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Texte étudié : l’aveu au duc de Nemours

– Je sais bien qu’il n’y a rien de plus difficile que ce que j’entreprends, répliqua Mme de Clèves ; je me
défie[1]de mes forces au milieu de mes raisons. Ce que je crois devoir à la mémoire de M. de Clèves serait
faible s’il n’était soutenu par l’intérêt de mon repos ; et les raisons de mon repos ont besoin d’être soutenues de
celles de mon devoir. Mais, quoique je me défie de moi-même, je crois que je ne vaincrai jamais mes scrupules et
je n’espère pas aussi de surmonter l’inclination[2]que j’ai pour vous. Elle me rendra malheureuse et je me
priverai de votre vue, quelque violence qu’il m’en coûte. Je vous conjure, par tout le pouvoir que j’ai sur vous,
de ne chercher aucune occasion de me voir. Je suis dans un état qui me fait des crimes de tout ce qui pourrait
être permis dans un autre temps, et la seule bienséance[3] interdit tout commerce[4] entre nous.

M. de Nemours se jeta à ses pieds, et s’abandonna à tous les divers mouvements dont il était agité. Il lui fit voir,
et par ses paroles, et par ses pleurs, la plus vive et la plus tendre passion dont un cœur ait jamais été touché.
Celui de Mme de Clèves n’était pas insensible et, regardant ce prince avec des yeux un peu grossis par les
larmes :

« Pourquoi faut-il, s’écria-t-elle, que je vous puisse accuser de la mort de M. de Clèves ? Que n’ai-je commencé
à vous connaître depuis que je suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que [5]d’être engagée ?
Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle par un obstacle si invincible ?

– Il n’y a point d’obstacle, madame, reprit M. de Nemours. Vous seule vous opposez à mon bonheur ; vous seule
vous imposez une loi que la vertu et la raison ne vous sauraient imposer.

– Il est vrai, répliqua-t-elle, que je sacrifie beaucoup à un devoir qui ne subsiste que dans mon imagination.
Attendez ce que le temps pourra faire. M. de Clèves ne fait encore que d’expirer[6], et cet objet funeste est trop
proche pour me laisser des vues claires et distinctes. Ayez cependant le plaisir de vous être fait aimer d’une
personne qui n’aurait rien aimé, si elle ne vous avait jamais vu ; croyez que les sentiments que j’ai pour vous
seront éternels, et qu’ils subsisteront également, quoi que je fasse. Adieu, lui dit-elle ; voici une conversation qui
me fait honte : rendez-en compte à M. le vidame ; j’y consens, et je vous en prie.

Elle sortit en disant ces paroles, sans que M. de Nemours pût la retenir.

L’aveu au Duc de Nemours : texte 3

La Princesse de Clèves
(je sais bien qu’il n’y a rien de plus difficile à put la retenir)

Madame de Lafayette écrit la Princesse de Clèves en 1678 sous le


règne de louis 14. Dans un 17 ème siècle marqué par des romans très
longs avec des millions de pages, Madame de Lafayette invente le
roman psychologique moderne. Un récit court avec une intrigue
unique qui montre les tourments de l’amour.
Madame de Lafayette fait partie du mouvement littéraire du
Classicisme.
La Princesse de Clèves sera le plus grand succès de Mme de Lafayette mais
le roman créera également beaucoup de critiques, notamment morales car
il raconte l’histoire d’amour et les tourments de Mme de Clèves après sa
rencontre avec le Duc de Nemours dont elle tombe immédiatement
amoureuse. L’extrait étudié se trouve à la fin du roman. Pour la première
fois, les deux héros, Mme de Clèves et le duc de Nemours, se parlent en tête
à tête. Elle lui avoue son amour tout en lui déclarant que leur relation est
impossible.

En quoi cette dernière rencontre est à la fois une scène d’aveu et une scène
d’adieu ?

trois mouvements :

-le refus de s’engager de la ligne 1 à 9,

-la peine de Nemours de la ligne 10 à 13

-le renoncement à l’amour de la ligne 14 à 26.

