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ACTU. Sécurité des soignants : ACTU.

Loi anti-cadeaux : N° 2 0 5 / 2 3
le gouvernement veut accélérer premières sanctions exemplaires A V R I L- M A I

Qui sont
les primo-inscrits ?
SOMMAIRE

ACTU 4 FOCUS 12 PRATIQUE 22


4. Élections : scrutins Qui sont JURIDICTIONS
complémentaires
les primo-inscrits ? 22. D
 ouble inscription
4. La disparition de France-hors UE :
Jean-Louis Artus double sanction…
5. Le bureau du Conseil JURIDIQUE
national à Besançon
24. Pour l’Urssaf et le juge,
6. Sécurité des soignants : l’étudiant remplaçant
le gouvernement veut est un salarié…
accélérer

TERRITOIRE 19
Besançon accueille
sa première promotion 27. La puissance du secret
d’étudiants médical s’exerce jusque
dans des situations
8. Loi anti-cadeaux : une
singulières
société lourdement
condamnée, des
professionnels de santé
exposés
10. D
 aniel Densari, nouveau
conseiller national
10. L
 a disparition de Charles
Bérenholc TRIBUNE 30
11. F
 rance-Allemagne : ÉRIC QUIÈVRE
regards croisés Président de la Caisse
de retraite des
chirurgiens-dentistes
et sages-femmes
(CARCDSF)

#ONCD La Lettre n° 205 – Avril-Mai 2023


Retrouver le journal en ligne Directeur de la publication : Philippe Pommarède.
Ordre national des chirurgiens-dentistes – 22, rue Émile-Menier – BP 2016 – 75761 Paris
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Dépôt légal à parution. ISSN n° 2679-134X (imprimé), ISSN n° 2744–0753 (en ligne).

2 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ÉDITO

Sécurité :
le temps des
réponses
Depuis plusieurs mois nous n’avons eu de cesse de faire remonter
auprès du ministre de la Santé, François Braun, ainsi que de la
ministre déléguée aux professionnels de santé, Agnès Firmin Le
Bodo, l’inquiétude de notre profession. Les chirurgiens-dentistes
exerçant en cabinet libéral sont en effet, nous le savons, les pre-
miers exposés aux faits de violence contre des soignants. Déli-
vrer des soins en ayant peur ou, de façon plus diffuse mais pas
moins corrosive, avec l’appréhension qu’une agression peut
arriver à tout moment, n’est pas la meilleure façon d’exercer un
métier médical. L’État doit prendre la mesure du problème, et
c’est ce que Mme Firmin Le Bodo a bien compris puisqu’elle
vient de lancer une concertation avec les représentants des
professionnels de santé, dont bien entendu le Conseil national. Le
dialogue est ouvert, des propositions sont avancées, dont les
nôtres, et un calendrier a été fixé par la ministre avec des
mesures concrètes attendues pour juin prochain. Mais s’il est
évident que l’État doit prendre ses responsabilités, il nous appar-
tiendra à nous aussi, professionnels de santé, de prendre les
nôtres. Car en effet, pour prévenir efficacement la violence ou pour
accompagner les victimes, c’est tout un écosystème qu’il conviendra
de consolider. Parallèlement à une structuration des réponses de
l’État via la police, la gendarmerie et la justice, nous aurons à
travailler, entre autres, sur la formation des praticiens aux diffé-
rents niveaux de prévention de la violence. Après la prise de
conscience, doit venir le temps des réponses pratiques.
Nous y sommes.
Philippe Pommarède

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 3
ACTU RÉSULTATS Assesseurs parmi
DES ÉLECTIONS les membres et anciens
COMPLÉMENTAIRES membres des conseils
des assesseurs
de la chambre RÉUNION- Titulaires :
disciplinaire
de première instance MAYOTTE Luc SCHOSMANN
de Réunion-Mayotte Suppléants :
du 9 février 2023 Cécile BROTTIER POQUET

ERRATUM Région Assesseurs SAS


Chambre disciplinaire
de première instance HAUTS-DE- Titulaires :
du conseil régional des Benoît DELATTRE
FRANCE
Hauts-de-France Jacques DRANCOURT
du 2 juin 2022 - Suppléants :
Composition de la
Marc BEVE
section des assurances
sociales Marie-Noëlle BRACQ
Une erreur s’est glissée Cécile BRETON CORTES
lors de la parution Elise DE LA FONTAINE
des résultats des Rémi DE SAINT STEBAN
membres titulaires Christian DURIETZ
de la composition Hélène GEYSELINCK
des assesseurs Patrick MARCINKOWSKI
de la section des Régis MERESSE
assurances sociales.
Bernard TRIOLET
Il fallait lire :

DANIEL DENSARI,
nouveau conseiller national
D aniel Densari, membre du conseil départemental de la
Haute-Corse, membre du conseil régional de la Corse, vient
d’être élu conseiller national représentant la région Provence-
Alpes-Côte d’Azur-Corse. Il succède à Vincent Vincenti, disparu
des suites d’une longue maladie en 2022. Daniel Densari, 66 ans,
diplômé en 1981 à Marseille, s’est d’abord installé en libéral dans
le village de Calenzana, puis à Bastia en 1995 où il exercera toute sa carrière jusqu’en
2022. Membre du conseil départemental de l’Ordre de la Haute-Corse en 2008,
assesseur à la Chambre disciplinaire de première instance de la région PACAC,
assesseur à la Section des assurances sociale, il a œuvré, avec Vincent Vincenti, à la
création du conseil régional de l’Ordre de la Corse en 2019.

4 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU

Le bureau du Conseil national à Besançon

L
es 8 et 9 mars derniers, le pré-
sident, Philippe Pommarède,
le bureau du Conseil national
et les conseillers nationaux représen-
tant la région Bourgogne-Franche-
Comté, se sont rendus à Besançon
(Doubs) et ce malgré les mouvements
sociaux, dans les transports en parti-
culier. Le Conseil national reste en
effet très attaché à ces échanges
directs avec les élus. En présence de
Patrick Larras, président du conseil
régional de l’Ordre, et de Pierre-
Antoine Flusin, président du conseil Philippe Pommarède a insisté sur la le refus de soins à caractère discri-
départemental du Doubs, le bureau nécessité d’une collaboration entre minatoire. Les deux secrétaires
du Conseil national a pu visiter le nou- les ARS et les conseils départemen- généraux, Daniel Mirisch et Cathe-
veau département d’odontologie de la taux et régionaux de l’Ordre. Il a évo- rine Eray-Decloquement (la régio-
faculté, à la rencontre des étudiants qué les procédures engagées par le nale de l’étape puisqu’elle représente
et d’enseignants (lire aussi notre Conseil national à l’encontre des la région au Conseil national avec
reportage pp. 19-21). centres déviants, mais aussi de cer- Jean-François Largy, également pré-
Lors d’un forum réunissant une tren- tains praticiens. Un point a été fait sur sent) ont abordé l’organisation et le
taine d’élus ordinaux de la région, la création des nouveaux départe- fonctionnement du conseil départe-
Philippe Pommarède a dressé un état ments d’odontologie ainsi que sur la mental ainsi que la circulation des
d’avancement de deux propositions démographie. informations entre cet échelon et le
de loi au cœur de notre actualité, celle Geneviève Wagner, vice-présidente Conseil national.
visant à mieux encadrer les centres du Conseil national, est intervenue Enfin, Luc Peyrat, trésorier du
de santé d’une part, et celle créant le sur le projet de réforme du code de Conseil national, a rappelé les
statut d’assistant dentaire de niveau 2, déontologie, mais aussi sur les dérives contours de la réforme des rever-
d’autre part. Sur ces deux sujets sectaires et sur les violences. Marie- sions des cotisations faites aux
majeurs, il est clair qu’une prise de Anne Baudoui Maurel, également conseils départementaux. Une
conscience des politiques a eu lieu. vice-présidente, a quant à elle évoqué réforme pour laquelle le Conseil
national a consenti un effort finan-
cier permettant une dotation sup-
plémentaire pour les départements
à faible démographie. Luc Peyrat a
également insisté sur les règles de
gestion comptable.
Les autres sujets abordés lors des
échanges entre le bureau et les élus
de la région ont porté, entre autres,
sur la permanence des soins, la conci-
liation, le RGPD ou encore le traite-
ment des propos à caractère insul-
tant ou diffamatoire sur Internet.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 5
ACTU

