Tle

Histoire
Nouveau Bac
Programme
2020

Les relations entre les puissances et

l’opposition des modèles politiques,
des années 1930 à nos jours

LIVRE DU PROFESSEUR
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Histoire Tle – édition 2020.

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Histoire T
Les relations entre les puissances et l’opposition
le
Nouveau Bac
Programme
2020

des modèles politiques, des années 1930 à nos jours

LIVRE DU PROFESSEUR

Directeurs d’ouvrage
Michaël Navarro
INSPE de l’académie de Lyon,
Université Lyon 1 (69)
Henri Simonneau
Professeur en CPGE
Lycée Marcelin-Berthelot,
Saint-Maur-des-Fossés (94)

Laurent Martin Hayat El Kaaouachi

Professeur d’histoire à l’université Lycée Henri-Wallon, Aubervilliers (93)
de la Sorbonne-Nouvelle (Paris 3)
Aude van Kerckhove
Lycée Henri-Wallon, Aubervilliers (93)
Lise Battais
Lycée Lucie-Aubrac, Bollène (84) Sylvain Lancelot
Lycée Aragon-Picasso, Givors (69)
Christian Birebent
Lycée Couperin, Fontainebleau (77) Mathieu Lemoine
Professeur en CPGE
Thomas Deguffroy Lycées De Gaulle et Malherbe,
Lycée Guy-Mollet, Arras (62) Caen (14)

Sébastien Repaire
Julien Dochez TZR dans l’académie de Versailles
Académie de Lille
Ludovic Vandoolaeghe
Diane Grillère Lycée Robespierre, Arras (62)
Professeur en CPGE
Lycée Marcelin Berthelot,
Saint-Maur-des-Fossés (94)
 SOMMAIRE
CHAPITRE

1 L’impact de la crise de 1929 :

déséquilibres économiques et sociaux p. 3

CHAPITRE

2 Les régimes totalitaires p. 21

CHAPITRE

3 La Seconde Guerre mondiale p. 41

CHAPITRE

4 La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts

d’un nouvel ordre mondial p. 63

CHAPITRE

5 Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation

et émergence du tiers-monde p. 83

CHAPITRE

6 La France : une nouvelle place dans le monde p. 103

CHAPITRE

7 La modification des grands équilibres économiques

et politiques mondiaux p. 129

CHAPITRE

8 Un tournant social, politique et culturel,

la France de 1974 à 1988 p. 159

CHAPITRE

9 Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux p. 185

CHAPITRE

10 La construction européenne entre élargissement,

approfondissement et remises en question p. 205

CHAPITRE

11 La République française p. 223

www. Hachette-education.com
© Hachette Livre 2020, 58, rue Jean-Bleuzen, 92178 Vanves Cedex.
ISBN : 978-2-01-708815-8
ISBN à utiliser pour toute commande de l’ouvrage
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usages privé du copiste
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intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite ». Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans
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L335-2 du Code de la propriété intellectuelle.

2
 CHAPITRE
L’impact de la crise de 1929 :
1 déséquilibres économiques et sociaux

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 1 – Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945) (13-15 heures)

Chapitre 1. L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à montrer l’impact de la crise économique mondiale sur les sociétés et les équilibres politiques,
à court, moyen et long terme.
On peut mettre en avant :
- les causes de la crise ;
- le passage d’une crise américaine à une crise mondiale ;
- l’émergence d’un chômage de masse.

Points de passage et d’ouverture - Les conséquences de la crise de 1929 en Amérique latine ;

- 1933 : un nouveau président des États-Unis, F. D. Roosevelt, pour une nouvelle politique économique, le New Deal ;
- Juin 1936 : les accords Matignon.

Problématique du chapitre : qui marque profondément les sociétés de nombreux pays

Comment la crise de 1929 bouleverse-t-elle les sociétés
capitalistes à l’échelle mondiale ?
Ce premier chapitre de l’année introduit le thème 1 qui présente
la fragilité des démocraties, les totalitarismes et la Seconde
Guerre mondiale entre 1929 et 1945. La problématique insiste
sur les transformations profondes des sociétés induites par la
crise des années 1930 dans les pays capitalistes. Le fait que
dans ce premier thème, cette crise est associée aux chapitres
sur les totalitarismes et la Seconde Guerre mondiale conduit
à questionner certains liens qui existent entre eux, comme la
déstabilisation des équilibres politiques qu’entraîne la crise.
Dès 1940, dans Le Dictateur de Chaplin, le discours du petit
barbier juif grimé en Hitler a comme thème central l’idée que
l’avidité a mené les hommes à la catastrophe du nazisme. En
précisant, dans la problématique, que les sociétés auxquelles
on s’intéresse sont les sociétés capitalistes, on invite à une
réflexion sur les rapports entre la crise et les structures même
du capitalisme.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
L’étude commence en 1929, avec le krach de Wall Street, même
s’il amène à s’interroger sur les origines de la crise, et donc sur
les structures économiques et sociales qui existaient dans les
années 1920. Le sujet invite à s’arrêter sur deux dates marquantes
qui constituent des points de passage et d’ouverture. D’une
part, l’année 1933 correspond au début de la présidence de
Roosevelt aux États-Unis et à l’introduction de la politique du
New Deal, tentative de réponse à la crise des années 1930,
du fait qu’elle jette les bases de l’État-providence. Un autre
point de passage et d’ouverture, les accords Matignon en juin
1936, amène à changer d’espace, puisqu’il invite à s’intéresser
à la France des années 1930. Tout comme le New Deal aux
États-Unis, ces accords ont également entraîné de profondes
transformations sociales en France. Le sujet a par ailleurs une
dimension mondiale, même s’il conduit à s’arrêter en particulier
sur les États-Unis, la France et l’Amérique latine, espace rarement
mis en avant dans les programmes précédents mais où les
répercussions de la crise sont également considérables. Pour
terminer, on peut préciser que l’étude se clôt à la fin des années
1930, la Seconde Guerre mondiale mettant définitivement un
terme à la crise des années 1930.
Notions importantes et personnages principaux :
Les six notions clés retenues dans le cadre de ce chapitre
(capitalisme, crise, État-providence, libéralisme, New Deal,
populisme) sont nécessaires à la compréhension des points
de passage et d’ouverture. La crise de 1929 est une période
de dépression durable de la conjoncture économique, qui a
des conséquences économiques et sociales profondes dans la
plupart des pays du monde, en lien avec la diffusion et les excès
du capitalisme. Le capitalisme est un système économique
et social qui repose sur la propriété privée des moyens de
production et le salariat, et dans lequel les échanges se font
selon les règles de l’offre et de la demande. Ce système, associé
au libéralisme, a rendu les économies très interdépendantes,
ce qui explique la diffusion très large de la crise à l’échelle

Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux 3

 mondiale. Les réponses à la crise sont allées dans le sens d’un
renforcement du rôle de l’État, que ce soit dans le cadre du
populisme, comme en Amérique latine (PPO), ou dans celui
de la construction d’un État-providence, comme avec le New
Deal du président Roosevelt aux États-Unis (PPO) ou avec le
programme du Front populaire en France (PPO).
Les personnages clés retenus permettent d’incarner le
programme dans le cadre en particulier des PPO. Trois
d’entre eux sont des femmes ou des hommes politiques.
F. D. Roosevelt, président des États-Unis élu pour la première
fois en novembre 1932, alors que le pays est plongé depuis
3 ans dans une profonde crise économique et sociale, est ici
présenté à travers son rôle clé dans la politique du New Deal,
mise en œuvre afin de tenter de répondre à la crise. L. Blum
est quant à lui à la tête du gouvernement de Front populaire
en 1936, et, à ce titre, cherche également à répondre à la
crise par un renforcement de l’interventionnisme étatique
en matière économique et sociale. Pour sa part, Irène Joliot-
Curie, une scientifique, a participé au gouvernement de
Front populaire de Léon Blum et figure à ce titre parmi les
premières femmes ayant occupé des fonctions politiques
importantes en France. Enfin, J. M. Keynes, économiste
britannique proche de certains conseillers du président
Roosevelt, a théorisé des idées qui rejoignent celles du New
Deal, défendant en particulier l’intervention de l’État dans
l’économie et la société.
Propositions de parcours dans le chapitre :
On peut envisager plusieurs parcours pour la mise en œuvre
du chapitre. Tous les points de passage et d’ouverture doivent
apparaître, quel que soit le parcours choisi, mais on est libre
d’y consacrer plus ou moins de temps (rappel du BO : « Le
professeur est maître de leur degré d’approfondissement, qui
peut donner lieu à des travaux de recherche documentaire,
individuels ou collectifs, et à des restitutions orales et écrites »).
4
Un parcours long (5 h, évaluation comprise)
- 1re séance : à partir des études p. 24-25 (« 1929, le krach de
Wall Street ») et p. 26-27 (« D’une crise américaine à une crise
mondiale »), faire identifier aux élèves le processus par lequel
la crise boursière de 1929 entraîne une crise économique et
sociale qui s’étend à l’échelle mondiale.
- 2e séance : à partir de l’étude p. 28-29, montrer les conséquences
de la crise en Amérique latine (PPO). Puis schéma bilan de la
leçon (p. 31).
- 3e séance : « 1933 F.D. Roosevelt et le New Deal », PPO (étude
p. 32-33).
- 4e séance : « Juin 1936, le Front populaire et les accords
Matignon » PPO (étude p. 34-35). Puis cours magistral dialogué
sur les réactions face à la crise dans les régimes autoritaires,
et schéma bilan p. 37.
- 5e séance : évaluation à partir de l’exercice bac p. 39.
Un parcours rapide, pour gagner du temps (3 h + évaluation
formative)
- 1re séance : La crise de 1929, une crise des sociétés capitalistes.
Classe divisée en trois groupes, chacun travaillant sur un
parcours différent pendant 25 minutes : parcours 2 p. 24-25
(« 1929, le krach de Wall Street ») pour l’un, parcours 2 p. 26-
27 (« D’une crise américaine à une crise mondiale ») pour un
autre, et parcours 1 p. 28-29 (« Les conséquences de la crise en
Amérique latine »PPO) pour le troisième. Puis mise en commun
la 2e moitié de la séance et mise au point scientifique par
l’enseignant. Trace écrite sous forme de schéma bilan (p. 31),
à compléter à la maison.
- 2e séance : Des réponses diverses face à la crise : « 1933
F.D. Roosevelt et le New Deal » PPO (étude p. 32-33) + Devoir
maison en évaluation formative : analyse guidée de documents,
p. 40-41.
- 3e séance : Des réponses diverses face à la crise (suite) : « Juin
1936, le Front populaire et les accords Matignon » PPO (étude
p. 34-35). Puis cours magistral dialogué sur les réactions face
à la crise dans les régimes autoritaires, et schéma bilan p. 37.
 Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Des témoignages sur la Grande
dépression
Studs TERKEL, Hard Times : histoires
orales de la Grande Dépression, Éditions
Amsterdam, 2009.
John STEINBECK, Les Raisins de la colère,
1939 (prix Pulitzer 1940).
Horace LC COY, On achève bien les chevaux,
1935.
James AGEE et Walker EVANS, Louons
maintenant les grands hommes,
coll. Terre Humaine, Plon, 2017. C’est
initialement un article commandé par le
magazine Fortune (dont Agee était un
des rédacteurs) en 1936, sur les conditions
des familles de métayers dans le sud des
États-Unis pendant le Dust Bowl qui suit
la Grande Dépression. Mais Fortune ne le
publie finalement pas et l’ouvrage paraît
difficilement en 1941.
James AGEE, Une saison de coton, Christian
Bourgeois, 2014. Également commandé en
1936 par le magazine Fortune puis rejeté,
c’est le récit du voyage d’Agee dans les
fermes de l’Alabama.
Chansons
Wall Street Wail de Duke ELLIGTON et
Market Street Stomp de The Missourians,
deux chansons jazz qui commémorent le
« jeudi noir ».
Paul COLLINE et Ange CALABRÈSE, On stocke, 1932.
Sur la crise de 1929
Bernard GAZIER, La Crise de 1929, PUF, 2016.
Pierre-Cyrille HAUTCOEUR, La Crise de 1929,
La Découverte, 2009.
Pierre DOCKÈS, La Grande Crise des années
trente. Le capitalisme et ses rythmes,
quatre siècles en perspective. Tome 1, Sous
le regard des géants, Garnier Flammarion,
2017.
Thomas PIKETTY et Emmanuel SAEZ, « Income
inequalities in the United States », in The
Quarterly Journal of Economics, n°118,
fév. 2003.
Sur le Front populaire
Danielle TARTAKOWSKY, Le Front populaire –
La vie est à nous, Gallimard, 1996.
Michel WINOCK, Le Front populaire expliqué
en images, Seuil, 2016.
Pascal ORY, La Belle Illusion – Culture et
politique sous le signe du Front populaire
(1935-1938), Plon, 1994.
Marie CHOMINOT, « Été 1936, les premiers
congés payés : mythe ou événement ? »,
L’événement : les images comme acteurs
de l’histoire, Hazan-Jeu de Paume, 2007.
Sur l’Amérique latine dans les années
1930
Maud CHIRIO, « La révolution Vargas »,
L’Histoire n°366, juillet-août 2011.
Sitographie
https://www.canal-u.tv/video/culture_g_
num/la_crise_des_annees_1930.33779
Sur le site de France culture (2019),
feuilleton radiophonique : Hard times, de
Studs Terkel https://www.franceculture.fr/
emissions/fictions-le-feuilleton/hard-times-
histoires-orales-de-la-grande-depression-de-
studs-terkel-0
Sur le Front populaire : https://www.roger-
viollet.fr/fr/s-1112383-le-front-populaire-
greves/page/1#nb-result (pour travailler sur
des photos de Roger-Viollet)
Des sites en anglais, à partir desquels
on peut notamment travailler sur les
photographies de Dorothea Lange : http://
artsedge.kennedy-center.org/educators/
lessons/grade-6-8/Migrant_Workers
http://artsedge.kennedy-center.org/
students/features/story-behind-the-picture/
lange-white-angel-breadline

un regard sur l’exemple britannique. Elle représente une marche

Ouverture p. 20-21
de la faim entre l’Écosse et Londres en octobre 1932.
Les documents 1 et 2 peuvent servir d’accroche pour permettre
aux élèves de comprendre l’ampleur de la crise de 1929, ses Réponse à la question :
conséquences économiques et sociales, ainsi que sa diffusion La marche de la faim souligne les difficultés dans lesquelles se
à l’échelle mondiale. trouvent les économies occidentales, alors même qu’elles ne
sont pas à l’origine de la crise financière. Ce ne sont pas des
Le document 1 est une photographie prise à New York le
manifestations qui visent à demander des conditions de travail
25 octobre 1929 qui illustre la manière dont le krach de
meilleures mais bien des crises de subsistance. Cela souligne
Wall Street a touché la société américaine. Elle représente le
l’ampleur de la crise dans l'une des premières puissances
spéculateur américain Walter Thornton, acculé à vendre sa
mondiales.
voiture pour 100$ en liquide après avoir perdu toute sa fortune
sur les marchés financiers.

Réponse à la question : Cartes p. 22-23

Cette photographie comporte tous les éléments pour
comprendre l’ampleur du krach de Wall Street. Elle a été prise Une crise durable des économies
à New York, et concerne en premier lieu les investisseurs. Tous capitalistes
les hommes présents sur cette image travaillent dans le quartier
L’objectif de cette double-page est de permettre aux
de Manhattan, et Walter Thornton est un spéculateur. Comme
élèves d’acquérir des repères liés aux étapes de la diffusion
pour beaucoup d’Américains assez fortunés, une grande partie
géographique de la crise de 1929 dans le monde d’une part,
de son argent est placée en bourse. Or, suite au krach d’octobre
et aux mécanismes de cette crise d’autre part.
1929, il a tout perdu, au point qu’il est obligé de vendre ses
biens les plus précieux, ici sa voiture. Le document 1 est une carte représentant la propagation de
la crise à l’échelle mondiale. Elle permet de repérer les espaces
Le document 2 est une photographie qui illustre les
touchés par la crise, ainsi que les étapes de sa diffusion.
conséquences sociales de la crise économique ainsi que la
propagation de cette dernière à l’échelle mondiale, en proposant Le document 2 est un schéma qui permet de comprendre

Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux 5

 les mécanismes de la crise économique et sociale de 1929.
La crise est en partie liée à une crise de surproduction. Il faut
expliquer aux élèves la signification de ce terme et leur rappeler
que ce type de crise s’est développé avec l’industrialisation et
la diffusion du capitalisme en l’opposant aux crises d’Ancien
régime, étudiées en début d’année de Première. Le schéma
met également en avant le rôle de la spéculation dans la crise
financière en 1929 (abordée également dans l’étude p. 24-25).
Réponses aux questions :
Question 1 : Sur la carte, les États-Unis apparaissent comme
l’épicentre de la crise. On constate en effet que la crise de
1929 commence avec une crise bancaire majeure à New York
en octobre 1929 (les krachs boursiers du « jeudi noir » et du
« mardi noir »), avant de se diffuser largement au reste du
continent américain et à certains espaces asiatiques, comme
les Indes orientales (alors possessions néerlandaises) dès la fin
de l’année 1929 et l’année 1930. L’Europe et le reste du monde
sont touchés par cette crise devenue mondiale entre 1930
et 1932. Certains espaces ne sont cependant pas concernés,
comme l’URSS, communiste, et donc non intégrée au système
capitaliste.
Question 2 : La crise de 1929 apparaît comme une crise de
surproduction, c’est-à-dire que la production de biens ou de
services dépasse la demande des consommateurs, ce qui
entraîne l’apparition de stocks invendus, conduisant alors
les entreprises à ralentir la production pour s’ajuster à la
demande solvable. Cette contraction de l’activité entraîne
des licenciements, et donc une augmentation du chômage,
qui, à son tour, amène à une baisse du pouvoir d’achat des
ménages. Celle-ci conduit à une baisse de la demande, les
individus limitant leurs achats au strict nécessaire en raison
de cette diminution de leur capacité à acheter. Cette baisse de
la demande nuit à la relance de la consommation, et donc à
l’écoulement des stocks, ce qui empêche l’activité économique
de retrouver son dynamisme. Un autre facteur de la crise est
la spéculation, qui entraîne le krach de Wall Street en 1929.
Étude p. 24-25
1929, le krach de Wall Street
Problématique : Comment le krach de Wall Street entraîne-
t-il une profonde crise économique et sociale aux États-Unis ?
La première étude, en mettant en avant le krach de Wall Street et
les caractéristiques de la crise aux États-Unis, permet d’aborder
à la fois les causes de la crise et le chômage de masse qu’elle
entraîne dans ce pays où démarre véritablement la crise, même
si des prémices s’étaient fait sentir ailleurs dans le monde
auparavant. Par son caractère spectaculaire, sa violence et
sa durée, l’effondrement de Wall Street reste emblématique
de cette crise.
Le document 1 est un extrait du témoignage de Sidney J.
Weinberg, employé de Goldman-Sachs en 1929, au moment
où la crise éclate. Son intérêt est de souligner le rôle joué par
la spéculation dans le déclenchement de la crise boursière.
Il provient d’un entretien mené en 1969 par Louis « Studs »
Terkel (1912-2008), journaliste radio, grande figure de la
gauche radicale américaine et auteur de nombreux ouvrages
6
d’histoire orale, qui constituent une des plus riches sources
documentaires sur l’histoire des États-Unis au XXe siècle.
L’ouvrage Hard Times nous permet d’accéder aux souvenirs de
ceux qui ont traversé la crise de 1929 et la Grande Dépression.
Il est possible d’écouter certains de ces entretiens sur le site
de France culture (voir sitographie).
Le document 2 est un graphique représentant l’évolution du
Dow Jones, l’indice des valeurs des principales entreprises
cotées à la Bourse de New York. Il met en lumière le krach
boursier en montrant l’effondrement du Dow Jones en octobre
1929, puis la prolongation de la crise boursière jusqu’en
1933. On peut également remarquer la très forte hausse de
l’indice entre 1927 et 1929, le nombre d’actions échangées
ayant explosé ces années-là, ce qui est lié au renforcement
de la spéculation.
Le document 3 est un extrait de la correspondance
diplomatique de Paul Claudel, poète et romancier français
qui était au début de la crise ambassadeur de France à
Washington. C’est un témoignage d’un contemporain de
l’événement qui présente notamment l’intérêt de montrer
l’impact économique et social durable de la crise boursière,
qui a considérablement réduit les capacités de crédit et le
pouvoir d’achat des Américains.
Le document 4 est un graphique qui montre de manière
très nette la croissance extrêmement forte et rapide du
taux de chômage aux États-Unis entre 1929 et 1932, puis sa
diminution jusqu’en 1937 et sa reprise ensuite, au moment
où la récession rebondit. Ce document permet de mettre en
avant les conséquences sociales de la crise dans le pays où a
eu lieu le krach de Wall Street.
Le document 5 est une photographie d’une manifestation
de chômeurs à New York le 8 novembre 1930. Il permet de
compléter le document 4 par un document source et d’illustrer
les conséquences sociales de la crise un an après le krach de
Wall Street. Les différents métiers arborés par les manifestants
sur leur veste illustrent l’ampleur de la crise qui touche tous
les domaines d’activités.
Le document 6 est une dépêche publiée en décembre 1932
dans le journal américain The Nation, hebdomadaire américain
fondé en 1865 et dont le siège se trouve à New York. Les États-
Unis sont alors plongés dans la crise depuis déjà trois ans. Ce
document expose de manière criante le climat social tendu
en lien avec la misère dans laquelle se trouvent de nombreux
fermiers, qui réagissent parfois violemment aux expulsions
dont ils sont victimes.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Dans son témoignage (doc.1 p. 24), Sidney J.
Weinberg, employé d’une grande banque d’investissement,
parle de la journée du mardi 29 octobre 1929, « Black Tuesday »
qui suit le premier effondrement de la bourse de New York le
jeudi 24 octobre 1929 (« Black Thursday »). La crise financière
qui démarre aux États-Unis la semaine du 24 octobre 1929 se
traduit en effet par une chute brutale des cours à la Bourse de
New York (Wall Street), en particulier lors de ces deux journées,
et lors du « Black Monday », le lundi 28 octobre. L’auteur met en
avant certains mécanismes de la crise boursière, en particulier
le rôle joué par les phénomènes de spéculation (« La cause de
tout ça, c’était l’excès de spéculation », l. 19) et de panique (« le
public a eu peur et a vendu » l. 17-18, « il y avait des gens qui
vendaient continuellement à la baisse » l. 21-22, « Plus vous le
faisiez baisser, plus vous créiez la panique » l. 23-24). Le jeudi
24 en effet, 13 millions de titres sont échangés dans la panique,
mais les grands banquiers se regroupent pour acheter, et ils le
font savoir, comme en atteste Sidney J. Weinberg (l. 12-17). La
reprise est immédiate, mais les cours s’effondrent à nouveau le
28 octobre, et plus encore le 29 octobre, quand 16,4 millions
de titres sont échangés. Et la baisse des cours se poursuit.
Grâce aux travaux de Thomas Piketty et Emmanuel Saez (voir
bibliographie), nous savons que l’année 1928 connaît un pic
d’inégalité, ce qui a participé au risque de déséquilibre. Aux
États-Unis, la part du revenu national captée par les 10 % des
revenus les plus élevés est en effet passée de 38 % en 1920 à
48 % en 1928.
Ce témoignage met en lumière les faiblesses du système
bancaire américain de l’époque : la très forte spéculation des
années 1920 et le développement du crédit ont rendu tout
retournement du marché très risqué. J. K. Galbraith a montré
à quel point la vie des affaires et l’existence sociale des classes
supérieures étaient rythmées par Wall Street aux États-Unis dans
les années 1920. Les actions étaient généralement achetées
à crédit par l’intermédiaire de courtiers (les brokers), qui eux-
mêmes empruntaient aux banques. Avec la chute brutale des
cours, de nombreux Américains ont perdu beaucoup d’argent,
tout comme les banques, qui font faillite en nombre en 1931.
En effet, les craintes de ruées sur les dépôts ont conduit les
banques à tenter de faire rembourser leurs crédits passés
et à diminuer leurs nouveaux crédits, tandis que les faillites
d’entreprises qui en ont résulté les ont mises en difficultés
et ont ainsi attisé la méfiance des déposants. Ces effets ont
été renforcés par la fragilité structurelle du système bancaire
américain, due à son émiettement géographique, à sa faible
concentration et à ses prises de risque parfois excessives.
Question 2 : La chute brutale et prolongée du Dow Jones
entraîne des pertes considérables pour les actionnaires, mais
aussi, à plus long terme, des faillites bancaires et une réduction
du pouvoir d’achat et de la capacité à recourir au crédit. Cela
se traduit par une paupérisation des classes moyennes, qui ont
des difficultés à emprunter pour consommer davantage. Cette
diminution du crédit à la consommation a un impact sur la
production industrielle, qui diminue à son tour, entraînant une
dépression économique généralisée et des faillites d’entreprises.
Question 3 : Face à la montée du chômage et de la misère, se
développent des tensions sociales. Les chômeurs organisent
de grandes manifestations, comme ici (document 5) à Times
Square, à New York, en novembre 1930, afin d’offrir leur force
de travail contre un dollar par semaine, et plus généralement
pour attirer l’attention du gouvernement sur la difficulté de
leur situation. Le document 6 fait quant à lui référence aux
troubles sociaux qui ont lieu dans les régions agricoles, où
les fermiers opposés aux expulsions et aux saisies de biens
des fermiers endettés réagissent par des actions collectives,
ici dans le Middle West, plus précisément dans le Wisconsin.
Question 4 : La crise boursière puis économique entraîne une
augmentation rapide et forte du taux de chômage, qui passe
de 4 % environ en 1929, à 25 % en 1932, son plus haut niveau
(document 4). Le document 5 montre que toutes les catégories
de la population sont touchées, même si les ouvriers qualifiés
et les Noirs ont été particulièrement durement frappés. La foule
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
qui s’amasse ici est en effet hétéroclite, composée aussi bien
de représentants des classes moyennes et populaires exerçant
des professions manuelles (agriculteurs, portiers, concierges,
cuisiniers, pompiers, peintres en bâtiment) que de cols blancs,
qui se distinguent des premiers par leurs vêtements et l’absence
de pancartes. Quelques femmes figurent parmi la foule, mais
la plupart des manifestants sont des hommes. Le document
6 quant à lui montre à quel point les fermiers, ici du Middle
West, sont touchés par la crise, qui se traduit par la baisse des
prix et la montée de leur endettement, ce qui entraîne bien
souvent des saisies de biens et des expulsions. Cette misère
rurale provoque des troubles et un exode rural importants.
Les documents 5 et 6 illustrent donc bien le désarroi de la
population active américaine qui cherche à échapper à la misère.
Bilan Le krach de Wall Street, en octobre 1929, est suivi
d’une crise économique et sociale profonde aux États-Unis.
La crise est d’abord boursière, marquée par une chute brutale
et très forte des cours, en particulier lors du « Black Thursday »
(jeudi 24 octobre) et du « Black Tuesday » (mardi 29 octobre).
Les phénomènes de spéculation et de panique ont joué un
rôle important dans le déclenchement de la crise, qui a plus
généralement démontré les faiblesses du système bancaire
américain, en particulier en ce qui concerne son émiettement,
mais aussi le recours massif au crédit pour l’achat d’actions
et les risques parfois excessifs pris par les banques et par des
actionnaires, dans une société où les inégalités se sont accrues.
Cette crise boursière débouche sur une crise économique
généralisée. Le recours au crédit rendu difficile et la baisse
des prix entraînent de nombreuses faillites d’entreprises et de
banques. La crise économique a de profondes répercussions
sociales. Le chômage de masse se développe, les faillites
entraînant des licenciements. La misère s’accroît, dans les
campagnes comme dans les villes, conduisant à une réaction
sociale forte, marquée par des manifestations, parfois des
émeutes, et des actions collectives pour lutter contre les
expulsions de fermiers. Ces tensions sont parfois accompagnées
de violences, qui témoignent du désarroi de la population.
Parcours 2
Afin de montrer que la portée du krach de 1929 dépasse le
cadre de la Bourse de Wall Street pour s’étendre à la totalité de
la société américaine, on peut diviser la classe en deux groupes
d’experts. L’un devra être capable de décrire les mécanismes
de l’événement, c’est-à-dire du krach de Wall Street, tandis que
l’autre devra être expert des conséquences de la crise, du point
de vue financier, économique et social. Des groupes de quatre
élèves issus de chacun des groupes d’experts se formeront
ensuite pour une mise en commun. Pour la synthèse finale,
on peut s’appuyer sur le bilan du parcours 1, auquel les élèves
devront cependant ajouter les références aux documents (voir
réponses aux questions du parcours 1 pour l’enseignant).
Étude p. 26-27
D’une crise américaine à une crise
mondiale
Problématique : Comment la crise financière américaine
devient-elle une crise mondiale touchant tous les domaines
de la société ?
Cette deuxième étude répond aux objectifs du programme, qui
7
 propose de mettre en avant le passage d’une crise américaine
à une crise mondiale, et qui précise qu’il faut montrer l’impact
de la crise économique sur les sociétés. Sans se limiter aux deux
exemples français et allemand, cette étude les met davantage
en avant, d’une part pour permettre aux élèves de faire le lien
avec les différentes réponses apportées par les États à la crise,
dans la leçon 2 du chapitre 1 (en particulier le PPO sur juin
1936 en France), mais aussi pour préparer la suite du Thème 1
sur les régimes totalitaires (chapitre 2) et la Seconde Guerre
mondiale (chapitre 3).
Le document 1 est une photographie d’une foule cherchant à
pénétrer dans une Caisse d’épargne à Berlin, capitale allemande,
en 1931. Elle traduit bien l’angoisse et la panique qui ont pu
s’emparer des épargnants, menacés par les faillites bancaires.
On aperçoit des soldats qui tentent de contenir le flot de cette
masse de gens qui veulent retirer leur argent.
Le document 2 est une description de la crise proposée au
milieu des années 1930 par Eugène Varga, économiste d’origine
hongroise ayant émigré en URSS en 1920. Il s’agit donc là d’un
point de vue très orienté, émanant d’un fervent soutien du
régime communiste soviétique, qui offre donc une analyse
très critique de la crise du système capitaliste.
Le document 3 est un tableau statistique construit à partir de
données du ministère de la Justice, qui permet d’appréhender
l’ampleur et le rythme des faillites de banques en France entre
1929 et 1935.
Le document 4 est composé de deux graphiques qui
permettent d’appréhender et de comparer les manifestations
de la crise en Allemagne et en France. Le premier représente
l’évolution de l’indice de production industrielle entre 1929
et 1935 dans les deux pays, tandis que le deuxième est un
histogramme qui montre l’évolution du taux de chômage en
pourcentage de la population active, dans les deux pays. On
peut constater que la production industrielle y connaît une
très forte chute, mais que celle-ci se produit en Allemagne
de manière plus précoce. En revanche, la croissance de la
production redémarre en Allemagne dès 1932, alors que la
production continue de baisser en France. Le taux de chômage
quant à lui augmente bien plus vite et plus fortement en
Allemagne, alors que sa hausse est plus régulière et plus lente,
mais durable, en France.
Le document 5 est une photographie qui représente une
distribution de repas à des enfants de chômeurs dans une école
primaire allemande vers 1932. Elle présente l’intérêt de montrer
les conséquences de la crise sur la société allemande, à une
époque où le taux de chômage atteint son plus haut niveau,
ce qui entraîne une hausse de la misère pour une partie de la
population. Cela illustre aussi la manière dont l’État cherche
en Allemagne à pallier les effets de la crise.
Le document 6 est un graphique représentant l’évolution de
la production industrielle et du commerce international entre
1926 et 1938. Il permet de croiser ces deux données pour mieux
mettre en évidence les liens qui existent entre la chute de la
production et la contraction du commerce international, avec
le repli des économies sur elles-mêmes et le développement
du protectionnisme.
8
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La crise boursière et financière née aux États-Unis
se propage rapidement aux pays européens. On peut en effet
constater sur le document 1, qui date de 1931, que la panique
s’est emparée des épargnants en Allemagne. Face au risque de
faillites bancaires, également nombreuses en France, comme
on peut le voir sur le document 3 (744 entre 1929 et 1935, soit
plus de 106 par an en moyenne), les épargnants, désemparés,
cherchent en effet à retirer leur argent des banques. Les Caisses
d’épargne de la ville de Berlin limitent les retraits d’argent à
certaines prestations d’urgence afin d’éviter justement les
mouvements de panique qui pourraient entraîner des faillites.
L’armée est présente à Berlin pour encadrer cette foule devant
la banque, ce qui montre bien l’ampleur du mouvement et la
difficulté à le contenir.
Question 2 : Selon l’économiste Eugène Varga, la crise se
manifeste notamment par une surproduction impossible à
écouler. Il déplore le fait que de nombreuses productions
agricoles doivent être détruites faute d’acheteurs : que ce soit le
coton aux États-Unis, le café jeté à la mer au Brésil, les oranges
au Royaume-Uni, le thé qu’on laisse pourrir sur pied au Brésil,
les animaux que l’on abat sans les consommer aux États-Unis
et au Danemark. Une autre manifestation de la crise soulignée
par l’auteur est le chômage, accompagné de la misère (l. 11-12).
Question 3 : La crise a des conséquences sociales profondes
dans les différents pays du monde où elle se propage : elle est
marquée par l’émergence d’un chômage de masse, son taux
passant, par exemple en Allemagne, de 7 % de la population
active en 1929 à 16 % en 1931 et à 18 % en 1932, au moment
où il atteint son plus haut niveau dans ce pays (document 4).
Si la France semble dans un premier temps faire exception,
avec une progression moins rapide du chômage au début de
la période, celui-ci continue à augmenter en 1935, alors qu’il
diminue dès 1933 en Allemagne (document 4). La misère
se développe en lien avec le chômage, et les États doivent
venir en aide aux populations, comme en Allemagne, où des
repas sont distribués dans les écoles aux enfants de chômeurs
(document 5). L’auteur du document 2 souligne la contradiction
qui existe entre les destructions des productions agricoles
liées à la surproduction et au manque de débouchés (voir
question 2 ci-dessus), et le fait que de nombreux chômeurs
et leurs familles « sont affamés » et « vêtus de haillons ». On
peut cependant attirer l’attention des élèves sur le fait que
ce point de vue sur la crise est très engagé, étant donné que
l’auteur du document 2 est un économiste qui soutient le
régime communiste soviétique, opposé idéologiquement
au capitalisme. Il présente donc les manifestations de la crise
comme une preuve de la « décomposition du capitalisme ».
Question 4 : Cette crise ébranle les fondements de la puissance
des pays européens, qui reposent sur le libre-échange dans le
cadre du libéralisme économique. On constate sur le graphique
que la courbe du commerce international suit celle de la
production mondiale, jusqu’en 1932 du moins. En effet, la
chute de la production mondiale conduit à des réactions
protectionnistes, qui entraînent une contraction des échanges
internationaux. Malgré une certaine reprise de la croissance de
la production au niveau mondial dès la fin de l’année 1932, les
échanges internationaux ne reprennent que plus faiblement
et lentement.
 Bilan La crise de 1929, qui naît aux États-Unis, devient
rapidement une crise mondiale. Les investissements américains
dans le monde diminuent, les États-Unis rapatrient leurs
capitaux et la crise de confiance vis-à-vis du système bancaire
se diffuse. Les épargnants, inquiets, cherchent à retirer leurs
capitaux des banques, le système de crédit est durement
atteint. L’incapacité des ménages à consommer aggrave les
difficultés des entreprises, qui réduisent d’autant plus leur
production et font parfois faillite, ce qui entraîne une réduction
des échanges internationaux, contribuant à la diffusion de la
crise, et au développement d’un chômage de masse. Face à la
chute des prix, de la production et des échanges internationaux,
les États tentent de répondre par une politique de diminution
des dépenses publiques. Cela grève encore plus le pouvoir
d’achat des populations et leur capacité à consommer, et
rend donc la sortie de crise encore plus difficile. La mise en
œuvre politique protectionniste va à l’encontre du libéralisme
jusqu’alors triomphant.
Parcours 2
L’objectif de ce travail de groupe est de montrer comment la
crise de 1929 devient une crise mondiale. On peut orienter le
travail des élèves en leur suggérant :
- de prélever dans les documents des éléments témoignant
de la diffusion de la crise dans le monde ;
- de décrire les mécanismes de cette diffusion, en soulignant
l’interdépendance des économies dans un système capitaliste.
On pourra préciser aux élèves qu’ils devront appuyer leur
analyse sur la citation des documents.
Les étapes de diffusion de la crise sont les suivantes :
- Crise financière aux États-Unis suivie d’une crise économique ;
- La récession américaine touche directement les économies
les plus fragiles, dont l’Allemagne de l’après-guerre ;
- Les faillites provoquent une chute de la production, et une
hausse du chômage ;
- Face à la crise sociale, baisse de la demande (surproduction
doc. 2) et aide aux plus précaires.
- La crise est durable, aux États-Unis comme dans les autres
pays qu'elle touche.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Les points que les élèves peuvent mettre en avant dans cette
activité numérique :
- Les travailleurs les plus touchés par la crise : les ouvriers non
qualifiés, les Afro-Américains, mais aussi les salariés. Les femmes
furent également particulièrement touchées.
- Ce qui permet la diffusion de la crise vers l’Europe, c'est le
déclin du commerce international, mais aussi l’ampleur des
dettes européennes contractées auprès des États-Unis.
- En Allemagne, toutes les conditions économiques et
psychologiques sont réunies pour favoriser la montée du
parti nazi.
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
POINT DE PASSAGE p. 28-29
Les conséquences de la crise en
Amérique latine
Problématique : En quoi la crise des années 1930 conduit-elle
à une forte déstabilisation de l’Amérique latine ?
Cette étude correspond à un point de passage et d’ouverture
du programme. Il s’agit ici de mener une réflexion sur les
conséquences de la crise de 1929 en Amérique latine, ce qui
a rarement été mis en avant dans les programmes scolaires
en France. La diffusion mondiale de la crise a souvent été
abordée à travers le prisme de l’Europe, alors même que les
conséquences de la crise en Amérique latine furent profondes,
du point de vue économique et social autant que du point de
vue politique, tant cette partie du continent était dépendante,
en particulier de son voisin du nord.
Le document 1 est un tableau statistique sur les exportations
des États latino-américains en 1929. Il permet de souligner la
dépendance de ces pays vis-à-vis des États-Unis et de l’Europe.
On peut souligner certaines limites du document, qui ne montre
pas la nature des produits exportés par les pays d’Amérique
latine, et leur situation fréquente de mono-exportation, qui
les fragilise beaucoup en cas de crise. On pourra ajouter cette
information pour les élèves, afin de leur faire comprendre
les déséquilibres des termes de l’échange entre les grandes
puissances et les pays d’Amérique latine, et les fragilités de
ces derniers.
Le document 2 est un graphique présentant l’évolution de
trois indicateurs économiques entre 1929 et 1934 pour six
pays d’Amérique latine (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Cuba
et Mexique) : leur produit national brut, le volume de leurs
exportations et celui de leurs importations. La mise en relation
de ces indicateurs permet d’appréhender la contraction du
commerce et la baisse des richesses des pays d’Amérique latine
jusqu’en 1932, avec une reprise ensuite qui permet d’atteindre
en 1934 à nouveau le PNB de 1929. On remarque cependant
que le volume des importations et des exportations reste
bien en deçà de ce qu’il était en 1929, ce qui devra être mis en
relation par l’enseignant avec le développement de politiques
autarciques et du protectionnisme en Amérique latine.
Le document 3 est une photographie prise en janvier 1932 au
Brésil, qui illustre les conséquences de la crise dans ce pays. En
effet, on voit ici un ouvrier, dans une fabrique de bière, alimenter
en partie une chaudière au café, devant un groupe d’hommes
vêtus de costumes, ce qui laisse penser que cette photographie
a pu être prise lors d’une visite organisée, peut-être avec la
presse, pour montrer les conséquences de la surproduction de
café au Brésil. Le volume global des exportations ayant chuté
suite aux mesures protectionnistes mises notamment en place
aux États-Unis, le pays ne peut plus écouler son stock de café.
Le document 4 est un tableau synthétique présentant les
changements de régime dans quelques pays d’Amérique
latine au début des années 1930. Son intérêt est de montrer les
conséquences politiques de la crise dans cet espace du monde
où les dictatures et les régimes populistes se multiplient alors.
Ainsi, le leader populiste Getúlio Vargas place les « travailleurs
du Brésil » au centre de la scène publique. Il fait adopter des
mesures réglementant le travail des femmes et des enfants
(1931), octroyant des congés hebdomadaires et la journée
9
 de 8 heures (1932), des congés payés pour les travailleurs de
l’industrie (1933), mais aussi la reconnaissance des accidents du
travail et l’extension du système de protection sociale (1934).
La Constitution de 1934 instaure en outre au Brésil le salaire
minimum, qui n’est cependant mis en place que sous l’Estado
novo, en 1940. En 1941 est créée la justice du travail et, en
1943, un décret garantit l’ensemble de ces droits qui forment
le socle de la législation sociale brésilienne.
Le document 5 est une photographie prise à Mexico en 1938
qui représente une foule joyeuse encadrant un cercueil en
flammes. Elle témoigne des réactions de la population mexicaine
à l’annonce par le président Cárdenas de la nationalisation du
pétrole. Celle-ci a lieu dans un contexte de grèves des ouvriers
du secteur, qui doivent faire face aux conséquences sociales de
la crise économique. Président du Mexique à partir de 1934,
Lázaro Cárdenas renforce le contrôle de l’État sur l’économie
pour résoudre la crise et rendre son pays moins dépendant de
l’extérieur, alors que la majorité de la production de pétrole est
détenue au Mexique par des trusts essentiellement américains,
anglais et néerlandais.
Le document 6 est un extrait du magazine français Regards,
créé en 1931, au début de la crise. Proche du parti communiste
français, il offre un regard singulier sur la nationalisation du
pétrole par Lázaro Cárdenas au Mexique en 1938 et permet
de replacer celle-ci dans le contexte de l’époque. Il souligne
notamment les tensions qui existaient entre d’une part les
compagnies pétrolières étrangères, qui avaient la main sur
l’exploitation du pétrole au Mexique, et d’autre part les ouvriers
de la branche ainsi que le gouvernement du président Cárdenas,
au pouvoir depuis 1934.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : À partir du document 2, on constate que le PNB
diminue en Amérique latine entre 1929 et 1932, en lien avec la
diminution du volume des exportations et, de manière encore
plus forte, des importations. On peut mettre en relation ces
phénomènes avec la structure traditionnelle des exportations
des États latino-américains. Le document 1 montre en effet la
grande dépendance de ces pays vis-à-vis des grandes puissances
de l’époque, que ce soit les États-Unis ou les pays d’Europe de
l’Ouest. Lorsque la crise s’est développée aux États-Unis, ceux-ci
ont notamment réagi par le protectionnisme. La mise en place
de barrières tarifaires plus importantes a eu un impact négatif
sur les exportations des pays d’Amérique latine, d’autant que la
mono-exportation, qui caractérisait certains d’entre eux, les a
beaucoup fragilisés. Les déséquilibres des termes de l’échange
entre les grandes puissances et les pays d’Amérique latine,
exportateurs de produits principalement agricoles et miniers,
mais importateurs de produits finis plus valorisés, explique
en partie le fait que le volume des importations diminue
davantage que celui des exportations, les pays d’Amérique
latine se trouvant souvent à court de devises.
Question 2 : La photographie représente un ouvrier qui, en
janvier 1932, alimente une chaudière, dans une fabrique de
bière, à l’aide d’un mélange de goudron et de café. Un groupe
d’hommes vêtus avec soin, portant costumes et chapeaux,
observent cette scène insolite, l’utilisation du café comme
combustible semblant surprenante. Le document 2 éclaire cette
situation. En effet, le Brésil est déjà à cette époque un grand
producteur de café, et celui-ci constitue une part importante
10
de ses exportations. Or, le graphique montre que le volume des
exportations a considérablement diminué entre 1929 et 1932.
Par ailleurs, le volume des importations a lui aussi beaucoup
baissé, ce qui a eu un impact sur la capacité du Brésil à se fournir
en produits énergétiques. Le café, dont les stocks s’accumulent
faute de pouvoir être exporté en quantité suffisante, est utilisé
comme combustible pour remplacer le charbon.
Question 3 : La crise a des conséquences politiques durables
en Amérique latine. Des changements de régime ont en effet
lieu, favorisés par le climat social très tendu lié à la crise. Ainsi,
des dictatures militaires se mettent en place en Argentine
ou au Pérou. Des régimes populistes voient également le
jour, comme au Brésil, avec Getúlio Vargas à partir de 1930,
ou au Mexique, où Lázaro Cárdenas devient président de la
République en 1934.
Question 4 : En 1938, le président du Mexique Lázaro Cárdenas
nationalise le pétrole, produit fondamental pour l’économie du
pays, 7e producteur mondial, et qui était jusqu’alors exploité
par de grandes entreprises privées étrangères, notamment
américaines, néerlandaises et britanniques. D’après le docu-
ment 6, les syndicats ouvriers, soutenus par le président Cárdenas
dans leur mouvement de grève visant à obtenir l’augmentation
des salaires et l’amélioration des conditions de travail, ont
joué un grand rôle dans l’expropriation et la nationalisation
des compagnies pétrolières étrangères le 18 mars 1938. La
compagnie nationale PEMEX (Petróleos Mexicanos) est ainsi
créée. Les entreprises privées étrangères expropriées doivent
recevoir une « indemnité compensatrice » « payable dans les
dix ans » (l. 29-30). Cette mesure est présentée par le magazine
Regards comme « légale » (l. 23), du fait que le sol et le sous-
sol sont des propriétés nationales et non privées d’après la
Constitution mexicaine. Cette nationalisation du pétrole est
accueillie de manière positive par la population mexicaine
d’après le document 6 (l. 31 : « au grand enthousiasme du
peuple »), attitude confirmée par le document 5, qui montre une
foule joyeuse qui tend le poing, symbole révolutionnaire, dans
la mise en scène de l’enterrement des compagnies pétrolières
étrangères, représentées par un cercueil en flammes. Cette
réaction de la population est à mettre en parallèle avec le
mouvement de grève qui a précédé la nationalisation du pétrole.
Cependant, on peut noter que seules les classes populaires
sont évoquées dans les documents 5 et 6 ; on ne connaît pas la
réaction de la bourgeoisie et des conservateurs. Le populisme
s’appuie sur une mise en avant des travailleurs, qui sont le
principal soutien du régime.
Bilan La crise de 1929 affecte l’Amérique latine de manière
particulière. Son économie est en effet très dépendante des
exportations, qui se dirigent principalement vers les États-Unis
et les pays d’Europe de l’Ouest. Lorsque ceux-ci sont touchés
par la crise, en particulier les États-Unis, où elle démarre, ils
réagissent par des mesures protectionnistes qui ont un impact
négatif sur les pays d’Amérique latine, qui perdent alors leurs
débouchés. La situation est d’autant plus grave pour eux que
les termes de l’échange leur sont très défavorables, car ils sont
principalement exportateurs de produits bruts agricoles et
miniers, mais importateurs de produits finis plus valorisés.
Cette situation économique entraîne en Amérique latine
une crise sociale profonde, marquée par le développement
du chômage et de la misère, et les répercussions politiques
sont grandes. Des changements de régime ont lieu dans de
nombreux pays, comme en Argentine ou au Pérou, où des
dictatures militaires sont mises en place en 1930. Des régimes
populistes voient également le jour, comme au Brésil, avec
Getúlio Vargas, ou au Mexique, avec Lázaro Cárdenas.
Parcours 2
Le document 6 p. 29 est un article écrit par L. Griffole et publié
dans le magazine français Regards le 12 mai 1938, moins de
deux mois après la nationalisation du pétrole au Mexique par le
gouvernement populiste du président Cárdenas. L’auteur s’adresse
à un public français de gauche, le magazine étant proche du parti
communiste, alors que la France n’est pas encore complètement
sortie de la crise économique et sociale et que le socialiste Léon
Blum, après avoir dirigé par deux fois le gouvernement du Front
populaire, a dû démissionner. Comment, d’après ce document,
le gouvernement de Lázaro Cárdenas cherche-t-il à répondre à
la crise au Mexique dans les années 1930 ?
Dans un premier temps, l’article de L. Griffole présente les
difficultés économiques et sociales rencontrées par le Mexique
au milieu des années 1930. Le pays doit faire face à une crise
sociale aggravée par la situation économique du pays, très
dépendant de l’extérieur et où l’exploitation pétrolière se trouve
principalement entre les mains de compagnies étrangères, en
particulier américaines, britanniques et néerlandaises (l. 4-5).
Les grèves se multiplient dans ce secteur, où les ouvriers sont
décrits comme « fortement organisés » (l. 12) et cherchent à
obtenir une augmentation des salaires et une amélioration
des conditions de travail, notamment une diminution du
temps de travail.
Dans un second temps, l’article du magazine Regards présente
les solutions mises en place par le gouvernement mexicain pour
faire face à ces difficultés économiques et sociales. Le président
Cárdenas soutient le mouvement de grève et exproprie les
compagnies pétrolières étrangères le 18 mars 1938 pour
les nationaliser. La compagnie nationale PEMEX (Petróleos
Mexicanos) est ainsi créée. Les entreprises privées étrangères
expropriées doivent recevoir une « indemnité compensatrice »
« payable dans les dix ans » (l. 29-30). Cette mesure est présentée
par le magazine Regards comme « légale » (l. 23), du fait que
le sol et le sous-sol sont des propriétés nationales et non
privées d’après la Constitution mexicaine. Le gouvernement
mexicain cherche ici à reprendre le contrôle d’une production
cruciale pour le pays, en visant une plus grande indépendance
économique face à l’extérieur.
Leçon 1 p. 30-31
Une crise des sociétés capitalistes
Problématique : Comment la crise se propage-t-elle des États-
Unis au reste des pays capitalistes ?
Cette leçon introduit le programme de la classe de Terminale. Elle
a pour objectif de présenter les mécanismes de la crise de 1929,
d’en analyser les causes, mais également l’impact économique
et social, en particulier l’émergence d’un chômage de masse,
ainsi que la diffusion à l’échelle mondiale, en conformité avec
le programme. La problématique invite donc à s’interroger
sur la manière dont la crise se propage des États-Unis au
reste des pays capitalistes. Pour y répondre, nous avons choisi
d’expliquer dans un premier temps les mécanismes de cette
crise du capitalisme, en mettant en avant la crise boursière,
financière et économique aux États-Unis, avant d’analyser la
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
manière dont la crise se diffuse à l’ensemble des économies
capitalistes du monde, pour enfin présenter les conséquences
sociales profondes de cette crise, ainsi que certaines de ses
répercussions politiques.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
la leçon sont celle de crise, au cœur du sujet, et de capitalisme,
dont les dysfonctionnements apparaissent comme étant à la fois
des causes et des manifestations de la crise des années 1930.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan montre les principales causes
du krach de Wall Street en 1929, liées à des dysfonctionnements
du système capitaliste, qu’il s’agisse de la surproduction, qui
révèle une inadéquation entre l’offre et la demande, du fort
recours au crédit et à la spéculation, caractéristiques du système
boursier et bancaire de l’époque, ou des inégalités de richesses,
qui se sont accrues dans les années 1920 aux États-Unis. Cela
favorise la spéculation de la part des familles les plus aisées. Le
schéma fait également apparaître les différentes caractéristiques
de la crise, tout d’abord boursière et américaine, qui entraîne
une déflation ainsi qu’une baisse de la consommation et une
contraction des échanges. Elle s’étend ensuite au reste des pays
capitalistes, aboutissant à une crise économique généralisée qui
se traduit par des faillites nombreuses. Les États y répondent
par des mesures protectionnistes, dans certains cas par la
dévaluation des monnaies, comme en 1931 au Royaume-Uni
ou en 1933 aux États-Unis, mais aussi par des politiques de
diminution des dépenses publiques. Ces faillites et les réponses
des États entraînent une profonde crise sociale.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique permet, à partir d’archives INA,
d’approfondir le travail sur les répercussions de la crise en France,
avec des chiffres sur le chômage notamment. Elle permet par
ailleurs, à travers un entretien avec l’historien Jacques Marseille
en 1993, de compléter les connaissances sur les conséquences
sociales de la crise, par d’autres exemples chiffrés. On pourra
aussi consulter une autre archive de 1970 (« La crise de 1929 »)
qui décrit la crise aux États-Unis et sa diffusion en Europe, en
faisant le lien entre la crise et la montée du NSDAP.
POINT DE PASSAGE p. 32-33
1933, F. D. Roosevelt et le New Deal
Problématique : Comment le président Roosevelt, avec le
New Deal, a-t-il cherché à sortir les États-Unis de la crise et
quel en est le bilan ?
Cette étude correspond au deuxième point de passage et
d’ouverture du chapitre. Il permet de répondre aux objectifs de
ce dernier sur l’impact de la crise sur les équilibres politiques,
en montrant comment, à partir de 1933, le nouveau président
américain, Roosevelt, cherche, avec son programme du New
Deal, à répondre à la crise multiforme qui touche les États-
Unis depuis 1929. Cette politique a profondément marqué
ce pays, mais également le monde, car elle a jeté les bases de
l’État-providence.
Le document 1 est un extrait du discours d’investiture du
président des États-Unis, Franklin Delano Roosevelt, prononcé le
4 mars 1933. C’est un document clé, dans lequel le président élu
11
 en novembre 1932 expose son programme. Ce discours marque
une rupture : le nouveau président y prône une politique
volontariste et interventionniste pour sortir le pays de la crise
dans laquelle il est plongé depuis plus de trois ans.
Le document 2 est une photographie qui date de mai 1939
et qui représente des ouvriers en train de construire une
route dans l’État de New York, alors que le peintre Alfred
Castagne les dessine. Ce document permet de montrer la
réalité du WPA (Work Progress Administration), programme
d’aide institué en 1935 dans le cadre du second New Deal et
dont la philosophie est de remettre les chômeurs au travail
dans des emplois favorables au bien public. Ce document
met également en lumière la politique culturelle du New
Deal, qui représente la première tentative de soutien public
important à la culture aux États-Unis. Celle-ci était déjà prise
en compte dans les programmes du FERA et du CWA (voir
document 5 p. 33), mais c’est avec le WPA qu’elle devient
vraiment centrale. En 1936, 40 000 artistes et travailleurs
culturels travaillent pour des projets liés au WPA, dans tous
les domaines artistiques et à travers tout le pays. Si le WPA
perdure officiellement jusqu’en 1942, son activité réelle et
son financement déclinent dès juin 1939.
Le document 3 est une photographie de Dorothea Lange,
artiste reconnue dans le monde entier, emblématique de
cette période des années 1930 pour avoir sillonné les États-
Unis afin de témoigner des conséquences sociales de la crise.
Elle a notamment réalisé la documentation photographique
d’un rapport de Paul Taylor, professeur d’économie qui allait
devenir son mari, sur l’installation de camps de réinsertion
destinés aux travailleurs migrants en zone rurale en Californie.
Ce type de rapports était commandé par l’État afin de préparer
les subventions de la FERA, qui visaient à l’amélioration du
niveau de vie des travailleurs touchés par la crise. Taylor et
Lange ont tous deux mis en évidence la misère liée à la crise
et les tensions sociales, en particulier les nombreuses grèves
et marches de la faim, qui en ont découlé.
Le document 4 est un témoignage de Raymond Moley,
professeur de sciences politiques et ancien conseiller du
président Roosevelt, membre de son Brain Trust pendant la
campagne présidentielle en 1932. Après avoir soutenu les
premières mesures du New Deal en 1933, Raymond Moley s’est
rapproché des Républicains dès la fin de l’année 1933 et s’est
farouchement opposé aux mesures sociales du second New
Deal, tout comme l’ensemble des conservateurs. L’intérêt de
ce texte, extrait d’un entretien mené à la fin des années 1960
par Studs Terkel et publié dans Hard Times. Histoire orales de la
Grande Dépression (voir document 1 p. 24), est d’offrir un regard
critique sur la politique de Roosevelt. Il s’agit là du point de vue
d’un tenant du libéralisme, qui défend la liberté d’entreprendre
et le marché, en s’opposant à l’interventionnisme trop fort de
l’État. Son intérêt est également de mettre en avant le rôle
joué par la Seconde Guerre mondiale dans la fin de la crise.
Le document 5 est un tableau synthétique et non exhaustif
présentant les principales mesures du premier et du second
New Deal. Il donne des repères afin d’aider les élèves à mieux
comprendre les autres documents et, plus généralement, les
grandes orientations de la politique développée par Roosevelt
pour répondre à la crise.
12
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Dans le deuxième paragraphe de son discours
d’investiture, Roosevelt présente la situation économique et
sociale des États-Unis au moment de son arrivée au pouvoir
comme catastrophique, en lien avec la crise. Il insiste sur la chute
des valeurs boursières (l. 4), avant de critiquer l’augmentation
des taxes (l. 4), qui avait pour objectif sous la présidence Hoover
de faire face aux « réductions de revenus » des gouvernements
(l. 6), mais qui a accru encore la misère d’une population qui
avait déjà beaucoup perdu en pouvoir d’achat avec la crise
(l. 9) et qui souffre d’un chômage de masse (l. 10-11). Il évoque
également le déclin des échanges commerciaux et les faillites
d’entreprises (l. 6-7), ainsi que l’incapacité des fermiers à écouler
leurs productions (l .8).
Dans les trois autres paragraphes, Roosevelt présente ses
solutions pour résoudre la crise. Il propose tout d’abord des
actions de l’État pour remettre les chômeurs au travail, tout
en favorisant de grands projets utiles au pays (infrastructures
routières, ponts, équipements publics, etc.). Il défend également
l’idée d’une planification nationale consistant à fixer des objectifs
de production pour un horizon donné. Enfin, sa troisième
proposition consiste à développer un contrôle des activités
bancaires et à mettre fin à la spéculation, considérée comme
une des principales causes de la crise boursière. L’ensemble de
ces mesures porte la marque d’une politique interventionniste,
qui rompt avec la politique libérale habituelle des États-Unis.
Question 2 : La politique lancée par Roosevelt met en place
une forme d’État-providence. En effet, avec les mesures du New
Deal, l’État intervient de manière importante aussi bien dans le
domaine économique que social, dans le but d’assurer le bien-
être de ses citoyens. Ainsi, conformément à ce qu’il avait annoncé
dans son discours d’investiture, Roosevelt instaure un contrôle
des marchés financiers, mené par la « Securities and Exchange
Commission », et sépare les activités des banques de dépôt
de celles des banques d’investissement, afin de protéger les
épargnants, par le très symbolique « Glass Steagall Act », qui met
également en place un système de protection des déposants
en cas de faillite bancaire. Par ailleurs, dans le domaine social,
et toujours conformément au programme de Roosevelt, des
aides d’urgence sont organisées pour les chômeurs dès 1933
(FERA, Federal Emergency Relief Administration) que l’on essaie
aussi de remettre au travail à travers des programmes menés
par la CWA (Civil Works Administration) ou la TVA (Tennessee
Valley Authority), qui organise la construction de barrages
pour aménager la vallée du Tennessee. Ces programmes sont
gérés par la « Work Progress Administration » à partir de 1935
(document 2). Le New Deal prend une orientation encore
plus sociale à partir de 1935 avec des mesures pour organiser
les relations entre employeurs et employés (Wagner Act), ou
l’établissement d’un système de protection sociale à l’échelle
fédérale (Social Security Act), véritable pilier de l’État-providence.
Question 3 : D’après les documents 3 et 4, les limites du New
Deal sont la permanence de la misère, que l’on constate en 1936
sur la photographie de Dorothea Lange (document 3), liée à la
persistance du chômage à un niveau élevé (l. 25 document 4).
Selon Raymond Moley, seule la guerre a vraiment permis de
sortir les États-Unis de la crise économique et sociale.
Question 4 : Le second New Deal marque une rupture avec
la conception américaine de l’économie libérale du fait qu’il
accentue encore, et de manière plus permanente que les
mesures du premier New Deal, l’intervention de l’État en matière
économique et sociale. Il en est ainsi du Social Security Act de
1935 ou de la loi fixant un salaire minimum et des horaires
maxima à l’échelle fédérale en 1938 (Fair Labor Standards
Act). Le premier New Deal est caractérisé par des mesures
d’urgence qui cherchent à répondre à la crise de manière
immédiate, comme la fermeture des banques et la suspension
des transactions bancaires, ou l’aide aux chômeurs. Cependant,
certaines mesures liées au contrôle des banques se rattachent,
dès le premier New Deal, à une forme d’intervention de l’État en
matière économique qui s’oppose au libéralisme économique.
Question 5 : Le document 4 reflète le point de vue d’un ancien
conseiller de Roosevelt, qui s’est opposé à ce dernier à partir
de 1933, après avoir rejoint le camp des conservateurs. Il faut
donc prendre du recul et conserver un regard critique car il
représente les tenants du libéralisme économique, forcément
opposés aux mesures sociales et interventionnistes du second
New Deal, qui posent les bases de l’État-providence.
Bilan Le président Roosevelt, avec le New Deal, a cherché à
sortir les États-Unis de la crise.
Il prend d’abord des mesures immédiates afin de redonner
confiance à la population américaine. Ainsi, les transactions
bancaires sont suspendues pendant une semaine, dès le 6 mars
1933, moins de 48 heures après le discours d’investiture du
président, puis une législation visant à contrôler davantage
les marchés financiers et les banques est mise en place, et
les activités des banques de dépôt et d’investissement sont
séparées. En outre, des aides d’urgence sont mises en place
pour les chômeurs, et un programme leur est dédié afin de les
aider à trouver un emploi, tout en soutenant les aménagements
publics.
Roosevelt, avec le second New Deal, réforme ensuite
profondément le système social, que ce soit dans le domaine des
relations entre employeurs et employés, le développement du
syndicalisme étant favorisé, ou dans le domaine de la protection
sociale, qui est organisée au niveau fédéral, notamment le
système des retraites et de l’assurance chômage. En outre,
ce second New Deal impose une harmonisation du salaire
minimum et des maxima horaires (48 h) au niveau fédéral.
Le bilan du New Deal doit être nuancé. S’il permet de restaurer la
confiance de la population et de redonner de l’espoir, il ne met
cependant pas fin au chômage et à la crise économique, qui
ne se clôt qu’avec la Seconde Guerre mondiale. En revanche, la
politique menée par Roosevelt dans les années 1930 a jeté les
bases de l’État-providence, ce qui marque une véritable rupture
dans la conception américaine de l’économie et de la société.
Parcours 2
Le document 1 p. 32 est un extrait du discours d’investiture
de F. D. Roosevelt, élu en novembre 1932 à la présidence des
États-Unis, dans un contexte de crise économique et sociale. Il y
présente son programme pour répondre à la Grande Dépression.
Roosevelt présente dans un premier temps la situation
économique et sociale des États-Unis au moment de son
arrivée au pouvoir comme catastrophique, en lien avec la
crise. Il insiste sur la chute des valeurs boursières (l. 4), avant de
critiquer l’augmentation des taxes (l. 4), qui a eu pour objectif
sous la présidence Hoover de faire face aux « réductions de
revenus » des gouvernements (l. 6), mais qui a accru encore
la misère d’une population qui avait déjà beaucoup perdu en
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
pouvoir d’achat avec la crise (l. 9) et qui souffre d’un chômage
de masse (l. 10-11). Il évoque également le déclin des échanges
commerciaux et les faillites d’entreprises (l. 6-7), ainsi que
l’incapacité des fermiers à écouler leurs productions (l. 8).
Roosevelt présente ensuite ses solutions pour résoudre la crise.
Il propose tout d’abord des actions de l’État pour remettre
les chômeurs au travail (l. 12), tout en favorisant de grands
projets (l. 16-17) utiles au pays (infrastructures routières, ponts,
équipements publics, etc.). Il défend également l’idée d’une
planification nationale (l. 18) consistant à fixer des objectifs
de production pour un horizon donné. Enfin, sa troisième
proposition consiste à développer un contrôle des activités
bancaires et la fin de la spéculation (l. 22-24), considérée comme
une des principales causes de la crise boursière. L’ensemble de
ces mesures porte la marque d’une politique interventionniste,
qui rompt avec la politique libérale habituelle des États-Unis.
La portée de ce discours est très grande. Roosevelt met en
effet en œuvre son programme du New Deal très rapidement. Il
développe des mesures pour contrôler les banques et redonner
la confiance aux épargnants, des mesures d’urgence pour aider
les chômeurs, et un programme de grands travaux publics qui
permet d’embaucher des chômeurs. Si le New Deal permet
de restaurer la confiance de la population et de redonner de
l’espoir, seule la Seconde Guerre mondiale met réellement fin
au chômage et à la crise économique. En revanche, la politique
menée par Roosevelt dans les années 1930 a jeté les bases de
l'État-providence, ce qui marque une véritable rupture dans la
conception américaine de l’économie et de la société.
POINT DE PASSAGE p. 34-35
MÉTHODE BAC
Juin 1936, le Front populaire et les
accords Matignon
Problématique : Comment les accords Matignon définissent-
ils une politique originale de réponse à la crise économique
et politique que connaît la France ?
Cette étude correspond au dernier point de passage et
d’ouverture du programme pour ce premier chapitre de l’année.
Elle permet de compléter le deuxième point de passage et
d’ouverture, en s’interrogeant sur l’impact de la crise sur les
équilibres politiques en France, à travers la manière dont le
Front populaire cherche à répondre à la crise.
Le document 1 est extrait du discours d’investiture de Léon
Blum à l’Assemblée nationale le 6 juin 1936, prononcé un
peu plus d’un mois après la victoire du Front populaire aux
élections législatives le 3 mai 1936, dans un contexte de crise
économique et politique. Le Front populaire est une alliance
électorale des forces de gauche, conclue en 1934 en vue des
législatives de 1936, afin de faire face à la montée de l’extrême
droite dans un contexte de crise économique généralisée
dans les années 1930. Il regroupe le parti communiste dirigé
par Maurice Thorez, qui soutient le gouvernement de Léon
Blum sans y participer, le parti socialiste dirigé par Léon Blum
et, plus au centre, le parti radical-socialiste dirigé par Édouard
Daladier. Léon Blum, premier président du Conseil socialiste en
France, fait ici son discours de politique générale, qui a pour
but de présenter son gouvernement et son programme à la
13
 Chambre des députés, afin d’obtenir de cette dernière un vote
de confiance, nécessaire à sa mise en œuvre.
Le document 2 est une photographie d’ouvrières occupant
une usine en juin 1936, à La Courneuve, pendant les grandes
grèves qui ont suivi l’arrivée au pouvoir du Front populaire. Le
document montre bien l’atmosphère joyeuse de ces occupations
d’usines qui ont concerné 3 millions d’ouvriers et ont constitué
une nouvelle forme de lutte au sein du mouvement ouvrier.
Ces grèves se sont conjuguées à l’action du gouvernement du
Front populaire pour aboutir aux accords Matignon.
Le document 3 est un extrait des accords Matignon, document
central de l’étude puisqu’au cœur des PPO. Les articles
concernant les principales avancées en matière de droit du
travail sont présentés ici. Ils sont signés à l’hôtel Matignon,
lieu de résidence du président de Conseil, ce qui montre le
rôle du gouvernement de Léon Blum dans ces négociations
entre représentants du patronat et des ouvriers.
Le document 4 est une photographie datant de 1937 qui
représente des vacanciers nombreux sur une plage de
Normandie. Son intérêt est de montrer les résultats de l’action
du Front populaire, ici la démocratisation des loisirs, en lien
avec la loi sociale de 1936 octroyant pour la première fois des
congés payés en France.
Réponses aux questions :
Parcours BAC
Question 1 : Léon Blum décrit la France dans une situation de
crise multiforme. Crise politique tout d’abord, lorsqu’il parle
de « tentatives de la violence ». Il fait ici référence au climat
politique très tendu des années 1930, caractérisé par la montée
en puissance des régimes fascistes en Europe, comme en Italie
ou en Allemagne, et des ligues d’extrême droite en France,
dont certaines manifestations, comme celle du 6 février 1934,
ont pu laisser penser que ces ligues tentaient de renverser la
République. C'est ce qui a entraîné le rassemblement des forces
de gauche (communistes, socialistes et radicaux-socialistes) en
un Front populaire pour les élections législatives d’avril-mai
1936. Crise économique et sociale ensuite, à laquelle Léon Blum
fait référence l. 9-10. Si elle touche la France moins vite et moins
violemment, dans un premier temps, que certains autres pays
d’Europe comme l’Allemagne, elle est cependant profonde en
France, et marquée par un chômage durable. Pour y remédier,
Léon Blum propose de soumettre au vote du Parlement de
manière très rapide des projets de loi concernant « la semaine
de quarante heures, les contrats collectifs, les congés payés
[...], la prolongation de la scolarité » (l. 27-29).
Question 2 : Ces ouvrières occupent des usines dans la joie, en
dansant au son du gramophone, parce que l’arrivée du Front
populaire au pouvoir est un gage d’espoir de changements des
conditions de travail et de vie des ouvriers. Elles cherchent ainsi
à faire pression sur le patronat et montrent au gouvernement
qu’il doit prendre des mesures rapidement pour améliorer la
condition ouvrière.
Question 3 : Les accords Matignon sont signés le 7 juin 1936, au
lendemain du discours d’investiture de Léon Blum à l’Assemblée
nationale. Ces accords sont signés dans un contexte de crise
économique et dans un climat social marqué par de grandes
grèves caractérisées notamment par des occupations d’usines.
Ils répondent aux attentes des ouvrières et des ouvriers car ils
14
améliorent leurs conditions de travail et de vie. En effet, des
contrats collectifs de travail sont établis (art. 1), remplaçant les
contrats individuels, ce qui protège les ouvriers des décisions
arbitraires des patrons et harmonise les conditions de travail au
sein des branches d’activités ; la liberté syndicale est également
reconnue (art. 3), et des délégués ouvriers sont institués (art. 5),
en lien avec ce droit syndical. Le droit de grève est également
réaffirmé (art. 6). Les conditions de vie des ouvriers connaissent
également une amélioration grâce aux accords Matignon, du
fait de l’augmentation de 7 à 15 % des salaires réels (art. 4).
Question 4 : Le Front populaire permet une démocratisation
des loisirs. D’une part, les accords Matignon permettent une
augmentation des salaires, ce qui rend l’accès aux loisirs plus
aisé. D’autre part, grâce à la loi du 11 juin 1936, des congés
payés sont octroyés à tous, pour la première fois en France. Ces
mesures, conjuguées à une politique de développement et de
démocratisation des transports ferroviaires, avec la création
de la SNCF en 1937, et de développement des auberges de
jeunesse, soutenu par le sous-secrétaire d’État aux sports et aux
loisirs, Léo Lagrange, qui institue en outre un « billet populaire
de congés annuels », permettent à de nombreux Français de
partir pour la première fois en vacances. Ils partent au bord
de la mer, comme en atteste cette photographie qui montre
une foule nombreuse se pressant sur une plage normande.
Le développement des loisirs en dehors des vacances est
également favorisé par la loi du 12 juin 1936 sur la réduction
du temps de travail hebdomadaire (40 h au lieu de 48 h).
Bilan Les accords Matignon sont signés le 7 juin 1936
entre le patronat et les syndicats ouvriers, sous l’égide du
gouvernement de Front populaire dirigé par le socialiste
Léon Blum, qui a prononcé son discours d’investiture la veille
à l’Assemblée nationale, dans un contexte marqué par la
multiplication de grandes grèves avec occupations d’usines
depuis les élections législatives de mai 1936. Ce mouvement
social se déroule dans une atmosphère joyeuse, car la victoire
du Front populaire est porteuse d’espoirs, alors que la France
est touchée depuis 1932 notamment par la crise économique
et sociale qui s’est étendue à l’ensemble des pays capitalistes,
mais aussi par une crise politique marquée par la montée des
ligues d’extrême droite, et alors que des régimes fascistes se
sont mis en place en Italie, avec Mussolini, et en Allemagne,
où Hitler est devenu chancelier en 1933.
Les accords Matignon cherchent à résoudre la crise politique
et économique par une amélioration des conditions de travail
et de vie des ouvriers et par une pacification des relations
entre patrons et ouvriers. Des contrats collectifs de travail
remplacent les contrats individuels, ce qui protège les ouvriers
des décisions arbitraires des patrons et harmonise les conditions
de travail au sein des branches d’activités. De plus, la liberté
syndicale est également reconnue, et des délégués ouvriers
sont institués, en lien avec ce droit syndical. Le droit de grève est
enfin réaffirmé. Les conditions de vie des ouvriers connaissent
également une amélioration avec une augmentation de 7 % à
15 % des salaires réels. Ces accords sont complétés quelques
jours plus tard par des lois sociales qui diminuent le temps de
travail (congés payés et semaine de 40 h).
 MÉTHODE BAC
Analyse du document p. 34
Le document est un extrait du discours d’investiture prononcé
par Léon Blum, un mois après la victoire du Front populaire
aux élections législatives de mai 1936, dans un contexte de
crise économique et politique. Le Front populaire est une
alliance des forces de gauche afin de faire face à la montée
de l’extrême droite alors que le pays connaît à une crise
économique généralisée dans les années 1930. Léon Blum,
nouveau président du Conseil, fait ici son discours de politique
générale, qui a pour but de présenter son gouvernement et
son programme à la Chambre des députés, afin d’obtenir de
cette dernière un vote de confiance, nécessaire à sa mise en
œuvre. Quel programme Léon Blum présente-t-il ici ?
Tout d’abord, Léon Blum précise qu’il s’agit du « programme
commun souscrit par tous les partis qui composent la majorité »
du Front populaire. Il s’agit donc du programme présenté
lors des élections législatives d’avril et mai 1936 par les partis
socialiste, communiste, et radical-socialiste, qui était résumé par
le slogan « Pain, Paix, Liberté ». Il repose en particulier sur des
améliorations des conditions de vie et de travail des ouvriers,
afin de pallier les effets de la crise économique.
Léon Blum présente également les actions et les modes d’actions
à mener. Il annonce qu’il est du devoir de son gouvernement
de « résoudre en actes » ce programme (l. 21). Il souhaite que
celui-ci soit appliqué très rapidement, afin de répondre aux
préoccupations de la population au plus vite et de mettre un
terme au mouvement de grèves qui s’est développé : « ces
actes se succéderont à une cadence rapide ». Il propose de
soumettre au plus vite au Parlement des projets de loi sur la
diminution du temps de travail (« semaine de quarante heures »
et « congés payés », l. 27-28) et sur la création de contrats
de travail (l. 28) visant à protéger les ouvriers des décisions
arbitraires des patrons et à harmoniser les conditions de travail
au sein des branches d’activités. Un autre projet de loi prévoit
« la prolongation de la scolarité » (l. 29).
À l’issue de ce discours d’investiture, Blum obtient la confiance
des députés par 384 voix contre 210. Il met en œuvre son
programme dès le lendemain, avec la signature des accords
Matignon, et fait voter les lois sociales, sur la réduction du
temps de travail notamment, les 11 et 12 juin 1936.
Leçon 2 p. 36-37
Les réponses des États à la crise
économique
Problématique : Comment les États touchés par la crise
cherchent-ils à la résoudre ?
Après avoir étudié dans une première leçon les caractéristiques
de la crise de 1929 et ses conséquences économiques et sociales,
on s’intéresse dans cette deuxième leçon aux réponses que les
États ont apportées à la crise pour tenter d’y mettre fin. Il s’agit
donc de s’intéresser à la fois aux points communs qui peuvent
exister entre ces réponses, mais aussi aux spécificités qu’ont pu
développer les gouvernements, et, à travers ces caractéristiques,
à l’impact qu’a pu avoir la crise sur les équilibres politiques
existant auparavant.
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
Notions importantes : Les notions importantes abordées
dans la leçon sont celle de New Deal, associée à celle d’État-
providence, qui s’appliquent aux États-Unis tout en servant
de modèle dans d’autres pays, mais aussi celle de populisme,
qui caractérise pour cette période l’Amérique latine. Toutes
trois remettent en cause, de manière différente cependant, le
libéralisme traditionnel des sociétés capitalistes et connaissent
une grande postérité.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan montre les réponses
apportées à la crise des années 1930 par différents pays
ou aires géographiques (France, Allemagne, États-Unis et
Amérique latine). Réponse commune d’une part, à travers
le protectionnisme, mais aussi réponses diverses qui, si
elles sont toutes marquées du sceau d’un accroissement de
l’interventionnisme étatique, ne se font cependant pas dans le
même cadre et n’aboutissent pas aux mêmes bouleversements
des équilibres politiques.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique permet d’aborder le contexte dans
lequel les grandes mesures mises en place par le Front populaire
ont vu le jour. La victoire du Front populaire, dans un contexte de
crise économique et de montée du fascisme, suscite de grands
espoirs, et une nouvelle forme de lutte naît alors, afin d’obtenir
une accélération des mesures promises : ce sont des grèves
avec occupations d’usines. Les premières mesures soutenues
ou prises par le gouvernement, hausse des salaires, conventions
collectives, semaine de 40 h, congés payés, apparaissent comme
radicales à l’époque.
Autre support Un film p. 38
La vie est à nous de Jean Renoir (1936)
La vie est à nous est un film commandé à des fins de propagande
par le parti communiste français en février 1936 en vue des
élections législatives. Il expose la menace fasciste et l’espoir
représenté par le Front populaire. Il mêle images d’archives,
images documentaires et saynètes fictionnelles, et a été réalisé
par un collectif de « techniciens, d’artistes et d’ouvriers », mais
aussi d’hommes politiques (comme Marcel Cachin ou Maurice
Thorez), sous la direction de Jean Renoir. Interdit lors de sa
sortie et durant toute la période du Front populaire, n’ayant
pas été présenté à la censure, il ne fut d’abord diffusé que dans
les cellules et meetings communistes et ne connut de sortie
commerciale qu’en 1969. Son intérêt réside à la fois dans la
description qu’il donne de la crise en France, mais aussi dans
sa présentation de la genèse du Front populaire.
Les documents 1 et 2 sont des photomontages extraits du film.
Le premier montre des enfants accompagnés par une femme
qui passent devant une devanture de commerce dont le store
est baissé en raison d’une fermeture « pour cause de faillite ».
Il renvoie donc à la crise économique et sociale.
Le deuxième montre le siège du parti communiste français sur
la façade duquel apparaissent des slogans pour les élections
de 1936, notamment « Pain, Paix, Liberté ».
Réponses aux questions :
Question 1 : Le premier extrait du film, ainsi que le
photomontage qui en est tiré montrent le contexte de crise
économique et sociale de l’époque. On suit d’abord des
15
 enfants qui, rentrant chez eux après l’école, passent devant
des stores baissés de commerces qui ont fait faillite. Les enfants
évoquent ensuite le chômage de leurs pères respectifs et se
demandent où va toute la richesse de la France vantée par
leur instituteur. La scène suivante apporte une réponse très
militante à cette question : « La France n’est pas aux Français
mais aux 200 familles ». La concentration des richesses est ici
condamnée, et l’on voit ensuite une réunion d’actionnaires au
cours de laquelle sont évoqués la nécessaire destruction des
stocks (« on jette le café à la mer ») et les licenciement auxquels
les grandes entreprises sont « contraintes » de procéder. On
voit enfin ces actionnaires jouer de l’argent et leurs femmes
parler de leurs perles et de voitures, tandis que, dans le plan
suivant, une foule réclame « du travail et de pain », soulignant
les écarts de richesse et les difficultés liées à la crise. Ce sont
donc de nombreux aspects de la crise économique et sociale
des années 1930, en France, mais aussi à l’étranger, qui sont
évoqués.
Question 2 : Dans le deuxième extrait, Renoir cherche à
présenter le Front populaire comme une réponse face au
« coup de force fasciste » de 1934. Il fait ici référence à la
manifestation du 6 février 1934, lors de laquelle les ligues
d’extrême droite avaient défilé devant l’Assemblée nationale,
faisant craindre à la gauche une tentative de renversement
de la République. La une de L’Humanité du 14 février 1934
présente la contre-manifestation du 12 février 1934 comme un
« front uni contre le fascisme ». La genèse du Front populaire
réside donc selon le réalisateur dans la volonté de la gauche de
crise financière crise économique
Une crise multiforme et profonde
protectionnisme
Des réponses communes La crise de 1929 bouleverse
interventionnisme plus face à la crise les sociétés capitalistes
fort de l’État
Exercice BAC
Analyse de document
L’exercice proposé consiste à construire une analyse critique
d’un dessin de presse.
Le document est un dessin de presse de Robert Fuzier paru
dans le quotidien Le Populaire en 1936. Né en 1898, Robert
Fuzier réalise ses premiers dessins de presse en 1929 dans le
quotidien Paris-Soir. En 1931, il démarre sa collaboration avec Le
Populaire, le journal de l’organe du parti socialiste SFIO dont il
est adhérent depuis 1930. Il en devient dès l’année suivante le
dessinateur attitré et y publie quasi quotidiennement. Auteur
d’une bande dessinée hebdomadaire pour ce même quotidien,
il travaille aussi pour d’autres titres de la presse socialiste de
l’époque comme Marianne, Messidor ou Regards. Il est chargé,
après la mise en place du gouvernement du Front populaire,
des relations avec l’extérieur au cabinet de celui qui est devenu
16
s’unir face à cette menace fasciste, d’autant plus qu’elle s’étend
en Europe, avec Mussolini en Italie et Hitler en Allemagne.
On retrouve cet objectif dans le serment du Front populaire,
qui apparaît pendant la manifestation du 14 juillet 1935, qui
appelle à la dissolution les ligues factieuses : « Nous faisons le
serment solennel de rester unis pour désarmer et dissoudre
les ligues factieuses, pour défendre et développer les libertés
démocratiques et pour assurer la paix humaine ». Le deuxième
photomontage représente la façade du siège du PCF, qui fait
partie du Front populaire. Y figure l’un des principaux slogans
du Front populaire: « Pain, Paix, Liberté ».
Synthèse Le film La vie est à nous est à la fois un film engagé
et un témoin de la genèse du Front populaire. C’est en effet
un film très engagé, commandé par le parti communiste
français en vue des élections du printemps 1936. Il dénonce
la concentration des richesses et le cynisme des grands patrons,
et condamne les ligues d’extrême droite. C’est donc un film de
propagande, dont l’objectif est à la fois d’attirer de nouveaux
adhérents pour le PCF, mais aussi de mettre en avant le Front
populaire pour les élections législatives. Le film reste cependant
un excellent témoignage de la manière dont le Front populaire
s’est construit, en montrant que c’est une union des forces de
gauche qui se constitue dans un contexte de crise économique
et sociale, mais aussi politique, face à la montée de l’extrême
droite et de la menace fasciste.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 39
crise sociale
(chômage de masse)
expérience du New Deal aux
États-Unis et du Front populaire
en France : vers un État social ?
Mais dans des cadres la montée de l’extrême droite
politiques différents (ex. de l’Allemagne nazie)
la montée du populisme
en Amérique latine
le nouveau ministre des Sports et des Loisirs, Léo Lagrange
dont il est proche. Ce document porte la marque de l’ironie
p. 39 du dessinateur sur les mesures sociales du Front populaire,
gouvernement issu de la victoire des forces de gauche aux
élections du printemps 1936 : on le voit avec le décalage entre le
titre donné au dessin Nouvelles atrocités du Front Populaire et la
possibilité donnée aux ouvriers de partir en vacances. Il reprend
ainsi, en les détournant, les codes des dessins de presse de
droite qui dénoncent les nouveaux droits donnés aux ouvriers.
La consigne sera analysée par les élèves notamment pour
identifier les tâches à réaliser. Il s’agit tout d’abord de rappeler
le contexte de ce document en insistant sur la formation du
gouvernement du Front Populaire. Ensuite, l’élève est invité à
expliquer et dater les Accords Matignon de juin 1936 assortis
des lois sociales votées pendant l’été qui complètent le dispositif.
Enfin, les élèves doivent être capables de cerner le sens général
du document en identifiant l’ironie qui ressort de ce document.
Réponses aux aides :
Le Front populaire désigne l’alliance des partis de gauche (parti
communiste français, parti socialiste et parti radical) mise en
place en 1934-1935 pour remporter les élections législatives
d’avril-mai 1936 mais aussi le gouvernement qui en est issu,
dirigé par le socialiste Léon Blum. Cette coalition électorale est
une réponse à la menace d’un danger fasciste en France, après
la manifestation des ligues du 6 février 1934, mais aussi de la
peur plus générale suscitée par le fascisme italien et le nazisme
allemand. Cet événement favorise alors le regroupement des
partis et des associations de gauche.
La mesure sociale mise en avant par le document est la mise en
place des deux semaines de congés payés par le gouvernement
en juillet 1936.
Les autres mesures prises par le Front populaire sont les accords
Matignon non explicitement cités par le document mais
auxquels le dessinateur fait allusion quand il écrit « atrocités »
ou « méfaits ». Ces accords sont signés pour mettre fin aux
mouvements de grève spontanés qui se sont déclenchés
dans les usines dès le mois de mai, après la victoire électorale
du Front populaire. C’est ainsi que le gouvernement de Léon
Blum décide d’organiser dès le 7 juin une négociation entre les
représentants du patronat et des syndicats, notamment la CGT.
Cette négociation aboutit à la signature des accords Matignon
qui prévoient la mise en place de conventions collectives du
travail, l’augmentation des salaires, la reconnaissance de la
liberté syndicale ainsi que l'instauration de délégués ouvriers.
Ces accords sont complétés par des lois sociales permettant
aux salariés d’obtenir deux semaines de congés payés et la
semaine de 40 heures (au lieu de 48) sans que les salaires ne
soient diminués.
Léo Lagrange est sous-secrétaire des Loisirs et des Sports
du gouvernement Blum. Il obtient en juillet 1936 que les
compagnies ferroviaires accordent aux salariés une réduction
de 40 % sur les billets achetés pour réaliser leur trajet pour les
congés. On les appelle les « billets populaires ».
Le ton du dessin est ironique car on note un décalage entre les
mesures prises, comme l’accès aux vacances pour les ouvriers
et la mise en place de billets de train à prix réduits, et les termes
utilisés pour qualifier ces mesures : « méfaits », « atrocités ».
Le dessin est paru dans la presse socialiste et est destiné à un
public acquis aux idées du gouvernement Blum. Mais il fait
écho aux critiques de la droite et du patronat sur l’ensemble
des décisions prises.
En utilisant les réponses à ces aides et en faisant correspondre
les éléments de description du dessin et des connaissances
personnelles, l’élève rédige l’analyse.
Dans l’introduction, l’élève présente le document en le
replaçant dans son contexte : la formation du gouvernement du
Front populaire. Il annonce ensuite les axes qu’il va développer
dans son analyse de document.
Pistes de rédaction :
I - Les accords Matignon, un changement majeur pour les
salariés
– Les mesures clairement identifiées sur le document : les lois
sociales de l’été 1936 avec les deux semaines de congés payés
et le billet Lagrange.
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
– Les autres mesures du Front populaire mentionnées par
l’expression « poursuit ses ravages » : augmentation des
salaires, conventions collectives.
II - Un dessin ironique
– Décalage entre le texte et le dessin : atmosphère calme et
expressions « atrocités », « méfaits ».
– Grand espoir d’amélioration des conditions de travail et de
vie au sein de la classe ouvrière mais critique du patronat
et de la droite.
En conclusion, l’élève peut expliquer que ce document
est révélateur des nouveaux droits sociaux acquis et de
l'intervention de l’État dans la vie économique. L’œuvre du
gouvernement Blum laisse une mémoire forte dans la gauche
et les milieux populaires.
Exercice BAC
Analyse de deux documents p. 40-41
L’objectif de cet exercice est de procéder à l’analyse critique de
deux documents de nature différente. Cet exemple permet à
l’élève de comprendre les attentes de l’épreuve d’analyse de
document(s) réalisée lors du contrôle continu en fin d’année.
Le document 1 est un extrait du programme du parti
républicain issu de la Convention daté du 9 juin 1936 pour
les élections présidentielles du mois de novembre. Le parti
républicain doit reconquérir le pouvoir après avoir perdu la
présidence, le Congrès et la majorité des postes de gouverneurs
des États entre 1932 et 1934. C’est donc un programme offensif
contre la politique menée par le président démocrate Franklin
Delano Roosevelt que révèle ce document. Ce texte dénonce
ce qu’il considère comme les effets pervers du New Deal dans le
domaine économique (entraves à la libre-entreprise) mais aussi
dans le domaine politique (renforcement du pouvoir exécutif).
Le président de la République est accusé d’accaparer le pouvoir
et d’être une menace pour la démocratie américaine. Ces
arguments sont repris dans les discours du candidat républicain
Alf Landon pendant l’année 1936.
Le document 2 est une affiche électorale de 1944 du parti
démocrate, parti du candidat Roosevelt élu en 1932, qui se
présente pour un quatrième mandat présidentiel. Elle appelle à
la réélection du président sortant au moment où les Alliés, dont
les États-Unis sont un des leaders avec l’URSS et le Royaume-
Uni, sont en train de remporter la victoire sur les puissances
de l’Axe. Cette affiche revient sur les effets de la politique du
New Deal qu’il mène depuis les années 1930. C’est autour de
l’État-providence devenu un point majeur de l’idéologie du
parti démocrate qu’il choisit de faire campagne. Se considérant
comme les représentants de la classe ouvrière, les Démocrates
s’allient au parti travailliste américain. Cette affiche se construit
autour de la figure de Roosevelt occupant une large partie
du document autour duquel s’opposent le bilan laissé par le
président républicain Hoover en 1932 et l’œuvre réalisée avec
la politique du New Deal. Cependant, si les États-Unis sont en
1944 la grande puissance économique et financière sortie des
difficultés de la dépression des années 1930, cette situation
de prospérité n’est pas liée aux mesures du New Deal mais
plus au formidable essor de l’innovation pendant le second
conflit mondial.
17
 La consigne guide l’élève en indiquant les deux tâches à
réaliser : montrer en quoi la politique du New Deal est un
moment majeur de transformations dans la vie économique
mais aussi dans la vie politique du pays. Il faut insister sur
l’expression « en confrontant les deux documents » qui indique
que l’élève doit utiliser les deux documents en insistant sur la
différence de point de vue qu’ils font apparaître.
Étape 1 : Préparer l’analyse de documents
– Lire les documents et la consigne
Les deux documents proposés sont de nature différente. Si le
document 1 est un extrait du programme du parti républicain
issu de la Convention du 9 juin 1936 pour les élections
présidentielles du mois de novembre, le document 2 est une
affiche électorale de 1944 du parti démocrate, parti du candidat
Roosevelt élu en 1932, qui se représente pour un quatrième
mandat présidentiel. Les deux documents ont un contexte
différent : pour le premier, daté de 1936, les États-Unis font face
aux difficultés de la crise économique qu’il faut résoudre alors
que pour le second, réalisé en 1944, les États-Unis sont en guerre
contre les puissances de l’Axe et ont redressé leur économie. Le
thème des deux documents est commun, la politique du New
Deal menée par le président Roosevelt au cœur des combats
politiques entre les deux grands partis américains.
Le New Deal, « nouvelle donne » en anglais, désigne l’ensemble
des mesures économiques et sociales adoptées aux États-Unis
par le gouvernement de F. D. Roosevelt à partir de 1933 pour
enrayer les effets de la Grande Dépression.
La libre entreprise est le principe selon lequel chacun a la
possibilité d’exercer librement une activité économique.
L’analyse peut se découper en deux parties distinctes :
1 - Le New Deal est une entorse au libéralisme économique.
2 - Le New Deal renforce la fonction présidentielle.
– Analyser les documents :
Membre du parti démocrate, Roosevelt est le président des
États-Unis pendant quatre mandats, de 1933 à 1945. Il met
en œuvre la politique du New Deal pour tenter de sortir le
pays de la crise.
Le New Deal est le nom de la politique menée par ce président
pendant les années 1930. Elle présente d’abord un volet
économique avec un meilleur encadrement des banques,
un soutien à l’agriculture, la relance des exportations, une
politique de grands travaux et des aides aux chômeurs. À partir
de 1935, elle prend un tournant plus social en favorisant le
développement du syndicalisme et instaure un État-providence
avec la mise en place d’un système de protection sociale et
un salaire minimum.
Si la relance impulsée grâce aux mesures du New Deal entraîne
une amélioration de la situation économique et sociale, il faut
nuancer le bilan. En effet, en 1939, le pays a tout juste retrouvé
son niveau de production de 1929. Le chômage a certes connu
une diminution mais il reste encore plus de 9 millions de
travailleurs privés d’emploi (contre 12,5 millions en 1933).
C’est la Seconde Guerre mondiale qui permet réellement aux
États-Unis de sortir de la crise et de renouer avec la prospérité.
– Porter un regard critique sur les documents :
Les arguments défendus par les deux documents concernent
les conséquences du New Deal. Le document 1 met en avant ses
18
effets négatifs sur la liberté, valeur fondamentale de la société
américaine, notamment dans le domaine économique ou la
remise en cause de la démocratie. Le document 2 souligne les
effets sociaux positifs de cette politique, le pays ayant retrouvé
le plein emploi et la prospérité. Les idées sous-entendues sont
liées à la volonté de discréditer l’adversaire : le document 1
passe sous silence l’échec des Républicains au pouvoir avec
le président Hoover pour répondre à la crise, le document 2
ne met pas en avant les difficultés sociales et économiques
des États-Unis en 1940.
Le document 2 met en valeur l’image de Roosevelt qui, par
sa politique, a impulsé la prospérité économique du pays,
contrant ainsi l’idée du document 1 selon laquelle il aurait
prolongé la dépression.
On peut relever des exagérations dans les documents. Dans le
document 1, il s’agit de l’idée selon laquelle le New Deal menace
les valeurs américaines, le capitalisme et la démocratie. Le
document 2 exagère les réussites des mesures économiques
et sociales mises en œuvre par le président.
Étape 2 : Rédiger l’analyse de documents
– L’introduction :
Après le krach de Wall Street en 1929, les États-Unis s’enfoncent
dans la dépression économique. Élu en 1932, le président
démocrate Roosevelt propose une politique de relance
sous le nom de « New Deal », solution aux effets de la crise
économique. Cette politique est le thème des deux documents
proposés. Si le document 1 est un extrait du programme du
parti républicain issu de la Convention du 9 juin 1936 pour les
élections présidentielles du mois de novembre, le document 2
est une affiche électorale de 1944 du parti démocrate. Roosevelt
se représente pour un quatrième mandat présidentiel. Les deux
documents ont été réalisés dans des contextes différents : pour
le premier, daté de 1936, les États-Unis font face aux difficultés
de la crise économique qu’il faut résoudre alors que pour le
second, réalisé en 1944, les États-Unis sont en guerre contre
l’Axe et ont redressé leur économie. En confrontant ces deux
documents, nous montrerons que le New Deal est un tournant
dans la vie économique mais aussi dans la vie politique des
États-Unis.
– Le développement
Le New Deal est un tournant dans le domaine économique car
cette politique est une entorse au libéralisme économique. Dans
le programme du parti républicain de 1936, est dénoncé le fait
que « le monopole réglementé a remplacé la libre entreprise ».
La liberté d’entreprise est au cœur du capitalisme libéral où
chaque individu a le droit d’exercer une activité économique
librement. En effet, pour répondre aux difficultés économiques
et financières du début des années 1930 que l’on peut observer
sur le document 2 (la misère, la faillite du système bancaire), le
président Roosevelt initie une politique économique fondée
sur l’intervention de l’État dans l’économie avec un meilleur
encadrement des banques, un soutien à l’agriculture, la relance
des exportations, une politique de grands travaux et des
aides aux chômeurs. À partir de 1935, il prend un tournant
plus social en favorisant le développement du syndicalisme
et en posant les fondements d’un État-providence avec la
mise en place d’un système de protection sociale et un salaire
minimum. Cet État-providence s’incarne à travers les « salaires
plus élevés, les habitations à loyers modérés, la sécurité sociale »
mentionnés sur l’affiche et présentés comme les résultats positifs
à mettre au profit de Roosevelt. Cependant, les Républicains
refusent ces orientations économiques, craignant qu’elles ne
remettent en cause le libéralisme et n’apportent pas les résultats
escomptés comme le soulignent les expressions suivantes :
« décourageant ainsi les nouvelles entreprises, empêchant
l’emploi et prolongeant la dépression » ou « l’abandon de
toutes les politiques du New Deal qui augmentent les coûts
de production et la vie et limitent ainsi les achats, réduisent
les volumes et empêchent le réemploi, l’encouragement au
lieu des entraves aux affaires ». Ils réclament le retour aux
règles du marché, seules capables de résoudre la crise, se font
le relais des milieux d’affaires qui craignent une trop grande
intervention de l’État et demandent « de donner une chance
à une entreprise individuelle, à l’expansion industrielle et au
rétablissement des emplois ». Selon les Républicains, la politique
du New Deal ne permet pas de sortir de la dépression mais au
contraire la prolonge.
Le New Deal participe aussi au renforcement de la fonction
présidentielle dans la vie politique américaine. Le document
2 met en valeur l’image de Roosevelt qui a, par sa politique,
impulsé la prospérité économique du pays. Occupant une large
place sur l’affiche, son portrait est au centre d’un médaillon qui
oppose l’état du pays en 1932 laissé par le président républicain
Hoover à ce qui est présenté comme ses réalisations et qui a
permis le progrès social des Américains. Le parti démocrate
met en valeur la figure du président qui a réussi à moderniser
le parti et a rallier les ouvriers en mettant l’État-providence
au cœur de son idéologie. Pour les Républicains, un système
généralisé de protection sociale est contraire aux valeurs
américaines notamment la liberté individuelle au cœur de son
idéologie comme le souligne la phrase « nous nous dévouons
à la préservation de leur liberté politique, de leurs possibilités
individuelles et de leur caractère de citoyens libres, qui sont
pour la première fois menacés par le gouvernement lui-même ».
On doit noter un renforcement de l’exécutif sous la présidence
de Roosevelt et une personnalisation croissante du pouvoir. Ce
dernier a instauré un lien direct avec le peuple, multipliant les
conférences de presse, les discours radiodiffusés mais aussi les
déplacements dans tout le pays. C’est pour cela qu’il est autant
mis en valeur sur le document 2. Les Républicains critiquent
l’importance prise par le président et le fait que « les pouvoirs
du Congrès ont été usurpés par le président », remettant en
cause la séparation des pouvoirs, fondement du système
politique américain. Cependant, il ne faut pas exagérer cette
vision car les États-Unis ne basculent pas dans la dictature
pendant les années 1930.
– La conclusion
Les deux documents mettent bien en valeur le tournant que
représente le New Deal dans la vie économique et politique des
États-Unis. Cette politique radicalise les positions idéologiques
de chacun des deux partis se disputant le pouvoir : les
Républicains font de la liberté individuelle le cœur de leur
programme alors que les Démocrates font de l’intervention de
l’État dans l’économie et l’État-providence les points forts de leur
idéologie. Si le New Deal est bien un tournant, il faut nuancer
son bilan économique et social en occultant les difficultés, et
souligner que c’est la Seconde Guerre mondiale qui permet
réellement aux États-Unis de sortir de la crise et de renouer
avec la prospérité.
Chapitre 1 • L’impact de la crise de 1929 : déséquilibres économiques et sociaux
Exercice BAC
Réponse à une question problématisée p. 42-43
L’objectif de cette double-page consiste à rappeler aux
élèves les règles de construction de la réponse à la question
problématisée. Les indications à droite indiquent à l’élève
quelles sont les étapes de la rédaction mais aussi les éléments
qui composent l’introduction, les paragraphes et la conclusion.
La forme est aussi importante, elle met en valeur les alinéas et
les sauts de ligne, indispensables pour signifier la structuration
de sa pensée.
Le sujet est entièrement rédigé dans le manuel de l’élève.
Auto-évaluation p. 45
OBJECTIF 1
- La crise de 1929 trouve ses origines dans le développement de
la spéculation, elle-même favorisée par la plus grande facilité
du recours au crédit et par le creusement des inégalités lié à la
concentration croissante des richesses dans les années 1920.
Ces phénomènes sont le moteur du krach de Wall Street en
octobre 1929. La situation de surproduction et les fragilités
du système bancaire américain entraînent ensuite à leur tour
une dynamique déflationniste et une crise économique et
sociale généralisée.
- La crise, d’abord américaine, s’étend rapidement à l’ensemble
du monde (sauf l’URSS communiste). Ce passage rapide d’une
crise américaine à une crise mondiale est lié à l’interdépendance
croissante des économies capitalistes. La contraction du
commerce international, le retrait des capitaux étrangers des
banques, la baisse des investissements, la diminution de la
consommation liée à la difficulté plus grande du recours au
crédit, à l’explosion de chômage et à la baisse des dépenses
publiques, empêchent la reprise de la croissance et la diminution
du chômage. Les dévaluations mises en place par certains États
et les politiques protectionnistes qui se développent partout
aggravent encore les difficultés à l’échelle mondiale. La crise
frappe de manière particulièrement forte l’Amérique latine,
très dépendante de l’extérieur, en particulier des États-Unis,
par la structure de ses exportations.
- La crise, d’abord boursière, touche rapidement l’ensemble de
l’économie. Les faillites bancaires et les faillites d’entreprises
industrielles conduisent à la montée d’un chômage de masse à
travers le monde. Les États cherchent à le juguler par différents
moyens, les caractéristiques communes dans la réponse à la
crise étant d’une part le développement de barrières tarifaires,
c’est-à-dire le protectionnisme, et d’autre part l’intervention
plus grande de l’État dans les domaines économique et social,
que ce soit dans le cadre de régimes autoritaires ou populistes
ou dans le cadre de régimes démocratiques.
OBJECTIF 2
- La réponse des États face à la crise est différente selon les
pays. En Amérique latine, les États, parfois dans le cadre de
régimes autoritaires populistes, cherchent à reprendre le
contrôle de leurs entreprises et de leur économie, et à lutter
contre la dégradation des termes de l’échange en procédant à
19
 des nationalisations, comme au Mexique sous Lázaro Cárdenas
en 1938, et en développant une politique d’industrialisation
par substitution aux importations (ISI). Aux États-Unis, à partir
de 1933 sous la présidence de F.D. Roosevelt, et en France en
1936 avec le gouvernement du Front populaire, des politiques
interventionnistes sont mises en place, en rupture avec le
libéralisme traditionnel. Elles marquent des avancées en termes
de législation sociale et contribuent à jeter les bases de l’État-
providence dans ces pays. Enfin, dans les régimes autoritaires
fascistes, comme l’Allemagne dirigée par Hitler à partir de 1933,
des politiques protectionnistes et d’autarcie sont mises en place.
- Le Front populaire remporte les élections législatives en
France en mai 1936 dans un contexte de crise économique,
sociale et politique. Des grèves avec occupations d’usines se
multiplient alors à travers le pays pour soutenir l’action du Front
populaire et obtenir une accélération des réformes favorables
aux ouvriers. Le gouvernement dirigé par Léon Blum est formé
le 9 juin 1936 et, dès le 7 juin, les accords Matignon sont signés
par les représentants des syndicats ouvriers et du patronat,
accordant des augmentations de salaires, des conventions
collectives et un renforcement des droits syndicaux ; puis des
lois sociales sont votées quelques jours après, permettant une
diminution du temps de travail (congés payés et semaine de
40 h). L’intervention de l’État dans l’économie et la société s’est
donc accrue avec le Front populaire, qui a permis une avancée
de la législation sociale en France.
OBJECTIF 3
Notions
Capitalisme : système économique et social qui repose sur
la propriété privée des moyens de production et le salariat,
dans lequel les échanges se font d’après les règles de l’offre
et de la demande.
Crise : période de dépression ou de stagnation durable de
l’économie.
État-providence : État qui intervient de façon importante
dans le domaine économique et social, afin d’assurer le bien-
être de ses citoyens.
Libéralisme : doctrine défendant les libertés individuelles,
ici économiques, contre l’emprise de l’État.
New Deal : terme anglais signifiant « nouvelle donne » et
désignant l’ensemble des mesures de politique économique
et sociale adoptées aux États-Unis par le gouvernement de
F. D. Roosevelt à partir de 1933 pour enrayer les effets de la
Grande Dépression.
Populisme : mouvement politique qui oppose le peuple aux
élites politiques, économiques, médiatiques, culturelles, etc.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Une crise des sociétés capitalistes
- Les mécanismes de la crise : krach de Wall Street (octobre
1929), dynamique déflationniste, Grande Dépression ainsi
que leurs facteurs (spéculation, développement du recours
au crédit, surproduction, concentration des richesses).
- Passage d’une crise américaine à une crise mondiale :
20
interdépendance des économies capitalistes, contraction du
commerce international, politique de diminution des dépenses
publiques qui aggrave la crise, dévaluations et mesures
protectionnistes mises en place par les États pour se protéger.
- Des conséquences sociales : émergence du chômage de
masse dans un contexte de récession, développement de la
misère, riposte sociale, déstabilisation des sociétés et montée
du populisme et des régimes autoritaires en Amérique latine.
Personnage important : L. Cárdenas.
Leçon 2. Les réponses des États à la crise économique
- Le New Deal aux États-Unis : à partir de 1933, renforcement
du pouvoir fédéral et de l’intervention de l’État en matière
économique et sociale, bilan contrasté mais le New Deal jette
les bases de l’État-providence.
Personnages importants : F. D. Roosevelt et J. M. Keynes.
- Le Front populaire en France : élections législative de mai
1936, grèves avec occupations d’usines, accords Matignon et
lois sociales de juin 1936.
Personnages importants : L. Blum et I. Joliot-Curie.
- Montée des politiques d’indépendance économique dans
les régimes autoritaires : politique d’autarcie en Allemagne,
politique d’industrialisation par substitution des importations
et développement du populisme en Amérique latine.
Savoir expliquer
- Les principaux mécanismes et caractéristiques de la crise des
années 1930 : crise d’abord boursière, qui touche rapidement tous
les domaines de l’économie, entraînant des faillites nombreuses,
et qui a des répercussions sociales et politiques profondes. Crise
durable liée à des phénomènes de spéculation, de concentration
des richesses, de développement du recours au crédit et de
surproduction, qui se diffuse dans le monde entier en raison
de l’interdépendance croissante des économies capitalistes.
- Le New Deal : mesures de politique économique et sociale
adoptées aux États-Unis par le gouvernement de F. D. Roosevelt
à partir de 1933 pour enrayer les effets de la Grande Dépression.
Politique interventionniste qui rompt avec le libéralisme
traditionnel et met en place les bases de l’État-providence.
- Les accords Matignon et les lois sociales de 1936 : signés le
7 juin 1936 par les représentants des ouvriers et du patronat,
les accords Matignon accordent des augmentations de salaires,
instituent des conventions collectives et des délégués ouvriers
dans les entreprises, et garantissent la liberté syndicale. Les
lois sociales votées quelques jours après permettent une
diminution du temps de travail (congés payés et semaine de
40 h). Ces mesures marquent une avancée considérable de
la législation sociale en France.
- Les conséquences de la crise en Amérique latine : touchée de
plein fouet par la crise en raison de sa situation de dépendance
économique vis-à-vis de l’extérieur, en particulier des États-
Unis, et défavorisée par les termes de l’échange, l’Amérique
latine réagit par un renforcement du rôle de l’État et une
politique d’indépendance économique, qui passe par une
politique d’industrialisation par substitution des importations,
et parfois des nationalisations comme au Mexique. La crise a des
conséquences politiques durables en Amérique latine, où les
régimes autoritaires et les régimes populistes se développent.
 CHAPITRE
Les régimes totalitaires
2
RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 1 : « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945)

Chapitre 2. Les régimes totalitaires

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à mettre en évidence les caractéristiques des régimes totalitaires (idéologie, formes et
degrés d’adhésion, usage de la violence et de la terreur) et leurs conséquences sur l’ordre européen.
On peut mettre en avant les caractéristiques :
- du régime soviétique ;
- du fascisme italien ;
- du national-socialisme allemand.

Points de passage et d’ouverture - 1937-1938 : la Grande Terreur en URSS ;

- 9 au 10 novembre 1938 : la « nuit de Cristal » ;
- 1936-1938 : les interventions étrangères dans la Guerre civile espagnole : géopolitique des totalitarismes.

