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RENFORCER
LA COMPETITIVITE
PAR LA QUALITE
(Competitiveness and quality)
Pr Pierre MAILLARD
Consultant,
Ancien Directeur Général de l'Institut de Recherche et de Développement de la Qualité (IRDQ)
Email : maillard.pierre@wanadoo.fr
RESUME ABSTRACT
Toutes les actions destinées à produire de la qualité Many action plans designed to produce quality in a
dans une entreprise ne génèrent pas automatique- company did not automatically generate competitive
ment des facteurs de compétitivité. Celles qui factors. Those who meet this objective implement
répondent à cet objectif mettent en œuvre des tac- custom tactics, often confidential, highlighting the
tiques personnalisées, souvent confidentielles, qui strengths of the company more attractive than the
valorisent certains atouts de l’entreprise, plus attractifs competition.
que ceux de la concurrence. Le but de l’article est de The purpose of the paper is to show how to distin-
montrer l’intérêt des démarches qualité compétitives guish quality competitive approaches of those
et comment les distinguer des démarches qualité qui pursuing other goals.
poursuivent d’autres finalités.
KEYWORDS
MOTS-CLEFS
Competitive quality, tactical competitive quality,
Qualité compétitive, tactique qualité compétitive, stakeholder, productivity, competitiveness
partie prenante, productivité, compétitivité
• en définissant les gains que l’entreprise peut ingénieurs qui possèdent les compétences requises
espérer en provoquant ces jugements ; pour ce secteur d’activités. Ce sont les fonctions
« Ressources Humaines » de ces entreprises qui
• en choisissant les logiques d’action, et les
mettent en œuvre ce genre de tactiques.
moyens les plus rentables, à mettre en œuvre
pour provoquer ces jugements qualité compétitifs. Ces exemples montrent que les « démarches qualité
compétitives » sont souvent décidées comme solu-
On appelle : « jugement qualité compétitif » un
jugement de la « qualité perçue » d’une prestation, tions à des situations de crises probables ou
émergentes.
exprimé par un de ses bénéficiaires potentiels, qui
l’incite, malgré les offres de la concurrence, à se la Cet usage particulier de la qualité par les entreprises,
procurer en fournissant les contreparties que s’appuie d’abord sur les fondements d’un jeu écono-
l’entreprise lui demande. mique qu’on appelle «jeu de la qualité» et sur les
bases conceptuelles du «Total Quality Management»
Une « tactique qualité compétitive » n’est pas
[1].
exposée sur la place publique, elle reste le plus pos-
sible confidentielle. Ce jeu particulier repose sur le constat suivant :
Ces « tactiques qualité compétitives » apparaissent « Dans une relation d’échanges, chaque
souvent « naturellement » dans les entreprises qui partie peut essayer d’obtenir la meilleure
possèdent une forte culture qualité et qui sont sou- qualité possible de ce qu’elle reçoit, en
mises à une pression concurrentielle. agissant sur la qualité perçue de ce qu’elle
Cette forme de management de la qualité semble se fournit. »
développer plus fortement dans certains pays comme La production de la qualité perçue est la mise du jeu
l’Allemagne, le Japon, et les Etats-Unis, parallèlement, de la qualité, et ce que reçoit l’entreprise en contre-
au développement du marketing, ou sous son in- partie constitue ses gains.
fluence [2]. Par exemple, dans les échanges entre une entreprise
Elle s’applique initialement aux échanges avec les et ses clients potentiels, l’entreprise peut chercher à
clients, puis progressivement aux échanges avec vendre plus cher ses produits et demander à ses
d’autres classes de parties prenantes soumis égale- clients de faire des efforts plus importants pour accé-
ment à une forte concurrence. On observe, par der aux points de vente, en répondant à des besoins
exemple, que dans le secteur du luxe, certaines en- auxquels ils accordent une grande importance. Le
treprises appliquent cette démarche dans leurs secteur du luxe qui joue sur le besoin de reconnais-
relations avec certains fournisseurs qui possèdent un sance sociale par des signes émis par les produits
savoir faire pointu, rare, et indispensable, afin d’éviter achetés, illustre cette démarche.
de les perdre. La concurrence cherche à les attirer en Dans ce contexte, le but de la «qualité compétitive»
leur proposant des revenus importants et durables en est d’utiliser la qualité, de manière ciblée, pour pro-
contrepartie d’une certaine exclusivité. duire les valeurs ajoutées les plus compétitives et les
Cette situation est différente des relations mutuelle- plus rentables, dans les é changes que l’entreprise
ment bénéfiques avec les fournisseurs préconisées par veut maintenir, ou développer, avec certaines parties
W. E. Deming [4] et reprises dans l'ISO 9004 [5]. On prenantes, dans un environnement fortement concur-
est confronté à une situation vitale pour le donneur rentiel.
d’ordres : c’est le fournisseur qui prend le pouvoir On peut définir « la qualité compétitive d’une
dans la relation, et le donneur d’ordres doit éviter à prestation » comme l’ensemble de ses caractéris-
tout prix, que la concurrence coupe ses liens avec ce tiques qui provoquent «les jugements qualité
fournisseur unique. On est plutôt dans un schéma de compétitifs» de ses bénéficiaires potentiels, qui rap-
guerre économique. portent le plus à l’entreprise.