Sécurité des soignants :


le gouvernement veut accélérer
« Tolérance zéro. » La
ministre Agnès Firmin
Le Bodo a été claire lors
de la réunion de lancement de la
concertation sur la sécurité des
professionnels de santé à laquelle
participait le Conseil national, le
16 février 2023. Le plan d’action
sera présenté en juin prochain
car l’enjeu est important. On sait
donc gré aux autorités publiques
d’avoir entendu le message des
professions de santé, et en par-
ticulier celui du Conseil natio-
nal. Rappelons que notre profes-
sion est en première ligne des
violences faites aux profession-
nels de santé. L’Observatoire
national des violences (ONVS)
faisait d’ailleurs une projection
de 200 signalements environ de
violences dans des cabinets
dentaires en 2022. Un nombre
certainement bien en deçà de la
réalité, tous les praticiens ne
déclarant pas ce type d’événe-
ment.
Face à ce phénomène alar-
mant, le Conseil national
milite pour actionner deux
leviers : la formation et l’ac-
compagnement des profes-
sionnels de santé victimes de Dans le numéro 202 de La Lettre
violences. Ces mesures font consen- datée de décembre dernier, le Conseil national
sus, elles devraient trouver une alertait déjà sur l’exposition des praticiens aux violences.
expression concrète dans le plan Le gouvernement semble avoir entendu l’alerte des
d’action. Il s’agit d’inscrire dans la professionnels de santé.

6 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU

formation initiale les mesures de


prévention avec à la clé une sensibi-
lisation des professionnels de santé LES OUTILS DISPONIBLES
à leurs droits et devoirs. Cette for- La plateforme-signalement de l’ONVS fait
mation doit permettre de désamor-
peau neuve et est désormais disponible sur
cer les « petites violences » du quo-
tidien, et diffuser les bonnes
le lien suivant :
pratiques auprès des confrères https://dgos-onvs.sante.gouv.fr/
comme des patients.
D’autres points devront être abordés Nouvelle fiche d’aide/pratique :
comme l’accompagnement des vic- Intitulée « Comment apporter la preuve d’une
times avec des solutions pratiques violence verbale », cette fiche détaille, entre
pour les professionnels redoutant des autres, les trois grands points ci-dessous :
représailles en cas de déclaration ou
• Déposer plainte au plus tôt, dans les
de plainte. Rappelons d’ailleurs que
la seule menace contre la personne 48 heures de la commission de l’infraction
d’un personnel de santé, ses biens, ses (flagrant délit) ;
proches, est déjà considérée comme • Rapporter exactement les mots prononcés
un délit pénalement répréhensible (1).
et décrire précisément les circonstances
Le Conseil national insiste également
des faits ainsi que les gestes et attitudes
pour que toutes les victimes, les pra-
ticiens comme les assistants, person- hostiles ;
nels d’accueil et étudiants, soient • Rassembler les témoignages (si existants)
prises en compte. Aucune violence ne afin de relater/conforter les faits.
doit être tue, aucune forme d’agres-
sion ne doit être taboue. Fiche téléchargeable sur :
En attendant les propositions du gou- https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/comment_
vernement en juin prochain, le minis- apporter_la_preuve_d_une_violence_
tère de la Santé a récemment mis en
verbale_2023-01.pdf
ligne une fiche pratique à l’usage des
professionnels destinée à les aider à
apporter la preuve d’une violence
verbale (lire l’encadré). qui continue d’être diffusée en dépit
Geneviève Wagner, qui représentait des demandes répétées de l’Ordre
le Conseil national lors de la réunion auprès de différents décideurs… Tous
de février, a aussi insisté sur la néces- les représentants des professionnels
sité de mettre en œuvre, réellement de santé attendent des autorités judi-
et efficacement, les dispositifs qui ciaires des réponses rapides et dis-
existent déjà. Il s’agit de sanctionner suasives. Les professionnels de santé,
fortement les actes commis et signa- particulièrement exposés, assument
lés. Elle a rappelé les problèmes de pourtant une mission d’intérêt géné-
banalisation de la violence dans les ral pour la société.
cabinets dentaires véhiculés par À suivre.
exemple par la publicité des Furets (1) Articles 433-3 al. 2 et 433-3-1 du Code pénal.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 7
ACTU

LOI ANTI-CADEAUX

Une société lourdement


condamnée, des professionnels
de santé exposés
L
a condamnation sans précédent tées par la loi dite « anti-cadeaux ».
d’un industriel pour octroi illi- Tous les praticiens sont concernés.
cite d’avantages, d'une part, et Après de longs mois d’enquête, la
des professionnels de santé suscep- DGCCRF et la gendarmerie de Dijon
tibles de voir leur responsabilité enga- ont révélé une fraude estimée à 55 mil-
gée, d'autre part. Voilà comment l’on lions d’euros. Ce montant correspon-
pourrait résumer la récente affaire drait aux cadeaux reçus par des phar-
Urgo. Au-delà des faits, que nous al- maciens d’officine de la part du groupe
lons exposer, cette affaire exemplaire Urgo entre 2015 et 2021. Fin janvier,
sonne comme une alerte pour les les premières condamnations ont été
professionnels de santé acceptant des prononcées par le tribunal judiciaire
« avantages ». Car oui, ce ne sont pas de Dijon contre deux filiales de ce
les seules entreprises qui sont impac- groupe : une amende de 1,125 million
d’euros, qui s’ajoute aux valeurs sai-
sies d’un montant de plus de 5,4 mil-
lions d’euros.
Tout est parti d’une enquête natio-
nale lancée en 2021 par la DGCCRF,
visant à vérifier le respect du dispo-
sitif « encadrement des avantages » (1),
plus connu sous l’ancienne appella-
tion « anti-cadeaux ». Rappelons que
ce dispositif vise à préserver l’indé-
pendance des professionnels de santé
vis-à-vis des fabricants de dispositifs
médicaux afin que seules des consi-
dérations de santé publique guident
leurs prescriptions.
En l’espèce, deux filiales du groupe
Urgo avaient mis en place un système
d’octroi illicite d’avantages en nature
au bénéfice de près de 8 000 pharma-
ciens d’officine. « Des frigos, des télés,
des cafetières, des voyages, du cham-
pagne », entre autres, comptaient au
nombre de ces cadeaux.
Dans son communiqué de presse, le
procureur de la République de Dijon,