Problématique du chapitre : Notions importantes et personnages principaux :

Comment la mise en place de régimes totalitaires dans
l’entre-deux-guerres a-t-elle un impact considérable sur
l’ordre européen ?
Cette problématique permet de répondre de manière précise
aux attendus du programme. En effet, si dans des programmes
précédents de collège ou de lycée l’étude portait sur la
naissance et la mise en place des régimes totalitaires, avec
une comparaison entre eux, il s’agit désormais de présenter les
caractéristiques spécifiques de chaque régime, en insistant sur
des points forts qui permettent d’individualiser les totalitarismes.
Il s'agit également de montrer en quoi cela a un impact réel
sur l’Europe tout entière et sur les relations internationales.
C’est le cas de la collectivisation forcée des terres en URSS sous
Staline, ou de la politique antisémite du nazisme dès son arrivée
au pouvoir alors que cela n’apparaît en Italie qu’à la veille de
la Seconde Guerre mondiale. Dans ce contexte, l’étude de la
guerre d’Espagne sous la forme d’un PPO est une nouveauté
de ce programme scolaire par rapport aux anciens. Elle permet
de montrer comment la violence des régimes totalitaires
s’est exercée en Espagne (Guernica), et comment les trois
régimes sont intervenus à des fins politiques, idéologiques et
stratégiques dans cette guerre.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Nous avons choisi d’organiser ce chapitre dans les bornes
chronologiques de l’entre-deux-guerres (1919-1939) et, plus
précisément à partir de 1922, année de la marche sur Rome
de Mussolini et de l’accession de Staline au poste de secrétaire
général du PCUS. Le chapitre suivant concerne la Seconde
Guerre mondiale (1939-1945) et les trois PPO du chapitre 2 sont
concentrés sur les années 1936-1938, il fallait donc le clore en
1939 et accorder une place importante aux années 1936-1939.
Les notions centrales du chapitre sont celles de totalitarisme
(définition donnée en ouverture de chapitre), de Grande Terreur
(voir leçon 1) et de dictature (voir étude sur la Guerre civile espagnole).
Les principaux personnages sont les leaders des régimes
totalitaires, Mussolini, Hitler et Staline. Mais nous avons
souhaité intégrer aussi d’autres figures importantes, comme
la Pasionaria ou Franco.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Chaque professeur va s’approprier le chapitre à sa manière, en
fonction des compétences qu’il veut travailler avec ses élèves
et des études qui lui semblent pertinentes. Néanmoins, il
doit traiter obligatoirement des PPO, les points de passage et
d’ouverture (voir programme). Ici, nous avons fait le choix de
proposer deux scénarii conformes aux attendus du programme
et utilisant une partie des ressources du manuel. Beaucoup
d’autres voies sont bien évidemment envisageables, en raison
de la richesse et de la diversité des documents et des études
proposés dans ce chapitre.
Un parcours complet (en 6 heures, évaluation comprise) :
chaque chapitre du thème est ici conçu pour être traité en
5 heures, hors évaluation.
1re séance : état des lieux : Partir des deux documents
iconographiques (pages 46-47) pour faire comprendre aux
élèves que les régimes totalitaires ont embrigadé leur jeunesse
et mené une politique de violence d’État envers des civils.
Continuer par le commentaire des cartes pages 48-49 pour
mettre en place le contexte politique du développement des
régimes totalitaires en Europe (carte 1).
2e séance : La classe est divisée en 6 groupes. Deux groupes
sont créés par l’enseignant selon leur capacité dans l’analyse
de documents et étudient les documents pages 50-51 sur

Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 21

 le fascisme italien (page 51, parcours 1 ou parcours 2). Deux
autres groupes travaillent sur le régime soviétique pages 52-53,
avec la méthode bac d’analyse d’une affiche de propagande.
Les deux derniers groupes étudient le nazisme (pages 56-57).
3e séance : Restitution des travaux de groupes, mise au point
scientifique de l’enseignant, trace écrite élaborée au fur et à
mesure à partir des réponses données par les élèves. L’objectif
est de définir les caractéristiques des régimes totalitaires.
4e séance : La séance porte sur l’étude des deux PPO, celui
sur la Grande Terreur en URSS de 1937-1938 (pages 54-55) à
l’aide du parcours 1, et celui sur la « nuit de Cristal » du 9 au
10 novembre 1938 (pages 58-59), là aussi avec le parcours 1.
Séance en cours dialogué pour conclure sur la violence et la
terreur dans les régimes totalitaires.
5e séance : Il s’agit d’étudier la guerre civile espagnole : le contexte
(à l’aide des pages 64-65) est rapidement expliqué aux élèves
par le professeur. Le rôle des pays étrangers est abordé pendant
le reste de la séance, car il s’agit d’un PPO (pages 66-67). Le
professeur termine en rappelant comment l’ordre européen est
menacé par les totalitarismes : les élèves doivent télécharger et
compléter le schéma bilan proposé page 69.
Révisions pour le contrôle : à la maison, les élèves utilisent les
pages 76-77.
6 e séance : Évaluation à partir de l’une des questions
problématisées proposées page 75.
Un parcours plus rapide, allégé (en 4 heures, évaluation
comprise) :
1re séance : état des lieux (25 minutes) : Partir des deux
documents iconographiques (pages 46-47). Continuer par
le commentaire des cartes pages 48-49 pour mettre en
place le contexte politique du développement des régimes
totalitaires en Europe. Puis, dans un second temps, on définit
les caractéristiques des trois régimes totalitaires à l’aide des
documents du manuel : le fascisme (pages 50-51), le stalinisme
(pages 52-53) et le nazisme (pages 56-57). Les élèves sont
répartis en groupes de 4 et travaillent sur un seul des trois
régimes en suivant le parcours 1 proposé à chaque fois.
2e séance : Restitution d’un groupe sur chaque régime,
compléments de l’enseignant et trace écrite sur les
caractéristiques des régimes totalitaires.
3e séance : La violence des totalitarismes est abordée par le
professeur à travers les études des deux PPO : la Grande Terreur
en URSS (pages 54-55) et la « nuit de Cristal » en Allemagne
nazie (pages 58-59). Trace écrite sur la violence des régimes
totalitaires à l’aide du schéma proposé page 63.
Révisions pour le contrôle : à la maison, les élèves utilisent les
pages 76-77.
4e séance : Étude (25 minutes) du PPO sur les interventions
étrangères dans la Guerre civile espagnole (pages 66-67), puis
évaluation à travers l’exercice page 71.

Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Régime soviétique
Stéphane COURTOIS, Nicolas WERTH, Jean-Louis
PANNÉ, Andrzej PACZKOWSKI, Karel BARTOSEK, Jean-
Louis MARGOLIN, Le Livre noir du communisme :
Crimes, terreur et répression, Paris, Robert
Laffont, 1997 : un livre qui dresse un terrible
bilan du stalinisme.
Andrea GRAZIOSI, Lettres de Kharkov : la
famine en Ukraine 1932-1933, Paris, Les
Éditions Noir sur Blanc, 2013 : une référence
pour comprendre l’Holodomor.
Jean-Jacques MARIE, Staline, Paris, Fayard,
2001 : une biographie complète.
Norman M. NAIMARK, Les Génocides de Staline,
Paris, L’Arche, 2012 : un point complet sur la
politique d’extermination menée par Staline.
Nicolas WERTH, La Terreur et le désarroi :
Staline et son système, Paris, Perrin, 2007 :
une enquête fouillée sur le stalinisme.
Les Mondes du Goulag, L’Histoire, n° 461,
juillet-août 2019.
Régime fasciste
Pierre MILZA, Mussolini, Paris, Fayard, 1999 :
une biographie très riche du dictateur italien.
Régime nazi
Johann CHAPOUTOT, Comprendre le nazisme,
Paris, Tallandier, 2020 : une enquête
complète sur les fondements et les ressorts
de l’idéologie nazie.
Ian KERSHAW, Qu’est-ce que le nazisme ?
Problèmes et perspectives d’interprétation,
Paris, Gallimard, 1992 : l’ouvrage de base sur
le sujet.
Xavier DE HAUTECLOQUE, Au cœur de
l’Allemagne nazie, Paris, Arthaud, 2019 : un
grand reporter des années 1930 témoigne.
Éric BRANCA, Les Entretiens oubliés d’Hitler
1923-1940, Paris, Perrin, 2019 : les
nombreuses interviews accordées par Hitler
aux journaux des démocraties occidentales.
« Dans l’ombre d’Hitler, les théoriciens, les
complices, les rivaux », Géo Histoire n° 66,
janvier 2020.
« Les femmes dans le système nazi »,
L’Histoire n° 403, septembre 2014.
La guerre d’Espagne
Ksawery PRUSZYNSKI, Espagne rouge, scènes
de la guerre civile 1936-1937, Éditions
Buchet Chastel, 2020 : un reporter polonais
témoigne pendant la guerre d’Espagne.
Hugh THOMAS, La Guerre d’Espagne. Juillet 1936
– mars 1939, Éditions Robert Laffont, 2009 :
l’ouvrage de référence sur la question.
« Guerre d’Espagne, pourquoi la république a
perdu », L’Histoire n° 427, septembre 2016.
Hadrien NAFILYAN, Thomas JACQUEMIN,
La Guerre civile espagnole, berceau du
Franquisme – Les 1 000 jours d’une lutte
fratricide, Lemaitre Publishing, collection
50Minutes, 2015 : l’essentiel, précis et clair.
Sitographie
https://enseignants.lumni.fr/parcours/0023/
les-regimes-totalitaires-dans-l-entre-deux-
guerres.html : de courtes vidéos de l’INA
sur de nombreuses thématiques comme les
Balillas, la bataille du blé, le stakhanovisme,
les défilés, publiés par des enseignants de
l’académie de Rennes et de Grenoble.
www.ac-strasbourg.fr/pedagogie/
histoiregeographie/formations/
actualisation-disciplinaire/lart-et-les-
artistes-sous-les-regimes-totalitaires/ :
un point complet sur l’art et les artistes sous
les régimes totalitaires.
www.memorial-caen.fr/le-musee/la-
seconde-guerre-mondiale/la-faillite-de-la-
paix/la-montee-du-nazisme-en-allemagne :
une page du mémorial de Caen consacrée à
la montée au pouvoir d’Hitler.
www.yadvashem.org/fr/shoah/a-propos/
apercu-general-1933-39/la-montee-du-
nazisme-et-le-debut-des-persecutions.html :
la mise en place des persécutions contre les
Juifs dans l’Allemagne des années 1930, le
site du mémorial Yad Vashem.
www.youtube.com/watch?v=iDtOk1WXAiU :
Democratia – Mussolini la révolution noire :
la montée au pouvoir du fascisme italien
dans un documentaire de 2019 (51’48)
d’Edoardo Malvenuti, coproduction France
Télévisions & Mureterraniu Production.
www.youtube.com/watch?v=IpMlZBq-7iQ :
l’embrigadement de la jeunesse nazie
(documentaire de 10’11) documentaire de
David Korn-Brzoza, production ZED, avec la
participation de France Télévisions.
www.youtube.com/watch?v=9Rz1czAh_Yc :
les années 1930 - Staline et le communisme,
un extrait précis (3’38), extrait du Tyran
rouge, de Mathieu Schwartz, Serge de
Sampigny, Yvan Demeulandre, sorti en 2007.

22

Ouverture p. 46-47
Cette double-page d’ouverture permet d’entrer dans l’étude
des régimes totalitaires. La problématique qui a été retenue
est : « Comment la mise en place des régimes totalitaires dans
l’entre-deux-guerres a-t-elle eu un impact considérable sur
l’ordre européen ? »
Il s’agit en effet de présenter les caractéristiques propres à
chaque régime, pour montrer en quoi l’utilisation de la violence
est au cœur de leurs pratiques et comment cela a engendré
des tensions internationales et des guerres qui ont déstabilisé
l’Europe avant de la précipiter dans un nouveau conflit mondial
à partir de septembre 1939.
Le document 1 est une photographie montrant Hitler passant
en revue les Jeunesses hitlériennes à Nuremberg en 1938.
Ce document témoigne de l’embrigadement de la jeunesse
dans les années 1930 dans des organisations paramilitaires.
Le choix de Nuremberg s’explique car il permet au professeur
d’introduire cette ville où se réunit chaque année de 1933 à
1938 le congrès du parti nazi.
Réponse à la question :
L’embrigadement de la jeunesse se manifeste ici par le nombre
de jeunes présents, leur manière de saluer au même moment
le Führer, l’uniforme qu’ils portent. On sent une dévotion forte
vis-à-vis d’Hitler qui défile debout dans sa voiture aux côtés
de son chauffeur.
Le document 2 est également une photographie. Elle permet
au professeur d’introduire la notion de violence d’État à travers
l’Holodomor, la famine organisée par le régime stalinien contre
les Ukrainiens. L’idée est de montrer que tous les totalitarismes
ont fait usage de la violence, alors que les élèves la réduisent
souvent au nazisme.
Réponse à la question :
Les cinq enfants présents sur la photographie 2, victimes de
l’Holodomor en Ukraine, sont dans le dénuement le plus total,
comme le montrent leurs haillons et l’état de leur maison.
Mais ce sont surtout les traces de la famine qu’ils subissent qui
choquent et sautent aux yeux : côtes décharnées de l’enfant le
plus à droite, ventre gonflé du quatrième en partant de la gauche.
Affamer des enfants, c’est le moyen de tenir une population, de
l’obliger à obéir, voire même de tenter de l’exterminer. Ce que
Staline met en place en Ukraine dans les années 1932-1933.
Ces deux documents peuvent servir d’accroche pour permettre
aux élèves de comprendre comment les régimes totalitaires
fonctionnent, quels sont leurs ressorts principaux.
Cartes p. 48-49
Le développement des régimes
totalitaires
L’objectif de cette double-page est de faire comprendre aux
élèves comment le nazisme et les régimes totalitaires se sont
répandus en Europe.
Document 1 : La première carte, page 48, montre comment
le nazisme s’est répandu en Europe via les conquêtes d’Hitler
de 1935 à 1939. Après avoir organisé un référendum en Sarre
qui permet la réunification avec l’Allemagne, Hitler réarme la
Rhénanie, en violation flagrante du traité de Versailles de 1919.
En 1938, il annexe l’Autriche (Anschluss) et le territoire des
Sudètes. En 1939, il s’empare de la Bohême-Moravie (République
tchèque) et signe un pacte de non-agression avec Staline le
23 août 1939. Hitler contrôle ainsi toute l’Europe centrale, est
allié avec l’Italie, la Hongrie et la Slovaquie. Mussolini s’est
emparé de l’Albanie en avril 1939.
Document 2 : La seconde carte présente les différents types
de régimes à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Les
démocraties concernent l’Europe du Nord, la France, la Suisse
et la Tchécoslovaquie. Le reste de l’Europe connaît des régimes
totalitaires ou autoritaires, dès les années 1920 pour certains
(Portugal, Lituanie, Turquie ou Albanie par exemple).
Réponses aux questions :
Question 1 : L’Allemagne, humiliée par le traité de Versailles
de 1919, se lance dans le réarmement avec Hitler. Après avoir
rattaché la Sarre et remilitarisé la Rhénanie (1935-1936),
Hitler met la main sur l’Autriche (Anschluss, 1938), Memel et
la Bohême-Moravie (mars 1939).
Question 2 : À la veille de la Seconde Guerre mondiale, les
régimes autoritaires dominent en Europe : en 1938, l’Europe
de l’Est, l’Europe du Sud et l’Europe centrale (à l’exception de
la Tchécoslovaquie) sont sous l’emprise de régimes autoritaires.
L’Italie fasciste et l’Allemagne nazie ne sont que deux exemples
de régimes autoritaires, qui sont allés encore plus loin pour
devenir des régimes totalitaires.
Étude p. 50-51
Le fascisme italien, une nouvelle forme
de dictature
Problématique : Quelles sont les particularités du fascisme
dans l’Europe de l’entre-deux-guerres ?
Comme le programme invite à le faire, il s’agit ici de mettre en
avant les caractéristiques du régime fasciste, l’idéologie qui
est au cœur de son fonctionnement et l’embrigadement de la
jeunesse. Nous avons choisi d’intégrer également un document
montrant que le fascisme s’est rallié aux idées antisémites qui
étaient développées par Hitler et les nazis (doc. 6).
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page à l’aide
du questionnement proposé, qui permet deux parcours
différenciés, le parcours 1 pour les élèves ayant besoin d’être
un peu aidés, le parcours 2 pour permettre aux élèves de
travailler en groupe et de pratiquer l’oral.
Proposition 2 : je dois aller plus vite : je recentre l’étude autour
de deux documents : le texte 1, qui permet de comprendre
comment la dictature fasciste a été mise en place en Italie, et
le document 6, qui insiste sur la notion de race en Italie, un
aspect trop souvent occulté et « réservé » à l’étude du nazisme.
Le document 1 est un discours de Mussolini prononcé le
3 janvier 1925 devant l’Assemblée. C’est un tournant dans la
politique italienne : par ce discours, Mussolini met en place les
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 23
 « lois fascistissimes » qui instaurent la dictature. La monarchie
parlementaire est remplacée officiellement par un régime
autoritaire. Cela se fait à la suite de l’assassinat du député
socialiste Matteotti en juin 1924 par des militants fascistes.
Mussolini profite de la réaction outrée de l’opinion pour mettre
en place son régime.
Le document 2 est une photographie qui présente le quartier de
l’EUR, l’Exposition Universelle Romaine. Ce quartier a été voulu
par Mussolini pour montrer aux yeux de monde la grandeur du
régime. Il devait être inauguré en 1942 lors de cette exposition
qui célébrait les 20 ans du régime fasciste. Ce quartier, inspiré
des bâtiments antiques romains, est marqué par son gigantisme.
Les plans du quartier EUR ont été dessinés en 1937 par les
architectes et urbanistes italiens Giuseppe Pagano, Marcello
Piacentini, Luigi Piccinato, Ettore Rossi et Luigi Vietti. Les larges
avenues desservent une douzaine de palais monumentaux,
dont le palais de la civilisation du travail.
Le document 3 est une photographie montrant Mussolini en
train d’aider au fauchage des blés près de Littoria. Elle sert la
propagande du régime : les marais pontins ont été asséchés,
les terres bonifiées, pour développer les cultures. L’objectif est
d’assurer une autonomie alimentaire, une autosuffisance, à
l’Italie. C’est la « bataille du blé », lancée le 20 juin 1925. En effet,
à cette époque, le pays devait importer 1/3 du blé consommé
par la population.
Le document 4 est une photographie mettant en scène les
Balillas à l’entrée du Val d’Aoste en mai 1939. Dès leur plus jeune
âge, les jeunes sont en effet embrigadés dans des organisations
de jeunesse paramilitaires, des Fils et filles de la louve (6 à
8 ans) aux Avant-gardistes (14-18 ans), les Balillas concernent
les garçons ayant entre 8 et 14 ans. Ici, la structure construite
sur la route forme le « M » de Mussolini, très représenté dans
les manifestations officielles de la jeunesse. Les Balillas sont
tous en uniforme prêts à saluer le Duce à son passage. Le culte
du chef est à son comble.
Le document 5 est un autre texte de Mussolini daté cette fois
de 1934. Il affirme la toute-puissance de l’État, du collectif sur
l’individu. Mussolini explique en quoi, selon lui, la démocratie
est un mauvais système politique.
Le document 6 enfin reprend la couverture du premier numéro
de la revue La Défense de la race, publié en août 1938. Il permet
aux élèves de comprendre que le fascisme était comme le
nazisme un régime raciste, avec les premières lois antisémites
en 1938 en Italie. Le journal paraît jusqu’en juin 1943. Il s’appuie
sur de prétendus arguments scientifiques pour justifier la
politique antisémite de Mussolini, mise en place après les
entrevues avec Hitler en septembre 1937 et mai 1938.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Mussolini contrôle le pays en instaurant un régime
autoritaire, soumis à son bon vouloir, hostile à la démocratie
jugée inefficace et même dangereuse (doc. 5). Tout le pouvoir
appartient à l’État fasciste, qui intervient dans tous les domaines
de la vie des citoyens : politique, éducation… Mussolini s’appuie
sur le contrôle de l’appareil d’État, sur la propagande et sur
l’embrigadement de la jeunesse. Le Parti national fasciste est
le seul parti autorisé et l’opposition est muselée. (doc. 1).
Question 2 : Pour Mussolini, il est important de se placer dans
24
la continuité de l’Empire romain car c’est pour lui le moment de
l’histoire où le pays était à son apogée. Refaire la Mare Nostrum,
c’est de nouveau exister comme grande puissance ; s’inspirer de
l’architecture antique, c’est montrer d’où on vient et proclamer
qu’on s’inscrit dans le temps long de l’histoire et de l’avenir.
Question 3 : Pour que la population adhère aux idées du
fascisme, Mussolini a recours à deux moyens principaux :
La mise en place d’un véritable culte du chef (doc. 3), le Duce,
infaillible, visionnaire, qui guide les Italiens vers un avenir
meilleur et glorieux ;
L’embrigadement de la jeunesse (doc. 4), car former les jeunes,
leur inculquer très tôt les valeurs et les idées fascistes, permet
d’inscrire le régime dans la durée et de faire adhérer les enfants
et les adolescents à l’idéologie de Mussolini, de les faire obéir
sans réfléchir au chef.
Question 4 : Mussolini met en place une politique raciale
avec les lois antisémites de 1938. C’est suite aux entrevues de
Mussolini et d’Hitler (septembre 1937 et juin 1938) que ces
lois sont préparées et mises en application. Le fascisme italien
prétend se fonder sur des enjeux scientifiques, mais consiste
en un racisme d’État, comme le prouve la loi raciale interdisant
tout mariage entre Italiens et sujets des colonies africaines
(1937). Mussolini veut créer une société entièrement nouvelle,
débarrassée du passé, où les Italiens ne se « mélangent pas »
aux Africains ou aux Juifs.
Bilan L’idéologie fasciste est réellement mise en place en
Italie avec les lois fascistissimes de 1925 qui permettent à
Mussolini d’instaurer la dictature.
Cette idéologie repose sur plusieurs leviers et est largement
mise en scène par le régime :
– La primauté de l’État, tout-puissant, qui contrôle tous les pans
de l’économie et de la société (régime totalitaire) est réaffirmée
par Mussolini dans de grands discours (doc. 5) ;
– Le contrôle des institutions par un chef infaillible, un guide,
le Duce, à qui on rend un culte (doc. 3 et 4) ;
– Le rappel de la grandeur de la Rome antique (doc. 2) ;
– Une société anti-égalitaire, un vie politique anti-démocratique,
une économie anti-libérale (doc. 1, 3 et 5) ;
– La primauté de la « race italienne » sur les autres « races » (doc. 6).
Parcours 2
On reprend en partie le bilan du parcours 1, dans une structure
un peu différente.
Exemple d’introduction possible : Le régime fasciste s’impose
en Italie après la « marche sur Rome » et la nomination de
Mussolini au poste de chef du gouvernement en 1922. Mais ce
sont les lois fascistissimes de 1925 qui lui permettent d’instaurer
la dictature.
Pour le premier élève, qui présente le fonctionnement politique
(doc. 1, 3 et 5 comme appui), il faut veiller à ce qu’il présente
la toute-puissance du parti fasciste, seul parti autorisé, la lutte
contre les opposants voire leur élimination (Matteotti, 1924)
et la police politique (OVRA). En insistant sur l’importance de
Mussolini qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs car
il incarne le peuple et l’État italien.
Pour le second élève, qui développe les idées raciales (doc.
2 et 6 en appui), il lui faut montrer que Mussolini a d’abord
développé le rappel de la Rome antique : les Italiens sont un
peuple qui doit être fier de son passé glorieux. Puis il lui faut
s’intéresser à la montée de l’intransigeance raciale, avec les
lois antisémites de 1938.
Pour le troisième enfin, qui parle de l’embrigadement de la
jeunesse (doc. 4 et 5 en appui), il doit insister sur la volonté de
créer un homme nouveau, contrôlé, où l’individu laisse place
au groupe, avec un embrigadement dès le plus jeune âge (Fils
et filles de la louve dès 6 ans).
Ne pas oublier de donner des conseils aux élèves sur leur
posture, le placement de leur voix, leur capacité à argumenter,
afin de les aider à progresser à l’oral et à gagner en aisance.
Étude Méthode Bac p. 52-53
Le régime soviétique : la toute-
puissance du parti communiste
Problématique : Comment Staline et le parti communiste
d’URSS utilisent-ils la violence et la propagande pour contrôler
le pays ?
Cette étude vise à répondre aux attentes du programme sur
la présentation des caractéristiques du régime soviétique. On
aborde pour cela l’idéologie stalinienne, la politique menée
autour d’un parti communiste tout-puissant et la propagande
mise en place au service d’un chef jugé infaillible, Staline.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page par les
questions du parcours proposées page 53.
Proposition 2 : je travaille la méthode d’analyse d’un document
en histoire, en l’occurrence ici une affiche de propagande.
Le document 1 est un document écrit par Staline en janvier 1934
extrait du rapport au XVIIe congrès du PCUS. Dans ce texte,
Staline justifie la lutte contre les opposants politiques et le
contrôle exclusif du PCUS, parti unique du pays. Pour lui, le
parti désormais débarrassé de ses adversaires voit sa ligne
validée par ses résultats. Il considère que c’est une réussite et
qu’il n’y a donc pas lieu d’en parler.
Le document 2 est un témoignage rare d’une jeune fille qui
revient sur la mise en place de la collectivisation des terres
à partir de 1929. Elle insiste sur les conditions terribles dans
lesquelles elle a été mise en place via la création des kolkhozes :
la violence utilisée par la police politique, la confiscation des
terres et des bêtes, la pression physique et psychologique.
Le document 3 est un document de propagande vantant les
mérites de la collectivisation des terres (1932). Ici, l’objectif
est de montrer la réussite de la politique de l’État soviétique :
mécanisation, meilleure organisation de la production,
rationalisation…. Les paysans ont l’air heureux de vivre ces
transformations.
Le document 4 est une affiche de propagande de 1935 qui
vise à présenter Staline comme le bienfaiteur de la nation.
Souriant, placé sur la partie droite de l’affiche, il est acclamé et
célébré par des enfants qui lui offrent des fleurs et le saluent.
Les plus grands ont le costume des komsomols, les jeunesses
communistes.
Le document 5 enfin est un article de presse de la Pravda,
l’organe officiel du PCUS, daté du 2 septembre 1935 qui célèbre
Stakhanov, présenté comme un héros national pour avoir battu
le record de production d’un ouvrier et largement dépassé
la quantité que chaque mineur doit produire (la norme). Cet
article sert également la propagande du régime, pour montrer
le succès de l’industrie lourde et le dévouement des ouvriers
soviétiques.
Réponses aux questions :
Le parcours
Question 1 : Le PCUS, le parti communiste de l’URSS, seul parti
autorisé dans le pays, obéit à Staline. Celui-ci l’a débarrassé de
ses courants, des opposants, pour suivre sa ligne directrice, que
Staline place dans la lignée de ce que voulait Lénine (alors que
nous savons qu’il n’en est rien historiquement). Désormais, le
parti communiste contrôle totalement l’État avec une main
de fer. Aucune critique n’est autorisée.
Question 2 : On a ici deux visions très différentes de la mise
en place des kolkhozes lors de la politique stalinienne de
collectivisation des terres. Le document 3 présente la vision
officielle de cette politique : une agriculture qui fonctionne,
qui s’est mécanisée, qui produit bien, où les agriculteurs sont
heureux. En revanche, le document 4 est une sévère critique
de cette politique : la jeune fille citée montre que cela s’est fait
dans la violence et la coercition, par confiscation des terres et
des bêtes des paysans, sous la pression de la police politique
du pays, la GPU.
Question 3 : Pour contrôler le pays, le régime stalinien a recours
à une propagande très importante, qui utilise tous les supports
possibles : articles dans une presse contrôlée, affiches…. La
politique stalinienne doit être saluée partout, montrée pour ses
réussites réelles ou supposées. Le culte du chef est exacerbé.
Bilan Staline, qui s’est débarrassé de ses opposants pour
devenir secrétaire général du PCUS, doit asseoir sa légitimité
alors qu’il n’a pas été choisi par Lénine pour lui succéder. Pour
cela, il utilise tous les moyens de la propagande.
La propagande lui sert d’abord à légitimer son pouvoir et son
action. S’il a purgé le parti, c’est pour le bien du peuple, pour
assurer l’héritage de Lénine (doc.1). Il n’a pas agi pour lui, il
a agi pour le bien de l’État, permettant au PCUS de devenir
tout-puissant et donc de construire un monde meilleur pour
les Soviétiques.
La propagande sert à montrer ses réussites économiques
(doc. 3) : s’il a fallu forcer les paysans réfractaires, ou se
débarrasser des paysans qu’il jugeait riches (les koulaks), la
collectivisation des terres serait un succès, avec une production
agricole en hausse, grâce à un recours massif à la mécanisation
et au soutien des agriculteurs. De même, la priorité accordée à
l’industrie lourde est un succès, notamment par l’enthousiasme
des ouvriers mis en avant par Staline et le journal officiel, La
Pravda. Staline a créé le stakhanovisme de toute pièce pour
cela (doc. 5).
Et la propagande sert enfin à montrer l’enthousiasme de la
population russe (doc. 4 et doc. 3), qui soutiendrait cette
action, et célèbrerait son héros national infaillible, son guide,
son Vojd, Staline.
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 25
 MÉTHODE BAC
L’analyse de l’affiche de propagande – document 4 page 53 :
Étape 1 : Cette affiche répond à une commande officielle de
l’État soviétique et du régime stalinien. Datée de 1935, elle vise
à montrer que Staline a le soutien de son peuple, que celui-ci
comprend sa politique et le sens de ses réformes. Elle s’adresse
à la population russe et vise à lui donner l’impression que tout
va bien dans le pays.
Étape 2 : Staline est représenté sur la droite de l’affiche, souriant
d'un air bienveillant. Tous les regards des enfants présents sur la
partie gauche convergent vers lui. Les enfants ont l’air très heureux,
comme s’ils accueillaient non le chef de l’État mais un membre
de leur famille pour une fête en son honneur. Les symboles du
communisme sont très présents : l’étoile rouge sur le Kremlin au
fond, l’uniforme des komsomols, les jeunesses communistes, le
drapeau rouge… Le texte montre que la propagande ne passe pas
que par l’image mais aussi par des slogans courts et percutants.
Étape 3 : En 1935, Staline a terminé la collectivisation des terres
(kolkhozes, sovkhozes) menée de 1929 à 1933 et a fortement
purgé le parti communiste (1934, Kirov). Le régime stalinien a
compris l’importance de la propagande et utilise tous les canaux
possibles : radio, manifestations de masse, encadrement de la
population, affiches, presse contrôlée…
Le message que veut faire passer l’affiche est clair ; il s’agit de
montrer l’enthousiasme de la population russe qui soutiendrait
la politique de Staline, considéré comme le père de la nation.
Cela permet de cacher les reproches formulés ou plutôt juste
pensés par certains…
C’est bien une affiche de propagande car ici on a l’image d’un
monde parfait : tous les personnages sourient, la construction de
l’affiche est très claire, avec les lignes de fuite, avec la convergence
des regards des enfants sur Staline. Le slogan est également au
service de la propagande et vise à montrer la reconnaissance
des enfants vis-à-vis de Staline. Le régime a régulièrement utilisé
des enfants sur les affiches pour montrer que l’on construit un
meilleur monde pour demain, pour les générations futures.
À l’époque, tous les régimes totalitaires utilisent la propagande.
Goebbels est ainsi à la fois le ministre de l’Information et de la
Propagande d’Hitler. Ici, l’enfance heureuse est à relativiser :
si elle peut être celle des membres du PCUS, on est loin de
connaître cela en Ukraine (Holodomor en 1932-1933), dans
les campagnes et chez de nombreux ouvriers. La misère est
très présente en URSS en 1935.
POINT DE PASSAGE p. 54-55
1937-1938, la Grande Terreur en URSS
Problématique : Comment Staline contrôle-t-il la justice
soviétique pour soumettre la société à son autorité ?
Cette double-page vise à répondre aux attentes du programme
sur un PPO consacré à la Grande Terreur en URSS de 1937 à
1938. Il s’agit en effet de faire un point précis sur les procès de
Moscou qui sont organisés à partir d’août 1936 et vont instaurer
dans tout le pays un climat de terreur, avec des arrestations
massives et rarement justifiées.
26
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page par les
questions des parcours proposés page 55.
Proposition 2 : je travaille plus rapidement sur le sujet, je me
concentre sur les causes (doc. 1) puis les faits (doc. 2, 4 et 5)
en cours dialogué avec la classe.
Le document 1 est un extrait d’un manuel d’histoire du Parti
communiste de l’URSS, publié en 1938. Il présente les grands
procès organisés pour purger le parti en 1937-1938. Ce manuel
est un très bel exemple d’une œuvre de propagande, toute
dévouée au régime. Ici, la politique et les actions de Staline
sont ainsi justifiées par une argumentation partisane.
Le document 2 est composé de deux photos disposées l’une
au-dessus de l’autre pour en faciliter la comparaison. Il s’agit
ici de montrer comment la propagande stalinienne va même
jusqu’à effacer au sens concret du terme le souvenir d’anciens
amis et proches de Staline aujourd’hui tombés en disgrâce et
condamnés, comme ici le chef de la police politique, le NKVD,
démis de ses fonctions en décembre 1938 et fusillé en 1940.
Nicolaï Iejov, qui fut le principal artisan de la mise en place
des grandes purges, est remplacé par Lavrenti Beria. Staline a
trouvé en lui un responsable désigné de la terreur, le qualifiant
de « nabot sanguinaire » et « d’ennemi du peuple », alors qu’il
était en fait l’homme de main du Vojd.
Le document 3 reprend une lettre de Staline datée du
6 septembre 1936. Sous couvert de critique vis-à-vis de
La Pravda, l’organe officiel du PCUS, Staline déroule son
argumentation pour justifier sa politique de terreur dans les
domaines de la politique, de l’économie et de la société.
Le document 4 est une carte présentant les camps du Goulag.
Il s’agit ici de permettre aux élèves de situer géographiquement
les principales régions pénitentiaires et de comprendre en quoi
ces camps ont permis un développement industriel important
du pays, malgré toutes les horreurs qui y sont liées : exploitation
de mines, grands travaux…
Le document 5 enfin est un court témoignage d’un condamné
de la Grande Terreur, qu’il a réussi à faire passer à sa famille en
le dissimulant dans un bouton. Il décrit les terribles conditions
de son « jugement » et de sa rétention. Il a été exécuté un mois
après ce message. L’objectif est de bien faire comprendre aux
élèves l’horreur des procédés de la justice stalinienne de cette
époque.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Selon le PCUS, les grands procès étaient nécessaires
pour déjouer les complots ourdis par l’ensemble des opposants
à Staline. Ils étaient placés dans un même camp, qu’ils soient
bourgeois, trotskistes ou boukhariniens, alors que leurs
idées, leurs projets, n’avaient en fait rien à voir. L’idée est de
faire comprendre aux lecteurs qu’ils agissaient de concert
pour détruire l’État soviétique, pour le faire disparaître en le
morcelant, tout en utilisant l’appui des forces étrangères. C'était
donc des ennemis de l’État, mais aussi de la société soviétique,
qu’il fallait abattre. Comme ils agissaient en secret, seuls des
procès pouvaient les pousser à avouer leurs crimes et permettre
de comprendre comment leur réseau était organisé.
Question 2 : Staline a utilisé les grands procès et la Grande
Terreur pour arriver à ses fins, c’est-à-dire se débarrasser de
tous ses opposants, mais aussi de proches. Il justifie cette
action (doc. 3) par le fait que ses ennemis auraient voulu un
retour du capitalisme, en luttant contre l’industrialisation et
la collectivisation, bases de la politique socio-économique de
Staline. Quand ce fut terminé, il fallait trouver un coupable pour
les abus, ce fut son fidèle chef du NKVD, Nicolaï Iejov, démis
en décembre 1938 et fusillé en 1940 (doc. 2).
Question 3 : Les conséquences pour les suspects sont
immédiates : arrestation, torture et mauvais traitements (doc.
5), procès truqués. Et les condamnations sont quasiment
systématiques : déportations dans les camps du Goulag, pour
servir de main-d’œuvre gratuite pour le développement des
mines et des infrastructures, notamment en Sibérie (Norilsk,
Kolyma, Tchoukotka, etc.) (doc. 4).
Bilan Staline utilise la violence comme moyen d’action pour
contrôler la société soviétique.
La violence est d’abord directe, lors des arrestations, des
interrogatoires, de la rétention. Elle est aussi utilisée sur le long
terme, avec des conditions de vie terribles dans les camps du
Goulag, entre privations, coups et travail forcé sous un climat le
plus souvent terrible. C’est enfin la violence des propos sur les
suspects, et la décision de les effacer de la mémoire collective,
par exemple des photos officielles, comme si ces personnes
n’avaient même pas existé.
Parcours 2
Ce texte aborde la question des procès de Moscou, et
plus précisément le premier d’entre eux. Il nous éclaire sur
la dimension pédagogique de ce procès que Staline veut
développer et faire connaître aux Soviétiques.
Il s’agit en effet d’une sorte de bilan tactique rédigé par Staline
deux semaines après la fin de ce procès, le 6 septembre 1936,
peu de temps avant le remplacement de Guenrikh Iagoda par
Nikolaï Iejov à la tête du NKVD. Cette critique du traitement
du procès par La Pravda, pourtant le journal officiel du PCUS,
repose sur le fait que pour Staline l’accusation a trop porté sur
les personnes et pas assez sur les idées. Il veut en effet que les
Soviétiques voient ce procès comme celui de la défense d’une
certaine conception de l’État face à des idées néfastes pour
le peuple selon lui, développées par ses opposants dans une
« plateforme » (ligne 5), ce qui laisse à penser que tous ceux qui
sont jugés, malgré leurs parcours différents, ont en commun une
volonté de nuire au socialisme marxiste défendu par Staline.
Il explique en effet qu’en URSS, les dirigeants ne comptent
pas, qu’ils sont au service du parti et de l’État. Il insiste donc
sur les idées que ses opposants ont défendues selon lui, la
volonté du retour du capitalisme (lignes 20-24), la lutte contre
l’industrialisation et la collectivisation des terres (lignes 15-16).
Mais, si Staline a collectivisé l’ensemble des terres agricoles
à partir de 1929, il a de fait sacrifié l’agriculture au profit de
l’industrie lourde.
En fait Staline veut cacher qu’il a organisé une véritable chasse
aux sorcières pour se débarrasser de tous ses opposants et
apparaître à la fin comme le seul, l'unique héritier et successeur
légitime de Lénine. D’où son élimination du camp trotskiste
(lignes 1-2).
Étude p. 56-57
Le nazisme, un totalitarisme antisémite
Problématique : Cette étude vise à répondre aux attentes
du programme sur la présentation des caractéristiques du
régime nazi mis en place par Hitler après sa nomination comme
chancelier du Reich le 30 janvier 1933.
Comment Hitler parvient-il à instaurer en Europe un régime
totalitaire, expansionniste et antisémite ?
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page à l’aide
du questionnement proposé, qui permet d’aborder l’ensemble
des idées développées par Hitler et les moyens d’action mis
en œuvre par les nazis.
Proposition 2 : je dois aller plus vite : je choisis de ne traiter
que des grands points du nazisme : la mise en place du régime
totalitaire nazi (doc. 3), l’embrigadement de la jeunesse (doc. 2)
et la politique antisémite (doc. 4).
Le document 1 est une lettre écrite par Goebbels après le
procès des responsables du putsch de Munich en 1923. Le soir
du 8 novembre, Hitler et ses compagnons tentent un putsch en
Bavière, qui échoue le 9 novembre. Sont notamment impliqués
Ludendorff et le docteur Weber. Leur procès a lieu du 26 février
au 1er avril 1924. Hitler est condamné à cinq ans de prison : mais
il ne reste en prison que du 11 novembre 1923 (en détention
préventive, avant le procès) au 20 décembre 1924. Dans ce
texte, Goebbels défend l’action d’Hitler, qu’il présente comme
un héros, un visionnaire, un sauveur pour l’Allemagne : le culte
du chef a déjà commencé.
Le document 2 est une affiche de propagande de 1939
poussant les jeunes Allemands à s’enrôler dans les Jeunesses
hitlériennes, ce qui est obligatoire pour les « aryens » depuis
1938. Ici, Hitler, en fond de l’affiche, montre le chemin à suivre
au jeune et blond allemand. Tous les deux regardent vers la
droite, vers l’avenir, cet avenir tracé par Hitler que vont suivre
les jeunes aryens.
Le document 3 est un témoignage d’un universitaire allemand
d’origine juive qui a tenu un journal de 1933 à 1941, ce qui
nous permet de comprendre son ressenti au fil des jours, au
fur et à mesure des événements et des mesures prises par le
gouvernement nazi. Ici, c’est l’année 1933 qui est mise en avant
dans les extraits proposés.
Le document 4 est une célèbre affiche antisémite de 1937
qui annonce une grande exposition visant à montrer à tous le
caractère nocif des Juifs selon les nazis. Elle s’intitule « Le Juif
éternel ». En 1940, un film de propagande est sorti en salles
dans les territoires contrôlés par le Reich, avec le même titre,
pour dénoncer les « agissements » des Juifs.
Le document 5 enfin est un extrait de Mein Kampf, le livre
politique écrit par Hitler en captivité en 1924-1925. Il aborde la
politique extérieure que l’Allemagne doit suivre, aux dépens des
pays voisins, des nations jugées inférieures. C’est la théorie du
« Lebensraum », « l’espace vital », qui est ici expliquée par Hitler.
Pour lui, il est légitime que l’Allemagne étende son territoire
sur celui des peuples voisins jugés inférieurs.
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 27
 Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La propagande est mise au service de l’idéologie
nazie et du culte du chef, le Führer (« guide »). Hitler apparaît
comme un visionnaire, guide infaillible (lignes 10-11), qu’il faut
suivre pour arriver au succès, pour aller vers un monde et un
avenir meilleur (« vibrant de foi et sûr de l’avenir », lignes 4-5).
C’est pour cela qu’il est placé en fond d’affiche, presque comme
un dieu vivant guidant la jeunesse. Goebbels dit d’ailleurs qu’il
« accomplit des miracles » (ligne 2). Selon Goebbels, les idées
qu’Hitler défend sont pour le bien de tous, et on doit lui faire
confiance, il tiendra parole.
Question 2 : Après l’échec du putsch de Munich en 1923
(doc. 1), Hitler profite de son temps d’emprisonnement pour
rédiger Mein Kampf, « Mon Combat », dans lequel il présente
ses idées politiques et sa vision de la société. Après la crise
économique de 1929, son parti apparaît comme le seul à
pouvoir aider le peuple allemand. Il remporte les législatives
de 1932 et est nommé chancelier le 30 janvier 1933. À partir
de là, tout va très vite (doc. 3) : Hitler remporte les nouvelles
législatives le 5 mars 1933 et les nazis instaurent rapidement
une véritable dictature. Le NSDAP est le seul parti autorisé à
partir de la loi du 14 juillet 1933 (parti unique). Les arrestations
d’opposants se multiplient, comme le souligne le témoignage
de Victor Klemperer.
Question 3 : Chaque élève étudie en détail chaque document.
Par exemple, pour le document 4 :
L’auteur met en avant des stéréotypes physiques et moraux
qu’il prête aux Juifs.
Les pièces peuvent avoir plusieurs significations : elles peuvent
rappeler l’argent reçu par Judas comme prix de sa trahison
de Jésus (donc vouloir dire qu’un Juif est un traître envers
l’Allemagne, qu’il travaille pour l’étranger, qu’il se vend au
plus offrant) ; elles peuvent aussi rappeler que pour les nazis,
les Juifs sont ceux qui possèdent l’argent, les banques, donc
le crédit ; qu’ils exploitent le peuple allemand et vivent des
intérêts perçus et non de leur travail.
Sous son bras, le personnage porte une carte d’Allemagne,
flanquée des symboles soviétiques : il travaille donc pour
l’ennemi, pour les communistes. Il a par ailleurs dans sa main
gauche un fouet, qui rappelle celui qu’avaient les possesseurs
d’esclaves dans l’Antiquité : il exploiterait donc le peuple
allemand selon l’auteur de cette affiche.
L’objectif des nazis est d’avoir un bouc émissaire à offrir en pâture
au peuple allemand qui vit dans une conjoncture économique
difficile. Et mettre la main sur l’argent de cette communauté
est très utile au nazisme.
Cette affiche est donc parfaitement représentative de
l’antisémitisme nazi : un Juif désigné coupable de tous les
maux (vol, tromperie, trahison, etc.), au service des ennemis
du Reich et membre d’une race jugée inférieure (d’où le fait
qu’il apparaisse malade, voûté, etc.).
28
Ensuite, les élèves mettent en commun. Ils peuvent donc
aborder les points suivants :
– Un contrôle de la population par la propagande antisémite
(doc. 4) ;
– Un contrôle de la population par l’embrigadement de la
jeunesse (doc. 2) ;
– Un contrôle de la population par le culte du chef (doc. 2) ;
– Un contrôle de la population par l’utilisation de la violence
(doc. 5).
Question 4 : Pour Hitler, les peuples les plus forts ont le droit
légitime d’étendre leur territoire, car ils en ont besoin pour
avoir plus de richesses, plus d’enfants. C’est la théorie du
« Lebensraum », « l’espace vital », qui autorise selon Hitler les
Allemands à étendre leur territoire aux dépens des pays voisins.
Bilan Porté par Hitler, nommé chancelier le 30 janvier 1933,
le nazisme a rapidement accaparé le pouvoir et contrôlé
totalement la population allemande.
Les nazis ont très rapidement contrôlé la vie politique du
pays : nommé chancelier, Hitler s’assure de la victoire aux
législatives de mars 1933 et fait du NSDAP le seul parti autorisé
en Allemagne à partir de juillet 1933. Les opposants sont
traqués et arrêtés.
Hitler utilise à fond l’arme de la propagande, grâce à Goebbels,
son ministre de l’Information et de la Propagande. Le culte du
chef se développe, la jeunesse est embrigadée, l’antisémitisme
est développé pour créer des boucs émissaires au peuple face
aux difficultés qu’il rencontre.
Les nazis lancent également une politique extérieure agressive,
pour développer leur espace vital, leur « Lebensraum ». Pour
eux, l’utilisation de la force peut justifier l’agrandissement du
territoire allemand au détriment de peuples plus faibles, donc
de « races » jugées inférieures.
Parcours 2
Les nazis ont rapidement accaparé le pouvoir politique : nommé
chancelier, Hitler s’assure de la victoire aux législatives de
mars 1933 et fait du NSDAP le seul parti autorisé en Allemagne
à partir de juillet 1933. Les opposants sont traqués et arrêtés,
déportés dans les camps de concentration comme Dachau.
Toute opposition ou tentative d’opposition est réprimée.
La population est encadrée, contrôlée, dans tous les domaines
de la vie : le nazisme est bien un régime totalitaire. Ainsi, Hitler
utilise largement l’arme de la propagande : le culte du chef
se répand (affiches, cérémonies, manifestations, écrits divers,
etc.), la jeunesse est embrigadée, la presse contrôlée, les arts
mis au service du Reich et l’antisémitisme est développé pour
fédérer les Allemands contre un prétendu « ennemi commun ».
Fort du contrôle politique et social de leur population, les
nazis lancent alors une politique extérieure agressive, pour
développer leur « espace vital », leur « Lebensraum ». Pour
eux, l’utilisation de la force peut justifier l’agrandissement du
territoire allemand au détriment de peuples plus faibles, donc
de « races » jugées inférieures. Les Allemands auraient selon
eux le droit légitime de conquérir des terres pour leurs enfants,
pour nourrir leur population, mais aussi pour se venger des
revers de l’histoire récente.

POINT DE PASSAGE p. 58-59
9 au 10 novembre 1938, la « nuit de
Cristal »
Problématique : Il s’agit dans ce PPO d’insister sur le caractère
antisémite du nazisme, qui est un des fondements de son
idéologie et une différence flagrante avec les autres régimes
totalitaires, même si Mussolini a mis en place en 1938 des lois
antijuives. La « nuit de Cristal », le 9 novembre 1938, est le passage
à l’acte d’un régime qui jusque-là s’en était tenu pour l’essentiel
à des discours haineux et à des lois d’exclusion. La violence
envers les Juifs va devenir désormais une « méthode nazie ».
Comment la « nuit de Cristal » marque-t-elle le passage à la
violence physique contre les Juifs ?
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page à l’aide
du questionnement proposé, qui permet d’aborder les faits
précis de cette « nuit de Cristal », véritable accélérateur dans
la politique antisémite des nazis.
Proposition 2 : je dois aller plus vite : je choisis de ne traiter
que le récit des faits racontés par la presse française (doc. 2)
et mis en rapport avec le bilan chiffré de ce pogrom (doc. 5).
Le document 1 est une photographie de 1935 permettant de
montrer l’ancienneté de l’antisémitisme dans l’Allemagne nazie.
Ici, cela illustre les lois de Nuremberg de 1935 qui interdisent les
relations sexuelles entre une « aryenne » et un Juif ou entre un
« aryen » et une Juive. Le couple est exhibé pour être humilié
par les nazis et par la population.
Le document 2 est un article de presse publié en France
dans Le Figaro le 11 novembre 1938. Il relate les événements
tragiques qui se sont déroulés en Allemagne et montre la haine
des nazis à l'égard des Juifs, ainsi que les exactions commises.
Le document 3 est un témoignage intéressant car c’est celui
d’une jeune fille qui a vécu les événements et qui en témoigne
après la guerre. Elle raconte son arrestation et celle de sa famille
par les nazis, et tout ce qu’elle a pu voir : magasins saccagés,
synagogues incendiées, arrestations arbitraires, humiliations
multiples, etc. Après ces événements, elle n’a plus le droit de
fréquenter son école car elle est Juive.
Le document 4 est une photographie prise à Wiesbaden le
10 novembre 1938. Elle montre un lieu de culte juif en train
de brûler dans la seconde plus grande ville de la Hesse. Cela
permet de préciser aux élèves que les exactions furent terribles
dans les synagogues.
Le document 5 est un tableau statistique qui tente de dresser
un bilan chiffré de ce pogrom. Il montre combien les Juifs ont
été touchés pendant cette nuit d’horreur, dans leur chair et
dans leurs biens.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le document 1 permet de montrer que
l’antisémitisme, déjà présent dans Mein Kampf, s’affiche au
grand jour après la promulgation des lois de Nuremberg en
1935. Désormais, Juifs et « aryens » ne peuvent plus vivre en
couple, et de nombreuses professions sont interdites aux
Juifs. Pour que cette distinction soit bien visible, des couples
mixtes sont exhibés, comme celui de la photo, pour pousser
les passants à les huer, et donc à intégrer l’idée qu’il est normal
de mettre les Juifs à l’écart de la société allemande.
Question 2 : Le journal français décrit bien la réalité des
horreurs commises pendant cette nuit : meurtres, saccages
de magasins, incendies de synagogues. Il parle également
de la censure (appareils photo, par exemple des journalistes
étrangers, confisqués, lignes 24-27), de la police qui laisse
faire ou arrête même des victimes juives (lignes 11-14) et de
l’expulsion des Juifs du pays (lignes 28-29). Mais le journal ne
parle pas des responsables, on a l’impression que l’on a affaire
à un mouvement spontané du peuple allemand. Et le nombre
de morts et de blessés n’est pas vraiment perceptible.
Question 3 : La violence nazie s’est déchaînée contre les Juifs
qui ont vécu cette nuit dans la terreur : on a saccagé leurs
maisons et leurs magasins, incendié les synagogues et ils
ont été arrêtés sans raison par la police. Les écoles leur sont
ensuite interdites.
Question 4 : Les conséquences de la « nuit de Cristal » :
Conséquences humaines : meurtres, violences physiques,
humiliations, suicides, etc.
Conséquences politiques : renforcement du nazisme, impôts
spécifiques pour les Juifs venant alimenter le budget de l’État,
expulsion de Juifs du territoire, envoi dans des camps de
concentration, etc.
Conséquences matérielles : destructions de synagogues et de
magasins très nombreuses.
Bilan La violence nazie s’est déchaînée pendant la « nuit
de Cristal ».
La violence s’est d’abord manifestée par la destruction des biens
matériels des Juifs : magasins saccagés et pillés, synagogues
incendiées, vols dans les logements, etc.
Elle s’est surtout exprimée par la violence physique qui l’a
caractérisée : assassinats, coups portés, viols, menaces. Et la
police en a été complice, comme le témoignage de la jeune fille
le prouve (doc. 3). Les événements se sont enchaînés dans un
laps de temps très court. Le gouvernement allemand a menti sur
l’origine de ce pogrom, il ne veut donc pas en dresser un bilan.
Beaucoup de Juifs n’ont pas osé témoigner, raconter ce qu’ils
avaient vécu ou perdu. D’autres ont été arrêtés, déportés,
spoliés de leurs biens.
Parcours 2
Le régime nazi a manifesté dès le départ le caractère antisémite de
son idéologie. Hitler, dans Mein Kampf, était déjà très clair citant les
Juifs comme cette « race inférieure honnie ». Mais si les premières
années sont marquées par des lois d’exclusion comme les lois de
Nuremberg en 1935, par des actes d’humiliation ou de mépris,
la « nuit de Cristal » est un tournant dans la politique du Reich.
En effet, c’est lors de cet événement que pour la première fois
la violence physique est utilisée de manière massive par les
nazis contre les Juifs, à travers toute l’Allemagne et même en
Autriche, annexée par l’Anschluss. Si pendant la nuit du 9 au
10 novembre 1938, 267 synagogues ont été brûlées, comme
celle de la jeune fille qui témoigne (doc. 3, ligne 19) et comme le
rapporte le quotidien français (doc. 2, lignes 21-23), si les biens
matériels sont certes volés et détruits, c’est la première fois que
des Juifs sont frappés à mort (91 périssent pendant cette nuit) ou
grièvement blessés (doc. 5). Le Figaro ne relate que deux morts
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 29
 à Berlin (ligne 5), un bilan largement sous-estimé par le journal.
Mais la violence physique est aussi celle exercée par les forces
de l’ordre, comme en témoigne la jeune fille juive (doc. 3) :
arrestations arbitraires lors de rafles de Juifs, conditions terribles
de détention, etc. La violence physique montrée n’est donc pas
celle d’une foule prise de folie (doc. 2, lignes 1-2), mais une
violence intentionnelle, organisée par le régime.
Et cette violence physique s’est ensuite poursuivie bien au-delà
de cette nuit : des Juifs ont été internés dans des camps de
concentration dans des conditions épouvantables, d’autres
n’ont pas pu se reconstruire et se sont suicidés ; tous sont
soumis aux brimades répétées, aux menaces, aux arrestations
arbitraires. La « nuit de Cristal » a de fait institutionnalisé l’usage
de la violence physique contre les Juifs.
Leçon 1 p. 60-61
Les caractéristiques des régimes
totalitaires
Cette leçon vise à répondre aux attentes du programme sur
les caractéristiques des régimes totalitaires. Si des points
communs peuvent se dégager, la volonté a été ici de montrer
toutes les particularités qui fondent la spécificité de chaque
régime : fasciste, nazi et stalinien.
La problématique est la suivante : sur quels fondements les
totalitarismes s’appuient-ils pour se développer en Europe
dans l’entre-deux-guerres ?
En effet, l’étude des fondements idéologiques, mais aussi du
contexte propre à chaque régime, permet de comprendre
comment celui-ci a pu se mettre en place et contrôler totalement
un pays.
La première partie du cours rappelle que la principale
caractéristique d’un régime totalitaire est le contrôle de
l’ensemble du pouvoir politique, avec un parti unique et la
confiscation des élections, quand il y en a.
En Italie, Mussolini a été appelé à former un gouvernement par
le roi en 1922. Les élections sont largement contrôlées voire
truquées. L’opposant socialiste Matteotti est assassiné par des
fascistes en 1924 et Mussolini met en place la dictature en
1925 avec les lois fascistissimes. Parti unique en 1926, le parti
de Mussolini contrôle tout le pays et muselle toute opposition.
En Allemagne, Hitler a été nommé chancelier le 30 janvier 1933
par le maréchal Hindenburg, président de la République. Dans
les mois qui suivent, il confisque le pouvoir politique, faisant
du parti nazi, le NSDAP, le seul parti autorisé en juillet 1933.
Après la mort du maréchal en août 1934, Hitler va cumuler les
postes de président et de chancelier et devient le Reichsführer.
Les opposants politiques sont arrêtés et déportés dans les
camps de concentration comme Dachau.
En URSS, le PCUS est déjà le seul parti autorisé. Mais Staline
va purger le parti (1936-1938) pour éliminer toute opposition
interne, notamment des partisans de Trotski.
Un régime totalitaire contrôle la société dans son ensemble,
dans toutes ses dimensions.
30
La propagande d’État est développée massivement dans les
trois régimes pour instaurer un culte du chef par des affiches,
des cérémonies, des œuvres d’art de commande, etc. La presse
est contrôlée, la radio est utilisée pour diffuser l’idéologie du
régime.
La jeunesse est solidement encadrée dans des organisations
paramilitaires destinées à forger l’homme nouveau, obéissant
au régime et à son leader. Ce sont les Fils et filles de la louve et
les Balillas côté italien, les Jeunesses hitlériennes en Allemagne
ou les Komsomols en URSS.
Enfin, les trois régimes contrôlent totalement l’économie
nationale.
En URSS, Staline a lancé la collectivisation des terres pour créer
les kolkhozes, les coopératives d’État, et les sovkhozes, les
fermes d’État. La mécanisation est développée. Mais la priorité
a été donnée au développement de l’industrie lourde et à
l’accroissement des infrastructures (canaux, routes, gazoducs),
par la planification d’État (plans quinquennaux). En 1939, l’URSS
dispose de la seconde industrie mondiale derrière les États-
Unis, au prix de lourds sacrifices humains (famine, déportation
de main-d’œuvre, etc.).
En Italie, Mussolini développe l’autarcie, pour ne plus être
dépendant de l’étranger pour les approvisionnements. D’où
la bonification des terres comme celles des marais de la plaine
du Pô asséchés par le régime, et la bataille du blé.
En Allemagne, Hitler réarme le pays, construit des autoroutes
et développe l’industrie de guerre.
SCHÉMA BILAN Le schéma bilan permet aux élèves de
réviser le cours par une approche synthétique, logique, des
idées développées dans la double-page. L’idée est de montrer
comment chaque régime fait reposer son organisation totalitaire
sur le contrôle de l’économie (partie bleue du schéma) et de
la société (partie rouge du schéma), parfois par des moyens
semblables (la propagande notamment), souvent par des
processus différents (camps du Goulag en URSS, politique
aryenne en Allemagne, etc.).
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Activité numérique page 61 :
Menace :
– Seule organisation de jeunesse autorisée dès 1933 (0’30) ;
– Contre les faibles et les chétifs (4’12), humiliés et rejetés ;
– Contre les puissances étrangères : futurs soldats du Reich
(2’44), formés à se mouvoir et à se dissimuler en territoire
ennemi, démonstration de force vers l’extérieur (5’48) ;
Séduction :
– Monopole des camps d’été (0’45) ;
– Promesse d’un avenir radieux (1’10) ;
– Feux de camp où on chante, on raconte des histoires, on fait
des exposés idéologiques (1’47) ;
– Jeux de guerre, avec trophées et aventures (3’) ;
– Parades en ville, défilés dans les rues sous les acclamations
de la foule (4’34) ;
– Rencontre avec Hitler, considéré comme un dieu (6’22) ;
– Hitler fait de la jeunesse l’avenir de la nation, un futur
prometteur (9’50).
 Leçon 2 p. 62-63
Violence et terreur dans les régimes
totalitaires
Cette leçon vise à répondre aux attentes du programme sur
l’utilisation de la violence comme moyen d’action des régimes
totalitaires. À noter que deux PPO portent d’ailleurs dans ce
chapitre sur cet usage. L’approche choisie distingue nettement
les caractères propres à chaque pays.
La problématique est la suivante : Comment Mussolini, Hitler
et Staline utilisent-ils la violence pour contrôler leur pays ?
L’idée est de montrer que c’est par un usage systématique
et organisé, programmé, de la violence que les trois régimes
contrôlent totalement leur pays. Cette violence se manifeste
sous des formes très différentes d’un pays à l’autre.
La première partie est consacrée à l’usage de la violence
et de la terreur par le régime stalinien.
Pour réussir sa politique de collectivisation des terres, Staline
a mené une politique d’élimination des « ennemis de classe »,
contre les koulaks (paysans riches) et les agriculteurs qui
souhaitaient conserver leur terre. Il a utilisé la famine comme
arme de guerre contre les Ukrainiens (Holodomor 1932-1933)
et les Kazakhs. À noter que l’Holodomor est reconnu comme
génocide par l’Ukraine et les États-Unis depuis 2006, et comme
crime contre l’humanité par le Parlement européen depuis
2008, admettant ainsi que Staline a agi sciemment contre le
peuple en aggravant la famine.
Staline a éliminé tous ses opposants politiques, lors des grands
procès et pendant la Grande Terreur (PPO, pages 54-55). Le
système du Goulag a multiplié les camps de prisonniers
fournissant de la main d’œuvre gratuite au régime pour les
mines ou la construction de gazoducs et de canaux.
La seconde partie analyse la politique menée par Hitler :
la Gestapo traque les opposants politiques ; les homosexuels
et les handicapés sont également victimes de violences. Les
Juifs, victimes d’humiliations continues, voient leurs magasins
boycottés dès avril 1933. En 1935, les lois de Nuremberg les
excluent de la citoyenneté allemande et interdisent les rapports
sexuels entre « aryens » et Juifs. Lors de la « nuit de Cristal » du
9 au 10 novembre 1938 (PPO, pages 58-59), les nazis passent à
la violence physique contre les Juifs dans tout le pays et tuent
au moins 91 personnes.
La troisième partie sert à montrer que Mussolini a
également utilisé la violence pour contrôler le pays. La police
politique, l’OVRA, créée en 1927, pourchasse les opposants, les
emprisonne ou les déporte aux îles Lipari. À partir de 1938, des
lois antisémites sont votées.
SCHÉMA BILAN Le schéma bilan proposé permet aux élèves
de réviser le cours par une approche synthétique, logique, des
idées développées dans la double-page, en privilégiant l’entrée
par pays comme le demande le programme. Il s’agit de définir
les principales catégories de personnes victimes de violence
dans chaque pays (partie rouge du schéma) et de dresser une
liste des moyens mis en œuvre par chaque régime pour arriver
à ses fins et instaurer ce climat de violence extrême (partie
bleue du schéma).
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Activité numérique page 63 :
Nouveau lien https://www.dailymotion.com/video/x7rv21f
« Créés en 1918, les camps soviétiques connaissent leur
apogée au début des années 1950. 500 complexes ont enfermé
20 millions de personnes innocentes en 40 ans. Un adulte sur
6 a connu le camp ou la déportation. Le système a été caché
pendant des décennies. Le Goulag est un endroit fermé, éloigné,
isolé et aux conditions climatiques rigoureuses ».
Étude p. 64-65
La Guerre civile espagnole (1936-1939)
Problématique : Cette étude vise à compléter les attentes du
programme sur la Guerre d’Espagne, pour combler le déficit en
connaissances sur cet événement peu étudié jusqu’à présent
dans le cursus scolaire de nos élèves. Cette étude sert donc
à donner un cadrage événementiel à cette Guerre civile
espagnole, tout en se concentrant sur l’usage de la violence,
fil directeur du chapitre dans le programme officiel.
Comment la Guerre civile est-elle marquée par l’utilisation de
la violence comme moyen d’action des belligérants ?
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page à l’aide
du questionnement proposé.
Proposition 2 : je dois aller plus vite (20/25 minutes) : je
choisis d’analyser uniquement la carte 1 page 64 et le tableau
statistique 5 page 65, à l’aide du récit du professeur pour
contextualiser l’ensemble.
Le document 1 est une carte qui permet de situer les grandes
étapes de la Guerre d’Espagne de 1936 à 1939. Partis du Maroc
espagnol, les nationalistes vont s’emparer rapidement dès
juillet 1936 de Cadix, Séville, Cordoue, et d’une grande partie
du nord du pays (Burgos, Leon, Saragosse, Ségovie, Pampelune).
En juillet 1937, ils contrôlent tout le nord et l’ouest du pays.
Madrid tombe le 28 mars 1939.
Le document 2 permet d’étudier un texte d’historien sur
la violence exercée par les deux camps pendant la guerre
civile. Jean-François Berdah, maître de conférences en histoire
contemporaine à l’université de Toulouse, est spécialiste de
l’Espagne et des relations internationales. Sa thèse a porté
sur la République espagnole (1996) et son livre La Démocratie
assassinée (2000), fait référence sur la Guerre d’Espagne. Cet
article a un intérêt majeur : montrer que durant une guerre
civile, la violence est partout, qu’il y a des exactions commises
dans les deux camps. Il donne ainsi des exemples concrets et
précis pour dénoncer toute violence perpétrée.
Le document 3 est une photographie de 1936 montrant
l’arrivée en France de familles républicaines, condamnées à
l’exil par la poussée des nationalistes et la violence de la Guerre
civile espagnole. Nombreux dès le début de la guerre, ils le
sont encore plus lors de la Retirada, l’exode massif de janvier
et février 1939. Sur cette question des réfugiés républicains,
on peut lire avec profit l’article d’Anne Mathieu dans Le Monde
diplomatique d’août 2019, pages 20-21, intitulé « En 1939,
plongée dans les camps de réfugiés espagnols en France »
(www.monde-diplomatique.fr/2019/08/MATHIEU/60128).
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 31
 Le document 4 est un article du quotidien Le Matin du 29 avril
1939. Ce journal, très populaire dans les années 1910-1920,
a vu sa diffusion baisser à 30 0000 exemplaires à la fin des
années 1930 en devenant très orienté vers l’extrême droite.
Collaborationniste sous le régime de Vichy, il a été interdit à la
Libération. Cet article, même s’il apparaît comme très factuel,
est donc partisan, favorable aux Franquistes. Il relate la prise
de Madrid par les nationalistes, le 29 mars 1939, action qui
semble se passer dans le calme et même dans une certaine
sérénité. L’article a été publié ce même 29 mars.
Le document 5 enfin est un tableau qui dresse le bilan de cette
Guerre civile espagnole. Les chiffres sont incertains, car les
débats font toujours rage en Espagne sur ce sujet et beaucoup
de documents ont été détruits pendant le conflit. Pour une
population espagnole de 26 millions d’habitants, le bilan est
terrible : 500 000 à 600 000 morts et disparus, 330 000 morts liés
indirectement à la guerre (famine, épidémies) et 440 000 exilés
forcés, soit 5 % de la population espagnole.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les nationalistes espagnols, menés par le général
Franco, débarquent du Maroc espagnol en juillet 1936. En un
an, ils contrôlent tout le nord et l’ouest du pays. Fin février 1939,
Franco a pris Barcelone. Le 29 mars, Madrid est prise. Dès le
début du conflit, de nombreux Républicains espagnols ont fui
vers la France (doc. 3) : ils sont encore plus nombreux lors de
la Retirada en janvier-février 1939.
Question 2 : Les deux camps ont en effet utilisé la violence
pour parvenir à leurs fins. Du côté des nationalistes, la conquête
du territoire impose d’avancer de ville en ville. Ils choisissent
de faire usage de toute la violence possible (le texte 2 parle
également de l’utilisation de la torture, lignes 9-10) pour ne pas
laisser derrière eux des hommes susceptibles de se soulever à
nouveau contre eux. Tous les fonctionnaires de la République
espagnole sont ainsi victimes de violence voire assassinés
(lignes 8-10).
Du côté des Républicains, la violence est aussi très forte. L’auteur
insiste sur la répression envers ceux qui sont considérés comme
des ennemis réels ou supposés du régime : les prêtres, les
membres de la bourgeoisie et les partisans des partis politiques
de droite (lignes 22-23). De même, de nombreux prisonniers
nationalistes furent victimes de violences.
Question 3 : Dans l’article du journal français Le Matin, la
population madrilène semble bien accueillir les troupes
franquistes le 29 mars 1939. La résistance républicaine
est terminée, la population semble attendre, entendre les
messages, puis montrer son attachement au nouveau régime
par l’affichage de symboles franquistes. Mais est-ce le fait de la
propagande ? D’une minorité qui ose désormais se montrer au
grand jour ? Ou un véritable courant de fond ? Où commence
la propagande, difficile à savoir.
Bilan
Les trois parties à développer sont les suivantes :
1) Les grandes étapes du conflit
2) La violence utilisée par les deux camps
3) Le bilan de la guerre civile
32
Ce qui pourrait donner :
La Guerre civile espagnole (1936-1939) a opposé les nationalistes,
dirigés par le général Franco, et les républicains du Frente Popular
(alliance des partis de gauche, à la manière du Front populaire
français), qui avaient remporté les élections législatives.
En juillet 1936, les troupes nationalistes débarquent du Maroc
espagnol et s’emparent rapidement des grandes villes d’Andalousie
(Grenade, Cadix, Séville) avant de contrôler le nord du pays
(Valladolid, Burgos, Salamanque, Saint-Jacques-de-Compostelle).
En octobre 1937, c’est tout le nord et l’ouest du pays qui est aux
mains des nationalistes. Mais il faut attendre la prise de Barcelone
(février 1939) et de Madrid (29 mars 1939) pour que la guerre civile
se termine par la victoire des troupes franquistes.
Comme dans toute guerre civile, les deux camps ont recours
à l’usage généralisé de la violence : torture, privations, coups,
assassinats. Du côté des Républicains, on s’en prend aux prêtres,
aux bourgeois, aux sympathisants des partis de droite, suspectés
de sympathie pour les nationalistes. Du côté des Franquistes, ce
sont les élus républicains, les fonctionnaires, qui sont victimes
de toutes les formes de violences possibles.
La guerre se termine par une victoire totale des nationalistes
et Franco va rester chef de l’État espagnol jusqu’à sa mort. Le
bilan humain est très lourd. Aux 500 000 à 600 000 morts ou
disparus dans les combats, il faut ajouter les 330 000 personnes
qui sont décédées des famines et des épidémies liées au conflit.
De plus, plus de 440 000 Républicains ont dû fuir leur pays et
s’exiler, surtout en France.
Parcours 2
Jean-François Berdah, maître de conférences en histoire
contemporaine à l’université de Toulouse, est spécialiste de
l’Espagne et des relations internationales. Sa thèse a porté
sur la République espagnole (1996) et son livre La Démocratie
assassinée (2000), fait référence sur la question de la Guerre
d’Espagne. Cet article a un intérêt majeur : montrer que dans
une guerre civile, la violence est partout, qu’il y a des exactions
commises dans les deux camps. Il donne ainsi des exemples
concrets et précis pour dénoncer toute violence perpétrée.
Comme dans toute guerre civile, les deux camps ont recours
à l’usage généralisé de la violence : torture, privations, coups,
assassinats. Du côté des Républicains, on s’en prend (lignes 22-
23) aux prêtres, aux bourgeois, aux sympathisants des partis de
droite, suspectés de sympathie pour les nationalistes. Il n’est pas
nécessaire d’être coupable pour être sanctionné, être suspecté
suffit à justifier l’usage de la violence. L’auteur dénonce également
le non-respect des prisonniers militaires (lignes 19-21).
Du côté des Franquistes, ce sont (lignes 6-10) les élus
républicains, les fonctionnaires, qui sont victimes de toutes
les formes de violences possibles. Mais les militaires n’hésitent
pas non plus à torturer les soldats capturés, à terroriser les
populations, à encourager la délation, à utiliser la violence sur
les familles pour obtenir la reddition d’un Républicain.
À la fin de la guerre, l’usage systématique de la violence amène
à un bilan humain très lourd. Aux 500 000 à 600 000 morts ou
disparus dans les combats, il faut ajouter les 330 000 personnes
qui sont décédées des famines et des épidémies liées au conflit.
En outre, plus de 440 000 Républicains ont dû fuir leur pays et
s’exiler, surtout en France. La violence a été partout.

POINT DE PASSAGE p. 66-67
1936-1938, les interventions Étrangères
dans la Guerre civile espagnole :
géopolitique des totalitarismes
Problématique : Cette étude vise à répondre aux attentes du
programme sur la présentation d’un PPO sur les interventions
étrangères dans la Guerre civile espagnole. En effet, si les
violences internes sont à bien comprendre (voir étude
pages 64-65), les puissances étrangères ont joué un grand
rôle en fournissant des armes, des hommes, du matériel, aux
belligérants dans un contexte de montée des tensions en
Europe.
Comment les régimes totalitaires et les Brigades internationales
sont-ils intervenus dans la Guerre civile espagnole ?
Propositions de parcours :
Proposition 1 : je traite l’ensemble de la double-page à l’aide du
questionnement proposé, qui permet d’aborder l’ensemble des
interventions étrangères, politiques, militaires et économiques.
Proposition 2 : je dois aller plus vite : je choisis de ne traiter
que des grands aspects de la question, à travers les Brigades
internationales (texte 2, page 66) et le document de synthèse
proposé (doc. 5, page 67).
Le document 1 est un article de presse publié par le journal
basque antifranquiste Tierra Vasca le 27 avril 1937, le lendemain
du bombardement de la ville de Guernica par l’aviation
allemande. Cet article témoigne de toute l’horreur de ce
bombardement de civils.
Le document 2 est un texte reprenant une partie du célèbre
discours de la Pasionaria (voir sa biographie page 68 du manuel,
leçon 3) prononcé le 16 novembre 1938 à Barcelone lors du
retrait des Brigades internationales exigé par la SDN, la Société
des nations. Dolores Ibarruri, députée communiste, fait ici un
discours enflammé en l’honneur des courageux combattants
engagés dans les Brigades internationales, venus de tous les
pays pour défendre une certaine idée de la liberté, de ses
valeurs et de celles de la fraternité. Ces brigades ont apporté
une aide précieuse sur le terrain aux Républicains, mais elles
ont surtout permis à ce conflit d’être médiatisé en Europe
et aux États-Unis, avec des personnalités comme l’écrivain
américain Ernest Hemingway, le Français André Malraux ou
l’Allemand Gustav Regler.
Le document 3 est une carte qui permet de montrer les
origines nationales des combattants engagés dans les Brigades
internationales. On voit que c’est la France qui fournit le plus
gros contingent (9 100), grâce à la proximité géographique et
à l’action de Maurice Thorez, secrétaire du Parti communiste
français, qui serait à l’origine de la création des Brigades dans le
cadre du Komintern en 1936. Suivent l’Allemagne et l’Autriche.
Le document 4 est le célèbre tableau de Pablo Picasso, Guernica,
réalisé en 1937 pour dénoncer le bombardement de la ville
basque par les Allemands. Le peintre a cherché à en montrer
toute l’horreur. Ce tableau gigantesque (3,49 x 7,77 m) est une
commande du gouvernement républicain.
Le document 5 enfin est un schéma de synthèse qui a été réalisé
pour permettre aux élèves d’avoir dans un seul document les
raisons qui ont poussé les trois régimes totalitaires à intervenir
dans le conflit espagnol, les moyens qu’ils ont mis en œuvre pour
arriver à leurs fins et des exemples concrets d’actions menées.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Guernica est une ville basque. Le journal basque
ne peut qu’être touché violemment par l’horreur de ce
bombardement. Il le dénonce avec force, en en montrant toute
l’horreur, dans ses moindres détails. Ce journal est également
antifranquiste : cela lui permet également de dénoncer la
politique de Franco, dont les alliés allemands ont détruit la ville.
Question 2 : Pour montrer toute l’horreur du bombardement,
Picasso privilégie le contraste du noir et du blanc. La scène est
déstructurée, les corps meurtris, les victimes nombreuses. Les
symboles de l’Espagne sont également très présents (comme
le taureau à gauche).
Question 3 : La plupart de ceux qui se sont engagés dans les
Brigades internationales l’ont fait pour des raisons politiques,
pour lutter contre le fascisme. Parmi eux, des Allemands et
des Italiens qui ont fui leur pays. Beaucoup de Français se
retrouvent dans les idées des Républicains espagnols, proches
de celles du Front populaire français. Tous souhaitent défendre
les libertés, notamment politiques, mais aussi l’égalité entre
les citoyens et la fraternité. Certains engagés croient en une
révolution sociale, qui permettra d’instaurer le communisme
en Espagne puis de gagner le reste de l’Europe.
Question 4 : L’aide soviétique revêt de multiples formes :
- aide militaire, avec l’envoi de matériel (chars, avions, etc.) et
de soldats (les « conseillers militaires ») ;
- aide économique et financière : prêts, envoi de matériel et
de nourriture ;
- aide politique, avec la propagande, la presse, etc.
Question 5 : Les régimes de Mussolini et d’Hitler interviennent
essentiellement militairement dans le conflit : envoi de troupes,
escadrilles d’avions comme pour Guernica, chars, etc. Ils ont
fourni aussi une aide logistique et économique aux franquistes.
Bilan La guerre civile qui éclate en Espagne en 1936 ne
peut laisser indifférents les Européens, de par la proximité
géographique certes, mais surtout en raison des enjeux
géopolitiques multiples qui sont présents.
Ainsi, l’Allemagne nazie et l’Italie de Mussolini comprennent
qu’un troisième régime allié serait un plus indéniable pour
entourer la France. Ils jouent aussi sur les divisions des partis
français sur la conduite à tenir face à cette guerre civile, ce qui
affaiblit la France sur la scène internationale et leur laisse toute
latitude pour étendre leur influence en Europe (Anschluss).
Ils interviennent donc militairement massivement pendant
le conflit espagnol, notamment lors du bombardement de
Guernica, le 26 avril 1937.
Les démocraties européennes sont divisées sur la question.
Français et Britanniques décident de ne pas intervenir
militairement. Pourtant, la proximité idéologique entre le Front
populaire français au pouvoir et le Frente popular espagnol
est grande. Mais entre les communistes français qui veulent
combattre Franco et les radicaux ainsi que la droite qui y sont
opposés, Léon Blum ne peut que choisir la voie de la neutralité.
Quant au Royaume-Uni de Stanley Baldwin, il a peur que
l’Espagne devienne un nouveau pays communiste. Seuls des
citoyens vont donc s’engager dans les Brigades internationales,
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 33
 aux côtés de citoyens de tous pays.
L’URSS enfin choisit ouvertement de soutenir les Républicains
espagnols. Elle envoie ainsi des conseillers militaires et du
matériel de guerre, tout en fournissant une aide économique
et humanitaire.
L’ensemble des pays européens, que ce soit à l’échelle de l’État
ou à celle de ses citoyens, a donc été touché indirectement
par ce conflit espagnol.
Parcours 2
Pour commencer, analyse du tableau de Picasso :
Dans ce tableau, les personnages sont vus de manière
frontale. Les grandes lignes de force du tableau révèlent une
construction pyramidale qui permet au regard de circuler vers
la lumière au centre du tableau, symbole de l’espoir. La toile est
quasiment totalement en noir et blanc, pour montrer l’horreur
du bombardement. Ce peut être aussi un rappel des couleurs
du journal par lequel Picasso a appris la nouvelle.
Éléments pouvant être étudiés en détail :
- La tête de taureau : le taureau est le symbole de l’Espagne,
mais c’est aussi la force, la cruauté, peut-être pour symboliser
les nationalistes espagnols ;
- Le cheval : blessé, il symbolise le peuple espagnol martyrisé, la
victime innocente comme ce peuple basque frappé sans raison
par l’attaque allemande ; on voit des caractères d'imprimerie,
ce qui rappelle que c’est par des journaux que Picasso a appris
la catastrophe de Guernica ;
- Le soldat mort au premier plan a une épée brisée : cela
symbolise l’armée des Républicains, battue ;
- La lumière au centre peut être vue de différente manière :
une lueur d’espoir après ce drame ? un symbole des bombes
tombées sur la ville ?
- La fleur : la vie résiste, repart, renaît.
Rédaction :
Le bombardement de Guernica, le 26 avril 1937, par la légion
Condor au service d’Hitler est un acte d’une violence inouïe
qui va frapper les contemporains et marquer l’opinion jusqu’à
aujourd’hui.
En effet, pendant la Guerre civile espagnole, la violence a fait
partie du quotidien des habitants : arrestations arbitraires, usage
de la torture, humiliations, exécutions, etc. Les civils ont payé
un lourd tribut. Et le bombardement de Guernica illustre cela :
une population civile innocente est frappée aveuglément par
l’aviation allemande qui cherche à « provoquer le plus grand
nombre possible de victimes » (doc. 1, lignes 7-8) et détruit les
hôpitaux et non des objectifs militaires. De même, le tableau de
Picasso insiste sur ces civils, victimes innocentes de la barbarie
nazie : la mère éplorée qui hurle en portant dans ses bras son
enfant mort (ce qui rappelle la Pieta des chrétiens), la femme
qui tombe d’un immeuble en flammes, à cause des bombes
incendiaires nazies, etc.
La ville de Guernica est donc un témoin de l’importance de
l’interventionnisme nazi dans le conflit espagnol. On voit le rôle
de l’aviation allemande, qui utilise massivement les bombes
explosives et les bombes incendiaires (doc. 1, lignes 1-4 et
tableau de Picasso « la lumière »), qui s’en prend volontairement
aux civils (doc. 1, lignes 7-9), pour montrer sa force et permettre
à son allié Franco de remporter la guerre contre des Républicains
34
à genoux (le corps au premier plan, le sabre brisé).
Guernica reste donc un symbole de toute l’horreur d’un
bombardement aveugle où les victimes sont des civils innocents.
Leçon 3 p. 68-69
Un ordre européen menacé par les
totalitarismes
La problématique est la suivante : comment les régimes
totalitaires des années 1930 mettent-ils en danger l’ordre
européen ?
Les régimes totalitaires ont basé leur pouvoir sur le contrôle
de leurs populations par la violence (leçon 2). Mais cette
violence s’exerce aussi sur les pays voisins, car ces régimes
ont souvent une volonté expansionniste, et, en tout cas, sont
interventionnistes (comme dans la Guerre d’Espagne de 1936-
1939). À noter qu’un PPO est à traiter de manière obligatoire,
consacré aux interventions étrangères dans la Guerre civile
espagnole de 1936 à 1938. Il s’agit donc de replacer cette guerre
civile dans un contexte plus large de volontés expansionnistes
des totalitarismes.
La première partie est consacrée à l’utilisation que ces
régimes totalitaires ont fait de la Guerre civile espagnole.
En effet, du côté des Soviétiques, cette guerre est le moyen de
renforcer l’Internationale communiste en soutenant les frères
d’Espagne ; mais aussi de contrer l’expansion des régimes nazi
et fasciste, en occupant les Allemands sur un front éloigné de
l’URSS. Les Brigades internationales, qui recrutent dans tous
les pays d’Europe, en Afrique du Nord et en Amérique du Nord,
vont combattre aux côtés des Républicains. L’URSS fournit une
aide militaire par l’envoi de nombreux conseillers, mais aussi
une aide logistique et économique.
Mussolini et Hitler interviennent eux militairement pour soutenir
les nationalistes du général Franco. Soldats, chars et avions,
participent à l’effort de guerre. C’est la tristement célèbre légion
Condor allemande qui bombarde Guernica, détruisant la ville
et tuant ses habitants, le 26 avril 1937.
Les démocraties ont quant à elles choisi la neutralité. En effet,
entre les communistes français qui veulent combattre Franco et
les radicaux ainsi que la droite qui y sont opposés, Léon Blum,
le chef du gouvernement français du Front populaire, ne peut
que choisir la voie de la neutralité. Quant au Royaume-Uni
de Stanley Baldwin, le Premier ministre a peur que l’Espagne
devienne un nouveau pays communiste.
La seconde partie sert à élargir le propos, pour montrer
comment les régimes totalitaires ont profité de l’entre-
deux-guerres pour agrandir leur territoire aux dépens
des pays voisins.
Mussolini veut refaire la Mare Nostrum, pour que l’Italie
redevienne une grande nation, et s’emparer de colonies. Il
occupe la lointaine Éthiopie, dans la corne de l’Afrique, alors
que ce pays était membre de la SDN, en 1935-1936. Le 7 avril
1939, il envahit l’Albanie, première étape vers la conquête de la
Grèce, l’autre grand pays de l’Antiquité chère au cœur du Duce.
Mais c’est Hitler qui mène la politique expansionniste la plus
intense, la plus aboutie, en infraction totale par rapport au
traité de Versailles de 1919. L’Allemagne a quitté la SDN dès
1933 et mène sa politique presque librement : la Rhénanie
est remilitarisée en 1936, l’Autriche annexée avec l’Anschluss
en mars 1938, le territoire des Sudètes devient allemand en
septembre 1938. En mars 1939, Hitler s’empare de la Bohême-
Moravie, l’actuelle république tchèque. La Slovaquie étant aux
mains d’un régime ami.
La troisième partie enfin aborde la position des démocraties
occidentales face à ce développement des régimes
totalitaires qui redessinent progressivement la carte de
l’Europe. Souhaitant maintenir la paix à tout prix, croyant
que des concessions ramèneraient à la raison Hitler, Français
et Britanniques ont en fait renforcé le pouvoir du Führer.
Leur volonté de sauver la paix à tout prix a déjà poussé la
Grande-Bretagne et la France à choisir de rester neutres pendant
la Guerre civile espagnole (1936-1939), alors que le Front
populaire français était idéologiquement très proche du Frente
popular espagnol qui avait remporté les élections législatives.
Mais il ne faut pas oublier aussi que les accords de Munich du
29 septembre 1938 ont en fait été un certificat de laisser-faire
accordé à Hitler. Et mettre la main sur la Tchécoslovaquie en
1939, signifiait non seulement avoir un territoire de plus dans
son escarcelle, mais aussi disposer d’une très bonne industrie
d’armement tchèque qui venait renforcer celle de l’Allemagne
nazie. Les démocraties n’ont heureusement pas laissé tomber
la Pologne dans les mains d’Hitler lorsque celui-ci l’a envahi le
1er septembre 1939 : la Seconde guerre mondiale commence.
SCHÉMA BILAN Le schéma bilan permet aux élèves de réviser
le cours par une approche synthétique, logique, des idées
développées dans la double-page, en privilégiant une entrée
thématique du sujet. Ainsi, la partie rouge du schéma permet
de comprendre comment les totalitarismes ont menacé l’ordre
européen lors de la Guerre d’Espagne (objectifs, moyens mis
en œuvre), alors que la partie bleue du schéma sert à montrer
comment ils ont étendu leur territoire en Europe en profitant
de la faiblesse des démocraties qui croient toujours pouvoir
sauver la paix.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Activité numérique page 69 :
On relève les grands événements mentionnés dans le
documentaire et dans la leçon, comme la remilitarisation de
la Rhénanie, l’Anschluss ou les accords de Munich.
Travail de l’historien p. 70
L’idéologie raciale nazie
Il s’agit ici de confronter un document source, en l’occurrence
une affiche de propagande nazie, à l’analyse d’un historien
spécialiste de l’étude du nazisme, Johann Chapoutot.
Le document 1 est en fait la couverture d’un calendrier nazi
de l’année 1938 portant le titre « Nouveau peuple ». Un couple
« aryen », reconnaissable à sa chevelure blonde, est accompagné
d’un bébé, annonciateur de ce nouveau peuple allemand.
Derrière, un aigle vole, symbole du Reich allemand.
Le document 2 est un article qui reprend un entretien accordé
au site Non Fiction en février 2017 par l’historien Johann
Chapoutot, spécialiste du nazisme. Il vient d’ailleurs de publier
Comprendre le nazisme, chez Tallandier en 2020 : une enquête
complète sur les fondements et les ressorts de l’idéologie nazie.
Il a publié en 2017 un ouvrage qui fait autorité, La Révolution
culturelle nazie (Gallimard).
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien étudie un document source
Question 1 : L’affiche est centrée sur le couple avec le bébé.
Ils apparaissent comme des exemples typiques des « aryens »
que défend Hitler. Un aigle vole dans le ciel dégagé. Le slogan
écrit parle d’un « nouveau monde ».
Question 2 : Dans un paysage clair, ce couple entrevoit donc
un avenir radieux, et l’aigle est le symbole du Reich allemand.
Une race pure, féconde, construit un avenir serein, dans le
cadre du IIIe Reich, selon cette affiche. Cela sert à annoncer au
peuple le nouveau monde que veut créer Hitler.
B L’historien s’approprie le contexte historique
Question 3 : Pour Johann Chapoutot, ce n’est pas un homme
nouveau que veulent les nazis, mais un homme archaïque,
c’est-à-dire revenu aux origines : un homme débarrassé des
idées judéo-chrétiennes ou des idées de liberté et d’égalité
des Lumières, une « race » revenue aux origines, débarrassée
des mélanges interraciaux vus comme un appauvrissement.
Question 4 : Pour les nazis, le mélange de « races » aurait
affaibli l’Allemagne. Revenir à la pureté originelle de la race
permettrait de la rendre plus forte. Il faut donc sélectionner les
hommes, enlever les « branches malades », revenir à la culture
germanique des débuts.
C L’historien interprète la source
Question 5 : Les idées nazies se développent d’abord par
la propagande (doc. 1), mais aussi par de prétendus travaux
scientifiques ou intellectuels (doc. 2) visant à justifier l’action
des nazis, notamment sur la politique raciale allemande.
Question 6 : La conception de « race » occupe donc dans le
projet nazi une place centrale : tout tourne autour de cette
idée d’une « race aryenne » supérieure qui se serait appauvrie
par des « mélanges raciaux », qu’il faut donc « purifier » pour
qu'elle redevienne ce qu’elle était aux origines.
Question 7 : Le nazisme cherche à légitimer son point de vue
en menant une prétendue démonstration scientifique, pour
prouver que la « race aryenne » est supérieure et qu’elle s’affaiblit
par le contact avec les autres. Pour cela, la propagande, la
littérature, tout est mis au service de l’idéologie raciale nazie.
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 35
 Réaliser une carte mentale de synthèse p. 71
Des régimes totalitaires en pleine expansion :
■ Par leur contrôle de la société et de l’économie :
– Planification de l’économie et collectivisation des terres
en URSS ;
– Autarcie économique italienne ;
– Encadrement de la jeunesse, des loisirs.
■ Par leur politique extérieure agressive :
– Pendant la Guerre civile espagnole ;
– Agrandissement de leurs territoires en Europe.
■ Par leur contrôle total politique et judiciaire :
– Parti unique ;
– Utilisation de la propagande pour affermir le culte du chef ;
– Opposants arrêtés, déportés, victimes de violences
(exemples : « nuit de Cristal » en Allemagne ; Grande Terreur
en URSS).
Exercice BAC p. 71
Analyse de document
L’exercice proposé consiste à construire une analyse critique
de deux documents de nature différente.
Les deux documents :
Le document 1 est un extrait de Deutsches Reich, publication
de l’organe central de la Confédération nationale des avocats
nazis allemands donc destiné aux avocats, daté d’avril 1936.
Son auteur, Werner Best, est un juriste qui s’engage dans les
années 1920 dans les milieux nationalistes et d’extrême droite
avant de rejoindre le parti nazi en 1930. Après 1933, il devient
chef de la police du Land de Hesse puis de Munich. Au début de
l’année 1935, il occupe les fonctions de chef adjoint, conseiller
juridique, chef du personnel et de l’organisation de la Gestapo,
police secrète d’État à Berlin. Il assume ses fonctions jusqu’en
1940 aux côtés de Reinhard Heydrich, dont il était l’adjoint.
Dans cet extrait, il justifie la création de la police politique par
la volonté de protéger la pureté de race de l’Allemagne nazie.
Le document 2 est la couverture du magazine nazi Illustrierter
Beobachter daté du 3 décembre 1936. Ce magazine illustré
propose un reportage sur le camp de Dachau, premier camp
de concentration ouvert dès mars 1933, soit un peu plus d’un
mois après qu’Hitler soit devenu chancelier le 30 janvier. Sur
la photographie, on voit des soldats SS contrôler une file de
prisonniers.
La consigne : Montrez ce que ces deux documents révèlent
de la nature de terreur du régime nazi.
La consigne invite les élèves à préciser qu’il existe des ennemis
identifiés par le régime qu’il faut terroriser et les moyens
déployés pour appliquer cette politique de terreur.
En introduction, les élèves peuvent partir de la mise en place du
régime nazi dès 1933 et l’arrivée d’Hitler au pouvoir et expliquer
que ce régime veut contrôler la population, la terreur étant
l’une des modalités utilisées à cette fin. Les deux documents
sont présentés rapidement puis la consigne est annoncée.
36
Pistes de rédaction des deux paragraphes de l’analyse :
Un État nazi qui définit des ennemis qu’il faut terroriser
– Des ennemis du peuple allemand qui sont à la fois des ennemis
intérieurs comme les homosexuels et les handicapés mais
aussi les étrangers à la « race aryenne » (doc. 1) ; volonté aussi
de maintenir la pureté du « sang allemand » (« les germes de
destruction qu’ils soient issus d’une dégénérescence interne
ou d’une contamination volontaire par l’étranger », lignes 17-
19). Le texte met en valeur une vision biologique du peuple
avec la supériorité des « aryens » (« notre vision organique et
indivisible de l’unité du peuple allemand », lignes 2-3).
– Un racisme d’État défini par le Führer (doc. 1) : Hitler définit
ses idées dans Mein Kampf dont l’antisémitisme, au cœur de
l’idéologie nazie, est l'un des fondements (les Juifs considérés
comme apatrides et « parasites » font partie de ces étrangers
menaçant l’ordre social allemand).
– Des opposants au régime : les prisonniers politiques envoyés
dans les camps (doc. 2) notamment les communistes et les
socialistes qui ce sont les premiers opposés au pouvoir hitlérien.
Les moyens de la terreur mis en place
– Une police politique au service du pouvoir chargée de traquer
les opposants (doc. 1) et qui peut utiliser la violence (« une
institution qui surveille avec soin l’état de santé politique du
corps allemand, qui repère à temps tout symptôme de maladie
et qui situe et élimine les germes de destruction », lignes 14-17).
– Des camps de concentration pour les opposants (doc. 2) :
expression de la volonté de domination et de soumission des
prisonniers, tous habillés de la même manière avec une perte
d’identité. L’idée d’enfermement se manifeste avec la présence
des barbelés. Des camps sont ouverts dès le mois de mars 1933.
– Le rôle des SS dans la Gestapo et les camps de concentration
(doc.1 et 2)
– Convaincre la population allemande de la nécessité de
contrôler les ennemis (doc. 2) : le magazine destiné à un large
public est donc un document de propagande. Les opposants
sont présentés comme des détenus qu’il faut éloigner de la
société.
En conclusion, l’élève peut expliquer que la terreur est l'un des
fondements du totalitarisme nazi pour se débarrasser des éléments
indésirables. Mais un autre aspect du contrôle de la population
non évoqué par les documents est l’embrigadement de la vie
sociale destiné à créer cet homme nouveau voulu par le régime.
Exercice BAC p. 72-73
Analyse de document
L’objectif de cette double-page est de procéder à l’analyse
critique de deux documents iconographiques en travaillant plus
spécifiquement un point souvent difficile pour les élèves qui
est de mobiliser des connaissances pour éclairer un document.
Les deux documents :
Le document 1 est une affiche de propagande réalisée par l’État
soviétique en 1933 et destinée à valoriser auprès de la population
la réussite du premier plan quinquennal. Ce dernier, lancé en
1928 par Staline, a comme projet de faire de l’URSS une grande
puissance industrielle. Comme de nombreuses autres affiches de
cette époque, elle fonctionne sur l’opposition entre valorisation
du système communiste et dénonciation du capitalisme libéral.
On voit un ouvrier tenir le journal La Pravda, organe du parti
communiste de l’Union soviétique avec en arrière-plan des
machines et bâtiments industriels. Occupant une large partie de
l’affiche, il écrase un capitaliste représenté avec son costume dans
un quartier d’affaires attaqué par le « front rouge ». La présence
du crâne ainsi que les bâtiments qui s’affaissent symbolisent la
mort du système capitaliste bientôt vaincu par le communisme.
Le document 2 est une photographie d’un défilé d’une
organisation de jeunesse du régime fasciste italien, les Balillas,
devant des officiels à Rome le 24 mai 1934. À cette date, le
régime fasciste est bien installé car Mussolini a pris le pouvoir en
octobre 1922. Le contrôle des organisations de jeunesse débute
en 1928, la plupart de celles qui existaient déjà, notamment
patronnées par l’Église catholique, sont dissoutes. Celles qui sont
autorisées doivent entrer dans l’ONB, Opera nazionale Balilla,
institution dépendant du parti fasciste. Le nom de Balilla fait
référence à un jeune révolutionnaire génois qui, en 1746, pousse
à la révolte contre les occupants autrichiens. Le terme désigne
aussi la structure dans laquelle entrent les jeunes garçons entre
8 et 14 ans et où ils vont apprendre le maniement des armes.
La consigne : Montrez comment ces deux documents mettent
en avant l’encadrement de la population dans les régimes
totalitaires soviétique et italien des années 1930.
Étape 1 : Présenter les documents
– Le document 1 est une affiche de propagande réalisée par
l’État soviétique en 1933 et destinée à valoriser auprès de
la population la réussite du premier plan quinquennal. Le
document 2 est une photographie d’un défilé d’une organisation
de jeunesse du régime fasciste italien, les Balillas devant des
officiels du régime fasciste, dont Mussolini, à Rome le 24 mai
1934. Les deux documents ont été réalisés dans le même but,
renforcer l’adhésion au régime.
En 1933, en URSS, Staline est au pouvoir depuis 1928 après s’être
débarrassé de ses rivaux, depuis la mort de Lénine en 1924.
En Italie, Mussolini dirige l’Italie fasciste depuis octobre 1922.
Le sujet des documents est commun et concerne les moyens
de contrôle de la population déployés par ces régimes.
Étape 2 : Analyser la consigne
Un régime totalitaire ou totalitarisme est un système politique
dans lequel un homme et un parti soumettent l’ensemble
de l’État et de la société à une idéologie. Toutes les activités
individuelles ou collectives sont subordonnées au contrôle du
parti-État. Toute opposition est interdite et réprimée.
L’encadrement de la population est indispensable pour que
ces régimes puissent se maintenir, cet encadrement s’exerce
par la terreur et la violence ainsi que par l’embrigadement de
la société et la propagande.
Le verbe de la consigne est expliqué dans l’aide.
Les deux axes de réponse à la consigne sont indiqués dans
le manuel.
Étape 3 : Sélectionner les informations puis les mettre en
relation avec des connaissances personnelles
L’élève est invité à prélever des éléments dans les deux
documents puis à mettre en relation ces éléments avec des
connaissances personnelles. Un tableau à compléter l’aide à
organiser ses idées.

Informations prélevées dans les documents Mobilisation des connaissances

Les moyens de – Le culte du chef (doc. 1 et 2) : – Le Vojd, Staline, et le Duce, Mussolini, guides infaillibles
l’encadrement Staline est présent sur la une du journal La Pravda, Mussolini assiste à à suivre aveuglément. Omniprésence de Staline dans la
(1er paragraphe) la parade organisée. propagande soviétique.

– La propagande (doc. 1) : – Propagande mise en place par l’État et maîtrise de

La une de La Pravda, journal officiel du PCUS, qui prétend rapporter la l’information. Le but est de convaincre la population des
« Vérité », occupe le centre de l’affiche. L’ouvrier en arrière-plan la met réussites du régime. L’ouvrier devient une figure de la
en valeur devant lui. propagande stalinienne comme Stakhanov.

– Les organisations de jeunesse (doc. 2) :
Les Balillas sont en train de défiler encadrés par une jeune femme,
marchant au pas de l’oie tels les soldats d’une armée.
– Des organisations encadrent tous les enfants dès leur plus
jeune âge : Fils de la louve pour les 4-8 ans, Balillas pour les
8-14 ans et Avant-gardistes pour les 14-18 ans.
Ces organisations ont leur pendant en URSS, 6-10 ans :
Petits octobristes, 10-14 ans : Pionniers et 15-28 ans :
Komsomols.
Il s’agit de les former à l’obéissance au chef et de les faire
adhérer à l’idéologie pour qu’ils deviennent des soutiens
inébranlables du régime.

Un encadrement – Une idéologie nationaliste fasciste : le défilé a lieu à Rome à
de la population proximité des ruines de monuments antiques du Forum et devant
au service une statue de l’empereur Auguste, fondateur du principat.
d’une idéologie
(2e paragraphe) – Le stalinisme en URSS : l’ouvrier et les machines industrielles
semblent écraser un capitaliste représenté avec son costume dans un
quartier d’affaires attaqué par le « front rouge ». La présence du crâne
ainsi que les bâtiments qui s’affaissent paraissent symboliser la mort
du système capitaliste vaincu par le communisme.
Les succès présentés sont ceux du premier plan quinquennal.
– Il s’agit de retrouver la grandeur de Rome et le prestige
de l’Empire romain afin de renforcer la place de l’Italie et du
peuple italien en Europe et dans le monde.
– Le PCUS veut incarner la dictature du prolétariat devant
aboutir à la réalisation d’une société sans classes. Pour y
parvenir, Staline mise sur la collectivisation, la planification
mais aussi l’industrialisation en favorisant l’industrie lourde.
Le communisme repose sur la suppression de la propriété
privée qui est, au contraire, le fondement du capitalisme.

Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 37


Exercice BAC p. 74-75
Réponse à une question problématisée
L’objectif de cette double-page permet d’insister sur la lecture
de la question problématisée, étape nécessaire pour réussir
l’exercice.
Étape 1 : Analyser les termes du sujet
Aidez-vous des encadrés pour analyser le sujet proposé.
« La marche à la guerre » est une expression que l’on peut
remplacer par « la montée des périls » qui se rapporte aux
étapes qui conduisent d’un état de paix à un état de guerre.
Les dates proposées sont les limites chronologiques du sujet :
1936 fait référence au début de la Guerre d’Espagne et à la
remilitarisation de la Rhénanie ; 1939 correspond quant à elle à
l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, le 1er septembre,
marquant l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale de
nombreux pays européens.
La mention de la conjonction « que » doit amener à nuancer
la proposition énoncée dans le sujet c’est-à-dire montrer aussi
que la marche à la guerre n’est pas le seul fait des régimes
totalitaires.
Un régime totalitaire ou totalitarisme est un système politique
dans lequel un homme et un parti soumettent l’ensemble
de l’État et de la société à une idéologie. Toutes les activités
individuelles ou collectives sont subordonnées au contrôle du
parti-État. Toute opposition est interdite et réprimée.
L’encadrement de la population est indispensable pour que
ces régimes puissent se maintenir, cet encadrement est réalisé
par la terreur et la violence ainsi que par l’embrigadement de la
société et la propagande. On compte trois régimes totalitaires
en 1936 : l’Italie fasciste, l’URSS stalinienne et l’Allemagne nazie.
Complétez cette phrase afin de montrer que vous avez bien
analysé le sujet :
Le sujet me demande de m’interroger sur le rôle des régimes
totalitaires dans les tensions croissantes en Europe : je dois ainsi
montrer que les initiatives des régimes totalitaires sont certes
déterminantes pour comprendre le processus de marche vers
la guerre, mais aussi insister sur le fait que l’affaiblissement
et la volonté d'apaisement des démocraties occidentales est
aussi un facteur explicatif.
Étape 2 : Trouver le plan qui permet de répondre à la
question problématisée
Cette étape doit permettre à l’élève de se familiariser avec les
types de plan et lequel choisir pour organiser sa réponse à la
question problématisée. Un tableau lui permet de se repérer
dans ces différents plans et des indications sont données pour
qu’il puisse rédiger sa réponse.
Le type de plan qui correspond le mieux est un plan dialectique
qui permet de répondre de manière nuancée à la question
problématisée.
Ce type de plan étant choisi, les deux premières propositions
peuvent convenir car elles permettent de montrer que si les
régimes totalitaires ont une forte responsabilité dans la montée
des tensions, le recul et la volonté d’apaisement des démocraties
ne permet pas de freiner leurs prétentions. La proposition 3
38
est à écarter car elle n’insiste que sur la responsabilité des
totalitarismes.
Sujets d’entraînement :
SUJET 1 Comment peut-on caractériser la terreur dans
les régimes totalitaires ?
Un régime totalitaire ou totalitarisme est un système politique
dans lequel un homme et un parti soumettent l’ensemble
de l’État et de la société à une idéologie. Toutes les activités
individuelles ou collectives sont subordonnées au contrôle du
parti-État. Toute opposition est interdite et réprimée.
La terreur fait référence à la violence des régimes totalitaires,
ses modalités mais aussi aux justifications que chacun des
régimes utilise pour contrôler sa population.
« Caractériser dans une question problématisée » signifie
« définir, décrire précisément et expliquer les principaux traits
d’une situation historique. »
Plan possible
Le plan qui convient le mieux est donc un plan analytique en
expliquant d’abord qui est concerné par la terreur puis quels
sont les moyens utilisés.
SUJET 2 Quels sont les mécanismes d’encadrement de la
société mis en place par les régimes totalitaires ?
Un régime totalitaire ou totalitarisme est un système politique
dans lequel un homme et un parti soumettent l’ensemble
de l’État et de la société à une idéologie. Toutes les activités
individuelles ou collectives sont subordonnées au contrôle du
parti-État. Toute opposition est interdite et réprimée.
Le terme de « mécanismes » fait référence aux dispositifs utilisés.
L’encadrement de la société désigne le contrôle de la population
à la fois de manière coercitive par la terreur et la violence mais
aussi non coercitive par la propagande et l’embrigadement.
Plan possible
Le plan qui convient le mieux est donc un plan analytique. La
réponse à la question problématisée doit présenter les deux
modalités d’encadrement de la société.
SUJET 3 Quels sont les points communs et les différences
entre le nazisme et le stalinisme ?
Le nazisme désigne la doctrine antidémocratique, raciste et
antisémite développée par Hitler.
Le stalinisme correspond à l’exercice du pouvoir par Staline
à partir de la fin des années 1920, mais aussi sa politique
économique mise en place lors du Grand Tournant et fondée
sur l’industrialisation, la collectivisation et la planification.
Les termes « points communs » et « différences » invitent à
comparer les deux totalitarismes.
Plan possible
Le plan choisi est donc un plan comparatif où pour chaque
thème traité (pratique du pouvoir, terreur et violence, contrôle
de la société et de l’économie), il faut faire apparaître les éléments
communs mais aussi ceux qui permettent de distinguer les
deux totalitarismes.

Auto-évaluation p. 77
OBJECTIF 1
– Le régime nazi a manifesté dès le départ le caractère antisémite
de son idéologie. Mais c’est lors de cet événement que pour
la première fois la violence physique est utilisée de manière
massive par les nazis contre les Juifs, à travers toute l’Allemagne
et même en Autriche, annexée par l’Anschluss. C’est la première
fois que des Juifs sont frappés jusqu’à la mort ou grièvement
blessés.
Mais la violence physique est aussi celle exercée par les forces de
l’ordre : arrestations arbitraires lors de rafles de Juifs, conditions
terribles de détention, etc. La violence physique montrée cette
nuit-là n’est donc pas celle d’une foule prise de folie mais une
violence intentionnelle, organisée par le régime.
Et cette violence physique s’est ensuite poursuivie bien au-delà
de cette nuit : la « nuit de Cristal » a de fait institutionnalisé
l’usage de la violence physique contre les Juifs.
– Staline a utilisé les grands procès et la Grande Terreur (1936-
1938) pour arriver à ses fins, c’est-à-dire se débarrasser de tous
ses opposants, mais aussi de proches. Il justifie cette action par
le fait que ses ennemis auraient voulu un retour du capitalisme,
en luttant contre l’industrialisation et la collectivisation, bases
de la politique socio-économique de Staline. Les conséquences
pour les suspects sont immédiates : arrestation, torture et
mauvais traitements, procès truqués. Et les condamnations
sont quasiment systématiques : déportations dans les camps du
Goulag, pour servir de main-d’œuvre gratuite au développement
des mines et des infrastructures, notamment en Sibérie (Norilsk,
Kolyma, Tchoukotka). Staline utilise la violence comme moyen
d’action pour contrôler la société soviétique.
– En juillet 1936, les troupes nationalistes de Franco débarquent
du Maroc espagnol et s’emparent rapidement des grandes villes
d’Andalousie (Grenade, Cadix, Séville) avant de contrôler le nord
du pays (Valladolid, Burgos, Salamanque, Saint-Jacques-de-
Compostelle). En octobre 1937, c’est tout le nord et l’ouest du
pays qui est aux mains des nationalistes. Mais il faut attendre
la prise de Barcelone (février 1939) et de Madrid (29 mars
1939) pour que la Guerre civile se termine par la victoire des
troupes franquistes.
OBJECTIF 2
– Mussolini veut refaire la Mare Nostrum, pour que l’Italie
redevienne une grande nation. Le 7 avril 1939, il envahit
l’Albanie, première étape vers la conquête de la Grèce, l’autre
grand pays de l’Antiquité cher au cœur du Duce.
Mais c’est Hitler qui mène la politique expansionniste la plus
intense, la plus aboutie, en infraction totale par rapport au
traité de Versailles de 1919. L’Allemagne a quitté la SDN dès
1933 et mène sa politique presque librement : la Rhénanie
est remilitarisée en 1936, l’Autriche annexée avec l’Anschluss
en mars 1938, le territoire des Sudètes devient allemand en
septembre 1938. En mars 1939, Hitler s’empare de la Bohême-
Moravie, l’actuelle République tchèque. La Slovaquie étant
aux mains d’un régime ami. Le 1er septembre 1939, il attaque
la Pologne, ce qui va provoquer la Seconde Guerre mondiale.
– Après l’échec du putsch de Munich en 1923, Hitler profite
de son temps d’emprisonnement pour rédiger Mein Kampf,
« Mon Combat », dans lequel il présente ses idées politiques
et sa vision de la société. Après la crise économique de 1929,
son parti apparaît comme le seul à pouvoir aider le peuple
allemand. Il remporte les législatives de 1932 et est nommé
chancelier le 30 janvier 1933. Hitler remporte les nouvelles
législatives le 5 mars 1933 et les nazis instaurent rapidement
une véritable dictature.
– Secrétaire général du PCUS au pouvoir en 1924 à la mort
de Lénine, Staline lance une grande politique forcée de
collectivisation des terres avec la création des kolkhozes et des
sovkhozes. Il a lancé la planification, donné la priorité à l’industrie
lourde, créé les camps du Goulag où les déportés servent de
main d’ouvre gratuite pour les mines et la création de canaux
ou de gazoducs. Un culte du chef est instauré et la propagande
est très développée. La répression policière est très forte.
– La guerre civile qui éclate en Espagne en 1936 ne peut laisser
indifférents les Européens.
Ainsi, l’Allemagne nazie et l’Italie de Mussolini comprennent
qu’un troisième régime allié serait un plus indéniable pour
entourer la France. Ils interviennent donc militairement
massivement pendant le conflit espagnol, notamment lors
du bombardement de Guernica, le 26 avril 1937.
Les démocraties européennes sont divisées sur la question.
Français et Britanniques décident de ne pas intervenir
militairement. En effet, entre les communistes français qui
veulent combattre Franco et les radicaux ainsi que la droite
qui y sont opposés, Léon Blum ne peut que choisir la voie de
la neutralité. Quant au Royaume-Uni de Stanley Baldwin, il a
peur que l’Espagne devienne un nouveau pays communiste.
L’URSS enfin choisit ouvertement de soutenir les Républicains
espagnols. Elle envoie ainsi des conseillers militaires et du
matériel de guerre, tout en fournissant une aide économique
et humanitaire.
L’ensemble des pays européens, que ce soit à l’échelle de l’État
ou à celle de ses citoyens, a donc été touché indirectement
par ce conflit espagnol.
OBJECTIF 3
Notions
Culte du chef : vénération d’un dirigeant politique charismatique
vu comme le sauveur infaillible de son peuple.
Totalitarisme : système politique dans lequel un homme et
un parti soumettent l’ensemble de l’État et de la société à une
idéologie. Toutes les activités individuelles ou collectives sont
subordonnées au contrôle du parti et de l’État. Toute opposition
est interdite et réprimée.
Vocabulaire
Brigades internationales : nom donné pendant la Guerre
d’Espagne aux volontaires antifascistes étrangers enrôlés au
sein de l’Armée populaire de la République espagnole.
Pogrom : mot russe signifiant « dévastation ». Terme désignant
une violente émeute antijuive, spontanée ou organisée par
les autorités.
Résumé du cours
Leçon 1. Les caractéristiques des régimes totalitaires
Chapitre 2 • Les régimes totalitaires 39
 – Personnages : Benito Mussolini, Adolph Hitler, Joseph Staline,
Joseph Goebbels.
– Dates clés : 1922 (Marche sur Rome), 1924 (Staline au pouvoir),
1925 (lois fascistissimes), 1933 (Hitler devient chancelier).
Idées principales :
– Un pouvoir politique confisqué : contrôle du gouvernement,
parti unique, etc.
– Une société contrôlée : propagande d’État, culte du chef,
censure, encadrement de la jeunesse, etc.
- Une économie encadrée : collectivisation des terres en URSS,
autarcie en Italie, grands travaux dans les trois pays.
Leçon 2. Violence et terreur dans les régimes totalitaires
– Personnages : Benito Mussolini, Adolph Hitler, Joseph Staline.
– Dates clés : 1935 (lois de Nuremberg), 1936-1938 (Grande
Terreur), 9 au 10 novembre 1938 (« nuit de Cristal »).
Idées principales :
– En URSS : dékoulakisation, épuration du parti, Grande Terreur,
camps du Goulag.
– En Allemagne : camps de concentration pour les opposants
politiques, violence vis-à-vis des Juifs notamment lors de la
« nuit de Cristal ».
Leçon 3. Un ordre européen menacé par les totalitarismes
– Personnages : Francisco Franco, Dolores Ibarruri dit la
Pasionaria.
– Dates clés : 1936-1939 (Guerre civile espagnole), 1936
(remilitarisation de la Rhénanie), 1938 (Anschluss et accords
de Munich).
Idées principales :
– La Guerre civile espagnole : Républicains contre nationalistes,
interventions étrangères dans le conflit, rôle des Brigades
internationales.
40
– L’expansion des régimes totalitaires en Europe : remilitarisation
de la Rhénanie (1936), Anschluss (1938), accords de Munich
(1938), invasion de l’Albanie (1939).
– La faiblesse des démocraties française et britannique : politique
d’Appeasement, neutralité pendant la guerre d’Espagne.
Savoir expliquer
– Le contrôle de la population dans les régimes totalitaires : la
propagande est partout : censure dans les journaux, autodafés
organisés dans les rues, utilisation des médias, etc. La société
est partout contrôlée, encadrée, que ce soit dans les loisirs,
le sport, les organisations de jeunesse, le cinéma ou la radio.
L’individu ne doit avoir aucun espace, aucun moment de sa
vie, qui ne soit contrôlé par le parti officiel.
– L’élimination des opposants lors de la Grande Terreur :
pendant la Grande Terreur (1936-1938), on compte près de
deux millions de prisonniers. Les procès de Moscou sont truqués,
les accusés n’ont pas le droit à une défense. On peut être arrêté
très facilement par la police du régime : ancien compagnon
de Lénine, accusation imaginaire, lien familial avec un inculpé,
faute d’orthographe pour le nom de Staline, etc.
– Le déroulement de la « nuit de Cristal » en Allemagne du 9 au
10 novembre 1938 : des pogroms anti-juifs sont organisés dans
toute l’Allemagne. Des magasins sont saccagés, de nombreuses
synagogues incendiées, des personnes violentées, gravement
blessées ou tuées. De nombreux Juifs quittent le pays pour
échapper aux violences qui s’intensifient, peut-être la moitié
de ceux présents en Allemagne en 1933.
 CHAPITRE
La Seconde Guerre mondiale
3
RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 1 - Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945) (13-15 heures)

Chapitre 3. La Seconde Guerre mondiale

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à montrer l’étendue et la violence du conflit mondial, à montrer le processus menant au génocide
des Juifs d’Europe, et à comprendre, pour la France, toutes les conséquences de la défaite de 1940.
On peut mettre en avant :
- un conflit mondial : protagonistes, phases de la guerre et théâtres d’opération ;
- crimes de guerre, violences et crimes de masse, Shoah, génocide des Tsiganes ;
- la France dans la guerre : occupation, collaboration, régime de Vichy, Résistance.

