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L’évolution de l’écriture du Mushaf :

Introduction et définition des termes :


Quran = parole de Dieu révélée sur le cœur du Prophète ‫( ﷺ‬contenu)
 Sa lecture constitue une adoration
Mushaf = ce qui est écrit, le Livre/support matériel et physique de la Parole Divine
(contenant)
Durant la période de ‫جاه ّلية‬
ِ (soit la période arabique préislamique dite d’ignorance), les
arabes étaient de très bons orateurs, connus pour leur maitrise de l’art oral et notamment
de la poésie, mais c’était un peuple où l’analphabétisme était majoritaire.
Cependant après la révélation et les premières paroles divines, la communauté arabe
islamique est devenue la communauté de « iqra / ‫ »اقرأ‬et du « qalam / ‫» قلم‬

« Lis » Le qalam est l’ ancêtre de notre


= soit l’Alphabet, stylo
la lecture = soit le Support, l’écriture

La oumma devait donc devenir savante, lettrée et avait besoin de personnes sachant écrire
tout comme d’individus maîtrisant l’art oral.
I. L’alphabet
Dans cette région, le système d’écriture utilisé était le
Musnad, un alphabet consonantique (abjad) où on ne
retrouve pas de voyelles [a, e, i, o …] et originaire du
Yémen. Puis environ 100 ans avant l’avènement de
l’islam la péninsule arabique adopte le Nabatéen un
dérivé de l’araméen (écriture dans laquelle aurait était
écrite la Bible en partie).

Alphabet Musnad

Alphabet Nabatéen ligne 2

C’est à partir de cette forme d’alphabet que l’écriture arabe est née : on pourrait dire que
l’arabe est un dérivé du nabatéen.
II. Support
Du temps de la révélation, le prophète Muhammad ‫ ﷺ‬fit écrire le Quran par ses scribes (on
compte notamment parmi eux les 4 califes bien-guidés, Az-Zubayr ibn al-Awamm, Ubayy ibn
Ka’b, Zayd ibn Thaabit, …)
Ils utilisaient alors ce qui était à leur disposition pour l’époque :
➢ Branches de palmier : ‫العسب‬
Notamment pour graver
➢ La pierre lisse : ‫اللخاف‬
ِ
➢ Le parchemin : ‫الرقاع‬
Peau de bête, cuire très cher et souvent réservée aux
riches
➢ Les omoplates de bêtes : ‫االكتاف‬
➢ Le bois
➢ Leurs selles de chameau
➢ …

Sourate al-Fatiha sur


une omoplate

Extrait des feuillets coraniques de Birmingham (568-


Feuillet du Quran datant de 650-700 645), probablement inscrit sur du cuire de chèvre

+ Fait surprenant : pour l’école Malikite, il est très important de suivre l’exemple de Ansar,
ainsi aujourd’hui au Maghreb il est encore très courant d’écrire, lire et mémoriser le Quran
sur les tablettes de bois « laouh / ‫» لوح‬
III. Les 1er Mushafs
Du temps du Prophète ‫ﷺ‬, les feuillets de Quran étaient assez dispersés, il n’y avait en réalité
aucune compilation. Chaque détenteur d’une copie avait sa propre version. Et la tradition
était surtout orale, on avait alors des compagnons qui maîtrisaient parfaitement le Quran
dans son intégralité, l’enseignait et qui étaient des références en cas des questions : Zayd ibn
Thabit, Ubay ibn Kaab, Abdullah ibn Masood, Abu Musa al-Ash’ari …
Mais à la suite de la mort du Prophète ‫ﷺ‬, et durant le califat de Abu Bakr As-Sidiqq marqué
par les guerres d’apostasies de nombreux Hafidh du Quran sont tués, on en dénombre près
de 70 lors de la bataille de al-Yamama qui les opposait à Musaylama Al-Kadhab.
C’est donc dans un soucis de préservation des paroles divines que Umar ibn al-Khattab
demande à Abu Bakr encore calife d’entreprendre un projet de compilation du Livre Sacré.
D’abord sceptique et avançant l’argument selon lequel ce serait une innovation (étant donné
que de son vivant le Prophète ‫ ﷺ‬ne l’a jamais ordonné), Abu Bakr finit par céder et réalise
que c’est un besoin fondamental, au risque de perdre des parties du Quran.