8 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU

ciens impliqués. Ils risquent de voir


leur responsabilité pénale engagée.
UN PRINCIPE D’INTERDICTION, C’est donc l’occasion ici de rappeler que,
tout comme le fait d’octroyer un avan-
DES DÉROGATIONS tage illégal, l’accepter expose le béné-
ficiaire à des sanctions pénales et dis-
Créé par la loi du 27 janvier 1993, le dispositif ciplinaires. En pratique, tout octroi
« anti-cadeaux » a été remanié en 2011 puis d’un avantage par une entreprise à un
renforcé par la loi du 24 juillet 2019 relative professionnel de santé doit faire l’objet
à l’organisation et à la transformation du système d’une convention soumise par cette
de santé. Le principe est l’interdiction des entreprise à autorisation de l’Ordre.
avantages. Mais par dérogation, la loi autorise Certes, le praticien n’a aucune dé-
les octrois d’avantages par les industriels aux marche déclarative à opérer : c’est
professionnels de santé s’ils entrent dans une l’« offreur » (l’entreprise) qui soumet
la demande. Mais il est fortement
des quatre catégories prévues par le texte, et sous
recommandé que le bénéficiaire de
réserve, bien sûr, qu’une convention liant l’offreur l’avantage (le praticien) s’informe au-
et le praticien ait été acceptée par le Conseil près de l’entreprise sur la soumission
national de l’Ordre. Les quatre catégories sont : ou non de la convention à l’Ordre. Un
• Activités de recherche, de valorisation praticien qui se verrait proposer des
de la recherche, d’évaluation scientifique ; avantages ne peut les accepter sans
• Activités de conseil, de prestation de services certitude d’une convention validée
ou de promotion commerciale ; par l’Ordre. En cas de recherche de sa
• Manifestation à caractère exclusivement responsabilité par les autorités judi-
ciaires, il sera difficile au praticien de
professionnel ou scientifique, manifestation
prouver qu’il méconnaissait le refus
à promotion de produits ou prestation de santé ;
par l’Ordre de la convention, voire
• Financement ou participation au financement l’absence pure et simple de soumis-
d’actions de formation professionnelle ou de DPC. sion de la convention à l’Ordre.
Dans cette situation, le chirurgien-
dentiste encourt alors des sanctions
Olivier Caracotch, indique que l'en- à la fois pénales et disciplinaires
treprise offrait des « objets de valeur pouvant aller jusqu’à un an d’empri-
ou des loisirs à certains pharmaciens, sonnement, 75 000 € d’amende, l’in-
en contrepartie de l'abandon de remises terdiction temporaire ou définitive
commerciales pouvant être consenties d’exercer et la confiscation du produit
à leur officine ». Un système astucieux : de l’infraction (le ou les cadeau(x)
en échange de l’achat par le pharma- reçu(s)).
cien, sans remise, de produits Urgo, le (1) Articles L.1453-3 à L.1454-10
montant de la remise était converti en du Code de la santé publique.
cadeaux personnels. Ce qui est, bien
sûr, proscrit par la loi. Mis au jour par
une série de perquisitions diligentées
par le parquet de Dijon, ce système POUR ALLER PLUS LOIN
a été reconnu par un responsable du  a liste des avantages et conditions d’octroi est disponible
L
groupe Urgo le 27 janvier. Les pre- sur le site de la DGCCRF : https://sante.gouv.fr/IMG/pdf/
mières sanctions sont tombées, visant anti-cadeau_note_d_information.pdf
pour l’instant l’industriel. Mais l’en- Un dossier pratique a été consacré à ce sujet dans La Lettre
quête se poursuit auprès des pharma- de l’Ordre datée d’octobre 2020 (n° 185, pp. 13-16).

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 9
ACTU

La disparition
de Charles Bérenholc
C
’est une grande fi- Bérenholc, c’est aussi un an-
gure de la profession cien résistant de la Seconde
qui nous a quittée Guerre mondiale : torturé
le 6 février dernier. Charles par les Nazis, il demeurera
Bérenholc, c’est d’abord une un modèle d’attachement à
sommité de la médecine la liberté et aux valeurs de
bucco-dentaire : profes- la France, qu’il a toute sa vie
seur à la faculté de chirur- durant transmis aux jeunes
gie dentaire de Paris et de générations. Pour son exem-
Montrouge de 1975 à 1994, plarité, il se vit d’ailleurs dis-
directeur de recherche dont tingué à maintes occasions,
nombre d’entre nous ont notamment de la Légion
pu bénéficier des conseils d’honneur, de la médaille de
avisés, il fut aussi praticien Reconnaissance de la Nation,
hospitalier et expert près la et des Palmes académiques.
Cour de cassation. Profes- Les décorations, titres et
seur émérite pendant près hauts faits garderont vivace
de 30 ans, il œuvra aussi en la mémoire de Charles Bé-
tant qu’expert internatio- renholc, esprit libre et bril-
nal auprès de l’OMS, fonda lant qui aura consacré sa vie
le Collège national odonto- à élever la médecine dentaire
logique des professeurs des vers toujours plus d’excel-
universités en 1989, fut pré- lence. Le Conseil national
sident de l’Académie natio- rend hommage à cet homme
nale de chirurgie-dentaire exceptionnel dont la renom-
avant d’en devenir président mée dépassait les frontières
d’honneur en 2009. Charles de notre profession.

LA DISPARITION DE JEAN-LOUIS ARTUS


Ancien président du conseil départemental du Calvados de 2000 à 2007,
Jean-Louis Artus est décédé le 27 janvier 2023. Il était entré au conseil départemental
en 1972 et avait exercé les fonctions de secrétaire général
à partir de 1974 avant d’être élu président en 2000.
À son épouse, à ses filles, à ses petits-enfants et toute sa famille, le Conseil national et
le conseil départemental du Calvados adressent leurs plus sincères condoléances.

10 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
ACTU

France-Allemagne :
regards croisés
L
e Conseil national, représenté
par son président Philippe
Pommarède, Marie-Anne Bau-
doui Maurel, vice-présidente encharge
de l'Europe, et Christine Constans,
conseillère nationale, recevait, les 1er
et 2 mars derniers, son homologue
d’outre-Rhin, le BZAEK, qui cha-
peaute les Ordres des 16 Landers alle-
mands. Le BZAEK était représenté
par son vice-président, le Dr von Laf-
fert, et le Dr Alfred Büttner. Cette ren-
contre a été l’occasion d’un échange
de vues qui aura permis de mesu-
rer à quel point les problématiques
entre nos deux pays sont parfois lage territorial à ce jour. On notera
proches. Au cœur de l’actualité pour que, comme en France, la question
nos amis allemands : le pays fait face de l’accès aux soins bucco-dentaires
à un important problème de recrute- est posée en Allemagne, et ce avec
ment d’assistants dentaires. Rappe- d’autant plus d’intensité pour les Eh-
lons qu’en Allemagne, cette catégo- pad. Les deux institutions ont aussi
rie inclut, outre l’assistant dentaire, abordé la nouvelle réglementation
l’adjoint administratif, l’assistant de européenne sur le cobalt ainsi que la
prophylaxie et enfin, l’hygiéniste, qui question de la « vente » des aligneurs.
tous, exercent sous la responsabilité Enfin, 6 % des chirurgiens-den-
du chirurgien-dentiste. tistes allemands
Parmi les sujets com- exercent avec un di-
muns, les déserts médi-
En Allemagne, historiquement, plôme étranger (UE
caux restent une ques- existait une restriction à l'installation et hors UE). S’agissant
tion pendante des deux des chirurgiens-dentistes. des diplômés hors UE,
côtés du Rhin. Ainsi, en l’Allemagne a mis en
Allemagne, historiquement, existait place un contrôle très strict avec
une restriction à l’installation des des tests théoriques et pratiques.
chirurgiens-dentistes. Mais ce dis- On ne s’étonnera pas que le Conseil
positif coercitif n’ayant pas obtenu les national ait été particulièrement à
résultats escomptés, tous les Landers l’écoute sur ce dernier point. Vont
ont rétabli la liberté d’installation aux en effet s’ouvrir au Parlement fran-
praticiens. Une mesure qui n’a cepen- çais les discussions sur le projet de
dant pas résolu les problèmes de mail- loi sur l’immigration.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 11
FOCUS

Qui sont
les primo-inscrits ?
Q ui est le primo-inscrit ? Où
a-t-il obtenu son diplôme ?
Où exerce-t-il ? Et sous quel
mode (salarié ou libéral) ? Nous
de l'année 2022 a eu lieu le croi-
sement des courbes entre les pra-
ticiens ayant obtenu leur diplôme
en France et s’inscrivant pour la
allons débuter cette radiographie première fois sur le territoire na-
du néo-inscrit en France avec la tional, et leurs confrères diplômés
question de l’origine du diplôme. hors de France s’inscrivant éga-
En effet, nous y sommes, et c’est lement pour la première fois en
tout sauf une surprise : à la fin France (voir graphique p. 14).