Points de passage et d’ouverture - Juin 1940 en France : continuer ou arrêter la guerre ;

- De Gaulle et la France libre ;
- Le front de l’est et la guerre d’anéantissement ;
- juin 1944 : le débarquement en Normandie et l’opération Bagration ;
- 6 et 9 août 1945 : les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki.

Problématique du chapitre : les entrées en guerre soviétique et américaine. L’année 1943

Comment le second conflit mondial a-t-il pu atteindre un
seuil de violence inégalé ?
Ce chapitre clôt le thème 1 du programme d’histoire de
terminale « Fragilités des démocraties, totalitarismes et Seconde
Guerre mondiale » et intervient après le chapitre sur les régimes
totalitaires. Cette nouvelle guerre à la chronologie variable
selon les belligérants constitue le point d’orgue de l’échec des
ordres versaillais, de Locarno et de Genève face notamment à
la montée des totalitarismes fasciste et nazi.
Il s’agit de revenir sur les caractéristiques d’un conflit qui se
mondialise au gré de l’évolution des différents protagonistes,
entre neutralité, non-belligérance et belligérance. La guerre
est menée sur tous les continents mais deux fronts en Europe
et dans l’Asie-Pacifique regroupent la majorité des opérations.
En outre, à l’instar de la Grande Guerre, elle s’accompagne
d’un nouveau franchissement du seuil de violence. Crimes
de guerre et crimes de masse l’illustrent parmi lesquels les
bombardements atomiques américains sur le Japon et le
génocide des Juifs et des Tsiganes par l’Allemagne nazie. Dans
ce contexte, la France expérimente une situation singulière : la
France de Vichy s’engage dans la collaboration avec l’Allemagne
nazie alors que la France libre, mise en place par le général de
Gaulle, fait le choix de la résistance.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Le programme invite à l’étude de la Seconde Guerre mondiale
dans sa chronologie traditionnelle. La guerre débute avec
l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie le 1er septembre
1939. Elle se mondialise progressivement : l’année 1941 marque
quant à elle constitue un tournant : l’avantage est désormais
aux Alliés face aux forces de l’Axe. C’est finalement au bout
de six années de combats que se termine la guerre avec les
capitulations allemande et japonaise, respectivement les
8 mai et 2 septembre 1945. Initié en Europe, le conflit se termine
donc en Asie, reflet des choix stratégiques des belligérants.
Notions importantes et personnages principaux :
Winston Churchill (1874-1965) : Premier Lord de l’Amirauté de
1911 à 1915, de tendance conservatrice, il est nommé Premier
ministre en Grande-Bretagne le 10 mars 1940. Il incarne alors
la résistance britannique face à l’Allemagne nazie lors de la
Seconde Guerre mondiale.
Franklin Delano Roosevelt (1882-1945) : avocat puis
sénateur démocrate, il est élu président des États-Unis
d’Amérique en 1932 dans le contexte de la Grande Dépression
à la suite de la crise économique 1929. Réélu trois fois à
la présidence, il engage son pays dans la Seconde Guerre
mondiale après l’attaque japonaise contre Pearl Harbor, le 7
décembre 1941. Aux côtés de Churchill et de Staline, il incarne
la Grande Alliance.
Joseph Vissarionovitch Djougachvili dit Staline (1878-
1953) : secrétaire général du Parti communiste de l’Union
soviétique depuis 1924, le maréchal et généralissime Staline
mène la grande guerre patriotique face aux forces de l’Axe et
s’impose comme un grand vainqueur en 1945.
Charles de Gaulle (1890-1970) : militaire de carrière, il est
vainqueur des Allemands à Montcornet lors de la bataille
de France en mai 1940. Nommé général de brigade à titre

Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 41

 temporaire en juin 1940, il refuse la défaite et l’armistice et
appelle à la résistance. Il devient alors le chef de la France libre.
Armistice : décision par laquelle des pays en guerre décident
d’arrêter les combats sans pour autant signer la paix.
Einsatzgruppen : unités mobiles, composées de SS, de forces
de police régulières et de membres de services de sécurité,
chargées de traquer et d’exécuter les ennemis politiques et
« raciaux ».
France libre : organisation créée par le général de Gaulle, à la
suite de son appel du 18 juin 1940, pour mener la résistance
face à l’occupation allemande. La France libre se dote
progressivement de forces armées et d’une capitale, Brazzaville.
Génocide : extermination programmée et systématique d’une
population pour des raisons ethniques, politiques ou religieuses.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Première proposition de parcours long (5 h) : insister sur
le caractère mondial de cette nouvelle guerre.
Ce premier parcours pourrait débuter par une analyse des
cartes (p. 80-81) permettant d’identifier les belligérants et les
différents théâtres d’opérations. Cette ouverture de chapitre
conduirait à l’étude de la guerre sur les cinq continents (p.
82-83) en analysant l’ensemble des documents de natures
variées. Suivrait un éclairage particulier sur la situation de la
France dans la guerre avec le PPO « De Gaulle et la France libre »
(p. 92-93). Enfin, deux PPO complémentaires sur le débarquement
en Normandie et l’opération Bagration (p. 102-103) et sur les
bombardements atomiques (p. 104-105) permettraient d’aborder
la fin de la guerre sur les fronts européen et du Pacifique. Les
bombardements atomiques feraient la transition avec l’étude
finale des génocides juif et tsigane (p. 98-99).
Seconde proposition de parcours long (5 h) : mettre en
avant le nouveau franchissement du seuil de violence au
cours de la guerre.
Ce second parcours pourrait s’ouvrir avec les deux documents
en ouverture de chapitre (p. 78-79) permettant d’introduire
la notion de violence. Cette violence peut alors s’étudier à
différentes échelles. D’une part, la résistance en France
(notamment les documents 2, 4 et 6 p. 90-91, mettrait en avant
un certain type de violence liée à une situation d’occupation.
D’autre part, les PPO sur le front de l’Est (p. 96-97) et les
bombardements atomiques (p. 104-105) illustreraient la violence
liée aux opérations de guerre et aux nouveaux armements.
Enfin, la violence du front de l’Est pourrait faire la transition
avec la violence raciale à l’œuvre dans les génocides juif et
tsigane (p. 98-99). Ce processus de violence raciale est étudié
également dans les documents 1, 2 et 4 de l’étude sur le camp
d’Auschwitz (p. 100-101).
Proposition de parcours court (3 h) : mettre en avant autour
de trois études le caractère mondial et la violence de la
Seconde Guerre mondiale.
Le parcours pourrait commencer par le PPO sur la France
libre (p. 92-93), associé aux documents 2 et 6 sur la résistance
(p 94-95), qui permet d’évoquer un théâtre d’opérations à
l’ouest de l’Europe dont la situation est particulière et illustre
un type de violence. Ensuite, le PPO sur le front de l’Est et la
guerre d’anéantissement (p. 96-97) en lien avec les documents
1 et 6 (p. 98-99) ouvrirait sur un autre théâtre d’opérations
caractéristique du franchissement du seuil de violence, sur le
plan militaire comme civil. Enfin, le PPO sur les bombardements
atomiques (p. 104-105) mettrait également en avant le théâtre
d’opérations du Pacifique et les violences de guerre.

Bibliographie et sitographie
Ouvrages généraux
René GIRAULT, Robert FRANK, Turbulente
Europe et nouveaux mondes 1914-1941,
Paris, Payot, 2004.
René GIRAULT, Robert FRANK, Jacques THOBIE,
La Loi des géants 1941-1964, Paris, Payot,
2005.
Pierre MONTAGNON, La Grande Histoire
de la Seconde Guerre mondiale, Paris,
Pygmalion, 1999.
Ouvrages spécialisés :
Sur la Shoah et le génocide des Tsiganes :
Christopher R. BROWNING, Les Origines de la
Solution finale : l’évolution de la politique
anti-juive des nazis, septembre 1939 –
mars 1942, Paris, Seuil, 2009.
Raoul HILBERG, La Destruction des Juifs
d’Europe, Paris, Gallimard, 2006.
Gunter LEWY, La persécution des Tsiganes
par les Nazis, Paris, Les Belles Lettres, 2003.
Sur la France de Vichy et la France libre :
Philippe BURRIN, La France à l’heure
allemande, Paris, Seuil, 1995.
Eberhard JACKEL, La France dans l’Europe de
Hitler, Paris, Fayard, 1968.
Tristan (dir.) LECOQ, Enseigner la résistance,
Réseau Canopé, 2016.
Tristan (dir.) LECOQ, Enseigner de Gaulle,
Réseau Canopé, 2018.
Jean-François MURACCIOLE, Les Français
libre, l’autre résistance, Paris, Tallandier,
2009.
Robert O. PAXTON, La France de Vichy, Paris,
Points Seuil, 1972.
Instruments de travail :
Éric ALARY, Bénédicte Verges-Chaignon,
Dictionnaire de la France sous
l’Occupation, Paris, Larousse, 2011.
AZÉMA Jean-Pierre, BÉDARIDA François
(dir.), 1938-1948, les années de tourmente :
de Munich à Prague, dictionnaire critique,
Paris, Flammarion, 1995.
Georges BENSOUSSAN, Atlas de la Shoah :
la mise à mort des Juifs d’Europe 1939-
1945, Paris, Éditions Autrement, 2014.
Jean François MURACCIOLE, Guillaume
PIKETTY, Encyclopédie de la Seconde Guerre
mondiale, Paris, coll. Bouquins, R. Laffont,
2015.
Christophe PRIME, Stéphane SIMMONET,
Atlas de la Seconde Guerre mondiale,
Paris, Éditions Autrement, 2015.
Sitographie
https://www.memorial-caen.fr/lespace-
pedagogique/college/ressources-en-
lignehttps://www.reseau-canope.fr/
enseigner-la-resistance/
http://charles-de-gaulle.org/enseigner-
de-gaulle/ : de l’appel du 18 juin à la
refondation républicaine
http://www.charles-de-gaulle.org/lhomme/
dossiers-thematiques/ : série de dossiers sur
la Résistance et la France libre

42

Ouverture p. 78-79
Document 1 : L’affiche est apposée sur un bâtiment public, la
Poste, à Saint-Germain-en-Laye, le 11 novembre 1940. Le même
jour des lycéens et étudiants défilent à Paris pour commémorer
l’armistice de la Première Guerre mondiale et pour manifester
contre l’occupant allemand. C’est un appel à la résistance des
Français contre l’Allemagne nazie.
Réponse à la question :
Malgré l’arrêt provisoire des combats entre la France et les
forces de l’Axe depuis la signature de l’armistice le 22 juin
1940 avec l’Allemagne nazie, l’affiche montre que la lutte
continue, notamment aux côtés de la Grande-Bretagne comme
le symbolise le brassard représentant le drapeau britannique.
De même, la France ne renonce pas aux combats, à la suite
de l’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 qui apparaît
indirectement à travers la présence de la croix de Lorraine sur
le drapeau français, croix choisie par de Gaulle pour incarner
la France libre et la résistance face à l’Allemagne nazie, illustrée
par la croix gammée écrasée par un poing vengeur.
Document 2 : La photographie prise par les Alliés au camp de
concentration de Dora en Allemagne, le 12 avril 1945, quelques
mois après la découverte des camps d’extermination, dénonce
la violence exercée par l’Allemagne nazie durant la guerre.
Réponses aux questions :
Question 1 : Le choix de la prise de vue par le photographe
permet de montrer l’ampleur de la violence nazie exercée contre
les prisonniers civils. En effet, on voit un champ de cadavres
qui s’étend du premier plan à l’arrière-plan, contrastant avec
le peu de soldats alliés présents. Ce champ de morts participe
de la déshumanisation tant les corps semblent semblables les
uns aux autres.
Question 2 : Au cours de la Seconde Guerre mondiale, la
violence touche l’ensemble des sociétés, sur le plan civil
comme militaire. L’affiche exprime cette violence à travers la
représentation du poing écrasant l’Allemagne nazie : ce sont
par les armes, qu’elles soient prises par les civils ou par les
militaires, que les Français extermineront l’ennemi nazi. Ce
sont d’autres armes qu’utilisent les nazis dans les camps de
concentration qui se transforment en véritables mouroirs tout
au long de la guerre.
Cartes p. 80-81
Protagonistes et théâtres d’opérations
La carte 1 représente le front de l’Asie-Pacifique. Dans cet
espace, la guerre a débuté dès 1937 avec le déploiement de
l’impérialisme japonais en Chine. Jusqu’au printemps 1942, le
Japon parvient à conquérir un « empire colonial » avant que la
reconquête alliée et les bombardements atomiques ne mettent
fin à la guerre dans la région.
La carte 2 représente le front européen de 1939 à 1942, dans
la phase victorieuse des forces de l’Axe. Le continent européen
est progressivement soumis à l’Allemagne nazie et à l’Italie
fasciste. La guerre s’étend même à l’URSS à la suite de l’attaque
allemande de juin 1941.
La carte 3 représente le renversement du front européen de
1942 à 1945. Les débarquements alliés se multiplient dans les
différents pays européens ; à partir de 1943, l’URSS entame la
libération terrestre, d’est en ouest, des territoires passés sous
le joug nazi.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les territoires sous domination nazie
s’établissent ainsi : au nord, la Norvège et le Danemark ; à l’ouest,
la France, la Belgique et les Pays-Bas ; à l’est, la Pologne, et la
partie occidentale de l’URSS ; au sud, la Yougoslavie et la Grèce.
Question 2 : La reconquête alliée se fait sur deux plans. D’une
part, l’URSS opère une reconquête terrestre à partir de son
territoire, d’est en ouest. D’autre part, les forces américaines
et britanniques utilisent la stratégie périphérique de
débarquement, successivement en Italie, en Normandie et
en Provence, afin de s’ouvrir la voie vers l’Allemagne nazie.
Question 3 : La guerre en Asie est principalement une guerre
aéronavale, même si de nombreux combats terrestres ont
lieu en Chine et dans les colonies asiatiques des puissances
occidentales.
Étude p. 82-83
Une guerre sur les cinq continents
Problématique : Comment l’ensemble du monde est-il touché
par la mobilisation et les combats durant la Seconde Guerre
mondiale ?
Le programme préconise d’étudier la dimension mondiale
de ce nouveau conflit et d’en envisager les différents théâtres
d’opérations. C’est pourquoi il nous a semblé important de
consacrer une étude à la dimension globale de la Seconde
Guerre mondiale, qui touche tous les continents, la mer, les
airs et la terre.
Le document 1 est un tableau permettant de visualiser le
nombre de soldats mobilisés durant la guerre par chacun
des belligérants, du côté des forces de l’Axe et du côté des
Alliés. Il faut bien sûr souligner le poids démographique
de l’engagement de l’URSS dans le conflit, de même que la
participation des nations de tous les continents du monde, y
compris l’Inde, la Chine ou les États-Unis.
Le document 2 est une photographie prise lors de la bataille
aéronavale de Midway entre les forces américaines et japonaises
en juin 1942. Il s’agit d’un engagement majeur et décisif dans
la guerre du Pacifique. Elle oppose la marine japonaise à celle
des États-Unis. Elle intervient au moment même où le Japon
a atteint ses objectifs de conquête. Elle marque un tournant
car elle marque l’arrêt de l’expansionnisme japonais dans le
Pacifique et le début de la lente reconquête américaine.
Le document 3 est une affiche de propagande américaine
de 1943 représentant l’ensemble des nations, « unies »,
combattant les forces de l’Axe au nom de la « liberté ». Elle
souligne l’importante mobilisation, à partir de 1943, contre les
forces de l’Axe. On peut notamment distinguer des drapeaux
latino-américains, comme ceux du Brésil, du Mexique ou du
Panama.
Le document 4 est une photographie de soldats allemands
de l’Afrikakorps qui avancent dans les dunes du désert de
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 43
 la Libye italienne. L’intervention allemande en Afrique du Nord
est liée au fait que les forces armées italiennes étaient bloqués
dans la région par une offensive britannique. Au moment de
la capitulation, 130 000 soldats allemands furent capturés.
Le document 5 est une vidéo illustrant le rôle des territoires
français d’outre-mer dans la Seconde Guerre mondiale. La
révolte de Balata (29 juin 1943) est un moment décisif de la
Seconde Guerre mondiale en Martinique, quand les soldats
de cette garnison refusèrent de servir l’amiral Georges Robert,
représentant du gouvernement de Vichy.
Le document 6 reprend des extraits du récit d’un marine
américain qui témoigne des sentiments éprouvés lors du
débarquement dans l’archipel de Palaos, à l’est des Philippines,
face aux Japonais, le 15 septembre 1944.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE p. 82
En Europe, en déclenchant l’opération Barbarossa le 22 juin
1941, l’armée allemande, secondée par des forces finlandaises,
hongroises et roumaines, entraîne l’URSS dans la guerre. Les
États baltes sont eux aussi touchés par l’offensive allemande.
Une ligne de front s’établit à l’est de l’Europe, de Leningrad
au nord de l’URSS à Stalingrad au Sud. En Asie, ce sont les
attaques japonaises qui étendent le conflit. En juillet 1941,
les Japonais occupent l’Indochine française ; le 7 décembre,
ils bombardent la base américaine de Pearl Harbor, dans
l’archipel de Hawaï, vue comme une étape vers les territoires
sous domination américaine tels l’île de Guam et les Philippines.
Malgré l’entrée en guerre américaine, les Japonais poursuivent
leur expansion en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique : Hong
Kong est prise le 25 décembre 1941, Singapour le 5 février
1942 et les Philippines le 6 mai 1942. Si le Japon domine les
possessions coloniales françaises, britanniques, hollandaises et
américaines au printemps 1942, les batailles navale de Midway
et terrestre de Guadalcanal, respectivement en juin et août
1942, marquent le recul de l’expansionnisme japonais. Enfin, des
combats ont également lieu en Afrique du Nord, notamment
en Libye, colonie italienne, mais aussi en Égypte, officiellement
indépendante mais sous influence britannique. Les Allemands
y subissent une défaite à El-Alamein en novembre 1942.
La diversité et l’extension des théâtres d’opérations montrent
bien que la guerre devient mondiale en 1941-1942.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Comme le montre le document 1, les cinq continents
ont mobilisé des soldats pendant la guerre. Du côté des forces
de l’Axe, les mobilisés proviennent essentiellement d’Europe
et d’Asie, avec notamment le Japon et le Mandchoukouo. En
revanche, du côté des Alliés, les différents continents sont
mentionnés : l’Amérique avec par exemple les États-Unis et le
Canada, l’Afrique avec l’Afrique du Sud, l’Europe avec l’URSS,
le Royaume-Uni, etc. l’Asie avec l’Inde et la Chine, et enfin
l’Océanie avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Le document 3
représentant les drapeaux des Nations unies permet de faire
le même constat puisqu’on y voit entre autres les bannières
américaine, britannique, chinoise, australienne, etc.
Question 2 : La Seconde Guerre mondiale est menée sur
les cinq continents mais également sur les différents fronts :
terrestre, aérien et naval. Les soldats font donc face à des
conditions de combat variables : à Midway, comme le montre le
44
document 2, se conjuguent les forces aériennes et navales. En
Afrique, et notamment en Libye dans le document 4, les soldats
sont confrontés à des paysages désertiques. Enfin, les soldats
expérimentent également les conditions insulaires comme
c’est le cas des territoires d’outre-mer français du document 5.
Question 3 : Dans le Pacifique, les combattants sont confrontés
à un théâtre d’opérations particulier. La guerre se fait d’île
en île et les batailles n’ont pas une dimension terrestre ou
continentale, comme en Europe. D’une part, les soldats doivent
minutieusement préparer les opérations de débarquement
en amont en prévoyant tout le matériel nécessaire. D’autre
part, lors de l’assaut, les soldats sont confrontés à l’éventuelle
riposte de l’ennemi et peuvent être soumis à des affrontements
au corps-à-corps. Enfin, les soldats doivent faire preuve d’un
courage durement mis à l’épreuve en raison de la dangerosité
de la situation et de l’omniprésence de la mort.
Bilan Lorsque le conflit est déclenché en Europe par l’invasion
allemande en Pologne en septembre 1939, la guerre fait déjà
rage en Asie entre le Japon et la Chine depuis 1937. Quoique
alliés, l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste et le Japon mènent une
guerre parallèle. Les deux théâtres principaux de la guerre vont
alors entraîner l’entrée en belligérance des différents continents.
En effet, les puissances européennes voient leurs colonies
touchées par l’impérialisme japonais. Elles sont également mises
à contribution pour l’effort de guerre allié, comme c’est le cas
pour le Royaume-Uni avec l’Inde, le Canada, l’Afrique du Sud
ou encore l’Australie et la Nouvelle Zélande. En outre, quoique
la priorité soit donnée à la guerre en Europe par les Alliés, les
batailles se déroulent simultanément sur les différents fronts.
La reconquête des territoires européens sur l’Allemagne et des
terres occupées par le Japon s’opère de manière concomitante
de 1942 à 1945.
Parcours 2
L’invasion allemande en Pologne, le 1er septembre 1939,
fait basculer le monde dans une nouvelle guerre. Les deux
documents à notre étude traduisent l’extension d’un conflit
initialement européen à l’échelle mondiale. Le premier
document est un tableau recensant le nombre de soldats
mobilisés par les principaux belligérants des deux camps de
l’Axe et des Alliés. Le second document quant à lui est une affiche
américaine symbolisant la lutte des Nations unies, sur terre, sur
mer et dans les airs, pour la liberté. Il s’agit de comprendre en
quoi la guerre voit se multiplier les théâtres d’affrontements en
Europe et dans le monde. D’une part, la guerre se déroule sur
les cinq continents. Comme l’illustre le premier document, les
soldats sont mobilisés dans les différentes parties du monde. Sur
le continent américain, on compte notamment les États-Unis et
le Canada, mais également le Brésil et Cuba dont les drapeaux
sont visibles sur le document 2. L’Europe est bien entendu au
cœur des affrontements mais la possession de colonies par
les puissances européennes, notamment le Royaume-Uni,
explique la mobilisation du continent africain, notamment
de 330 000 soldats en Afrique du Sud. De même, la guerre
menée en Asie et dans le Pacifique par le Japon touche très
logiquement les continents asiatique et océanique, comme le
prouve la mobilisation de 200 000 soldats du Mandchoukouo du
côté de l’Axe ou la présence des bannières australienne et néo-
zélandaise dans le second document. D’autre part, l’implication
des différents continents témoignent de l’ampleur de la guerre.
Elle se déroule sur le plan terrestre, en particulier sur le continent
européen qui concentre un grand nombre d’effectifs, ne serait-
ce qu’avec les 34 millions de soldats mobilisés par l’URSS
et mentionnés dans le premier document. Or la guerre est
également aérienne et navale. C’est ce qui apparaît sur l’affiche
du second document. On y distingue une flotte de guerre et des
avions de combat. C’est notamment dans le Pacifique que se
mène la guerre aéronavale, compte tenu de la géographie de
l’espace. Finalement, la guerre est mondiale dans son extension
géographique mais aussi totale dans l’emploi à différents
niveaux des forces militaires.
Leçon 1 p. 84-85
Un conflit d’ampleur mondiale
Problématique : Comment le conflit déclenché par l’Axe
entraîne-t-il le monde dans une nouvelle guerre touchant
l’ensemble des continents ?
Cette leçon permet de répondre au premier aspect de ce
chapitre 3 mis en avant par le programme, à savoir la dimension
mondiale du conflit. La problématique invite à l’étude des
différents théâtres d’opérations et des belligérants engagés
successivement dans une guerre aux formes militaires
diversifiées.
Notions importantes : Dans ce contexte de nouvelle guerre
mondiale, la notion importante est celle de guerre totale. En
effet, comme lors de la Grande Guerre, l’ensemble des forces
militaires, civiles et économiques est mis au service de la
guerre. Les notions d’Alliés, de Grande Alliance et de Nations
unies traduisent également l’évolution de l’organisation des
pays engagés contre les forces de l’Axe.
SCHÉMA BILAN Ce schéma illustre les principaux théâtres
d’opérations. Le front européen est un des fronts majeurs.
D’une part parce que la guerre y débute ; d’autre part
parce que la priorité est donnée à ce front par les Alliés
puisque l’Allemagne capitule le 8 mai 1945, avant le Japon.
La guerre est menée à l’ouest, contre la France, défaite en
juin 1940, et l’Angleterre qui résiste aidée des États-Unis à
partir de décembre 1941 ; elle est également menée à l’est
à la suite de l’attaque allemande contre l’URSS, le 22 juin
1941 – même si l’URSS avait déjà pénétré en Pologne, dès
septembre 1939, conformément au protocole secret du pacte
germano-soviétique d’août 1939. La présence de colonies
et la volonté d’expansionnisme du Japon ouvrent d’autres
fronts, en Afrique, Asie et dans le Pacifique. En Asie, le Japon
se heurte notamment aux Britanniques en Birmanie ; dans
le Pacifique, il fait face à la reconquête américaine dès l’été
1942. C’est sur le front de l’Asie-Pacifique que se termine la
Seconde Guerre mondiale, le 2 septembre 1945.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Les Japonais attaquent par surprise, et sans déclaration de
guerre, la base américaine de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941.
Ils coulent une partie de la flotte américaine mais les porte-
avions américains, arme décisive dans la guerre aéronavale,
n’ont pu être coulés car ils étaient en mer. On dénombre
2 500 morts et 1 200 blessés contre 30 pilotes japonais tués.
Cette attaque choque l’opinion publique américaine et éteint
donc le pacifisme prégnant aux États-Unis. En effet, personne
ne s’attendait à une attaque aussi proche des côtes américaines.
Le président américain Roosevelt parle « d’invasion préméditée »
et de sa volonté d’aller jusqu’à « la victoire absolue ». L’attaque
est donc un tournant car elle permet l’entrée en guerre des
États-Unis.
POINT DE PASSAGE p. 86-87
MÉTHODE BAC
Juin 1940 en France :
continuer ou arrêter la guerre
Problématique : Comment la défaite militaire face à l’Allemagne
divise-t-elle les Français quant à la poursuite de la guerre ?
Le PPO sur « Juin 1940 en France » vise à étudier la France au
prisme du constat de la défaite militaire lors de la campagne de
France. Deux camps s’opposent clairement : ceux, qui comme le
maréchal Pétain, souhaitent signer l’armistice et acter la défaite
militaire, et ceux, qui comme le général de Gaulle, veulent
continuer le combat, à l’étranger si nécessaire. Le succès rapide
des armées allemandes lors de la bataille de France, initiée en
mai 1940, amène la France à un choix difficile, entre l’arrêt des
combats et la poursuite de la lutte.
Le document 1 est un tableau recensant les forces militaires,
humaines et matérielles, engagées par les Allemands et les
Français lors de la campagne de France de mai-juin 1940, ainsi
que le nombre de victimes et de prisonniers respectifs lors de
cette campagne. Il est évident que le déséquilibre des forces
en mai 1940 est flagrant, même si les Allemands ont essuyé
d’importantes pertes humaines.
Le document 2 est le discours du nouveau président du Conseil
français, le maréchal Philippe Pétain, annonçant aux Français,
le 17 juin 1940, la décision prise par le gouvernement français
de demander l’armistice à l’Allemagne nazie. Il entérine le fait
qu’il assume « la direction du gouvernement de la France ».
Le document 3 est une affiche de la France libre reprenant
des propos des différents appels du général de Gaulle à la
radio de Londres. Il enjoint les Français, notamment présents
en Angleterre, à poursuivre la guerre. Cette affiche, placardée
à Londres, met en exergue la célèbre formule : « La France a
perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre ! »
Réponses aux questions :
Question 1 : La défaite de l’armée française peut s’expliquer
par l’infériorité des moyens militaires engagés. En effet, si le
nombre de divisions engagées en mai 1940 est à peu près
équivalent – 94 du côté français contre 114 du côté allemand –,
en revanche le nombre de divisions blindées et de bombardiers
est très largement à l’avantage des Allemands. Les Français
ont moins d’un tiers de divisions blindées par rapport aux
Allemands et dix fois moins de bombardiers. Ce rapport de
forces inégal est illustré par le grand nombre de prisonniers
français, soit 2 millions.
Question 2 : Le maréchal Pétain reconnaît d’une part
l’engagement des armées françaises dans le combat – « elle
a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés », d’autre part la
supériorité militaire de l’Allemagne – « contre un ennemi
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 45
 supérieur en nombre et en armes », et enfin souligne agir
« avec la confiance du peuple tout entier ».
Question 3 : Le général de Gaulle justifie la poursuite de la
lutte car la guerre est une « guerre mondiale » et il estime
que d’autres pays, on peut sous-entendre les États-Unis, vont
s’engager dans le conflit contre les forces de l’Axe. En outre, la
France doit poursuivre le combat pour maintenir « sa liberté
et sa grandeur », qu’elle a partiellement perdues en signant
les armistices de Rethondes et Villa Incisa.
Bilan L’efficacité de la campagne de France menée par les
Allemands à partir de mai 1940 entraîne, malgré l’engagement
et les combats de l’armée française, la défaite des Français. Se
pose alors la question de la poursuite ou de l’arrêt de la lutte
armée pour la France. Nommé président du Conseil la veille,
le 17 juin 1940, le maréchal Pétain s’adresse aux Français dans
un discours où il annonce qu’il a demandé aux Allemands les
conditions d’un éventuel armistice. Selon le héros de Verdun, la
France ne pourra l’emporter face à la supériorité militaire, tant
humaine que matérielle, de l’Allemagne nazie et il se présente
comme le défenseur et le rempart du peuple français. L’armistice
doit permettre d’éviter une déroute totale de la France. Exclu du
nouveau gouvernement de Pétain, le général de Gaulle adresse
depuis Londres un appel à la résistance le 18 juin 1940. Une
partie des éléments de son discours est reprise dans des affiches
placardées dans la capitale anglaise afin d’inviter les Français à
s’opposer à l’armistice et à poursuivre le combat. La France « n’est
pas seule » car elle peut compter sur ses alliés, notamment le
Royaume-Uni, et même les États-Unis quoiqu’encore neutres.
La guerre ne se limite pas à un affrontement franco-allemand
mais est une « guerre mondiale ». La France se trouve ainsi
divisée à l’été 1940 entre les partisans et les opposants aux
armistices franco-allemand et franco-italien.
MÉTHODE BAC
Analyse de deux textes
Introduction : Submergée par l’offensive allemande déclenchée
en mai 1940, la France en juin 1940 se trouve divisée par
deux politiques contradictoires face à cette défaite militaire.
Le document 2 est un discours prononcé par le président du
Conseil, Philippe Pétain, maréchal de France et héros de la
Première Guerre mondiale, notamment lors de la bataille de
Verdun de 1916. Il le prononce à l’adresse des Français le 17 juin
1940, soit trois jours après l’entrée des Allemands à Paris et au
lendemain de sa nomination comme chef de gouvernement.
Le document 3 est une affiche du 4 août 1940 adressée aux
Français pour les inciter à poursuivre la lutte aux côtés du
général de Gaulle. Cette affiche reprend en effet certains
termes de l’appel à la résistance prononcé depuis Londres, le
18 juin 1940, par cet ancien combattant de la Grande Guerre,
sous-secrétaire d’État à la Guerre et à la Défense nationale du 6
au 16 juin 1940. Il s’agit de voir en quoi ces documents sont le
reflet des conceptions opposées de ces deux militaires quant
à la défaite face à l’Allemagne et aux conséquences à en tirer.
Développement : Après plusieurs mois de « drôle de guerre »,
la campagne de France lancée par l’Allemagne nazie le 10 mai
1940 révèle rapidement l’ascendant des forces armées
allemandes. L’armée française se trouve confrontée à « un
ennemi supérieur en nombre et en armes » explique Pétain dans
son discours du 17 juin 1940. Face à cette supériorité, malgré
46
son engagement et sa lutte « avec un héroïsme digne de ses
longues traditions militaires » selon les termes du maréchal,
l’armée française est contrainte de reconnaître sa défaite.
Toutefois, pour le général de Gaulle, qui s’est d’ailleurs illustré
dans les combats contre les Allemands fin mai 1940, cette
défaite n’est pas définitive. « La France a perdu une bataille !
Mais la France n’a pas perdu la guerre » mentionne l’affiche
du 4 août 1940.
Toutefois, ce point de vue n’est pas partagé par le président du
Conseil, Philippe Pétain, qui estime devoir s’engager dans la voie
de l’armistice avec l’Allemagne. Selon lui, l’arrêt des combats
permettra d’éviter un désastre militaire total et de préserver
la population française. En tant que héros de Verdun en 1916
et chef du gouvernement en 1940, il entend répondre aux
vœux des « anciens combattants » et « du peuple tout entier ».
Or le général de Gaulle ne partage pas cette opinion. Dans
son message lancé depuis la BBC à Londres, le 18 juin 1940, il
répond à Pétain et appelle à la résistance C’est une partie de
ce message que reprend l’affiche placardée dans les rues de
la capitale anglaise, le 4 août 1940. Pour ce récent général,
la guerre ne se limite pas à un conflit franco-allemand mais
est « une guerre mondiale ». Aussi la France peut-elle s’appuyer
sur le Royaume-Uni où est diffusée cette même affiche et où
de Gaulle se trouve lui-même, et sur « des forces qui n’ont pas
encore donné », référence notamment aux États-Unis.
Conclusion : La conclusion des armistices avec l’Allemagne et
avec l’Italie entraîne une division de la France et des Français. Le
maréchal Pétain se présente comme le défenseur des intérêts de
la France en arrêtant les combats. Le général de Gaulle, depuis
Londres, refusant ce qu’il considère comme une « capitulation »,
propose une autre voie que celle de l’armistice : la voie de la
résistance depuis l’extérieur où il se trouve lui-même mais
aussi de l’intérieur, sur le sol métropolitain français désormais
en partie occupé par les forces de l’Axe.
Étude p. 88-89
La France de Vichy
Problématique : Comment, après l’armistice, le maréchal
Pétain envisage-t-il la politique de collaboration avec l’occupant
allemand ?
Le choix de l’arrêt des combats par le maréchal Pétain amène à
la conclusion de deux armistices en juin 1940 avec l’Allemagne
nazie et l’Italie fasciste. Une partie du territoire français se
trouve alors occupé tandis qu’en zone dite « libre » un nouveau
gouvernement, dirigé par Pétain, s’installe à Vichy. À la suite du
débarquement allié en Afrique du Nord, en novembre 1942,
l’armée allemande prend aussi possession de la zone sud.
Cette étude vise à comprendre ce qu’implique « la politique de
collaboration » évoquée par le maréchal Pétain dès l’automne
1940.
Le document 1 est une carte présentant les différentes zones
découpant le territoire français métropolitain à l’issue des
armistices de juin 1940 et du franchissement de la ligne de
démarcation le 11 novembre 1942. On peut remarquer, outre
la zone occupée par la Wehrmacht et la zone « libre » du régime
de Vichy, l’annexion de l’Alsace-Moselle et le rattachement du
Nord de la France au commandement militaire de Bruxelles.
Les Italiens occupent aussi pendant dix mois les régions des
Alpes, de la Savoie et de la Provence.
Le document 2 est un document juridique puisqu’il s’agit de
l’acte constitutionnel du 11 juillet 1940 fixant les pouvoirs de
Pétain après son obtention des pleins pouvoirs le 10 juillet
1940. Il fonde en droit la fin de la IIIe République et la mise en
place d’un nouveau régime, « l’État français ».
Le document 3 est une affiche de propagande datant de
1940 destinée à promouvoir la « Révolution nationale » du
régime de Vichy. Elle est restée célèbre car elle met en avant
les valeurs que défend Vichy (travail, famille, patrie). Elle est
aussi intéressante dans sa façon de critiquer selon son point
de vue les fondements de la République.
Le document 4 est une affiche de propagande datant de
1942 destinée à promouvoir la « relève », à savoir le départ
volontaire de travailleurs français en Allemagne. Cet envoi
fait partie de la politique de collaboration. Devant le peu de
succès de cette entreprise, le Service du travail obligatoire est
mis en place en février 1943.
Le document 5 regroupe des extraits de la loi du 3 octobre
1940 énumérant les mesures prises contre les Juifs. La politique
anti-juive du gouvernement de Vichy est ainsi mise en place
dans les premiers mois qui suivent l’armistice.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
La législation de Vichy oblige les familles juives, en particulier
étrangères, de la côte Atlantique, à quitter leur domicile, pour
être « assignées à résidence » dans des fermes désaffectées,
comme en Dordogne. L’objectif est de les regrouper et de les
ficher afin de statuer par la suite sur leur sort. Les enfants sont
éprouvés lors de longs voyages en train, souffrant du froid ; ils
deviennent comme leurs parents des « citoyens de seconde
zone », portant la marque distinctive de l’étoile jaune. Pour
« exorciser leur angoisse » face à une telle situation inexplicable,
des enfants se mettent à écrire. Ces épreuves ont néanmoins
amené à une amnésie partielle chez certains qui n’ont conservé
que certains souvenirs de cette douloureuse période.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : D’une part, comme le montre l’article 1, le chef
de l’État concentre entre ses mains les pouvoirs exécutif et
législatif contrevenant en cela à la séparation des pouvoirs.
D’autre part, l’article 2 met fin au régime de la IIIe République
en abrogeant les lois constitutionnelles de 1875.
Question 2 : L’affiche présente deux maisons mettant en avant
d’une part ce à quoi s’oppose la « Révolution nationale » du
régime de Vichy, et d’autre part les valeurs qu’elle prône. Vichy
dénonce ainsi le communisme tout comme le capitalisme, le
parlementarisme et fait preuve d’antisémitisme. La France,
illustrée par les couleurs du drapeau, doit reposer sur les trois
piliers que sont le travail, la famille et la patrie. Certaines des
valeurs mises en avant, comme l’ordre et la discipline, rappellent
les devises des régimes nazi et fasciste.
Question 3 : Le régime de Vichy collabore avec le régime nazi
sur deux plans : d’une part, le plan idéologique ; d’autre part, le
plan économique. En effet, la loi du 3 octobre 1940, allant même
au-devant des demandes allemandes, énumère des mesures
anti-juives qui s’apparentent aux lois de Nuremberg de 1935.
De même, l’affiche appelant à l’engagement de travailleurs
français en Allemagne pour participer à l’effort de guerre nazi,
révèle la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie.
Question 4 : La loi du 7 octobre 1940 prend un certain nombre
de mesures discriminatoires envers les Juifs. D’une part, la
fonction publique leur est interdite. Ainsi, ceux qui sont déjà
fonctionnaires au moment de la promulgation de la loi doivent
quitter leur fonction dans un délai de deux mois. D’autre part,
un certain nombre de professions dans le monde de la presse,
du cinéma et des médias en général leur est également fermé.
Bilan Rapidement après sa mise en place en juillet 1940, le
régime de Vichy s’engage dans une politique de collaboration
avec l’occupant allemand. Conformément aux armistices
conclus avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, le territoire
métropolitain français est divisé en différentes zones. L’Alsace-
Moselle se trouve annexée à l’Allemagne et une partie du Nord
de la France est rattachée au commandement militaire allemand
de Bruxelles. Deux zones, côtières à l’Ouest et intérieure de la
mer du Nord à la frontière suisse sont interdites. De même,
dans une large partie nord et dans une partie sud-est, la France
est soumise aux occupations allemande et italienne. Ce n’est
donc que dans une zone au sud de la ligne de démarcation,
zone dite « libre », que s’exerce l’autorité du régime de Vichy.
Ce régime s’engage dans une politique de collaboration bien
que celle-ci ne lui soit pas imposée par l’Allemagne nazie. Cette
politique apparaît notamment avec le développement d’une
idéologie propre, la « Révolution nationale », reposant sur un
certain nombre de valeurs proches de celles des forces de
l’Axe. Cette « Révolution nationale » est donc anticommuniste,
anticapitaliste, antisémite et reprend certains termes des
devises nazie et fasciste comme le travail, l’ordre ou encore
la discipline.
Parcours 2
La défaite face à l’Allemagne et la signature des armistices
entraînent un changement de régime en France entériné
par le vote des pleins pouvoirs à Pétain, le 10 juillet 1940. Le
document 2 reprend des extraits de l’Acte constitutionnel
du 11 juillet 1940 établissant un nouveau régime pour la
France. Le document 3 est une affiche de propagande émise
par ce nouveau régime de Vichy en 1940 afin de promouvoir
l’idéologie de la « Révolution nationale ». D’une part, il s’agit
d’instaurer un régime autoritaire car la IIIe République est
rendue responsable de la défaite française. Il faut donc un
changement politique qui rompe avec la tradition républicaine
et démocratique puisque le chef de l’État, à savoir le maréchal
Pétain, « a la plénitude du pouvoir gouvernemental » et
« exerce le pouvoir législatif en conseil des ministres ». Dans
l’attente de « la formation de nouvelles Assemblées », Pétain
concentre donc entre ses mains les pouvoirs exécutif et
législatif, remettant en cause l’équilibre et la séparation
des pouvoirs. D’autre part, cette révolution politique
s’illustre à travers le rejet du communisme, du capitalisme
et du parlementarisme, comme le met en avant l’affiche
promouvant la Révolution nationale. L’accent est mis sur la
patrie représentée à travers les couleurs du drapeau français
omniprésentes sur l’affiche. Enfin, les valeurs défendues
par Vichy témoignent de la dimension d’évolution sociale
recherchée par le régime. En effet, le « travail » et la « famille »
sont mises au premier plan et constituent deux des fondations
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 47
 de la « Révolution nationale » que viennent compléter les
valeurs « d’ordre » et de « discipline ». Le régime de Vichy établi
en juillet 1940 traduit donc bien la volonté de construire une
« société nouvelle ».
Étude p. 90-91
La résistance en France
Problématique : Comment la résistance s’organise-t-elle
progressivement sur le territoire français ?
Cette étude permet de prolonger l’analyse de la France au
moment de l’armistice. Ceux qui s’opposent aux occupants
allemands et italiens, voire au régime de Vichy, entrent en
résistance en France. La résistance est polymorphe et tout
d’abord très hétérogène, avant de progressivement s’organiser.
Le document 1 est un extrait de l’ouvrage, paru en 1996, de
Raymond Aubrac, ancien résistant, dans lequel il témoigne de
la création du réseau et du journal Libération en 1941.
Le document 2 est une photographie datant d’août 1944
représentant un pont effondré dans l’Ardèche à la suite de son
sabotage par des résistants.
Le document 3 est un schéma illustrant la fusion des différents
mouvements de résistance au sein des FFI – Forces françaises
de l’Intérieur – créées le 1er février 1944.
Le document 4 est une affiche de propagande produite par
les autorités d’occupation allemandes afin de dénoncer l’action
de la résistance intérieure, notamment à Paris, en février 1944.
Le document 5 superpose trois extraits de témoignages
de résistants dans l’Yonne évoquant leur organisation. Seul
le deuxième témoignage mentionne une date, celle du
30 décembre 1941.
Le document 6 est une photographie montrant l’arrestation
de plusieurs maquisards en Saône-et-Loire, le 28 mars 1944.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La résistance cherche avant tout à transmettre
des informations et donc à publier des journaux clandestins
afin de dénoncer l’occupation – en particulier le « pillage »
– et la complicité du régime de Vichy à l’égard des autorités
d’occupation, « l’appui sans réserve », selon Raymond Aubrac.
Question 2 : Les moyens d’action de la résistance en France
sont variés. D’une part, il s’agit de transmettre des informations
par la publication de journaux clandestins. D’autre part, les
résistants fournissent également aux « fugitifs » des vêtements
et des papiers d’identité et font la chasse aux collaborateurs
grâce aux armes qu’ils parviennent à obtenir. Enfin, ces mêmes
armes et d’autres matériels leur permettent de recourir à l’action
armée et de pratiquer notamment des sabotages.
Question 3 : Les différents mouvements de résistance se
réunissent en 1944 car ils sont au départ d’obédience différente :
les FTP réunissent des communistes, l’Armée secrète des
gaullistes et l’Organisation de résistance de l’armée des anciens
militaires. Ils se retrouvent néanmoins dans le même objectif
de lutte contre l’occupation et le régime de Vichy. Leur union
rend leur action plus efficace.
48
Question 4 : « L’Affiche rouge » discrédite l’action des résistants
du groupe Manouchian par deux moyens principaux. D’une
part, le vocabulaire employé dénonce l’action du réseau qui
est qualifié de « bande », « d’armée du crime » et dont les
membres sont des « Juifs » et des « communistes ». D’autre
part, les photographies au bas de l’affiche mettent en avant les
conséquences des actions du réseau en insistant sur l’horreur
commise.
Question 5 : Les collaborateurs et les Allemands luttent contre
la résistance au moyen de la propagande et d’arrestations de
résistants.
Bilan D’une part, les résistants cherchent à mettre en place
des réseaux en privilégiant dans un premier temps l’action de
propagande. En effet, l’objectif est de fournir les informations
via des journaux clandestins, comme Libération à l’été 1941,
afin de dénoncer l’occupation allemande et la collaboration
du régime de Vichy. D’autre part, afin d’échapper à l’envoi en
Allemagne pour y grossir les rangs des travailleurs, de nombreux
jeunes « prennent le maquis » et organisent des actions de
sabotage contre l’occupant et les collaborateurs. Toutefois,
cette organisation se heurte à la répression non seulement des
Allemands mais aussi des collaborateurs français qui procèdent
à la surveillance des réseaux de résistance et parviennent à
arrêter des maquisards comme ceux de Valveron en Saône-
et-Loire, le 28 mars 1944.
Parcours 2
Dès les premiers mois de l’armistice, la résistance s’organise sur
le territoire français. D’une part, différents réseaux apparaissent
progressivement en fonction d’affinités politiques ou d’autres
solidarités. Ainsi, l’Organisation de résistance de l’armée est
créée dès janvier 1941 autour d’anciens militaires qui ne se sont
pas ralliés à de Gaulle. De même, après l’invasion allemande en
URSS, les communistes créent le réseau des FTP fin 1941. Enfin,
les gaullistes opèrent la fusion de trois réseaux pour donner
naissance à l’Armée secrète en septembre 1942. D’autre part,
l’Armée secrète symbolise la nécessaire union des mouvements
de résistance pour les rendre plus efficaces dans leur action
contre l’occupant et contre la politique de collaboration. C’est
ainsi que s’opère la fusion des trois mouvements mentionnés
ci-dessus, donnant naissance aux Forces françaises de l’Intérieur
le 1er février 1944. Enfin, la résistance repose bien sur l’action
collective comme le soulignent les témoignages du document
5 insistant sur le « nous », la formation de « groupe de francs-
tireurs ». Cette organisation collective permet de mener des
actes de résistance, de la fourniture de faux papiers d’identité
aux sabotages en passant par le transport d’armes, plus efficaces.
POINT DE PASSAGE p. 92-93
De Gaulle et la France libre
Problématique : Comment de Gaulle organise-t-il la France
libre ?
En refusant la politique de l’armistice choisie par Pétain et en
appelant à la résistance dès le 18 juin 1940, le général de Gaulle
met en place, à partir de l’Angleterre, une véritable organisation
appelée la France libre. Ce PPO est dans la continuité du premier
sur « Juin 1940 en France : continuer ou arrêter la guerre ». Après
avoir envisagé le choix de de Gaulle de continuer la guerre,
il faut ici prendre en compte l’organisation de la résistance
depuis Londres puis Alger.
Le document 1 reprend des extraits du témoignage de l’écrivain
Romain Gary qui s’engage dans les Forces aériennes françaises
libres (FAFL) dès le mois de juillet 1940. Cet extrait est intéressant
dans la mesure où il permet de comprendre comment la figure
de de Gaulle parvient à rassembler autour de lui un certain
nombre de Français désireux de continuer le combat.
Le document 2 est une photographie du général de Gaulle
passant en revue des volontaires FFL, dont des femmes, de Saint-
Pierre-et-Miquelon, à Londres en mars 1942. Le 24 décembre
1941, Saint-Pierre-et-Miquelon a rallié la France libre.
Le document 3 propose des extraits des Mémoires de guerre
du général de Gaulle sur sa relation avec Jean Moulin. Préfet
d’Eure-et-Loir dans les premiers mois du régime de Vichy, il est
révoqué en novembre 1940 et rejoint Londres en septembre
1941. Il est alors un maillon essentiel de la communication entre
les mouvements de résistance. Il est arrêté le 21 juin 1943 à
Calliure-et-Cuire dans le Rhône et meurt durant son transfert
en Allemagne, le 8 juillet 1943.
Le document 4 est une affiche de propagande de la France
libre diffusée en 1943. Elle utilise de nombreux symboles : la
croix de Lorraine est une référence à la France libre, quand le
bonnet phrygien, les couleurs choisies et la tour Eiffel rappellent
la France ; les deux hommes, l’un casqué et l’autre non, sont
une image d’un combat qui peut être poursuivi par des soldats
comme par des civils.
Le document 5 est composé d’extraits du message adressé
à la radio de Londres par le général de Gaulle aux enfants de
France, la veille de Noël 1941. Ce texte souligne le fait que le
général de Gaulle s’adresse à tous les Français, y compris aux
enfants, très exposés à la propagande de Vichy à travers l’école.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Si peu de Français entendent l’appel du général de Gaulle le
18 juin 1940, c’est néanmoins le cas de Jacques Roos, jeune
parisien de 20 ans, étudiant en droit. Il a le courage – ou
« l’insouciance » indique-t-il à la fin du reportage – de vouloir
continuer le combat, estimant que la France a les forces militaires
suffisantes, tant terrestres, aériennes que navales. Il cherche
alors à tout prix à rejoindre l’Angleterre : il embarque le 23
juin à Saint-Jean-de-Luz à bord d’un cargo et débarque à
Plymouth. Il rencontre de Gaulle à Londres et s’engage dans
les Forces françaises libres jusqu’à la fin de la guerre. Au sein
des FFL, il se rend au Cameroun, au Tchad, en Libye et intègre
la division Leclerc.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Romain Gary décrit le général de Gaulle sous
différents aspects : d’une part, il le présente comme un « père » ;
d’autre part, comme un grand chef militaire, le comparant à
Napoléon ; enfin comme une personnalité difficile. Mais c’est
cette personnalité qui lui a permis d’avoir « la faiblesse » de
dire « non » à la force. Un homme seul mais qui a fait le choix
de ne pas céder à la capitulation.
Question 2 : La France libre forme une véritable armée en
ce qu’elle touche hommes et femmes comme on peut le voir
sur le document 2. Elle touche également civils et militaires
comme l’illustre l’affiche de 1943.
Question 3 : La France libre ne touche pas le seul territoire
métropolitain mais également les Outre-mer comme Saint-
Pierre-et-Miquelon d’où viennent les FFL du document 2. De
même, la France libre s’organise à partir de Londres où demeure
le général de Gaulle. D’ailleurs, dans le document 5, le chef de
la France libre met en avant l’investissement des FFL dont on
parle « partout dans le monde »
Question 4 : La France libre combat pour la patrie comme
en témoigne le port de l’uniforme français par le général de
Gaulle et les FFL dans le document 2. De même, la présence
du bonnet phrygien, des trois couleurs du drapeau français et
de monuments de Paris en arrière-plan, sans oublier la croix
de Lorraine emblème de la France libre, illustrent la volonté
de libérer la France de l’occupant allemand.
Bilan Dès son appel à la radio de Londres le 18 juin 1940, le
général de Gaulle invite au refus de l’armistice et à la résistance.
D’une part, Charles de Gaulle souhaite poursuivre le combat
en mettant sur pied une armée de la France libre. C’est ainsi
que sont créées les Forces françaises libres qui agissent sur
terre, sur mer et dans les airs. L’objectif est de continuer la
guerre aux côtés des Alliés et de libérer la France. D’autre
part, la libération de la France doit se faire de concert avec
les mouvements de résistance intérieure. Comme l’affirme
l’affiche de la France libre de 1943, les résistants, qu’ils soient
en France ou hors de France, mènent « un seul combat pour
une seule patrie ». Enfin, le chef de la France libre insiste sur
la nécessité de lutter contre l’occupant allemand et de ne pas
capituler face à lui.
Parcours 2
En s’opposant au choix de l’armistice par le maréchal Pétain, le
général de Gaulle fait le choix de la poursuite des combats. Le
document 1 nous fournit un témoignage de l’écrivain engagé
dans les FFL, Romain Gary, et de ses relations avec de Gaulle. Le
document 3 nous livre quant à lui les mémoires de de Gaulle
quant à sa rencontre avec Jean Moulin fin 1941 et à la mission
qu’il lui confie en France en 1942. Aussi, dès l’appel du 18 juin
1940, devient-il le « père héroïque » de ceux qui refusent de
capituler face aux forces de l’Axe. Il devient alors la figure à
laquelle on se rallie même si, selon Romain Gary, de Gaulle « s’est
choisi lui-même ». Le général est prêt à résister, même seul : il
incarne la figure de la résistance extérieure depuis Londres. Or
Charles de Gaulle doit tenir compte de la résistance qui s’est
développée directement sur le territoire français. C’est ainsi
qu’il charge Jean Moulin, qu’il rencontre pour la première fois
à Londres en décembre 1941, « d’assurer l’unité d’action des
éléments de résistance » en France.
L’homme du 18 juin incarne alors le chef de la France libre à la
Libération ayant voulu œuvrer à la coordination entre résistance
extérieure et intérieure.
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 49

Leçon 2 p. 94-95
Défaite, collaboration et résistance en
France
Problématique : Comment la défaite militaire face à
l’Allemagne nazie divise-t-elle la France entre collaboration
et résistance ?
Cette leçon permet de répondre au dernier aspect du chapitre 3
mis en avant par le programme, à savoir l’étude de la France
dans la guerre. La problématique invite à une analyse de la
situation particulière de la France à l’issue de sa défaite face
aux forces de l’Axe. Certains, derrière le maréchal Pétain, font
le choix de l’armistice et de la collaboration avec l’occupant ;
d’autres, à l’instar du général de Gaulle, veulent poursuivre le
combat et s’engagent dans la résistance en et hors de France.
Notions importantes : Les notions de défaite et d’armistice
sont au centre de ce chapitre, puisque ce sont elles qui
participent des oppositions qui naissent en France. Face au
régime collaborateur de Vichy qui a mis fin à la IIIe République, se
met en place un régime résistant : la France libre veut incarner
la continuité républicaine.
SCHÉMA BILAN Ce schéma illustre la division de la France au
cours de la Seconde Guerre mondiale. En effet, l’efficacité de
l’armée allemande, lors de la campagne de France initiée en mai
1940, entraîne la rapide défaite de la France. Le récent chef du
gouvernement, le maréchal Pétain, fait le choix de l’armistice
qu’il signe avec les Allemands et les Italiens respectivement les
22 et 24 juin 1940. Il met en place un nouveau régime en zone
dite « libre », dans le sud de la France. Le régime de Vichy lance
une « Révolution nationale » et s’engage dans la collaboration
avec l’occupant allemand. En revanche, dès le 18 juin 1940, le
général de Gaulle s’oppose à l’armistice et organise la France
libre, depuis Londres puis Brazzaville après le ralliement de
l’AEF (Afrique équatoriale française), pour continuer la lutte.
Se développent ainsi une résistance extérieure avec les FFL
(Forces françaises libres) et une résistance intérieure regroupant
différents mouvements et réseaux au sein des FFI (Forces
françaises de l’Intérieur).
POINT DE PASSAGE p. 96-97
Le front de l’Est et la guerre
d’anéantissement
Problématique : Comment la violence sur le front de l’Est se
déchaîne-t-elle dans une logique d’anéantissement ?
L’offensive Barbarossa lancée par l’armée allemande le 22 juin
1941 entraîne l’URSS dans la guerre. S’ouvre un nouveau front
à l’est de l’Europe aux accents idéologique et racial. Ce point de
passage et d’ouverture cherche à comprendre le phénomène
de la violence de masse à partir de l’exemple du front de l’Est,
avec ses atrocités soutenues par un affrontement des idéologies.
Le document 1 est une photographie, datée de novembre
1942, qui révèle la violence et la dureté des combats au sein
de la ville de Stalingrad en URSS. On peut très nettement voir
sur l’arrière-plan les destructions matérielles, les ruines de la
ville, mais aussi au premier plan les combattants et les corps
50
des soldats morts dans la bataille.
Le document 2 est un tract à destination des soldats allemands
en 1941 afin de les exhorter à l’anéantissement en URSS.
La rhétorique est bien celle la destruction de l’adversaire,
accusé d’employer les « moyens les plus répugnants et les plus
déloyaux » (lignes 5-6).
Le document 3 reproduit l’ordre n° 227 adressé par Staline
à l’Armée rouge, le 28 juillet 1942, l’obligeant à poursuivre
la lutte coûte que coûte. C’est une réponse à l’avancée des
troupes allemandes en URSS. Staline exhorte les Soviétiques
à continuer le combat, quitte à ce que « les fauteurs de trouble
et les couards [soient] exterminés sur place » (lignes 11-12).
C’est donc une véritable lutte à mort qui est engagée.
Le document 4 est une affiche de propagande nazie de 1943
pour favoriser le recrutement de soldats étrangers au sein
de la Waffen SS, et renforcer ainsi les effectifs dans la guerre
à l’Est. À nouveau, la rhétorique est celle d’une diabolisation
de l’ennemi. Le dragon représente le « judéo-bolchevisme »
(représenté avec l’étoile de David et l’étoile rouge). Ce dragon
qui dévore ses adversaires (voir les os et le crâne au premier
plan) représente l’ennemi que combat la SS.
Le document 5 est une photographie révélant les conditions
de vie très difficiles des prisonniers soviétiques dans les camps
allemands en 1941.
Le document 6 est un tableau recensant les victimes dans les
combats et au sein des camps du côté allemand et soviétique – y
compris leurs alliés – sur le front de l’Est. Les pertes humaines
sont colossales. Si l’URSS ne compte pas moins de 10 millions
de soldats morts sur le front de l’Est, l’Allemagne en totalise
environ 4 600 000. Les pertes sont bien plus importantes que
sur le front de l’Ouest.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le photographe met en avant la violence des
combats à travers le paysage et les soldats qu’il a captés à
travers son objectif. En effet, les bâtiments sont effondrés et
les rues de la ville ont été transformées en tranchées où les
soldats se tapissent afin d’échapper au feu ennemi.
Question 2 : Les Allemands dénoncent les méthodes de combat
des soldats de l’Armée rouge qui emploierait « les moyens les
plus répugnants et les plus déloyaux ». C’est une manière de
justifier l’anéantissement préconisé par le tract allemand : « ils
doivent être liquidés ». De même, l’ordre émis par Staline, le
28 juillet 1942, impose aux soldats soviétiques de ne plus faire
« un seul pas en arrière ». L’Armée rouge doit lutter « jusqu’à la
dernière goutte de sang ».
Question 3 : L’affiche du document 4 met bien en avant les
deux adversaires du front de l’Est. Au premier plan, on peut
distinguer un dragon rouge portant une étoile juive et un
symbole communiste : ce dragon renvoie bien entendu à l’URSS.
Il est écrasé par l’emblème SS alors qu’apparaît en arrière-plan
un soldat armé de gaz ou d’une grenade. L’objectif de l’affiche
est bien de mettre en avant la lutte contre le complexe judéo-
bolchevique soviétique.
Question 4 : L’entassement de cadavres au milieu de prisonniers
soviétiques debout en plein air traduit des conditions de
détention destinées à déshumaniser ces soldats et participent
donc de la volonté d’anéantissement.
 Bilan Avec le déclenchement de la guerre contre l’URSS,
l’Allemagne nazie ouvre un nouveau front caractérisé par des
combats d’une violence extrême. Une logique d’anéantissement
est à l’œuvre. Or la vision allemande d’une Armée rouge « sans
foi ni loi » et propre aux pires atrocités tend à justifier la volonté
de « liquider » l’ennemi soviétique qu’il soit d’ailleurs civil ou
militaire. Ainsi, le nombre de victimes est-il considérable tant
du côté allemand que soviétique, avec respectivement 4,3
millions et 6,8 millions de morts ou disparus. En revanche,
la mortalité des prisonniers est dix fois plus élevée du côté
soviétique avec 3,3 millions de victimes contre 300 000 du côté
allemand, traduisant des conditions effroyables de détention
dans les camps nazis.
Parcours 2
L’extension de la guerre à l’URSS avec l’opération Barbarossa
déclenchée par l’Allemagne nazie, le 22 juin 1941, s’accompagne
d’un nouveau franchissement du seuil de violence. Le
document 2 est un tract allemand de 1941, dont l’auteur est
anonyme, invitant les soldats allemands à mener une lutte
à mort contre l’Armée rouge. Le document 3 quant à lui est
un ordre émanant de Staline, le 28 juillet 1942, imposant aux
soldats soviétiques de mener une résistance à mort face à
l’armée allemande. Alors qu’elle s’engage sur un nouveau
théâtre d’opérations, la Wehrmacht reçoit pour consignes de
ne faire preuve d’aucune pitié envers les soldats, ni même
les civils, soviétiques. En effet, la lutte contre l’Armée rouge
s’apparente à une lutte pour la survie. L’Armée rouge est
présentée comme déloyale et ne respectant par les lois et
coutumes de guerre. « Quelle que soit la façon dont l’ennemi
combat, vos armes habituées à la victoire l’anéantiront »
conclut le document 2. Du côté soviétique, l’ordre de lutter à
mort contre l’armée allemande vient d’en haut puisqu’il émane
de Staline. Ce dernier ordonne aux soldats soviétiques d’aller
toujours de l’avant – « pas un seul pas en arrière » – quelles que
soient les difficultés rencontrées. D’ailleurs, il annonce même
l’extermination des « fauteurs de troubles et des couards ».
Tout soldat qui recule est considéré comme un traître à la
patrie. L’objectif est non seulement de « repousser » mais aussi
d’« exterminer l’ennemi ».
Étude p. 98-99
Le génocide des Juifs et des Tsiganes
Problématique : Comment l’Allemagne nazie organise-t-elle
le génocide des Juifs et des Tsiganes ?
Cette étude permet de mettre en avant la violence extrême
perpétrée par l’Allemagne nazie à l’encontre de certaines
populations, notamment les Juifs et les Tsiganes. L’étude ne
se concentre pas uniquement sur les centres de mise à mort
mais aussi sur la Shoah par balles. L’extermination des Juifs et
des Tsiganes prend donc différentes formes.
Le document 1 regroupe des extraits du discours de Himmler,
chef des SS et ministre de l’Intérieur du IIIe Reich, à Poznan en
Pologne, à destination d’officiers supérieurs SS, le 4 octobre
1943. Ce discours, rendu public lors du procès de Nuremberg,
utilise à plusieurs reprises le terme d’ « extermination » (lignes 4,
6 ou 8), mais surtout il évoque la nécessité pour lui de la mettre
en œuvre, mais en la passant sous silence.
Le document 2 retranscrit le témoignage de Heinrich Bocholt
appartenant à la 1re compagnie du 101e bataillon de réserve
de la police allemande sur la Shoah par balles en Pologne en
1943. Il est issu du célèbre ouvrage de Christopher Browning,
Des hommes ordinaires. Il décrit l’exécution de milliers de Juifs
par balles mise en œuvre par des soldats de la SD.
Le document 3 est une photographie montrant l’exécution de
Juifs ukrainiens, entassés dans une fosse, par un Einsatzgruppe
en septembre 1941. Il s’agit d’une des rares photographies
que nous avons conservées d’exécutions massives de Juifs
ukrainiens par les Einsatzgruppen. Une exposition récente au
Mémorial de la Shoah affirmait qu’entre 1941 et 1944, près d’un
million et demi de Juifs ukrainiens avaient été assassinés lors
de l’invasion de l’Union soviétique, la plupart sous les balles
des Einsatzgruppen.
Le document 4 est une carte représentant l’univers
concentrationnaire nazi, notamment la répartition des différents
camps ainsi que les routes de la déportation. La politique
d’extermination des Juifs et des Tsiganes touche donc l’ensemble
de l’Europe sous domination allemande, depuis l’URSS jusqu’à
la frontière espagnole. Si les camps de mise à mort (« camps
d’extermination ») se retrouvent essentiellement en Pologne,
les camps de concentration sont situés en Allemagne ou en
Alsace (annexée), avec le camp de Natzweiler-Struthof.
Le document 5 est une photographie de l’entrée du ghetto de
Lodz en Pologne en 1942, au sein duquel s’entassent les Juifs.
Sur le panneau est inscrit : « Quartier juif. Entrée interdite ». Le
ghetto de Lodz a été institué par les nazis en avril 1940 (plusieurs
mois avant celui de Varsovie, au mois d’octobre), et ses derniers
habitants furent déportés à Auschwitz en août 1944.
Le document 6 est un tableau établissant, dans les pays alliés
ou sous domination nazie, le nombre de victimes juives et
tsiganes et la part représentée dans la population juive et
tsigane de chaque pays. Ainsi, si c’est la communauté juive
de Pologne qui a payé le plus lourd tribut de la Shoah, elle a
également presque disparu en Tchécoslovaquie. Le bilan du
génocide tsigane a par ailleurs été très important dans des
pays comme l’Allemagne, la Pologne ou même la France, avec
40 % de la communauté qui a disparu.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Himmler en tant que chef des SS de la police
allemande, et notamment la Gestapo, et ministre de l’Intérieur,
est une cheville ouvrière du régime nazi dont il partage les
vues raciales : « c’est clair dans notre programme : élimination
des Juifs ». Selon lui, leur extermination est indispensable,
notamment dans le contexte de conditions de vie difficiles en
Allemagne liées à la guerre, car les Juifs sont des « agitateurs,
des saboteurs et des fauteurs de troubles ».
Question 2 : La photographie du document 5 traduit la politique
raciale et antisémite menée par l’Allemagne nazie dans les
territoires sous sa domination. Ainsi, les Juifs sont-ils séparés
des autres populations et installés dans des ghettos comme
celui de Lodz en Pologne.
Question 3 : L’exécution des Juifs et des Tsiganes prend deux
formes essentielles : l’extermination par fusillades, ce que l’on
appelle la Shoah par balles, pour les Juifs et qu’illustrent bien les
documents 2 et 3 ; l’extermination dans des camps spécifiques
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 51
 en Pologne parmi lesquels Belzec, Sobibor ou encore Treblinka.
Question 4 : Le génocide des populations juives et tsiganes
relève d’un processus industriel par l’ampleur des moyens mis
en œuvre et des victimes « accumulées ». Himmler évoque
ainsi un « monceau de 100 cadavres ou de 500 ou de 1000 ».
En outre, le nombre de camps d’extermination et l’existence
même de ce type de camps traduit bien ce phénomène de
mort industrielle. Le bilan humain vient d’ailleurs confirmer ce
constat. En Allemagne, on dénombre 50 % de la population
juive exterminée et 80 % de la population tsigane. En Pologne,
les pourcentages s’élèvent respectivement à 90 % et 70 %.
Bilan Conformément à son programme national-socialiste
racial et antisémite, le régime nazi applique une politique
d’extermination des Juifs et des Tsiganes lors de la Seconde
Guerre mondiale. D’une part, le génocide des Juifs s’inscrit
dans une « mission » menée par l’Allemagne nazie pour sauver
le peuple allemand des « saboteurs, agitateurs et fauteurs de
troubles », selon les termes employés par Himmler. D’autre
part, Himmler en tant que haut dirigeant nazi – chef des SS et
ministre de l’Intérieur notamment – montre que l’organisation
des génocides juif et tsigane émane de l’État. C’est également
ce que confirme le lourd bilan, principalement en Allemagne
et en Pologne sous le joug allemand depuis l’invasion de
septembre 1939.
Parcours 2
Dès la rédaction de son ouvrage Mein Kampf, Hitler énonce
son idéologie raciale et antisémite que le régime nazi applique
à partir de son accession au pouvoir. Or la guerre permet à
l’Allemagne nazie de passer d’un programme discriminatoire
à une politique d’extermination. Dans son discours aux
officiers supérieurs SS en 1943, le haut dignitaire nazi Himmler
rappelle que l’objectif du régime est d’éliminer les Juifs. C’est la
« Solution finale ». Ainsi, les opérations militaires permettent-
elles d’exterminer les Juifs sur place comme en Ukraine en
septembre 1941 ou en Pologne en 1943 : c’est ce qu’on appelle
la Shoah par balles. Des bataillons spéciaux sont organisés
comme le 101e bataillon de réserve de la police allemande et
les Einsatzgruppen. En outre, l’occupation par l’Allemagne de
certains territoires leur permet non seulement de regrouper
les Juifs dans des ghettos, comme à Lodz en Pologne, mais
également de les transférer dans des camps d’extermination
installés justement en Pologne. Aussi, la guerre a-t-elle permis
à l’Allemagne nazie de mettre en œuvre son projet génocidaire,
ce que confirme le bilan humain effroyable.
Étude p. 100-101
Auschwitz-Birkenau,
un centre d’extermination
Problématique : Comment le centre d’Auschwitz-Birkenau est-
il entièrement destiné à la concentration et à l’extermination
des déportés ?
Organisé en 1940 comme camp de concentration, Auschwitz-
Birkenau devient un vaste complexe à partir de 1942,
participant de la politique d’extermination nazie. C’est un
gigantesque complexe de camps, dont une partie est un
camp de concentration et l’autre un centre de mise à mort.
52
La problématique de cette étude est d’étudier le fonctionnement
du camp d’extermination.
Le document 1 est un plan d’Auschwitz-Birkenau permettant
d’identifier les différents camps et les fours crématoires. Les
éléments à localiser sont les différents camps qui sont organisés
de part et d’autre de la rampe (voir document 3). Les différents
fours crématoires sont composés des chambres à gaz et des
gigantesques fours destinés à brûler les cadavres.
Le document 2 regroupe des extraits du témoignage du
Juif italien Primo Levi dans son ouvrage Si c’est un homme et
évoquant le tri effectué par les nazis parmi les déportés juifs
au moment de leur arrivée dans le camp. Ce texte est un des
documents les plus importants, paru après la guerre, pour
témoigner de l’expérience concentrationnaire et de l’arrivée
des déportés à Auschwitz.
Le document 3 est une photographie représentant la sélection
de Juifs hongrois au moment de leur arrivée à Auschwitz-
Birkenau en mai 1944. C’est aussi un des rares témoignages
photographiques de l’intérieur des centres d’extermination
Le document 4 est composé d’extraits du témoignage de
Rudolf Höss, commandant du camp d’Auschwitz, rapportant
le déroulement des exécutions dans les chambres à gaz.
Cette description est terrifiante par la froideur avec laquelle
Rudolf Höss décrit le fonctionnement quotidien des centres
d’extermination.
Document 5 : Les membres des Sonderkommandos étaient
choisis par les SS à la descente des trains, au moment de la
sélection faite sur la rampe. Ils étaient choisis sur leurs critères
physiques. Leurs fonctions étaient de participer à l’évacuation
des corps des chambres à gaz en échange de meilleures
conditions de vie. Beaucoup ont eux-mêmes été exécutés
afin qu’ils ne parlent pas.
Le document 6 est un graphique dressant un bilan comparatif
des déportés tués à Auschwitz-Birkenau. Il apparaît clairement
que les Juifs ont été les principales victimes du centre
d’Auschwitz-Birkenau : 960 000 Juifs y sont morts sur un total
d’1,1 million de victimes.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les déportés sont organisés en différents camps –
distinction entre les camps des hommes, des femmes et des
Tsiganes – lesquels sont reliés à une rampe conduisant aux
différents crématoires. On remarque que le Kanada II où sont
conservés les biens des déportés exterminés se trouve au
centre de trois crématoires.
Question 2 : Comme le montrent les documents 2 et 3, la sélection
des déportés est faite à l’arrivée par des officiers allemands, des
SS, précise Primo Levi, du camp d’Auswitz-Birkenau. La sélection
se fait selon des critères sanitaires et d’âge afin de conserver les
déportés aptes à travailler. Toutefois, Primo Levi souligne que le
hasard a parfois prévalu lors de la sélection.
Question 3 : Les déportés sont exterminés dans des chambres
à gaz. On utilise notamment du Zyklon B comme le rapporte
le commandant du camp d’Auschwitz, Rudolf Höss. Les corps
sont ensuite réduits en cendres dans des fours crématoires,
mais quand ces derniers s’avèrent insuffisants pour brûler les
corps, cela se fait en plein air, comme le révèle la photographie
du document 5.
Question 4 : Auschwitz-Birkenau est avant tout un centre
d’extermination. En effet, sur 1,3 million de déportés, on compte
1,1 million de morts comme le met en avant le document 6.
Or l’organisation du camp tel que le révèle le plan est tourné
vers l’extermination. En outre, c’est l’objectif poursuivie par les
responsables nazis. Comme le rapporte Rudolf Höss, Himmler
lui a demandé de « liquider tous les Tsiganes » comme les Juifs,
sauf ceux encore capables de travailler.
Bilan L’extermination des Juifs et des Tsiganes se déroule
selon un processus bien défini. Le convoi de déportés arrive à
l’entrée principale du camp située à l’est. Les Allemands, « une
dizaine de SS », rapporte Primo Levi, procède à la sélection parmi
les déportés ce que l’on peut voir sur la photographie illustrant
l’arrivée de Juifs hongrois en mai 1944 à Auschwitz. Comme
le souligne Himmler, ainsi que le rapporte le commandant
du camp Rudolf Höss, ne sont pas tués ceux qui sont aptes au
travail, en fonction de leur âge et de leur santé. Selon Primo
Levi, ce « semblant de critère dans la discrimination » n’a pas
été toujours appliqué. L’extermination a lieu dans l’une des
quatre chambres à gaz situées à l’ouest. On y utilise le Zyklon
B. Les Juifs et Tsiganes y sont entassés de telle manière que « la
mort frappait la victime » immédiatement après l’introduction
des gaz. Les Sonderkommandos étaient ensuite chargés de faire
disparaître les corps. Ces derniers étaient brûlés dans les fours
crématoires associés aux chambres à gaz. Quand le nombre
de tués dépassait la capacité des fours crématoires, les corps
étaient brulés en plein air.
Parcours 2
Ouvert dès 1940 en Pologne, le camp d’Auschwitz-Birkenau,
tout en demeurant un camp de concentration, devient à
partir de 1942, un des principaux centres d’extermination
nazi. Auschwitz-Birkenau est un vaste complexe organisé
d’est en ouest. Les camps, eux-mêmes organisés de manière
distinctive entre les hommes, les femmes et les Tsiganes,
opèrent une séparation ou une étape entre l’entrée principale
et les crématoires. L’organisation du camp est donc le reflet du
processus d’extermination. En effet, à leur arrivée à Auschwitz,
les déportés font l’objet d’une sélection par les SS. Primo Levi
constate que les prisonniers sont choisis selon des critères
d’âge et de santé – même si ces critères ne sont pas toujours
respectés selon lui – car l’objectif est de faire travailler les
plus aptes et de « liquider » les autres, comme l’explique
le commandant du camp d’Auschwitz, Rudolf Höss, en
rapportant les propos de Himmler. L’extermination s’effectue
dans les crématoires combinant chambres à gaz et fours
crématoires. Les victimes sont dépouillées de leurs vêtements
et de leurs biens, conservés au Kanada II au centre de trois
crématoires. Entassés dans les chambres à gaz, elles meurent
instantanément au moment de la pénétration du Zyklon B
dans l’air, selon Himmler. Ce sont ensuite des déportés eux-
mêmes, les Sonderkommandos qui se chargent de brûler les
corps dans les crématoires ou en plein air, comme à l’été 1944
quand l’espace vient à manquer. Les Sonderkommandos sont
souvent eux-mêmes éliminés ensuite.Finalement, sur 1,3
million de déportés arrivés à Auschwitz-Birkenau, on compte
1,1 million de victimes.
POINT DE PASSAGE p. 102-103
Juin 1944 : le débarquement
en Normandie et l’opération Bagration
Problématique : Comment le débarquement de Normandie et
l’opération Bagration marquent-ils le début de la reconquête
alliée ?
Les deux grands débarquements en Europe, à l’ouest et à
l’est du front, à l’été 1944, constituent le quatrième point de
passage du programme. Ils témoignent de la priorité donnée
à la guerre en Europe par les Alliés, avant d’en terminer avec
le front de l’Asie-Pacifique. Ce PPO souhaite aussi montrer
que c’est l’attaque conjointe à l’est et à l’ouest qui a permis la
réussite de l’offensive de reconquête contre l’Allemagne nazie.
Le document 1 est une carte représentant l’opération Overlord,
des bombardements alliés jusqu’à la libération progressive
de territoires à l’intérieur de la Normandie en passant par le
débarquement. Le débarquement du 6 juin 1944 s’est concentré
sur une centaine de kilomètres de littoral normand, mais la prise
des villes de l’arrière-pays comme Saint-Lô, Caen ou Falaise a
pris plusieurs semaines.
Le document 2 est une photographie permettant de voir
l’arrivée des troupes et de matériel alliés sur une plage de
Normandie, le 6 juin 1944. Cette photographie contemporaine
montre bien l’ampleur des forces déployées, notamment en
termes de navires et d’hommes.
Le document 3 reprend des extraits du discours du général de
Gaulle à la BBC, le 6 juin 1944, pour célébrer le débarquement
en Normandie. Le général de Gaulle affirme qu’il s’agit ici de
la « bataille suprême » et que l’Allemagne est engagée sur la
voie de la défaite partout en Europe et en Afrique du Nord.
La dernière phrase, « cette bataille, la France va la mener avec
fureur », ne doit pas faire oublier que les soldats de la France
libre sont peu nombreux sur les plages de Normandie le 6 juin
1944. Mais le rôle joué par la résistance intérieure est important.
Le document 4 retranscrit les propos tenus par le maréchal
Vassilevski entre les 20 et 23 avril 1944 afin de convaincre Staline,
en présence du maréchal Joukov, des orientations stratégiques
de la future opération Bagration. L’opération Bagration (le nom
de l’opération fait référence à Piotr Ivanovitch Bagration, un
des généraux les plus distingués de l’empire russe, pendant les
guerres napoléoniennes) se concentre sur la Biélorussie, pour
ensuite pouvoir avancer vers Berlin mais aussi vers l’Europe
du Sud-Ouest.
Le document 5 est une carte illustrant la reconquête soviétique
sur les territoires occupés par les Allemands, en Biélorussie et
dans les États baltes, avec l’évolution progressive de la ligne
de front de l’Est vers l’ouest malgré le maintien de poches
de résistance allemandes. Le premier objectif de l’opération
est d’avancer vers Minsk, qui est reprise au début du mois de
juillet 1944. Les troupes soviétiques se déplacent ensuite vers
Riga et Varsovie.
Le document 6 est une photographie où l’on peut voir une
colonne de prisonniers allemands entourant un char soviétique,
alors que l’Armée rouge a repris Minsk le 3 juillet 1944. À
l’issue de la prise de la ville, 100 000 soldats allemands sont
faits prisonniers, et 40 000 perdent la vie pendant le combat.
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 53
 Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Comme le montrent les cartes respectives des
opérations Overlord et Bagration, l’objectif est de repousser les
Allemands et de reconquérir le territoire sous domination nazie.
Les troupes allemandes sont ainsi attaquées simultanément
sur deux fronts, Ouest et Est, ce qui peut permettre à terme
de prendre l’Allemagne en étau.
Question 2 : Pour le général de Gaulle, le débarquement allié en
Normandie constitue un tournant pour deux raisons principales.
D’une part, depuis la fin de l’année 1942, l’armée allemande
essuie des revers militaires. De Gaulle évoque indirectement
et directement les défaites allemandes d’El-Alamein et de
Stalingrad. D’autre part, ce qu’il appelle la « bataille de France »
représente la « base de départ de l’offensive de la liberté ».
La libération du territoire français incarne donc le début de
la reconquête du continent, par l’ouest, face aux armées
allemandes.
Question 3 : Selon les Soviétiques, l’opération Bagration
est la meilleure stratégie pour deux raisons. D’une part, en
concentrant les troupes sur la Biélorussie – qui est le « chemin le
plus court vers Berlin », l’armée soviétique doit pousser l’armée
allemande à se déplacer vers le sud où les forces soviétiques
l’attendent et doivent ouvrir la voie vers les Balkans. D’autre
part, dans les opérations, les Soviétiques comptent sur le
soutien des résistants en Biélorussie et sur l’accueil favorable
des Polonais, lesquels ont souffert de l’occupation allemande.
Question 4 : La carte du document 5 permet de voir que
l’offensive soviétique en Biélorussie porte ses fruits puisqu’elle
permet de déplacer la ligne de front plus à l’ouest malgré la
persistance de poches de résistance allemandes. De même,
la photographie du document 6 confirme que l’opération
lancée le 22 juin est rapidement efficace puisque l’Armée
rouge reprend Minsk dès le 1er juillet en faisant de nombreux
prisonniers allemands.
Bilan Durant les trois premières décennies du XXe siècle,
l’Allemagne a reproché de manière récurrente à la France
et à la Russie de vouloir l’encercler. Les opérations Overlord
et Bagration, lancées respectivement à l’ouest et à l’est du
front européen semblent s’inscrire dans cette perspective.
Les deux offensives sont d’abord lancées simultanément. Le
débarquement allié en Normandie a lieu le 6 juin 1944 et ce
n’est qu’une quinzaine de jours plus tard que l’Armée rouge
engage la reconquête à l’Est. De même, les deux opérations
sont vues comme un point de départ à la libération des
territoires sous domination nazie et à la défaite inéluctable
de l’Allemagne. Le général de Gaulle évoque la « bataille de
France » comme le point de départ de la libération du sol
français mais aussi de la destruction de « l’ennemi » allemand.
Le maréchal Vassilevski, quant à lui, évoque la libération de
la Biélorussie, de la Pologne et des États des Balkans ainsi
que la marche vers Berlin. Aussi, l’Allemagne se trouve-t-elle
confrontée à une guerre sur deux fronts, qu’elle avait voulue
précisément éviter en 1939.
Parcours 2
Lancées en juin 1944, les opérations Overlord et Bagration par
leurs objectifs et les moyens mis en œuvre témoignent de la
54
volonté alliée d’en assurer la réussite. Le document 3 reprend
des extraits du discours, à la radio de Londres, du chef de la
France libre, le général de Gaulle, au moment du déclenchement
de l’opération Overlord le 6 juin 1944. Le document 4, quant à
lui, reproduit des extraits du discours du maréchal Vassilevski,
lors d’une conférence du 20 au 23 avril 1944, en présence du
dirigeant de l’URSS, Joseph Staline et du maréchal soviétique
Joukov, pour fixer la stratégie de l’opération Bagration. D’une
part, la simultanéité des opérations doit contraindre l’Allemagne
à mener la guerre sur deux fronts. Comme le souligne le général
de Gaulle, le débarquement en Normandie initie la « bataille de
France » et même « la bataille de la France » qui doit permettre
de libérer le territoire français et à terme « détruire l’ennemi ».
De même, le maréchal Vassilevski met en avant la volonté de
libérer l’est de l’Europe de la domination nazie : il mentionne
notamment la Pologne et les États des Balkans. En outre,
l’opération de reconquête par la Biélorussie est privilégiée
car il s’agit du « chemin le plus court vers Berlin ». D’autre
part, afin de réaliser leurs objectifs, les Alliés engagent de
nombreux moyens militaires. Le chef de la France libre parle
« d’immenses moyens d’attaque ». Le maréchal Vassileski évoque
quant à lui les « efforts » en Biélorussie et en Ukraine et, en
parlant de « puissante attaque », sous-entend l’importance des
effectifs engagés par l’Armée rouge. Enfin, les deux théâtres
d’opérations peuvent compter sur les populations locales et
notamment les résistants. Le général de Gaulle insiste sur le
rôle des « fils de France » dont le « devoir simple et sacré est
de combattre par tous les moyens ». Les FFL et les FFI sont
donc engagés dans la bataille. Du côté soviétique, le maréchal
soviétique compte sur le soutien de « 270 000 partisans »
en Biélorussie et sur le bon accueil des Polonais, durement
éprouvés par l’occupation nazie.
POINT DE PASSAGE p. 104-105
6 et 9 août 1945 : les bombardements
nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki
Problématique : Comment les bombardements d’Hiroshima
et de Nagasaki font-ils franchir un nouveau palier dans la
capacité de destruction ?
L’étude des bombardements atomiques américains sur le Japon
les 6 et 9 août 1945 constitue le dernier point de passage du
chapitre 3. Elle permet de revenir sur l’analyse du front de
l’Asie-Pacifique et est donc complémentaire par rapport au
point de passage sur les opérations Overlord et Bagration. De
même, elle s’inscrit dans la problématique générale du chapitre
quant à la violence exacerbée au cours de ce conflit mondial.
C’est pourquoi la problématique de l’étude s’interroge sur le
nouveau palier de violence franchi par l’utilisation de la bombe
atomique à Hiroshima et Nagasaki.
Le document 1 reprend des extraits du message adressé à la
radio américaine par le président américain Harry Truman –
vice-président de Roosevelt auquel il succède après la mort de
ce dernier le 12 avril 1945 – le 7 août 1945, soit le lendemain du
bombardement atomique sur Hiroshima. Il tente d’y justifier ce
bombardement. Il souligne la puissance inédite de la nouvelle
bombe, « force élémentaire de l’univers, de celle qui alimente
le soleil dans sa puissance » (lignes 2 et 3). Mais il explique
aussi que l’utilisation de cette bombe doit permettre de finir
rapidement la guerre et d’ « épargner au peuple japonais une
destruction complète » (ligne 10).
Le document 2 est une photographie révélant les brûlures qu’a
occasionnées le bombardement atomique sur le corps d’une
Japonaise. Les brûlures sur le corps de cette femme suivent les
mortifs de son kimono. Les parties foncées du tissu ont absorbé
le rayonnement thermique et ont brûlé la peau, tandis que les
parties claires ont réfléchi le rayonnement et protégé la peau.
Le document 3 reprend des extraits du livre témoignage du
docteur japonais Paul Nagaï, survivant du bombardement
sur Nagasaki. Il y évoque le vécu de M. Tsuchimoto lors de
l’explosion du 9 août 1945. La femme de Paul Nagaî est morte
lors du bombardement. Gravement atteint de leucémie en
raison des radiations, il meurt le 1er mai 1951.
Le document 4 est une photographie mettant en avant les
destructions provoquées par le bombardement atomique
sur Hiroshima le 6 août 1945. Il ne reste plus aucun bâtiment
sur plusieurs kilomètres à la ronde. Seul le dôme de Genbaku,
visible au cœur de l’image, a résisté. Il est devenu le mémorial
de la paix d’Hiroshima.
Le document 5 est un extrait vidéo, provenant des archives
de l’Ina, présentant la vision du bombardement atomique sur
Nagasaki par les Actualités françaises, le 12 octobre 1945. C’est
plus la prouesse technique qui est saluée ici que le désastre
humain et les catastrophes sanitaires à long terme.
Le document 6 reproduit l’éditorial rédigé par l’écrivain Albert
Camus pour le journal Combat, le 8 août 1945, soit deux jours
après le bombardement atomique américain sur Hiroshima.
L’écrivain français s’interroge sur les enjeux de cette avancée
scientifique. Désormais, « n’importe quelle ville d’importance
moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la
grosseur d’un ballon de football » (lignes 6-8). Il conclut, peu
enthousiaste sur l’avenir : « la civilisation mécanique vient de
parvenir à son dernier degré de sauvagerie » (lignes 13-14).
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Truman justifie l’emploi de la bombe atomique
d’une part parce qu’il met en avant la responsabilité du Japon
dans le déclenchement de la guerre en Extrême-Orient ; d’autre
part, parce que les Japonais n’ont pas répondu à l’ultimatum
qui leur a été adressé lors de la conférence de Potsdam, le
28 juillet 1945, les invitant à capituler pour éviter la destruction
de leur pays.
Question 2 : Les bombes atomiques ont une capacité de
destruction d’une ampleur inédite en 1945. D’une part, les
explosions touchent douloureusement les populations : aux
morts – on peut songer que « l’homme couché » évoqué par
Paul Nagaï a été tué – s’ajoutent les blessés qui portent les
stigmates des bombardements comme cette Japonaise du
document 2 dont le dos est brûlé. D’autre part, le potentiel
destructeur apparaît sur les plans matériel et paysager. Le
document 4 présente les bâtiments effondrés à Hiroshima
sous l’effet du bombardement. À Nagasaki, « il n’y a plus de
fleurs, plus d’herbe ».
Question 3 : Albert Camus remet en cause l’idée de progrès
à travers l’innovation scientifique que représente la bombe
atomique. Cette innovation n’a pas de caractère créateur
mais au contraire destructeur. Elle n’est pas au service de
l’homme mais au service de la destruction. En définitive, elle
ne représente pas une avancée pour la civilisation humaine.
La machine devient un ennemi pour la nature et pour
l’homme.
Bilan Alors que la guerre a cessé en Europe depuis le
8 mai 1945, elle se prolonge sur le front de l’Asie-Pacifique
car le Japon résiste aux offensives alliées. C’est dans ce
contexte qu’interviennent les bombardements atomiques.
Pour Harry Truman, la nouvelle arme atomique doit permettre
de mettre fin à la guerre en Extrême-Orient que le Japon a
« déchaînée ». Alors que le Japon refuse de capituler, comme
« l’ultimatum du 28 juillet » l’y a invité pour éviter la destruction
du pays, le premier bombardement sur Hiroshima est vu
comme une nécessité par les Américains. Ce que ne dit pas
le président américain, c’est que la bombe atomique est aussi
un avertissement lancé à l’URSS qui doit entrer en guerre
contre le Japon le 8 août 1945, conformément aux accords
de Yalta. Il y a donc un double enjeu. Pour Albert Camus, le
bombardement atomique sur Hiroshima constitue un tournant
pour la civilisation. Loin d’être vue comme un progrès pour
l’humanité, la nouvelle arme nucléaire est vue comme un
facteur de destruction. Camus parle ainsi de « suicide collectif »
et de « meurtre organisé », soulignant ainsi que la guerre a
franchi un nouveau seuil de violence.
Parcours 2
Moins d’un mois après le premier essai atomique, le 16 juillet
1945, à Alamogordo dans le désert du Nouveau-Mexique
aux États-Unis, deux bombardiers américains larguent deux
bombes atomiques sur les villes japonaises d’Hiroshima et
Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Le document 6 retranscrit
l’éditorial rédigé par l’écrivain et résistant français Albert
Camus, dans le journal Combat, le 8 août 1945, dans lequel il
interprète l’impact du bombardement nucléaire sur Hiroshima.
Le document 3, quant à lui, est un extrait du témoignage
du docteur Paul Nagaï qui a échappé au bombardement
sur Nagasaki : dans le passage choisi, il rapporte le vécu
de M. Tsuchimoto pendant ce bombardement. D’une part,
l’arme nucléaire représente un potentiel de destruction sans
précédent. La nature est littéralement emportée par le souffle
atomique. C’est ce qui ressort du récit de Paul Nagaï lorsqu’il
évoque « les arbres arrachés » et l’absence de feuilles et même
d’herbe. De même, la vie humaine est elle-même menacée
« puisque n’importe quelle ville d’importance moyenne peut
être totalement rasée », écrit Albert Camus. D’autre part, la
puissance de feu atomique représente certes une avancée
technologique mais transformée en instrument de terreur. La
bombe, « de la grosseur d’un ballon de football » comme le
précise l’écrivain français, s’apparente à « un invisible rouleau
compresseur » selon le docteur japonais. Ainsi, l’utilisation de
la bombe atomique s’inscrit dans la violence de masse de la
guerre et pose-t-elle pour l’avenir, selon les termes d’Albert
Camus, la question du choix entre le « suicide collectif et
l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques ».
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 55

