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LE
ROMAN
D'ANTAR
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IL A ÉTÉ TIRÉ
DE CET OUVRAGE
CINQ CENTS EXEM-
PLAIRES NUMÉROTÉS
SUR PAPIER JAPON

Quatorzièmeédition.
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GUSTAVE ROUGER

LE ROMAN
D'ANTAR
D'APRÈS
L ESANCIENSTEXTES ARABES

L'ÉDITION D'ART
H. PIAZZA, 19, RUE BONAPARTE, PARIS
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Copyright 1923, by H. Piazza.


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PRÉFACE

L 'ÉPOPÉElégendaire intitulée «Siret Antar »,Aven-


tures d'Antar, occupe une place pour ainsi
dire unique dans la littérature arabe des sept derniers
siècles. Célèbre dans tout l'Orient, tellejadis l'Iliade en
Grèce, cepoème s'est perpétué à travers les âges par
la bouche de nombreux conteurs de profession, sem-
blables aux rhapsodes antiques. Et de nosjours encore,
ces Antariens, comme on les nomme en Algérie et en
Syrie, récitent, dans les assemblées et les fêtes, des
épisodes de ce roman d'aventures héroïques qui s'élève
parfois à un lyrisme incomparable. «Antar, a écrit
«Lamartine, égalsouventpar l'instinct, par les mœurs,
«par la poésie aux chefs-d'œuvre d'Homère,de Virgile,
«du Tasse, est resté populaire dans les tentes des
«Arabes du désert de Damas, d'Alep, de Bagdad, et
«ses chants poétiques charment encore les veillées des
«chameliers ou les haltes des caravanes.
«Né d'un émir et d'une négresse prise dans une
«rhazia, Antar doit vaincre tous les préjugés de la
«naissance et de la couleur.
«Bâtard, esclave et nègre, mais doué d'une prodi-
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«gieuse vigueur, d'une vaillance à toute épreuve, d'une


«éloquence forte et sauvage, d'une libéralité et d'une
«générosité sans limites, poussé par un amour che-
«valeresque pour sa cousine Abla, il parvient, àforce
«deprouesses, à triompher de toutes les résistances, se
«fait reconnaître par son père, et, admis au rang des
«nobles, épouse celle qu'il aime et devient le premier
«desa tribu, qui est la première parmi les nomades de
«l'Arabie. Telle est l'Épopée d'Antar, le David mo-
«derne du désert, histoire et poème tout à la fois,
«où le poète, l'amant et le héros ne sont qu'un même
«homme, et se confondentpour émerveiller les Arabes
«dans les trois prestiges qui exercent le plus d'empire
«sur leur imagination : l'héroïsme, l'amour et la
«poésie. »
«Je ne sais, a écrit d'autre part Renan, s'il y a
«dans toute l'histoire de la civilisation un tableauplus
«gracieux, plus aimable, plus animé que celui de la
«vie arabe avant l'islamisme, telle qu'elle nous appa-
«raît dans ce type admirable d'Antar : liberté illimitée
«de l'individu, absence complète de loi et depouvoir,
«sentiment exalté de l'honneur, vie nomade et cheva-
«leresque,fantaisie, gaieté, malice, poésie légère, raf-
«finement d'amour. »
On ignore le nom de l'auteur d'Antar, bien que
la rédaction en soit généralement attribuée à Aboul
Moayyed Mohammed. Mais si nous nesavons rien de
la personne de l'écrivain, il n'en va pas de même
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de son héros, qui n'est nullement un personnage de


fiction.
Certes, au moment oùfut composé le poème, la lé-
gende déjà s'était emparée desexploits d'Antar; il n'en
reste pas moins que celui-ci a joué son rôle dans
l'histoire, au temps d'Abd'Allah, père de Mohammed.
Guerrier fameux, il fut en outre l'un des plus grands
poètes arabes devant l'Islam; un seul trait suffira à
marquer le prestige dontjouissaient ses poèmes : An-
tar est l'un des septpoètes dont les œuvres —le Diwan
—faisant partie de l'Achar-es-Setter eurent l'insigne
honneur d'être suspendues dans la Kaâba, sur le tom-
beau du Prophète.
Jusqu'à présent, cette admirable épopée n'a jamais
encore étéprésentée au public sous uneforme à la fois
claire et complète.
La rédaction arabe, en effet, constitue un ouvrage
énorme, touffu, plein d'obscurités et de redites, écrit
par un Arabepour les Arabes du XII siècle et, disons
le mot, illisible sous cetteforme pour des Français de
notre époque.
Pour ne pas trahir l'œuvre et la faire connaître à
des Occidentaux, l'obligation s'imposait de la récrire.
C'est ce que j'ai fait, et voici comment j'ai procédé.
J'ai lu les dix volumes du manuscrit d'Antar; avec
ces matériaux j'ai entrepris de reconstruire le roman
en ne conservant, commefil conducteur de l'œuvre, que
les passages caractérisant son idée maîtresse. Cette
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idée, à monsens, n'est autre quela lutte de l'individua-


