indécision pratique quand par

,
exemple nous sommes placés dans des circonstances
,

ou

d'action fort embrouillées bien quand diverses


,

alternatives présentent parmi lesquelles nous


se

il
,

importe
du
de

ne
choisir embarras choix serait

»
L
.

de

pas une condition nécessaire l'acte volontaire


il

?
prime abord car
de

ici

semblerait vraiment
le
Il

,
avant d'opter nettement pour l'une des alternatives
je

en présence suis dans l'indétermination absolue


,

Plusieurs possibilités d'action sont devant moi


,
les

examine l'une après l'autre regard


en et en

ma raison
du

Ce

but poursuivi contrôle étant effectué toute


.

je

hésitation étant levée me décide enfin faveur


si
,

l'un des moyens n'y pas dans cette préfé


de

il
a
-t
,

,
-

rence donnée une marque évidente d'autonomie


?
,

De moi même j'élimine les actions qui sont inoppor


au -

but que j'ai moi même j'en


en

de

tunes vue
;

,
en -

choisis une l'exclusion des autres appréciant


à

en connaissance de cause les mobiles de mon choix


.
je

de
au

Cette fois n'ai pas réalisée sein même l'indé


,

,
-
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 41

termination , la détermination autonome essentielle


au volontaire ?

Ici encore , je n'ai qu'une manifestation maximum


de volontaire , mais non pas sa raison propre et essen
tielle . Autrement, le cycle de mes actes volontaires
serait étrangement restreint . Ma vie, par exemple , est
en grande partie réglementée et de façon assez rigide .

Mes journées commencent et finissent aux mêmes


heures et elles sont morcelées en des occupations
parfaitement réglées ; j'entre sans secousse en ces .
actions successives et agencées d'avance ; je m'y ab

sorbe et m'y complais . Je


m'adonne à mes diverses
tâches sans discussion préalable ; et j'ai pourtant la
pleine conviction que je m'y applique de façon tout
à fait volontaire .

Le cas inédit et embarrassant n'est donc pas le


type spécifique de l'acte volontaire . Ce double ca
ractère peut bien en marquer le relief mais ne le
constitue pas .

4. CARACTÈRE ESSENTIEL DE L'ACTE VOLONTAIRE :

LA MAÎTRISE DU JUGEMENT
QUI LE CONTRÔLE

Supposons donc l'une de nos actions les plus or


dinaires et pour laquelle nous nous mettons le moins
en frais d'invention , et découvrons en elle , dans ce
dernier retranchement de nos analyses successives ,
42 LA CONSCIENCE MORALE

le trait propre qui la décèle comme pleinement vo


lontaire .
Reprenons
l'exemple de la promenade . Chaque
jour , après
le repas de midi, je marche exactement

les
pendant une heure , passant dans mêmes allées
d'un même jardin répétant les mêmes circuits
en
y

.
Malgré l'échéance quotidienne malgré procédé

et

le
cette promenade puis très aisément me

je
régulier
de

rendre compte moi même pourquoi ,

je
l'effectue
à

.
-

me pro
Je

me promène parce que juge bon


je

de
juge avec ma raison que cet exercice phy
Je

mener
,

,
.

sique me convient soit qu'il me soit indispensable


,

,
soit qu'il me soit simplement agréable Cette prome .
moi personnellement
et

nade m'est donc bonne

,
;

,
Je

juge telle juge c'est dire comparant


sa je
la

la

à
,

-
-
.

valeur de délassement avec besoin de détente


le

j'éprouve l'adopte
comme très opportune
je

que
,

.
reposer après une fatigue
de

m'est bon me voilà


Il

pour lequel
et un

je

but très clair suis d'avance décidé


.

qui devant ma réflexion est toujours prêt s'ex


à
,
,

primer par d'excellents motifs D'autre part cette


,
.

plein air m'apparaît comme


en

marche moyen
le
du

Je

indiqué que
je

tout délassement cherche


la
Et .

juge donc bonne elle aussi


en
et

situation c'est
.

je
de

pourquoi me promène conscient


de je

ce

que fais
et ,

,
du

du rapport
de de

motif mon action convenance


,
le au

point
de

tout moins mon vue cette action


à

avec but qui présentement retient mon attrait


.

J'agis me rendant compte ma raison d'agir


en

de

.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 43

L'animal , lui , ne se rend pas vraiment compte de


son action . Il la pose parce que l'objet de ses sen
sations ou le choc de ses passions amène son instinct
à la décréter . Comme nous l'avons dit précédemment ,
l'animal voit son action et le terme de celle - ci, non pas
en justifiant, devant son estimative , leur rapport de
fin
moyen adapté à une mais seulement comme deux
,

choses matériellement conjointes auxquelles

et

il
procède sans juger d'ail
de

leur liaison Comment

,
en ,

.
lui
jugerait puisqu'il manque

de
leurs faculté

la la
et il,
,

de

rendre compte juger c'est dire raison


se

1
:

(
).
au

La mise clair d'une raison d'agir exige

en
effet
,

,
ou
un

jugement actuel virtuel c'est dire une

in
à
,

-
-

telligence capable d'accoupler


et
deux termes d'en
promenade
je
ne

rapport considère
la

saisir Cette
le

,
.

pas toute seule dans son exercice brut mais dans


,
,
de

convenance avec mon repos escompté


relation
et sa

;
je

de

l'approuve cette con


et

l'exécute cause
à

jugée suite d'une dis


et

Si

la

venance motivée
à
,
.
un

du ou

je

traction peu forte d'une lubie momentanée


,
au

jardin
en

m'y pro
de

me réveille milieu train


mener sans savoir qui m'y travers quelle
ni

mené
a

de à

ténébreuse conscience j'ai passé mon labeur


,

intellectuel une occupation aussi disparate ma


,
à
,

en

son apparent
et

Les hésitations de l'animal face d'une action


1
(
)

et dela ne

en

choix sont lui qu'une interférence d'images qui déroute un


de

instant détermination l'instinct Le dressage qui utilise mé


la
.

de

moire l'animal peut favoriser l'association privilégiée certaines


images ainsi orienter diversement l'instinct Mais l'image appro
.

priée étant suggérée l'instinct décrète déterminément aveuglément


et
,

ad

l'action correspondante Cf. De Verit Qu xxiv 2,3,5


.7
a
,

2,

,
.

.
44 LA CONSCIENCE MORALE

promenade n'est pas volontaire . Elle le deviendra à


l'instant où je sortirai de mon songe éveillé , quand ,

je je
reprenant le mes phénomènes mentaux

de
fil

,

de
me rendrai compte lucidement l'endroit
continuer ma promenade
de
Avant
et

suis déciderai

du
cet instant manque mon acte l'approbation
il

à
,

déterminer l'exécution pour



motif qui aurait en
qu'elle fut dès début volontaire
le

,
,

.
Cette fois nous serrons deprès condition essen

la
,

tielle de l'acte volontaire C'est celui dont mon in


.
les

telligence perçoit d'autant mieux que


et
motifs
qui

Ce
c'est elle les fait valoir les approuve juge
et

.
au

nom duquel veux agir est


de

je

ment raison

le
,

,
du

de

fondement même volontaire mes actes

1
(
à ).
Toutefois quelques précisions restent encore
,

je

fournir Quand veux affirmer l'autonomie volon


de .

fâcheux qui
un
de

taire l'une mes actions devant


s'avise d'en discuter convenance ma riposte ordi
la

Ad rationem voluntarii requiritur quod principium actus


1
«
(
)

sit intra cum aliqua cognitione finis Est autem duplex cognitio
,

perfecta scilicet imperfecta Perfecta quidem finis cognitio


et

finis
:

est quando non solum apprehenditur res quae est finis sed pro
et
,

portio ejus quod ordinatur finem ad ipsum Et talis cognitio finis


in

competit soli rationali naturae Imperfecta autem cognitio finis est


.

quae sola finis apprehensione consistit sine hoc quod cognoscatur


in

proportio actus ad finem Et talis cognitis finis inve


et

ratio finis
,

nitur brutis animalibus per sensum


in

et

aestimationem naturalem
.

Perfectam igitur cognitionem finis sequitur voluntarium secundum


rationem perfectam prout scilicet apprehenso fine aliquis potest
,

,
:
de

de

his quae sunt ad finem moveri finem vel


in
et

deliberans fine
,

non moveri Imperfectam autem cognitionem finis sequitur volun


,

tarium secundum rationem imperfectam prout scilicet apprehendens


:

ipsum Unde soli ratio


in

finem non deliberat sed subito movetur


,

nali naturae competit voluntarium secundum rationem perfectam


;

sed secundum rationem imperfectam competit etiam brutis ani


.

malibus
II

VI

QU
2.
»

a
,

,
*I

,
"
(

)
.

.
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 45

naire est celle-ci : « J'agis comme bon me semble ».


Qu'on remarque l'insistance mise sur le , sur laJE
propriété que je revendique de mon jugement d'ac
tion .

Cette autonomie du jugement d'action est , en effet ,


essentielle au volontaire . J'agis volontairement parce
que je m'y décide par raison personnelle .

Cela veut - il signifier que ce jugement doive être le


fruit d'une inquisition laborieuse ou qu'il doive réaliser
une trouvaille ingénieuse dont je puisse me glorifier ?
Pas le moins du monde . Ce serait revenir , par le côté
subjectif, au« cas inédit » et à l ' « embarras du choix >>

pris commeconditions nécessaires du volontaire .


La décision de la promenade que j'ai faite très
volontairement aujourd'hui même , pendant la récréa
tion de midi , n'a pas exigé , dans mon esprit , un juge
ment compliqué . L'idée m'en est venue parce que
l'habitude des circonstances ambiantes me la rappe

lait . Mais voici j'ai adopté cette idée , je l'ai faite


:

mienne . Sa suggestion m'a fait retrouver aussitôt ,


ne fut - ce qu'implicitement , les bonnes et banales
raisons de convenance que présente une heure de
marche en plein air après l'internement d'une mati
née consacrée au travail intellectuel .

Il y a des actions dont la première pensée nous dé


plaît et dont nous refusons tout d'abord d'envisager
la possibilité , que la suggestion nous en vienne de
nous -mêmes ou des autres . Puis , peu à peu , cette idée
se fait agréer de nous parce que d'autres personnes
46 L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE

en font briller les motifs ou parce que notre propre


réflexion nous amène à son attrait .. A l'instant où
nous acceptons cette action par un jugement per
sonnel qui en perçoit le but et déclare justifié , à notre
point de vue , son accord avec ce but , cette même ac
tion est toute prête pour le choix volontaire . Si elle
s'exécute sous la détermination de ce choix personnel ,
elle est véritablement volontaire . Alors, elle nous
appartient , nous en sommes maîtres ; son principe
est à l'intérieur de nous . C'est nous -mêmes qui agis
sons et nous mouvons par elle , puisque c'est nous
et nous seuls qui l'imposons à la réalité .
On le voit , mon action est volontaire au même titre
est

Et

qu'elle responsable
ce
et

libre titre réside dans


.

que j'apporte juger

de
et

l'autonomie délibérer
à

l'opportunité quand ma
de

cette action Car voici


:
.

du

raison apprécie but que


je
la

convenance me pro
l'adaptation
de

ce

but rien
et

pose mon action


à

,
ne

les

détermine que motifs qu'elle


la

d'autre donne
se
ne

de

elle même L'instinct animal donne pas


se
-

motif ignore tout motif subit son propre dé


et
il
;

terminisme tandis que ma raison par capacité


la
,

réflexive qu'elle tient


de

son immatérialité saisit


se
et ,

juger mon action


en

de

de

elle même train s'en


-

les

donner motifs Mais elle n'en est point captive


.

voit
se se

en
se

elle même temps


et

donner ces motifs


,
,

voit capable
de

de

elle s'en donner d'autres choisir


,

une autre action conforme un nouveau but


à

Par jugement autonome moi


je
ce

et

délibéré sors
,
ACTIONS HUMAINES SOUMISES A LA CONSCIENCE 47

même l'indétermination
de pour me déterminer ,
tout en gardant la possibilité de me déterminer au
trement . Je suis donc le maître de mes actions parce
que je suis maître du jugement qui en décide . Dans
la mesure exacte de cette maîtrise , mes actions sont
libres , responsables et volontaires ( 1 ) .
sit

( 1) • Appetitum , si pon aliquid prohibens sequitur motus vel

,
operatio Et ideo judicium cognitivae non sit potestate alicujus

in
si
,
.

sed sit aliunde determinatum nec appetitus erit potestate ejus

in
,

,
per consequens nec motus vel operatio absolute Judicium autem
et

de .
potestate judicantis secundum quod potest suo judicio judi
: in

est
de
eo

care enim quod est nostra potestate possumus judicare


in

.
judicio suo est solius rationis quae super actum
de

Judicare autem
,
cognoscit habitudinem rerum de quibus judi
et

suum reflectitur
,

judicat

in
per quas inde totius libertatis radix est ratione
et

cat
,

, :

constituta De Veritate Qu xxiv


»

2
a
,
(
.

.)
.

, .

Bruta non judicant de suo judicio sed sequuntur judicium sibi


«

Deo inditum sic non sunt causa sui arbitrii nec libertatem
et
a

agen
arbitrii habent Homo vero per virtutem rationis judicans de
.
de

dis potest suo arbitrio judicare quantum cognoscit rationem


in
,

de in ad
ejus quod est finem
et

et

et

finis habitudinem ordinem unius


,

ideo non est solum causa sui ipsius


in
; et

alterum movendo sed


,
:

diceretur liberi judicii


ac

judicando ideo est liberi arbitrii


et

si
,

agendo vel non agendo Ibid


1.
»

a
.,
(

)
.

.
CHAPITRE III
L'activité de la conscience morale .

SOMMAIRE :

LE RAISONNEMENT MORAL .
ET LE JUGEMENT D'ACTION .
-
LE JUGEMENT DE CONSCIENCE
LES OBJURGATIONS DE LA
CONSCIENCE AVANT L'ACTION . L'APPROBATION OU LE
REMORDS DE LA CONSCIENCE APRÈS L'ACTION

Les actions volontaires sont celles dont nous som

mes maîtres par notre raison qui les adopte et par


notre volonté qui les choisit
C'est l'ouvre propre de ma conscience de juger mes
actions en dénonçant leur conformité ou leur non
conformité avec la loi morale . L'assentiment à la
loi

qui actuellement m'oblige n'est encore pour ma


,
,

conscience qu'un point départ Cette loi puisque


de

,
,

présente pas devant


je

qu'elle m'oblige
ne
se

sais
,

ma raison pour être jugée dans son bien fondé par


-

:
Ce

hypothèse j'en accepte l'intimation que juge


je
,

,
.

regard ses prescriptions c'est cette action libre


en

de

ou ,

que vais faire que que


je

je

je

de

fais viens faire


,

:
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 49

c'est sur elle que se porte mon jugement de conscience


pour la comparer à la règle et apprécier sa valeur
morale .

Suivons dans son déroulement et ses péripéties ,


,

cette activité de la conscience .

1. LE RAISONNEMENT MORAL .

Prenons un exemple concret qui nous délivrera des


formules vagues d'une description abstraite .

Je suis en

les
humeur contre quelqu'un dont paroles

de
ou les actes m'ont mécontenté Ma raison rumine
.

prétendu tort comme j'en suis fort vexé me


ce

et

il
,
,
.

vient spontanément l'esprit riposter par une


de
à

en de est
en

vengeance appropriée L'occasion toute prête

.
.

J'en sais long sur celui qui est l'objet mon ressen
timent Voici donc une médisance perspective
...

,
se

une médisance bien assénée dont félicite d'avance


ma rancune
.

et et
de

Oui mais tout même c'est une médisance


,
,
,

protester
ne

ma conscience tarde pas car Dieu


à

n'ignore pas
de

je
et

raison défendent médire


la

la ,

et

la

que c'est une faute contre charité contre


justice
.

en

Ainsi donc moi deux tendances s'entrecho


,
,

quent deux raisonnements æuvres d'une même rai


,
se ;

de

propos même action


la

son heurtent
à

.
au

ma passion
de

de

Ma raison service vengeance


,

justification
de

trouve très vite cet argument


:

LA CONSCIENCE MORALE
.
50 LA CONSCIENCE MORALE

Il est opportụn de me venger .


Or , cette médisance est une vengeance .
Donc cette médisance est opportune .

Mais , voici que ma raison la même raison


réplique tout aussi vite par cet argument :
L'injustice est défendue comme un mal .
Or , cette médisance est une injustice .
Donc cette médisance est un mal .

S'étonnera - t - on de cette apparente complication


d'un cas très simple , et verra -t- on là des subtilités
logiques et irréelles ? Et pourtant , qu'on veuille y
réfléchir : en opposant ces deux arguments comme
parties en conflit dans le débat intérieur de la co
cience , on réduit au minimum l'interférence des juge
ments qui s'entrecroisent en nous à propos d'une
action volontaire . Que l'on songe , par exemple , à la
multiplicité de considérations que je puis tour à tour
élaborer à propos de cette médisance dont je parle
plus haut , quand , d'avance et en secret, je médite

mon coup . Que l'on songe, en même temps , aux ru


meurs de ma conscience venant successivement con
de
les

en

tredire arguments que j'invoque faveur ma


vengeance
.

cette multiplicité
ar et
de

Mais faisons abstraction


,

voyons leurs lignes les plus claires les deux


en

,
,

question
en

guments
,

Quand ma raison prononce cette médisance est


«
:
de un

jugement
en

mal elle formule cet acte même


le
,
»,

de
les

conscience Contrôlée avec principes charité


.
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 51

et de justice accueillis par moi , de longue date , com


me règles obligatoires , cette action particulière m'ap
paraît évidemment défendue. Et c'est pour le clair
motif d'une telle évidence que mon jugement de
conscience articule son interdit .
Mais , ce jugement de conscience n'est pas seul à
fixer mon attention . Cette médisance , je la considère
et l'apprécie , non pas seulement en regard de la loi
morale , mais en regard de mon appétit de vengeance .
De ce chef , devant mon esprit qui s'en avise coinme
du vrai moyen d'assouvir ma rancune , elle se prescrit
comme très opportune . Sans doute , ma conscience
loi

' la réprouve au nom de la même temps


en
mais
,

tout m'engage l'adopter puisqu'elle sert bien


si
à

mon ressentiment
(1
).

Qu'on remarque soin entre ces deux


la

avec
:

conclusions diametralement opposées autre


y
et il

a
,

chose qu'un conflit intellectuel L'une l'autre ex


.

priment deux tendances qui


et

opposées elles aussi


,
,

peuvent avoir des ramifications très profondes dans


11.
. 11

D.
In

syllogisme moral voir


Sur Sent xxiv Qu
le
1

. a
,
(
ța )

IIae Qu Lxxiy Dans les Qu Disp De Malo Qu III


1
a
,

,
. 4;

, ,

.
.

.
.

saint Thomas dit quolibet actu virtutis vel peccati


In
7.

ad
a

«
9,

est quaedam deductio quasi syllogistica sed tamen aliter syllogizat


;

temperatus aliter intemperatus aliter continens aliter inconti


,
;
,

nens Temperatus enim movetur tantum secundum judicium ratio


.

nis unde utitur syllogismo trium propositionum quasi sic deducens


,
;

nulla fornicatio est committenda hic actus est fornicatio ergo non
;

est faciendus Intemperatus vero totaliter sequitur concupiscentiam


;
.

ideo etiam utitur syllogismo trium propositionum quasi sic dedu


et

cens omni delectabili est fruendum hic actus est delectabilis ergo
;

;
:

Le

hoc est fruendum Cf. mon article Syllogisme moral dans


»

,
.

Revue des sciences philosophiques théologiques oct 1921 pp 560


et la

et

,
.

suiy
.
52 LA CONSCIENCE MORALE

l'intime de ma personnalité Si je résiste à l'attrait de


.

cette médisance , c'est que la règle morale qui la dé


fend possède en moi de solides assises . Je sais fort
nettement que médire est une faute , je le sais par le
consentement unanime de mon instruction et de mon
éducation , par mon propre acquis vertueux , par mon

caractère moral en un mot et qui est lui -même le


les

résultat de toutes influences qui longue ont

la
à
,

,
et

tassé affermi mes convictions influences faites des

,
de

de

de

de
ma Foi
et

lumières ma raison

la
celles

,
grâce divine mon effort personnel influences qui
de
et

,
au

présent

moment ma conscience prononce son


l'appuyer
ne

de

en

sa
verdict cessent renforçant clarté
,

.
mon jugement
en

de

de
Oui mais face conscience
,
de
et

sa

conclusion cette médisance est un mal


«
:

un

autre jugement

et
défendu ma raison dresse
»,

une autre conclusion cette médisance est oppor


«
:

tune ma vengeance La rancune dont mon coeur


à

»
.

dont mon imagination surexcitée at


et

bouillonne

un

cuisant me paraît principe d'action


le

teste
,
Je

remptoire
et

cette médisance
désire vivement
,
.

de

désir ma raison devient fertile


ce

poussée
la

sous
,

trouver des motifs d'y souscrire


à

LE JUGEMENT DE CONSCIENCE
2.

ET LE JUGEMENT D'ACTION
.

Tout soumis moralité implique donc


le
la

acte
à

principes
les

parallélisme deux syllogismes dont


de
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 53

et les conclusions s'opposent contradictoirement ,


l'une pour la vertu , l'autre contre la vertu , jusqu'au
moment où l'une évince l'autre dans le dernier juge
ment libre et décisif de l'action .
C'est pourquoi saint Thomas , interprétant un

dit
passage d’Aristote au VIIe Livre des Éthiques ,
que vertueux comme vicieux use d'un syllo
le

le

,
,

gisme quatre propositions

et
deux universelles
,
à

deux particulières aboutissant deux conclusions


,

contraires à
.

propose tout d'abord prin

en ce
se

Chez vertueux
le

cipe arrêté tout péché doit être évité puis face


le ;

,
:

cet autre point vue général dont


de

stimulant est
,

maintenu par passion actuelle tout plai


et

excité
la

quel qu'il soit est désirable La raison en

ba
sir
,

,
,

lance devant cette alternative est cependant vite


,

la les
amenée repousser
car par hypothèse péché
le
à

,
en

habitudes antérieures accusent singulier relief


plus value
de

tendance morale Devant l'action


la
-

concrète qui s'offre comme


un

de

assouvissement
du la

passion mais aussi comme une faute raison


la
,

comparaison faite
et

vertueux n'hésite pas obéit


la la

,
,
sa

conscience refuse tentation


et
à

.
au
va

Chez vicieux qui


le

succomber péché nous


,

même point départ


loi de

de de

trouvons l'alternance
le

:
du

plaisir
de

loi
la

morale avec relief


le
la la

et

première par l'insistance qu'apporte cette ten


à

dance poids des habitudes passées Ainsi affaibli


le

son impartialité
en

discernement cède au désir


le
,
-
1

54 LA CONSCIENCE MORALE

- victorieux . Puisque le plaisir est plus agréé que le


devoir , il est logique que la raison ne s'intéresse plus
qu'à décréter l'acte que réclame la passion , alors
même que la conscience le réprouve ( 1) .
Ce dernier jugement de l'action qui précède et
motive le choix libre est appelé par saint Thomas ,

-
le jugement de libre arbitre , -judicium liberi arbitrii
dont il nous dit qu'il s'oppose au jugement de
conscience .
Dans le cas du péché , cette opposition est flagrante .
La raison , dans la conscience , a beau proclamer : « cet
acte est défendu », la même raison juge qu'il est ac
tuellement meilleur de ne pas résister à l'appel de
la tentation .

Dans le cas de la vertu , l'opposition semble ne


pas exister , puisque , matériellement , l'acte , approuvé

1) « Uterque ( continens et incontinens ) utitur syllogismo quatuor


propositionum , sed ad contrarias conclusiones . Continens sic sillo
gizat : Nullum peccatum est faciendum : et hoc proponit secundum
judicium rationis ; secundum vero motum concupiscentiae versatur
in corde ejus quod omne delectabile est prosequendum ; sed quia
judicium rationis in eo vincit , assumit et concludit sub primo : hoc
est peccatum ; ergo non est faciendum . Incontinens vero , in quo vin
cit motus concupiscentiæ , assumit et concludit sub secundo : hoc est
111

ad

delectabile ; ergo est prosequendum ». Du Malo , Qu .


9.

7
a
,
.

.
.

Ille qui habet scientiam universali propter passionem impedi


in
, ; , «

ad conclusionem perveni
ne

iur possit sub illa universali sumere


et

quam suggerit inclinatio passio


re

sed assumit sub alia universali


,

VII Ethic quod


ea

Philosophus
in
et

nis sub concludit Unde dicit


,

.,
.

syllogismus incontinentis habet quatuor propositiones duas uni


,

versales quarum una est universalis puta nullam fornicationem


,
;

esse committendam alia est passionis puta delectationum esse


;

,
ne

Passio igitur ligat rationem


et

sectandam assumat concludat


: .

.a ea

sub prima
et

unde durante assumit concludit sub secunda


»
, ,

) ,

.
II

Qu LXXVII ad
4.
*
,

2,
"

.
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 55

par le jugement de conscience , est celui - là même que


le dernier jugement décide et que le choix adopte .
Et pourtant , formellement , une différence persiste
entre les caractères de ces deux jugements .
La conclusion de conscience est une définition de
l'acte au seul point de vue moral . Elle est déterminée
par un jugement qui , tout en visant l'action dans
ses circonstances particulières
se contente de la
,
dénoncer comme bonne ou mauvaise , en la compa
rant aux principes de la moralité et en considérant
simplement si le raisonnable qu'ils prescrivent s'y
reflète . La raison regarde cette action en face des
lois intemporelles et objectives de la moralité . Elle
la voit dans toutes les circonstances qui l'individua
lisent , et pourtant elle la détache des dispositions
affectives actuelles et des motifs volontaires immé- .

diats qui la réclament ou l'interdisent . Elle se pro


nonce en une sentence sereine , impassible , comme
appuyée sur la rigidité des principes dont elle pro
jette la lumière sur l'action en cause pour en faire
reluire la bonté ou la malice . Bien qu'appliquée à
l'ordre pratique , elle affecte de garder un mode
<<cognitif
» et indifférent à la pratique
spéculatif ,

actuelle de l'acte , car elle le précède pour l'encou


rager on l'interdire , puis , lui survit en restant la
même , pour l'approuver ou le condamner .
La conclusion du jugement de libre arbitre , celle
qui décide le choix de l'action , n'est plus seulement
définitoire et « cognitive », mais intimante et «( affec
56 LA CONSCIENCE MORALE

tive Elle procède d'une inférence dont le principe


».

n'a pas seulement une évidence théorique , mais re


tra

et un
fin
présente une cristallisée dans jugement

à
vers lequel s'expriment l'urgence l'entraînement

au
d'un amour Elle est fruit d'une raison
service

le
.
fin
de

qui accompli pour

ce
cette elle dicte doit être
;

de
que soit prouvée dans l'action valeur l'amour

la
qui captive volonté
la

ou de (1
jugement ). conscience raison nous

la
Dans
ce le

,
qui est bon qui est mal moralement
ce
fait voir

.
Dans jugement d'action raison nous fait vouloir
la
le

qui est bien


ou

qui est mal s'employant dé


ce

ce

de à
,

dicter l'action sous l'impulsion l'in


et

terminer
à

qui
ou

sa
tention vertueuse vicieuse oriente décision

.
Judicium conscientiæ liberi arbitrii conveniunt quantum
de et

...
1
«
ad (
)

hoc quod utrumque est hoc particulari actu


, et
...

differunt
quia judicium conscientiæ consistit pura cognitione judicium
in

autem liberi arbitrii applicatione cognitionis ad affectionem quod


in

quidem judicium est judicium electionis Et ideo contingit quandoque


.

quod judicium liberi arbitrii pervertitur non autem conscientiæ


;

sicut cum aliquis examinat aliquid quod imminet faciendum judi


et

cat quasi adhuc speculando per principia hoc esse malum utpote
;
,

fornicari cum hac muliere sed quando incipit applicare ad agendum


;

occurrunt undique multæ circumstantiæ ad ipsum actum utpote for


,

, ne
ex

nicationis delectatio cujus concupiscentia ligatur ratio ejus


,

...

ejus rejectionem prorumpat


in

dictamen De Verit Qu XVII


»

1
a
.,

,
(

ad
4.
)

Tam conscientia quam electio conclusio quaedam est particula


, «

ris agendi vel fugiendi sed conscientia conclusio cognotiva tantum


;

.. ,

electio conclusio affectiva quia tales sunt conclusiones operativis


in
. :
D.

11
II
In

Sent xxiv Qu
4.
a
,

,
(

)
.

.
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 57

3. LES OBJURGATIONS
DE LA CONSCIENCE AVANT L'ACTION

Revenons à considérer , dans son exercice même ;


l'activité de la conscience . Saisissons - la,
tout d'abord ,
avant la décision qui emportera l'action dans un
sens ou dans l'autre .
Cette activité de ma conscience s'affirme psycholo
giquement par une sorte d'objurgation intime. à re
pousser ma passion . Je sens que ma
ce que médite
lie

conscience me qu'elle voudrait barrer route

la

je à
,

cette tendance qui m'entraîne que pourtant


et

réprouve
le .

cas pris tout exemple


en

Dans l'heure ma
à

,
de
conscience interpose son point
de

vue celui mes


à

de
et

sentiments vindicatifs elle les discute essaie


;

les réfuter les uns après les autres cherchant exté


à
,

nuer l'impulsion vengeance


de

et

finalement arrê
à

médisance qui
de

en

ter l'acte veut sortir


.

Non seulement conscience s'efforce par l'intima


la

,
de

tion son jugement d'empêcher l'action mauvaise


,

qui prépare mais elle stimule vivement l'action


se

à
,

va

contraire Elle flagelle péché qui


se

commettre
le

,
.

rappelant qu'il contredit


en en

règle morale mais


de la

,
au

même temps
et

nom celle elle incite


ci

à
,
-

préférer pardon
de

l'assouvissement rancune
au le

la
à

bien mal une parole charitable une parole


le

à
,

malfaisante
.
58 LA CONSCIENCE MORALE

Que va - t - il arriver ? Deux issues sont possibles à


ce débat . Je vais obéir à ma conscience , ou lui désobéir ;
je me vengerai , ou je pardonnerai .
Je suppose que je me décide enfin au pardon . Que
se passe -t- il en moi ? Mon jugement de conscience
qui réprouvait la médisance élimine le jugement qui
favorisait se produit comme un jeu
ma passion . Il
de bascule ; le jugement passionnel cède et s'éclipse ,
et le jugement de conscience emporte mon coniplet
assentiment . Le premier jugement , avec ses motifs,
a jugé le second et , par dégradations successives , à
entamé le relief de ses motifs . Ma conscience est vic
ma rai
loi

triomphe

de de
torieuse :: la discernement
le
,

son l'emporte emplit tout mon champ vision


il

;
;

vérité morale que dénonçait ma conscience est


la

,
de

devenue vérité mon action


la

.
au

contraire que jugement je de


Je

suppose ma
le
,
,

conscience n'ait pas arrêté mon choix que


et

me
sois décidé suivre ma passion Malgré les protesta
à

de

parfaite connaissance
et de

en

tions ma conscience
,

donc librement ma raison appuyée


en

cause ses
,

et de

motifs par mes dispositions affectives adoptè


,
Je

satisfaire ma rancune choisis médisance


la
.
je
en

fait lance ronde venimeuse


la

la

bientôt
à
,
,

parole
...

première alternative
de

Cette fois l'inverse


ne le
la

,
à
,

les

jeu d'éclipse entre


de

deux jugements
et

bascule
Le

produit plus jugement passion triomphe


de

en
se

même temps
en

dernier ressort mais mon juge


;

,
,
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 59

ment de conscience demeure et stigmatise ma faute ,


au fur et à mesure que j'en déploie l'exécution . Ma
raison , arguant des convenances de ma passion , ap
prouvé mon péché comme servant mon but de rancu
në , et ma raison la désapprouve comme une infraction
loi

qui me prescrit justice Ma

et
à la charité

la

la

.
raison constate son propre dérèglement elle sou

se
:
met une passion qu'elle devrait pourrait contre

et
à

dire elle préfère une satisfaction passagère l'ab

à
;

Et
qu'est
loi
de

le de

de
et

volonté Dieu morale


la

la
solu

.
de
que cela sinon
ce

radical désordre raison elle

la

de
soi prévalant sur l'amour
de

même l'amour Dieu


,

,
mal lui même estimé plus que
le

bien
le
-

L'APPROBATION LE REMORDS
4.

OU

DE LA CONSCIENCE APRÈS L'ÀCTION

Avant l'action conscience s'efforce d'arrêter


la
,

loi
ci

elle contredit elle l'excite


la

celle elle est


si

si
,
,

;
-

loi

après l'action
de

et

une observance Pendant


la

,
.
ou

approuve selon
et

elle désapprouve l'alternative


,

pour les mêmes motifs


.

de
de

Chose remarquable défaite


la
la

dans cas
le
,

du

péché celui étant


ci

conscience c'est dire


-
à
,

-
-

jugement passion quien


de

conimis décidé
le

à
,

dis
de

lui
et

tout l'heure tend même s'amortir


à

à
-

paraître Pourquoi l'heure Parce


ai

médit tout
je

?
-
.
60 LA CONSCIENCE MORALE

que , vexé contre mon prochain , il m'a paru opportun


de me venger . Et je me suis vengé . Mais ma passion ,
par son assouvissement même , laisse tomber son
excitation La passion n'est souvent qu'un incident
.

dans notre vie psychologique , un ressaut passager sur


sa courbe normale . Une mauvaise humeur nous agite ,
puis le temps passe et elle s'épuise d'elle - même . Le
grondement de nos colères nous paraît ridicule au
. lendemain de nos vengeances ; nos caprices affectifs
nous enchantent un instant , mais le charme se rompt,
fallacieux argu
les
et bientôt se désagrégent tous
ments que nous avions amassés pour justifier notre
entraînement
1
(
.)

l'argument ma passion
en

de

Mais faveur
si

,
une fois mon péché commis —se disloque tombe et
,

,
du

jugement
de

de

n'en est pas même conscience


il

.
de

Son verdict n'a aucun motif modifier Cette


se

regrette maintenant parce que ma rai


je

action
la
,

comparant aux éternels principes


de

mora
la

la

son
,

de

lité fait abstraction l'échéance temporelle


de

son
,

exécution Ma conscience me reproche lorsqu'elle


la la
.

est exécutée comme elle me reprochait par an


,

ticipation avant réprobation intime


sa

réalisation
:

qui est plus


de

voix raison d'autant


le

la

remords
,

Secundum passionem appetitus sensitivi immutatur homo


(1
«

,
)

ad aliquam dispositionem Unde secundum quod homo est pas


in
.

sione aliqua videtur sibi aliquid conveniens quod non videtur extra
,

passionem existenti sicut irato videtur bonum quod non videtur


Qu ,

ix

quieto Voir également Qu.x


II

...

ibid
, 2

3
»

a
, *,

;
,

,
, I*

*
(

:
.

.
).

De Veritate Qu XXII art


1.

Qu LXXVII ad
6
a

9,
.

.
L'ACTIVITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 61

claire qu'elle n'est plus contredite et couverte par


la voix de la passion maintenant apaisée ( 1 ) .
Sur nos chemins de plaisir et nos routes de folie ,
le remords de notre conscience nous poursuit tou
jours . Dans l'enivrement de nos passagères satisfac
tions , nous fermons volontairement l'oreille au juge
ment accusateur qui tente de nous arrêter . Mais ,
C'est en vain . Essaierons -nous de le faire taire , nous

acharnant à l'étouffer par le raisonnernent direct ou


une pose d'indifférence ? Il demeure comme une amer
tume et une rancour après tous nos enivrements
passagers. Dans l'ardeur de nos convoitises , accu
mulant les motifs de les satisfaire , écartant les uns
les

les

n'y point souscrire nous


de

après autres motifs


,
et

cru éliininer totalement remords donner


le

avons

Dans De Veritate Qu XVII art saint Thomas décrit ainsi


le
1

1
,

et ,
(
)

l'activité de conscience morale avant après l'action Secun


la

, «
:.

.
ut

dum modum applicationis quo notitia applicatur ad actum scia


,

tur an actus sit rectus vel non duplex est via Una secundum quod
,

per habitum scientiæ dirigimur aliquid faciendum vel non facien


in

dum Alio modo secundum quod actus postquam factus est exami
,
.

natur ad habitum scientiæ an sit rectus vel non rectus Et hæc


,

duplex via operativis distinguitur secundum duplicem viam quæ


in

judicandi Illa enim via qua per scientiam inspici


et

est inveniendi
.

mus quid agendum est quasi consiliantes est similis inventioni


,

Illa autem via


ex

per quam principiis investigamus conclusiones


.

quæ jam facta sunt examinamus


ea

per quam
et

discutimus an recta
,

sint est sicut via judicii per quam conclusiones principia resol
in
,

vuntur Secundum autem utrumque applicationis modum nomine


.

conscientiæ utimur Secundum enim quod applicatur scientia ad


.
ut

actum dirigens ipsum secundum hoc dicitur conscientia instigare


,

vel inducere vel ligare secundum vero quod applicatur scientia ad


,

actum per modum examinationis eorum quæ jam acta sunt sic
,

dicitur conscientia accusare vel remordere quando quod factum


id
,

est invenitur discordare scientia ad quam examinatur defendere


a

;
,

autem vel excusare quando invenitur quod factum est processisse


id
,

secundum formam scientiæ


»
.
62 LA CONSCIENCE MORALE

la voie libre à nos passions ; et , la faute commise ,


avec promptitude ou atermoîment , tout de suite ou
plus tard , quand nous ne l'attendons plus , le re
mords surgit et , au plus vif de l'âme , nous fait crier
sous la déchirante morsure de są condamnation .
les

Pour psychologies rudimentaires comme pouſ


les

plus affinées

la
remords est manifestation

ļa
le
,

plus immédiate
de

conscience Certes délicatesse


la

la
,

,
ou

plus grande
de
moins diversifie l'intensité

ci
celle

-
remords existe tant que
ce
du remords mais enfin
;

brille dans une âme plus petite étincelle d'idéal


la
,
,

quand contre artie c'est


sa

moral existe dire


Il

à
,

-
-
.

-p

l'approbation intime consécutive nos bonnes ac


à

tions n'est pas aussi vivement ressentie Car certaines


,
.
la --

--
les

âmes primitives non moins vertueuses sont


plus sensibles

de de
tristesse qu'elles éprouvent
à

leurs faiblesses qu'à joie


de

leurs sacrifices et
la

leurs mérites
.

En cette brèye
de

de

esquisse l'activité conscien


la
on

les

dans ses lignes plus simples


ou la ce

découvrira
,

,
du

psychologie
de

l'acte moral l'instant péché


à
de

victoire sur tentation


la

la

1
(
).

cette jointure
de

C'est notre jugement


de
et à

con
de

jugement
en
ce

science notre d'action débat


,
au

1x

Voir plus loin chapitre une description


, et

205 suiv
p
1

,
,

.,
(
)

de

plus abondante des luttes conscience


la
LA CONSCIENCE MORALE 63

intérieur qui précède notre libre choix , que se révèle


l'allure profonde notre moralité . Toute notre
de
perfection vertueuse s'affirme en cet instant décisif .
Pour que notre conscience triomphe ,
il nous faut sans
doute un premier fonds de liberté capable d'écarter
n'importe quelle tentation ; mais , au surplus , les
habitudes morales acquises par une longue expé
les

les
et
rience , vertus infuses dons surnaturels
«

,
de
auront pour rôle dans l'économie notre vie

in
,

triomphe
de
ce

térieure d'assurer notre conscience


,

.
ver
La

perfection nous

le
de

celle sera faſte


ci
-

du

solide appoint toutes ces garanties


de

rons

.
CHAPITRE IV

Les conditions de la conscience morale .

SOMMAIRE :

L'EXERCICE PARFAIT DE LA CONSCIENCE . L'IGNORANCE DE LA


LOI . - L'ERREUR SUR LE RAPPORT DE L'ACTION A LA LOI .
L'INATTENTION MORALE

Nous avons essayé de saisir sur le vif , dans l'exer


cice même de sa fonction intime et incessante , notre
conscience , juge implacable de nos ceuvres ou de nos
défaillances morales . Dès que nous agissons avec
responsabilité , notre esprit apprécie la valeur de
nos actes en regard des lois de la conduite et pro
nonce sentence d'approbation ou de blâme .
Mais est - il vrai que tous nos actes soient , de la
même façon , livrés au jugement de notre conscience ?
Parmi ces actes , n'y en aurait - il pas qui lui échappe
raient plus ou moins ou même totalement , d'autres
qui seraient pénétrés à fond de sa lumière , d'autres
enfin qui ne seraient éclairés par elle que de façon
indistincte ?
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 65

1. L'EXERCICE PARFAIT DE LA CONSCIENCE .

Qu'on se souvienne de ce que nous avons dit pré


cédemment sur le conflit intime entre nos jugements
d'action et nos jugements de conscience (1) .
Par exemple , la blessure vive d'une offense m'excite
à me venger ; mais tandis que j'échauffe mon désir
de vengeance et que je me décide à l'acte qui l'assou
vira , ma raison , envisageant cet acte non plus dans

loi
son rapport avec mon ressentiment mais avec la
morale dénonce vite comme inacceptable Mon
le
,

.
jugement
de

en

conscience entre lutte avec mon

de
jugement d'action l'un comme l'autre
et

essaie
faire prévaloir ses motifs
.
de

L'issue
ne
ce

nous importe pas présente


débat
ment Mais remarquons avec soin que nos actions
.

tiennent leur aspect moral


de

de

cette incidence
jugement conscience sur notre jugement
de

notre
d'action
.

Pourquoi effet nos actions peuvent elles être


en

-
,

dites responsables moralement imputables


,

ou les ?
les

Parce qu'avant poser posant


de

en
en ou

tout
,

nous les jugeons comme étant accord comme


natu
et en

étant désaccord avec les règles morales


de

relles surnaturelles conduite humaine


la

.
La

possibilité jugement surjugement


de

de
la ce

de ce
,

de

pourrait
on

racine même liberté


la

dire est
,
-

Voir plus haut pp 52-59


1

.
.
(
)

CONSCIENCE MORALEO
5

LA
66 LA CONSCIENCE MORALE

nos actions morales . Je ne suis donc pas contraint à


l'acte qui me sollicite puisque , d'une part , je juge ses
motifs et puisque , d'autre part et en même temps ,
il m'est loisible de faire valoir des motifs qui les
contredisent . Les motifs de ma conscience peuvent
les

les
ainsi bloquer ma passion

de
motifs neutrali

,
triompher
en
et

ser .

est
son tour mon jugement

de
conscience loin
A

d'être lui même contraignant Sans doute ma cons


.
-

cience m'objurgue une action qu'elle


de

résister
blâme ou elle m'excite lui substituer une action à
à

ne
qu'elle approuve
ce

mais verdict me détermine


;

pas laisse entière ma liberté


et

Tout excellent que puisse me paraître

de
parti
le
un

résister entraînement réprouvé par morale loi


la
à

,
présente point une valeur
ne

cette excellence même


un

n'est qu'un bien


ce

absolue c'est bien certes mais


,
;


particulier bien universel qui seul
non pas
et

le
Et

termine ma volonté puisque par ma volonté


,
.
je

au

raisonnable me rallie seulement bien universel


,
,

aucun bien particulier même celui d'obéir ma cons


ne à
,
en

cience refusant d'obéir ma passion m'oblige


je à

,
Je

vouloir juge que dois écouter ma con


le
à

un

jugement j'en puis substituer


ce

science mais
,
à
;

autre celui qui me dénonce une plus value d'attraits


-
,

dans l'acte même appelé par ma passion


1
(
).

Cf. IIaé Qu xvii ad Radix libertatis est voluntas


2
«
á
1

1,
,
I*

:
(
)

ex

sicut subjectum sed sicut causa est ratio hoc enim voluntas
;

;
,
ad

libere potest diversa ferri quia ratio potest habere diversas con
,
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 67

Ainsi s'affirment la liberté de mes actions morales


et , également , leur responsabilité . Si je suis à même ,
quand je suis sollicité à agir , de juger mon action et
de la mesurer sur la règle morale , comment ce que
j'accomplis dans cette vue de conscience ne serait - il
pas volontaire et par conséquent imputable ?
D'où il suit que la responsabilité morale de mes
actions vient du jugement de conscience qui les tra
verse et que leur plus ou moins de responsabilité
tient à la clarté plus ou moins grande de ce jugement .
Mais encore faut - il que mon jugement de cons

les
cience s'interpose en face de mes actions pour
apprécier moralement
de .

s'agit dès lors déterminer quelles conditions


Il

psychologiques cette pleine advertance


permettent
de

raison car toutes nos actions n'en sont pas suscep


;
ou
du

sont pas
ne

de

tibles moins même façon


la
et le

.
Nous sommes corps âme vie végétative sen
et
,

même temps que vie rationnelle


en

sitive spiritủelle
et

Notre monde intérieur est une synthèse d'activités


disparates
.

beaucoup d'entre elles


de

Vis vis nous sommes


à
-
-

inter
de

elles composent
en

passifs dehors toute


;

ceptiones boni ideo philosophi diffiniunt liberum arbitrium quod


et
:

ratione judicium quasi ratio sit causa libertatis


de

est liberum
«

»
.
ce

sa

Cajetan commentant texte fait valoir avec rigueur coutu


le
. « ,

mière Ex hoc voluntas est formaliter libera quia ratio est oppo
,
:

sitorum Quia enim voluntas bono cognito oritur libera voluntas


a

ab oppositis bonis cognitis absque determinatione ad alterum nas


ciur Voir également IIae Qu XIII De Veril Qu

la
»

6
.a
, .

;
,

.,
.

XXII
et

Qu XXIV
a
6,

,
a,
1,
.

.
68 LA CONSCIENCE MORALE

vention de notre part , le jeu fonctionnel de notre vie


organique . Des réactions physico - chimiques et des
échanges d'énergie , des assimilations et des désassi
milations peuplent
notre moi , assurent notre vie
animale sans que notre attention raisonnée y prenne
garde , sans même que notre réflexion puisse en pé
nétrer le mystère . De ces activités incroyablement
multiples nous pouvons saisir les résultats de bien
être ou de malaise , de douleur ou de délectation ;
nous pouvons même les activer ou les troubler parce
que ces fonctions sont en dépendance d'actes exté
rieurs sur lesquels nous avons empire volontaire
relatif ou absolu ; mais ces actes extérieurs étant po
sés , le mécanisme intime des fonctions qui en dérivent
échappe aux prises de notre conscience ( 1 ) .
Pénétrons dans une zone plus élevée de notre per
sonnalité intime . Des activités de tout genre sont

à notre disposition : nous pensons , nous connaissons ,

nous aimons , nous voulons , nous agissons , nous appli


quons nos diverses facultés ,nous employons nos mem
bres extérieurs , nous réfléchissons , nous parlons ,
nous regardons , nous rêvons , nous nous souvenons ;
notre vie humaine est faite de ces échanges du dehors
de

(1) Je n'ai pas à énumérer vie végétative


ici

ni

les fonctions
la

préciser comment chacune d'elles peut être soumise au contrôle de


la à

conscience morale Ce contrôle est exactement proportionnel au


.

pouvoir volontaire que nous avons sur ces fonctions organiques Cf.
(
Qu

IIae XVII suffit pour cette étude générale de


Ia

Il
8
a

,
,

a ,
.

.
).

marquer qu'il
en

en

en
ou

se

nous des activités qui tout partie


y

,
en

de

déploient naturellement dehors notre personnalité réfléchie


de

sortent ainsi du domaine


et

notre conscience moråle


.
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 69

au dedans et du dedans au dehors ; et leur entrecroise


ment forme la continuité de notre individualité
psychologique .
Tous ces actes , séparément envisagés, peuvent être
objet d'attention , de réflexion .
Nous pouvons nous regarder vivre en ce flot con
tinu d'actions et nous rendre compte des objets de
nos connaissances , de nos pensées , de nos attraits , de
nos désirs , de nos vouloirs , de nos mouvements , de

nos rêves , de la direction de nos souvenirs . Notre


raison peut discerner le pourquoi, les

les
et
mobiles
motifs les résultats que nous
et de
et

tout
ce
les buts
,

et ce ne
qui est qui pourrait
ce

ce

faisons Nous savons


.

ou

pas être qui est défaut perfection


ce

et
donc
,

,
ou

qui est bien mal dans l'emploi nos énergies


de

nos activités Cette fois notre conscience peut pla


de

,
.

cer son discernement juger l'action d'après règle


de la
,

par même faire jouer po


et

morale liberté

la

la

ser ou de refuser
la

.
au

pouvoir
de

Une action
et

notre volonté libre


,

dans notre esprit capacité d'attention sur but


le

une
de ,
et

résultat cette action voilà les conditions


le

l'exercice parfait
de
de

psychologiques conscience
la

morale
1
(
).

j'ai indiqué

Voir plus haut Chapitre longuement les


1

II,
(
)

de

responsable
et

caractères essentiels l'action volontaire libre


,

.
70 LA CONSCIENCE MORALE

2. L'IGNORANCE DE LA LOI .

Des déficiences peuvent se produire dans ces con


ditions obligées et amener le trouble dans l'execicer
et la responsabilité de la conscience .
L'action morale est l'euvre du discernement de
notre raison , notre conscience n'étant pas autre chose
que le jugement que nous portons sur nos actes en
loi

les contrôlant sur la morale suit que notre mo


Il
.

ralité est constamment tributaire notre intelli


de
réclame d'elle deux savoirs parallèles qui

en et se
gence
et

Je

complètent mutuellement dois connaître loi


la
.

l'obligation vertu qu'elle me commande puis


de

temps dois me rendre compte ,


je

même telle action


si
,

qui présente dans


de

courant ma vie rentre sous


se

ou le
loi

l'obligation est défendue par elle


de
la

Le sens moral s'établit


en

nous quand spontané


et ,

de

propos
de

en

ment toutes nos activités face


à
,

les

toutes suggestions qui nous excitent agir notre


à

conscience c'est dire notre esprit regarde ses


,
à
,

à
-
-

propres convictions morales pour décider l'accepta


ou

tion rejet des actions qui nous sollicitent Nos


le

habitudes vertueuses lentement formées ont


ce
,

,
de

plus
de

résultat plus
en

rendre notre conscience


sensible ces continuelles interrogations intimes sur
à

de

valeur morale
la

toutes nos actions Des devoirs


,
.

des obligations des prescriptions


de

toutes sortes
et
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 71

sont inscrits en formules générales dans la mémoire


de notre conscience ; d'autres obligations s'y ajou
tent sans trêve ; et c'est précisément la tâche de
notre conscience de contrôler nos actes sur cette ré
glementation et de discerner si notre liberté doit les
accueillir ou éviter .
les
Ainsi donc ,
une double lumière doit sortir de notre
intelligence à propos de chacune de nos actions : une
loi

vue sur la qui constitue notre programme ver


référence de cette action
et

une vue sur


la

tueux

à
,

ou

loi qui l'approuve défend


la
la

loi
ou
l'ignorance
de

pourquoi l'erreur
la

C'est
loi

rapport
de

dans l'action vicieront néces


le

la
à

sairement notre action notre volonté commandant


,

en dehors d'un véritable discernement mo


ci

celle
-

ral
1
(
).