Convaincu il accorde alors la tâche de la compilation à Zayd ibn Thabit, scribe du Prophète
‫ ﷺ‬et jeune Ansar [ayant les capacités intellectuelles semblable de ce que l’on nommerait
aujourd’hui un « enfant prodige »]. Il avait en effet connaissance de la dernière récitation
révélée à Muhammad ‫ﷺ‬.
 Il dira suite à la requête du calife : “Par Dieu, s’ils m’avaient demandé de déplacer une
montagne, cela aurait été plus facile pour moi que de rassembler le Coran.” Mais il
accepta et pris la supervision de ce projet

C’est un travail mené avec extrême minutie et attention. Malgré sa mémoire hors norme et
ses connaissances immenses en la matière, Zayd s’est assuré de consulter d’autre
compagnons et de ne pas se fier uniquement à ses souvenirs [C’est assez fou quand on y
pense aujourd’hui. S’il n’avait pas demandé l’avis des autres, les détracteurs de l’islam
auraient sauté sur l’occasion et dit « Comment pouvez-vous vous appuyer sur le Quran, ce ne
sont que des paroles issues des souvenirs d’un seul individu. Et si sa mémoire était
défaillante ? ». Personnellement je vois là l’essence même de la méthode scientifique et
expérimentale critique (utilisée aujourd’hui) qui sépare les travaux de recherches de la
subjectivité du chercheur. Et pour rappel, on est environ en 632, on vient tout juste de sortir
de l’Antiquité, c’est absolument fascinant … ] Zayd ibn Thabit était conscient de l’importance
de ce projet, il passe alors chaque verset au peigne fin et applique des critères de validation
précis (notamment qu’au minimum 2 témoins attestent de la même version et aient été au
côté du Prophète ‫ ﷺ‬lors de la récitation).
La compilation devient une propriété privée du calife qui résidera chez lui, ainsi elle fut
passée à Abu Bakr, Umar en hérita et puis ce sera Hafsa bint Umar, mère des croyant qui là
préservera chez elle. Cette compilation n’était pas sous forme de codex/ ‫ مصحف‬mais plutôt
des feuillets non reliés que l’on nomme : ‫صحف البكرية‬
La 1ère compilation était très différente de ce que nous connaissons aujourd’hui, le Quan ne
contenait pas de point, ni de séparation de versets, ni de voyelles courtes et parfois on
remarque même l’absence des voyelles longues.
On peut alors se demander comment ils réussissaient à différencier les lettres indiquées s’il
n’y avait pas de points : ‫ش‬/‫ س‬،‫ز‬/‫ ر‬،‫ذ‬/‫ د‬،‫خ‬/‫ح‬/‫ ج‬،‫ث‬/‫ت‬/‫ب‬، ...

Les lecteurs étaient habitués à ce genre d’écriture et les pistes les plus probables qui
puissent expliquer comment ils réussissaient à lire et à s’arrêter au bon moment sont : le fait
qu’ils reconnaissaient le mot même sans accents et points, que le contexte aidait à la
reconnaissance du mot, que l’écriture du mot consistait en une abréviation, ou bien que la
différence du dessin leur indiquaient quel caractère était le bon
C’est plus tard avec l’expansion de l’islam, que l’ajout des points fut nécessaire pour faciliter
la lecture notamment pour les convertis non arabophones.
Avec l’expansion de l’islam et les
conquêtes militaires des califes, émerge
un nouveau problème : des versions
différentes du Quran émergent des 4
coins du califat. Alors comment
uniformiser et standardiser la lecture et
la récitation coranique ?
Ainsi, sous le 3ème califat, Uthman ibn
Affan ordonnera une seconde
compilation, dont on bénéficie toujours.
Lors des campagnes de conquête les compagnons témoignent des différences de récitation
du Quran dans les différentes contrées [dues notamment au fait que ces pays n’étaient pas
tous arabophones et quand bien même ils l’étaient, il existait différents dialectes de la
langue arabe]. A leur retour à Médine ils en informent le calife Uthman qui se rend compte
du danger que ça puisse représenter. Les différentes formes de récitation pourraient mener à
l’avenir à des divergences et la division des musulmans, des remise en doute de l’authenticité
du Livre …
Uthman ibn Affan demande alors à Hafsa de lui prêter la copie faite sous le califat d’Abu
Bakr. A partir de celle-ci il désigne un groupe (sous la direction de Zayd ibn Thabit) pour en
faire des copies reliées : des codex/ ‫( مصاحف‬livres). Ainsi 7 copies identiques furent faites,
Uthman décida de les envoyer dans les grandes capitales du califats [le nombre de copies et
les destinations sont différentes selon les narrations mais ce sont très probablement les
villes suivantes : Kufa, Basra, Damas (Sham), La Mecque, en Egypte, au Yémen et au
Bahreïn]. Enfin la copie originale fut conservée à Médine chez Hafsa.

De plus pour éviter la diffusion des feuillets individuels et de possibles erreurs, Uthman
ordonna de faire brûler toute autre copie du Quran autre que celles envoyées. Depuis ce
jour, c’est à partir de ces copies que notre Quran est copié et imprimé. Il reste ainsi inchangé
et préservé, authentique.

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