lisme, incarné par Antar, contre la tradition, dans ce
qu'elle a d'étroit et de stérilisant, représentée par son
père Cheddâd.
Il existe à la Bibliothèque Nationale de nombreux
manuscrits fragmentaires d'Antar et un seul «com-
plet ». Cette dernière épithète n'est d'ailleurs pas
exacte, car ce manuscrit dit «complet »n'est lui-même
qu'une compilation effectuée au XVII siècle, sous les
auspices de Cardin de Cardonne, drogman de l'Am-
bassade française à Constantinople, par le P. Phi-
lippos, de nationalité grecque. Ce religieux avait entre
les mains deux exemplaires, l'un appartenant à la
rédaction de Syrie, l'autre à celle du Hedjaz. Son ma-
nuscrit est composé d'un choix fait parmi les leçons
qui lui paraissaient les meilleures. En réalité, onpeut
dire que le roman complet d'Antar n'a jamais existé,
du moins au sens où nous entendons de nos jours le
mot «roman ». Tout au plus, y a-t-il eu une geste
d'Antar qui serait plutôt la geste arabe antéislamique,
absolument dépourvue dans son ensemble du profond
intérêt qui rend si attachante notre gestefrançaise des
époques voisines.
C'est Caussin de Perceval qui, le premier, attira
l'attention dupublicfrançais sur les beautés dupoème
d'Antar. Il publia une belle adaptation de la mort
d'Antar arrangée au goût de la Restauration; c'est
dans le même esprit encore quefurent écrits les divers
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essais parus au Journal Asiatique vers le milieu du


siècle dernier, et la traduction partielle de M. L. Mar-
cel Devic.
C'est donc sur un terrain presque vierge queje me
suis risqué en rédigeant cette adaptation. Et j'en dois
d'autantplus de reconnaissance à tous ceux qui, mora-
lement et pratiquement, m'ont aidé dans cette tâche
parfois ingrate, mais, en fin de compte, si attachante
pour un homme qui a passé en pays arabes les plus
belles années de sa jeunesse. C'est pourquoi je tiens
à remercier ici l'éditeur Henri Piazza, sur l'initiative
de qui j'ai entrepris ce travail; puis M. le docteur
Hariz, dontla parfaite connaissance de la langue arabe
et la très fine érudition m'ont été précieuses au cours
du déchiffrement des divers manuscrits; enfin M. Ho-
molle, le distingué Administrateur de la Bibliothèque
Nationale, qui a bien voulu donner toutes les instruc-
tions nécessaires pour que les plus grandes facilités
de travail mefussent accordées.
GUSTAVE ROUGER.
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PROLOGUE
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PROLOGUE

u nom de Dieu clément et


miséricordieux, je chanterai
Antar, fils de Cheddâd.
Je dirai l'histoire prodi-
A gieuse de l'esclave qui fut
grand entre les esclaves, du
guerrier qui fut grand entre
les guerriers, du poète qui
fut grand entre les poètes, et j'exalterai la force et
le courage au service de l'amour, en disant avec le
poète :
«Toute maforce et tout mon courage, Amour, ne
lespuisé-je en toi? —N'est-cepoint par la corde noire
de tes tresses, ô douce colombe, Aïcha, —n'est-ce par
l'écheveau soyeux de ta faiblesse —que l'eau des vail-
lants monteà moi,—toutemaforceet moncourage?... »
Or cette histoire se passait en des temps très obs-
curs, entre la mort duprophète JÉSUSet l'avènement
du prophète MOHAMMED,ces temps où les hommes,
manquant d'un guide certain, ignoraient la voie
droite et n'obéissaient qu'à leurs passions.
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Mais il est despassions nobles et légitimes, comme


il en est de basses et d'infâmes; et qui oserait nier
que l'amour ennoblisse tout ce qu'il touche et légi-
time tout ce qui est fait en son nom?
C'est pourquoi Antar, bien qu'il ait ignoré la
Parole qui nous éclaire aujourd'hui, mérite de nous
être donné en exemple, Seigneurs, puisque par lui,
autour de lui, et par la vertu de l'amour, les préju-
gés furent vaincus, les complots déjoués, les ennemis
anéantis, les Infidèles humiliés, les méchants con-
vertis, et la race des forts perpétuée des Béni-Abs
jusqu'aux plus nobles Arabes de nos jours, pour la
plus grande gloire de la vérité révélée et de Dieu
l'Unique.
Je chanterai donc l'histoire merveilleuse d'Antar,
fils de Cheddâd, telle que l'ont racontée Asmaï et
Aboul-Moayyed.
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LA JEUNESSE D'ANTAR
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I
LA RHAZIA