Tout d'abord nous pouvons dans certains cas


,
,

,
loi

ignorer
la

vrai dire aucun homme vivant dans notre civi


A

lisation chrétienne n'est court des principales


à
,

exigences des obligations


de de

et

l'honnêteté morale
ou

spéciales son devoir professionnel familial


.
Ce

n'est pas vis primordiales


de

vis ces règles né


à
-
-

cessairement connues que peut rencontrer l'igno


se

prescriptions plus circons


de

rance mais vis vis



,

du

tanciées qui sont des précisions plus allinées de

Cum ad recte agendum homo dirigatur duplici scientia sci


1
«

,
(
)

licet universali particulariutriusque defectus sufficit ad hoc quod


et

et ,

impediatur rectitudo operis


2.

voluntatis Ilse Qu LXXVII



.a
,
(

)
.
72 LA CONSCIENCE MORALE

voir moral, ou encore vis - à - vis de commandements


occasionnels venant des diverses autorités qui ont
charge d'intervenir dans l'emploi de notre activité .
Par exemple , pendant une absence , telle ordonnance
a été portée par le chef du groupe social auquel j'ap
partiens prescrivant telle ou telle action jusqu'alors
inaccoutumée ou défendant telle ou telle série d'at
titudes ou de démarches , indifférentes en soi et jus
qu'alors acceptées . Ignorant l'ordre porté ou la dé
fense faite , je m'abstiens sans scrupule des actes
prescrits et me livre aux actes défendus . Je suis dans
loi

l'erreur par ignorance de la


.

qu'un exemple Les consciences morales


Ce

n'est

.
les

plus délicates ont compter avec des circonstances


à

qui les empêchent d'être toujours parfaitement ren


plus forte
de

seignées minutie leurs devoirs


A

sur
la

masse des hommes dont souci premier


le
la

raison
,

n'est certes point leurs obligations


de

de

s'instruire
laissent échapper bien des exigences
en

morales
,

insoupçonnées permettent des actes que leur


et
se
en

ou

réflexion elle était avertie leur interdirait


si
,

,
du

Je

moins leur désignerait comme répréhensibles


.
ici

n'ai pas pareil cas toute respon


en

chercher
si
à

sabilité est absente par exemple cette ignorance


si

,
,

n'est pas souvent une négligence fautive qui étant


,

elle même responsable n'immunise pas tout point


Ce de
,
-

les actions qui conséquence


en

sont volontaire
la

indirect par ignorance responsable demande une


étude spéciale d'ailleurs compliquée qui serait hors
,
,
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 73

de la question présente ( 1 ) . Qu'il suffise donc de


noter , sans plus , ce premier cas d'erreur dans la

loi
conscience morale par ignorance de la

2
(
).
3. L'ERREUR
SUR LE RAPPORT DE L'ACTION LA LOI

A
loi
un

ou
Voici second l'inverse morale

la
cas
à

,
:
ou

telle prescription

de
l'on veut telle nos devoirs
si

nous est parfaitement connue mais son exigence


,
vis

de tel

tel
ou
vis

d'application acte particulier


de
à
-
-

ne
nous échappe La liaison conscience s'établit
les .

principes
de

pas entre courants notre moralité


telle action qui propose devant nous
et

se

.
de

Tant circonstances enveloppent nos actions


ne

qu'il nous apparaît pas toujours même devant


,

notre réflexion plus attentive elles sont oppor


la

ou si
,
ou

tunes non elles sont bonnes mauvaises Sans


si
,

parler des cas insolites qui par leur inédit déroutent


,

nos plans
de

conduite habituels arrive que des


il
,
ne

événements très simples serait par exemple


ce
,

,
-

que l'attitude inaccoutumée quelqu'un avec lequel


de

change tellement l'aspect


de
la

nous avons affaire


,

situation que prendre garde croyant par


et
y

sans
,

les

fois bien agir nous commettons pires bévues


,

.
de
Je

retrouverai l'occasion cette étude dans un volume sub


1
(
)

séquent
.

Sur l'ignorance vincible


et

sur l'ignorance invincible voir


,
I. (
II 2)

Qu LXXVI
,

.
74 LA CONSCIENCE MORALE

Nous manquons d'opportunité , notre prudence est


en défaut . Nous nous trompons ; mais cette fois l'er

loi
reur porte , non plus sur la mais sur fait sur

la le
,

,
loi
l'action elle même dont rapport nous

le

à
-
échappe
1
(
)

un

de
Arrêtons nous instant pour examiner plus
-

de
près

et
mouvement habituel notre activité
le

de
constater comment les lumières notre conscience

en
viennent l'envelopper mais sans pouvoir toujours
les

les
replis pénétrer toutes
en

éclairer zones d'obs


et

curité
,

de
Nous vivons nous agissons dans conscience
la
,

,
de

de

nos points
de
notre vie nos idées nos sentiments
,

,
,
de

de

de
et

et
vue nos tendances enfin nos diverses
,

multiples actions
.
les

de

Sur motifs celles notre intelligence pro


ci
,
-

jette
et
sa

clarté attentive rechercher les buts les


à
,

joies que réclament nos habituels désirs Cette pour


, .

qui nous agrée


de

suite constante
ce

peine
re
à

marquée tant elle pénètre tous nos soucis nos attitu


,

,
et

des nos démarches est ainsi l'euvre active de


au

notre appétit naturel


de

et

notre raison service


toujours
en

qui nous est bien


de

ce

avidité rencontrer
,

perfection
et

contentement
.

courant d'intelligence
ce

de

Parallèle
et

volonté
à

tendu vers toute action qui nous promet satisfaction


,

Contingit quod aliquis habeat scientiam universalj


in

...

sed
1
«
(
)

tamen non cognoscat particulari hunc actum non esse faciendum


in

Et hoc sufficit ad hoc quod voluntas non sequatur universalem scien


tiam rationis IIae Qu LXXVII
I.

2.
»

.a
(
.

,
.

)
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 75

se développe un autre courant et comme un nouvel


éclairement de notre raison sur la continuité de nos
actions . Par une sorte de ressaut spontané sur elle
même , notre intelligence , tout en visant dans l'ac
tion la satisfaction appelée par nos actuels désirs ,
s'applique à la voir sous un autre angle : celui de
sa valeur morale . Car , en même temps que cette ins
tinctive tendance vers ce qui nous promet satisfac
tion , tendance toujours en fonction dans la poussée
sous - jacente de notre activité , surgit une autre ten
dance que l'accoutumance vertueuse peut singulière
ment développer . Elle se fait jour dans notre raison ,
sous la forme de motifs moraux , qui se superposent

à nos motifs de bonheur et les jugent . Un événe


ment de sensation ou de sensibilité nous suggère - t -il
telle ou telle action ? Tout de suite , notre raison de
réagir en ces deux points de vues conjugués et aussi
tôt comparés : la valeur de satisfaction contenue
dans l'acte suggéré et la valeur morale de cet acte .
Mais , le jugementde valeur morale n'est pas né
cessairement le premier , bien qu'il devrait l'être en

droit >, dans la conscience mise en attrait d'une ac

tion ‫ ;و‬il vient s'adapter sur le jugement visant l'ac


tion dans sa convenance de bien . Entre ces deux
jugements la liaison psychologique n'est pas essen
,

tielle . Le jugement moral peut être en retard sur le


jugement d'action . Il peut en être totalement dis
joint .

Chez un vertueux , dont le sens moral est aiguisé


76 LA CONSCIENCE MORALE

par une longue expérience , et surtout quand il s'agit


d'actions courantes dont les circonstances se retrou
deux juge

les

les
vent approximativement mêmes

,
lèvent dans l'esprit conjonction immé

en
ments
se

diate Telle action est elle appelée par provocation

la
de -
.

l'imagination ou
de

de
sensation Tout suite
la

de ,
déclenchent jugement qui découpe valeur
le

la
même temps

en
satisfaction entrevue dans l'action

et

,
,
jugement qui apprécie celle mo

sa
valeur
le

ci
selon
fois par -
de

rale Tant passé des actes semblables


de le
et ,

,
.

ils ont été jugés sur

la
sont offerts tant fois
loi se

ou
comme permis dé
et

morale revisés classés


,

ou

et
fendus bons mauvais que sans effort avec
,

cette facilité que donne l'habitude discernement


ou le
,

moral déclare pour approuver désapprouver


se

.
effet tandis qu'elles assouplissent nos
en

Nos vertus
,
,

recevoir les injonctions


les

disposent
et

tendances
à

catégo
de

en

notre conscience assurent celle des


ci
,

jugements retenus dans


de

de

ries mémoire notre


la

raison prudentielle toujours prêts


de et

être utilisés
à

pour l'appréciation nos actes coutumiers Ainsi


,
.

et

sont instantanément jugées par notre conscience


ou

cataloguées dans bien mal plupart des


le

la
le

actions qui forinent notre exis


de

trame normale
la

tence quotidienne
.
de

Mais présentent avec


ne se

certaines nos actions


,

des circonstances insolites Elles s'emboîtent pas


.

dans nos expériences passées exigent une vive


et et

attention sur leur opportunité une discussion sur


LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 77

leur valeur morale . Le jugement de conscience hésite


et ne peut se résoudre qu'après réflexion , conseil et

les
délibération intimes . Les prudences plus avisées
les plus vertueusement intentionnées sont parfois
et

en

face des complications des aspects

et
déconcertées
pratiques
de de

ce
contradictoires nos devoirs Dans

.
jugement valeur morale d'abord suspendu
le

cas
,

,
de
cherche peu peu

et
sortir l'indécision enfin
à
s'il à

peut- dans
--

verdict qui déter


un
s'affirme
le

de

mine choix décisif liberté


la
le le

voit donc nos jugements d'action

ne
On coïn
,

cident pas toujours immédiatement avec nos juge


ments moraux
.

On comprend dès lors possibilité psychologique


la
,

des ignorances que nous signalions plus haut igno


:
loi

du
ou

ignorance rapport d'application


de

rance
à la

d'une loi telle action déterminée cette loi étant


,

par ailleurs connue


.
Ce

l'intelligence
de
et

mouvement actif incessant


les

poursuivant travers toutes actions qui s'offrent


à
,

de

sujet
en

et

vue bien du satisfactions ses


le

les
,

actuelles tendances peut rencontrer une occasion


,

cir
ou

l'inaperçu
de

d'agir qui par nouveauté ces


la
,

constances sort des cadres moraux établis dans


la
,

Le

jugement porte
de

conscience celle faux


ci

,
-
.

on
loi

puisqu'on laquelle
ne

connaît pas de
la

selon
--

vrait apprécier l'acte


ou

on

connaît arrive
la
-

si

il
,
,

de
en

que l'esprit n'est pas éveil sur raccord cet


le
loi

acte avec qui devrait pourtant régir


la

le

.
78 LA CONSCIENCE MORALE

Voyons si , autour de la continuelle activité de

notre esprit quêtant des motifs de satisfaction dans


les appels successifs de nos actions , de nouvelles
inadvertances ou aberrations , provenant d'autres
causes , ne pourraient pas encore survenir .

4. L'INATTENTION MORALE

Voici une hypothèse dont nous n'avions pas jus


qu'alors entrevu la formule : Une action , par son
attrait de bien , éveille notre attention . A la considérer
en elle -même , cette action est connue et classée dans
les cadres moraux de l'expérience antérieure ; et
puis , il arrive que cette connaissance , de fait , n'est
pas mise en réquisition et n'intervient pas .
Supposons qu'il s'agisse d'un acte défendu . En
toute autre circonstance , l'esprit serait prompt à se
loi

rappeler la qui l'interdit percevoir que cet


et
à

acte particulier est atteint par cette défense Mais


.
tel

cet instant que


et

l'état d'âme est raison


la

la
à
,

volonté acceptent l'action proposée sans réaction


,
de

conscience apportant son veto


la

S'agit d'un acte positif exécuter En toutes


à
il

?
-

autres circonstances l'esprit discernerait immédiate


,

ment l'obligation l'opportunité


de
et

cet acte mais


,

,
on

s'abs
ce

moment dans l'état d'âme actuel


et
à

tient d'agir sans qu'intervienne dans conscience


la
,
,

,
de

reproche cette omission


le

.
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 79

Dans l'un et l'autre cas , en raison de circonstances


psychologiques déterminées et sous l'influence de
causes diverses que nous allons voir , l'intelligence
morale ne s'exerce pas : ce qu'elle pourrait et devrait
dire est momentanément éclipsé et échappe à l'ad
vertance de la conscience ( 1 ) .
Voici une première cause de cette disjonction mo
mentanée du jugement d'action et du jugement de
conscience : la distraction .

Car il y a des distractions morales : nous pouvons


être inattentifs , en fait , à ce que nous faisons et tout
particulièrement à la signification morale de ce que
nous faisons .
Avant d'être , dans sa facilité et parfois dans ses
extravagances , une question de tempérament , la
distraction est une fatalité de notre esprit , condamné
au morcelage successif de toutes nos connaissances ,
morcelage qui s'étend à notre volonté pour en dis
perser les attraits et en éloigner les unes des autres
les intentions . Notre volonté commande l'attention

de notre esprit ; et celui -ci s'absorbe à considérer


l'objet dont l'intérêt actuel nous captive . Le jeu mê
me de l'esprit et celui de la volonté l'utilisant à ses
fins expliquent cette dispersion de l'intelligence sur

(1) « Considerandum est quod nihil prohibet aliquid sciri in habitu ,


quod tamen actu non consideratur . Potest igitur contingere quod
aliquis etiam rectam scientiam habeat in singulari et non solum in
universali , sed tamen in actu non consideret . Et tunc non videtur
(
difficile quod præter id quod actu non considerat , homo agat . Ia IIa ,
Qu . LXXVII , a . 2. )
80 LA CONSCIENCE MORALE

la multiplicité de ses objets , puis sa fixation obstinée


à l'un d'eux au point que tout autre n'ayant pas
,

immédiat rapport avec lui n'est plus que vaguement


perçu et parfois même disparaît momentanément du
champ de vision ( 1 ) .
L'erreur morale par distraction de la conscience
semble assez difficile quand il s'agit d'actions im
portantes qui , par le fait d'habitudes enracinées ,
ne peuvent se présenter sans provoquer l'éveil immé
diat de morale . Encore cela dépend - il
l'attention
de la vertu et de la perfection de chacun .
Mais , normalement , cette inattention se produit à
l'endroit de devoirs insolites , dans des occasions peu
coutumières et le plus souvent quand il s'agit d'obli
gations secondaires . ici
Au reste , aucune règle fixe ne peut être donnée

,
cette possibilité d'inattention dépendant beaucoup
du

tempérament individuel des embarras plus ou


et

moins compliqués
de

de

l'activité chacun
.

Toutefois deux états psychologiques caractérisés


,

de

permettent facilité cette inattention morale


la

certaines heures notre activité peut concentrer


A

se
,

objet qui nous captive tant


un

et

sur bien que nous


si

ne

Cum omnes potentiæ animæ


in

una essentia radicentur


1
«

,
(
)

cesse est quod quando una potentia intenditur


in

suo actu altera


in
,

suo actu remittatur vel etiam totaliter impediatur Tum quia omnis
,

.
fit

virtus ad plura dispersa minor unde contrario quando inten


e
,

,
:

ditur circa unum minus potest llia dispergi Tum quia operi
in
,

bus animæ requiritur quædam intentio quæ dum vehementer appli


,

catur ad unum non potest alteri vehementer attendere


II
»


,
I*
. ,

(
.

1.
Qu

LXXVII
a
,

)
.
LES CONDITIONS DE LA CONSCIENCE MORALE 81

oublions toute autre préoccupation . Notre intelli


gence , par exemple , est comme hypnotisée par

les
difficultés d'un travail d'une étude d'un maniement

,
d'affaires nous donnons tout notre effort dans une
;

intensité d'attention qui augmente progressivement


jusqu'à

on
son maximum d'acuité S'étonnera

-
t-
.
qu'à pareil moment pensant qu'à ne qui nous

ce
,
en

négliger par oubli

de
tient haleine nous arrive
il
,

certains devoirs auxquels nous sommes habituelle


Et

on
ment assidus s'étonnera encore qu'à cet
?

-t
-

instant d'attention surexcitée un autre événement


,

compliqué difficultueux surgissant inopinément


et

,
ne

notre contrôle moral s'exerce point son propos


Le à

avec toute perfection désirable jugement


la

moral parfois manque totale


et

est ainsi entravé


ment
.
Je

n'ai part responsabilité


de

pas chercher
la
à

ici

encourue par cette inadvertance Ces cas encore


,

,
.
du

participent
ils

relèvent volontaire indirect


;

s'il lieu responsabilité des négligences


y

la
a

antérieures qui n'ont pas suffisamment prévu cet


de

amortissement conscience par absorption plus


la
de

ou moins totale l'attention


.

de

Un autre conscience
la

cas de non intervention


-

morale habituelle peut exister par


de

fait troubles
le

l'in
de
de

physiologiques qui résultent maladie ou


la

rendent précaire
de
et

firmité bon fonctionnement


le

l'esprit N'insistons pas sur cet état que l'on peut


,
.

dire momentanément pathologique puisque raison


la

,
,

LA CONSCIENCE MORALE
6
.
82 LA CONSCIENCE MORALE

troublée par les défaillances de l'énergie nerveuse ,

les
n'a plus

de

et
conditions son exercice normal
maîtrise morale sur l'action

de
par conséquent

sa

.
qu'elle peut être chaque cas
Celle ce
ci

est selon

,
-

ou

au
individuel l'intelligence flotte plus moins gré
:

des imaginations

et
des sensations des tendances

;
,

laisse pousser contrôle plus Un malade


ne
elle et

se
se

.
montre parfois avec des attitudes des exigences
et se

,
des actes qui sont
en
contraste absolu avec

la
luci
de

façon habituelle son état de bonne santé La

.
de

dité conscience peut baisser progressivement


la

jusqu'à paraître s'éteindre


1
(
).

du

ou
C'est encore une défaillance jugement moral
du

moins une contrariété destinée l'affaiblir que


à

nous allons rencontrer dans l'action passionnelle


qui selon l'occurrence peut devenir une faute mo
,
,

rale
Ce .

nouveau cas multiples aspects demande une


à

étude spéciale celle des rapports


de

conscience
la
:
de
et

passion
la

particulari quod habitua


in

id

Quod homo non consideret


1
«
(
)

ex

liter scit quandoque quidem contingit


, ...

solo defectu intentionis


,

Quandoque autem homo non considerat quod habet


in

habitu
id

propter aliquod impedimentum superveniens puta propter ali


:

quam occupationem exteriorem vel propter aliquam infirmitatem


,

corporalem
2.

Iſae Qu LXXVII
»

a
,

,
I*
(

)
.

.
CHAPITRE V

La conscience morale et la passion .

SOMMAIRE :

LA PASSION ANTÉCÉDENTE ET LA PASSION CONSÉQUENTE .


COMMENT LA PASSION ENTRAVE OY FACILITE L'ACTION ,
- LA
LA PASSION CONSÉQUENTE ET LA RESPONSABILITÉ .
PASSION ANTÉCÉDENTE ET L'IRRESPONSABILITÉ . LA PAS
SION ANTÉCÉDENTĘ ET LA RESPONSABILITÉ ATTÉNUÉE .

Fréquemment , nos actions se présentent avec des


mobiles de passion contre lesquels sont en réaction
des mobiles de moralité .

Ne concevons pas notre conscience jugeant seule


ment dans l'abstrait , tournant à vide et n'agitant
que des verdicts universels ; mais considérons qu'elle
nous excite à l'action particulière où nous admo
neste , tandis que nous sommes aux prises avec une
passion déterminée qui nous sollicite immédiate
ment .

Si ma conscience n'était qu'un jugement spéculatif


et désintéressé , elle n'aurait aucun motif d'être trou
blée en ses conclusions , « Deux et deux font quatre »,
84 LA CONSCIENCE MORALE

« » : voilà des vérités dont l'évi


la nuit succède au jour
dence me reste fort lucide , quelles que soient les
passions qui me travaillent. Mais la situation change
si ma raison voit s'élever en elle la lutte intestine
d'un jugement approuvant le plaisir d'un acte pas
sionnel et d'un autre jugement réprouvant ce même
acte comme contraire à la loi morale .
Comment la passion vient - elle favoriser ou entra
ver l'activité de la conscience et , dans les cas où
elle l'entrave , qu'en résulte - t - il au point de vue de la
responsabilité ?
Notons — pour bien définir le problème que
au

la passion doit être entendue , plus large


ici

le
sens
,
et du

n'importe quelle passion


la , a de

mot c'est dire


à
,

-
-

;
nous savons qu'il onze passions

la
l'amour
y

,
:

haine désir l'aversion joie tristesse l'espoir


le

la

la la

,
,

,
désespoir l'audace peur
et

colère
le

de se ,

faut donc bien garder d'identifier passion


on la
Il

seule passion sensualité comme fait


le
la
à

facilement dans langage courant Evidemment les


le

,
.
de

quoi exciter
de

délectations sensualité ont


le la

par leur vivacité jeu complexe des passions mais


;
,

elles n'en sont qu'un objet particulier n'en mono


et

polisent point les désirs les ardeurs L'orgueil


de
ni

personnalité convoitise égoïste peur d'un


la

la

la
,

danger imminent crainte d'une humiliation


la
la

,
,

contradiction infligée nos opinions l'amour partial


à

de

exclusif les revers qui nous viennent


de

dureté
la
et

in

vivre nos souffrances physiques nos chagrins


et
,
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 85

times , nos pensées , nos sentiments , nos actions et


nos tâches , la répercussion en notre conscience vi
vante des mille incidents journaliers : tout peut
devenir prétexte , en nous , à l'émotion vive , passa
gère ou prolongée .

Au reste , ce n'est pas uniquement la responsabilité


de ces états passionnels que nous voulons étudier ,
mais encore celle des actes subséquents qu'ils com
mandent et avec lesquels
ils

en
sont liaison psy
chologique Un état chagrin fort légitime
de

une

,
.

mauvaise humeur violemment suscitée une ter

,
un

reur produite par danger brusque une joie exul


de ,

tante peuvent être


source paroles gestes
la

,
,
ou

omissions actes positifs manifestement contrai


loi

de

qui
en
et

l'émotion
la

res morale dehors


à

seraient sans doute pas pro


du

ne

se

moment
,

duits
.

LA
1.

PASSION
ET
LA

ANTÉCÉDENTE PASSION CONSÉQUENTE

Rappelons d'abord brièvement l'économie géné


passion dans notre vie psychologique
de

et

rale
la

morale
.

Je me promène lec
et

solitaire absorbé dans une


,

ture méditative Un amis donne fan


la
se

de mes
.

préci
de

taisie me faire peur s'étant dissimulé


se
il
,
:

jetant qui
je un
cri

pite soudain sur mon passage


en
ne ,

me glace d'effroi La réaction tarde pas riposte


.

:
86 LA CONSCIENCE MORALE

par des paroles indignées et malveillantes . Cette


riposte peut même prendre une tournure plus grave ;
mais , quelle qu'elle soit , elle est en liaison immédiate
avec l'émotion de peur et d'irritation surgie brusque
ment en moi.
Liaison immédiate , oui , car ma raison et ma volon
té n'ont pas eu le temps d'intervenir . La provocation
a suscité , sans que je m'en sois rendu compte , ce
déroulement continu :: l'imagination d'un danger , la
commotion physiologique , l'idée instinctive d'une
attitude de défense affirmée aussitôt
auto , quasi
matiquement par mes paroles indignées . Après coup ,
,

je regrette celles -ci, parce que , mon émotion étant


apaisée , je juge aisément leur caractère offensant ;
les

alors que tout à l'heure , quand je proférées


ai

,
n'ai pas pris conscience qu'elles étaient déplacées
et je

de

hors propos
.

Une passion peut donc avant toute advertance


,
en

et

rationnelle s'établir nous susciter une action


,

appelée par son impulsion Entre cette passion


et
.

cette action nos facultés supérieures demeurent inac


,

les

tives seules jouent sensations les images


et

les
;

réactions associées C'est passion antécédente c'est


la

et ,
.

dire prévenant délibération par


la

volontaire
à
-

fois l'attention elle même


-

Exceptionnellementpassion est antécédente au


la
,

sens qui vient d'être défini mais elle est plus sou
le
;

vent conséquente
.

La passion
en

effet circule travers toute notre


à
,
,
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 87

activité ; elle s'y répercute , l'exalte et la modifie

les
sans cesse . Nos vouloirs plus délibérés dès qu'ils

,
prennent quelque force

en
retentissent notre sensi

,
qu'il

de

de
s'agisse

ou
bilité nos actes vertueux nos
,

est
fautes Quelle donc l'action qui n'a pas quelque

à
,
.

de
et
degré son enveloppement d'émotion d'amour
,

,
ou
ou

joie

de
de
désir d'espoir
de

crainte tristesse

?
,
,

Au surplus nos actions concrètes engagent souvent


,

de

nos fonctions sensibilité comment notre affec


;

tivité sensible n'en serait elle pas touchée quel

à
-

que degré degré peut être moindre


ce

Toutefois
1
?

,
(
)

tel pointqu'il n'est pas ressenti Dans nos ac


à

tionscoutumières qui par leur force d'entraîne


,

sillage nos tendances habi


de

ment glissent dans


le
,

tuelles passion n'est pas autrement éprouvée qu'à


le la
,

ou

sentiment vague joie


de

de

travers tristesse
qui colore uniformément selon les circonstances
la
,
,

que nous faisons


de
ce

monotonie
2
(
).

Ainsi passion peut intervenir d'une triple ma


la
,

nière dans courant d'un acte volontaire


le

Elle peut être antécédente celui Ayant


ci

son
à

-
.

Passio est motus appetitus sensitivi Appetitus autem sen


1
«
(
)

.
se

sitivus potest habere ad liberum arbitrium


et

et

antecedenter
consequenter Antecedenter quidem secundum quod passio appe
,
.

titus sensitivus trahit vel inclinat rationem voluntatem Consequen


et

si .

ter autem secundum quod motus superiorum virium sint vehe


,

mentes redundant inferiores non enim potest voluntas intense


in
,

moveri aliquid quin excitetur aliqua passio appetitu sensitivo


in

in


,
II

6.

Qu LXXVII
( .a
( •
« “
e,

,
I
(

)
.

ad

Potest moveri voluntas aliquod particulare bonum abs


2
)

. ]

que passione appetitus sensitivi Multa enim volumus operamur


et

absque passione per solam electionem


3.

IIae Qu ad
»

a
,

X,

3,
(

)
.

.
88 LA CONSCIENCE MORALE

jeu psychologique indépendant , il arrive qu'elle


prévient toute conscience délibérée .
Elle peut être parallèle
à cet acte volontaire , sus
, A lui

lui
citée par prêtant spontanément l'accord

de
et

on
titre peut déjà dire qu'elle est
ce
sa

ferveur

,
.

5
conséquente parce que son impulsion

se
mêle celle

à
exprime
de

en
et

volonté l'intensité
la

.
Enfin passion peut être conséquente dans toute
du la
,

force terme Elle est commandée par volonté


la

la
.

qui utilise son surcroît d'énergie pour vaincre toutes


de

les difficultés l'action


1
(
.)

LA PASSION
2.

COMMENT
ENTRAVE OU FACILITE L'ACTION

Psychologiquement passion facilite l'action par


la
,

réalisation qu'elle suscite


au de

force
la

point
de

Mais vue moral elle entrave plus


le
,

souvent l'action
en .

La moralité effet n'est point dans relief d'é


le
,

nergie que nous faisons mais dans


de
ce

maîtrise
la
,

raison qui
de

en

assure discernement
le

Agir moralement c'est fixer dans une intelligence


,
,

possunt habere ad judicium


se

Passiones animae dupliciter


1
«
(
)

, ...

se

rationis Uno modo antecedenter Alio modo habent consequen


.

ter Et hoc dupliciter Uno modo per modum redundantiae quia


.

scilicet cum superior pars animae intense movetur aliquid sequi


in
,

tur motum ejus etiam pars inferior Et sic passio existens consequen
.

appetitu sensitivo est signum intentionis voluntatis Alio


...

ter
in

per judicio ratio


ex

modo modum electionis quando scilicet homo


:

nis eligit affici aliqua passione


. ut

promptius operetur cooperante


,

appetitu sensitivo
...

IIae Qu XXIV
)1.

ad
»

.a
I*

3,
(
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 89

loi
claire , le devoir réclamé par telle ou telle qui nous
oblige puis contrôler sur cette norme l'action qui

,
;

,
s'offre dans ses circonstances immédiates enfin

;
plénitude

de
opter pour cette action dans notre

la
liberté
.

du
rapport exact d'un acte

sa
Cette conscience

à
loi

en

cette mise cuvre dans bien fondé rationnel

le
,

-
l'indépendance
de

voilà

la
notre libre arbitre
et

:
point au
de

de
valeur essentielle nos actes vue moral

.
par seulement notre action est vérita
et

Par

blement humaine puisqu'elle relève


de
nos facultés
,

supérieures spécifiques et volonté


et

raison
la
la

.
:
Et

n'est pas besoin rappeler que tout événement


de
il

produisant nous sans intervention possible


en

et
se

préalable notre raison échappe


de

de

fait notre
ce

à
,

liberté c'est dire notre responsabilité n'est


Il
à

à
,

-
-

nous appartient pas


ne
et

pas volontaire nous n'en


;

pas maître nous subissons


le

sommes
,

par son mouvement natif passion n'ap


le et

De soi
la
,
du

pelle pas contrôle rationnel volon


et

concours
lui
un

choc subit qui tour


de

Elle
le se

taire est même


,

,
-
en .

réaction agissante C'est pourquoi l'acte meil


ne

leur je
les

veux dire l'acte qui selon apparences


-

,
:

extérieures est une æuvre vertueuse reste sans


,

valeur morale s'il est uniquement inspiré par pas


la
,
un

pauvre par
un

sion Secourir mouvement spontané


.

en

pitié prodiguant
de

faire sans discernement


le

le
,

de

prévoir que pauvre


ce

don sans abusera cette


,

prodigalité irréfléchie pour livrer l'intempérance


se

,
à
90 LA CONSCIENCE MORALE

peut paraître un beau geste . Mais ce n'est qu'un beau


geste et non point un acte de véritable charité méri

tant la louange de la conscience . L'acte qui procède


ainsi de la passion ne réussit moralement que par ha
sard , sans être mené à ce résultat par une responsa
bilité active et consciente d'elle -même ( 1 ) .
Mais , en somme , ce n'est que par surprise et en
bénéficiant de notre inattention actuelle que la pas
sion procède ainsi à l'impulsion de certains de nos
actes . Normalement , elle est faite pour se plier au
joug moral ; notre raison en discute le plus souvent
les

tendances capricieuses notre volonté parvient


ne et
les

les
dompter quand elle réussit pas capter
à

son profit à
à

Quand volonté n'y réussit point passion de


la

la
,

vient alors une gêne plus qu'un profit pour discer


le

nement liberté de notre action morale


la , la
et

passion réclame avec insistance une


en

effet
la
Si
,

ou

action que conscience morale interdit


se

elle
si
au

refuse commandement réfléchi d’un devoir aus


tère cette contradiction qui peut être fort violente
,
,

,
en

installe lutte nous même L'issue favorable


la

Laudabilis est actus voluntatis secundum quod est per ratio


1
«
(
)

et

nem ordinatus bonum secundum debitam mensuram modum


in

quidem mensura non servatur nisi cum actio ex dis


et

Qui modus
,

quae discretio non servatur cum homo ex impetu pas


fit

cretione
:
ad

sit

sionis aliquid volendum etiamsi bonum provocatur sed erit


;
,

circa modum actionis secundum quod impetus passionis est magnus


vel parvus casu contingit quod debita mensura ser
et

sic non nisi


a
;

vetur De Veritate Qu XXVI


7.
»

.a
,
(

,
.

judicio rationis aliquis faciat opus cari


ex

Laudabilius est quod


»

ex

quam sola passione misericordiae


Q.

1.

tatis IIae xxiv ad


I(^

a
,

,
3,

)
.
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 91

de ce débat intime est ordinairement à la merci des


tendances vertueuses plus ou moins , profondes de la
conscience . Même si elle doit être finalement
évincée , la passion , par la vivacité de ses instances ,
rend hésitant et douloureux le verdict
les qui en
triomphera ; car motifs qu'elle fait valoir vien
nent heurter les motifs du devoir maintenus par

la
et

conscience cherchent dans discorde provoquée


la
,

,
faire agréer Dans cet effort persuasion
de
l'en
se
à

à
.
du

jugement moral passion peut donc

ne
contre
la
,

au
que gêner

sa
discernement tout moins facilité
le

promptitude
sa
et

(
au 1)
.

Elle
et

facilite contraire sert moralité


la le

la
,
,

,
quand au
tendance passionnelle est attirée même
acte que celui qu'approuve décrète conscience
la
et

lorsque loin d'arrêter discernement elle est dans ,


le
,

prolongement des hauts sentiments


en de

sensibilité
le
la

l'âme L'émotion ainsi maîtrisée donne par choc


,
.

une nouvelle énergie


et

retour comme une force


,

d'élan volonté réalisatrice


la
à

.
de

Devant difficulté certains actes vertueux


la

la
,

passion vient place pour galvaniser courage


sa

le
à

La vertu demande parfois assauts prompts des


de

décidés pour aborder front certains obstacles


et et

les emporter l'exaltation passionnée


de

toute
la
,

personnalité émue est nécessaire pour raidir vo


la

l'empêcher
de
et

lonté fléchir
.

Voir plus loin chapitre IX pp 205 suiv J'y décris longue


et
1
(
)

.
de

passion
la

ment cette lutte intime conscience discutant avec


la

.
92 LA CONSCIENCE MORALE

Même en dehors de ces circonstances héroïques de


notre vie morale , il est notoire que nos devoirs et nos
tâches nous sont facilités par le goût et la complai
sancequ'y rencontre notre sensibilité . L'accompagne

les les
ment de plaisir achève la joie spirituelle quand

les

et
deux s'accordent dans sentiments éprouvés
agréments ressentis
1
(
).
l'exécution positive

vis
Ce

n'est donc que vis

de
à
-
pratique -
passion don
nos actes vertueux que
de
et

la
ne son concours bienfaisant
.
de

En tout état cause elle ne pourrait que gêner

,
,

par son agitation


et

son tumulte discernement


le
,

qui précède nécessairement toute action morale

les .
Pour bien juger des circonstances apprécier
et

opportunités l'esprit doit


se

fixer avec calme sur


,

difficulté résoudre car nous l'avons dit l'excel


la

,
de

lence morale nos actions est dans cette apprécia


tion clairvoyante Mais délibération étant achevée
la
,
.

quand n'y plus qu'à agir


et

choix arrêté
le

et
il

a
,

sic

Secundum quod consequuntur ad voluntatem assiones


«

]
[p

non diminuunt laudem actus vel bonitatem quia erunt moderatae


;

judicium Sed magi


ex

secundum rationis quo voluntas sequitur


,

addunt ad bonitatem actus duplici ratione Primo per modum signi


,

quia passio ipsa consequens inferiori appetitu est signum quod


in

sit motus voluntatis intensus non enim potest esse natura passi
in
;

bili quod voluntas ad aliquid fortiter moveatur quin sequatur aliqua


,

passio parti inferiori Secundo per modum adjutorii quia quando


...
in

voluntas judicio rationis aliquid eligit promptius agit


id
et

facilius
,

quod appetitiva
eo

cum hoc passio inferiori parte excitetur


in
si

propinqua corporis Et hoc est quod Philo


...

inferior est ad motum


sophus dicit III
Ethic inducens versum Homeri Virtutem
in

libro
.,

furorem exige quin videlicet cum aliquis est virt uosus virtute
et

fortitudinis passio irae electionem virtutis sequens facit ad majorem


,

promptitudinem actus autem praecederet virtutis modum per


si
, ;
»»

turbaret De Veritale Qu XXVI


)7.
,

.a
,
(

.
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 93

le plus promptement possible , la passion vient à point


appuyer la décision impérative et renforcer l'enthou
siasme des réalisations . A cet instant , la réflexion
ayant achevé son cuvre , l'hésitation et le retard
sauf imprévu — ne seraient plus de mise . La raison
a donné toute sa lumière ; l'affectivité supérieure
comme l'affectivité inférieure n'ont plus qu'à pro
mouvoir l'action effective . Et c'est alors qu'il est
bon de vibrer tout entier et , pour ne point broncher
ni capituler, d'y aller de toute son âme ( 1 ) .

3. LA PASSION CONSÉQUENTE
C
ET LA RESPONSABILITÉ

Et maintenant , la question se pose de la responsa


bilité de la conscience morale aux prises avec la pas
sion .

A vrai dire , cette question ne vaut d'être posée qu'à


propos de la passion antécédente .

( 1 ) « In opere virtutis est necessaria et electio et executio . Ad elec


tionem autem requiritur discretio ; ad executionem vero ejus quod
jam determinatum est requiritur promptitudo . Non autem requiritur
multum ut homo actualiter in executione operis existens multum
circa opus meditetur ; hoc enim , ut Avicenna dicit in 'sua Metaphys .,
potius officeret quam prodesset ; sicut patet in cytharcedo qui mul
tum impediretur , si ad tactum singularum chordarum cogitationem
apponeret ; et similiter scriptor , si in formatione singularum litte
rarum cogitaret . Et inde est quod passio electionem præveniens
impedit actum virtutis , in quantum impedit judicium rationis quod
necessarium est in eligendo ; postquam vero puro judicio rationis
jam electio est perfecta , passio sequens plus prodest quam noceat ,
quia si in aliquo turbet judicium rationis , facit tamen ad promptitu
dinem executionis . » ( Ibid ., ad 3.)
94 LA CONSCIENCE MORALE

l'a
vu
Car la passion conséquente , comme on plus
c'est l'acte passionnel agréé pleine

en
et
haut , voulu

de
La responsabilité

de
advertance cons

la
raison

.
ici
cience est donc engagée tout entière comme elle

,
n'importe quelle action

en

de
l'est tout entière face
pleinement volontaire

1
(
).
faudrait pas croire que jugement
ne

de
notre

le
Il

sa
conscience soit forcément amoindri en lucidité
parce qu'il trouve
en
conflit avec une inclination
se

in

un
au Ce

passionnelle conflit n'est pas événement


.

fait contumier quasi

et
solite mais contraire
le
,

permanent
de

notre vie intérieure Notre conscience

,
.
dès qu'elle prend quelque stabilité vertueuse

a
,
de

dans ses habitudes tenir tête passion elle


la
à

;
imposant
en

de
est dans son rôle normal haute lutte
du

ses décisions C'est privilège vertueux d'avoir


le
.

un

ses passions assagies d'être établi dans équilibre


et

qui permette
de

resplendir
la
sa

conscience faire
à

lumière du devoir sans repli d'obscurité sur toutes


,
de

les actions
sa

vie
)2
(
.

LA PASSION ANTÉCÉDENTE
4.

ET L'IRRESPONSABILITÉ

passion quoi troubler


de

Mais
la

antécédente
,

à
la

discernement de conscience
le

.
pp

Voir plus haut 45-47 65-69


. (2 (1

.
x, ) )

pars sensitiva totaliter subjicitur rationis


. In

II

virtuosis
«

,
"
*I
(
2.

Qu ad
a
3,

)
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 95

Jusqu'à quel point et de quelle façon ?


C'est ce qu'il faut désormais préciser .
Je l'ai dit plus haut : de multiples courants affectifs
C passent en nous et provoquent , en réactions soudai
nes , des actes qui précipitent leur résultat , avant le
plein avertissement de notre conscience . Une tris
tesse ,une mélancolie , une mauvaise humeur , une
convoitise subitement excitées par la simple provo
cation de la sensation ou de la rêverie imaginative ,
peuvent avoir , chez certains tempéraments , des effets
de complaisance immédiate avant même que la vo
lonté les approuve .
Il faut noter avec soin que le temperament
les

individuel en même temps que circonstances


du

physiologiques psychiques moment peuvent


et

singulièrement favoriser rapidité d'une émotion et


la

qui
en

sont conséquence Par ailleurs


la

des actes
il
,
.
est

impossible donner une règle fixe sur


de de

vivacité
la

l'amplitude
de

ces émotions dont chacun nous


et

loi

peut être théâtre Chaque tempérament


sa
le

a
.

propre chacun de nous varie d’un instant l'autre


et

de

dans son impressionnabilité Un tel est très vif


.
et

caractère éclate en mauvaise humeur moindre


la
à

provocation réagit que lentement même


ne

Un autre
,
.

piquant d'un pénétrant aiguillon Le même


le

sous
.

aujourd'hui d'une quasi


et

est sensibilité atone


prompt
et

émoussée demain sera très l'emballe


à
,

lui

ment Chaque cas doit donc être jugé pour seul


.

d'après les circonstances subjectives qui l'envi


et
96 LA CONSCIENCE MORALE

Ici
ronnent immédiatement . plus que jamais l'on

,
doit prendre garde juger

de
valeur morale d'un

la

les
acte d'après son allure extérieure

et
d'évaluer
responsabilités d'après des catalogues priori

.
Au sujet responsabilité d'un acte défectueux
de
la
est

qui passion nous

de

ne
l'effet direct d'un état

,
pouvons donc donner que des lois très générales

,
qu'il appartiendra prudence d'adapter avec saga
la
à

cité leurs applications particulières


Et à

1
(
).
loi

voici première passion antécédente Si


la

la
:

est telle qu'elle rende totalement involontaire l'acte


qu'elle suscite celui matériellement défectueux
ci

,
,

,
-

n'est point
en

n'est aucune façon un péché car


il
,

volontaire par conséquent responsable


ni

2
,

(
.)
Mais encore faut que passion soit elle même
la
il
-

absolument imprévue par conséquent involontaire -


et

.
que soit pas avertie
la ne

Encore faut conscience


la
il
-

qu'el
de

d'avance l'occasion qui excitera passion


et
les

n'en prévoie pas conséquences


le

désastreuses
.

On connaît l'exemple classique celui qui par son


,
:
les

expérience antérieure sait folies commises par


,

, je
de

de
ce

C'est pour plus clarté que prends dans suite cha


la
1
(
, )

les

pitre l'exemple d'une faute morale pour éclairer divers degrés


de

de

responsabilité conscience aux prises avec une passion


la

.
lui

sa

Mais l'acte moralement bon peut avoir aussi responsabilité


,

,
ou

absente ou atténuée son mérite nul ou plus moins grand suivant


,

qu'il est
de

de

résultat seule passion ou passion tout autant


le

la

la
,

que de volonté
la

est

Secundum hoc solum actus aliquis qui


de

genere suo
2
, «
(
)

malus totaliter peccato excusatur quod totaliter involuntarius


si a

,
sit

redditur Unde talis passio quæ totaliter involuntarium reddat


,
.

actum sequentem totaliter peccato excusat IIae Qu LXXVII


a


,

,
I*
(

.
7.
a
)
.
lui LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 97

qui pourtant l'in


en

et
état d'ivresse livre

se
,

à
,
tempérance celui est évidemment responsable


,


des dites folies encore qu'au moment

ci
celles
,

-
épaissi n'aper

et
déroulent son cerveau troublé
se

çoive pas leur énormité Volontaires indirectement

ne
dans leur cause bel
et
bien voulue elles sauraient

,
exemptes responsabilité
de

être

1
(
).
donc lieu d'y regarder deux fois quand
y
Il

il
a

à
s'agit d'apprécier moralement un acte délictueux

ne
passion
de

commis dans trouble suffirait


le

la

Il
point pour excuser des actes survenus dans une . tem
,
et de

de
ou

pête sensualité dans violence de


la

la
colère

,
de

dire répéter
J'étais comme fou n'ai rien je
«

,
:
de

de
vu

que question est


je

Toute
si ce

la

faisais
»
.

ou

savoir l'on n'est pour rien l'on est pour quel


si

que chose dans cette turgescence soudaine pas


de
la

sion
.

dans l'expérience passée l'on connu déjà


Si

a
,

pareilles occasions pareilles aventures


et

et

l'on
si
,
de

accueille fuir quand


en

nouveau- loin
la

est
à

il
on

encore temps l'occasion dont prévoit pro


la
ne

on

chaine excitation comment serait pas respon


,

sable des actes qu'entraîne l'aveuglement


de

cette
passion une fois déchaînée
?

Aliquid potest esse voluntarium vel secundum


se

sicut quando
1
«

,
(
)

voluntas directe ipsum fertur


in

vel secundum suam causam


,
in :

qui vo
eo
ut

quando fertur patet


in

ei in
et

causam non effectum


,

imputatur
ex

luntarie inebriatur hoc enim quasi voluntarium


;

quod per ebrietatem committit Secundo considerandum est quod


.

aliquid dicitur voluntarium directe vel indirecte directe quidem


id
;

quod voluntas fertur indirecte autem illud quod voluntas potuit


in

prohibere sed non prohibet Ibid


»
,

.)
.

LA CONSCIENCE MORALE
7
.
98 LA CONSCIENCE MORALE

Des troubles émotifs peuvent être progressivement


amenés à leur tension maximum par l'effet d'une
incubation où la conscience réfléchie , loin d'être
absente , demeure présente et responsable . Un ressen
timent entretenu et ravivé pendant de longs jours
peut, chez certains tempéraments , éclater en un pa
roxysme de colère qui , tant qu'en dure l'orage , coïn
cide à peu près avec la folie furieuse . Il en est de même
d'une concupiscence longuement caressée et qui ne
manque aucune occasion de s'exciter quotidiennement .
Ainsi renforcée et nourrie , elle peut aboutir à faire
perdre la tête à son homme . Au cours de cette pous
sée violente , la passion draine en son torrent toute
l'activité de la conscience . Celle - ci , responsable des
renforcements continus de la passion , l'est donc
encore de son effet prévu , bien que celui -ci , une fois
arrivé , abolisse toute réflexion , telle une vague qui
submerge celui qui vient au devant de son irruption .
Celui qui , au cours d'une violente colère , s'abandonne
à des méfaits ou à des sévices condamnables n'est pas
de tout point excusable ; il ne l'est même pas du tout si,
alors qu'il était encore temps de se raisonner et de
l'a

s'apaiser , il a vu monter en lui cette colère et lais


de

sée s'exalter jusqu'au paroxysme Et


en

est
il
.

même pour responsabilité toute autre faute pas


de
la

de
, on

auparavant agréé
et

sionnelle dont connu


,
la a

quelque manière cause initiale


.
Se

lorsqu'on
de

livrer l'occasion péché prévoit


à

que l'on déjà pécher


ce

succombera n'est pas


y

?
-
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 99

A vrai dire , dans ce cas , nous n'avons plus affaire à


la passion antécédente , mais à la passion conséquente ,
c'est - à - dire acceptée dans ses suites par la clairvoyan
ce de la conscience ( 1 ) .
Nous ne rencontrons donc le cas d'irresponsabilité
que dans la situation psychologique d'une passion
strictement et nettement antécédente , c'est- à -dire
prévenant toute attention et prévision volontaire .
La soudaineté de certaines excitations , surtout
lorsqu'elles coincident avec des dispositions subjec
tives de dépression , de maladie passagère ou prolon
US
de tempérament aux tendances vives et quasi
gée ,
‫انا‬

indomptables , peut provoquer un choc d'émotion


tellement puissant que tout redressement d'atten
tion morale est momentanément supprimé et qu'au
tomatiquement se produit l'acte appelé par la pas
sion . Cela suppose une excitation virulente et des
conditions subjectives particulièrement favorables
à cette riposte rapide de l'action . ( 2 ) Tout homme
peut connaître , plus ou moins , la défaillance passagère

d'une sensibilité momentanément ingouvernée . Alors


cette défaillance , si telles en sont bien les conditions ,

Passio quandoque quidem est tanta quod totaliter aufert


1
«
(
)

usum rationis sicut patet his qui propter amorem vel iram insa
in
:

niunt Et tune talis passio principio fuerit voluntaria imputa


si

,
.

tur actus ad peccatum quia est voluntarius


in

sua causa sicut


,

etiam de ebrietate dictum est Ibid


»
(

.)
.

causa assionis non fuit voluntaria sed naturalis puta


Si
2
«

,
(
)

, ]
(p
ex

cum aliquis ægritudine vel aliqua hujusmodi causa indicit


in
,

talem passionem quæ totaliter aufert usum rationis actus omnino


;

redditur involuntarius per consequens totaliter peccato excusa


et

a
,
»>

tur Ibid
(

.)
.
100 LA CONSCIENCE MORALE

n'est pas un péché : le volontaire en est absent ;


l'acte n'est délictueux que matériellement , il échappe
à la responsabilité morale ( 1 ) .

5. LA PASSION ANTÉCÉDENTE
ET LA RESPONSABILITÉ ATTÉNUÉE

Mais la passion antécédente involontaire peut en


traîner , pour l'acte qu'elle provoque , une certaine
responsabilité , quand la passion n'allant pas jusqu'à
abolir l'exercice du contrôle de la raison , trouble ce
pendant assez ce contrôle pour que la malice ou la
gravité de l'acte accompli n'apparaisse pas dans la
pleine lumière de la conscience .
Nous supposons donc qu'il s'agit d'une passion
antécédente , suscitée par la provocation des événe
ments extérieurs ou intérieurs de sensation ou d'i
magination , par l'un ou l'autre de ces attraits dont
nos convoitises diverses attendent l'appel , de façon
souvent insoupçonnée et latente . Nous supposons
encore que l'excitation est vive et l'état de passion
assez violent pour troubler la raison , sans toutefois
l'empêcher de voir , sinon nettement , du moins de
quelque manière , que l'acte appelé par la passion
est

( paroles , gestes , actions , sévices ) repréhensible


.

ligamen rationis peccato per passionem tantum proce


Si

in
1
«

a
(
)

deret quod non esset potestate voluntatis hujusmodi ligamen


in

in

removere puta per aliquam animae passionem aliquis insa


, si
,

niam verteretur quidquid committeret non imputaretur ad


ei
,

III

culpam sicut nec alii insano De Malo Qu


...

10.
a
,

)
'

.
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 101

Nous supposons enfin que cet acte se produit , non


point par réplique immédiate , mais après un temps
qui permet à la raison , à travers son trouble existant
et persistant , d'entrevoir tout de même la défectuosité
morale de l'acte désiré par la passion . Car celle - ci , par
son excitation même , produit un ébranlement physio
logique , agite l'imagination , accentue la fascination
de ses motifs : fantasmagorie d'images vives qui ,
ne
par leur puissant relief , obscurcissent les motifs de
la conscience . Celle -ci voit par intermittence , puis
bientôt ne voit plus ; la sensibilité , par son violent
remous , empêche la conscience de se redresser d'a
plomb sur ses assises et de juger avec toute la net
teté désirable .
tel

L’action qui suit


à un verdict volontaire demi
ne

lucide demi ténébreux saurait être pleinement


et

puisque l'obscurcissement
de

excusable raison
la
,

causé par trouble passionnel n'est pas complet


le

le
;
---
de

refus l'acte mauvais surtout s'il engage pour


,
ou

être effectué des démarches des attitudes des


,

actions qui nécessitent des mouvements corporels


par conséquent une directe application volontaire
et

n'est pas totalement impossible liberté


la
du à

1
(
).

Toutefois dans cette hypothèse trouble persis


,

responsabilité
de

ne

tant raison saurait avoir


la

la
,

Quandoque vero passio non est tanta quod totaliter intercipiat


1
«
(
)

usum rationis Et tunc ratio potest passionem excludere divertendo


,
.

ne

ad alias cogitationes vel impedire suum consequatur effectum


;

quia membra non applicantur operi nisi per consensum rationis


a ,

, .

Unde talis passio non totaliter excusat peccato


ae

Qu LXXVII
»
«

,
I
(

I[
.

.
7.
a

)
.
102 LA CONSCIENCE MORALE

toute son intégrité . L'acte n'est pas volontaire de


tout point ; car un acte volontaire suppose la lucidité
de la raison qui le dicte , alors qu'ici la raison , dans
la perturbation mentale entretenue par la passion ,
ne parvient qu'à une demi -clarté . Et ces alternatives
de clairvoyance et d'obscurité expliquent directement
la défaillance de la liberté . L'action qui en est le fruit
n'est pas effet de la seule volonté , pas plus que de la
seule passion . Elle procède de l'une et de l'autre
inextricablement mêlées .

Cet acte hybride au point de vue volontaire résiste


à une analyse trop précise . En pareil cas , il faut se
les

souvenir que évaluations morales font pas ne


se
Le
les

d'après lois mathématiques bon sens prévaut


.

sur l'analyse quand affirme qu'un péché est


ici

il
,

moins imputable quand celui qui commet est


le

du
entraîné par une plus forte tentation supposer
à
,

moins qu'il n'ait pas


lui

ou

même provoqué accepté


-

volontairement cette tentation


de 1
(
).

proportion volontaire corres


ce

Dans péché
la
,

du

pondra jugement
de

clarté restante conscience


la
à

proportion d'involontaire l'atténuation appor


et
la

à
,

clairvoyance par l'agitation passion


de
la

la

tée
à

(2
).

Major concupiscentia praecedens judicium rationis


et

motum
1
«
(
)

voluntatis diminuit peccatum quia qui majori concupiscentia sti


,

mulatus peccat cadit ex graviori tentatione unde minus imputa


ei
,

tur
2.

IIae Qu LXXVIII ad
Ia
»

.a
,

6,
(

)
.