12 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS

DIPLÔMES FRANÇAIS, chirurgiens-dentistes diplômés hors


UE ET HORS UE UE est stable depuis plus de dix ans.
C’est en effet, bien sûr, le nombre de
1 313 praticiens diplômés hors de praticiens diplômés dans l’UE (hors
France se sont inscrits au tableau France) qui est en augmentation
de l’Ordre en 2022 contre 1 294 constante et qui est la cause de cette
praticiens diplômés dans une des bascule.
UFR françaises. Le croisement des La dynamique était observable de-
courbes a eu lieu. Certes, à deux uni- puis le début des années 2010. On
tés près, il n’existerait pas (encore) si notera d’ailleurs que l’augmentation
l’on ne tenait compte que des chirur- du numerus clausus en France, qui
giens-dentistes à diplôme UE (1 294 a donné ses effets à partir du milieu
praticiens en 2022). Ce sont en effet des années 2010, n’a pas inversé
les 19 praticiens diplômés hors UE cette tendance. Elle a simplement
inscrits en France en 2022 qui font retardé l’échéance de ce croisement
pencher la balance. Ce nombre des des courbes. On comprend pour-

Répartition des primo-inscrits


en France en 2022

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 13
FOCUS

Évolution des primo-inscriptions par origine du diplôme

quoi le président de l’ONDPS, le a perdu ce statut de n° 1. C’est l’Es-


Pr Emmanuel Touzé, lorsqu’il a pro- pagne qui lui a ravi la place. 502 pra-
posé (et obtenu, avec le soutien de ticiens à diplôme espagnol se sont
l’Ordre) la création de six nouvelles inscrits en France en 2022. La Rou-
UFR d’odontologie en France a in- manie a même perdu la deuxième
venté la formule « ré-internaliser la place en 2020 au profit du Portu-
formation ».
Une observation
doit être faite ici sur Top 4 des pays d’origine du diplôme
les praticiens diplô- chez les primo-inscrits
més en UE (hors
France). En effet, la
donne a changé de-
puis 2019 (voir gra-
phique ci-contre).
Longtemps en tête
des pays « exporta-
teurs » de diplômés
en France (y com-
pris des diplômés
de nationalité fran-
çaise comme on le
sait), la Roumanie

14 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS

Primo-inscrits salariés et
libéraux

gal avec 399 néo-inscrits à diplôme QUELLE RÉPARTITION


portugais contre 283 à diplôme rou- GÉOGRAPHIQUE ?
main. Géographiquement, les primo- La majorité des primo-inscrits
inscrits espagnols exercent majori- exercent dans les grandes agglomé-
tairement dans le sud-ouest, et les rations et les zones « attractives ».
Portugais en Île-de-France. Quant Avant d’y venir, plantons le décor.
aux primo-inscrits roumains, ils La carte page 18 expose la den-
exercent indifféremment sur tout le sité des praticiens en France pour
territoire. Mais pour autant, ces dif- 100 000 habitants. Le Sud (à l’est
férences ne doivent pas masquer l’es- et à l’ouest), la Bretagne, l’Île-de-
sentiel. Statistiquement, le schéma France, l’Est et, dans une moindre
du lieu d’installation reste le même mesure, le Nord, connaissent une
pour tous les primo-inscrits, et c’est densité satisfaisante (et parfois
ce que nous allons voir à présent. une situation de surdensité).

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 15
FOCUS

Zones d’implantation des diplômés en France UFR par UFR

Ailleurs, c’est ce que l’on appelle mêmes territoires que la population


la fameuse « diagonale du vide », qui globale de chirurgiens-dentistes.
sépare le nord et le sud du pays. Le Le cas de la Lozère est symptoma-
lieu d’exercice des néo-inscrits (voir tique. C’est le département connais-
la carte p. 13) épouse peu ou prou la sant la plus faible démographie
carte générale de la densité profes- professionnelle en France métropoli-
sionnelle. Les départements déjà bien taine avec 38 praticiens pour 100 000
pourvus en praticiens concentrent la habitants (la moyenne en France
majorité des inscriptions. étant de 64 pour 100 000 habitants).
La « diagonale du vide » se reflète En 2022, l’Ordre n’a enregistré au-
aussi sur la carte des primo-inscrip- cune inscription dans le départe-
tions. En d’autres termes, les primo- ment. À l’autre extrême, Paris, avec
inscrits choisissent d’exercer dans les une densité de plus de 156 praticiens

16 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
FOCUS

pour 100 000 habitants, a enregistré Ces nouveaux lieux de formation se


201 nouveaux inscrits en 2022. sont tous créés dans des aggloméra-
Nous avons évoqué plus haut les tions « moyennes », et l’on peut rai-
zones géographiques d’exercice des sonnablement supposer que les jeunes
néo-inscrits à diplôme UE. Évoquons diplômés, là encore, s’ancreront dans
à présent l’implantation de ceux qui le territoire pour constituer un vrai
ont obtenu leur diplôme en France. maillage.
Le mapping de leur lieu d’exercice
(carte p. 16) l’indique clairement : QUEL MODE D’EXERCICE ?
ils s’ancrent très majoritairement La carte page 15 indique que, dans les
autour de leur UFR d’origine. On départements abritant une grande
peut observer cependant que moins métropole, l’exercice salarié des pri-
le centre urbain abritant l’UFR est mo-inscrits est important. À l’inverse,
important, plus les néo-inscrits s’en lorsque l’on quitte ces grands centres
écartent, mais tout en exerçant ma- urbains, c’est l’exercice libéral qui est
joritairement dans la région. Notre privilégié, et très majoritairement.
carte de la page 16 mentionne l’em- C’est un phénomène qui s’est accéléré
placement des six nouveaux dépar- ces dernières années, en même temps
tements d’odontologie et des deux que se sont développés les centres de
antennes hospitalo-universitaires. santé. On peut y voir un lien de

Évolution des modes d’exercice des primo-inscrits


(toutes origines du diplôme confondues)

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 17
FOCUS

Densité des praticiens (tous modes d’exercice) pour 100 000 habitants
(Au 8 mars 2023)

cause à effet. Là encore, et si la dyna- passée de 25 % à 41 %. Or, on constate éga-


mique reste la même, on pourrait obser- lement que le statut de collaborateur sala-
ver à court terme un autre basculement rié (donc au sein d'un cabinet libéral) est
de courbes : celui d’un exercice salarié seulement passé de de 7 à 9 %. Il a même
devenant majoritaire notamment à Paris, baissé de deux points en 2022. Bien sûr,
Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux et cette dynamique doit être regardée sur le
Montpellier. long terme et en détail. On se contentera
Cette dynamique est visible avec l’histo- pour l’heure d’observer, selon les statis-
gramme proposé en page 17 sur les modes tiques de l’Ordre, que 555 néo-inscrits à
d’exercice des primo-inscrits. En l’espace diplôme UE exerçaient en 2022 en tant
de cinq ans, et si l’on additionne le sta- que salariés contre 116 néo-inscrits à di-
tut de collaborateur salarié avec celui de plôme français. On verra si ce mouvement
« simple » salarié, la part des salariés est se maintient dans la durée.