I/ Le refus de s’engager (l 1 à 9)

Mme de Clèves refuse de s’engage elle va sacrifier son amour comme


l’indique. L’hyperbole : « rien de plus difficile que ce que j’entreprends »ce
renoncement est une épreuve

Le mot « raison » ligne 2 et le mot « devoir » ( l.2.3.4) indique qu’elle veut


être guidée par la raison et la morale et non par la passion. Elle ne veut pas
trahir M de Clèves.

- le champ lexical du malheur accentue la souffrance de ce choix


vertueux. « malheureuse », « priverai », « quelque violence » (l 6).

- Cette scène est une scène d’aveu mais également une scène d’adieu.
Mme de Clèves termine son intervention par une prière : « Je vous
conjure, par tout le pouvoir que j’ai sur vous, de ne chercher aucune
occasion de me voir. » (l 6-7)

- Elle respecte la morale de l’époque et les « bienséance » (l 9).

II/ La tristesse de Nemours (l 10 à 13)

-Le verbe de mouvement de la ligne 10 : « M. de Nemours se jeta à ses


pieds » traduit la grande tristesse du personnage.
-On remarque un parallélisme: « il lui fit voir et par ses paroles, et par ses
pleurs » cela montre encore une fois l’immense chagrin du personnage

-On remarque une hyperbole : « la plus vive et la plus tendre passion dont
un cœur ait jamais été touché » (l 11-12) cela montre la sincérité et la
puissance des sentiments éprouvés par Nemours. Sa peine est si grande
qu’elle émeut Mme de Clèves « n’était pas insensible » (l 12)

III/ Le renoncement à l’amour (l 14 à 26)

-La deuxième prise de parole de la princesse se résume à trois phrases


interrogatives. Madame de Cleve montre son émotion. elle dit que c’est
l’aveu qu’elle a fait à son mari qui est à l’origine de sa mort. elle estime
également que le duc de Nemours est coupable de cette perte.

-La première question : « Pourquoi faut-il, s’écria-t-elle, que je vous puisse


accuser de la mort de M. de Clèves ? » (l 14)montre qu’elle pense que Mr de
Nemours est responsable de la mort de son mari..

-La deuxième question a pour but de montrer qu’il se sont rencontrés a la


mauvaise période..: « Que n’ai-je commencé à vous connaître depuis que je
suis libre, ou pourquoi ne vous ai-je pas connu devant que d’être engagée ? »
(l 14-15-16)

- Enfin, la dernière interrogation «« Pourquoi la destinée nous sépare-t-elle


par un obstacle si invincible » montre l’impossibilité de cet amour. Cette
dernière question rappelle le théâtre tragique de Corneille.,)

-le duc ne considère pas Dieu comme un obstacle à leur relation comme le
montre La négation : « Il n’y a point d’obstacle, madame » (l 17)

. Il insiste sur le fait qu’elle est l’unique personne qui empêche la


concrétisation de cet amour : « Vous seule vous opposez à mon bonheur ;
vous seule vous imposez une loi que la vertu et la raison ne vous sauraient
imposer. » (l 17-18) Étrangement, la princesse ne contredit pas l’opinion du
duc. Elle partage même son sentiment comme l’indique l’adjectif : « vrai » :
« Il est vrai » (l 19)

-Sa fidélité à M de Clèves la conduit à faire le choix du malheur

-l’interjection « Adieu » (l 24), montre le renoncement définitif à Nemours.


-Madame de Clèves déclare son amour au duc « les sentiments que j’ai pour
vous seront éternels ». (l 23) L’utilisation du futur indique l’immortalité de
sa passion bien que cette conversation lui fasse « honte » l24.

Conclusion :

Cet extrait, figurant à la fin du roman, montre à quel point l’éducation de


Mme de Chartres détermine la vie de la princesse de Clèves. Elle aime le
duc de Nemours mais a cause de son éducation et des bienséances, elle
refuse cet amour. Il n’y a pas de fin heureuse. Il y a une fin tragique.

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