] .

seipsa secundum judi


ex

Voluntas nata est moveri libera


2
«
(
)

cium rationis Unde causae quae diminuunt judicium rationis sicut


, ,
.

ignorantia vel quae diminuunt liberum motum voluntatis sicut


,

infirmitas vel violentia aut metus aut aliquid hujusmodi diminuunt


,

peccatum sicut
et

diminuunt Qu LXXIII
...

II

voluntarium
Ia
,

* e,

,
(

— Cf. ibid Qu LXXVII


6.
a

.a
.,

6,
)
.

.
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 103

Car , l'action volontaire pleinement responsable est


celle qui sort d’un principe intrinsèque autonome et
qui la peut revendiquer comme l'affirmation d'une
liberté entière et personnelle . Mais , si des causes
extérieures ou des énergies psychologiques contraires
viennent violenter ce pouvoir de liberté , le volontaire
de l'action en est diminué d'autant .

Or , la passion antécédente et véhémente est pré


cisément l'un de ces principes extrinsèques et violents .
Par l'obscurcissement moinentané qu'elle provoque ,

lui
elle énerve le pouvoir de liberté ; elle ne laisse pas
;

plein exercice son indépen


de

de
et

son affirmation
le

dance elle diminue donc responsabilité d'un acte


la
;

qui

vo
de

dépend volonté sans doute mais d'une


la

résistance par une force exté


sa

lonté affaiblie dans


et

rieure contrariante
1
(
.)

Ainsi donc une passion est dite antécédente


«

»
,

quand elle
en

de

suscitée dehors tout volontaire


e

,
t

,
:

même indirec par jeu spontané des états émotifs


le
.,

sit

De ratione peccati est quod voluntarium Voluntarium


1
«
(
)

et .

autem dicitur cujus principium est ipso agente ideo quanto


in

principium interius nagis augetur tanto etiam peccatum gravius


fit
,

fit ;

quanto autem principum exterius magis augetur tanto peccatum


,

principium
et

levius Passio autem extrinsecum voluntatis motus


;
.

autem voluntatis est pincipium intresecum ideo quanto motus


et
;

voluntatis fuerit fortiolad peccandum tanto peccatum est majus

-
,

fit ;
ad

sed quanto passio fuerii fortior impellens peccandum tanto


,
11

De Malo Qu IIIa
13

minus ad Cf. ibid ad


»

3
,

5
(

.,
a,

,
.

).

.
104 LA CONSCIENCE MORALE

dus aux excitations imprévues et souvent imprévi


sibles de notre sensibilité .
Quand l'impulsion de cette passion est tellement
forte qu'elle amène la réponse d'un acte délictueux
avant toute attention et tout pouvoir d'arrêt de
la part de la conscience , cet acte est involontaire et

est
échappe à la responsabilité . Il en même lorsque

de

la ,
dans certains cas exceptionnels qu'expliquent

et
violence d'une excitation certaines conditions
subjectives involontaires passion déchaînée est
la
,

physiologiquement tumultueuse qu'elle

lit
affole
si

et

téralement raison momentanément abolit son


la

exercice Au reste l'action qui


en

est conséquence la
,
.

après inter
un
ou

peut produire tout


de

suite
de se

ou

temps une durée plus moins longue


et

valle

.
La responsabilité diminuée est provoqué par une
passion antécédente mais qui cette fois n'impose
,

pas l'automatisme l'acte qu'elle réclame


de

n'en
et

trave point complétement par l'exer


sa

véhémence
,
,
de

raison Cependant cette passion est assez


la

cice
,
.

pour cons
la
de

tumultueuse troubler verdict


le

de

cience amoindrir résistance faire


au la

la

volonté
,
,

vaciller liberté point que dans cetrouble conti


la

ne

nué jusqu'à faute perpétrée responsabilité


la

la
,

puisse être affirmée totale par manque


de

volontaire
parfait responsabilité com
de

Cette atténuation
la
.

porte d'ailleurs des degrés l'infixi


à

importe bien remarquer que cette atténuation


de
Il

du

peut exister qu'en parallèle


ne
et

n'existe trouble
LA CONSCIENCE ' MORALE ET LA PASSION 105

de la raison et de la conscience , par le fait de la vio


lence de la passion . Car , c'est précisément ce trouble
qui , en se continuant et parce qu'il se continue , em
pêche l'entière liberté qui doit caractériser le vo
lontaire complet .

jours -
loin de là -
Mais , la passion antécédente ne produit pas tou
cette perturbation mentale . Par
fois encore , l'ayant produite d'abord , elle la voit ces
ser , trouvant , en face de ses suggestions tentatrices ,
une conscience qui se reprend dans ses certitudes

lui

Et
coutumières et saisit ce que la passion veut

.
s'il arrive que raison délibérante qui maintenant
la

,
sait nettement l'interdiction
de

l'acte proposé l'agrée


,
du

cependant
et

cédant l'attrait péché rendant


se
à
de ,

---
ou

compte plus moins grande gravité cette


sa

La
ne

fois responsabilité saurait être atténuée


la
,

passion antécédente est devenue une passion consé


quente Acceptant sug
en

de

connaissance
la

cause
,

,
.

de

gestion l'acte mauvais proposé par tendance


la

passionnelle alors qu'elle devrait repousser


la

elle
,

signifie par qu'elle prend son compte


ce

péché
et là

accepte donc l'entière responsabi


en

fait
le

sien
un
en

lité péché cause comporte objet grave


Si
le
.

ment illicite aucune atténuation dans cette gravité


,
ne

peut donc être invoquée


.

On voit comment psychologiquement


se

déroule
,
,

cas passion été d'abord l'occasion involontaire


la
du le

a
:

péché elle jeté provocation


sa

son trouble
et

le
a

;
:

trouble s'est peu peu effacé mais provocation


la
à

;
106 LA CONSCIENCE MORALE

restant , la conscience , après avoir lutté peut -être ,


a finalement accepté , dans sa gravité , l'acte mauvais
suggéré . Moralement , le péché a commencé avec cette
acceptation de la volonté qui en devient dès lors
la cause propre
et le poursuit jusqu'au bout ' en
pleine responsabilié ( 1 ) . 2

Je sais qu'il n'est pas toujours facile ,


en pratique ,
dans un péché réellement commis , d'analyser ou de
doser la responsabilité , surtout quand il est le produit
d'une passion antécédente involontaire devenue
volontairement conséquente . Mais autre chose est
de définir abstraitement les conditions de la respon

sabilité et autre chose de la constater en fait , dans


sa plénitude et ses nuances . Bien habile et bien témé
raire serait celui qui y prétendrait réussir à tout
coup . La responsabilité de nos propres péchés n'est

(1) « Peccatum mortale consistit in aversione ab uitimo fine qui


est Deus ; quae quidem aversio pertinet ad rationem deliberantem ;
cujus etiam est ordinare ad finem . Hoc igitur solo modo potest con
tingere quod inclinatio animae in aliquid quod contrariatur ultimo
peccatum mortale quia ratio deliberans non potest oc
sit

fini, non
,

quod contingit
ex

currere subitis motibus Cum autem passione


in
:

ad.
ad

aliquis procedit actum peccati vel consensum deliberatum


,
fit

hoc non subito Unde ratio deliberans potest hic occurrere potest
.

:
...

enim excludere sed saltem impedire passionem Qu.LXXVII


II
,

»
, I«
« e,

,
(

qu'il aurait
Ce

de

ce

texte dans trop absolu doit être éclairé


8
a

,
.
).

du

par d'autres textes précédemment cités Entre l'hypothèse mou


.
de

de

vement subit passion antécédente passion agréée


, de et

celle
la

par consentement délibéré passion antécédente pro


aa

celle
y

la
il
,
de

ce

voquant par fait atténuant


, la
et

trouble conscience
le

la

,
a Ici

de

responsabilité saint Thomas répond question savoir


la

si
à
,
.

par fait qu'il été provoqué par passion péché serait excu
, le

. le
la

,
en

sable tout état de cause d'être péché mortel répond négati


Il
,

( - de

en
au
va
sa

réponse passion
et

vement dans droit cas matière


la
,
,

,
en

grave agréée par plein consentement Celui matière légère


et

. ci
,

,
.
ne

de

ad
va

donnerait qu'un péché véniel cela Ibid


Cf

soi
1
,

.,

)
.

.
LA CONSCIENCE MORALE ET LA PASSION 107

pas exempte d'incertitude ni même de mystère . Dieu


seul , qui

les

les
peut éva

et
« sonde reins cæurs

»,
juste l'injure faite
au

luer son amour quand par

à
,

,
nos péchés nous désobéissons Loi

sa
à
,

.
DEUXIÈME PARTIE

Les perfectionnements naturels


et surnaturels
de la conscience morale .
>
CHAPITRE VI

La perfection
de la conscience morale naturelle ,

SOMMAIRE :

LA CONSCIENCE EST SUSCEPTIBLE D'UNE PLUS OU MOINS GRANDE


PERFECTION . L'USAGE NORMAL DE LA RAISON EST REQUIS
A LA CONSCIENCE LE PERFECTIONNEMENT DANS LA CON
NAISSANCE DES LOIS MORALES ET DANS LA VOLONTÉ DU BIEN .
LA PERFECTION DU DISCERNEMENT MORAL . LA CONS
CIENCE OU « LA RAISON INSPIRÉE PAR L'AMOUR ».

Nous sommes loin de nous ressembler entre hom


mes quant à nos psychologies respectives : nos con
victions et le mouvement habituel de nos pensées ,
nos sentiments et l'entraînement coutumier de nos
vouloirs et de nos affections , nos manières d'être ,
d'agir et de réagir , prennent en chacun de nous une
allure originale .
Semblablement doués d'intelligence et de volonté ,
pourvus de facultés sensibles qui puisent dans la réa
lité ambiante de quoi alimenter nos pensées et nos
désirs, engagés en des actions à travers lesquelles ,
112 LA CONSCIENCE MORALE

bonheur , -
tous pareillement et sans trêve , nous poursuivons le
il arrive que nous employons diverse
ment ces facultés et que nous faisons jouer différem
ment leurs fonctions .
Nos actions intérieures et extérieures sont quoti
diennement si multiples et si complexes , leur enche
vêtrement est soumis à tant de variétés , elles dépen
dent de conditions si changeantes de milieu et d'in
fluence que les habitudes qu'elles façonnent en cha
cun de nous par leur tassement continu , ne peuvent
se ressembler .
les

les
Les événements , paroles suggestions du
,

produisent pas chez tous les hommes les


ne

dehors
impressions

et
mêmes leurs résonances mentales
:

affectives s'y propagent directions souvent oppo


en

sées Les affinités d'âme qui rapprochent entre eux


.

ne

les meilleurs amis sont fondées que sur des cou


rants généraux
de

de
et

et

pensées sentiments sur


analogue réagir aux suggestions ex
de

une manière

térieures elles n'empêchent pas dissemblance in


la
;;

time des individualités psychologiques


.

LA CONSCIENCE EST SUSCEPTIBLE


1.

D'UNE PLUS OU MOINS GRANDE PERFECTION

Cette dissemblance est encore plus accusée dans


l'ordre moral Le coefficient
de

moralité personnel
la
.

est essentiellement variable


le

.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 113

Chose curieuse ! on distingue volontiers les hommes


entre eux par la qualification même de leur cons
cience . De l'un on dira : « Cet homme n'a pas de cons
cience . » D'un autre : « Cet homme a de la cons
cience . ». D'un troisième : « Cet homme a une cons
cience délicate . » d'ailleurs très vague
Classification
et qui renferme , entre ses cadres , des catégories à
l'infini.
Non seulement la conscience morale est suscep
tible de plus ou moins de perfection en différents
individus mais , dans le même individu , elle est
;

susceptible de progresser ou de s'amoindrir en perfec


tion .
Sans doute , nous ne percevons pas toujours en
chacun de nous cette évolution , parce que la continui
té de nos actions et la complication qu'elles font entre
elles nous empêchent de remarquer la différence des
dirigent Mais
les

points de vue qui


un

prenant
si
.

peu
de

recul nous comparons notre conscience mo


,

rale d'aujourd'hui avec notre conscience morale


ou

dix quinze vingt ans tout


les

d'il
de
y

suite
a

nos principes
de

différences s'accusent conduite ont


;
pu

du

au

du
ou
et se

modifier tout tout moins s'amélio


,

préciser
se

rer nous arrive par exemple


de

nous
il
:

que nous nous permettions jadis sans


ce

interdire
trop scrupule
de

ou

de

encore nous imposer mainte


,

nant comme obligatoire


au

négligence
ce

dont
la

trefois nous laissait sans remords L'évolution


,
.

peut
du
en

hélas
au

aller sens inverse parfait


!

LA CONSCIENCE MORALE Shell8


,
114 LA CONSCIENCE MORALE

moins parfait ; et même du mal au pire : non seule


ment il arrive que la conscience perde sa délicatesse ,
mais qu'elle laisse s'amortir peu à peu l'urgence de
ses obligations et progressivement se tare .
Il y a donc , dans une conscience morale , plus ou
moins de perfection .
Or , de quoi est faite cette perfection , quand elle
existe ?

même , indiquer
directement
-
Le déterminer avec exactitude sera , par le fait
sans qu'il soit besoin d'y appuyer
comment peut progresser ou diminuer
la perfection de la conscience morale .
Cette question à résoudre ne va pas sans difficulté ,
car elle touche en même temps à tous les éléments de
la vie morale . Aussi est - il nécessaire de marquer le
point central vers lequel convergeront tous déve les
loppements puis sujet
de

diviser traiter car


le

,
,

des étapes sont nécessaires pour émietter comple


sa

xité quitte ensuite


en

restituer l'unité d'ensemble


à
,

La
conscience morale nous juge
ce
le

savons est
,

,
ou de

ment notre raison par lequel nous apprécions


la
de

regard des lois


en

bonté
la

malice nos actions


conduite
la

de
.

perfection
de

Dès lors conscience sera faite


la

la
,

perfection
de

jugement
de

qui
de

de
ce

tout
Ce et

ce
la

près jugement verdict


de
ou

loin contribuera
y
,

de -
.
de

notre conscience est point sensible toute


le
en

notre vie morale c'est lui que nos progrès ver


;

tueux ou nos reculs ont leur retentissement


.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 115

D'autre part , la perfection de la conscience morale


s'étage sur deux plans : le plan de l'ordre naturel et
celui de l'ordre surnaturel . Un incroyant peut être

un honnête homme et ne pas manquer de délicatesse


de conscience . En revanche , l'étiquette de croyant
peut dissimuler une conscience très médiocre . Mais ,
si le croyant se montre digne de ce nom et si la vie
surnaturelle rayonne véritablement en lui , il est
nécessaire que sa conscience en reçoive un surcroît
de perfection . Sans doute , c'est par sa raison qu'il
face d'un pro
ses

continue à diriger
en
actions mais
,

gramme plus élargi d'après des mobiles plus élevés


et

.
La

ses

les

Foi précise par lumières principes aux con


,
,

tours vagues ajoute


de

moralité naturelle
la

elle
y
les ;

prescriptions perspectives
en

des harmonie avec


de

vie éternelle Au surplus Dieu met


en

«
nous des
la

,
.

et

énergies vertus infuses dons qui nous


»
«
»

rendent capables d'organiser notre action


en

vue
perfection que nos prudences naturel
de

d'un idéal
ne
les

sauraient atteindre Comment notre cons


(1
).

cience morale n'en bénéficierait elle pas directement


les ?
-
au

donc l'on veut inventorier complet toutes


Si

de

perfection
de

conscience morale
la

ressources
il
,

faut procéder par ordre


:
et les

perfectionnements successifs que


10

étudier
peut acquérir développer conscience morale
la

natu relle
;

un

de

strictement parler conscience chrétienne est acte


A

la
1

,
(
)

vertu infuse de Prudence


la

»
«

.
116 LA CONSCIENCE MORALE

2 ° suivre , en celle - ci, la transposition que lui im


pose l'organisme de l'activité surnaturelle , cuvre
de la grâce divine ;
30enfin , montrer qu'il ne peut y avoir scission
ni opposition entre ces deux plans de perfection ,
mais au contraire , équilibre et par conséquent unité
,
vivante assurée dans la conduite de la vie morale .
Nous envisagerons seulement , dans ce chapitre ,
la perfection de la conscience morale dans l'ordre na
turel.

2. L'USAGE NORMAL DE LA RAISON


EST REQUIS A LA CONSCIENCE

Une vue intérieure sur nos actions réfléchies , une


perspicacité de leur bonté ou de leur malice : voilà
toute la conscience morale . Celle -ci tient donc exac
tement dans un jugement droit, toujours actif au
centre de nous -mêmes et qui apprécie , d'après les
lois courantes et générales de la moralité , tous nos
actes intérieurs et extérieurs .
Il ne saurait y avoir conscience morale là où il
n'y a pas raison ni exercice normal de la raison .
Tant que l'intelligence de l'enfant reste à l'état de
chrysalide enveloppée dans un réseau de sensations
et d'images matérielles , tant qu'elle ne s'en dégage
pas pour atteindre à la pensée , au jugement et au
raisonnement , il n'y a pas lieu de parler de conscience
morale . Celle-ci s'éveille , se développe et s'affermit
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 117

les
dans proportions que l'intelligence

la
mêmes

;
conscience morale étant raison elle même dans un

le la

,
-
jugement pratique
de

ses actes typiques

.
:

les
Au surplus cet acte même est parmi plus éle
,

un
de

vés notre psychologie mentale C'est jugement

.
par conséquent une synthèse précédée d'ana
et
,

lyse conclusion d’un raisonnement déjà compliqué


la
,

.
Pour qu'un enfant aboutisse persuader que

se
à

est

un
jouet son petit camarade
de

dérober
le

acte
répréhensible faut qu'il possède cette notion géné
il
,

-

rale encore imprécise l'on veut mais pourtant


si
,

suffisante pour qu'elle prenne valeur d'obligation


qu'il est interdit s'approprier bien d'autrui
de

le

.
De plus par doit rendre compte que
sa

raison
se
il
,

méfait précis dont remords déjà travaille


le

le

le

,
,

les

applications géné
de

rentre bien dans


la

défense
rale
.

mis
les de va

sans dire que l'éducation familiale


Il

se a
du

sion favoriser cet éveil sens moral elle doit


,
:

dans débuts d'imposer par autorité des jugements


,

de conscience tout formés L'enfant sera amené en


à
.

motifs afin qu'il s'habitue


les

comprendre trouver
à
lui

de

même solution cas analogues La con


la
-

1
(
).
les

science personnelle
se

mûrira avec années sous


,

sa ,
de

surveillance pers
la

l'éducation elle accroîtra


;

l'expérience
de

picacité par l'enseignement


et

vie
la

L'éducateur doit faire valoir les motifs de loi morale


la

c'est
1

la ,
(
)

.
et

dire les raisons du bien dont cette loi représente règle


le

bien
à
-

.
118 LA CONSCIENCE MORALE

mais sa perfection sera en corrélation directe avec la


perfection du jugement pratique et de tout ce qui en
garantira la droiture .
L'existence et l'exercice normal de la raison
est donc un minimum requis pour la conscience
morale ( 1 ) .

les
Par conséquent , ne cherchons pas celle - ci chez
l'esprit psycho

ou
les

les

les
de
fous idiots débiles
,

pathes dont l'intelligence plongée dans une hébé

tude permanente est incapable porter juge

un
ment lucide de
.

Beaucoup réputés normaux


de

gens sont voisins


l'esprit torpeur
de

de

ces déshérités leur intel les de


la
:

lignes

de
ligence n'est propre qu'à enregistrer
conduite qu'on leur impose sans réaction active
,

les
conscience morale proprement dite Tous as
ni

en
théniques rentrent dans cadre La variété
ce

psychia
de

est immense défraie les annales


et

la

trie
.

Ces pauvretés mentales per


et

ces demi lucidités


-
de ou

chroniques peuvent fournir que des


ou ne

manentes
ébauches conscience des consciences défor
mées Dans leurs multiples différences ces états
,
.

pathologiques plus
ou

moins avérés rencontrent


se

point
un

jugement
en

de
ce

difficulté former
la
:

responsable qui soit adapté fois aux exigen


et

la
à

Ad prudentiam maxime requiritur quod


sit

homo bene ratio


1
«
(
)

particu
ad

possit bene applicare universalia principia


ut

cinativus
»>

laria qua sunt varia


et

II

5.

incerta IIae Qu XLIX


)
a
,

,
*
(
.

.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 119

ces des principes de la conduite et à celles des cir


constances de l'action pratique ( 1 ) .

3. LE PERFECTIONNEMENT
DANS LA CONNAISSANCE DES LOIS MORALES
ET DANS LA VOLONTÉ DU BIEN

Exigeons donc pour la conscience morale , comme


point de départ de tout perfectionnement ultérieur ,
l'exercice normal de la raison et de toutes les fonc
tions qu'elle engage .
Et maintenant , demandons -nous d'où peut venir
ce perfectionnement .
La conscience , nous le savons , est en chacun de
nous le discernement rationnel de la valeur morale
de nos actions . C'est une sentenced'approbation ou
de désapprobation , mais qui , comme toute sentence ,
loi

motive son verdict en regard d'une dont l'action


ou

cause est une application


en

une infraction
.

L'adaptation exige l'exercice d'un certain nombre de fonc


1
«
(
)

tions psychiques physiques tension stabilisa


et

effort attention
,

,
:

tion inhibition synthèse dynamogénie vie cellulaire suffisante Tel


,

à .

est l'enchaînement de tous les conditionnements nécessaires


. la

construction d'un jugement bien adapté Or l'observation des asthé


.
de

niques montre chez eux l'insuffisance ces fonctions primitives


.

L'insuffisance psycho motrice par insuffisance des conditionnements


-

de

physiques est fond psychique l'asthénie psychique.La construc


le

ne

tion s'opérant avec des moyens défectueux ne peut pas pas être
ou

ou

imparfaite elle s'achève trop rapidement elle s'achève mal


,

,
:

ne

en
ce

ou qui est plus fréquent elle s'achève pas un mot elle


;
ne ,

réalité L'i
en

s'achève pas adaptation parfaite logique avec


la
,

nachèvement dans l'adaptation au réel est marque indélébile


la

la
,

caractéristique des opérations psychiques asthéniques ALBERT


) D
.p .»
(
:
de

l'esprit
et

DESCHAMPS Les maladies les asthénies 64.


,

,
120 LA CONSCIENCE MORALE

Par notre conscience , nous nous établissons juges


de notre conduite . Or , quoi donc fait un bon juge ,
sinon la connaissance des lois et l'habileté à discerner
applica
les

dans faits et leurs circonstances l'exacte

,
La perfection

de
conscience morale

la
tion des lois
?

connaissance des lois morales


de

même
la
tiendra
à
,
,

prati

de
et

l'habile discernement leur application


à

les

que telles sont deux lignes convergentes sur les


:

de
quelles s'échelonneront les progrès possibles

la
conscience morale
1
(
).

Le progrès
de

connaissance des lois morales est


la

susceptible
de

croître sans mesure


.

les
acquisitions
de

Que chacun nous essaie d'évaluer


successives qu'il
faites dans cet ordre Elles ont
a

commencé dès notre enfance plus reculée Les pre


du la

.
du

mal que
et

mières notions bien vigilance


la
de

nos mères éveillées dans notre intelligence y


a

ont développé peu peu leur première évidence Les


à

les
les

les

réprimandes
et

conseils récompenses
et
,

punitions ont aſfermi ces primitives convictions Cet


.
en

enseignement s'est continué dans suite même


la

temps que notre intelligence s'enrichissait L'édu


.

religieuse du collège
et

cation morale prolongé


et
a

L'expérience pro
de

accru encore celle famille


la

gressive
de

vie nos efforts vertueux nos chutes


la

de et
,

jeu
au

long
de

et

tout notre adolescence notre


.pp
au

70

Voir précédemment chap


sv
et
IV
1

,
(
)

.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 121

nesse , ont été l'occasion d'insistants rappels de nos


devoirs ( 1 ) .
Cet accroissement n'a pas cessé de s'affirmer un
seul jour : le milieu ambiant , les lectures , les con

ou
les

les
versations , enseignements écrits parlés

,
ou

les
l'exemple con

de
leçons directes indirectes

,
seils ou les avertissements de l'amitié n'ont cessé de

Le
grossir notre patrimoine moral cours même des .
événements lorsque nous sommes parvenus

la
,

à
de les

responsabilités

de
maturité nous révélé notre
a
,

viepersonnelle
en

face devoirs nouveaux dont


nous rendre compte
de

nous avons bien été forcés

.
Une somme énorme prescriptions
de

présentent
se

maintenant nous requièrent


et

notre
attention
à

,
en

face d'elles de rectifier notre action La liste n'en


,

est jamais close leurs points d'application notre


à
,

pratique toujours besoin d'interprétation


et

vie ont
,

chaque jour des précisions sont


de

rigueur dans nos


habituels principes c'est donc voie ouverte
la

des
à
:

progrès incessants une perfection toujours plus


à
,

de

achevée dans connaissance des lois directrices


la

notre conscience
.

toute son étendue possible


en

l'on veut évaluer


Si

,
les

Selon saint Thomas premiers principes moraux fais


le
1

«
,
(
», )

(
ce

bien fais que dois sortent naturellement de raison humaine


et la
«

»
)

dès que l'expérience lui révèle ces notions du bien du devoir sunt
«
,
de

naturaliter nota mais les principes moralité moins généraux


»
;

Principia
(C

acquis par l'expérience universalia


et

sont l'éducation
:

posteriora sive sint rationis speculativæ sive practicae non ha


,

bentur per naturam sed per inventionem secundum viam experi


,

menti vel per disciplinam IIa


II

Qu XLVII 15.
»

a
,

* e,

,
(

)
.

.
122 LA CONSCIENCE MORALE

la perfection à laquelle une conscience peut aboutir


par cet enrichissement continu des règles de la con

les
duite , il faut mettre en regard cas nombreux

si
des consciences obtuses ou oblitérées dont l'éduca
qui ont trouvé dans

et ou

et
tion été absenté faussée
a

,
milieu ambiant dans l'accumulation des fautes
le

qu'elles ont coutume


de


tolérer des occasions

,
de

pétées s'amoindrir
.
du

Lorsque ses toutes premières


et
l'idée devoir

de
applications s'éveillent dans l'intelligence l'en
fant elles s'y montrent comme des lucioles discrètes
,

les

faut que éducateurs développent


la et

vacillantes
Il
de .

lumière ces principes pour que ceux aboutis


ci
sent diriger conduite Or l'éducation fait -
la

si
à

,
.

ne
défaut milieu dans lequel l'enfant grandit

de lui
de le
si
,

offre que mauvais exemples s'il n'entend autour


,
lui

ses

quand passions grandissent que des excita


,

lui même
les

tions satisfaire comment encouragé


à

,
,

-
ne ses
au

dedans par tendance qu'ont propres dérè


la

glements justifier leur licence serait pas


il
àà à

émousser toute protestation


de

amené peu peu


sa
à

conscience même dénigrer systématiquement


et

à
Le

toute retenue morale spectacle d'une telle cons


?

ap
ou

cience déshéritée par son manque d'éducation


,

pauvrie par propre perversion fait valoir par con


sa

,
,

perfection qui peut survenir


la

traste conscien
la la

à
,

de

par connaissance progressive l'idéal moral


ce

pour une grande part perfection


de
la
la

cons
Si

,
,

plus
de

en

cience morale tient une connaissance plus


à
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 123

riche des principes de la conduite , il faut toutefois


se garder d'assimiler cette connaissance à une érudi
tion technique et savante comme peut la posséder
un moraliste de profession , spécialisé en sa science .
La conscience n'est pas une du devoir à
science
proprement parler , c'est - à - dire une spéculation qui
se réjouirait de la complication des questions qu'elle
soulève : elle est la science de l'accomplissement du
devoir .
L'homme moral s'instruit de ses obligations , non
pour la joie intellectuelle de dresser un catalogue de
les
moralité et d'en faire valoir l'amplitude , divisions
les

subtilités mais parce qu'il diriger


de
et

coeur
a
à
sa ,

par elle
de

pratiquement
et

réaliser
le
conduite
,
,

bien
.

conquête
de
sa

Un amour l'anime l'amour


la
à

vertu
(1
.)
Or

de

de

tout amour est possédé ferveur con


la
,

naître toujours qu'il aime


de

en

de
ce

mieux mieux
,

scruter jusqu'en profondeur l'ama


sa

substantielle
>
,

bilité qui captive Celui qui résolument veut


le

du ,
2

,
(
).
lui

bien s'excite même clarifier l'idéal bien


le

;
,

lui

que rien des exigences


de

ne

entend celui
ci
il

-
. du

de

en

de

Cet amour bien est principe mise branle toute


le

la
1

conscience morale J'y insisterai davantage dans


(
)

prochain chapi
le

tre sur conscience morale surnaturelle Cet amour du bien


la
«

à »
.
de

deviendra l'amour Charité qui nous unit Dieu


.

Amans dicitur esse apprehensionem


, in

amato secundum
in
2
«
(
)

quantum amans non est contentus superficiali apprehensione amati


sed nititur singula qua ad amatum pertinent disquirere
et

sic ad
interiora ejus ingreditur
2.

IIae Qu XXVIII
Ia
»

a
,

,
(

)
.

.
124 LA CONSCIENCE MORALE

échappe ; il presse de toutes parts ses recherches : il


étudie , demande conseil , retient toutes les sugges
son acquis per

les
tions rencontrées et incorpore

à
de
sonnel Comme n'a tant désir vertu que

la
le
il
.

parce qu'il pratique déjà ses expériences morales


et la

,
,
jaillirnouvelles clar

et de
ses efforts ses luttes font
tés sur les prescriptions les précisent

de en
morales
Et parce qu'il est

en
leurs directives haleine
.

mieux savoir pour mieux faire

de
mieux connaître
,
pour mieux aimer dans une plus grande fidélité

,
perspicacité toutes les par
de en

comment fait de
la
,
,

son programme vertueux

ne
ticularités serait elle

-
pas étendue garantissant tâche ultérieure de

sa
la
,

conscience
?

LA PERFECTION DU DISCERNEMENT MORAL


4.

La conscience morale effet n'a point per


en

sa
,

fection complètement assurée par connaissance


la

aussi complète que possible des prescriptions ver


par
de

tueuses ferme volonté les observer


la
et

Cette connaissance cette force ne sont encore


et

base d'appui
et
sa

sa

que lumière antécédente


,

Car voici son æuvre propre juger nos actions par


:

concrètes celles que nous allons accom


et

ticulières
,

plir celles que nous avons déjà accomplies


ou

en
,
de

les comparant aux lois moralité pour les approu


la

,
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 125

les
les

en
ver ou désapprouver dénoncer notre for

,
intime comme bonnes ou mauvaises

et de
donc dans conscience une application

la
y
Il
a

,
raison clairvoyante sur notre action particulière
concrète
ce .
sa un Or

discernement par contrôle positif s'affirme

,
,

,
jugement précis pour l'emploi duquel
de en

cause

,
ou à
difficulté notre raison peut être plus moins
,

habile
.

et ne
tient pas dans
en

Notre activité morale effet

se
,
,

région des principes abstraits universels elle


la

;
s'exprime réalise dans nos actions singulières
et
se

le ,
jour jour l'une après l'autre dans
au

du le

émises
,

,
Et

temps
de

flux mouvant mobilité


la
cause
les et à
,
.

des circonstances intérieures extérieures qui l'en


veloppent aspects chacune de
en
et

diversifient
,
un
de de

nos actions quoi motiver jugement direct


a

ou
de

qui prononce son accord son désaccord


avec les règles générales
de

moralité
la

Quand nous sommes engagés dans l'action nous


,

nous trouvons pas toujours devant les mêmes


ne

difficultés S'il existe dans nos journées un cadre


à
,

,
.

peu près fixe d'actions coutumières n'exigeant point

-
grand effort pour être accommodées nos intentions
à

revanche d'autres actions peuvent


en

se

morales
,

Et

présenteravec des circonstances imprévues alors


,
.

tel
du

savons nous toujours premier coup dans cas


,
-

peut être inédit pour quel parti


et

embarrassant
-

nous décider quelle attitude prendre qui soit irré


126 LA CONSCIENCE MORALE

prochable ? Souvent , nous ne discernons pas l'action


opportune et sage , nous devons délibérer , établir une

les

les
juste balance entre motifs opposés

et
chances

,
de
prendre conseil avec nous même avant formuler

,
de -
jugement définitif porter notre choix
un

et

.
La conscience parfaite exige pourtant elle veut

si
,
qualificatif cette dex
ce

et
mériter cette souplesse
,
jugement Un bon juge n'est pas seulement
de

térité
.

habile disserter des lois mais encore les appliquer


à

à
,
contingence des
et

avec sagesse exactitude dans

la la
conscience exige
de
faits De même délicatesse
la
,
.

plus que

la et
connaissance des lois morales l'ardeur
la

s'y conformer mais encore perspi

et
sécurité
la
à

cacité d'un jugement qui regard d'elles déter


en
de ,

,
justifie nos actions En
ce
et

mine valeur verdict


la

,
.

répétons s'affirme positivement notre conscience


le
,
-

morale
.

La perfection habituelle d'un tel jugement peut


sans doute s'acquérir mais elle est loin d'être tou
;

jours donnée
.

Nous nous figurons trop aisément notre conscience


au

façon d'un être mystérieux qui


de

dedans
la
à

nous prononcerait des oracles trompés par cette


et
;
,

,
ne

imagination enfantine nous nous rendons pas


,

ou

suffisamment compte que plus moins grande


la

perfection ses décrets est tributaire pour une part


de

,
ou

plus moins grande juger


de

notre facilité
à

sagement
si et

correctement
.

Car enfin présente par


se

notre action morale


,
,
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 127

fois avec des difficultés insolites , dans une compli


cation de circonstances susceptibles d'embrouiller
nos appréciations routinières , il faut que notre raison
soit assez souple pour cette réadaptation obligée .
D'autres aspects entrent en ligne de compte et ap
pellent nouvelles clartés ; il faut donc à notre
de
intelligence la capacité d'ordonner ces nouveaux
rapports et de découvrir s'il importe d'accepter ou .
.
de refuser l'action qui se propose .
les

opérations d'analyse synthèse


de

de
Or ,
et

,
d'association toujours
et

dissociation nécessaires

à
,

jugement droit n'ont pas perfection


les un

dans
la

même
,

les
individus Les tempéraments surtout lorsque
,
.

habitudes ont accentué leurs inclinations particu


de

sont cette différence


la

lières base
,

1
(
).

Nous rencontrons des personnes fixées d'ordinaire


,

bonne volonté sincèrement désireuses d'une


la

dans
,

vie morale parfaite dont conscience est aisément


la
,
les

par
embarras pratiques
en

de

mise échec l'action


.

Leur esprit est géométrique systéma


et

routinier
,
un

cadre fermé d'ex


et

tique machinal confiné dans


,

périences sans invention analyse par conséquent


ni

et
,

vite déconcerté par les aspects mouvants des événe


les

plus
et

ments des choses Les actions morales


.

ou

diverses par leurs circonstances intimes


extérieures
les

leur apparaissent
aisément comme reproductions
en

d'un même cliché Les mêmes gestes surpris eux


.

Ex naturali dispositione unus est aptior ad discernenda eaquæ


1
«
(
)

sunt ad finem quam alius


II

Qu XLVII 15.
»

a
I*
*
,

,
(
.

)
.

.
128 LA CONSCIENCE MORALE

les
ou chez autres sont qualifiés par des formules
identiques leur manque .les vues d'ensemble

la
Il

,
.
pénétration minutieuse coordination équilibrée

la
et
,
de

tous les éléments des faits Dès qu'un acte sort

ou
case préfixée

de
des bornes étroites du convenu

la
et du
d'un habituel catalogue rectitude jugement

la la
,
possibilité
en

moral est faillite D'où facilité

la
.

d'erreurs dans discernement des actes par


le

la
con
science
.

esprit faux
en

matière morale n'est pas une


L
«

»
'

imaginatifs L'imagination
les

rareté non plus chez

.
fougueuse intempestive prête mal aux contrôles
et

se

précis juste pesée des circonstances des détails


la
à

,
,

de s'adapter
et

des nuances moins souci


le

elle
a
;

simple réalité que dépasser


de

et
souvent
la la

la
à
de

déformer par l'appoint ses propres


de

chimè
res
1
(
).

En revanche nous rencontrons des esprits pon


,

l'imagination disciplinée organisée l'at


et

dérés
,
à

à
,

lucide analystes sans subtilité dis


et

tention active
,
,

cuteurs sans étroitesse ergotage moins amateurs


ni

toutes faites qu'aptes


de

et

solutions s'assimiler
à

cette propen
Ce

de

manque pondération dans jugement


et
le
1
(
à )

en

sion l'illogisme peuvent avoir leur correctif Celui qui est affligé
.

de

devra avoir recours au conseil d'autrui interroger plus habiles


,
. lui

qu'il
ne

que leur donner confiance pour des solutions sait pas


,

trouver Cependant celui qui est dans


et

bonne foi absolue dont


nela
,
de

de

solution conscience est erronée perd point bénéfice


le
la

en

cette bonne foi dans des conditions déterminer Nous parlerons


à
,

.
de
en

plus tard traitant conscience erronée


la

.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 129

à pénétrer les questions , esprits déliés , ouverts , me


surés , « naturellement prudents » ( 1 ) .
Telles sont les qualités des hommes de jugement .
De telles dispositions
naturelles mises au servi
ce de la conscience morale ne peuvent manquer de
contribuer à sa perfection .
Voyons brièvement quels éléments constitueront
celle - ci.

Un premier élément de perfection pour la conscien


ce sera une large expérience de la vie morale . Nos
actions vertueuses ne sortent pas comme des con
clusions nécessaires des lois générales de la moralité .
Celles -ci , en raison même de leur rigidité abstraite ,
entrent parfois en conflit . A leur tour , les actions dont
ces lois se disputent la direction compliquent encore
la difficultépar le heurt des circonstances . Or , celui
qui , dans une mémoire fidèle et pour ainsi dire affec
tueuse et pleine de sollicitude , a gardé le souvenir
des meilleures solutions pour l'accomplissement du
les

bien , a retenu avec attention conseils qui ont éclai


a

de
sa

conduite passée mesuré les causes


ses
a
,

la de de

les probabilités
et

défaillances ses faiblesses


,

peut affermir
sa

celui sûreté conscience


la
le -

par poids son expérience garantie d'une


de

et

exacte information
2
(
).

De

Quidam inveniuntur naturaliter prudentes Verit


)1
«

.,
( . (

(
.

Qu XVIII
7.

ad
8
a
,
,

)
.
.

Prudentia est circa contingentia operabilia


In

his autem non


2
«
)

ex .
ea

potest homo dirigi per quæ sunt simpliciter


et

necessitate vera
,
ex

ut

sed his quæ pluribus accidunt oportet enim principia con


in

LA CONSCIENCE MORALE
9
.
130 LA CONSCIENCE MORALE

Mais ce ne serait rien de savoir peser toutes les


particularités des actions passées et de leur agence
ment pour le bien si on restait aveugle aux singulari
tés du moment présent . En plus de l'expérience , il
faut l'intelligence pénétrante de tous les aspects
immédiats de l'action que doit juger la conscience .
Pour cet inventaire adéquat et cette divination in
tuitive , il ne faut rien moins qu'un flair subtil et un
sens pratique aiguisé ( 1 ) .

les
Enfin , l'action , dont on envisage ainsi toutes
ne
va
particularités présentes pas rester isolée Elle
,

.
aura des conséquences sont elles désirables Elle

?
-
:

deviendra motif d'autres actions quelle sera


le

la
:

portée questions qu'u


de

de

cette influence Autant


?

précision lucide une prévoyante vigilance de


ne

et

vront résoudre pour


de

sécurité conscience
la

la

2
(
).
pré
du
Expérience passé intelligence pratique
du

prévoyance ap
de

sent l'avenir voilà trois solides


,

,
du

points perfection discernement moral


la

3
à

(
) .
ex

clusionibus esse proportionata talibus talia concludere Quid


et

...

pluribus sit verum oportet per experimentum conside


in

autem
Experimentum
ex

ut

autem est pluribus dicitur


...

rare memoriis
,

Metaph Unde consequens est quod ad prudentiam requiritur


in
I

plurium memoriam habere


II

IIae Qu XLIX
1.
»

a
,

,
.
(
.

)
.

.
et

Ibid
5
4
2
a
) )1

. ,
., .,

.
( ( (

. .

Ibid
6
a
) 2

de

de

Dans son Traité vertu Prudence saint Thomas s'étend


la
3

longuement sur les dispositions naturelles ou acquises qui contri


de

buent perfection du jugement conscience l'habileté insti


la
à

à à
; :

tuer des conseils judicieux pondérés eubulia


et

l'habileté saisir
,
(

plus adéquate plus con


et

dans les cas embrouillés solution


la

la

la
,

forme aux prescriptions morales synesis enfin l'habileté dirimer


à
;
(

ke

les cas insolites qui échappent aux lois communes gnome Cf.
I•

,
(

).

Qu LVII IIa IIae Qu


LI
6

de 1
la 2

4
, a

a
;
,

,
,
3,
.

On lira dans même Traité Prudence signalement fait


le

le
,
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 131

Cette perfection qui a ses racines dans le tempé


rament devient le fruit de l'effort personnel , d'une
attentive vigilance , d'une expérience qui progresse
d'elle -même par l'exercice répété de la vertu ; en

tous cas , elle sera certainement facilitée et accrue

les
par une respectueuse docilité envers enseigne
les

ments des sages conseils des prudents l'expé

et
,

rience des anciens L'homme mieux informé des

et le
.

choses morales par son acquis propre sagacité

sa
les
peut prétendre connaître toutes complications
ne

dans lesquelles peuvent s'entremêler ses actions

.
Ne t'appuie pas trop sur les vues de pruden
ta
«

nous dit l'Ecriture


et ce

Suis l'avis des anciens


«(
1
»

),
(

des prudents que leur sagesse dirige ton coeur


2
). .
»
,

(
de

par saint Thomas certains travers bien propres égarer discer


le
à
de

parfois fausser complètement Voici


et

nement conscience
, le
, la

précipité l'étourdi qui


en

par exemple face d'un cas compliqué


; la le

,
sane

de

prend pas peine d'un peu réflexion pour asurer décision de


la
et

conscience souci d'une considération d'une délibération


le

ne

attentives sur moyen plus expédient pour pas enfreindre


le le

le

la
de

loi morale ne préoccupe pas ces bons vouloirs capricieux



:

en

de
se

qui répandent en actions désordonnées dehors tout contrôle


judicieux Le manque
de

docilité non considération des circons


la
,

-
.

les

l'action une manie singu


dede

tances variant aspects particuliers


,
de

tout dirimer au premier jugé trancher au petit bonheur


et

lière
,
les

expliquent solutions hasardeuses d'une conscience qui dédaigne


avec trop LII
de

de

de
se

II

désinvolture servir raison Cf. IIxe Qu


la

,
.

et
4
3
a,

, UI

Prov
) )1

5
., .,

,
( (

. .
vi

Eccli 35
2
132 LA CONSCIENCE MORALE

5. LA CONSCIENCE OU « LA RAISON INSPIRÉE


PAR L'AMOUR »
d

Mais , il importe de remarquer , avant tout , que ces


facilités intellectuelles qui viennent contribuer à la
souplesse , à l'acuité et à la finesse , ne
du jugement
servent à la perfection de la conscience morale qu'au
tant qu'elles s'emploient
au bénéfice de la vertu .
Hélas ! on peut être d'une intelligence avisée ,
avoir l'esprit remarquablement délié , et employer
cette habileté à des fins peu recommandables , et
pour tout dire : au péché . « Les fils de ténèbres , dit

les
Notre Seigneur , sont plus prudents que

de
fils
lumière
(1
»
).
au

contraire toutes ces ressources mobilisent


Si

se
,

,
de
ci au

service conscience morale comment celle


la

,
sa

n'accroîtrait elle pas délicatesse


?
-

produit alors même phénomène que dans


se
Il

en le

l'acquisition plus plus précise des lois


et
de

des
obligations Celui qui
de

de

moralité toutes ses


la

,
.
et

forces dans une intention droite s'anime


la
à
,

conquête tient spontanément ha


de

en

vertu
la

se
,

de

leine l'endroit des exigences


l'idéal ardemment
à

désiré Par généreux


et

même mouvement même


la
le
.

intention fervente applique toute perspicacité


les la
il
,

parmi contingences
de de
la sa

conscience discerner
à

vie courante les actions qui reflètent vraiment


,

Luc XVI
1

8
.,

,
(
)

.
LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE 133

son idéal, et à accepter seulement celles qui mani


festent cette valeur . Puisqu'il aime le bien , il veut
voir clair dans la pratique du bien , et il s'applique
de tout son pouvoir à faire jaillir cette clarté sur
toute sa conduite .
A cause de cela même, sa conscience ne peut que .
progresser en fermeté et en lucidité .

Selon le mot très juste du P. Lacordaire , « la cons


cience est la raison inspirée par l'amour » ( 1) .
Or , le cæur a des intuitions et trouve des sécurités
là où la raison se déconcerte et se trouble . Celui qui
aime devine d'instinct et comme par un tact sûr ce
que lui voilent les apparences . Le vertueux , par un
flair spontané , sympathise avec tout ce qui convient
à sa vertu et se détourne de ce qui lui est contraire ;
ainsi l'aiguille aimantée revient au pôle , quelles que
les

qui tentent
de

font
et

soient l'affoler
la

secousses
un

trembler instant sur son axe


2
(
.)

du

lorsqu'au simple amour


les la et
ce

Que sera devoir


-
se

du bien substituera en notre âme l'amitié de


la

sympathie acquise
et

divine Charité toutes


à

même temps qu'il


de

volontés Dieu Celui


en
ci
,
-
!
3e

Conférence de Toulouse
1

.
( (
) )

ce

Saint Thomas note ainsi travers un exemple caractère


2

à
,

divinateur du jugement pratique chez vertueux Rectitudo judi


le

«
:

potest contingere dupliciter uno modo secundum perfectum


cii

ea

usum rationis alio modo propter connaturalitatem quemdam ad


;

quibus jam est judicandum his quae ad castitatem per


de

de

Sicut
.

tinent per rationis inquisitionem recte judicat ille qui didicit scien
ad

tiam moralem sed per quamdam connaturalitatem ipsa recte


eis ille qui habet habitum castitatis
de

judicat
II

IIae Qu XLV
»

,
*
(
.

.
2.
a

)
.
134 LA CONSCIENCE MORALE

nous attire à son amour , nous donne de quoi en être

les

les
digne . Par par

du
et
vertus infuses dons

de »

«
Saint Esprit notre jugement conscience trouve

se
sa »
,
-

agrandi en
garanti

en
lumière son discernement

et
toute action qui intéresse notre sancti
vis

de
vis
à
-
-

fication notre salut éternel Dans l'âme vivant


et

,
.
Charité surnaturelles s'épa
de

de
vraiment Foi et
la

la

,
nouiront au maximum nous allons voir

la
le

-
perfection

de
et

délicatesse conscience morale


la

la

.
CHAPITRE VII

La perfection de la conscience morale


surnaturelle

SOMMAIRE :

LA LOI DE DIEU ET LE PROGRAMME MORAL DE LA CONSCIENCE


CHRÉTIENNE . LA CRAINTE DE DIEU : CRAINTE « SERVILE »
ET CRAINTE ( FILIALE », —- LA CHARITÉ ET LA LOI DE DIEU .
LE DISCERNEMENT DE LA PRUDENCE « INFUSE » ET LES AU
TRES VERTUS SURNATURELLES . LE DISCERNEMENT SUR
NATUREL ET LE « DON DE CONSEIL ».

La perfectionde la conscience morale , dans l'ordre


naturel , représente déjà une complexité . Ce jugement
de valeur que notre raison , toujours active à l'in
térieur de notre personnalité , porte sur nos diverses
ou
les

actions pour déclarer bonnes mauvaises ob


,

plus
sa

de

en

tient sécurité dans une connaissance


un

plus clairvoyante des lois morales


et

discernement
avisé des circonstances variables dans lesquelles évo

,
lue notre activité
.

Pour aboutir cet achèvement --- disions nous


à

précédemment est requis comme condition pre


la ,
de

mière l'exercice normal raison Les esprits faux


,

.
136 LA CONSCIENCE MORALE

ou déséquilibrés n'engendrent que des consciences


désordonnées et ténébreuses .
Il faut , de plus , une expérience personnelle très
obliga

les
patiente et très longue qui mette en relief
précise leurs principales applica
et
tions morales
tions
.

de
faut enfin que conscience

la
le discernement
Il

délicatesse par un fervent


en

et
sa
soit aidé > son flair

,
,

au
service duquel
de

amour l'idéal d'honnêteté

il
s'emploie
.

en

Ainsi

ce
sa

sera assuré coutumière droiture


,

,
jugement notre raison pratique dans lequel
de

se
et
se

tient définit conscience


la

La conscience morale surnaturelle rencontrera

sa
perfection dans un progrès analogue mais orienté
vers une excellence nouvelle Son jugement devra
.

partir d'une base d'appréciation surnaturelle et


sa
tâche propre sera
de

déterminer valeur surna


la

perfection sera faite


de

de
Sa

turelle nos actions


.

toutes les garanties qui contribueront rectitude


la
à

perspicacité jugement
de
ce
et

la
à

LA LOI DE DIEU ET LE PROGRAMME MORAL DE


1.

LA CONSCIENCE CHRÉTIENNE

Par Baptême nous avons reçu


de

de

sacrement
la le

Grâce sanctifiante les Vertus


et

Dieu les Dons


,

tant que notre raison


ne

surnaturels Sans doute


,
.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 137

s'est point encore exercée , la vie divine dont nous


portions en nous les principes ne pouvait s'affirmer
par aucun acte ( 1 ) .
Mais , progressivement au cours d'une expérience
,

dont il est impossible de démêler les clartés furtives


les

et transparences successives notre intelligence

,
de
est sortie des ténèbres sensibilité ses premiers
la

A
.
vigilance

de
timides essais notre mère proposa
et

la
,

du mal Dès que


et
les évidentes notions du bien

.
nous apprit
on
nous pûmes savoir quelque chose

à
,
qu'il fallait faire
ne
ou

pas faire qui


ce

discerner

ce
,
ou

était permis défendu


.

Nous avions vu jour dans un foyer chrétien.Ceux


le

qui veillaientsur notre enfance étaient eux mêmes -


leur Foi Leurs premiers
de

des croyantsqui vivaient


,

for
de

enseignements eurent spontanément souci


le

cette ques
en

mer nous une conscience chrétienne


A
.

que
de ce

bien nous fûmes habitués


le

tion Qu'est
?
»,
«

-
:

que Dieu
Ce

donner tout suite cette réponse


à

«
:

cette autre question Qu'est


et

nous commande
à
»

«
;

Ce

que réponse correspondante


ce

mal cette
le

«
»,

que Dieu nous défend


»
.

D'emblée Dieu est entré dans notre conscience


,

.
on
Ce

même Dieu dont nous révélé l'existence


la
a

perfection que notre baptême


de

Foi
et

bonté
la

la
,

tarda pas été présenté par


ne

reconnaître nous
à

a
,

toute notre éducation comme celui qui commande

III Pars Qu LXIX


1

6
a
,

,
(
)

.
.
138 LA CONSCIENCE MORALE

et récompense le bien , défend et punit le mal. Sa


volonté nous est apparue comme la formule même du
devoir . Le milieu chrétien , dans lequel nous avons
grandi, a continué et continue toujours de nous mon
trer en Die u la première règle de notre conduite ( 1 ) .
Dès que notre conscience est chrétienne , nous sa
vons que Dieu la domine , s'intéresse attentivement
à toutes les manifestations de notre activité et doit
• entrer , au premier chef , dans les considérants de
notre discernement moral . Le bien et la vertu nous
sont promulgués par la Loi éternelle , et notre raison
n'a pas de peine à découvrir l'évidente obligation
d'obéir à cette raison souveraine ( 2 ) .
La loi morale s'identifie de fait avec la loi de Dieu
devant la conscience chrétienne ; et c'est pour celle - ci
un premier redressement et une singulière force
d'impulsion ( 3 ) .