Leçon 3 p. 106-107
Les violences de masse
Problématique : Comment l’évolution du conflit amène-t-elle à
une gradation de la violence sur tous les théâtres d’opérations ?
Cette leçon constitue le second axe d’étude mis en avant par
le programme pour le chapitre 3. Il permet de répondre à un
des aspects fondamentaux de la problématique générale du
chapitre, à savoir le déploiement d’une violence extrême au
cours de ce nouveau conflit mondial. La problématique de
la leçon permet de voir en quoi l’évolution des fronts tant
en Europe qu’en Asie-Pacifique, l’apparition de nouveaux
belligérants tels l’URSS et les États-Unis en 1941, ouvre à
de nouvelles violences de guerre. D’une part, celles-ci sont
liées aux combats, comme sur le front de l’Est avec la guerre
d’anéantissement menée par l’Allemagne nazie, ou sur le front
asiatique avec les bombardements atomiques américains
sur le Japon en août 1945. D’autre part, elles s’inscrivent
dans l’idéologie raciale et antisémite nazie, ce qui entraîne
l’extermination des populations juives et tsiganes.
Notions importantes : La notion de génocide est donc
particulièrement importante dans cette leçon. Ce terme a été
forgé par le juriste polonais d’origine juive Raphaël Lemkin ; il
l’utilise pour la première fois dans un ouvrage en 1944, dans
lequel il décrit bien cette extermination planifiée et organisée
par le pouvoir nazi à l’encontre des Juifs et des Tsiganes. Les
notions de camps de concentration, d’extermination et
de Shoah par balles s’inscrivent au cœur de cette notion de
génocide.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan présente les trois aspects
dont relève la violence de masse au cours de la Seconde
Guerre mondiale. D’une part, le conflit devient une guerre
d’anéantissement : les valeurs humaines ne sont plus respectées
et les lois et coutumes de guerre remises en cause, comme le
prouve le sort réservé aux prisonniers de guerre et les actions
des Einsatzgruppen. D’autre part, la guerre expérimente des
armes nouvelles et les bombardements atomiques sur le
Japon à l’été 1945 traduisent le potentiel de destruction de ces
dernières. Enfin, la violence franchit un nouveau seuil avec la
politique de déportation, de concentration et d’extermination
mise en place par l’Allemagne nazie qui conduit au génocide
des populations juives et tsiganes.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique est une vidéo interactive dressant le
bilan des violences de guerre. La Seconde Guerre mondiale
a entraîné la mort de 70 millions de personnes si on prend
en compte l’ensemble des théâtres d’opérations. Sur ces 70
millions, plus de 40 millions de morts concernent le front
européen, presque autant de militaires que de civils. D’une part,
cette violence de masse est le fruit des opérations militaires.
En Europe, les offensives sont particulièrement meurtrières.
En Pologne, 200 000 militaires sont tués pendant et après les
invasions allemande et soviétique de septembre 1939. L’URSS,
quant à elle, compte 8,7 millions de soldats tués au cours
du conflit qu’elle ne « rejoint » qu’en juin 1941. Par ailleurs,
l’Allemagne perd 500 000 soldats contre le Royaume-Uni et
les États-Unis sur l’ensemble de la guerre mais également le
même nombre de soldats lors de la seule bataille de Stalingrad ;
56
2,3 millions de militaires trouvent la mort sur le front de l’Est de
1941 à 1945. En Asie, les Japonais perdent eux-mêmes près de
200 000 soldats sur le théâtre d’opérations chinois. Les États-
Unis, quant à eux, comptent plus de 100 000 morts contre les
Japonais – on dénombre 400 000 morts sur l’ensemble de la
guerre dont 2 500 morts à Ohama Beach lors de l’opération
Overlord du 6 juin 1944 – et perdent notamment 12 500 soldats,
dont 5 000 en mer en raison des attaques des kamikazes,
lors de la bataille d’Okinawa, en 1945, qui a duré 82 jours.
De même, on ne compte pas moins de 6 millions de tués
en Chine, Corée, Indonésie, Indochine, Philippines – mêlant
militaires et civils – en raison des crimes de guerre japonais.
D’autre part, la violence de masse touche également les civils.
Cette violence peut être liée aux opérations militaires. Plus de
60 000 civils britanniques meurent sous les bombardements
allemand, mais dix fois plus d’Allemands sont tués lors des
bombardements britanniques. En URSS, 1,5 million de civils, ont
perdu la vie rien que lors du siège de 2 ans et demi de Leningrad.
Nombreux sont les morts de faim et de maladie. Ce chiffre
s’explique en partie parce que Staline a refusé l’évacuation des
populations pensant que cela pousserait les soldats à se battre
davantage pour les protéger. L’occupation et la répression de la
résistance par les forces de l’Axe sont également responsables
de la mort de nombreux civils. 2 millions de Polonais non Juifs
sont tués durant l’occupation allemande. Parfois, ce sont les
gouvernements eux-mêmes qui sont responsables de la mort
de leurs civils. Ainsi, 1 million de Soviétiques meurent dans les
Goulags en URSS ; en Chine, entre 500 000 et 900 000 civils
chinois meurent lors de l’ouverture des digues du fleuve Jaune
sur ordre du gouvernement chinois en 1938. Ces citoyens sont
sacrifiés pour bloquer l’avancée japonaise. Enfin, l’extermination
pratiquée dans les camps nazis participe de cette violence
de masse. 6 millions de Juifs sont tués dont 2,7 millions de
Polonais et 700 000 Soviétiques suivis des Hongrois et de 17
autres nationalités. 3 millions trouvent la mort dans les camps
dont plus d’1 million à Auschwitz-Birkenau. Ils meurent dans
les chambres à gaz mais aussi de faim, d’épuisement et de
maladies. La Shoah par balles entraîne quant à elle l’assassinat
de 1,4 million de Juifs. En outre, dans les camps, entre 130 000
et 500 000 Tsiganes sont tués, tout comme 250 000 handicapés
sans compter les homosexuels, les catholiques, etc.
Ce lourd bilan humain fait de cette guerre la plus meurtrière
de l’histoire en termes de chiffres, même s’il y a eu des guerres
plus dévastatrices auparavant en termes de pourcentage. 16 %
de la population polonaise a péri, soit le taux le plus élevé de la
guerre. Toutefois, c’est l’URSS qui compte le plus grand nombre
de morts, autant civils que militaires.
Autre support Un film p. 108
Dunkerque de Christopher Nolan, 2017
En 2017, le film de Christophe Nolan, Dunkerque, met en scène
l’opération d’évacuation des troupes françaises et britanniques
réfugiées dans la poche de Dunkerque face à l’avancée
allemande lors de la bataille de France en mai-juin 1940.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les soldats sont regroupés et alignés sur la plage
et avancent en rangs au bord de l’eau afin d’embarquer sur des
navires britanniques.
Question 2 : L’évacuation se fait sous les bombardements
intensifs de l’aviation allemande. Ainsi, le document 1 révèle
des fumées à l’arrière-plan, effet de ces bombardements. Les
soldats, comme le montre le document 2, sont des cibles
visibles pour les bombardiers puisqu’ils n’ont aucun moyen
de se mettre à l’abri. Le document 3 confirme la vulnérabilité
de ces soldats en montrant les nombreux morts et de blessés.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 109
Guerre sur les cinq
continents
Fronts européen et de Une guerre mondiale,
l’Asie-Pacifique une guerre totale
Seconde Guerre mondiale
Forces de l’Axe face
aux Alliés
La France entre collaboration et résistance
Défaite et armistices Régime collaborateur
de juin 1940 de Vichy
p. 109
Exercice BAC
Analyse de document
Le document est une affiche de propagande des Forces
françaises de l’Intérieur (FFI) vendue au profit du Mouvement
de libération nationale, organisation issue de la fusion des
mouvements de résistance de la zone Nord en 1944. En février
1944, les FFI sont créées par le Comité français de Libération
nationale, organisme représentant les Français se battant
contre l’Allemagne et reconnu par les Alliés dès 1943. Le CFLN
regroupe donc les diverses formations militaires de la résistance
comme l’Armée Secrète, les groupes francs ou encore les
Francs-tireurs et Partisans. Les FFI sont dirigées par le général
Koenig, nommé par les Alliés, qui coordonne l’action depuis
Londres. Après le débarquement en Normandie du 6 juin 1944,
les FFI apportent, par leur connaissance du territoire, une aide
précieuse aux soldats alliés dans leur progression. À partir
du mois de septembre 1944, les FFI fusionnent avec l’armée
régulière. Cette affiche vise à valoriser l’importance des FFI dans
la libération de la France et la victoire contre l’Allemagne nazie.
La consigne : L’analyse de la consigne doit amener l’élève à
mobiliser ses connaissances sur la résistance en France. L’élève
doit d’abord saisir le message porté par l’affiche de propagande
avant de porter un regard critique sur cette dernière.
Réponses aux aides : En 1944, la situation militaire en
France évolue au profit des Alliés notamment depuis
le débarquement en Normandie, le 6 juin. L’élève peut
s’appuyer sur le point de passage et d’ouverture « Juin 1944 :
le débarquement en Normandie et l’opération Bagration ».
Les personnages représentés en portraits sont les Alliés. En
partant de gauche à droite, on peut reconnaître (les drapeaux
peuvent être un point de repère pour les élèves) :
Question 3 : D’une part, la densité des soldats présents sur la
plage, en attente d’un éventuel départ pour l’Angleterre, traduit
l’importance des effectifs à sauver. D’autre part, les conditions
particulières de l’évacuation en illustrent les difficultés. Les
soldats attendent à découvert sur une plage et doivent rejoindre
des navires dont l’accès est difficile. Enfin, cette opération de
sauvetage s’effectue alors que le feu allemand ne laisse aucun
répit aux soldats français et britanniques.
Guerre d’anéantissement
à l’Est
Crimes de guerre et
Les violences de masse
bombardements atomiques
Génocide des populations
juives et tsiganes
France libre (FFL) et
résistance intérieure (FFI)
– Franklin Delano Roosevelt, président des États-Unis depuis
1932.
– Winston Churchill, Premier ministre anglais depuis 1940.
– Charles de Gaulle, réfugié à Londres en 1940, chef de la
France libre, organisation politique et militaire concurrente
du régime de Vichy soumis à l’Allemagne.
– Joseph Staline, dirigeant de l’URSS depuis 1928.
La disposition des drapeaux signifie l’alliance entre les différents
États en lutte contre Hitler.
La Rrésistance intérieure s’unit progressivement autour des
gaullistes et des communistes, comme Raymond et Lucie
Aubrac. Le Conseil national de la résistance impulsé par Jean
Moulin dès 1943 doit permettre de coordonner l’ensemble
des forces de la résistance française, intérieure et extérieure.
À partir du 1er février 1944, les différents mouvements armés
sur le territoire national fusionnent sous le terme de Forces
françaises de l’intérieur.
Pistes de rédaction :
Introduction : En 1944, la situation militaire en France évolue
au profit des Alliés notamment depuis le débarquement en
Normandie, le 6 juin. Le document est une affiche de propagande
des Forces françaises de l’Intérieur, regroupant, depuis 1944,
les mouvements armés de résistance en lutte contre le régime
de Vichy et l’Allemagne nazie. Nous montrerons en quoi cette
affiche met en valeur la participation de la résistance française
à la libération et la victoire puis nous nuancerons le message
porté.
Partie 1 : Une affiche qui cherche à montrer l’importance de
la résistance pour la libération et la victoire.
– Un représentant des FFI, arme à la main, en train de piétiner
le drapeau de l’Allemagne nazie : valorisation de la place
de la résistance intérieure. Rôle important des FFI dans la
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 57
 préparation et le déroulement du débarquement allié en
Normandie, mais aussi lors de la campagne de libération
du territoire français. Des effectifs des FFI qui augmentent
rapidement, signe de leur succès : 100 000 en février 1944 à
400 000 au moment de la Libération.
– Le général de Gaulle apparaîit comme un des quatre grands
acteurs de la guerre, chef de la France libre et qui s’est hissé
à la tête des deux résistances intérieure et extérieure grâce
à l’action notamment de Jean Moulin (CNR, 1943). Il est
représenté comme l'égal des autres alliés qui sont Roosevelt,
Staline et Churchill.
– Un message : rétablir la France dans son rang de grande
puissance mondiale grâce aux combattants de la France libre
et de la Résistance métropolitaine (FFI).
Partie 2 : Mais il faut nuancer le message porté par l’affiche.
– L’affiche survalorise l’action des FFI : certes, par leur
connaissance du terrain, les FFI aident de manière précieuse
les soldats alliés anglais et américains. Mais ces derniers
organisent les débarquements qui permettent de percer
le front allemand depuis 1942, et les États-Unis apportent
les équipements nécessaires et les moyens financiers pour
remporter la victoire. Il faut aussi souligner le rôle de l'URSS
(opération Bagration).
– Elle survalorise aussi le rôle du général de Gaulle en le
mettant au même niveau que les autres Alliés. S’il s’est
autoproclamé représentant de la France libre, il a cependant
beaucoup de mal à se faire reconnaître par les partenaires
alliés. Ce n’est qu’à la fin de l’année 1944 que la France libre qui
s’incarne dans le gouvernement provisoire de la République
française, qu’il dirige, est reconnue politiquement et non
seulement militairement.
Conclusion : L’affiche valorise le rôle de la résistance française
dans la libération du territoire mais aussi celui du général de
Gaulle comme chef d’État aux côtés des Alliés. De Gaulle s’est
appuyé sur le prestige de la résistance pour s’imposer comme
leader politique, image dont il va se servir au cours de sa carrière
après la Seconde Guerre mondiale.
Exercice BAC p. 110-111
Analyse de deux documents.
Le document est un extrait de la déclaration du maréchal Pétain,
chef du régime de Vichy, le 23 juillet 1945, jour d’ouverture de
son procès. À part cette déclaration liminaire, Pétain suit les
conseils de son avocat, maître Isorni, et refuse de parler. Lors
de ce procès, les acteurs de la défaite de 1940 se succèdent à la
barre, que ce soit le président de la République Albert Lebrun,
le président de la Chambre Edouard Herriot, ou encore les
grands chefs politiques comme Léon Blum, leader de la SFIO
ou Édouard Daladier, dirigeant du parti radical. À l’issue de ce
procès, Philippe Pétain est condamné à mort le 15 août 1945,
mais le 17, Charles de Gaulle décide de commuer la peine
en détention à perpétuité. Il est interné sur l’île d’Yeu où il
meurt en 1951. Lors de ce procès, le maréchal Pétain tente de
justifier son action pendant la Seconde Guerre mondiale ce
qui est l’objet du document proposé. On pourra se référer à
l’analyse du procès faite dans l’ouvrage Les grands procès de
Daniel Amson, Jean-Gaston Moore et Charles Amson publié
58
aux Presses universitaires de France en 2007, pages 337 à 380.
La consigne invite explicitement l’élève à mener une analyse
critique des propos du maréchal Pétain.
Étape 1 : Présenter le document
L’identification et la présentation du document sont des étapes
essentielles pour pouvoir ensuite porter un regard critique
sur le document.
Le document est un extrait de la déclaration du maréchal Pétain
prononcée lors de son procès le 23 juillet 1945. Les faits qu’il
évoque dans ses propos remontent au moment où il est alors
chef de l’État français entre juillet 1940 et août 1944. Cette
déclaration est prononcée au moment où le gouvernement
provisoire de la République française est mis en place en 1944
après la libération du territoire. Dirigé par le général de Gaulle,
le GPRF veut à la fois rétablir la République mais aussi organiser
l’épuration, c’est-à-dire juger les responsables et complices de
la collaboration avec l’Allemagne nazie. D’abord spontanée,
elle devient légale quand l’État organise des cours de justice
pour juger les responsables.
Ceci explique que Pétain doive se justifier, car il est amené
devant la justice à rendre compte de ses actions pendant la
Seconde Guerre mondiale.
Étape 2 : Analyser la consigne
Les indications sont données dans le manuel élève. Les trois
axes de l’analyse sont précisés.
Étape 3 : Sélectionner les informations puis les mettre en
relation avec des connaissances personnelles
Les couleurs qui correspondent aux éléments à utiliser du texte
pour répondre aux trois axes proposés sont :
– Pétain estime légitime son arrivée au pouvoir : jaune.
– Il justifie les relations de l’État français avec l’Allemagne
nazie : rouge.
– Il présente ses décisions de politique intérieure comme
indispensables à la France : bleu.
Les connaissances à mobiliser pour chacun des axes :
– Pétain estime légitime son arrivée au pouvoir :
■ Le 17 juin 1940 : Pétain, à la tête du gouvernement, demande
l’armistice à l’Allemagne.
■ Rôle pendant la Première Guerre mondiale : considéré
comme le « vainqueur de Verdun » de 1916, utilise son image
d’homme providentiel et de sauveur.
■ 10 juillet 1940 : il obtient du Parlement les pleins pouvoirs,
devient le chef de l’État français reconnu comme le
gouvernement légal de la France dans le monde.
– Il justifie les relations de l’État français avec l’Allemagne nazie :
« une collaboration pour ménager l’ennemi avant la libération
organisée par de Gaulle ».
■ Choix de la collaboration : 24 octobre 1940, Pétain rencontre
Hitler à Montoire.
■ Collaboration multiforme : économique (prélèvement de
matières premières, industries fonctionnant au service des
Allemands), militaire (matériel de guerre cédé à l’Allemagne)
et politique (lutte contre les résistants).
■ Collaboration à la politique antisémite nazie et à la
« Solution finale » : premier statut des Juifs, 3 octobre
1940. Participation de la police française aux arrestations
de Juifs (16 et 17 juillet 1942 rafle du Vel d’Hiv). Plusieurs
 milliers de Juifs français déportés.
– Il présente ses décisions de politique intérieure comme
indispensables à la France : on peut penser à la mise en place
de la « Révolution nationale ».
■ Selon lui, il a « assuré aux Français la vie et le pain, j’ai assuré
à nos prisonniers le soutien de la nation » : économie dirigée,
agriculture et industrie encadrée par les corporations,
exaltation de la terre et des paysans. Les prisonniers de
guerre deviennent des modèles à cause de leur sacrifice sur
le champ de bataille et de leurs privations dans les camps.
■ Selon lui, il a « honoré la famille et pour empêcher la lutte
des classes, cherché à garantir les conditions du travail à
l’usine et à la terre » : exaltation des valeurs traditionnelles,
devise « Travail, Famille, Patrie » doivent régénérer la France.
Les corporations réunissent des patrons et employés pour
organiser la coopération des deux groupes au sein des
entreprises. Il nie le principe de la lutte des classes et donc
de l’action syndicale.
Étape 4 : Porter un regard critique sur un document
La déclaration de Pétain est partiale car ce dernier cherche
à justifier ses actions en mettant de côté que ses choix ont
souvent été lourds de conséquences pour la France.
Réponses aux questions dans les encadrés
Pétain se présente comme la seule solution possible après la
défaite de juin 1940, en annonçant le 17 juin 1940 sa décision
de demander l’armistice avec l’Allemagne. Mais sa décision de
cesser les combats avec l’Allemagne n’est pas acceptée par tous
les Français, qu’ils agissent sur le territoire français avec des
actes isolés de résistance, ou en suivant le général de Gaulle
réfugié à Londres d’où il lance le 18 juin 1940 un appel à la
résistance et à poursuivre le combat.
La collaboration désigne la politique qui consiste à s’entendre,
aider et apporter son soutien à l’occupant. La collaboration
est multiforme : politique, économique et culturelle. La
collaboration n’est pas imposée à la France par l’Allemagne,
c’est le régime de Vichy qui s’y engage de manière volontaire.
La France n’a pas été contrainte par l’Allemagne pour participer
à l’exclusion puis la déportation des Juifs. La collaboration avec
l’Allemagne est un leurre car la France est en réalité soumise
à l’Allemagne nazie.
Les Français sont confrontés à de nombreuses difficultés
pendant la Seconde Guerre mondiale. Le pillage de l’économie
par l’Allemagne entraîne la pénurie de nombreux biens de
première nécessité mais aussi la mise en place d’un système
de rationnement. Les Français sont aussi surveillés par un
système policier omniprésent, la presse et les informations
sont censurées, les libertés sont limitées.
Pétain n’a pas facilité la libération de la France. Il n’a cessé
pendant le conflit de fustiger l’attitude du général de Gaulle
mais aussi de réprimer les résistants. La Milice créée par le
régime de Vichy en 1943 participe à la répression des maquis
qui se soulèvent lors de la libération (les Glières, le Vercors).
p. 112-113
Exercice BAC
Réponse à une question problématisée.
L’objectif de cette double-page est d’aider l’élève à mobiliser
et hiérarchiser ses connaissances pour répondre à une question
problématisée.
Le sujet : En quoi la Seconde Guerre mondiale est-elle un
conflit d’une violence exceptionnelle ?
Étape 1 : Analyser les termes du sujet
La Seconde Guerre mondiale se déroule entre le 1er septembre
1939, jour de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne et le
2 septembre 1945, date de la capitulation du Japon.
Ce conflit est exceptionnel car il est considéré comme une
guerre d’anéantissement comme le révèle son bilan humain,
plus de 60 millions de victimes. C’est aussi une guerre d’une
ampleur mondiale qui touche les cinq continent mais aussi
les océans, ainsi qu’un moment de mobilisation économique,
technique et financier sans précédent.
Différents types de violence sont utilisés pendant la Seconde
Guerre mondiale : combats classiques entre soldats, mitraillages
des populations qui fuient vers le sud lors de l’exode en France,
bombardements massifs des villes à la fois par l’Allemagne
(Londres) et les Alliés dès 1942 en Allemagne, violences
de masse et massacres à l’Est par l’armée allemande et les
Einsatzgruppen contre les Slaves, représailles et massacres
d’otages, extermination des Juifs et des Tsiganes, offensives
mortelles après les débarquements alliés en Europe (1944),
bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki en août 1945.
Ces violences touchent plus les civils que les militaires.
Étape 2 : Mobiliser vos connaissances pour répondre à la
question problématisée
La question problématisée correspond au chapitre sur la
Seconde Guerre mondiale mais elle doit faire appel à des
connaissances sur les régimes totalitaires, notamment pour
comprendre la violence nazie.
Les connaissances à éliminer
Racisme nazi - Shoah par balles sur le front de l’Est - mort
des populations juives ou tsiganes par le travail ou la faim -
Stalingrad est une lourde défaite pour l’Allemagne en février
1943 - conquête de l’Est par les nazis (1941-1942) fait passer
des millions de Juifs sous la domination nazie - l’extermination
des Juifs et des Tsiganes devient systématique à partir de 1942
- centres de mise à mort en Pologne dont Auschwitz, le plus
grand - 6 millions de Juifs et un demi-million de Tsiganes sont
victimes du génocide - une mort industrielle et rationalisée
dans les camps - organisation de rafles dans toute l’Europe
dominée - Le Japon perd progressivement du terrain à partir de
1942 et de la stratégie du « saute-mouton » - Juifs et Tsiganes
victimes de persécutions et de crimes de masse avant 1942 -
conférence de Wannsee janvier 1942 : mise en place de la
« Solution finale ».
Plan du second paragraphe
Idée directrice : Les Juifs et les Tsiganes sont victimes d’un
génocide.
Argument 1 : Juifs et Tsiganes victimes de persécutions et de
crimes de masse avant 1942
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 59
 – Racisme nazi
– Conquête de l’Est de l’Europe par les nazis (1941-1942) qui
fait passer des millions de Juifs sous la domination nazie
– Shoah par balles sur le front de l’Est
Argument 2 : L’extermination des Juifs et des Tsiganes devient
systématique à partir de 1942
– Conférence de Wannsee janvier 1942 : mise en place de la
« Solution finale »
– Organisation de rafles dans toute l’Europe dominée
Argument 3 : Une mort industrielle et rationalisée dans les
camps
– Centres de mise à mort en Pologne dont Auschwitz, le plus
grand
– 6 millions de Juifs et un demi-million de Tsiganes sont victimes
du génocide
Sujets d’entraînement :
SUJET 1 Quelles sont les réactions des Français à la
domination allemande ?
L’analyse du sujet doit conduire à déterminer les limites
chronologiques, soit juin 1940 avec la défaite et l’armistice,
jusqu’à la libération progressive du territoire français en 1944-
1945. Il s’agit aussi de définir les mots-clés : la domination
allemande se caractérise par l’occupation, le pillage économique,
la surveillance ; le terme de réaction fait référence aux attitudes
des Français face à cette situation : collaboration, résistance,
attentisme.
Plan possible
1. Le choix de la collaboration : accepter l’occupation
– Collaboration d’État avec le régime de Vichy
– Collaborationnisme de certains Français proches des idées
nazies
2. Le choix de la Résistance : refuser l’occupation
– La naissance des deux résistances intérieure et extérieure
– Des actes de résistance souvent violents et une vie clandestine
– Croissance des effectifs et organisation progressive de la
Résistance
3. La majorité des Français attend que la guerre passe : vivre
malgré l’occupation
– Des Français qui vivent difficilement : pénuries, rationnement,
couvre-feu, etc.
– Des Français qui cherchent à se divertir pour oublier la vie
sous l’occupation
– Des Français qui se détachent de plus en plus de la politique
menée par le maréchal Pétain avec l’occupant
SUJET 2 Comment, entre 1939 et 1945, un conflit né en
Europe est-il devenu une guerre mondiale ?
Les limites chronologiques du sujet sont le 1er septembre
1939, jour de l’invasion de la Pologne par l’Allemagne et le
2 septembre 1945, date de la capitulation du Japon. La notion -
clé est « guerre mondiale » qui doit être mise en regard avec
« conflit né en Europe ». Ce sujet demande de s’interroger
sur les protagonistes, les phases de la guerre et ses théâtres
d’opérations.
Plan possible
1. Un conflit né sur le sol européen
– L’invasion de la Pologne (1er septembre 1939) et succès de
la Blitzkrieg en Europe
60
– La lutte nazie contre l’Angleterre
– L’URSS entre dans le conflit (22 juin 1941)
2. Une guerre qui devient planétaire
– La guerre s’étend en Afrique (la guerre du désert dès juin 1940)
– L’expansion japonaise en Asie (1940-1941)
– L’entrée en guerre des États-Unis (7 décembre 1941)
3. Une guerre qui implique des théâtres d’opération mondiaux
– La Grande Alliance et la formation des Nations unies
– Des théâtres mondiaux de la guerre totale : Pacifique, Europe
de l’Est, Afrique
– Une rétractation des théâtres d’opération à partir du printemps
1945 autour de l’Allemagne et du Japon
SUJET 3 Comment se met en place le processus
d’extermination des Juifs par les nazis (1935-1945) ?
L’analyse du sujet invite les élèves à décrire les mécanismes qui
ont conduit à la « Solution finale » et à sa mise en œuvre. Les
Tsiganes sont exclus de ce sujet. Les limites chronologiques
à prendre en compte sont les lois de Nuremberg en 1935 et
la découverte et la libération des camps au printemps 1945.
Plan possible
1. 1935-1939 : les Juifs persécutés dans le IIIe Reich.
– Les lois de Nuremberg de septembre 1935 font des Juifs
des hommes au statut inférieur : perte de la citoyenneté
allemande.
– Des persécutions (« nuit de Cristal » en novembre 1938)
– Des exils liés à la persécution généralisée
2. Le mise en place de la « Solution finale »
– Les ghettos en Pologne (1939-1942)
– La Shoah par balles sur le front de l’Est et l’invasion de l’URSS
– La conférence de Wannsee 20 janvier 1942
3. Le système concentrationnaire nazi
– Activité des camps d’extermination en Pologne : des centres
de mise à mort
– L’univers concentrationnaire organisé à l’échelle de l’Europe
– La découverte des camps et le bilan du génocide
Auto-évaluation p. 105
OBJECTIF 1
- Les opérations Overlord et Bagration sont lancées en juin
1944 respectivement sur les fronts Ouest et Est de l’Europe. Les
Anglo-Américains à l’Ouest débarquent ainsi en Normandie
afin de libérer le territoire français et de s’ouvrir la voie vers
l’Allemagne. L’URSS entame la reconquête de ses territoires,
notamment la Biélorussie et l’Ukraine, et de l’Est de l’Europe
pour marcher jusqu’à Berlin. Ainsi, ces deux opérations sont
un tournant de la guerre d’autant qu’elles doivent permettre
d’encercler l’Allemagne.
- La fin des combats en France en juin 1940 relève d’un double
enjeu militaire et politique. D’une part, le maréchal Pétain fait
le choix de l’armistice et de l’arrêt des combats et fonde le
régime de Vichy. D’autre part, le général de Gaulle, considérant
que la défaite « n’est pas définitive » car il s’agit d’une « guerre
mondiale », appelle à la poursuite de la lutte contre les forces
de l’Axe et organise la résistance en fondant la France libre. À
l’été 1940, la France se trouve donc divisée.
- Après avoir réalisé leur premier essai atomique dans le
désert du Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945, les États-Unis
décident d’utiliser cette arme nouvelle à la puissance de feu
et de destruction inédite. Les bombardements atomiques sur
Hiroshima et Nagasaki, respectivement les 6 et 9 août 1945,
relèvent d’un triple enjeu militaire, politique et scientifique.
D’une part, les États-Unis souhaitent mettre fin rapidement à
la résistance du Japon et le forcer à la capitulation. D’autre part,
Truman, en autorisant les bombardements, entend envoyer un
signal fort aux Soviétiques qui entrent en guerre contre le Japon
entre ces deux bombardements. Les États-Unis veulent être les
seuls maîtres en Asie et en même temps montrer leur puissance
à l’URSS. Enfin, les nombreuses destructions matérielles ainsi
que le lourd bilan humain traduisent un aspect paradoxal de
la modernité. Une avancée scientifique est mise au service de
la mort. Un nouveau seuil de violence est franchi.
OBJECTIF 2
- En déclenchant l’opération Barbarossa en URSS le 22 juin
1941, l’Allemagne nazie entraîne une guerre d’anéantissement
sur le front de l’Est. En effet, le mot d’ordre donné aux troupes
allemandes est d’éliminer l’Armée rouge dont les troupes
sont accusées de ne pas respecter les lois de la guerre. En
outre, le IIIe Reich mène une guerre raciale contre les Slaves
et idéologique contre les communistes. Les combats sont
particulièrement meurtriers et les prisonniers ne sont pas
épargnés puisque leurs conditions de détention ne respectent
pas les lois et coutumes de guerre. Enfin, l’URSS participe
également de cette guerre d’anéantissement. Staline, par
l’ordre n° 227 du 28 juillet 1942, impose à l’Armée rouge de
résister coûte que coûte face aux Allemands. Tout recul est
vu comme une trahison et est passible de l’exécution ou de la
déportation au Goulag.
- 22 juin 1940 : armistice de Rethondes. Il s’agit de l’accord
signé entre la France, alors dirigée par le maréchal Pétain, et
l’Allemagne nazie afin de mettre fin aux combats. Cet accord
suspend provisoirement les combats sans mettre fin à l’état
de guerre entre les deux pays. En outre, le territoire français,
dans sa partie nord, est occupé par les Allemands.
- 6 juin 1944 : débarquement en Normandie. L’opération
Overlord organisée par les Alliés conduit au débarquement
anglo-américain en Normandie, le 6 juin 1944. Ce débarquement,
avec le soutien de troupes de la France libre, doit permettre la
libération du territoire français et de porter ensuite les troupes
alliées en Allemagne.
- 20 janvier 1942 : conférence de Wannsee. La conférence qui
s’est tenue à Wannsee, le 20 janvier 1942, est considérée comme
la réunion ayant décidé de l’application de la « Solution finale »
à savoir l’extermination des Juifs dans les chambres à gaz.
OBJECTIF 2
Notions
Collaboration : le terme, utilisé par le maréchal Pétain dans un
discours du 30 octobre 1940, consiste en un soutien à l’occupant
nazi pour construire une société européenne selon les valeurs
du nazisme, et notamment l’antisémitisme.
Génocide : extermination programmée et systématique d’une
population pour des raisons ethniques, politiques, ou religieuses.
Guerre totale : conflit armé qui mobilise toutes les ressources
disponibles d’un État, la population, l’économie, la politique
et la culture.
Vocabulaire
Armistice : décision par laquelle des pays en guerre décident
d’arrêter les combats sans pour autant signer la paix.
Einsatzgruppen : « groupes spéciaux » de la SS. Ils suivent
la Wehrmacht lors de l’invasion de l’URSS. Ils sont chargés
d’éliminer tous les « ennemis du Reich » : Juifs, Tsiganes,
communistes, etc.
Forces françaises de l’Intérieur (FFI) : regroupement de
différents groupes de résistants français créé le 1er février 1944.
Les FFI jouèrent un rôle non négligeable dans la préparation et
l’élaboration du débarquement de Normandie, le 6 juin 1944.
Forces françaises libres (FFL) : forces armées sous l’autorité
de la France libre du général de Gaulle, regroupant les forces
terrestres (FFL), aériennes (FAFL) et navales (FNFL).
« Révolution nationale » : idéologie du régime de Vichy,
fondée sur le nationalisme, l’autoritarisme, la xénophobie et
l’antisémitisme. Elle rejette la démocratie parlementaire et
les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité.
Shoah par balles : exécution des Juifs par fusillade.
« Solution finale » : nom donné par les nazis à leur projet
d’extermination des Juifs.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Un conflit d’ampleur mondiale
A.
Dates : août 1939, 1er septembre 1939, mai 1940, 22 juin 1941.
Notions : Axe, « drôle de guerre », Blitzkrieg.
Grandes idées : pacte germano-soviétique de non-agression,
campagne de France, opération Barbarossa.
B.
Dates : 8 septembre 1942, février 1943, juillet 1943, septembre
1943, 8 mai 1945.
Personnage : Rommel.
Notions : Grande Alliance, « Nations unies ».
Grandes idées : défaites allemandes d’El-Alamein et Stalingrad,
opération Torch, débarquement allié en Sicile, armistice de
l’Italie avec les Alliés, capitulation allemande.
C.
Dates : 7 décembre 1941, juin 1942, février 1943, 2 septembre
1945, 6 et 9 août 1945.
Personnages : amiral Nimitz, général Mac Arthur.
Notion : guerre totale.
Grandes idées : entrée en guerre américaine, bataille de Midway,
victoire américaine à Guadalcanal, bombardements atomiques,
capitulation japonaise.
Leçon 2. Défaite, collaboration et résistance en France
A.
Dates : 10 mai 1940, 17 juin 1940, 22 et 24 juin 1940, 10 juillet
1940.
Personnage : maréchal Pétain.
Notions : Wehrmacht, armistice, occupation.
Grandes idées : campagne de France, armistices franco-allemand
et franco-italien, pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
B.
Dates : 3 octobre 1940, 16-17 juillet 1942, 11 novembre 1942.
Chapitre 3 • La Seconde Guerre mondiale 61
 Personnage : maréchal Pétain.
Notions : collaboration, « Révolution nationale », corporatisme,
antisémitisme.
Grandes idées : régime de Vichy, statut des Juifs, rafle du Vel’
d’Hiv’, entrée des troupes de l’Axe en zone libre.
C.
Dates : 18 juin 1940, août 1940, 1er février 1944.
Personnages : général de Gaulle, Raymond et Lucie Aubrac.
Notions : France libre, FFL, résistance, Francs-tireurs et Partisans,
FFI, maquis.
Grandes idées : ralliement de l’AEF à la France libre, fusion des
mouvements de résistance.
Leçon 3. Les violences de masse
A.
Dates : printemps 1940, 22 juin 1941, 8 septembre 1941 – 27
janvier 1944.
Notions : espace vital, violences de masse, Einsatzgruppen,
guerre d’anéantissement.
Grandes idées : massacre de Katyn, opération Barbarossa, siège
de Leningrad, bataille de Stalingrad.
B.
Dates : janvier 1942.
Notions : génocide, violences de masse, déportation,
extermination, « Shoah par balles ».
Grande idée : conférence de Wannsee.
C.
Dates : 6 juin 1944, 22 juin 1944, août 1944, 30 avril 1945,
8 mai 1945, 6 et 9 août 1945, 2 septembre 1945.
62
Personnages : Roosevelt, Churchill, Staline.
Notion : kamikazes.
Grandes idées : opérations Overlord et Bagration, débarquement
allié en Provence, suicide de Hitler, bombardements atomiques,
capitulations allemande et japonaise.
- Les violences de masse font référence à trois phénomènes
majeurs. D’une part, la guerre d’anéantissement menée à
l’Est à partir de 1941 conduit à la mort de nombreux soldats
allemands et soviétiques, mais également de nombreux civils
soviétiques comme lors du siège de Leningrad. D’autre part, elle
renvoie aux destructions matérielles et humaines consécutives
aux deux bombardements atomiques américains sur les villes
japonaises d’Hiroshima et Nagasaki, les 6 et 9 août 1945. Enfin, la
politique d’extermination menée par l’Allemagne nazie conduit
au génocide des populations juives et tsiganes.
- La collaboration est la politique menée par le régime de Vichy
dirigé par le maréchal Pétain. Ce dernier la mentionne pour la
première fois officiellement lors d’un discours le 30 octobre
1940 après l’entrevue qu’il a avec Hitler à Montoire, le 24 octobre
1940. Le Maréchal va au-devant des demandes allemandes
et mène une politique en partie conforme à l’idéologie nazie,
puisque la « Révolution nationale » en reprend un certain
nombre de valeurs dont l’antisémitisme.
- La guerre totale traduit l’engagement mené par les différents
États belligérants dans le conflit mondial. Toutes les forces
humaines, militaires comme civiles, sont mobilisées. De même,
est mise en place une économie de guerre. Enfin, la propagande
permet d’entretenir cette mobilisation générale contre l’ennemi.
 CHAPITRE
La fin de la Seconde Guerre mondiale
4 et les débuts d’un nouvel ordre
mondial

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 2 : La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970)

Chapitre 1 : La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à mettre en parallèle la volonté de création d’un nouvel ordre international et les tensions
qui surviennent très tôt entre les deux nouvelles superpuissances (États-Unis et URSS).
On peut mettre en avant :
- le bilan matériel, humain et moral du conflit ;
- les bases de l’État-providence ;
- les bases d’un nouvel ordre international (création de l’ONU, procès de Nuremberg et de Tokyo,
accords de Bretton Woods) ;
- les nouvelles tensions : début de l’affrontement des deux superpuissances et conflits au Proche-Orient.

Points de passage et d’ouverture - 15 mars 1944 : le programme du CNR ;

- 1948 : naissance de l’État d’Israël ;
- 25 février 1948 : le « coup de Prague ».

Problématique du chapitre :
Comment les années d’immédiat après-guerre annoncent-
elles la mise en place d’un nouvel ordre mondial ?
Cette demi-décennie est une période d’incertitude, de
tâtonnement, avec la tenue de grandes conférences
internationales qui annoncent un monde nouveau mais
aussi une rapide transition vers la guerre froide. Certes, le
programme du CNR ou la création de l’ONU annoncent une
nouvelle façon de concevoir la société ou d’envisager les
relations internationales, mais plusieurs réformes profondes
mettent du temps à s’imposer : les Casques bleus de l’ONU ne
sont opérationnels et n’interviennent pour la première que
durant la crise de Suez de 1956 et les accords de Bretton Woods
ne sont véritablement effectifs en France qu’en 1958, avec la
convertibilité du franc en dollar. Cette période annonce donc
plus qu’elle n’impose un nouvel ordre mondial. Si dès 1946,
Winston Churchill prononce son discours sur le « rideau de fer »,
ce n’est que le « coup de Prague » qui convainc l’ensemble du
camp occidental des intentions soviétiques en Europe de l’Est
pour les décennies à venir. Beaucoup d’institutions sont créées
dans l’immédiat après-guerre, mais ce nouvel ordre mondial
met du temps à s’imposer.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Le chapitre 4 du programme de terminales ouvre le deuxième
thème qui s’intéresse au « nouvel ordre mondial » ou « nouvel
ordre international » qui se construit progressivement dans
l’après-guerre. Il s’agit donc ici de montrer quels sont les
bouleversements majeurs qu’apporte le règlement de la
Seconde Guerre mondiale dans l’organisation du monde. Si
le chapitre 4 n’est pas délimité par des bornes chronologiques
précises, les points de passage et d’ouverture nous invitent à
envisager une période comprise entre 1944 (pour le programme
du CNR) et 1948-1949 (printemps de Prague, naissance de l’État
d’Israël et première crise de Berlin).
Notions importantes et personnages principaux :
Ce chapitre ne met pas en avant une figure particulière. Bien sûr,
celles de Harry Truman ou de Joseph Staline sont importantes
et seront sans doute citées durant le cours, mais on peut
mentionner deux personnages qui seront évoqués dans ce
chapitre plutôt qu’un autre.
Winston Churchill (1874-1965) : pour le professeur
qui aborderaient le discours de Fulton (page 128-129), le
personnage de Churchill doit être présenté. Resté célèbre
pour sa ténacité face au nazisme et aux citations qu’on lui
prête, Winston Churchill est Premier ministre du Royaume-Uni
de 1940 à 1945 (puis de 1951 à 1955) et chef de file du parti
conservateur. Après avoir perdu les élections de juillet 1945, il
devient le chef de l’opposition, et c’est dans ce contexte qu’il
prononce le discours de Fulton.
David Ben Gourion (1886-1973) : né en Pologne (alors
annexée par l’empire russe), David Ben Gourion devient en
1930 un des fondateurs du Parti Travailliste israélien, qui dirige
la communauté juive de Palestine à l’époque du mandat
britannique. Il prononce la déclaration d’indépendance de
l’État d’Israël le 14 mai 1948 et devient alors Premier ministre
de l’État, fonction qu’il exerce presque de façon ininterrompue
jusque 1963.
Les notions centrales de ce chapitre tournent autour de l’idée de

Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial 63
 transformation en profondeur de la société et de la diplomatie
mondiale :
Nouvel ordre mondial (ou nouvel ordre international) :
concept géopolitique né du titre d’un ouvrage de H.
G. Wells, The New World Order, publié en 1940, qui traite de
l’établissement d’un gouvernement mondial unique. Il souligne
aussi l’hégémonie américaine dans les nouvelles relations
internationales après la Seconde Guerre mondiale. L’expression
est souvent utilisée pour caractériser également la situation
issue de la fin de la guerre froide, dans les années 1990.
Bipolarisation : à partir de 1947, processus de structuration
des relations internationales autour des États-Unis et de l’URSS,
deux puissances opposées idéologiquement. Il faut donc
nettement distinguer le multilatéralisme et le développement
d’un monde bipolaire.
Multilatéralisme : attitude qui privilégie le règlement des
problèmes mondiaux de façon collective.
État-Providence : expression qui désigne le fait que l’État
intervient de façon importante dans le domaine économique
et social, afin d’assurer le bien-être de ses citoyens. C’est une
idée centrale dans le projet du CNR au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Deux propositions de parcours long d’études du chapitre,
une proposition de parcours rapide (pour gagner du temps).
Première proposition de parcours long (4 h) : insister sur
l’héritage de la Seconde Guerre mondiale
Commencer par le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale
(doc. 2 et 3, page 118) pourrait permettre d’assurer une
transition avec le chapitre précédent. L’étude du programme
du CNR (PPO pages 120-121) servirait à aborder la question
de l’État-providence et de la reconstruction à l’échelle de la
France. Il serait ensuite possible d’élargir la question à l’échelle
du monde avec la question du procès des criminels de guerre
de la Seconde Guerre mondiale (pages 122-123). Il est possible
de ne se focaliser par exemple que sur les documents 1 et 2, et
la mise en place des grandes institutions internationales (étude
pages 124-125). Il n’est pas nécessaire d’aborder l’ensemble
des documents de cette double page. L’étude de la naissance
de l’État d’Israël (PPO page 131) peut être mis en lien avec le
nouveau rôle de l’ONU dans les relations internationales mais
aussi ses limites. Une deuxième partie du chapitre pourrait
être introduite par l’étude du discours de Fulton de Churchill
(pages 128-129), avant d’aborder le « coup de Prague » (PPO
pages 132-133).
Deuxième proposition de parcours long (4 h) : insister sur
le nouveau contexte international
Une deuxième solution pourrait être de commencer par
l’évocation du bilan de la guerre par les pages repères
(pages 118-119) ainsi que le document 2 page 122, puis par
aborder le programme du CNR (PPO) uniquement avec les
documents 2 et 4 des pages 120-121 (parcours 2 BAC). La mise
en place d’un nouvel ordre international (pages 124-125) serait
complétée par la naissance de l’État d’Israël (PPO page 131).
Enfin, le nouveau contexte international et la naissance de la
guerre froide pourraient être analysés par l’étude successive
de la situation en Allemagne (page 130) ainsi que par le « coup
de Prague » (PPO pages 132-133).
Proposition de parcours court (3 h) : se concentrer sur les
PPO
Si l’on désire traiter rapidement ce chapitre tout en étudiant
chacun des PPO, il est possible en une heure d’aborder la
question de la fin de la guerre (documents 1 et 2, page 118),
des procès de Nuremberg (document 2, page 122) puis le
programme du CNR (doc. 2, page 120). Une séance suivante
d’une heure pourra être consacrée à la naissance d’un nouvel
ordre mondial et à la création de l’État d’Israël. Enfin, la troisième
heure pourra être entièrement tournée autour du « coup de
Prague » et du début de la guerre froide.

Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Georges-Henri SOUTOU, La Guerre de
Cinquante Ans. Les relations Est-Ouest 1943-
1990, Paris, Fayard, 2001, chapitres 1 à 6.
François FEJTÖ, Le Coup de Prague 1948,
Paris, Seuil, 1976.
Michel ABITBOL, Histoire d’Israël, Paris, Perrin,
2018.
Annette WIEWIORKA (dir.), Les procès
de Nuremberg et de Tokyo, Bruxelles,
Complexe, 1996.
Claire ANDRIEU, « Les réformes économiques
et sociales du lendemain de guerre »,
dans Encyclopédie de la Seconde Guerre
mondiale, Paris, Laffont, coll. Bouquins,
2015, p. 1097-1102.
Yann DECORZANT et Olivier FEIERTAG, « D’un
monde à l’autre : les organisations
économiques et financières
internationales », dans La Guerre-monde,
tome II, Paris, Folio Gallimard, 2015,
p. 1640-1669.
Michel MARGAIRAZ, « La guerre-monde,
matrice du Welfare State ? », dans 1937-
1947. La Guerre-monde, tome II, Paris, Folio
Gallimard, 2015, p. 2295-2324.
Jenny RAFLIK-GRENOUILLEAU, « 1945-1947 :
de la paix des Nations unies à la guerre
froide », dans La Guerre-monde, tome I,
Paris, Folio Gallimard, 2015, p. 815-848.
Sitographie
« La libération du territoire et le retour
à la République », documents publiés à
l’occasion de la session 2013-2014 du
Concours national de la Résistance et de
la Déportation Sur le portail de ressources
du CNRD : https://www.reseau-canope.fr/
cnrd/axes/2014/4
Le récit de la fin de la Seconde Guerre
mondiale et son bilan sur le site du
mémorial de Caen : https://www.memorial-
caen.fr/le-musee/la-seconde-guerre-
mondiale/fin-de-la-guerre-et-bilan
L’histoire de la création des Nations Unies
sur le site de l’ONU. : https://www.un.org/
fr/sections/history/history-united-nations/
index.html

64
 Ouverture p. 116-117
Le chapitre 4 marque une transition entre la période
précédente, qui s’achève avec la Seconde Guerre mondiale,
et la guerre froide, que les historiens s’accordent à faire
commencer en 1947. Cette double page introductive vise à
montrer comment durant cette période, deux phénomènes
émergent, d’une part le multilatéralisme, que symbolise la
signature de la charte de San Francisco, le 25 juin 1945, qui
marque la naissance de l’ONU, et la bipolarisation du monde,
perceptible durant la première crise de Berlin (juin 1948-mai
1949) qui termine notre période et cristallise l’opposition entre
d’une part l’Union Soviétique et d’autre part les puissances
occidentales, États-Unis en tête.
Document 1 : Il s’agit de la photographie de la signature par la
délégation américaine de la charte de San Francisco, le 25 juin
1945. Harry Truman est ici présent, de même que son secrétaire
d’État, Edward Stettinius. La cérémonie, en séance plénière, a
été organisée à l’opéra de San Francisco pour pouvoir réunir
l’ensemble des représentants. Les délégués de cinquante pays
sont présents. On peut voir sur la photographie les drapeaux
de l’ensemble des pays représentés, qui représentaient alors
environ 80 % de la population mondiale. La conférence de San
Francisco avait pour but de faire en sorte que les propositions
évoquées lors de la conférence de Dumbarton Oaks (août-
octobre 1944) soient acceptables par l’ensemble des pays.
Réponse à la question :
Cette photographie illustre bien la mise en place d’un nouvel
ordre mondial : elle immortalise la signature de la charte
des Nations unies, qui met en place une institution dont la
fonction est de régler les différends à l’échelle du monde, avec
des moyens plus importants que ceux de la SDN. Les États-
Unis sont signataires (ce qui n’était pas le cas de la SDN). Les
drapeaux symbolisent le nombre important de pays signataires
(cinquante en 1945).
Document 2 : Cette célèbre caricature de Dick Fitzpatrick,
parue dans le Saint Louis Post Dispatch en juin 1948, illustre
le déclenchement de la première crise de Berlin. L’élément
déclencheur de la crise est la volonté des Occidentaux de
créer une monnaie unique en Allemagne. Le 18 juin 1948,
les Allemands apprennent qu’ils devront désormais changer
leurs reichsmarks contre une nouvelle monnaie, le Deutsche
Mark. La réplique de Staline est immédiate : le 20 juin, il refuse
l’utilisation de cette nouvelle monnaie dans la zone d’occupation
soviétique puis ferment tous les accès entre les deux parties de
Berlin. En quelques jours, les secteurs berlinois britanniques,
français et américains sont coupés du reste de l’Allemagne ce
qui pose le problème du ravitaillement de la population. La
caricature décrit ce moment, où l’ours soviétique enserre les
trois zones occidentales de Berlin.
Réponse à la question :
Le caricaturiste a ici choisi de représenter la pression soviétique
sous les traits des pattes d’un ours (dont les griffes sont couvertes
de sang). La casquette à l’étoile rouge permet d’identifier la
puissance soviétique, tandis que les trois zones occidentales
de Berlin sont identifiables grâce aux trois drapeaux. Il reste
ici encore une route ouverte pour quitter la ville.
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
Cartes p. 118-119
Le monde de 1945 à 1948
Cette page « Repères » vise à montrer de façon synthétique les
enjeux de la période de l’immédiat après-guerre. La carte doit
permettre d’envisager celle-ci à l’échelle du monde, tandis que
les deux graphiques doivent permettre d’aborder rapidement
le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale.
Document 1 : Ce planisphère représentant le monde au
lendemain de la Seconde Guerre mondiale souligne le « nouvel
ordre mondial » évoqué dans le programme. Tout d’abord, c’est
la bipolarisation du monde entre les Occidentaux et l’URSS,
mais aussi l’émergence de nouveaux acteurs : l’ONU, qui montre
la montée en puissance du multilatéralisme au lendemain de
la guerre, mais aussi les colonies, qui connaissent à partir de
1945 des agitations nationalistes.
Document 2 : Ce tableau doit permettre de faire comprendre
aux élèves l’ampleur du désastre humain que représente la
Seconde Guerre mondiale. Certains pays comme l’URSS sont
particulièrement touchés, par le fait notamment que l’Union
soviétique a été le principal acteur de la guerre en Europe
entre 1941 et 1945 et a payé un lourd tribut dans sa lutte contre
l’Allemagne nazie. Pour un pays comme la Pologne, ce sont
les civils, et notamment la communauté juive, qui ont été les
principales victimes de l’occupation allemande. Pour certains
pays (l’URSS, la Pologne, la Yougoslavie et l’Allemagne), ce sont
plus de 10 % de la population de 1939 qui ont péri.
Document 3 : Ce graphique permet de donner une image de
la Seconde Guerre mondiale moins centrée sur les États mais
qui permet de comprendre l’impact de la guerre sur les civils,
qui représentent 62 % des victimes, avec un poids important
de la Shoah, tandis que les militaires ne représentent 38 %.
Il faut relier les documents 2 et 3 afin de comprendre que la
guerre n’a pas eu le même impact dans toutes les populations
et dans tous les pays.
Réponses aux questions :
Question 1 : Le monde au lendemain de la guerre voit le
nouveau poids international que prend l’URSS en Europe
de l’Est et en Asie, avec la multiplication des tensions entre
communistes et non-communistes en Chine par exemple ou
en Iran. L’ONU rassemble en 1945 cinquante États et relance
l’idée de la gestion multilatérale des conflits après l’échec de la
SDN. Enfin, quelques crises comme Prague ou Berlin annoncent
la guerre froide à venir.
Question 2 : Les États-Unis, qui jusqu’à la Seconde Guerre
mondiale ancraient leur diplomatie dans l’isolationnisme,
s’ouvrent désormais au monde et choisissent d’organiser
certaines des plus grandes conférences internationales de
l’après-guerre, à Bretton Woods (mise en place du FMI) puis à
San Francisco (création de l’ONU).
Question 3 : Le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale est
particulièrement lourd pour les pays comme l’URSS, la Pologne,
la Yougoslavie ou l’Allemagne. Pour l’URSS et l’Allemagne, ce
sont les pertes militaires les plus importantes, mais ce sont les
populations civiles polonaises et yougoslaves qui sont les plus
touchées. Le document 3 nous montre que les civils sont ceux
qui ont payé le plus lourd tribut durant la guerre.
65

POINT DE PASSAGE p. 120-121
15 mars 1944 : le programme du CNR
Problématique : Cette étude (point de passage et d’ouverture)
doit permettre de comprendre comment l’après-guerre
s’envisage déjà durant le second conflit mondial et comment
la notion d’État-providence émerge en France à travers le
programme du Conseil national de la résistance. C’est pourquoi
la problématique de l’étude est la suivante : comment le
programme du CNR forge-t-il les bases de l’État-providence
en France ?
Le Conseil national de la résistance (CNR) est l’organisme qui
à partir du milieu de l’année 1943 coordonne les différents
mouvements de résistance intérieure en France. Elle rassemble
des tendances politiques très diverses : des membres des
principaux groupes de résistance français, de partis politiques de
gauche comme de droite, hostiles au gouvernement de Vichy, ou
des syndicalistes. Son programme adopté en mars 1944, qui est
au cœur du point de passage et d’ouverture, est organisé autour
de deux volets : les mesures « d’action immédiate » (actions
de résistance contre l’occupant) mais aussi des « mesures à
appliquer dès la libération du territoire », c’est-à-dire une liste
de réformes sociales et économiques.
Document 1 : Cette photographie correspond à la naissance
du mouvement. Le premier président du CNR est Jean Moulin
(absent sur la photographie), délégué du général de Gaulle,
qui souhaitait unifier les différents mouvements de résistance
sur le sol français depuis la défaite et l’appel du général de
Gaulle du 19 juin 1940. Le 27 mai 1943 se tient la première
réunion du CNR, au premier étage du 48, rue du Four, à Paris.
Sur la photographie proposée sur ce document, on peut voir
certains des principaux acteurs du CNR : Pierre Villon (Front
National de la Résistance), Pascal Copeau (Libération-Sud),
deux représentants d’importants mouvements de résistance
intérieure en France, Auguste Gillot (PCF) et Georges Bidault
(démocrate-chrétien, futur président du GRPF entre juin et
décembre 1946), ainsi que Louis Saillant de la CGT. On voit
bien ici la présence de membres de groupes de résistance,
d’hommes politiques et de syndicalistes dès les premiers mois
de la création du groupe.
Document 2 : Peu de temps après la création du CNR, Jean
Moulin est dénoncé, capturé puis torturé. Il meurt le 8 juillet 1943
durant son transfert vers l’Allemagne. Le CNR continue son action
et Georges Bidault devient son président. En novembre 1943,
à Alger, le général de Gaulle entérine les points essentiels de
ce qui devient le programme du CNR publié le 15 mars 1944,
adopté après plusieurs mois de négociations. Il met en avant
l’économie planifiée (influence communiste), notamment sous
la pression de Pierre Villon. Il est aussi décidé de nationaliser
certaines entreprises et de mettre en place la Sécurité sociale.
Ce programme démontre à quel point la volonté de refondation
traverse les différentes composantes de la Résistance et plus
généralement de la société française. L’État prend une place
beaucoup plus importante dans le bien-être des individus, c’est
pourquoi on peut utiliser le terme d’État-providence. L’expression
française date du Second Empire mais l’influence du CNR est
plutôt celle du plan Beveridge qui en 1942 évoque le welfare
state. L’objectif est d’apporter un minimum de ressources ainsi
que l’accès aux besoins essentiels (éducation, nourriture, hygiène,
soutien économique) à tous les citoyens en période de paix.
66
Document 3 : Ce tableau vient en complément de la
photographie proposée en document 1. Il cherche à donner
une vision synthétique de l’action et de l’appartenance des
différents mouvements de résistance qui composent le CNR :
on y trouve tout d’abord des mouvements présents dans
différentes régions de France, au Nord comme au Sud, bien
que depuis novembre 1942, l’occupation allemande se soit
étendue à l’ensemble du pays. Ce sont pour la plupart des
mouvements qui se sont créés très tôt après la signature de
l’armistice (novembre 1940 pour Ceux de la Libération et
les Francs-Tireurs). Il est intéressant de souligner qu’ils sont
issus de tendances politiques très diverses, depuis le parti
communiste (Front National) jusqu’à la droite conservatrice.
C’est cet éclectisme qui permet au CNR de s’imposer après la
guerre dans l’opinion publique française.
Document 4 : Ce graphique permet de souligner les réformes
politiques, économiques et sociales qui s’imposent au lendemain
de la Libération. Nous retrouvons ici certains points centraux
du programme du CNR, comme la mise en place de la Sécurité
sociale ou du droit à la retraite, mais aussi certains éléments
qui se sont imposés plus tard, comme le droit de vote des
femmes. En effet, l’extension du suffrage universel aux femmes,
qui constitue une des premières réformes du gouvernement
provisoire, n’apparaît pas dans le programme du CNR du 15 mars
1944 mais dans l’ordonnance du 21 avril 1944 promulguée
par le Comité français de libération nationale à Alger. En
revanche, certaines réformes préconisées dans le programme
du CNR, comme la démocratisation de l’enseignement, ne sont
finalement pas appliquée.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Ces deux documents nous permettent de voir
que le Conseil national de la résistance regroupe des courants
différents, issus de différents mouvements de résistance, actifs
au nord comme au sud de la France, de droite comme de
gauche. Mais les principaux acteurs du CNR sont aussi souvent
membres de partis politiques ou du monde syndical.
Question 2 : Le programme du CNR insiste dans cet extrait sur
différents points : dans le domaine économique, la législation
du droit au travail, qui doit permettre une meilleure protection
des salariés, un soutien au pouvoir d’achat des ménages ;
dans le domaine social, le développement du syndicalisme
qui doit permettre une amélioration des conditions de travail
des salariés, la mise en place d’une Sécurité sociale, de même
que la retraite ; dans la dimension politique, une extension des
droits politiques envers les populations colonisées.
Question 3 : Les objectifs de ces réformes sont de pouvoir
faire bénéficier à l’ensemble de la population française d’une
amélioration substantielle de la qualité de vie afin de prendre
le contrepied du régime de Vichy et de mettre en place une
véritable démocratie qui défende les intérêts de toutes les
composantes de la société.
Question 4 : Après la guerre, le Gouvernement provisoire
de la République Française met en place un certain nombre
de réformes qui vont dans le sens du programme du Conseil
national de la résistance mais aussi plus loin : l’instauration
du droit de vote des femmes, la nationalisation de certaines
entreprises et la mise en place des comités d’entreprise pour
représenter les salariés, de même que la mise en place de la
Sécurité sociale (ordonnances des 4 et 19 octobre 1945) et
l’institution des retraites intégrée à cette dernière.
Bilan Il s’agit dans ce bilan de mettre en relation la définition
de l’État-providence (expression qui désigne le fait que l’État
intervient de façon importante dans le domaine économique
et social, afin d’assurer le bien-être de ses citoyens) avec les
réalisations concrètes du GPRF après la guerre, qui reprend les
préconisations du programme du CNR. Il faut surtout souligner
le rôle important de l’État dans le développement de l’économie
(nationalisations), la protection sociale (Sécurité sociale) et
l’extension des droits politiques (droit de vote des femmes).
Parcours 2
Cette analyse comparée des deux documents doit permettre
de faire le lien entre le programme du Conseil national de la
résistance et les réalisations effectives de l’après-guerre. Il
est important dans un premier temps de mettre en avant les
différents domaines de réformes, qu’ils soient économique,
social ou politique, en soulignant le caractère tout à fait novateur
de ce programme. Dans un deuxième temps, il faudrait souligner
le poids que prend l’État dans cette nouvelle conception
de la société pour amener la notion d’État-providence, en
la définissant. Les élèves doivent sélectionner les éléments
importants des différents documents : « droit au travail » (doc.
1, ligne 8), « garantir [...] la dignité et la possibilité d’une vie
pleinement humaine » (doc. 1, lignes 13-14). Le terme de dignité
réapparaît à plusieurs reprises dans le document 1.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Les Jours heureux est un documentaire de Gilles Perret
sorti en 2013. Ce film s’appuie sur des témoignages de
membres survivants du Conseil national de la résistance et
des interventions d’hommes politiques et d’économistes
contemporains sur la situation de la France au lendemain de
la guerre et sur la dimension toujours très contemporaine de
la question de l’État-Providence.
21’10’’ à 26’30’’ : il faut souligner ici le danger de la réunion mais
aussi la volonté de trouver un accord. C’est à cette occasion
qu’ont été mis en place les deux aspects de l’action immédiate
de libération, mais aussi de l’ambitieux projet politique,
économique et social d’après-guerre.
37’15’’ à 38’45’’ : ce sont les nationalisations, les mesures sociales
y compris pour les agriculteurs, la liberté de la presse.
8’55’’à 11’00’’ : le réalisateur souhaite mettre l’accent sur les
témoignages pour rendre le documentaire plus humain, en
mettant en avant les acteurs du CNR.
15’55’’ à 18’26’’ : à côté de la position de neutralité de l’historien, le
réalisateur veut apporter une touche d’humanité en soulignant
la force de conviction de ces hommes. Il cherche aussi à faire
le parallèle avec l’époque contemporaine et la nécessité de
l’ambition politique pour faire avancer les choses.
Étude p. 122-123
1945-1946 : les procès de Nuremberg
et de Tokyo
Problématique : les procès de Tokyo et de Nuremberg
constituent des événements majeurs de l’histoire du XXe siècle
et une étape essentielle dans la constitution d’une justice
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
internationale. Il s’agit de mettre en place une justice à l’échelle
internationale, et de définir des crimes imprescriptibles, les
crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
L’origine de la création d’une juridiction internationale
remonte à la conférence de Saint-James en 1941-1942. Les
représentants de neuf gouvernements se réunissent au
palais Saint James à Londres, pour évoquer la question de
la punition des crimes de guerre. Lors de la signature de la
« déclaration Saint-James », le 13 janvier 1942, ils affirment
« leur volonté de poursuivre, de rechercher, de juger et
de condamner les criminels, sans distinction d’origine, et
de veiller à l’exécution des sentences dans le cadre d’une
juridiction internationale ». Ils demandent également que « la
guerre ait pour but principal, entre autres, de châtier les
coupables, de ces crimes contre l’humanité, quel que soit
le degré de responsabilité des auteurs ». En août 1942, les
gouvernements des États-Unis et du Royaume-Uni proposent
la création d’une « Commission des crimes de guerre des
Nations unies » afin de permettre la réalisation des objectifs
fixés à Londres. C’est finalement à la conférence de
Potsdam qu’est décidée l’organisation des futurs procès
de Nuremberg et de Tokyo.
Document 1 : Ce texte est un extrait de la déclaration Saint-
James à l’origine de la mise en place des tribunaux militaires
de Nuremberg et de Tokyo. Huit gouvernements européens
en exil ainsi que le Conseil national français (dirigé par Charles
de Gaulle entre septembre 1941 et juin 1943) s’unissent dans
cette déclaration pour dénoncer les violences perpétrées par
l’Allemagne nazie : « des emprisonnements, des expulsions de
masse, des exécutions d’otages et des massacres » (lignes 9 à
11). Mais l’Allemagne n’est pas le seul pays visé puisque ces
violences sont « également pratiquées par les alliés et associés
du Reich » (lignes 12 à 14). Enfin, le point le plus important
consiste à souligner la nécessité d’une solidarité internationale
pour juger ces crimes après la guerre.
Document 2 : Ce document est un extrait de l’article 6 du statut
du tribunal militaire international de Nuremberg (20 novembre
1945 au 1er octobre 1946). Il définit des nouveaux crimes qui
seront jugés : les crimes contre la paix, les crimes de guerre
et les crimes contre l’humanité. La notion de « crime contre la
paix » a été définie par l’accord de Londres le 8 août 1945 pour
les tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo. Le crime
de guerre est une notion plus ancienne, liée au droit de la
guerre mais ce sont les tribunaux internationaux qui en fixent
la définition, comme une violation des « coutumes de guerre ».
Enfin, le « crime contre l’humanité » est aussi défini lors des
accords de Londres. C’est une catégorie complexe de crimes
dont la définition a pu varier en fonction des cours pénales.
Document 3 : Cette photographie prise lors du procès de
Nuremberg montre le banc des accusés. Hermann Göring est
le plus haut dignitaire du Reich encore en vie après le suicide
d’Hitler, de Goebbels et de Himmler. Il se suicide au cyanure juste
avant son exécution. Rudolf Hess est chef de la chancellerie du
Reich jusqu’à son emprisonnement en mai 1941 en Angleterre.
Joachim von Ribbentrop est ministre des Affaires étrangères
depuis 1938. Wilhelm Keitel est chef du commandement
suprême des forces armées allemandes de 1938 à 1945. Alfred
Rosenberg est un des grands théoriciens du nazisme et ministre
des Territoires occupés à l’Est. Enfin, Albert Speer est l’architecte
d’Hitler, ministre de l’armement et de la production de Guerre
à partir de 1942. C’est à ce titre qu’il participe à l’exploitation
de la main-d’œuvre concentrationnaire.
67
 Document 4 : Ce tableau compare les verdicts des procès de
Nuremberg et de Tokyo. Le nombre d’accusés dans les deux
tribunaux militaires est équivalent (21 à Nuremberg, 25 à Tokyo).
Le tribunal de Nuremberg condamne à mort 11 des accusés,
7 sont condamnés à des peines de prison et 3 sont acquittés
(Hans Fritzsche, Franz von Papen et Hjalmar Schach), tandis
qu’à Tokyo, tous sont déclarés coupables.
Document 5 : Cette photographie représente la salle du procès
qui se tient à Tokyo. Limité d’abord à neuf, le nombre de juges
fut ensuite porté à onze pour inclure l’Inde et les Philippines,
rassemblant des pays en guerre contre le Japon. Les drapeaux
que l’on distingue au fond de la salle sont ceux des États-Unis,
de l’URSS, du Royaume-Uni, de la France, des Pays-Bas, de la
Chine, de l’Australie de la Nouvelle-Zélande et du Canada.
C’est William Webb, le juge australien, qui préside le tribunal.
Les accusés sont sur le banc sur la droite de la photographie.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les procès de Nuremberg et de Tokyo participent
à la création d’une justice internationale car les juges
appartiennent à des nations différentes et les crimes qui sont
jugés dépassent le seul cadre national. La volonté des Alliés
est bien ici d’appliquer une justice à l’échelle internationale.
Question 2 : Les principales accusations sont celles de
crimes contre la paix, de crimes de guerre et de crimes contre
l’humanité. Ces crimes sont définis dans l’article 6 du statut
du tribunal militaire international de Nuremberg.
Question 3 : Le bilan du procès de Nuremberg est double. Il
s’agit tout d’abord de condamner les responsables de crimes
de masse perpétrés durant la Seconde Guerre mondiale. Ainsi,
si 11 condamnations à mort sont prononcées, 7 des accusés
sont condamnés à des peines de prison et trois sont acquittés.
Mais ce procès est aussi l’occasion de mettre en place une
justice internationale et de définir une nouvelle catégorie de
crimes : les crimes de guerre, contre la paix et contre l’humanité.
Bilan Les crimes de masse perpétrés durant la Seconde
Guerre mondiale sont des étapes importantes dans l’histoire de
la justice internationale. En effet, les crimes jugés à Nuremberg
et à Tokyo, les « crimes contre la paix », « crimes de guerre »
et « crimes contre l’humanité » ne peuvent pas être jugés à
l’échelle nationale, car elles dépassent les simples législations
nationales. Ces crimes sont déclarés « contre l’humanité » et
donc jugés à l’échelle internationale.
Parcours 2
Ce deuxième parcours est un travail de groupe. Il doit donc
permettre aux élèves de développer leur sens du travail à
plusieurs. Il est important qu’ils puissent en amont réfléchir
ensemble aux questions nouvelles que posent les procès
de Nuremberg et de Tokyo pour ensuite se diviser le travail :
les uns peuvent réfléchir aux accusations portées contre les
prévenus, tandis que d’autres réfléchissent à la genèse de ces
tribunaux militaires et aux nations qui s’organisent ensemble
pour juger ces crimes. Dans une troisième étape, les élèves
se réunissent à nouveau pour donner une unité à l’ensemble,
par exemple par le biais de l’introduction ou de la conclusion
élaborées ensemble. Ce travail peut être réalisé par groupe
de deux ou de trois.
68
Étude p. 124-125
La naissance d’un nouvel ordre mondial
Problématique : Cette étude cherche de façon synthétique à
présenter les différentes institutions qui inaugurent dès la fin
de la guerre ce nouvel ordre mondial. Il a été laissé une plus
grande part à l’ONU, pour montrer son organisation, son rôle
mais aussi ses limites, pour ensuite aborder l’aspect économique
des institutions nées du système de Bretton Woods afin de
souligner le poids des États-Unis dans ce nouveau système
et évoquer l’essor du libre-échange dans le cadre du GATT.
Il s’agit bien ici de montrer les enjeux et les difficultés de la
mise en place d’un nouvel ordre international fondé sur le
multilatéralisme. Cette dernière notion est importante pour
comprendre les ambitions qui visent à régler les différends de
façon internationale et pas seulement entre grandes puissances.
Il faudra aussi nuancer l’efficacité de ce multilatéralisme.
Document 1 : Les Alliés commencent à penser à l’ONU pour
succéder à la SDN dès 1942, suite à la Déclaration de la Charte
de l’Atlantique en 1941 entre Franklin Roosevelt et Winston
Churchill. Ces derniers envisagent donc déjà l’après-guerre alors
même que les États-Unis ne sont pas encore entrés en guerre.
Pendant quatre ans, les Alliés se réunissent régulièrement.
Parallèlement à leurs discussions sur le déroulement des
combats, les Alliés réfléchissent à la mise en place de l’ONU,
qui est avant tout une idée de Roosevelt, et ce dernier parvient
à convaincre Staline avec l’idée de membres permanents au
conseil de sécurité avec droit de veto. Le véritable acte de
naissance de l’ONU est la conférence de San Francisco qui se
tient pendant deux mois, du 25 avril 1945, jour de la jonction
des armées en Allemagne, au 25 juin 1945 (il est possible ici
de faire référence à l’illustration d’ouverture de la p. 116).
La Charte des Nations unies définit dans son préambule les
principes et les buts de l’ONU : maintien de la paix et sécurité
internationale ; respect des droits de l’Homme, et celui des
peuples à disposer d’eux-mêmes ; principe de non-ingérence
dans les affaires intérieures des États ; coopération internationale
dans le domaine économique, social et culturel afin de favoriser
le progrès social et l’épanouissement des libertés. Le document
présente ici l’organigramme de l’ONU, avec ses différentes
composantes mais aussi son conseil de sécurité et ses cinq
membres permanents (Churchill fit pression sur Roosevelt
pour que la France y ait sa place).
Document 2 : Cet éditorial de Combat paraît en février 1946
suite à la première session de l’ONU qui s’ouvre à Londres le
10 janvier 1946. Une semaine plus tard se tient le premier
Conseil de Sécurité, formé de onze pays. Le 29 janvier, Trygve
Lie, un avocat et homme politique norvégien devient le premier
secrétaire de l’ONU. Cette première session se conclut le
15 février, après plus d’un mois de travaux. Cet éditorial, issu
d’un journal résistant, souligne la crainte que cette institution
soit fragilisée par les oppositions entre grandes puissances, déjà
en opposition d’un point de vue politique, et par le choix de
donner le droit de veto aux membres permanents du Conseil
de Sécurité.
Document 3 : Le rôle de l’ONU dans les premières années de
sa création reste assez mince. Les moyens d’action sont réels,
mais les Casques bleus ne sont utilisés pour la première fois
qu’en 1956 pour assurer la fin des hostilités en Israël et en
Égypte. L’ONU est plus efficace pour régler les problèmes qui
ne concernent pas les cinq Grands. Mais après 1947, tout ce
qui se passe dans le monde ou presque finit par s’y rapporter.
D’ailleurs, l’URSS utilise régulièrement dans les premières
années de l’ONU son droit de veto pour bloquer des décisions
qui pourraient lui sembler peu favorables. Dans les années qui
suivent la création des Nations unies, Viatcheslav Molotov, futur
ministre des Affaires étrangères de l’URSS, bloque tellement
de projets de résolution qu’il est surnommé « Monsieur Veto ».
L’opposition de l’URSS concerne surtout l’entrée de nouveaux
membres à l’ONU tant que les États-Unis et les autres membres
de l’ONU refusaient d’admettre l’entrée des républiques
socialistes soviétiques (Staline avait réussi à négocier l’entrée
de la Biélorussie et de l’Ukraine dès 1945).
Document 4 : La guerre fait passer les États-Unis du statut
de puissance importante à celui de puissance dominante. On
commence même à parler à partir de 1944 de superpuissance.
Peut-être s’agit-il même de l’apogée de la domination
américaine sur la planète, tellement elle devance de loin tous
ses concurrents possibles. Truman déclare d’ailleurs le 9 août
1945 : « Nous pouvons nous dire que nous sortons de cette
guerre comme nation la plus puissante du monde, la nation la
plus puissante peut-être de toute l’Histoire ». En 1945, les États-
Unis fournissent 50 % de la production industrielle mondiale, les
deux tiers du pétrole mondial, les 2 mai de l’acier. Ils détiennent
surtout les deux tiers du stock d’or mondial et dans le domaine
financier jouissent d’une puissance inédite. C’est ce que souligne
cette caricature de septembre 1947.
Document 5 : Lors des débats de la conférence de Bretton
Woods, deux propositions ont été examinées de près : la
délégation anglaise propose un projet élaboré par John
Maynard Keynes, célèbre pour deux de ses ouvrages, en 1919
Les conséquences économiques de la paix suite à la signature du
traité de Versailles, et en 1936 La Théorie générale de l’emploi, de
l’intérêt et de la monnaie. De son côté le gouvernement américain
confie à Harry Dexter White, assistant du secrétaire au Trésor, la
même mission. Tous les deux sont favorables à un système de
change fixe mais un certain nombre de points les éloignent,
avec des implications politiques importantes. Le projet de
Keynes est très particulier. C’est un système complètement
novateur de compensation multilatérale de créances et de
dettes entre banques centrales des pays adhérents. Il propose
la création d’une sorte de banque supranationale, qu’il appelle
l’International Clearing Union, qui émettrait une monnaie
scripturale, le Bancor, et qui servirait uniquement pour régler
les échanges internationaux, sachant que quand un pays a un
excédent, d’autres lui sont redevables. Le Bancor n’a rien à voir
avec l’or : on abandonne la référence à l’or. Cela obligerait une
véritable concertation monétaire mondiale et irait au-delà d’une
coopération. Il s’agit d’une véritable gouvernance monétaire
mondiale. C’est sans doute un peu trop novateur pour l’époque
et ce système fait peur. C’est l’autre proposition qui est retenue.
La proposition de White, défendue par les États-Unis, se situait
beaucoup plus dans la continuité des systèmes précédents,
ce qui paraît pour nombre de participants plus rassurant et
plus concret. L’or reste le centre du système. Avec le poids
que représente le stock d’or américain, le dollar s’impose tout
naturellement pour jouer le rôle de devise clé. Pour reprendre
une expression de l’époque, le dollar est désormais « as good
as gold ». Toutes les autres devises sont rattachées au dollar.
Les parités des monnaies sont fixes mais ajustables. Le cours
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
des monnaies sur le marché des changes peut fluctuer de plus
ou moins 1 % de leur parité tel qu’il est défini officiellement.
Document 6 : Le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT
ou en français « Accord général sur les tarifs douaniers et
le commerce ») est signé le 23 octobre 1947 entre 23 pays
sur les tarifs douaniers et le commerce. Cet accord de libre-
échange a très largement orienté la politique commerciale
mondiale de 1948 jusqu’en 1995, au moment de la création
de l’Organisation Mondiale du Commerce (le dernier cycle de
négociations rassemble 120 pays). L’évolution de cet accord
est régulièrement rediscutée dans des cycles de négociations,
appelés rounds en anglais. Comme son nom l’indique, le GATT
n’est pas une institution à proprement parler mais une série de
cycles de négociations concernant le commerce international
et les tarifs douaniers. Il s’intègre complètement à l’esprit de
la Charte de l’Atlantique sur la libéralisation du commerce
international. Pour les États-Unis, c’est un virage par rapport
aux positions économiques du pays dans la première moitié
du XXe siècle. Le libre-échange est l’idée centrale, sorte de pierre
angulaire, qui préside à la reconstruction et au renouvellement
de l’après-guerre. L’adoption des accords du GATT par un
pays implique des obligations et un code de conduite. Les
« obligations centrales » sont de deux ordres : la liberté des
échanges par l’abaissement des tarifs de douane et le principe
de non-discrimination et de réciprocité (clause de la nation
la plus favorisée et de même que l’application de mêmes
règles fiscales entre un producteur national et un exportateur
étranger). L’accord du GATT affirme donc des principes essentiels
du libéralisme mais reste souple dans son application, en tout
cas en 1945, car l’objectif reste la reconstruction de l’Europe
et de l’économie mondiale. En 1948, il ne concerne encore
que 23 pays (qui représentent tout de même la majorité du
commerce international) mais est amené progressivement à
intégrer l’ensemble des pays du monde.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Cet organigramme de l’ONU montre que tous
les États sont présents à l’Assemblée générale de l’ONU. En
effet, chaque État possède une voix, quel que soit son poids
démographique ou sa puissance. De même, le conseil de
sécurité regroupe onze pays (puis quinze), dont cinq sont
membres permanents.
Question 2 : Les limites de l’action de l’ONU tiennent à la
décision de donner aux membres permanents du conseil de
Sécurité un droit de veto. En effet, c’est ainsi que Roosevelt avait
réussi à convaincre Staline d’adhérer à l’ONU. Mais son utilisation
bloque toute décision qui pourrait nuire aux intérêts des grandes
puissances. Ainsi, l’URSS utilise à cinquante reprises son droit de
veto pour bloquer des projets de résolution entre 1946 et 1950 !
Question 3 : L’hégémonie américaine dans le système financier
international est perceptible à travers le poids qu’ils possèdent
dans la répartition du stock mondial d’or, et par conséquent
dans le système de Bretton Woods, dans lequel toutes les
monnaies sont définies à partir de leur parité en or.
Question 4 : L’objectif principal du GATT est la « réduction
substantielle du niveau général des droits de douane » (ligne
10) et des autres taxes. De plus, ces accords soulignent la
nécessité de la collaboration entre les différents pays signataires
des accords.
69
 Bilan Le multilatéralisme semble s’imposer dans la façon
d’envisager les relations internationales après la Seconde Guerre
mondiale. D’une part, l’ONU doit résoudre les différends entre
les pays sans passer par la guerre. Tous les pays indépendants
y sont invités, mais les grandes puissances gardent un rôle
important dans le conseil de sécurité avec le droit de veto.
Ainsi, l’Union soviétique l’utilise régulièrement. La conférence
de Bretton Woods cherche quant à elle à relancer le commerce
international par des parités fixes entre les monnaies. Le GATT,
qui regroupe 23 pays en 1947, se fixe comme objectif de faire
baisser les droits de douane pour encourager le libre-échange.
Parcours 2
Ce deuxième parcours doit permettre aux élèves de montrer
les réussites du multilatéralisme mais aussi ses limites. Dans
un premier temps, il faudrait souligner l’existence de ces
institutions qui regroupent un nombre important de pays (50
pour l’ONU, 23 pour le GATT), mais aussi la volonté d’imposer
la négociation à l’échelle internationale dans la diplomatie ou
les relations économiques. Mais dans un deuxième temps, il
faudrait rappeler que tous les pays ne sont pas égaux : certains
possèdent un droit de veto au conseil de Sécurité, et dans le
système de Bretton Woods, les États-Unis sont avantagés par le
fait qu’ils possèdent un important stock d’or, qui fait du dollar la
monnaie de référence dans le système monétaire international.
En conclusion, il faudrait que les élèves puissent montrer les
limites du multilatéralisme : un projet américain issu du constat
que la fragmentation du monde dans les années 1930 a mené à la
guerre, mais aussi que les États-Unis prônent le multilatéralisme
tout en étant conscient de leur position dominante, et cherchent
à limiter l’extension du communisme dans le monde.
Leçon 1 p. 126-127
Reconstruire le monde après 1945
Problématique : Cette leçon est étroitement liée à la fin du
chapitre précédent qui traite de la Seconde Guerre mondiale.
En effet, il s’agit ici de faire un bilan du monde en 1945 en
insistant sur le poids des destructions liées à la guerre mais
aussi à la nouvelle conception des relations internationales. La
problématique est donc de savoir sur quelles bases le monde
se reconstruit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Il
s’agit donc tout d’abord de dresser un bilan matériel, humain et
moral, avant d’envisager une nouvelle conception multilatérale
des relations internationales avec la mise en place de nouvelles
institutions. Enfin, il faut souligner le fait que l’État est un acteur
beaucoup plus présent dans les sociétés, bien sûr dans les
pays communistes mais aussi dans les pays capitalistes avec
le développement de l’État-Providence.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
la leçon sont bien sûr celle concernant la justice internationale,
comme les crimes de guerre (violation du droit de la guerre)
et les crimes contre l’humanité, définis à l’occasion des procès
de Nuremberg. Il faut ensuite aborder la question de l’État-
providence, évoquée dans l’étude sur le programme du CNR
(pages 120-121).
70
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan montre les trois aspects de la
reconstruction des sociétés au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale. Il faut d’une part faire le deuil mais aussi le bilan de la
guerre, qu’il soit humain, mais aussi matériel avec les destructions
de villes et d’infrastructures ou moral, avec les conséquences de
l’utilisation de la bombe atomique ou la découverte de la Shoah.
C’est ensuite la phase de reconstruction, avec la mise en place
de nouvelles institutions internationales, telles l’ONU, le FMI,
la Banque mondiale ou le GATT, de même que la construction
d’une justice internationale. Enfin, la guerre correspond à un
tournant dans les économies occidentales avec la mise en place
du principe de l’État-providence, une meilleure protection de
l’État pour ses citoyens et un poids plus important de l’État
dans l’économie, par le biais par exemple des nationalisations.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique aborde un texte à la fois central dans
sa portée symbolique et marginale dans son application dans
les années d’après-guerre. La Déclaration universelle des droits
de l’Homme est adoptée le 10 décembre 1948 à l’ONU. Dans le
contexte de l’après-guerre, à la suite des procès de Nuremberg
et de Tokyo, elle protège et garantit les droits fondamentaux
des individus, dans tous les pays du monde. Elle se déclare
universelle pour transcender l’intérêt des États mais se heurte
à certaines oppositions, comme celles de l’Afrique du Sud,
de l’Arabie Saoudite ou des États communistes. Son impact
symbolique est fort mais elle n’a aucune valeur juridique.
Cependant, progressivement, et notamment après la fin de
la guerre froide, elle s’impose dans les constitutions des États.
Étude Méthode Bac p. 128-129
1946, le discours de Fulton de Winston
Churchill
Problématique : Le discours de Fulton est un des discours les
plus célèbres des lendemains de la Seconde Guerre mondiale.
Prononcé par l’ex-Premier ministre britannique Winston
Churchill au Westminster College de Fulton (Missouri, États-
Unis) le 5 mars 1946 en présence du président Harry Truman, il
est très long, puisqu’il dure près de 45 minutes, mais l’expression
qui l’a rendu presque prophétique est celle de « rideau de fer ».
Winston Churchill, qui a eu un rôle de premier plan dans la lutte
contre l’Allemagne nazie durant toute la guerre, est désormais
dans les rangs de l’opposition après avoir perdu les élections
de juillet 1945. Il a néanmoins participé à la conférence de
Potsdam aux côtés de Clement Attlee, son successeur. Ce texte
montre dès les premiers mois de l’après-guerre la méfiance de
certains observateurs face à la politique et aux ambitions de
Joseph Staline et de l’URSS. Il est contemporain du « télégramme
Kennan » dont les conclusions sont similaires. Winston Churchill
s’adresse ici en son nom personnel, non comme un représentant
du Royaume-Uni, et insiste sur la nécessité d’une alliance entre
Britanniques et Américains, mais aussi de la nécessité de mettre
un frein à l’expansionnisme soviétique. Il souligne aussi le rôle
que doivent jouer les Nations unies dans la préservation de la
paix mondiale. Il soutient l’idée de création d’une force armée,
les futurs « Casques bleus ». Dans la seconde moitié de son
discours, dont le document 1 est issu, il est particulièrement
virulent envers l’Union soviétique et ses ambitions en Europe de
l’Est. Cette méthode bac doit permettre de replacer le discours
de Fulton dans son contexte en soulignant l’opposition entre
les deux idéologies.
Document 1 : C’est dans cet extrait du discours que Winston
Churchill dénonce l’installation d’un « rideau de fer » qui sépare
l’Europe de l’Ouest et l’Europe centrale et orientale soumise
à la pression soviétique. Il oppose d’une part la tyrannie et
la démocratie libérale. Il fait clairement référence à l’Union
soviétique en se référant aux dictateurs qui agissent « par
l’entremise d’un parti privilégié et d’une police politique »
(lignes 11-12). Dans la seconde partie du discours, les États
d’Europe de l’Est sont cités : la Pologne, la partie orientale de
l’Allemagne et de Berlin, la Tchécoslovaquie (nous sommes
pourtant avant le coup de Prague), l’est de l’Autriche (Vienne
est alors en partie occupée par les Soviétiques, comme Berlin),
la Hongrie, la Yougoslavie (qui pourtant n’a pas été libérée par
l’Union soviétique), la Roumanie et la Bulgarie.
Document 2 : Cette carte vise à donner une image claire de
la situation européenne en 1946, au moment où Churchill
prononce son discours. À l’Ouest, la sphère d’influence
américaine s’étend sur tous les pays qui bénéficient d’une
importante aide américaine (avant même le plan Marshall).
L’Allemagne et l’Autriche sont divisée en quatre zones
d’occupation (de même que Berlin et Vienne). À l’Est, la Pologne,
la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie ont
été libérées par l’Armée Rouge et sont soumises à l’occupation
soviétique. La Yougoslavie et l’Albanie n’ont pas été libérées
grâce aux Soviétiques mais ce sont des communistes qui sont
au pouvoir (Tito en Yougoslavie et Enver Hoxha en Albanie). La
Yougoslavie ne rompt définitivement avec Staline qu’en 1948.
Quant à la Finlande, opposée à l’URSS pendant la guerre, elle est
soumise à une neutralité stricte pendant la guerre froide mais
l’URSS exerce une forte influence sur sa politique extérieure. Cet
état de soumission est appelé en Occident la « finlandisation ».
MÉTHODE BAC
Introduction : Les éléments indispensables à l’introduction sont
tout d’abord la nature du document, un discours qui analyse la
situation géopolitique en Europe, prononcé devant le président
des États-Unis Harry Truman. Le contexte est celui de l’immédiat
après-guerre, moins d’un an après la fin de la guerre en Europe.
Son auteur, Winston Churchill (voir biographie page 135), fut
le Premier ministre britannique durant la majeure partie de la
Seconde Guerre mondiale (il est alors le chef de l’opposition
après la victoire de Clement Attlee aux élections de juillet 1945).
Développement : Le développement peut s’organiser en deux
parties, tout d’abord autour de l’opposition entre la liberté des
puissances occidentales et la tyrannie de l’URSS. Un certain
nombre d’expressions peuvent être citées : « tyrannie » (ligne
2), « administrations policières toute puissance » (lignes 8 et
9), « pouvoir de l’État sans restriction » (ligne 9), « dictateurs »
(ligne 10). Si l’URSS n’est pas nommément citée, l’élève doit
percevoir ici le sous-entendu. Dans une deuxième partie, la
soumission de l’Europe de l’Est au contrôle de Moscou peut
être analysée par l’expression de la « sphère soviétique » (ligne
19) pour parler des États d’Europe centrale et orientale, « degré
élevé et (…) croissant, au contrôle de Moscou » (lignes 21 à 23).
Conclusion : Winston Churchill dépeint ici une Europe coupée
en deux, avec à l’Ouest les démocraties libérales dans lesquelles
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
les libertés fondamentales sont respectées tandis qu’à l’Est
du « rideau de fer », les États et les populations sont sous
l’influence et la domination de l’URSS. Ce discours est resté
célèbre car cette analyse s’est révélée juste, et annonciatrice
de la séparation de l’Europe en deux durant la guerre froide.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Les deux messages que souhaite faire passer Winston Churchill
sont tout d’abord la demande non officielle d’un rapprochement
entre le Royaume-Uni et les États-Unis, mais aussi d’alerter
l’opinion publique et l’administration américaine du danger
que peut représenter l’URSS en Europe de l’Est. Ce discours
est très mal accueilli en Europe car l’URSS en 1946 est perçue
comme un allié qui a permis de vaincre l’Allemagne nazie.
Ainsi, les travaillistes britanniques et en premier lieu Clement
Attlee prennent immédiatement leur distance avec l’analyse
que fait Winston Churchill de la situation.
Étude p. 130
L’affrontement des deux grands en
Allemagne (1945-1948)
Problématique : Cette étude peut être reliée à l’illustration
d’ouverture de la page 117 pour comprendre comment on
en arrive à la situation du blocus de Berlin en 1948-1949.
Cette étude centrée sur trois documents doit permettre de
comprendre rapidement les enjeux de la situation en Europe
au lendemain de la guerre. La conférence de Potsdam envisage
le futur de l’Allemagne comme un État unitaire mais géré par
quatre zones d’occupation. La transformation de la partie
orientale de l’Allemagne commence très rapidement après
Potsdam : réformes agraires, nationalisation de l’industrie,
rupture des liens économiques avec l’Ouest. Ouest et Est de
l’Allemagne connaissent une évolution tout à fait opposée :
en avril, 1946, KPD et SPD fusionnent à l’Est pour donner le
SED. À l’inverse, dès juillet 1946, Américains et Britanniques
souhaitent fusionner leurs zones d’occupation pour mener
le plus rapidement possible à la réunification du pays. C’est
la réforme monétaire dans les zones occidentales et la mise
en place du Deutsche Mark qui mène à la première crise de
Berlin : de juin 1948 à mai 1949, Staline ferme les frontières
de sa zone d’occupation, la partie occidentale de Berlin est
isolée. C’est le blocus de Berlin, durant lequel la ville sera
approvisionnée par un pont aérien.
Document 1 : La conférence de Potsdam (17 juillet-2 août
1945) intervient quelques semaines après la signature de
l’armistice en Europe le 8 mai 1945. C’est une conférence
fondamentale, notamment sur la question du futur de
l’Allemagne. L’idée est de ne pas nommer de gouvernement
allemand avant deux ans. Mais les protagonistes, Clement
Attlee, Harry Truman et Joseph Staline se mettent d’accord
sur le maintien de l’unité allemande. Chacun devant gérer ses
réparations dans sa propre zone, cela amenait inévitablement
la division de l’Allemagne. Dès Potsdam, Staline se lance
dans le pillage de l’Allemagne et c’est une des raisons de la
division de l’Allemagne.
Document 2 : Cette caricature de David Low, caricaturiste
britannique publiée dans l’Evening Standard, le 1er août 1946
intervient au moment même où les États-Unis et le Royaume-
Uni envisagent de fusionner leurs deux zones d’occupation.
Cette caricature souligne bien le climat de suspicion qui
71
 existe entre les Alliés, surtout du côté soviétique. En effet,
Staline craint que cette réunification se fasse à ses dépens.
C’est pourquoi il y est hostile et proteste officiellement. La
constitution de la bizone est officielle le 1er janvier 1947.
Document 3 : À partir de la fin de l’année 1947, la guerre est
déclarée dans les deux camps, et Voice of America commence
à tenir des propos violents contre l’Union Soviétique. Les
Américains publient des documents sur le pacte germano-
soviétique. C’est la réforme monétaire de juin 1948 qui
donne l’occasion à Staline de fermer les frontières de sa
zone d’occupation pour faire pression sur Berlin. À partir du
22 juin, le blocus de Berlin est total. Il s’agit autant pour les
Soviétiques d’obliger les Alliés à quitter Berlin que de relancer
les négociations sur l’Allemagne. Il est impossible d’envisager
l’option militaire, les Soviétiques possèdent une trentaine
de divisions en Allemagne de l’Est, les Alliés six à l’Ouest.
Devant le succès du pont aérien, Truman décide de ne pas
céder. C’est une prouesse technique qu’illustre cette célèbre
photographie d’un avion atterrissant à Tempelhof, l’aéroport
de la zone américaine de Berlin. Finalement, Staline cède en
mai 1949 et les Allemands voient désormais moins les Alliés
comme des occupants que comme des Alliés. Au lendemain
du blocus de Berlin, la République fédérale d’Allemagne est
créée le 23 mai 1949, la République démocratique d’Allemagne
à l’Est le 7 octobre de la même année.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Lors de la conférence de Potsdam, les Alliés
envisagent une organisation quadripartite du contrôle
de l’Allemagne, avec comme objectif la reconstruction de
la vie politique allemande de façon démocratique, et un
rétablissement de l’Allemagne dans le concert international,
bien qu’il ne soit pas envisagé de remettre sur pied un
gouvernement central.
Question 2 : Très rapidement, l’unification allemande semble
un horizon difficile à atteindre face à la méfiance de l’URSS
devant les politiques britannique et américaine de fusionner
leur zone à l’été 1946.
Question 3 : Les accords de Potsdam ne parviennent pas à
régler de façon pacifique la situation de l’Allemagne. Ainsi,
devant la volonté des Occidentaux de fusionner leurs zones
d’occupation, Staline réagit en fermant les frontières et ainsi en
privant Berlin-Ouest de l’approvisionnement, qui est finalement
effectué par un pont aérien.
Bilan L’Allemagne est un bon exemple de territoire dans
lequel les tensions entre les deux Grands (les États-Unis et
l’URSS) sont très fortes, dès les premiers mois de l’après-guerre.
En effet, si la conférence de Potsdam permet d’envisager
un partage des zones d’occupation, les mois qui suivent
voient l’affrontement entre les Soviétiques d’une part et les
alliés occidentaux d’autre part, ces-derniers cherchant une
réunification rapide de l’Allemagne. Dès l’été 1946, Staline
proteste devant la volonté de créer une bizone américano-
britannique. Au mois de juin 1948, la rupture est consommée
avec la réforme monétaire à l’Ouest et la création du Deutsche
Mark. Staline ferme les frontières de sa zone pour faire pression
sur Berlin-Ouest isolée, en vain. En 1949, deux États naissent,
la RFA à l’ouest et la RDA à l’est.
72
Parcours 2
Il faut ici montrer dans les différents documents les tensions
qui existent entre les Alliés. Dans l’extrait de la conférence de
Potsdam, le commandement suprême en Allemagne est divisé
entre les quatre puissances occupantes, les États-Unis, l’URSS, le
Royaume-Uni et la France. Mais la formule « il y aura, autant que
possible, uniformité de traitement pour la population allemande
dans toutes les zones » laisse présager des dissensions, si l’on
considère les idéologies opposées des deux camps. Le document
2 est le plus à même de faire comprendre, un peu plus d’un
an après la fin de la guerre en Europe la fragilité de la Grande
Alliance et les suspicions qui émergent entre chacun. Enfin,
le blocus de Berlin marque la crise à proprement parler, qui
mène à la création de deux Allemagnes aux systèmes politiques
radicalement différents. On pourrait donc dans une première
partie montrer la situation d’occupation de l’Allemagne, puis,
dans une deuxième partie, montrer les tensions qui apparaissent
entre Occidentaux et Soviétiques.
POINT DE PASSAGE p. 131
1948, La naissance de l’État d’Israël
Problématique : Le Moyen-Orient et la question des relations
entre Israël et les États arabes voisins sont étudiés dans plusieurs
chapitres. Il nous semble donc préférable ici de traiter de la
naissance de l’État d’Israël uniquement à travers le discours
de David Ben Gourion en le comparant au plan de partage
prévu par l’ONU et la situation au lendemain de la première
guerre israélo-arabe. Les conflits israélo-arabes sont traités
dans le chapitre suivant. Il s’agit donc bien ici pour les élèves de
comprendre le contexte tendu de la création de l’État d’Israël et
ses enjeux. Il est nécessaire cependant de bien maîtriser l’arrière-
plan historique et géopolitique de la création de l’État. Dès la
fin du XXe siècle, le mouvement sioniste soutient l’installation
de Juifs en Palestine, mais le projet de création d’un État juif
connaît un véritable développement avec la « déclaration
Balfour » de 1917, dans laquelle le gouvernement britannique
apporte son soutien à l’existence d’un « foyer national juif »
en Palestine. Au lendemain de la Première Guerre mondiale,
suite au démantèlement de l’Empire ottoman, la Palestine
passe sous mandat britannique. La cohabitation entre Juifs et
Palestiniens dans la région suscite déjà des tensions, comme le
montrent les grèves et la révolte arabe des années 1936-1939.
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale et après l’horreur de
la Shoah, le contexte international a changé : l’ONU, institution
nouvelle qui succède à la SDN vote le partage de la Palestine
entre deux États. C’est la résolution 181. Le 29 novembre 1947,
l’ONU annonce la fin au mandat britannique et se prononce
pour la création de l’État juif. Ce plan est refusé par les Arabes
de Palestine. Six mois plus tard, date à laquelle prend fin le
mandat britannique, Ben Gourion et les fondateurs d’Israël
déclarent l’indépendance de l’État d’Israël.
Document 1 : En février 1947, le gouvernement britannique qui
n’a plus les moyens que maintenir l’ordre en Palestine décide
de remettre son mandat aux Nations unies. Une commission
composée de onze États (Australie, Canada, Guatemala, Inde,
Iran, Pays-Bas, Pérou, Suède, Tchécoslovaquie, Uruguay et
Yougoslavie) est désignée. La position de l’Agence juive est
d’établir un « État juif » en Palestine et permettre une libre
immigration dans ce pays, tandis que les représentants arabes
palestiniens refusent de prendre part aux débats et boycottent
la commission. Le plan de partage est approuvé par l’ONU le
29 novembre 1947, par le vote de la résolution 181. La seconde
carte représente les frontières du pays à l’issue de la première
guerre israélo-arabe qui éclate dès l’annonce de la création de
l’État d’Israël. Ce dernier se trouve agrandi tandis que le projet
d’un État palestinien est abandonné, la bande de Gaza étant
administrée par l’Égypte, et la partie orientale de l’ancienne
Palestine mandataire annexée par la Jordanie.
Document 2 : Le 14 mai 1948, David Ben Gourion proclame
l’indépendance d’Israël. Dès 1942, à la conférence de Biltmore, à
New York, il avait imposé la création d’un État comme l’objectif
du mouvement sioniste. En 1947, il avait soutenu la proposition
de séparation de la Palestine. Dès le lendemain du vote de la
résolution 181, des combats avaient éclaté entre Juifs et Arabes
en Palestine. Alors que les Britanniques évacuent la Palestine,
David Ben Gourion prononce son discours à Tel Aviv. Le jour-
même, les États-Unis reconnaissent le nouvel État. Mais le même
jour, le ministre égyptien des Affaires étrangères adresse un
télégramme au président du Conseil de sécurité de l’ONU pour
l’informer que son armée allait pénétrer en Palestine « afin d’y
rétablir l’ordre et mettre fin aux combats ». C’est le début de la
première guerre israélo-arabe. La proclamation d’indépendance
est avant tout dans ses premiers articles un retour historique
sur le peuple juif et le mouvement sioniste : il est fait référence
à l’origine du peuple juif, mais aussi à la déclaration Balfour et
à la Shoah. Il s’appuie aussi sur la résolution 181 de l’ONU qui a
reconnu « le droit du peuple juif à établir son État indépendant »
(lignes 28-29).
Parcours 1
Question 1 : Les arguments de David Ben Gourion dans cet
extrait de la proclamation d’indépendance d’Israël sont d’une
part historique, mais aussi politique et diplomatique. Dans les
cinq premiers articles, il fait référence à l’origine du peuple juif
durant l’Antiquité, puis au développement du mouvement
sioniste de Theodor Herzl et à La déclaration Balfour de 1917. Il
souligne par ailleurs que la Seconde Guerre mondiale et la Shoah
ont « montré à nouveau le besoin de résoudre le problème dû
à l’absence de patrie et d’indépendance du peuple juif par le
rétablissement en terre d’Israël de l’État juif » (lignes 19 à 22).
Il offre aussi des arguments diplomatiques d’une part, avec le
soutien de l’ONU à la création d’un État juif en Palestine (lignes
25 à 27), et politiques d’autre part, avec l’affirmation du « droit
du peuple juif de mener [...] une existence indépendante dans
son État souverain » (lignes 31 à 33).
Question 2 : À la fin du premier conflit israélo-arabe, Israël
s’étend sur tout le littoral à l’exception de la bande de Gaza. Le
désert du Néguev est sous contrôle israélien ainsi que toute la
partie nord du pays. Jérusalem est coupée en deux.
Bilan Suite à la première guerre israélo-arabe, l’État d’Israël
sort agrandi par rapport au plan de partage proposé par l’ONU
en 1947. En effet, la partie palestinienne sur le littoral se limite
à la bande de Gaza, sous administration égyptienne. De même,
le nord du pays est entièrement sous contrôle israélien de
même que la partie occidentale de Jérusalem.
Parcours 2
La création de l’État d’Israël intervient au lendemain de
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
la Seconde Guerre mondiale et de la Shoah. Alors que les
Britanniques n’ont plus les moyens de conserver un mandat
sur le pays, l’ONU propose un plan du partage de la Palestine
mandataire en deux territoires, un État juif et un État arabe.
Dans sa proclamation d’indépendance, David Ben Gourion
souligne le lien étroit qui attache la Palestine au peuple juif et
le développement du mouvement sioniste depuis la fin du XXe
siècle, de même qu’il affirme le droit du peuple juif « à mener
(…) une existence indépendance dans son État souverain ».
Cependant, les représentants des populations arabes ne
reconnaissent pas cette indépendance, et avec le soutien des
pays arabes voisins se lancent dans une guerre. Cependant,
lors des accords d’armistice de 1949, l’État d’Israël s’agrandit,
et le projet d’un État palestinien souverain est abandonné :
l’Égypte administre la bande de Gaza et la partie orientale de
la Palestine mandataire est rattachée à la Jordanie.
POINT DE PASSAGE p. 132-133
25 février 1948 : le « coup de Prague »
Problématique : Ce point de passage et d’ouverture doit
permettre de comprendre comment cet événement marque
un tournant dans l’après-guerre : toute alliance entre les
démocraties libérales et le bloc communiste est désormais
impossible. La Tchécoslovaquie faisait partie de ces pays à
la tradition démocratique, libérée par l’Armée Rouge mais
dans lequel le parti communiste restait majoritaire. La prise
de contrôle du pays par les communistes, sans intervention
de l’Armée Rouge, marque le début de la séparation nette
de l’Europe en deux, autour d’idéologies opposées. C’est
pourquoi la problématique cherche à se demander comment
cet événement, le « coup de Prague », marque l’entrée du
monde dans la guerre froide. En 1948, les deux crises majeures
que sont Berlin et Prague donnent aux relations Est-Ouest un
tour dramatique. Elles sont à l’origine de la conclusion du Pacte
Atlantique en 1949.
Toute l’étude consiste ici à se focaliser sur les deux journées du
25 et 26 février 1948, qui sont au cœur de la crise à proprement
parler. Mais il faut aussi comprendre le contexte général de la
Tchécoslovaquie au lendemain de la guerre. Le parti communiste
tchécoslovaque avait obtenu 36 % des voix lors des élections
de mai 1946. Mais le refus du plan Marshall avait fait baisser
la popularité du parti communiste dans le pays. Pour pousser
Edvard Benes (président de la République) à retirer au parti
communiste le contrôle de la police, les ministres modérés
démissionnent, mais le président est forcé de ne nommer
que des communistes (alliés à des socialistes). C’est un coup
de force, les manifestations sont matées par la police. Même
sans présence de l’Armée Rouge, l’ingérence de Moscou fut
considérable.
Document 1 : Cette photographie, prise le 25 février, marque le
moment du coup de force des communistes dans le pays. Mais
on peut revenir sur les jours qui précèdent. Le 17 février 1948,
le gouvernement doit débattre du contrôle de la Sécurité d’État
par les communistes, ce que Klement Gottwald, communiste et
chef du gouvernement, refuse. Les ministres non-communistes
décident de démissionner collectivement afin de pousser
le président de la République à nommer un gouvernement
73
 intérimaire qui ne soit pas dominé par les communistes. Mais
Edvard Benes répond qu’en raison du poids démocratique
des communistes dans le pays, ils ne peuvent être exclus du
gouvernement. Il souhaite réunir un gouvernement rassemblant
toutes les forces politiques du pays. Klement Gottwald fait alors
une déclaration publique appelant « le peuple des travailleurs
à se tenir prêt dans l’éventualité d’une réaction ». Ce sont ces
milices communistes que l’on voit sur la photographie.
Document 2 : Cette lettre d’Edvard Benes au Comité central
du parti communiste tchécoslovaque datée du 25 février
1948 montre la volonté de conserver la démocratie en
Tchécoslovaquie. Il souhaite donc à la fois conserver des
communistes dans le gouvernement mais ne pas leur laisser
la totalité des pouvoirs. Il fait référence dans sa lettre au courrier
du 21 février 1948 dans lequel les communistes demandent le
remplacement des ministres démissionnaires par des membres
du parti communiste.
Document 3 : La réponse du Comité central du parti communiste
marque bien la volonté des communistes de ne pas céder et de
demander à ce que les ministres démissionnaires soient bien
remplacés par des communistes ou des sociaux-démocrates
(leurs alliés). Il faut ici faire le lien entre cette position du parti
communiste tchécoslovaque et le document 1. En effet, pour
faire pression sur Benes, les communistes organisent de grandes
manifestations, avec notamment des milices armées, afin de
montrer le soutien populaire. Ils obtiennent finalement gain de
cause : les démissionnaires sont remplacés par des personnalités
issues de l’aile gauche du parti social-démocrate favorables au
parti communiste. Des centaines d’opposants sont arrêtés. Jan
Masaryk, fervent démocrate et ministre des Affaires étrangères,
qui avait accepté dans un premier temps de faire partie du
nouveau gouvernement avant de se rétracter, est retrouvé
mort le 10 mars 1948 : officiellement, il s’est suicidé en sautant
d’un immeuble mais les raisons exactes de sa mort restent un
sujet de controverse.
Document 4 : Cet article du New York Times du 26 février 1948
montre que très rapidement, cet événement est considéré à
l’Ouest comme une « révolution ». L’article parle d’un « État
policier totalitaire sous une dictature communiste » (lignes
4-5). C’est pour beaucoup de dirigeants occidentaux la preuve
que l’URSS fait pression sur tous les gouvernements de l’Est
de l’Europe afin de prendre le contrôle des États, y compris les
plus démocratiques comme la Tchécoslovaquie.
Document 5 : Cette photographie des manifestations du
1er mai 1948 (fête du Travail) sert ici à montrer comment la
prise de contrôle des communistes est désormais totale. La
Tchécoslovaquie fait désormais partie du bloc de l’Est, sous le
contrôle étroit de l’URSS, dont l’influence est visible à travers le
portrait de Joseph Staline. Le 9 mai 1948, la Tchécoslovaquie
devient officiellement une république populaire.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Dans cette lettre adressée au parti communiste
tchécoslovaque, Edvard Benes souhaite conserver les principes
démocratiques de représentation de l’ensemble des forces
politiques en Tchécoslovaquie au sein du gouvernement,
même s’il reconnaît le poids prépondérant des communistes
au sein de l’opinion publique.
74
Question 2 : Le parti communiste soutient la position de
Klement Gottwald de remplacer les ministres démissionnaires
par des membres du parti communiste (« les partis et
organisations nationales importantes ») afin de marginaliser
les autres forces politiques.
Question 3 : Le New York Times utilise des mots forts pour
qualifier les événements de Prague : il parle de « révolution »
mais qualifie le nouveau gouvernement « d’État policier
totalitaire sous une dictature communiste ». La tension est
tout à fait sensible ici entre les pays occidentaux et les membres
de ce qu’on peut désormais appeler « bloc de l’Est ».
Question 4 : Le parti communiste bénéficie de deux alliés de
poids dans cette prise de contrôle du pays : d’une part une très
forte mobilisation de la population, et notamment de milices
armées, mais aussi du soutien fort de l’URSS, qui se présente
comme le soutien indéfectible de Klement Gottwald et du
parti communiste tchécoslovaque.
Bilan Le « coup de Prague » souligne la volonté de l’URSS
de contrôler tous les pays à l’Est du rideau de fer. En effet, la
Tchécoslovaquie était un des pays d’Europe de l’Est attaché
à une tradition démocratique. Ainsi, les communistes
représentaient la première force politique en Tchécoslovaquie
mais le gouvernement cherchait à intégrer les différentes
tendances. La démission des ministres non-communistes
annonce la prise du contrôle du pays, sans même que l’Armée
Rouge soit intervenue.
Parcours 2
Cet échange entre Edvard Benes et Klement Gottwald doit
permettre aux élèves de comprendre quelles sont les positions
des principaux protagonistes. Si Benes affirme que « le Premier
ministre doit être le président du parti le plus fort » (lignes 11
et 12), il insiste sur sa volonté de conserver « la démocratie
parlementaire et (…) le gouvernement parlementaire » (lignes
5 et 7). Il cherche donc à concilier les différentes opinions.
En revanche, la position du Présidium du parti communiste
consiste à ne pas négocier avec les autres partis politiques,
sinon les plus importants, qui lui sont favorables.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Ce que l’extrait commenté ne montre pas, ce sont les erreurs
des démocrates tchécoslovaques, qui par leurs démissions, ont
sous-estimé la capacité du parti communiste tchécoslovaque
à imposer leur position au président Benes.
Leçon 2 p. 134-135
La constitution d’un monde bipolaire
Problématique : Cette seconde leçon vise à expliquer comment
on passe progressivement d’un monde où le multilatéralisme
était privilégié à un monde bipolaire. La problématique
s’organise donc autour de la fin de la « Grande Alliance », liée
aux circonstances particulières de la Seconde Guerre mondiale,
et de la bipolarisation du monde autour de l’Union Soviétique
et des États-Unis, prélude à la guerre froide.
Notions importantes : Les notions importantes de cette
leçon sont tout d’abord la bipolarisation et la guerre froide. La
bipolarisation, vue notamment dans l’étude sur l’affrontement
des deux Grands en Allemagne est le processus qui structure
les relations internationales autour de l’opposition des États-
Unis et de l’URSS, perceptible dès les lendemains de la Seconde
Guerre mondiale. Elle donne naissance à la guerre froide,
période durant laquelle les États-Unis et l’URSS s’opposent de
façon idéologique, politique, économique et militaire, qu’on
peut commencer en 1947-1948, notamment avec un épisode
comme le « coup de Prague ». Enfin, la notion d’endiguement
(politique mise en place par le président Harry Truman en
1947 pour contenir l’expansion du communisme en aidant
les alliés des États-Unis), vue plus particulièrement dans le
chapitre suivant (étude pages 154-155), permet de comprendre
comment les positions de chacun des deux camps (ici celle des
États-Unis dans le cadre de la « doctrine Truman ») se figent et
annoncent la guerre froide.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan cherche à montrer les trois
étapes de la constitution d’un monde bipolaire, qui est au
cœur même de l’esprit de ce chapitre. Tout d’abord, la fin de la
Seconde Guerre mondiale permet de comprendre que l’alliance
entre les États-Unis et l’URSS est liée aux circonstances, le fait
d’avoir un ennemi commun, l’Axe, mais que les tensions sont
toujours importantes entre les deux puissances, notamment
dans les conférences interalliées qui visent à envisager l’après-
guerre. Dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale,
les oppositions se manifestent, notamment à travers le cas
particulier de l’Allemagne, soumise à l’occupation des quatre
puissances (États-Unis, URSS, Grande-Bretagne et France)
mais aussi dans des conflits périphériques, comme en Grèce
où en Turquie. Enfin, les premières tensions de guerre froide
apparaissent notamment à travers la première crise de Berlin
(1948-1949) ou le « coup de Prague » du 25 février 1948.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique, qui s’appuie sur une courte vidéo
concernant la situation coréenne entre 1945 et 1953, donne
un bon exemple de transition de la Seconde Guerre mondiale
à la guerre froide, dans un processus qui rappelle celui de
l’Allemagne. On peut ainsi demander aux élèves de souligner
les étapes : 1945 : fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie,
occupation de la Corée par les Soviétiques au Nord et les
Américains au Sud ; 1948 : création de deux États aux idéologies
opposées, la République populaire démocratique de Corée au
Nord, communiste, et la République de Corée au Sud, capitaliste.
Cette opposition se traduit aussi par une guerre, qui commence
par l’offensive du Nord en 1950 et s’achève en 1953 sur une
forme de statu quo, sans traité de paix. Cet exemple permet
d’assurer une transition entre ce chapitre et le suivant.
Travail de l’historien p. 136
Ce travail de l’historien permet d’aborder la question de la
nature et de l’utilisation de la propagande par le biais d’affiches
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à la charnière
avec la guerre froide, période qui a vu un véritable affrontement
de la propagande entre les deux superpuissances.
Document 1 : L’affiche de Viktor Govorkov, réalisée à Moscou
en 1947, représente de façon extrêmement explicite les deux
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
protagonistes : Oncle Sam en bas à gauche, vêtu de son haut-
de-forme et de son costume, et aisément reconnaissable à sa
barbichette blanche, tient dans sa main droite une bombe
atomique et dans sa main gauche une torche. Il représente bien
sûr les États-Unis mais aussi plus largement le capitalisme et
l’impérialisme américain. En haut à droite, un soldat soviétique,
arborant fièrement la médaille de l’ordre patriotique décernée
aux membres de l’Armée Rouge et celle du « héros de l’Union
Soviétique ». Il tient dans sa main gauche un ouvrage sur la
« Grande guerre patriotique » (terme utilisé par les Soviétiques
pour désigner la Seconde Guerre mondiale entre 1941 et 1945).
Il représente le courage et le sacrifice de l’Armée Rouge durant
la Seconde Guerre mondiale mais aussi une figure du pacifisme.
Ce soldat anonyme représente l’URSS (CCCP est inscrit sous
la fenêtre) et il délivre ce message : « Ne fais pas de bêtise ! »,
dans une attitude paternaliste mais qui n’est pas menaçante.
Document 2 : Dans un article consacré à « la propagande
soviétique de 1917 à 1991 » (issu d’un travail de thèse, article
disponible en ligne dans son intégralité), l’historien fait ici
l’analyse de cette affiche, en apportant des éléments de
contextualisation mais aussi en expliquant la stratégie de l’URSS,
qui maîtrise largement en 1947 l’utilisation de la propagande,
en se présentant comme un agent du pacifisme face à des
Américains militaristes et faisant usage de la bombe atomique.
Cette affiche participe à un mouvement plus large de sympathie
en dehors du pays envers l’Union Soviétique.
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Nous sommes ici dans l’immédiat après-guerre,
car plusieurs éléments font référence à la Seconde Guerre
mondiale : la bombe atomique dans les mains de l’Oncle Sam et
la médaille de « l’ordre de la guerre patriotique » sur l’uniforme
du soldat soviétique.
Question 2 : L’organisation de l’affiche illustre la bipolarisation
du monde du point de vue soviétique, car la partie en bas à
gauche (Oncle Sam) s’oppose à la moitié supérieure droite,
qui domine l’image (l’ombre du soldat soviétique s’étend
sur le personnage du bas). Le Soviétique est représenté à
travers les traits d’un soldat (symbole du rôle prépondérant
des Soviétiques dans la guerre contre l’Allemagne nazie) tandis
que les États-Unis sont représentés sous les traits d’un homme
d’affaires, menaçant l’URSS de l’utilisation de l’arme atomique.
B L’historien confronte la source au contexte
Question 1 : Nous avons ici à la fois deux pays qui s’opposent
mais aussi deux systèmes. Un homme (personnage en bas à
droite) qui représente les États-Unis et le capitalisme, source
de guerre (menace de la bombe mais aussi de la torche, qui
symbolise le pillage), tandis que le soldat de l’Armée Rouge est
un symbole de force mais aussi de pacifisme, agissant pour le
bien de la nation soviétique mais aussi plus largement du monde.
Question 2 : Cette affiche évoque le début de la guerre froide,
car c’est d’une part la désagrégation de la Grande Alliance
qui avait rapproché les deux camps durant la guerre, mais
aussi l’opposition entre deux systèmes qui paraissent opposés
(l’initiative du conflit étant ici interprétée comme venant des
États-Unis).
75
 C L’historien interprète la source
Question 1 : Pour Jacques Le Bourgeois, les deux thématiques
centrales soulevées ici sont la question du pacifisme et de
l’utilisation (pour la première fois précise-t-il) de l’arme atomique
dans la propagande anti-américaine.
Question 2 : Jacques Le Bourgeois précise ici que cette
caricature est diffusée dans l’espace soviétique mais aussi
à l’échelle mondiale, pour alimenter la vague de sympathie
envers l’Union Soviétique au lendemain de la Seconde Guerre
mondiale.
Réaliser une carte mentale de synthèse
La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel
ordre mondial :
■ Tirer les enseignements de la Seconde Guerre mondiale
et juger les responsables :
– Bilan matériel et humain de la Seconde Guerre mondiale
– Mise en place des principes de l’État-providence
– Tribunaux militaires de Nuremberg et de Tokyo
■ Mettre en place de nouvelle institutions internationales :
– ONU
– Système de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale)
– GATT
■ Une bipolarisation du monde
– Premières tensions entre Occidentaux et soviétiques
(discours de Fulton)
– L’Allemagne, théâtre de tensions entre les deux Grands
– Le « coup de Prague » et le début de la guerre froide
Exercice BAC p. 137
Analyse de document
Discours de Harry Truman, 9 août 1945
Le document est un extrait d’un discours du président américain
Harry Truman au retour de la conférence de Potsdam, le 9 août
1945. Il s’agit d’un discours radiodiffusé dans lequel il fait état
des principales décisions à l’opinion publique des États-Unis.
Vice-président, Harry Truman devient président à la mort de F.
D. Roosevelt le 12 avril 1945. Jusqu’à cette date, il n’a que peu
d’idées des projets que son pays a pour bâtir le monde de l’après
Seconde Guerre mondiale. Il n’assiste pas à la conférence de Yalta
p. 137 qui s’est déroulée en février 1945 mais c’est à lui qu’incombe
dès avril la tâche de mener les États-Unis à la victoire contre les
forces de l’Axe. Il apprend la mise au point de la bombe atomique
et fait preuve de fermeté avec l’URSS après son entrevue avec
le ministre soviétique des Affaires étrangères Molotov. Á la
conférence de Potsdam (17 juillet-2 août 1945), il tient tête à
plusieurs reprises à Staline, refusant de se laisser manœuvrer.
Cette conférence doit sceller le sort de l’Allemagne nazie : elle
prévoit le désarmement et le partage en zones d’occupation
du pays, elle projette un processus de dénazification et valide
les transferts de population.
La consigne sera analysée par les élèves notamment pour définir
l’expression de « nouvel ordre mondial » (voir page 116). Deux
axes peuvent se dégager à la suite de cette analyse :
– La reconstruction du monde.
– La méfiance croissante entre États-Unis et URSS.
Un tableau peut être proposé aux élèves afin qu’ils sélectionnent
les informations et les mettent en relation avec les connaissances
personnelles. Ce tableau peut ensuite servir de guide pour
rédiger l’analyse.

Partie de l’analyse Informations sélectionnées dans le document Connaissances

La reconstruction - Une Allemagne dévastée à l’image de l’Europe dévastée : Berlin est
du monde « une ville fantôme. Ses bâtiments sont en ruine ; son économie et
son peuple sont dévastés » (lignes 2-3). « Des femmes, des enfants et
des vieillards allemands erraient sur les chemins, tentant de retourner
dans leurs foyers bombardés ou fuyant les villes anéanties, à la
recherche de nourriture et d’un abri » (lignes 6-9).
- Punir les Allemands jugés responsables : « Le peuple allemand
commence à payer pour les crimes des bandits qu’il avait placés au
pouvoir et qu’il approuvait de tout cœur et soutenait docilement »
(lignes 13-15).
- La création des Nations Unies : « Les Nations unies sont déterminées
à rester unies et puissantes. Nous ne pouvons plus permettre à un
agresseur d’être suffisamment rusé pour nous diviser ou suffisamment
fort pour nous vaincre » (lignes 16-19).
- Destructions immenses, villes allemandes
systématiquement bombardées, voies de communication
endommagées, économie moribonde, misère qui se
développe.
- Le génocide des Juifs et des Tziganes ainsi que les
massacres de masse (voir chapitre 3).
- Notion de crime contre l’humanité et mise en place du
tribunal de Nuremberg.
- Il faut cependant nuancer le propos de Truman : tous les
Allemands ne soutiennent pas le régime nazi qui règne
surtout par la terreur (voir chapitre 2).
- La conférence de San Francisco, le 26 juin 1945, donne
naissance à l’ONU qui doit tirer les leçons de l’échec de la
SDN et assure la paix des vainqueurs de la Seconde Guerre
mondiale.

La méfiance - La Grande Alliance : « Lors de la conférence de Berlin, je me suis
croissante entre aisément entendu avec le général Staline, le Premier ministre
États-Unis et URSS Churchill et plus tard le Premier ministre Attlee, dans une relation de
compréhension mutuelle et d’amitié » (lignes 22-26).
« Le président Roosevelt avait solidement posé les bases de la bonne
volonté et de la coopération. En outre, il était clair que ces fondations
reposaient sur bien plus que les amitiés personnelles de trois
personnes » (lignes 26-27).
- En 1941, après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne, URSS
et États-Unis se rapprochent, partageant avec le Royaume-
Uni un ennemi commun. Les réunions entre les trois
grandes puissances alliées se multiplient afin d’envisager
la défaite de l’Axe et construire le nouvel ordre mondial :
Téhéran (1943) et de Yalta (février 1945).
Franklin Roosevelt convainc Staline d’adhérer à l’idée de
participer aux Nations unies contre l’obtention d’un droit de
veto au Conseil de Sécurité.