Dans d’autres secteurs, qui ont besoin d’ingénieurs Une « démarche qualité compétitive » est
possédant une qualification particulière, très deman- l’ensemble des actions au sein de
dée par ailleurs, les entreprises ont recours à la « l’entreprise qui assurent la production de
qualité compétitive », souvent de manière empirique, ces jugements qualité compétitifs (figure 1).
pour les attirer. Les entreprises qui développent, par
Elle doit être permanente dans l’entreprise.
exemple, des systèmes de contrôle de la qualité des
logiciels, se battent entre elles pour recruter des
Co production de la qualité
de l’échange
Perception de la qualité
Jugement qualité
des gains
des prestations
de l’entreprise
Figure 1 : Schéma représentant les interactions entre les parties concernées par la qualité compétitive d'une prestation.
Actuellement, même ces normes sectorielles, appli- 3. les parties prenantes vont fournir à
quées quasi systématiquement par les fournisseurs, ne l’entreprise les gains attendus
peuvent plus servir de «faire valoir» par rapport à la • Concevoir les émetteurs de CTC intégrés
concurrence. Elles font partie des exigences basiques aux prestations de l’entreprise (Critical To Quality
communes à tous les donneurs d’ordres. Par contre, (CTQ) (M3)
un système de management de la qualité qui se con-
forme aux grands principes de ces normes, en restant • Concevoir les systèmes de production de
suffisamment flexible, et qui s’appuie sur un corps ces émetteurs en intégrant la maintenance et la
social qui partage une forte culture qualité, possède surveillance de leur capabilité (M4)
des fondations solides pour engager des «démarches • Qualifier le système de production des
qualité compétitives». CTQ (M5)
Mais ce ne sont pas des conditions nécessaires pour • Valider le marketing qualité avant contrac-
améliorer, ou maintenir, des performances écono- tualisation avec les parties prenantes (M6)
miques d’une entreprise dans un environnement
• Surveiller la capabilité du système de
concurrentiel. Il existe de nombreuses entreprises qui
production des CTQ (M7)
ont construit le socle de leur système de manage-
ment de la qualité, et de leur culture qualité, en • Traiter les non conformités des émetteurs à
découvrant empiriquement les mécanismes de base leurs spécifications (M8)
de la production de la qualité d’une prestation. Cette • Surveiller la réalisation du scénario du mar-
construction se réalise au fur et à mesure qu’elles keting qualité (M9)
définissent et déploient des «tactiques qualité compé-
titives», pour mieux percer les marchés, sans • Surveiller la conformité des jugements
s’appuyer sur des repères normatifs. qualité compétitifs aux descriptions de la tac-
tique qualité compétitive (M10)
On ne parle plus ni de politique qualité, ni de straté-
gie qualité lorsqu’on définit les orientations d’une • Surveiller la conformité des gains de
démarche qualité compétitive. Les objectifs sont plus l’entreprise aux objectifs de la tactique qualité
opérationnels. Ils sont ciblés par les « tactiques compétitive (M11)
qualité compétitives ». • Améliorer en permanence la capacité de
Ces tactiques délimitent le cadre opérationnel, dans l’entreprise à utiliser de la manière la plus per-
lequel devront se déployer les démarches qualité formante possible les jugements qualité
compétitives. Elles combinent souvent les trois compétitifs des parties prenantes (M12)
grandes logiques énoncées précédemment pour faire Il n’est pas possible d’établir un ordre temporel géné-
émerger des facteurs de compétitivité. rique dans la réalisation de ces macro-tâches. Les
Nous proposons la description fonctionnelle suivante circonstances dans lesquelles s’intègre une démarche
des macro-tâches de tout processus de mise en qualité au sein d’un processus de production d’une
œuvre d’une « démarche qualité compétitive » [1]. prestation d’une entreprise, ou d’utilisation de cette
production pour réaliser des gains, sont spécifiques à
• Elaborer une tactique qualité compétitive chaque situation rencontrée.
dans les échanges avec une classe identifiée de
parties prenantes (M1) La planification de ces macro-tâches doit s’insérée de
la manière la plus efficiente possible dans la pro-
• Concevoir le marketing qualité des grammation générale de ces processus. Certaines
échanges avec les parties prenantes (M2) macro-tâches peuvent même se dérouler simultané-
Le marketing qualité consiste à : ment.
• caractériser les informations émises par les Il est donc impossible de proposer un guide général
prestations de l’entreprise pour provoquer les ju- pour réaliser ce type de planning.
gements qualité compétitifs de la tactique qualité Par contre les liens logiques d’antériorités entre ces
compétitive (Critical To Custumer) (CTC) macro-tâches sont des invariants. On a recours, en
• imaginer le scénario du film qui porte sur la général, à une représentation sous forme de graphe
manière dont : pour décrire ce type de caractéristiques. Pour cela,
1. les prestations vont émettre ces informa- nous proposons le modèle de la figure 2.
tions, au cours des d’échanges avec les Il existe aujourd’hui de nombreux supports méthodo-
parties prenantes, logiques spécifiques pour aider les entreprises à
2. les parties prenantes vont capter, interpréter mettre en œuvre ces « démarches qualité compéti-
ces informations, et exprimer leurs juge- tives ». Par exemple, les principaux concepts et
ments qualité compétitifs, supports méthodologiques sont exposés dans notre
livre « Competitive Quality Strategies » [1].
M1
M2
M11 M3
M10 M12 M4
M9 M5
M8
M6
M7
Figure 2 : Graphe des antériorités entre les macro-tâches d’une démarche qualité compétitive.
Commande sur :
http://www.lexitiseditions.fr/fr/les-cahiers-de-la-qualite-de-l-utc-vol-2-1.html