N ce temps, les Béni-Abs


étaient les guerriers les plus
renommés du Hedjaz, et les
plus braves d'entre les Ara-
bes. Onles nommait les «ca-
E valiers des Destins et de la
Mort ». Quelle noblesse que
celle de ces hommes en qui
se retrouvait le sang de Noé, de Sem, de Chanâan,
de Nemroud nourri par la tigresse, d'Abraham vi-
sité par Gabriel, d'Ismaêl fils d'Agar, de Nizar aux
quatre enfants subtils, et de Djézima dont la domi-
nation s'étendait aux enfants de Fézara, de Dho-
byan et d'Abs fils d'Adnan !
Et sur eux régnait l'autorité du roi Zohéir fils de
Djézima.
Or le plus fameux d'entre les guerriers absiens
était Cheddâd fils de Carad.
Un jour, dix de ces guerriers ayant résolu de faire
une rhazia sur les biens des Arabes, comme il était
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d'usage à cette époque, pour rétablir leur fortune


épuisée, demandèrent à Cheddâd de leur servir de
chef au cours des prochains combats.
C'est sur le territoire des Béni-Cahtan que les
Béni-Abs, conduits par l'émir Cheddâd, portèrent
les pas de leurs coursiers; durant le jour ils se dissi-
mulaient derrière les lentisques et n'avançaient qu'à
la faveur de la nuit.
A l'aurore du troisième jour, ils découvrirent un
camp, étalé dans la vallée comme un fleuve de soie,
et bruyant commela mer. Les esclaves, les guerriers,
les jeunes filles vêtues de vives couleurs, s'y mou-
vaient comme des vagues, et la tribu donnait le
spectacle de la prospérité et de la force, si bien
que les Béni-Abs, n'osant les attaquer, se rejetèrent
sur les pâturages.
Là paissaient mille chamelles dont la bosse bien
nourrie s'inclinait sur le côté. Une esclave noire les
gardait. Elle était jeune, belle, et se balançait sur
des hanches admirables avec la souplesse d'une
branche flexible. Ses seins étaient fermes et ses dents
étincelantes comme des grêlons. Autour d'elle, deux
négrillons, ses fils, couraient de droite et de gauche
pour l'aider à garder le troupeau.
Excités par le spectacle de cette proie facile, les
Béni-Abs éperonnent leurs chevaux, encerclent le
troupeau, et le poussent devant eux à la pointe de
leurs lances. L'esclave et ses deux enfants sont
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chassés eux aussi, et, fermant la marche, Cheddâd


se tient prêt à toute éventualité.
Mais voici déjà que les cavaliers et les braves de
la tribu des Béni-Cahtan, soulevant un flot de pous-
sière, s'élancent à la poursuite des pillards. Ils sont
près de les rejoindre.
«Malheur sur vous ! leur crient-ils. A vous la
honte et l'esclavage ! Rien ne vous sauvera de notre
poursuite! Vos pas vous ont menés à la mort et
vous avez couru à la ruine !»
Pourquoi vous raconter ce combat, Seigneurs,
puisque vous connaissez la force des Béni-Abs?
C'est à travers une plaine jonchée de cadavres enne-
mis qu'ils reprirent le chemin de leurs demeures.
❖❖❖Le soir tombait lorsqu'ils arrivèrent au bord
d'un étang. Quelques arbres sous la lune y proje-
taient déjà leur ombre violette, et, dans le grand si-
lence de la fatigue, Cheddâdjeta les yeux sur la belle
captive étendue au bord de l'eau. Et il la désira, car
il avait vu ses mains fines, sa taille souple, ses larges
hanches, sa couleur profonde et son regard plus
affilé que les sabres du trépas.
Le poète a dit :
«Labeautédesnoires esttelle, quesi tu la comprenais,
tu ne voudraisplus regarder les blanches ni les rouges.
«Que dire de la souplesse de leurs hanches, de la
fascination de leurs yeux qui ensorcelleraient l'ange
Harout lui-même?
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ACHEVÉ D'IMPRIMER
LE TRENTE JUILLET
MIL NEUF CENT
VINGT-SIX SUR LES
PRESSES DE PIERRE
FRAZIER , A PARIS.
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