18 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

Besançon accueille
TERRITOIRE
sa première promotion
d'étudiants

D
Apolline, 18 ans, originaire ans les locaux de l’UFR santé
du Doubs apprécie les conditions de Besançon, 13 élèves s’af-
de travail. « Cela change fairent sur leurs simulateurs.
de la première année Les travaux pratiques ont démarré à
de médecine où l’on était 600 10 heures et se poursuivront jusqu’à
dans l’amphi ! » midi. « Pas de brouhaha, ici, on circule
librement sans se gêner et les condi-
tions de travail sont bonnes ! » À 19 ans,
Thomas apprécie ce confort après une
première année en médecine, noyé
dans la masse. « On était 600 dans l’am-
phi » se remémore Apolline. Rien à voir
avec cette promotion – de 25 au

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 19
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

expérience et leur motivation com-


pensent l’absence de titres ou de tra-
vaux universitaires » insiste-t-il.
Il détaille les conditions de leur recru-
tement et d’évaluation : « Jugés par des
pairs indépendants, leurs compétences
ont été validées par l’université ». L’aga-
cement du doyen Thierry Moulin est
perceptible lorsque la qualité de l’ensei-
gnement est discutée par la présence de
ces enseignants libéraux à temps par-
tiel, sous statut de maître de confé-
rences associé en service temporaire.
« La formation est académique. Le niveau
est le même qu’ailleurs en France, et nous
n’avons pas à rougir car l’excellence est au
rendez-vous ! » Les deux hommes par-
tagent la même vision : former des omni-
Sophie praticiens et, à terme, d’ici 2035, doter le
total –, qui rappelle les classes du Péchoux, maître territoire avec des chirurgiens-dentistes
lycée. de conférences bénéficiant d’une solide formation initiale.
Cette deuxième année en odontologie associé,
tranche avec les autres facultés où les consacre une
effectifs se comptent en centaines d’ap- grande partie
prenants. Rouba mesure sa chance :
de son temps à
« Ici, les profs connaissent nos pré-
ses étudiants,
noms et nos parcours. Dès qu’on a le
après avoir
moindre souci, ils sont à notre écoute ».
participé à
Constat partagé et mis en avant par les
l'élaboration de
enseignants : cette proximité permet
la maquette.
du sur-mesure pour corriger les
erreurs de gestuelle ou de posture.
Ce matin, ils sont trois intervenants
pour encadrer le groupe. Des universi-
taires et des libéraux. « Une révolution
des mentalités » pour le P r Edouard
Euvrard, professeur associé, praticien
hospitalier, qui dirige la formation en
odontologie à Besançon. Recruter des
libéraux s’est révélé nécessaire pour
ouvrir le cursus dès septembre. On voit
cela ici comme une chance pour les
Malgré quelques
étudiants pour lesquels des profils
réticences au départ,
variés assureront l’enseignement. Le
Simon ne regrette pas
directeur de la formation, dont le sou-
Strasbourg et mesure
tien du doyen, Thierry Moulin, ne s’est
sa chance. « Cette
jamais démenti pour la mise en route
formation est top ! »
du projet, revient sur cette question
des libéraux : « Leurs diplômes, leur

20 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
BOURGOGNE-FRANCHE-COMTÉ

Comme dans les quatre nouveaux Edouard Si la formation clinique est dans tous les
départements d’odontologie qui ont Euvrard, esprits, la rentrée universitaire de 2022
ouvert leurs portes cette année en responsable de est une réussite. Le directeur de l’UFR
France, le principe de la mutualisation la formation se félicite d’avoir « fait le plein » avec
de l’enseignement hors odontologie (à gauche) 25 étudiants et une équipe pédagogique
s’applique à Besançon avec des ensei- et Thierry efficiente pour assurer les cours du pre-
gnants en médecine et pharmacie. L’en- Moulin, doyen mier cycle. Restera, bien sûr, à complé-
jeu sera évidemment la future rentrée et directeur de ter et pérenniser l’équipe pédagogique.
hospitalière de cette première promo- l’UFR (à droite) En attendant, Grégrory Vial, praticien
tion puis des suivantes. Ici, on met les ont travaillé libéral assurant plusieurs vacations, se
bouchées doubles. Un nouveau bâti- de concert souvient : « Ici, il y a un an, il n’y avait
ment va sortir de terre, et les filières pour démarrer rien. Je suis épaté. On fustige souvent
hospitalières locales sont mobilisées, ce cursus dès les difficultés pour avancer dans les
destinées à devenir des points d’an- septembre. universités et là, on a un contre-exemple
crage et, à terme, des terrains de stage formidable. Cette formation a été mise
adéquats. Ajoutons à cela que Besançon en place en un temps record. » Comme
revendique une approche complémen- ses confrères, il apprécie de sortir de
taire originale, en lien avec l’associa- son cabinet pour enseigner. « On
tion Handident, qui prend en charge mélange le libéral et l’universitaire.
des patients en difficulté. Enfin ! ». Un vrai cri du cœur.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 21
PRATIQUE
Double inscription
France-hors UE :
double sanction...
Une décision récente et importante du Conseil
d’État sur un cas de double inscription d’un
praticien en France et dans un pays hors Union
européenne vient éclairer cette question sous un
jour nouveau (1). En effet, le Conseil d’État
a confirmé que l’Ordre pouvait sanctionner
à la fois administrativement et disciplinairement
tout praticien contrevenant à cette interdiction
de double exercice France-hors UE.
Pour bien comprendre, rappelons en premier
que les inscriptions au tableau de l’Ordre relèvent
de la prérogative du conseil départemental
de l’Ordre. Il est en son pouvoir de les accepter
ou de les refuser. Il doit tenir le tableau à jour
et, lorsqu’il constate un manquement
à ses obligations par un praticien, il peut radier
ce dernier du tableau. Une telle radiation,
qui n’est pas une sanction, constitue une mesure
de police administrative (2). Il a également autorité
pour traduire le praticien devant les instances
disciplinaires ordinales en sus des décisions
administratives de radiation, comme l’a indiqué
récemment le Conseil d’État face à un cas
de double inscription. Explications.

22 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE

Le principe Mesure administrative


Un praticien ne peut être à la fois et sanction disciplinaire
inscrit dans un pays non membre de Mais ce que vient de souligner le
l’UE ou de l’AEEE et au tableau d’un Conseil d’État dans sa décision récente,
conseil départemental de l’Ordre en c’est que ce même praticien, déjà radié
France. administrativement du tableau pour
En effet, l’article L. 4112-1 du Code de une double inscription « France-hors
la santé publique, qui pose les règles UE » peut également faire l’objet de
générales d’exercice, pose qu’un sanctions disciplinaires. La haute juri-
chirurgien-dentiste « inscrit ou enre- diction administrative explicite ainsi
gistré en cette qualité dans un État ne cette double sanction : « Cette préroga-
faisant pas partie de l’Union euro- tive ne fait pas par elle-même obstacle à
péenne ou n’étant pas partie à l’accord ce qu’une action disciplinaire soit enga-
sur l’Espace économique européen gée en raison des mêmes circonstances
[AEEE] ne peut être inscrit à un lorsque celles-ci permettent de caracté-
tableau de l’ordre dont il relève ». riser un manquement de ce praticien à
ses devoirs professionnels. »
Mesure de police
administrative Radiation ET interdiction
Ainsi, quand un conseil départe- d’exercer
mental de l’Ordre constate qu’un En pratique, quel est l’impact, pour le
praticien inscrit à son tableau est praticien contrevenant, d’une radiation
également inscrit au tableau d’un administrative et d’une sanction disci-
État non membre de l’UE ou partie plinaire ? Concrètement, le praticien
à l’AEEE, il : encourt à la fois :
– doit lui demander de se mettre en – une radiation du tableau de l’Ordre
conformité avec la loi, c’est-à-dire (mesure de police administrative) ;
faire un choix entre les deux tableaux, – une radiation du tableau de l’Ordre et/
soit par radiation du tableau étranger, ou une interdiction temporaire ou défi-
soit par radiation du tableau français. nitive d’exercer (sanction disciplinaire).
– peut prononcer une mesure de police Enfin, si une radiation administrative
administrative de retrait du tableau si n’empêche en rien le praticien de rede-
le praticien n’obtempère pas. mander immédiatement son inscrip-
Cette prérogative du conseil départe- tion au tableau d’un conseil départe-
mental est mentionnée à l’article mental, il n’en est pas de même d’une
L. 4112-1 du CSP cité plus haut : « Il radiation disciplinaire. Cette dernière
incombe au conseil départemental de le contraint à un délai d’attente de cinq
tenir à jour le tableau et, le cas échéant, ans au terme duquel il devra demander
de radier de celui-ci les praticiens qui, à la chambre disciplinaire qui a pro-
par suite de l’intervention de circons- noncé la radiation un relèvement d’in-
tances avérées postérieures à leur ins- capacité. Et ce n’est que s’il l’obtient
cription, ont cessé de remplir ces condi- qu’il pourra solliciter de nouveau une
tions. » Le Conseil d’État, fort inscription au tableau.
logiquement, rappelle donc qu’il
appartient au conseil départemental (1) Conseil d'État, contentieux, décision
de l’Ordre « siégeant dans sa forma- N° 459874 du 27 décembre 2022
tion administrative » de radier du (2) Article L. 4112-1 du Code de la santé
tableau ce praticien. publique.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 23
PRATIQUE