76
 La méfiance - Truman insiste sur la poursuite d’objectifs communs :
croissante entre « Nous allons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour transformer
États-Unis et URSS l’Allemagne en un pays décent afin qu’elle puisse finalement se sortir
du marasme économique dans lequel elle s’est plongée et reprendre
sa place dans le monde civilisé » (lignes 31-35).
« À Yalta, vous vous en souviendrez, il avait été convenu que les trois
gouvernements assumeraient une responsabilité commune pour
contribuer à rétablir, dans les pays libérés et dans les États satellites
d’Europe, des gouvernements largement représentatifs des éléments
démocratiques de la population. Cette responsabilité est toujours
d’actualité » (lignes 35-41).
- La volonté de s’opposer aux volontés hégémoniques de l’URSS en
Europe : « (…) Roumanie, de la Bulgarie et de la Hongrie (…) ne
doivent en aucun cas constituer les sphères d’influence d’aucune
puissance » (lignes 44-46).
- Dénazification et relance de l’économie allemande mais
déjà un point de tension, la capitale, Berlin, au cœur de la
zone d’occupation soviétique, est divisée en quatre zones,
dont trois sont aux mains des Américains, des Britanniques
et des Français.
- Truman sait que Staline ne respecte pas cet engagement
et que sa définition de liberté et démocratie n’est pas celle
du monde occidental (voir chapitre 2).
- Truman est sceptique quant à l’alliance soviétique. Staline
a des ambitions hégémoniques en Europe de l’Est, libérée
et occupée par l’Armée Rouge. Truman refuse de partager la
technologie de l’arme atomique avec l’URSS.

Dans l’introduction, l’élève peut partir du contexte en expliquant
comment prend fin la guerre en Europe et la victoire des Alliés
sur l’Allemagne nazie en mai 1945. Il doit ensuite présenter
le document en insistant sur l’auteur, son statut et précisant
rapidement les enjeux de la conférence de Potsdam. Il annonce
ensuite la consigne en précisant les axes qu’il va développer.
En conclusion, il montre que ce texte est révélateur de tous les
enjeux du nouvel ordre mondial qui doit se mettre en place
après la Seconde Guerre mondiale à la fois la volonté d’établir
une paix durable mais aussi les premières tensions entre les
deux Grands annonçant la guerre froide.
Exercice BAC p. 138-139
Analyse de document
L’objectif de cet exercice est de procéder à l’analyse critique de
deux documents de nature différente. La méthode prévoit de
travailler plus spécifiquement sur la rédaction de l’introduction.
Étape 1 : Présenter les documents
– Le document 1 est un extrait d’article rédigé par André
Siegfried paru dans Le Figaro le 3 mai 1945. Il fait état des
rapports de force qui s’expriment lors de la conférence de San
Francisco organisée à l’initiative des États-Unis entre avril et
juin 1945 afin de garantir la paix mondiale. Á cette fin est prévue
la mise en place d’une organisation des Nations Unies destinée
à cet effet. Envoyé spécial du journal dont il est le collaborateur
dès 1934, André Siegfried connaît bien les mécanismes des
relations internationales : interprète pendant la Seconde Guerre
mondiale pour l’armée anglaise, il occupe un poste de direction
au service économique de la SDN entre 1920 et 1922.
– Le document 2 est une caricature du dessinateur de presse
Low parue le 4 juin 1945 dans le quotidien du soir londonien
Evening Standard. Le dessin met en scène les quatre grands
vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale (URSS, Royaume-
Uni, États-Unis, France) sous la forme de joueurs en train de se
préparer au sein d’un club sportif nommé « United Nations ».
Cependant, il fait allusion à leur manque de coordination,
chaque pays cherchant à préserver ses intérêts au lieu de
jouer de manière collective. Il reflète ainsi les fragilités de
l’organisation qui est en train d’être mise en place.
Le contexte international en mai-juin 1945 correspond à la fin de
la guerre en Europe, l’Allemagne nazie capitulant le 8 mai 1945
mais le conflit se poursuit en Asie, opposant les Alliés au Japon.
Les deux documents concernent la mise en place de
l’Organisation des Nations Unies.
Étape 2 : Analyser la consigne
Le nouvel ordre mondial est un concept géopolitique né du
titre d’un ouvrage de H. G. Wells, The New World Order, publié
en 1940, qui traite de l’établissement d’un gouvernement
mondial unique. Il souligne aussi l’hégémonie américaine
dans les nouvelles relations internationales après la Seconde
Guerre mondiale.
La définition du terme « caractériser » est expliquée dans le
manuel tout comme sont présentés les axes qui vont servir
pour bâtir l’analyse.
Étape 3 : Sélectionner les informations et les mettre en
relation avec des connaissances personnelles

Informations prélevées dans les documents Mobilisation des connaissances

Les espoirs d’un -Un nouvel équilibre international :
nouvel ordre « La première remarque, c’est que cette conférence, dont la tâche
mondial en 1945 est d’établir le statut futur des relations internationales, se tient cette
fois non en Europe mais en Amérique. II faut ajouter que c’est sur
le Pacifique et non sur l’Atlantique que le siège en a été fixé. C’est
l’indication que le centre de gravité du monde s’est déplacé » (doc. 1,
lignes1-8).
« On voit que le rôle de l’Angleterre dans le monde, tout en
demeurant essentiel, ne sera plus ce qu’il était au XXe siècle » (doc.1,
lignes 20-21)
- Affaiblissement de l’Europe pendant la guerre
(destructions, appareil économique ruiné). Les États-Unis,
sont le seul pays qui sort renforcé de la guerre : grande
puissance industrielle et financière (Bretton Woods en
1944), elle soutient les économies européennes. Le prestige
de l’URSS est renforcé, Staline met en avant sa résistance au
nazisme.

Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial 77
 Informations prélevées dans les documents Mobilisation des connaissances

Les espoirs d’un Dans le doc.2, l’URSS est présente à côté des puissances
nouvel ordre traditionnelles mondiales, au sein de leur équipe, signe de son
mondial en 1945 nouveau rôle sur la scène internationale.
- Une volonté de maintenir la sécurité collective : le rôle de l’ONU - Á la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés
où dominent les grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale envisagent la mise en place d’une nouvelle institution pour
(URSS avec Staline, Royaume-Uni avec Churchill, Etats-Unis avec remplacer la SDN : l’Organisation des Nations unies (ONU).
Truman, France avec de Gaulle) soucieux de préserver la paix « Une Celle-ci est officiellement créée lors de la conférence de San
belle équipe » (doc. 2) Francisco le 26 juin 1945.
« Les États-Unis ont le sincère désir de faire réussir la conférence en
mettant sur pied le statut de la paix » (doc. 1, lignes 29-30).

Les limites de - Les difficultés des vainqueurs à s’entendre :
ce nouvel ordre Malgré la représentation d’une équipe sportive (« team »), les 4
mondial participants ne se préparent pas à la même activité (Staline tient un
ballon de rugby alors que de Gaulle a une raquette de tennis) ; à ceux-
là s’ajoutent les mentions « tous les joueurs doivent jouer ensemble
mais ne doivent pas gêner le jeu de l’autre (ce serait irréaliste) » et «
Une belle équipe – mais qui pourrait mieux faire avec un peu plus
d’unité » (doc. 2)
- Deux superpuissances avec des modèles différents : « On est en
présence de deux méthodes politiques ou, si l’on veut, de deux
tempéraments politiques » (doc. 1, lignes 23-24).
« Du côté russe, plus de réalisme ; du côté anglo-saxon, égal réalisme
mais freiné par une tradition idéaliste et le précédent auquel on se
rattache de l’idéologie de la SDN. » (doc. 1, lignes 24-27).
- Tensions entre les Alliés notamment entre États-Unis
et URSS dès les derniers mois de la guerre. Truman, ne
croit pas en l’alliance soviétique (refus de partager la
technologie de l’arme atomique avec Staline). Prétentions
hégémoniques de l’URSS sur l’Europe de l’Est, libérée par
l’Armée Rouge.
- URSS et États-Unis apparaissent comme les deux Grands
défendant chacun un modèle politique et économique
différent : le capitalisme et la démocratie libérale pour les
États-Unis, le communisme pour l’URSS.
Chacun des deux devenant un exemple à suivre.

Étape 4 : Rédiger l’introduction de l’analyse de documents

Exercice BAC p. 140-141
La Seconde Guerre mondiale peut être considérée comme un
traumatisme en raison de l’importance des pertes humaines et Réponse à une question problématisée
des destructions matérielles qu’elle a provoquée mais aussi un L’objectif de cette double page est de travailler sur la rédaction
choc moral par la violence qui s’est exprimée notamment envers des paragraphes de la réponse à la question problématisée.
les civils. Dès 1941, les Alliés en guerre contre les forces de l’Axe,
Sujet guidé : Quelles sont les conséquences de la Seconde
envisagent les fondements de la reconstruction du monde
Guerre mondiale pour l’Europe ?
après le conflit. Les deux documents proposés nous invitent
à nous intéresser à un de ses aspects, la volonté de maintenir Étape 1 : Analyser les termes du sujet
la paix grâce à la création d’une organisation internationale, Il faut insister sur la diversité des conséquences : il ne faut pas
l’ONU, le 26 juin 1945 lors de la conférence de San Francisco. limiter le sujet au bilan humain et matériel de la Seconde Guerre
Le document 1 est un extrait d’un article rédigé par André mondiale mais aussi envisager les modifications géopolitiques
Siegfried dans le quotidien Le Figaro le 3 mai 1945, l’auteur c’est-à-dire l’affaiblissement des pays européens sur la scène
assiste à la conférence en tant qu’envoyé spécial pour le journal. internationale.
Il explique le basculement des rapports de force à l’échelle
Hormis l’Asie, l’Europe est l’un des principaux théâtres d’opération
mondiale. Le document 2, quant à lui, est une caricature du
de la guerre. Si la bataille de Stalingrad (septembre 1942-
dessinateur britannique Low parue le 4 juin 1945 dans le journal
février 1943) est un frein à l’expansion de l’Axe, la libération
londonien Evening Standard. Si ces deux documents ne sont
du continent s’amorce avec le débarquement en Italie en
pas de même nature et du même auteur, ils permettent se saisir
1943. Celle-ci se poursuit en 1944 avec les débarquements
le nouvel équilibre mondial qui se met en place à la fin de la
à l’Ouest alors que l’URSS libère l’Est, aboutissant le 8 mai
Seconde Guerre mondiale. Á la date de publication des deux
1945 à la capitulation de l’Allemagne nazie. Pour les limites
documents, la conférence n’est pas encore finie et les débats
chronologiques, on peut choisir le 8 mai 1945 comme point de
sont en cours pour mettre en place l’organisation internationale.
départ et finir en 1949 avec le blocus de Berlin qui fait entrer
L’étude de ces deux documents qui expriment les rapports
l’Europe dans la guerre froide.
de force à l’issue du conflit, nous permet de caractériser les
fondements et les limites du nouvel ordre mondial qui naît
après la Seconde Guerre mondiale.

78
Étape 2 : Construire le plan en mobilisant ses connaissances

1. L’Europe, un continent fortement impacté 2. Un continent à reconstruire 3. Une Europe affaiblie au centre de nouvelles
par la guerre tensions

A - Un désastre démographique : cinquante
millions de victimes dont beaucoup
d’Européens, du fait de la durée du conflit, des
déportations, de la dureté des occupations
mais aussi des bombardements aériens. L’URSS
compte 25 millions de morts. La Shoah, 7
millions de victimes. Les civils sont les plus
touchés, et connaissent des déplacements
de populations inédits. Certains pays comme
la Pologne ont perdu plus de 15 % de leur
population active.
B - Un bilan matériel lourd : du fait des
destructions avec des villes bombardées, des
voies de communication endommagées dans
tous les pays. Des pays dépendants du soutien
économique des États-Unis. Auquel s’ajoute
des problèmes pour nourrir les populations car
l’approvisionnement agricole est difficile, et le
rationnement existe.
C - Un traumatisme moral : lié aux différentes
formes de violences déployées pendant la
guerre. L’utilisation de la bombe atomique
au Japon est perçue en Europe comme la
possibilité d’anéantir l’humanité. Le choc moral
de la découverte des camps et de la mort
industrielle. Ce qui conduit à la définition de la
notion de crime contre l’humanité.
A - Régler le sort de l’Allemagne : les vainqueurs
veulent punir l’Allemagne jugée responsable de
la guerre et de ses horreurs. Lors de la conférence
de Potsdam (juillet- août 1945) : l’Allemagne
voit son territoire réduit, occupé et partagé en
4 zones, démilitarisé et dénazifié. Le tribunal de
Nuremberg (1945-1946) est constitué pour juger
les responsables nazis.
B - Assurer la paix et la prospérité du continent
: des institutions sont mises en place à l’échelle
internationale et ont donc un impact en Europe.
L’ONU, créée le 26 juin 1945 pour garantir la
paix et la sécurité collective avec un conseil de
sécurité où France et Angleterre représentent
les pays européens. Pour assurer la prospérité
économique, le FMI (juillet 1944) et la Banque
mondiale soutiennent les pays européens.
C - Développer l’État -providence : l’État endosse
un rôle nouveau, celui de protéger sa population
et de veiller à son bien-être. Sont établis des
assurances contre les risques sociaux et pour
la redistribution des richesses. S’inspirant des
idées du britannique Lord Beveridge en 1942. En
France, cela se traduit par la mise en place de la
Sécurité sociale en 1945 qui met en œuvre les
indications du programme du CNR de 1944.
A - Déclin de l’Europe mais affirmation des deux
Grands : Affaiblissement de l’Europe pendant la guerre
(seule l’Angleterre a résisté à l’Allemagne nazie mais
sort ruinée, la France est vaincue dès 1940, l’Allemagne
est punie par les Alliés). Les États-Unis, sont le seul
pays qui sort renforcer de la guerre : devenant une
grande puissance industrielle et financière (Bretton
Woods en 1944), les États-Unis soutiennent les
économies européennes. Le prestige de l’URSS est
renforcé par sa résistance face au nazisme.
B - Le « rideau de fer », expression de Winston
Churchill (1946) pour souligner la division de l’Europe
entre l’Est passé sous la domination soviétique
(l’Armée Rouge y stationne, prise du pouvoir par les
partis communistes nationaux) et l’Ouest regardant
vers les États-Unis.
C - Berlin, un point de crispation en Europe : ancienne
capitale du Reich, Berlin est partagée en zones
d’occupation entre les 4 vainqueurs. Des tensions
fortes s’expriment par la volonté des Alliés occidentaux
de mettre en place une seule monnaie, d’où la réplique
de l’URSS avec le blocus autour de Berlin-Ouest entre
juin 1948 et mai 1949. Puis le ravitaillement de Berlin
ouest par un pont aérien organisé par les États-Unis.
Staline lève le blocus mais deux États allemands sont
créés, la RFA pro-occidentale à l’Ouest, la RDA pro-
soviétique à l’Est.

Étape 3 : Rédiger le développement par les belligérants. L’utilisation de la bombe atomique au

L’Europe est un continent fortement impacté par la Seconde
Guerre mondiale. Le désastre humain y est très lourd. Sur les
cinquante millions de victimes, on compte un grand nombre
d’Européens. La durée du conflit, les déportations, la dureté
des occupations au cours desquels les populations subissent
représailles et bombardements aériens réguliers pendant la
Libération sont les principales causes de ce bilan accablant.
L’URSS connaît à elle seule près de vingt-cinq millions de morts.
De plus, la Shoah a fait plus de six millions de victimes : les Juifs
déportés de l’Europe entière par les nazis. La particularité de
la Seconde Guerre mondiale est que ce sont les civils qui ont
été le plus touchés, notamment par des déplacements de
populations d’ampleur inédite. Au lendemain de la guerre,
certains pays comme la Pologne ont perdu plus de 15 % de
leur population active.
L’Europe est aussi un champ de ruines, les destructions sont
très importantes, les productions se sont effondrées. Les villes
d’Allemagne ont été systématiquement bombardées, les voies de
communication ont été endommagées. Les pays alliés comme le
Royaume-Uni sont aussi gravement atteints, et la campagne de
libération de la France a engendré de nombreuses destructions.
Les économies européennes sont aussi dépendantes de l’aide
économique et financière des États-Unis. Les problèmes pour
nourrir les populations sont d’autres signes des difficultés
économiques. Comme les approvisionnements agricoles ne
sont pas assurés régulièrement, les États doivent mettre en
place le rationnement.
Les Européens connaissent un traumatisme moral. Il est lié aux
différentes formes de violences déployées pendant la guerre
Japon en août 1945 est perçue en Europe comme la possibilité
d’anéantir l’humanité. Sur le territoire européen lui-même,
c’est un véritable choc moral avec la découverte des camps
de concentration et d’extermination. Les opinions se rendent
compte de la mise en œuvre de la mort industrielle par les
nazis. La notion juridique de crime contre l’humanité est définie.
Ruinée et traumatisée, l’Europe est un continent à reconstruire.
L’Europe est un continent à reconstruire. Il faut tout d’abord
régler le sort de l’Allemagne. Les vainqueurs veulent punir
l’Allemagne jugée responsable de la guerre et de ses horreurs.
Lors de la conférence de Potsdam (juillet- août 1945), ils décident
que le territoire de l’Allemagne soit réduit, qu’elle soit occupée
et partagée en 4 zones d’occupation mais aussi démilitarisée et
dénazifiée. Les hauts dignitaires nazis sont jugés par un tribunal
international, le tribunal de Nuremberg entre 1945 et 1946.
Les institutions créées à l’échelle internationale servent aussi
à assurer la paix et la prospérité du continent : des institutions
sont mises en place à l’échelle internationale et ont donc
un impact en Europe. C’est le cas de l’ONU créée le 26 juin
1945 pour garantir la sécurité collective. Au sein du conseil
de sécurité dont les membres permanents ont un droit de
véto, France et Angleterre représentent les pays européens.
Pour assurer la prospérité économique, le Fonds Monétaire
international (juillet 1944) et la Banque mondiale soutiennent
les pays européens. Le premier agit en stabilisant le cours des
monnaies alors que la seconde fournit des prêts dès 1945 aux
États pour la reconstruction. Il s’agit de relancer la prospérité
économique, condition essentielle pour la paix.

Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial 79
 Cette reconstruction passe aussi par le développement de
l’État-providence. En effet, l’État endosse un rôle nouveau, celui
de protéger sa population et de veiller à son bien-être. Ce qui
consiste en la mise en place d’assurances contre les risques
sociaux (maladie, vieillesse, chômage) et une redistribution
des richesses. Cette conception nouvelle de l’État s’inspire des
idées du britannique Lord Beveridge en 1942. En France, elle
se traduit par la mise en place de la Sécurité sociale en 1945
qui met en œuvre les indications du programme du Conseil
national de la résistance de 1944.
En pleine reconstruction, le continent ne peut réaffirmer sa
place dominante sur la scène internationale.
L’Europe est affaiblie et se trouve désormais au centre de
nouvelles tensions. La place du continent dans le monde
décline alors que s’affirme la puissance des deux Grands que
sont les États-Unis et l’URSS. En effet, les pays européens voient
leur domination remise en cause au sortir de la guerre. Les
grandes puissances européennes ne peuvent retrouver leur rôle
passé : seule l’Angleterre a résisté à l’Allemagne nazie mais sort
ruinée du conflit, la France est vaincue dès 1940, l’Allemagne
est punie par les Alliés. Face à eux s’affirment deux États. Tout
d’abord, les États-Unis sont le seul pays qui sort renforcé de la
guerre. Grande puissance industrielle et financière comme on
peut le constater à Bretton Woods en 1944, le dollar devenant
monnaie de référence mondiale, les États-Unis soutiennent
les économies européennes. Mais c’est aussi le cas de l’URSS
dont le prestige est accru, mettant en avant la résistance des
communistes face au nazisme.
L’Europe est aussi divisée. L’expression « rideau de fer » est
utilisée en 1946 par le Britannique Winston Churchill pour
souligner la mise en place de l’influence des deux Grands
sur le continent. L’Europe de l’Est passe sous la domination
soviétique : l’Armée Rouge y stationne, les partis communistes
nationaux prennent le pouvoir. L’Europe de l’Ouest regarde
vers les États-Unis et choisit le camp atlantiste.
Les premières tensions entre États-Unis et URSS apparaissent en
Europe. Berlin est un point de crispation en Europe. Ancienne
capitale du Reich, elle est partagée en zones d’occupation entre
les 4 vainqueurs. C’est un enjeu territorial car la ville localisée
dans la zone soviétique. Les tensions y sont fortes : la volonté
des Alliés occidentaux de mettre en place une seule monnaie
dans leurs zones entraine une réplique de l’URSS. Staline
organise le blocus autour de Berlin-Ouest entre juin 1948 et
mai 1949. Le ravitaillement de Berlin-Ouest se fait par un pont
aérien organisé par les États-Unis. Staline lève le blocus. Cette
crise aboutit à la création de deux États allemands, la RFA pro-
occidentale à l’Ouest, la RDA pro-soviétique à l’Est, symbole
de la partition bipolaire de l’Europe.
Sujets d’entraînement :
SUJET 1 Comment la construction du nouvel ordre
international après la Seconde Guerre mondiale se
caractérise-t-elle ?
L’analyse du sujet permet de définir la notion de « nouvel ordre
international » et d’insister sur le verbe « caractériser » indiquant
qu’un plan possible à suivre est un plan analytique. Les limites
chronologiques du sujet peuvent être 1944 comme point de
départ pour prendre en compte toutes les initiatives alliées
pour rebâtir le monde et peut se terminer par les premières
80
tensions de la guerre froide (1948-1949) et le passage vers un
ordre international bipolaire comme point d’arrivée pour la
réponse à la question problématisée.
Plan possible
1. Construire un nouvel ordre mondial marqué par la paix et
la prospérité
A. Une nécessité à cause du lourd bilan et du traumatisme
de la guerre
B. Construire un monde en paix et plus juste (ONU, tribunaux
internationaux)
C. Bâtir les fondements d’une économie prospère (accords de
Bretton Woods 1944, FMI et Banque Mondiale, développement
de l’État-providence)
2. Un nouvel ordre mondial de plus en plus marqué par la
bipolarisation
A. Les premières tensions entre les deux Grands dès 1945
(volonté d’expansion soviétique, méfiance réciproque, rideau
de fer 1946)
B. La rupture de 1947 (doctrines Truman et Jdanov,
endiguement, plan Marshall)
C. Un ordre mondial qui devient bipolaire (coup de Prague
1948, blocus de Berlin 1948-1949, mise en place de l’OTAN
1949, constitution des blocs)
Début de rédaction du premier paragraphe
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Alliés ont la
volonté de construire un nouvel ordre mondial marqué par
la paix et la prospérité. Cette exigence s’impose en raison du
lourd bilan du conflit et du traumatisme qu’il a engendré. En
effet, le bilan est terrible. Plus de 50 millions de morts dont
une majorité de civils parmi lesquels figurent les victimes
du génocide des Juifs et des Tsiganes, de nombreuses
populations sont déplacées, des villes sont détruites par les
bombardements, les économies sont désorganisées à cause
des dommages subis par l’appareil industriel et les voies de
communication. L’agriculture peine à se relancer en Europe,
des difficultés d’approvisionnement alimentaire subsistent,
la famine fait encore des victimes dans certains états comme
les Pays-Bas. Le monde sort traumatisé, atteint par un choc
moral en raison des niveaux de violence atteints pendant
le conflit. La découverte des camps d’extermination fait
prendre conscience au monde des horreurs de la barbarie
nazie. L’explosion des deux bombes atomiques sur le Japon
est la preuve que l’humanité a les capacités de s’autodétruire.
Ces considérations sont prises en compte dans la volonté de
construire le nouvel ordre mondial.
Les Alliés souhaitent construire un monde en paix et plus juste…
SUJET 2 Les années 1945-1948 représentent-elles un
temps d’espoir de paix durable dans le monde ?
L’analyse du sujet doit faire ressortir la dimension dialectique du
sujet proposé car si la volonté de paix marque l’après Seconde
Guerre mondiale, de nouveaux points de tension apparaissent
interrogeant ainsi l’expression de « paix durable ». Les limites
chronologiques sont données dans la question problématisée :
1945 correspond à la fin des combats en Europe et en Asie
alors que 1948 fait référence au blocus de Berlin et la guerre
entre Israël et les pays arabes.
Plan possible
1. Les années après la Seconde Guerre mondiale se caractérisent
par la volonté de construire une paix durable
A. Le bilan et le traumatisme de la guerre expliquent cette
volonté pacifique
B. L’ONU, un instrument pour garantir la sécurité collective
C. Consolider la paix par la prospérité (accords de Bretton
Woods 1944, FMI et Banque Mondiale)
2. Mais les années 1945-1948 voient naître de nouvelles formes
de tensions
A. La Grande Alliance qui a mis en place la paix se défait
(volonté d’expansion soviétique, méfiance réciproque, rideau
de fer 1946)
B. La naissance de la guerre froide (rupture de 1947, blocus
de Berlin première crise de la guerre froide)
C. Un nouveau foyer de conflits au Proche et Moyen Orient
(naissance d’Israël et guerre d’indépendance 1948)
Début de rédaction du premier paragraphe
Les années après la Seconde Guerre mondiale se caractérisent
par la volonté de construire une paix durable. Cette dernière
s’explique par le bilan catastrophique et le traumatisme
engendrés par le conflit. La guerre a fait plus de 50 millions
de morts dont une majorité de civils parmi lesquels figurent
les victimes du génocide des Juifs et des Tsiganes. De très
nombreux déplacements forcés de populations ont lieu en
Europe. Il faut ajouter à ce bilan humain des villes détruites
par les bombardements, des économies désorganisées à
cause des dommages sur l’appareil industriel et les voies de
communication. Ces difficultés économiques se font sentir au
quotidien : l’agriculture peinant à se relancer en Europe, des
difficultés d’approvisionnement alimentaire subsistent, un état
comme les Pays-Bas subit une famine en 1945. Le monde sort
traumatisé, atteint par un choc moral en raison des niveaux de
violence atteints pendant le conflit. La découverte des camps
d’extermination fait prendre conscience au monde des horreurs
de la barbarie nazie. L’explosion des deux bombes atomiques
sur le Japon est la preuve que l’humanité a les capacités de
s’autodétruire. Toutes ces considérations amènent les Alliés à
vouloir maintenir une paix durable.
Afin de réaliser cet objectif, ils s’entendent sur la création d’une
organisation internationale, l’ONU…
Auto-évaluation p. 143
OBJECTIF 1
- 1945 est une rupture fondamentale dans l’histoire du monde,
d’une part parce qu’elle marque la fin du conflit le plus meurtrier
de l’Histoire mais aussi parce qu’elle annonce un monde
nouveau, marqué par la création de nombreuses institutions
internationales chargées d’organiser collectivement les affaires
mondiales. C’est aussi les prémices d’une nouvelle période, la
guerre froide.
- Le CNR met en place de nouvelles réformes en France, sociales
tout d’abord comme la création de la Sécurité Sociale en
octobre 1945, le droit à la retraite, mais aussi la création des
Chapitre 4 • La fin de la Seconde Guerre mondiale et les débuts d’un nouvel ordre mondial
comités d’entreprises. Des nationalisations sont décidées en
1945, de même que le droit de vote des femmes (qui n’est pas
dans le programme du CNR de 1943).
- Le « coup de Prague » achève de soumettre tous les pays à l’Est
du rideau de fer à l’idéologie communiste. En effet, en 1948,
suite à la démission collective des ministres non-communistes
du gouvernement, Klement Gottwald impose un gouvernement
et une nouvelle constitution communiste au pays.
OBJECTIF 2
- Les nouvelles institutions qui organisent le nouvel ordre
mondial sont tout d’abord l’ONU, qui prend la succession de
la SDN et cherche à régler par le multilatéralisme les différends
entre les pays. La conférence de Bretton Woods a instauré un
nouveau système monétaire international, avec la mise en
place du FMI. Le GATT (qui n’est pas une organisation) cherche
à soutenir le libre-échange dans le commerce international.
- 1945-1946 : les procès de Nuremberg et de Tokyo. Ces
deux tribunaux militaires cherchent à juger les responsables
allemands et japonais de crimes contre la paix, de crimes
de guerre et de crimes contre l’humanité (nouveaux crimes
élaborés à cette occasion, suite aux violences de la Seconde
Guerre mondiale). La grande majorité des accusés sont
condamnés, et notamment à mort.
- 1946 : le discours de Fulton. Ce discours prononcé par Winston
Churchill aux États-Unis, devant Harry Truman, vise à sensibiliser
l’opinion publique américaine mais aussi européenne sur le
potentiel danger que représente l’URSS à l’Est de l’Europe,
derrière ce qu’il désigne comme le « rideau de fer ».
- 1948 : la création de l’État d’Israël. Le 14 mai 1948 est proclamée
par David Ben Gourion l’indépendance de l’État d’Israël. Celle-
ci avait bénéficié du soutien de l’ONU par le biais du plan de
partage de la Palestine. Cependant, l’indépendance d’Israël
déclenche la première guerre israélo-arabe, qui se conclut par
la disparition du projet de création d’un État arabe.
OBJECTIF 3
Notions
Bipolarisation : à partir de 1947, processus de structuration
des relations internationales autour des États-Unis et de l’URSS,
deux puissances opposées idéologiquement.
Guerre froide : période pendant laquelle les États-Unis et
l’URSS s’opposent de façon idéologique, politique, économique
et militaire, sans réel affrontement direct.
Crime de guerre : violation du droit de la guerre. La notion de
crime de guerre ne concerne que les militaires ou les autorités
qui les commandent, dans le cadre d’une guerre.
Crime contre l’humanité : notion élaborée par le tribunal
de Nuremberg (novembre 1945-octobre 1946), et depuis
intégrée au droit international. Imprescriptible, le crime contre
l’humanité couvre le génocide, les persécutions, la réduction
en esclavage de populations entières, ou encore l’enlèvement
d’enfants d’un peuple pour les faire élever au sein d’un autre.
État-providence : expression qui désigne le fait que l’État
intervient de façon importante dans le domaine économique
et social, afin d’assurer le bien-être de ses citoyens.
Justice internationale : justice qui, à l’aide d’une législation
81
 internationale, vise à régler les différends entre États ou entre
des particuliers et des États.
Multilatéralisme : attitude qui privilégie le règlement des
problèmes mondiaux de façon collective.
Sionisme : mouvement politique, initié par Theodor Herzl en
1897, qui vise à la création d’un État juif en Palestine.
Vocabulaire
CNR : organisation créée en 1943 et chargée de coordonner les
actions des différents groupes de la résistance sur sol français.
Conférence de Bretton Woods : conférence internationale
qui vise à créer un nouveau système monétaire international
après la guerre.
Droit de veto : droit accordé aux cinq membres permanents
du Conseil de sécurité de l’ONU qui leur permet de bloquer
toute décision prise par celui-ci.
GATT : accords signés en 1947 par 23 pays représentant 80 %
du commerce international, qui vise à harmoniser les politiques
douanières entre les États.
OTAN : alliance militaire qui regroupe les États-Unis, le Canada
et des pays d’Europe occidentale alliés des États- Unis, dont
la France.
Plan Marshall : son vrai nom European Recovery Program.
Aide financière américaine fournie à partir de 1947 aux 16
pays d’Europe de l’Ouest qui l’acceptent pour les aider à se
reconstruire.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Reconstruire le monde après 1945
- Le bilan matériel et humain de la Seconde Guerre mondiale
de 25 millions de morts, près de 6 millions pour la Shoah ;
l'utilisation de la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki
(6 et 9 août 1945) ; le bombardement des villes allemandes
et japonaises.
- La reconstruction du monde autour de nouvelles institutions
internationales, conférence de l'Atlantique (août 1941),
conférence de San Francisco (26 juin 1945), ONU (26 juin
1945), FMI (juillet 1944) et Banque mondiale (décembre 1945).
- Création d'une nouvelle forme de justice internationale avec
les notions de crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
82
- Un État plus présent avec le développement de l'État-
providence : le programme du CNR (15 mars 1944), la Sécurité
sociale (octobre 1945), les nouveaux droits politiques (vote des
femmes, 21 avril 1944) et sociaux (19 octobre 1945).
Personnages importants : F.D. Roosevelt (1933-1945),
W. Beveridge (1879-1963).
Leçon 2. La construction d'un monde bipolaire
- La Grande Alliance ; les conférences de Téhéran (novembre-
décembre 1943), Yalta (février 1945) et de Potsdam (juillet-août
1945) ; les tensions entre États-Unis et URSS en Europe (1945-
1948) ; le discours de Fulton (5 mars 1946).
- La fin de la Grande Alliance, points de tensions en Allemagne
(blocus de Berlin, 24 juin 1948 - 12 mai 1949) ; développement
des doctrines Truman (12 mars 1947) et Jdanov (22 septembre
1947).
Personnages importants : H. Truman (1884-1972), W. Churchill
(1874-1965).
Savoir expliquer
- Les réformes mises en place par le CNR : réformes économiques
avec les nationalisations ; réformes sociales avec la création de
la Sécurité sociale et la protection des travailleurs ; réformes
politiques avec le droit de vote des femmes.
- La constitution d'un nouvel ordre mondial : d'une part
développement des institutions internationales pour essayer
de mettre en place une forme de multilatéralisme ; et d'autre
part la bipolarisation du monde entre États-Unis et URSS.
- Le « coup de Prague » (25 février 1948) correspond au
processus de prise de contrôle de l'État tchécoslovaque
par les communistes suite à la démission des ministres non
communistes du gouvernement tchécoslovaque. Le parti
communiste parvient à faire pression sur le président Benes
afin de constituer un gouvernement entièrement communiste.
- La création de l'État d'Israël : l'État d'Israël est officiellement
créé le 14 mai 1948 par David Ben Gourion. L'ONU prévoyait
la création d'un État juif et d'un État arabe palestinien. La
première guerre israélo-arabe amène à la création d'un État juif
mais les territoires palestiniens sont sous autorité jordanienne
et égyptienne.
 CHAPITRE
Une nouvelle donne géopolitique :
5 bipolarisation et émergence
du tiers-monde

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 2 : La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970) (13-15 heures)

Chapitre 2. Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde

Objectifs du chapitre
Ce chapitre montre comment la bipolarisation issue de la guerre froide interfère avec la décolonisation
et conduit à l’émergence de nouveaux acteurs.
On peut mettre en avant :
- les modèles des deux superpuissances et la bipolarisation ;
- les nouveaux États : des indépendances à leur affirmation sur la scène internationale ;
- la Chine de Mao : l’affirmation d’un nouvel acteur international ;
- les conflits du Proche et du Moyen-Orient.

Points de passage et d’ouverture - 1962 : la crise des missiles de Cuba ;

- Les guerres d’Indochine et du Vietnam ;
- L’année 1968 dans le monde.

Problématique du chapitre :
La problématique générale du chapitre croise la bipolarisation
du monde dans le cadre de la guerre froide avec les
décolonisations en Afrique et en Asie. L’enjeu principal est de
revenir sur des dynamiques croisées qui confortent des États
anciens et soucieux d’affirmer leur puissance tout en révélant
de nouveaux États récemment émancipés de la domination
coloniale. Les relations entre ces nombreux acteurs redessinent
de nouvelles dynamiques géopolitiques. Comment la guerre
froide et la décolonisation ont-elles ainsi favorisé l’émergence
de nouveaux acteurs sur la scène internationale ?
L’enjeu fondamental est d’expliciter les dynamiques à l’origine
d’un nouvel équilibre des puissances entre 1947 et les années
1970. Ainsi la bipolarisation du monde née de la guerre
froide et les décolonisations ont reconfiguré les relations
internationales. Les États-Unis et l’URSS ont conforté leur
puissance et développé leur hégémonie idéologique et
militaire sur des territoires de plus en plus vastes. En parallèle,
la fin progressive des empires coloniaux a fait émerger de
nouveaux acteurs étatiques qui ne se sont pas tous inscrits
de la même manière ou selon la même temporalité dans la
logique des blocs, bousculant l’évidence d’un monde bipolaire.
Certains nouveaux États ont volontairement cherché à y
opposer une alternative.
À travers les études sur la guerre d’Indochine et la guerre du
Vietnam, il sera question de revenir sur les enjeux, les acteurs
des décolonisations mais également leurs limites dans le
cadre de la guerre froide.
Il sera ensuite nécessaire d’interroger les fondements et les
étapes majeures de la guerre froide avec comme conséquence
la bipolarisation du monde. La notion de crise pourra être
exposée de manière précise avec l’épisode des missiles de
Cuba en 1962.
Il conviendra par ailleurs de rendre compte de dynamiques
parallèles avec l’affirmation de la Chine de Mao Zedong
comme nouvel acteur communiste, et les conflits endémiques
au Proche et au Moyen-Orient.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Les bornes chronologiques vont de la fin de la Seconde
Guerre mondiale au début des années 1970. Dès 1945, les
luttes indépendantistes se poursuivent ou se renforcent en
Asie puis en Afrique, alors que la défiance entre les deux
superpuissances se confirme jusqu’à la scission consommée
de 1947 qui marque le début de la guerre froide. Dès lors,
l’affirmation idéologique et géographique des deux blocs
nourrit un conflit indirect mais permanent et polymorphe.
Le chapitre se poursuit jusqu’aux années 1970 qui, à la suite
des nombreux évènements de l’année 1968, marquent une
contestation plus forte et plus audible des deux blocs dans
leurs fondements idéologiques mais aussi géopolitiques,
sociaux et économiques.
Les bornes doivent être questionnées avec les élèves et
si les grandes phases de la guerre froide sont plus vite
cernées avec une détente engagée dès 1962, il convient
de souligner les décalages et les continuités entre l’Asie et
l’Afrique pour les décolonisations. L’année 1968 interroge
aussi la prise en compte en histoire d’événements, de faits
ponctuels qui ne doivent pas être réduits à une temporalité
courte mais comme formes symptomatiques de dynamiques
à moyen terme.

Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde 83

 Notions importantes et personnages principaux :
Les notions retenues sont nécessaires à la compréhension de
la période puisqu’elles en constituent les axes sémantiques.
Elles sont ainsi des outils pour comprendre et formuler la
complexité du réel sur un temps et un espace donné, et à ce
titre elles peuvent être réévaluées ou/et complétées par des
études historiographiques voire par des débats politiques.
Pour la période de la guerre froide comme période d’opposition
indirecte, sont convoquées les notions de bipolarisation et
de Détente. Toutes deux supposent de revenir sur la notion
d’idéologie comme doctrine ou système d’idées et de valeurs
visant à dicter ou à influencer les comportements individuels
ou collectifs. La bipolarisation est le résultat d’une opposition
binaire entre deux systèmes dominants et idéologiquement
expansionnistes après 1945. La Détente renvoie à une période
marquée par une désescalade des tensions entre les deux
grandes puissances après la crise des missiles de Cuba.
Pour les décolonisations, il s’agit de revenir sur la notion
de tiers-monde défini initialement comme un ensemble
géographiquement et économiquement émancipé des
dominations européennes (et japonaises). Il suppose de
distinguer la notion de non alignés pour désigner les États
refusant de se ranger selon une logique bipolaire, rendant
ainsi compte de l’impératif pour certains dirigeants de refuser
toute nouvelle forme d’influence. Le panarabisme, d’une
autre manière, dit aussi cette volonté pour certains nouveaux
États ou leurs dirigeants de s’inscrire dans des constructions
alternatives.
Domination expansionniste portée par une idéologie, la
notion d’impérialisme permet d’établir un lien entre les
décolonisations et la guerre froide, entre anciennes et
nouvelles formes de domination.
La période voit l’affirmation de nombreux acteurs qu’ils soient
hommes politiques, militaires, intellectuels, artistes et militants
indépendantistes. Elle offre aussi l’occasion de souligner la
circulation des idées et la similitude de certains parcours
individuels. La biographie est ainsi une forme et un outil pour
rendre compte d’un cadre au-delà d’un parcours. Si pour la
guerre froide, il est plus simple et attendu de s’attarder sur
des personnalités emblématiques comme John Fitzgerald
Kennedy ou Nikita Khrouchtchev, on peut également faire le
choix pour la période de rappeler les échos d’exploits portés
par des individus au nom d’un modèle, Youri Gagarine ou
Neil Armstrong. La prise en compte des peuples garantit de
réduire l’étude de cette temporalité à une analyse idéologique,
politique et militaire. En classe de Terminale, les adhésions
comme les résistances des sociétés à ces modèles dominants
doivent être soulignées. Cette précaution est notamment
84
l’occasion de rappeler le rôle des femmes encore minoré
dans la sphère politique.
Pour les décolonisations et les conflits israélo-arabes au
Proche et Moyen-Orient, Gamal Abdel Nasser, Hô Chi Minh,
Mao Zedong et Indira Gandhi sont des figures incontournables.
Leurs échanges diplomatiques, leurs rivalités et leurs liens
avec le communisme sont signifiants pour bien comprendre
la période.
Propositions de parcours dans le chapitre :
On peut évidemment envisager plusieurs parcours pour la
mise en œuvre du chapitre selon la progression prévue ou les
projets engagés par l’enseignant. Néanmoins, tous les points
de passage et d’ouverture doivent être évoqués dans chaque
parcours en modulant le temps accordé à chaque objet d’étude
selon la construction de la leçon. Le professeur peut amorcer
l’étude des points de passage en classe dans une démarche qui
se prête ensuite à des travaux complémentaires à mener par
les élèves hors du temps scolaire. Les recherches individuelles
ou collectives peuvent prendre différentes formes (exposés,
fiches, site collaboratif, padlet, etc.) pour les présentations
en classe. Elles sont potentiellement un support régulier et
structurant pour faire travailler aux élèves les compétences
de l’oral pour les épreuves du baccalauréat.
Parcours long 1 : 5-6 h
1. La guerre froide : mise en place, acteurs et doctrines et PPO
p. 162-163 puis étude p. 154-155. Exercice p. 168 (2 h).
2. Décolonisations et nouveaux acteurs : PPO p. 150-151 et
p. 152-153, étude p. 160-161. Exercice p. 166 (2 h).
3. Les dynamiques endogènes et exogènes au Proche et au
Moyen-Orient : étude p. 158-159 (1 h).
Parcours long 2 : 5-6 h
1. La guerre froide : mise en place, acteurs et doctrines PPO
p. 152-153 puis étude p. 154-155. Exercice p. 168 (2h).
2. Décolonisations et nouvelles dynamiques internationales
en Asie, Afrique et au Proche et au Moyen-Orient : PPO
p. 150-151 et études p. 158-159 et p. 160-161. Exercice p. 166 (2 h).
3. Un monde bipolaire contesté ? PPO p. 150-151 et p. 162-163.
Exercices p. 166 et p. 169.
Parcours court : 4 h
1. La guerre froide : mise en place, acteurs et doctrines PPO
p. 152-153 et PPO p. 162-163 puis étude p. 154-155. Exercice
p. 168 (2 h).
2. Décolonisations et nouveaux acteurs en Asie, Afrique et au
Proche et Moyen-Orient : PPO p. 150-151 et études p. 158-159
et p. 160-161. Exercice p. 166 (2 h).
 Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Sur la guerre froide
Catherine DURANDIN, La Guerre froide,
Presses Universitaires de France,
« Que sais-je ? », 2019.
Maxime LEFEBVRE, La Politique étrangère
américaine, Presses Universitaires
de France, « Que sais-je ? », 2018.
Maurice VAÏSSE, Les Relations internationales
depuis 1945. Armand Colin, « U », 2017.
Stanislas JEANNESSON, La Guerre froide,
La Découverte, 2014.
Georges-Henri SOUTOU, La Guerre froide
1943-1990, Pluriel, 2011.
Lawrence FREEDMAN, La Guerre froide,
1945-1989, Autrement, 2004.
André FONTAINE, Histoire de la Détente,
1962-1981, Points Seuil histoire, 1984.
André FONTAINE, Histoire de la guerre froide
1945-1967 (Tomes I et II), 1965 et 1967,
Points Seuil histoire, 2006.
Sur la décolonisation
Bernard PHAN, Colonisation et
décolonisation. (XVIe-XXe siècle), Presses
Universitaires de France, « Quadrige », 2017.
Pierre BROCHEUX, Les Décolonisations
au XXe siècle. La fin des empires européens
et japonais, Armand Colin, « U », 2012.
Alain RUSCIO (sous la dir.), La Guerre
« française » d’Indochine (1945-1954) : les
sources de la connaissance bibliographie,
filmographie, documents divers, Paris,
Les Indes savantes, 2002.
Pierre BROCHEUX, Histoire du Viêt Nam
contemporain. La nation résiliente, Paris,
Fayard, 2011.
Philippe FRANCHINI, Les Guerres d’Indochine,
Paris, Pygmalion, 2008, nouvelle éd., vol. 2.
Ivan CADEAU, La Guerre d’Indochine.
De l’Indochine française aux adieux
à Saigon 1940-1956, Texto, Tallandier, 2019.
Yves FÉRIER, Les Trois Guerres d’Indochine,
Presses universitaires de Lyon, 1994.
Dang Thuy TRÂM, Les Carnets retrouvés
1968-1970, Picquier Poche, 2005.
John STEINBECK, Dépêches du Vietnam,
Les Belles lettres, 2013.
Sur la Chine
Alain Roux, Xiao-Planes XIAOHONG, Histoire
de la République Populaire de Chine de Mao
Zedong à Xi Jinping, Armand Colin, « U »,
2018.
John King FAIRBANK, Merle GOLDMAN, Histoire
de la Chine. Des origines à nos jours,
Tallandier, « Texto », 2013.
Sur le Proche et Moyen-Orient
Louis FLORIAN, Incertain Orient. Le Moyen-
Orient de 1876 à 1980, Presses Universitaires
de France, « Hors collection », 2016.
Leyla DAKHLI, Histoire du Proche-Orient
contemporain, La Découverte, « Repères »,
2015.
Sitographie
CVCE, Chronologie interactive
de la guerre froide :
https://www.cvce.eu/obj/chronologie_
interactive_de_la_guerre_froide-fr-
cd6f5e93-bfeb-468f-878f-42c731ee5a85.
html
https://www.memorial-caen.fr/le-musee/
la-guerre-froide
https://www.histoiredumonde.net/-Guerre-
froide-et-decolonisation-.html :
France Culture, Des Discours et des
hommes, épisode 1 : Du coup de Suez à
l’héritage de Nasser ; 2018
https://www.franceculture.fr/emissions/
cultures-monde/culturesmonde-du-lundi-
26-mars-2018
Les conflits au Proche et au Moyen-Orient :
https://enseignants.lumni.fr/
parcours/0043/le-conflit-israelo-arabe-de-
1948-a-nos-jours.html
La bataille de Dien Bien Phu :
https://www.youtube.com/
watch?v=FMChnPENSYw

Ouverture p. 144-145
Document 1 : Ce document est la couverture d’un magazine
catholique publié aux États-Unis par l’éditeur Catechetical
Guild (CG). Fondé par Père Louis A. Gales. Is this tomorrow? fut
vraisemblablement le premier comic-book de propagande
anticommuniste. Frappée par la lutte communiste contre
l’influence catholique dans les pays d’Europe de l’Est,
l’Église catholique américaine compta parmi les lobbies
anticommunistes les plus actifs aux États-Unis durant la guerre
froide, avec notamment l’influence politique de catholiques
d’origine irlandaise très actifs tel le sénateur du Wisconsin
Joseph McCarthy. Publié le 1er novembre 1947, ce numéro
America Under Communism! (« Demain sera-t-il ainsi ? L’Amérique
soumise au communisme », 48 pages), fut édité en couleur et
fut largement distribué avec 4 millions d’exemplaires dont une
grande partie fut écoulée gratuitement. Le succès fut important
aux États-Unis et à l’étranger avec des adaptations en France
et en Australie. Néanmoins, on trouve peu d’autres numéros
ou comics de ce genre durant la guerre froide.
La couverture montre un pays en guerre, consumé par les
flammes et la violence, nourrissant comme dans le reste du
magazine une angoisse pavlovienne face à une éventuelle
avancée du communisme aux États-Unis. L’enjeu de dissuasion
au cœur de cette propagande anti-communiste repose sur la
mise en image de la peur apocalyptique. Les auteurs écrivaient
pour décrire leur ligne éditoriale : « Il est vrai que is this tomorrow
est destiné à parler aux émotions, mais strictement sur les bases
de la raison. Si qui que ce soit est enclin à penser que notre
exposé relève de l’imagination, une analyse critique révèlera que
chaque image, chaque phrase a des précédents dans la théorie
et la pratique communistes. » La 4e de couverture proposait
« 10 commandements de citoyenneté » pour combattre le
communisme, parmi lesquels on pouvait lire « Soyez tolérant
des autres races, religions et nationalités », « Pratiquez votre
religion », « Lisez journaux et magazines avec un œil critique »,
sans oublier « Soyez américain d’abord. »
Il est intéressant de faire le lien avec d’autres comics à grand
succès, comme les aventures de Captain America qui ont
participé à la construction d’une imagerie positive des États-
Unis depuis le début de la Seconde Guerre mondiale.
Réponse à la question :
La représentation du drapeau américain en flammes marque
une alerte, une mobilisation des consciences américaines. Les
trois agresseurs s’en prennent à un soldat, une femme, un
prêtre, soit symboliquement des piliers de la nation américaine,
la famille, la communauté religieuse et l’armée. Le danger
communiste est mystérieux, caché au second plan mais présent
et dangereux, fragilisant l’équilibre du pays.
Document 2 : La photographie est pour les historiens une
source essentielle de la fin du XIXe siècle et du XXe siècle.
Elle prend une importance accrue durant les nombreux

Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde 85

 conflits de la période. Aux photographies privées, à celles
des photographes de l’armée s’ajoutent les photographies
de photoreporters envoyés par des agences de presse,
des agences de photographies ou de grands journaux. Les
ressources sont nombreuses et riches, principalement en noir
et blanc jusqu’aux années 1970 avec des versions colorisées
récemment. Le document proposé est une photographie
officielle prise durant la cérémonie qui marque le passage
de la domination française à l’indépendance malgache par le
passage d’un drapeau à l’autre par les armées des deux États.
Cartes p. 146-147
Les deux cartes rendent compte sur un même espace mondial
de dynamiques distinctes mais intrinsèquement liées qui
ont forgé les grands équilibres mondiaux entre 1945 et le
début des années 1970. Il s’agit ainsi en deux images de
comprendre et lier une partition Est/Ouest et une partition
Nord/Sud.
La carte 1 illustre une bipolarisation née de la guerre
froide en deux blocs idéologiquement opposés menés par
des superpuissances rivales, avec des alliances militaires
progressives pour élargir l’aire d’influence de chaque camp.
Apparaissent également les tensions et conflits permettant de
définir l’oxymore « guerre froide » avec une externalisation des
conflits du territoire de chaque superpuissance.
La carte 2 montre la progressivité de la décolonisation en
Asie et en Europe. Les guerres d’indépendance ainsi que les
conférences regroupent les nouveaux États indépendants
comme une troisième voie alternative à la bipolarisation
du monde.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les enjeux de la guerre froide comme conflit
idéologique et indirect entre les États-Unis et l’URSS sont
d’étendre les zones d’influence par des moyens économiques,
militaires, diplomatiques, scientifiques, culturels et sportifs
pour concurrencer l’adversaire et le vaincre.
Les crises de Berlin et de Cuba, les guerres de Corée et du
Vietnam sont des moments importants de ces rivalités entre
les deux blocs.
Question 2 : L’Asie et l’Afrique sont les deux zones
progressivement touchées par la décolonisation. Acquises
par la négociation ou par la lutte armée, ces indépendances
furent acquises progressivement grâce à de nombreux acteurs,
célèbres et anonymes.
POINT DE PASSAGE p. 148-151
Les guerres d’Indochine et du Vietnam
A 1946-1954, la guerre d’Indochine p. 148-149
Problématique : Comment la guerre d’Indochine associe-t-elle
une guerre de décolonisation et un conflit de guerre froide ?
Cette étude s’inscrit dans le thème du programme « les
nouveaux États : des indépendances à leur affirmation
sur la scène internationale » mais aussi « les modèles des
deux superpuissances et la bipolarisation ». L’objectif est
double, suivre à travers l’exemple de l’Indochine un conflit
86
d’indépendance en Asie et inscrire les dynamiques régionales
dans des reconfigurations géopolitiques mondiales. La mise
en perspective est un élément essentiel pour rendre compte
des nombreux facteurs de la décolonisation et de la diversité
des acteurs engagés. Ce double prisme permet également de
bien souligner un processus non linéaire.
Proposition de parcours 1 : la décolonisation de l’Indochine
française, étapes et acteurs (documents 2, 3 et 4).
Proposition de parcours 2 : les enjeux de la guerre d’Indochine
(documents 1, 3 et 5).
Pour ouvrir la double-page, la déclaration d’indépendance du
Vietnam (document 1), prononcée le 2 septembre 1945 par
Hô Chi Minh, marque cette affirmation d’émancipation des
Vietminh portée par un intellectuel et militant communiste
passé par la France, l’URSS et la Chine. Les liens entre les
puissances coloniales européennes, les superpuissances de
la guerre froide et la Chine communiste sont nombreux et
structurants de ces nouvelles dynamiques internationales. Le
document 2 est une photographie qui montre la diversité des
acteurs de ce conflit de décolonisation en soulignant la part
essentielle du peuple et notamment des femmes autant actives
en seconde ligne pour les ravitaillements qu’en première
ligne pour les combats. Le document 3, carte indiquant les
principales batailles et la participation des alliés extérieurs.
La proximité avec la Chine, et indirectement avec l’URSS,
permet de mesurer le cadre de l’influence communiste dans
la région. La bataille de Diên Biên Phu marque une défaite
cinglante pour l’armée française et acte la fin de la présence
française au Vietnam. La photographie (document 4) rend
compte de la topologie qui joua en faveur des combattants
vietnamiens rangés dans les montagnes. Le document 5
conforte cette compréhension de la défaite française face
à un adversaire nombreux, solidaire, engagé malgré toutes
les contraintes pour réussir l’encerclement de Diên Biên Phu.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les acteurs impliqués dans la guerre d’Indochine
entre 1946 et 1954 sont d’une grande diversité. Des acteurs
publics d’abord, rappelant le primat des États dans le cadre
de l’histoire politique. La France comme puissance coloniale
(soutenue par les États-Unis), mais également la Chine
communiste et l’URSS comme alliés des indépendantistes
vietminh. L’étude doit aussi rappeler le rôle incontournable
des combattants, militaires ou civils. Face à l’armée française
dont le CEFEO (corps expéditionnaire français en Extrême-
Orient fondé en 1943) combattent sans relâche les troupes
vietminh menées par Vo Nguyen Giap. Les populations civiles
du Vietnam participent aussi aux combats et payent durement
leurs soutiens logistique et physique aux combats face aux
troupes françaises.
Question 2 : Ce conflit de décolonisation est renforcé par la
logique des blocs propre à la guerre froide. De fait la France
est soutenue en matériel et renseignements par les États-
Unis alors que les Vietminh, menés par Hô chi Minh, sont
soutenus par l’URSS et la Chine communiste. L’enjeu pour
chaque superpuissance est d’empêcher son adversaire de
prendre place en Asie et d’y étendre son influence. L’URSS a
ainsi formé de nombreux indépendantistes d’Asie et d’Afrique.
Les États-Unis soutiennent leurs alliés traditionnels avant de
s’appuyer sur des pouvoirs plus locaux.
Question 3 : En 1953, l’état-major des armées françaises
installe à Dien Bien Phu un camp pour couper la route des
Vietminh vers le Laos. Le lieu, une plaine de 16 km sur 9, est
choisi pour encercler les troupes ennemies et les prendre
au piège au milieu des montagnes. La bataille commence le
13 mars 1954 et malgré des moyens exceptionnels et des
combats sans fin, les troupes françaises sont battues le
7 mai 1954. Le site choisi s’est avéré être un piège avec
l’encerclement méthodique des vietminh menés par le
général Giap. Par ailleurs, face aux 15 000 soldats français,
l’exceptionnelle motivation indépendantiste des 100 000
soldats vietminh et la mobilisation d’autant d’auxiliaires
(transportant le matériel nécessaire à travers les montagnes)
ont permis aux Vietminh de vaincre après 57 jours de combats.
Bilan Entre 1946 et 1954, la guerre d’Indochine est une
guerre d’indépendance qui s’inscrit dans un contexte de guerre
froide en Asie.
Le contexte est complexe avec tout d’abord la fin de
la Seconde Guerre mondiale et un bouleversement
des équilibres internationaux. La guerre froide se met
progressivement en place à partir de 1947, avec une
bipolarisation du monde et une logique de blocs opposés
qui s’impose aussi en Asie. Ce continent est le premier à vivre
la vague de luttes indépendantistes contre les principales
puissances coloniales européennes, dont la France qui doit à
partir de 1946 faire face à l’opposition des indépendantistes
vietminh en Indochine.
La guerre d’Indochine mobilise de nombreux acteurs : tout
d’abord les États, dont la France, soutenus par les États-Unis.
L’URSS et la RPC soutiennent le Vietminh avec une idéologie
communiste. La guérilla vietminh est composée de centaines
de milliers de soldats formés pour la lutte contre la puissance
coloniale et menés par des personnalités importantes
comme Hô Chi Minh ou le général Giap. Enfin, les civils ont
été largement impliqués puisqu’ils ont non seulement subi
les combats mais également aidé les forces vietminh contre
l’occupant français. Grâce à leur soutien logistique sans faille,
les luttes étaient incessantes et épuisantes pour les troupes
françaises.
Cette guerre renvoie à de multiples enjeux qui peuvent
notamment se lire à deux échelles. À l’échelle internationale,
il s’agit de la fin des systèmes coloniaux et donc de la domination
européenne en Asie et en Afrique. Elle marque également
la mise en place de nouvelles influences majeures inscrites
dans une logique bipolaire née de la guerre froide. À l’échelle
nationale, la guerre d’Indochine marque « la volonté des peuples
à disposer d’eux-mêmes », cette exigence de liberté qui définit
l’homme et qui est exposée notamment dans la Déclaration
des Droits de l’homme et du citoyen en 1789 ou dans les
14 points de Wilson en 1918.
Parcours 2
Le 2 septembre 1945, Hô Chi Minh proclame à Hanoï
l’indépendance du Vietnam. Cette déclaration est un texte
fondamental qui marque la volonté d’émancipation de tout
un peuple. Comment ce texte qui s’inscrit dans un contexte
exceptionnel rend-il compte de nouvelles dynamiques
internationales ?
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
Dans sa déclaration d’indépendance, le président vietnamien Hô
Chi Minh évoque un contexte complexe pour le Vietnam. Sous
domination française dans le cadre de l’Indochine depuis 1887,
le Vietnam fut envahi par les troupes japonaises pendant la
Seconde Guerre mondiale. On a à la fois les suites de la Seconde
Guerre mondiale en Asie avec notamment l’expansionnisme
japonais, et les évolutions des empires coloniaux européens
avec la fragilisation des États d’Europe après 1945. L’ensemble
s’inscrit dans une reconfiguration plus globale, la guerre
froide, marquée par la bipolarisation entre les États-Unis et
l’URSS. Durant la Seconde Guerre mondiale, le soulèvement
populaire mené par des indépendantistes comme Hô Chi
Minh permet de repousser les troupes japonaises. Dans ce
contexte d’émancipation, les Vietminh refusèrent toutes les
formes anciennes de domination. On peut ainsi lire « la vérité
est que notre peuple a repris son indépendance des mains des
Japonais » (l. 13-14) et « les Français s’enfuient, les Japonais
se rendent, l’empereur Bao Dai abdique » (l. 14-15). La lutte
populaire légitime donc l’indépendance « notre peuple a brisé
toutes les chaînes qui ont pesé sur nous durant près d’un siècle
pour faire du Vietnam un pays indépendant » (l. 16-17). On a
bien le refus d’une monarchie ancienne, de l’invasion japonaise
et de la domination coloniale.
Cette revendication de liberté prend appui sur la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen (26 août 1789). Hô Chi
Minh met ainsi la France face à ses contradictions : « pendant
plus de quatre-vingts années, les colonialistes français, abusant
du drapeau de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, ont violé
notre terre et opprimé nos compatriotes » (l. 5-9). L’enjeu est
également de s’inscrire dans une continuité avec des valeurs
défendues par les puissances occidentales dont les États-Unis :
« nous sommes convaincus que les Alliés, qui ont reconnu
les principes de l’égalité des peuples […] ne peuvent pas
ne pas reconnaître l’indépendance du Vietnam » (l. 28-31).
Rappelant aux États-Unis leurs promesses de soutien aux
peuples dominés comme le proclamait le président Wilson
en 1918, Hô Chi Minh cherche à placer la lutte vietminh sous
la protection des alliés vainqueurs de la Seconde Guerre
mondiale. Le soutien soviétique est moins évoqué parce
qu’il est plus acquis pour le chef vietminh de formation
communiste.
Cette déclaration entérine la naissance de la République
démocratique du Vietnam. C’est un texte fondamental qui acte
la prise de liberté d’un peuple face à de multiples oppresseurs
dont la France, puissance coloniale. Au nom des valeurs de
liberté dans la guerre contre la France, c’est également un
appel au soutien des États-Unis et de l’URSS, confirmant ainsi
la mise en place d’un nouvel équilibre mondial.
POINT DE PASSAGE p. 148-151
Les guerres d’Indochine et du Vietnam
B 1955-1976, la guerre du Vietnam p. 150-151
Problématique : Pourquoi la guerre du Vietnam est-elle
caractéristique des tensions idéologiques de la guerre froide
en Asie ?
La guerre du Vietnam ou seconde guerre d’Indochine
s’inscrit dans le thème du programme « les modèles des deux
superpuissances et la bipolarisation ». L’enjeu est de retrouver
87
 les dynamiques spécifiques de la guerre froide dans cette
guerre civile entre le Vietnam du Nord et le Vietnam du Sud.
De fait, la défaite des armées françaises en 1954 et les accords
de Genève entérinent l’indépendance du Vietnam, mais cet
État est divisé dès 1955 par une lutte fratricide opposant les
Vietminh au Nord soutenus par l’URSS et la Chine, au Front
national de libération du Sud Vietnam au sud, soutenu par
les États-Unis. Après un soutien logistique classique, l’aide
américaine passe aussi par l’envoi de troupes américaines
pour empêcher le Vietminh et l’URSS de l’emporter. Après la
guerre de Corée, on a bien un conflit régional influencé par les
rivalités de la guerre froide avec un enjeu plus emblématique
pour les États-Unis, dont les forces armées qui ont eu un rôle
majeur durant les deux guerres mondiales se voient pour la
première fois privées de victoire.
Proposition de parcours 1 : la guerre du Vietnam, un conflit
« bipolaire » (documents 1, 2 et 3).
Proposition de parcours 2 : les enjeux de la guerre du Vietnam
pour les États-Unis (documents 3, 4, 5 et 6).
Les deux premiers textes sont des extraits exposant les enjeux
du Vietnam pour les deux superpuissances. Toutefois, si le
discours de Brejnev du 3 novembre 1967 (document 2) est
un document officiel qui s’inscrit dans la ligne de la doctrine
Jdanov en insistant sur l’entraide entre les États communistes,
le document 3 est un ouvrage postérieur à la période, rédigé
par Robert Mac Namara, ancien secrétaire à la Défense durant la
guerre du Vietnam. L’auteur y rend compte des inquiétudes de
la CIA de voir l’Asie tomber aux mains des communistes en cas
de victoire du Vietnam Nord. Le troisième texte (document 4)
est un témoignage de guerre, le journal intime d’une médecin
vietnamienne dont les propos contre les États-Unis sont très
virulents. Ce document est l’occasion encore de rappeler le
rôle des femmes dans le conflit.
Pour les documents iconographiques, le premier est une carte
(document 1) dont l’intérêt est de souligner la diversité des
acteurs et des zones de combats tout en inscrivant le conflit
dans une échelle régionale spécifique. Les documents 5 et 6
sont des photographies de la guerre, l’une montrant les marines
américains blessés et défaits par la résistance vietnamienne.
Mais les blessures infligées aux Vietnamiens ont pu avoir un
impact plus lourd dans l’opinion publique quand les enfants
sont les premiers touchés. La photographie de Nick Ut du 8 juin
1972 met en lumière les dangers du napalm et les violences
de guerre. Les images de guerre ont un rôle de propagande,
de contrôle ou de mobilisation des opinions publiques. Elles
rendent compte d’un réel et le dépasse quitte à influencer
les suites.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Entre 1955 et 1975, deux camps s’opposent au
Vietnam. C’est le résultat de la partition du Vietnam après
les accords de Genève signés en 1954. Soutenu par les États
communistes que sont l’URSS et la RPC, le Vietnam du Nord
mené par Hô Chi Minh s’oppose au Vietnam du Sud soutenu
par les États-Unis.
Question 2 : D’après le texte 2, les États-Unis s’engagent au
Vietnam pour empêcher l’expansion de l’influence communiste
au Vietnam Sud et par extension en Asie.
88
Question 3 : Le témoignage rend compte de la lassitude et de
la détermination des combattants vietnamiens. La guerre du
Vietnam fait suite à la guerre d’Indochine, le pays est donc en
guerre depuis 24 ans au moment où sont rédigées ces lignes.
Question 4 : La photo a été prise par un jeune photographe
vietnamien de 21 ans travaillant pour l’agence Associated Press.
Des villageois fuient un village qui vient d’être bombardé au
napalm par l’armée sud-vietnamienne alliée des États-Unis ;
parmi eux des enfants en cris et en pleurs, une enfant brulée
sur tout le corps. La photo fait le tour du monde et Nick Ut
remporte de très nombreux prix. Surtout, l’horreur de la guerre,
ses ravages sur les civils, sont exposés sans filtre, bousculant
les opinions publiques aux États-Unis et dans le monde.
Question 5 : Les soldats américains ont un matériel performant
mais les conditions climatiques et la topographie présentent
de lourdes contraintes et ralentissent leur maîtrise du territoire.
Face à la mobilisation des soldats vietminh et du soutien des
civils, les combats sont usants et les troupes américaines
s’enlisent au Vietnam, au sens propre et figuré. Sur les trois
millions de soldats américains passés au Vietnam, on compte
57 000 morts et 300 000 blessés. Les vétérans connaissent de
nombreuses séquelles post-traumatiques dans un contexte
de défaite et d’oubli imposé aux États-Unis. Le cinéma du
Nouvel Hollywood rend bien compte de cette « génération
sacrifiée ».
Bilan La guerre du Vietnam est un conflit lié à la guerre froide :
1. On distingue deux camps opposés regroupant le Vietnam
Nord et le Vietnam Sud soutenus par des États alliés.
2. Comme tout conflit armé, la guerre du Vietnam donne lieu à
de nombreuses horreurs de guerre. Les soldats subissent dans
leur quotidien et dans leur chair les combats, mais les civils
sont également victimes des échanges armés voire d’opération
ciblées pour décourager le soutien populaire à la résistance.
3. Le conflit s’inscrit dans le cadre de la guerre froide avec
le soutien de l’URSS et des États-Unis, lesquels vont jusqu’à
envoyer leurs propres troupes pour empêcher l’avancée
communiste dans la région.
Parcours 2
Le document 3 est un extrait de l’ouvrage Avec du recul. La
tragédie du Vietnam et ses leçons, publié en 1996. L’auteur est
un acteur clé de la guerre, au cœur des décisions importantes ;
Robert Mac Namara fut secrétaire à la Défense entre 1961 et
1968 soit dans les débuts de l’engagement américain dans
la région, engagement logistique et financier puis humain.
L’extrait en question rend compte des analyses des services
secrets américains (CIA) et de l’inquiétude de voir une contagion
communiste en Asie en cas de victoire du Vietnam du Nord.
Appelée « théorie des dominos », cette dynamique illustre le
poids grandissant de l’URSS et de la RPC dans la région, raison
principale, dans un contexte de guerre froide et de luttes
indirectes, de l’engagement direct des États-Unis et de l’envoi
des premiers soldats US en 1963. L’enjeu principal est de tenir
le containment. Ce document est l’illustration de la mise en
application des grands principes de la guerre froide à l’échelle
d’une région. Les États-Unis s’inquiètent d’une récupération
par la Chine communiste des mouvements nationalistes et
indépendantistes du tiers-monde qui pourraient rompre
l’équilibre fragile en Asie du Sud-Est.

POINT DE PASSAGE p. 152-153
1962, la crise des missiles de Cuba
Problématique : Comment la crise des missiles rend-elle
compte de l’escalade des tensions entre les deux Grands ?
Cette étude point de passage est obligatoire mais l’enseignant
choisit librement le temps à y consacrer, les modalités de rendus
ou l’inscription dans la progression. On retrouve l’objectif du
programme « les modèles des deux superpuissances et la
bipolarisation ». Crise emblématique de la guerre froide, la crise
des fusées à Cuba est un exemple de la rivalité des États-Unis et
de l’URSS sur un territoire extérieur dans une crispation extrême
avec un risque atomique réel. Mais elle marque également
le début d’une normalisation des relations entre les deux
superpuissances, soit la volonté de liaisons encore plus directes
et pas forcément officielles pour éviter toute nouvelle escalade.
C’est le début de la Détente. L’étude a donc plusieurs intérêts :
elle permet de confirmer la définition du terme de guerre
froide, d’en poser un jalon chronologique majeur et d’affiner
une périodisation en soulignant des évolutions notables dans
les relations entre les deux Grands.
Proposition de parcours 1 : la crise de Cuba, la plus grave
crise de la guerre froide (documents 1, 2, 4 et 5).
Proposition de parcours 2 : la crise de Cuba, un duel
impossible ? (documents 1, 4 et 5).
Une carte (document 1) permet de contextualiser et de
souligner la proximité géographique entre les États-Unis
et Cuba soutenue par l’URSS. La carte montre les sites de
missiles nucléaires installés à Cuba par l’URSS et les contours
du blocus mis en place par les États-Unis pour répliquer à ce
qu’ils définissent comme une menace majeure. Le document 2
est un texte officiel, la déclaration du président Kennedy à
la télévision le 22 octobre 1962 pour confirmer la menace
soviétique et annoncer des mesures de défense. Le président
Kennedy s’adresse au peuple américain mais également à
l’URSS et aux témoins du monde. Rappelant la course aux
armements atomiques, il accuse l’URSS d’être sortie d’un
périmètre de dissuasion implicite et met en place un blocus pour
empêcher toute alimentation de Cuba en attendant une prise de
position internationale au sein de l’ONU. Le document 3 est une
photographie qui montre justement les autorités américaines
plaidant leur cause à l’ONU en exposant des photos aériennes
de Cuba. Le document 4 est un échange diplomatique privé
extrait des archives du président Kennedy entre John Fitzgerald
Kennedy et Nikita Khrouchtchev. Ce duel épistolaire qui met
en tension le monde pendant plusieurs jours est mis en image
avec la célèbre caricature de Leslie Illingworth publiée le
29 octobre 1962 dans le Daily Mail à Londres. Le document 5
rend compte de la peur atomique et de la tension pour tous
les observateurs de la crise. La bombe atomique est à la fois
une arme de confirmation de la puissance, de dissuasion mais
elle présente toujours un risque qui pourrait avoir un « goût
de cendres » pour reprendre les mots du président Kennedy.
C’est l'un des enjeux de la Détente.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : D’après les documents 1 et 2, dès le signalement
d’une mission de reconnaissance aérienne le 14 octobre 1962
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
les États-Unis reprochent aux Soviétiques l’installation de
rampes de lancement de missiles nucléaires sur l’île de
Cuba, soit trop proches des frontières américaines. S’il ne
s’agit pas d’exception, Kennedy précise lui-même que les
deux États ont installé de nombreuses bases militaires dont
certaines à potentiel atomique dans de nombreux pays
alliés, il insiste malgré tout sur la proximité de Cuba avec la
Floride (moins de 200 km), soit un risque inacceptable pour
les États-Unis.
Question 2 : Contestant cette installation allant selon lui contre
un équilibre tacite entre les deux superpuissances, Kennedy
décide du blocus de Cuba pour empêcher tout ravitaillement
de l’île par la marine soviétique. Il demande en parallèle une
réunion à l’ONU pour statuer sur cette action clandestine de
l’URSS et engage le dirigeant soviétique à mettre fin à cette
situation pour préserver des « relations stables entre les deux
nations ».
Question 3 : Le conflit doit être absolument évité parce que les
États-Unis et l’URSS possèdent l’arme atomique au potentiel
destructeur hors du commun. Les États-Unis l’ont déjà utilisé
à Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 pour forcer la
capitulation du Japon. De 1945 à 1962, les deux puissances ont
fait évoluer leurs équipements atomiques avec des bombes
plus puissantes et en nombre plus important.
Question 4 : Les documents 4 et 5 montrent tous deux la tension
entre le 16 et le 28 octobre 1962. La crainte de l’utilisation de
la bombe est perceptible et renvoie au souvenir de la fin de
la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique.
Question 5 : La crise des missiles de Cuba marque le début de
la guerre froide avec des relations plus directes entre l’URSS
et les États-Unis pour éviter une nouvelle escalade aussi grave
des tensions. En URSS, Nikita Khrouchtchev sera éloigné du
pouvoir pour avoir été contraint de retirer les missiles de Cuba
malgré les quelques concessions américaines pour éviter
une humiliation à leur adversaire. De son coté, Mao Zedong
confirme dès lors son éloignement du modèle soviétique et
la RPC s’équipe de son propre armement atomique en 1964.
Bilan La crise des missiles de Cuba fut un épisode de tensions
extrêmes durant la guerre froide :
- le contexte spécifique de Cuba (localisation, lien avec le bloc
de l’Est) ;
- la montée des tensions à partir du 14 octobre 1962 ;
- le risque de guerre nucléaire et la fin de la crise.
Parcours 2
Le document est un dessin de presse de Leslie Illingworth,
célèbre caricaturiste britannique. Publié dans le Daily Mail à
Londres le 29 octobre 1962, soit au lendemain du règlement
du conflit. La caricature illustre l’équilibre de la terreur au
lendemain de la crise de Cuba. Dénonçant la menace de missiles
nucléaires soviétiques installés à 200 km des côtes de la Floride,
le président des États-Unis demande à l’URSS le retrait de cet
arsenal et porte l’affaire publiquement auprès des Nations unies.
Entre le 22 octobre et le 28 octobre, les échanges entre les
deux chefs d’État restent tendus et incertains, et la menace
atomique est à son comble dans un contexte de guerre froide
où depuis 1947 les tensions entre les deux Grands ont toujours
été indirectes. On voit sur le dessin l’équipement atomique des
deux nations représenté par une bombe H servant de siège à
chacun des deux protagonistes.
89
 Le duel est figuré par un bras de fer avec des postures
inquiètes qui finit par être remporté par les États-Unis, Nikita
Khrouchtchev suant davantage que le président américain et
annonçant « D’accord, monsieur le Président, nous sommes
prêts à négocier. » Ainsi se met en place également une
« normalisation » des relations entre les deux États, on parle
de Détente.
Étude Méthode Bac p. 154-155
Les fondements idéologiques
de la guerre froide
Alors que leur alliance a permis de vaincre le nazisme et de
mettre fin à la Seconde Guerre mondiale, les tensions entre
l’URSS et les États-Unis sont ravivées dès 1945, soulignant
l’artifice d’une union de circonstances. Deux ans après
leur victoire commune, l’opposition se renforce entre les
deux superpuissances dans une forme de guerre inédite.
Décrite comme « paix impossible et guerre improbable » par
Raymond Aron en 1948 (Le Grand Schisme), la guerre froide a
des fondements avant tout idéologiques mettant en rivalité
deux systèmes politiques et économiques antagonistes. Le
discours prononcé par Harry Truman devant le Congrès, le
12 mars 1947 acte officiellement la rupture entre les États-
Unis et l’Union soviétique. La réponse soviétique arrive en
septembre de la même année par les mots d’Andreï Jdanov
durant la conférence des partis communistes en Pologne.
L’intérêt de ces deux documents à croiser est donc de revenir
sur la genèse de la guerre froide et d’en dégager les lignes
idéologiques dès 1947 avec des lectures idéologiques de
la situation internationale, soit autant d’interprétations
divergentes du monde.
Consigne : Montrez comment ces deux documents exposent
des idéologies qui, à partir de 1947, sont le fondement d’un
monde bipolaire.
Introduction
[ Rappelez que les deux auteurs se répondent et que les textes
politiques ont vocation à exposer la puissance des pays et leur
nouvelle conception des relations internationales. ]
En 1947, les deux superpuissances qui ont vaincu le nazisme
mettent fin à leur alliance de la Seconde Guerre mondiale.
Les États-Unis et l’URSS affichent publiquement leur rupture
et leurs critiques réciproques. Les deux documents proposés
sont des textes politiques dans lesquels les deux auteurs se
répondent et exposent au monde la supériorité de leur modèle
idéologique. Le premier est un extrait du discours de Harry
Truman devant le Congrès le 12 mars 1947. Dans cet extrait
issu du Public Papers of the Presidents of the United States :
H. Truman, National Archives, Washington, le président des
États-Unis expose la politique étrangère de son gouvernement.
Le second document est un rapport présenté par Andreï
Jdanov, chef de la délégation du Parti communiste d’Union
soviétique, à la conférence des partis communistes en Pologne.
Il est extrait du Rapport sur la situation internationale, 1947.
Ces deux documents sont des sources essentielles pour
comprendre la sédimentation d’une opposition idéologique
majeure entre deux États et à plus large échelle entre deux blocs.
90
Développement
I - Les États-Unis et l’URSS se présentent aux yeux du monde
comme des puissances incontestables et vantent leur modèle.
Dans les deux textes, les auteurs exposent d’abord la force
de leur modèle et en valident de manière indiscutable la
validité et l’attractivité. Truman le définit autour de la valeur
de liberté et de la démocratie : « l’un de ces modes de vie est
basé sur la volonté de la majorité. Ses principaux caractères
sont des institutions libres, des gouvernements représentatifs,
des élections libre » (l. 5-6). Les aspects économiques y sont
également évoqués. De son coté, prenant appui sur les succès
de l’Armée rouge, Jdanov évoque l’URSS dans des termes très
élogieux qui renvoient à une interprétation universelle de la
logique de classes : « par sa lutte héroïque, pleine d’abnégation,
contre l’impérialisme, l’Union soviétique a gagné l’amour
et le respect des travailleurs de tous les pays » (l. 2-3). Le
mouvement ouvrier est également associé à la démocratie
(l. 14) donnant lieu à la notion de démocraties populaires
pour rendre compte d’un régime fondé sur l’autorité d’un
parti ouvrier, en l’occurrence le communisme.
II - Les États-Unis et l’URSS dénoncent l’idéologie et les actions
de leur principal adversaire.
Les deux auteurs développent aussi la valeur de leur modèle
par la critique impérative du modèle adverse. Harry Truman
met ainsi en avant la lutte pour le respect des libertés et la
lutte contre les systèmes totalitaires sans toutefois nommer
l’URSS précisément, « les peuples […] se sont vu imposer
des régimes totalitaires contre leur propre volonté » (l. 1-2).
Il associe l’URSS à l’autoritarisme et la violence d’un modèle
fondé sur « la volonté d’une minorité imposée à la majorité.
Il s’appuie sur la terreur et l’oppression, sur une radio et une
presse contrôlées » (l. 9-10).
Andreï Jdanov rapproche le modèle américain de l’impérialisme,
de la colonisation soit de toutes formes de domination ainsi
que de régime « réactionnaire antidémocratique », soulignant
de la sorte selon son interprétation les contradictions avec
les idéaux démocratiques prônés par les États-Unis. Il évoque
également le cas de pays qui leur sont alliés par intérêt
économique, décrédibilisant la portée humaniste des valeurs
de leur modèle.
III - Dès l’année 1947, les enjeux pour chacune des puissances
sont d’étendre leur influence et de réduire celle de l’adversaire.
L’enjeu des deux discours est de défendre un modèle
contre un autre pour élargir son attractivité et développer
son réseau d’alliés. Truman annonce le choix à venir de
manière grave et solennelle : « au moment présent de
l’histoire du monde, presque toutes les nations se trouvent
placées devant le choix entre deux modes de vie » (l. 3-5).
Les peuples se voient imposer un choix binaire pour un
monde manichéen. Les États-Unis doivent être prêts à aider
leurs alliés par une « politique d’aide aux peuples libres qui
résistent actuellement » (l. 12).
Andreï Jdanov met en avant l’expérience soviétique de lutte
contre les impérialismes pour ancrer la pertinence du modèle
soviétique auprès « des combattants des mouvements de
libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants,
sur toutes les forces progressistes et démocratiques qui
existent dans chaque pays » (l. 15-17) qu’il regroupe dans le
« camp anti-impérialiste ».
Conclusion
Les deux discours sont des textes subjectifs qui visent à
imposer l’idée d’un modèle au détriment de la vérité. Il est
intéressant de retrouver comment le texte de Jdanov répond
aux déclarations de Truman et comment chacun cherche, à
partir de cette propagande, à constituer un bloc d’alliés pour
élargir son influence. Les deux extraits renvoient également à
un système de valeurs et d’actions qui fondent des idéologies
antagonistes. Ils annoncent une bipolarisation du monde où
l’idéologie est complétée par les aides économiques (plan
Marshall), les alliances militaires (OTAN et pacte de Varsovie)
et les rivalités sportives ou artistiques.
Cette opposition frontale et assumée entre les deux grandes
puissances marque les débuts de la guerre froide comme conflit
idéologique majeur et l’affirmation d’un monde bipolaire
divisé en deux blocs.
Leçon 1 p. 156-157
Deux superpuissances pour
un monde bipolaire
Problématique : Quels sont les fondements idéologiques et
les acteurs du monde bipolaire à partir de 1947 ?
Cette leçon est essentielle à la compréhension des relations
internationales après 1945. Elle en expose les fondements et
les acteurs, les dynamiques conflictuelles dont les effets sont
perceptibles à toutes les échelles. Il est indispensable de revenir
avec précision sur la dimension idéologique du conflit opposant
des systèmes de représentations antagonistes incarnés par deux
États rivaux qui sont, après la Seconde Guerre mondiale, les plus
puissants du monde. Il est également attendu d’exposer des
épisodes majeurs de la période pour affiner la compréhension du
conflit atypique qu’est la guerre froide. Les crises de Berlin ou Cuba
ainsi que la guerre du Vietnam offrent l’occasion d’inscrire le conflit
dans un temps moyen et d’en rappeler la diversité des acteurs
directs et indirects. C’est une incarnation nécessaire au travail
de l’historien qui donne une visibilité à ceux qui ont fait et subi
les tensions. Enfin, l’étude doit éviter toute lecture monolithique
de la guerre froide et en souligner plutôt les dynamiques. Les
relations entre l’URSS et les États-Unis ont connu des évolutions
sensibles qui peuvent donner lieu à une sous-périodisation de
la guerre froide. De même, la situation au sein du bloc de l’Est
comme du bloc de l’Ouest ne fut pas sans accrocs. L’opposition
entre les deux superpuissances n’a pas éteint toute forme de
contestation interne, ni les dynamiques alternatives.
Notions importantes
La première notion à prendre en compte est celle de monde
bipolaire pour signaler une partition idéologique et politique de
l’Europe et de l’Asie principalement. Elle renvoie à l’expression
de « rideau de fer » exposée par Churchill à propos de l’Europe
en 1946. La notion de Détente offre l’occasion de revenir sur les
évolutions de la relation entre les deux superpuissances, avec
une volonté d’échanges moins conflictuels à partir de 1962. Enfin
la notion de non-alignés permet de rappeler les contestations
de la bipolarisation et de la suprématie des deux Grands.
TABLEAU BILAN Ce tableau bilan dresse le portrait des deux
blocs qui s’opposent durant la guerre froide. Le choix du tableau
à double entrée permet de comparer les deux ensembles selon
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
des données essentielles à leur définition. Il est ainsi possible
de les décrire et d’en comprendre la structure mais également
de les confronter. Les nombreuses indications rendent compte
dans chaque cas d’un système idéologique structuré par une
doctrine et renforcé par des moyens militaires, économiques,
technologiques.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique aborde un aspect important
mais indirect de l’opposition entre les États-Unis et l’URSS,
la compétition sportive. Il est ici question de « soft power »
(Joseph Nye), d’influence indirecte et de propagande sur une
quarantaine d’années. Plusieurs sports ou compétitions sont
évoqués pour rappeler « la course aux médailles », l’impact
international de ces duels mais également les occasions de
contestations qu’ont pu offrir aux opposants des deux blocs
les grandes rencontres sportives.
Étude p. 158-159
Les conflits au Proche et au Moyen-Orient
Problématique : Pourquoi le Proche et Moyen-Orient est-il une
région soumise à de nombreux conflits entre 1948 et 1973 ?
Cette étude renvoie à l’objectif « les conflits du Proche et du
Moyen-Orient » entre 1945 et les années 1970. C’est un thème
dense et complexe qui est amorcé au chapitre précédent
avec le point de passage « la naissance de l’État d’Israël en
1948 ». L’enjeu est d’abord de revenir sur une région du monde
géostratégique et riche de ressources qui, depuis la fin de la
Première Guerre mondiale, concentre les tensions et les rivalités
internationales dans une articulation qui joint des dynamiques
endogènes mais aussi exogènes. Ce sont ces imbrications
entre revendications et acteurs locaux et interventions et
agents extérieurs que l’on retrouve à partir de 1948 dans un
contexte de guerre froide et de décolonisation qui renouvèle les
équilibres régionaux. La diversité des ressources et des identités,
la place de certains États, de certains courants (nationalisme,
panarabisme) et le glissement d’une influence européenne à
une contagion bipolaire, sont autant d’éléments qui expliquent
les conflits de la région, dont les guerres israélo-arabes.
Proposition de parcours 1 : les guerres israélo-arabes,
des conflits structurants pour le Proche et le Moyen-Orient
(documents 1, 2 et 5).
Proposition de parcours 2 : la guerre froide au Proche et au
Moyen-Orient (documents 2, 3, 4 et 5).
La double-page compte cinq documents dont deux cartes
qui sont essentielles à la compréhension des dynamiques
géopolitiques de la région. Le document 1 compte deux cartes
qui présentent la guerre des Six Jours (1967) et la guerre du
Kippour (1974) avec l’indication des mouvements de troupes,
des zones de conflits et des territoires sous domination
israélienne après les deux défaites arabes. Le document 4
est une carte moins dynamique qui montre, sur une période
plus longue (de 1945 à 1973), les enjeux et les modalités de la
présence américaine au Moyen-Orient. C’est également une
projection de la guerre froide dans la région. Le document 3 fait
directement écho au document 4, puisque cette source officielle
mais non publique en 1957 est un télégramme diplomatique
français qui rappelle les enjeux et les stratégies de la présence
soviétique dans la région. Les documents 2 et 5 rendent compte
91
 des victoires israéliennes en 1967 et en 1973. La photographie
(document 5) montre le retour d’un char israélien dans le
Sinaï et le texte (document 2) est une source fondamentale
qui marque de lourds contentieux sur le temps long dans la
région. La résolution 242 de l’ONU adoptée le 22 novembre
1962 énonce de nombreux points pour pacifier la région et
y assurer un équilibre qui fut renversé ou précaire malgré les
rappels de la communauté internationale.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Entre 1948 et 1973, le Proche et Moyen-Orient
connaît de nombreux tensions et conflits dont quatre guerres
israélo-arabes en 1948, 1956, 1967 et 1973. Conflits rapides
du fait de l’armement israélien, la guerre des Six Jours et la
guerre du Kippour firent plus de 30 000 morts et 60 000 blessés.
Question 2 : Les documents 1, 2 et 3 permettent de revenir
sur le rôle des États-Unis dans la région. Dans un contexte de
guerre froide, ils furent un allié pour des États comme l’Arabie
saoudite, Israël ou l’Iran avant de se rapprocher également de
l’Égypte après la guerre du Kippour. Avec la perte d’influence de
la Grande-Bretagne et de la France, les États-Unis ont également
pu tirer parti des avantages des ressources pétrolières et de
certains emplacements stratégiques de la région.
Question 3 : Dans la région, les acteurs des conflits sont à la
fois les États de la région et les puissances étrangères comme la
France et la Grande Bretagne avant de laisser place à l’URSS et
aux États-Unis. Parmi les acteurs non étatiques, l’Organisation
des Nations unies a cherché à pacifier la région en règlementant
les relations interétatiques. Les initiatives de groupes politiques
progressivement reconnus comme l’OLP créée en 1964 sont
également à relever.
Question 4 : Dès la création d’Israël en 1948, les États arabes
dont la Syrie, la Jordanie et l’Égypte dans le cadre de la Ligue
arabe entrent en guerre contre ce nouvel État. À quatre
reprises, les différentes armées se font face. Pour les États
arabes soutenus par l’URSS, le premier enjeu est de faire annuler
la création de cet État voulu et protégé par les Européens et
les États-Unis. Progressivement, l’enjeu devient pour les États
arabes de récupérer les territoires perdus par les Palestiniens et
par eux-mêmes ; pour Israël, l’urgence est de se protéger pour
ne pas disparaître, puis d’étendre ses frontières territoriales.
Bilan Le Proche et Moyen-Orient est un espace marqué
par de nombreux conflits entre 1948 et 1973 car il est au cœur
d’enjeux multiples : tout d’abord le conflit qui oppose Israël et
les pays arabes voisins, mais aussi le rôle des grandes puissances
dans la région, et en premier lieu les États-Unis et l’URSS. Enfin,
le fait que cette région recèle les plus importantes ressources en
hydrocarbures du monde la rend particulièrement stratégique
pour toutes les sociétés et économies industrialisées.
Parcours 2
Introduction :
De 1948 à 1973, la région du Proche et Moyen-Orient compte
de nombreux conflits. De l’Égypte à l’Iran et de la Turquie
au Yémen, les tensions sont récurrentes et aiguisées par les
dynamiques de la guerre froide.
92
Développement en 4 points :
- On relève plusieurs conflits dont deux guerres israélo-arabes
qui ont eu de lourdes conséquences : la guerre des Six Jours
et la guerre du Kippour.
- On relève la diversité des acteurs : États régionaux, puissance
étrangères, ONU, OLP, chefs d’États, les peuples.
- On identifie de multiples causes : les ressources, les équilibres
géostratégiques, les conflits d’usage, la guerre froide.
- On constate de nombreuses conséquences : répliques des
conflits, instabilité politique et économique de la région,
faible enrichissement, fragilité des États, logiques d’influences
étrangères plus fortes.
Étude p. 160-161
La Chine de Mao Zedong, un nouvel acteur
dans les relations internationales
Problématique : Comment la Chine communiste devient-elle
rapidement un acteur majeur des relations internationales ?
Cette étude reprend l’objectif « la Chine de Mao : l’affirmation
d’un nouvel acteur international ». Membre historique du
Parti communiste chinois, Mao Zedong engage ses partisans
à lutter contre l’occupant japonais durant la Seconde Guerre
mondiale et à s’imposer à l’issue de la guerre civile contre
les nationalistes chinois menés par Tchang Kai-Chek. Le
1er octobre 1949 à Pékin, la proclamation de la République
populaire de Chine confirme la victoire du communisme
en Chine continentale. Par sa superficie et sa démographie,
le nouvel État devient un acteur important des relations
internationales. Sous l’autorité de Mao Zedong de 1949
à 1976, les évolutions du pays sur la scène internationale
sont le résultat des dynamiques de la décolonisation et de
la guerre froide. L’étude est l’occasion de revenir sur ces
deux notions en soulignant leur imbrication dans un cas
précis et sur une période étalée. Il est également attendu de
revenir sur une chronologie fine de la guerre froide pour en
rappeler les crises, les accalmies et les contestations internes
au monde bipolaire, en l’occurrence ici le bloc de l’Est. Enfin,
les évolutions de la Chine sur la scène internationale doivent
également être rapprochées de l’émergence du tiers-monde
comme nouvel ensemble géopolitique.
Proposition de parcours 1 : la Chine de Mao Zedong, une
nouvelle puissance internationale ? (documents 2, 3, 5 et 6)
Proposition de parcours 2 : la Chine de Mao Zedong, le
communisme leader du tiers-monde ? (documents 1, 3 et 4)
Le document 1 est une photographie de Mao Zedong recevant
Hô Chi Minh en 1955, soit après la victoire du Vietnam contre
la France. Le document 4 est une affiche de propagande
montrant les peuples d’Asie et d’Afrique en lutte contre les
États occidentaux avec une unité des peuples qui reprend les
motifs du communisme. Dans les deux cas, la Chine s’affiche
comme un soutien aux peuples en lutte et un allié dans les
équilibres internationaux. Le document 2 est un tableau qui
décrit les effets des deux grandes réformes maoïstes. Les
échecs de la politique intérieure contrastent avec les ambitions
régionales et internationales. Le document 3 est un extrait
d’un discours de Zhou Enlai en 1955 lors de la conférence de
Bandung. Ministre des Affaires étrangères de la RPC, Zhou Enlai
participe à construire l’influence chinoise en Asie et en Afrique
pendant la décolonisation. Les deux derniers documents
illustrent le rapprochement de la Chine communiste avec
les États de l’Ouest, confirmant ainsi la rupture avec l’URSS.
La France reconnaît la RPC en 1964 dans un communiqué
diplomatique conjoint avec la Chine. Le document 5 est une
conférence de Charles de Gaulle qui revient sur les motivations
de cette diplomatie. Le document 6 est un communiqué
commun des États-Unis et de la Chine pour annoncer la
normalisation de leurs relations diplomatiques.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : En 1958 et en 1966 Mao Zedong engage deux
grandes réformes, le Grand Bond en avant et la Révolution
culturelle. La première vise à moderniser l’agriculture et
l’industrie du pays, la seconde vient compenser les échecs de
la première par une large entreprise idéologique qui permit
notamment de faire disparaître les opposants.
Question 2 : La Chine de Mao soutient les nouveaux pays
indépendants et cherche à s’imposer comme leur allié privilégié
pour affirmer son influence en Asie et en Afrique.
Question 3 : En 1964, la France reconnaît la RPC car c’est selon
le général de Gaulle un État incontournable en Asie.
Question 4 : Après avoir longtemps été opposés dans le cadre
de la guerre froide, la Chine communiste et les États Unis ont
confirmé leur rapprochement diplomatique en 1972. Avec la
rupture sino-soviétique confirmée en 1962, les deux États ont
comme adversaire commun l’URSS.
Bilan Entre 1949 et 1970, la Chine populaire s’est imposée
comme un acteur important des relations internationales.
A. Les caractéristiques de la Chine de Mao : situation des
campagnes et réformes agraires ; politique de développement
industrielle ; contrôle de la population chinoise.
B. La position du pays dans le non-alignement : soutien de
la Chine aux mouvements de libération nationale et au non-
alignement.
C. Les relations internationales développées par les Chinois :
relations ambiguës avec les États-Unis et l’URSS.
Parcours 2
Les deux parties ont convenu que les pays, quel que soit leur
système social, devraient conduire leurs relations sur :
- les principes du respect de la souveraineté et de l’intégrité
territoriale de tous les États ;
- le principe de la non-agression contre les autres États ;
- le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures
des autres États ;
- le principe de l’égalité et bénéfice mutuel et coexistence
pacifique.
Les deux États exposent les principes d’une coexistence
pacifique soit d’une entente mutuelle et d’un refus du conflit
avec reconnaissance de leur autorité et de leurs frontières,
et respect de leur diplomatie et de leur politique intérieure.
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
POINT DE PASSAGE p. 162-163
L’année 1968 dans le monde
Problématique : Pourquoi l’année 1968 voit-elle la
multiplication des revendications à travers le monde ?
L’année 1968 est à prendre en compte à l’échelle mondiale
dans cette étude. C’est un des trois points de passage du
thème, il est donc indispensable de s’y attarder d’une manière
ou d’une autre. La place des acteurs individuels, des peuples
en Europe, à Mexico, au Japon, en Europe de l’Est, en Afrique,
aux États-Unis y est fondamentale. À partir de cas nationaux,
il est possible de relever une dynamique commune qui au-
delà des spécificités locales rend compte de basculements
générationnels. Les exigences de liberté en Tchécoslovaquie
comme d’égalité aux États-Unis sont clamées jusqu’au conflit
au sein de modèles jusqu’à lors dominants et incontestés,
soulignant les contestations internes aux deux blocs. Fragilisés
par la guerre du Vietnam et par le mouvement des civil rights,
les États-Unis voient leur modèle écorné. La répression
soviétique contre les alliés d’Europe de l’Est favorise auprès
des mouvements étudiants européens l’essor du maoïsme
comme modèle communiste. Peut-on pour autant parler de
fin d’un monde bipolaire ?
Proposition de parcours 1 : l’année 1968, un nouveau
printemps des peuples ? (documents 1, 3 et 4).
Proposition de parcours 2 : l’année 1968, les limites d’un
monde bipolaire ? (documents 1, 2, 3 et 5).
L’étude compte cinq documents dont deux photographies
emblématiques de la contestation des autorités soviétique et
états-unienne. Le document 2 montre les chars soviétiques
intervenant en Tchécoslovaquie en août 1968 mettant fin au
Printemps de Prague. Le document 5 rappelle la visibilité
grandissante à l’échelle mondiale de la lutte contre les
ségrégations aux États-Unis. Le document 1 est l’extrait
d’un manifeste publié le 27 juin 1968 Deux mille mots qui
appartiennent aux ouvriers, aux paysans, aux employés, artistes,
savants, techniciens et tous autres qui soutient les projets de
libéralisation d’Alexandre Dubcek contre le pouvoir et la
répression soviétiques. Le document 3 est un extrait d’un
article de la presse française paru le 6 avril 1968. Journal fondé
en 1883 par une congrégation catholique, La Croix rend compte
de la mort du pasteur protestant Martin Luther King et annonce
les tensions sociales qui suivent la disparition du défenseur
de l’égalité politique aux États-Unis. Le document 4 n’est pas
une source primaire. C’est un extrait du magazine L’Histoire
(numéro 330) publié en avril 2008 pour les cinquante ans de
1968. Dans son article « Les années 1968, ou la jeunesse du
monde », Geneviève Dreyfus-Armand élargit le prisme habituel
et met en perspective les nombreuses contestations de 1968
en les inscrivant dans une lecture mondialisée.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : En 1968, les revendications politiques et sociales
se manifestent par de nombreux mouvements de contestation
dans les universités et sur les campus. Les mobilisations
étudiantes se conjuguent à des mobilisations ouvrières comme
en France ou à des mobilisations sociales plus catégorielles
comme les Africains-américains aux États-Unis.
93
 Question 2 : On peut parler de contestations mondialisées
puisque les mobilisations étudiantes se retrouvent dans de
nombreuses universités en Europe, en Amérique du Nord et
du Sud, en Asie, en Afrique de l’Ouest.
Bilan
Bloc de l’Ouest
Puissance fondatrice États-Unis
Territoires de crise en 1968 Allemagne Ouest/ États-Unis /France
Causes de contestation Liberté/guerre du Vietnam/civil rights
Acteurs de contestation Étudiants, société
Conséquences Perte d’influence du modèle américain
Parcours 2
Le document est un extrait du manifeste Deux mille mots qui
appartiennent aux ouvriers, aux paysans, aux employés, artistes,
savants, techniciens et tous autres rédigé par Ludvik Vaculik,
écrivain, et signé par 70 autres personnalités le 27 juin 1968.
Publié simultanément dans quatre journaux tchécoslovaques,
le texte rend compte du soutien au gouvernement en place
pour davantage de libéralisation dans un système communiste.
Il inscrit ces réformes nécessaires dans une relation persistante
avec l’URSS.
On peut traiter le document en insistant sur deux aspects qui
sont indissociables :
1. À l’échelle du pays : soutenir la mise en place d’un « socialisme
à visage humain » et le Printemps de Prague.
2. À l’échelle du bloc de l’Est : reconfigurer la relation avec l’URSS.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
La révolte des campus en 1968
L’année 1968 fut le théâtre de nombreuses révoltes d’étudiants
à l’échelle mondiale. Parmi les nombreux cas évoqués dans le
reportage, on peut en relever quatre qui confirment que tous
les continents furent concernés.
En Allemagne de l’Ouest, les étudiants manifestent contre
la guerre du Vietnam et une société qui contraint trop la
jeunesse. Une forte répression met difficilement fin au
mouvement étudiant.
En Espagne, les étudiants manifestent contre le régime
autoritaire du général Franco. Le gouvernement met en place
une police universitaire.
Au Japon, les étudiants dénoncent l’emprise des États-Unis au
Japon. La répression est très forte jusqu’en janvier 1969 et le
mouvement prend fin avec l’évacuation forcée de l’université
de Tokyo.
Au Mexique, les étudiants se mobilisent pour davantage de
démocratisation contre le parti unique au pouvoir mais l’armée
engage de nombreuses violences contre les manifestants. 300
étudiants sont tués au cours d’une fusillade dix jours avant les
jeux olympiques de Mexico en octobre 1968.
94
Question 3 : Les revendications sont à la fois universelles et
générationnelles : davantage de liberté et de démocratie, critique
des nouvelles formes d’impérialisme (influence des États-Unis).
Elles sont aussi spécifiques aux pays concernés contre les pouvoirs
en place ou des politiques sociales discriminantes.
Bloc de l’Est
URSS
Prague
Liberté et influence soviétique
Étudiants, société
URSS associée à une répression violente
Leçon 2 p. 164-165
Décolonisation, nouveaux acteurs
et émergence du tiers-monde
Problématique : Comment la décolonisation et l’émergence
de nouveaux acteurs remettent-elles en cause le monde
bipolaire ?
Cette leçon est étroitement liée aux précédentes. La Seconde
Guerre mondiale a affaibli les puissances européennes et
encouragé les peuples d’Asie et d’Afrique à reprendre des
luttes indépendantistes. Le premier enjeu est donc de revenir
sur les nouveaux acteurs étatiques nés de la décolonisation,
de relever leur diversité et leur nombre important qui en fait
autant de nouveaux alliés dans le cadre de la guerre froide.
On pourra prendre en compte les peuples, des personnalités
politiques, des organisations interétatiques, des États. Il est
important de souligner que la décolonisation et la guerre
froide s’inscrivent dans une même temporalité avec des
influences réciproques notables. Les nouveaux États d’Asie
et d’Afrique sont autant d’enjeux d’influence pour les États-
Unis et l’URSS. Les orientations idéologiques de ces pays
alimentent le renforcement ou la contestation du modèle
bipolaire. Sans réduire la leçon à une analyse parallèle, il
est important d’en souligner les dynamiques croisées et de
mettre ainsi en exergue la complexité des nouveaux équilibres
géostratégiques de la période.
Notions importantes : Le terme de décolonisation doit
être précisé comme un processus de transformation et
d’approfondissement sur un temps long. La notion de non-
alignement a déjà été évoquée et démontre parfaitement la
nécessité de croiser guerre froide et décolonisation. La notion
de panarabisme offre l’occasion de revenir sur un exemple
de contestation de l’ordre bipolaire selon une logique de
nationalisme culturel comme ferment politique et projet régional
finalement peu suivi par les alliés de l’Égypte nassérienne. On
pourra associer à ces notions les personnages de Abdel Gamal
Nasser, Mao Zedong, Patrice Lumumba, Indira Gandhi.
SCHÉMA BILAN Il montre d’abord la causalité entre
déclassements des puissances européennes et japonaise
et les nouveaux États indépendants en Asie et en Afrique.
L’émergence du tiers-monde est le résultat de la structuration
horizontale de ces nouveaux États refusant en 1955 toute
nouvelle forme d’impérialisme. Enfin, le schéma souligne que
malgré tout pour des raisons économiques et militaires, la
logique bipolaire fut finalement empruntée par de nombreux
États issus de la décolonisation. Les plus réticents et les plus
solides économiquement optant pour une troisième voie,
celle des non-alignés. L’intérêt est notamment de montrer les
évolutions diplomatiques de ces États issus de la décolonisation
et de distinguer tiers-monde et mouvement des non-alignés.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique aborde les modalités de lutte pour
l’indépendance en Inde.
Travail de l’historien
Problématique : En quoi la crise de Suez est-elle un exemple
des nouveaux équilibres géopolitiques au Proche et au Moyen-
Orient pendant la guerre froide ?
Face au refus des États-Unis et de la Grande-Bretagne d’aides
financières pour la construction du barrage d’Assouan, le
président Nasser proclame la nationalisation du canal de
Suez (doc. 1), point stratégique des échanges de pétrole et
de marchandises entre l’Europe et l’Asie. Dans un contexte
de décolonisation et de guerre froide, cette crise engage de
nombreux acteurs internationaux (doc. 2).
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte historique
Question 1 : Les deux documents font référence à la nationalisation
de la Compagnie universelle du canal de Suez proclamée
officiellement par le président Nasser le 26 août 1956 à Alexandrie.
Question 2 : Pour Nasser, l’enjeu est double : affirmer
l’indépendance financière de l’Égypte et refuser tout contrôle
occidental, et trouver les fonds nécessaires à la modernisation
du pays dont le premier grand chantier, la construction du
Réaliser une carte mentale de synthèse
La guerre d’Indochine
Affirmation RPC
En Asie
I. Un contexte complexe
Décolonisation
Dans le monde
La guerre froide
La France
La RPC Des États
La République
du Vietnam
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
barrage d’Assouan. Pour la Grande-Bretagne et la France, c’est
la fin de leurs parts dans la gestion de la Compagnie du canal
de Suez, c’est également la perte d’un point géostratégique
majeur. Pour les États-Unis, le discours de Nasser est un refus
catégorique de leur soutien sous conditions.
Question 3 : Les acteurs impliqués dans la crise sont les
États : l’Égypte, la Grande-Bretagne, les États-Unis. Mais le
président Nasser est une figure importante qui par cette
déclaration va s’imposer comme leader du panarabisme et
du non-alignement.
B L’historien confronte la source au contexte
Question 4 : Les motivations sont variables selon les acteurs.
Pour Nasser il s’agit d’indépendance financière, stratégique
p. 166 et de la continuation de la libération de l’Égypte contre les
impérialismes anciens et nouveaux. Il est aussi question de
modernisation du pays et de prendre toutes les mesures
nécessaires aux réformes. Pour les États-Unis, le refus d’aider
l’Égypte sans conditions est le résultat de la rivalité avec l’URSS
et de la critique d’achat d’armes soviétiques par Nasser.
Question 5 : Henry Laurens nous explique que la décision de
l’étatisation de la Compagnie du canal résulte de nombreux
facteurs. La volonté d’émancipation de Nasser mais également
la nécessité de revenus importants pour la construction du canal
de Suez, enfin le refus des États-Unis d’aider au financement
sans conditions.
C L’historien interprète la source
Question 6 : Dans l’extrait du discours à étudier, le président
Nasser n’évoque pas les États-Unis. Il est question des Égyptiens
qui ont creusé le canal, l’ont payé de leur vie et en ont été
dépossédés en partie. Nasser parle de la Grande-Bretagne et
de ses intérêts dans la région, contradictoires avec ceux de
l’Égypte de Nasser. Mais le refus de l’aide américaine n’est
pas exposé et la décision de nationalisation de la Compagnie
du canal ne repose dans le discours que sur une politique
volontariste d’émancipation et de réformes économiques.
p. 167
Affirmation
du communisme en Asie
Internationaux
Recul occidental
en Asie
La guerre d'Indochine III. Des enjeux importants
1946-1954
Indépendance Vietnam
II. Des acteurs pluriels Nationaux
Puissance française
Les populations Civils Coolies
Soldats Soutiens aux combattants
vietnamiens
Auxiliaires Français Vietnamiens
des colonies
95

Exercice BAC
Analyse de document p. 167
L’exercice proposé consiste à construire une analyse critique
d’une affiche de propagande.
Le document est un extrait d’une lettre du 30 octobre 1962
dont l’auteur est Nikita Khrouchtchev, dirigeant de l’URSS depuis
1953, adressée à Fidel Castro, chef révolutionnaire cubain
qui dirige le pays depuis 1959. Cette lettre n'est cependant
publiée pour la première fois dans le journal Le Monde que le
24 novembre 1990. Elle s’inscrit dans le contexte de la crise de
Cuba dite aussi « crise des missiles ». En avril 1962, Khrouchtchev
décide d’installer des missiles à Cuba. Les premiers missiles
arrivent dès septembre sur l’île dont le dirigeant, Fidel Castro,
s’est rapproché de l’URSS. Cette décision s’explique par les
succès remportés dans le domaine spatial soviétique et le fait
que Khrouchtchev estime que Kennedy manque d’expérience
et de fermeté. Il s’agit de défier le concurrent américain dans sa
« chasse gardée ». Le 14 octobre 1962, des avions américains
découvrent la présence de rampes de lancement et le 16, des
cargos soviétiques chargés de fusées offensives se dirigent vers
Cuba. La riposte du président américain fait reculer Moscou.
En contrepartie du retrait des missiles de Cuba, Khrouchtchev
obtient que les États-Unis renoncent à leur intention d’envahir
l’île et lèvent le blocus. Cette lettre est destinée à Castro afin de
lui expliquer les motifs de ce qui a pu apparaître comme une
reculade de l'URSS, alors que le dirigeant cubain lui demandait
de lancer une attaque préventive contre les États-Unis.
La consigne invite l’élève à mettre en évidence, à partir de
l’événement qu’est la crise de Cuba qui ne dure qu’une dizaine de
jours, le mécanisme et les logiques d’une crise de la guerre froide.
Pistes de rédaction :
Introduction : à partir de 1947, la guerre froide oppose les
États-Unis et l’URSS, les tensions se cristallisent en certains lieux
comme Berlin. C'est aussi le cas à Cuba où la crise d'octobre
1962 est caractéristique des relations entre les deux Grands. Le
document proposé permet de saisir les mécanismes de cette
crise dans un monde bipolaire. C’est un extrait d’une lettre du
30 octobre 1962 dont l’auteur est Nikita Khrouchtchev, chef de
l’URSS depuis 1953, à Fidel Castro, chef révolutionnaire cubain
dès 1959. En avril 1962, Khrouchtchev décide d’installer des
missiles à Cuba afin de défier le concurrent américain dans son
« arrière-cour ». Un bras de fer s’engage entre Khrouchtchev et
le président américain Kennedy avant que l’URSS ne recule. À
partir de l’analyse de ce document, nous montrerons en quoi
la crise de Cuba est un enjeu majeur de la guerre froide.
I -Une crise qui révèle les mécanismes de la guerre froide
- Un conflit idéologique : « ce processus de lutte continuera
tant qu’il existera dans le monde deux systèmes politico-
sociaux ». En 1947 a lieu la rupture entre les deux Grands
car tous deux défendent des modèles irréconciliables : la
démocratie libérale pour les États-Unis et le communisme
pour l’URSS. En septembre 1947, la doctrine Jdanov devient
la doctrine officielle de Moscou en matière de politique
étrangère : elle dénonce le camp impérialiste mené par les
États-Unis et auquel appartiennent les pays colonisateurs
et les pays dépendants économiquement et politiquement
des États-Unis. L’expression « menace d’une attaque des
96
impérialistes américains » employée par Khrouchtchev pour
qualifier les États-Unis, est caractéristique de la propagande
soviétique.
- Une crise qui révèle la course aux armements et l’équilibre
de la terreur nucléaire : « guerre mondiale où seraient utilisés
l’arme thermonucléaire et les missiles ». Chacun des deux
Grands cherche à obtenir la supériorité dans ce domaine
afin de maintenir une dissuasion nucléaire. Il s’agit d’utiliser
l’arsenal nucléaire comme un moyen de dissuader l’autre
camp d’utiliser le leur. Cette situation aboutit à un statu quo.
- Une crise qui montre la volonté de l’URSS de consolider son
bloc : Khrouchtchev avance l’idée que l’URSS devait agir pour
protéger Cuba de la « menace d’une attaque des impérialistes
américains que vous attendiez d’un moment à l’autre ». Castro,
qui arrive au pouvoir en 1959 à la suite du renversement du
dictateur pro-américain, se rapproche progressivement de
l’URSS qui est heureuse d’avoir un allié au sein du périmètre
de sécurité des États-Unis. Des accords commerciaux puis
militaires sont signés. Les États-Unis organisent en avril 1961
un débarquement dans la baie des Cochons pour renverser
Castro mais c’est un échec. L’île est alors placée sous embargo
économique et commercial par le président Kennedy. La
crise révèle bien la volonté de l’URSS de soutenir un nouvel
allié appartenant donc à son bloc et de contrer la volonté
américaine d’endiguement de l’influence communiste.
II - Une crise qui ouvre une nouvelle phase dans les relations
entre les deux Grands
- Une crise qui débouche sur une négociation entre les deux
Grands : l’URSS et les États-Unis cherchent à négocier une
voie qui permettrait d’éviter que la crise ne dégénère en « une
guerre mondiale où seraient utilisés l’arme thermonucléaire
et les missiles », donc en guerre nucléaire. Dès la fin du mois
d’octobre 1962, la tension retombe car un accord est trouvé,
stipulant que l’URSS promet « aux États-Unis de retirer de
Cuba la base de fusées, en échange de l'engagement des
États-Unis d'abandonner leurs plans d'invasion de Cuba par
leurs troupes ». Chacun des deux Grands cède sur un point
pour faire retomber les tensions. L’opposition frontale est
évitée.
- Khrouchtchev cherche à rassurer Fidel Castro en lui assurant
son soutien et en lui rappelant que l’objectif principal est levé :
« ce que nous avons réussi de plus important c’est d’empêcher
pour l’instant une agression de l’ennemi extérieur ».
- Cependant, il ne s’agit pas de la fin de la guerre froide comme
conflit idéologique. Le dirigeant soviétique rappelle que
« ce processus de lutte continuera tant qu’il existera dans le
monde deux systèmes politico-sociaux, tant que l’un de ces
deux systèmes, et nous savons que ce sera notre système
communiste, n’aura pas triomphé dans le monde entier ». Il
souligne sa volonté de faire triompher son modèle mais fait
sous-entendre que l’affrontement peut emprunter d’autres
voies tout en maîtrisant la course aux armements.
Conclusion : La crise de Cuba est bien l’apogée et le paroxysme
de la guerre froide. Elle révèle à la fois les motifs mais aussi les
modalités de ce conflit entre les deux Grands. Achevée par
une négociation entre Kennedy et Khrouchtchev pour éviter
une guerre nucléaire, elle ouvre une nouvelle période dans
les relations entre les deux Grands en favorisant le processus
de Détente.

