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Texte : la reconstruction du passé

Un jeudi après-midi du printemps ou de l’été 1944, nous allâmes en promenade dans


la forêt, emportant nos goûters, ou plutôt, sans doute, ce que l’on nous avait dit être
nos goûters, dans des musettes. Nous arrivâmes dans une clairière, où nous attendait
un groupe de maquisards. Nous leur donnâmes nos musettes. Je me souviens que je
fus très fier de comprendre que cette rencontre n’était pas du tout le fait du hasard et
que la promenade habituelle du jeudi n’avait été cette fois que le prétexte choisi pour
aller ravitailler les Résistants. Je crois qu’ils étaient une douzaine : nous, les enfants,
devions bien être trente. Pour moi, évidemment, c’étaient des adultes, mais je pense
maintenant qu’ils ne devaient pas avoir beaucoup plus de vingt ans. La plupart
portaient la barbe. Quelques-uns seulement avaient des armes ; l’un d’eux en
particulier portait des grenades qui pendaient à ses bretelles et c’est ce détail qui me
frappa le plus. Je sais aujourd’hui que c’était des grenades défensives, que l’on jette
pour se protéger en se repliant et dont l’enveloppe d’acier guilloché explose en
centaines de fragments meurtriers, et non des grenades offensives, que l’on lance
devant soi avant d’aller à l’assaut et qui font plus de peur et de bruit que de mal. Je ne
me rappelle pas si cette promenade fut exceptionnelle, ou si elle se renouvela
plusieurs fois. C’est longtemps après que j’appris que les directrices du collège «
étaient dans la Résistance ».
Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance, Editions Denoël, 1975.

Notes
 Musettes : sacs de toile portés en bandoulière.
 Maquisards : pendant la seconde guerre mondiale, combattants cachés qui
s’opposaient aux ennemis.
 Guilloché : gravé.

Questions (sur 20 points)


1. A quel genre littéraire appartient ce texte ? Relever deux indices différents.
2. Relever deux occurrences du pronom « je » correspondant chacune à une époque de
la vie du narrateur. Justifier.
3. Quelles sont les deux valeurs du présent utilisé entre « Je sais aujourd’hui… » et «
… plus de peur et de bruit que de mal ». Justifier à l’aide du contexte. Citer trois
autres emplois du présent de votre connaissance.
4. Relever deux verbes utilisés à deux temps différents et justifier leur emploi.
5. En vous appuyant sur un passage précis du texte, dire pourquoi l’anecdote rapportée
dans cet extrait a marqué le narrateur enfant.
6. Relever les indices qui permettent de situer le souvenir évoqué dans l’Histoire. En
quoi le souvenir d’enfance est-il ainsi valorisé ?
7. Relever deux expressions du texte qui marquent une incertitude du narrateur.
Comment s’expliquent-elles ? Quel effet produisent-elles ?
8. A deux reprises, l’adulte qui raconte rectifie une impression inexacte de l’enfant
qu’il a été. Quel est l’intérêt de chacune de ces remarques ?

Exercices de réécriture
a. Réécrire l’extrait suivant à la 3ème personne du pluriel :
o Celui qui revient des cinémas de la ville arrive un peu plus tard. Il rit encore mais
de temps en temps, il paraît fatigué et songeur. Il reste dans la rue, allant et
venant sur le trottoir d’en face. Les jeunes filles du quartier, en cheveux, se
tiennent par le bras. Le jeune homme s’arrange pour les croiser et il lance des
plaisanteries dont elles rient en détournant la tête. Les lampes de la rue
s’allument alors brusquement et elles font pâlir les premières étoiles qui montent
dans la nuit.
b. Réécrire au passé composé les phrases suivantes :
1. Les premières étoiles montent dans la nuit.
2. Les lampes de la rue s’allument.
3. Celles qui reviennent du cinéma.
4. Il écrit des lettres
5. Les lettres qu’il écrit

Production écrite
Voici les deux sujets qui pourraient être donnés au brevet. Il faut traiter
l’un des deux sujets au choix :

Sujet de réflexion
Pourquoi l’enfance est-elle une période privilégiée de l’autobiographie ?
Répondre à la question dans un développement argumenté et organisé
en prenant appui sur une expérience ou des lectures personnelles.
Quarante lignes minimum.

Sujet d’invention
Evoquez un épisode de votre enfance. Comme Georges Perec, vous
introduirez trois commentaires au présent de l’énonciation pour exprimer
vos incertitudes ou votre jugement présent sur ce souvenir. Vous
veillerez à utiliser le vocabulaire du souvenir. Quarante lignes minimum.

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