JURIDIQUE : CONTRATS

Pour l’Urssaf et le juge,


l’étudiant remplaçant
est un salarié…
RÉSUMÉ. Lorsqu’un chirurgien-dentiste entend contracter, à des fins de
remplacement, avec un étudiant ayant validé sa cinquième année, convient-il
de conclure un contrat de travail ou un contrat libéral ? Alors que les parties
ont retenu la qualification de contrat de remplacement libéral, une Urssaf
a conclu à l’existence d’un contrat de travail, partant, elle a redressé
le praticien pour un montant de plus de 25 000 €. Les juges ont donné raison
à l’Urssaf. Le lien de droit entre un chirurgien-dentiste et un étudiant
n’est pas un contrat libéral, mais un contrat de travail. Cet arrêt sonne
comme une alerte… sachant que l’on ignore si la plus haute juridiction –
la Cour de cassation – a été saisie d’un pourvoi.

LE CONTEXTE.
Chacun sait que le Code de la santé publique important. Si l’étudiant est salarié, le chirur-
permet aux étudiants ayant validé, en France, gien-dentiste est tenu de respecter le droit du
leur cinquième année, de pratiquer « soit à travail, ainsi le code éponyme ; il doit respec-
titre de remplaçant, soit comme adjoint d’un ter les règles du régime général de sécurité
chirurgien-dentiste » (1). Ledit étudiant doit sociale, ainsi se soumettre aux obligations
obtenir, avant de pouvoir pratiquer (donc pré- déclaratives et au précompte des cotisations
alablement), une autorisation délivrée par un et contributions de sécurité sociale. En
conseil départemental de l’Ordre des chirur- revanche, si l’étudiant est travailleur indépen-
giens-dentistes (2). Cependant, le Code de la dant, non seulement le Code du travail n’est
santé publique ne détermine pas le statut pas applicable, mais il appartient à cet étu-
juridique de l’étudiant, plus précisément la diant de se déclarer, de régler les cotisations
nature du lien de droit qui l’unit au praticien. et contributions sociales.
Il est ainsi muet sur ce point. S’agissant du remplacement, thème au centre
Partant, une question a vu le jour : le lien de cette chronique, le Conseil national de
relève-t-il de la qualification de contrat de l’Ordre des chirurgiens-dentistes « déconseille
travail ou de contrat libéral ? L’enjeu est le recours au contrat libéral avec un étudiant,

24 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE

qu’il soit à temps plein ou à temps partiel car Les premiers juges (3) ne le suivent pas dans
l’étudiant, n’étant ni titulaire du diplôme de son argumentation, ni la cour d’appel qu’il a
docteur en chirurgie dentaire, ni inscrit au saisie par la suite (4).
tableau de l’Ordre, il ne peut satisfaire aux dif-
férentes obligations découlant d’un exercice ANALYSE.
libéral. En particulier, l’étudiant ne peut cotiser Pourquoi cette juridiction d’appel confirme le
au régime d’assurance maladie, maternité et jugement qui a validé le redressement Urssaf
décès […] ». du praticien ? Son raisonnement est le suivant.
Dans une affaire récemment jugée, un prati- La cour d’appel part du postulat selon lequel
cien a eu recours, pour le remplacer à plu- un étudiant ayant validé sa cinquième année
sieurs reprises, à des étudiants ayant validé ne peut pas satisfaire aux obligations inhé-
leur cinquième année. Le contrat libéral a été rentes à l’exercice libéral, et ce parce qu’il ne
choisi par les contractants. Consécutivement possède pas le diplôme de docteur en chirur-
à un contrôle opéré par l’inspection d’une gie dentaire, ne peut pas être inscrit au tableau
Urssaf, un redressement a été notifié à ce de l’Ordre. Elle reprend presque mot pour mot
chirurgien-dentiste pour un montant de plus la position du Conseil national ; elle rappelle,
de 25 000 € (auquel viendront s’ajouter des de surcroît, que celui-ci « déconseille » le
majorations de retard). Selon l’Urssaf, les contrat libéral.
honoraires versés aux étudiants doivent être Dans le prolongement, il a été établi que les
réintégrés dans l’assiette des cotisations car étudiants n’avaient pas pu obtenir leur imma-
ce sont des salaires. Bref, les étudiants sont triculation en qualité de travailleur indépen-
regardés comme des salariés, et non des tra- dant auprès d’une Urssaf. De là, la cour d’ap-
vailleurs indépendants. Le praticien conteste. pel conclut – par une déduction a

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 25
PRATIQUE

fortiori – être en présence d’un contrat de Ces dispositions sont-elles applicables à la relation
travail ; elle écrit, en effet, que « les prestations entre un chirurgien-dentiste et un étudiant ? La
des intéressés ne pouvaient s’inscrire que dans le cour d’appel considère, d’une part, à juste titre,
cadre d’un contrat de travail […] ». Cette déduc- que ce devoir pesait sur le chirurgien-dentiste.
tion est – à tout le moins en partie – étonnante. D’autre part, elle retient que le montant règle-
Car le contrat de travail doit normalement être mentaire – 5 000 €, antérieurement à 2015,
prouvé (et non déduit), principalement par la 3 000 € – s’apprécie non par contrat de remplace-
démonstration de l’existence d’un lien de subor- ment, mais « de façon globale en prenant compte
dination, c’est-à-dire par la caractérisation l’ensemble des honoraires rétrocédés à un même
d’un pouvoir (en l’occurrence celui du remplaçant ayant exécuté des prestations
chirurgien-dentiste) de donner des successives sur une même période ».
ordres, des directives, d’en contrô- Elle ajoute une précision que les
ler l’exécution, le cas échéant, de textes ne contiennent pas ; elle les
sanctionner les manquements interprète. Quoi qu’il en soit, le
du subordonné. chirurgien-dentiste a lui-même
Or, le chirurgien-dentiste est admis savoir que les étudiants
remplacé, donc temporaire- l’ayant remplacé n’avaient pas pu
ment physiquement absent, le être immatriculés à l’Urssaf.
lien de subordination peut-il L’on ignore si cet arrêt d’appel a été
dans ce contexte être reconnu ? l’objet d’un pourvoi devant la Cour
En outre, précisons que la dénomina- de cassation, mais cette décision ne
tion du contrat choisi par les parties (ici, saurait être prise à la légère… Pour
contrat de remplacement libéral) ne lie pas le conclure, le contrat de travail susceptible d’être
juge, ce dernier devant donner l’exacte qualifi- formé est le contrat à durée déterminée, son motif
cation à l’acte juridique qui lui est soumis(5). Si le étant le « remplacement d’une personne exerçant
recours à un procédé déductif est partiellement à titre libéral […] »(9).
étonnant, il cache mal un malaise écarté impli-  Pr David Jacotot
citement mais nécessairement par les juges : que (1) Art. L. 4141-4, alinéa 1er. L’article R. 4127-275
serait un contrat qui ne serait ni libéral, ni de tra- dispose, quant à lui, qu’un « chirurgien-dentiste qui
vail… La cour préfère le faire entrer dans une des cesse momentanément tout exercice professionnel ne
deux catégories, privilégiant celle du contrat de peut se faire remplacer que par un praticien inscrit au
travail. tableau de l’ordre ou un étudiant en chirurgie-den-
taire remplissant les conditions de l’article R. 4141-4 ».
La cour d’appel devait aussi trancher une autre
question. Les articles L. 8222-1 et suivants du (2) Art. L. 4141-4, alinéa 2.
Code du travail(6) créent un devoir de vérification (3) Le Pôle social du tribunal de grande instance,
devenu tribunal judiciaire.
qui consiste à s’assurer que son cocontractant
satisfait aux « obligations sociales » pour « toute (4) Cour d’appel, Bordeaux, 14 avril 2022, n° RG
19/06778.
opération d’un montant au moins égal à 5 000 €
(5) La chambre sociale de la Cour de cassation considère
hors taxes » (7). Dit autrement, pour tout contrat
que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni
portant sur l’exécution d’un travail, la fourniture de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomi-
d’une prestation de services d’un montant mini- nation qu’elles ont donnée à leur convention, mais des
mum de 5 000 €, correspondant à la somme glo- conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité
bale de la prestation (même si celle-ci fait l’objet des travailleurs ».
de plusieurs paiements ou facturations), le don- (6) Aussi l’art. L. 243-15 du Code de la sécurité sociale.
neur d’ordre est tenu de vérifier, lors de sa (7) Art. R. 8222-1 du Code du travail. Avant 2015, le
conclusion, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de montant était de 3 000 €.
son exécution, que son cocontractant s’acquitte (8) Une attestation de vigilance est délivrée par
de ses obligations de déclaration et de paiement l’Urssaf de manière dématérialisée.
des cotisations à l’égard de l’Urssaf (8). (9) Art. L. 1242-2, 4°, du Code du travail.