(1) « Est duplex regula humanorum actuum , scilicet ratio humana


et Deus ; sed Deus est prima regula a qua etiam humana ratio regu
landa est , » ( *II II **, Qu . XXIII , a , 6. )
Regula humanorum actuum est ratio humana et lex æterna . Lex
autem aeterna excedit naturalem rationem . » ( Ibid ., Qu . VIII , a. 3 ,
ad 3.)
(2) La Foi et ses vérités jouent en nous , dans l'ordre de l'action
surnaturelle , le rôle tenu , dans l'ordre naturel , par la syndhérèse ,
c'est -à-dire par les premiers principes de la moralité . « Quid est vir
tuosum vel contra virtutem per fidem cognoscimus » ( Qu . Disp . De
Carit ., Qu . I , a . 3 , ad 2). L'habitus de foi , bien qu'essentiellement
spéculatif , devient pratique par extension , surtout quand le croyant,
nous le verrons plus loin , cherchant la vérité première en Dieu , aime
en même temps celui - ci par Charité comme le Souverain Bien . (Cf.
II » Ilae , Qu . iv , a 2 , ad 3. )
(3) Certes , nous ne voulons pas dire que la conscience morale natu
relle puisse abstraire de Dieu comme fondement de la moralité et
ne

de
loi

loi

que la morale naturelle soit pas l'expression éternelle


la

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 139

Mais , si Dieu réglemente ainsi notre vie , c'est


qu'ilentend la conduire au but voulu par son amour .
Devenus enfants de Dieu par le baptême , fils déjà
adoptés dans la Charité divine et parfois , hélas ! en
fants prodigues revenusdes « régions lointaines »,
nous sommes voués à la vision éternelle de Dieu .
Sa vie sera la nôtre dans la communauté des mêmes
pensées et des mêmes sentiments : salut suprême ,
victoire sur toute mort , possession béatifiante de la $

Bonté essentielle . Dieu nous ordonne efficacement à


cette fin surnaturelle inaccessible à nos capacités
naturelles et , par sa grâce , nous met à même de l'at
teindre . Nous n'avons donc pas le droit de refuser une
telle prédestination : notre raison qui , par la Foi, en
recueille la révélation , nous enjoint de la poursuivre .
Dieu , du reste , ne se contente pas de nous indiquer ,
comme en un terme vague , ce but final de la vie divine
possédée dans l'union éternelle .
Sa Loi raison suprême de l'ordre surnaturel et de
,

l'ordre naturel, nous fixe avec précision les voies


qui nous mènent à Lui .
Nous ne sommes plus livrés , pour nous conduire ,

Dieu est notre fin dernière aussi bien dans l'ordre naturel que
dans l'ordre surnaturel . Les devoirs envers Dieu font partie des pré
ceptes du Décalogue ; sont les premiers des devoirs de mora
ils

la

lité naturelle Mais en nous appelant une destinée surnaturelle


à

- à
,

,
.
de

de

possession Lui même Dieu nous donnant loi cette des


la

la
,

,
-

tinée non seulement agrandi notre programme moral par des


a
,

de

prescriptions nouvelles mais nous enjoint viser cette fin sur


il
,

naturelle travers toutes nos actions Le motif du devoir raison


à

en
se

nable n'est plus suffisant doit transposer celui d'obéir


le la
il

à
,

volonté de Dieu qui nous aime Le servir dans l'amour devient


.

suprême raisonnable
.
140 LA CONSCIENCE MORALE

aux interprétations hésitantes de notre raison : la

loi
les
préceptes

de
Loi divine absorbe naturelle

la

;
elle corrobore leur vigueur leur fait perdre leurs

,
plus

en
et
contours incertains dégage nettement

Et
les

prescriptions puisque but est agrandi

et
le
.
qu'il
ne

s'agit plus
de
réaliser une vie humaine mais
Loi Dieu élargit

de
une vie proprement divine

la
,
programme

de
nécessairement notre action elle
le

;
en

s'affirme des commandements positifs nouveaux


sainte Eglise un
dont enseignement qui
la

dans

se
,
au

continue sans arrêt de


cours nos vies nous pro

,
mulgue les exigences
1
(
).

L'idéal moral pour conscience chrétienne est


la

,
,

donc formulé tout entier par Loi divine


en et
la

celle

ci
,

-
de
renferme tout notre programme d'action vue
la

vie éternelle
.

Foi éclairent notre con


en

de

effet les vues


Si

la
,
,

du
ne

science celle peut abstraire rapport nécessai


ci
,

qui existe entre tout que nous faisons but


re

ce

et
le

surnaturel que nous laissent entrevoir


les

promesses
divines Toute action commandée
en

nous par un
,
.

vouloir réfléchi donc un retentissement éternel


a
,

Per legem homo dirigitur ad actus proprios


ad
in

ordine finem
1
«
(
)

quidem homo ordinaretur tantum ad finem qui non


et

ultimum
si
;

excederet proportionem naturalis facultatis hominis non oporteret


,

quod homo haberet aliquid directivum


ex

parte rationis supra legem


ab
ea

legem humanitus positam quae


et

naturalem derivatur sed


;
ad

quia homo ordinatur finem beatitudinis aeternae quae excedit


ut

proportionem naturalis facultatis humanae ideo necessarium fuit


,

supra legem naturalem humanam dirigeretur etiam ad suum


» et

finem lege divinitus data Qu xci


I.

4.
II

a
,

,
*
(
.

)
.

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 141

elle nous amène à la possession de Dieu ou elle nous


en éloigne ; elle est gain ou perte , acompte pour le
Ciel ou déchet qui nous vaudra la damnation .
L'acte moral nous apparaît ainsi soumis au juge
ment de Dieu en même temps qu'à celui de notre
conscience . Il est bon , s'il exprime notre obéissance
à la Loi divine ; il est mauvais , s'il est en contradic
tion avec elle . Dans ce dernier cas , c'est le désac
cord flagrant avec la volonté divine, c'est - à - dire le
péché ( 1 ) .

Cette notion du péché , offense grave envers Dieu


et qui entraîne la perte de la vie éternelle , est un
mobile de première valeur dans la conscience chré
tienne . Eviter le péché : voilà un mot d'ordre qui
apparaît comme étant toujours de rigueur et ne
souffre pas d'exception .

2. LA CRAINTE DE DIEU .

CRAINTE ( SERVILE » ET CRAINTE ( FILIALE »

Toutefois , ce considérant peut prendre divers as


pects qui donnent à nos points de vue de conscience
des orientations différentes .

Un Dieu , qui nous aime et nous appelle à la com

( 1) Saint Thomas adopte la définition du péché donnée par saint


Augustin : « Peccatum est dictum , vel factum vel concupitum contra
legem aeternam . » ( I •II
" , Qu . LXXI , a. 6.) Voir plus loin , chap . IX ,
pp . 185 et suiv .
142 LA CONSCIENCE MORALE

munication de sa vie dans l'amour , ne saurait être


impunément offensé par nous .
Dans notre sensibilité toujours inquiète de la
prospérité de notre moi , dans notre volonté affai
rée de tout ce qui concerne notre bien propre et
qui répugne instinctivement tout mal qui nous
à
menace , peut s'établir en premier lieu un sentiment
de peur vis - à -vis des sanctions de la justice de Dieu :
crainte « servile » principalement motivée par la
considération de la punition , crainte qui voit surtout ,
dans le Dieu offensé , celui qui inflige le châtiment
et , dans l'offense , le fait brut qui déchaîne les ri
gueurs de la justice ( 1 ).
Ne rougissons pas d'avouer qu'à certaines heures
d'affolement notre conscience morale a besoin , pour
refouler des tentations trop aggressives , d'exciter
en nous de salutaires paniques , en évoquant la
perspective d'être à jamais séparés de Dieu et de
les

subir peines vengeresses par lesquelles l'Amour


infini méprisé punira nos iniquités
.

>>

Acceptons au surplus cette crainte servile


«
,

,
un

un

déjà comme
de

Dieu
et

comme bienfait don


:

force d'arrêt frein rude brusque qui enraye nos


et
,

de

glissades vers perdition


premier mouvement
en la

repentir mais même temps principe d'une atten


tion portée vers Dieu qui
et

nous sommes sensi


le si
,

bles grâce nous amène voir non pas seule


la
à

à
,
II
II

Qu XIX
1

2
.a
,

,
(
)

.
.

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 143

ment comme le vengeur de l'offense , mais comme


le Père dontnous avons méconnu et outragé la
bonté ( 1 ) .
Mais alors , pour que , de « servile » qu'elle était ,
cette crainte devienne C
« filiale », il faut une nouvelle
lumière et une nouvelle impulsion dans notre con
science : il nous faut passer de la Foi « morte » à
la Foi « vive », de la terreur à l'amour , d'une conduite
résignée à servir dans la contrainte , à une conduite
dont les actes vont être vigoureusement promus et
comme jetés en avant , vers le Dieu qui en attend
l'hommage , par une Charité impatiente de prouver
sa ferveur .
La Charité surnaturelle , survenant dans la psy
chologie de notre conscience morale , y produit –
ce n'est pas trop dire --
un bouleversement complet .
L'amour mène tout l'homme , car celui - ci ne peut
rien faire sans y être attiré par une
, fin

voulue c'est
,

dire aimée Or avec Charité c'est l'amour


la
2
à

,
(
en .)
-

va

qui régner maître


.

La Foi vivant
en

peut
ne

nous sans Charité


la
,

,
un

lointain froid
et

que nous montrer dans effacé


,
,

Dieu dont nos lèvres confessent pourtant pré


le

la

Cf. ibid art Cf. Conc Trid Sess 14 De paenitentia


4
1

.,

.,

,
.
.

.
(
)

ad

cap quis dixerit gehennae metum per quem misericor


de Si
4
«

,
.
:

diam Dei peccatis dolendo confugimus vel peccato abstinemus


a
,

peccatum esse aut peccatores pejores facere anathema sit


»
,

Omne agens agit propter finem aliquem Finis autem est


2
«
(
)

amatum unicuique
et

bonum desideratum Unde manifestum est


.
sit

quod omne agens quodcumque agit quamcumque actionem


( ,

, ,
ex

aliquo amore
6.

IIae Qu XXVIII
a
»

,
I*

)
.
.
.
144 LA CONSCIENCE MORALE

sence , dont nous savons les desseins sur nous et dont

la Loi nous presse et nous objurgue . Mais l'Amour


essentiel qui , dans une incessante donation , nous
a créés pour l'aimer , allant jusqu'à la c« folie » de ra

les
cheter notre salut par

de
mérites infinis Croix

la

,
veut pourtant

ne
cet amour que notre Foi engourdie
point renier n'éveille pas d'écho dans nos conscien
,

N'aimant que nous qui nous

ce
et
ces pécheresses
.

n'importe quel
et
satisfait immédiatement dans

du
plaisir pourvu que soit pour nous plaisir
ce

nous
,

,
jus
ne

voyons Dieu qu'à travers Loi comme sa

le
,
ticier qui punit regardons
en

ne
l'infraction Nous
.

en
Dieu que pour craindre marcher esclaves
et
le

consigne

de
devant lui courbant dos sous
le

la

son
,

sa
et

commandement sévérités de
la

menace des
justice
.

Mais qu'à Foi s'ajoutent l'Espérance Cha


et
la
la

rité que non seulement nous connaissions Dieu et


,
les

rigueurs Loi mais que nous nous prenions


de
sa

Lui que notre cour éclate


la de

désirer nous unir


à

la à

grâce
de

s'ouvre tout entier


et

enfin sous touche


aux appels l'Amour infini pour rendre
de

son tour
à

l'amour cet amour qui n'est que l'amour d'un cour



,

d'homme mais qui est déjà l'infini puisque c'est


,

-
lui

qui l'allume donne pour objet l'infini


et

Dieu
vivant voilà notre conscience morale radica
et
,

en

lement transfigurée ses bases d'appréciation


en

ses points ses principes va


de

en

de

vue directeurs
,

leur
.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 145

La Loi divine incarnant la justice de Dieu s'ap


prêtant à nous punir :. tel est donc le code moral de
la Foi sans amour . Mais si l'Espérance surnaturelle
s'affirme et s'épanouit en nous , nous sommes néces
sairement sollicités à être plus attentifs à la misé
ricorde de Dieu qu'à sa justice ( 1 ) . Nous entrevoyons
qu'en somme sa bonté l'oblige à la justice qui punit
nos fautes , mais que , d'autre part , son amour con
serve la primauté , dans la rédemption qu'Il nous
offre , dans le pardon auquel Il nous appelle , dans le
secours qu'Il nous prête pour la délivrance de nos
faiblesses et la consécration nouvelle de son intimité .
Que cette intimité existe enfin dans un plein re
tour de notre cœur vers Dieu , et voici une transfor
mation absolue dans les profondeurs mêmes de notre
conscience (2 )
Devant la Charité , la Loi ne peut plus apparaître

comme une consigne désobligeante infligée par un


Dieu prêt à punir.
La crainte « servile » médiocrité qui a sa va
( 1) « In Deo considerandum est et justitiam secundum quam
peccantes punit et misericordiam secundum quam nos liberat .
Secundum ergo considerationem justitiae insurgit in nobis timor .
Secundum ergo considerationem ipsius misericordiae insurgit in nobis
II , , ,
spes , » ( « IIae Qu . XIX a . 1 ad 2. )
(2) Les «habitus » des vertus théologales de Foi , d'Espérance et de
Charité nous sont donnés ensemble et en même temps que la grâce
sanctifiante , les Dons du Saint - Esprit et les Vertus morales «infuses ».
Mais il reste que , dans l'ordre de genèse, les attitudes d'âme pro
duites par chacune des vertus théologales doivent être distinguées
l'une de l'autre : nous croyons , nous espérons , nous aimons . Rappe
lons aussi que c'est l'épanouissement de la Charité qui donne leur
perfection à la Foi et à l'Espérance (Cf. Ia IIae , Qu , LXII , a . 4).

LA CONSCIENCE MORALE , 10
146 LA CONSCIENCE MORALE

lear d'influence , mais enfin médiocrité doit faire


place à la crainte filiale » qui n'est pas autre chose
que l'application attentive de l'amour à ne pas
blesser l'amour .

Si nous aimons Dieu parce que nous avons re


connu sa bonté , si nous l'aimons en lui -même et pour
lui

même péché certes doit être redouté par


le

,
,

,
-

doit l'être jusqu'à l'horreur peur


et

nous mais

la
il

;
,

de
de

la
qui nous saisit lui vient moins
en

face
punition nous menace que

de
dont faute

la
il
«

»
qu'il contient Cette fois notre cæur s'afflige

du
péché
,
.

comme d'une offense directe Bonté l'Amour


la

et
à

,
rupture d'une amitié qui nous donnait
de

comme
la

Bien suprême possession même


de
Dieu
le

la

1
(
.)
:

Cette crainte filiale qui applique notre conscience


de

l'observance Loi divine n'est qu'une consé


la
à

quence d'un mouvement plus essentiel Nous crai


.

gnons d'offenser Dieu parce que nous l'aimonsc'est


,

donc que preuve


véritablement nous l'aimons
la

Nous aimons avant d'appréhender les défaillances


de notre amour nous voulons être fidèles avant
:

d'envisager nos possibilités d'inconstance


.

première impulsion
de

de

Car l'amour est rendre


la

de

en

l'amour donner retour du don La Charité


>
,

.
, ad

Quandoque homo propter mala quae timet Deum conver


1
et «
(
)

titur inhaeret quod quidem malum est duplex scilicet malum


et ei

ad

poenae malum culpae ergo aliquis convertatur


ei
et

Deum
Si
.

inhaereat propter timorem poenae erit timor servilis autem


si
;
,

propter timorem culpae erit timor filialis nam filiorum est timer
e
) ;
,

offensam patris Ilae Qu xix


II

2.
»

a
,

,
(
.

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 147

pour Dieu devient ainsi en nous l'amour premier


qui éclipse tout amour contraire et ramène nos
l'unique complai
les
complaisances plus légitimes

à
les

en
sance qui rassemble toutes nous fixe l’ama

et
bilité divine n'y plus pour nous qu'un raison
Il

a
.

d'agir qui engage avec elle toutes les autres raisons


d'agir

de
con

et
Nos élans vertueux nos mobiles
.
ce ne

duite peuvent plus présenter que cette forme

:
servir Dieu aimé en ordonnant tous nos actes

à
nous unir Lui sécurité d'une réciproque
la

dans
à

amitié
1
(
)

Motrice
et

ordonnatrice de toute notre activité en


Charité un reten
la

vue de notre fin surnaturelle


a
,

jugement
de

tissement direct sur notre conscience


le

:
jugement une valeur première
ce

elle pose devant


qui doit l'emporter sur toutes les autres valeurs et
les mesurer toutes
.

juge
de

Mais avant suivre cette influence dans


le
,

de

ment immédiatement pratique notre conscience


,

lumière que Cha


de

insistons sur renforcement


à le

la
de

rité apporte Règle même conscience


la
la

Loi divine
la

c'est dire
à

.
-
-

quod dat actui ordinem ad


id

Oportet quod
in

moralibus
, (1
«
)

formam Manifestum est quod per charitatem ordi


et
ei

finem det
.

et

nantur actus omnium aliarum virtutum ad ultimum finem secun


dum hoc ipsa dat formam actibus omnium aliarum virtutum
»
om '

--- actibus omnium virtutum est for


In

QU XXIII
**
id II
II

«
8
a
,

ex ,
*
(

.
).

parte caritatis pro tanto dicitur forma


et

male quod est


;

quantum scilicet omnes actus omnium virtutum


in

nium virtutum
,

summum bonum amatum Quaest Disp De Cari


in

ordinantur
»
(

.
.
un

3.

late Quaest
a
,

.,

)
.

.
148 LA CONSCIENCE MORALE

3. LA CHARITÉ E'I LA LOI DIVINE

Si j'aime Dieu dans la ferveur de la Charité , ma


Foi en lui et en son plan d'amour sur moi s'illumine
singulièrement Car l'amour , dès qu'il prend son ar
.

deur ,entre dans une impatiente curiosité de connaî


tre de mieux en mieux l'objet de sa complaisance .
Aimant Dieu qui m'attire à Lui en me donnant
une Loi dont l'observance est la plus sûre garantie
de le posséder, comment ne serais - je pas en perpé
tuelle émulation d'en connaître la teneur complète
et les multiples prescriptions , de demander à l'en
seignement qui me la transmet et à toutes les sour
ces qui me la révèlent et me l'expliquent , déli les
je

précision dont
de

catesses suis avide Connaîtrais


?

jamais Dieu qui m'aime qui


je

ce

et

donc assez
lui

moi que prouve mon amour


de

je

attend
?

Dieu facilite encore cette pénétrante intelligence


l'idéal surnaturel par les dons d’In
de

de

Sagesse
,

de

telligence Science qui sont comme autant


de
et

Saint Esprit
du

divinations motion des


la

sous
,
,

ineilleures règles d'une conduite morale inspirée par


la

Chạrité
1
(
.)

Sagesse s'ils sont pre


de

, de

Les Dons d'Intelligence


et

Science
1

,
(
)

la

mièrement ordonnés vie contemplative n'en sont pas moins


à

pratiques par extension de même que Foi dont ces mêmes Dons
la
«

corroborent les certitudes Dans IIa IIae Qu VIII


la

saint
4
a
,

au ,
.

Thomas fait une belle synthèse des Dons intellectuels tant point
de

de

de

pouvons
ne

vue vie contemplative que


la

vie active Nous


la

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 149

Si la Charité me presse de son insistante ardeur ,


ne serai - je donc pas attentif à deviner toutes les exi
gences de la volonté de Dieu exprimées dans sa Loi ,
à en scruter les raisons d'opportunité et de conve
À

les
nance à
, approuver motifs mêmes qui
lesont amené
Dieu poser préceptes dont l'accomplissement
à

m'assurera vie éternelle pas encoura


la

Ne serai

je
?

-

apprécier mes devoirs mes obligations mes


à

,
charges mes emplois jusqu'à ma tâche banale

et
et
,

journalière dans cette vue sagesse qui n'approuve


de

que dans
où ra

mes visées mes intentions mesure

la
et

elles porteront vers Dieu Engagé dans mo

la
se

notonie des jours l'encombrement des événements


et

j'échapperai leur contingence


humains leur et
en à

à
,

je

matérialité serai garde contre leurs risques


,

Foi m'avertira
de
mon esprit
de

leurs
et

leurs pièges
;

le lui

leurs dangers Dieu


de
et

tentations même me
.

en
de

garantira opportunément servir


la

science
l'aimant
1
(
)

au

Ainsi rayonne dans


de

lumière sommet ma
la

expression
de

Loi divine
la

conscience raison
la
,

éternelle Ma Charité n'a plus qu'à presser ma propre


.

de

développer lumière qu'apporte


ici

toutes les ressources direc


la
à

tion de notre vie morale l'exercice des Dons afférant aux vertus théo
logales Cette remarque vaut d'ailleurs pour tout cet article qui vise
.

surtout donner schéme général de conscience surnaturelle


le

la
à

,
en

ses articulations principales qui s'abstient par principe


et

vue
,

de trop longs développements


.

Sur l'orientation pratique des Dons d'Intelligence


. de

Sagesse
3 et

-
1

,
de etde (
)

Science voir pour Don d'Intelligence IIae Qu VIII


, II
dele

a
,

le ,
*
. :

pour Don ibid Qu — pour Don


ix

3.

Science
le
4
;

a
.,
; :

Sagesse ibid Qu XLV


a
3
.,

,
:

.
150 LA CONSCIENCE MORALE

raison de l'adopter et de la suivre comme la Règle


première de toute ma vie .

4. LE DISCERNEMENT DE LA PRUDENCE (( INFUSE »

ET LES AUTRES VERTUS SURNATURELLES

La conscience est avant tout le jugement de valeur


de nos actions pratiques . Elle n'en considère la
les

Règle que pour mesurer sur elle par cette com 1

et
,
paraison intelligente les apprécier f
,

.
La

exige l'accomplisse
en

Charité vivant nous


,

,
de

de le
ment toutes les vertus elle nous en donne
;

goût anticipé
et

volonté
la

nous assure efficace


les pratiquer
.

Encore faut que nous abordions cette æuvre


il
-

pratique dans pratique même car


sa

vie morale
la
;

est dans les meurs c'est dire dans déroulement


le
et à
,

-
-

des actions particulières concrètes


.
les

Dieu qui déjà nous octroyé principes fonda


a
,

mentaux de notre vie surnaturelle les Vertus theo


:

Saint Esprit doit


du
les

logales
et

sa

Dons bonté
,

à
-

d'ouvrir encore richesse pour nous donner les prin


sa

qu'il attend
de

cipes plus immédiats des æuvres


mystère l'amitié qu'il
de

nous nous révélé


Il

le
a
.

de

nous prépare
et en

notre volonté désir


le

mis
il
a

,
;

répondre ses avances l'espoir d'y atteindre par


à

son secours attisé dans notre cœur flamme


la
,
il
a
;

ardente d'un amour qui répond


au

divin amour Dieu


.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 151

nous a tout donné : la Foi , l'Espérance , l'acte même


d'amour que nous avons pour Lui . Or, cet amour

d'a
veut aboutir et , pour mériter Dieu , réussir tout
vie telle que

de
bord sanctification demande

le
la

la
la

Loi
de
même Dieu

.
de

Mais sans nouveaux dons divins comment cette

,
,

serait elle réali


pratique
de

œuvre sanctification

-
sable Soulevés vers Dieu par des énergies qui né
?

Lui tant nos capacités


de
cessairement dérivent
,

ici
naturellessont défaillantes nous retomberions

,
,

encore dans une impossibilité radicale s'il fallait

,
,

par nos propres forces diriger conduite surnatu


la
,

relle qui maintenant nous oblige Notre prudence


,
ne

humaine dont myopie peut voir plus loin que


la
,

ne

nos commodités raisonnables saurait aspirer

à
,

réglementer une vie qui pour exemplaire mo


et
a

Et

pourquoi
de

dèle vie même Dieu c'est celui


la

grâce non seulement les


sa

nous donne avec


ci

,
,

les

Saint Esprit
du

Vertus théologales
et

Dons
,
-

mais toutes les Vertus morales infuses c'est


à
«

»,

-
.

dire l'organisme complet


de

vie surnaturelle
la

1
(
).

Cum caritate simul infunduntur omnes virtutes morales


1
«
(
)

Cujus ratio est quia Deus non minus perfecte operatur operibus
in in

gratiae quam operibus naturae Sic autem vidimus operibus


in

naturae quod non invenitur principium aliquorum operum aliqua


in
,

quin inveniantur
ea

quae sunt necessaria ad hujusmodi opera


in
re
,

perficienda sicut animalibus inveniuntur organa quibus perfici


in
::

possunt opera ad quae peragenda anima habet potestatem Mani


.

festum est autem quod caritas inquantum ordinat hominem ad


,

est principium omnium bonorum operum quae


in

finem ultimum
,

finem ultimum ordinari possunt Unde oportet quod cum caritate


.

simul infundantur omnes virtutes morales quibus homo perficit


singula genera bonorum operum IIae Qu Lxv — Opor
3.
Ia
»

«
,

,
(

)
.

.
152 LA CONSCIENCE MORALE

Dès lors , voici , dans notre conscience , une sécurité


sans pareille pour son labeur de discernement .
La Charité la guide et l'applique aux meilleures
trouvailles pour la réalisation de la vie sanctifiée .
En face d'un but si excellent , nos prudences hu
maines ne seraient plus à niveau . Car , qu'on le remar
que avec soin , il ne s'agit pas seulement , pour ma
conscience , d'ordonner toutes mes actions , quelles
qu'elles soient , au but d'amour que poursuit ma
Charité . Il le faut certes ; mais il faut davantage ,
car ce bien divin à conquérir diffère essentiellement
du bien humain , même le plus raisonnable , auquel
pourrait aspirer mon honnêteté naturelle : les actes
qui m'y acheminent ne peuvent donc plus avoir la
même mesure . Pour ne prendre qu'un exemple ,
l'obligation de la tempérance et sa pratique concrète
diffèreront singulièrement si je me guide , non pas sur
les

principes accommodants
de

ma raison naturelle
,

mais sur Loi divine qui inscrit dans son code


le
de la

précepte pénitence
de
et

mes
Si

mortification
la
la

renoncements aux passions déréglées doivent être


l'hommage
de

la

mon coeur un Dieu crucifié dont


ils à

pureté est sans tache seront autrement sévères


,

j'ai pour avertisseurs


les

que l'hon
de

seuls usages
si

tet quod similiter cum caritate infundantur habituales formae expe


dite producentes actus ad quos caritas inclinat Inclinat autem
.

caritas ad omnes actus virtutum quia cum sit circa finem ultimum
» ,

, ,

importat omnes actus virtutum Quest Disp De Virt Card Qu


.,
(

un art
2
.,

.
).
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 153

les
préceptes conciliants

de
nêteté humaine et

la
la loi
vague naturelle

1
(
).

de
Par vertu infuse Prudence me voici donc
«

,
mis par Dieu au
niveau des exigences d'une Charité
qui cherche dans l'accomplissement

de

Le de
Loi

la
,

preuve

de
Dieu fournir son attachement
la
à
,

.
jugement
de

ma conscience s'éclaire d'une lumière


intérieure dont Dieu lui même entretient clarté

la
-

.
Pour toute æuvre qui concerne mon salut ac

et
doit

ne
croître mon amitié avec Dieu cette lucidité me
,

fait pas défaut tant que ma Charité retient Dieu


présence goûtée con
et

sa

dans mon coeur avec

la
,

,
de

tinuation ses dons


(2
).

Car donation divine n'épuise jamais ses largesses


la
"

.
Pour
de

que mon discernement conscience ait toutes


ses garanties toute action qui rap
de

se

l'endroit
à

porté ma vie surnaturelle non seulement Dieu


à

in
«
,

de

mon intelligence
en

fuse Prudence mais


la

vertu
;
,
»,

raffermit faiblesse des facultés de mon être dont


la
il

les

prudence guidera
la

actes met surnaturellement


Il
.

Virtus infusa acquisita non solum differunt secundum


et
1
«
(
)

I ad

ordinem ultimum finem sed etiam secundum ordinem ad propria


, ,

objecta
unad

Voir également Quaest


II

Qu LXIII
»

., 1
a

in ,

. 4,
(

.)
.

.
.

Disp De Virt
10

10

ad
et

com Quaest ad
8
a
.,

.
) .

Ille qui baptizatur simul cum caritate recipit


«C

prudentiam
et
,
2
(

et ut
et

omnes alias virtutes sed de necessitate prudentiae non est


;

homo sit bene consiliativus puta


in

in

omnibus mercationibus
,

hujusmodi sed
ad

his quae sunt necessaria


et

rebus bellicis salu


in
,

quod gratia quantum cum


in

tem non deest omnibus existentibus


;

: ,

Joan III
27

que sint simplices secundum illud Unctio docebit


,

,
I

.
de

aliquibus baptizatis impediatur actus


in

vos omnibus nisi forte


;

prudentiae propter corporalem defectum vel aetatis sicut pueris


» in
,

vel pravae dispositionis sicut phræreticnis


2. in

et

morionibus Quest
. ,

(
.

disp De Virt Card Qu


1.

ad
3
a,
.

.
154 LA CONSCIENCE MORALE

les
en elles des dispositifs stables qui rendront souples
aux injonctions ma conscience éclairée par l'esprit

de
de Foi

de
vertu Justice dans ma volonté les ver
la
:

,
Tempérance Force dans mes puissances
de

de
et
tus
affectives sensibles
et

de

de
Car n'en doutons pas c'est ces centres


,

,
l'esprit

il où
profonds chair s'insurge
contre
la

,
orgueilleux où

sa
moi rumine domination
le

,
nous paraît logique piétiner tout qui fait obs
de

ce
notre bien individuel où des frénésies

de
tacle
à

,
basses jouissances nous dévorent

de
leurs ardeurs

,
tous ces foyers concupiscence d'orgueil,
de

de

c'est

,
goïsme que sortent les nuages qui ob
de

révolte
et

d'énubilent notre conscience les tyrannies qui

es
,
les

dompter sursauts qui


de

font cha
et

saient
la

la
virer
.

Comment pourrait s'établir une habituelle recti


jugement conscience tant que ces con
de

de

tude
traditions ne seront pas mises même d'être sur
à

montées
?

un

Nous acquiescons plus volontiers comman


à
va

qui déjà
de

dement dans nos attraits


Si
le

sens
.

nous avons progressé dans nos mau


et

vertu
la

si

vaises tendances ont émoussé leur vigueur nos ver


,
de

de

dicts conscience heurtent moins résis


se

développent sont plus


ils

et

tance leur assurance


,

forts s'imposer vertu parfaite appartient


la

la
A

,
à

parfaite
de

rectitude conscience
la

1
(
.)

De fine habet aliquis rectam existimationem per habitum


1
«
(
)
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 155

Il en est de même dans l'ordre de notre activité


surnaturelle .

C'est notre Charité qui oriente notre conscience et


l'applique au discernement de l'action sanctifiée .
Pour qu'un tel discernement soit habituellement sûr
de ses visées , sans risque d'un
échec , au milieu des
multiples obstacles qui entourent nos actions , Dieu ,
qui l'appuie de sa grâce, le corrobore au surplus par
la garantie des Vertus morales « infuses ». Celles- ci ,
par leur présence même , mettent , en des puissances
rétives à la domination de l'esprit , l'apaisement et
la au
les

de
la vigueur qui adaptent régime normal
l'obéissance Chez vertueux conscience surnatu
le

,
.

va
ou
de
turelle n'a pas craindre d’être obscurcie
à

de

Loi Dieu
sa

Charité l'excite observer


la

ciller
à

,
:

de

l'attrait ressenti vertu assure l'appréciation


et

la

judicieuse des actes commandés par l'amour


1
(
)
.

III
ut

quia Philosophus dicit Ethic cap


in

virtutis moralis
v
a
;

(
; .

Qualis unusquisque est talis sicut vir


et

ei

med finis videtur


,
.)
:

ut

tuoso videtur appetibile finis bonum quod est secundum virtu


,

de

vitioso illud quod pertinet ad illud vitium


et

est simile
et

tem
;
;

gusto infocto sano Unde necesse est quod quicumque habet pru
et

dentiam habeat etiam virtutes morales similiter etiam quicumque


,

habet caritatem oportet quod habeat omnes alias virtutes Quaest


de »
,

Ia ,
(

. .

Voir encore
un

II

dips De Virt Card quaest Qu


2.

e,
*
a
2. .,

.,

)
, .

et .

Lire les remarquables commentaires Cajetan


3.

LXV
2
a
1,
.

voir un résumé
et

Dans commentaire de l'art


le

sur les articles


1

2,
.

et

concis de connexion de toutes les vertus morales entre elles


la

X ...

dans Charité Secundo averte etc.


la

»
:

Voir plus loin aux chapitres XI de plus longs déve


et

. ,
1

,
(
)

loppements sur les Vertus morales infuses


»
a
156 LA CONSCIENCE MORALE

5. LE DISCERNEMENT SURNATUREL
ET LE DON DE CONSEIL

Dieu va plus loin encore dans cette sollicitude


dont il entoure notre conscience .
Même dirigées par les ferveurs et les intuitions de
la Charité , même assurées en leur rectitude parl'at
trait de toutes les vertus , nos prudences humaines
restent parfois tremblantes et hésitantes . Nos actions
aux circonstances qui

les
prennent accompagnent
des aspects imprévus déconcertants qui mettent
et

défaut nos inquisitions les plus minutieuses


en

et et
nos
les

conseils plus avisés Nos règles morales nos


.

nos lois générales nous apparaissent pas toujours


ne

,
dans une claire vue d'esprit rejoindre leur applica
,

de
et

tion nous est souvent difficile connaître notre


il
,

se

devoir Certaines obscurités lèvent en face de nos


.

ac
et

meilleures intentions nous font hésiter telle


:

tion qui nous appelle est elle voulue


de
et

agréée
-

ou

Dieu ordonnée par Loi défendue par elle


sa

?
,

Notre Charité exige une solution qui parfois échappe


aux perspicacités les plus attentives
de

notre raison
.
en

Dans pareille
et

l'ordre humain occurrence


de ,

plus intelligents
de

et et

nous demandons conseil


à
à

plus adroits que nous Dans l'ordre surnaturel vis


.

vis d'une conduite toute individuelle qui intéresse


à
-

notre salut personnel ces bons conseillers n'abondent


,

pas Même Providence nous ménage pater


la

la
si
.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 157

nité dévouée de leur vigilance , il arrive que leurs avis


ne peuvent pas toujours être immédiatement solli
cités . Or , l'action nous presse : il faut agir , fournir
une réponse, accomplir une démarche , repousser ou
agréer telle ou telle suggestion , dicerner , sans ajour
nement possible , ce qui est en accord ou en désac
cord avec la Loi de Dieu , ce qui est conforme ou non
à sa volonté . Comment la bonté divine ne viendrait
elle pas au- devant de cet amour pour prêter secours à
sa faiblesse ( 1 ) ? Avec la Prudence « infuse », Dieu
nous octroie le Don de Conseil . Il devient lui -même
notre conseiller . La Sagesse éternelle se fait notre
sagesse et la règle suprême de toute rectitude ; l'In
telligence , qui comprend et scrute toutes choses en
ses profondeurs , prête à notre intelligence , par la
mystérieuse motion de l'Esprit - Saint , une perspicacité
les

suraiguë dans voies qui nous mènent Dieu


2
à

(
).

ressentons pas
ne

De cette motion nous touche


la
,

mais seulement les effets nos incertitudes tombent


,
:

Prudentia vel eubulia sive sit acquisita sive infusa dirigit


(1
«
)

quae ratio compre


ea

hominem inquisitione
in

consilii secundum
fit

hendere potest unde homo per prudentiam vel eubuliam bene


:

consilians vel sibi vel alii Sed quia humana ratio non potest com
.

fit

prehendere singularia contingentia quae occurrere possunt


et

quod cogitationes mortalium sunt timida incertae providentiae nos


et
,

Et ideo
a ut

ix

dicitur Sap indiget inquisitione consilii


fit in

trae homo
,

.
.

dirigi Deo qui omnia comprehendit Quod per donum consilii


,

,
.

per quòd homo dirigitur quasi consilio Deo accepto Sicut etiam
a

rebus humanis qui sibi ipsis non sufficiunt


lii in

inquisitione
• in

consi
sapientioribus consilium requirunt II® Qu LII
II
) 1. a

a
,

1,
(
.

ad
« )

Ratio aeterna est suprema regula omnis humanae rectitudi


. (2

nis ideo prudentia quae importat rectitudinem rationis maxime


Et
,

perficitur juvatur secundum quod regulatur Spiritu


et

., et

movetur
a
ad

quod pertinet donum consilii Ibid


2.

Sancto
»

a
;

)
.
.
158 LA CONSCIENCE MORALE

les voiles obscurs se déchirent , l'anxiété du doute


se change en la paix de la certitude ; une illumi

nation se produit qui éclaire opportunément la déci


sion à prendre . Le jugement de notre conscience se
rassure dans une intelligence nette de ses motifs et
dans la conviction de sa propre évidence ( 1 ) .

La conscience surnaturelle reste donc , en son fond ,


un jugement de notre raison qualifiant la moralité
de nos actes . Ce jugement tient sa perfection de son
excellence surnaturelle .
La base d'appréciation de ce jugement de valeur
les

ne réside plus dans préceptes moraux que notre

de
raison découvre comme les premiers principes
La Loi divine absorbe dé
et

l'honnêteté ceux les


ci
-
.

fin

surnaturelle qu'elle
de

de

passe toute hauteur


la

la

doit servir qui communication par'la grâce


et

la

est
,
de

de

gloire Dieu La Foi fixe


et

le

vie même
la

la
,

Loi di
de

regard
de

notre conscience sur cet idéal


la
de

vine expression raison éternelle règle suprême


la
,

,
de de

et

conduite sanctifiée raisonnable des enfants


la

Dieu Et puisque Dieu qui


ce

promet
se

nous
à
,
.

,
de

nous donne l'Espérance posséder puisque enfin


le

,
;

nous l'Amour qui nous attache


en

met son ama


Il

en à

bilité infinie comment cet espoir fort certi


sa
,

agendis per hoc quod seda


in

Mens viatorum movetur Deo


1
«

a
(
)

tur anxietas dubitationis


in

eis praecedens
3.

Ibid
a
.,
(

)
.

.
LA CONSCIENCE MORALE SURNATURELLE 159

tude , comment cet amour puissant en sa ferveur ne


reflueraient - pas sur notre esprit pour l'appliquer
ils

,
par les dons d'Intelligence

de

de
et
Sagesse Science

,
,
au les
mieux comprendre prescriptions d'une Loi des
à

notre espoir

de
tinée nous conduire terme même
à

et de notre amour
de ?

cette Loi sous l'impulsion

de
Sous lumière
la

conscience apprécie ,

de en
cet amour connaissance
la

,
,

de cause les réalisations concrètes vie sanc

la
tifiée elle stimule énergiquement l'action qui sera
;

ML

et du
l'expression plus vraie plus affectueuse
et
la
la

OL
service de Dieu Les Vertus Cardinales infuses
«

»
.

Don
le

de Conseil assureront cette fonction essen


en

Pru jugement
de

de
tielle
la

conscience savoir
le
,

dence surnaturelle qui aura pour mot d'ordre


la
,

Loi divine pour excitant Charité pour appui tou


la
,

tes les autres Vertus enfin pour suprême garan


de et
,

tie lumière même l'Esprit Saint


la
,

sa -

La conscience chrétienne
en

en

genèse comme
,

ses progrès perfection


en

donc l'œuvre
et

de sa

est
,

grâce
de

entière Dieu
la

.
CHAPITRE VIII

L'unité de la conscience morale .

SOMMAIRE :

LES ASSISES NATURELLES DE LA CONSCIENCE MORALE . LES


ÉNERGIES VERTUEUSES DE LA CONSCIEN CE MORALE NA
TURELLE . LA CONSCIENCE SURNATURELLE CONSACRE ET
AGRANDIT L'IDÉAL MORAL .-- REHAUSSEMENT DES TENDANCES
VERTUEUSES DE LA CONSCIENCE PAR LES VERTUS SURNATU
RELLES .

Toute notre activité morale relève de notre cons


cience . Celle - ci organise notre action et la juge d'a
près les lois de l'honnêteté naturelle ou d'après celles
que nous promulgue la Foi surnaturelle . N'exigeons
pas chez quelqu'un , la croyance à une destinée éter
lui

nelle pour que vive en une conscience d'honnête


homme En revanche sachons qu'avec Foi surtout
la
,

,
.

se

Charité vivifie notre conscience morale


la

la
si

transfigure modifie ses bases d'appréciation


et

ses
,

directives pratiques
.

Mais alors comment s'accordent chez croyant


le
,

,
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 161

sa conscience d'honnête homme et sa conscience


de chrétien ?
Agissent -elles isolément sur des lignes parallèles
mais indépendantes ?
L'idéal serait - il d'être stoïcien et chrétien tour à
tour , de pouvoir en appeler arbitrairement et ca
pricieusement , selon le gré du moment , tantôt à des
mobiles purement naturels , tantôt à des mobiles sur
ses

naturels pour régenter actions


? suscepti
Ou bien ces deux consciences sont elles
,

-
de

de

bles s'harmoniser s'emboîter l'une dans l'autre


,

,
j'ose parfaite unité

de
dire afin d'assurer
si

la

la
,

vie morale
?

Tel problème résoudre


le

est
à

faut comparer entre elles ces deux consciences


Il

,
en

saisir les points


de

voir comment
et

contact
leurs activités peuvent fu
et
la se

subordonner même
de

sionner pour garantir


la

direction unifiée
conduite
.

LES ASSISES DE LA CONSCIENCE MORALE


1.

NATURELLE

que conscience d'un honnête homme


la

Qu'est
ce

?
-

pourrait
résumer ainsi ses manifes
on

Peut être
-
-

plus clairvoyance
du

tations les générales devoir


,
:
du

énergie fervente pratiquer


le

amour bien
à
,

LA CONSCIENCE MORALE 11
.
162 LA CONSCIENCE MORALE

Il serait exagéré de dire que tout homme naît


honnête . Du moins , tout homme naît capable de le
devenir .
Nous ne vivre sans avoir l'instinct de
pouvons
vivre ; nous ne pouvons conserver notre être et le
développer par nos multiples activités sans y être
poussés par l'amour de la perfection qui en résulte
pour nous et qui est notre bien . Désir de notre bien ,
appel continu à notre bonheur : voilà l'animation
foncière et excitante de toutes nos actions .
Au centre de nous -mêmes , se tient la faculté qui
éclaire et dirige notre universelle activité : la raison ,
loi

Nous ne pouvons échapper à la que décrète natu


esprit vouloir pour nous
de

rellement notre bien

le
rechercher notre bon
de

qu'approuve
et

notre raison
même que notre
de

heur dans nos actions raisonnables


,

intelligence découvrant l'univers qui l'entoure tend


,
,

organise toutes
et
sa

satisfaire curiosité connaître


à

ses connaissances d'après les premiers principes


l'acquisition
de

évidents qui président vérité


la
à

bien raisonnable obli


du

Conviction spontanée
gatoire désir naturel d'accomplir par
ce

et

bien
,

bonheur qui convient propre


la de

en

rencontrer
le

à
les

nature humaine tels sont premiers linéa


:
et

les assises fondamentales conscience


la

ments de

morale
).1
(

Virtus est homini naturalis secundum quamdam inchoatio


. )1
«
(

nem Secundum naturam speciei quantum


in

in

ratione hominis
,

insunt naturaliter quaedam principia naturaliter cognita tam scibi


.
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 163

Ce décret et cet amour de l'action raisonnable


sont propriétés essentielles et nécessaires de notre
nature . Tout homme , doué de raison et capable
de l'exercer normalement , ne peut manquer de
cet instinct profond du bien , ni le perdre complè
tement , car , encore une fois , c'est une des premières
fonctions de la raison d'en affirmer l'obligation ( 1 ) .
La faute morale est l'éclipse momentanée de cette
lumière de notre esprit par le triomphe passager
d'une concupiscence sur l'injonction habituelle de
la conscience : un bien particulier, offrant une satis
faction immédiate ou un plaisir capiteux , l'emporte ,
dans la balance du choix , sur le bien du devoir rai
sonnable qui formule en nous son intimation par un
verdict abstrait . Cependant , à l'instant même du
péché, la conscience n'abdique pas entièrement ;
car elle proteste par le remords et , au nom de l'idéal
moral impossible renier , flagelle la faute . Les
à
péchés accumulés habitudes vicieuses les plus
, les

invétérées ne sauraient étouffer absolument cette voix


de la conscience dénonçant l'exigence du bien . Chez
l'individu le plus taré , la conversion morale est tou

lium quam agendorum , quae sunt quaedam seminalia virtutum


intellectualium etmoralium ; et inquantum in voluntate inest qui
dam naturalis appetitus boni quod est secundum rationem » ( I * IIA O
Qu . LXIII , a . 1). — Cf. Comment , de Cajetan in Ia IIae >
, Q. LXVI , a . 3 ,
Dº XII .
(1) « Impossibile est quod synderesis extinguatur : sicut impossi
bile est quod anima hominis privetur lumine intellectus agentis , per
quod principia prima in speculativis et operativis nobis innotes
cunt ; hoc enim lumen est de natura ipsius animae , cum per hoc
sit
Q.

Qu Disp De Verit
3.

inte ectualis XVI


»

.,

,
a,

)
(

.
.
164 LA CONSCIENCE MORALE

jours possible et l'on n'a jamais le droit d'en déses


pérer ( 1)
L'honnête homme est celui dont la conscience
est à même d'imposer un ordre de moralité à toutes
ses actions .
Pour atteindre cette perfection ou même seule
ment en approcher , il faut toute l'expérience et
toute l'assurance de la vertu éprouvée .
La vie morale n'est pas dans l'abstrait , mais dans

nos
nos mæurs quotidiennes . La clairvoyance de
devoirs particuliers
et

courants tels que les précisent


,

les circonstances changeantes qui nous entourent

,
n'est pas faite seulement des principes généraux

ses de
en
moralité tels que notre intelligence d'enfant
la

,
pu

premières réflexions vaguement les découvrir


a
,

par
est

point
au
les

comprendre Elle
et

loin d'être
.

préceptes que
de

les moralité nous successivement


a

détaillés inculqués l'enseignement que nous avons


et

de

que nous précise chaque jour fait


le

reçu vivre
et

les
de en

contact avec autres hommes d'être témoin


,
les

leurs actions d'entendre appréciations


et

qu'en
porte l'universel bon sens
.

qui nous viennent


de

Toutes ces leçons morales


du

l'expérience
de

de

notre raison vie milieu


la

et
,

ne

ses suggestions sans cesse renouvelées


de

donnent
,

particulari operabili judicium synderesis extinguitur


In
1
«
(
)

vel

quandocumque peccatur eligendo vis enim concupiscentiae


in

ut

passionis eligendo synderesis


in

alterius ita rationem absorbet


,

universale judicium
ad

particularem actum non applicet Sed hoc


.

non extinguit synderesim simpliciter sed secundum quid Simplici


,

.) .

ter loquerdo synderesis nunquam extinguítur


...

ibid
»
(
.
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 165

encore que des lois générales applicables à tous .


Or, ce ne sont pas des actions abstraites , mais des
actions particulières , telles qu'elles se présentent dans
notre cadre de vie déterminé , que chacun de nous
doit gouverner d'après le discernement de sa cons
cience. C'est dans le détail de notre activité pratique
que notre raison doit décréter le bien raisonnable ,
c'est - à - dire la conformité de tout ce que nous
faisons aux lois de la conduite morale ( 1 ) . Et cette
raison lucide qui désigne ce qui doit être ou ne
loi
du

pas être d'après la bien c'est nous sa

le
,
,

vons l'acte propre


de

conscience
la
,

Mais quoi donc garantira jugement

de
ce

notre
à

perspicacité habituelle pour réglemen


sa

conscience
ter tous les cas possibles les contingences
de
et

notre
sorte qu'il soit prémuni contre toute défail
de

vie
,

tout désarroi quelle que soit


et

lance passion qui


la
,

nous tiraille
et

veuille nous entraîner quelles que


,
ou
les

soient difficultés extérieures intérieures qui


les

souvent s'opposent nos décisions vertueuses


à

plus fermes
?

LES ÉNERGIES VERTUEUSES


2.

DE LA CONSCIENCE MORALE NATURELLE

point que cette parfaite assurance


de

N'imaginons
Operationes sunt singularibus ideo necesse est quod
in

et
1
«

;
(
)

prudens cognoscat universalia principia cognoscat sin


et
et

rationis
II

gularia circa quae sunt operationes


Q.
II

3.

XLVII
»

a
,

,
*

*
(

)
.
166 LA CONSCIENCE MORALE

la conscience dans l'honnêteté intégrale soit æuvre


facile . Regardons - nous nous -mêmes , sans duperie
d'orgueil et en dehors de ce convenu misérable par
lequel nous exigeons d'être jugés par le public tels
que nous ne sommes pås .
Il y a , au centre de notre conscience , une raison qui
approuve l'idéal du bien . De la beauté de cet idéal ,
nos discours sont remplis . Au demeurant , dans le
meilleur de nous - mêmes nous acceptons généreuse
ment et , à certaines heures , nos désirs sont sincères ,
de suivre en tout cette notification du bien raisonna
ble . Et puis , à côté de cette raison droite qui est la
conscience elle -même , il y a la même raison qui pac
du
les

tise avec attraits mal Nous désapprouvons


.

nos complaisances égoïstes


ou

et
sensuelles nous res
de

tons sous charme leurs attirances Bien mieux


le

,
.

notre intelligence elle même s'ingénie les faire va


à
-

loir Nous raisonnons en faveur d'un acte moral dont


.

même temps
en

l'honnêteté nous est évidente


et
,

passion que cet acte


en

de

nous raisonnons faveur


la

que
ce

devrait interdire Cette lutte entre commande


.

qui nous agrée entre


ce
et

et

devoir sacrifice
le

le
le

et ,

plaisir entre l'abstention l'assouvissement est


,

journalière
de
et

l'histoire douloureuse notre vie


morale
,
Le

vertueux est celui qui tout mor


en

sentant
le
,

n'y succombe pas parce


de

dant
la

tentation
,

qu'en lui conflit des jugements


ce

conscience dans
la

pour ou contre dernier mot La


le

résistance
la

à
,

.
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 167

conscience de l'honnête homme est celle qui impose ,


avec sécurité et en toutes circonstances , le jugement
péremptoire en faveur du bien .
Or, d'où proviendrait une telle fermeté , sinon d'un
préalable et long entraînement à la vertu ? Cette
conscience éprouvée et prête à tout acte moral , quel
que soit le sacrifice demandé , suppose qu'à travers
les sacrifices antérieurs et successifs , la plus -value
toujours accordée aux motifs du bien et le refus
toujours opposé aux motifs du mal ont fini par
créer un goût prépondérant , un amour décisif et
une triomphante volonté .
Tant de fois la conscience a pris barre sur l'attrait
désordonné , tant de fois elle a supprimé l'action qui
appelait le plaisir , tant de fois , dans les occasions
les

simples comme dans plus complexes elle


,

de a
imposé décision victorieuse qu'il est naturel
sa

lui voir obtenir pour son compte


de

résultat tout
le
,

et

entraînement habituel sécurité facilité


le
la

la
,
:
de

contentement l'action
(1
).

Par cette droiture qui s'accroît constamment


à
,

mesure que toutes les vertus progressent cons


la
,

sa

cience de l'honnête homme renforce sans arrêt


plus grand
en

perfection nombre
et

accumule les
chances de ses réussites morales
.
au

S'habituer prix d'un courage continu gouver


,

à
,

qu'à
ne

lui céder
et
sa

ner sensibilité bon escient


à

imposer sans trêve ses paroles ses actes l'obser


et
à
à

Cf. Qu Disp De Virt


Q.
in

com
1

1
a
,

.,

1,
(
)

.
.
168 LA CONSCIENCE MORALE

vation stricte de la justice pour tous , refouler sans


relâche son amour - propre , son orgueil et sa vanité ,
modérer les excès du bien - être , de la gourmandise et

-
de la sensualité , refréner ses impatiences et ses colères
et ainsi se tenir obstiné à l'accomplissement
bien en toutes les occasions , quels que soient les obs
du

tacles , les craintes , les menaces ou les difficultés ,


suppose une intelligence peu commune du devoir mo
du
ral

un

amour bien qui prévaut sur tout autre


,

complaisance enfin une parfaite intrépide énergie

et
la ,

pratiquer vertu
à

1
(
.)

Telle est conscience de l'honnête homme


la

.
LA CONSCIENCE SURNATURELLE
3.