Exercice BAC
Analyse de document p. 168-169
L’objectif de cette double-page est de travailler la confrontation
de deux documents.
Le document 1 est un extrait du communiqué final de la
conférence qui s’est tenue en juillet 1956 sur l’île de Brioni au
large de l’Istrie (Yougoslavie). Le texte de ce communiqué est
le produit de la rencontre de trois dirigeants :
- Tito, chef de la résistance communiste contre les nazis pendant
la Seconde Guerre mondiale, dirigeant de la Yougoslavie.
Rompant avec le stalinisme, il promeut un modèle de
développement fondé sur les masses rurales.
- Nasser qui s’est imposé à la tête de l’Égypte (il en devient le
président en janvier 1956) après des luttes politiques qui ont
fait suite au renversement du roi Farouk en 1952.
- Nehru, nationaliste membre du parti du Congrès auprès de
Gandhi, devenu Premier ministre de l’Inde en 1947 après
l’indépendance.
Ils reprennent le projet déjà formulé en 1955 à Bandung en
Indonésie ; celui du non-alignement. Par non-alignement, il
faut entendre le refus de s’aligner sur l’un ou l’autre des deux
Grands, c’est-à-dire d’adopter une politique de neutralité.
Principaux promoteurs de ce mouvement, ces trois dirigeants
sont à l’initiative de nombreuses autres conférences, de celle
de Belgrade en 1961 à celle de Lusaka en 1970.
Le document 2 est une caricature de Plantu parue dans le
journal Le Monde puis reprise dans le recueil Pauvres chéris en
1978. Reprenant la légende du joueur de flute de Hamelin des
frères Grimm, le dessinateur veut montrer le caractère vain
de la politique de non-alignement, chacun des membres du
groupe s’alignant derrière un des deux Grands.
La consigne : Confrontez ces deux documents afin de caractériser
la volonté d’émancipation des États non-alignés pour la plupart
issus du tiers-monde.
L’analyse du document constitue le cœur de votre travail, mais
nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
Cette consigne demande explicitement à l’élève de confronter les
deux documents, c’est-à-dire de mettre face à face, de comparer et
d’opposer les deux documents. Ainsi, il fera apparaître comment
le document 2 permet de relativiser les idées développées par
les promoteurs du non-alignement du document 1.
Étape 1 : Présenter les documents
Les documents sont de nature différente et ne sont pas
contemporains. Le document 1 est un extrait du communiqué
final de la conférence de Brioni en 1956, produit des trois
dirigeants Tito, dirigeant de la Yougoslavie, Nasser, président
égyptien et Nehru, Premier ministre indien depuis 1947. Le
document 2 est quant à lui une caricature de Plantu datée
de 1978. Le thème des deux documents est commun car ils
traitent du non-alignement.
Les relations internationales s’organisent dans les années 1960
selon une logique bipolaire dans le contexte de la guerre froide.
Étape 2 : Analyser la consigne
Le « tiers-monde » est une expression créée par Alfred Sauvy
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
en 1952 et désigne les pays en développement, souvent issus
de la colonisation. Ces pays, malgré leur poids démographique,
sont peu représentés sur la scène internationale et dans le
commerce mondial. Le non-alignement apparaît comme un
moyen de s’affirmer dans les relations internationales.
Les deux axes de réponse de l’analyse sont donnés dans le
manuel.
Étape 3 : Confronter les documents et les mettre en relation
avec des connaissances personnelles
La conférence de Bandung se tient au mois d’avril 1955 en
Indonésie. Y sont représentés 29 États indépendants dont
5 africains et 15 asiatiques : Soekarno (Indonésie), Nehru
(Inde), Kwame Nkrumah (Ghana), Nasser (Égypte) et Zhou
Enlai pour la Chine mais aussi membres du Front de libération
nationale luttant en Algérie contre la métropole française.
Décolonisation et développement sont au cœur des discussions.
Les participants affirment le droit des peuples à disposer d’eux-
mêmes, le refus de toute pression de la part des deux Grands
ainsi que la volonté de développement économique.
« Les conflits et tensions du monde actuel » font référence
à la guerre froide mais aussi aux guerres de décolonisation
(la guerre d’Indochine vient de s’achever en 1954 alors que
débute la guerre d’Algérie).
Les deux blocs sont :
- le bloc soviétique autour de l’URSS qui regroupe les pays
d’Europe de l’Est, la Chine et le Vietnam.
- le bloc de l’Ouest autour des États-Unis qui regroupe
l’Amérique, sa « chasse gardée », l’Europe de l’Ouest, l’Océanie,
de nombreux pays du Proche et Moyen-Orient, le Japon et
la Corée du Sud.
Ces deux blocs sont soudés par un ciment idéologique mais
aussi des alliances militaires et économiques.
Le tiers-monde veut s’affirmer de deux manières :
- il défend l’idée d’un monde pacifié, prône le désarmement
notamment nucléaire et la fin de la course aux armements ;
- il promeut le développement économique pour sortir de la
pauvreté. Il espère le soutien de la communauté internationale
et la solidarité des pays riches.
L’événement auquel il est fait allusion à la fin du document 1
est la guerre d’Algérie qui a débuté le 1er novembre 1954.
C’est une dénonciation de la violence de la répression exercée
par l’armée française sur les militants du FLN. La conférence
réaffirme la condamnation du colonialisme.
Les deux États représentés sont les États-Unis à gauche et
l’URSS à droite. Chacun part dans un sens opposé. On peut y
voir l’impossibilité de conciliation de leurs modèles respectifs.
On peut identifier deux groupes de souris : l’un suit le joueur de
flûte soviétique, l’autre le musicien américain. Chaque groupe
représente les pays qui décident finalement de suivre l’un ou
l’autre des modèles comme on peut le voir sur la carte p. 146.
Une autre souris reste debout stupéfaite. Elle symbolise le
non-alignement qui se retrouve vidé de sens.
Étape 4 : Confronter les informations des deux documents
Les deux documents témoignent de la bipolarité du monde :
- Document 1 : « La division du monde actuel en puissants
blocs de nations ».
97
 - Document 2 : les deux joueurs de flûte.
La phrase « la paix doit être recherchée non à travers la
division mais en visant la sécurité collective sur une base
universelle, en élargissant la sphère de liberté et en mettant
fin à la domination d’un pays sur un autre », peut définir le
non-alignement.
Les objectifs fixés par les signataires du document 1 sont
remis en cause dans le document 2 car ce document montre
bien l’échec du non-alignement. Les pays du tiers-monde
se rangent en effet derrière l’un ou l’autre des deux Grands
espérant obtenir soutien financier et militaire.
Après avoir demandé un soutien financier aux Occidentaux,
Nasser accepte l’aide de l’URSS dans les années 1960 pour la
construction du barrage d’Assouan.
Pistes de rédaction :
Introduction : après 1945, le mouvement de décolonisation
en Asie et en Afrique fait apparaître de nouveaux acteurs sur
la scène internationale : ces nouveaux États indépendants
cherchent à s’organiser pour se libérer de la dépendance
des anciennes métropoles coloniales. Avec les pays
d’Amérique Latine, ils forment le tiers-monde, c’est-à-dire
l’ensemble des pays en développement, qui, malgré leur
poids démographique, sont peu représentés sur la scène
internationale et dans le commerce mondial. Ils cherchent à
s’affirmer en mettant en avant leurs spécificités. Le document
1 est un extrait du communiqué final de la conférence qui
s’est tenue en juillet 1956 à Brioni, signé par Tito, dirigeant
de la Yougoslavie communiste mais en rupture avec l’URSS,
Nasser président égyptien et Nehru, Premier ministre indien.
Ce communiqué livre les objectifs du non-alignement qu’ils
promeuvent. Le non-alignement est aussi le sujet du document
2, caricature du dessinateur Plantu issue du recueil Pauvres
chéris en 1978. Nous confronterons les idées mises en avant
dans ces deux documents pour caractériser la volonté
d’émancipation des États non-alignés pour la plupart issus
du tiers-monde. Nous suivrons deux axes d’analyse en étudiant
d’abord l’attitude volontariste des principaux dirigeants
non-alignés pour affirmer leur place dans le monde avant
d’identifier les limites de cette affirmation.
Les dirigeants non alignés ont une attitude volontariste
pour affirmer leur place dans le monde. Le non-alignement
désigne cette politique des pays qui veulent rester à l’écart de
la guerre froide. Ce concept est né lors de la « conférence tenue
à Bandung » en avril 1955 en Indonésie. Y sont représentés
29 États indépendants dont 5 africains et 15 asiatiques :
Soekarno (Indonésie), Nehru (Inde), Kwame Nkrumah (Ghana),
Nasser (Égypte) et Zhou Enlai pour la Chine mais aussi membres
du Front de libération nationale luttant en Algérie contre
la métropole française. Les trois dirigeants réunis à Brioni
reprennent les principaux objectifs formulés en 1955 et les
approfondissent. Ils réaffirment le refus de toute ingérence
des deux Grands, l’ordre bipolaire est dénoncé en ces termes
« la division du monde actuel en puissants blocs de nations
tend à perpétuer les craintes » de guerre. Ceci traduit le refus
de rejoindre l’un ou l’autre des blocs et de rentrer dans les
systèmes d’alliances militaires et économiques qui les soudent.
Ils souhaitent un monde pacifié en soulignant que « le progrès
vers le désarmement est essentiel pour diminuer la crainte de
98
conflit », notamment en ce qui concerne les armes atomiques.
Ils réclament la fin de la terreur nucléaire faisant craindre au
monde que toute agression d’un des Grands n’aboutisse à
la destruction des deux blocs en cas d’utilisation des armes
atomiques. Cette affirmation passe aussi par le développement
économique et la sortie de la pauvreté qui caractérisent ces
états du tiers-monde. L’enjeu est la création d’un nouvel
ordre économique mondial fondé sur « une coopération
économique et financière internationale ». Exportateurs de
matières premières, ils réclament des prix plus avantageux
pour ces produits qu’ils vendent aux pays riches. La conférence
de Brioni entérine aussi la condamnation du colonialisme et
le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes encourageant
ainsi la décolonisation de l’Afrique qui est en cours. Les trois
dirigeants affirment leur soutien aux indépendantistes algériens
dans la guerre qui les oppose à la France depuis le 1er novembre
1954 : « ils se doivent d’exprimer leur sympathie pour le désir
de liberté du peuple algérien ». C’est une dénonciation de la
violence de la répression exercée par l’armée française sur les
militants du FLN. L’Organisation des Nations unies citée à de
très nombreuses reprises au cours du communiqué doit servir
de caisse de résonance des revendications des non-alignés.
Cependant, cette volonté d’affirmation des pays non-alignés se
heurte à un certain nombre de limites. Si dans les années 1960,
ils se structurent au sein de l’ONU dans la CNUCED, Conférence
des Nations unies pour le commerce et le développement, créée
en 1964, ils se heurtent à un certain nombre de difficultés. Il
apparaît tout d’abord difficile d’échapper à la logique bipolaire
comme le réclamaient les trois chefs d’État réunis à Brioni.
Dès les années 1960, le tiers-monde devient un des champs
d’affrontement indirect entre les deux blocs, fournissant armes
et conseillers militaires ou s’engageant directement dans les
conflits. La caricature reprenant le conte de Grimm souligne
bien cette idée que le non-alignement paraît impossible.
On y voit deux groupes de souris : l’un suit le joueur de flûte
soviétique, l’autre le musicien américain, chacun des deux
étant représenté par son drapeau. Chaque groupe représente
les pays non-alignés qui décident finalement de suivre l’un ou
l’autre des modèles. Au centre, une seule souris reste debout
stupéfaite et symbolise le principe du non-alignement qui se
retrouve vidé de ses soutiens. L’expression de non-alignement
apparaît donc abusive dès les années 1960 quand certains
membres rejoignent l’un ou l’autre des camps. Les non-
alignés, dont beaucoup appartiennent au tiers-monde, ont
besoin des superpuissances américaine et soviétique pour
se développer par un soutien financier et/ou technique. Le
président égyptien Nasser, un des initiateurs du mouvement,
comme le montre le document 1, demande d’abord un soutien
financier aux Occidentaux puis accepte l’aide de l’URSS dans
les années 1960 pour la construction du barrage d’Assouan.
La majorité des pays non-alignés finissent par adopter soit un
modèle de développement socialiste, avec nationalisations
ou collectivisations, soit un modèle de développement libéral
fondé sur l’exportation et ouvert aux capitaux étrangers, deux
modèles opposés suggérés par l’attitude des joueurs de flûtes.
Les non-alignés prônent aussi le désarmement nucléaire et
la limitation de la course aux armements. Si, avec les accords
SALT 2 en 1972, cette dernière devient une réalité, elle est
moins due à la pression des non-alignés qu’à la volonté des
deux Grands de chercher à sortir de la logique d’une guerre
indirecte perpétuelle. Enfin, il faut souligner qu’entre les non-
alignés, il existe des tensions qui peuvent dégénérer en conflits
armés, limitant l’efficacité de leur politique.
Conclusion : Les deux documents offrent une vision
complémentaire du mouvement des non-alignés. Si ce dernier
cherche à établir un nouvel ordre géopolitique et économique
mondial fondé sur le refus de la logique bipolaire et la solidarité,
il apparaît être un échec. L’ordre bipolaire reste bel et bien
une réalité fondamentale des années 1950 aux années 1970.
Ce n’est qu’à partir des années 1970 et de l’émergence de
nouvelles puissances issues du tiers-monde comme la Chine
ou les Nouveaux pays industriels d’Asie que le monde sort peu
à peu de la logique bipolaire. Le non-alignement ne résiste pas
à cet éclatement du tiers-monde.
Exercice BAC
Analyse de document p. 170-171
L’objectif de cette double-page est d’aider l’élève à rédiger une
introduction et une conclusion en partant de l’observation et
de l’imitation de modèles proposés.
Le sujet : En quoi l’ordre bipolaire est-il remis en cause dans
les années soixante ?
Étape 1 : Analyser la question problématisée
L’ordre bipolaire désigne l’organisation du monde fondée sur
la confrontation indirecte et la compétition entre États-Unis et
URSS, basée sur l’opposition entre deux modèles. Il repose sur la
division du monde en deux blocs opposés et structurés autour
de ces deux superpuissances (alliances économiques, militaires).
Les années 1962 et 1968 peuvent convenir pour ce sujet : 1962
correspond à la crise de Cuba et à une nouvelle phase des
relations entre URSS et États-Unis marquée par la Détente, et
1968 est une année où les contestations à l’intérieur des blocs
sont fortes (voir le PPO « 1968 dans le monde »).
Le sens de l’expression interrogative « en quoi » est expliquée
dans le manuel.
Les modèles américain et soviétique sont contestés à la fois
par des groupes d’États mais aussi à l’intérieur de leurs blocs.
Les nouveaux acteurs qui les bousculent sont les États du
tiers-monde mais aussi la Chine pour l’URSS ou la France de
de Gaulle pour les États-Unis. Ce sont aussi des acteurs issus
de la société civile comme ceux qui constituent l’opinion
publique américaine ou les citoyens des démocraties populaires.
Cette remise en cause n’est pas totale car ces contestations
s’éteignent ou sont réprimées, le non-alignement échoue, la
France reste dans l’Alliance atlantique. Seule la Chine rompt
définitivement avec l’URSS.
Étape 2 : Construire le plan en mobilisant ses connaissances
Le plan est construit dans le manuel.
Étape 3 : Rédiger l’introduction et la conclusion
A. L’introduction
Seule la proposition 2 correspond aux critères développés
dans la méthode.
Proposition 1 : Justification : l’amorce ne convient pas pour
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
le sujet qui porte sur la guerre froide et non la décolonisation
Proposition 2 : Justification : l’amorce remet le sujet en
perspective en rappelant le contexte de la guerre froide et
donc définit l’ordre bipolaire. La question problématisée est
indiquée et le plan est annoncé.
Proposition 3 : Justification : l’annonce des axes de la réponse
problématisée sont absents.
B. La conclusion
Seule la proposition 1 convient.
Proposition 1 : Justification : la conclusion fait correctement
le bilan de la réponse et propose une ouverture qui s’appuie
sur des éléments précis et pertinents qui font référence à la
période ultérieure au sujet proposé.
Proposition 2 : Justification : si le début de la conclusion
est satisfaisant car il propose une réponse à la question
problématisée, l’ouverture est trop imprécise et pourrait
convenir à n’importe quel sujet sur la guerre froide.
Sujet d’entraînement :
SUJET Comment les États-Unis et l’URSS s’affirment-
ils dans les relations internationales de 1947 à la fin des
années 1960 ?
Analyse du sujet :
États-Unis et URSS sont les deux Grands après la Seconde
Guerre mondiale. Ils reposent sur des modèles idéologiques,
économiques et politiques opposés, le capitalisme et la
démocratie libérale pour le premier et le communisme pour
le second.
Le verbe « s’affirmer » invite à s’interroger sur l’extension de
leur influence dans le monde (« les relations internationales »)
et les moyens employés. Mais il faut retenir aussi que cette
affirmation ne se fait pas sans remises en cause et contestations.
Les limites chronologiques du sujet sont :
- 1947 : année de la rupture entre les deux Grands (doctrines
Truman et Jdanov, plan Marshall).
- 1968 : année où les contestations à l’intérieur des blocs sont
fortes (voir le PPO « 1968 dans le monde ») montrant ainsi un
frein à l’affirmation des deux Grands.
Introduction :
Après la Seconde Guerre mondiale, États-Unis et URSS, alliés
pendant le conflit, voient rapidement leurs relations se
détériorer, chacun cherchant à défendre sa zone d’influence
afin de protéger ses intérêts. La rupture de cette alliance
est définitive en 1947 et marque une nouvelle ère dans les
relations internationales. Comment les États-Unis et l’URSS
s’affirment-ils dans les relations internationales de 1947 à la fin
des années 1960 ? Nous verrons tout d’abord comment entre
1947 et 1953, les deux Grands mettent en place leurs zones
d’influence avant de montrer que de 1953 à la fin des années
1960, les théâtres d’intervention des États-Unis et de l’URSS
s’étendent à l’ensemble de la planète. Enfin, nous analyserons
comme cette affirmation d’un ordre bipolaire fait naître des
contestations.
Conclusion :
États-Unis et URSS affirment leur influence sur la scène
internationale de 1947 à la fin des années 1960 au point
que le monde devient bipolaire, l’ensemble des relations
internationales étant conditionné par leur opposition. Cette
99
 influence se fait ressentir aux quatre coins de la planète et
provoque aussi des contestations qui, si elles gênent cette
affirmation de puissance, ne remettent pas fondamentalement
en cause l’ordre bipolaire. Cependant, au début des années
1970, on peut noter la volonté de sortir de cette guerre
perpétuelle avec des conférences sur le désarmement (SALT
1 en 1972) ou la normalisation des relations diplomatiques
(conférence d’Helsinki en 1975).
Auto-évaluation p. 172
OBJECTIF 1
- Les enjeux de la guerre froide sont fondamentalement
idéologiques et attestent d’une opposition frontale mais aux
conflits indirects entre les deux superpuissances après 1945.
Ils renvoient à des choix militaires, économiques et culturels
qui sont des moyens d’affirmation de la puissance pour les
États-Unis ou l’URSS.
- En Asie et en Afrique les conséquences de la décolonisation
sont nombreuses. On relèvera notamment la naissance ou
l’affirmation de nouveaux États indépendants. L’influence
européenne est en net recul au profit de l’influence américaine
OBJECTIF 2
- Remplissez le tableau ci-contre pour faire le point.
Bloc Ouest
Grande puissance États-Unis
Pays membres Grande-Bretagne, France, Italie, Canada, RFA, etc.
Idéologie Libéralisme
Moyens militaires et technologiques Armes atomiques et fort potentiel aérospatial
Crises majeures Berlin (1949/1961), Cuba (1962)
- De 1949 à sa mort en 1976, Mao Zedong dirige la Chine
communiste et impose de nombreuses réformes intérieures.
Il engage aussi la Chine sur la voie de la puissance par
l’armement nucléaire en 1964 et l’affirmation régionale
du pays au sein du tiers-monde dès 1955 à Bandung. La
Chine cherche à affirmer son statut d’allié des nouveaux
États indépendants en Asie puis en Afrique. D’abord allié
naturel de l’URSS dans le cadre du modèle communisme
commun et des aides apportées par Moscou, Mao rompt
progressivement avec l’URSS et favorise un rapprochement
avec les États-Unis dès 1971.
- Entre 1956 et 1973, de nombreux conflits bousculent le
Proche-Orient. Les guerres israélo-arabes comptent parmi ces
principales tensions qui ont conjugué des logiques régionales
et des influences internationales. Ainsi la guerre des Six Jours
en 1967 et la guerre du Kippour en 1973 opposèrent l’État
d’Israël soutenu par les États-Unis aux États arabes dont
l’Égypte, la Jordanie, la Syrie et les combattants palestiniens
100
et/ou soviétique sauf dans les cas de non-alignement des
États. Des entreprises d’affirmation régionales (tiers-monde
ou panarabisme) sont également à prendre en compte.
- La guerre du Vietnam fait suite à la fin de la guerre d’Indochine
avec la victoire de la République du Nord Vietnam. De
1955 à 1975, la guerre du Vietnam oppose la partie nord
du pays soutenue par la Chine et l’URSS à la partie sud du
pays soutenue par les États-Unis qui, au-delà des armes et
de la logistique, décident d’envoyer leurs troupes au sol
pour éviter une victoire du Nord Vietnam et par la même du
communisme. On a donc à la fois une guerre civile et une
influence de la guerre froide avec la participation directe
des armées américaines. Les deux Vietnam qui s’opposent
subissent aussi une logique bipolaire.
- En 1962 la crise de Cuba témoigne de la vivacité de l’opposition
entre les États-Unis et l’URSS ; elle en illustre aussi la dangerosité
avec la peur atomique qui est plus perceptible à l’échelle de
Cuba et à l’échelle mondiale. Les États-Unis et l’URSS s’opposent
frontalement et la gravité du risque engage une nouvelle
période avec une « normalisation » des relations Est/Ouest,
une diplomatie plus directe entre les États-Unis et l’URSS. La
période est qualifiée de Détente. La crise de Cuba fragilise
aussi la position de Nikita Khrouchtchev au sein du parti
communiste soviétique et accélère la rupture sino-soviétique.
Bloc Est
URSS
RDA, Corée du nord, Chine (jusqu’aux années 1960), etc.
Communisme
Armes atomiques et fort potentiel aérospatial
Berlin (1949/1961), Cuba (1962)
dont certains regroupés au sein de l’OLP depuis 1964. Les
principaux enjeux sont territoriaux et rendent compte
des tensions autour des ressources, des déplacements de
populations, de la gestion des lieux saints.
OBJECTIF 3
Notions
Décolonisation : processus conduisant à l’indépendance
d’une colonie.
Guerre froide : période pendant laquelle les États-Unis et
l’URSS s’opposent de façon idéologique, politique, économique
et militaire, sans réel affrontement direct.
Impérialisme : domination d’un État sur un autre État dans
différents domaines (politique, économique, culturel, etc.).
Non-alignement : attitude de neutralité de certains pays vis-
à-vis du bloc occidental et du bloc communiste.
Tiers-monde : expression créée par Alfred Sauvy en 1952
(en référence à l’expression tiers état) qui désigne les pays en
développement, souvent issus de la colonisation. Ces pays,
malgré leur poids démographique, sont peu représentés sur
la scène internationale et dans le commerce mondial.
Savoir expliquer
- À partir de 1955, la décolonisation reconfigure le monde
bipolaire mis en place par la guerre froide. Processus
conduisant à l’indépendance d’une colonie, la décolonisation
s’accélère après la Seconde Guerre mondiale. D’abord
en Asie puis en Afrique, de nouveaux États apparaissent
ou confirment leur indépendance après un conflit de
décolonisation ou des accords signés avec les puissances
Chapitre 5 • Une nouvelle donne géopolitique : bipolarisation et émergence du tiers-monde
coloniales. C’est le cas de l’Inde en 1947, du Vietnam en
1954, de l’Algérie en 1962, du Sénégal en 1960. En 1955 à
Bandung, une trentaine de ces nouveaux États se regroupent
au sein du tiers-monde et, s’opposant à toute nouvelle
forme d’impérialisme, affirment leur volonté de refuser la
logique bipolaire qui s’impose au monde. Certains, comme
l’Égypte, vont plus loin dans le cadre du mouvement des non-
alignés. Néanmoins, face aux difficultés économiques et aux
tensions territoriales entre nouveaux États, de nombreux pays
nouvellement indépendants adoptent la logique bipolaire
et acceptent le soutien d’un des deux Grands. L’Égypte se
rapproche ainsi de l’URSS après la crise de Suez en 1956,
puis des États-Unis en 1978.
101
102
 CHAPITRE
La France : une nouvelle place
6 dans le monde

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 2 - La multiplication des acteurs internationaux dans un monde bipolaire (de 1945 au début des années 1970)

Chapitre 6. La France : une nouvelle place dans le monde

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à montrer comment la France de l’après-guerre s’engage dans la construction européenne,
comment elle cesse d’être une puissance coloniale et retrouve un rôle international, comment elle réforme ses
institutions et ouvre davantage son économie.
On peut mettre en avant :
– La IVe République entre décolonisation, guerre froide et construction européenne ;
– La crise algérienne de la République française et la naissance d’un nouveau régime ;
– Les débuts de la Ve République : un projet liant volonté d’indépendance nationale et modernisation du pays.

Points de passage et d’ouverture – La guerre d’Algérie et ses mémoires ;

– Charles de Gaulle et Pierre Mendès-France deux conceptions de la République ;
– La constitution de 1958.

Problématique du chapitre : Considérer que la période étudiée commence après la Libération

Comment la France, de 1945 à 1969, redéfinit-elle sa place
dans le monde ?
Il s’agit de comprendre comment la France, sortie exsangue
de la guerre et soumise à un contexte international singulier,
celui de la guerre froide et de la décolonisation, maintient
son rang de puissance mondiale après 1945, alors même que
certains aspects de sa puissance (comme son empire colonial)
ont disparu. Jacques Dalloz, dans La France et le monde depuis
1945, précise cette problématique en demandant « comment
la France garde-t-elle un rang mondial après 1945 alors qu’elle
n’est plus qu’une puissance moyenne » ? De 1945 à 1969,
les politiques intérieure et extérieure des gouvernements
en France sont tendues vers l’affirmation de la puissance.
Elles sont aussi marquées par de fortes continuités que
colorent singulièrement, mais sans les remettre en cause,
l’interprétation présidentialiste de la Constitution par Charles
de Gaulle et son ambition de « grandeur ». Elles se conjuguent
de façon évidente à différentes dates (1958, Constitution
de la Ve République et 1962, indépendance de l’Algérie, par
exemple). Leur conjugaison explicite les liens entre l’évolution
des institutions, la transformation de la puissance et les
contingences diplomatiques. C’est l’intérêt de ce chapitre qui
met en valeur l’usage d’une histoire politique décloisonnée,
à différentes échelles.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Le programme indique que le chapitre concerne la France
de l’après-guerre, c’est à dire une période marquée par les
nécessités de refondation de la République et de reconstruction.
en 1944 est donc une évidence. Déterminer à quel moment
doit se terminer l’étude du chapitre pose en revanche une
difficulté. Le chapitre s’inscrit dans le thème 2 dont les bornes
sont 1945-début des années 1970. Si la politique extérieure de
la France connaît de fortes continuités de 1945 aux années 1970,
son histoire politique comporte deux évidentes ruptures : d’une
part avec le changement de régime en 1958, d’autre part avec la
démission de de Gaulle, le 27 avril 1969. Par ailleurs, d’un point
de vue économique, la France connaît une croissance régulière
à partir de l’après-guerre, mais les premiers ralentissements
et leurs conséquences sociales se font sentir dès la fin des
années 1960, et en particulier dès 1967-1968. Porter la fin de
période de croissance aux années 1973-1975, comme le suggère
l’expression des « Trente Glorieuses », néglige ces prémisses.
Aussi, parce que la toute fin des années 1960 représente à la
fois un tournant politique (la fin de la période gaullienne) mais
aussi économique et culturel (« mai 68 »), il a semblé pertinent
de prendre 1969 comme date de fin du chapitre.
Notions importantes et personnages principaux :
Charles de Gaulle (1890-1970) : officier reconnu, il s’exile à
Londres en juin 1940 et constitue autour de lui la « France libre ».
Il participe à l’organisation du débarquement et défend la place
de la France parmi les vainqueurs au cours des conférences
internationales de 1944 et 1945. En 1946, en désaccord avec
la future Constitution, il décide de se retirer de la vie politique.
Il revient au pouvoir lors de la crise de mai 1958 et assume la
fonction de président de la République jusqu’en 1969, date à
laquelle il démissionne.

Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 103

 Pierre Mendès France (1907-1892) : homme politique radical
socialiste, il s’engage dans la Résistance dès 1940. À la Libération,
il devient ministre de l’Économie dans le gouvernement
provisoire dirigé par de Gaulle. Député sous la IVe République,
il est investi président du Conseil en juin 1954. Dans un contexte
difficile de décolonisation et de guerre froide, il met en œuvre
l’indépendance de l’Indochine, du Maroc et de la Tunisie. Il
démissionne en février 1955.
Trente Glorieuses : période qui s’étend de 1945 à 1973, marquée
par une forte croissance économique et l’essor d’une société
de consommation dans les pays occidentaux, dont la France.
Intégration (économique) : processus de convergence des
politiques (économiques) d’un ensemble de pays.
Décolonisation : processus conduisant à l’indépendance
d’une colonie.
Guerre froide : période pendant laquelle les États-Unis et
l’URSS s’opposent de façon politique, idéologique, économique
et militaire, sans réel affrontement direct.
Libéralisation : processus de mise en place de dispositifs
favorisant les principes du libéralisme économique.
Régime parlementaire : régime politique dans lequel les
pouvoirs exécutif et législatif sont séparés et dans lequel le
gouvernement est responsable devant le Parlement.
Présidentialisation : processus politique amenant au
renforcement des pouvoirs du président de la République à
l’encontre de ceux du Parlement.
Nouvelle Vague : mouvement cinématographique porté par
des réalisateurs français dans les années 1960. Il modifie les
règles traditionnelles de narration et de prise de vue.
Tiers-monde : expression qui désigne les pays en
développement, souvent nouvellement indépendants et qui
ont très peu de poids politique dans le monde. L’expression
est créée en 1952 par Alfred Sauvy, un économiste français, et
fait référence au tiers état d’avant 1789.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Le programme envisage de consacrer de 13 à 15 h au traitement
du thème 2, ce qui laisse 5 h maximum pour le chapitre 6 :
des choix sont nécessaires pour donner une cohérence à
la démonstration en si peu de temps. Deux parcours sont
proposés, un parcours long et un parcours rapide si nécessaire.
Dans les deux cas, les notions importantes et les points de
passage et d'ouverture articulent le raisonnement.
Dans un parcours long de 5 h, on peut envisager la progression
suivante. Les élèves ont répondu chez eux aux questions des
pages 176 et 177 en amont de la première séance consacrée
au chapitre 6. Lors de cette séance, les réponses aux questions
sont mutualisées et confrontées aux deux photographies de
l’ouverture, pages 174 et 175. La problématique étant posée,
104
on peut aborder la question de l’intégration de la France à
différentes échelles dans un contexte de guerre froide, c’est-
à-dire la politique extérieure française dans l’après-guerre. La
deuxième séance peut ensuite porter sur la politique intérieure
de la France et les évolutions de régime depuis 1946, en traitant
le point de passage « Charles de Gaulle et Pierre Mendès France,
deux conceptions de la République » (p. 180-181), suivi de celui
sur la Constitution de 1958 (p. 188-189). Faire se suivre les deux
points de passage permet de montrer l’inscription du débat
institutionnel et la question de la refondation républicaine dans
un temps long, mais nécessite un travail préalable des élèves
à la maison. La troisième séance est consacrée au troisième
point de passage obligatoire, dense et sensible : la guerre
d’Algérie et ses mémoires (p. 184-187), introduites dans la
deuxième séance par l’évocation de la crise du 13 mai 1958.
Pour traiter ce point en 1 h, on peut imaginer une répartition
des documents à étudier par groupes, comme le proposent les
parcours 1 des pages 185 et 187, avec présentation collective
des réponses en classe. Les parcours 2 des pages 185 et 187
permettent d’amener les élèves à synthétiser les informations
pour garder des traces écrites efficaces. La quatrième séance
peut se composer de l’étude sur la modernisation économique
de la France (p. 192-193), à laquelle viennent répondre en
contrepoint les exercices de la page 198 sur « mai 68 ». Enfin, la
cinquième séance concerne la politique extérieure de la France
sous de Gaulle (p. 194-195) : c’est une séance de conclusion
qui permet d’évaluer la place de la France dans le monde en
1969, tout en mesurant l’importance de la continuité politique
nécessaire depuis 1945 pour y arriver.
Dans un parcours court de 3 h, les trois points de passage
et d'ouverture organisent un raisonnement cohérent pour
répondre à la problématique du chapitre. La première séance
montre l’importance d’une refondation après la guerre pour
garantir à la France un rôle mondial. Elle est axée sur l’étude de
la Constitution de 1958 (p. 188-189) et se réfère aux conceptions
différentes de de Gaulle et de Mendès France concernant les
institutions (p. 180-181). La deuxième séance est consacrée à
la guerre d’Algérie et ses mémoires (p. 184-187). Elle permet
de montrer l’importance du conflit dans l’évolution du régime
républicain et le nécessaire repositionnement français dans
un contexte international singulier (celui de la guerre froide
et de la décolonisation) : l’indépendance de l’Algérie en 1962
marque un jalon pour la Ve République. Enfin, la troisième
séance peut s’organiser autour des cartes pages 176 et 177, de
quelques documents choisis dans l’étude sur la modernisation
de l’économie française (p. 192 et 193) et dans celle sur la
politique extérieure gaullienne (p. 194 et 195) pour évaluer, à
travers différents critères, la puissance française. Ainsi, auront
été abordés les différents éléments, à la fois politiques et
économiques, qui expliquent la place de la France dans le
monde à la fin des années 1960.
 Bibliographie et sitographie
OUVRAGES DE RÉFÉRENCE
Sur la guerre d’Algérie
Raphaëlle BRANCHE, La Guerre d’Algérie :
une histoire apaisée ?, Seu il, 2005.
Jean-Charles JAUFFRET, Des Hommes et des
femmes en guerre d’Algérie, Autrement,
2003.
Jean-Charles JAUFFRET, Soldats en Algérie,
1954-1962, Autrement, 2000.
Guy PERVILLÉ, Atlas de la guerre d’Algérie,
Autrement, 2011.
Guy PERVILLÉ, La Guerre d’Algérie : histoire
et mémoires, Éditions du Centre régional de
documentation pédagogique (CRDP), 2008.
Sylvie THÉNAULT, en codirection avec
Abderrahmane BOUCHÈNE, Jean-Pierre
PEYROULOU et Ouanassa SIARI TENGOUR,
Histoire de l’Algérie à la période coloniale :
1830-1962, La Découverte, 2014.
Benjamin STORA et Sébastien VASSANT,
Histoire dessinée de la guerre d’Algérie,
Seuil, 2016.
Sur la France de 1945 à 1969
Jean-Jacques BECKER, Histoire politique de
la France depuis 1945, Armand Colin, 2011.
Jacques DALLOZ, La France et le monde
depuis 1945, Armand Colin, 2014.
Tristan LECOQ (dir.), Enseigner de Gaulle,
Canopé éditions, 2018.
Dominique LEJEUNE, La France des Trente
Glorieuses, Armand Colin, 2015.
Pierre MENDÈS FRANCE, Gouverner, c’est
choisir, Gallimard, 1986.
Éric ROUSSEL, Pierre Mendès France,
Gallimard, 2007.
Michelle ZANCARINI-FOURNEL, Les Luttes et
les rêves, une histoire populaire de
la France, Zones, 2016.
Sitographie
Un site qui donne les clés pour comprendre
les politiques publiques, les grands débats
qui animent la société et le contexte
international : https://vie-publique.fr/
Un site permettant de découvrir à travers
les nombreuses archives disponibles des
thématiques très diversifiées :
https://www.ina.fr/pages-carrefours/
fresques-interactives
Site de la Fondation Charles de Gaulle
qui a pour mission de servir la mémoire du
général de Gaulle : http://www.charles-de-
gaulle.org/

seule réponse politique au mouvement indépendantiste

Ouverture p. 174-175
algérien. Les forces en présence sont montrées dans cette
Le document 1 est une photographie prise en mars 1956 dans image comme extrêmement inégales, ce qui correspond à la
la région de Constantine. Cette région est fortement symbolique réalité du terrain. Le nombre d’armes saisies (onze) indique aussi
de la guerre d’indépendance car d’une part y ont lieu en 1945 les que la menace est sérieuse : de fait la France est confrontée,
massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, événements fondateurs avec la guerre en Algérie, a une crise d’une ampleur inédite,
du sentiment national algérien, d’autre part s’y lève en 1955 qui remet en question sa puissance, à différentes échelles.
une forte insurrection, qui fait de la région un des centres de la
Le document 2 est une photographie de l’essai nucléaire du
guérilla. La date est également importante : le 12 mars 1956 les
3 juillet 1970 sur l’atoll de Mururoa, en Polynésie française.
pouvoirs spéciaux sont accordés au gouvernement du socialiste
Les premiers essais nucléaires français ont lieu en Algérie en
Guy Mollet pour poursuivre la guerre en Algérie par la majorité
1960. Ils s’inscrivent dans le développement d’un programme
des députés de l’Assemblée nationale française. Le 17 mars
nucléaire militaire officialisé en 1954. Il est rendu possible par
Guy Mollet donne par décret les pleins pouvoirs à l’armée
la mise en place en juin 1952 du premier plan quinquennal de
française en Algérie. On peut imaginer que la saisie d’armes sur
l’énergie nucléaire voté à l’Assemblée nationale et présenté
la photographie a été rendue possible par ce nouveau décret.
par Félix Gaillard (alors secrétaire d’État à la présidence du
Sur le mur de la maison, un drapeau algérien déchiré permet
Conseil du gouvernement Pinay). En 1954, le gouvernement
d’identifier l’appartenance politique du prisonnier. L’origine
français rompt avec une position plutôt pacifiste et décide
du drapeau algérien est discutée : ce serait Émilie Busquant,
d’un programme militaire nucléaire pour plusieurs raisons. La
épouse de Messali Hadj, qui aurait cousu le drapeau tel qu’on
réussite de l’essai nucléaire britannique « Hurricane » en 1952,
le connaît en 1937, mais dès 1919 des drapeaux algériens sont
puis, à partir de 1954, l’inflexion de la politique défensive de
déployés dans des manifestations syndicales. Le vert, couleur
l’OTAN en faveur de représailles massives, l’échec de l’armée
de l’islam, est associé au blanc, symbole de pureté, couleurs
française en Indochine, le refus parlementaire d’une politique
auxquelles s’ajoutent le croissant et l’étoile, symboles du pouvoir
de défense européenne commune incarnée par la CED, obligent
ottoman et de façon générale de l’histoire musulmane. La
la France à un repositionnement stratégique vis-à-vis de l’arme
première utilisation politique du drapeau est médiatisée lors
nucléaire. Contrairement à ce que le mythe gaulliste dit, de
des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, au lendemain de
Gaulle met donc en œuvre sous sa présidence un programme
la capitulation allemande du 8 mai 1945. C’est en réponse au
que les gouvernements de la IVe République ont en fait initié.
brandissement du drapeau algérien dans un cortège que les
L’explosion dans le Sahara algérien le 13 février 1960 de la
policiers français tirent sur un jeune kabyle et provoquent
première bombe atomique française (dite « Gerboise bleue ») est
les émeutes. Sur la photographie, le prisonnier semble avoir
une réussite technologique et permet à la France de devenir la
peur, les parachutistes autour donnent une impression assez
quatrième puissance nucléaire mondiale. Deux cent dix autres
détendue.
essais nucléaires français ont lieu. Jusqu’en 1966 ils sont opérés
en Algérie, conformément aux accords d’Évian, puis, à partir de
Réponse à la question : 1966, en Polynésie française. L’atoll de Mururoa est celui où les
La photographie nous montre sept militaires français debout, essais ont été les plus nombreux, et peu de photographies en
entourant un algérien arrêté, seul et assis. Elle exprime couleur existent de cette période, d’où le choix de cette image
l’utilisation de la force et de la répression par la France comme

Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 105

 montrant l’explosion à Mururoa d’une bombe de 914 kilotonnes,
dite « Licorne ». Ces essais nucléaires prennent fin par un dernier
essai le 27 janvier 1996 à Fangataufa.
Réponse à la question :
Cette photographie montre un essai réussi d’une bombe
nucléaire en 1970 : c’est un élément qualitatif de puissance car il
donne à la France toute sa place parmi les puissances nucléaires
mondiales. Mais cette photographie frappe aussi par la taille
du champignon atomique qui exprime un élément quantitatif
de puissance. L’image de la puissance française donnée ici
est celle d’une puissance militaire forte, à l’échelle mondiale.
Cartes p. 176-177
Cette double-page permet d’avoir, grâce aux deux cartes, une
vision synoptique de l’affirmation de la puissance française
pendant l’après-guerre : d’une part à l’échelle nationale
avec la mise en évidence de nouveaux aménagements et de
nouvelles infrastructures, d’autre part à l’échelle mondiale avec
le développement de l’intégration économique et une politique
diplomatique dense. Les cartes démontrent la stratégie de
puissance française mais évoquent aussi, en creux, ses limites.
Le document 1 est une carte qui présente les aménagements
et infrastructures dont la France s’est dotée pendant les
Trente Glorieuses pour répondre d’abord aux nécessités
de la reconstruction, puis à celles de la modernisation de
l’économie. Les informations choisies prouvent l’effort consacré
à l’indépendance énergétique (la construction des barrages
hydro-électriques est très emblématique de la période), mais
aussi à l’augmentation générale de la production industrielle
et agricole. Un certain nombre de figurés montrent l’apparition
de nouvelles infrastructures qui rendent possible l’intégration
économique de la France à l’échelle régionale et mondiale
(les constructions du tunnel du Mont-Blanc ou de l’aéroport
Paris-Charles de Gaulle sont les plus remarquables). La carte
évoque enfin les transformations sociales de la période par trois
éléments qui, tout en décrivant l’avènement d’une société de
consommation, caractérisent aussi une puissance fondée sur
la production de masse et une logique libérale.
Le document 2 est une carte qui propose d’identifier les
différents axes de la politique extérieure de la France de 1945
(année à partir de laquelle la France participe à nouveau aux
relations internationales, avec le 8 mai la présence du général
de Lattre de Tassigny à la signature de la capitulation allemande
à Berlin) à 1962 (année de l’indépendance algérienne qui
achève le processus de décolonisation des anciennes colonies
françaises). Les informations choisies montrent d’une part de
quelle façon la France est affaiblie par la décolonisation (foyers
de contestation nationaliste et indépendantiste), d’autre part
de quelle façon les gouvernements français (ré)inscrivent sa
puissance dans un système d’alliances dont les enjeux sont
économiques (plan Marshall, CEE), militaires (essais nucléaires,
OTAN) et diplomatiques (voyages officiels de de Gaulle). L’axe
de coopération franco-allemande illustre parfaitement ces
enjeux. Il faut remarquer que dans l’Union française, c’est-
à-dire l’ensemble formé, par la Constitution de 1946, de la
République française (France métropolitaine, départements
et territoires d’outre-mer ainsi que l’Algérie) et des territoires
106
et États associés, les territoires d’outre-mer correspondent aux
anciennes colonies. La Réunion, la Martinique, la Guadeloupe,
la Guyane sont des départements, auxquels sont associés,
même si leur statut diffère, les trois départements algériens.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les aménagements du territoire aident à la
reconstruction du pays après la guerre lorsqu’ils permettent
d’assurer les productions industrielles et agricoles, de
reconstruire des infrastructures détruites (comme les ports)
et d’assurer l’indépendance énergétique de la France.
Question 2 : Les aménagements qui favorisent les échanges
avec le monde sont ceux qui permettent à la France de
développer son ouverture au commerce international mais aussi
de faciliter les mobilités, c’est-à-dire les ports, les aéroports, les
autoroutes et les tunnels. On remarque que ces aménagements
ne négligent aucune des interfaces terrestres ou maritimes
de la France.
Question 3 : En 1945, les possessions coloniales de la France
sont très nombreuses. On constate que les territoires colonisés
n’ont pas le même statut dans l’Union française : certains sont
des départements (exemple l’Algérie) et ont un lien très fort
avec la métropole, d’autres sont dits « territoires d’outre-mer »
et sont la très grande majorité (exemple tous les pays de
l’ancienne AEF et AOF). Enfin, les territoires sous mandat de
la SDN ou les protectorats, minoritaires, gardent une forme
d’autonomie politique.
Question 4 : Après 1945, l’empire colonial français disparaît.
En 1946, il prend le nom d’Union française, s’adaptant ainsi à
un nouveau contexte international de délégitimation de la
colonisation, dont l’ONU, dans sa charte de fondation, est le
porte-parole. Dès 1945, les nombreux foyers de contestation
nationaliste ou indépendantiste, dans les colonies asiatiques
ou africaines, obligent la France à s’engager dans le processus
de décolonisation. Le processus n’est pas le même pour toutes
les colonies, et les décolonisations les plus violentes seront
celles de l’Indochine et de l’Algérie.
Question 5 : En 1945 la France sort de la guerre, et sa
participation aux relations internationales est faible. Elle est
conditionnée par l’existence de son empire colonial dans un
contexte de décolonisation et de guerre froide, et par les
nécessités de la reconstruction permise grâce au plan Marshall.
On constate qu’en revanche, toute la période de 1945 à 1969 se
caractérise par un repositionnement de la France dans le monde,
à l’aide d’outils militaires, économiques ou diplomatiques.
Étude p. 178-179
La France entre guerre froide et
construction européenne (1947-1957)
Problématique : Comment la guerre froide influe-t-elle sur la
politique étrangère française ?
Le programme demande à mettre en évidence la façon
dont les gouvernements de la IVe République engagent la
construction européenne, la refondation des institutions et
la reconstruction dans un contexte de guerre froide et de
décolonisation. L’intégration européenne, née de l’intégration
atlantiste, marque très fortement la décennie qui suit la fin
de la guerre. Elle est un pivot fondamental de la politique
extérieure française, et influe sur toutes les autres actions des
gouvernements de la IVe République. À ce titre, cette première
étude permet de comprendre les contingences avec lesquelles
la France, au lendemain de la guerre, doit composer.
Le document 1 est une photographie prise dans le port de
Cherbourg le 9 mai 1952. Cherbourg est l'un des premiers
ports à redevenir « libre » en 1944, et reste dans l’après-guerre
un port de premier plan, devançant celui du Havre. Le cargo
provient des États-Unis et un char états-unien est déchargé,
probablement un M47 Patton. Sur le char sont déployés un
drapeau états-unien, une banderole sur laquelle on peut lire « un
million de tonnes pour la France pour notre défense commune »,
et un petit drapeau français. La mention « défense commune »
peut être comprise comme une allusion à la Communauté
européenne de défense (CED), qui est alors en discussion mais
est finalement rejetée par la France en 1954. La mise en scène
est donc pensée pour affirmer la puissance militaire du bloc
occidental et sa cohésion. Elle se justifie par les crises du début
de la guerre froide : blocus de Berlin (1948-1949), création de la
RDA (1949), signature du pacte sino-soviétique (1950), guerre
de Corée (1950). Élaboré en 1947 et prévu pour une durée de
quatre ans, effectif à partir de 1948, le plan Marshall met en
place un rapport de force en Europe entre les deux blocs que
cette photographie traduit bien.
Le document 2 est un organigramme précisant le
fonctionnement du plan Marshall. Les crédits d’achats permis
par le plan permettent à la France d’acheter aux États-Unis les
biens nécessaires à sa reconstruction : on voit quels sont les
secteurs prioritaires (matières premières, biens d’équipement,
énergie). Lors de ces achats, faits en dollars, la France verse au
Trésor public français les produits des ventes aux entreprises
françaises et les droits de douane payés par les États-Unis. Le
Trésor public, par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement,
peut alors proposer aux entreprises françaises des crédits à
taux réduits. C’est ce qui est appelé le système de la « contre-
valeur ». Il faut souligner qu’avec ce plan le dollar devient la
monnaie privilégiée des échanges du bloc occidental.
Le document 3 est une affiche de propagande communiste
réalisée par le dessinateur Georges Rival, qui travaille non
seulement pour le PC mais aussi pour la CGT au lendemain
de la guerre. La guerre froide est une guerre des images
dans laquelle les affiches de propagande se multiplient. Les
communistes représentent alors plus d’un quart de l’électorat
mais ne participent plus au gouvernement depuis le 4 mai 1947,
exclus à l’initiative du socialiste Ramadier dans un contexte
de grèves et de forte agitation sociale. Le PC français relance
alors, depuis le camp de l’opposition, sa communication. Ici
l’opposition Bien/Mal entre les deux blocs s’exprime par la
présence de la pieuvre capitaliste aux tentacules menaçantes.
Pour aller plus loin : Lucie FOUGERON, « Propagande et création
picturale. L’exemple du PCF dans la guerre froide. », Sociétés &
Représentations, 2001/2 (n° 12). URL : https://www.cairn.info/
revue-societes-et-representations-2001-2-page-269.htm
Le document 4 est un extrait du discours appelé « de
l’horloge » car il fut prononcé au quai d’Orsay, dans la salle de
l’horloge. Ce discours est considéré comme fondateur de la
construction européenne : il propose le 9 mai 1950 la création
de la CECA, réalisée le 23 juillet 1952. Tous les 9 mai, le jour
de l’Europe commémore l’événement en Union européenne.
Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français
de 1948 à 1952, initie et participe, avec l’aide de son ami et
collaborateur Jean Monnet, aux négociations qui entourent le
(re)positionnement français en Europe et les relations franco-
états-uniennes dès 1945. C’est un des pères fondateurs de
l’Europe. Il appartient à la famille politique des démocrates-
chrétiens.
Le document 5 est l’illustration d’une enveloppe commémorant
le dixième anniversaire de l’OTAN. On peut voir les drapeaux
des 15 pays membres en ronde au-dessus des bureaux de
l’OTAN. Le bâtiment est celui du palais de l’OTAN construit à
Paris porte Dauphine par l’architecte Jacques Carlu. L’OTAN
siège dans l’édifice de 1959 à 1966, date à laquelle de Gaulle
décide de quitter le commandement intégré de l’organisation.
L’OTAN, depuis 1967, s’est installée dans la banlieue de Bruxelles,
à Haren. En 1968, le bâtiment de la porte Dauphine devient le
centre universitaire Dauphine. Les mots « paix, force et liberté »,
mis en valeur sur l’enveloppe, sont les termes clés du traité de
l’Atlantique Nord, signé le 4 avril 1949. Toutefois, la devise de
l’OTAN inscrite dans le hall des amphithéâtres, porte Dauphine,
est Animus in consulendo liber, c’est-à-dire « l’esprit libre dans
la consultation ».
Le document 6 est un extrait du discours de Christian Pineau,
ministre français des Affaires étrangères de février 1956 à mai
1958, prononcé lors de la signature à Rome, au Capitole, du
traité de fondation de la CEE, le 27 mars 1957. Socialiste, pro-
européen, Christian Pineau est délégué par le gouvernement
Guy Mollet pour participer à cet événement qui réunit ses
homologues belge, luxembourgeois, néerlandais, italien. Seul
chef de gouvernement à se déplacer, le chancelier Konrad
Adenauer montre ainsi l’importance que revêt pour lui cette
signature. La Communauté économique européenne est
instituée, c’est-à-dire un marché commun fondé sur la libre
circulation et la suppression des barrières douanières entre
les six pays membres. Les institutions de la CEE sont mises en
place au début de l’année 1958.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’aide états-unienne apportée à la France est
multiforme. Ce sont des aides financières, sous forme de dons
et de prêts en dollars (doc. 2). Ces aides permettent à la France
d’acheter de nombreux biens d’équipement, des produits
agricoles ou des matières premières. Du matériel militaire est
aussi acheté, comme on le voit sur le document 1.
Question 2 : L’opposition au plan Marshall naît de l’inquiétude
politique de voir la souveraineté nationale française disparaître
ou diminuer du fait de la politique états-unienne à l’égard
de l’Europe occidentale. Cette inquiétude est partagée par
différents mouvements politiques et des électorats multiples,
mais le parti communiste français est dans l’opposition le parti
le plus véhément à cet égard. Sa campagne « les Américains en
Amérique » en témoigne : sous couvert de l’anti-impérialisme,
leitmotiv de la doctrine Jdanov, elle s’inscrit dans le contexte
de guerre froide en « diabolisant » les États-Unis sous la forme
d’une pieuvre.
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 107
 Question 3 : Le discours évoque des dangers menaçant la
paix mondiale. En creux dans ce discours, Schuman évoque
probablement les tensions nées de la guerre froide, mais
aussi les guerres d’indépendance apparaissant dans les pays
colonisés. Il mentionne clairement « l’opposition séculaire de
la France et l’Allemagne », comme autre facteur de guerre.
Pour maintenir la paix, il propose une intégration économique,
en premier lieu, pour garantir une « solidarité de fait ». Cette
intégration concerne les pays d’Europe mais l’Afrique est
également citée.
Question 4 : On peut identifier quinze drapeaux pour les
quinze pays membres de l’OTAN en 1959, à savoir de gauche
à droite les drapeaux de la France, de l’Islande, du Canada, de
la Belgique, de l’Italie, des États-Unis, du Royaume-Uni, des
Pays-Bas, de la Grèce, du Danemark, de la Turquie, du Portugal,
de la Norvège, du Luxembourg. On remarque que le drapeau
canadien n’est pas celui que l’on connaît aujourd’hui. On peut
parler d’Alliance atlantique pour tous ces pays car ils ont soit
une façade maritime donnant sur l’océan Atlantique, soit des
caractéristiques économiques et culturelles les orientant vers
l’Atlantique. La Turquie est une exception et doit son adhésion
à l’OTAN à son alliance en février 1945 avec les Alliés.
Question 5 : Selon Christian Pineau, les objectifs multiples
de la CEE sont à la fois économiques (« accroître la capacité
de production et accélérer le rythme de leur développement
économique »), politiques (« la désunion de l’Europe […]
[fait] rétrograder sur le plan politique […] les puissances en
conflit »), mais aussi culturels et sociaux (« transformeront […]
les conditions de vie »). Ces objectifs sont des réponses aux
difficultés que connaît la France dans l’immédiat après-guerre :
il faut pacifier le pays, reconstruire ses infrastructures et relancer
sa production. L’intégration économique avec les autres pays
européens en est un gage de réussite.
Bilan La réconciliation entre la France et l’Allemagne est un
des éléments fondamentaux de la politique étrangère française
dans l’après-guerre. Elle apparaît comme telle dans les discours
des ministres des Affaires étrangères français (Robert Schuman
et Christian Pineau), qui en font un point d’articulation de
tous les objectifs de la construction européenne : il faut que
« l’opposition séculaire la France et de l’Allemagne soit éliminée »
(doc. 4), et que soient prises en compte les leçons politiques et
économiques « de la dernière guerre, […] plus particulièrement
pour la France et l’Allemagne », afin que l’Europe puisse être
pacifiée, reconstruite et développée. En fait, cette réconciliation
est à la fois cause et effet de la politique étrangère française.
Parcours 2
Les objectifs de la politique étrangère française entre 1947
et 1957 sont à la fois économiques (relancer la production,
reconstruire les infrastructures, favoriser une intégration
économique à différentes échelles), politiques et diplomatiques
(construire et affirmer un axe franco-allemand de coopération,
pacifier l’Europe occidentale, garder un rôle à l’international).
Ces objectifs multiples se nourrissent mutuellement et sont très
interdépendants : la CEE en est le produit mais aussi la structure.
108
POINT DE PASSAGE p. 180-181
MÉTHODE BAC
Charles de Gaulle et Mendès France,
deux conceptions de la République
Problématique : Le programme demande ici de mesurer les
débats autour de la refondation de la République française
dans l’après-guerre. Les débats sont nombreux, entre les
membres du GPRF (Gouvernement provisoire de la République
française) puis des gouvernements de la IVe République, ou
au sein des formations politiques et de l’opinion publique.
Les deux extraits des discours de de Gaulle et de Mendès
France présentent non pas les deux visions majoritaires de
ce que devrait être le fonctionnement des institutions, mais
sont plutôt les deux modèles autour desquels le reste des
positionnements politiques se font. La confrontation des idées
des deux hommes, qui ont participé côte à côte à la Résistance
comme le montre le document d’accompagnement, apprend
que les politiciens de l’après-guerre ne viennent pas des mêmes
familles politiques, qu’ils n’ont pas la même conception de
la démocratie, mais qu’ils sont en revanche imprégnés de
tradition parlementaire. La contemporanéité de ce débat est
à souligner avec les élèves, ainsi que sa pertinence dans le
contexte politique et social actuel.
Document 1 : Bayeux, en Normandie, est libérée par les Alliés
le 7 juin 1944. De Gaulle y défile triomphalement quelques
jours plus tard et annonce la mise en place du Gouvernement
provisoire pour la République française. Deux années plus tard,
le 16 juin 1946, lors des fêtes commémoratives de l’événement, il
fait ce discours dans lequel il légitime dans une première partie
l’arrivée au pouvoir et les actions du GPRF qu’il a présidé. Puis,
dans une seconde partie, il décrit précisément sa conception
de la République et des institutions, pour influer sur les votes
de l’Assemblée nationale constituante le 29 septembre 1946, et
sur ceux des Français, consultés par référendum, le 13 octobre
suivant. Il s’agit donc d’un discours de campagne politique. Le
4 septembre 1958, de Gaulle, dans le discours de présentation
de la future Constitution place de la République à Paris, reprend
textuellement de nombreuses expressions et mots du discours
de Bayeux, dont en particulier le mot « arbitre » pour définir
le rôle du président.
Document 2 : Député du département de l’Eure, en Normandie,
de 1946 à 1958, Pierre Mendès France a des attaches avec la
ville d’Évreux, voisine de Louviers dont il est le maire. Il y fait
ce discours le 30 janvier 1955 dans un contexte politique
difficile, à la veille d’un nouveau débat à l’Assemblée nationale
sur sa politique gouvernementale en Afrique du Nord. Le
5 février, soient six jours plus tard, la confiance est refusée
à son gouvernement, à une courte majorité : Pierre Mendès
France démissionne. Ses opposants sont trop nombreux,
et la Toussaint rouge en Algérie fragilise considérablement
sa majorité parlementaire, courte et hétéroclite. Pendant
sa présidence du Conseil, Pierre Mendès France intervient
trente-cinq fois à la tribune de l’Assemblée pour justifier ses
choix politiques. Le discours d’Évreux n’est donc pas destiné
au Parlement, mais aux élus locaux et aux citoyens.
 MÉTHODE BAC
1. Lire, analyser et comprendre le sujet de la consigne
Il faut comprendre « fonctionnement des institutions » par
« organisation des pouvoirs et construction de l’administration
centrale ». Défini par la Constitution, le fonctionnement des
institutions reflète une façon de concevoir l’action de gouverner
un pays. Charles de Gaulle et Pierre Mendès France, qui ne
donnent pas le même sens au mot « gouverner », ont donc une
vision différente du fonctionnement des institutions.
De Gaulle et Mendès France ont en commun l’engagement
dans la Résistance et dans la refondation de la République
après la Libération, mais l’un est militaire et le second politicien.
1946, à l’échelle nationale, est l’année de la proclamation de la
nouvelle République, dans un contexte de vifs débats politiques
et de reconstruction du pays. À l’échelle internationale, d’anciens
pays colonisés revendiquent leur indépendance, tandis que l’on
perçoit les premières tensions entre États-Unis et URSS, lorsque
Churchill par exemple décrit le « rideau de fer » en Europe.
Pour la France, les soulèvements en Indochine, en Algérie, au
Maroc ou en Tunisie marquent le début de la décolonisation
de son empire.
1955, à l’échelle nationale, est l’année de la chute du
gouvernement Mendès France, en février. Le gouvernement
d’Edgar Faure, radical, tiendra jusqu’en novembre. L’instabilité
du régime est particulièrement visible, tandis que la France
continue pourtant de se reconstruire avec le lancement du
deuxième plan et qu’elle connaît des records de croissance et
de belles réussites technologiques (l’hélicoptère Alouette II ou
le deuxième tronçon du téléphérique de l’Aiguille du Midi sont
inaugurés en 1955, par exemple). À l’échelle internationale,
la France a décrété l’état de siège en Algérie, où la violence
continue son escalade, comme le signifient les massacres
de Philippeville et d’El Alia (25 août 1955). La conférence de
Bandung, en Indonésie, témoigne de l’affirmation du tiers-
monde et de la marche vers l’indépendance des anciennes
colonies. La guerre froide continue de s’amplifier, avec la
signature de différentes alliances qui renforcent les deux blocs
(pacte de Bagdad, pacte de Varsovie).
Ainsi, les années 1946 et 1955 sont chacune, pour différentes
raisons, des années très chargées.
2. Confronter au brouillon les deux documents
Au lendemain de la guerre, de Gaulle et Mendès France font
tous deux partie du GPRF. Jusqu’au 26 janvier 1946, de Gaulle
est le chef du gouvernement. Il a démissionné le 20 janvier
car en désaccord avec le nouveau projet de Constitution et la
présence de ministres communistes. Son discours du 16 juin
1946 témoigne donc de son opposition au gouvernement dans
un contexte où il s’est mis délibérément en retrait. Mendès
France démissionne à la suite de la séance législative du 5 février
1955, au cours de laquelle la question de confiance posée par
son gouvernement est mis en minorité, du fait en grande partie
de sa politique d’ouverture envers l’Algérie. Lorsqu’il prononce
son discours du 30 janvier 1955, Mendès France a déjà anticipé
le vote du 5 février. Le discours d’Évreux est donc, comme le
discours de Bayeux, le discours d’un chef de gouvernement
sortant qui, dans un contexte de crise politique, propose une
réflexion sur le fonctionnement des institutions.
Le rôle de l’exécutif est celui du président de la République,
du Premier ministre et des ministres ; le rôle du législatif est celui
du Parlement, Assemblée nationale et Sénat ; et par la question
du rôle du citoyen on entend la façon dont la souveraineté
nationale s’exprime dans les institutions.
Pour de Gaulle, l’élément le plus important dans les institutions
est le président de la République, tandis que pour Mendès
France, c’est le Parlement car représentant la souveraineté
nationale.
3. Rédiger la réponse organisée
Entre 1946 et 1955, la France rencontre de nombreuses difficultés.
À l’échelle internationale, dans un contexte de guerre froide, elle
est confrontée à des mouvements indépendantistes dans ses
colonies : la France décide d’y répondre par la force. À l’échelle
nationale, la reconstruction et la refondation de la République
après le régime de Vichy imposent des réformes. Les débats
sur le fonctionnement des institutions sont fondamentaux,
comme le prouvent ces deux discours, que de Gaulle et Mendès
France prononcent respectivement le 16 juin 1946 à Bayeux et
le 30 janvier 1955 à Évreux. Les deux hommes sont tous deux
d’anciens résistants, qui connaissent l’exercice du pouvoir,
mais ils ne sont pas de la même famille politique : de Gaulle
revendique un positionnement ni à droite ni à gauche, et Mendès
France appartient au parti radical, qui se situe entre le centre
et la gauche. Comment conçoivent-ils les rôles de l’exécutif, du
législatif et celui des citoyens dans la République ?
De Gaulle et Mendès France ont des conceptions très différentes
du rôle de l’exécutif. Pour Mendès France, le gouvernement,
« comme le serviteur à son maître », agit avec l’accord du
Parlement : ainsi, le gouvernement peut agir « utilement ». Pour
de Gaulle, au contraire, le pouvoir exécutif ne doit pas « procéder
de l’autre pouvoir », c’est-à-dire du législatif, au risque sinon
que la direction du pays ne soit « impuissante et disqualifiée ».
Dans cette logique, de Gaulle fait du président de la République
celui qui, par de nouvelles prérogatives et un rôle d’« arbitre »,
s’affirme face au Parlement. Ses missions vont dans ce sens : il
nomme les ministres « et d’abord, naturellement, le Premier »,
il « promulgue les lois et prend les décrets », est à l’initiative
de référendums « en invitant le pays à faire connaître par des
élections sa volonté et sa décision souveraine », est responsable
de la politique extérieure, « garant de l’indépendance nationale
et des traités conclu par la France ». Le président est appuyé par
le Premier ministre qui « dirige l’action, la politique et le travail
du gouvernement ». Mendès France souligne quant à lui « les
responsabilités » et les « devoirs » du gouvernement, mais ne
fait pas du rôle présidentiel un rôle clé. Pour lui, l’exécutif doit
avant toute chose « maintenir quotidiennement ce dialogue
avec le Parlement et avec le pays ».
En somme, pour Mendès France le pouvoir législatif doit avoir
une certaine primauté sur l’exécutif, pour de Gaulle c’est l’inverse.
En effet, pour Mendès France le pouvoir législatif, c’est-à-dire
le Parlement, est à l’origine du processus démocratique : « le
pouvoir vient du Parlement ». Il insiste sur l’importance du rôle
des représentants, sur leurs « responsabilités et devoirs ». Il est
de ce point de vue très fidèle à la démocratie parlementaire. De
Gaulle, en revanche, est critique à l’égard du pouvoir législatif
qu’il considère comme fragilisant « l’unité, la cohésion, la
discipline intérieure du gouvernement de la France ». Aussi, de
Gaulle est critique à l’égard d’un régime qui ferait des membres
du gouvernement les « mandataires d’un parti », créant de fait
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 109
 un régime instable lorsqu’aucune majorité forte n’apparaît à
l’Assemblée. Il critique ainsi les institutions de la IIIe République
qui, donnant au pouvoir législatif de nombreuses prérogatives,
a été appelée « régime des partis ». On constate donc que les
deux hommes ne sont pas d’accord sur l’équilibre des pouvoirs
entre exécutif et législatif.
Il est intéressant de constater que dans le fonctionnement
des institutions, Mendès France donne aux citoyens une place
primordiale, tandis que de Gaulle ne les mentionnent que pour
montrer l’importance du rôle du président : « au chef de l’État
de promulguer les lois et de prendre les décrets parce que
c’est vis-à-vis de l’État tout entier que ceux-ci comme celles-là
engagent les citoyens. » Pour Mendès France, la démocratie
représentative fonctionne si les citoyens soutiennent leurs
représentants et que ceux-ci respectent « la volonté de ceux
qu’on représente ». Pour ce faire, les pouvoirs exécutif et législatif
doivent constamment maintenir « un dialogue », au risque,
sinon « d’imposer une doctrine » qui n’émane pas des citoyens :
Mendès France compare alors ce type de régime à une dictature.
Dans les débats qui entourent le fonctionnement des institutions,
de Gaulle et Mendès France ont des conceptions très opposées.
Pour Mendès France, la démocratie représentative est un
bon modèle qui doit fonctionner en mettant le citoyen au
cœur des institutions. Pour de Gaulle, le régime parlementaire
n’est pas suffisamment solide, et le président doit être au
cœur des institutions pour les consolider. Des mouvements
politiques, aujourd’hui, demandent une nouvelle Constitution
qui réduirait le rôle du président et réaffirmerait les obligations
des représentants envers les citoyens.
Leçon 1 p. 182-183
La IVe République, entre décolonisation,
guerre froide et construction européenne
Problématique : Cette leçon tient compte de l’historiographie
récente pour montrer l’œuvre accomplie par les gouvernements
de la IVe République dans un contexte difficile. La IVe République
souffre de sa brièveté et de sa réputation de « régime instable »,
entre une très longue IIIe République et une très solide
Ve République. La problématique choisie permet d’en mesurer
« les réussites et les difficultés ». Le premier paragraphe décrit
son fonctionnement politique et montre que les institutions
ne sont pas seules responsables de l’instabilité ministérielle ; le
second expose comment est mené, avec succès, le redressement
économique du pays, et comment est définie la politique
extérieure française. Le troisième paragraphe explique comment
se pose la question coloniale et quelles réponses y donne la
France en fonction des territoires.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
la leçon sont celles qui définissent le contexte (décolonisation
et guerre froide), indispensables pour comprendre les
contingences auxquelles la IVe République a dû se plier. Les
autres notions (régime parlementaire et libéralisation)
correspondent aux cadres politique et économique qui
structurent l’action des gouvernements de 1946 à 1958.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan explicite la politique
intérieure et extérieure de la IVe République en montrant
110
comment les nécessités de la reconstruction et le contexte
international singulier ont justifié une politique d’intégration,
atlantiste et européenne. Le schéma met en avant comme
facteur de l’instabilité gouvernementale le développement des
revendications d’indépendance des colonies : c’est à propos
de la question coloniale que les mécanismes institutionnels
ont montré leur impuissance.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique cible une des plus belles réussites
de la IVe République, à savoir la mise en place de la Sécurité
sociale. Ce système de protection sociale synthétise le système
bismarckien de protection (apparu en Allemagne à la fin du
XIXe siècle), fondé sur le travail et la notion d’assurance, et le
système beveridgien (apparu au Royaume-Uni pendant l’entre-
deux guerres), fondé sur la notion d’assistance. Proposée par le
CNR (Conseil national de la Résistance) dans son programme
de refondation républicaine Les Jours heureux, le 15 mars 1944,
la Sécurité sociale a donc été pensée par la Résistance. Elle
est mise en œuvre par Pierre Laroque, Alexandre Parodi et
Ambroise Croizat dès l’automne 1944 et elle consacre l’État-
providence. Ses principes de fonctionnement sont l’universalité
et la protection de tous, à tous les âges, contre les aléas de la
vie. Les aides sont réparties en quatre branches : la famille, la
maladie, la vieillesse et les accidents. Le financement ne vient
pas de l’impôt mais de prélèvements qui ouvrent le droit à des
prestations. Certaines catégories professionnelles ont préféré
garder des systèmes indépendants de protection sociale. La
Sécurité sociale est le fondement et le symbole du modèle
social français.
POINT DE PASSAGE p. 184-187
La guerre d’Algérie et ses mémoires
A La violence d’une guerre d’indépendance
p. 184-185
Problématique : Pourquoi la guerre d’Algérie a-t-elle été un
conflit traumatisant ?
L’intention de cette première double-page est d’expliquer
pourquoi la guerre d’Algérie se caractérise par une telle escalade
de la violence. Les documents 1, 2, 3, 5, 6 ont été choisis car ils
présentent les différents acteurs du conflit et permettent de
mesurer le rapport de force. La question du rapport de force
est décisive dans le choix des modes d’action que choisissent
les belligérants : à la force répressive répond la guérilla, et
inversement. Le nombre de violences générées, sur un temps
long, en Algérie et en métropole, a conduit au traumatisme. En
contrepoint, le discours de de Gaulle à Alger oblige à penser
l’action gouvernementale comme responsable de la durée et
de l’enlisement du conflit : le parcours 1, dans ses questions et le
bilan proposé, pose clairement la question de la responsabilité
du politique.
Document 1 : Cette carte décrit les territoires de la guerre, en
Algérie. Territoire français depuis plus d’un siècle, l’Algérie est
divisée en 1954 en trois départements. La partie peuplée du
pays est constituée des villes, du littoral, à l’est la Kabylie et le
Constantinois. Au sud des Aurès (à l’est) et de l’Atlas saharien
(à l’ouest), le conflit ne s’étend guère : ce sont des espaces peu
peuplés et désertiques. Les frontières terrestres deviennent
rapidement très stratégiques, comme le prouve l’établissement
de barrages électrifiés à partir de 1960. En somme, le territoire
de la guerre est assez petit, comme le prouve l’extension
maximale des régions de guérilla, en jaune sur la carte. Deux
figurés indiquent des événements-clés de la guerre. Le premier
figuré est celui qui correspond aux différents attentats décidés
par le FLN le 1er novembre 1954. La répartition géographique
des attentats et leur mode d’organisation deviennent typiques
de l’action de l’ALN. Le second figuré est celui qui souligne
l’importance de l’année 1955. Le 25 août 1955, à Philippeville
(aujourd’hui Skikda) et El Alia, 132 Européens sont torturés et
mutilés par des insurgés algériens. La répression est violente :
1 273 civils algériens sont massacrés. De nombreux Algériens
rejoignent alors le FLN. La fin de l’année 1955 est marquée
par la multiplication des violences, en Algérie et dans les pays
voisins. Ainsi au Maroc, en septembre 1955, les indépendantistes
mettent le feu aux mines de phosphate de Khouribga. La
question de « l’Afrique du Nord » envahit dès lors les médias
et les débats parlementaires.
Document 2 : Cette photographie est extraite de la une du
Journal d’Alger, dans son édition du 27-28 janvier 1957. Ce
journal est un quotidien en Algérie française ; à partir de 1958
il soutient le général de Gaulle. Les attentats urbains organisés
par l’ALN se multiplient à partir de 1956. Le 26 janvier 1957,
trois attentats ont lieu à la même heure dans des brasseries
fréquentées par les pieds-noirs, dans le quartier européen :
l’Otomatic, la Cafeteria et le Coq hardi. La bombe au Coq
Hardi, rue Charles-Péguy, est déposée par Djamila Bouazza,
militante indépendantiste algérienne. L’attentat tue trois
européennes et fait des blessés. Le contexte est particulier :
depuis le début janvier sont arrivés à Alger les parachutistes
du général Massu, envoyés pour démanteler le FLN et mettre
fin à l’action terroriste. Mais le FLN, en poursuivant son action,
cherche à susciter à l’ONU le vote d’une résolution défendant
son auto détermination.
Document 3 : Ce témoignage permet de mieux comprendre
le fonctionnement de la guérilla dans les zones rurales : le
soutien et la logistique matérielle dont ont besoin les soldats de
l’ALN sont mis à leur service par les civils, hommes et femmes,
en guerre eux aussi. Un douar est ici un hameau de maisons.
La période de cessez-le-feu correspond à la période entre la
signature des accords d’Évian (18 mars 1962) et l’indépendance
algérienne (5 juillet 1962).
Document 4 : Ce discours est resté célèbre pour son « je vous
ai compris », dont la signification réelle reste discutée par les
historiens. Le 13 mai 1958, des manifestants à Alger prennent
d’assaut l’hôtel de ville ; les généraux Massu et Salan déclarent
un Comité de salut public et appellent de Gaulle au pouvoir.
De Gaulle reçoit le 3 juin les pleins pouvoirs du Parlement pour
résoudre la crise politique et créer une nouvelle Constitution.
Dès le 4 juin, il est à Alger au balcon de l’hôtel de ville depuis
lequel il prononce ce discours devant une grande foule.
Document 5 : Cette photographie a été prise par le photographe
et journaliste Raymond Darolle le 17 octobre 1961. Des Algériens
manifestent pacifiquement dans la capitale, enfreignant le
couvre-feu imposé par le préfet de police, Maurice Papon. Les
chiffres sont débattus, mais les recherches de Benjamin Stora
montrent que près de 14 000 manifestants sont arrêtés et
que 300 sont exécutés ou jetés à l’eau par la police.
Document 6 : Militant communiste et journaliste pro-algérien,
Henri Alleg est arrêté avec son ami Maurice Audin en 1957, et
interrogé pendant plusieurs semaines par l’armée française.
Comme eux, de nombreux Français et Françaises de la
métropole vont aider le mouvement indépendantiste. Ainsi, les
porteurs de valises cachent dans leurs affaires des documents,
de l’argent destinés au FLN. Dans La Question Alleg dénonce
l’utilisation de la torture en Algérie par l’armée française. Le
manuscrit, écrit sur du papier toilette, est sorti de la prison de
Barberousse à Alger, feuille par feuille, par l’avocat de Alleg,
Roland Rappaport. Édité en 1958, son livre est immédiatement
censuré en France mais se diffuse clandestinement à plus
de 150 000 exemplaires. Pour aller plus loin : https://www.
lemonde.fr/livres/article/2013/07/24/la-question-histoire-d-
un-manuscrit_3452592_3260.html
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La guerre en Algérie oppose deux armées très
différentes. L’armée française est une armée nombreuse, très
équipée, toutefois constituée en majorité de soldats peu formés,
les soldats du contingent. Ses moyens d’action sont importants,
à la fois par le nombre de soldats déployés, et par les moyens
financiers et militaires donnés par le gouvernement français.
Cela permet de construire la ligne Morice ou d’organiser de
grandes opérations militaires dans de vastes zones (doc. 1).
L’armée algérienne est peu nombreuse, mal équipée, constituée
de soldats qui se forment au fur et à mesure. Ses moyens
d’action sont limités, et elle dépend de l’approvisionnement
et des aides matérielles des civils, hommes et femmes (doc. 3).
Le rapport de force est donc très inégal.
Question 2 : De Gaulle, le 13 mai 1958, doit pacifier la situation
à Alger. Il doit rassurer « les dix millions de Français d’Algérie »,
à savoir les Européens et les Algériens. Pour ce faire il promet
« les mêmes droits et les mêmes devoirs » à tous les habitants
de l’Algérie, qu’il considère comme « une seule catégorie
d’habitants ». Il les invite à participer au référendum sur la
nouvelle Constitution, comme pour sceller leur nouvelle
cohésion. Enfin, il les rassure en flattant le courage qu’ils ont eu
et en leur montrant de la compréhension : « je vous ai compris ».
Question 3 : Les violences pendant la guerre d’Algérie prennent
différentes formes. Ce sont des violences d’État, comme la
forte répression policière (doc. 5) ou les crimes de guerre, avec
l’utilisation de la torture sur des prisonniers (doc. 6). C’est aussi
la violence due aux attentats à la bombe qui sont menés dans
le cadre de la guérilla urbaine (doc. 2).
Bilan Trois facteurs principaux expliquent l’escalade
de la violence pendant la guerre d’Algérie. Le premier est
l’affrontement entre des acteurs multiples. L’armée française agit
sur le terrain, tout comme la police française, et elles mettent
en œuvre la répression. Le mouvement indépendantiste est
organisé par les politiciens du FLN, et ses actions sont menées
par les membres de l’ALN, des Algériens formés petit à petit à
être soldats. Mais de nombreux civils soutiennent le combat
indépendantiste. Ainsi, en Algérie, dans les campagnes ou
les villes, des hommes et des femmes aident autant qu’ils
peuvent les indépendantistes. Des Européens aident aussi,
comme Henri Alleg. La multiplicité des acteurs contribue à
créer un climat de très fortes tensions, en Algérie comme en
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 111
 métropole. Mais la forme singulière que prend le conflit, à partir
de 1955 en particulier, est un autre facteur de la violence. Le
rapport de force entre les deux camps est très inégal, et à la
force militaire française les indépendantistes répondent par
la guérilla. Les attentats à la bombe deviennent un moyen
d’action privilégié pour le FLN. Or ces attentats, très médiatisés,
appellent à chaque fois à une répression de plus en plus violente.
Pour briser ce cercle vicieux la responsabilité du politique est
engagée. Dernier facteur expliquant l’escalade de la violence
en Algérie, le positionnement des gouvernements français qui
restent figés dans le refus d’inscrire l’Algérie dans un processus
de décolonisation, et donc de reconnaître l’identité nationale
du peuple algérien.
Parcours 1
Dans son discours du 4 juin 1958, de Gaulle cherche à apaiser
la violente crise politique que connaît l’Algérie et dont les
conséquences en métropole, il le sait, peuvent devenir très
graves. Pour ce faire, il veut rassurer toutes les populations,
sans les différencier. C’est pourquoi il utilise à maintes reprises
un « vous » très général (« je vous ai compris », « ce que vous
avez voulu faire », « la route que vous avez ouverte »), semblant
interpeller à la fois les Algériens musulmans et les Européens
d’Algérie. Puis, avec rhétorique, il précise un peu plus loin
dans son discours le « vous » qu’il a utilisé par « une seule
catégorie d’habitants » : « des Français à part entière ». Encore
plus loin, il associe les « dix millions de Français d’Algérie » à
tous les autres Français. Pour prouver la reconnaissance et
l’intégration des Français d’Algérie aux Français de métropole,
il annonce la création d’un seul collège électoral pour le vote
par référendum de la future Constitution. Ainsi, la construction
du discours est faite pour convaincre, petit à petit et de plus en
plus fortement, de l’intégration de tous les Français d’Algérie
aux autres Français de métropole. Cela est rassurant pour les
Européens d’Algérie, qui y trouvent un signe de protection et de
reconnaissance par l’État français, et cela est prometteur pour
les Algériens musulmans qui y voient une avancée significative
de leurs droits civiques et politiques. L’art de ce discours est
donc de rassurer et plaire à deux catégories de population,
dont les objectifs sont pourtant radicalement différents. Les
historiens se demandent aujourd’hui quelle était la véritable
conviction de de Gaulle en faisant ce discours : pensait-il déjà
à l’indépendance de l’Algérie ou était-il surtout soucieux du
devenir des pieds-noirs ? Rien dans ses mémoires ou ses écrits
ne permet réellement de trancher.
POINT DE PASSAGE p. 184-187
La guerre d’Algérie et ses mémoires
p. 186-187
B Des mémoires plurielles et douloureuses
Problématique : Quelles sont les différentes mémoires de la
guerre d’Algérie ?
Les enjeux mémoriels qu’explicitent les documents choisis de
cette étude sont toujours actuels et font l’objet de nombreux
travaux d’historiens, dont Benjamin Stora, Guy Pervillé ou
Raphaëlle Branche. Faire exister les différentes mémoires de
la guerre, qu’elles soient individuelles, collectives ou officielles,
112
est déjà un grand pas, alors que jusqu’à la fin des années 1980
certaines étaient complètement occultées. La parution en 1991
de La Gangrène et l’oubli, la mémoire de la guerre d’Algérie, de
Benjamin Stora, ouvre un nouveau temps dans lequel, petit
à petit, les mémoires sont ravivées. La guerre des chiffres
témoigne toutefois d’un difficile apaisement. Si les historiens
français s’accordent aujourd’hui sur le nombre de 400 000
Algériens tués pendant la guerre (environ), la mémoire officielle
en Algérie annonce entre 1 et 1,5 million de victimes. Le nombre
de 4 000 Européens « disparus » pendant le cessez-le-feu n’a
pas de reconnaissance officielle en Algérie, ni celui du nombre
de harkis tués (entre 15 000 et 30 000 selon les historiens). La
mémoire officielle française, qui avançait en 1962 le nombre
de 250 000 soldats tués, reconnaît aujourd’hui le chiffre de
30 000 victimes militaires.
Document 1 : Le mémorial du Martyr à Alger est symbole
de l’unanimisme porté par le FLN. Il met en place dès
l’indépendance une mémoire officielle de la guerre, unanime
autour d’une certaine interprétation de la guerre et de ses
effets : le peuple est le héros de la guerre, le FLN représente le
peuple. Elle sert au FLN à installer durablement son pouvoir, et se
manifeste par une forme d’hypermnésie autour du traumatisme.
Aussi, le FLN s’affirme comme un parti unique, autour duquel se
fédère un peuple uni : la diversité des populations algériennes
(les Kabyles par exemple) et de leurs opinions politiques est
niée par l’unanimisme officiel, et certains historiens comme
Benjamin Stora y voient les origines de la guerre civile des
années 1990.
Document 2 : Le camp de Rivesaltes est un ancien camp
militaire transformé en camp d’internement administratif
par le gouvernement français depuis 1936. Les réfugiés
espagnols, pendant la Retirada, puis les Juifs étrangers, pendant
l’Occupation, et enfin les harkis après l’indépendance algérienne,
sont les groupes de population jugés « indésirables » par l’État
français dans un décret de 1938, et à ce titre placés dans le camp
en attendant la régularisation de leur situation. À Rivesaltes,
les conditions de logement, d’hygiène et d’alimentation sont,
encore en 1962, très en deçà des recommandations de la
Convention des Nations unies de 1951 sur le statut des réfugiés.
Les familles de harkis restent pour des durées variables dans le
camp : « quelques jours pour certaines, plusieurs années pour
d’autres. Elles sont ensuite progressivement reclassées dans
toute la France, massivement dans les mines, la sidérurgie et
les industries du Nord et l’Est ou dans les chantiers forestiers de
l’Office national des forêts » (Abderahmen Moumen, Migrance,
hors-série, 2e semestre, 2013).
Document 3 : Ce témoignage fait partie d’un recueil de textes
inédits. Les auteurs sont issus des différentes populations de
l’Algérie et racontent leur enfance dans la guerre, à Alger, à
Constantine, et dans d’autres lieux. Aujourd’hui universitaire
et directrice de recherches au CNRS en philosophie, Monique
Canto-Sperber décrit les « événements » du cessez-le-feu, alors
qu’elle a 8 ans. Elle quitte finalement l’Algérie avec sa famille
le 1er juillet 1964.
Document 4 : Cette stèle commémorative a été érigée sur
la promenade des Anglais, à Nice, pour le cinquantième
anniversaire du rapatriement des Français d’Algérie. Le sculpteur
est Roland Moreau. On peut y lire « Hommage aux Français
d’Afrique du Nord de toutes les confessions. Ils ont construit
un pays, l’Algérie, l’ont quitté dans la douleur en 1962. Arrivés
en nombre sur la Côte d’Azur, ils ont participé à son essor
et à sa réussite. Ne sont pas oubliés les Français du Maroc
et de Tunisie ». La stèle est inaugurée le 5 juillet 2012 par le
maire de Nice, Christian Estrosi. Nice, et de façon plus générale
le département des Alpes-Maritimes, ont accueilli plus de
60 000 rapatriés d’Algérie en 1962, Européens et harkis, dont
beaucoup vivent encore dans la ville et dans la région. Un
autre monument existe à Nice, dans le square Alsace-Lorraine :
inauguré le 25 février 1973 en présence de Jacques Médecin,
à l’initiative de la Fédération des associations de rapatriés
des Alpes-Maritimes, le monument est composé d’une main
tenant une urne funéraire sur un piédestal. Œuvre du sculpteur
algérois André Greck, Grand Prix de Rome en 1936, il a rejoint
dans ce square le monument en hommage à Paul Déroulède.
« Le projet était explicite : “1830-1962. Passant, souviens-toi
qu’il y eut une Algérie française et n’oublie jamais ceux qui sont
morts pour elle”. » (Raphaëlle BRANCHE, La Guerre d’Algérie : une
histoire apaisée ?, Seuil, 2005). Sur la face arrière du piédestal,
l’inscription suivante en fait un des plus anciens monuments
d’hommage à l’OAS : « Roger Degueldre (un des chefs les
plus actifs de l’OAS) symbole de l’Algérie française ». Ainsi, les
différents monuments commémoratifs et les cérémonies qui
s’organisent autour de ces derniers (et les polémiques qui les
accompagnent systématiquement), font dire à certains médias
que Nice est devenue la « capitale de l’Algérie française ».
Document 5 : Cet article du Monde en 2003 témoigne du
conflit mémoriel autour de la date de la commémoration de
la fin de la guerre d’Algérie. Comme le rappelle l’historienne
Sylvie Thénault il est « assez difficile de commémorer une
défaite » et les gouvernements français ont longtemps refusé
toute date officielle. Les associations d’anciens combattants
ou de rapatriés ont donc choisi elles-mêmes leur date de
commémoration. Ainsi, depuis 1963, la FNACA (Fédération
nationale des anciens combattants en Algérie-Maroc-Tunisie)
a choisi le 19 mars, date du cessez-le-feu, pour célébrer la fin
de la guerre en Algérie. D’autres associations, qui voient dans
cette date le début de violences à l’égard des pieds-noirs,
organisent depuis 2002 les commémorations à la date neutre
du 5 décembre. Le 5 décembre 2017 à Angers, la FNACA décide
de participer aux cérémonies commémoratives pour mettre
fin aux querelles.
Le document 6 est un extrait La Guerre d’Algérie : une histoire
apaisée ? de Raphaëlle Branche, historienne qui en 2000 fait
sa thèse de doctorat sur la torture en Algérie. L’historienne est
devenue spécialiste de la guerre d’Algérie.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : On voit sur la photographie que les harkis et leurs
familles sont logés à Rivesaltes dans des tentes, sur un terrain
de sable et de gravier. Ils semblent ne pas avoir vraiment de
mobilier, si ce n’est de récupération. On entraperçoit sur le sol
de la tente à droite une sorte de réchaud. On peut supposer
que toute la famille, sauf la mère, est sortie pour ce portrait.
La famille dans cette tente se compose donc de cinq enfants
et des deux parents. Leurs tenues vestimentaires sont très
modestes. Leurs conditions de vie sont manifestement difficiles.
Question 2 : L’auteure a vécu la guerre alors qu’elle avait 8 ans.
Elle en garde un souvenir confus, « des scènes qui se rattachent
mal les unes aux autres ». Pendant le cessez-le-feu, sa famille est
restée « enfermée dans la maison ». Elle se souvient d’un climat
de violence (« explosions », « carriole renversée et le corps d’une
femme […] dans une flaque de sang », « attentat »). L’expression
« la valise ou le cercueil » correspond aux pressions faites sur
les Européens, après les accords d’Évian, pour qu’ils quittent
l’Algérie. Dans la question « pourtant, nous étions bien français
nous aussi ? », on sent que l’auteure, enfant, ressent une forme
d’abandon de la part des autorités françaises et se questionne
sur son identité. La mémoire qu’elle a des événements est donc
complexe et touche l’intime de sa personnalité, à l’instar de
toutes les victimes de cette guerre.
Question 3 : Les mémoires de la guerre restent vives car
les acteurs de la guerre sont vivants, souvent « arrivés à
l’âge de la retraite » (doc. 6). Anciens combattants, rapatriés,
harkis (doc. 5), ils sont à la recherche d’explications « quant
à leur histoire personnelle » ou interrogent « les dimensions
collectives de leur vécu » (doc. 6). Aussi, les mémoires restent
vives car des demandes de réparations et d’indemnisations,
de commémorations, de reconnaissance officielle ont lieu
(doc. 5 et 6).
Question 4 : En Algérie et en France, les mémoires officielles
s’expriment sous la forme de monuments (à Alger, le mémorial
du Martyr et à Paris un mémorial national, quai Branly) et de
cérémonies commémoratives. Mais ces lieux de mémoire
génèrent des émotions diverses, et certaines mémoires
individuelles ou collectives ne peuvent adhérer à la glorification
du groupe qu’ils commémorent : ainsi en Algérie, certains
ne reconnaissent pas le FLN comme seul parti légitime. Le
document 4 prouve aussi que certains rapatriés se considèrent
victimes d’une défaite militaire qu’ils ne souhaitaient pas : la
stèle exprime leur « nostalgérie ». Pour l’historienne Raphaëlle
Branche, il faut, pour apaiser les différentes mémoires et les
faire coexister, que la guerre d’Algérie soit enfin reconnue par
la France comme une guerre de décolonisation, et que l’État
français reconnaisse qu’il a géré le conflit avec une politique
colonialiste.
Bilan Les mémoires individuelles et collectives de la guerre
d’Algérie sont multiples et concurrentes. Il y a celles des civils
Européens et Algériens, en Algérie et en métropole. Il y a celles
des combattants, parmi lesquels on doit distinguer des soldats
volontaires ceux qui étaient obligés de faire la guerre, du côté
français et du côté algérien.
Parcours 2
Les deux textes étudiés sont de nature très différente puisque le
document 3 est un témoignage autobiographique, tandis que
le document 5 est un article du journal Le Monde. Le premier
correspond au point de vue d’une civile, encore enfant en 1962 ;
le second se concentre sur la question des combattants et du
choix de la journée de commémoration des soldats morts à la
guerre. Les mémoires exprimées ne sont évidemment pas les
mêmes, mais se recoupent d’une certaine façon en mettant
en lumière l’année 1962. Monique Canto-Sperber raconte ainsi
comment sa famille est restée à Alger et comment elle a ressenti
la tension existant entre les différents groupes de population
après l’indépendance du 2 juillet 1962, indépendance promise
par le cessez-le-feu du 19 mars 1962. Or, dans le document 5,
est soulignée l’importance aux yeux de la FNACA (Fédération
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 113
 nationale des anciens combattants en Algérie-Maroc-Tunisie)
de considérer le 19 mars 1962 comme seule journée possible
pour l’hommage aux victimes de la guerre, puisque cette date
est celle de la fin des combats. Mais dans les deux documents,
on comprend bien qu’après le 19 mars 1962 de nouvelles
victimes du conflit sont apparues : harkis, victimes de l’OAS,
victimes du FLN, algériennes ou d’origine européenne.
On comprend mieux l’existence de mémoires différentes à la
lumière des analyses de Raphaëlle Branche (doc. 6) : d’une part
« les personnes recherchent une explication quant à une histoire
personnelle [...] d’autre part elles interrogent les dimensions
collectives de leur vécu ». Des mémoires différentes se sont
constituées au sujet de la guerre d’Algérie en fonction du
statut du témoin : les combattants n’ont pas le même ressenti
que les civils. Ainsi le document 3 montre une vision de la
guerre tenant compte de la complexité de la situation et sans
jugement, tandis que dans le document 5 on comprend que,
pour certains combattants, les prises de position radicales
sont difficiles à éviter. Les mémoires se constituent donc en
fonction du vécu, du statut du témoin, mais aussi du rôle qu’il
a joué dans le conflit.
POINT DE PASSAGE p. 188-189
La Constitution de 1958
Problématique : Quel nouveau régime politique naît de la
crise algérienne ?
Rédigée sous la direction de Michel Debré, la nouvelle
Constitution de 1958 correspond au projet élaboré dans le
discours de Bayeux de de Gaulle, en 1946. Née dans un contexte
singulier, elle propose une nouvelle organisation des pouvoirs
familière des élèves puisqu’ils ont déjà abordé le modèle
politique gaulliste dans le point de passage le comparant à
celui de Mendès France (p. 180-181). Ainsi les élèves inscrivent
le débat institutionnel dans un temps long et comprennent que
si la conjoncture permet la mise en place du nouveau régime,
l’évolution que connaît la République est due à des questions
structurelles. Aussi, l’apparition d’un nouveau régime né d’une
crise politique explicite l’intensité de la crise algérienne et le
lien entre exercice du pouvoir et institutions.
Le document 1 est un schéma qui met en évidence les
interactions entre les différents pouvoirs et leur équilibre. Il
est intéressant de rappeler ici aux élèves que tout changement
constitutionnel fait l’objet d’un référendum soumis aux citoyens
ou d’un vote au Parlement (dans ce cas il faut qu’il y ait la
majorité des 3/5e des suffrages exprimés). Un référendum a
donc été organisé pour l’élection au suffrage universel direct
du président ; un vote a été soumis au Parlement pour que le
5 juillet 1974 l’âge requis pour la majorité soit désormais de
18 ans et non plus 21 ans.
Le document 2 est un extrait de la nouvelle Constitution. Sa
préparation se fait à partir d’une part des idées de de Gaulle
(exprimées dans le discours de Bayeux) et d’autre part des
idées des parlementaires. Michel Debré, ancien résistant et
membre du parti gaulliste, est nommé garde des Sceaux par
de Gaulle dès son arrivée au pouvoir en juin 1958 : il préside
l’élaboration de la nouvelle Constitution. Il est aidé d’un comité
technique composé de juristes membres du Conseil d’État et
114
de spécialistes du droit, et d’un autre groupe qui se réunit à
Matignon dans le bureau de de Gaulle : ce groupe réunit les
quatre ministres d’État, et les deux juristes que sont René Cassin
et Raymond Janot. Pierre Pflimlin et Guy Mollet y interviennent
souvent. À la mi-juillet, un avant-projet aboutit. Contenu dans
un cahier de quarante pages à couverture rouge, il est appelé
le « cahier rouge ». Le 3 septembre la Constitution est adoptée
en Conseil des ministres. Le 4 septembre, date anniversaire
de la proclamation de la IIIe République, de Gaulle présente la
Constitution depuis la place de la République, à Paris, dans une
mise en scène grandiose. Les nombreux symboles républicains
présents lors du discours servent à légitimer l’action de de
Gaulle et à inscrire cette nouvelle Constitution dans la continuité
républicaine. La constitution est adoptée le 28 septembre par
référendum.
Le document 3 est une caricature dessinée par Jean Effel dans
L’Express le 19 septembre 1958. Proche du parti communiste,
Jean Effel signe ses caricatures en popularisant la Marianne
républicaine sous les traits d’une jeune fille en sabots, coiffée
d’un bonnet phrygien. On voit ici la République forcée d’épouser
de Gaulle car menacée par la force de l’armée, représentée ici
par le général Massu et sa mitraillette. On remarque au-dessus
du dos de Massu un papillon, dont les ailes retournées évoquent
un parachute. Allusion au 8 janvier 1957, date à laquelle Massu
entre dans Alger avec 8 000 paras et proclame la loi martiale ?
Marianne est sous le coup de la force : sa jolie couronne de
mariée est tombée, car Marianne est tenue fermement par
deux hommes politiques de premier plan de la IVe République,
deux anciens présidents du Conseil, le radical Félix Gaillard
et le socialiste Guy Mollet. Jean Effel accuse donc l’armée de
permettre le retour de de Gaulle au pouvoir (comme un coup
d’État), mais il accuse aussi les politiciens d’en être complices.
Le document 4 est un extrait du pamphlet écrit par François
Mitterrand en 1964, dans lequel il critique avec véhémence les
conditions de mise en œuvre des institutions de la Ve République
(et non les institutions elles-mêmes ou l’amendement de 1962
comme il est souvent dit), c’est-à-dire le « pouvoir personnel »
instauré par de Gaulle depuis 1958. En 1964, Mitterrand a enfin
retrouvé depuis deux ans le poste de député de la Nièvre qu’il
occupait avant 1958. Il est à la tête d’une petite organisation
politique, la Convention des institutions républicaines, après
avoir sans succès essayé d’entrer au Parti socialiste autonome.
Alors que sous la IVe République Mitterrand est un politicien
qui compte (il est nommé onze fois ministre), à partir de 1958
il perd de sa notoriété au sein d’une gauche en difficulté. La
parution du Coup d’État permanent aide au retour en politique
de Mitterrand, et quelques mois plus tard Mitterrand devient
candidat contre de Gaulle aux présidentielles. À l’élection de
décembre 1965, il s’affirme comme candidat unique de la
gauche face au président.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les assemblées, à savoir l’Assemblée nationale
et le Sénat, représentent le pouvoir législatif : elles proposent,
débattent et votent les lois. Représentants de la souveraineté
nationale, les députés et les sénateurs ont un rôle fondamental
dans le fonctionnement du régime démocratique. L’Assemblée
nationale peut renverser le gouvernement en votant une
motion de censure. Dans la nouvelle constitution, le président a
également un rôle très important. Il nomme le Premier ministre,
peut dissoudre l’Assemblée, propose des lois. Il a un rôle-clé
dans l’exercice du pouvoir exécutif. On remarque que les trois
pouvoirs sont clairement séparés.
Question 2 : Le président a des pouvoirs renforcés. Ses pouvoirs
généraux sont décrits dans les articles 5, 8 et 10 : nommer le
Premier ministre, garantir le fonctionnement des institutions.
Il est aussi chef des armées « car garant de l’indépendance
nationale et de l’intégrité du territoire » (articles 5 et 15). Il
est le chef de la diplomatie (article 14). Mais il a aussi des
pouvoirs exceptionnels, décrits dans les articles 11, 12 et 16 :
soumettre au peuple une loi sans passer par le Parlement,
dissoudre l’Assemblée ou prendre pour un temps donné les
pleins pouvoirs, correspondent à des situations exceptionnelles.
Question 3 : La Ve République est un régime au pouvoir exécutif
fort pour plusieurs raisons. D’une part le président a des
pouvoirs renforcés, généraux et exceptionnels (doc. 2). D’une
part, en cas de désaccord avec le Parlement, le pouvoir exécutif
a différents moyens de contourner l’opposition parlementaire
(droit de dissoudre l’Assemblée ; organisation d’un référendum,
article 49.3). D’autre part l’exécutif est renforcé à partir de 1962
par le vote au suffrage universel direct du président, qui établit
un lien privilégié et direct entre le président et le peuple, et
met au second plan le rôle des représentants des assemblées.
Question 4 : Certaines caractéristiques du pouvoir mis en place
par de Gaulle sont critiquées car elles semblent manquer de
légitimité républicaine. Ainsi, sur la caricature de Jean Effel,
a-t-on l’impression que Marianne est très malmenée (doc. 3)
et Mitterrand (doc. 4) estime que la Constitution est devenue
« un chiffon de papier », que de Gaulle ne cesse de « froisser ».
Deux éléments majeurs peuvent expliquer cette critique.
Tout d’abord, les conditions de mise en place du nouveau
régime : le document 3 condamne l’intervention de l’armée
dans le retour de de Gaulle, et Mitterrand (doc. 4) parle de
« coup d’État », « issu de l’insurrection ». Mais ce sont aussi
les pouvoirs renforcés du président qui suscitent la critique.
Dans le document 3, de Gaulle semble lointain, distant, dans
le document 4 il est comparé par Mitterrand à un dictateur,
et celui-ci utilise des termes outranciers : « duce », « führer »,
« caudillo » sont des termes désignant les pires dictateurs du
début du XXe siècle. Il s’agit ici de critiques qui visent surtout
à la personnalité du président.
Bilan La Ve République est bien un régime parlementaire
puisque le Parlement a un rôle législatif séparé de l’exécutif,
et que le gouvernement est responsable devant le législatif
(doc. 1). Mais dans ce nouveau régime, le pouvoir exécutif,
composé du président et du gouvernement, a une importance
accrue du fait des pouvoirs renforcés du président (doc. 2).
Cette présidentialisation du régime provoque des critiques car
il semble que le président concentre les pouvoirs, aux dépens
de l’exercice démocratique.
Parcours 2
Le président de la République française a des pouvoirs très
importants. Ses prérogatives sont nombreuses et s’appliquent
dans différents domaines : en matière de politique extérieure,
mais aussi de politique intérieure. On distingue différents
types de pouvoirs présidentiels : les pouvoirs propres du
président, c’est-à-dire ceux qu’il exerce absolument seul, ce
sont les pouvoirs de garantie et d’arbitrage (articles 5, 8 et 10) ;
les pouvoirs en temps de crise (pleins pouvoirs définis dans
l’article 16, ou droit de dissolution de l’Assemblée défini dans
l’article 12) ; et les pouvoirs partagés avec le Premier ministre ou
les ministres (articles 11, 13, 14, 15 et 20). Le statut présidentiel
est donc renforcé puisque, du fait de ces différents articles, les
pouvoirs du président s’exercent dans tous les domaines de
l’exécutif et peuvent intervenir dans le législatif.
Leçon 2 p. 190-191
La crise algérienne et la naissance
de la Ve République
Problématique : La leçon montre les liens de causalité entre
crise politique, changement de Constitution et décolonisation.
La problématique est ainsi « comment les nouvelles institutions
répondent-elles aux besoins de la France ? » La partie A expose
les difficultés que connaît la République en 1958 : l’instabilité
gouvernementale et l’insurrection algérienne. La nouvelle
Constitution, en redéfinissant le territoire de la République et en
modifiant l’équilibre des pouvoirs entre l’exécutif et le législatif,
ouvre de nouvelles perspectives de résolution de la crise. La
partie B décrit les facteurs de l’enlisement du conflit algérien :
le statut du territoire (un département français), la multiplicité
des acteurs, la responsabilité du politique. La partie C explique
comment les autres colonies, dans la nouvelle Constitution,
trouve le chemin juridique de leur émancipation.
Notion importante : La notion abordée ici est celle de la
présidentialisation du régime. La Ve République est un régime
parlementaire, mais deux éléments qui apparaissent sous les
présidences de de Gaulle transforment le régime. C’est tout
d’abord le rôle du président, qui s’affirme par l’usage des
médias ou les référendums en lien direct avec les citoyens : « au-
dessus des partis », le président semble être seul décisionnaire.
Aussi, si à l’Assemblée nationale la majorité des députés est
présidentielle, les institutions de la Ve République permettent
alors de facto au président d’en faire une sorte de chambre
d’enregistrement de ses décisions. Il est important de souligner
que ce ne sont donc pas les institutions qui présidentialisent
le régime, mais l’usage qui en est fait.
SCHÉMA BILAN Le schéma bilan permet d’identifier les
conséquences institutionnelles et politiques de la crise
algérienne. On constate que l’exercice de la citoyenneté, la
définition du territoire de la République et l’équilibre des
pouvoirs sont impactés : la crise algérienne, par ses aspects et
ses répercussions, est un des événements majeurs de l’histoire
politique française du XXe siècle.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Le 23 avril 1961, à Alger, un coup de force est organisé par des
généraux hostiles au processus d’indépendance de l’Algérie
annoncé par de Gaulle. La République est à nouveau menacée.
La réaction de de Gaulle face au putsch des généraux est
extrêmement sévère. Il méprise les généraux qu’il qualifie
de « coupables », de « quarteron de généraux en retraite »
(quarteron = petit groupe, péjoratif ), au « savoir-faire limité et
expéditif », « ambitieux et fanatiques ». Pour appeler l’armée
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 115
 et les Français à ne pas suivre les généraux, de Gaulle utilise
différents arguments : le processus de décolonisation est
« nécessaire », le putsch va nuire au redressement de la France,
bien lancé. Enfin, il explique que les ordres des généraux n’ont
pas à être exécutés, car en vertu de l’article 16 les ordres viennent
désormais du président : les modifications constitutionnelles
de 1958 sont de facto légitimées.
Étude p. 192-193
La modernisation de l’économie
française
Problématique : Dans quelle mesure la modernisation de
l’économie française permet-elle une croissance importante
après la guerre ?
En 1945 la fin du conflit mondial ouvre pour les anciens
belligérants la question du redressement économique. La
France, lourdement endettée, doit réparer les destructions
et relancer la production, en limitant autant que possible
l’inflation. On pense au discours de Thorez à Waziers, affirmant
devant les mineurs : « produire, c’est aujourd’hui la forme la
plus élevée du devoir de classe ». La reconstruction est donc
un mot d’ordre national. L’intérêt de cette étude est de montrer
comment les gouvernements de 1945 à 1969 organisent le
relèvement économique et la croissance, et d’en identifier les
conséquences sur la population. Ainsi se croisent histoires
économique, sociale et culturelle.
Le document 1 est un schéma montrant l’interaction entre
nationalisations et planifications. Le Commissariat général au
plan est institué le 21 décembre 1945, sur la décision de de
Gaulle. Il s’agit d’un plan de « modernisation et d’équipement »
permettant d’obtenir l’aide financière des États-Unis, et
obéissant à une logique libérale. Les trois premiers plans
permettent l’augmentation de la production, les quatrième
et cinquième concernent davantage l’action régionale et
l’aménagement. L’État dirige les entreprises publiques et
« conseille » les entreprises privées : en contrepartie, elles
reçoivent des financements. Les premières nationalisations
sont souvent politiques, c’est-à-dire qu’elles visent des
entreprises connues pour leur collaboration pendant la
guerre. Les suivantes répondent à une stratégie d’intervention
de l’État et de participation des travailleurs aux conseils
d’administration.
Le document 2 est un extrait des Trente Glorieuses ou la
révolution invisible de Jean Fourastié. Devenue synonyme de
« période de croissance économique », l’expression apparue
en 1979 connaît immédiatement un grand succès. Mais il faut
contextualiser ce succès pour vérifier la pertinence de cette
périodisation et son contenu. En 1979, les Français souffrent
de la hausse du chômage, des deux chocs pétroliers et du
ralentissement de la croissance. Dans ces conditions, faire des
années 1950 et 1960 une période de prospérité, un « âge d’or »,
permet à la société française de trouver des ressources pour
mieux affronter les difficultés qui s’annoncent. Les historiens
qui travaillent aujourd’hui sur les Trente Glorieuses écrivent
donc une « autre histoire » de cette époque, plus complexe et
nuancée que laisse à penser son titre. L’extrait choisi présente
116
l’intérêt d’apporter des informations chiffrées qui permettent
d’évaluer l’importance des transformations, objectivement et
sans glorification excessive.
Le document 3 est le célèbre appel de l’abbé Pierre, lancé sur
Radio-Luxembourg. L’hiver 1954 est particulièrement froid et
les logements manquent : un fort exode rural a provoqué le
développement des bidonvilles à la lisière des grandes villes,
et le nombre de « couche-dehors » comme sont appelés alors
les SDF augmentent. Pourtant, en janvier 1954, l’Assemblée
nationale vote contre le déblocage d’un milliard de francs pour
la construction de logements d’urgence. Sous la pression de
l’opinion publique émue par le discours de l’abbé Pierre, le
Parlement vote la construction immédiate de 12 000 logements.
En 1956, la loi sur la « trêve hivernale des expulsions locatives »
est votée. Le document est un contrepoint essentiel à une
certaine vision des Trente Glorieuses.
Le document 4 décrit l’essor de la société de consommation
dans les années 1960. L’expression est généralement attribuée
à Jean-Marie Domenach, directeur de la revue Esprit : lorsqu’il
l’utilise pour la première fois, au tout début des années 1960, il
lui donne un sens critique. Par la suite, d’autres auteurs utilisent
l’expression « culture de consommation » ou « consommation ».
Historiquement, on constate effectivement un accroissement
notable du nombre de consommateurs, ainsi que la diffusion
de biens produits en série à la fin des années 1950 en France.
Les facteurs sont multiples : augmentation du pouvoir d’achat,
progrès technique, accès aux marchés, à différentes échelles.
Le comportement des consommateurs face au « luxe » est
également essentiel.
Le document 5 présente sous forme synoptique quelques
indications démographiques et économiques caractérisant la
France de 1945 à 1969. Certaines données sont manquantes
en raison de deux dévaluations du franc en 1948 et 1949, et
de la création du franc Pinay fin 1958 : certains indices de
production deviennent de fait caducs. Concernant les chiffres
démographiques, il est utile de nuancer ce que l’on appelle
souvent le baby-boom. En fait, la reprise démographique
date de la guerre et apparaît en particulier à partir de 1942.
L’augmentation du taux de natalité s’explique alors par le
relèvement du taux de fécondité, favorisé par les politiques
natalistes de la IIIe République et du régime de Vichy. Ces
politiques sont soutenues par les gouvernements après la
guerre : de Gaulle demande « douze millions de beaux bébés »
et la mise en œuvre de la Sécurité sociale apporte des aides
concrètes et auspicieuses pour les familles.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’État intervient très fortement pour soutenir la
reprise de l’économie puisqu’il met en place des nationalisations
d’entreprises et une planification. Ce sont des interventions
fortes dans l’économie, on parle de dirigisme d’État. On constate
que les deux programmes convergent vers la modernisation
du pays et nécessitent, pour être mises en œuvre, le soutien
du plan Marshall.
Question 2 : L’importance de la croissance se mesure à l’aide de
certains indicateurs comme l’augmentation de la production
industrielle et l’augmentation du PIB (doc. 5) : ainsi, le PIB
augmente chaque année après la guerre au minimum de 2,7 %
et au maximum de 7 %. Dans le document 2, c’est l’augmentation
du nombre de biens d’équipement disponibles qui témoigne
de l’augmentation de la production et donc de la croissance.
Ainsi, « sur les 243 foyers de Cessac plus de 230 ont le “confort
moderne” ; allant de la cuisine parfaitement équipée, aux W.C.
intérieurs à chasse d’eau, aux lavabos, à la salle de bains à eau
courante chaude et froide. » La rapidité de la croissance est
montrée dans le tableau (doc. 5) par l’évolution rapide de tous
les chiffres sur deux décennies. Le document 2 insiste aussi sur
la rapidité des changements : « ne doit-on pas dire glorieuses
les trente années qui séparent Madère de Cessac, et ont fait
passer Douelle et la France de la pauvreté millénaire, de la vie
végétative traditionnelle, aux niveaux de vie et aux genres
de vie contemporains ? » Ici l’auteur compare une forme de
développement qui s’est étendue sur un « millénaire » aux
transformations rapides de « trente années ».
Question 3 : L’innovation technologique est un élément de la
croissance, présentée comme tel dans le document 2. En effet,
l’auteur insiste sur de nouveaux produits nés d’innovations
technologiques : le « confort moderne » apparaît avec de
nouvelles installations (cuisine équipée, lavabos, téléphone
par exemple), mais l’innovation vient aussi de la rapidité avec
laquelle les biens sont produits. Dans le document 2, l’auteur
mentionne par exemple le temps qu’il fallait pour fabriquer le
sucre : en 1945 il fallait 45 minutes ; en 1975 il en fallait 13. Il
dit aussi que « l’écart est encore plus fantastique pour certains
produits manufacturés ».
Question 4 : L’expression « Trente Glorieuses » correspond
pour l’auteur à une période grâce à laquelle la population
française passe d’un mode de vie « traditionnel » à des modes
de vie dits contemporains, où le niveau de vie permet de
profiter de « l’hygiène, de la santé, de la Sécurité sociale, et
de tous les moyens modernes de transport, d’information, de
communication ». Pour l’auteur, ce sont des progrès immenses
qui valorisent la modernisation de l’économie française.
Question 5 : Les Trente Glorieuses sont une période de
croissance et de modernisation pour la France, mais certains
aspects sont critiqués par ses contemporains. Dans le
document 2, ces critiques sont évoquées en creux par la
référence à « quelques adolescents sympathiques mais mal
informés […] qui critiquent, voire détestent, la société de
consommation ». Dans le document 3, l’abbé Pierre pointe
les difficultés d’une partie de la société française, celle qui ne
reçoit pas les fruits de la croissance et est « sans toit, sans pain ».
L’abbé Pierre indique que manquent des logements, mais aussi
des couvertures, de la nourriture : cela ne correspond pas à
l’image prospère que donnent les Trente Glorieuses.
Bilan Dans l’après-guerre, les gouvernements français
appliquent le dirigisme d’État pour redresser l’économie. Ils
organisent la planification de l’économie, soutenue par les
aides du plan Marshall, et nationalisent des entreprises dont
les productions sont indispensables à la reconstruction. Ainsi
naît une période de croissance, de 1945 à la fin des années
1960, que Jean Fourastié a nommée « Trente Glorieuses ». La
croissance s’accompagne d’une modernisation du pays et de
transformations dans la vie quotidienne de la population : le
niveau de vie augmente, les biens d’équipements sont plus
nombreux et modernes, des progrès technologiques entrent
dans les foyers, comme le téléphone. Mais cette croissance ne
profite pas à tous : la politique gouvernementale a privilégié
certains secteurs à d’autres et la construction de nouveaux
logements après la guerre a été négligée. Le nombre de
sans abris ou de personnes en situation d’extrême pauvreté
est important. Par ailleurs, la « société de consommation »
commence à être critiquée.
Parcours 2
Jean Fourastié ne décrit, dans son livre Les Trente Glorieuses,
que les aspects positifs de la période. On peut organiser ces
aspects en fonction de leurs conséquences économiques et
sociales. D’un point de vue économique, Fourastié souligne
tout d’abord l’augmentation de la productivité, en mettant
en lien la diminution des prix avec la diminution du temps
de travail ou de trajet demandé. Ainsi, si le pain « coûtait »
24 minutes de travail en 1946, il n’en coûte plus que 10 en
1975. L’augmentation de la productivité est permise grâce
aux innovations technologiques, que Fourastié évoque à
travers la description d’un « confort moderne » : le téléphone,
la cuisine équipée, l’eau chaude, mais aussi les transports
sont cités dans l’extrait. Ces différents progrès conduisent les
secteurs économiques à se réorganiser et l’auteur insiste sur
l’évolution du secteur primaire (les agriculteurs deviennent
minoritaires en 1975), et du secteur tertiaire (qui devient
le groupe dominant en 1975). D’un point de vue social, la
modernisation des équipements, la diminution des prix, le
développement du tertiaire, ont une influence forte sur les
conditions de vie des habitants à la fin des Trente Glorieuses.
Pour Fourastié, le niveau de vie a augmenté (« le niveau de vie
moyen est de 4 à 5 fois plus élevé »), et c’est un « bénéfice »
(« bénéficiant du niveau et du genre de vie actuel de la France »).
Il utilise pour caractériser cette société « nouvelle » l’expression
« société de consommation », et critique la vision négative
que « des adolescents sympathiques mais mal informés » ont
de la période : les Trente Glorieuses pour Fourastié sont des
années favorables.
Étude p. 194-195
Une politique étrangère française
ambitieuse (1958-1969)
Problématique : Quelle politique extérieure de Gaulle met-il
en œuvre pour rétablir la place de la France dans le monde ?
La politique dite « de grandeur » que mène de Gaulle
correspond à une « certaine idée de la France » qu’il se fait.
De nombreux constitutionnalistes critiquent la caractérisation
de la politique étrangère gaullienne comme le « domaine
réservé » du président, car rien ne l’identifie comme tel dans
la Constitution. Toutefois, la politique étrangère menée par de
Gaulle pendant sa présidence est particulièrement remarquable
par son ambition et est devenue emblématique du gaullisme,
même si ses résultats sont à nuancer. L’intérêt de cette étude
est de montrer comment une politique étrangère sert l’intérêt
national.
Le document 1 est une caricature dite « de la chaise vide ». De
Gaulle veut que l’Europe soit faite d’États-nations, et il supporte
mal que Walter Hallstein, un partisan de la supranationalité,
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 117
 soit à la tête de la Commission européenne. Celui-ci propose
par ailleurs le renforcement, dans le cadre de la PAC, des
compétences budgétaires propres de la Commission : de
Gaulle s’y oppose car il y voit une atteinte à la souveraineté
nationale. De juin 1965 à janvier 1966, il décide que la France
ne participera plus à aucune instance communautaire : c’est
la politique dite « de la chaise vide ».
Le document 2 montre de Gaulle lors du lancement du
premier sous-marin nucléaire français. De Gaulle s’inscrit dans
la continuité des gouvernements de la IVe République en faisant
de la France une puissance nucléaire, la troisième mondiale à la
fin des années 1960. Le Redoutable est un élément important de
la dissuasion nucléaire : il peut accueillir jusqu’à seize missiles
à tête nucléaire. Son lancement le 29 mars 1967, en présence
de de Gaulle et du ministre des Armées Pierre Messmer, est
accompagné d’une grande cérémonie très médiatisée pendant
laquelle cent et un coups de canons sont tirés depuis le fort de
Cherbourg. Le lancement se déroule parfaitement.
Le document 3 est un extrait dans lequel le président expose
un point de vue économique sur le système monétaire
international. De Gaulle dit souvent qu’on lui reproche « de
ne pas [s’intéresser] à l’économie alors [qu’il] y consacre plus
de la moitié de [son] temps ». Ce discours témoigne en sa
faveur. Pour lui, la monnaie française doit être forte et stable
car elle est le corollaire indispensable de la compétitivité des
entreprises. Pour ce faire, la politique économique de de Gaulle
privilégie d’une part la lutte contre l’inflation et d’autre part
un budget rigoureux. Mais elle nécessite aussi le contrôle des
investissements étrangers (en très grande majorité états-uniens),
afin que le dollar ne soit pas la seule monnaie d’échange : en
disant cela il critique ouvertement Bretton Woods.
Le document 4 est une photographie montrant de Gaulle en
visite à Québec. Les voyages à l’étranger de de Gaulle répondent
à différents axes de sa politique étrangère. Le premier axe
est l’exercice de la souveraineté nationale et du respect de
l’indépendance française, dans un contexte de guerre froide : de
Gaulle refuse tout alignement. Le second axe est la construction
de l’Europe. Le troisième axe est la création ou le renforcement
des liens vis-à-vis des pays émergents. Le document ici choisi
correspond au voyage le plus célèbre du président du fait de la
colère aux États-Unis et au Canada anglophone que provoqua
son « vive le Québec libre ». Il est intéressant de noter qu’après
cette date et du fait des tensions sociales en 1968, la politique
étrangère de de Gaulle perd de son crédit auprès des Français.
À plusieurs titres, ce voyage à Montréal est donc important.
Le document 5 montre de Gaulle au salon du Bourget, devant
le Concorde. De Gaulle axe sa politique économique, en lien
avec la politique de grandeur qu’il mène pour la France, autour
de la compétitivité des entreprises, du contrôle des secteurs
stratégiques, de la modernisation des infrastructures et des
territoires. Le Concorde est une réalisation technologique qui
articule les trois axes. Il effectue son premier vol le 2 mars
1969. Le projet avait été lancé par de Gaulle et le Royaume-Uni
en 1962. Pendant son exploitation commerciale, le Concorde
permet de relier Paris à New York en 3 h 30.
Le document 6 est un extrait de la conférence de presse de de
Gaulle annonçant le retrait de la France du commandement
intégré de l’OTAN. Il s’inscrit dans une logique globale
118
d’indépendance nucléaire et de souveraineté nationale. Il est
important de noter que le retrait du commandement intégré
s’inscrit dans une suite d’actions, et n’est donc pas une décision
brutale. Dès mars 1959, les forces navales de la Méditerranée
quittent le commandement intégré, suivies en juin 1960 de
celles de la Manche et de l’Atlantique. En 1960, de Gaulle refuse
de placer la défense aérienne dans le dispositif de l’OTAN. En
mars 1966, le retrait du commandement intégré est annoncé
au président états-unien Johnson, et le 1er avril 1967 il n’y a
plus aucune force états-unienne stationnée en France.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : De Gaulle critique l’hégémonie du dollar dans
le système monétaire international, car il y voit pour les États-
Unis l’explication de leur « propension croissante à investir
à l’étranger. De là, il en résulte pour certains pays une sorte
d’expropriation de telle ou telle de leurs entreprises ». De Gaulle
réagit donc pour préserver l’indépendance et la souveraineté de
la France sur ses entreprises. Mais il apporte un autre argument.
Pour lui, l’hégémonie du dollar dans les échanges internationaux
crée un « déséquilibre » et pose la question des répercussions
d’une crise économique états-unienne sur le reste du monde :
« Que cesse cette sorte de déséquilibre fondamental qui est
désormais un fait. La France l’a préconisé, comme vous le
savez, à la conférence monétaire de Tokyo. Étant donné les
conséquences que pourrait avoir une crise qui surviendrait
dans un pareil domaine, nous pensons qu’il faut prendre à
temps les moyens de l’éviter ».
Question 2 : De Gaulle dit dans son discours de 1965
(doc. 3) que « les circonstances ont changé » et dans celui
de 1966 (doc. 6) qu’il y a des « conditions nouvelles ». Il fait
implicitement référence au contexte international, marqué
par la décolonisation et la construction européenne. Il évoque
explicitement une forme de détente entre les deux blocs qui
s’opposaient pendant la guerre froide et ses conséquences :
« en raison de l’évolution intérieure et extérieure des pays
de l’Est, le monde occidental n’est plus aujourd’hui menacé
comme il l’était à l’époque ou le protectorat américain fut
organisé en Europe sous le couvert de l’OTAN ». Ce contexte
nouveau justifie pour de Gaulle l’affirmation de l’indépendance
nationale.
Question 3 : Pour asseoir sa politique d’indépendance nationale,
de Gaulle décide de moyens d’actions médiatiques, radicaux
et sans équivoque. Ainsi, pour imposer son point de vue dans
la politique de construction européenne, de Gaulle décide de
« boycotter » les institutions européennes pendant plusieurs
mois. Lors d’un voyage à l’étranger, au Canada, il invite
également le Québec francophone à demander davantage
d’autonomie, et en faisant cela il « fâche » le Canada.
Question 4 : Les innovations présentées dans les documents
2 et 5 sont l’utilisation du nucléaire dans l’armement et une
nouvelle technologie dans les transports. Le lancement d’un
sous-marin nucléaire permet le renforcement de la puissance
française dans le domaine militaire, en présentant la France
comme puissance nucléaire mondiale. Le Redoutable et le
Concorde sont des témoignages de la puissance économique de
la France. L’envergure des progrès technologiques nécessaires
à la réalisation et à la mise en fonctionnement des deux engins,
est la preuve d’un savoir-faire des entreprises françaises très
favorable à leur compétitivité sur le marché mondial. Par
ailleurs, ces progrès montrent que le secteur de la recherche et
du développement scientifique est dynamique et performant,
ce qui renforce la puissance de la France.
Bilan En 1969, la France affirme son indépendance et sa
souveraineté nationale à l’aide d’une politique étrangère
qu’elle exerce à l’échelle mondiale. Elle fait partie des rares
puissances nucléaires, son économie est redressée et au
cœur de la construction européenne, elle affirme des liens
diplomatiques avec tous les continents. Toutefois, son économie
n’est pas parmi les plus fortes, sa force nucléaire est peu de
choses comparativement à celle des États-Unis et de l’URSS, et
diplomatiquement sa volonté de non-alignement est limitée
par la bipolarisation du monde. La France est une puissance
moyenne, mais qui s’affirme à l’échelle mondiale.
Parcours 2
De Gaulle a pour la France un objectif de « grandeur » davantage
que de puissance, c’est-à-dire qu’il veut qu’elle ait une place
importante à l’échelle mondiale, sans chercher à lui donner
un rôle de leader auquel, après la guerre et dans le contexte
de perte de son empire colonial, elle ne peut de toute façon
prétendre. Ainsi, il poursuit le développement du nucléaire pour
que la France devienne la troisième puissance nucléaire, et le
lancement du premier sous-marin nucléaire français (doc. 3)
est en ce sens très emblématique. De Gaulle tient par ailleurs
à affirmer la puissance militaire française en s’affranchissant de
l’influence états-unienne : ainsi il annonce le départ de la France
du commandement intégré de l’OTAN, car « notre pays devenant
de son côté et par ses propres moyens une puissance atomique,
[il] est amené à assumer lui-même les responsabilités politiques
et stratégiques » (doc. 6). Cette décision complète l’affirmation
de la puissance militaire en affirmant une indépendance d’ordre
diplomatique (« la volonté qu’a la France de disposer d’elle-
même »). D’un point de vue économique, il revendique un
changement de système monétaire pour limiter l’hégémonie du
dollar. « L’augmentation de la circulation fiduciaire américaine »
favorise les investissements états-uniens à l’étranger et il « en
résulte pour certains pays une sorte d’expropriation de telle
ou telle de leurs entreprises ». Elle favorise aussi les conditions
d’une nouvelle crise financière (« cette sorte de déséquilibre
fondamental qui est un fait »).
Pour conclure, la puissance de la France, dans ses aspects
militaire, économique et diplomatique, est conditionnée, pour
de Gaulle, par sa capacité à pouvoir exercer son indépendance,
et c’est là la plus grande ambition du président.
Leçon 3 p. 196-197
L’affirmation de la puissance française
dans les années 1960
Problématique : La leçon permet d’inscrire les succès
économiques, diplomatiques et militaires de la France des années
1960 dans de fortes continuités, celles d’une politique étrangère
cohérente et ambitieuse menée par des gouvernements de
1945 à 1969. La leçon souligne l’empreinte spécifique de Gaulle :
une politique étrangère dite « de grandeur », permettant à la
France, devenue puissance moyenne, de garder une place dans
le monde, alors même que d’importantes difficultés intérieures
fragilisent dès 1968 la cohésion nationale.
Notions importantes : La notion de Nouvelle Vague permet
d’insister sur la place de la France dans le monde des arts,
et de compléter ainsi par l’utilisation de l’histoire culturelle
l’histoire politique de l’affirmation de la puissance française.
La seconde notion concerne le contexte international : en
1961 la conférence de Belgrade réaffirme les principes de
la conférence de Bandung et le tiers-monde s’affirme. La
conférence d’Alger en 1973 qui ouvre la possibilité d’un accord
sur les prix du pétrole le prouve.
SCHÉMA BILAN On remarque que la politique étrangère a
porté sur de nombreux aspects de la puissance à différentes
échelles, et a été globalement positive, mais que les difficultés
économiques (auxquelles s’ajoutent des tensions sociales)
nuancent la situation de la France à la fin des années 1960. Le
schéma invite à réfléchir sur l’interdépendance entre politique
étrangère et politique intérieure d’un État.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
De Gaulle veut affirmer l’indépendance de la France : pour de
Gaulle c’est un « moteur indispensable à son effort ».Toutefois,
il souhaite le faire en « ménageant les amitiés traditionnelles
de la France » (1er axe). Ainsi, en voyage officiel au Cambodge,
de Gaulle, dans le discours de Phnom Penh du 1er septembre
1966, affirme son non-alignement vis-à-vis des deux blocs de
la guerre froide. Il propose le maintien de liens de coopération
avec son ancienne colonie (2e axe). Quelques mois plus tôt,
en mars 1966, son annonce du retrait du commandement
intégré de l’OTAN s’inscrit dans la même logique. Le 14 mars
1967, les forces américaines du camp de Saint-Germain-en-
Laye quittent leur base militaire : l’événement, très médiatisé,
exprime l’indépendance et la souveraineté nationale de la
France (3e axe). Mais il faut se donner les moyens de cette
indépendance, et développer la force nucléaire militaire en
est un. La caricature de Fritz Behrendt datant de 1967 montre
comment opère le « miracle atomique » : inaudible sur la scène
internationale (et dominé par les deux Grands), de Gaulle, après
les essais nucléaires réussis au Sahara, sort grandi et domine
désormais les présidents soviétique et américain (4e axe).
Enfin, la visite de de Gaulle en URSS, en 1966, est fortement
relayée par les médias : permise par le contexte de la Détente,
elle est considérée comme un succès. Ce n’est qu’une visite
symbolique, mais qui montre les relations cordiales entre les
deux chefs d’État (5e axe).
Travail de l’historien p. 198
Ce travail de l’historien permet d’aborder d’une autre façon la
question de la jeunesse à travers l’exemple des événements de
mai 1968. Ces manifestations ne sont pas seulement le fait de la
jeunesse mais elles révèlent les revendications des jeunes, qui
ne se reconnaissent pas dans la classe politique française et les
valeurs que représentent le général de Gaulle. Les deux images
proposées ici, l’affiche réalisée dans l’atelier des Beaux-Arts et
la photographie de Daniel Cohn-Bendit face à un gendarme
de Gilles Caron, sont devenues de véritables symboles de cette
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 119
 période. Le texte de Jean-Pierre Le Goff permet d’aborder la
question de l’interprétation de cet événement complexe.
Document 1 : Cette affiche placardée sur les murs parisiens
en mai 1968 est l’une de celles produites par l’atelier des
Beaux-Arts de Paris qui est le plus restée dans les mémoires.
On y retrouve le discours d’émancipation de la jeunesse et
l’accusation contre le général de Gaulle (reconnaissable par
la silhouette) de la museler.
Document 2 : Gilles Caron est un reporter de guerre reconnu,
mort au Vietnam en 1970. Cette photographie est devenue
un symbole de mai 1968. Ici, Daniel Cohn-Bendit est devant
la Sorbonne, alors qu’il est convoqué avec d’autres étudiants
en conseil de discipline. C’est ce regard espiègle de Daniel
Cohn-Bendit devant le gendarme (ce n’est pas un CRS comme
l’indique le titre qu’a donné Gilles Caron à la photographie)
qui reflète tout l’esprit de révolte devant l’ordre établi. Il faut
tout de même préciser que cette photographie n’est devenue
iconique que des décennies après l’événement.
Document 3 : Cet article de Jean-Pierre Le Goff souligne deux
idées fortes : d’une part une gigantesque « libération de la
parole » que l’on voit très bien à travers les slogans répétés
sur les affiches. Mais au-delà du discours, un certain nombre
de transformations profondes se sont opérées en France, avec
notamment « la démystification des pouvoirs en place » (lignes
11 et 12) et plus largement l’émergence de nouvelles sensibilités.
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Ces deux documents sont contemporains des
événements de mai 1968. Ils commencent au début du mois
de mai par des manifestations étudiantes, puis se poursuit
dans le courant du mois par des grèves générales.
B L’historien confronte la source au contexte
Question 1 : Le premier document est réalisé par l’atelier des
Beaux-Arts de Paris. C’est une affiche qui critique le pouvoir
du général de Gaulle et revendique de nouvelles libertés pour
la jeunesse. Le second document, une photographie prise le
6 mai 1968, est un témoignage sous forme de portrait d’une
des personnalités de premier plan lors des manifestations,
Daniel Cohn-Bendit.
Question 2 : Ces deux documents sont devenus iconiques
des manifestations de mai 1968, car l’affiche « Sois jeune et
tais-toi » résume par cette formule l’impression d’absence
de reconnaissance de la jeunesse dans le débat politique. La
photographie de Gilles Caron saisit quant à elle l’impertinence
du regard de Daniel Cohn-Bendit face au gendarme qui
représente l’autorité de l’État.
C L’historien interprète la source
Question 1 : Pour Jean-Pierre Le Goff, le mouvement de mai
1968 est complexe car il répond à des dynamiques différentes :
celle tout d’abord d’une « parole libérée » qui « emprunte ses
idées à une pluralité de courants de pensée » (lignes 1-3). Les
critiques du pouvoir émanent de cultures politiques différentes.
Question 2 : Le mouvement permet « des mutations
120
importantes », car la démystification des pouvoirs a permis
d’ouvrir le débat sur la nature du pouvoir, et sur « le moralisme
issu du XIXe siècle » dans lequel les jeunes ne se reconnaissent pas.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 199
La France (1945-1969) : une nouvelle place dans le monde :
■ Des facteurs politiques et militaires :
- La France devient une puissance nucléaire
- La diplomatie française s’exprime à l’échelle mondiale
- La France est au cœur du processus de construction
européenne
■ Des facteurs économiques :
- La France connaît une forte croissance et se modernise
- La France participe à l’intégration économique à différentes
échelles
- La France produit des biens de haute technologie dans
différents secteurs-clés
■ Des facteurs territoriaux :
- L’empire colonial français disparaît progressivement
- L’Algérie devient indépendante
- Certains territoires d’outre-mer restent français
Exercice BAC p. 199
Analyse de document
L’exercice proposé consiste à construire une analyse critique
d’une affiche politique.
Le document est une affiche politique pour la campagne
d’adhésion à l’UNR (Union pour une nouvelle République), parue
en 1961 et commandée par ce parti politique créé à l’occasion
des élections législatives de novembre 1958. Fondé à l’initiative
de Jacques Soustelle, il réunit les différentes organisations
et personnalités gaullistes. Au moment de sa fondation, le
mouvement reflète les idées de de Gaulle qui sont de construire
une nouvelle République, alors qu’il est chef du gouvernement.
Il succède au RPF (Rassemblement du peuple français) qui a
échoué à devenir un parti de gouvernement. Ses principaux
dirigeants (Frey, Chaban-Delmas, Debré notamment) veulent
investir toutes les institutions de l’État par les élections. L’UNR
devient donc une machine électorale au service du général
de Gaulle et obtient 206 sièges de députés aux élections
de novembre 1958. Cette affiche est parue dans le contexte
de l’année 1961 plutôt difficile pour le général de Gaulle. Le
22 avril a lieu le putsch des généraux en Algérie contre sa
politique d’amener la colonie vers l’indépendance. Le 23 avril,
vêtu de son uniforme, il prononce un discours à la télévision
appelant les soldats mais aussi tous les Français à ne pas suivre
les généraux et informant qu’il se saisit des pleins pouvoirs en
vertu de l’article 16 de la Constitution. C’est une photographie
de ce discours que nous voyons au centre de cette affiche.
La consigne demande explicitement à l’élève de contextualiser
le document, ce qui est indispensable pour le comprendre.
Deux axes peuvent servir de guides pour construire son analyse :
- De Gaulle est présenté comme un homme providentiel. les informations et les mettent en relation avec les connaissances
- Il exerce une pratique personnelle du pouvoir. personnelles. Ce tableau peut ensuite servir pour rédiger
Un tableau peut être proposé aux élèves afin qu’ils sélectionnent l’analyse.