26 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE

JURIDIQUE : CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE

La puissance du secret
médical s’exerce jusque dans
des situations singulières
RÉSUMÉ. Le secret professionnel est, d’un côté, un droit de la personne, de l’autre
un devoir – déontologique – du praticien. Sa violation est susceptible d’entraîner
des sanctions, l’une de nature pénale, l’autre disciplinaire. Les juges prêtent au
secret professionnel « un caractère général et absolu ». Ce droit « ne cesse que
dans les cas déterminés par les dispositions législatives ». Il régit nombre de
situations, mêmes singulières. Ainsi un praticien détient des données de santé
sur une personne, obtenues dans le cadre d’une mission assurantielle ; il les
communique à un expert judiciaire (sur demande de ce dernier) ; il les transmet
sans le consentement de la personne concernée. Cette dernière l’attaque
devant les juridictions pénales et disciplinaires. Malgré le contexte judiciaire, les
juridictions rappellent la force du secret médical et caractérisent, ici, son non-
respect. Bref, n’oublions pas la puissance du secret médical qui transverse les
situations, sauf dispositions législatives dérogatoires.

LE CONTEXTE. à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais


L’objet de cette chronique est d’insister sur la aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris » (3).
puissance du secret médical, instauré pour Plus encore, il a été jugé à son propos par le
protéger les individus. Outre le fait que sa vio- Conseil d’État – qui est la haute juridiction en
lation constitue une infraction pénale, le matière de méconnaissance d’une règle déon-
secret médical est érigé au rang de droit de la tologique par un praticien – que le devoir de
personne par l’article L. 1110-4 du Code de la respecter le secret professionnel « a un carac-
santé publique, corrélativement de devoir tère général et absolu et ne cesse que dans les
déontologique (1). D’aucuns écrivent que « le cas déterminés par les dispositions législa-
secret médical se trouve sacralisé », à tel point tives » (4). La Cour de cassation, en matière
que son champ d’application est conçu comme pénale cette fois-ci, retient la même idée :
très vaste : il « couvre l’ensemble des informa- « l’obligation au secret professionnel s’impose
tions concernant la personne, venues à la […] comme un devoir de leur état [et] que, sous
connaissance du professionnel […] » (2), « tout ce cette seule réserve (les cas où la loi en dispose
qui est venu à la connaissance du chirurgien- autrement), elle est générale et absolue » (5).
dentiste dans l’exercice de sa profession, c’est- S’agissant des dérogations législatives au res-

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 27
PRATIQUE

pect du secret, le Conseil d’État a admis


qu’elles n’avaient pas impérativement à être
explicites ; une atteinte au secret médical a pu
être jugée légale si elle est « la conséquence
nécessaire d’une disposition législative » (6). Par
ailleurs, Le secret médical est applicable, y
compris entre professionnels de santé, sauf
hypothèse du « secret partagé ». Ce dernier est,
en effet, une dérogation légale visée à l’article
L. 1110-4, II : « Un professionnel peut échanger
avec un ou plusieurs professionnels identifiés des
informations relatives à une même personne
prise en charge, à condition qu’ils participent
tous à sa prise en charge et que ces informations
soient strictement nécessaires à la coordination
ou à la continuité des soins, à la prévention ou à
son suivi médico-social et social » (7).
La force de ce secret a été récemment rappelée
à l’occasion d’un différend qui pourrait, à pre-
mière vue, apparaître banal. Un praticien – le
docteur A – a réalisé une expertise amiable
dans un cadre assurantiel. En l’absence d’ac- cord de la personne concernée (donc la vic-
cord intervenu entre l’auteur du dommage et la time) ». Sur le plan pénal, la cour d’appel a
victime, cette dernière a saisi le juge, lequel a relaxé le praticien A du chef de violation du
désigné un expert judiciaire, le docteur B. Ce secret professionnel ; elle y a vu un contexte
praticien – B – a contacté le docteur A, afin que singulier, le docteur A pouvant ignorer « l’inté-
celui-ci lui communique les informations gralité de la mission confiée à l’expert judiciaire,
médicales en sa possession. La victime a alors les mentions figurant dans l’ordonnance du juge,
attaqué A, car il n’a pas consenti préalablement selon lesquelles devaient être écartées des débats
à la transmission de ses données médicales à toutes pièces médicales détenues par un tiers et
l’expert judiciaire, et ce à la fois sur le plan notamment la compagnie d’assurance, sauf
pénal et disciplinaire ! La situation présentée accord exprès de la victime » ; elle a déduit de ce
met en scène le titulaire d’un droit au secret, contexte que le praticien A avait pu valable-
deux professionnels de santé, dont un expert ment remettre à l’expert judiciaire les docu-
judiciaire, dans un contexte singulier, celui du ments qu’il détenait. La Cour de cassation
procès. N’appelle-t-elle pas, en conséquence, casse l’arrêt : la cour d’appel a méconnu le
une atténuation de la puissance du secret médi- droit au secret dès lors que le docteur A a
cal ? Non… remis volontairement à l’expert judiciaire
un document médical, couvert par le secret,
ANALYSE. sans avoir obtenu l’autorisation préalable
Il convient d’apporter une précision liminaire, de l’intéressé (8).
l’ordonnance du juge qui désigne l’expert judi- Sur le plan disciplinaire maintenant, le raison-
ciaire mentionne : l’expert, pour réaliser sa mis- nement du Conseil d’État (9) sans être identique,
sion, peut se faire communiquer « tous docu- est assez proche. Tout d’abord, il est souligné
ments utiles dont le dossier médical et plus que la situation n’entre pas dans les déroga-
généralement tous documents médicaux relatifs tions légales visées à l’article L. 1110-4 du Code
au fait dommageable dont la partie demande- de la santé publique : « Le médecin expert judi-
resse a été victime […] la communication de toute ciaire ne peut être regardé comme participant à
pièce médicale à un tiers est subordonnée à l’ac- la prise en charge médicale de (la victime) et les

28 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
PRATIQUE

sionnel de santé à lui transmettre des infor-


mations couvertes par le secret lorsque la per-
sonne concernée s’y oppose (11). En définitive,
le docteur A a méconnu la règle du secret pro-
fessionnel. Une chambre disciplinaire ne
pourrait dire l’inverse au nom de la bonne
administration de justice, considérant par ce
biais qu’un praticien puisse transmettre des
documents à un expert judiciaire, malgré l’ab-
sence d’autorisation de la personne protégée
par le secret. Le Conseil d’État est clair : le
consentement préalable de la personne est
impératif, « l’article 275 du code de procédure
civile ne permet pas, en tout état de cause, d’y
déroger, la chambre disciplinaire a entaché sa
décision d’erreur de droit ».
 Pr David Jacotot

(1) Art. R. 4127-206 du même code.