CONSACRE ET AGRANDIT L'IDÉAL MORAL

En devenant chrétienne conscience morale ne


la
,

change pas son allure intime


ni

son mouvement
,

psychologique Elle demeure un discernement actif


.
du

de

devoir moral mais cette fois sous pression


la
,

Prudentia sine virtute morali esse non potest Cujus ratio est
1
«
(
)

uni
in

quia prudentia est recta ratio agibilium non autem solum


;

particulari quibus sunt actiones Recta


in

versali sed etiam


in
,

principia
ex

praexigit quibus ratio procedit Sicut


...

autem ratio
habendum circa principia particularia
, se

homo disponitur ad recte


agibilium quae sicut fines oportet quod perficiatur per aliquos
,

habitus secundum quos fiat quodammodo homini connaturale recte


de

fine Et hoc
fit

judicare per virtutem moralem virtuosus enim


:
.

recte judicat de fine virtutis quia qualis unusquisque est talis finis
III
,

Ethic Et ideo ad rectam rationem agi


ut

dicitur
in

videtur
ei
,

bilium quae est prudentia requiritur quod homo habeat virtutem


,

De
-
Q.

Q.

LVIII Cf. Ibid


II

5.

moralem LXV
I.
»

a
,

.,

,
*

I, *

.
., (I

Virtut Card
Q.

2
a
.

.
.
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 169

l'amour plus
impérieux que tout autre
de Dieu

amour ,et sous la garantie d'énergies divines qui


donnent son plein maximum à la capacité ver
tueuse .
En passant du point de vue de l'honnêteté natu
relle à celui de la moralité surnaturelle , notre cons

cience ne se rétrécit donc point ; au contraire , elle


s'ouvre et se prolonge en continuité . Elle s'édifie en
de plus vastes proportions , mais sans modifier sa
primitive armature , sinon pour en assurer davantage
la résistance et la solidité .
Quelles sont les bases de la conscience honnête ?
Ce sont d'une part , le principe premier formulé par
::

toute raison normale , savoir : « il faut faire le bien » ;


(

d'autre part , l'amour spontané , la tendance volontai


re vers la réalisation pratique de ce bien .
Ce premier décret du devoir humain se développe
bientôt en des applications immédiates ou dérivées
les

que découvre la réflexion lorsqu'elle envisage


au

vie qui doit être soumise gouver


la de

conditions
la

nement de raison
.

Les préceptes du Décalogue tout au moins dans


-

leurs prescriptions représentent cette


S

générales
honnêteté naturelle telle que peut démontrer
la

la

sagesse humaine
1
(
).

Au fait notre conscience n'a pas été formée par les


,
de

moralité naturelle La grâce


de

Foi
la

seules lois
la

.
C1

ve
II

Utrum omnia praecepta moralia


C.

3.

Qu
1

«
I•

,
*
(
)
.

teris legis reducantur ad decem praecepta Decalogi


»
.
170 LA CONSCIENCE MORALE

nous a été donnée au baptême , et lorsque notre raison


s'est ouverte à l'intelligence de ce que nous ensei
gnaient nos éducateurs , ce fut pour apprendre que
Dieu lui -même s'est chargé de préciser la loi mo
rale qui doit guider notre vie . Cette Loi divine
nous l'avons su en même temps a pour programme
-
de nous conduire à une destinée extraordinaire à la
quelle nos désirs les plus exigeants de bonheur n'o
seraient prétendre . Nous sommes conviés à vivre
avec Dieu , dans l'intimité de son amitié ; et le code
de la morale surnaturelle nous notifie la façon prati
que de vivre pour aboutir à cette béatitude sans
pareille .
Or , la Loi divine aa deux tables , et la première con
tient le Décalogue . Pour avoir le droit d'être éternelle
ment béatifié en la vision de Dieu , il faut nous ré
soudre à vivre en honnête homme . Il faut davantage
sans doute , et des préceptes positifs viennent s'ajou
loi

ter aux préceptes de la naturelle En vue d'une


.
fin

plus haute
ne

faut pas que les moyens


se
il
,

transposent
?

Disons même que notre intention morale


ne

doit
du

plus être seulement d'obéir aux injonctions devoir


Dieu qui
au

prescrit par notre raison mais d'obéir


,

première volonté est


de
et

nous aime dont nous


la
loi

voir accomplir une qui est l'expression des exi


de

de

gences mêmes notre nature reflet pensée


la
le
,
de

divine sur nous c'est dire loi éternelle


la
à
,

-
-

n'y pas
de

de

Ainsi donc solution continuité


il

a
,
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 171

entre l'honnêteté et le service de Dieu.La conscience


surnaturelle enveloppe la conscience naturelle , tout
en la débordant . Elle lui ajoute des prescriptions

nouvelles , mais non sans avoir adopté , précisé et

du
les

fait valoir premières obligations devoir rai


sonnable
)1
(

REHAUSSEMENT ÉNERGIES VERTUEUSES


4.

DES
1

DE LA CONSCIENCE PAR LES VERTUS


SURNATURELLES
.
ne

La Foi
*

contente pas
de

nous fournir Loi


se

la
dont l'accomplissement nous vaudra possession
la
de

plus elle fait valoir des motifs


de

Dieu mais
,

singulièrement pressants pratiquer


de

cette Loi
L'honnête homme qui s'éprend du
de

beauté
la

grandeur sti
un
de

de
et

devoir vertu trouve


la

la

mulant qui vaut d'être admiré mais qui est loin


,

d'être toujours efficace


et

entraînant
.
lui
Le

croyant trouve pas seul juge


ne

de

ac
se

ses
,

conscience s'inquiète d'un Dieu qui regarde


sa

tes
le

,
:

et

dans une présence immédiate dans une attention


ne

d'amitié qui laisse rien échapper n'ignore pas


Il
.

que cette amitié est offensée par désobéissance


la
si

Loi justice
de

Dieu doit lever pour frapper


la

la

se
à

Et

de

l'infidélité chacun nous sait très bien qu'en


.
la

Foi tient rôle que prend


la

Dans conscience surnaturelle


le
1

et la ,
(
)

1 de

syndérèse remiers principes


la

moralité dans conscience


la
)
(p

Q.

naturelle Cf. IIae LVI


Ia
,

3
,

,
.

.
172 LA CONSCIENCE MORALE

face de tentations enjôleuses et trop pressantes il


faut , pour rester honnête homme , le rappel des sanc
tions de la justice de Dieu ; car ce n'est pas le
vague sentiment du devoir qui pourrait endiguer
certaines poussées passionnelles , pas plus que le
fétu de paille ne saurait arrêter le torrent .
Ainsi , dans la conscience chrétienne , s'affirme une
objurgation plus pressante au bien par le simple
fait que Dieu est constamment entrevu comme le
gardien de l'ordre moral.
Et , si ce Dieu entrevu n'est pas seulement le
Dieu de la Foi « morte et de la crainte « servile ,
mais le Dieu de la Foi « vive » et de la crainte
u filiale », en un mot , si Dieu est aimé dans la Cha
rité, voici, dans la conscience chrétienne , une impul
sion sans précédent pour l'activité morale ( 1 ) .
La Charité c'est l'amour ; et qu'est - ce que l'amour ,
sinon la mise en commun des pensées et l'union aussi
intime que possible des vouloirs ?
Aimant Dieu par la Charité , j'entre avec avidité
dans tous ses desseins . Toute mon activité ne peut
que s'orienter vers Lui dans une fervente ardeur pour
prouver par tout ce que je fais , combien je l'aime .
,

Est - il possible d'aimer sans être tourmenté du désir


de satisfaire toutes les exigences de l'être aimé ?
Par sa Loi , Dieu me commande en m'aimant , com

( 1) Voir , au chapitre précédent , la différence radicale entre l'é


tat d'âme de la crainte « servile » et l'état d'ame de la crainte
« filiale », au point de vue du motif de la moralité ( ch. IX , pp . 141 .
147 ).
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 173

ment ne lui obéirais - je pas , en l'aimant , dans la


soumission spontanée et totale ?
Or , dans son vouloir d'amour , dont sa Loi est une
expression , Dieu me prescrit non seulement la piété ,

les
le culte , la fréquentation des sacrements , ouvres
charité qui sont
de

et de

en
de religion pénitence

et
,

,
accord avec l'appel grâce vie divine mais
la

de la
à

;
me prescrit encore tous les actes l'honnêteté mo
il

rale auxquels déjà sans Foi ma raison m'astrei


la
,

,
gnait
un
Je

et je le je
déjà

et
suis destiné devenir élu
à

,
.

ici

commence bas mon intimité avec Dieu par


-

goût
en
me complaire Lui mais
de

mon coeur
à

;
n'en demeure pas moins soumis aux difficultés
Je

suis esprit
de

aux devoirs ma vie humaine chair et

,
.

poursuivi
de

attiré versl’Infini vivant désirs finis


et

J'ai une intelligence utiliser pour vérité à et .


la
à

régir
et

un corps une volonté une sensibilité


,
à

au
Je

gouverner vis milieu d'autres hommes avec


.

ou

lesquels
en
je

relations d'intérêt
suis d'affection
.

J'ai fournir des responsabilités indivi


des tâches
à

porter J'ai vie qui


un

de
ou

duelles familiales état


à

m'oblige quotidiennement des besognes assidues


à

minutieuses En un mot j'ai ma très difficile


et

,
.

honnêteté morale assurer dans conflit des


ne le
à

des passions dont l'âpreté


et

devoirs cesse jamais


se

de faire sentir en moi


.
Je

suis appelé
ce je

vie éternelle Puis donc


la la
de à

-
.

me désintéresser vie présente quand sont


,
les

qui
de

mérites celle gagner


la

me feront
ci
-
174 LA CONSCIENCE MORALE

première ? Je dois me conduire en enfant de Dieu ,


mais je ne puis en même temps négliger de me con
duire en homme . Au contraire , ma Charité demande
que cette honnêteté humaine soit par moi pratiquée
dans toute sa perfection et dans ses plus délicates
exigences. Quand Dieu me demande d'aimer mon
prochain par amour pour Lui , est - il possible que je
ne rende pas à ce prochain , par amour pour Lui,
toute la justice que je lui dois dans mes paroles ou
mes actes , dans mes relations d'intérêt ou mes rap
ports sociaux ? Quand Dieu réclame de moi , en
retour du pardon qu'il accorde à mes fautes , quel est
ques privations ou mortifications, possible que il

,
-

l'usage passions
de
et

dans mes moeurs mes j'en

,
, de

freigne les lois Tempérance Quand


la

Dieu
?

prier grâce dans

les
sa

m'invite recevoir
le
à

sacrements l'honorer d'un culte public est pos


à

il
,

-
je

sible qu'en même temps néglige mes devoirs


prenant pas cœur d'assurer tout leur
ne

d'état
à
,

résultat obligé mes fonctions mes occupations


à

,
,

so
et

mes responsabilités individuelles familiales


à

ciales
?

-
-

Un motif supérieur
de

l'amour Dieu vient


-

donc dans conscience chrétienne renforcer l'énergie


la

,
,

volontaire pour pratique


du de

l'honnêteté morale
la

.
Ce

n'est plus seul attrait bien raisonnable qui


le

de

fait rechercher c'est l'amour Dieu dont


le

me
,

n'est plus unique


Ce

désormais mon cœur est rempli


.

qui est
en

ment mon bien humain cause dans ma


L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 175

moralité , c'est mon bien éternel . Que dis - je ? c'est le


bien même de Dieu , puisque , uni à Lui , sa volonté
est devenue la mienne : je ne veux plus que ce qu'il
veut , je n'aime plus que ce qu'Il aime ; mon bien mê
me m'apparaît désirable parce qu'il le veut , parce
qu'll l'aime et le fait sien .
Dans la conscience de simple honnêteté morale
qui vise au bien raisonnable en dehors de tout point
de vue surnaturel , c'est la volonté complaisante en
ce bien qui met en branle et en exercice toute l'ac
tivité morale . Elle applique l'attention de l'esprit au
discernement de l'action pratique et développe l'é
nergie qui assure sa réalisation .
Nous l'avons vu plus haut , ce discernement aura
toute sa perspicacité et cette énergie aura toute sa
sécurité , à la suite d'une longue accoutumance ver
tueuse . Pour que l'esprit soit clair à dicter l'action
morale à travers la complexité de la vie concrète et
malgré le miroitement fallacieux et aveuglant des
passions, pour que la volonté soit ferme à refuser
toute autre séduction que celle du devoir et à opter
sans atermoiement pour le sacrifice au lieu de la
satisfaction , il faut nécessairement que de fortes
les

habitudes aient peu à peu accoutumé passions


au

pas plier régime


de
et

céder raison
la

se
le
à

l'obéissance
.

Dans conscience surnaturelle cette garantie


la

,
de

de lumière force est l'effet des dons de Dieu


la et

Foi
de

grâce but dernier


de

Déjà par notre


la

le
,
,
176 LA CONSCIENCE MORALE

moralité nous est montré en la possession de Dieu ,


et la Loi divine nous est proposée comme la règle su
prême de notre action . Déjà , par la Charité , lors
qu'elle nous prend le coeur à vif et le rassasie dans
le sentiment de la présence divine , se déploie en nous
une efficace et fervente énergie du bien . Mais , parce
que l'action pratique , à cause de sa particularité , est
loin des lois générales et même de l'intention volon
taire la plus ardente , parce qu'elle requiert un dis
cernement immédiat et toujours en éveil , Dieu
achève en nous la perfection de sa grâce . Par les
vertus infuses » de prudence , de justice , de force
«

et de tempérance , il assure à notre Charité la pos A

sibilité de donner sa preuve et de conduire notre vie IF

morale à sa perfection . La prudence « infuse » donne ti


à notre conscience la maîtrise et la sécurité du dis

cernement pratique ; les autres vertus « infuses » ,


par l'équilibre qu'elles apportent à toutes nos éner
gies affectives et volontaires , préviennent les résis

tances susceptibles de faire hésiter le verdict de


notre conscience et de mettre en échec les impa
tiences de vertu que nourrit notre Charité ( 1 ) .
La conscience de l'honnête homme et la cons
cience du chrétien ont donc la même coupe psy
chologique .

(1) « Oportet quod similiter cum caritate infundantur habituales


formae pedite producentes actus ad quod caritas inclinat . Incli
nat autem caritas ad omnes actus virtutum , quia cum sit circa finem
ultimum , importat omnes actus virtutum . » ( Qu.disp . De Virt, Card .,

Qu , un . , art . 2.) Cf, Ia IIae , Q. LXV , a 3.
L'UNITÉ DE LA CONSCIENCE MORALE 177

homme qui n'est pas croyant , la


Chez l'honnête
conscience morale s'affirme par une active et
perspicace clairvoyance raisonnable du bien , sous
l'impulsion d'un amour énergique qui s'applique à
réaliser vivant en chré
ce bien . Devenant chrétien et
tien , l'honnêtehomme ne modifie point l'allure in
time de sa conscience . Celle - ci reste une clairvoyance
au service d'un amour , d'un plus grand amour .
Sans doute , le programme de l'activité morale
s'agrandit et accroît ses prescriptions , parce que
la perfection et la béatitude de l'homme transposent
leurs perspectives ; mais , dans ce programme nouveau ,
est englobé , précisé et corroboré celui de la morale
naturelle . Les actes prescrits à l'honnête homme res
tent prescrits au chrétien .
Cependant , le motif change : nous aspirons à l'hon
nêteté de la vie non seulement parce que nous le
dicte ainsi la sagesse de notre raison , mais parce que
nous y entraîne notre Charité . Dieu nous aime et
nous a donné , pour le servir , une nature humaine .
Comment ne serions - nous pas avides d'épanouir , en
excellence et en beauté , ce premier don de l'Amour
in fini ?

LA CONSCIENCE MORALE . 12
TROISIÈME PARTIE

La conscience pécheresse et la
conscience vertueuse .
CHAPITRE IX

La conscience pécheresse .

SOMMAIRE :

POSSIBILITÉ PSYCHOLOGIQUE DU PÉCHÉ.- LE PÉCHÉ EST UNE


DÉSOBÉISSANCE A LA LOI DE DIEU . L'ATTRAIT DES JOUIS
SANCES SENSIBLES . L'AMOUR DÉRÉGLÉ DE SOI - MÊME .
L'ERREUR CONTENUE DANS TOUT PÉCHÉ . LES LUTTES DE
LA CONSCIENCE : ENTRECHO QUEMENT DU JUGEMENT MORAL ET
DU JUGEMENT PASSIONNEL . LES RÉSISTANCES DE LA CONS
CIENCE . RUPTURE D'ÉQUILIBRE EN FAVEUR DE LA PASSION .
L'AVEUGLEMENT VOLONTAIRE A L'INSTANT DU PÉCHÉ .
lui

Tout homme est obligé de faire en même


la
-

douloureuse constatation énergiquement traduite


si
La

par saint Paul Loi est spirituelle Moi par con


«

,
.
:

du
au

péché En
je

tre suis charnel vendu service


,

loi ce .
Je

j'ignore que fais pas que


je

ne
ce

vérité fais
,

que mo
je

La
je

je

ce
et

veux fais déteste


1

»
(
).

de
de

et

rale avec ses objurgations venant Dieu


,

notre raison beau nous presser nous lui obéis


a
,

sons habituellement puis suivant que nos dispo


;

Rom vii 14-15


1

,
(
)

.
182 LA CONSCIENCE MORALE

sitions prêtent mal au soutien de la Grâce , nous


se

lui désobéissons . Dieu lui - même n'arrête pas nos


défaillances quand notre liberté s'y abandonne .

Nous sommes vertueux , et nous sommes pécheurs .


Nous revenons au bien , puis nous retournons au mal .
La vie spirituelle la plus haute n'est pas exempte de
ces amoindrissements , et la vie morale du plus grand
nombre est faite d'alternances successives de redres
sements et de chutes .
Comment la conscience morale est - elle accessible
au péché ? Au prix de quelles luttes y succombe
t - elle ? Par quels degrés successifs s'achemine - t - elle à
est

l'aveuglement volontaire qui contenu dans tout


péché
?

La réponse ces questions nous fournira tracé


le
à

psychologique
de

conscience pécheresse
la

POSSIBILITÉ PSYCHOLOGIQUE DU PÉCHÉ


1.

Nous n'abordons pas


ici

problème philosophique
le
du
de

possibilitémal dans l'univers soit par rap


la

du

port souveraine Bonté première cause monde


la
à

,
du

soit par rapport l'existence même mal dans les


à
ne

Nous considérons que mal moral


le

choses
1
(

,
).

tel

péché qu'il peut exister dans une action


le

tel

plus précisément encore qu'une cons


et

humaine
,

cience peut dicter pratiquement Au reste


le

le
se

,
.

Qu XLVIII XLIX Qu Disp De Malo Qu


Ia

Pars
1

I.
,

,
;
,
(
)

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 183

problème métaphysique du mal et le problème psy


chologique du péché se correspondent , le péché
n'étant que le mal dans une action , mal dont nous
prenons conscience .
Psychologiquement , le péché vient s'engager , aussi
bien que l'acte vertueux , dans le courant qui nous em
porte à la conquête du bonheur . Il sort , tout comme
n'importe quel autre acte , de ce vouloir du bien qui
met en branle toute notre activité.
Inconscient chez les êtres inanimés , irréfléchi chez
l'animal et restreint aux biens matériels qui servent
ses instincts , devenant réfléchi en même temps que
conscient chez l'être raisonnable --- , le désir du bon
heur est, en celui - ci, le lien continu de toutes les
actions par lesquelles il réalise sa vie .
Parce que nous avons une intelligence qui conçoit
le bien universel , notre désir du bonheur n'est jamais
les

re

épuisé par satisfactions particulières que nous


cherchons truchements successifs que nous accueil
,
un

instant pour aussitôt nous mettre quête


les et en

lons
d'autres félicités Celles toujours reprises accu
ci
,
-
.

mulées n'épuisent jamais notre rêve Tous biens


,

que nous étreignons nous déçoivent par leurs limites


en ;
loi

notre intelligence
de

car c'est irréductible


la

tout bien particulier d'y trouver prétexte


de

face
,

à
un

entrevoir bien plus vaste mirage vers lequel dans


,

,
les

appels
de

nos déserts arides tendent notre insa


,

tiable volonté
.
du

Cet appétit bonheur nous est naturel porte


Il
.
184 LA CONSCIENCE MORALE

toutes nos actions , et chacune d'elles en dérive .


Quelle que soit la qualité morale , bonne ou mauvaise
de cette action , nous cherchons , par elle , le bonheur .
Au reste , cette intention n'est jamais complète

lui
frustrée ; car , dans le péché même nous rencon

,
-
bien que veut notre désir quoique

ne
soit

ce
trons
le

,
pas bien véritable que nous devrions désirer Ainsi
le

,
.
en
nous commettons mal recherchant bien C'est

le
le

.
poursuivant bonheur que nous tombons dans
en

le
le

péché
.

Car nous sommes déterminés par une inalté


si
,

poursuivre , que
en
rable tendance

ce
bien tout
le
à
,

nous faisons nous restons indéterminés choisir

à
,
tel

tel
ou

bien qui nous paraît mieux répondre


le

notre avidité Ayant liberté d'apprécier nous

le en
la
à

,
.

de

et
usons pour orienter notre désir bonheur
les

de

particulariser dans biens notre choix même


,

parmi ces biens s'en trouve que notre raison de


si

de
il

vrait s'interdire choisir


.

de

En cette possibilité
de

notre liberté faire dériver


au

notre naturel entraînement bien vers des biens


particuliers que nous devrions répudier réside pre
,
du

mièrement possibilité péché


la

1
(
).
in
et

Felicitatem indéterminate universali cmnis rationalis


1
«
(
)

mens naturaliter appetit circa hoc deficere non potest


in
et

sed
;
,

quae
ad

particulari non est determinatus motus voluntatis creaturae


appetendo felicitatem
, in

et

rendam felicitatem hoc vel illo sic


in
;

aliquis peccare potest eam quaerat ubi quaerere non debet sicut
in si

qui quaerit felicitatem voluptatibus ita est respectu omnium


et
;

ut

bonorum nam nihil appetitur nisi sub ratione boni Dionysius


,
. :

de

dicit cap Quod ideo est quia naturaliter inest


IV

div Nom
,
(

.)
.

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 185

2. LE PÉCHÉ EST UNE DÉSOBÉISSANCE


A LA LOI DE DIEU .

La loi morale qui exprime les normes obligées de


l'action humaine telles que la raison droite les dicte

les
les

et telles que prescriptions divines positives


confirment les amplifient
et

nous désigne les actions


que nous devons éviter et ,
celles que nous devons
Et

adopter pour que péché existe faut que


le

il
,
,
.

loi
qui
de

notre conscience soit avertie commande


de la
ou

loi
l'acte que nous négligeons qui interdit
la

l'acte que nous nous permettons Tout péché est une


.
de

désobéissance Loi Dieu une désobéissance


la
à

plus
ou

moins consentie sans doute mais toujours


,

assez pour que notre conscience soit responsable


en

Devant tout présente donc comme .


se
ci

celle péché
,
-

jouissance que notre volonté


de
un

acte sollicitée
,

par l'attrait désire puis


en

approuve même
et
,

,
un

temps comme acte que notre raison dénonce


,

Loi
et

comme intolérable devant volonté divine


la

la

Ces deux valeurs l'une pour l'acte l'autre contre


,

,
se

l'acte balancent ainsi devant notre choix


,

Supposons que nous options Que pour péché


le

passe cet instant dans notre conscience


se

?
à

,
il,
t--

Le courant qui nous porte capter tout bonheur


à

menti appetitus boni sed non hujus vel illius boni


in

unde hoc
,

ad

peccatum incidere potest Qu Disp De Verit Qu xxiv


6.
»

.a
.,

7,
(

)
.

Cf. ibid
8
a
.,

.
186 LA CONSCIENCE MORALE

qui présente, s'est arrêté hésitant devant la mise


se
en vedette de l'interdiction de l'acte nous verrons

-
les
plus loin péripéties mais plus

de
ce
débat

,
au

sa
plaisir que dans

sa
véhémente dans tendance
vo
au

tendance bien que représente l'obéissance

la
,
lonté passe outre plutôt que d'être
la

et
défense à

,
du

privée plaisir porte

en
réso

et
désiré avant

se
,
lument s'engage dans l'acte défendu

.
n'est point directement
ce

désobéissance

la
Certes
,

impliquée dans n'est pas

ce
faute que nous visons
la

,
tant qu'elle est une faute que nous l'agréons mais
en

,
plaisir qu'elle nous offre qui

et
nous convoitons
le

peut nous être donné sans qu'en même temps


ne ne

il
soit une faute
1
.
).
(

joint
au
Indirectement accepté puisqu'il est bien
,

jouissance qu'il nous promet mal n'en est pas


de

le
ne ,

moins positivement voulu pré


de

de

sert rien
Il
.

par une sorte d'auto


en

tendre faire abstraction


,

suggestion imaginative masquant dans péché


le

le

par lequel
ne
et

côté est une désobéissance laissant


il

un

voir que côté par lequel est bien désirable


le

il

camouflage
de

ne

Cette sorte saurait illusionner notre


conscience vouloir une chose qui partie liée avec
a
et :

une autre fait bloc avec elle c'est vouloir les deux
,

fois sinon au même titre du moins indissoluble


la
à

di

ment unies Quand nous péchons nous voulons


,
.

Voluntas semper fertur principaliter bonum aliquod


in

et
1
«

;
ex (
)

aliquid bonum contingit quod sustineatur


in

vehementi motu
malum quod est illi bono conjunctum
III

Qu Disp De Malo Qu
»

,
(
.

.
2.

12 ad
a

)
.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 187

rectement le plaisir qui nous tente , mais nous le vou


lons avec tant d'insistance que peu nous chaut d'of
fenser Dieu en contrecarrant sa Loi ( 1 ) .

3. L'ATTRAIT DES JOUISSANCES SENSIBLES

Le péché est donc le fait de notre volonté positive


ment orientée au bonheur et quêtant celui - ci, vaille
que vaille , près de n'importe quelle occasion , en dépit
des de la Loi morale . Toujours affaires ,
directions
nous poursuivons cette course au bonheur , dans une
tension presque inaperçue , tant elle fait partie de
l'élan même de notre vie .

Mais comment se fait - il que notre raison , qui sait


la Loi nous gouverne pas mieux ? Dès que notre
, ne
les
formation morale a pris quelque consistance ,
de

vertu ont été acceptées


et

valeurs d'honnêteté
de

par nous comme primant les valeurs péché En


.
au

traînés naturellement bien nous n'ignorons pas


,

placer

vrai bien Dès lors comment arrive


le

il
,

t
-
-
.

notre raison nous gouverne follement


en

que arrê

contingat quod aliquis tantum velit aliqua delectatione


in
ut Si
... «(
, 1
(
)

frui non refugiat incurrere deformitatem peccati quam per


,

bo

cipit esse conjunctam quod vult non solum dicitur velle illud
ei

num quod principaliter vult sed etiam ipsam deformitatem quam


,

pati eligit ne bono eupito privetur


et

unde adulter delectationem

-
;
,

De

vult quidem principaliter secundario vult deformitatem Malo


et

,
(
Qu

III
se

12. Homo qui peccat licet per non velit deformi


a

«
,

,
,
, , )
-
.

tatem peccati tamen deformitas peccati aliquo modo cadit sub volun
tate peccantis dum scilicet magis eligit deformitatem peccati incur
,

» ,
ab

rere quam Ibid art


1.

actu cessare ad
.,

2,
(

)
.

.
188 LA CONSCIENCE MORALE

tant nos désirs à des actes qui ne nous donnent que


du faux et apparent bonheur ? Nous sommes par
définition des êtres raisonnables ; comment donc le
péché , cuvre déraisonnable et contre -nature , nous
est - il possible ?
Il
est bien vrai que l'homme possède la raison
comme son apanage de nature et son trait spécifique .
Il est donc vrai encore que le péché , étant une con
, répugne de soi à la
trefaçon d'un acte raisonnable
nature humaine et découronne celle - ci de son premier
titrede noblesse ( 1 ) .
Mais l'homme au complet n'est pas qu'un être rai
sonnable ; il est un animal raisonnable . Il ne se
réalise tout entier que dans un ensemble mélangé
d'activités intellectuelles et d'activités sensibles . Au
surplus , est plus sens qu'esprit , puisqu'il n'arrive
il
à connaître les réalités spirituelles et à établir en
elles sa conviction qu'à travers ses expériences sen
sibles . Et l'ascension est difficultueuse qui va des
réalités matérielles au règne des réalités spirituelles .
Toujours, il faut reprendre la montée dans un effort
pénible et constamment soutenu ; dès lors , comment
s'étonner que beaucoup d'hommes restent en bas , ou ,

(1) « Homo in specie constituitur per animam rationalem . Et


ideo id quod est contra ordinem rationis , proprie est contra natu
ram hominis in quantum est homo ; quod autem est secundum
rationem est secundum naturam in quantum est homo Unde vir
...

tus humana quae hominem facit bonum opus ipsius bonum reddit
et

quantum convenit
in

tantum est secundum naturam hominis


in
,

rationi vitium autem


in

tantum est contra naturam hominis


in
;

quantum est contra ordinem rationis Qu LXXI


II

2.
»

.a

,

,
I*
(

)
.

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 189

essayant de s'élever , se rebutent vite ? Même haussés


jusqu'au faîte , tous sont enclins à redescendre ( 1 ) . Il
n'est donc pas étonnant que toute conscience hu
maine voie s'entrechoquer en elle l'inclination au
bien de la raison et l'inclination au bien de la sen
sibilité équilibre instable , à travers lequel court la
:

tendance au bonheur , mais tirée avec plus de force


vers les réalités où domine la jouissance sensible (2) .

Sortons des duperies dont nous enchantent trop


souvent nos déclarations verbales . Dans nos points
de vue et nos appréciations , dans nos tendances et

nos attraits , dans nos actions et leurs résultats de


contentement ou de peine , la plus - value est souvent
attribuée par nous , en fait , malgré nos dires , aux
expériences de plaisir ou de douleur qui viennent
immédiatement des réalités sensibles qui nous en
tourent et dans lesquelles nous sommes plongés. Les
inclinations qui sortent de ces expériences prennent
ainsi , en nous , un mordant et un relief que nos in
clinations spirituelles n'atteignent pas .

(1) « In homine est duplex natura , scilicet rationalis et sensitiva .


Et quia per operationem sensus homo pervenit ad actus rationis ,
ideo plures sequuntur inclinationes naturae sensitivae quam ordinem
rei

rationis : plures enim sunt qui assequuntur principium quam


qui ad comsummationem perveniunt Ex hoc autem vitia peccata
et
.

hominibus proveniunt quod sequuntur inclinationem naturae


in

Ibid ad
3.

sensitivae contra ordinem rationis


»

.,
(

)
.

Habet humana mens duas contrarias inclinationes Unam qui


2
in «
(
)

Alia inclinatio inest humanae


...

dem bonum ex instinctu rationis


,

praecipue secundum quod sunt ex


et

menti ex inferioribus viribus


;

eli
» ea

originali peccato corruptae qua scilicet inclinatur mens ad


;

De

genda quae sunt secundum carnalem sensum delectabilia


(
.

Verit Qu xxiv 12.


a
.,

)
.

.
190 LA CONSCIENCE MORALE

A première vue , cette affirmation paraît excessive .


L'illusion du contraire vient de ceci : lorsque nous
comparons entre elles nos inclinations pour apprécier
leur valeur respective et évaluer leur force d'entraîne
ment , nous en raisonnons dans l'abstrait , sans pren
dre garde que nos propres expériences contredisent
nos conclusions . Qui donc refuserait d'admettre ,
théoriquement , que
les
joies spirituelles par exemple

,
,
sont supérieures aux plaisirs corporels que les

et
,
biens immatériels doivent être préférés aux biens
matériels
?
Ce

n'est point théoriquement tant que conçus


en
,

appréciés dans l'esprit qu'il faut comparer ces


et

joies ces biens mais pratiquement tant qu'é


en
et

,
au

prouvés expérimentés point


de

de
vue
et

fait
,

de ,

leur prenant vis


de

et

leur attirance immédiate


nos complaisances
de

de
et

vis nos désirs


à
-

Notre enfance n'a tout d'abord connu que des


plaisirs sensibles notre conscience vécu des ten
a
:

dances que suscitaient devant nos convoitises les


de

biens destinés satisfaire nos instincts bien être


à

corporel Nous pleurions quand nous avions faim


,
.

nous étions heureux quand nos gourmandises


et

étaient satisfaites mesure que nous grandissions


A
.

que nos besoins multipliaient nos sensations


et

se

élargissaient leurs impressions


en

étalaient nous
et

,
,

plus
de

surface aux satisfactions dont elles étaient


et

Mais notre raison s'éveillait nos éduca


la

cause
,
en .

teurs profitaient pour ouvrir nos désirs vers des


LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 191

les
biens supérieurs
à ceux qui , jusqu'àlors , étaient
seuls dont nous expérimentions qu'ils nous étaient
bons Peu peu nous acceptâmes cette conviction
à

,
.

qu'éprouver plaisir corporel devait être parfois


du
sacrifié une persuasion

et
une volonté divine

à
à
de

raison qui représentaient des valeurs d'attrait


premier bien qu'elles fussent indépendantes

de
toute
,

poursuivit du

se
sensation Notre éducation morale
.

de
rant notre adolescence
et

souci constant nos


le
,
de

éducateurs fut redresser pente instinctive qui


la

nous entraînait aux joies immédiatement ressenties

.
de

Par une série d'avertissements

de
conseils cor
,

,
on

punitions
de

nous inculqua
et

de
rections nous
,

contraindre douloureusement résister La vertu


à

nous attirait puisque Dieu l'exigeait


et

nous savions
,

qu'il punissait péché mais vertu était une lutte


le la
le

qui nous torturait tandis que


un

péché était plaisir


,

refoulé dont nous nous arrachions par violence Par


.

pa
de

fait
de
et

nos résistances successives


le

nos
tients efforts des habitudes vertueuses sont peu
se

à
,

en

peu développées nous Nos convictions morales


.

sont progressivement affermies Notre conscience


se

sait maintenant toutes les prescriptions


de

de

Loi
la

Dieu
de sa

elle bénéficie dans direction des lumières


,

,
;
de

Foi promesses récompense éternelle


la

des
,

châtiment qui
du

qu'elle nous ouvre des menaces


,

nous attendrait nous manquions par nos fautes


si

,
,

notre destinée surnaturelle Nous savons encore que


.

en

nous sou
et

Grâce divine nous inonde secret



192 LA CONSCIENCE MORALE

tient dans nos luttes . Ces convictions demandent


cependant , pour n'être point mises en échec par la
tentation , de perpétuels redressements . Les vertus
surnaturelles , que l'Amitié divine ménage à nos fai
blesses natives , nous donnent la possibilité de tenir
notre conscience au niveau des exigences même de
l'amour que Dieu nous donne pour Lui , mais elles
n'effacent point la difficulté de nous vaincre ni
l'affliction que cette victoire nous coûte . Les satis
factions les plus hautes de notre vie morale restent
des sentiments de notre volonté spirituelle . Certes ,
ce sont , là , des joies sans prix parce qu'elles sortent
de l'approbation de notre raison et de la paix que
met en nous la Charité divine ; mais cependant , mal
gré leur douceur et leur valeur d'attrait premier ,
elles ne peuvent nous offrir la totale satisfaction que
notre nature sensible réclame et dont il lui paraît
pénible d'être sevrée . Même quand ces joies très hau

tes irradient leur puissance jusqu'à notre sensibilité ,


celle-ci ,
émue par contre - coup , n'en éprouve pas la
bienfaisance de sensation qu'elle réclame naturel
lement . Ces joies de la vertu nous comblent l'âme ;
elles ne comblent pas tout notre moi , leur austérité
interdisant à notre corps le plaisir qu'il réclame
spontanément d'éprouver . Il leur manque d'être
ressenties par les facultés dont toute l'activité
est de sentir et par là de rendre naturellement plus
absorbantes , plus capiteuses et plus « enlevantes »,
les satisfactions qui émeuvent le plus complaisam
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 193

ment notre conscience et l'attirent à l'action ( 1 ) .


Or , voici : le péché est , le plus souvent , une sa

tisfaction sensible que nous acceptons et voulons ,


malgré le reproche de notre raison et l'interdiction
de la Loi de Dieu , qu'il s'agisse des plaisirs de tous
ordres de la sensualité ou des jouissances qui peu
vent nous venir d'un usage immodéré , défendu
comme tel , des biens extérieurs .
D'où part , en effet, la sollicitation ? D'un bien
sensible perçu par le sens , et dont la convoitise s'al
lume réveillant les tendances du même ordre avec
,

d'autant plus d'excitation que des actes semblables


les ont rendues habituelles . La conscience , mise en
arrêt et en désir par cette provocation , ne tarde
pas , si elle est acclimatée à la vertu morale , de réagir
par le rappel de la Loi qui réprouve l'acte . La ten
dance naturelle de se porter à tout bien qui est
les

le bien du sujet hésite entre deux inclinations


qui heurtent dont raison montre alternati
la
et
se

La
les

vement considérants opposés conscience


.

s'engage tour tour dans ces deux mouvements


à

d'âme qui contredisent Vient enfin l'option volon


se

de

de

Cajetan dans son commentaire l'ad l'art IIae


Ia
1

3
,

du2,

de ,
.qu(
)

.
en

LXXI cité plus haut note résume excellemment point


de),

,
(

vue psychologique les motifs plus value des inclinations sen


la

« -

sibles sur les inclinations spirituelles Naturae sensitivae bona


:

ab

sunt quoad nos magis connaturalia utpote ineunte aetate usu


in

;
,

magis nota utpote evidenti experientia sensuum magis mo


et

et
;
,

ratione promptae delectationis ratione imminentis oppo


et

et

ventia
,

siti contristantis promptu Rationis autem bonum post


in

aetatem
.

percipitur parum cognoscitur parum movet tam ipsum quam


et

et
;

oppositum malum tam culpae quam poenae experimur


ut

»
,

LA CONSCIENCE MORALE 13
.
194 LA CONSCIENCE MORALE

taire , le choix qui emporte le mouve


de la liberté
ment décisif ; car c'est la volonté qui , en dernier res
sort , est formellement cause du péché , Si , au contrai

la
les

inclinations morales ont plus poids dans

de
re ,
sera pas douteux

en de

ne
conscience refus faute
le

la

,
,

même sacrifice n'en restera pas


le

est cuisant
si

Il
.
au
moins que l'inclination péché parce qu'elle vise

,
satis
un

plaisir sensible donc plus alléchant que


et

la
faction même très haute l'interdire présente de
se

se

,
,
la de

soi avec plus d'insistance devant l'hésitation de


,

conscience
1
(
).

Faut donc s'étonner que


péché soit possible
le
il
-

lui

quand c'est ordinairement notre sensibilité


avec
,
,

qui est par conséquent les jouissances


en

et

cause
,

et
qui nous émeuvent plus par leur vivacité
et
se le

leur ensorcellement concilient plus spontané


le
,
de

ment l'approbation notre volonté


?

L'AMOUR DÉRÉGLÉ DE SOI MÊME


4.

et

C'est donc l'intérêt de notre sensibilité de ses


est

jouissances qui plus souvent


en

le

dans
le

cause
péché Mais pourquoi cet intérêt prévaut contre
il
-
.

en

Saint Thomas décrit ces quelques mots brefs genèse du


et : la
1
(
)

Ex hoc
sa

péché dans formule psychologique plus générale


la

«
,

ut

quod aliquid proponitur appetibile secundum sensum appetitus


sensitivus inclinatur illud ratio interdum cessat
in

consideratione
a
,
et

sic voluntas producit actum peccati


II

regulae debitae
»

,
I*

*
(
:

Dans son commentaire sur cet ar Cajetan


1.

Qu Lxxv ad
.a
,

2,

)
.

sont pas immédiatement pro


ne

note justement que certains péchés


voqués par sensibilité péché d'infidélité par exemple
le
la

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 195

l'intérêt supérieur d'obéir à notre raison et à Dieu ?


Comment cet amour de nous - même s'égare -t- il à ce
point ?
Rien n'est plus naturel et légitime que de s'aimer
soi -même . Tout être , par tendance de nature , aime
son être et le développement de son être par

les
lui
l'activité des facultés qui apportent biens
qu'il lui convient posséder pour être tout
de

ce
qu'il doit être L'amour est
au
principe

de
toute ac
.

peut éviter d'avoir pour


ne

tion
et

cet amour
;

premier objet celui même qui agit

en
aimant

la

-

qu'il qu'au

fin
poursuit laquelle peut
ne

fin
sa
être
,

tant qu'elle est son bien


1
se (
.)
en

S'aimer soi même voulant bien escompté


le
-

par toute action est une tendance préalable celle à


,

ou

qui vise l'action bonne


et
l'action mauvaise elle
,

poursuit également l'autre Le


se

travers l'une
et
à

.
de

vertu procède
de

péché comme l'amour soi


la

;
,

lui

mais pécheur recherche pour qu'il estime


ce
le

être son vrai bien qui n'est qu'un bien apparent


et

,
lui

tandis que vertueux recherche pour qu'il


ce
le

qui
en

estime être son vrai bien


et

est réalité son


vrai bien
.

soi
de

L'amour déréglé est donc initiale


la

cause
de tout péché
2
(
).

Omne agens agit propter finem aliquem Finis autem est


1
«

.
(
)

bonum desideratum amatum unicuique


et

Unde manifestum est


.

quod omne agens quodcumque


ex
, sit

agit quancumque actionem


Ia ,

aliquo amore Ilae Qu XXVIII


6.
»

a
et ,
(

)
.

Omnes radices capita vitiorum includunt inordinatum sui


«
2

19. -Cf
(
)

ad

amorem Qu Disp De Malo Qu viII IIae


a

,
I*
»

1,
,
. ,

.
.
, (

.
.

Qu LXXVII
4
a
.
.
196 LA CONSCIENCE MORALE

Mais comment s'opère le glissement de l'amour

soi
soi

de
naturel de même l'amour déréglé

à
-
même
?

en soi qu'on estime être

ce ce
S’aimer - même c'est aimer
soi même d'autres termes que l'on estime
,

,
-

valoir d'être aimé C'est ainsi que tout


en

soi même
,
-

.
persévérer dans l'exis
de

de
homme aime vivre
,
monde extérieur par ses sens
de

et
connaître
le

tence
,

raison des choses par son intelligence

de
recher
la

,
qui convient aux besoins

de
ce

et
cher tout son âme
son corps poursuivre partout qu'il apprécie
de

de

ce
,

lui

perfection

et
comme devant donner bonheur

.
Tous les hommes les bons comme les méchants ont
,

,
leur propre
de
naturellement cette avidité du bien
se
les ce

conserver dans l'être dans


et
nature désir de
,

toutes activités qui déploient perfection


la

de leur être
.

Mais cet amour naturel de soi devenu presque


,

-
et

inconscient tant s'identifie notre volonté


il

à
,

imprègne tous ses élans ses visées déterminées


a

par l’estimation que nous portons sur nous sur


et

bien qui nous convient Certes n'y pas d'hési


le

il

a
,
.

tation possible chez n'importe quel homme propos


,

à
,

l'emploi
de

de

de

de
et

conservation son être


la

ses
principales activités Mais l'hésitation vient dès que
.

comparaison jugées dans


en

sont mises
et
ci

celles
-

de
de

leur importance donatrices bonheur


sa .
lui

Tout homme s'aime même mais manière


ses à
,
-

bonheur quiretient
de

dans cadre préférences


et

le

;
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 197

car il réalise une nature complexe , spirituelle et sen


sible , qui donne prétexte à des inclinations contraires
en face desquelles tergiversent très souvent ses
amours . Il se divise contre lui -mênie . En lui, l'homme
« extérieur », amateur de bien -être sensible et dont la
complaisance s'arrête aux choses visibles , est con
tinuellement en lutte avec l'homme « intérieur », dont
les aspirations vont aux réalités spirituelles . Ces
deux « moi » se disputent la place dans l'unique
champ du « moi » et s'efforcent sans trêve de s'évin
cer l'un l'autre .

Le vertueux s'aime lui - même dans sa vérité sa


lui
valeur première , car il maintient en

de
règne
le
spirituel Le pécheur esclave
et

l'homme intérieur ,
.

jouissances par
de

sensibles interdites raison


la

vi ,
lui même mais sous l'angle
ni de
sa

s'aime courte
,
-

place pas haut son être


ne

sion son bonheur


Il

,
.

lui

qu'une nature sen


ne

en

car reconnaît guêre


il

sible faite pour plaisir s'aime pas dans


ne

sa
le

Il
.

valeur principale supérieure qu'il refuse d'appré


et

cier C'est pourquoi s'aime pas vraiment


ne
il

1
(
.)
.

Amare seipsum uno modo commune est omnibus alio modo


;;
1
«
(
)

proprium est bonorum tertio modo proprium est malorum Quod


;

aliquis quod seipsum aestimat hoc commune est omni


id

enim amet
,

bus Homo autem dicitur esse aliquid dupliciter Uno modo secun
,
.

dum suam substantiam et naturam Et secundum hoc omnes


.

quod sunt scilicet ex anima


et

aestimant bonum communese esse


id

corpore compositos Et sic etiam omnes homines boni mali dili


et
.

gunt seipsos quantum diligunt sui ipsorum conservationem Alio


in
,

modo dicitur esse homo aliquid secundum principalitatem sicut


:

princeps civitatis dicitur esse civitas unde quod principes faciunt


;

se

dicitur civitas facere Sic autem non omnes aestimant esse quod
id
.

Principale
in

sunt enim homine est mens rationalis secundarium


,
.
198 LA CONSCIENCE MORALE

Le pécheur , pourrait -on dire sans paradoxe , se trai


te plus en ennemi qu'en ami ; il installe vraiment l'ini
mitié en lui
même tandis que vertueux jouit dans

le
,

,
-

de
sa

vertu des dons des douceurs l'amitié

et
,

.
Que réalise l'amitié

?
L'ami veut que s'inquiète

du de
son ami vive tout

il
;
lui

du
qui est pour péril lui bon
ce

désire bien

il

,
;
lui
et

heur souhaite sans mesure


le

toutes ses

;
actions tendent devenir une bienfaisance dans une
à

profusion continuelle bonté Quelle joie délicieu


la de

.
sement savourée dans communauté des vies dans

,
les confidences échangées dans l'union des pensées
,

partage des bonheurs


et

et
des sentiments dans
le
,

des afflictions dans certitude des mêmes intérêts


la
,
et

des mêmes raisons de vivre


!

de
de

Le vertueux devient ainsi l'ami lui même


,
-

cet homme intérieur dont maintient l'intégrité


il
il

;
les

les

lui désire seuls biens dont est digne biens


il

spirituels c'est les lui assurer qu'il dépense tout


;;

- à
est

lui

paix avec
en

son zèle Aussi même revient


Il
il

-
.

.
du où

avec joie dans son cœur s'éveillent pour béati


sa
,

,
les

tude doux souvenirs passé vertueux Son âme


,

autem est natura sensitiva corporalis quorum primum Apostolus


, et

ut

patet
II

nominat interiorem hominem secundum exteriorem ad


17. Boni autem aestimant principale seipsis rationalem
iv

Cor
in
,
.

naturam sive interiorem hominem unde secundum hoc aestimant


,

seipsis natu
se

esse quod sunt Mali autem aestimant principale


in
et .

ram sensitivam corporalem scilicet exteriorem hominem Unde


, ,

dili
.

non recte cognoscentes seipsos non vere diligunt seipsos


,

gunt quod seipsos esse reputant Boni autem vere cognoscentes


, id

. , ,
.

-
, »»

seipsos vere seipsos diligunt Iſae Qu xxv


II

Cf. 11se
7

8
a
. ,

,
*
(

(
, .
.

.
.
12

Qu XXIX De.Virt Card Qu ad


4

6
a

a
;
,

II,
.

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 199

goûte sereinement les intimités de la Charité et tres


saille d'espérance en songeant aux divines promesses .
D'où viendraient le trouble , l'aigreur et la discorde
dans une conscience ainsi unifiée dans tous ses désirs ?
Le pécheur , malgré son contentement immédiat
et son exaltation illusoire , est à lui -même son propre
ennemi . Ce qu'il veut avant tout , ce n'est pas la
mise en valeur et en perfection du meilleur de lui
même , de l'homme intérieur , mais seulement les sa

les
tisfactions que sa sensibilité appelle malgré
sa

clamations de raison travaille son moindre


il

à
;
est

bien qui définitive son propre mal


en

Son en

.
passager n'est qu'une duperie plus

les de
chantement

.
Croyant s'aimer rencontre point lui joies
ne

en
il
,

S'il réfléchit
et
coutumières du véritable amour

se
.

parle lui même c'est pour reproches


de
se

déchirer
à

,
-

les

être oppressé par


du

lourds souvenirs passé cons


,

présent envisager
sa

tater dans déchéance dans


le

l'avenir répétition des mêmes lamentables chutes


la

les sanctions divines qu'elles méritent peut


et

ne
Il
.

porter dans conscience intime que


sa

discorde
la

le
,

l'inquiétude son vé
de
et

trouble n'est pas l'ami


Il
.

passions
de

ritable moi mais seulement des son


«

»
;
de

son être inférieur s'aime mais d'un amour


Il

,
.

mesquin
et

maladroit
1
(
).

Quinque secundum Philosophum sunt amicitiae propria


1
«
(
)

in , et .

Unusquisque enim amicus primo quidem vult suum amicum esse


vivere secundo vult bona tertio operatur bona ad ipsum quarto
ei
;

convivit delectabiliter quinto concordat cum ipso quasi


ei

Et secundum hoc boni diligunt


et

iisdem delectatus contristatus


.
200 LA CONSCIENCE MORALE

Une cupidité désordonnée des biens temporels , un


amour de soi qui ne vise d'autre immédiate béati

tel
tude que la satisfaction sensible : est dispositif

le
principe impulsif

de
psychologique conscience

la
le
,
pécheresse
Toutefois notons avec soin pécheur

le
en

le

,
,

,
-
flattant ainsi son moi inférieur rend compte qu'il

se
,
s'oppose tient

se
sa
l'idéal moral car conscience
à

;
pour stigma

et
derrière ses fautes les dénoncer les
tiser Ayant mis son actuelle complaisance dans les
.

jouissances désordonnées pécheur affirme par


ce


,
,

même une préférence exclusive donnée son point

à
,
de

vue s'attribue une excellence qui refuse toute


Il
.

pouvoir décider par lui même


un

de

subordination
,

,
-
guise
ni de

de

ne
sa

commander recevoir d'ordre


de se

,
de

loi personne
.
ne

Or l'action morale s'identifie pas nos caprices


à
,

La
de

passion Loi morale qui promulgue résiste


la
.

seipsos quantum ad interiorem hominem quia etiam volunt ipsum


,

sua integritate optant bona ejus quae sunt bona


in

et

servari
ei
;

spiritualia etiam ad assequenda operam impendunt


et

et

delectabi
;

liter ad cor proprium quia ibi inveniunt bonas cogita


et

redeunt
,

praesenti memoriam bonorum praeteritorum spem


et

et

tiones
in

futurorum bonorum ex quibus delectatio causatur similiter etiam


;
,

non patiuntur seipsis voluntatis dissensionem quia tota anima


. in

tendit in unum contrario autem mali non volunt conservari


E

integritatem interioris hominis neque appetunt spiritualia ejus


;
, ad

bona neque hoc operantur neque delectabile est secum vivere


;

;
ad

quia inveniunt ibi mala praeterita praesentia


et

et

redeundo eos
futura quae abhorrent neque etiam sibi ipsis concordant propter
et

;
,

secundum illud Psalm Arguam


te
et

conscientiam remordentem
,

.
i

statuam contra faciem tuam Et per eadem probari potest quod mali
.

amant seipsos secundum corruptionem exterioris hominis Sic autem


,
.
Qu

boni non amant seipsos IIa IIae xxv


7.

Cf. IIae Qu
»

a
,

,
I*
(

)
.
.