Partie de l’analyse Informations sélectionnées dans le document Connaissances

- « Une fois de plus de Gaulle a sauvé la France » :
mise en valeur de la mythologie gaullienne.
- Son rôle dans la Résistance pendant la Seconde Guerre
mondiale : on voit en haut à gauche, la croix de Lorraine,
symbole de la France libre.
- Son appel le 18 juin 1940 est l’acte de naissance de la France
libre en lutte contre le régime de Vichy et les nazis. Il participe
avec les Alliés à la libération de la France. Son action dans la
Résistance permet à la France d’être aux côtés des vainqueurs
en 1945.

- Le restaurateur de la République « Renforcer l’unité
nationale et l’autorité de l’État » et « Une fois de plus de
De Gaulle est présenté Gaulle a sauvé la France » : cette affiche met en avant le
comme un homme rôle du fondateur de la Ve République.
providentiel
- « Il a encore besoin de vous ». Cette affiche fait
référence au contexte troublé de l’année 1961,
notamment le pustch des généraux d’avril 1961. De plus,
il est représenté en uniforme pour rappeler la continuité
avec ses combats précédents, notamment celui de 1940.
- Après la crise du 13 mai 1958, il accepte de revenir au pouvoir
pour mettre fin au « régime des partis » de la IVe République
fragilisée par la montée de l’antiparlementarisme. De Gaulle
fait rédiger une Constitution, celle de la Ve République,
qui correspond à ses idées en donnant de plus larges pouvoirs
au président de la République.
- Depuis que le référendum de 1961 prévoit d’accorder
l’autodétermination à l’Algérie, la politique de de Gaulle est
contestée par l’OAS qui multiplie attentats des deux côtés de
la Méditerranée, et par l’armée en Algérie qui a beaucoup de
pouvoirs. Il s’attribue les pleins pouvoirs en vertu de l’article 16
de la Constitution.

- Un lien direct avec les Français : la photographie met en
avant un poste de télévision retransmettant le discours du
23 avril 1961. Le général de Gaulle regarde les spectateurs
dans les yeux en mettant en scène son intervention. De
plus, cette affiche est un appel au rassemblement des
Français leur demandant de le soutenir.
- De Gaulle cherche à garder un contact direct avec les
Français par ses interventions à la télévision dont il a bien
compris le pouvoir pour convaincre l’opinion, mais il multiplie
aussi les conférences de presse et les voyages en province.

- Une personnalisation du pouvoir : le nom de de Gaulle
De Gaulle développe une est repris deux fois, il est représenté au centre de l’affiche
pratique personnelle du et profite de la dynamique d’un parti, l’UNR, « qui a
pouvoir toujours soutenu de Gaulle envers et contre tous ».
- De Gaulle veut apparaître comme un rassembleur national.
On note une présidentialisation du pouvoir, le chef de l’État
devient le centre de la vie politique. La pratique du pouvoir
renforce ses prérogatives définies dans la Constitution. De plus,
le président est en charge de la politique extérieure ce qui
dans le contexte de la guerre d’Algérie renforce son poids.

- Mais le bonnet phrygien à droite sur lequel est
imprimée la croix de Lorraine rappelle que ce
pouvoir personnel reste dans le cadre républicain et
démocratique.
- Il veut s’opposer à ses détracteurs qui lui reprochent de se
conduire de manière trop autoritaire. De Gaulle a toujours
respecté le suffrage universel, un des piliers du régime
républicain depuis 1848 et 1944. Il utilise à plusieurs reprises le
référendum (pour la Constitution, pour le sort de l’Algérie).

Conclusion :
Ce document met en avant la personnalisation du pouvoir
du général de Gaulle et la présidentialisation du régime de
la Ve République dans le contexte de la guerre d’Algérie.
Jouant sur la légitimité qu’il incarne depuis la Seconde
Guerre mondiale, il fait aussi appel aux Français pour le
soutenir dans son action alors que le pays est en proie à des
violences. La présidentialisation du régime se renforce avec la
révision d’octobre 1962 qui prévoit l’élection du président au
suffrage universel, acte fondant définitivement la république
gaullienne.
Exercice BAC p. 200-201
Analyse de document
Rédiger l’analyse en articulant les informations tirées du
document et vos connaissances.
La double-page présente une méthode sur un point souvent
difficile pour les élèves, qui est de rédiger une analyse de
document en articulant de manière pertinente les éléments
tirés du document pour répondre à la consigne, tout en les
éclairant par des connaissances. Cette méthode répond donc
à la mention précisée sous chaque consigne : « l’analyse du
document constitue le cœur de votre travail, mais nécessite,
pour être menée, la mobilisation de vos connaissances ».
Le document est un extrait du discours d’investiture de Pierre
Mendès France devant l’Assemblée le 3 juin 1953. Sous la
IVe République, le président du Conseil (chef du gouvernement)

Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 121

 doit obtenir le vote de confiance de la Chambre pour entériner
la composition de l’équipe gouvernementale. Pierre Mendès
France est un député radical qui a commencé sa carrière dans
les années 1930 dans le groupe des « Jeunes Turcs » prônant un
renforcement de l’autorité du président du Conseil. Député à
partir de 1932, il est partisan du Front populaire et entre dans
le gouvernement Blum de 1938. Après la Seconde Guerre
mondiale, il devient une figure de la IVe République en étant
à la marge du monde politique : spécialiste des questions
économiques et financières, il représente la France dans
différents organismes financiers internationaux liés à l’ONU.
S’il appartient encore au parti radical, il a peu de rapports
avec sa direction et il fait figure d’exception quand il appelle à
négocier la paix en Indochine dès 1950. Il s’inscrit dans la liste
des hommes providentiels, à l’image d’Antoine Pinay, que la
IVe République cherche depuis l’échec de la Troisième Force.
Pierre Mendès France présente dans son discours un état des
difficultés de la IVe République ainsi que de ses orientations
dans le domaine de la politique extérieure. Cependant,
l’Assemblée ne lui accorde pas sa confiance, peu encline à
accorder l’indépendance à l’Algérie et à accepter le projet de
CED, et lui préfère l’homme de droite Joseph Laniel choisi pour
diriger le gouvernement entre juin 1953 et juin 1954.
La consigne invite l’élève à identifier les défis de la
IVe République et les grands axes de la politique extérieure.
Elle permet de mobiliser un large champ de connaissances
pour expliquer le document.
Étape 1 : Présenter le document
Le document est un extrait du discours d’investiture de Pierre
Mendès France devant l’Assemblée le 3 juin 1953. Il présente
dans son discours un état des difficultés de la IVe République
ainsi que ses orientations dans le domaine de la politique
extérieure. En 1953, les questions coloniales déstabilisent de
plus en plus le fonctionnement des institutions.
Étape 2 : Analyser la consigne
Les deux tâches que l’élève doit remplir sont :
- Relever et expliquer les défis et difficultés que traverse
la IVe République.
- Montrer quels sont les choix que fait la IVe République pour
trouver une nouvelle place dans le monde dans le contexte
de la guerre froide et de la décolonisation.
Étape 3 : Analyser le document et le mettre en relation avec
des connaissances personnelles

Partie de l’analyse Informations tirées des documents Connaissances

- Politiques : la « répétition des crises politiques » fragilise
le régime républicain provoquant une forte instabilité
ministérielle.
- La Constitution d’octobre 1946 crée un régime parlementaire
dominé par l’Assemblée où il est difficile de voir émerger une
majorité à cause de l’utilisation du scrutin de liste proportionnel
pour les législatives. Les gouvernements durent peu, ce
qui empêche la mise en œuvre d’une politique durable.
La IVe République doit faire face à une double opposition
remettant en cause le régime : le PCF, évincé du gouvernement
depuis 1947 à cause de l’entrée dans la guerre froide ; le
Rassemblement du peuple français, parti du général de Gaulle
créé en 1947 qui réclame une révision de la Constitution dans le
sens d’un renforcement du pouvoir exécutif.

- Économiques : le discours cite « reconstruction,
modernisation et équipement, exportations ». La croissance
économique est au cœur des préoccupations : « il faut
accroître dans la mesure du possible la masse des biens
Les difficultés et défis produits ». Pierre Mendès France aborde aussi la question
de la IVe République de l’« amélioration du niveau de vie et [les] réformes
sociales » et la nécessité d’honorer la « promesse du plein
emploi », droit social inscrit dans la Constitution.
- Dès les débuts de la IVe République, la France entre dans
la modernisation économique. L’aide américaine du plan
Marshall dès 1947 lui permet de développer la production
industrielle. Des nationalisations et la planification, marques de
l’intervention de l’État, ont relancé l’économie. En outre,
la France mène une politique de libéralisation des échanges.
Le pouvoir d’achat progresse avec les aides de la Sécurité sociale
créée en 1945 et le SMIG mis en place en 1950. Le défi est de
poursuivre l’essor économique de la France qui est entrée dans
les Trente Glorieuses.

- Coloniales : la question de la guerre d’Indochine est telle
que « chacun reconnaît qu’il est devenu impérieux d’alléger
le fardeau ». Pierre Mendès France souhaite qu’une solution
internationale soit trouvée en soumettant
« un plan précis en vue de résoudre ce douloureux conflit ».
Il souligne l’importance à apporter au développement des
territoires africains en ces termes : « des populations dont
la Constitution de 1946 a consacré - s’il en était besoin
- l’intégration dans la République française attendent la
réalisation de leur équipement. Leurs espoirs, comme leurs
intérêts, sont les nôtres ».
- La France s’est enlisée dans le conflit qui a démarré en
septembre 1945. Jusqu’en 1952, elle a le soutien financier des
États-Unis dans sa lutte contre le Vietminh communiste. Le coût
du conflit devient trop lourd à porter.
- La Constitution de 1946 abolit l’indigénat et accorde le statut
de citoyens aux ressortissants de l’Union française, mais il y
a un écart entre la théorie et la pratique qui reste celle de la
domination de la métropole.

122
 - La place de la France dans la guerre froide : dans le cadre
de la guerre froide, la France choisit la position atlantiste
et l’alignement derrière les États-Unis : les références au
plan Marshall et aux États-Unis dans son discours montrent
bien que la IVe République est bien ancrée dans le bloc
occidental.
- Dès 1947, la IVe République s’engage aux côtés des États-Unis.
Elle accepte le plan Marshall en 1947, aide financière pour la
reconstruction économique du continent mais aussi action
directement orientée contre l’URSS. La France entre aussi dans
l’OTAN en 1949 et choisit donc de se protéger sous le parapluie
américain.

- La construction européenne : Pierre Mendès France - Cette expression fait référence au projet français de
évoque la question d’une « grande et puissante armée en Communauté européenne de défense en 1952. Cette
Europe ». question partage les députés car elle implique un transfert
de souveraineté des États vers une autorité supranationale
Les orientations en
européenne, mais aussi le réarmement de l’Allemagne, ce qui
politique extérieure
inquiète de nombreux Français. Son propos s’intéresse aussi à la
poursuite du processus de coopération européen.

- Il met en avant « la mise en œuvre de la Communauté
de l’acier et du charbon » comme participant à l’essor
économique de la France. Pierre Mendès France la
considère comme une étape devant amener à plus
d’intégration économique, quand il réclame « la création
d’une Communauté européenne qui soit suffisamment
large et cohérente pour atteindre envers le monde extérieur
son indépendance économique ».
- Créée en 1951, la CECA est un marché commun du charbon et
de l’acier, deux produits stratégiques regroupant six pays dont
le France et la RFA. Née d’une idée de Robert Schumann, elle
fait de la France un des pays initiateurs de la construction de
l’Europe.
La France fait le choix de l’Europe pour maintenir son rang dans
le monde.

Étape 4 : Rédiger le développement en articulant les
références au document et à des connaissances
Le développement est rédigé ci-dessous :
Dans son discours d’investiture, Pierre Mendès France évoque les
défis et difficultés de la IVe République auxquelles il devra faire
face s’il est investi. Il commence par évoquer la « répétition des
crises politiques » qui fragilisent le régime. En effet, la Constitution
d’octobre 1946 crée un régime parlementaire dominé par
l’Assemblée où il est difficile de voir émerger une majorité, en
raison de l’utilisation du scrutin de liste proportionnel pour les
élections législatives. Les gouvernements durent peu ce qui
empêche la mise en œuvre d’une politique durable. D’autre
part, la IVe République doit faire face à une double opposition
remettant en cause le régime. Alors qu’à gauche, c’est celle du
PCF évincé du gouvernement depuis 1947 à cause de l’entrée
dans la guerre froide, à droite, c’est celle du Rassemblement
du peuple français, parti du général de Gaulle créé en 1947,
qui réclame une révision de la Constitution dans le sens d’un
renforcement du pouvoir exécutif.
Pierre Mendès France soulève aussi les défis liés à la
modernisation économique. L’énumération des termes
« reconstruction, modernisation et équipement, exportations »
en montre l’importance. La croissance économique est au cœur
des préoccupations : « il faut accroître dans la mesure du possible
la masse des biens produits ». Dès les débuts de la IVe République,
la France entre dans la modernisation économique. L’aide
américaine du plan Marshall dès 1947 lui permet de développer
la production industrielle. Des nationalisations et la planification,
marques de l’intervention de l’État, ont relancé l’économie.
En outre, la France mène une politique de libéralisation des
échanges. Mais il aborde aussi la question de l’« amélioration
du niveau de vie et [les] réformes sociales », et la nécessité
d’honorer la « promesse du plein emploi », droit social inscrit
dans la Constitution. Le pouvoir d’achat progresse avec les aides
de la Sécurité sociale créée en 1945 et le SMIG mis en place en
1950. Le défi est de poursuivre l’essor économique de la France
qui est entrée dans les Trente Glorieuses.
Mais les défis coloniaux restent majeurs au début des années
1950. La question de la guerre d’Indochine est telle que « chacun
reconnaît qu’il est devenu impérieux d’alléger le fardeau ». La
France s’est enlisée dans le conflit qui a démarré en septembre
1945. Jusqu’en 1952, elle a le soutien financier des États-Unis
luttant contre le Vietminh communiste. Le coût du conflit devient
trop lourd à porter. Pierre Mendès France souhaite qu’une
solution internationale soit trouvée en soumettant « un plan
précis en vue de résoudre ce douloureux conflit ». Il souligne
l’importance à apporter au développement des territoires
africains en ces termes « des populations dont la Constitution
de 1946 a consacré - s’il en était besoin - l’intégration dans la
République française attendent la réalisation de leur équipement.
Leurs espoirs, comme leurs intérêts, sont les nôtres. » La
Constitution de 1946 abolit l’indigénat et accorde le statut
de citoyens aux ressortissants de l’Union française, mais il y
a un écart entre la théorie et la pratique qui reste celle de la
domination de la métropole.
Dans son discours, Pierre Mendès France met en avant deux
grandes orientations de la France dans le domaine de la politique
extérieure. Dans le cadre de la guerre froide, la France choisit
la position atlantiste et l’alignement derrière les États-Unis : les
références au plan Marshall et aux États-Unis dans son discours
montrent bien que la IVe République est bien ancrée dans le
bloc occidental. Elle accepte le plan Marshall en 1947, aide
financière pour la reconstruction économique du continent,
mais aussi action directement orientée contre l’URSS. La France
entre aussi dans l’OTAN en 1949 et choisit donc de se protéger
sous le parapluie américain.
Le discours souligne aussi l’importance de la construction
européenne. Deux grands points sont au cœur des débats en
1953. Pierre Mendès France évoque la question d’une « grande
et puissante armée en Europe », faisant référence au projet
français de Communauté européenne de défense en 1952.
Cette question partage les députés car elle implique un transfert
de souveraineté des États vers une autorité supranationale
européenne, mais aussi le réarmement de l’Allemagne, ce qui
inquiète de nombreux Français. Son propos s’intéresse aussi à la

Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 123

 poursuite du processus de coopération européen. Il met en avant
« la mise en œuvre de la Communauté de l’acier et du charbon »
comme participant à l’essor économique de la France. Créée en
1951, la CECA est un marché commun du charbon et de l’acier,
deux produits stratégiques regroupant six pays dont le France
et la RFA. Née d’une idée de Robert Schumann, elle fait de la
France un des pays initiateurs de la construction de l’Europe.
Ceci explique que Pierre Mendès France la considère comme
une étape devant amener à plus d’intégration économique,
quand il réclame « la création d’une Communauté européenne
qui soit suffisamment large et cohérente pour atteindre envers
le monde extérieur son indépendance économique ». La France
fait le choix de l’Europe pour maintenir son rang dans le monde.
Exercice BAC p. 202-203
Réponse à une question problématisée
L’objectif de cette double-page est de travailler l’argumentation
en utilisant des mots de liaison afin de structurer la pensée.
Étape 1 : Analyser la question problématisée
- La décolonisation est le processus conduisant à l’indépendance
d’une colonie, c’est-à-dire la fin de la domination d’une métropole
1. La remise en cause de la colonisation française
Un nouveau contexte international :
- Les deux Grands encouragent la décolonisation : les États-Unis, ancienne
colonie anglaise, sont contre le principe de la colonisation mais doivent
ménager la France, leur alliée. L’URSS condamne l’impérialisme de la France.
- La France est affaiblie par la Seconde Guerre mondiale : elle a subi la défaite
de 1940 et n’a pu contenir la poussée japonaise en Indochine. Sa situation
financière et militaire est difficile, ce qui limite ses possibilités d’intervention
outre-mer.
Les premières tensions : liées au développement du nationalisme.
En Indochine, le parti communiste indochinois a participé à la lutte contre
le Japon et réclame l’indépendance. Ho Chi Minh proclame le 2 septembre
1945 la République démocratique du Vietnam. En Algérie, le 8 mai 1945,
des émeutes éclatent à Sétif. La France réprime, sûre des bienfaits de
la colonisation et croyant qu’elle dispose d’un large soutien auprès
des populations colonisées.
L’échec de l’Union française : la France cherche aussi à renforcer
l’empire colonial pour rester une puissance mondiale. La Constitution de
la IVe République prévoit une Union française pour reconsidérer les relations
entre la métropole, les colonies et les protectorats. Elle rassemble donc toutes
les possessions d’outre-mer, appelées DOM-TOM, autour de la métropole au
sein de cette association politique, économique et sociale. Tous les habitants
de l’empire sont considérés comme des citoyens français avec le droit de vote.
Mais la métropole maintient sa tutelle.
124
sur un territoire soumis au régime colonial. Le processus de
décolonisation se déclenche après la Seconde Guerre mondiale
en raison de l’affaiblissement des puissances coloniales pendant
le conflit, du développement des mouvements nationalistes
réclamant l’indépendance dans les colonies et revendiquant
le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, mais aussi du
soutien des deux Grands, États-Unis et URSS, à cette volonté
d’émancipation. Les modalités de la décolonisation sont
diverses : la guerre, les troubles ou la négociation.
La France possède le second empire colonial en 1945 après
le Royaume-Uni. Elle exerce sa domination sur des territoires
disséminés sur l’ensemble de la planète, pour la plupart
issues de la colonisation du XIXe siècle : le Maghreb, l’Afrique
orientale française (AOF) et l’Afrique équatoriale française (AEF),
Madagascar, Mayotte, l’Indochine et la Nouvelle-Calédonie.
S’y ajoutent les vieilles colonies issues des conquêtes des
XVII - XVIII e siècles : Saint-Pierre-et Miquelon, Martinique,
Guadeloupe, Guyane, La Réunion.
- 1945 fait référence à la déclaration d’indépendance du
Vietnam, alors que 1962 est la fin de la guerre d’Algérie et
l’indépendance de ce territoire.
Étape 2 : Construire le plan en mobilisant ses connaissances
2. La fin de l’Empire colonial français
La Guerre d’Indochine : dès 1946, la France entre en guerre contre le
Vietminh. Après avoir bombardé Haiphong, l’armée française, soutenue par
les États-Unis, affronte la guérilla communiste qui bénéficie de l’aide de
l’URSS et de la Chine. La guerre s’enlise jusqu’à la défaite de Diên Biên Phu :
les soldats français encerclés se rendent le 7 mai 1954. Cette défaite accélère
les négociations qui aboutissent aux accords de Genève en juillet 1954.
Ils partagent le Vietnam en deux « zones » : au nord, un Vietnam communiste
dirigé par Ho Chi Minh, et au sud un Vietnam pro-occidental.
La décolonisation de l’Afrique noire se réalise de manière négociée. En 1956,
la loi-cadre Defferre accorde l’autonomie aux colonies. Le général de Gaulle,
au pouvoir en 1958, propose aux territoires africains de devenir membres
d’une communauté française remplaçant l’Union française pour préparer
leur indépendance. La Guinée refuse et obtient son indépendance. En 1960,
l’indépendance des pays d’Afrique subsaharienne français et Madagascar est
négociée.
La guerre d’Algérie : la décolonisation est violente entre 1954 et 1962,
car l’Algérie est considérée comme faisant partie intégrante de la France et
qu’il y a des nombreux pieds-noirs. Le conflit débute le 1er novembre 1954
quand le FLN, mouvement nationaliste, lance l’offensive. Dès 1955,
la France envoie le contingent. Cette guerre touche le territoire algérien et
la métropole et prend pour cibles des civils. Face à la guérilla utilisée par
le FLN, le gouvernement français cède ses pouvoirs à l’armée qui emploie
la torture. Les opinions se radicalisent jusqu’au 13 mai 1958 où les Français
d’Algérie et l’armée manifestent pour réclamer le maintien de la présence
française. Cette crise provoque la chute de la IVe République et le retour
du général de Gaulle aux affaires. Ne pouvant réduire la résistance du FLN,
de Gaulle propose l’autodétermination et veut mettre fin à la guerre. La
proposition d’autodétermination est acceptée par référendum en 1961.
Malgré le putsch des généraux en avril de la même année, France et FLN
négocient. Le 18 mars 1962 les accords d’Évian sont signés. Ils conduisent à
l’indépendance de l’Algérie le 1er juillet.
Étape 3 : Rédiger la composition en utilisant des mots
de liaison
Les indications portées en méthode permettent à l’élève de
comprendre les attentes dans la rédaction de sa réponse à la
question problématisée. Le tableau des mots de liaison doit
aider l’élève à repérer dans quels cas ceux-ci peuvent être
utilisés.
En 1945, la France possède le second empire colonial après
le Royaume-Uni cependant cette hégémonie est remise en
cause. C’est ainsi qu’en 1962, la France a perdu la plus grande
partie de ses colonies. Comment la France cesse-t-elle d’être
une puissance coloniale entre 1945 et 1962 ? Nous étudierons
d’abord comment la colonisation française est remise en cause
puis nous verrons de quelles manières l’empire colonial prend fin.
Après la Seconde Guerre mondiale, la domination française
est remise en cause dans les colonies. Celle-ci s’explique
premièrement par un nouveau contexte international. En
effet, les deux Grands encouragent la décolonisation. Les
États-Unis, nés d’une guerre d’indépendance, se prononcent
contre le principe de l’occupation coloniale, défendant le droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes. Mais ils doivent tenir
compte du fait que la France, leur alliée, est une puissance
coloniale à ménager. Alors que pour l’URSS, il s’agit de dénoncer
la colonisation du bloc occidental impérialiste. La France est
aussi affaiblie au sortir de la guerre. En effet, défaite en 1940 par
l’Allemagne nazie, elle n’a pu contenir la poussée du Japon en
Indochine. Elle sort financièrement et militairement épuisée du
conflit, ce qui limite ses possibilités d’intervention à l’étranger.
En second lieu, des tensions apparaissent dès 1945 car les
mouvements anticolonialistes et indépendantistes se sont
renforcés dans l’empire. En Indochine, le parti communiste
indochinois, qui a participé à la lutte contre le Japon, réclame
l’indépendance. Ho Chi Minh, son leader proclame dès le
2 septembre 1945 la République démocratique du Vietnam.
En Algérie, le 8 mai 1945, des émeutes éclatent à Sétif contre
la colonisation française. La France choisit dans les deux cas la
répression, sûre des bienfaits de la colonisation et croyant qu’elle
dispose d’un large soutien auprès des populations colonisées.
Elle utilise la force pour faire respecter l’ordre colonial.
La France cherche aussi à renforcer l’empire colonial, seul moyen
de garder son rang de puissance sur la scène mondiale. La
Constitution de la IVe République prévoit une Union française. Ce
cadre de coopération permet de reconsidérer les relations entre
la métropole, les colonies et les protectorats. Elle rassemble
donc toutes les possessions d’outre-mer, appelées DOM-
TOM, autour de la métropole au sein de cette association
politique, économique et sociale. Tous les habitants de l’empire
appartiennent à la République française et sont citoyens
français, ils obtiennent le suffrage universel. Mais les droits
ne sont pas les mêmes entre tous les habitants, des inégalités
fortes subsistent et la métropole maintient sa tutelle.
L’empire colonial français prend progressivement fin entre 1945
et 1962. C’est d’abord en Asie que la France perd l’Indochine.
Dès 1946, la France entre en guerre contre le Vietminh qui
a proclamé l’indépendance l’année précédente. Après avoir
bombardé Haiphong, l’armée française, soutenue par les États-
Unis, affronte la guérilla communiste qui bénéficie de l’aide
de l’URSS et de la Chine. La guerre s’enlise jusqu’à la défaite
de Diên Biên Phu, où les soldats français sont encerclés et
doivent se rendre le 7 mai 1954. Cette défaite accélère les
négociations qui aboutissent aux accords de Genève en juillet
1954. Ils partagent le Vietnam en deux « zones » : au nord, un
Vietnam communiste dirigé par Ho Chi Minh, et au sud un
Vietnam pro-occidental.
La décolonisation de l’Afrique noire française s’effectue de
manière négociée. Les indépendances sont accordées en
accord avec le gouvernement français. En 1956, la loi-cadre
Defferre accorde l’autonomie aux colonies. Puis, le général de
Gaulle, au pouvoir en 1958, propose aux territoires africains
de devenir membres d’une communauté française remplaçant
l’Union française afin de préparer leur indépendance. La Guinée
refuse d’y entrer, elle obtient directement son émancipation,
les Français se retirant rapidement. En 1960, l’indépendance
des pays d’Afrique subsaharienne français et Madagascar,
négociée avec le gouvernement métropolitain, est obtenue
de manière échelonnée au cours de l’année.
Cependant, tel n’est pas le cas de l’Algérie, dont la décolonisation
est violente entre 1954 et 1962. Ceci s’explique par le fait que
l’Algérie est considérée comme faisant partie intégrante de la
France et qu’il y a de nombreux pieds-noirs. Le conflit débute
le 1er novembre 1954 quand le FLN, mouvement nationaliste,
lance l’offensive. Dès 1955, la France envoie le contingent. Cette
guerre touche à la fois le territoire algérien et la métropole, et
prend pour cibles des civils. Face à la guérilla utilisée par le
FLN, le gouvernement français cède ses pouvoirs à l’armée qui
emploie la torture pour faire cesser la rébellion. Les opinions se
radicalisent jusqu’au 13 mai 1958, date à laquelle les Français
d’Algérie et l’armée manifestent pour réclamer le maintien
de la présence française en Algérie. Cette crise provoque la
chute de la IVe République et le retour du général de Gaulle
aux affaires. Ne pouvant réduire la résistance du FLN, de Gaulle
propose alors l’autodétermination et souhaite mettre fin à la
guerre. La proposition d’autodétermination est acceptée par
référendum en 1961. Malgré le putsch des généraux en avril
de la même année, France et FLN négocient. Le 18 mars 1962
les accords d’Évian sont signés. Ils conduisent à l’indépendance
de l’Algérie le 1er juillet.
Sujets d’entraînement
SUJET 1 De quelles manières de Gaulle redéfinit-il la
politique extérieure de la France entre 1958 et 1969 ?
- L’analyse du sujet permet de déterminer les limites
chronologiques : elles correspondent à la période gaullienne,
depuis son arrivée au pouvoir en 1958 au cœur de la guerre
d’Algérie, jusqu’en 1969 au moment où il quitte le pouvoir.
- La politique extérieure désigne l’ensemble des actions par
lesquelles un État définit ses relations avec les autres acteurs
de la scène internationale.
- Le verbe « redéfinir » implique que la politique extérieure
de la France connaît des transformations, des ruptures par
rapport à la période précédente, la IVe République. De Gaulle
veut rendre à la France sa place dans le monde en lui donnant
les moyens d’une politique d’indépendance et de grandeur.
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 125
 Plan possible
1. De Gaulle veut restaurer un rayonnement international perdu
A. Achever la décolonisation (fin de la guerre d’Algérie,
décolonisation de l’Afrique noire)
B. Consolider la construction européenne en imposant sa
vision
2. De Gaulle souhaite affirmer l’indépendance de la France
pour sortir de la logique bipolaire
A. Se démarquer de la politique états-unienne
B. Renforcer ses liens dans le tiers-monde
C. Assurer sa puissance technologique et économique
SUJET 2 Quelles sont les mutations de la puissance
française dans le monde de 1945 à 1969 ?
Le sujet couvre toute la période concernée par le chapitre.
Il interroge la place nouvelle de la France dans le monde,
depuis la fin de la Seconde guerre mondiale jusqu’à la fin de
la présidence du général de Gaulle en 1969.
La puissance désigne un État qui, par son poids, a une influence
et un rayonnement sur la scène internationale. Le sujet demande
d’interroger ses mutations, c’est-à-dire les changements, les
transformations.
En 1945, la France, affaiblie par la Seconde Guerre mondiale,
semble en retrait sur la scène mondiale, malgré son droit de
veto au conseil de sécurité à l’ONU et une zone d’occupation en
Allemagne. De plus, sa domination est contestée dans l’empire
colonial. En 1969, elle développe une politique ambitieuse
dans le contexte de la guerre froide.
Plan possible
1. D’une puissance coloniale à une politique de coopération
avec les anciennes colonies
A. Une puissance coloniale contestée en 1945
B. Une décolonisation souvent douloureuse jusqu’en 1962
C. De nouvelles relations avec les anciennes colonies :
la politique de coopération
2. La France, un moteur de la construction européenne
A. Une France au cœur du processus d’intégration
européenne : à l’initiative de la CECA 1951, participation à
la CEE en 1957
B. De Gaulle veut imposer sa vision de l’Europe
3. De l’atlantisme à la volonté de restaurer la puissance française
A. Un alignement derrière les États-Unis dans le cadre de
la guerre froide
B. Rendre son rang à la France par le renforcement de la
puissance économique et technologique
C. Une politique d’indépendance nationale à l’égard des
États-Unis avec le général de Gaulle
Auto-évaluation p. 205
OBJECTIF 1
– Sous la IVe République, les grands axes de la politique
étrangère sont :
Le règlement des questions coloniales
La construction européenne
Les relations avec les États-Unis/l’atlantisme
126
– La crise algérienne en 1958 conduit à un changement de
régime après qu’une insurrection a éclaté à Alger le 13 mai. À
la suite de cela, les généraux militaires français proclament à
l’hôtel de ville d’Alger un « Comité de salut public ». C’est une
sorte de coup d’État. Ils demandent le retour de de Gaulle au
pouvoir. Le gouvernement de la IVe République le convoque et le
Parlement lui confie des pouvoirs exceptionnels pour résoudre
la crise. De Gaulle accepte, mais à la condition de l’élaboration
et du vote d’une nouvelle Constitution. Le 4 octobre 1958 la
Ve République est proclamée. Il y a bien changement de régime.
– Au début de la Ve République, l’indépendance de la France
est mise en œuvre par la politique étrangère de de Gaulle qui
noue de nombreuses relations diplomatiques et revendique
le non-alignement (par rapport aux États-Unis et à l’URSS). Il
continue les projets des gouvernements de la IVe République
quant à la puissance militaire française : la France devient une
puissance nucléaire. Cette indépendance politique et militaire
s’accompagne de la modernisation du pays : de Gaulle lance de
nombreux aménagements du territoire (aéroport, autoroute,
etc.) ; il soutient le développement de nouvelles technologies
et la transformation des entreprises par la planification.
OBJECTIF 2
– La guerre d’Algérie a lieu dans un contexte international
particulièrement singulier et dense. Le monde est alors en pleine
bipolarisation, c’est-à-dire en pleine guerre froide, opposant
de façon indirecte et multiforme les États-Unis et l’URSS. Par
ailleurs, et depuis 1945, un processus de décolonisation s’est
mis en œuvre, soutenu par l’ONU. Cette dernière représente
la volonté d’un grand nombre de pays de développer le droit
international pour préserver la paix.
– De Gaulle et Mendès France construisent leur conception
de la République dans l’immédiat après-guerre, c’est-à-dire
un moment où, après le régime de Vichy, la République doit
être refondée. Tous deux membres du GPRF, ils connaissent
parfaitement les débats politiques qui ont accompagné la
Libération : remise en question et critique des institutions de
la IIIe République, forte progression des idées communistes,
peur d’une dictature.
– La création de la CEE en 1957 est un événement majeur. D’une
part, et c’est le plus important, la CEE est politiquement une
façon d’empêcher la guerre. Elle construit l’apaisement et le
renforcement des relations franco-allemandes. Par ailleurs, elle
permet aussi la circulation des biens et aide au développement
économique des pays concernés.
– La crise du 13 mai 1958 est un événement majeur pour
l’Algérie, c’est un jalon dans son processus d’indépendance :
elle conduit de Gaulle, dans son discours du 4 juin, à faire des
annonces politiques (élargissement du corps électoral français
à tous les Français d’Algérie). Pour la France, c’est l’événement
qui provoque une crise politique majeure, puis un changement
de régime.
– L’indépendance de l’Algérie est un événement majeur car elle
met fin à un des conflits les plus violents de la décolonisation.
Par ailleurs, c’est un événement qui a aussi une influence sur
l’histoire politique française en transformant son territoire.
 OBJECTIF 3
Notions
Scrutin uninominal à deux tours : au 1er tour, le candidat qui
obtient la majorité des voix est élu. En l’absence de majorité
au 1er tour, un 2e tour est organisé. Le candidat qui arrive en
tête est alors élu.
Scrutin de liste à la proportionnelle : mode de scrutin dans
lequel les électeurs votent pour une des listes de candidats en
lice. Le nombre d’élus d’une liste dépend du pourcentage des
voix qu’elle rassemble.
Décolonisation : processus conduisant à l’indépendance
d’une colonie.
Intégration (économique) : processus de convergence des
politiques (économiques) d’un ensemble de pays.
Libéralisation : processus de mise en place de dispositifs
favorisant les principes du libéralisme économique.
Présidentialisation : processus politique amenant au
renforcement des pouvoirs du président de la République à
l’encontre de ceux du Parlement.
Régime parlementaire : régime politique dans lequel les
pouvoirs exécutif et législatif sont séparés et dans lequel le
gouvernement est responsable devant le Parlement.
Trente Glorieuses : période qui s’étend de 1945 à 1973, marquée
par une forte croissance économique et l’essor d’une société
de consommation dans les pays occidentaux, dont la France.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. La IVe République, entre décolonisation, guerre froide
et construction européenne
La IVe République est un régime parlementaire, qui connaît des
difficultés dans le contexte international particulier de la guerre
froide : régime politique instable (scrutin à la proportionnelle
et forts mouvements d’opposition), décolonisation en Asie
(indépendance de l’Indochine en 1954), en Afrique et au Proche-
Orient, reconstruction économique après la guerre. Malgré ses
difficultés, la IVe République mène à bien la refondation de la
République et la relance économique (Trente Glorieuses), tout
en favorisant l’intégration économique de la France à l’échelle
européenne et occidentale.
Leçon 2. La crise algérienne et la naissance de la Ve République
La crise algérienne connaît un paroxysme en 1958, le 13 mai,
et conduit à une crise politique de laquelle naît un nouveau
régime. Le 2 juin 1958, de Gaulle reçoit les pleins pouvoirs de
l’Assemblée pour résoudre la crise, et une nouvelle Constitution
est approuvée le 28 septembre 1958. De cette Constitution
procède l’indépendance des colonies d’Afrique dite noire et
de Madagascar, en 1960. En revanche, l’Algérie connaît une
nouvelle escalade de la violence, avant que son indépendance
ne soit acquise, le 1er juillet 1962.
Leçon 3. L’affirmation de la puissance française dans les années
1960
De Gaulle est président de la République française de 1958 à
1969. Pendant cette période, il poursuit l’intégration européenne
commencée sous la IVe République et développe, par une
politique d’indépendance à la fois militaire, diplomatique
et économique, la puissance de la France. Son ambition en
matière de politique étrangère est celle de la politique dite « de
grandeur ». Toutefois, les contestations sociales se font de plus
en plus fortes (mai 1968), et de Gaulle démissionne en 1969.
Savoir expliquer :
– Après avoir participé à l’intégration atlantiste, les
gouvernements français s’engagent dans la construction
européenne en renforçant l’axe franco-allemand et en étant
force de propositions.
– Entre 1960 et 1962, toutes les anciennes colonies françaises
deviennent indépendantes, sauf certains territoires d’outre-
mer. Cela oblige la France à créer de nouvelles relations
diplomatiques et à se positionner autrement, non seulement
vis-à-vis des autres puissances, mais aussi vis-à-vis des pays
du tiers-monde
– Après la guerre, la République doit être refondée et l’économie
relancée. En 1958, la crise algérienne entraîne un changement
de régime politique dans lequel le pouvoir exécutif gagne
en prérogatives. Puis la croissance, après avoir permis la
reconstruction, permet la modernisation du pays.
Chapitre 6 • La France : une nouvelle place dans le monde 127
128
 CHAPITRE
La modification des grands équilibres
7 économiques et politiques mondiaux

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 3 – Les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991 (10-12 heures)

Chapitre 7. La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à montrer les conséquences sociales, économiques et géopolitiques des chocs pétroliers (1973
et 1979), dans le cadre d’une crise économique occidentale qui caractérise la période, mais aussi ses profondes
évolutions politiques : la démocratie trouve une nouvelle vigueur, de la chute des régimes autoritaires d’Europe
méridionale (Grèce, Portugal et Espagne) à l’effondrement du bloc soviétique, tandis que la révolution iranienne
marque l’émergence de l’islamisme sur la scène politique et internationale.
On peut mettre en avant :
- les chocs pétroliers : la crise économique occidentale et la nouvelle donne économique internationale ;
- libéralisation et dérégulation ;
- la révolution islamique d’Iran et le rejet du modèle occidental ;
- la démocratisation de l’Europe méridionale et les élargissements de la CEE ;
- l’effondrement du bloc soviétique et de l’URSS.

Points de passage et d’ouverture - Ronald Reagan et Deng Xiaoping : deux acteurs majeurs d’un nouveau capitalisme ;
- l’année 1989 dans le monde.

Problématique du chapitre :
Quelles sont les conséquences des transformations majeures
que connaît le monde dans les années 1970 et 1980 ?
La problématique insiste sur les mutations économiques et
politiques que constituent les décennies 1970 et 1980. Elles
sont un véritable tournant pour bien comprendre notre monde
contemporain. Le monde en sort transformé par un important
mouvement de libéralisation politique et économique. Le
politologue américain, Francis Fukuyama, pourra écrire, à
l’issue de cette période, en 1992, La fin de l’histoire et le dernier
homme, signifiant ainsi ce triomphe du libéralisme même si son
analyse a été critiquée. Il s’agit, d’abord, de montrer que les
chocs pétroliers font vaciller tous les compromis et consensus
hérités de la fin de la Seconde Guerre mondiale, autour
d’un État interventionniste et régulateur dans le domaine
économique, et d’un État-providence omnipotent. L’ère est
désormais à la dérégulation économique, à la responsabilité
individuelle, à la recherche du profit et au libre-échange à
échelle mondiale. Les points de passage et d’ouverture, qui
mettent au premier plan Ronald Reagan et Deng Xiaoping,
illustrent bien cette volonté d’ouverture, de libéralisation et de
dérégulation économique. D’autre part, sur le plan politique,
on assiste également à une lame de fond libérale qui ébranle
les dictatures européennes. Les régimes communistes à l’Est
sont emportés par les mouvements de contestations partis de
RDA, et par des économies planifiées à bout de souffle. Dans
l’Europe du Sud, les vieilles dictatures fascisantes, héritées pour
certaines des années 1930, ne survivent pas à la disparition de
leur dictateur. Le Portugal de Salazar et l’Espagne de Franco
entament une démocratisation douce et intègrent la CEE
en 1986, rejoignant ainsi la Grèce, qui s’est débarrassée, elle
aussi, de son régime des colonels en 1974.
Les questions à aborder s’inscrivent alors dans cette
problématique :
- Pourquoi les chocs pétroliers sont-ils considérés comme un
coup d’arrêt à la croissance des vieux pays industrialisés ? Le
ralentissement économique et le renchérissement des coûts
de production engendrent alors un chômage de masse, qui
plombent les sociétés occidentales.
- Pourquoi les chocs pétroliers aboutissent-ils à une nouvelle
donne économique internationale, dans laquelle émergent
de nouvelles puissances, notamment asiatiques ?
- Comment la crise économique des années 1970 permet-elle
un puissant mouvement de libéralisation et de dérégulation
économique, surtout manifeste aux États-Unis et au Royaume-
Uni ?
Pourquoi le bloc soviétique s’effondre-t-il ? Pourquoi l’année
1989 apparaît-elle comme un tournant ? Peu touchées par les
chocs pétroliers des années 1970, les économies socialistes
planifiées sont minées par de nombreux problèmes internes.
- Comment l’élargissement de la CEE à l’Europe méridionale
peut-elle être considérée comme un symbole du vaste
mouvement de libéralisation, qui touche le monde dans la
seconde moitié des années 1980 ?
- Pourquoi peut-on considérer la révolution islamique en
Iran comme une sérieuse limite au triomphe du libéralisme
occidentale ? La prise d’otages à l’ambassade des États-Unis
à Téhéran, au cours de l’année 1980, illustre ce rejet des
valeurs occidentales par l’islamisme politique en plein essor
au Moyen-Orient.

Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux 129

 Bornes chronologiques fixées par le programme :
Les modifications des grands équilibres économiques
et politiques mondiaux sont à étudier dans les bornes
chronologiques fixées par le thème, à savoir entre 1970
et 1991. Il ne s’agit pas d’être exhaustif, mais de bien partir
des études afin de circonscrire au mieux son propos. On
aborde ainsi la fin des Trente Glorieuses à travers l’analyse
des chocs pétroliers (1973 et 1979). Ceux-ci engendrent à la
fois une remise en cause de la place dominante de l’Occident
et une nouvelle donne internationale, mais aussi un processus
global de libéralisation et de dérégulation. La libéralisation
du monde s’illustre à travers les exemples mis en avant par le
programme : l’ouverture à l’international de la Chine (1979)
(PPO), ou encore l’élargissement de la CEE à l’Europe méridionale
(1981-1986). La fin de la guerre froide est abordée, quant à elle,
par le biais de l’année 1989 (PPO) et l’effondrement du bloc
soviétique et de l’URSS. Le modèle libéral occidental semble
alors triompher, malgré la révolution islamique de 1979 qui
le rejette complètement et permet à l’islamisme de faire une
entrée fracassante sur la scène internationale.
Notions importantes et personnages principaux :
Les notions retenues sont essentielles pour la compréhension
de la période, à la fois sur le plan politique et économique :
libéralisation, dérégulation, choc pétrolier, crise
économique, désindustrialisation, mondialisation,
démocratie, islamisme.
La libéralisation traverse l’ensemble du chapitre. C’est un
processus qui découle du libéralisme, étudié ici à la fois sur le
plan économique et politique. Il s’agit, au cours de la période,
de reconsidérer la place de l’individu dans la société, de le
rendre responsable, libéré des carcans étatiques. La recherche
de son épanouissement individuel doit permettre, pense-
t-on, à l’instar des économistes et philosophes libéraux, de
conforter les développements matériels et l’ensemble des
libertés politiques.
La dérégulation est à aborder à travers l’étude des points
de passage et d’ouverture. On peut la définir comme un
processus d’abolition des règles visant à neutraliser les entraves
publiques au profit de la libre entreprise, de la concurrence
et de la responsabilisation de l’individu. La dérégulation est,
par extension, une volonté de faire confiance aux vertus
autorégulatrices supposées du marché. Elle est synonyme de
déréglementation.
130
Deux personnages ont été retenus et étudiés en points de
passage et d’ouverture : Ronald Reagan et Deng Xiaoping.
Les deux dirigeants sont associés dans le libellé du programme,
bien qu’ils appartiennent à deux modèles politiques différents.
Ils appliquent tous les deux, cependant, un programme de
rupture par rapport à la situation antérieure de leur pays
respectif. Reagan impose des baisses d’impôts et des coupes
drastiques dans l’État-providence américain, alors que Deng
Xiaoping encourage la responsabilité individuelle, la recherche
du profit, et l’ouverture aux capitaux étrangers, en rupture
totale avec la politique de Mao.
On peut rapidement aborder Margaret Thatcher en étudiant
Ronald Reagan, dans le cadre de la dérégulation.
Proposition de parcours dans le chapitre :
On peut envisager plusieurs parcours pour la mise en œuvre
du chapitre. Tous les points de passage et d’ouverture doivent
apparaître dans chaque parcours mais on est libre d’y consacrer
plus ou moins de temps. « Le professeur est maître de leur
degré d’approfondissement, qui peut donner lieu à des travaux
de recherche documentaire, individuels ou collectifs, et à des
restitutions orales et écrites. »
1. La modification des équilibres économiques (4 heures) :
1973, le premier choc pétrolier, pages 210-211 ; Le chômage de
masse dans les pays occidentaux, pages 212-213 ; La nouvelle
donne économique mondiale dans les années 1980, pages 216-
217 ; les PPO Ronald Reagan et Deng Xiaoping : acteurs d’un
nouveau capitalisme, pages 218-221.
2. La rupture des équilibres politiques (4 heures) : 1978-1979,
la révolution islamique en Iran, pages 224-225 ; L’élargissement
de la CEE à l’Europe méridionale, un choix politique, pages 226-
227 ; le PPO L’année 1989 dans le monde, pages 228-231 ;
La fin de l’URSS, pages 232-233.
Une approche transversale :
3. Le triomphe du modèle libéral et ses limites (4 heures) :
le PPO Ronald Reagan et la libéralisation de l’économie
américaine, pages 218-219 ; le PPO Deng Xiaoping et l’ouverture
économique de la Chine, pages 220-221 ; 1978-1979, la
révolution islamique en Iran, pages 224-225 ; L’élargissement
de la CEE à l’Europe méridionale, un choix politique, pages 226-
227 ; le PPO L’année 1989 dans le monde, pages 228-231.
 Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence :
Mathieu AUZANNEAU, L’or noir, La grande
Histoire du pétrole, Paris, La Découverte,
2015.
Paul BAIROCH, Mythes et paradoxes de
l’histoire économique, Paris,
La Découverte, 2005.
Gérard BOSSUAT, Histoire de l’Union
européenne. Fondations, élargissements,
avenir, Paris, Belin, 2009.
Jacques BRASSEUL, Petite Histoire des faits
économiques et sociaux : Des origines à
nos jours, Paris, Armand Colin, 2013.
Françoise COSTE, Reagan, Paris, Perrin 2015.
Mohammed-Reza DJALILI, Thierry KELLNER,
Histoire de l’Iran contemporain, Paris,
La Découverte, 2010.
Sabine DULLIN, Stanislas JEANNESSON, Jérémie
TAMIATTO, Atlas de la guerre froide. 1947-
1990 : un conflit global et multiforme,
Autrement, 2017.
Tony JUDT, Après-guerre. Une histoire de
l’Europe depuis 1945, Paris, Armand Colin,
2007.
Pierre MILZA, Les Relations internationales
de 1973 à nos jours, Hachette, Paris, 2006.
Olivier ROY, L’Échec de l’islam politique,
Paris, Seuil, 2015.
Jean-Louis THÉRIOT, Margaret Thatcher,
Paris, Tempus 2011.
Revues :
« De la Perse à l’Iran », Les collections de
l’Histoire, n° 42, janvier-mars 2009.
« Portugal. L’empire oublié », Les collections
de l’Histoire, n° 63, avril-juin 2014.
« L’Allemagne de Luther à Merkel »,
Les collections de l’Histoire, n° 65,
octobre-décembre 2014.
« Espagne(s). D’Al-Andalus à la crise
catalane », n° 79, avril-juin 2018.
« L’Atlas des religions », Le Monde, La Vie,
2015.
« L’économie française de 1914 à nos
jours, Le temps de la mondialisation »,
La Documentation photographique,
n° 8081, juin-juillet 2011.
« L’économie du monde depuis 1945,
La Documentation photographique »,
n° 8110, mars-avril 2016.
Sitographie
Site du centre virtuel de la construction
européenne : https://www.cvce.eu/
Centre d’Histoire de Sciences Po:
http://chsp.sciences-po.fr/
Institut des relations internationales et
stratégiques : https://www.iris-france.org/

Document 2 : Cette photographie de la chute du mur de

Ouverture p. 206-207
Le chapitre 7 ouvre le troisième thème consacré aux « remises
en cause économiques, politiques et sociales des années
1970 à 1991 ». Il se penche sur la « modification des grands
équilibres économiques et politiques mondiaux », et montre
surtout dans quelle mesure la crise des années 1970 marque
un tournant dans l’histoire économique de la seconde moitié
du XXe siècle. Ce monde des années 1970 et 1980 voit à la fois
la fin de l’État-providence d’inspiration keynésienne et la fin
de la guerre froide, qui se fait surtout sentir avec l’arrivée de
Mikhaïl Gorbatchev au pouvoir en 1985.
Le document 1 est une photographie d’une manifestation
organisée à Washington en 1983, en réponse à la politique
économique du président Reagan. Ces femmes et hommes
s’opposent aux « reaganomics », les mesures économiques
du président arrivé au pouvoir en 1981. Parmi les mesures
les plus impopulaires en cette période de crise économique
et de développement du chômage, la baisse des dépenses
de gouvernement, et notamment les aides sociales. Reagan
s’oppose aussi aux puissants syndicats américains, comme le
PATCO des contrôleurs aériens (voir page 219).
Réponse à la question :
Les revendications des manifestants sont de différents ordres.
Elles concernent tout d’abord l’emploi face au développement
du chômage (« give people dignity, give people jobs », « Our
jobs flew away »), mais aussi la reconnaissance du pouvoir
des syndicats (« Union jobs for union wages ») et le refus de la
baisse des aides sociales (« How can you tax unemployment
benefits ? »).
Berlin montre bien les différents acteurs de cet événement :
tout d’abord, en haut à gauche, des soldats est-allemands
observent impassibles des manifestants de l’Ouest casser à
coups de masse le mur en béton armé. La photographie a été
prise du côté occidental de la ville, on voit qu’il est recouvert
de tags, ce qui serait tout à fait inenvisageable du côté oriental
du mur, particulièrement surveillé.
Réponse à la question :
La chute du mur de Berlin marque la fin de la guerre froide en
Allemagne car elle révèle le rapprochement des deux États,
la RFA et la RDA, et entame le processus de réunification.
L’absence de réaction de la part de l’URSS pousse les autres
pays à engager le renversement des gouvernements au pouvoir
et à mettre fin au « bloc de l’Est ».
Cartes p. 208-209
Transformations économiques et
politiques du monde de 1973 à 1991
Cette double-page vise à montrer de façon synthétique, à partir
de deux cartes, les profondes transformations qui s’opèrent à
l’échelle de la planète. D’un point de vue économique, c’est la
crise des années 1970 qui provoque une crise aux conséquences
diverses et complexes. D’un point de vue politique, les deux
idéologies continuent de s’affronter dans le monde entier, bien
que la fin de la guerre froide soit proche.
Document 1 : Cette carte souligne le rôle central des États de
l’OPEP (et en particulier de l’OPAEP) dans le déclenchement

Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux 131

 de la crise économique qui touche de plein fouet les pays
développés à économie de marché, les « pays du Nord ». Cette
carte souligne aussi le fait qu'une part importante du commerce
mondial reste concentrée dans une petite partie du monde,
l’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon, les plus
touchés par la crise.
Document 2 : Cette carte montre la complexité du monde dans
les deux dernières décennies de la guerre froide. Mais deux
éléments sont particulièrement frappants : l’organisation du
monde entre les deux grandes puissances, l’URSS et les États-
Unis, mais aussi le processus de transition démocratique qui
intervient progressivement dans le monde, en Europe mais
aussi en Amérique latine, sur laquelle les États-Unis relâchent
progressivement la pression.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les principales régions productrices de pétrole
sont les pays du Moyen-Orient, Arabie saoudite, Irak, Iran, mais
aussi d’autres régions, Venezuela, Gabon et Indonésie. Les
principaux importateurs sont situés dans les pays du Nord, en
Amérique du Nord, en Europe de l’Ouest ou au Japon.
Question 2 : Cette carte souligne les interdépendances créées
par le commerce mondial du pétrole car les États industriels, qui
pour la plupart ne possèdent pas de pétrole sur leur territoire,
sont particulièrement dépendants des États producteurs, situés
notamment au Moyen-Orient, région de tensions géopolitiques
majeures.
Question 3 : Les principales évolutions du monde à la fin de
la guerre froide sont le développement des conflits armés,
notamment dans les pays du Sud, en Afrique, au Moyen-
Orient et en Asie du Sud-Est, mais aussi un processus de
démocratisation qui intervient dans les différents continents
dans les années 1970 et 1980.
Étude p. 210-211
1973, le premier choc pétrolier
Problématique : Pourquoi le premier choc pétrolier est-
il considéré comme un coup d’arrêt dans la croissance
économique des pays industrialisés ?
Cette étude insiste sur le tournant majeur que constitue le
premier choc pétrolier d’octobre 1973 pour les économies
industrialisées occidentales. Si ces dernières sont déjà
fragilisées depuis le début des années 1970 par une surchauffe
inflationniste, la fin du système monétaire de Bretton Woods
et une légère montée du chômage, le premier choc pétrolier
marque un véritable coup d’arrêt à la croissance exceptionnelle
des Trente Glorieuses. Il est aussi un tournant stratégique, dans
la mesure où il consacre définitivement le pétrole comme arme
géostratégique majeure. Les 16 et 17 octobre 1973, les ministres
des pays de l’OPAEP, réunis au Koweït, décident d’augmenter
le prix du pétrole de 70 % et de réduire leur production de 5 %
en moyenne chaque mois. En janvier 1974, le prix du baril de
pétrole est ainsi multiplié par 4, entraînant également une
hausse globale de toutes les matières premières. Ils essaient ainsi
de faire pression sur les Israéliens (et sur leurs alliés occidentaux)
afin qu’ils retirent leurs troupes des territoires qu’ils occupent
depuis la guerre des Six Jours.
132
Propositions de parcours :
Proposition 1 : le pétrole comme arme géostratégique.
(documents 1, 2 et 3)
Proposition 2 : 1973, une date rupture dans l’histoire des
économies industrialisées occidentales. (documents 2, 3, 4 et 6)
Les six documents sont de nature différente : une courbe, une
caricature, une photographie et trois articles issus de la presse
française et américaine.
Document 1 : La courbe du prix du baril de pétrole entre 1973
et 1981 permet de bien comprendre l’ampleur des deux
chocs, sous la forme de deux paliers. Le premier choc, en
effet, s’étale entre octobre 1973 et janvier 1974. Les prix sont
alors multipliés par 4. Le second choc pétrolier commence fin
1978 et s’accentue durant le premier semestre 1979. Il est lié
à la révolution islamique en Iran, alors deuxième exportateur
de pétrole.
Document 2 : Le caricaturiste allemand Fritz Berhendt (1925-
2008) publie dans de grands titres de la presse allemande et
internationale. Cette caricature illustre le désarroi des chefs
d’État occidentaux, désarmés face au roi d’Arabie saoudite
Fayçal (1964-1975). C’est une illustration parfaite de l’arme
nouvelle que représente le prix du baril du pétrole.
Document 3 : L’article de Philippe Simmonot paraît dans Le
Monde, le 30 octobre 1973, soit presque une semaine après
le cessez-le-feu entre les Israéliens et les pays arabes. Il insiste
sur la nouvelle donne qui a émergé rapidement au cours du
mois qui vient de s’écouler. Les pays arabes sont désormais
maîtres du prix du pétrole, et non plus les grandes compagnies
pétrolières (les fameuses 7 Majors). Le choc pétrolier s’inscrit
dans le mouvement de nationalisation des ressources pétrolières
par les pays producteurs. Désormais, les pays occidentaux
doivent vivre avec une énergie plus chère, ce qui nécessite une
reconversion douloureuse de pans entiers de leur économie.
Document 4 : Fin novembre 1973, l’hebdomadaire Le Nouvel
Observateur publie un article constatant la fin de l’opulence,
de l’énergie bon marché et du gaspillage. Avec un peu de
recul, M. Bosquet pressent la fin d’un modèle économique
qui prévaut depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et
la transformation progressive de la société de consommation.
Ce constat sera théorisé en 1979, par Jean Fourastié dans son
fameux ouvrage Les Trente Glorieuses.
Document 5 : Cette photographie illustre certaines scènes
de ruée des automobilistes dans les stations-services des
pays occidentaux, ici à New York. Cette ruée est animée à la
fois par la crainte des pénuries qui est réelle, surtout dans les
pays européens, aux États-Unis et au Japon, mais aussi par
une anticipation de la hausse régulière du prix du pétrole en
cette fin d’année 1973. Il faut souligner cependant que les
États-Unis sont peu dépendants du pétrole de l’OPEAP. On
estime que 5 à 6 % du pétrole consommé sur leur sol provient
du Moyen-Orient.
Document 6 : Cet article du New York Times insiste sur les
conséquences du choc pétrolier au Japon. Il paraît le 8 décembre
1973, au moment où les prix du pétrole continuent de s’envoler
avant de se stabiliser en janvier 1974. Le Japon, premier
importateur de pétrole, est frappé de plein fouet par ce choc
pétrolier. Son extraordinaire croissance dans les années 1960 a
été, en effet, soutenue par une énergie bon marché. Néanmoins,
ce changement de contexte énergétique a contraint le Japon
à se tourner vers le nucléaire, et à faire un important effort de
recherche technologique, afin de réduire les coûts du pétrole.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Au début de l’année 1973, les prix du pétrole
restent très bas, comme ils l’ont été depuis 1945. On remarque
que la hausse du prix intervient à partir d’octobre 1973, au
moment de la guerre du Kippour. La courbe croît rapidement
au cours du dernier trimestre de l’année 1973, pour se stabiliser
au premier semestre 1974. Les cours restent ensuite stables
jusqu’à la fin 1978 et le second choc pétrolier de 1979. La
révolution islamique en Iran provoque une envolée du prix du
pétrole plus importante encore que celle de 1973.
Question 2 : Le modèle de développement économique
occidental depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
repose sur une énergie abondante et bon marché. Pendant
les années 1950 et 1960, le prix du baril de pétrole a été stable
et bas, autour de 2 dollars. Or ce prix faible était possible par
une entente des grandes compagnies pétrolières occidentales
(les Majors) qui contrôlaient les concessions dans les pays
producteurs. À partir de 1960, et la création de l’OPEP, ces mêmes
pays essaient de se libérer progressivement de cette tutelle,
en procédant notamment à une nationalisation progressive
de leurs ressources en pétrole. Au début des années 1970,
ces derniers se rendent compte de l’extrême dépendance
des Occidentaux, européens et japonais en particulier, et de
leur poids dans l’économie mondiale, en tant que fournisseur
de pétrole. Pour les pays arabes de l’OPEP (OPAEP), le pétrole
devient une arme stratégique, utilisée lors de la guerre du
Kippour en 1973.
Question 3 : Cette hausse massive du prix du pétrole fragilise
les économies occidentales. La période des Trente Glorieuses
qui s’achève repose sur une surconsommation d’énergie pas
chère, voire d’un gaspillage important. De nombreux secteurs
économiques industriels, fortement énergivores, commencent
une difficile mutation, qui requiert des technologies
nouvelles. Le chômage de masse réapparaît dans d’autres
secteurs incapables de faire face à la flambée de la facture
énergétique. Des stratégies d’économie d’énergie se mettent
en place comme la limitation de vitesse ou bien encore des
campagnes d’incitation à moins consommer d’essence. Ce
contexte nouveau, anxiogène pour les populations habituées
à l’abondance, provoquent également des mouvements de
panique dans les stations-services où l’on craint les pénuries, ou
bien encore une hausse plus importante des prix le lendemain.
Question 4 : Le Japon est particulièrement frappé par le choc
pétrolier et la hausse du prix des matières premières. Le pays n’a
quasiment alors aucune ressource naturelle majeure sous son
sol. Il est à la fois la troisième puissance économique du monde
et le premier importateur mondial de pétrole. Plus de 90 % de
ses importations de pétrole proviennent des pays de l’OPEP
(pays arabes, Iran, Indonésie). Le choc pétrolier représente ainsi
une véritable catastrophe pour le Japon, car il n’a aucune marge
de manœuvre, si ce n’est de payer plus cher, donc d’augmenter
le coût de production de ses produits, et d’économiser au
maximum l’énergie, en prévision d’une éventuelle pénurie. La
chute de la production industrielle peut ainsi atteindre plus
de 30 %, les compagnies d’électricité prévoient près de 23 %
d’utilisation de pétrole en moins dans les centrales et 60 % de
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
la flotte commerciale du Japon va devoir naviguer au ralenti.
Il faut souligner qu’il s’agit de prédiction à la fin du mois de
décembre 1973, au moment où il y a une incertitude sur le prix
du pétrole et sur l’embargo des pays arabes.
Bilan Le prix du pétrole augmente considérablement à
partir d’octobre 1973 jusqu’en janvier 1974. Les pays arabes
exportateurs de pétrole du Moyen-Orient, utilisent cette arme
nouvelle afin de faire pression sur les pays occidentaux, qui
soutiennent les Israéliens dans la guerre du Kippour (du 6 au
24 octobre 1973). Conscients de l’extrême dépendance des
économies occidentales aux hydrocarbures, ils augmentent à
la fois le prix du baril et réduisent en moyenne la production
mensuelle de 5 %. Le prix du baril de pétrole est ainsi multiplié
par 4 en l’espace de trois mois. Ces pays agissent en un véritable
cartel pétrolier, qui provoque un renchérissement des coûts de
production des entreprises occidentales. De nombreux secteurs
sont ainsi touchés, et tout d’abord les transports. On craint la
pénurie et une forte inflation des prix, dans un contexte où
les moyens de transport, comme les voitures individuelles,
consomment abondamment du pétrole. D’autres secteurs sont
aussi touchés, notamment l’industrie, qui tourne alors à plein
régime pour répondre à une demande forte, illustration de la
société de consommation et de l’abondance. La chute de la
production industrielle, le ralentissement de la croissance et
la montée du chômage sont alors à craindre, en cette fin 1973,
où tous les dogmes économiques, en place depuis 1945, sont
largement battus en brèche.
Parcours 2
Dans un premier point de l’exposé, on peut souligner que le
modèle de développement économique de l’après-guerre
dans les pays occidentaux est fondé, en partie, sur un pétrole
pas cher et abondant. Puis, dans un deuxième temps, on
démontre que ce modèle a engendré une surconsommation
et un gaspillage d’énergie, accentuant la forte dépendance des
pays occidentaux au pétrole, donc leur vulnérabilité. Enfin, on
peut souligner les conséquences immédiates du choc pétrolier,
dans le dernier trimestre de l’année 1973, à savoir : les risques
de pénurie, l’augmentation des coûts de production et de
transport, la fragilisation de l’industrie et un coup de frein de
la consommation. On peut donc déduire que l’année 1973
représente un véritable tournant dans l’histoire économique
occidentale.
Étude p. 212-213
Le chômage de masse
dans les pays occidentaux
Problématique : Pourquoi la crise économique des années
1970 conduit-elle au développement d’un chômage de masse
dans les pays occidentaux ?
Cette étude insiste sur le retour du phénomène de chômage de
masse dans les pays occidentaux, dans les années 1970 et 1980.
Celui-ci avait quasiment disparu depuis la crise des années 1930
et la guerre. Cependant, si on attribue au choc pétrolier la cause
du retour de ce chômage de masse, il faut insister sur le fait
que ce dernier recommence à augmenter dès la fin des années
1960. L’ANPE, Agence nationale pour l’emploi en France, est
ainsi créée en 1967. Le nombre de chômeurs atteint alors
133
 400 000 personnes en France en 1968. Néanmoins, le phénomène
du chômage de masse s’accélère dans la seconde moitié des
années 1970, et surtout après le second choc pétrolier de 1979.
La récession qui s’installe dans les pays occidentaux, à partir
de 1974, a raison des secteurs économiques fragilisés et gros
consommateurs d’énergie. La sidérurgie, les mines, le textile,
les chantiers navals connaissent une véritable hémorragie,
aggravée par la concurrence de nouveaux pays asiatiques,
en cours d’industrialisation, nettement moins chers. Les pays
occidentaux, États-Unis et Europe de l’Ouest, entament alors
un lent et douloureux processus de reconversion industrielle,
vers des activités à plus haute valeur ajoutée, portées par les
nouvelles technologies, et surtout par les services.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : les conséquences sociales de la crise des années
1970. (documents 1, 3, 4, 5 et 6)
Proposition 2 : la particularité de la récession en Europe de
l’Ouest au cours des années 1970. (documents 1, 2, 4 et 5)
Document 1 : Le graphique permet de mettre en relation trois
courbes : l’indice des prix, la croissance du PIB, et le chômage.
On peut ainsi saisir l’originalité de la crise économique des
années 1970 par rapport à celle des années 1930, qui servait
alors de point de comparaison pour les contemporains. La chute
de la production s’accompagne d’un phénomène important
d’inflation, qui atteint en moyenne deux chiffres, alors que le
chômage s’envole. On parle ainsi de stagflation.
Document 2 : Jean Bouvier est un historien de l’économie.
Son article, paru dans Le Monde, est écrit en plein second choc
pétrolier, au moment de la révolution en Iran. Il y souligne,
cependant, le caractère proprement européen de la crise, les
difficultés de la reconversion, et surtout l’affirmation de la
concurrence internationale, en particulier asiatique. Pour Jean
Bouvier, la crise économique ne se fait pas du tout sentir dans
les nouveaux pays industrialisés d’Asie.
Document 3 : Il s’agit d’une photographie d’une manifestation
organisée par le DGB, c’est-à-dire la confédération allemande
des syndicats, fondée en 1949 et proche du SPD. Dans toute
l’Europe, on commence à voir des manifestations de chômeurs.
Le chômage frappe plus durement les jeunes.
Document 4 : Cet article, paru dans la Revue géographique
de l’Est, revient sur les treize années difficiles qu’a connues la
sidérurgie lorraine, après une période de prospérité au cours des
années 1950 et 1960, marquée notamment par un phénomène
de forte concentration industrielle. Les difficultés apparaissent
à la fin des années 1960, avec l’émergence de la sidérurgie sur
l’eau à Dunkerque notamment, et la concurrence étrangère.
Document 5 : Cette carte permet de situer les bassins miniers
anglais en activité, pour la plupart d’entre eux, depuis le
XVIIIe siècle. Les mines ont permis le succès de l’industrialisation
britannique. Nationalisées au lendemain de la guerre et gérées
par le Coal Board, le secteur minier traverse une crise depuis les
années 1960. Il y a de moins en moins de puits rentables. En
1984, Margaret Thatcher, Premier ministre depuis 1979, entend
restructurer l’industrie minière et prévoit la fermeture de bon
nombre d’entre eux. Ils sont surtout situés dans le Kent, le Yorkshire,
le sud du Pays de Galles, et le centre de l’Écosse. Cette décision
entraîne un gigantesque mouvement de grève des mineurs,
animé par le syndicat NUM, et son secrétaire général, Arthur
Scargill. Cette grève durera près d’un an, et sera très violente.
134
Document 6 : Daniel Cohen est mathématicien et économiste
français. Dans un de ses ouvrages les plus célèbres, Richesse
du monde, pauvreté des nations, publié en 1997, il affirme que
le creusement des inégalités dans le monde n’est pas dû à
la mondialisation, mais aux progrès techniques et aux choix
de spécialisation des productions des pays. Ainsi, dans cet
extrait est-il question du déclin des activités non qualifiées en
Europe, de plus en plus délocalisées à partir des années 1980
et 1990, vers des pays au faible coût de main-d’œuvre. La crise
frappe avant tout les actifs les moins qualifiés, en épargnant
du chômage les mieux formés.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La crise économique dans les pays occidentaux
se manifeste de manière originale et apparaît alors différente
de celle des années 1930. La chute de la production n’entraîne
pas une baisse radicale des prix et n’installe pas une longue
période de déflation comme dans les années 1930. Au contraire,
on observe une forte inflation qui s’installe durablement en
moyenne au-dessus des 10 %. Elle s’explique notamment par
le renchérissement du prix du pétrole et de bon nombre de
matières premières, mais aussi par les nombreux plans de
relance keynésiens animés par les États (notamment la France en
1974, qui vote pour la première fois un budget déficitaire). Par
ailleurs, cette crise se manifeste par une montée du chômage,
qui s’accélère surtout à partir de 1980. On parle, alors, pour
expliquer une telle situation, de stagflation, un mélange de
stagnation économique et d’inflation.
Question 2 : La première explication est le choc pétrolier
de 1973, qui est l’évènement déclencheur de la récession
en Europe. Cependant, cet évènement n’explique pas à lui
seul le marasme économique européen, dans la mesure où
d’autres pays industrialisés s’en sortent beaucoup mieux,
notamment en Amérique et en Asie. L’Europe de l’Ouest,
en effet, a bénéficié d’un contexte politique et économique
exceptionnel après la guerre. Sa croissance a été portée par
la reconstruction et par le marché commun. On ne pouvait
donc s’attendre, à une forte croissance continue indéfiniment.
D’autre part, son enrichissement progressif a engendré un
coût de la main-d’œuvre très important, entraînant de ce fait,
une baisse de sa compétitivité internationale ; les entreprises
européennes connaissent alors une baisse de leur rentabilité.
Enfin, au cours des années 1970, elles doivent désormais faire
face à une concurrence internationale, toujours plus forte,
notamment asiatique.
Question 3 : Les secteurs économiques les plus touchés sont
ceux issus de la première révolution industrielle, c’est-à-dire la
sidérurgie, les mines, le textile ou encore les chantiers navals.
Ainsi la sidérurgie, qui fait la fortune de la Lorraine depuis le
début du XXe siècle, est en grande difficulté dès la fin des années
1960. Plus de 20 000 postes sont supprimés au cours de la
décennie 1970, alors que dans le même temps, on a recours
massivement au chômage partiel et aux retraites anticipées.
Les entreprises sidérurgiques sont touchées de plein de fouet
par une baisse de leur rentabilité, la hausse du prix des matières
premières et la concurrence étrangère de plus en plus vive.
Il en est de même pour le secteur minier au Royaume-Uni.
S’il est en crise depuis les années 1960, le nombre de puits
non rentables explose au début des années 1980. Margaret
Thatcher, Premier ministre depuis 1979, élue sur un nouveau
programme libéral, décide la fermeture de plus de 20 puits
non rentables, dans un premier temps. Cette décision aggrave
le chômage déjà à un haut niveau dans de vieilles régions
industrielles sinistrées, comme le Pays de Galles ou encore le
Yorkshire. Cette politique de fermeture de mines entraîne une
très violente grève de plus d’un an.
Question 4 : Il convient de souligner que le chômage ne
touche pas toutes les catégories de la population active. Il
existe de réelles inégalités entre travailleurs qualifiés, dont
le taux de chômage est passé de 2,5 % à 4,5 % entre 1974
et 1990, et les travailleurs non qualifiés, qui ont un taux de
chômage supérieur à plus de 20 % en 1990. Le niveau de vie des
Européens, et donc leur salaire, a considérablement augmenté
dans les années 1950 et les années 1960. Or, dans un contexte
de mondialisation qui s’affirme, les travailleurs non qualifiés
européens se retrouvent de plus en plus en concurrence avec
ceux des autres régions du monde, notamment asiatiques, où
les salaires sont beaucoup plus faibles. La délocalisation des
activités à faible valeur ajoutée est donc inévitable dans ces
régions, aggravant le chômage des travailleurs non qualifiés
européens.
Bilan Si le premier choc pétrolier de 1973 est un élément
déclencheur de la crise économique, les signes de ralentissement
sont présents dès le début des années 1970. À partir de 1974,
la croissance économique ralentit, entraînant une phase
de récession sans précédent depuis les années 1930. À cela
s’ajoute une forte inflation (stagflation) et le retour du chômage
de masse. Néanmoins, il convient de souligner que tous les
secteurs économiques sont inégalement touchés. Les premières
entreprises frappées par la crise sont les moins rentables et les
plus soumises au renchérissement du coût de l’énergie. Des
secteurs entiers, issus le plus souvent de la première révolution
industrielle, comme la sidérurgie et les mines de charbon,
sombrent et perdent de nombreux emplois (Lorraine en France,
Yorkshire au Royaume-Uni). Le chômage touche ainsi des
ouvriers peu qualifiés, dans des régions de mono-industrie.
Cependant, d’autres régions du monde, comme les nouveaux
pays industrialisés d’Asie, connaissent une forte croissance
économique, portée par un coût de la main d’œuvre peu cher
et plus compétitif qu’en Europe.
Parcours 2
Les causes Les conséquences
La trop forte croissance des années Rattrapage du niveau de vie des
1950 et 1960, liée à l’ouverture des Européens par rapport
marchés et à la reconstruction. aux Américains, donc augmentation
du coût de la main-d’œuvre.
Chute du rendement de l’outil Suppression d’emplois dans les
industriel européen avec élévation vieux secteurs industriels comme
du coût de capital et de main- la sidérurgie ou les mines.
d’œuvre.
Concurrence des pays nouvellement Délocalisations et chômage de
industrialisés. masse des travailleurs non qualifiés
européens.
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
Leçon 1 p. 214-215
Les chocs pétroliers
et la fin des Trente Glorieuses
Problématique : Cette leçon est à mettre en relation avec
les deux études précédentes, afin de bien comprendre les
conséquences économiques et sociales des chocs pétroliers,
pour les pays industrialisés de l’époque, Amérique du Nord,
Europe de l’Ouest et Japon. L’augmentation du prix du pétrole,
véritable arme géostratégique utilisée par l’OPEP, fragilise,
de façon inégale, des entreprises trop dépendantes et trop
consommatrices de pétrole. Les plus fragiles font faillite,
entraînant également des pertes d’emploi dans les secteurs
de la première révolution industrielle, textile, sidérurgie et
chantiers navals en tête. L’Europe de l’Ouest et le Japon, gros
importateurs de pétrole sont touchés de plein fouet. Après le
second choc pétrolier de 1979, les pays occidentaux adoptent
des stratégies différentes pour sortir de leur dépendance au
pétrole. Certains, comme la France, optent pour le nucléaire,
d’autres comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, choisissent
de se tourner vers leur production énergétique domestique.
Enfin, l’étude des chocs pétroliers doit amener à comprendre
la nouvelle donne économique internationale qui se met en
place à la fin des années 1970. Ils marquent la fin de l’apogée
industriel des puissances occidentales et la montée inexorable
de nouveaux concurrents, plus compétitifs, en Asie notamment.
Ils entraînent ainsi une recomposition et une réorientation des
économies américaine, européenne et japonaise.
Notions importantes : Les notions importantes abordées
dans la leçon sont le choc pétrolier, la crise économique, et la
désindustrialisation. Elles sont plutôt à étudier en corrélation,
pour bien comprendre les interactions économiques qui
sont en place dans les années 1970. On peut s’appuyer, dans
cette optique sur les deux études précédentes sur les chocs
pétroliers (pages 210-211) et le chômage de masse (pages 212-
213). Enfin, on pourra aborder, à travers les chocs pétroliers, la
notion de géopolitique, afin de percevoir le bouleversement
de hiérarchisation des puissances qui s’opère à la fin des
années 1970.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan montre, en deux temps,
les implications de la hausse du prix du pétrole qui entraîne,
inévitablement, une hausse des coûts de production pour
les entreprises industrielles occidentales. Il permet de bien
comprendre la spécificité de la crise des années 1970 et la
stagflation. D’une part, la hausse de coûts de production
engendre une hausse des prix des produits alors que les salaires
sont contenus dans un premier temps. Puis, les revendications
salariales deviennent plus pressantes, dans la mesure où le
pouvoir d’achat baisse. Cette hausse des salaires engendre à
son tour une hausse des coûts de production et alimente ainsi
le cercle vicieux de l’inflation, aggravé lui-même souvent par
les politiques de relance keynésiennes des États. D’autre part,
la hausse des coûts de production a provoqué une réduction
des profits, donc une chute de la rentabilité des entreprises.
Ceci a freiné les investissements, ralentissant la croissance
et donc entraînant une hausse du chômage. On voit ici un
second cercle vicieux qui insiste sur la baisse du rythme de
la production.
135
 CTIVITÉ NUMÉRIQUE façons de travailler. De nouvelles activités apparaissent comme
la télématique, les biotechnologies, l’information, entérinant
Guerre du Kippour octobre la tertiarisation massive des économies occidentales et le lent
1973
déclin du secteur industriel dans les pays occidentaux. Dans
le même temps, la mondialisation et l’ouverture des marchés
se poursuivent. Les nouveaux pays industrialisés se renforcent
L'OPEP réduit sa production de
sur la scène économique internationale comme la Corée du
pétrole de 5 % par mois
Sud, alors que les pays ateliers comme la Chine accueillent
Décembre 1 9 7 3 le prix du
les délocalisations d’usines occidentales en quête de main-
pétrole est multiplié
d’œuvre à bas coût.
par deux
Propositions de parcours :
Proposition 1 : les transformations de l’économie mondiales
dans les années 1980. (documents 1, 2, 4, et 5)
Proposition 2 : la tertiarisation des économies occidentale au
Le choc pétrolier de 1973 cours des années 1980. (documents 3, 4, et 5)
et ses conséquences Les cinq documents sont de nature différente : un graphique,
deux photographies, et deux textes, un article de revue
scientifique, soulignant la montée en puissance de la Corée
du Sud, et un extrait du rapport préparatoire du huitième plan
français de 1980.
Fin des Trente Glorieuses Document 1 : La chaîne de montage est née dans l’industrie
automobile dans les usines Ford à Détroit. Elle a longtemps
symbolisé le travail à la chaîne par excellence, employant des
Chômage de masse milliers d’ouvriers spécialisés dans une seule tâche. Au cours
des années 1980, cette industrie automobile se modernise
rapidement en optant pour une robotisation accrue de ses
chaînes de montage, entraînant dans un premier temps
Désindustrialisation le chômage technologique des ouvriers spécialisés, peu
formés pour d’autres activités. Cette politique a permis des
gains de productivité importants et le maintien de secteur
automobile performant dans les pays occidentaux, comme ici au
Royaume-Uni.
Document 2 : Cet article, paru dans la Revue Tiers-Monde
en 1989, souligne l’extraordinaire croissance des groupes
industriels coréens (Jaebeuls ou Chaebols) depuis les années
1960. Ils sont le symbole du décollage économique de la Corée
du Sud, opéré au lendemain de la guerre, dans la seconde
moitié des années 1950. Le pays, d’abord gouverné de façon
Étude p. 216-217 autoritaire, fait le choix d’un développement tourné vers
La nouvelle donne économique l’exportation de produits à bas coût et d’une ouverture aux
investissements étrangers, notamment japonais. Il devient,
mondiale dans les années 1980 dans les années 1970, un « dragon », pays à forte croissance,
Problématique : Comment la crise transforme-t-elle en capable d’exporter des produits de qualité à bas coût. Dans le
profondeur les structures de l’économie mondiale au cours des même temps, le pays ne se contente pas d’usiner des pièces
années 1980 ? importées. De grands groupes se créent, capables de rivaliser
Cette étude permet d’expliquer les recompositions économiques avec les entreprises occidentales. Ainsi la concurrence des
qui s’opèrent dans le monde et dont les conséquences se font chantiers navals sud-coréens est-elle hautement dommageable
encore largement ressentir aujourd’hui. Si les vieux secteurs pour les chantiers navals européens.
industriels connaissent un déclin accéléré, de nouveaux Document 3 : Ce graphique très classique de la répartition
apparaissent, porteurs d’une nouvelle croissance économique, sectorielle de la population active permet de souligner quelques
confortant ainsi la vieille théorie schumpétérienne de la éléments fondamentaux de la mutation économique de la
« destructions créatrice ». Afin de gagner en compétitivité, les France, dans les années 1970 et 1980. On remarque que le
entreprises, comme dans l’automobile, optent majoritairement secteur secondaire atteint son apogée au début des années
pour la robotisation de leurs chaînes de production. Les 1970, avant de décliner après le choc pétrolier. Le secteur
investissements dans de nouvelles machines permettent tertiaire connaît une progression exponentielle, même s’il est
également de diminuer la consommation d’énergie. Dans
le secteur relativement le plus important, dès 1950, en France.
le même temps, les progrès techniques s’accélèrent dans
Enfin l’agriculture ne cesse de décliner, en termes d’actifs, tout
l’électronique et dans l’informatique, et révolutionnent les
au long du XXe siècle.