(2) Article L. 1110-4, I, alinéa 2.
(3) Art. R. 4127-206.
informations transmises ne sont nullement
(4) CE, 12 avril 1957, « Devé », Rec. p. 266.
nécessaires à la coordination ou à la continuité
(5) Cass. crim., 8 avril 1998, n° 97-83.656, Bull.
des soins, à la prévention ou à son suivi médico-
crim., n° 138.
social et social » ; de même, « le praticien A et
l’expert judiciaire ne peuvent à l’évidence pas être (6) CE, 8 fév. 1989, Conseil national de l’Ordre
regardés comme appartenant à la même équipe des médecins et autres, n° 54494 ; CE, 4 oct.
2019,
de soins » (10).
n° 405992.
Certes, il existe un texte du code de procédure
civile (CPC), en l’occurrence l’article 275. Il dis- (7) V. aussi le secret partagé au sein d’une
même équipe : « III.- Lorsque ces professionnels
pose que les « parties doivent remettre sans délai
appartiennent à la même équipe de soins, au sens
à l’expert tous les documents que celui-ci estime de l’article L. 1110-12, ils peuvent partager les
nécessaires à l’accomplissement de sa mission. informations concernant une même personne qui
En cas de carence des parties, l’expert en informe sont strictement nécessaires à la coordination ou
le juge qui peut ordonner la production des docu- à la continuité des soins ou à son suivi médico-
ments, s’il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas social et social. Ces informations sont réputées
confiées par la personne à l’ensemble de l’équipe.
échéant, l’autoriser à passer outre ou à déposer Le partage, entre des professionnels ne faisant pas
son rapport en l’état. La juridiction de jugement partie de la même équipe de soins, d’informations
peut tirer toute conséquence de droit du défaut nécessaires à la prise en charge d’une personne
de communication des documents à l’expert ». requiert son consentement préalable, recueilli par
Cependant, le praticien A est un tiers à l’action tout moyen, y compris de façon dématérialisée,
dans des conditions définies par décret pris après
en justice, non une partie au litige. Surtout,
avis de la Commission nationale de l’informatique
pour le dire simplement, l’article L. 1110-4 du et des libertés. »
Code de la santé publique « prime » sur l’article
(8) Cass. crim., 16 mars 2021, n° 20-80.125.
275 du CPC. Si le juge a le pouvoir d’ordonner
à un tiers de communiquer à l’expert les docu- (9) CE, 15 nov. 2022, n° 441387.
ments nécessaires à l’accomplissement de sa (10) V. les conclusions du rapporteur public,
mission, il ne peut, en l’absence de disposition M. Chambon.
législative spécifique, contraindre un profes- (11) Cass. 1re, 15 juin 2004, n° 01-02.338.

AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE 29
ÉRIC QUIÈVRE
TRIBUNE
Président de la Caisse de retraite
des chirurgiens-dentistes
et sages-femmes (CARCDSF)

M
ême si l’actuelle réforme des de la génération du baby-boom en lissant l’ef-
retraites aura peu d’impact pour fort des cotisants et des retraités. Il a fallu
notre caisse (l’âge moyen de constituer progressivement des réserves afin
départ des chirurgiens-dentistes et des sages- de passer cette période sans de lourdes aug-
femmes libéraux étant supérieur à 64 ans), il mentations de cotisations ou de baisses des
n’en demeure pas moins que ce sujet des pensions.
retraites reste brûlant, déclenchant passions et Comment la CARCDSF prépare-t-elle l’avenir ?
polémiques. Dernièrement, son conseil d'administration a
Qu’il me soit donc permis ici de rétablir fait le choix de créer une nouvelle indemnité
quelques faits. Rappelons d’abord que notre journalière pour couvrir les huit semaines de
caisse de retraite s’appuie avant tout sur les congé maternité. Sa mise en place est sur les
principes de solidarité et de responsabilité. rails, elle attend la validation (nécessaire) du
Comme les autres caisses de professions libé- ministère de tutelle.
rales, la CARCDSF bénéficie d’une autonomie, Enfin, une réflexion de fond est menée sur le
relative mais réelle, vis-à-vis du régime géné- principe « un métier, une caisse autonome ». La
ral. Cette autono-
mie de gestion
par des représen-
Avec la multiplicité des modes d’exercice,
tants élus de la le périmètre de la CARCDSF doit évoluer.
profession oblige Le principe : « un métier, une caisse de retraite ».
évidemment à la
responsabilité. Une responsabilité qui suppose multiplicité des types d’exercice et des modes
aussi des décisions. C’est cela qui a permis à la de rémunération actuels (et probablement à
CARCDSF une adaptation et une réactivité venir) doit conduire à faire évoluer le périmètre
remarquables au cours de ces dernières années. de la CARCDSF. Notre caisse doit devenir
Certes, il faut évoquer le passé récent avec le l’unique interlocuteur des chirurgiens-den-
versement des aides Covid et la suspension des tistes tout au long de leur carrière. Qu’il soit
cotisations en 2020 au début de la crise sani- salarié, libéral ou sous une autre forme d'acti-
taire. Il s’agissait de mesures ponctuelles dues vité, un chirurgien-dentiste en exercice devrait
à une circonstance exceptionnelle. D’autres cotiser à la CARCDSF. Il s’agit d’un dossier
mesures, dont certaines structurantes, ont été complexe, mais notre volonté sans faille est de
prises, à commencer par l’intégration réussie le porter auprès des autorités publiques.
des sages-femmes libérales ou encore la D’autres sujets ne manqueront pas de venir
réforme du régime des prestations complé- occuper notre agenda dans les mois à venir. La
mentaires de vieillesse (qui concerne 99 % de particularité d’une caisse autonome est de
la profession), destinée à préserver et améliorer marier adaptation, réactivité et force de propo-
cet avantage conventionnel. sition sur le temps long. La présence d’adminis-
Surtout, les décisions des conseils d’adminis- trateurs issus de la profession est un gage de
tration successifs ont été constantes lorsqu’il sérieux et de qualité pour ce qui constitue notre
s’est agi d’affronter le pic des départs en retraite bien commun.

30 AV R I L- M A I 2 0 2 3 # ONCD LA LETTRE
L’ESSENTIEL

L’ESSENTIEL Sécurité
des soignants
Lors d’une réunion à laquelle
a participé le Conseil national,
le 16 février, le gouvernement
a lancé une consultation
sur la sécurité des soignants.
À la clé : l’élaboration d'ici juin
d’un plan d’action concret
pour protéger les
professionnels de santé.

Loi anti-cadeaux
Avantage légalement autorisé…
ou cadeau ?
Les récentes condamnations
de filiales du groupe Urgo
pour octroi illicite d’avantages
braquent les projecteurs
sur le dispositif anti-cadeau,
auquel sont soumis tous
les professionnels de santé.
Ces derniers pourraient voir
leur responsabilité recherchée.
L’occasion d’un rappel des règles.

Double inscription
France-hors UE
La loi interdit au chirurgien-dentiste
d’être doublement inscrit au
tableau d’un département français
et dans un pays hors UE.
Une décision du Conseil d’État
de décembre 2022 rappelle
que l’Ordre a autorité à prononcer
des sanctions à la fois
administratives et disciplinaires contre
un praticien en cas de méconnaissance
de cette interdiction.

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DAV M BMRAEI 2 0 2 30 # ONCD LA LETTRE
É CREI L- 31
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