LXXVII
4
a
,

.
.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 201

à nos vues intéressées , car la raison et Dieu appuient


son inflexibilité . Pécher , c'est donc s'enorgueillir au
point de refuser l'obéissance à la raison et, en même
temps , à Dieu , législateur et justicier de toute action
de ses créatures .
Tandis que , chez le vertueux , l'amour de Dieu ,

les
premier aimé , diffuse sa ferveur sur toutes actions
pour

de
faire des preuves
de
fidélité

et
le en

service

;
au

chez pécheur contraire c'est l'amour du moi


,

orgueilleux qui étale plier

de
sa

suffisance refuse
,

,
au

perfection ses plaisirs accepte


de
sa

mesure rendu

,
ceur léger
de

de
désobéir Loi Dieu Certes
ce le

la
à
,

,
.
n'est pas toujours même souvent cette déso
ni
est

béissance qui malicieusement vou


et

directement
lue mais elle l'est indirectement dans cupidité po
la
,

sitive de l'acte défendu


1
(
).

soi
Le

de

péché suppose donc qui


un

se
amour
de

pousse jusqu'à cette orgueilleuse suffisance dédai


gner Loi morale mépriser Dieu
de
et
la

Secundum quamdam diffusionem sui imperii caritas est


1
«

,
(
)

communis omnibus virtutibus unde dicitur forma


et

mater omnium
;

Et similiter superbia secundum quamdam diffusionem


...

virtutum
.

ad

proprii imperii est commune peccatum omnia unde dicitur radix


,

regina omnium peccatorum accipiatur peccatum superbiae


et

...
Si

invenitur omni peccato


in

secundum effectum communiter est


;
,

enim quidam effectus superbiae non subdi regulae superioris quod


,

facit quicumque peccat quantum non subditur legi Dei De


in

II .»
,

(
. 11
12

13

Malo Qu VIII — Cf. ibid ad


---
Cf
et
2.

16. Sent
3, ..
a
,

,
)
.
, .

Dist XLII Qu
1.

Qu ad
3

1
a

II,
a,
:
.

.
202 LA CONSCIENCE MORALE

5. L'ERREUR CONTENUE DANS TOUT PÉCHÉ

Saint Paul écrit : « Je me trouve en face de cette


loi

que tandis que

je
bien c'est mal

le
veux faire

le

,
,

Je
qui trouve sous ma main me complais dans

la
de se

.
en loi

je
Dieu selon l'homme intérieur Mais découvre

.
loi
membres
une autre qui

se
mes dresse
loi

mon intelligence
de

et
contre m'entraîne
du la

à
loi

péché qui est dans mes membres Malheu


la

.
reux homme que
je

suis
1
(
.)
:

Telle est discorde douloureuse que soulève


la

la
tentation dans toute conscience morale
.
lui
Le

pécheur tendance mauvaise


la

cède
à
,
,

:
ayant jugé pour
de
en et

contre son péché agrée


le

se le

il
,
finalement celui déjugeant lui
ci

même
-
-

Car faut bien admettre que dans péché


le

l’es
il
,

,
tel

prit
Je

déjuge que acte est défendu et


se

sais
,
.
et en

ma raison discerne malice Puis quand même


la

,
,
.

l'adopte glisse dans


je

je

faute C'est donc que


la

,
un .

je

jugeant celle
un en

tout comme mal juge


la
ci

,
-

un

par autre endroit comme bien puisque ma


,

,
Et

volonté s'y porte comment s'y porterait elle


de si
,

,
-
.

par ailleurs ma raison n'acceptait convenance


la
,

satisfaction du péché
la

Mais comment expliquer juxtaposition


de
la

ces
,

deux jugements contraires propos d'un seul


et

même
à
du

au

acte puis premier


du

retrait bénéfice se
le
,

Ep aux Rom VII 21-23


1

.,

,
(
)

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 203

cond ? Car voici la difficulté : si j'accueille le péché


parce qu'il me paraît bon dans le plaisir qu'il me
promet , c'est donc que je rétracte mon jugement qui ,
d'autre part , estime bon de m'en abstenir . Par ail
leurs , ce premier jugement , auquel je n'obéis pas ,
est pourtant , dans l'occurrence , un jugement de
pleine et indubitable vérité , puisqu'il exprime le ver
dict de ma conscience dénonçant le péché comme
loi

délaisse cette vé

je
contraire à la
et
morale ainsi
;

persuasive
de

rité ma conscience pour adopter une


erreur morale car n'est pas une aberration que de
ce
;

trouver mon bien dans un péché n'ayant du bien que

du

au
Je

les fausses apparences passe donc vrai


?

faux Tout péché contient une erreur


1
Je .

(
).
au

regarder près
du

passe
vrai faux de
y

,
à
«

»
;

voilà qui n'est guère compréhensible Dans l'ordre


.
on

spéculatif maintient
la

cette énonciation
si

à
,
,

présent n'a aucun sens Quant


je

l'indicatif me
,

.
ou

trompe sur l'existence d'un fait


la

sur valeur d'une


conclusion qui sort d'un mauvais argument
je
ne

me
,

rends pas compte que me trompe car mon esprit


je

par répulsion instinctive refuse son assentiment


à
,

l'erreur
je

l'instant fais cette erreur mon esprit


A

,
.

Ce

croit être dans vrai n'est qu'après coup après


le

en ,
.

de

une nouvelle vérification l'événement cause


sit

Cum voluntas boni vel apparentis boni nunquam voluntas


1
«

,
(
)

malum movetur nisi quod non est bonum aliqualiter rationi


in

id
et ,

bonum appareret propter hoc voluntas nunquam malum ten


in
;

deret nisi cum aliqua ignorantia vel errore rationis Unde dicitur
,

.
22

Prov XIV Errant qui operantur malum


Ia

IIae Qu LXXVII
,
»
,

,
(

.
:
.

.
2.
a

)
.
204 LA CONSCIENCE MORALE

ou une reprise plus lumineuse de ma démonstration ,


que je constate m'être trompé . Mon intelligence
perçoit son erreur par le contraste de la vérité re
trouvée .
Dans l'hypothèse présente du péché , mon intelli
gence bifurque en même temps sur deux séries de

les
motifs qui expriment deux tendances contraires

Je
dont ma conscience expérimente désaccord

si le

.
discute avec moi même pour savoir

je
me laisserai
-
ou

Et
je

suppose que ma

je
entraîner résisterai
si

raison servant les dispositions affectives qui me


,

en

tiennent actuellement haleine se décide au péché

,
,

lui
en
-

perd pas
de
ne

et

elle vue ma conscience fait

ac
reproche-- qu'elle abandonne vérité pour
le

la

cepter l'erreur
.

Je
ne

ne
je
Je

que devrais pas faire de


ce

fais
«
.

vrais pas faire voilà vérité morale Je


la

fais
»

«
:

pourtant voilà l'erreur


»

.
:

ne

Mais l'on doit pas croire que dans psycho


de la
,
du

logie réelle péché tout mouvement raison


le

je la
,

ne
Je

soit d'aboutir que


ce

cette vue fais


de
à

«
:

vrais pas faire j'ai conscience


de

Car mon erreur


,>
si
»
.

morale reste que ma raison puisque aussi bien elle


il
,

,
,

l'approuve n'y voit pas qu'une erreur mais une vé


,

rité d'action qui attire bientôt captive mon assen


et

du

persiste
je

point
de

timent Sans doute vue moral


,
,

,
.

point
ne du

mes dé
de

de

voir mon erreur mais vue


à

retiens que
de

je
et

sirs mes attraits seule vérité


la
,

qui actuellement m'intéresse prendre jouissance


la
:
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 205

immédiatement offerte . Si le péché m'apparaît


comme une erreur c'est parce que j'en juge abs
traitement et indépendamment de la poussée volon
taire qui actuellement me travaille . Mais mon affecti
vité étant ainsi disposée en ces désirs , ma raison
la même raison ne retenant que l'aspect de sa

lui
tisfaction que m'offre le péché , découvre en cette
importance pratique qui
de

de
la le et
réalité vérité

,
précisément consiste commettre
,

.

du
psychologie réelle
Quelle est donc dans
,

qui

sa
cheur mouvement intime amène raison
le

se à
,

en
de

passer consciemment vérité l'erreur


la

donnant que l'erreur


l'illusion volontaire devient
seule vérité que doit connaître son action
la

LES LUTTES DE LA CONSCIENCE


6.

ENTRECHOQUEMENT DU JUGEMENT MORAL


ET DU JUGEMENT PASSIONNEL
.
un

Supposons état passionnel qui admet plein


le

contrôle moral qui sans perturbation physiolo


et

gique excessive déroule sous l'attention d'une


se
,

juge dans son début son évolution


et

raison qui
le

son aboutissement Mettons que cet aboutissant soit


.

de

examinons soigneusement l'attitude


la un

et

péché
,

conscience
.

Avant d'être commis passion pro


de
le ce

péché
a
,

deux jugements
de

voqué dans conscience choc


la
206 LA CONSCIENCE MORALE

contraires : le jugement d'action intéressé à faire

valoir la satisfaction réclamée par les désirs de la


passion , puis , en face , le jugement moral qui, d'a

du
de

loi
dénonçait vérité

la
vance , au nom de la

,
stigmatisait

en
voir n'a
et

faute Celle

la
effet

ci
,

,
-
.
pu

être qu'autant que jugement moral été évin

ce

a
au

tout jugement accep


moins neutralisé par

le
,

,
tant passion Du vrai moral l'esprit est passé
la

à
,
.
au

l'erreur morale péché mais avec persuasion que

la
,

l'on veut cette erreur représentait


de ou
la ce

péché
si
,

,
vérité satisfaction qui était dans l'intérêt du
moment
.

les

du
Pour bien éclaicir données problème

de en ,
Je
reprenons un exemple déjà donné suis mis
.

humeur contre quelqu'un qui usé envers moi


a

m'a poursuivi
de

procédés déloyaux
sa
et

malveillance

.
De jour jour
en

Ses torts sont réels s'accumulent


et

,
.

mon mécontentement s'accentue Bien souvent


si
,
.
ne
je

m'étais retenu j'aurais riposté parfois ma


et
,

grondé sourdement avec des désirs ven


de

colère
a

puis j'ai réussi


Et

geance calmer cette violence


à
,

.
.

Cependant
de

mon ressentiment continue s'enveni


,

de

et

mer dans une alternative poussées violentes


,

reprises énergiques pour n'y point céder Mais


de

l'insistance d'inimitié qui me poursuit


ne

manque
et

s'affirmer finit par lasser ina


de

aucune occasion
patience Un moyen me venger
de

présente plus
se
.

je

opportunément que jamais n'ai que quelques


:
un

protecteur
de

mots dire mon ennemi ces mots


à

;
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 207

lui révéleront sur son protégé des faits et paroles qui


très vite couperont court à ses illusions . Or , je ne le vois
que trop : rapporter ces paroles et ces faits c'est bel et
bien une médisance . Mais parce qu'enfin mon irrita
tion ne cesse de grandir à mesure que j'apprends de
nouvelles perfidies à mon adresse , mon désir de ven
geance finit par repousser toute borne , et , tout en
percevant que je vais commettre une médisance , je
me laisse aller à la commettre effectivement ,
A travers ce débat intérieur qui vient d'aboutir
au péché par le triomphe d'une passion, on saisit
le double courant de raisonnements et de tendances
volontaires qui s'entrecroisent et se contrarient .
est

Un premier courant celui qui prend source de sa


dans passion elle même Cette passion colère
la

esprit riposte ven


de

de
et

suscite dans mon l'idée


geance complaît
ce
se

ma volonté but entrevu


à

,
;

les

active mon esprit meilleurs moyens


en

trouver
le à

parmi ceux plus excellent tous puisqu'il


de
et

ci
,
,

est dans les possibilités réelles servira parfaite


et

ment but médisance Raisonnements subtils


le

la
:

qui s'ajoutent les uns aux autres


et

s'efforcent d'in
culquer que rien n'est plus opportun
la

conviction
on

que par
de

médire d'un ennemi même



si

,
,
sa

met un terme méchanceté


à

ne .

Mais l'esprit vengeance


de

me représente pas
es

représente même pas tout mon


ne

tout entier
ci il
- ,

prit Celui n'approuve vue que


en

médisance
la
.

de

par brève internittence car demeure soucieux


il
,
208 LA CONSCIENCE MORALE

reconnaître en elle un acte injuste interdit par la


loi

au
morale Ainsi développe juxtaposé courant

se

,
.

un
de de

passion conscience qui aligne

de
courant
la

,
rapides raisonnements

en
faveur du
et
continus
de

refus médisance raisonnements parallèles


la

ceux

à
,

les

en
passion qui leur font pièce
de

et
battent
la

brèche méthodiquement tant que dure ma résis

,
tance
.

Mais j'ai pris l'hypothèse que cette résistance

ne
,

tient pas jusqu'au bout que passion

et
sa

fermeté

la
trouvé enfin son issue dans médisance De
la

la
a

.
résistance l'assouvissement que s'est passé

il
à

?
Mon jugement -
de

conscience dénonçait tout

à
l'heure vérité morale comme seule acceptable
la

la

.
Dans l'intervalle j'ai donc changé Car maintenant
,

,
?

j'accepte contraire satisfaire ma vengeance


le

Avant d'expliquer psychologiquement passage


ce
de

de

vérité morale mon péché


la

l'erreur morale
à

,
les

les

envisageons comparant
en

deux termes
de .

Que représente cette vérité morale terme mon


,
Et

jugement face d'elle que


de

en

conscience
?

,
,

représente cette erreur morale que mon jugement


d'action décrète comme l'actuelle vérité pratique
?

La vérité morale que dénonce ma conscience dans


,

l'exemple donné est celle cette médisance est


ci

«
,

:
-

morale qui interdit toute médisance


un

loi

péché La

en

et

est depuis longtemps fixée ma conscience


,

quand cet acte m'est suggéré mon esprit n'est pas


,
Ce

long déclarer défendu jugement est comme


le
à

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 209

stéréotypé ; il se renouvelle le même , dans ma con


science , chaque fois que l'occasion se présente d'en
voir l'application dans mes rapports avec autrui .
Il était le même dans telle occasion précédente où
d'ailleurs je n'ai pas succombé à la tentation de mé
dire . Il est le même aujourd'hui au moment où j'y
succombe ; et mon remords de tout à l'heure me re
dira le même jugement en guise de reproche . Sa

vérité reflète l'application du principe moral au cas


lui

jugé en même comme défendu indépendamment


,
-

des sollicitations passionnelles qui actuellement

le
un
Ce

réclament jugement donc mode indicatif


a
.

non impératif jugement

de
et

intervient avant
le
Il
.

libre arbitre apparaît d'une certaine façon dé


et

,
,

sintéressé du choix qui sera porté Que jugement

de
et le
.

libre arbitre détermine impératif décisif pour


se

,
ou

jugement celui quelle


de

contre conscience
ci
le

,
,

que soit l'alternative n'en modifiera d'aucune façon


,

de

son verdict La vérité prend que


ne

de

celui
ci

se
-
.
loi

morale qui par elle même abstrait


de

fait
ce
la

,
-

contingent savoir qu'elle soit pratiquement écou


,

:
ou

tée non écoutée


1
)
(

de ou

de

Le jugement d'action
se

libre arbitre situe


donc après jugement Mais l'un
ni

conscience
le

ces jugements n'ont point


de

de
ni

l'autre même
le

départ
.

loi
de

justice que ma raison s'inspire


de

C'est
la

III
au

ce

Voir chapitre du présent ouvrage qui été déjà dit


1

a
,
du(
)

du
de

jugement jugement d'action pp 52-56


et

conscience
,

LA CONSCIENCE MORALE 14
.
210 LA CONSCIENCE MORALE

directement quand elle prononce : « cette médisance

loi
justice que ma

de
est un mal ». Ce n'est pas de la

raison s'inspire quand elle prononce cette médisance

«
:
remonter

et et
doit être faite mais directement sans
»,

,
plus haut ma passion
de

de

de
colère pensée de

la
,

vengeance qui m'anime Mon intelligence par fonc

où ,
.
ren
au
vrai partout
de

tion nature adhère

le
elle
,
Et

est indéniable qu'à

ne
contre considérer que ma
il
.

vengeance n'y plus


de
et

de
colère mon idée rien

il

a
,

un
vrai que désigner
de

médisance comme moyen


la

un
très opportun n'est pas

en
soi
ce

Certes vrai

,
un .

c'est dire vrai moral puisque par rapport


à
,
loi -

Ce
morale c'est une erreur évidente n'est qu'un
la

et ,

vrai relatif seuleinent relatif tendance actuelle


la
à
de

plus précisément
de en

mon affectivité émoi


et

,
,
.

relatif ma volonté vengeance Mon jugement


à

d'action sort d'un raisonnement affectif dont pre


le

mier principe n'est pas l'idée toute sèche ven


de

geance mais cette même idée appuyée


de

ma volonté
,

passionnelle qui force ma raison considérer


et

à
un

vengeance comme but d'action actuelle but


en la

duquel médire est désignée


de

face cette action


comme moyen plus apte
le

le

1
(
).
Qu

fin
., de

Voir commentaire Cajetan IIae LVIII


in
Ia

la
1

à
,

5,
(
)

du commentaire édit léon 379 Ex ipsa appetitus immutatione


.p

«
,

:
.

constituitur esse vero dum vindicta est vere conveniens appeti


: in

tui sic affecto constat namque intellectum naturaliter inclinari


in
et ex

verum Et licet hoc non fiat objectum conveniens verum nisi


et
.

secundum quid propterea contingit errare intellectum judicando


;

vindictam convenientem simpliciter idest sine additione quae


,

tamen non est conveniens nisi secundum quid quia appetitui sic
,

aſfecto tantum nonnullum tamen verum est verum secundum quid


:
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 211

Replaçons maintenant ce jugement de conscience


et ce jugement d'action dans le courant psycholo
gique qui
de les
porte

.
Avant les voir

et
se
contredire finalement

le
jugement d'action évincer jugement

de
conscience

le le

de ,
du
comme arrive dans cas péché objet
il

,
notre analyse arrêtons nous considérer leur

à
,

accord dans victoire sur - tentation


la

la

.
LES RÉSISTANCES POSSIBLES DE LA CONSCIENCE
7.

EN FACE DE LA TENTATION
au

Faisons donc cette hypothèse lieu succom


de
:
au

me venger mon ennemi par


de

de

ber désir

la
médisance j'y résiste malgré mon ressentiment
,

cas mon jugement .


de

Dans conscience contient


ce

tout d'abord
sa

formule énonciative une telle


«
:

médisance serait une faute morale Mais d'où vient


»
.
un

qu'il prenne caractère impératif


et

me décide
il
au

repousser
de

choix effectif médisance C'est


la

qu'en moi cette heure n'y pas que jugement


le
il
à

a
,

,
de

ma conscience tout court mais pour l'appuyer


ne ,

,
ne
Je

jamais médire
de

une volonté très arrêtée


.

suis pas sans avoir rencontré bien souvent pareilles


pareilles tentations
et

et

occasions ma conscience
,

Et sic affectione
ad
se

attractivamque participat vim intellectus


.

appetitus ad vindinctam constituitur ipsa vindicta esse conve


in
et ,

nienti secundum quid apparenter convenienti simpliciter quo


,

per
ac

niam appetitus animalis est totius suppositi hoc conveniens


,

vere appetitui offertur conveniens simpliciter ipsi appetenti etc.


ut

»
,
212 LA CONSCIENCE MORALE

s'est habituée à les vaincre . Ma volonté est à ce


point fixée dans la vertu que d'éviter toute faute lui
est devenu un premier principe . Dès lors , cette mé
disance est rejetée dès qu'elle se suggère , non seu

je
loi
lement parce que la défend mais parce que

la

,
suis disposé par tous mes assagissements antérieurs

,
,

y la
me complaire fermement dans l'observance de
à

loi du bien moi toute activité qui


en
et

interdire
à

dérogerait Par l'appoint


de
cette volonté actuelle

,
.

expressive dispositions
de

mes vertueuses ma raison

,
contente plus désigner par mode indicatif
ne

de
se

,
,

cette médisance comme un mal mais sous l'impul


;

,
de

sion mon vouloir vertueux elle s'applique

à
,

contredire immédiatement toutes les suggestions


de

présentées par mon esprit médisan


en

la
faveur
elle empêche ma raison s'y laisser prendre
de
ce
;

;
elle retient aux seuls motifs qui s'accordent avec
la

au

Et
la

vertu comme une raison service d'une


,
.

ne

volonté actuelle s'emploie que pour faire abou


motif dernier qui
tir

et

son désir déterminer


le

rendra effective l'action convoitée arrive que


il
,

hypothèse ma raison toute fervente


en

dans cas
le

,
un le de

l'action réelle bien loin d'en rester énoncer


à
,

jugement
de

conscience cette médisance serait


«
:

et un

jugement
de

de

fait
ce

mal conscience
»,

jugement d'action qui dicte choix décisif


le

intime l'exécution Ma raison prononce


que ma
ce
.

qu'elle
et

vertu ma volonté actuelle réclament


Le

juge
ne

prononce cette médisance sera pas


«

»
:

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 213

ment de conscience n'est plus seulement « notio


nel et indicatif , mais affectif et préceptif . Il est
»

devenu le jugement impératif de ma vertu de pru


dence ( 1)
Si donc je suis vertueux , mes dispositions affectives
sont à ce point unifiées que ma volonté en épouse
toutes les tendances et amène ma raison à ne retenir
que les actions conformes à cette intention et à re
fuser net toutes celles qui s'y opposent .
Au contraire , chez le pécheur invétéré et sans

( 1) « Principia agibilium sunt fines ; ex his enim sumitur ratio


agendorum . De fine autem habet aliquis rectam aestimationem per
habitum virtutis moralis ; quia , ut Philosophus dixit in IIIEthic . ,
qualis unusquisque est, talis et finis videtur ei ; sicut virtuoso videtur
appetibile , ut finis , bonum quod est secundum virtutem ; et vitioso
illud quod pertinet ad illud vitium ; et est simile de gustu infecto et
sano . Unde necesse est quod quicumque habeat prudentiam , habeat
etiam virtutes morales » (De Virt . Card .Qu . un . , a . 2). — Voir la même
doctrine dans la I * IIae , Qu . LVIII , a . 5. Lire , sur cet article , le com
mentaire de Cajetan . J'en extrais ces lignes : « Sicut praecipere non
est intelligibile quin dependeat ab appetitu , praecipit enim quilibet
volens ; ita recte praecipere sibi ipsi in hujusmodi moralibus , non
est nisi ab appetitu recto . » Sur cette question de l'influence de
la rectitude affective sur la rectitude du jugement moral préceptif ,
je signale un autre commentaire de Cajetan , I * IIae , Qu . LXXVII , a . 2 ,
§ 111.En voici le passage principal : « Quaedam rectitudo est in ra
tione secundum se : et haec ex solis terminis pendet . Quaedam est in
ratione , sed ut mota ab appetitu ; et ista dependet non ex solis ter
minis , sed ex connexione conformi appetitui recto : unde in VI Ethic .
dicitur quod verum intellectus practici est confesse se habere appetitui
ut
sit

recto. Unde cum prudentiae scientia intellectu subest volun


exin

tati rectitudo rationis ejus non est evidentia terminorum ad


,

rationem absolute sed ad rationem ut motam ab recto appetitu


si ,

dependet Et hujus responsionis non est capax distingue quod


,
.

forma syllo
se

pendet ex terminis
et

rectitudo rationis secundum


,

gismi sed ut judicanda


ex

praeceptiva pendet appetitu


in
et

nobis
a
:

quia qualis unusquisque est talis finis videtur Et ideo


ei

moralibus
,

.
ex

est impossibile quod sit perfecta ratio sola syllogismo


et

terminis
,

quidquid voluntate sit oportet enim voluntatem esse bene dis


si in

positam ratio perfecta sit ratione morali particularissima sine


. ,

defectu
214 LA CONSCIENCE MORALE

scrupule , le jugement de conscience n'excite et


aucune complaisance volontaire Cepen

lui
n'attire à

.
dant existe vindicatif vicieux n'ignore pas que

le
il
,

;
un
Pour que jugement devînt

ce
médire est péché

.
intimant faudrait que

et se
résolutoire volonté

la
et

il
se ,
redressât toute pour ranger son indication

à
promulguer décisif

et
l'entraîner exécutoire
se
à

.
Mais volonté vicieuse est fixée dans son orien
la
,

enjôle l'applique retenir

et
tation raison
la

elle

à
:

prédominant

de
seulement motif satisfaction
le

de la
qu'elle veut rejeter
en

écartant tout motif

la
,

,
serait motif présenté par conscience
la
ce
le
-

.
RUPTURE D'ÉQUILIBRE
8.

EN FAVEUR DE LA PASSION
.
un

un

Sans être vertueux parfait vicieux dont


ni

conscience morale perdu toute force d'inhibition


on la

du

peut premier coup par


ne

pas être vaincu


la

passion discuter logntemps avec elle puis après


,

vive résistance être enfin subjugué C'est cas


le
,

particulièrement visé par nos précédentes analyses


et

qu'il faut cette fois définitivement résoudre


,
,

suppose donc qu'en face d'un adversaire exci


Je

tant ma mauvaise humeur l'occasion survienne pro


,

,
ci lui

pice me venger par une médisance Appelée


de
de
,

en

par ma passion celle apparaît ma raison


à
-
,

parfaite convenance avec mon ressentiment Mais


.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 215

puisque , tout d'abord , je résiste , il faut croire que le


mouvement de volonté et de raisonnement en faveur

de la médisance n'est pas seul dans ma conscience . Je


raisonne pour justifier la médisance à laquelle m'en
gage ma passion ; mais je raisonne , à côté de ma
passion , avec la même raison , pour m'avertir moi
même, au nom de la Je loi
morale que cette médisance

et ,
un

interdit

à la je
ne
est acte veux veux pas j'ap

,
.

prouve cette médisance


je
désapprouve Ma
et

.
loi
raison hésite entre l'obéissance justice

de

et
la
l'assouvissement de ma colère
1
(
).

du
D'où vient cette hésitation Certainement con
de ?

tre oids mon jugement conscience empêchant


de
-p

mon jugement d'action Mais


de

verdict définitif
le

mon jugement .
de

encore d'où vient conscience cette


à
,

point par lui même


l'a
ne

en
force contredisante
Il
?

tant que fruit d'un raisonnement théorique


et

détaché
volontaire Lui aussi
de

toute tendance affective


et

,
.

dans cas présent est conclusion d'un raisonne


le

la
,

ment affectif dont principe n'est pas seulement


le

loi

l'énoncé objectif justice défendant


de

de
la la

ce la

persuasion
de

de

médisance Ici encore valeur


,
.
in

Cum homine duae sint naturae intellectualis scilicet


1
«

,
(
)

quandoque quidem est homo aliqualis uniformiter


et

sensitiva
,

secundum totam animam quia scilicet vel pars sensitiva totaliter


:

subjicitur rationi sicut contingit virtuosis vel converso ratio


in

e
;
,

totaliter absorbetur passione sicut accidit amentibus.Sed aliquan


in
a

,
do

etsi ratio obnubiletur passione remanet tamen aliquid rationi


a
,

liberum Et secundum hoc potest aliquis vel totaliter passionem


, .

ne

ur In tali enim
se

repellere vel saltem tenere passionem


.

dispositione quia homo secundum diversas partes animae diversi


,

mode disponitur
et

aliud videtur secundum rationem aliud secun


ei
. ,

ad

dum passionem
2.

Iſse Qu
»

a
,

x,

3,
(

)
ſ.

.
216 LA CONSCIENCE MORALE

principe vient de ma volonté actuelle de le tenir


comme une règle pratique . C'est parce que je n'en
suis pas sans doute à mon premier acte de vertu
sous ce rapport , c'est parce que ma volonté , expres
sive de mes habitudes morales , est tendue vers une
activité conforme à ses désirs , que mon jugement de

lui
conscience porte avec

en
moment l'intimation

ce
,

,
médisance malgré les sollicitations pas
de

refuser
la

sionnelles qui réclament


la

.
Dans ma conscience lutte n'est pas vrai dire
la

,
,

et
entre jugement jugement entre raisonnement
et

ou
raisonnement mais entre deux affectivités l'on

si
,
,

,
veut lutte est l'intérieur même au de ma volonté
la

à
,

entre deux tendances qui mo

de
tiraillent gré
la

tifs qu'elle meut l'esprit faire valoir alternative


à

qui tendent réciproquement s'éclipser


et

ment
à

.
motif qui m'inter
je

Quand m'arrête considérer


le
à

l'énergie
de

de

dit médire toute ma volonté semble


,

appuyer sur motif pour qu'il prenne valeur pré


et ce

pondérante regarde
je

décide mon choix Quand


.

satisfaction d'assouvir enfin mon mécontentement


la

,
sa

ma volonté semble faire refluer force dans cette


appliquer mon esprit suprême
et

direction voir
le
y
à

motif de mà détermination
.

Mais enfin produit rupture d'équilibre J'hé


la
se
,
,

sitais tout
je

l'heure devant tentation me raidis


la
la à

sais pour pourtant j'ai fini par


et

refuser céder
et
,

j'ai commis l'acte


de

médisance qui satisfait mon


a

vengeance mais dont


de

désir
en

ce

remords
le
,

,
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 217

moment , m'aiguillonne . Comment donc s'est opéré le


glissement ?
Que se passe -t - il en moi au moment de céder au
péché ?
Tout d'abord , jen'ai point conscience deme décider
à la suite d'une persuasion par argumentation de rai
sonnement , comme si , débattant un problème intel
lectuel , je me rendais enfin en face d'une dernière
preuve plus évidente . S'il y a en moi des considéra
tions diverses entrecroisées , j'ai plutôt l'impression
qu'elles sont liées à des revirements successifs de ma
volonté , et que celle-ci me pousse à ces différentes
considérations au gré de ses propres fluctuations .
D'autre part , je n'ai point conscience de sortir de
mon hésitation par une option capricieuse de mon
vouloir , comme si, acculé à l'impasse de deux déter
minations également motivées , je choisissais l'une
plutôt que l'autre pour le simple motif de me résou
dre enfin . Au contraire , à l'instant du péché , j'ai l'im
les

pression d'une plus -value dans motifs qui m'atti


Je

rent veux péché parce que mon esprit attentif


le

,
.

aux satisfactions qu'il promet appliqué par


et

me
mo
en

ma volonté les mettre relief me donne des


à

tifs satisfaisants
de

vouloir péché
ce

n'ai pas
je

Enfin
ce

choix actuellement motivé


,

l'impression qu'il soit survenu subitement sans pré


au

paration m'apparaît contraire comme l'abou


Il

.
.

de

tissant d'une série fléchissements antérieurs Les


.

péripéties lutte intestine précédant mon péché


de
la
218 LA CONSCIENCE MORALE

me semblent marquées par un effacement progressif


dans les raisons mises en avant par ma conscience ,
et , en même temps , par une mise en relief continue
des avantages de mon péché , au point que , lorsque je
me détermine à celui - ci, les motifs mêmes que ma
conscience conserve pour m'en faire un reproche sem
blent énervés et inefficaces , alors que les motifs de

les
céder à ma passion se présentent comme plus
les

persuasifs plus
et

décisifs
.
Mais alors comment expliquer dégradé progres

ce
,

sif des motifs de conscience cette débilitation


la

et
volonté morale tandis que s'accentue
de de

force
la la

la la
pas
au
de
et

de
volonté raison
la

service
sion
?

qui ouvre

de
C'est passion évidemment cycle
la

le
,

mouvement psychologique
ce

Reprenons notre exemple


:

Mon ennemi m'a vilipendé


en
et

moi colère
la
,
Ce

gronde premier choc me trouve pas indé


ne
.

Je

n'éprouve pas
de

terminé affectivement colère


la
.

ou

pour première fois


de
et

mon passé vertu mon


la

;
Si de

absence vertu ont chance d'orienter ma première


je

réaction suis tellement fixé par tempérament


.
et

et

continuels efforts sur moi même modérer


à

à
-

vaincre mes mauvaises humeurs est présumer que


il

à
,

en

passion présente poussera pas


ne

moi très
la

au sa

avant résonance
.

un
je
Si

contraire suis irritable blessé fond


à
,

par
va

moindre égratignure ma colère présente


la

,
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 219

trouver toute aisance pour étaler en moi son bouil


lonnant remous . Persuadons - nous qu'en face de nos
actes moraux , nous ne sommes point tout neufs .
Nous y arrivons avec nos inclinations , nos habitudes
et nos tendances dominantes . Tout notre passé moral
retentit en chacun de nos actes moraux . Ce passé
nous dispose, nous incline et nous oriente . Mais il ne
lie

nous pas
.

de
de
parle donc pas
et ne

Qu'on cause cela déter

,
à
,

fatalité Nos habitudes passées résul


de

minisme
.

tent d'une accumulation d'actes libres responsables


et

.
Même quand elles acclimatent nos tendances servir

à
promptement toute suggestion qui s'accorde avec
elles même quand s'agit tendances vicieuses qui
de
il
,

donnent sans grande résistance aux actions qu'el


se

,
,

les réclament liberté n'en demeure pas moins tout


la
la ,

entière dans décision qui accepte ces actions Même


.

voyant
en

reproduire des
se

très facilement alléché


attraits auxquels presque toujours auparavant j'ai
,

,
de
je

pour autant
ne

cédé suis pas contraint céder


,

nouveau devant l'attrait d'un bien particulier


à

de ,

quand j'ai une volonté qui peut être contrainte


ne

que bien absolu


se

donner devant
le

côté cette question


de

de

et

Laissons donc liberté


en la

ici

responsabilité qui doit pas être


ne
de

cause
la

D'ailleurs dans l'hypothèse


nous sommes d'une


,

ne

défaillance morale nous disons point que faute


la
,

ne un

que passion premier


ac

est fatale parce trouve


la

cueil favorable Cet accueil favorable l'est point


.
220 LA CONSCIENCE MORALE

tellement qu'il n'ait ses hésitations , puisque , dans la


même hypothèse , nous envisageons que la conscience
y résiste tout d'abord . Elle y résiste par son juge
ment de réprobation qui prend sa force à la volonté
morale qui l'appuie . Si , à la longue , cette volonté s'af
faiblit , ce ne sera pas sans protestation de la raison
atti

ce les
dénonçant que , quelles que soient actuelles
bien apparent
de
rances c'est une faute préférer

,
,

au

qui est
de
mal bien vertu C'est donc encore
, le

la
,

,
.
sa au

sein d'une liberté qui

ne
une fois perd aucun

,
va à
capacité dé
de

se
moment redressement que

,
,

rouler glissement vers


ce le

péché
le

.
.

De glissement disions nous passion provo


la la
,

,
,
-

quée dans partie sensible est première étape


la

.
Nous supposions que cette passion rencontrait un
part des tendances habituelles
de

accueil favorable
la

antérieures Mais cela même n'est point nécessaire


.

pour expliquer une défaillance morale Même ceux qui


.
de ne

manquent pas vertu peuvent subir les assauts


de

parfois être vaincus par elle Car


et

tentation
la

à
,
.

supposer qu'une passion déclarant vienne heurter


se

peut
ne

une volonté moralement assagie celle


et ci
la le ,

cependant manquer d'en ressentir choc d'osciller


propre passion d'attirer
de

quelque peu C'est


la le
.

qu'elle
de

consentement volonté sur l'inclination


le

suscite
.

de

La passion est un mouvement notre sensibilité


.

s'accompagne imagination
de

Elle dans notre toutes


,
,

les représentations qui servent pro


et
sa

tendance
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 221

voquent dans nos instincts les réactions appropriées .


Mais , à leur tour, ces imaginations orientent notre
esprit vers des idées correspondantes et, par celles - ci,
accentuent l'inclination et le désir volontaires . On a
provoqué ma colère . Celle -ci met en ébullition mon
imagination qui me représente , dans tout leur réa

qui
lisme,
les

de
circonstances l'offense m'est faite

Il
.
est donc tout naturel que l'idée vengeance sur

de
que ma volonté s'y prenne
et

vienne l'approuve

et

,
le Le
étant donné que ma passion réclame désir ins
la

.
ma passion cherche
de

tinctif devenir désir ac


à
de

tuel ma volonté
(1
).
Ce

n'est pourtant point son désir total car l'idée

de
,

vengeance n'est pas plutôt survenue dans ma repré


lui

sentation intérieure qu'une autre idée fait face


,

:
cette vengeance comme répréhensible
de


et
l'idée
fendue Les deux idées s'affrontent mais plus encore
,
.

les deux désirs les deux affectivités les deux volontés


,
,

passionnelle qui
et

se

morale servent des deux idées


opposées pour exprimer leur propre opposition
.

Mais remarquons attentivement ceci passion


la

,
,

par elle même indépendamment des tendances anté


,
-

desservir pos
et ou

rieures qui peuvent


la

favoriser
la

de

sède une présomption d'accueil


de

faveur près

Secundum passionem appetitus sensitivi immutatur homo


1
«

,
(
)

ad aliquam dispositionem Unde secundum quod homo est pas


in
.

sione aliqua videtur sibi aliquid conveniens quod non videtur extra
,

passionem existenti sicut irato videtur bonum quod non videtur


;

quieto Et per hunc modum parte objecti appetitus sensitivus


ex
e, ,

,
.

ix
II

2.

movet voluntatem Qu
»

a
,

,
I*
(

)
-

.
222 LA CONSCIENCE MORALE

la volonté Elle excite mon imagination et favorise


.

l'idée d'un acte particulier et concret , d'une action


qui m'apportera une délectation déjà éprouvée en
désir . Ce n'est pas l'idée d'une satisfaction immaté
rielle dont le goût me reste imprécis et qui, loin de
m'offrir le prenant d'un plaisir à ressentir , ne m'ap
portera guère qu'une privation pénible ; ce n'est pas

les
une simple idée de ma conscience , qui voit cho

en
presque dans l'intemporel trouvant
de

et

ses loin

,
effet que toute médisance celle d'aujourd'hui comme

,
,
de

celle d'hier celle sont interdites mais


et

demain
,

;
bon prendre tout

de
c'est l'idée d'un acte immédiat à
,

suite d'une médisance qui en me vengeant sera une


,
,

,
décharge colère qui m'étouffe
de

et
m'enlèvera
la

poids d'une malveillance dont me paraît intolé


le

il

supporter plus longtemps perfidie Par


de

la

rable .
de

l'excitant d'un bien sensation d'un plaisir immé


,

l'ennui qui
de

diatement saisissable d'une délivrance


,

m'oppresse ma passion porte donc avec elle une


,

présomption
de

de

faveur l'endroit mon accueil


à
,

volontaire
.

car ma volonté n'y


Ce

n'est qu'une présomption


:

est point nécessitée peut toujours faire volte face


et

suppose que cette présomption s'ac


je

Mais enfin
,

particulière attraction
de

de

centue l'acte
la

cause
à

passionnel cause des dispositions antérieures qui


et il ou à
,

du

l'appellent manque
de

de

force mes tendances


un
--

produit alors
en

morales moi flottement


se
,

un

volontaire comme premier consentement non


,
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 223

pas encore à la faute , mais à sa possibilité envisagée


plus favorablement . L'équilibre affectif est rompu ;
la volonté ne se contente plus d'osciller , mais elle s'in
cline et penche . Le désir du vouloir épouse de plus en
plus le désir de la passion .

9. L'AVEUGLEMENT VOLONTAIRE A L'INSTANT


DU PÉCHÉ .

Peu à peu , à partir de cette inclication volontaire


les

prédominante , s'établit , sur tous motifs qui favo

Le la
risent une fixation d'attention privilégiée désir
,

.
La volonté unifie de plus plus son
se

en
raffermit
.

intention elle devient une énergie concentrique qui


;

ramène son service toutes les ressources acti


et

les
à

vités du moi
.

Tout l'heure l'imagination spontanément éveil


,
la à

lée par
les

passion faisait valoir tous aspects réa


,
du

plaisir entrevu Cet afflux


de

en

listes délectations
.
les

perspective excitaient idées correspondantes


et
,

réagis
ci

travers elles attiraient volonté Celle


la
à

,
,

-
.
de

sant alors sur passion peut manquer


ne

désir
la le

la

,
de

surexciter troublante fantasmagorie Le pas


.
en

sionné voit tourbillonner lui les images qui repré


sentent l'objet passion qui
de

en

fait
ce
sa

tout
et

valoir les capiteux attraits Maintenant favorable


à
.

peut que développer encore


ne
la

passion volonté
la
,
224 LA CONSCIENCE MORALE

davantage ce jeu des images et des idées en accord


avec elle ( 1 ) .
Cette domination volontaire de plus en plus accusée
produire que produit tout phénomène
fin

ce
doit , à la ,

de
psychologique l'état fort une concentration
à

:
l'attention sur lui même un relâchement d'atten

et
-
toute autre acti

de
tion une distraction l'endroit
à
,

,
du

vité moi Distraction non absolue dans cas qui

le
,
.

la
nous occupe mais tendance distraction non

la

,
à
à
,

considération
2
(
).

Cette inattention marque par une sélection spon


se

tanée des images des idées qui servent ma passion


et

.
satisfaction que j'éprou
Je

vois plus guère que


ne

la

venger par
de

verai mon ennemi fait même de le


et

me
à

,
je

suis entraîné m'hypnotiser sur l'idée me venger


à

par moyen approprié médisance Sans doute


la
ce

,
.
:

mon champ vision n'est point tellement fermé


de

qu'il rompe certains moments pour me laisser


ne
se

l'acte que médite


de

entrevoir l'interdiction morale


de

ma vengeance mais l'idée même cette interdic


;

Passionem appetitus sensitivi sequitur imaginationis appre


1
«
(
)

judicium aestimativae sicut etiam dispositionem linguae


et

hensio
:

sequitur judicium gustus Unde videmus quod homines alique


in
.

ab

passione existentes non facile imaginationem avertunt his circa


quae afficiuntur Unde per consequens judicium rationis plerumqua
.

sequitur passionem appetitus sensitivi per consequens motue


et
;

Qu

voluntatis qui natus est sequi judicium rationis


II

LXXVIIS
»

,
I•
,

*
(

.
.
de

Voir Cajetan
) )1.

commentaire sur cet article


le
a
.

operibus animae requiritur quaedam intentio quae dum


In
2
«

,
(

vehementer applicatur ad unum non potest alteri vehementer


,

attendere Et secundum hunc modum per quamdam distractionem


,

,
.

quando motus appetitus sensitivi fortificatur secundum quamcum


que passionem necesse est quod remittatur vel totaliter impediatur
,

motus proprius appetitus rationalis qui est voluntas Ibid


»
,

)
.

.
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE 225

tion se distend de plus en plus du centre d'énergie


de mon vouloir : idée d'un bien spirituel éloigné de
mon actuelle convoitise , idée décolorée , exsangue et
sans chaleur d'action . Mon entraînement volontaire
accentue de lui -même ce subtil et persistant camou
flage : plus mon désir se tend vers sa détermination ,
plus il s'absorbe dans ses motifs immédiats ; il est
comme fasciné par eux , il ne voit plus qu'eux .
Les motifs moraux qui les contredisent insistent

de
ils

encore pour faire considérer Ma volonté


se

,
plus plus alléchée ma vengeance non seulement
en

les laisse tomber mais s'applique les masquer Ma


je à
,

.
fait partiale
se

discussion intime
ne
veux pas me
:

l'objurgation
de

je
ne
rendre ma conscience veux
à

,
de
je

pas l'écouter l'écouter Ma


et

bientôt refuse
,

.

position est prise Ma volonté toujours libre


ne
,
.
---

l'oublions pas applique ma raison pas considé


ne
à

de

rer comme ayant valeur préceptive les motifs ma


,
,

de

conscience mais seulement les motifs satisfaire


,

Je

m'aveugle volontairement
Je

ma vengeance me
.
ne .

déterminer mon choix qu'en face


de

contrains
à

je

l'attrait qui correspond ma passion Dès lors


à

,
.
Je

mon ennemi Ma passion est


de
...

choisis médis
.

enfin assouvie
1
(
.)

Quando passio est fortis circa particulare repellit contrarium


1
«

,
(
)

motum scientiae circa idem particulare non solum distrahendo


a
,

consideratione scientiae sed etiam corrumpendo per viam contrarie


,

tatis sic ille qui forti passione est constitutus etsi consideret
in
et
;

aliquo modo particulari tamen impeditur ejus con


in

, in

universali
,

Posito enim quod ratio sit


III

De Malo Qu
9.

sideratio

«
»

a
,

,
(

)
.

ligata per passionem necesse est quod sequatur perversa electio sed
;
,

LA CONSCIENCE MORALE 15
.
226 LA CONSCIENCE MORALE

Dans mon péché , j'ai refusé la vérité morale que


promulguait ma conscience ; je n'ai voulu que la véri
té pratique de ma vengeance satisfaite . Sous les appa
rences du bien , j'ai choisi
le mal . Je me suis trompé , et
c'est ma volonté responsable qui m'a fait me tromper .
Une erreur est donc contenue dans tout péché , mais
c'est une erreur volontaire .

in potestate voluntatis est hoc ligamen rationis repellere . Dictum est


quod ratio ligatur ex hoc quod intentio animae applicatur vehemen
ter ad actum appetitus sensitivi ; unde avertitur a considerando in
particulari id quod habitualiter in universali cognoscit . Applicare
autem intentionem ad aliquid vel non applicare in potestate volun
tatis existit . Unde in potestate voluntatis est quod ligamen rationis
excludat . Actus ergo commissus , qui ex tali ligamine procedit , est
Ibid Qu III
...

voluntarius 19. Cf. ad


2
»

.a
.,

,
(

).

.
CHAPITRE X

La conscience vertueuse .

SOMMAIRE :

ENRICHISSEMENT DE LA CONSCIENCE DANS LA CONNAISSANCE


DES PRESCRIPTIONS MORALES . L'ACQUISITION PROGRES
SIVE DE LA VERTU . LA FERMETÉ DE LA CONSCIENCE
VERTUEUSE , LES VERTUS MORALES « ACQUISES » ET LES
VERTUS MORALES ( INFUSES » COMPARÉES AU POINT DE
VUE DE LEUR STABILITÉ .

Lorsque nous qualifions un homme au point de


vue moral nous croyons désigner suffisamment son
,
lui

titre à notre admiration quand nous disons de


qu'il possède une conscience vertueuse
.

Dans son sens général mot vertu signifie force


le
,

,
:

robustesse puissance d'action parvenue son plein


le à
,

développement prête fournir son élan plus riche


,

,
à

La

plus adapté plus sûr


et

son mouvement
le

le

et (1
).
la

Vertu morale c'est dans volonté humaine dans


,
,

Virtus secundum sui nominis rationem potentiae comple


1
«

,
(
)

mentum designat unde vis dicitur secundum quod res aliqua per
et
;

potestatem completam quam habet potest sequi suum impetum vel


,

motum virtus enim secundum suum nomen potestatis perfectio


,

., ,
:

Qu Disp De Virt
in

1.

nem demonstrat Com Qu


»

a
,

1,
(

)
.

.
228 LA CONSCIENCE MORALE

les facultés soumises à son empire , la garantie assurée


et l'efficacité souveraine de l'accomplissement du
bien .
Or , nous le savons , la conscience n'est pas autre
chose que notre raison , fixée sur l'idéal
du devoir ,
convaincue de l'obligation des lois morales humai
nes et divines et qui s'applique à discerner pratique
ment la conformité de toutes nos actions à cet idéal
et à ces lois .

A quel moment pourrons donc parler de


- nous

conscience vertueuse , sinon quand ce jugement intelli


gent fera rayonner , en toutes circonstances , sa lumière
et sa persuasion , quand l'entraînement au bien aura
toute sa force , malgré les passions revêches et les obs
tacles si souvent dressés en face des meilleures inten
tions ?
Cette sécurité de la conscience trouve la fermeté
de ses assisesdans l'accoutumance progressivement
stabilisée de toutes les vertus , dans l'assujettisse
ment de toutes les énergies aux injonctions de la rai
son , enfin dans une vie surnaturelle que la Charité
épanouit vers une sainteté de plus en plus digne de
l'Amitié de Dieu .
Une conscience , ainsi constituée dans la droiture ,
réprésente un harmonieux équilibre des facultés hu
maines . Elle est la santé et la beauté de l'âme ( 1). Elle

(1) « Virtus , in quantum est conveniens dispositio animae , assi


milatur sanitati et pulchritudini quae sunt debitae dispositiones cor
poris . » ( Ia IIae , Qu , LV , a , 2 , ad 1.)
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 229

donne à l'homme la bonté par excellence , c'est - à - dire


la perfection ; car elle est , en lui , la fonction active
du bien . Les dons naturels de l'intelligence , ceux
même du génie peuvent voisiner avec d'étranges
pauvretés et nos louanges les plus sincères doivent
parfois se tempérér de réticences . Mais , en face d'une
conscience vertueuse , aucune restriction n'est de mise
dans notre admiration : la vertu est le plus haut
sommet de l'homme : elle consacre la maîtrise de la
raison , l'affranchissement de l'esclavage passionnel ,
le triomphe de l'amour du bien , la réalisation effective ,
en toute la vie , de la grandeur morale ( 1 ) .
Donnons - nous un instant le spectacle d'une cons
cience vertueuse ; voyons les éléments qui composent
sa perfection .
1

1. ENRICHISSEMENT DE LA CONSCIENCE DANS LA


CONNAISSANCE DES PRESCRIPTIONS MORALES .

Deux principes commandent en nous l'action


proprement humaine : notre intelligence et notre
volonté . Toute action soumise au contrôle moral en
est tributaire. Notre responsabilité est faite de nos
raisons d'agir et des amours qui nous y poussent .
Notre conscience , cette pourvoyeuse de notre mora

( 1) « Virtus bonum facit habentem et opus ejus reddit bonum , ut


dicitur in II Ethic .; et per hunc etiam modum patet quod est dispo
sitio perfecti ad optimum , ut dicitur in VII Metaph . » ( De Virt . in
Com ., Qu . I , a. 1. Cf. Ia I [ *e, Qu . LV , a . 3 ; Qu , LVI , a . 3).
230 LA CONSCIENCE MORALE

lité , ce discernement appliqué de l'honnêteté prati


que , relève nécessairement , pour sa perfection , de la
perfection de nos convictions morales et des vertus
qui assagissent notre affectivité et assurent la ferveur
de notre amour du bien . La vertu de notre conscience
est l'expression et le résultat de toutes nos autres
vertus ( 1)
Persuadons - nous que cette perfection représente
une énorme complexité et qu'elle comprend des
éléments multiples et étrangement variés .
Notre expérience personnelle peut nous convaincre
que notre vertu ne parvient à la stabilité . si tant est
----

qu'elle y parvienne à peu près qu'à suite d'efforts la


à

au

de
de
toujours repris cours durée
constants la
,

notre existence Ces progrès eux mêmes dans leur


,
-
.

évolution lente souvent douloureuse exigent dans


et

ses points
de

notre esprit vue dans notre volonté


et

ses intentions dans notre cœur ses sentiments


et

et
,

dans nos passions leurs impulsions des corrections


et

des redressements des prévisions des sauvegar


et

et
,

des qui par leur cumul


de et

leur entr'aide finissent


,
,

au

par équilibrer notre conscience force


la

centre
,
,

victorieuse du bien
.

Supposons donc par hypothèse une conscience


,
,

quoi
de

parvenue perfection
et

demandons nous
la
à

Virtus humana est quidam habitus perficiens hominem ad


1
«
(
)

bene operandum Principium autem humanorum actuum


in

homine
.

non est nisi duplex scilicet intellectus sive ratio appetitus


et

haec
,

III
. :
de

homine ut dicitur Anima Unde


in

enim sunt duo moventia


in

sit

omnis virtus humana oportet quod perfectiva alicujus istorum


principiorum IIae Qu LVIIJ
Ia
»

3
a
,

,
(

.
).
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 231

celle - ci est faite . L'édifice vertueux se dresse devant


nous comme par une coupe verticale , mettons à nu
:
ses fondements , ses étages superposés et son armature
intérieure .
La première base de la conscience , c'est notre pro
pre raison , la conscience étant la raison elle -même
appliquée à l'investigation pratique du bien . Avant
d'exercer cette lumière d'application , notre intel
ligence proclame l'obligation même du devoir , le « fais
ce que dois » qui retentit en toute pensée humaine dès
qu'elle réfléchit et écoute au- dedans la persuasion
de ses propres évidences .
Ce n'est là qu'un préambule . Notre raison morale
-dans l'hypothèse où nous nous plaçons d'une cons
cience vertueuse s'est illustrée peu à peu de la
connaissance des lois morales que l'enseignement et
l'expérience même de la vie nous ont fournie à mesure
que nous sommes passés de l'enfance à la jeunesse et
de la jeunesse à l'âge mûr . Ce serait un travail gigan
tesque et d'ailleurs impossible que de dresser le bilan
de toutes nos acquisitions dans cet ordre : leçons , ad
monitions, réprimandes et conseils reçus . Nous n'a
vons pas manqué , chaque jour que Dieu nous a fait ,
---

d'être catéchisés et souvent chapitrés par nos


parents nos éducateurs
et

nos amis tous les hommes


,

par l'édification leurs bons exemples


de

n'ont cessé
par spectacle
et

de

aussi sans vouloir leur mau


le
le
,

vaise conduite nous inculquer les règles


de

de

l'honnêteté
.
232 LA CONSCIENCE MORALE

Au surplus , nous avons été élevés et nourris dans


les enseignements de la Foi catholique . Les lois mora
les , dont la sagesse et l'expérience humaines nous ont

les

se
fait connaître diverses obligations sont singuliè

de
rement précisées lumière Loi divine Nous

la

la
à

.
l'avons appris Dieu nous couvre d'une mystérieuse
:

de
sollicitude а nous unir jamais

sa
le

dessein
il
a
;

à
propre béatitude l'économie d'une telle destinée
et
un

doit appeler programme


de
vie surnaturelle dont
Église interprète

de
sainte autorisée des desseins
la

Dieu est continuellement occupée nous rappeler


à
,

les prescriptions positives


et

minutieuses

.
la

profusion
de

Comment évaluer clarté qui nous


chaque jour
de

est venue nous vient cette source


et

!
de Ce

que prédication orale nous expose des exigences


la

perfection chrétienne nos réflexions solitaires


la

l'appliquent notre conduite personnelle nos exa


à

;
de

ponctuant nos fautes nous


en

mens conscience
,

conduisent une perspicacité plus affinée des com


à

mandements divins
.

Enfin notre vie surnaturelle s'anime d'une Cha


si
,

elle progresse dans l'élan continu


de

rité vivante
si
,

notre caur subjugué par l'amour


et

abandonné aux
mystérieuses sollicitations l'Esprit Saint nul doute
de

,
-

que s'éveille pleine intelli


en

affectueuse
et

nous
la
de

gence Loi dont l'observance doit nous conduire


la

au salut
.
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 233

2. L'ACQUISITION PROGRESSIVE DE LA VERTU .

Cet enrichissement de notre esprit dans la connais


sance des lois morales et de leurs applications n'est
encore qu'une part de la perfection totale de la cons
cience vertueuse : elle garantit dans notre intelli
gence la direction de la vie morale et son discerne
ment pratique .
Mais , il faut davantage .

C'est le rôle de notre esprit de découvrir ce qu'il


faut faire en visée d'un but agréé , mais notre vo
lonté doit désirer le bien entrevu dans ce but et
par la-même commander efficacement l'action qui
nous en donnera la possession . Nos convictions ne se
prouvent que par nos actions .
Or , c'est là l'échec possible des meilleures inten
tions vertueuses . Pour qu'elles fournissent leur
preuve , il faut que , corroborée dans sa force d'élan ,
notre volonté soit victorieuse de toute résistance
et qu'elle fasse passer aux réalisations toutes les
actions qui composent la chaîne ininterrompue de
notre conduite morale .
D'où peut venir cette suprême et essentielle
perfection de la conscience vertueuse , sinon de
l'assouplissement de nos affectivités par le régime et
l'organisation des vertus morales ?
les

De celles -ci , voyons se fixer en nous plans suc


cessifs
.
234 LA CONSCIENCE MORALE

Quand notre raison s'est éveillée à l'idéal du devoir


par sa propre clarté et plus encore par l'éducation , ce
ne fut d'abord , dans notre psychologie d'enfant ,
qu'une lumière tremblante et fugace . Notre cour s'en
émut - il ? Peut - être , puisque déjà la grâce de Dieu le
travaillait . Tout , en nous , cherchait sa voie , nos dé

les
sirs fusaient de toutes parts vers joies neuves que
nous offrait vie Vers quelles joies Vers l'instinct
la

?
.

d'être heureux par toutes les formes possibles du


,

les

bonheur satisfactions qui

se
dans toutes présen
,

de
de

de
En
de ce

et
taient chaos pensées sensations

,
.

les
jouissances prises
et

vouloirs tous ordres nos


à

,
complicité
loi de

éducateurs avec notre raison ont


la

,
,

La

tracé des lignes directrices présen


se
morale
.

des tendances qui


un

tait nous comme correctif


à

aspiraient sans trêve en


et

s'en accommodaient mal


à
Et
les

esquiver ordres ces mêmes ordres étaient


si
,
.

parfois enfreints nous apprenion's par remords


le
,
,

que notre propre raison nous désapprouvait que


et

réprimandes qui nous arrivaient portaient juste


les

peu nos passions ont grossi


en

Quand peu nous


à
,

leur rumeur nous fûmes surpris


et la
de

de

leur révolte
,
,

contradiction qu'elles opposaient notre raison


à

l'étrange amollissement qu'elles mettaient dans


de

notre volonté Mais après nos fautes


de

désobéissan
,
.

d'égoïsme d'injustice
de

se

sensualité notre raison


ce

,
,
,
,

toujours implacable dans son reproche au


réveillait
,

,
de

centre même notre conscience On nous exhorta


.

de

nous corriger La grâce aidant lumière


la
à

.
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 235

notre conscience et l'énergie de notre volonté , nous


résistâmes une fois , deux fois , plusieurs fois

...
Cette
résistance même fortifiait notre

y y et
.. bonne volonté
pointe

de
émoussait peu peu tentation S'il

la

la
à

.
de

de
eut des intermittences

et
défaillance recul

il
,
eut davantage des temps progrès

de

de
stabilité

et

.
vint un moment où dans notre compte moral jour
Il

,
de

nalier l'addition nos victoires fut plus forte que


,

loi
vie d'après
de

de

de
celle nos défaites Un idéal

la
.

Dieu s'imposait donc notre conviction avec plus


à

d'insistance qu'un idéal plaisir immé


de

vie selon
diat Le raisonnable de le
exté

là et
conduite intérieure
la
.


prescrivait
se

rieure devant notre volonté

il
de

en
doit être
et

sa

non pas dans contrefaçon mieux


:
de

mieux l'habileté notre raison s'employait pré


,

à
de

venir les occasions chute discerner les meilleures


à
,
de

plus fermes résolu


de

chances vertu nous dicter


à
,

non plus chercher partout quoi nous sa


de
et

tions
à

justifiant par
en
en

de

tisfaire violant Loi Dieu


ou la

et

des demi motifs des motifs frelatés nos propres


-

dérèglements
.
Et

se

suppose que cet entraînement vertu


je

la
à

soit continué longtemps travers des hésitations pas


à
,

en est

sagères des reprises plus énergiques forcé


et

il
,
de

se

que des réserves vertu soient acumulées nous


que nos bonnes habitudes
et
en

soient tassées
et

se
Ce

en

racinées n'est pas


vain nous nous sommes
le
.

ne

accoutumés point satisfaire notre gourmandise


à

,
ne

point écouter l'appel


de

sensualité sans frein


la
à

,
236 LA CONSCIENCE MORALE

à respecter le droit des autres , en nous persuadant


qu'ils ont le sang aussi rouge que le nôtre et qu'il est
intolérable de les dénigrer et de les offenser ; ce n'est
pas en vain que nous avons vaincu notre mollesse ,
déployé notre courage et notre effort , aimé la lutte

ait
Il

eu
et le sacrifice . est logique que ce dressage
son résultat Un réseau concentrique

lui de
forces enve
.

loppe maintenant notre conscience permet plus

ne
,
de

guère l'engage
et

fond dans sécurité

la
vaciller
vertu à
Ce la

de
.

n'est pas encore sécurité absolue Comment


la

.
targuer quand nous sentons notre cœur
? en

si
nous
,

faible Toute cuirasse son défaut les tentations


et
a

qui nous assaillent sans trêve cherchent avec astuce


et de

les points moindre résistance Heureusement Dieu


,
.

accroît autant que peut


sa

nous aide sollicitude


le
,

,
notre invulnérabilité Car notre vie morale fait
si
,
.

je

corps avec notre vie chrétienne veux dire notre


de de si
,

vertu est devenu l'expression


de

vouloir notre
la

transport notre cour épris


de

Foi vivante Dieu


le
,

qui impatient
la de
de et

preuve
se

et

sent avide fournir


la

est clair que grâce divine


sa

fidélité

il

à
,

demeure dans notre âme vivifie notre Foi en


et
,

même temps grâce


en

flamme notre Charité Mais


la
.

épanouit
en

nous les vertus surnaturelles infuses


»
«

Saint Esprit
du

ac
et

les dons Que notre volonté


-

intelli
de ce

et

cueille secours divin voici dans notre


,

,
de

gence nouvelles lumières discernement voici


si ;
de

nouvelles impulsions dans notre volonté sou


LA CONSCIENCE VERTUEUSE 237

vent apathique , des apaisements dans notre sensibi


lité si facilement insurgée . Une force vive qui sort de
la toute puissance divine vient ainsi guérir notre
infirmité et mettre le couronnement à la perfection
de notre conscience .
la les

En celle - ci, deux principes

de
l'action morale

,
au
l'intelligence volonté sont ainsi portés maxi
et

,
de

mum leur vertu Ils ont atteint j'ose ainsi dire

si
.
-

leur plein d'énergie parvenus

de
ce
et

comble
,

à
,

leur pouvoir s'emploient organiser dans

sa
vérité
,

,
la à
et

humaine divine toute conduite


,

en
On remarquera divers courants viennent
le

parallèle plus encore confluent pour cette per


en
et
,

,
de

fection totale conscience Notre intelligence s'est


la

.
de

enrichie connaissance des préceptes moraux


la

de

adaptés notre prédestination d'enfant Dieu


à

.
Notre volonté progressivement renforcé son cou
a

de
de
en

rage par mise nos instincts révolte


la

échec
par l'appoint d'énergies divines qui maîtrisant plus
et

au

fermement nos passions ont capté leur ferveur


,

bénéfice d'une vie désormais animée par Charité


la

Au surplus ces vertus notre esprit


de

et

ces vertus
,

ori
de

et

notre affectivité ont les unes les autres des


,
,

gines des modes d'accroissement différents Les


et

capacité
de

et

unes sont dans notre nature sortent


la
de

notre effort personnel Les autres dépassent toute


.

possibilité
de

tout droit
de et

notre nature elles nous


:
de

en
et

viennent libéralité Dieu sont nous


la
.
de

l'euvre grâce
sa

.
238 LA CONSCIENCE MORALE

Cependant ces vertus naturelles et ces vertus sur


naturelles vont de pair dans le mouvement d'ensem
ble de notre vie intérieure Par un effort d'abstraction ,
.

il nous faut donc saisir , dans l'unité vivante de notre


les
principes différents les conditions

et
conscience ,
de

leur vitalité respective

LA FERMETÉ DE LA CONSCIENCE .
3.

VERTUEUSE

de
Notre individualité psychologique est faite

la
des tendances principales
de

somme nos habitudes


et
les

qui expriment dans nos actions Notre caractère


.

moral lui aussi est constitué par l'orientation prépon


,
,

dérante des tendances qui résultent


de

nos habitudes
morales
.

Dans description donnée plus haut des éléments


la

perfection
de

qui intègrent notre conscience les


la

vertus naturelles acquises par notre effort personnel


de
et

s'encadrent dans les connaissances successives


loi

plus plus précises des préceptes


en

de

morale
la

dans l'apprentissage des discernements prudents


,

fuite des occasions pratique du


la

la
et

nécessaires
à

bien dans l'assouplissement


de

de
et

notre sensibilité
,

nos passions aux ordres


de

de

notre raison notre


et

volonté entraînées elles mêmes conviction


la

et
à

à
-

l'amour vertu
la

de
.
Ce

-
de

résultat perfectionnement nous


le

savons
par expérience
----

est l'ouvre d'efforts continués dans


LA CONSCIENCE VERTUEUSE 239

une persévérance inlassable . Peut - être, des disposi


tions de tempérament , tenant à un équilibre heureux
de notre physiologie individuelle , ont - elles favorisé
notre bonne volonté et contribué à rendre plus stables
nos habitudes morales ( 1 ) . Peut - être , une éducatien

les
particulièrement attentive a - t - elle semé en nous
germes féconds nos premières convictions Les
de

.
milieux choisis que notre enfance notre jeunesse

de et
pu

ont traversés ont nous protéger leur vigilance

,
nous instruire solidement de tous nos devoirs nous

,
apprendre discipliner notre vie intérieure nous en
à

,
courager sans trève dignité pre

en
et

l'honneur en la
à

nant tous les prétextes


de

fortifier nous l'horrenr


goût
de
et

du mal vertu
le

la

.
---

Mettons l'on veut que nous ayons le eu pri


si

le
vilège des meilleures dispositions natives béné
et

pair
de

fice d'une éducation morale hors reste


il
,

qu'un jour vient


notre effort personnel s'impose


au

premier plan Nos bonnes dispositions


de

tout
et

tempérament n'ont pas tardé être contrebalancées


à

par des instincts plus vigoureux les suggestions


;
du

du
en

faveur bien qui nous venaient dehors ont


vu faiblir leur force d'impulsion
en

de

face sugges
tions intimes bien autrement excitantes Devant nos
.

Ex parte corporis secundum naturam individui sunt aliqui


1
«

,
(
)

habitus appetitivi secundum inchoationes naturales Sunt enim


.
, ad
ex

quidam dispositi propria corporis complexione

-
castitatem vel
aliquid hujusmodi 1.
LI

mansuetudinem vel ad IIae Qu


) »

a
,

,
I*
(
.

Cf. Qu disp De veritate Qu xxiv ad 19. Ces prédispositions


a
,

1,
.

.
et de

tempérament ont une très grande influence dans formation


la
la

l'éducation de conscience
.
240 LA CONSCIENCE MORALE

orgueils . nos égoïsmes , nos lâchetés , nos cupidités et


nos sensualités , nous nous sommes trouvés seuls ,
avec l'uniqué ressource du « oui » ou du « non » de no
tre volonté . Ce fut la lutte de nous-même avec nous
même, avec ses heurts violents , ses trêves d'épui
sement , ses ressauts d'âpreté , duel à mort dont nous
savons , dans le mystère de nos douloureux secrets ,

les
les alternatives et parfois tragiques péripéties

.
Mais enfin supposons pour continuer notre hypo
,
-

combat quotidien

de
que
ce

thèse notre volonté


aux prises avec nos passions plus et se

le
soit terminé
du

souvent par victoire bien que notre conscience


la

plus apaisée ait trouvé l'assurance son équilibre de

,
--

une telle conquête plus haute que nous puissions



la

humainement ambitionner représente un acquis


solide une force vivante dans laquelle s'engage toute
,

notre personnalité
.

que nous appelons nos vertus


ce

ce

Car sont nos


,
,

actions régularisées par nos intentions habituelles


ce
;
les

points
de

de

sont donc vue moralité devenus les


la

plus coutumiers les plus caractérisés men


de
et

notre
talité nos énergies affectives devenues prêtes obéir
de à
,

sans trop
de

résistance aux commandements notre


C'est vertu rendue familière nos
la

conscience
à
.

attraits envisagée aussi bien par notre raison que par


,

notre cour comme l'intérêt premier principal


et
le
,

ne

souci nous nous complaisons aucun sacrifice


y

,
:

paraît trop dur quand s'agit


de

nous conserver
la
il

Notre choix s'est résolument fixé entre devoir mê


le
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 241

me austère et le plaisir même enivrant . Nous recueil


lons le fruit de notre persévérance : le bonheur le
plus envié et le plus apprécié par nous est celui qui
nous met l'âme en paix . Cette approbation intime du
bien dans la décision ferme de le servir toujours est
devenue le désir le plus exigeant et la formule la plus
courante de notre conscience .
Est -ce à dire que cette solidité soit à toute épreuve
et que cet entraînement à la vertu ne doive plus con
naître d'échec ? Hélas non . C'est parce que notre
!

volonté était libre de s'évader de la tyrannie des pas


sions qu'elle nous a affranchi de leur joug ; mais son
caprice peut nous y ramener momentanément . Nous
plaçons haut notre cour ; mais de subtiles et infé
rieures amours y pénètrent . L'esprit aspire à étendre
son règne ; mais la tentation surgit qui mord et fait
vibrer la chair.La convoitise immédiate et prenante ,
la bouffée d'orgueil devant la moindre provocation , la
rapacité de l'égoïsme et ses prétentions exorbitantes
se glissent parfois et soudainement au centre même
de notre conscience et font vaciller sa conviction . Et
voici la faute , faute dont nous apercevions tout à l'heu
re la malice en même temps que l'attrait , et que notre
liberté responsable se décide tout de même à préférer .
Éclipse passagère, mais enfin éclipse , tache noire sur
la pureté habituelle de notre conscience .
La stabilité de notre édifice vertueux est - elle pour
cela compromise ? Non . Nous sommes meilleurs que
nos actes ; nous valons plus que ce que nous faisons
LA CONSCIENCE MORALE . 16
242 LA CONSCIENCE MORALE

Une faute contre une vertu ne détruit point celle - ci ,


pas plus qu'une habitude vicieuse ne peut être déra
cinée par un acte de vertu qui , par hasard , aurait été
soustrait à l'inclination perverse ( 1 ) . La faute s'oppo
se directement à l'acte de vertu qui aurait dû prendre
sa place si la liberté n'avait pas cédé à la tentation ,
mais cette faute n'est pas opposée à toute la cons
cience elle -même qui , de longue date , est assise en
ses convictions et dont le remords ne tarde pas à
lui

rappeler l'insistance
2
(
).

Ah faute morale n'était pas qu'un égarement


la
si
!

de
reprenait avec plus

si de
se

momentané elle force


si
;

complaisance prochaine occasion enfin les


et
la
à

nouvelles occasions successives amenaient de nouvel


est
ne les

---

chutes successives clair qu'un ébranlement


il

les

tarderait pas menacer fondamentales ten


à
de

conscience Un amour est entamé dès


la

dances
.

un

qu'un autre amour vient refouler avec peu d'obs


le

du

tination notre amour habituel bien accepte


Si

,
.

point
au
de

en

par intermittence renier vient


et
se
,

justifier tant bien que mal ses propres reniements


de

vigoureux
ne

aucun redressement net survient


et
si

logique que conscience voie osciller ses


sa la

est
il

de

faiblir vigueur que peu peu


et

et

certitudes
à
,

,
ad

Actus peccati comparetur ipsam virtutem prout est


si
1
«

,
(
)

sit

habitus quidam non potest ipsam corrumpere unus tantum


si
,

sicut enim non generatur habitus per unum actum ita nec per unum
,

actum corrumpitur IIae Qu Lxxi


4.
Ia

.a
»

)
(

.
.

se

Peccatum non contrariatur virtuti secundum sed secun


2
«

,
(
)

tum suum actum Ibid ad


1.
»

.,

)
(
.
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 243

compromissions en compromissions , se substituent


en elle les habitudes vicieuses .
N'envisageons pas ce cas qui ne rentre point dans la
supposition où nous sommes de notre conscience
approchant de la perfection et qui , si elle connaît des
faiblesses , se restaure aussitôt en sa fermeté et ne con
sent pas à dévier de ses lignes directrices . En elle, jus
qu'ici , nous n'avons considéré que la stabilité qui lui

lui
vient de nos vertus morales acquises qui

ga
« » et

son équilibre
de

rantissent consistance
la

.
Cette conscience est vraiment notre cuvre

le la
et et
récompense
de

nos efforts elle est nous même


;

-
meilleur de nous
.

LES VERTUS MORALES ET LES VERTUS


4.

ACQUISES
«

MORALES INFUSES COMPARÉES AU POINT DE


»
«

VUE DE LEUR STABILITÉ


et

Mais nous savons Dieu travaille avec nous


le

,
,

de

plus que nous perfection notre conscience


la
à

Déjà les protections morales qui nous ont entouré


ne cessent de nous entourer sont l'euvre de Pro
sa
et

les

déjà vertu que nous avons


de

vidence facilités
;

de

acquises sont dues son concours Première Cause


à

stimulant toute énergie


.

plus Dieu s'est épris nous attiré par


de

Mais
de y
il

,,
a

en

l'image Lui même que


sa

création notre
aa

mise
-

Nous pouvions connaître aimer Dieu


et

nature
a
.
.
244 LA CONSCIENCE MORALE

voulu que nous le connaissions en Lui - même que


nous l'aimions Lui - même au delà de tout droit de no
tre part . L'amour donne tout , et , dans son avidité de
bienfaisance , tend à donner l'impossible . Pour l'infini
de l'amour , quoi donc serait l'impossible ? Nous ayant
prédestiné à Lui , Dieu se penche sur notre esprit pour
l'ouvrir , par la Foi , à l'intelligence de cette destinée
inouïe . Par l'Espérance , il nous soulève de désirs vers
cette béatitude entrevue . Par la Charité , il met en
notre volonté une force d'amour capable de réaliser
l'union intime de notre volonté à la sienne et , par là
même , de transfigurer toutes nos actions par cette fer
veur de notre cœur se perdant dans le cour de Dieu .
Idéal grandiose que cette amitié avec Dieu , déjà
ciel mais qui trouverait aisé
ici

vécue bas avant


le

,
-

et

ment en nous des retardements des résistances

si
s'y butait déjà l'incapacité
d'y atteindre
ne

elle
à

.
Pour que notre vie toutes les actions qui rem
la
et

plissent répondent faut que


de

aux désirs Dieu


il
,

Lui que par


en

même achève son auvre notre âme


et
-

servir dans l'a


de

grâce niveau
sa

nous mette
le
il

à
,

mour Telle est l'économie des vertus infuses


et

des
»
«
.

Saint Esprit qui nous


du

la

dons savons assurent


le
,

,
-

de

vitalité surnaturelle notre conscience


en 1
(
).

Ainsi Dieu travaille immédiatement


et

nous
,

,
de
au

nous stimule bien nous donne faculté vivre


la
Il
.

d'agir dans une Charité qui attire vers Lui toutes


et

nos intentions.Les vertus surnaturelles qui nous con

Voir plus haut chap


ix

171-177
.p
(1

,
)

.
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 245

fèrent cette surélévation dans les tendances primor


diales de notre conscience ne sont donc pas notre
Quvre , mais celle de la bonté et de la magnificence
divines . Elles ne sont pas conquises par nous : leur
plan et leur structure dépassent à l'infini l'effort
possible de toute causalité humaine .
Alors même que nous sommes établis dans la Cha
rité et la possession des principes de l'activité surna
turelle , nos progrès vertueux ont leur raison directe
dans l'accroissement de notre Charité , accroissement
dont nos actes méritoires peuvent bien être l'appel ,
mais dont , seule , rend compte , en dernière analyse ,
la libéralité infinie ( 1 ) .
La permanence de ces principes de notre cons
les

cience surnaturelle et qui sont vertus infuses


«

»
... de

est donc merci Dieu Oui mais merci du


la

la
à

à
,
.

de

Dieu qui nous aime C'est mélancolie l'amitié


la

au
de

la de

de
humaine sentir ses limites heurter fini
se
,

de

ses dons alors qu'elle caresse chimère vouloir


,

l'infini Mais perfection


de de

donner Dieu empê


la
à

s'épuiser
de en

de

Lui l'amour limiter Du


et

che
se
,

côté Dieu Amour essentiellement donateur les


,

vertus surnaturelles ont donc leur stabilité garantie


.

Mais voici que leur vient


de

nous mêmes non


et
,

-
La

plus Dieu une singulière précarité


de

Charité met
,

actibus per quos cau


ex

Sicut virtutes acquisitae augentur


1
, «
(
)

santur ita rtutes infusae augentur par actionem Dei quo cau
a

possunt respectu augmenti cari


...

santur Actus nostri esse meritorii


tatis quia praesupponunt caritatem quae est principium merendi
»
;

Qu Disp De Virt
in

Com Qu 11.
a
.,

I,
(

)
.

.
246 LA CONSCIENCE MORALE

en nous l'amour qui répond à l'amour de Dieu et qui


lui répond par le choix libre et la prédilection spon

tanée . Or , notre cæur , même excité par la grâce , reste


notre cæur d'homme , oscillant et faible , capricieux
et changeant . La Loi de Dieu s'offre comme le pro
gramme dont l'exécution doit prouver notre amour .
Et il y a d'autres lois qui , à l'intérieur de nous , s'in
surgent orgueils se rebiffent , nos égoïsmes se
: nos
renfrognent , nos sensualités jettent leurs pullulantes
tentations . La longanimité de Dieu est grande et sa
libéralité magnifique . Son amitié est patiente devant
nos tiédeurs et nos langueurs . Les péchés véniels que
nos faiblesses accumulent , ne compromettent pas
encore la sécurité de notre union avec Dieu , ni la
continuation de ses dons : nous négligeons , nous som
mes indélicats , mais notre amitié persévère : nous ne
:

trahissons pas encore .... ( 1 )


Mais enfin , si , un jour , nous trahissons par le péché
mortel ; si , en pleine indépendance , nous nous dres
lui

sons en face de Dieu pour


ne

dire Votre amour


«
:

m'est rien puisque vilipende


je

je
et ne

vous aime pas


le

je

puisque que vous défendez fais pas


je

ne
ce

fais
cet outrage est per
ce

que vous me commandez


si
»,

tinemment consommé que peut que doit pas


se
il,
,

il
-

L'amour qui pardonne tout pardonne pas


ne

ser
?

Le

point offensé piétiné moins qu'il


ce

d'être
et
à

justice
en

de

puisse faire attendant sanction


la

la
,

dons qu'il prodiguait


les

Le

suspendre
de

c'est péché
.
.10

IIa IIae Qu XXIV


1

a
(
)

.,
.

.
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 247

mortel nous constitue en état d'inimitié avec Dieu .

Celui - cinous retire donc la grâce sanctifiante et , avec


elle , la Charité , les vertus morales « infuses » et les
Dons du Saint -Esprit ( 1 ) .
Ainsi , tandis que nos vertus morales « acquises »
nous l'avons vu plus haut ne sont pas ébranlées
-
dans leur consistance par le fait d'une faute morale
qui interrompt un instant le courant habituel qu'elles
animent dans notre conscience , les vertus « infuses », au
contraire, nous échappent dès qu’un péché mortel con
sacre notre rupture avec Dieu Les premières sont à
.

nous et sont devenues formes intégrantes de notre


psychologie personnelle dont elles orientent les ten
dances habituelles ; par elles , autant que par nos puis
sances d'action dont elles corroborent la direction et
l'énergie , nous sommes vraiment la cause propre de
notre perfection morale . Les secondes sont des effets
d'une cause qui n'est pas nous . C'est Dieu qui , en
dehors de toute exigence de notre part , nous constitue
par sa grâce et ses vertus « infuses », principes d'une
activité qui , en elle -même aussi bien qu'en son ré
sultat de vie surnaturelle , déborde nos pouvoirs .
Or , l'amitié étant rompue par notre faute , le motif
du don cesse , et le Donateur se retire . Catastrophe
sans équivalence que cette chute dans le péché mortel

(1) « Per quodlibet mortale peccatum , quod divinis praeceptis


contrariatur , ponitur praedictae infusioni obstaculum , quia ex hoc
ipso quod homo eiigendo praefert peccatum divinae amicitiae , quod
requirit ut Dei voluntatem sequatur , consequens est ut statim per
unum actum peccati mortalis habitus charitatis perdatur . » ( Ibid .
a. 12. )
248 LA CONSCIENCE MORALE

et qui découronne notre conscience morale . Indépen


damment des rigueurs des sanctions éternelles qui
menacent notre ingratitude , à savoir :: le ciel fermé
et la damnation entr'ouvrant son abîme ; c'est , dès
maintenant , la perte de l'intimité divine , l'abandon , à

ses seules ressources , d'une conscience qui peut bien


pratiquer encore le froid stoïcisme de la vertu humai
ne , mais sans autre impulsion que des mobiles natu
rels et sans autre récompense que l'approbation de
la raison . Dieu n'est plus au centre de notre cour
pour y réchauffer l'amour et nous tenir en haleine
les

promesses béatitude Puisque


de

de
sa

devant

,
de de .
parti ris nous quittons pencher

sa se
s'arrête
le

il
,

sa ,
de -p

nous envelopper grâce


de

Charité
et

et

.
n'est plus attiré
au

nous par une pensée


de

dedans
Il

-
un

attentive cœur captivé nos intentions nos et


et

complaisances déta
et

se

sentiments nos nos actions


,
de

cherchent plus Nous apparaît


ne

chent Lui
le
et

il
-
.
de

encore l'extrême lointain notre horizon Oui


à

,
?

puisqu'en perdant Charité nous n'avons pas perdu


la

foi

Foi l'Espérance Mais n'est plus qu'une


ce
et ni
la

,
.

Dieu qui
un

une espérance sans appui


en

morte
nous est devenu insensible dont présence s'efface
la
et

sans plus intéresser notre action Devant notre


1
(
).

Actus peccati comparetur ad ipsam virtutem prout est


si
1
«

,
(
)

sit

habitus quidam non potest ipsam corrumpere unus tantum


si
,

sicut non generatur habitus per unum actum ita nec per unum
,

actum corrumpitur Sed comparetur actus peccati ad causam vir


si
.

tutum sic possibile est quod per unum actum peccati aliquae virtu
,

tes corrumpantur Quodlibet enim peccatum mortale contrariatur


.

caritati quae est radix omnium virtutum infusarum inquantum sunt


,
LA CONSCIENCE VERTUEUSE 249

refus , l'Ami offensé a repris son amour et il s'en ira


pour jamais , à moins que sa miséricorde infinie ne
puisse résister au spectacle de notre misère et que ,
dans un retour de pitié , elle ne nous accorde la grâce
qui triomphera de l'endurcissement de notre cour .

Ainsi , en résumé , la perfection de notre conscience


morale relève de deux causes distinctes : l'effort pour
suivi de notre raison et de notre volonté personnelles
nous donnant les vertus « acquises », puis le travail
incessant de la grâce de Dieu , nous octroyant et nous
conservant les vertus « infuses ».
Ces deux influences parallèles ne détruisent pas
l'unité vivante de notre conscience ; mais elles ne se
correspondent pas de tous point : nous pouvons con

cevoir une vie morale qui se développe , dans l'ordre


naturel, par l'éducation , la correction et l'applica
tions constantes , et raffermisse continuellement ses
assises par les bonnes habitudes être arrêtée
, sans

dans son entraînement vers le bien par des fluctua


tions intermittentes : arrière - fond résistant dans son

virtutes , et ideo per unum actum peccati mortalis , exclusa caritate ,


excluduntur per consequens omnes virtutes infusae quantum ad hoc
quod sunt virtutes . Et hoc dico propter fidem et spem , quarum
habitus remanent informes post peccatum mortale , et sic non sunt
Airtutes . Sed peccatum veniale , quod non contrariatur caritati nec
excludit ipsam , per consequens etiam non excludit alias virtutes .
Virtutes vero acquisitae
-
non tolluntur
peccati . » ( I. IIae , Qu . LXXI , a . 4.)
2; II
per unum actum cujuscumque
Cf. Ibid . , Qu . LXXIII , a. 1 , ad
. II " Qu . xxxiv , a. 12 ; De Virt. in Com ., Qu . 1, a . 1 , ad 5.
250 LA CONSCIENCE MORALE

armature et qui explique la continuité des tendances


de notre caractère moral . Que , par la grâce , les ver
tus « infuses » et les Dons , les habituelles intentions
vertueuses s'amplifient jusqu'à placer leur inten
tion dans l'amour de Dieu ; que , par des énergies
surnaturelles réalise ce programme nouveau de vie
, se

morale : voilà un résultat supérieur qui.n'est pas en


continuité directe avec l'acquis de nos vertus naturel
Celles-ci résisteront dans leur allure foncière ,
les .
quand bien même le péché mortel , brisant notre ami
tié

avec Dieu verrait désagréger l'édifice intérieur


se
,

de nos vertus surnaturelles


.
Et

pourtant est concevable qu'une continuité


il
,

s'établisse pas entre ces deux influences


ne

indirecte
,

de
parallèles dans déroulement effectif notre vie
le
,

tireront elles pas


ne

morale Nos vertus naturelles


?

-
de

profit pour leur stabilité nos vertus surnaturel


et ,

réciproquement Par double courant entre


ce

les
?
,

ver
de

croisé notre vie intérieure faite nos actes


,

ne
de
et

tueux aussi hélas nos péchés réduira elle


,
,

t
-
-

pas
de

courbe ses oscillations successives


la

Tel est nouveau problème résoudre


le

.
CHAPITRE XI

Les oscillations de la conscience .

SOMMAIRE :

LES VERTUS « INFUSES » NOUS DONNENT LA CAPACITÉ DE L'AC


TION SURNATURELLE , MAIS NON PAS SA FACILITÉ . LES
VERTUS «ACQUISES » ET LES VERTUS « INFUSES » BÉNÉFICIENT
RÉCIPROQUEMENT DE LEURS PROGRÈS RESPECTIFS . LES
VERTUS « ACQUISES »FAVORISENT LA PERSÉVÉRANCE DANS LA
VIE SURNATURELLE ,

Quand nous parlons de la vertu que peut posséder


un homme , nous en parlons comme du terme achevé
d'une évolution continue , comme le résultat de pro
grès successifs qui, sans rétrograder , aboutissent à
leur épanouissement . Nous concevons ce développe
ment de perfection à la manière d'une ascension qui ,
du degré infime , se hausse méthodiquement jusqu'au
sommet , ou encore à la manière de la croissance qui
déploie sans arrêt , par une poussée de sève ininterrom
pue , la tige d'un végétal , ses branches , ses ramures ,

ses feuilles et ses fruits .

Cette façon d'envisager le progrès vertueux ne


répond qu'à une vue théorique .
252 LA CONSCIENCE MORALE

En fait , dans la réalité quotidiennement vécue de


nos consciences et de nos actions , notre vie morale se
présente tout aussi bien en discontinuité qu'en con
tinuité . Même déjà parvenus à quelque degré de
vertu , nous cessons aisément d'être vertueux ; car
nous ne planons pas toujours dans l'éther lumineux
de l'idéal : nous nous mettons parfois à ramper . Le
péché que nous réprouvions hier , nous le commettons
aujourd'hui sans trop de remords ; nous revenons
pour un temps à des habitudes perverses que de vi
goureux efforts avaient amorties ; puis , tout de
même , nous nous relevons et regagnons les chemins
austères un instant désertés . Le tracé de notre vie
morale ne doit pas être figuré par une ligne droite
rigidement tendue , mais plutôt par une ligne ondu
lante aux oscillations rapprochées et multiples .
Ces oscillations ont diverses amplitudes . L'os
cillation maxima correspondrait assez bien à la
conversion morale ; l'oscillation minima , à la défail
lance brusque d'un péché grave , aussitôt regretté , sur
venant dans le courant de la vie vertueuse .
Avant d'envisager cette double alternative , voyons
d'abord de quoi est faite la stabilité de notre cons
cience .
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 253

1. LES VERTUS « INFUSES » NOUS DONNENT LA


CAPACITÉ DE L'ACTION SURNATURELLE , MAIS NON

PAS SA FACILITÉ

La conscience vertueuse , nous le savons , puise sa


perfection à deux sources: notre effort personnel , qui

les
façonne notre caractère moral par propres vertus
Dieu qui donne

de
que nous acquérons puis grâce
la

,
;

exi
de

nos énergies fournir les actions sanctifiées


à

de
gées par notre prédestination d'enfants Dieu

.
Nous sommes bien obligés séparer pour
de

clarté

la
,
l'analyse ces deux courants perfection
de

de

de
la
,

au
de

conscience afin bien saisir leur différence point


l'origine tar
de

de

de

ne
et

vue stabilité Mais nous


la

derons pas montrer comment


ils

renforcent réci
se
à

proquement leurs progrès respectifs


de
et

bénéficient .
de

Les vertus naturelles fruits notre tempérament


,

,
de

notre courage volontaire


de
et

notre éducation
,

nous pour
en

de

mettent bénéfice notre vie morale


le
,

,
un

de

élément résistance dificilement modifiable


Si
.
au

fréquents longues années


de

des sacrifices cours


,

assagi cupidités nos orgueils


et

ont nos nos égoïsmes


,
,

est croire que les bonnes habitudes que nous avons


il

au

vont point vaciller


ne

ainsi contractées moindre


que nous faiblissons encore parfois dans
et

incident
si
,

repren
un

péché notre conscience instant affaissée


le

sa

dra bientôt son entraînement normal force


et
de

expansive bien
.
254 LA CONSCIENCE MORALE

Les vertus morales surnaturelles sont en nous à la


merci du don de Dieu . De la part du Donateur , elles
possèdent une garantie absolue . Dieu nous appelle à
sa vision et à sa possession ; il nous communique la
capacité d'entrevoir , d'espérer et d'aimer cet infini
béatifiant qu'il veut être pour nous . Il achève de nous
mettre à portée de nous unir à lui , en nous accor
Saint Esprit

les

du
dant les vertus « infuses » et Dons

-
qui doivent éclairer notre esprit affermir notre coeur

,
diriger toutes nos actions conformément volon
en té et

la
à
n'ont
et
divine Cette Grâce ces Vertus ces Dons
,

,
.

versatilité Quand l'a


de

leur cause aucun motif


,

.
peut songer reprendre que
ne
se

mour donne
se
il

à
,

mépris
Ce

devant n'est que par


le

refus
le
et

le
scan
.

dale du péché mortel rupture consommée sa de


l'amitié
,

avec Dieu que celui trouve obligé par justice


se
ci
,>

,
-
au

prévaricateur
de

de

retirer bénéfice ses dons


en le

Cette perte qui anéantit nous l'oeuvre divine et


,

nous voue damnation est une catastrophe sans


la
à

pareille dont nos intelligences obtuses savent pas


ne

a de la

assez évaluer malheur Toute l'économie


le

de
.

grâce préserver
de

de

en
et

et

vertu est nous


la

nous aider remonter flot quand faute nous


la
à
à

vague submergés
sa

un instant roulés dans


et

vertu parfaite
en

Que crée nous Une volonté


la

dis
du

péremptoire une raison appliquée


et

bien
à

cerner décider pratiquement celui La vertu


et

ci
à

-
.
du

en
en

met nous vis vis bien moral réaliser


à

à
,

-
-

difficile action une promp


ou

n'importe quelle facile


,
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 255

titude et une spontanéité analogues à celles d'une


inclination de tempérament vis - à - d'un ordre par

vis
au
ticulier d'actions Tout long

de

se
notre vie livre

,
de ,
.
l'intérieur nous de
lutte perpétuelle

la
nos ten
à

de
dances Nous sommes relancés tous côtés par l'ap
.
au

pel bonheur note harmonique qui vibre travers

à
les ,

les plaisirs joies qui nous sollicitent Mais parce


et

.
que par hypothèse vertu règne c'est donc que

le
la
,

,
,

seul bonheur enyisagé désiré est celui que nous


et

procurera une vie réglée par loi morale


la

,
Cette promptitude l'action vertueuse n'est d'ail
à

leurs pas nos premiers débuts dans


de

fait vie

la
le

morale ceux nous furent pénibles sont demeu


le
ni et
ci
-
:

rés longtemps n'est pas requis même possible


Il
1
(
).

ne

que nos actes vertueux rencontrent plus nous en


.

La
une opposition vive
et

cruellement ressentie
«
.
loi

chair convoite contre l'esprit Cette n'est pas


in
»
.

nous par triomphe


en

et de

firmée vertu Mais


la
le

il
.

suffit que triomphe que notre cons


ce

s'affirme
dont l'ar
du

plaisir
ne

en

cience fléchisse pas face


deur immédiate nous provoque louange
de

notre
ne la
:

joie très haute sont pas amoin


et

sa

vertu même
du

dries par cuisant sacrifice obligé


le

Quand les vertus infuses surnaturelles viennent


«

s'ajouter aux vertus morales acquises volonté


la
,
«

Actus praecedentes virtutem sunt quidem virtuosi quantum


1
«

,
(
id )

quod agitur quantum scilicet homo agit fortia justa


et

ad
in

;
,

non autem quantum ad modum agendi quia ante habitum virtutis


;
eo

acquisitum non agit homo opera virtutis modo quo virtuosus agit
,

scilicet prompte absque dubitatione delectabiliter absque diffi


et

ad

cultate Qu Disp De Virt Com Qu 13.


in
»

a
.,

I,

9,
(

)
.

.
256 LA CONSCIENCE MORALE

péremptoire du bien et son discernement actif ne peu


vent manquer d'être singulièrement renforcés dans
leur fermeté .
Ce n'est plus seulement l'idéal du devoir raisonna
ble qui nous attire , mais un Dieu vivant qui nous
appelle à le servir dans l'amour . Que notre vie rejoi

lui
gne ce but surnaturel et interprète vers toutes

en
nos actions que goût

de

se
ce

vertu tourne

la
,

de
conviction inébranlable que notre amour Dieu
,

du
de

accentue ferveur notre amour bien voilà


la

,
:
pour conscience morale une sécurité incomparable
la

.
Ce

réconfort surnaturel qui survient conscience

la
motif qui prime à
de du

tient tout d'abord valeur


la
à

qui
en

de

et
maintenant face chacune nos actions
ou
en

solennel enjeu répro


se

ce

formule l'amitié la
:

Dieu De plus dans


de

de
bation lutte continuelle
la
,
.

vie morale l'énergie des vertus mises par Dieu


la

et

dans notre raison notre volonté notre sensibilité


,

assure les discernements opportuns les décisions


,
les

vigoureuses
et

victorieuses offensives contre les


passions revêches
.

infu
les

N'imaginons pas cependant que vertus


«

soient faites pour supprimer


en

ses nous toute rébel


»

l'esprit
de

de

lion chair contre toute résistance nos


la

ou

instinctives complaisances d'égoïsme d'orgueils


.

C'est une misère dont nous devons sentir l'âpreté


de là

gagner plus saintement


de

en

afin mérite nous


le

affranchir
.

les

point
les

vertus naturelles prévalent sur


ce

Sur
,

V
į

LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 257

vertus « infuses ». Fruits de notre effort courageux et


persévérant , elles résultent de nos victoires succes
sives sur les tentations ;, elles supposent donc que
notre sensibilité , dans ses éléments physiologiques et
psychiques , s'est acclimatée , à force de s'y plier , au
régime de l'obéissance ; elles supposent que nos ten
dances morales supérieures dominent aisément toutes
autres tendances contraires ; c'est pourquoi , nos
vertus, quand elles progressent , font nécessairement
progresser — sans supprimer , hélasi toute résistance
l'aisance et la facilité de l'action .

Les vertus « infuses » nous donnent la faculté de


l'action surnaturelle ; mais , par elles -mêmes , n'en ga

rantissent pas l'exécution aisée et facile. Elles trans


posent nos mobiles , parce qu'aimant Dieu nous
n'avons plus seulement à justifier, dans nos actes ,
exigences en les
notre dignité humaine mais mettre
de

à
,

preuve
de

eux notre fidélité Nos tempérances par


la

,
.

exemple sont plus seulement des sobriétés mais


ne

,
,

deviennent des mortifications nos renoncements


;
ou

d'orgueil
de

d'amour propre sont plus


et ne

colère
-

de

seulement des convenances d'honnêteté distinc


au

tion mais des humiliations consenties souvenir


,
,
de

Celui qui pour racheter nos iniquités s'est laissé


,

écraser comme un ver de terre


.

Cette faculté de l'action surnaturelle méritoire


et

que les vertus infuses confèrent nos puissances


à
«

»
au

change
ne

de

d'action rien mécanisme


ci

celles
1
.)
,

-
(

actus virtutis acquisi


sit

Cum nullum meritum sine caritate


1
«

,
(
)

LA CONSCIEN CE MORALE 17
.
258 LA CONSCIENCE MORALE

De la perfection que ces puissances ont atteintes , dé


pend la plus ou moins grande facilité dans la mise en
oeuvre des vertus « infuses ». Sont - elles dépourvues de
bonnes habitudes et entravées par des dispositions
défavorables de tempérament et surtout par des per
chants désordonnés et longtemps encouragés ? il est
logique que cette force de résistance rende pénible
l'exercice de la vertu surnaturelle , en ses commence
ments . De cette lutte intestine , la grâce , sans doute ,
sortira victorieuse , comprimant , par la décision d'une les
conscience intransigeante , tentations antérieure
ment agréées mais subjuguées vaincues celles et

ci
,

,
;

-
de
persisleront par regret intermittent leurs plaisirs
le

,
un

rendant pesant joug pourtant préféré mettant


quelque amertume passagère satisfaction d'être ,
la
à
de

délivré leur domination


1
(
.)

tae non potest esse meritorius sine caritate cum caritate autem
:

simul infunduntur aliae virtutes unde actus virtutis acquisitae non


;

potest esse meritorius nisi mediante virtute infusa Qu Disp


»
.

De Virt Com Qu 10 ad
in

4
a
1,

,
.

.
.

.
ad

Passiones malum inclinantes non totaliter tolluntur neque


1
«
(
)

per virtutem acquisitam neque per virtutem infusam nisi forte mira
,

culose quia semper remanet colluctatio carnis contra spiritum etiam


;

post moralem virtutem Sed tam per virtutem acquisitam quam


...

infusam hujusmodi passiones modificantur ab his homo non affre


ut
,

nate moveatur Sed quantum ad aliquid praevalet hoc virtus ac


in
.

ad

quisita quantum aliquid virtus infusa Virtus enim acquisita


et
,

.
ad

praevalet quantum hoc quod talis impugnatio minus sentitur


et
;
ex

hoc habet causa sua quia per frequentes actus quibus homo est
:

assuefactus ad virtutem homo jam dissuevit talibus passionibus


,

ex

obedire cum consuevit eis resistere quo sequitur quod minus


;
,

earum molestias sentiat Sed praevalet virtus infusa quantum ad


.

hoc quod facit quod hujusinodi passiones etsi sentiantur nullo tamen
,

modo dominentur virtus enim infusa facit quod nullo modo obe

-
;

diatur concupiscentiis peccati hoc facit infaillibiliter ipsa ma


et
,

Habitus moralium virtutum infusarum


...

nente ibid ad 14

a
»

.,
(

patiuntur interdum difficultatem operando propter aliquas dis


in

,
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 259

2. LES VERTUS « ACQUISES » ET LES VERTUS « INFUSES »


BÉNÉFICIENT RÉCIPROQUEMENT
DE LEURS PROGRÈS RESPECTIFS .

Il y a donc correspondance entre l'exercice plus ou


moins facile de nos vertus surnaturelles et le degré de
perfection de notre caractère moral.
Il faut évaluer ce degré de perfection d'après tou
tes ses causes prochaines et éloignées , l'apprécier par
conséquent d'après les bonnes ou les mauvaises incli
nations de notre temperament , les négligences ou les
soins de notre première éducation , les habiletés nati
les

ves de nos discernements pratiques ou défectuosi


nos jugements
de

tés coutumières surtout d'après


et
,

les habitudes que


de

courant même notre volonté


le

,
et

l'enchaînement des circonstances les occasions nos


,

ou

propres attraits nous ont fait contracter pour con


sont nos habitudes qui par les
de ce

tre vertu car


la

ou ,

de

résultats opposés nos efforts vertueux nos


travers passionnels dénoncent force intime
la
et
la
,

tendance prépondérante
de

notre conscience
.
-
de

L'inégalité dans pratique vertu qu'on


la

la

la
-

considère chez divers individus ou chez même des


le

à
-
de

époques différentes
sa

vie tient directement


la à

l'inégalité dans l'inspiration Charité qui anime


de

praecedentibus actibus relictas Quae qui


ex

positiones contrarias
.

dem difficultas non ita accidit virtutibus moralibus acquisitis


in

quia per exercitium actuum quo acquiruntur tolluntur etiam con


,
ad

trariae dispositiones 11ac Qu Lxv


2.
»

.a
,

3,
*
I
(

)
.

.
260 LA CONSCIENCE MORALE

conscience , mais indirectement encore aux facilités ou


aux résistances qui sont le fait du tempérament et
des habitudes morales .
Certes, qu'une véritable Charité nous soulève , que ,
par la grâce , notre volonté s'imprègne d'un amour
-
vainqueur et irrésistible , — il est à penser que , quelle
que soit la vigueur de nos passions , notre conscience
en triomphera . N'en doutons pas , le secours divin qui
l'appuie est assez fort pour cette victoire. Mais nous
ne méritons pas toujours que notre Charité se monte
à ce ton de ferveur et de vigueur ; et les chances de
persévérance dans la vertu sont moins grandes si, au
lieu d'une volonté solidement fixée dans une intention
habituelle d'honnêteté , nous nous proposons l'obser
loi

vance intégrale de la divine après avoir jusqu'alors


obéi nos caprices suivi nos penchants accueilli
,
à

toute suggestion passionnelle n'ayant pour ainsi dire


,

jamais déployé d'efforts pour nous contraindre


-
la
à

vertu Les transformations morales miraculeuses


-
.

loi

de
--

toujours possibles
ne

sont pas
ordinaire
la
la

Providence La grâce qui peut tout par elle seule


de ,

sa ,
.

attend les avances notre liberté elle donne


;

perfection celui qui laborieusement rend digne


se
,
à

d'en utiliser l'efficacité


1
,

(
.)
ex
Si

consideretur virtus parte subjecti participantis sic con


1
«
(
)

tingit virtutem esse majorem vel minorem sive secundum diversa


:

ad

tempora attingendum
in

in

eodem sive diversis hominibus Quia


,

medium virtutis quod est secundum rationem rectam unus est


,

melius dispositus quam alius vel propter majorem assuetudinem


,
;

vel propter meliorem dispositionem naturae vel propter perspicacius


,
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 261

N'imaginons pas , cependant , que cette perfection


naturelle et cette perfection surnaturelle de notre
conscience doivent aller en succession .
Théoriquement parlant , nous disons : avant de pré
tendre devenir un parfait chrétien , il faut d'abord
être un honnête homme ; mais , en réalité , nos vertus

morales naturelles sont appelées à se développer en

même temps que nos vertus surnaturelles . Les unes et


les

autres devront bénéficier réciproquement

de
leurs
progrès respectifs
.

Ceux qui nous ont formés vertu parents édu

et
la
à

,
Ils

étaient des croyants d'hon

et
cateurs savaient
le
,

en

faisant valoir tous les motifs


et

nêtes gens c'est


de ;

dignité humaine tous les motifs surna


de et

naturels
Dieu qu'ils nous encou
de
et

turels d'amour crainte


au

la et et
rageaient bien Leurs leçons leurs admonitions
,
.

leurs corrections nous suivaient continuellement


soutenaient nos efforts Les pratiques religieuses
,
.

fréquentation des sacrements maintenaient grâce


la
en

et

notre âme secours des vertus surnaturelles


le
,

élevait continuellement notre force morale


.

puis ainsi dire nous


je

De tous les côtés fois


la

si
à

de foi
, du

Notre esprit
de

apprenions pratique
de la

bien
.

plus
plus nos mérites obtenant
en

s'éclairant
Dieu une Charité plus abondante nos actes vertueux
,

multipliant notre conscience voyait s'établir


-
se

et

peu peu ses convictions morales s'affermir son


à

judicium rationis aut etiam propter majus gratiae donum IIS


»

i, ,
I*
- ,

., (
.

Qu Lxvi Qu Disp De Virt com Qu


in

Cf. ibid
. 1.

2
a
..

;
a
,

.
.

.
)

. .
8 .

De Virt Card Qu ad
1
a

a
;

.,

1,

2,
.

.
262 LA CONSCIENCE MORALE

courage vertueux . S'il y eut des défaillances , elle ne


durèrent pas ; s'il y eut des chutes , elles furent regret
tées et réparées. Ces écarts étaient suivis de reprises
volontaires énergiques , d'un retour à Dieu pius franc
dans un amour plus intime et plus vif . La continuité

les
des sacrifices que la vertu nous a coûtés , luttes obs
tinées qu'il nous fallu soutenir les victoires que

et
a

grâce notre bonne volonté nous ont permis d'en


la

et

pu
registrer notre actif n'ont manquer d'atténuer
à

réprimer l'ir

de
les révoltes de nos mauvais instincts

,
ruption nos penchants désordonnés d'assouplir
de

à
règle morale troupeau tumultueux

et
naturelle
la

le

ment indiscipliné passions


de

nos
.

même temps que notre vie surnatu


en

Ainsi donc
,

relle progresse notre caractère moral fixe Nos


se
,

vertus infuses bénéficient pour facilité leur de .


la
,
«

exercice des assouplissements que des accoutumances


,

progressives mettent dans nos puissances d'actions .

Nous sommes d'autant plus aisément vertueux que


les résistances vertu ont été depuis longtemps
la

et
à

énergiquement combattues
.
un

C'est d'ailleurs fait évident notre expérience


et

pour témoigner quelles que soient


en

ferveur

la

est
:
ou
de

de

notre Charité force d'élan nos vouloirs ver


la

tueux nos premiers débuts dans une pratique morale


,
un

peu sévère nous sont pénibles


ils
et

sont dans
le

la
,

ou

proportion même mauvaises ten


de

nos bonnes
tempérament
de

de
et

dances surtout nos favorables


ou

défavorables habitudes précédentes Cette persua


.
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 263

sion entraînante cette volonté impatiente et agis


,

sante de l'action sanctifiée que fonde en nous la


Charité surnaturelle , dès qu'elle envahit notre cour ,
sera d'autant plus sûre de son efficacité immédiate
et de la continuité de ses progrès, que les tendances
perverses seront habituellement refoulées et les pas
sions récalcitrantes comprimées et matées par l'exer
cice même des vertus qui les contredisent ( 1 ) .
Cette cohésion entre notre caractère moral et notre
vie surnaturelle va nous apparaître mieux encore à
travers les oscillations possibles de notre conscience .

3. LES VERTUS « ACQUISES »


FAVORISENT LA PERSÉVÉRANCE DE L'ACTIVITÉ
MORALE SURNATURELLE

La vertu ne nous immunise pas contre le péché . La


lui

liberté la domine et peut substituer ses caprices


.
vu

Nous avons comment péché peut survenir


le

dans conscience vertueuse Prenons fait


le
la

)2
(
.

.
en

Supposons défaillance existante Mesurons


la
la

-
.

voyons étant donné l'état d'âme d'où elle


et

courbe
,

part comment elle sera réduite


et

effacée
,

.
Le

ici

peut

péché entendons péché mortel


le

sci
ex

Facilitas operandi opera virtutum potest esse duobus


1
ex«

;
(
)

consuetudine praecedente hanc facilitatem non tribuit vir


et

licet
,

tus infusa statim in uo principio


et

iterum forte inhaesione ad


;

objectum virtutis virtute infusa statim


II, in
et

hanc est invenire


in
In ;

14
et D.

suo principio Sent IV


5.

Qu ad
»

a
,

. .,

2,
(

)
.

Cf. chapitre IX pp 182 suiv


2

.
(
)
264 LA CONSCIENCE MORALE

être une chute dont on se relève aussitôt par la con


trition et le sacrement de Pénitence . Il peut être aussi
le premier acte d'une série de fautes qui , en s'accu
mulant , consacrent non seulement la rupture avec
Dieu et la perte de sa grâce , mais amorcent des habi
tudes qui, peu à peu , font accepter leur domination .
Envisageons d'abord ce dernier cas , le pire . Saisis
sons - le , non pas dans ses préludes et ses accentuations
successives , mais à l'heure où le travail du remords et
de la grâce prépare la volte -face de la conversion .
les

Chez ce pécheur , satis

se
inclinations vicieuses
font sans grande protestation
de
conscience une de la

;
tendance une catégorie spéciale fautes prédomine
à

,
elle subjugue tous les autres attraits les oriente et
du

recherche plaisir préféré Mettons pour plus


la
à

,
.

clarté que ces habitudes


de

de

la
péché concernent
,

sensualité
.

Cet intempérant possède plus


ni ne

ni
Charité les
la

vertus infuses les Dons des amours plus


«

»,

violentes l'ont capté Mais Foi peut être


sa
la
il
a
,

-
.

plie elle encore aux pratiques re


se

vie extérieure
, t-
-

ligieuses rigueur rien ses paroles


la

ne

en

dénonce
de A

,
,
.

perte ses convictions semblent intimes Lui


la

lui même perdues peut


la

elles Non être car


à

;
-

passion enveloppe habilement conscience du voile


la

trouble entretenu per


de

ce
de et

ses illusions dans


,

suade raison fournir des excuses aux dérègle


la
les

ments plus avérés Pécheur malgré tout s'en


et

,
,
.

de
au

compte car
et

rendant remords s'éveille


le

-
,

,
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 265

dans , répète de plus en plus ses reproches ; ne pou


vant manquer de constater , par le contraste remé
moré de sa vie passée , la déchéance du présent ;
heurté peut -être dans sa native délicatesse par les
vulgarités auxquelles il s'abandonne ;; humilié de se
sentir amoindri et rougissant de lui - même ;; balancé
entre la faute et l'amer regret qu'elle soulève ; em
porté fougueusement dans la passion et , celle - ci
étant assouvie , déchiré tout aussitôt par le tour
ment de lui avoir cédé une fois de plus ; n'ayant
plus la paix dans son cœur , mais seulement le vide
et le dégoût ; parfois se ressouvenant de Dieu , de ce
, prié jadis , maintenant délaissé et , malgré tout ,
Dieu >
les

la les
impossible à éluder , car rappels
de
Loi

et
sa
menaces des sanctions éternelles retentissent dans
celui qui par ses péchés
de

conscience tel est l'état


,
:

rejeté Dieu l'aime plus


de

ne

ne
et
sa

accumulés vie
a
,

pense plus guère Lui que par hasard pour


se

sou
et
à

venir de craindre
le

.
Or

de

crainte est
la

le

commencement sagesse
la
,

compris sagesse qui nous fait retourner


de

la
la
y

à
de
ce

moralité l'amour Dieu.Car sentiment crainte


de et
à

,
,

cuvre grâce actuelle peut prendre dans


la

les la
,

conscience une singulière vivacité cristalliser tous


en ,
du

motifs remords jeter l'âme harceler


la

détresse
,

finalement provoquer
et

avec ténacité décision


la
de

néreuse
la

conversion
(1
).

Primum propter quod aliquis maxime incipit peccatum vitare


1
«

,
(
)

est consideratiopoenae inferni et extremi judicii Et ideo dicitur


.
266 LA CONSCIENCE MORALE

Supposons cette conversion consommée . Le pardon


de Dieu est descendu sur l'âme repentie et pénitente .
Ce pécheur est redevenu l'ami de Dieu , qui lui a
a rendu
la Grâce sanctifiante , la Charité , les Vertus « infuses »

et les Dons . L'union est renouée , l'accord des volontés


s'est fait ferme propos est donné de suivre désor
; le

loi
plaisir

du
mais la Loi de Dieu et non plus la Cha

la
le ;

de
rité surnaturelle revivifie coeur lui rend goût
le

,
la

et

vertu détache du péché


il le

.
péchéur d'hier soit entière
ce

Mais est vrai que


,

du

ment détaché péché Lui qui maintenant pos


?

en
sède les vertus infuses celle
de tempérance
«

»,

de
particulier est délivré des habitudes sensualité
,

il
-

de
qui jusqu'alors tyrannisaient Suffirait
le

il l'abso
?

lution sacramentelle contrition pour


de
et

d'un acte
extirper jusqu'à racine toute tendance vicieuse
la

ce ne ?
La Grâce qui surélève guérit notre nature
et
,

de ,

peut point psychologie


ce

violenter Dans
la

la
à

converti s'est produite une modification profonde


,

puisqu'il s'est enfin décidé pour Dieu Son attrait pre


.
les

mier n'est plus dans concupis


les de
la

satisfactions
résolution est prise
de

sacrifier
sa

Il

cence car
,

regrette d'avoir offensé Dieu supporte plus


ne
en et

la

pré
de

sa

pensée l'offenser nouveau retournant


à

à
Le

varication penchant passionnel qui antérieure


,
.

volonté est maintenant contredit


sa

ment maîtrisait
,

Initium sapientiæ timor Domini ibidem Timor Domini


et

Eccles
:
I
:
.

.
» ex

expellit peccatum Licet enim ille qui timore non peccat non sit
,
.

justus inde tamen incipit justificatio Opusc De PraeceptisIII


,

charit Prol
.

.)
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 267

par une volonté plus impérieuse puisqu'elle vient de


triompher par le repentir . La mauvaise habitude a
subi un échec qui entame son relief et amoindrit la
force de son entraînement ( 1 ) .
Mais , elle n'est point déracinée de tous points . Sans
doute , le péché , qui en était l'expression courante , est
incompatible avec l'état d'âme présent : outrager Dieu
à nouveau répugne à la volonté qui a repris contact
d'amitié avec Lui et s'eșt juré d'obéir à sa Loi . Mais les
dispositions au péché qui proviennent des fautes anté .
rieurement accumulées , demeurent avec leur puissance
de suggestion : la sensibilité est encore prête aux trou
bles subits ; les occasions du dedans ou du dehors jus
qu'alors accueillies n'ont point renoncé à leurs avan
ces . Diminuée en sa vivacité , puisque la volonté ,
forte de son refus et de la grâce qui l'appuie , se sous
trait à ses exigences , —- la mauvaise habitude n'a pas
perdu toutes ses ressources . Elle est en voie de regres
sion ; mais , avant qu'elle en arrive à la consomption ,
il faudra la persévérance , la durée d'une très longue
les

persévérance . Les victoires se comptant unes après


les

les autres résistances renforçant par leur répéti


,
,

leur répulsion
de

tion même chacune faudra bien


il
,
,

mau
de

que s'opère progressivement l'atténuation


la
du

vaise tendance assez moins pour que ses rappels


,
ex

Cum habitus frequentia operum peccati generatus virtuti


1
«
(
)

acquisitae contrarius sit non contrariatur directe virtuti infusae


,

quae habet
ex

ppositionem ad peccatum parte illa qua est offensa


Dei Unde non oportet quod statim virtutibus infusis restitutis
,
.

habitus vitiorum totaliter tollantur quamvis impediantur


et

etiam
,

diminuantur IV Sent D. XIV Qu ad


»

4
,

II,

2,
(

).
268 LA CONSCIENCE MORALE

perdent de leur insistance et ne deviennent plus de


perpétuelles embûches à la bonne volonté .
Dans les débuts de son retour à la vie morale surna
turelle , le néo - converti devra se résigner au doulou
reux conflit entre ses résolutions pourtant fermes et le
continuel tiraillement de ses passions . On ne s'impro
vise pas vertueux . La grâce de Dieu peut briser tout
obstacle ; mais , si elle s'insinue dans notre liberté et

lui
l'applique au bien , c'est en laissant fournir ran

-
çon des fautes passées --
laborieux courage qui doit
le
-

maintenant interdire des satisfactions jusqu'alors

ca
depuis longtemps ad
et

ressées habituées faire

à
mettre leurs exigences
1
(
).

Tout autre sera l'état d'âme du vertueux dont

la
vie morale suffisamment équilibrée par de longues
,

fidèlement en
et

habitudes une Charité surnaturelle


tretenue pourtant connu malheur d'un péché
le
a
,

Licet per actum unum simplicem non corrumpatur habitus


1
«
(
)

acquisitus tamen actus contritionis habet quod corrumpat habitum


,

eo
ex

vitii generatum virtute gratiae unde qui habuit habitum


in
;
, ,

intemperantiae cum conteritur non remanet cum virtute tempe


,

rantiae infusa habitus intemperantiae


. in

in

ratione habitus sed via


,

corruptionis quasi dispositio quaedam Dispositio autem non con


,

trariatur habitui perfectio Qu Disp De Virt


Q.

Com 10
in
»

a
1,
.,

,
(

.
.

.
se

facit.prompte
et

ad 16. Cum habitus secundum delectabiliter


«
, )
-

operari potest tamen hoc impediri per aliquid superveniens sicut


;
ad

habens habitum scientiae interdum impeditur ejus usum per


somnolentiam vel ebrietatem vel aliquid hujusmodi Sic ergo iste
, .

qui poenitet consequitur cum gratia gratum faciente caritatem


et
,

ex

omnes alios habitus virtutum sed propter dispositiones actibus


,

priorum peccatorum relictas patitur difficultatem


in

executione
virtutum quas habitualiter recipit quod quidem non contingit
in
;

virtutibus acquisitis per exercitium actuum per quos simul con


et
;

trariae dispositiones tolluntur habitus virtutum generantur


et

,
,

Disp De Virt Card Qu


Q.

ad
2.
a
.,

1,

2,
(

)
.

.
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 269

l'a
grave . La tentation s'est avili dans

et

la
ensorcelé

il
protestation tarde pas

ne
la
faute Mais s'élever

re :
.

les
toutes voix des vertus passées font gronder

le
impa

un
en
et
mords dans conscience
la excitent elle

la
tient désir de retrouver l'amitié divine Comment

.
grâce contrition tarderait elle plus longtemps
de
la

la ?
-
La réconciliation pénitence
se

et
consomme dans

la
promesse d'une irrévocable fidélité

.
On voit distance qui sépare cette conscience fidèle
la

,
un

longue date mais


de

de
instant égarée cette autre

au
conscience réconciliée sans doute elle aussi mais
,

,
sortir d'une vie passablement farée .

moment précis
ce

nous les considérons ces


A

,
possession
en

même grâce
de

deux chrétiens sont


la

par consé
et

sanctifiante des mêmes dons divins


,

,
quent des mêmes vertus morales infuses prêtes

à
«
,

»,

même pres
en
se

dilater actions méritoires sous


la
,

Charité
la

sante influence de
.

Dieu qui les donne ces énergies com


de

Du côté
,

muniquées sont aussi fortes aussi souveraines mais


;
,
du

sujet qui les reçoit quelle différence


du

côté
,

Dans l'âme qu'une longue formation vertueuse


du de
et

constants sacrifices ont fortifiée dans pratique


la

de

bien moral vertu infuse trouve terrain


le
la

son
«

»
,

action préparé d'avance non rebelle propension


la
à
,
un

courant qui après une inter


de

son activité c'est


,

,
:

ruption retrouve pente son élan Au contraire


et et
sa

,
,

qui
se

chez vicieux invétéré réveille vie


le

la
à
,

bien que capables


de

divine les vertus surnaturelles


,

,
270 LA CONSCIENCE MORALE

victoire par elles -mêmes , se trouvent immédiate


ment en conflit avec les passions et les vices précé
demment flattés : les mêmes occasions lui offriront
les mêmes séductions ; les mêmes exigences fonction
nelles demanderont à servir une imagination et une
pensée hantées des plaisirs passés ; les mêmes con

voitises vont allumer ses sens ; les mêmes tentations


feront trembler ses désirs . Sans doute , les
« infuses
l'amour
» peuvent triompher
dans cette lutte
Dieu prévaut sur toute concupiscence
de
vertus
-
et le Bien infini l'emporte en attrait sur nos fugitifs
plaisirs — ; mais l'assurance de leur victoire n'est

les
pas suffisamment garantie en cette âme que habi-

.
de
au

tudes vicieuses inclinent encore mal avec tant


force
.

ne
Ainsi donc les vertus morales ellesacquises
si
«
,

»,

sont pas directeinent nécessaires sont cependant uti


,

les pour faciliter dans notre vie morale continuité


la
,
,

bienfaisante activité des vertus morales surna


et
la

et de

turelles S'il entre elles dualisme d'origine


et
y
a
.

nature dans leur résultat compensation


y
il
,

a,

réciproque influence
.

l'intelligence cette réciprocité


de

Toutefois est
,

considère spécialement l'in


on

moins claire quand


fluence des vertus surnaturelles sur développement
le
les

des vertus naturelles Que premières bénéficient


,
.
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 271

pour la facilité de leur pratique, des apaisements et


des assouplissements créés par les secondes , rien de
plus aisé à comprendre .
Mais , les vertus « infuses » dont les motifs d'at
trait et d'impulsion sont pris à l'ordre surnaturel
suscitent - elles, par leur exercice même , dans la cons
cience , un courant habituel de plus en plus accen
tué vers des motifs d'ordre naturel , c'est - à -dire un
affermissement des vertus morales acquises ? Par
exemple , la pratique de la tempérance pour des motifs
de Charité , d'expiation et de pénitence engendre
t - elle un entraînement de la conscience à être tem
pérant pour des motifs d'ordre exclusivement na

turel et à l'être avec une facilité de plus en plus


grande ?
La question est en débat chez les théologiens , les
uns se prononçant pour l'affirmative et les autres pour
la négative ( 1) .

(1) Tous les thé giens sont d'accord pour dire que les actes de la
vertu surnaturelle n'augmentent pas directement la vertu « infuse » ;
celle -ci est propriété de la grâce , elle dépend tout entière du don de
Dieu ; les actes des vertus « infuses », étant sous l'animation de la
Charité surnaturelle , méritent que Dieu augmente en nous l'intensité
de la vertu « infuse » ; mais ce ne sont pas les actes eux -mêmes ,
comme il arrive dans la formation des habitudes naturelles ,
sont la cause efficiente du progrès de la vertu « infuse », pas plus
- qui

qu'ils ne l'ont été de son existence : en ces actes , l'on ne peut voir
qu'une cause dispositive et méritoire de l'augmentation de la vertu
surnaturelle .
Ceci étant admis de tous les théologiens , la controverse surgit sur
cette question déjà dite : l'exercice répété des vertus « infuses » en
gendre - t- il un « habitus » naturel du même ordre ?
Dans son traité de Virtutibus infusis ( Prolegomenon ; II. De habi
tibus et virtutibus ordinis supernaturalis , & 3 , pp . 50 et ss.) , le cardi
,
nal Billot suivant en cela Bannez ( in II II
* ** Qu . XXIV a. 6) , admet
, ,
272 LA CONSCIENCE MORALE

Peut - être ,ces deux opinions sont - elles moins oppo

sées qu'elles ne le paraissent .


Le fait mis en avant par ceux qui soutiennent que
la vertu « infuse » engendre une disposition morale
du même ordre est incontestable : nos énergies natu
relles d'action s'assouplissent à la vertu par l'exercice
des vertus surnaturelles .

Le principe mis en avant par ceux qui nient la for


mation d'une vertu naturelle par le fait de l'exercice
de la vertu « infuse » n'est pas insoutenable , loin de là ;
il est même confirmé par l'expérience . Supposons une
conscience depuis toujours éduquée et vivant dans la
Foi, n'ayant eu habituellement que des motifs surna
turels de pratiquer la tempérance par exemple ; sup
posons que cette même conscience perde la grâce , la
Charité , les vertus « infuses » et persiste en cet état .
Entraînée jusqu'alors par des motifs surnaturels de
pénitence et pratiquant , pour ces motifs , la tempé
rance en ses plus délicates rigueurs , elle n'est pas
la les

entraînée , par là -même , à la pratiquer pour seuls


dignité humaine qui sont ceux
de

de

motifs vertu

génération d'un habitus naturel par fréquence des actes de


la

la

le la
«

en

vertu infuse La preuve mise avant par cette opinion est


«

»
.

de

fait déjà rappelé l'exercice des vertus surnatu


et

hors conteste
:
en

relles est plus facile ses progrès qu'en ses débuts les obstacles
et
,

les résistances passionnelles s'amortissant dans mesure du pro


la
de

en

de

grès vertueux Un texte saint Thomas est invoqué faveur


.

ad

cette opinion Qu Disp De Verit Qu XVII


4.
a
(

.,

t. ,
I,

)
.

Cursus theologicus VI XIII De Virl


tr

Les Salmanticenses
(

,
.

Disp vi Dub
55

ce

contestent l'interprétation de texte


de n
,

la ,
II,
3,
§

)
.

de

au sens thèse Bannez qu'a reprise Cardinal Billot Ils


le

pas que des actes surnaturels puissent engendrer


et

n'admettent
développer un habitus d'ordre naturel
«

.
LES OSCILLATIONS DE LA CONSCIENCE 273

naturelle ; elle n'est pas faite à cette mentalité morale


nouvelle . En revanche , elle est toute prête à s'y
adapter . Celui qui a vécu dans les vertus chrétiennes
pendant longtemps , par exemple le tempérant mor
tifié , ne peut , au lendemain de son péché mortel, être
un vicieux et un pervers de l'intempérance S'il per
.

siste à ne point retrouver l'amour


de Dieu , il profite ,
pour sa seule vie morale naturelle , de son acquis passé
je veux dire : de ses passions assagies dans leur acti
vité fonctionnelle et leurs énergies physico -psychi
ques ; il profite également de son habituel entraîne
ment à placer haut son idéal de vie , à chercher des
motifs spirituels en toutes ses actions et à n'agir que
sous la dictée de sa conscience . Sa vie chrétienne
les

antérieure , en s'exerçant par actes des vertus


strictement par
lui
ne

infuses pas donné


a

à
«

»,

sa

ler les vertus morales naturelles conscience


,

un

plan supérieur
et

était établie sur celles


ci

des
à

motifs plus élevés que ceux qu'elles font valoir


en est

l'entraînaient
ce

mais clair que chrétien


il
;

,
-

lui
un

instant égaré l'étoffe d'un hon


possède
,

nête homme c'est dire toutes dispositions favora


à
,

-
-
la

bles moralité naturelle


à

On pourrait encore dire me semble que ver


le
,

il,
t
-
-

tueux qui dirige


de
sa

vie morale dans l'amour Dieu


,
au

agissant
par ses vertus infuses
en

en de de

tout nom
,

motifs surnaturels n’exclut point dans l'attention


,

conscience les motifs naturels qui


se
sa

lèvent
,

surnaturels qui principale


les

parallèle avec motifs


LA CONSCIENCE MORALE 18
.
274 LA CONSCIENCE MORALE

ment le dirigent. Quand on est vertueux , on veut le


bien avec entrain et pour tous les motifs valables .
Par exemple , le tempérant s'interdit certains excés
de sensualité non seulement par esprit de péni -
tence , mais encore pour tous les autres motifs natu
reļs de sobriété qu'il n'a garde de rejeter et qui sont
d'ailleurs très engageants pour une conscience qui
vise à la vertu parfaite . Dès lors , cette conscience
surnaturelle enrichit tous ses désirs vertueux , affer
mit en tout son vouloir moral, par l'exercice
sens
des vertus « infuses ». Si, par malheur , elle vient à
perdre , dans le péché mortel , la Charité et les vertus
« infuses », elle conserve du moins l'entraînement
aux motifs vertueux d'ordre naturel qui précédem
ment , dans ses visées , se subordonnaient aux motifs
surnaturels alors de premier plan .
Notre conscience poursuit son oeuvre dans l'unité .
Nous profitons toujours et immédiatement pour no
tre vie surnaturelle de notre acquis antérieur de vertu .

A en nous sa fer
son tour, la Charité en développant
veur et en orientant vers Dieu toute notre puissance
d'aimer contribue à tasser et à enraciner de mieux en
mieux toutes nos convictions morales . Ainsi, nous
cherchons la vertu et nous allons au bien de toute
notre âme .
CONCLUSION

Vue d'ensemble sur la moralité .


CONCLUSION

Vue d'ensemble sur la moralité .

L'homme moral est celui qui , de fait , dirige toutes


les activités de sa vie dans la rectitude morale , c'est - à
moins implicite
ou
les

ordonne explicitement
du

dire
fin

l'acquisition possession
de

ment dernière
la

la
à

à
,

de Dieu Car Foi nous met en face de cette destinée


la
.

pouvons
ne

en

et

définitive nous abstraire toutes


;

nos actions doivent s'y référer


.
du

inoins qui sont


en

Toutes nos actions Celles


?

notre pouvoir celles dont nous contrôlons les motifs


,

que nous choisissons avec liberté Car toutes les


et

sont pas
ne

activités dont nous sommes théâtre


le

gouvernées par nous notre gré Des phénomènes


à
,

en
de

de

mouvement surgissent
et

sensation nous sur


lesquelsnous n'avons aucune prise Nos passions
.

peuvent déclencher leur jeu avant toute advertance


notre part leur intensité
de

et

leur tumulte rendent


;

parfois difficiles nos clairvoyances C'est donc seule


.

ment dans mesure où elles sont directement ou


la
278 LA CONSCIENCE MORALE

indirectement tributaires de notre volonté que nos


actions entrent dans le domaine de la moralité et en
gagent pour autant notre responsabilité .
Ce caractère essentiel de l'action morale d'être ainsi
dominée par le jugement de notre raison et adoptée
parle choix de notre liberté , nous permet de l'orienter ,
en connaissance de cause , vers la fin ultime de notre
perfection , vers le but surnaturel que vise notre Cha
rité . Celle - ci peut ainsi avoir le mérite de faire servir
toutes nos actions à prouver notre amour puisque
de plein consentement , nous les offrons à Dieu ; car
celui -ci demande que nous le servions dans le retour
bénévole : sa grâce nous en assure le pouvoir et la
spontanéité .
Notre Charité ordonnant librement toutes nos ac
tions à plaire à Dieu en obéissant à sa volonté , c'est - à
dire à sa Loi : voilà donc la formule obligatoire de la
vie morale . Nos actions seront bonnes , inspirées par
notre conscience surnaturelle et méritoires devant
;
Dieu quand elles possèderont cette rectitude ; elles
seront mauvaises quand nous les dirigerons vers des
buts contraires à celui d'aimer Dieu par dessus tout ,
quand elles violeront sa Loi , prouvant une complai
sance avouée et arrêtée en des choses que réprouve

ces

sa volonté . A cetitre , posent comme


se

actions
raisonnables comme des offenses envers Celui qui
,

de

doit être aimé premier Car tout raisonnable


le
le

l'agir humain est inclus dans Loi divine parce que


la

tout devoir raisonnable ne fait plus qu'un avec


ce
le
CONCLUSION 279

suprême raisonnable : accomplir la volonté d'un Dieu


qui nous appelle à une destinée surnaturelle que nous
ne pouvons refuser sans une insigne déraison . Toute
faute morale est ainsi une déviation de notre véri
table fin et si elle entend sacrifier cette fin suprême ,
;

si elle consacre la rupture d'amitié , elle devient la


négation de la Charité , le péché grave , qui aboutit
à perdre l'amitié divine , c'est à dire la grâce et tous
les dons qui devaient servir à la faire fructifier .
Dans la moralité surnaturelle , il y a un terrible
enjeu à bien faire ou à mal faire , à obéir à la Loi morale
ou à lui désobéir . Et cet enjeu n'est plus seulement
d'être un honnête homme ou un malhonnête homme ,
mais d'être un élu de l'Amour ou un réprouvé de
l'Amour , un béatifié ou un damné .
Ainsi , doit se poursuivre , dans le déroulement con
cret et immédiat de notre action morale , la double
attitude que la Charité exige déjà de nous dans l'orien
tation générale de notre conscience : vouloir conqué
rir Dieu en l'aimant et en le servant par toutes nos
actions , puis craindre de le perdre en l'offensant par
le péché.

* *

Mais , il nous faut « Quvrer » vraiment notre moralité ,


effectuer très positivement nos actions , obéir prati
quement à la Loi divine , prouver l'amour par des
actes inspirés par l'amour .
280 LA CONSCIENCE MORALE

L'homme moral n'est pas celui qui s'enchante de


bonnes intentions sans les faire aboutir. Au surplus ,
ce n'est pas celui qui fournit des actes conformes à la

Loi de Dieu , mais par intermittence , se rétractant


tout aussitôt de son devoir , sauf à revenir momen
tanément à la correction morale . L'homme moral
se caractérise par la continuité de sa tenue morale ,
par un élan de Charité qui monte et progresse , par
la persévérance dans la sanctification .
D'où peut venir cette continuité et cette sécurité
dans le bien ?
Elles résultent en nous de la possession de la vertu .
L'homme moral , c'est proprement l'homme ver
tueux : celui dont toutes les puissances d'action sont
affermies dans la rectitude morale . Et l'on est ver
tueux dans la mesure de l'énergie et de l'intensité de
ses vertus .
tel

Nous voici au centre du problème moral qu'il


pose pour chacun
de

nous avec ses chances de


se

,
ou

résultats déficients Et faut


de

résultats heureux
il
.

bien entendre que ces chances heureuses sont relatives


fermeté de nos vertus
la
à

Toutes nos facultés coopèrent réussite pratique


la
à

de notre action morale En tout état de cause


y

coo
,
.

pèrent notre raison notre volonté nos puissances


et
,

d'affectivité sensible
.

Notre raison tout d'abord car c'est elle qui


en dé
loi

qu'il faut viser


et

nonce l'idéal vertueux


la

même temps discerne selon les circonstances chan


,
CONCLUSION 281

geantes, la conformité de chacune de nos actions avec


cet idéal et cette loi .
Notre volonté concourt nécessairement et vient en
traîner , vers le but désiré , l'action effective . Il faut
que ce but soit aimé victorieusement et qu'en face
de son attrait cède toute hésitation et s'imposent
péremptoirement les réalisations .
Notre sensibilité intervient - elle aussi , le plus sou
vent ; cardès qu'une action pratique sollicite l'acquies
cement de notre conscience , aussitôt se lève le point
de vue de notre sensibilité pour l'exciter ou la contre
dire . L'action morale est une option en faveur d'un
bien spirituel, du bien de notre âme ; et nos passions ,
qui envisagent d'abord notre bien de sensation ou le

mal qui le menace , applaudissent ou protestent selon


que l'action morale favorise leurs désirs ou , comme
il arrive fréquemment , les contredit .
Or voici : à considérer leurs ressources de nature ,

notre raison notre volonté et notre sensibilité ne


,

nous apportent qu'une capacité de moralité éloignée


et non point efficace . Nous ne naissons pas avec une
inclination prépondérante à la moralité .
Par notre raison , nous concevons avec évidence ,
mais de façon générale , que nous devons faire le bien ,
nous conduire selon la raison dans l'ordonnance de
nos passions personnelles et dans nos rapports avec
loi

et et

autrui . Les préceptes premiers de la natureile


leurs dérivés immédiats sont loin d'être précis
présument pas pratique des actions
ne

surtout
la
282 LA CONSCIENCE MORALE

qu'ils commandent pourtant ; car l'efficacité et la


droiture de notre discernement pratique sont à
la merci de nos dispositions affectives .

Notre volonté nous incline à vouloir le bien que


notre raison désigne comme notre bien propre ; mais
sans qu'elle soit naturellement portée à suivre tout
idéal que cette même raison nous présente et tout
discernement pratique qu'elle nous dicte . A plus forte
raison , cette inclination cesse - t - elle quand le bien à
faire s'oppose au bien de jouissance que réclame
notre sensibilité et que celle - ci n'est guère disposée
à sacrifier spontanément .
Car notre sensibilité ne se plie pas automatique
ment aux injonctions de notre raison pas plus qu'aux
commandements de notre volonté . La passion fait
surgir en nous un sentiment vif , attracteur de l'action
immédiatement correspondante ; et , si son mouve
reste qu'il tend
soi

ment n'est pas de ingouvernable


,
il
,

son objet sans attendre


de

naturellement contrôle
la le
à

de

raison Qu'elle s'allume l'attrait délectation


la

à
.
ou

qu'elle périls
de

sensible s'affole devant les l'action


,

passion n'attend pas nécessairement discerne


la

le
de

ment raison pour déclarer poursuivre son


se

et
la

évolution Sans doute par l'émotion qu'elle suscite


,

,
.

elle peut servir grandement aux résolutions morales


en

revanche elle peut


en

corsant nos vouloirs mais


;

en ,

hésiter nos prudences


et

faire même certains


,

cas exceptionnels les troubler entièrement


,

On voit nos puissances d'action ont capacité


le

la
si
,
CONCLUSION 283

native fournir l'ouvre morale , ce n'est qu'une


de
capacité éloignée qui est loin d'avoir, par elle -même
l'assurance de son efficacité . Tout peut en sortir :
le bien comme le mal . Nous pouvons chercher notre

fin
bien en dehors de celui que nous assigne notre
et

dernière dont Loi divine nous assigne pro


la

le
gramme Nous pouvons déroger aux obligations dont
.

l'accomplissement contredit notre contentement per


compromettre notre tranquillité
de

sonnel refuser
,

faillir aux tâches extérieures


et

et
aux devoirs
qui nous sollicitent dans nos relations avec autrui

.
Nous pouvons être plus soucieux satisfaire nos de
attraits passionnels que
de

réfréner leurs tendances


désordonnées
.

son exercice quotidien


de

Pour stabilité l'euvre


la

garantie ailleurs que


sa

morale devra donc renconter


nos puissances
de

dans les seules ressources natives


d'action
.

du

Cette garantie cette stabilité nous viendront


et

raffermissement même dans nos puissances d'action


,
,

leur capacité morale Sur


de de

fond indéterminé
le
.

ces puissances peuvent eneffet greffer s'en


et
se
,

en ,
de ,

raciner des dispositions plus plus fermes


la
à
de

perfection morale notre action


.

Les vertus sont précisément ces dispositifs sur


de

déterminations stables qui renforcent


et

croît ces
,

dans nos puissances l'énergie


de

bonne
la

assurent
,
,
284 LA CONSCIENCE MORALE

action . L'action morale devient ainsi l'action ver


tueuse quand elle est le fruit de nos facultés morale
ment vertueuses .

On ne naît pas vertueux ; mais on le devient en


acclimatant progressivement toutes ses énergies à ce
régime de perfection , à ce régime devenant de plus
en plus normal , spontané et facile . Le progrès moral
loi

du
rentre ainsi dans la générale développement
humain loi de l'habitude
la

.
:

L'habitude est une seconde nature elle plie

et
ses

à
de
résultats toutes nos activités Nos facultés connais
.

s'enrichissent par leur exercice même

de
sance sa
,

de ,
Et
théoriques techniques en
et

voirs est même


il
.

toutes nos facultés quand elles s'orientent aux


de

aux pratiques
de

moralité Un homme
et

la

savoirs
.

caractérise par les habitudes intellectuelles volon


se

affectives qu'il acquiert par propre évolu


de et

taires
la
,
ses

tion actions quotidiennement renouvelées


.
on

Dans l'ordre moral également prend des habitu


,

n'avait pas tout d'abord ac


et

des que l'on que l'on


en

quiert plus plus


de

Toutefois ces dispositions


stables ces vertus
en ,

,
les

n'ont pas nous même origine Voyons donc


la

superposer successivement dans nos puissances


se

un

organisme harmonieusement
et

d'action former
unifié
.

Avant même que


ne

soient formées ces vertus sur


CONCLUSION 285

ajoutées , d'heureuses prédispositions individuelles de


tempérament peuvent favoriser l'éclosion de la vertu .
Il y a des hommes qui naissent naturellement pru
dents . Un heureux équilibre leur permet d'être faci
lement experts dans leur discernement :

ils
sont

,
en

toutes circonstances judicieux avisés habiles

Ce à
,

,
au

les

les
tirer clair
situations plus embrouillées

.
le ne

bon sens natif peut que croître par l'expérience


accumulée dans courant même de vie

la

.
Des prédispositions l'énergie volontaire

au la
à

et à
,
fermeté persévérante l'audace tranquille
,
à

robuste courage peuvent caractériser certains indi


les préparer volonté qui est
de
et

vidus tension
la
à

s'agit d'affronter les difficultés


de

rigueur quand
il

de l'action
.

leur tour les passions qui servent corroborer

la
A

à
,

vigueur des réalisations celles aussi qui s'emploient


se ,
et

et

désirer aimer défendre résister toutes


à

,
,

les passions d'ailleurs quelles qu'elles soient peuvent


,

,
un

présenter chez individu donné avec une modé


se

ration native qui rende difficile leur effervescence


par même les soumet plus spon
et

désordonnée

tanément
et

direction de
la la

raison
la

au comman
à

dement de volonté
.

Toutes ces tendances heureuses dont les variétés


,

individuelles sont sans nombre constrastent avec


,

les tendances péjoratives contraires elles aussi


très variées dont sont affligés certains tempéra
les

ments disgraciés Mais supposerait premières


on
-
.
286 LA CONSCIENCE MORALE

aussi excellentes que possible , il ne s'en suivrait

les
pas qu'il suffirait , sans plus , de posséder pour

se
,
trouver garanti On n'est point

de
tout écart moral

un
ou
vertueux parce qu'on l'esprit l'énergie

de

là de
a

,
que des dispo

Ce
tempérament apaisé

ne
sont

.
non point

et
sitions favorables moralité la
moralité

la
à

elle même Rien d'elle n'est encore donné par ces


-

tendances favorables faut que celles soient em

ci
Il

-
.

ployées acquérir les vertus qui seules donnent sta

,
à

,
au

déploiement

de
bilité sécurité vie morale

la
et

.
Nous pouvons effet acquérir des vertus car
en

,
,

,
acquises nos actes répétés
de

les vertus résultent

.
un

C'est fait expérimental que formation con


la

vo
de

tinue nos habitudes dans l'ordre intellectuel ,


et

lontaire affectif Nos sciences nos savoir faire nos


,
,
.

habiletés manuelles nos adresses professionnelles


,

sont des habitudes acquises


.
De

même nous pouvons acquérir des vertus dans


l'ordre moral
.

Dans raison sur fond des premiers principes


la

le
,
loi

pré
les

viennent s'ajouter toutes


de

naturelle
la

,
les , loi

morale qu'apportent successivement


de

cisions
la

l'enseignement l'éducation l'expérience nos propres


,
,

directions que nous recevons des au


et

réflexions
tres Ces connaissances peuvent être plus ou moins
.

ou

moins ordonnées chez cer


plus
et

nombreuses
;

tains individus elles s'organisent avec une perfection


,
CONCLUSION 287

croissante jusqu'à devenir la science morale elle


même .
De plus , notre raison peut perfectionner peu à peu
ses savoir - faire et ses discernements pratiques . Notre
conscience morale affine sa clairvoyance et sa délica
tesse . Elle s'instruitla longue et garde mémoire
à
des leçons de notre conduite , des exemples qu'elle
enregistre et de tous les enseignements de la sagesse
humaine . Cette sécurité du jugement moral, en quoi

consiste précisément la vertu de Prudence , n'est pas


d'ordinaire le fait de la jeunesse , mais le fruit de
la maturité . Preuve qu'elle s'acquiert et s'enrichit
successivement .
Notre volonté , qui est la force impulsive de toutes
nos actions , n'est naturellement encline qu'aux ac
tions qui nous paraissent convenir à notre bien propre .
Elle nous applique aux tâches et aux devoirs prati
ques que notre discernement désigne à notre choix .

de nos prudences et celles - ci


Elle est la libre servante
ont besoin de son accord pour aboutir . Quand donc
notre raison exige l'accomplissement d'un acte qui
semble heurter l'appétit naturel de notre bien per
sonnel , cette difficulté qu'il faut pourtant vaincre
afin que l'obligation morale ait le dernier mot , exige
que notre volonté mette en attitude de la sur
se

monter . Et l'habitude se prend en elle , par efforts


successifs et persévérants , d'accomplir coûte que
coûte tous les devoirs qui nous contraignent , même
lorsqu'ils contrecarrent notre égoïste tranquillité .
288 LA CONSCIENCE MORALE

La justice , vertu générique à multiples ramifications ,


devient chez nous , par accoutumance progressive ,
cette spontanéité de volonté à fournir toute opération
extérieure , conformément au droit qu'ont de nous
la réclamer , Dieu , les autres hommes , égaux ou supé
rieurs , tous ceux envers qui nous sommes en dépen
dance . Nous nous habituons à être justes de toutes
manières , à être fidèles à tous les devoirs qui nous sol
licitent , à bien faire tout ce que nous avons à faire .
Les obstacles au discernement droit et à la volonté
rectifiée nous viennent particulièrement de l'insou


ici
mission de nos passions . Mais encore cette

,
sistance peut s'assouplir par l'habitude
.
tempérance
de

La vertu
et

ses vertus annexes ont


ce

résultat difficile gagner sans doute mais qui

se
à
,

consolide pourtant longue plier


de

soumission
la

et la
à

à
,

nos passions qui s'amorcent


de

celles s'excitent
plai
Le

aux attraits des jouissances


de

sensation
la

sir sensible l'emporte prenant joie que


en

sur nous
la
«

donne bien spirituel bien moral Nous sommes


le

le
,

point par suite


du

péché originel
ce

désaxés sur
.

Notre volonté est moins attirée aux biens de l'âme


qu'aux biens
de du

corps nos passions


de de

domaine
,

végétative
et

Les fonctions vie vie sensible


la

la

développent avec elles des délectations violentes


dont une longue ascèse aboutit péniblement réduire
à

tempérance
de

les poussées Aussi


et

vertu celles
la
,
.

les

qui applications particulières sont elles


en

sont
,

les vertus ascétiques par excellence Elle font fleurir


.
CONCLUSION 289

la pénitence , la mortification , le renoncement ; et


à juste titre , car les délectations de la sensibilité
sont, de soi , les plus rétives à la soumission et à la
modération morale .
D'autres passions encore deviendraient pierres
d'achoppement aux bonnes intentions vertueuses ,
si elles n'arrivaient point å se plier peu à peu au joug
de la raison . Les fatigues , épreuves , luttes , périls ,
menaces , difficultés de toutes sortes effraient na
turellement notre sensibilité et sont bien propres là
briser notre énergie morale . Il y a des périls qu'il
faut braver , y compris le péril d'être dépossédé de
les

plus chers vie corporelle


de
et

nos biens même


la

l'on veut rester fidèle tout son devoir La vertu


de si

.
au

force fruit d'un long entrainement courage


,

,
représente cette fermeté morale indispensable
.

nos puissances moralité peuvent


de

Ainsi s'en
,


de

richir
se

bonnes habitudes stabiliser dans


le
,

gime vertueux prêtes fournir toute


et

trouver
se

ouvre morale obligée


.

nécessaire cohésion puisqu'elles


en en

Ces vertus sont


doivent garantir toute circonstance notre action
,

n'est point
un

morale Car vertueux celui qui s'im


il
,
.

pose d'être juste tandis qu'aussitôt après donne


il
,

libre cours sensualité Pour être un homme moral


sa
à

,
.

faut l'être tout coup selon toute opportunité


de et
il

.
un

En effet même point vue péremptoire celui


,

d'imposer l'ordre que nous fai


de

tout
ce

raison
la

sons devient motif même d'agir Nous devons être


le

LA CONSCIENCE MORALE 19
.
290 LA CONSCIENCE MORALE

justes en nos paroles , en nos actes , en nos tractations


d'intérêts , nous devons modérer nos colères , nos gour
mandises , nos sensualités , parce qu'ainsi l'impose
la raison . C'est notre vertu de prudence qui dicte
cette intimation . Et comment celle -ci serait - elle ga
rantie , si nos appétits , nos cupidités contraires et nos
passions récalcitrantes n'étaient pas elles - mêmes as
vertus qui régularisent
les

souplies par

et
soumettent

de
leurs énergies au commandement

la
raison

!
Nous pouvons donc acquérir progressivement des
vertus morales ramener de l'indétermination au bien
,

comme au mal nos puissances d'action canaliser

et
,
per
au

de
renforcer leurs ressources service notre
fection morale
a
,
"
.

de
Mais quelle est cette perfection morale fruit
,

notre effort quoi peut elle aboutir précisément


A

,
?

-
la de

parce qu'elle provient notre effort


?

Elle peut aboutir seule perfection vertueuse


à

qui dépasse point notre finalité naturelle Comment


ne

.
ne

donner plus qu'on possède produire des effets


su
,

périeurs leur cause Réaliser l'honnêteté s'im


à

per
sa

poser
le

devoir humain s'achever dans toute


,

du

fection naturelle parvenir cette sérénité juste


,

vantée par morale païenne voilà tout que peu


ce
la

vent garantir les vertus acquises quand elles arri


«

vent leur plus haut degré d'excellence


à

.
2
CONCLUSION 291

Mais nous savons , par la Foi , que notre vie morale


doit s'épanouir vers un but supérieur . Etre honnête

fin
homme n'est pas une n'est qu'un but

ce
dernière

,
un
intermédiaire vers but surnaturel qui dépasse nos
prises posséder Dieu dans vision intuitive

la

.
:

Un principe surnaturel d'impulsion Charité

la

et ,
,
fin
par
de

de
l'Amour cette dernière vient don

le
,

,
l'efficace de Dieu Lui même soulever vers cette con
-

,
quête nos intentions nos désirs Moyens inadéquats
et

,
.
nos vertus acquises sont donc disproportionnées

";
«

sont plus vertus suffisantes énergies niveau


ne

elles

à
,

d'une action qui prouver Charité sur


de
se

doit
d'y prendre la
directement son motif Nous
et

naturelle

.
devons maintenant être prudents non plus pour
de

intimer raisonnable l'honnêteté naturelle mais


le

,
fin
ce

raisonnable supérieur motivé par surnatu


la
du

relle accomplir volonté Dieu aimé Nos justices


la
:

en .

nos tempérances plus exigeantes leurs appli


et

,
en

en

cations leurs contraintes leur ascèse doivent


et

,
,

elles aussi s'imprégner


de

ce

et

motif surnaturel
;
,

toutes nos actions doivent en dériver


.

Dieu nous accordant Grâce sanctifiante avec


la

et
,

Saint Esprit
du
les

les

Vertus théologales
et

elle Dons
,

qui les achèvent toutes vertus qui nous mettent


capacité
en

de

de

surnaturellement tendre toutes


la ,
de

possession
et

nos lumières tout notre amour vers


,
--

partage
de

est logique que


et

sa

de Dieu vie
et ce
le

il

cuvre
et

Dieu très bon très sage achève en nous son


que nous ayant donné les principes nous donne les
il
,
,
292 LA CONSCIENCE MORALE

les
moyens correspondants , et par conséquent moyens
prouver l'amour après Don del'amourlui même
de

le

.
Ces énergies divinement nos fa communiquées

à
les
cultés morales pour prendre

de
mettre même

à
notre Charité ,
motif souverain de toutes nos actions
le

:
les

vertus parfaites
ce

sont vertus morales infuses

,
«

»
et le ,
correspondance avec résultat obligé
en

cette fois
,

dé .
pour changer
de

se
Mais but final soulever
,

lui

change point
ne

de
sormais vers notre vie cadre
,

.
reste que nous avons modérer nos passions dé
Il

à
,
ou
ployer nos tâches individuelles familiales sociales

,
,

accomplir tout notre devoir d'homme Les mêmes


à

.
s'il est normal que d'autres
et

actions nous sollicitent


s'y ajoutent plus spécialement étant donné que nous
,

visons plus seulement


ne

terre mais ciel reste


le
- la

il
,
que celles comm'e celles doivent être décrétées

ci
-

par notre conscience pour


de

discernement
le
le

motif surnaturel d'aimer Dieu par dessus tout Dans


.

tous les compartiments


de

notre vie morale tes vertus


,

infuses nous sont données par Dieu avec Charité


la

,
«

pour que nos discernements nos justices nos tem


,

pérances nos fermetés s'emploient désormais au


et

Et
de

service Charité pour que rien n'échappe


la

en à
.

cette intention définitive Saint Esprit ajoute


le
,

les de -

de

nous mystérieusement ses Dons Conseil Force


,

,
,
,

Crainte pour que


de de

de

Piété débilités natives


,

et ,

prudences pro
de

nos nos fermetés soient


à

pos suppléées qu'ainsi soit garanti l'épanouisse


et

ment intégral
de

notre perfection
.
CONCLUSION 293

Il apparaît donc bien que l'homme moral est celui

les
qui possède les plus excellentes

et
toutes vertus
de

toutes les vertus surnaturelles Alors est

il

de à
,
:

.
déployer son action sous
de

même contrôle

le
plus haute raison dans l'inspiration

de
le la

l'amour
,

fin
plus grand plus parfaite
en

de
et

visée la

la
,

:
TABLE DES MATIÈRES
0
TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION 4-7

PREMIÈRE PARTIE
PSYCHOLOGIE DE LA CONSCIENCE MORALE
ET SES DIFFÉRENTS DEGRÉS DE RESPON
SABILITÉ

CHAPITRE PREMIER
La conscience et la règle morale .... 11-22

1. Les lois morales devant la conscience .. 13


2. Groupes hiérarchisés des lois morales .... 16
3. Toute règle morale se présente comme obligatoire .. 19

CHAPITRE II
Les actions humaines soumises à la conscienco . , 22-47

1. La passivité de l'acte involontaire .... 25


2. Le déterminisme de l'acte involontaire . 29
3. Caractères accidentels de l'acte volontaire .... 37
4. Caractère essentiel de l'acte volontaire : la maîtrise
du jugement qui le contrôle .... 41

CHAPITRE III
L'activité de la conscience morale .. 48-63

1. Le raisonnement moral .. 49
2. Le jugement de conscience et le jugement d'action , 52
298 TABLE DES MATIÈRES

3. Les objurgations de la conscience ayant l'action .. 57


4. L'approbation ou le remords de la conscience
après l'action ... 59

CHAPITRE IV
Les conditions de la conscience morale .... 64-82

1. L'exercice parfait de la conscience . 65


2. L'ignorance de la ... loi 70

de ,

loi
rapport 73
4.3.

L'erreur sur l'action

la
le

.
L'inattention morale 78

CHAPITRE
V
La

passion .....
et

conscience morale 83-107


la

La passion 85

..
passion conséquente
5. 4. 3. 2. 1.

la
et

antécédente
ou

Comment passion entrave facilite l'action 88


la

..
La passion conséquente 93
responsabilité
..
et et
la

La passion antécédente l'irresponsabilité 94


.

La passion antécédente responsabilité atténuée 101


la
et

DEUXIÈME PARTIE
LES PERFECTIONNEMENTS NATURELS ET
SURNATURELS DE LA CONSCIENCE MORALE

CHAPITRE VI

La perfection
de

conscience morale natu


la

relle ....... 111-134

La conscience est susceptible d'une plus


1.

ou

moins
grande perfection 112
L'usage normal raison est requis
de
3. 2.

la

116
la

conscience
à

La perfectionnement dans des lois


la

connaissance
morales volonté du bien ...
la
et

dans 119
La perfection
5. 4.

du discernement moral 124


.

La conscience ...
ou

raison inspirée par l'amour


la

132
«

»
TABLE DES MATIÈRES 299

CHAPITRE VII
La perfection de la conscience morale surna
tarolle ... 135--159
loi
programme moral
de

de
1. La Dieu cons

la
et
le
cience chrétienne 136
La Crainte de Dieu
2.

Crainte servile crainte

et
«

»
.
filiale .... 141
«

La Charité Loi divine


4. 3.

la 148
et

.
de
Le discernement Prudence

la

et
infuse les

»
autres vertus surnaturelles 150

de
Le discernement surnaturel Don Conseil 156

et
5.

..
le
CHAPITRE VIII
L'Unité de conscience moralo ....
la

160-177

.....
de

Les assises naturelles 161


2. 1.

conscience morale
la
de

Les énergies vertueuses morale


la

conscience
naturelle 165
La conscience surnaturelle consacre agrandit
3.

et

l'idéal moral .... 168


4.

Rehaussement des tendances vertueuses

la
de
conscience par les vertus surnaturelles 171
..

TROISIÈME PARTIE
LA CONSCIENCE PÉCHERESSE ET LA
CONSCIENCE VERTUEUSE
CHAPITRE IX
La conscience pécheresse ... 181-226

péché .....
du

Possibilité psychologique
6. 5. 4. 3. 2. 1.

182
de

Le péché est une désobéissance loi Dieu 185


... la
à

L'attrait des jouissances sensibles 187


de

L'amour déréglé 194


...

soi même
-

L'erreur contenue dans tout péché 202


..
de

Les luttes Entrechoquement du


la

conscience
.

jugement moral du jugement passionnel ... 205


et

de
7.

en

Les résistances possibles


la

conscience face
la

de tentation 211
.
300 TABLE DES MATIÈRES

8. Rupture d'équilibre en faveur de la passion .... 214


9. L'aveuglement volontaire à l'instant du péché . 223

CHAPITRE X
La conscience vertueuse . 227-250

1. Enrichissement de la conscience dans la connais


sance des prescriptions morales .. 229
2. L'acquisition progressive de la vertu . 233
3. La fermeté de la conscience vertueuse . 238
4. Les vertus morales « acquises » et les vertus morales
« infuses » comparées au point de vue de leur
stabilité 243

CHAPITRE XI
Les oscillations de la conscience .... 251-274

1. Les vertus « infuses v nous donnent la capacité de

...
l'action surnaturelle , mais non pas sa facilité . 253
Les vertus acquises D
2.

les vertus infuses béné


et
«

ficient réciproquement leurs progrès respectifs 259


de

de .
3.

Les vertus acquises favorisent persévérance


la

l'activité morale surnaturelle 263


..

CONCLUSION
Vue d'ensemble sur moralité
la

277
.

POITIERS IMPR MARC TEXIER


.

.
.
PrincetonUniversity
Library

32101
061977151

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