136
Document 4 : Cette photographie d’une salle des marchés de la
City de Londres illustre deux éléments importants. Tout d’abord
l’informatisation à outrance, qui va de pair avec la tertiarisation
de l’économie, puis l’accélération de la financiarisation de
l’économie. Le 27 octobre 1986, la bourse de Londres connaît
un « Big Bang », c’est-à-dire une déréglementation de ses
activités. Les banques étrangères ont désormais accès au marché
londonien, et les nouveaux « traders » peuvent librement faire
concurrence aux agents de change traditionnels.
Document 5 : Il s’agit ici du rapport de la commission
« industrie », pour la préparation du huitième plan de 1981 à
1985. Le plan en France, à la différence de celui de l’URSS, est
incitatif et non impératif. Il fixe de grandes orientations, selon
les mutations économiques en cours ou à prévoir. Cependant,
il convient de noter que le plan est très nettement en déclin
à la fin des années 1970. Ce dernier prévoit notamment, une
montée des industries de services et l’affirmation des secteurs
de hautes technologies, comme l’informatique ou encore
l’aérospatiale.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le succès des entreprises coréennes peut
s’expliquer par une économie nationale traditionnellement
tournée vers l’exportation, depuis les années 1950. Il s’agissait
d’abord de produits à faible valeur ajoutée, comme la
confection, puis à partir des années 1970, de produits plus
sophistiqués réalisés par des groupes coréens en plein envol,
très compétitifs dans les domaines de l’électronique ou de
l’automobile. L’économie coréenne a pu ainsi réussir sa mutation,
passant d’une économie agricole à une économie ouverte
et industrielle, dans laquelle les grands groupes ont un rôle
majeur. Ces Chaebols connaissent, dans le même temps, un
important phénomène de concentration industrielle. Ainsi
les 50 premiers d’entre eux assurent-ils le cinquième du PIB
coréen, les 30 premiers, quant à eux, emploient 18 % des
effectifs industriels. Leur poids est donc considérable.
Question 2 : Les puissances occidentales, dans ce nouveau
contexte international, se tournent désormais vers des industries
de pointe et de haute technologie, qui permettent de soutenir
la tertiarisation de l’économie. Il s’agit de l’informatique, en
plein explosion après l’invention de la puce électronique en
1970, mais aussi la télématique (et l’explosion de l’information),
l’aérospatiale, les biotechnologies, le nucléaire. C’est un choix
clairement assumé, selon le document 5, dans la mesure où
les activités traditionnelles, comme la sidérurgie, sont de plus
en plus concurrencées par des pays à bas coût (Corée du Sud).
Question 3 : Les deux principales conséquences sur le monde
du travail sont tout d’abord la robotisation des chaînes de
montage, entraînant la disparition des ouvriers spécialisés peu
qualifiés. Cette robotisation engendre des coûts de production,
et permet de maintenir la compétitivité du secteur automobile
par exemple. L’autre conséquence est l’accélération de la
tertiarisation de l’économie. De plus en plus d’actifs travaillent
dans les services, alors que la part des actifs dans l’industrie
ne cesse, quant à lui, de diminuer.
Bilan Dans le sillage de la crise pétrolière des années 1970
et de la fin des Trente Glorieuses, l’économie mondiale, dans les
années 1980, connaît des transformations majeures. Les vieilles
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
puissances industrielles occidentales, durement touchées par
la crise, restructurent, dans la douleur, des secteurs entiers,
comme la sidérurgie ou encore le textile, pour faire face à une
concurrence étrangère féroce. Dans le même temps, elles font
le choix de moderniser leur appareil productif, en investissant
massivement dans la robotisation des chaînes de montage, dans
l’automobile par exemple, de façon à gagner en productivité
et en compétitivité. Enfin, elles investissent également dans de
nouveaux secteurs porteurs, à haute valeur ajoutée, apparus à
la fin des années 1960, comme la télématique, l’électronique
de pointe, l’aérospatiale ou encore dans de nouvelles sources
d’énergie (le nucléaire). Le symbole de cette mutation accélérée
reste l’informatique, qui permet la tertiarisation massive et
prépondérante de l’économie.
Le monde occidental doit désormais composer avec de
nouveaux concurrents et de nouvelles puissances industrielles,
essentiellement asiatiques, à l’image de la Corée du Sud. Ces
nouveaux pays industrialisés asiatiques font le choix d’une
politique d’exportation énergique et concurrencent les
Occidentaux dans des secteurs traditionnels comme les chantiers
navals ou encore l’électronique grand public. Ils peuvent ainsi
profiter d’une main-d’œuvre abondante et bon marché, et de
grands groupes industriels efficaces, qui s’affirment de plus en
plus sur la scène économique internationale.
Parcours 2
La carte mentale :
Une concurrence asiatique de plus en plus forte :
− qui repose sur une main-d’œuvre abondante et bon marché,
et sur des groupes industriels qui se tournent vers l'exportation.
Cela oblige les puissances occidentales à se transformer :
− par la robotisation et l’informatisation
− dans les domaines des services et de la haute technologie
Face à la concurrence asiatique, les puissances occidentales
parviennent à transformer leur économie, en se tournant vers
des secteurs de haute technologie et par des investissements
dans l’appareil productif. Elles ont fait le choix de se tourner
davantage vers le secteur tertiaire, dont la part de la population
active ne cesse de croître. L’informatisation et la robotisation à
outrance permettent aux puissances occidentales de maintenir
leur prépondérance économique dans les années 1980, face à la
concurrence des nouveaux pays industrialisés d’Asie. Par ailleurs,
la mondialisation a permis à ces derniers de s’industrialiser
rapidement, en se tournant vers l’exportation de produits bons
marchés (textile) dans un premier temps, puis vers des produits
plus qualitatifs (chantiers navals, électroménager, automobiles,
etc.). Ils réussissent à gagner des parts de marché, importantes
sur les marchés occidentaux.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
En 1984 lors de cette présentation auprès d’un public
nombreux et enthousiaste, Steve Jobs fait une démonstration
du fonctionnement de l’ordinateur. Il glisse une disquette
dans l’ordinateur qui fonctionne immédiatement. L’ordinateur
joue de la musique, affiche des images, différentes polices de
caractères ou encore des jeux. Ensuite, l’ordinateur parle avec
une voix métallique et affiche le texte en même temps. Son
fonctionnement apparaît simple et ses possibilités multiples.
137

POINT DE PASSAGE p. 218-221
Ronald Reagan et Deng Xiaoping :
acteurs d’un nouveau capitalisme
A Reagan et la libéralisation
de l’économie américaine p. 218-219
Problématique : Comment la politique de libéralisation et de
dérégulation de Ronald Reagan transforme-t-elle en profondeur
les fondements de l’économie américaine ?
Ronald Reagan est un acteur majeur des années 1980. Son étude
permet de bien comprendre la grande mutation économique
et sociale qui touche alors les vieux pays industrialisés. Au
cours des années 1970, les États-Unis sont ébranlés par une
triple crise politique, économique et morale. Le désastre de
la guerre du Vietnam et le choc de la crise des otages de
l’ambassade des États-Unis à Téhéran, humilient profondément
les Américains sur la scène internationale. Dans le même
temps, l’URSS, l’ennemi idéologique, apparaît alors en pleine
expansion, dans un regain de guerre froide. Dans ce contexte,
Ronald Reagan est élu avec pour mot d’ordre « America is back »
(« L’Amérique est de retour »). Le parcours de Ronald Reagan est
très original. D’abord acteur de cinéma, il est embauché, après
la Seconde Guerre mondiale, par General Electric pour devenir
« ambassadeur » de la marque et animer une émission télévisée
à grande écoute. Il découvre alors les nouvelles théories libérales
défendues par l’économiste d’origine autrichienne Hayek, à
contre-courant du keynésianisme triomphant. Viscéralement
anti-communiste, il est élu gouverneur républicain de Californie
en 1967, après les fameuses émeutes de Watts, étape majeure
avant son élection à la magistrature suprême des États-Unis.
Sa politique économique (« Reaganomics ») repose sur une
déréglementation à outrance des différents secteurs. Les
télécommunications, les banques, les marchés financiers, le
contrôle aérien ou l’exploitation des ressources naturelles
connaissent un assouplissement des règles. Le marché doit
désormais s’autoréguler. La présidence de Ronald Reagan est
alors un véritable tournant dans la vie économique des pays
industrialisés occidentaux.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : la déréglementation, un remède à la crise des
années 1970 et 1980. (documents 1, 2, 4)
Proposition 2 : Les conséquences économiques et sociales de
la politique de Ronald Reagan en matière de déréglementation.
(documents 1, 3, 4 et 5)
Document 1 : Ce graphique, qui comporte trois courbes (le
chômage, le PNB et le déficit public), appelle une analyse fine.
Dans un premier temps, il faut rappeler la situation économique
des États-Unis en 1980, à la fin de la présidence de Jimmy Carter,
et montrer en quoi l’élection de Reagan est une rupture. Les
choix économiques de ce dernier ont, au cours de la première
année de son mandat, des résultats catastrophiques. La lutte
contre l’inflation contracte l’activité économique, comme en
témoigne la chute du PNB, ce qui se traduit par une hausse
importante du chômage. Dans le même temps, les déficits publics
se creusent, du fait des baisses massives d’impôts. Puis la croissance
économique repart à la hausse permettant de résorber quelque
peu le chômage. Néanmoins, tout au long de la présidence
138
Reagan, les déficits publics ne cessent de se creuser, aggravés
par les dépenses militaires importantes.
Document 2 : Il s’agit ici de deux discours de Ronald Reagan, au
début de son premier mandat. Le discours inaugural du 20 janvier
1981 (jour traditionnel des prises de fonctions des présidents des
États-Unis) donne les grandes orientations de la future politique
reaganienne. Il dénonce la pression fiscale très forte et le poids
de l’État fédéral qui, selon lui, est une entrave à l’épanouissement
des acteurs économique et des individus. Le second discours du
5 février suivant, à la télévision, précise les modalités de cette
politique : réductions des déficits et de la dette, coupes dans les
budgets des agences fédérales, non-remplacement des agents
publics qui prennent leur retraite, etc. Avec ces deux discours,
on perçoit la rupture totale avec la politique précédente de la
gestion de la crise économique.
Document 3 : Cette photographie illustre la grande grève des
contrôleurs aériens américains de l’été 1981. C’est le premier
mouvement social d’importance de l’ère Reagan. Ces contrôleurs,
qui avaient dans une très large majorité voté pour lui, protestent
contre une réforme de leur statut et contre une libéralisation du
contrôle de l’espace aérien américain. Cependant, il est interdit
aux agents de l’État fédéral de faire grève. Reagan en profite alors
pour licencier les 11 000 agents du contrôle aérien.
Document 4 : Ce texte permet de préciser les domaines
déréglementés sous la présidence Reagan, et surtout ses
principaux revers. Le journaliste du Monde rappelle que le principe
des déréglementations s’est d’abord posé sous Carter, avant
de s’affirmer sous Reagan. Dans un premier temps, les prix des
services dans les secteurs déréglementés ont baissé, comme dans
les télécommunications, et ont fait la joie des consommateurs.
Mais, cette baisse tendancielle des prix, liée à la libre concurrence,
a pour revers la compression des salaires et la précarisation accrue
du marché du travail.
Document 5 : Le dernier document souligne un des faits sociaux
majeurs des deux mandats de Ronald Reagan, à savoir la montée
de la pauvreté. Les déréglementations pèsent sur les populations
traditionnellement précaires et fragiles. Cependant, elles creusent
aussi les inégalités entre les groupes ethniques qui composent
la société américaine. Au cours du premier mandat Reagan, les
écarts entre les Blancs d’une part, et les Noirs et les Hispaniques
d’autre part, s’accentuent. Ensuite, si la part relative de chaque
groupe dans la pauvreté se stabilise, les Noirs et les Hispaniques
restent à un très haut niveau (30 % en moyenne), ce qui prouve
l’incapacité de l’administration Reagan à la réduire. Les Asiatiques,
quant à eux, s’en sortent mieux, bien qu’ils constituent une
immigration plus récente. La hausse du taux de pauvreté, à la
fin de la période, correspond à la crise économique qui suit le
krach boursier d’octobre 1987.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La crise à la fin des années 1970 aux États-Unis
a des caractéristiques communes avec celle des autres pays
industrialisés occidentaux. Elle se manifeste par une croissance
du PIB relativement faible et une forte inflation (à deux chiffres).
C’est le phénomène bien connu de la stagflation. Dans le même
temps, le chômage de masse et de longue durée refait son
apparition (8 % de la population active à la fin de la présidence
de Jimmy Carter).
Question 2 : Selon Ronald Reagan, les principales raisons de la
crise économique résident dans le poids de l’État fédéral, et la
forte pression fiscale qu’il fait subir aux Américains. Il dépense
trop et trop mal, et cause de véritables dommages à l’économie
américaine. Pour Reagan, il faut donc réduire les dépenses
publiques en ne remplaçant pas les agents publics qui partent
à la retraite, confier certaines missions de services publics aux
entreprises privées, baisser les impôts et déréglementer certains
secteurs économiques.
Question 3 : Les conséquences de la politique économique de
Ronald Reagan ont un coût social très important. Les statuts
des agents de certains secteurs publics sont remis en cause
au profit d’un statut privé plus précaire, alors que les salaires
connaissent une pression à la baisse. La mise en concurrence
dans plusieurs domaines, notamment les télécommunications,
entraînent une baisse des prix voulue par les consommateurs,
mais également une baisse des salaires des employés et une
précarisation accrue. On voit ainsi apparaître le phénomène des
travailleurs pauvres (« Working Poors ») et de la multiplication
des petits boulots (« Hamburger Jobs ») aux États-Unis, au cours
des années 1980.
Question 4 : L’action de Ronald Reagan, en matière de lutte contre
la pauvreté, est inefficace. Adepte de la théorie du ruissellement,
c’est-à-dire que plus les classes aisées de la société s’enrichissent,
plus l’argent ruisselle vers les catégories modestes et défavorisées,
Reagan lie la lutte contre la pauvreté à la baisse massive des
impôts. Or cette politique montre toutes ses limites à travers le
document 5, car la pauvreté ne baisse absolument pas au cours
des années 1980 aux États-Unis. Pire, les inégalités s’accroissent
entre les différents groupes ethniques.
Bilan Reagan se fait triomphalement élire fin 1980 sur un
programme résolument libéral et prônant la déréglementation
de l’économie américaine. Pour Reagan, si l’on veut relancer
l’économie, lutter contre l’inflation galopante et réduire les
déficits publics, il faut absolument réduire le poids de l’État
fédéral, et limiter son intervention dans le champ économique. Il
résume la situation avec sa célèbre formule : « le gouvernement
n’est pas la solution de nos problèmes : c’est le gouvernement
qui est le problème ». Des secteurs entiers connaissent alors
une forte vague de déréglementation : le contrôle aérien, les
télécommunications, la télévision par câble, les transports
routiers, le pétrole, l’industrie automobile, les radios et les
activités bancaires. Par ailleurs, Reagan octroie des baisses
d’impôts massives et réduit les dépenses publiques. Si l’activité
économique repart, le coût social est très élevé. On note une
véritable précarisation des travailleurs, une baisse des salaires
et un taux de pauvreté qui ne baisse pas. Les années Reagan se
traduisent par un creusement sans précédent des inégalités.
Parcours 2
La déréglementation, voulue par Reagan au cours des années
1980 a des conséquences majeures et constitue un tournant
important dans l’histoire économique et sociale des États-
Unis. On note d’abord qu’il s’agit d’un mouvement opéré à la
fin des années 1970, dans certains secteurs. Ce phénomène
provoque une émulation de la concurrence et donc une baisse
des prix des services dans l’intérêt des consommateurs. La
déréglementation soutient ainsi l’activité économique et
relance la croissance. Cependant, les effets en matière sociale
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
sont catastrophiques. Le chômage augmente durant les deux
premières années du mandat de Ronald Reagan. Les emplois
deviennent plus précaires alors que le système de protection
sociale est amoindri. Les inégalités explosent, notamment
entre les différents groupes ethniques.
POINT DE PASSAGE p. 218-221
Ronald Reagan et Deng Xiaoping :
acteurs d’un nouveau capitalisme
BDeng Xiaoping et l’ouverture
économique de la Chine p. 220-221
Problématique : Comment la politique économique mise en
œuvre par Deng Xiaoping favorise-t-elle l’ouverture économique
de la Chine au monde ?
Écarté et exilé au moment de la Révolution culturelle de
1966, Deng Xiaoping revient définitivement au pouvoir en
1978, après l’élimination de la fameuse « bande des quatre ».
Il est alors sur une ligne réformiste, et promeut une politique
d’ouverture et de modernisation de la Chine populaire. À
partir de décembre 1978, toute une série de réformes est
lancée. On réintroduit la notion de profit, en permettant aux
paysans de cultiver un lopin de terre à eux et de vendre leurs
surplus. Par ailleurs, on instaure un système de responsabilité
des cadres de l’économie, avec une rémunération au mérite
et une plus large autonomie dans la gestion des entreprises
d’État. Les revenus des paysans bondissent au début des
années 1980. Parallèlement, l’ouverte de quatre ZES, zones
économiques spéciales, dans le sud, est décidée, afin d’ouvrir la
Chine populaire aux pays occidentaux. À partir d’octobre 1984,
au IIIe plenum du XIIe comité central du PCC, la décision est prise
d’étendre cette politique à toute l’économie du pays. Les prix
agricoles et industriels, les prêts bancaires et la gestion des
entreprises publiques sont progressivement libéralisés. En
1984, 14 autres villes côtières sont ouvertes aux investissements
étrangers. Enfin, toute une série d’accords commerciaux sont
signés avec de nouveaux partenaires commerciaux de la
Chine en 1978 : la CEE, les États-Unis et le Japon. Ainsi les
investissements étrangers explosent-ils, passant de 4 milliards
de dollars en 1988, à 27,5 milliards de dollars en 1993. Cette
étude a donc pour but d’expliquer le succès de la politique
d’ouverture économique de Deng Xiaoping, et l’origine du
poids de la Chine contemporaine dans l’économie mondiale.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : les fondements de l’ouverture économique
de la Chine et la rupture par rapport à la situation antérieure.
(documents 1, 2 et 5)
Proposition 2 : les conséquences économiques de l’ouverture
de la Chine au monde. (documents 2, 3, 4, 5 et 6)
Document 1 : Deng Xiaoping expose ici ses principales
idées, conformes au courant réformiste du Parti communiste
chinois. Le texte date de 1976, au moment de la mort de
Mao. On y retrouve ce qui sera à la base des futures « quatre
modernisations », à savoir : l’autonomie, la recherche du profit, la
responsabilité individuelle et l’ouverture aux capitaux étrangers.
Il faut bien faire comprendre ici qu’il s’agit d’un discours en
139
 rupture avec la ligne officielle et le modèle économique qui
prévaut alors en Chine.
Document 2 : Cette carte permet de comprendre l’ouverture
progressive du territoire chinois aux investissements étrangers
à travers les ZES. Les premières sont instituées dans le sud,
dans le delta du fleuve Xi Jiang, à proximité de Macao (colonie
portugaise) et de Hong Kong (colonie anglaise). Canton
(Guangzhou) est traditionnellement, depuis le XVIe siècle, le port
d’entrée de la Chine pour les marchands européens. On note
que l’année 1984 est un véritable tournant, puisque 14 villes,
dont Shangaï, sont ouvertes aux investissements étrangers.
Document 3 : Ce graphique permet de bien cerner l’évolution
du commerce sino-américain au cours des années 1980.
Jusqu’en 1983, la Chine importe davantage depuis les États-
Unis qu’elle n’y exporte. À partir de 1983, le commerce chinois
devient excédentaire, pour ne plus cesser de l’être jusqu’à
aujourd’hui. La courbe des exportations suit une trajectoire
exponentielle, surtout à partir de 1987. Le déficit commercial
américain, vis-à-vis de la Chine, ne cesse alors de se creuser.
Ces deux courbes permettent d’illustrer les succès des ZES.
Les entreprises qui s’y installent exportent vers les pays
occidentaux les produits qu’elles font fabriquer en Chine
pour des raisons de réduction de coûts, notamment de main-
d’œuvre.
Document 4 : Shenzhen est une des premières ZES ouvertes
aux investissements étrangers. Elle se situe à proximité de
Hong Kong, colonie britannique depuis 1842. Un traité avec
le Royaume-Uni de Margaret Thatcher prévoit cependant le
retour de la colonie à la Chine en 1997. La photographie nous
montre l’intérieur d’une usine de poupées à destination du
marché américain. Les industriels américains spécialisés dans
les jouets ont délocalisé très tôt en Chine, afin de bénéficier
d’une main-d’œuvre abondante et bon marché. On remarque
que ce sont des femmes qui composent l’écrasante majorité
des ouvriers, comme c’est déjà le cas pour le textile. Au cours
des années 1990, la Chine devient ainsi le premier producteur
mondial de jouets.
Document 5 : La Revue d’études comparatives Est-Ouest, fondée
par le CNRS en 1970, est actuellement publiée par les PUF.
Michel Roy démontre l’importance nouvelle de Shenzhen, au
début des années 1980, dans l’économie chinoise. Le texte
insiste surtout sur la hausse du niveau de vie dans la région
du delta, et sur l’avance que prend cette région sur le reste de
la Chine continentale. L’ouverture économique et l’accueil des
investissements étrangers permettent un véritable décollage
économique de la Chine, sur le modèle des nouveaux pays
industrialisés d’Asie, comme la Corée du Sud, Hong Kong,
Taiwan ou encore Singapour.
Document 6 : L’ouverture de premier McDonald’s de Chine a
lieu en 1990 à Shenzhen. La firme de fast-food est le symbole
à la fois du capitalisme, et celui du mode de vie américain. Le
fait qu’un restaurant McDonald’s ouvre ses portes dans un
pays communiste est alors un événement important, illustrant
son ouverture au monde et aux investissements étrangers. La
photographie nous montre que cette installation du premier
McDonald’s de Chine attire une foule considérable. On peut
également insister, grâce à la photographie, sur le gigantisme
de ce restaurant.
140
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’élève peut rappeler ici ses connaissances sur
Mao et sur le système communiste chinois mis en place après
1949, ce qui permet de bien mettre en perspective les idées
de Deng Xiaoping. Celles-ci sont une véritable rupture avec
la ligne traditionnelle du PCC. Pour Deng Xiaoping, il faut
repenser la place de l’individu dans les structures productives,
en prônant la responsabilité individuelle, la recherche du
profit, l’efficacité, et l’ouverture aux capitaux et techniques
des étrangers, notamment occidentaux.
Question 2 : Les zones économiques spéciales (ZES) sont
des territoires bien délimités, le long du littoral chinois,
autour de grands ports. En 1979, seuls 4 ports accueillent des
investissements étrangers. En 1984, ce sont 14 ports qui sont
ouverts au commerce international. L’objectif est d’attirer
des entreprises occidentales, afin qu’elles créent des usines
sur place. Les produits sont ensuite exportés dans le monde
entier, permettant des rentrées de devises. Elles ont pour but
également des transferts de technologie nécessaires, pour
permettre le développement économique de la Chine. Il s’agit
d’un véritable succès.
Question 3 : Les conditions de travail sont le revers de la
médaille du spectaculaire développement de la Chine. Elles
sont très dures car l’on impose des cadences infernales aux
ouvriers, en particulier aux femmes. Le droit du travail est
quasi inexistant et les salaires sont très bas. La main-d’œuvre
est docile et abondante, sans cesse renouvelée, par l’exode
rural des masses paysannes colossales.
Question 4 : Les objectifs de cette politique sont de générer un
excédent commercial, afin d’augmenter les réserves de devise
étrangères, et d’importer des technologies et des savoir-faire
nouveaux. Il s’agit également d’accélérer la modernisation et
la mutation de l’économie chinoise.
Question 5 : L’installation d’un McDonald’s est un événement,
car il s’agit d’un symbole du capitalisme et du mode de vie
occidental. Il témoigne de l’ouverture de la Chine au monde,
de son intégration dans la mondialisation, mais aussi de son
enrichissement.
Bilan La principale conséquence de la politique de Deng
Xiaoping est l’ouverture de la Chine et son insertion dans
l’économie mondiale. Les ZES sont le fer de lance de cette
politique, en permettant l’accueil d’investissements étrangers,
en particulier occidentaux, et l’implantation d’usines nouvelles.
Les produits sont usinés et assemblés sur place, comme par
exemple les jouets, la petite électronique, et le textile. Ils
sont ensuite exportés, via les ports des ZES, vers les vieux
pays industrialisés. La main-d’œuvre est inépuisable, nourrie
par l’afflux des masses paysannes venues de l’intérieur. Cet
accueil des étrangers en Chine est une rupture avec la politique
antérieure, et permet une adoption progressive du mode de
vie et surtout de consommation occidental par des Chinois.
Parcours 2
À partir de 1949, Mao a mis en place une économie planifiée
et collectivisée, sur le modèle soviétique. Même s’il réoriente
ce modèle de développement, au cours des années 1960, en
déviant de la ligne stalinienne, surtout après l’échec du Grand
Bond en avant, il maintient la logique communiste de propriété
collective des moyens de production. Deng Xiaoping introduit,
quant à lui, une véritable rupture dans l’économie chinoise. Il
donne une nouvelle place à l’individu, concept qui avait disparu
sous Mao, insiste sur la responsabilité, l’emprunt à l’étranger
des techniques de gestion et impulse le sens du profit. Même si
politiquement, les structures de l’État communiste persistent,
l’économie commence un processus progressif d’ouverture et
de conversion au capitalisme.
Leçon 2 p. 222-223
Libéralisation et dérégulation
dans les années 1980
Problématique : Comment la crise de l’industrie engendre-
t-elle une nouvelle donne économique mondiale dans les
années 1980 ?
Cette leçon est conçue comme la suite de la leçon 1, sur les
chocs pétroliers et la fin des Trente Glorieuses. Elle est en
cohérence avec les études qui la précèdent, et permet d’aborder
la nouvelle donne économique mondiale sur laquelle insiste
le programme. Cette dernière passe, inévitablement, par une
tertiarisation accrue des vieilles économies industrielles, et une
mutation technologique de leur appareil productif. Ce nouvel
impératif est dicté, comme nous l’avons vu précédemment,
à la fois par la hausse du coût de l’énergie et des matières
premières, mais aussi par la concurrence accrue des nouvelles
puissances asiatiques. En outre, la leçon permet de mettre en
perspective ces phénomènes à travers le puissant mouvement
de libéralisation qui secoue le monde dans les années 1980.
Les figures de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan illustrent
le libéralisme économique, la déréglementation de secteurs
entiers, et le triomphe de la financiarisation de l’économie. Les
vieilles politiques de relance keynésiennes, encore en cours
dans les années 1970, sont alors de plus en plus décriées.
Enfin, ce libéralisme triomphe également dans les échanges
commerciaux, permettant ainsi de consolider la mondialisation
des biens et des services, et la libre circulation des capitaux à
travers le monde.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
cette leçon sont la libéralisation de l’économie, la confiance
renouvelée dans le marché, le laisser-faire, laisser-passer, la libre
entreprise, et la responsabilité individuelle. Elle va de pair, bien
évidemment, avec la notion de privatisation, phénomène qui
touche les entreprises publiques, le plus souvent nationalisées
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, la leçon
insiste également, à l’instar du programme, sur la notion de
déréglementation, largement abordée dans l’étude du point
de passage et d’ouverture sur Reagan (pages 220-221).
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan insiste sur les deux modèles
de relance de la croissance en cours durant les années 1970
et 1980. Il permet, certes, de saisir les différences idéologiques
irréductibles de ces deux modèles, mais aussi les ressorts de la
nouvelle donne économique mondiale qui triomphe au cours
de la décennie 1980. La relance keynésienne met en avant le
rôle fondamental de l’État, et sa capacité redistributive à travers
les transferts sociaux. Ce type de relance a eu lieu en France,
notamment, en 1974-1975, lors du premier gouvernement de
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
Jacques Chirac, et en 1981-1982 lors du gouvernement socialiste
de Pierre Mauroy. Ce type de relance s’inspire des théories de
l’économiste britannique John Maynard Keynes. Ce dernier
insiste sur le puissant levier de croissance économique que
représentent la demande et la consommation des ménages,
mais aussi les investissements des entreprises. On parle d’ailleurs
de « multiplicateur keynésien », devant soutenir la production
et l’emploi. L’endettement temporaire des États apparaît comme
la solution miracle en temps de crise pour relancer l’activité.
Cependant, les libéraux, rangés derrière l’économiste d’origine
autrichienne Friedrich Von Hayek, s’opposent à cette conception
de relance par la demande, au profit, plutôt, d’une relance par
l’offre, c’est-à-dire par les entreprises. Il faut alléger le poids
de la fiscalité et celui des normes, afin de libérer les énergies
créatrices. L’État, à l’instar de Ronald Reagan, est alors perçu
comme une entrave et un problème, non comme une solution.
Étude p. 224-225
1978-1979, la Révolution islamique
d’Iran
Problématique : Comment la chute de la dictature iranienne
conduit-elle à la création d’un État islamiste ?
Cette étude correspond à un objectif du programme : « la
révolution iranienne marque l’émergence de l’islamisme sur la
scène politique et internationale ». La problématique aborde
une question majeure. La Révolution de 1978-1979 a abouti
à la naissance de la République islamique d’Iran dominée par
l’Ayatollah Khomeyni et le clergé chiite. Comment ont-ils réussi
à prendre le contrôle de l’Iran alors même que diverses forces
politiques ont participé à cette révolution ? Cette évolution
n’était pas inéluctable une caractéristique de l’histoire à rappeler
aux élèves et apparaît comme la conséquence d’une lutte pour
le pouvoir entre les vainqueurs du Shah.
Document 1 : Cette photographie prise le 5 novembre 1978
montre de jeunes hommes ayant abattu une statue du Shah. Les
manifestations commencées en janvier se radicalisent après la
fusillade du 8 septembre. Le Shah libère en vain les prisonniers
politiques. Les Américains envisagent de l’abandonner.
Document 2 : Les Éditions Libres-Hallier, fondées par l’écrivain
Jean-Edern Hallier (1936-1997), publient un texte de l’ayatollah
Khomeyni qui réside d’octobre 1978 à février 1979 à Neauphle-
le-Château où il reçoit journalistes et intellectuels, d’abord
séduits par cet opposant au Shah. Mais cet extrait montre qu’il
veut bâtir une théocratie.
Document 3 : Cette vidéo (durée 1'50), mise en ligne sur le site
de La Croix le 17 janvier 2019, présente de manière pédagogique
la réalité complexe du pouvoir iranien.
Document 4 : Cette photo en couleur a été prise 4 jours après
l’occupation le 4 novembre 1979 de l’ambassade des États-Unis
par les Étudiants musulmans qui suivent la ligne de l’imam, une
action appuyée par Khomeyni. L’ambassade devient un des lieux
de la révolution, un symbole de l’anti-impérialisme américain.
Document 5 : Ce tableau réalisé à partir d’un ouvrage récent,
l’Histoire de l’Iran contemporain, montre que la répression
précoce est massive et ne se limite pas aux partisans du Shah.
Document 6 : Cette source est un extrait d’un message adressé
par Khomeyni aux pèlerins de La Mecque en 1987. Alors que la
141
 guerre oppose depuis 7 ans son pays à l’Irak, il affirme la nécessité
d’une révolution islamiste dans le monde musulman et au-delà.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’ayatollah Khomeyni arrive au pouvoir en Iran
grâce à l’effondrement du régime du Shah qui quitte l’Iran le
16 janvier 1979. Il a été provoqué par une mobilisation croissante
et massive des différentes composantes de la société iranienne.
Ces démonstrations de masse, de plus en plus animées par
les religieux, culminent en décembre 1978 avec un million de
manifestants. Khomeyni rentre à Téhéran le 1er février 1979.
Il est accueilli comme un sauveur et la révolution islamique
s’accélère : il ne s’agit pas d’un simple changement de pouvoir.
Question 2 : Le régime politique islamiste repose, d’après
Khomeyni, sur l’application stricte des « purs principes
islamiques » (ligne 27) à la société et à la politique, sur une
subordination du politique au religieux. « Tout pouvoir
laïque […] est forcément un pouvoir athée, œuvre de Satan »
(lignes 21-23). L’Iran est encore régi par ses idées. Le système est
complexe avec de nombreuses instances. Le président Hassan
Rohani depuis 2013 et le Parlement, l’Assemblée consultative
islamique, sont élus par les Iraniens mais ont peu de pouvoir.
Le Guide suprême, nommé à vie par l’Assemblée des experts,
a la haute autorité sur les affaires de l’État. Ali Khamenei a
succédé à Khomeyni (1989). Le Conseil des gardiens de la
Constitution veille à la conformité des lois avec la Constitution
et l’Islam. Le Conseil de discernement de l’intérêt supérieur du
régime arbitre les différends entre le Parlement et le Conseil
des gardiens. C’est une forme de théocratie.
Question 3 : La République iranienne dès 1979 entend jouer
un rôle dans les relations internationales. Khomeyni exprime
un objectif idéologique clair. La Révolution islamique doit
gagner le monde musulman, chasser les influences extérieures
(document 6, lignes 16-18). Huit ans plus tard, en pleine guerre
Iran-Irak, il réaffirme son refus d’un alignement sur l’Est ou sur
l’Ouest, les deux « grands Satans » (lignes 3-4). Cette hostilité
ouverte aux États-Unis est palpable dès les premiers jours
de la révolution islamique. En 1979, lors de la prise d’otage
à Téhéran, des drapeaux américains sont brûlés devant les
caméras du monde entier (doc. 4). Il reprend des thèmes tiers-
mondistes et évoque une « véritable politique non alignée
des pays islamiques » (lignes 5-6). Il ne faut pas dépendre des
deux Grands qui ont des liens importants avec certains États :
alliance américaine avec l’Arabie saoudite, l’Égypte, la Turquie ;
appui soviétique à la Syrie, à l’OLP. Aussi, si l’établissement d’un
État islamiste est un revers pour les États-Unis qui avaient fait
de l’Iran un allié régional majeur depuis le début des années
1950, l’URSS n’en profite pas.
Question 4 : Il est difficile de faire un bilan exact des victimes
de la répression des premières années de la République. De
nombreuses exécutions de cadres du Shah, dont l’ancien
Premier ministre Amir Abbas Hoveida, sont organisées par
les Pasdaran. Ils interviennent en août 1979 contre les Kurdes
qui se sont révoltés contre le pouvoir central comme ils le
faisaient au temps du Shah. En 1981, une quasi-guerre civile
oppose les forces qui ont participé à la révolution. En mars, les
partisans de Bani Sadr un libéral, élu président de la République
en 1980, sont attaqués par ceux de Khomeyni. Il s’allie avec
142
les Moudjahidines du peuple qui lancent une vaine attaque
armée et sont décimés. C’est ensuite le parti Toudeh, grande
force communiste, qui est anéanti. Tous les groupes ayant lutté
contre le Shah puis participé à la Révolution de 1978-1979 ont
disparu comme forces organisées même s’ils subsistent en exil.
Le pouvoir iranien n’hésite pas à les poursuivre comme le montre
l’assassinat en 1991 du libéral Chapour Bakhtiar à Suresnes.
Les Pasdaran ou Gardiens de la Révolution islamique sont
une organisation militaire créée en mai 1979, dépendant
directement du Guide de la Révolution. Cette armée parallèle
joue un rôle dans la répression, dans la guerre Iran-Irak et à
tous les niveaux de l’État.
Bilan La révolution islamique bouleverse de manière durable
l’équilibre politique au Moyen-Orient. Après les échecs des
diverses politiques panarabes, socialisantes, baassistes, des
solutions largement adaptées de l’Occident, elle suscite à la fois
de l’espoir et de la peur dans le monde musulman. L’ayatollah
Khomeyni fait allusion dans son message à cette influence réelle,
huit ans après la révolution iranienne. « J’annonce mon soutien
sans limite, ainsi que celui de la nation et du gouvernement de
l’Iran, à toutes les luttes islamiques des nations islamiques. »
(lignes 14-16). Khomeyni nomme ses ennemis. Il s’en prend
aux païens, les non-musulmans, rejetés comme n’étant pas de
vrais monothéistes. Mais, il les vise aussi parce que les grandes
puissances, « ces oppresseurs » (ligne 11), dominent depuis
longtemps la région. Israël est présenté comme un ennemi
majeur dans la région. Il faut lutter contre « la cellule, maligne
et cancérigène du sionisme » (lignes 13-14) pour la « libération
de Jérusalem » (ligne 17). Cela contraste avec la reconnaissance
d’Israël par le Shah et la tiédeur des régimes arabes au-delà
des discours de propagande. L’islamisme vise directement les
populations sans se préoccuper des États existants. Khomeyni
s’adresse aux musulmans même s’il fait référence aux « pays
islamiques » (lignes 6, 8 et 14), sans précisions. La révolution
iranienne peut être perçue comme une revanche des chiites.
Durant les années 1980, la dynamique semble être de leur
côté. Dans le document 6, Khomeyni n’évoque pas le conflit
qui divise alors le monde musulman désuni, la guerre entre
l’Irak et l’Iran. Or, il s’adresse à des pèlerins qui se rendent
dans un lieu saint de l’Islam, La Mecque, en Arabie saoudite.
Ce pays, disputant traditionnellement à l’Iran le leadership
régional, soutient son adversaire l’Irak. Quelques heures plus
tard, des heurts entre pèlerins iraniens et forces de sécurité
saoudiennes font 400 morts.
Parcours 2
La Révolution iranienne qui aboutit à la création de la première
République islamique est un tournant majeur dans la région.
Elle montre une voie possible et victorieuse pour les différents
courants islamistes, y compris chez les fondamentalistes
sunnites totalement hostiles au chiisme. Khomeyni parle au
nom des musulmans, s’adresse à tous, dans le cadre d’une lutte
globale entre le bien et le mal, entre « les soldats de Dieu » et
les « forces de Satan » (doc. 6, ligne 2). Ce discours peut être
repris par nombre d’Islamistes. L’Iran incarne alors un projet
révolutionnaire qui effraie l’Occident comme les États arabes
de la région. « L’Islam éliminera l’un après l’autre tous les grands
obstacles à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières
et fera la conquête des principaux bastions dans le monde »
(doc. 6, lignes 17-19). Mais le leader iranien ne représente qu’un
courant minoritaire de l’islam, et dans sa version la plus radicale.
Aussi les effets diffèrent à court et à moyen terme. En 1979,
les États-Unis subissent une véritable gifle : perte d’un allié
stratégique, rupture des relations entre l’Iran et Israël, son autre
allié. La crise des otages en 1979 est une humiliation pour les
États-Unis, alors en pleine élection présidentielle. Pendant
444 jours, cinquante-deux diplomates et civils américains sont
retenus en otage par des étudiants iraniens (doc. 4). Mais en
1980, l’Irak de Saddam Hussein attaque l’Iran. Ce long conflit
empêche de fait l’expansion de l’islamisme chiite. Les États
arabes de la région soutiennent l’Irak qui prétend les défendre
contre la vieille menace perse. Les chiites d’Irak restent fidèles
au dictateur sunnite. L'Allemagne et les Occidentaux appuient
Saddam Hussein par crainte du danger islamiste. C’est au Liban,
en pleine guerre civile entre communautés, que l’Iran gagne
une grande influence parmi les chiites via le parti Amal puis le
Hezbollah. La fin de la guerre froide et la guerre du Golfe font
des États-Unis l’arbitre de la région durant les années 1990.
L’antagonisme entre chiites et sunnites est ravivé, et l’opposition
entre l’Iran et l’Arabie Saoudite demeure essentielle.
Étude p. 226-227
L’élargissement de la CEE à l’Europe
méridionale, un choix politique
Problématique : Comment s’est déroulé le processus
d’intégration des pays d’Europe du Sud à la CEE ?
Le programme invite à étudier « la démocratisation de l’Europe
méridionale et les élargissements de la CEE ». Il fait le lien entre
les évolutions politiques de trois pays aux marges de l’Europe
et leur adhésion à ce « club » d’États riches et démocratiques.
La problématique choisie permet d’appréhender le rythme
d’intégration des nouveaux membres et les évolutions de la
CEE liées à ces adhésions.
Document 1 : Plantu a réalisé ce dessin d’actualité en 1977,
quand l’Espagne et le Portugal demandent leur adhésion.
Comme souvent le dessinateur mélange divers aspects.
Les candidats sont représentés comme les gagnants d’une
compétition sportive. Ils viennent de rompre leurs chaînes et
le podium est constitué d’urnes électorales. En arrière-plan les
étoiles représentent les membres de la CEE.
Document 2 : Il s’agit d’un important discours prononcé par
Mārio Soares (1924-2017), Premier ministre portugais, lors
de sa visite à la Commission européenne en mars 1977, alors
que les négociations s’ouvrent. Il souhaite une adhésion à
part entière du Portugal, malgré ses difficultés. Le fondateur
du parti socialiste portugais en exil, très favorable au projet
européen et soutenu par les dirigeants socialistes européens,
y voit un moyen de consolider une démocratie neuve et un
contrepoint à la décolonisation.
Document 3 : Cette photographie est prise lors d’un moment
solennel, la signature du traité d’adhésion de l’Espagne à la CEE,
le 12 juin 1985, au palais royal, par le président du gouvernement
espagnol, le socialiste Felipe González, en présence du roi
d’Espagne, Juan Carlos. Cela conclut un processus engagé par
le dépôt de candidature le 28 juillet 1977.
Document 4 : L’article de Philippe Lemaître, publié le 31 mai
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
1979 dans Le Monde, constitue une source intéressante sur les
processus d’adhésion. Alors que l’entrée de la Grèce est déjà
actée et que les négociations sont en cours pour les autres,
il dresse un premier bilan, montrant que ces évolutions sont
politiquement nécessaires mais se heurtent à des difficultés
différentes en fonction des pays.
Document 5 : Ce tableau statistique a été réalisé à partir d’un
ouvrage de géographie économique publié en 1990, quelques
années après les adhésions. Il compare les performances
économiques de deux membres fondateurs de la CEE avec
les nouveaux venus entre 1965 et 1987. Il complète l’article
du Monde et le discours de Mārio Soares.
Document 6 : Cette carte originale permet de rappeler le
contexte géopolitique des années 1970-1980. C’est le temps
de la « guerre fraîche » et les ex-dictatures méridionales sont
un enjeu. Les Américains et les Européens s’inquiètent du
poids du parti communiste portugais et du rôle des éléments
révolutionnaires des forces armées. La Grèce subit de plus les
conséquences de l’affaire chypriote.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les chaînes symbolisent les dictatures subies
par ces trois États et qui s’achèvent durant les années 1970. La
Grèce subit la dictature des colonels à partir d’avril 1967 mais
la junte s’écroule après l’échec chypriote en juillet 1974 et des
élections libres ont lieu. Les dictatures ibériques ont été plus
longues. Après sa victoire, Franco a dirigé l’Espagne de 1939
jusqu’à sa mort en octobre 1975. La transition démocratique
négociée entre le roi, les élites du franquisme et les partis en
exil débouchent sur des élections en juin 1977. Le Portugal a
connu un régime autoritaire encore plus long sous la direction
de Salazar (1932-1968) et de Caetano jusqu’à la Révolution
des œillets, le 25 avril 1974. Après une période indécise, une
Constitution est adoptée en 1976. Plantu représente trois
étoiles s’échappant des chaînes : en gagnant leur liberté ces
États peuvent rejoindre les neuf étoiles ou États de la CEE.
On peut noter que le drapeau européen depuis son adoption
en 1955 à douze étoiles.
Question 2 : Les États du sud de l’Europe veulent adhérer pour
des raisons politiques et économiques. Mārio Soares explique :
« Nous avons le sentiment d’exprimer le sens et la dimension
européenne des changements politiques et sociaux survenus ou
en train de survenir dans l’Europe du Sud » (doc. 2, lignes 4-8).
Et Philippe Lemaître remarque « qu’il leur était politiquement
impossible de fermer la porte aux trois nouvelles démocraties
de l’Europe méridionale » (doc. 2, lignes 16-18). Le succès des
adhésions doit conforter des régimes démocratiques fragiles
et les « aider à se hisser à un niveau plus proche de celui des
pays membres » (doc.4, ligne 25) en termes de développement.
Question 3 : La signature de l’adhésion de l’Espagne apparaît
solennelle. Le drapeau espagnol est entouré des emblèmes
de tous les États membres de la CEE : les trois États font partie
de la famille européenne. Dans une Europe occidentale
riche, en voie d’unification, notamment après l’entrée des
Britanniques, la situation des États méridionaux était de plus en
plus anachronique alors même que leurs relations économiques
avec leurs voisins se développaient, en particulier grâce au
tourisme. En raison de leurs régimes dictatoriaux, la candidature
143
 espagnole avait été refusée en 1962 et l’accord d’association
entre la Grèce et la CEE gelé après le putsch. Celle-ci apparaissait
d’ailleurs plus isolée en raison même de sa position au sud-est de
l’Europe, entourée de pays communistes et de la Turquie hostile.
Question 4 : L’adhésion de ces États renforce l’Europe
occidentale à la fin des années 1970. Ils adoptent tous le modèle
de la démocratie libérale en vigueur à l’Ouest. Les dirigeants
européens s’inquiètent alors des dérives révolutionnaires au
Portugal en 1975 et appuient Mārio Soares. L’unité du vieux
continent progresse et ce sont les puissances occidentales qui
mènent le mouvement. Face aux premiers craquements de
l’Europe communiste, une Europe démocratique, libérale et riche
s’affirme. Même si les nouveaux entrants sont économiquement
plus faibles, ils représentent un marché potentiel pour les
entreprises européennes alors que le monde connaît des
crises depuis 1973. Valéry Giscard d’Estaing soutient l’entrée
de la Grèce pour des raisons politiques, les dirigeants ouest-
allemands le font pour des raisons économiques.
Question 5 : La Grèce a besoin politiquement d’entrer dans la
CEE. Elle est entourée d’États communistes et elle a subi une
longue guerre civile de 1945 à 1949. Ce « front » est tranquille
durant les années 1970. Le problème vient surtout de la
question chypriote. En 1974, les colonels en perte de vitesse
après la répression sanglante menée contre les étudiants
de l’École polytechnique, ont besoin d’un succès extérieur.
Ils fomentent un coup d’État le 15 juillet contre le dirigeant
chypriote, Mgr Makarios alors que les tensions s’accroissent
entre les communautés turques et grecques. La Turquie en
profite pour déclencher une invasion qui aboutit à la partition
de l’île et à la création d’un état chypriote-turc, non reconnu
par la communauté internationale. Les militaires grecs sont
incapables de réagir. La tension reste forte en mer Égée entre
deux États appartenant à l’OTAN. Les Américains ont d’ailleurs
interdit aux avions grecs de l’OTAN d’intervenir et la Grèce est
sortie un temps de l’organisation. Redevenue une démocratie,
elle a besoin d’un succès politique alors que la Turquie est
maintenue à la porte de l’Europe.
Question 6 : Les économies des États du sud demeurent
fragiles par rapport à celles de leurs partenaires. Le PIB français
en 1987 est largement supérieur à la somme des PIB des trois
États. Or, la France n’est que la 2e puissance derrière la RFA.
Si on considère le PIB/hab., l’Espagne correspond à un peu
plus de la moitié de l’indicateur français. L’Espagne a un poids
économique bien plus important que les deux autres États du
sud de la CEE, plus petits et moins peuplés, comme l’indique P.
Lemaître. Ils ont connu une croissance durant les années 1960.
La transition était déjà en cours.
Bilan D’un point de vue économique l’entrée de ces trois
États dans une communauté économique n’est pas décisive.
Leur puissance est bien moindre que celle des États membres,
ils auront besoin d’une aide importante et ne constitueront
des marchés intéressants qu’à terme. Mais malgré la relance
par l’économie en 1957, le projet européen a toujours été
politique : faire l’unité du vieux continent. Durant les années
1970, il s’agit de conforter des régimes démocratiques
naissants, d’élargir la communauté, de renforcer un modèle
européen dans la confrontation Est-Ouest. La politique domine
toujours. Valéry Giscard d’Estaing favorise l’adhésion de la
Grèce notamment pour recentrer la Communauté vers les
144
pays du sud, mais fait attendre l’Espagne et le Portugal dont
les agricultures concurrencent la France.
Parcours 2
Les processus d’adhésion ont été rapides :
- Les dictatures s’achèvent en 1974-1975 et les négociations
commencent tôt : réactivation de l’accord d’association entre
la Grèce et la CEE en août 1974, candidatures espagnole et
portugaise en 1977 (doc. 2, 3 et 6). Leur entrée dans la CEE se
fait dès les années 1980.
- Si pour les nouveaux dirigeants, il s’agit d’une priorité
(doc. 1 et 2), ces adhésions ne sont possibles que si les neuf
États de la CEE sont d’accord. « Ils n’avaient pas le choix »
(doc. 4, ligne 16) pour des raisons politiques et parce que le projet
européen est d’en rassembler toutes les parties (doc. 2 et 4).
- Mais ces États sont loin d’avoir les mêmes capacités
économiques que leurs devanciers (doc. 2, 4 et 5) et auront
besoin d’aide.
- De plus, ils ne sont pas identiques (doc. 4 et 5). L’Espagne est
plus peuplée, plus grande, plus riche que les deux autres. La
pauvreté caractérise le Portugal et on pointe « l’insuffisance
de l’administration hellénique » (doc. 4, ligne 27).
D’après l’historien Tony Judt, ces États intègrent facilement
l’Europe occidentale parce que leur politique étrangère est
déjà compatible avec celles de l’OTAN et des États de la CEE. Les
liens économiques existaient et seuls des régimes politiques
archaïques constituaient des obstacles.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Du point de vue espagnol il y a plusieurs avantages à l’adhésion
à la CEE. L’agriculture est le secteur gagnant. En effet les droits de
douane sont supprimés et il n’y a pas de contingentement pour
vendre des produits à l’étranger comme les concombres ou les
tomates. Il y a néanmoins des inconvénients car l’Espagne est
déficitaire en termes de production pour la viande, les céréales
ou encore le lait. Mais c’est surtout le secteur industriel qui voit
des inconvénients à l’adhésion de l’Espagne à la CEE. En effet,
la fin du protectionnisme signifie une plus grande concurrence
étrangère avec l’ouverture des frontières. Le chômage risque
d’augmenter.
POINT DE PASSAGE p. 228-231
L’année 1989 dans le monde
A L’année 1989 en Europe p. 228-229
« L’année 1989 dans le monde » est un point de passage du
chapitre. Cette année a été marquée par des bouleversements
politiques majeurs mais différents suivant les espaces. Aussi,
nous avons choisi de consacrer une première double-page à
l’année 1989 en Europe qui connaît un cycle de révolutions à l’est.
Problématique : Comment le « Rideau de fer » disparaît-il
progressivement durant l’année 1989 ?
La chute du mur de Berlin et les bouleversements de l’automne et
de l’hiver ne sont pas des coups de tonnerre dans un ciel serein.
Même si on assiste alors à une sorte d’accélération, ils résultent
d’évolutions propres à cette région mais aussi du rôle d’autres
acteurs comme l’URSS.
Les 5 documents sont majoritairement des sources complétées
par le témoignage a posteriori d’un des derniers dirigeants
communistes est-allemands et par une carte des évolutions
politiques.
Document 1 : Cette photographie de vacanciers est-allemands
gagnant l’Ouest en franchissant la frontière entre la Hongrie
et l’Autriche est intéressante à plusieurs titres. Elle montre les
dissensions entre pays communistes. La Hongrie mène déjà une
transition politique et supprime la frontière électrifiée en mai 1989.
Elle ferme les yeux sur les passages avant d’ouvrir la frontière le
10 septembre. Les milliers d’Est-allemands qui en profitent « votent
avec leurs pieds » et rejettent le régime figé de RDA.
Document 2 : Ce cliché d’un manifestant présentant une
caricature de Nicolae Ceausescu a été pris en décembre 1989
alors que des combats confus se déroulent à Bucarest, peu
de temps avant l’exécution du dictateur et de son épouse.
Il témoigne de la haine qu’il suscite et de la liberté gagnée.
Auparavant une propagande délirante le désignait comme le
« Danube de la pensée ».
Document 3 : Le Monde a publié une série de témoignages pour
les vingt ans de la chute du mur. Hans Modrow, né en 1928,
membre du SED dès sa jeunesse, devient un des dirigeants de la
RDA. Il soutient la politique réformatrice de Gorbatchev. D’abord
écarté par Erich Honecker (1912-1994), Modrow lui succède pour
une courte période au moment de la Révolution de novembre.
Cet acteur de la période montre un parti totalement dépassé
par la dynamique des manifestations.
Document 4 : Cette carte de la « fin de l’Europe communiste »,
réalisée pour ce chapitre, montre la chute des dominos
communistes entre avril et décembre 1989, le plus souvent
de manière pacifique. On voit aussi que le cœur de l’empire
n’est pas épargné avec les révoltes dans le Caucase soviétique.
Document 5 : Lech Walęsa, un précurseur, prononce un discours
devant le Congrès des États-Unis qui le soutient. Il est le leader
de « Solidarité », premier syndicat libre créé à l’Est en 1980,
suspendu en 1981 avec l’état d’urgence mais restant la force
d’opposition majeure. Quand il s’exprime, cela fait presque 6
mois que « Solidarité » a gagné les élections négociées avec
le pouvoir et le mur de Berlin vient de tomber. Il met en valeur
la transition démocratique en cours dans son pays et affirme
son soutien aux autres peuples de l’Est.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’ouverture de la frontière austro-hongroise
montre que le régime est-allemand est de plus en plus fragilisé
car ses citoyens en profitent pour fuir à l’Ouest, un désaveu
et un affront international. L’édification du mur de Berlin en
1961 avait mis fin à une telle hémorragie : il est contourné.
De plus la Hongrie, encore théoriquement communiste, ne
manifeste aucune solidarité avec la RDA pour réprimer cette
manifestation de liberté. De fait, le régime est-allemand est
isolé et Gorbatchev ne bouge pas.
Question 2 : Le gouvernement est-allemand ne prend pas
la mesure des départs et des manifestations toujours plus
massives et fait comme « si de rien n’était » (ligne 9). « La
direction du parti était obsédée par la préparation des festivités
du 40e anniversaire de la RDA » (lignes 1-2). Elles ont lieu le
7 octobre en présence de Gorbatchev – mais aussi de Tadeusz
Mazowiecki, Premier ministre polonais issu de « Solidarité » –
qui ne soutient pas l’immobilisme d’Honecker et sa volonté
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
de répression. Onze jours plus tard ce dernier est écarté par
les dirigeants du SED.
Question 3 : La majeure partie des régimes communistes
d’Europe de l’Est disparaissent entre avril et décembre 1989 :
c’est la fin des démocraties populaires. Ne subsistent plus que
l’Albanie, fermée, et la Yougoslavie, travaillée par la montée des
nationalismes. En raison de ces évolutions et du « laisser faire »
de Gorbatchev, le pacte de Varsovie n’est plus qu’une coquille
vide même s’il n’est dissous que le 1er juillet 1991.
Question 4 : La fin rapide des démocraties populaires prend des
formes différentes. La Pologne et la Hongrie sont les premières
à changer. La sortie graduelle du communisme est « négociée
avec toutes les parties concernées » (doc. 5, lignes 16-17) en
raison du poids de l’opposition en Pologne et de l’importance
des réformateurs chez les communistes hongrois. Ces succès
influencent les quatre autres pays : des régimes communistes
figés, conservateurs où les oppositions sont faibles. La rupture
est plus tardive en novembre-décembre et plus radicale grâce à
des manifestations de masse en RDA, en Tchécoslovaquie et en
Bulgarie face aux PC discrédités. Ces transitions sont pacifiques
hormis la révolution roumaine de décembre marquée par des
combats confus, meurtriers entre soldats ralliés, civils, partisans
de l’ancien régime et par l’exécution de l’ancien dirigeant.
Bilan L’année 1989 est une véritable rupture dans l’évolution
politique de l’Europe de l’Est :
- Depuis la fin des années 1940, elle était soumise de fait
à l’URSS et des démocraties populaires avaient été partout
imposées (doc. 4).
- Celles-ci disparaissent en moins d’un an lors de transitions
majoritairement pacifiques (doc. 4), voire négociées (doc. 5)
à l’exception de la Roumanie. L’ouverture surprise du mur de
Berlin, le 9 novembre, symbolise cette rupture (doc. 3).
- La mobilisation des populations joue un rôle majeur dans
ces révolutions de l’année 1989 (doc. 3 et 5). Mais l’absence
de réaction de l’URSS a un rôle capital (doc. 4).
- L’Europe de l’Est n’est plus sous l’emprise de la Russie soviétique
et regarde vers l’Europe et les États-Unis. « Le mur qui séparait
les gens de la liberté s’est effondré » (doc. 5, lignes 23-24).
Parcours 2
Peu de temps après un voyage du président Bush en Pologne
et la victoire de « Solidarité » aux élections législatives, Lech
Wałęsa, son leader, est invité par le Congrès des États-Unis à
prononcer un discours le 15 novembre. Au même moment, en
Europe orientale, la transition politique s’accélère. Comment
le syndicaliste polonais défend-il son action ? Il souligne les
valeurs démocratiques communes et présente la Pologne
comme un modèle pour les évolutions en cours. Wałęsa insiste
sur l’aspiration commune des deux peuples à la liberté et à la
démocratie, en faisant référence à la Constitution américaine
« nous, le peuple » (ligne 1), « gouvernement du peuple, par le
peuple, pour le peuple » (ligne 11). Il insiste sur les principes de la
démocratie libérale tout en rappelant la réalité des démocraties
populaires : « violations de la loi. Contre le piétinement de la
dignité humaine » (lignes 12-13).
Il met en valeur une amitié traditionnelle entre l’Amérique
et la Pologne, avec une allusion au rôle de Kosciuzko (1746-
1817) lors de la guerre d’indépendance américaine. Il parie
sur une relation renforcée entre les deux États comme guide
pour l’avenir et pour sa politique étrangère : « cette image
145
 a été renforcée par de nombreuses expériences historiques
favorables. » (lignes 7-8) Le leader du grand syndicat défend
la stratégie menée depuis un an, une « transformation réalisée
par des moyens pacifiques, par évolution, négociée avec toutes
les parties concernées, ce qui permet d’éviter le pire » (lignes
16-17). « Solidarité » a négocié avec le pouvoir communiste une
transition par étapes, qui a été aussi critiquée. Or, le 15 novembre
toutes les évolutions ne sont pas achevées et on craint des
violences possibles, notamment après les événements de la
place Tian’anmen.
Le choix polonais peut être un exemple pour toute l’Europe.
Elle ne menace pas « la stabilité européenne », une crainte
manifestée en Occident pour une Europe habituée aux guerres,
et figée par l’équilibre de la guerre froide. Wałęsa manifeste sa
solidarité envers les peuples européens en lutte. Il ne fait pas
de distinction entre les Européens de l’Est et ceux de l’URSS :
Arméniens, Baltes, Géorgiens, Ukrainiens. Cette allusion n’a
pas dû plaire à Moscou. Wałęsa rappelle le rôle pionnier des
Polonais dans la lutte pour la liberté à l’Est. Il affirme le retour
d’une Pologne ouverte à l’Ouest parmi les États démocratiques.
Parcours 3
Il faut utiliser les corrigés du parcours 1 de la page 229 et du
parcours 1 de la page 231. Chaque moitié de la classe peut
travailler sur une des doubles-pages. Pour chaque ensemble,
un groupe présente son exposé en projetant notamment
les cartes du manuel numérique. Pour la correction, il sera
intéressant de s’appuyer sur les remarques des autres groupes.
Lors de la reprise, l’enseignant peut apporter des compléments
utiles en évoquant :
- Les révoltes antérieures en Europe de l’Est qui montrent que
la domination soviétique ne fut jamais absolue.
- Le rôle de Gorbatchev. Avait-il une politique définie ou s’est-il
contenté de ne pas agir ?
- L’importance de la circulation des informations. Les étudiants
chinois s’inspirent plus ou moins de la glasnost comme des
mouvements en Chine dix ans plus tôt.
POINT DE PASSAGE p. 228-231
L’année 1989 dans le monde
B L’année 1989 dans le monde
hors d’Europe p. 230-231
Problématique : Quelles sont les conséquences du retrait de
l’URSS de la scène internationale ?
De 1947 aux années 1980, la guerre froide a structuré les
relations internationales tout en figeant souvent les situations.
La crise intérieure de l’URSS, les choix de Gorbatchev l’amènent à
se désengager des théâtres extérieurs alors que les années 1970
avaient été marquées par un grand dynamisme international.
Ce changement a des conséquences directes et indirectes
d’autant plus grandes que d’autres acteurs réagissent aussi en
fonction de ces évolutions et des révolutions en cours.
Document 1 : Cette célèbre photographie prise à Pékin, le
5 juin 1989, par Jeff Widener, photographe de l’Associated
Press, symbolise la révolte de la jeunesse et la répression. Un
inconnu célèbre, surnommé « Tank Man » tente en vain de
146
s’opposer seul à une colonne de T59. Officiellement, il y aurait
eu 200 morts civils mais des sources diverses évoquent plus
de 10 000 tués.
Document 2 : Le retrait des troupes soviétiques d’Afghanistan
est mis en scène sur cette photographie du 15 février 1989
et pourrait presque passer pour un défilé victorieux, 10 ans
après leur arrivée. Il n’en est rien. Face à un conflit sans issue
et sans objet, Gorbatchev annonce un retrait progressif en
décembre 1987. Les accords de Genève co-signés en avril 1988
par l’URSS, l’Afghanistan, le Pakistan et les États-Unis débouchent
sur leur départ définitif.
Document 3 : Il s’agit d’un document important, interne au
pouvoir chinois. Deng Xiaoping justifie le 9 juin la répression
devant des officiers, sans doute de la 27e armée, au nom des
acquis de la Révolution et des réformes qu’il a menées. Avant
les événements, Le « Petit Timonier » demeure le personnage le
plus influent comme chef de la Commission militaire centrale
alors que Zhao Ziyang est secrétaire général du PCC et Li Peng
Premier ministre. La direction du PCC se divise. Deng appuie
Li Peng, partisan de la manière forte, contre Zhao Ziyang, le
réformateur, évincé.
Document 4 : Ce planisphère politique réalisé pour ce chapitre
présente le monde à un moment charnière. La guerre froide
s’achève, la démocratie gagne en Europe orientale et des conflits
s’arrêtent mais les échecs ne sont pas rares, d’autres crises
apparaissent et certaines évolutions sont seulement amorcées.
Document 5 : Le sommet de Malte a lieu le 3 décembre 1989,
alors que l’URSS n’intervient pas face aux révolutions en Europe
orientale, a été qualifié de premier sommet de « l’après-guerre
froide ». Dans cet extrait de la conférence de presse des deux
présidents, Gorbatchev annonce la fin de la guerre froide,
une nouvelle ère des relations internationales où les deux
puissances continueront à avoir une « responsabilité spéciale »
(lignes 15-16). L’année suivante Gorbatchev obtient le prix
Nobel de la paix.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’affaiblissement de l’URSS la conduit à abandonner
la politique étrangère très agressive face aux États-Unis menée
à l’époque Brejnev. Gorbatchev met fin à la « doctrine léniniste
des relations internationales comme lutte des classes » (Martin
Malia, La Tragédie soviétique, Seuil, 1995) et à sa vocation
révolutionnaire. Il retire ses troupes d’Afghanistan : un conflit
impossible à gagner et inutile après le changement de politique.
Il arrête son aide au Vietnam qui ne peut donc plus se maintenir
au Cambodge. Cela permet à Gorbatchev d’engager une
réconciliation avec la Chine lors d’une visite historique à Pékin
quelques jours avant l’écrasement de la révolte étudiante. La fin
du soutien soviétique entraîne le retrait des troupes cubaines
d’Angola, même si la guerre civile reprend ensuite. Cela permet
aussi de normaliser la situation en Namibie où l’Afrique du
Sud maintenait des troupes malgré la pression internationale.
La Namibie devient indépendante en 1990. La fin de l’appui
du bloc communiste favorise aussi la chute de la République
populaire d’Éthiopie. En Amérique centrale, le gouvernement
sandiniste du Nicaragua recevait l’aide cubaine et soviétique
face aux Contras soutenus par les États-Unis. Au sommet de
Malte, les deux présidents décident d’appuyer des négociations
en cours. Elles débouchent en 1990 sur des élections libres et
la victoire de l’opposition.
Question 2 : Le rapprochement entre l’URSS et les États-Unis
s’explique d’abord par le choix de Gorbatchev de changer
de politique étrangère, ce qui aboutit à des replis russes,
satisfaisants pour les États-Unis. Ceux-ci ont considéré dès
1947 la guerre froide comme une anomalie empêchant la
mise en œuvre du nouvel ordre mondial envisagé en 1945.
Gorbatchev a besoin de temps, de l’argent des dépenses
militaires et de l’appui financier des États-Unis – qu’il n’aura
guère – pour ses réformes. Une « période pacifique » (ligne 14)
avec « une responsabilité spéciale reposant sur […] les EU et
l’Union soviétique » (lignes 16-17) lui permettrait de jouer un
rôle international dont il n’a guère les moyens.
Précisions : Pour l’historien Georges-Henri Soutou, ce sommet
« a le plus contribué à faire bouger les lignes », les deux
puissances se donnent des assurances mutuelles. Gorbatchev
répète qu’il n’utilisera pas la force en Europe orientale et qu’il
cesse son appui aux rébellions en Amérique latine et aux « pays
frères ». Bush promet d’appuyer l’entrée de l’URSS dans les
organisations économiques internationales, notamment le FMI.
Question 3 : En mai 1989, le pouvoir chinois est divisé sur
la conduite à tenir vis-à-vis des manifestants toujours plus
nombreux à Pékin et dans les grandes villes chinoises, alors
même que Gorbatchev est accueilli pour une visite officielle.
Le 20 mai, Li Peng recourt à la loi martiale et dans la nuit du
3 au 4 juin 1989 l’armée intervient. Pour Deng Xiaoping, les
manifestants sont des contre-révolutionnaires qui menacent
« la victoire de la Révolution chinoise » (ligne 3), l’acquis des
réformes menées depuis 1978 et l’unité. Il faut maintenir un
régime communiste, alors même que les premiers craquements
apparaissent en Europe orientale, c’est-à-dire avant tout le
pouvoir du PCC. La photographie symbolise ceci : une unité
de l’Armée populaire de libération s’en prend au peuple qu’elle
est censée défendre.
Bilan L’année 1989 ne se caractérise pas par une baisse
générale des tensions dans le monde malgré les révolutions
majoritairement pacifiques en Europe orientale et la fin de la
Guerre froide.
- En Chine populaire, le régime communiste perdure sans se
réformer après avoir pourtant mené une politique d’ouverture
économique. Il écrase dans le sang la révolte de la jeunesse
luttant pour la liberté. Les PC gardent aussi le pouvoir au
Vietnam, en Corée du Nord, au Laos, au Cambodge et à Cuba.
- Le désengagement soviétique ne met pas fin à tous les conflits.
L’Afghanistan, l’Angola, l’Éthiopie subissent des guerres civiles.
Au Cambodge, après le départ des Vietnamiens, les combats
continuent entre l’armée et les Khmers rouges. Mais les conflits
s’éteignent progressivement en Amérique centrale.
- D’autres crises sont liées à la fin de la guerre froide. Les
différends nationalistes ressurgissent après avoir été figés
pendant un demi-siècle en Yougoslavie ou dans le Caucase
soviétique.
- Enfin certains processus de transition commencent à peine,
comme la fin négociée de l’apartheid en Afrique du Sud ou le
déclin des dictatures en Amérique latine.
Parcours 2
L’année 1989 constitue un tournant des relations internationales
comme le montrent un planisphère politique et un extrait de
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
la conférence de presse des présidents Bush et Gorbatchev
le 3 décembre, lors du sommet de Malte. Quelles sont les
conséquences du retrait de l’URSS de la scène internationale ?
La fin des tensions entre les États-Unis et l’URSS contribue à une
pacification des relations internationales. Gorbatchev évoque
la fin du « recours à la force, [de] la course aux armements, la
méfiance, la lutte politique et idéologique » (doc. 5, ligne 18).
La guerre froide s’achève, facilitant les révolutions d’Europe
orientale. Elle entraîne la résolution de conflits périphériques
en Afrique australe et orientale, en Asie centrale – Afghanistan
– de même qu’en Amérique centrale. L’URSS cesse son aide au
Nicaragua sandiniste et aux rébellions tandis que les États-Unis
font pression sur les Contras et les régimes autoritaires (doc 4).
Mais ce nouveau cours des relations internationales se
caractérise d’abord par un retrait de l’URSS qui n’a plus les
moyens ni volonté de mener une grande politique étrangère.
La Chine en profite. La fin du soutien soviétique oblige le
Vietnam – avec qui elle a connu deux conflits – à se retirer du
Cambodge. La visite de Gorbatchev à Pékin en mai 1989 met
fin à une rupture de trente ans. Mais les dirigeants chinois
s’inquiètent. Les manifestations de la jeunesse dans la capitale
et les grandes villes font écho aux premiers craquements en
URSS, en Hongrie et en Pologne au printemps 1989. Il ne
s’agit pas de réformer le communisme mais de le maintenir
au pouvoir à tout prix.
En 1989, le retrait soviétique contribue à la fin de la guerre
froide, à la résolution de certaines crises, mais ne conduit pas
à une pacification générale des relations internationales. Mais
à cette date, aucun dirigeant majeur n’envisage la disparition
de l’URSS.
Étude Méthode Bac p. 232-233
1989-1991, la fin de l’URSS
Corrigé du sujet
Mikhaïl Gorbatchev, secrétaire général du PCUS depuis 1985
et président de l’URSS (mars 1990-décembre 1991), une
superpuissance en apparence, prononce son discours d’adieu,
télévisé, le 25 décembre 1991 alors qu’il est contraint à la
démission par la fin de son pays. Il s’agit d’un moment historique
et d’un discours important pour son auteur. L’échec du « putsch
conservateur » d’août 1991 a accéléré la désintégration de
l’URSS. Les Républiques proclament leur indépendance et
Boris Eltsine, dirigeant de la Russie, suscite la création de la
Communauté des États indépendants. Pourtant Gorbatchev
estime avoir réalisé une œuvre historique malgré la disparition
de l’URSS. Il défend sa volonté de réformer l’URSS et sa politique
vis-à-vis des nations d’Europe orientale et en URSS tout en
essayant d’expliquer la disparition de son pays.
I. La volonté de Gorbatchev de réformer l’URSS
Gorbatchev rappelle la très mauvaise situation de l’URSS
quand il accède au pouvoir en 1985 après les « années de
stagnation » sous Brejnev. « La société étouffait, prise dans
les tenailles du système bureaucratique de commandement.
Vouée à servir l’idéologie et à porter le terrible fardeau de
la course aux armements » (lignes 5-7). Il pointe le décalage
entre les ambitions extérieures de ce projet idéologique que
fut l’URSS et les blocages de l’économie administrée, d’une
147
 société contrainte. Il rappelle l’absence de liberté et utilise
une expression appartenant au registre anti-communiste, « le
système totalitaire » (ligne 14).
Il valorise sa volonté de réformes et la présente comme une
politique organisée. « La société a obtenu la liberté […]. C’est là
sa principale conquête » (lignes 9-10). L’URSS connaît un vent de
liberté avec la glasnost, transparence. La censure est supprimée,
la liberté de parole établie et une réforme institutionnelle
débouche sur une démocratisation. « Un mouvement vers
une économie multiforme a été amorcé. » Il fait allusion à la
perestroïka – réforme – visant à susciter l’innovation et l’esprit
d’entreprise. Des sociétés mixtes sont créées avec l’étranger et
la décollectivisation de l’agriculture initiée. Il met fin à la course
aux armements, ruineuse pour l’économie et dangereuse. Mais
son projet initial était de régénérer le communisme et non d’y
mettre fin. Son action n’est pas linéaire et connaît des volte-
face. Il hésite face aux exigences accrues de la société et des
Républiques. En 1990, il amorce un tournant conservateur à
l’intérieur qui lui fait perdre beaucoup de crédit.
II. Les politiques de Gorbatchev envers les nations d’Europe
orientale et en URSS
Le dirigeant de l’URSS insiste aussi sur la liberté qui a été
accordée aux populations. « Peuples et nations se sont vu
octroyer une réelle liberté de choix pour leur auto-détermination
(lignes 22-23). » Dans cette dernière allocution destinée à ses
concitoyens, il évoque principalement le sort des peuples et
des nations qui constituaient l’URSS. Mais on y trouve aussi
une allusion à ce qui s’est passé en Europe orientale trois ans
plus tôt. Il a, de fait, rompu avec la théorie de la « souveraineté
limitée » et n’a pas bougé pour sauver les régimes communistes
mais aurait-il pu le faire ? Pour l’URSS, il précise « la volonté
de réformer démocratiquement notre État multinational nous
a menés au seuil d’un nouveau contrat d’union » (lignes 24-
25). En mars 1991, le référendum sur le maintien de l’URSS
a effectivement été un succès mais fut boycotté par six
Républiques. Un nouveau traité d’union, sans référence au
communisme, est présenté un juillet mais le putsch le rend
inutile.
En fait Gorbatchev transforme quelque peu la réalité historique
et son rôle. La liberté gagnée suscite très tôt le réveil des
nationalités. Des peuples, comme les Baltes, rappellent la
politique d’oppression menée contre eux par le pouvoir
stalinien. Ils réclament leur autonomie, voire leur indépendance.
Des heurts éclatent aussi très tôt entre certains d’entre eux
comme le montrent les affrontements entre Arméniens et
Azéris en 1988, ou les violences commises en Géorgie par
les soldats soviétiques. L’initiative appartient donc plutôt à
certains peuples de l’URSS et Gorbatchev essaie de s’adapter
à cette situation pour sauver l’union. En 1990-1991, l’homme
de la glasnost finit par utiliser la force lors d’une courte phase
de répression, sanglante et inutile, dans les États baltes.
L’éclatement est accéléré par la volonté des dirigeants russes,
Eltsine, et des dirigeants ukrainiens de se séparer de l’union.
Mais ce processus organisé ne débouche pas sur des guerres
comme en Yougoslavie quelques mois plus tard.
III. Les raisons de la disparition de l’URSS
La disparition de l’URSS constitue bien un échec pour
Gorbatchev qui tente de l’expliquer. Il évoque l’énorme tension
liée aux transformations et la « résistance croissante des forces
de l’ancien appareil réactionnaire moribond » (lignes 27-28). Il
148
se heurte dès le départ aux secteurs conservateurs du PCUS,
dont il se rapproche pourtant en 1990, puis est victime d’un
coup d’État fomenté par des membres des services de sécurité,
du parti et de l’armée. Il met en cause aussi les « faiblesses
soviétiques », « nos préjugés idéologiques, notre psychologie
de nivellement et de parasitisme […] notre faible niveau de
culture politique » (lignes 30-32). Tout ceci l’aurait empêché
de réussir. En creux, il dépeint les conséquences sur la longue
durée de l’établissement d’une dictature bolchevique depuis
1917. Il s’inclut dans cet inventaire mais cela peut aussi être
un moyen d’atténuer sa responsabilité.
Il reprend la figure du réformateur de bonne volonté broyé
par une révolution qui s’est accélérée. « L’ancien système
s’est effondré avant même que le nouveau ait eu le temps de
fonctionner » (lignes 33-34). Mais en 1990 c’est Gorbatchev qui
rejette le programme de transition accélérée vers l’économie
de marché. De manière plus générale, il échoue dans la plupart
de ses projets politiques. Mais sa gestion des crises, son refus
de recourir à une violence généralisée, son souci même de
réconcilier démocratie et système communiste ont permis que
la fin d’un empire ne s’achève pas en guerre ou en tragédie. Au
niveau international, il a cru possible de mettre fin à la guerre
froide en entamant un partenariat avec les États-Unis et en
rapprochant son pays de l’Occident.
Gorbatchev ne cache pas qu’il a échoué mais dresse un bilan
plutôt flatteur de son action, la défend auprès de ses concitoyens
tout en l’inscrivant dans l’histoire. Le système d’État-parti
apparaît a posteriori irréformable. Aujourd’hui, considéré en
Russie comme le « fossoyeur de l’Empire », Gorbatchev demeure
celui qui a mis fin à la guerre froide et à l’URSS sans drame.
Les titres des parties sont donnés pour des raisons
pédagogiques et devraient être remplacés par des phrases.
Leçon 3 p. 234-235
La démocratisation des sociétés
à la fin de la guerre froide
Problématique : La fin de la guerre froide permet-elle le
développement de la démocratie libérale dans le monde ?
Cette leçon, avant tout politique, complète les précédentes
consacrées aux aspects économiques et sociaux. L’ensemble
permet de voir de manière synthétique « la modification des
grands équilibres économiques et politiques mondiaux »
durant les années 1970-1980. Pour les élèves, cette leçon
constitue un moyen de remettre en perspective les évolutions
complexes, présentées dans les cinq études précédentes. La
problématique renvoie à des questions historiques, politiques
voire historiographiques. La fin de la guerre froide suscite
beaucoup d’espoirs de « libéralisation » durant les années
1988-1990 : thèse de Francis Fukuyama sur la fin de l’histoire
(cf. exercice BAC p. 237). Quelle fut la réalité politique de ces
années et quel bilan peut-on en faire vingt ans plus tard ?
Notions importantes : Deux notions importantes constituent
le cœur de cette leçon : démocratie populaire et démocratie
libérale. Il est important que les élèves maîtrisent la différence
essentielle entre ces deux types de régimes, alors que le premier a
quasiment disparu. Bien sûr, il est nécessaire d’avoir une approche
critique de ces définitions, de montrer l’écart avec la réalité.
La première partie propose une typologie des régimes existants
à la fin des années 1970, durant les dernières années de la
guerre froide. On note que, contrairement à ce qu’affirment
alors les propagandes opposées, la liberté n’est pas l’apanage
d’un seul camp. Les démocraties demeurent rares.
La seconde partie s’intéresse aux vagues de démocratisation
en Europe et au-delà. Il s’agit d’étudier les facteurs d’évolution
en ne se limitant pas au clivage Est-Ouest. On s’intéresse aux
rôles des deux super-puissances, mais aussi à l’action des
sociétés, aux interactions entre scènes intérieures et relations
internationales.
La troisième partie fait un bilan de la démocratisation au début
des années 1990 en montrant l’écart existant entre les espoirs de
la fin de la décennie précédente et la réalité, la différence entre
les évolutions en Europe et une partie de l’Asie où les dictatures
communistes subsistent alors que les conflits progressent au
Proche et Moyen-Orient.
SCHÉMA BILAN Ce schéma montre comment une situation
politique largement figée en Europe évolue en raison de
la démocratisation tardive de l’Europe méridionale dans
le bloc occidental et de l’action de Gorbatchev – leader du
bloc communiste – favorisant la volonté d’émancipation des
peuples d’Europe de l’Est. Tout ceci contribue à l’arrêt de la
guerre froide qui entraîne la fin de conflits périphériques.
Les États-Unis abandonnent les dictatures d’Amérique latine
devenues inutiles et odieuses aux populations. Mais cette
démocratisation demeure incomplète en raison notamment de
l’écrasement de la révolte des étudiants chinois et du maintien
de régimes autoritaires.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Cette activité numérique très simple a deux objectifs. Les élèves
doivent sélectionner uniquement huit dates et donc réfléchir à
ce qui est le plus important pour la compréhension du chapitre.
Ils réaliseront une chronologie qui leur permettra, par exemple,
de constater le rythme rapide de ces évolutions politiques.
Travail de l’historien p. 236
La chute du mur de Berlin et ses conséquences en Allemagne
et en Europe sont bien connues. Mais on peut s’interroger
sur les causes de cet événement historique. Pour l’historien
allemand Edgar Wolfrum, « l’ouverture du mur le 9 novembre
1989 […] était imprévisible », (Histoire. Les collections « Le mur
de la honte », n° 65, octobre 2014). Tony Judt, historien anglo-
américain, rappelle que « pour les observateurs étrangers,
la RDA semblait parmi les moins vulnérables des régimes
communistes » (Après-guerre. Une histoire de l’Europe depuis
1945, Armand Colin, 2007). Il s’agit de montrer aux élèves
que ce bouleversement n’a pas une seule cause, et qu’il faut
rechercher et hiérarchiser les différents facteurs possibles.
Cette courte étude est composée d’un document source et de
l’analyse d’historiens qui permet de le contextualiser.
Document 1 : La photographie a été prise à Dresde, où comme
à Leipzig, les « manifestations du lundi » se déroulent à partir
de septembre.
Le document 2 est extrait d’un riche ouvrage de synthèse
consacré à l’histoire de l’Europe rédigé par Robert O. Paxton
et Julie Hessler, L’Europe au xxe siècle, Tallandier, 2011. L’auteur
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
de La France de Vichy avait écrit une première version durant
les années 1970 pour un public américain, qu’il a complétée
après la fin du bloc communiste avec le concours de Julie
Hessler, spécialiste de l’URSS.
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Les événements politiques en Allemagne de
l’Est dépendent aussi de ce qui se passe dans le monde
communiste. Robert O. Paxton et Julie Hessler font le lien avec
les transformations en Hongrie où « le rejet, par les communistes
hongrois eux-mêmes, de la dictature du parti unique met à son
tour la pression sur le régime dictatorial de la RDA » (lignes 76-8).
L’ouverture des frontières permet à des Allemands de l’Est de
partir, une première depuis 1961. Face aux transformations
hongroises et polonaises, le pouvoir d’Honecker apparaît
anachronique : trucage des élections municipales en mai 1989.
Le rôle de l’URSS est essentiel : elle avait autorisé la construction
du mur en 1961, maintenait des forces importantes en RDA.
Or, les manifestants se réclament de Gorbatchev et celui-ci
abandonne Honecker. Mais ce qui s’est passé en Chine en
juin 1989 joue aussi un rôle. Les manifestants craignent une
répression et veillent au caractère pacifique de leurs cortèges.
Question 2 : Les acteurs de cette révolution pacifique sont les
manifestants notamment des grandes villes : Leipzig, Dresde,
Magdebourg, Berlin-Est qui prennent le risque de se heurter aux
VOPO (« police du peuple ») et sont de plus en plus nombreux :
1 million le 4 novembre. Ils sont soutenus par des groupes
d’opposition, Neues Forum et les églises protestantes.
Le deuxième acteur est le pouvoir qui a les moyens de réprimer,
et cette décision a été prise le 9 octobre. Mais face à la pression
populaire, abandonné par Moscou, il cède et se désagrège.
Honecker est remplacé par Krentz, un produit de l’appareil,
puis Hans Modrow, un réformateur, forme un nouveau
gouvernement. Rien n’y fait et Günther Schabowski, porte-
parole, annonçant de manière peu claire la possibilité pour les
Allemands de l’Est de voyager, suscite un mouvement imprévu
vers le mur. Les derniers acteurs sont aussi finalement les gardes-
frontières qui, sans ordre, laissent passer leurs concitoyens.
Question 3 : Les changements sont très rapides. Le
10 septembre, grâce à l’ouverture de la frontière austro-
hongroise, des Allemands de l’Est peuvent partir. Les
manifestations se multiplient en septembre-octobre. Le
7 octobre a lieu la célébration du 40e anniversaire de la RDA
et 2 jours plus tard la répression est envisagée. Mais, face à la
pression populaire, Honecker perd le pouvoir le 18 octobre, ce
qui ne met pas fin aux manifestations. La situation échappe
au SED : le 9 novembre le mur tombe. Deux mois ont changé
le cours de l’histoire allemande.
B L’historien confronte la source (doc. 1)
à ce contexte
Question 1 : Cette photographie a sans doute été prise après le
18 octobre, date de l’accession – éphémère – au pouvoir d’Egon
Krenz qui est mentionné, alors que Honecker est représenté
emprisonné, une allusion à sa chute et l’espoir de le voir
poursuivi. Nous sommes sans doute avant la chute du mur le
9 novembre 1989 qui change totalement la donne politique.
149
 Question 2 : Les exigences des manifestants sont clairement
politiques. Il ne s’agit plus de demander à pouvoir quitter le pays
ou la liberté de parole et la liberté de la presse. Les dirigeants
du SED sont directement attaqués. Face à un pouvoir qui
prétend diriger au nom de la classe ouvrière, les manifestants
scandent « nous sommes le peuple », « nous restons ici » puis
« le mur doit disparaître ».
Question 3 : Les pancartes brandies par les manifestants
montrent qu’ils n’ont plus peur du pouvoir. Ils ont pourtant le
souvenir ancien de la répression de juin 1953 contre la révolte
ouvrière à Berlin-Est. Ils ont appris le massacre des manifestants
de la place Tian’anmen à Pékin en juin, approuvée par leurs
dirigeants. Ceux-ci disposent d’un instrument de contrôle et
de répression, la STASI : 91 000 officiers, un maillage de 189 000
informateurs avec les unités de la Volksarmee pour à peine
16 millions d’habitants. Le 9 octobre la répression envisagée
n’a pas lieu et le 16 octobre on compte 120 000 manifestants
à Leipzig.
C L’historien (doc. 2) interprète la source (doc. 1)
Robert O. Paxton et Julie Hessler citent le spécialiste de l’Europe
orientale, Timothy Gordon Ash, évoquant le 9 novembre
comme « la plus grande fête de rue populaire de l’histoire
de l’humanité ». Pour Tony Judt, c’est la « seule révolution
véritablement populaire » de 1989. Mais elle est l’aboutissement
de deux mois de manifestations populaires contre un pouvoir
en apparence fort. La photographie illustre l’importance de ce
processus. Ces femmes et hommes, porteurs de banderoles,
rassemblés pour un cortège nocturne, sont de simples citoyens.
Ils expriment clairement leur rejet du régime. Un an plus tôt, de
jeunes manifestants avaient été réprimés. Mais cette victoire
pacifique n’aurait pas été possible sans un changement complet
de contexte. Les mutations hongroises et polonaises ont ouvert
la voie. En novembre, le SED n’a plus aucune perspective,
abandonné par l’URSS et par une partie de ses alliés de l’Est,
affaibli par une crise économique durable. Il est contesté par son
peuple qui s’en va ou manifeste, alors qu’une autre Allemagne
existe. A posteriori, cela révèle le caractère artificiel de la RDA.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 237
Les chocs pétroliers de 1973 et 1979 bouleversent le monde :
■ Des conséquences économiques et sociales :
– Crise économique en occident : faillites, déclin des vieilles
régions industrielles
– Augmentation du chômage en occident
– Développement économique des pays ateliers où la main
d’œuvre est bon marché
■ Des conséquences politiques majeures :
– Développement du libéralisme économique pour répondre
à la crise (Thatcher, Reagan)
– Développement du socialisme de marché en Chine
■ Des conséquences géopolitiques importantes :
– Mondialisation à gérer par une gouvernance mondiale :
GATT (Uruguay Round, 1986-1993), FMI
– Emergence de nouveaux pays, les NPIA, et importance
des pays de l’OPEP
– Essor de la Chine, principale concurrente économique des
États-Unis et de l’UE.
150
Exercice BAC p. 237
Analyse de document (sujet d’entraînement)
L’exercice proposé consiste à construire une analyse critique
d’un texte.
Le document est un extrait d’un essai intitulé La Fin de l’Histoire
et le dernier homme écrit par Francis Fukuyama et publié en 1992.
Né en 1952 à Chicago, Francis Fukuyama est un universitaire dans
le domaine des sciences politiques. Au début des années 1980,
recruté en tant que spécialiste du Moyen-Orient, il participe à
l’élaboration de la politique étrangère du département d'État
américain. Il s’intéresse aussi à la place de l’URSS dans le monde
en participant à la publication de l’ouvrage The Soviet Union
and the Third World : The Last Three Decades en 1987. En 1989,
il travaille à nouveau pour l’administration américaine mais
cette fois en s’intéressant à la politique européenne et aux
questions militaires. En 1992, dans son livre La Fin de l’histoire
et le dernier homme, il développe l’idée qu’après la disparition
de l’URSS et du modèle communiste, la démocratie libérale
remporte le conflit idéologique qu’était la guerre froide.
L’universalisation de cette forme de gouvernement serait
pour lui l’idéal idéologique ultime dans la longue marche
de l’Histoire. Ses idées connaissent un succès mondial mais
sont au cœur de nombreuses polémiques. Après avoir un
temps été proche des néo-conservateurs américains, Francis
Fukuyama se rallie à la candidature de Barack Obama en 2008.
Il a, en outre, publié plusieurs ouvrages sur des sujets aussi
divers que la bioéthique avec La Fin de l’homme en 2002, mais
aussi la naissance de la politique avec Le Début de l’histoire en
2011. Dans cet extrait, il souligne la victoire du modèle de la
démocratie libérale occidentale et du capitalisme après la fin de
la guerre froide, et l’effondrement des systèmes communistes
entre 1989 et 1991.
La consigne : Présentez l’analyse que Francis Fukuyama fait
des bouleversements politiques et économiques du monde
des années 1970 au début des années 1990. Expliquez les
nuances que l’on peut apporter à son analyse.
Cette consigne sera analysée par les élèves notamment pour
identifier les tâches à réaliser. Il doit d’abord présenter les
transformations politiques puis les mutations économiques
du monde au début des années 1990. Enfin, l’élève doit porter
un regard critique sur la vision du monde que propose Francis
Fukuyama. La mobilisation des connaissances doit permettre de
confirmer mais aussi d’infirmer certains points de son analyse.
Dans l’introduction, l’élève présente le document en le
replaçant dans son contexte, celui de la fin de la guerre froide
et de l’URSS. Il annonce ensuite la consigne en précisant les
axes qu’il va développer.
Analyse rédigée :
La démocratie libérale est « la forme finale de tout
gouvernement humain » (ligne 8). Francis Fukuyama insiste
sur le fait qu’elle triomphe des idéologies rivales qu’il compte au
nombre de trois, les prenant par ordre chronologique. C’est le
cas de « la monarchie héréditaire » (ligne 5) avec les révolutions
politiques de l’époque moderne et la démocratisation des
pays d’Europe occidentale et des États-Unis qui font passer
la souveraineté du roi au peuple. La démocratie libérale a
montré aussi sa supériorité sur « les fascismes ». La Seconde
Guerre mondiale est le conflit où s’affrontent les idéologies
démocratiques et les idéologies fascistes (voir chapitres 2
et 3) que sont le fascisme italien et le nazisme allemand. La
démocratie sort victorieuse de la guerre comme le révèlent les
multiples accords entre Alliés entre 1943 et 1945, insistant sur
les processus de démocratisation et la tenue d’élections libres
en Europe, comme à Yalta en février 1945. Enfin, elle élimine
son dernier rival, « le communisme ». Lors de la guerre froide,
conflit idéologique entre 1947 et 1989-1991, deux modèles
qui se réclament de la démocratie, la démocratie libérale
et le communisme s’opposent. Or, ce modèle communiste
s’essouffle dans les années 1980 et est contesté dans les
démocraties populaires (Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne).
Malgré les décisions de Gorbatchev en 1985 pour réformer le
modèle, les exigences de liberté sont très fortes en Europe de
l’Est et débouchent sur des révolutions souvent pacifiques,
sauf en Roumanie. L’URSS disparaît en 1991.
De plus, Fukuyama souligne que « l’évolution la plus
remarquable de ce dernier quart du XXe siècle aura été la
révélation de l’immense faiblesse inhérente aux dictatures
mondiales apparemment si fortes » (lignes 12-14). Les
années 1980 sont en effet marquées par un processus de
démocratisation. Ce dernier touche des dictatures « de la
« droite » militaire et autoritaire » (lignes 14-15), comme c’est le
cas durant les années 1970-1980. La démocratie s’impose dans
l’ensemble de l’Europe occidentale avec la fin des dictatures
dans la péninsule ibérique au milieu des années 1970 et en
Grèce en 1981.
Dans les années 1980, à Taiwan et en Corée du sud, les
sociétés civiles se mobilisent et obtiennent d’être associées
au pouvoir. Avec l’apaisement des relations avec l’URSS, les
États-Unis cessent d’aider des dictatures qui ne leur sont
plus utiles et cet aspect de leur politique extérieure est de
moins en moins accepté par l’opinion publique. De nombreux
pays d’Amérique latine, comme le Chili, l’Argentine ou le
Brésil, entament leur transition démocratique. Ce processus
touche aussi des dictatures « de la "gauche" communiste et
totalitaire » (ligne 15), Fukuyama faisant référence ici aux ex-
pays communistes qui amorcent leur transition démocratique.
À la suite des révolutions pacifiques dans les démocraties
populaires d’Europe de l’Est et après l’exécution du dirigeant
roumain au cours de l'année 1989, des élections libres sont
organisées, souvent remportées par des forces politiques
hostiles au communisme.
Le début des années 1990 voit aussi le triomphe des idées
libérales dans le domaine économique, promettant l’entrée
dans une ère de prospérité. Ainsi, Francis Fukuyama souligne
que « les principes économiques du libéralisme […] ont réussi à
produire des niveaux sans précédent de prospérité matérielle »
(lignes 20-22), cette tendance se conjuguant à la généralisation
de la démocratie libérale dans le monde. Il faut remarquer
qu’au cours des années 1970 et 1980, la libéralisation et la
déréglementation des flux de marchandises et financiers
facilitent l’accélération du commerce international et la
mondialisation de l’économie. Les droits de douane négociés
dans le cadre du GATT continuent de baisser, facilitant les
échanges de produits manufacturés. Le développement
du libre-échange, associé à la révolution des transports
maritimes liée aux conteneurs, permet les délocalisations
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
d’usines textiles ou mécaniques vers des pays ou la main-
d’œuvre est moins chère.
Cette nouvelle phase du capitalisme mondial est liée pour
Fukuyama à la libéralisation économique, le triomphe du
« marché libre » (ligne 21). Il met en avant l’idée « d’une
révolution libérale dans la pensée économique » (lignes 24-
25), évoquant le développement du néolibéralisme dans les
pays industrialisés pour répondre à la crise économique qui
les frappe depuis les années 1970, et relancer la croissance. En
effet, dans les années 1980, des politiques dites néolibérales
sont mises en place. Elles sont fondées sur la réduction
des dépenses publiques, des privatisations, mais aussi la
dérèglementation et la dérégulation de l’économie aboutissant
à un retrait de l’État de l’activité économique. Initiées dans le
monde anglo-saxon avec Ronald Reagan, président américain
de 1980 à 1988, et Margaret Thatcher, Premier ministre du
Royaume-Uni de 1979 à 1990, ces réformes sont adoptées
dans l’ensemble du monde occidental industrialisé. Francis
Fukuyama souligne en outre que la prospérité économique
touche aussi les pays « qui, à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, faisaient partie du tiers-monde appauvri » (lignes
23-24). Avec les possibilités de délocalisations, de nouvelles
puissances économiques émergent comme les NPIA (Corée du
Sud, Taiwan, Singapour ou Hong Kong), la Chine ou les pays
ateliers comme la Turquie. Leur sont offertes des possibilités
d’intégration dans la mondialisation et un processus de
développement. La Chine est la principale gagnante de ces
évolutions et devient, grâce à sa politique d’ouverture, une
grande puissance industrielle.
Cependant, il est nécessaire de nuancer les analyses de Francis
Fukuyama sur sa vision du monde au début des années 1990.
En effet, son argument selon lequel « une révolution libérale
dans la pensée économique a toujours accompagné – parfois
avant, parfois après – l’évolution vers la liberté politique dans
le monde entier » (lignes 24-26) doit être remise en cause. La
démocratisation n’est pas forcément liée à la libéralisation
de l’économie. Si la Chine s’ouvre au capitalisme, le Parti
communiste chinois maintient la dictature et réduit au silence
les oppositions politiques. En 1989, les manifestations étudiantes
de Tian’anmen réclamant plus de libertés et de démocratie sont
réprimées par l’armée chinoise. Si le PCC souhaite l’ouverture
économique vers l’Occident pour développer le pays, il refuse
tout partage du pouvoir.
De plus, le triomphe de la démocratie libérale n’est pas
total. De nombreuses idéologies rivales subsistent dans le
monde. Les communistes se maintiennent en Corée du Nord,
au Vietnam et à Cuba. En Iran, la république islamique mise
en place en 1979 rejette toute influence occidentale et par
conséquent la démocratie libérale. Au Moyen-Orient, pour
contrer cette menace, des dictateurs se présentent comme
des remparts contre l’islamisme et sont soutenus par les pays
occidentaux. La démocratisation est aussi imparfaite. Les
nouvelles démocraties sont loin d’être exemplaires. En Europe
orientale, les nationalismes profitent du climat de liberté pour
resurgir et les tensions qui naissent dégénèrent en guerre civile
comme en Yougoslavie à partir de 1991. Amorcer un processus
de démocratisation ne se fait pas toujours de manière douce.
En Russie, la transition démocratique est freinée dès le départ
par des difficultés économiques et sociales.
151
 Conclusion : Francis Fukuyama dresse un tableau optimiste de
la situation politique et économique du monde de l’après-guerre
froide. Certes, le modèle démocratique libéral et capitaliste
porté par les États-Unis et le bloc de l’Ouest sort victorieux,
mais le triomphe des valeurs occidentales se heurte à d’autres
remises en cause et à de nouvelles tensions.
Exercice BAC p. 238-239
Réponse à une question problématisée
L’objectif de cette double-page est de travailler sur la rédaction
des transitions entre les différentes parties de la réponse à la
question problématisée.
Le sujet : Comment le capitalisme mondial se transforme-t-il
dans les années 1970-1980 ?
Étape 1. Analyse de la question problématisée
Il s’agit de déterminer le sens des mots clés et les limites
chronologiques du sujet.
Le capitalisme désigne le système économique et social qui
repose sur la propriété privée des moyens de production et
le salariat, dans lequel les échanges se font d’après les règles
de l’offre et de la demande.
Le sujet s’étend à l’échelle mondiale mais le monde communiste
est exclu de cette étude. Il faut cependant parler de la Chine
qui s’ouvre au capitalisme à la fin des années 1970.
Les changements économiques à prendre en compte sont
la crise qui touche le capitalisme à partir des années 1970, la
révolution néolibérale qui modifie les règles du capitalisme
mondial, ainsi que le nouvel équilibre économique mondial.
Les limites chronologiques à prendre en compte pour ce sujet
sont 1973, le premier choc pétrolier, et 1992 avec la théorisation
du socialisme de marché en Chine.
Étape 2 : Construire un plan de la réponse organisée
partie, nous étudierons comment s’accélère la libéralisation de
l’économie mondiale.
Justification : Cette transition ne convient pas car elle ne montre
pas les liens entre les idées directrices des deux parties.
Exemple 2 : Si la croissance ralentit dans les pays capitalistes
dans les années 1970-1980, ces derniers connaissent les effets
de l’accélération de la libéralisation de l’économie mondiale.
Justification : Cette transition convient car elle montre bien
que vos idées sont structurées. Elle montre la dynamique de
votre argumentation.
Exemple 3 : Dans les années 1970-1980, les économies
capitalistes connaissent un ralentissement de leur croissance.
Il s’agit maintenant de s’intéresser à l’autre bouleversement
majeur de la période, l’accélération de libéralisation de
l’économie mondiale.
Justification : Cette transition ne convient pas car elle ne montre
pas les liens entre les idées directrices des deux parties.
B. Rédiger la transition entre la seconde et troisième partie.
Un exemple de transition peut être : « Le capitalisme se rénove
dans les années 1980 en libéralisant les échanges, qu’ils soient
matériels ou financier si bien que celui-ci s’impose dans des
pays en voie d’industrialisation et reconfigure la hiérarchie
économique mondiale. »
Étape 4 : Rédiger la réponse à la question problématisée
Le capitalisme peut se définir comme le système économique
et social qui repose sur la propriété privée des moyens de
production et le salariat, dans lequel les échanges se font
d’après les règles de l’offre et de la demande. Développé à
l’échelle mondiale avec l’industrialisation au XIXe siècle, il connaît
des changements importants dans les années 1970-1980.
Comment le capitalisme mondial se transforme-t-il dans les
années 1970-1980 ? Nous verrons d’abord en quoi le capitalisme
entre dans une période de crise dans les années 1970, avant

Un ralentissement de la croissance Une accélération de la libéralisation Une nouvelle donne économique

- Les causes de ce ralentissement :
➔ Fin de l’énergie peu chère liée aux changements
géopolitiques : 1973 1er choc pétrolier ; 1979 second
choc pétrolier ;
➔ Fin de la stabilité monétaire mondiale en 1971 ;
➔ Concurrence étrangère pour les pays
occidentaux.
- Les conséquences économiques et sociales :
récession
➔ Faillites d’entreprises dans les secteurs en
difficulté (mines, secteurs industriels anciens) ;
➔ Inflation qui entraîne une diminution du pouvoir
d’achat ;
➔ Chômage de masse, régions industrielles
anciennes les plus touchées.
économique
- La dérégulation des marchés financiers :
➔ Dérégulation des marchés financiers
(Thatcher, Reagan dans les années 1980) dans
le cadre de la révolution néolibérale ;
➔ Allègement des règles pesant sur les flux
financiers ;
➔ Politiques néo-libérales se généralisent
dans le monde capitaliste.
- L’accélération des échanges :
➔ Libéralisation des échanges ;
➔ Développement du libre-échange (GATT) ;
➔ Révolution des transports maritimes
(conteneurs).
internationale
- Des délocalisations dans les pays ateliers :
➔ Délocalisations d’usines vers des pays où la
main-d’œuvre est moins chère ;
➔ Elles concernent les secteurs textile et
électroménager ;
➔ Surtout en Asie orientale (Taiwan, Chine).
- De nouvelles puissances économiques
s’affirment :
➔ Croissance économique des NPIA (Nouveaux
pays industrialisés d’Asie) ;
➔ Développement des pays ateliers (Turquie,
Indonésie) ;
➔ La Chine devient grande puissance industrielle
(ZES 1980, socialisme de marché 1992).

Étape 3 : Rédiger le développement en soignant les
transitions
A. Comparer des exemples de transition
Exemple 1 : Dans la première partie, nous avons vu que
l’économie des pays capitalistes connaît dans les années
1970-1980 un ralentissement de la croissance. Dans la deuxième
de se redéfinir dans un sens plus libéral dans les années 1980.
Enfin, nous étudierons l’extension de ce capitalisme transformé
au-delà des anciens pays industriels.
Dès les années 1970, un ralentissement de la croissance
économique fait entrer le monde capitaliste occidental dans
la crise. Différentes causes expliquent cette situation. La fin

152
de l’énergie peu chère liée aux changements géopolitiques
au Moyen-Orient est la première de ces explications. En 1973,
le premier choc pétrolier, lié à la décision des pays de l’OPEP
de faire pression sur les pays occidentaux dans le cadre de
la guerre du Kippour, renchérit le prix du pétrole. Ce dernier
augmente encore en 1979 avec la révolution islamique en Iran
qui déstabilise la production de la région.
Les pays industrialisés, qui ont fait du pétrole le moteur de leur
croissance industrielle, rencontrent des difficultés. Le système
financier international, fondé sur le dollar devenu la monnaie de
référence dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, est déstabilisé
quand le président américain Nixon décide en 1971 que le dollar
ne serait plus convertible en or. La concurrence étrangère dans
les activités textiles et sidérurgiques réduit la compétitivité des
pays industriels occidentaux dans les échanges mondiaux. Le
capitalisme occidental est donc remis en cause.
Cette crise du capitalisme occidental se traduit par une récession
qui a des manifestations économiques et sociales. Les faillites
d’entreprises les plus fragiles se multiplient dans les secteurs
miniers et industriels anciens. L’inflation augmente dans les
pays industriels, pesant sur le pouvoir d’achat des ménages, ce
qui réduit la demande. Le chômage de masse se développe et
touche toutes les catégories de travailleurs, mais principalement
les ouvriers et les travailleurs les moins qualifiés. Les régions
industrielles anciennes sont fortement touchées (Lorraine et
Nord en France, Midlands au Royaume-Uni, Ohio aux États-
Unis). Si la croissance ralentit dans les pays capitalistes dans
les années 1970-1980, ces derniers connaissent les effets de
l’accélération de la libéralisation de l’économie mondiale.
Les pays capitalistes entrent dans une nouvelle phase
d’accélération de la libéralisation de l’économie, transformant
le visage du capitalisme mondial. Cette mutation est liée à
la dérégulation des marchés financiers dans le cadre de la
révolution néolibérale qui touche d’abord le monde anglo-
saxon. Margaret Thatcher, Premier ministre anglais de 1979 à
1990, et Ronald Reagan, président américain de 1980 à 1988,
sont à l’initiative des mesures de libéralisation des marchés
financiers. Ils allègent les règles pesant sur ces marchés, les
États abandonnent tout contrôle sur les flux financiers qui
peuvent alors circuler librement dans le monde. Ces politiques
néolibérales de dérégulation et de dérèglementation se
généralisent dans le monde capitaliste.
Les échanges internationaux se développent, le monde entre
dans une nouvelle phase de mondialisation. Les flux matériels
explosent avec la libéralisation des échanges, le commerce
international se renforce. Ceci s’explique par la diminution des
droits de douane et l’extension du libre-échange. Les négociations
au sein du GATT, lors de l’Uruguay Round entre 1986 et 1993
aboutissent à la disparition de pratiques protectionnistes. Cette
libéralisation des échanges s’appuie aussi sur la révolution des
transports maritimes grâce à l’utilisation des conteneurs.
La généralisation de l’emploi de ce mode de transport pour
les marchandises facilite les échanges entre les continents.
Le capitalisme se rénove dans les années 1980 en libéralisant
les échanges, qu’ils soient matériels ou financiers, si bien que
celui-ci s’impose dans des pays en voie d’industrialisation et
reconfigure la hiérarchie économique mondiale.
L’extension du capitalisme libéral modifie l’équilibre économique
mondial. La libéralisation des flux financiers et le libre-échange
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
favorisent les délocalisations d’usines vers des pays où la main-
d’œuvre est moins chère. Celles-ci concernent les secteurs
textile et électroménager, surtout en Asie orientale.
C’est ainsi qu’une grande partie du textile des pays industrialisés
est délocalisée dès les années 1970. Les entreprises
d’électroménager japonaises font fabriquer les téléviseurs à
Taiwan et en Chine. De nouvelles puissances économiques
s’affirment parfois en se convertissant aux règles du capitalisme.
Les NPIA, Nouveaux pays industrialisés d’Asie, connaissent
une forte croissance économique grâce à leurs exportations.
Des pays ateliers font valoir leur main-d’œuvre peu chère pour
s’intégrer dans l’économie capitaliste mondiale, c’est le cas de
la Turquie ou encore de l’Indonésie.
La Chine est la principale gagnante de ces transformations.
Abandonnant le modèle communiste dans le domaine
économique sous Deng Xiaoping en 1978, elle s’ouvre
progressivement aux investissements occidentaux. Les zones
économiques spéciales créées en 1980 doivent permettre
d’attirer des entreprises européennes, américaines et japonaises.
En 1992, l’adoption de l’expression « socialisme de marché »
pour désigner la politique économique de la Chine symbolise
l’affirmation du capitalisme.
Le capitalisme mondial se transforme en profondeur dans
les années 1970-1990. Sous l’effet de la crise économique
débutée dans les années 1970, le capitalisme s’oriente vers
le néolibéralisme, ce qui entraîne une nouvelle phase de
mondialisation. Cette transformation permet l’intégration de
certains pays suivant le modèle de ce capitalisme rénové. Les
crises économiques sont souvent des moments de refondation
du capitalisme.
Sujets d’entraînement :
SUJET 1 Les années 1980 correspondent-elles a un
triomphe des valeurs occidentales dans le monde ?
Il faut d’abord définir ce que le sujet entend par « valeurs
occidentales ». On peut penser ici à la démocratie occidentale
et au capitalisme libéral. L’intitulé de ce sujet est dialectique
donc il est nécessaire de nuancer la réponse.
Plan possible
1. Le capitalisme libéral triomphe à l’échelle mondiale
A. Un capitalisme rénové : néolibéralisme et libéralisation
des échanges
B. Une extension du capitalisme à l’échelle mondiale
(délocalisations, nouvelles puissances industrielles en Asie,
pays ateliers, montée en puissance de la Chine)
C. La résistance du monde communiste (sauf la Chine)
jusqu’en 1989
2. Un apparent triomphe de la démocratie occidentale
A. La vague de démocratisation dans les années 1980 avec
l’apaisement des relations bipolaires
B. Mais des modèles contestent le modèle démocratique
occidental (islamisme en Iran, maintien de dictatures,
démocratisation fragile avec la fin du bloc soviétique)
SUJET 2 Les années 1970-1980 : crise ou mutation de
l’économie mondiale ?
Le sujet demande d’analyser les bouleversements de l’économie
mondiale. Ceux-ci peuvent être perçus sous l’angle de la crise pour
les pays capitalistes et industriels anciens, mais aussi sous l’angle
des mutations majeures modifiant l’équilibre économique mondial.
153
 Plan possible
1. Les années 1970-1980, un moment de crise des économies
occidentales
A. Les difficultés des anciens pays industriels (chocs pétroliers,
faillites d’entreprises, chômage de masse)
B. La fin de la domination industrielle occidentale
C. Le néolibéralisme, une réponse à la crise
2. Les années 1970-1980, un moment de transformations
majeures de l’économie mondiale
A. Une accélération de la mondialisation
B. Tertiarisation et financiarisation des économies des pays
occidentaux
C. L’apparition de nouvelles puissances industrielles au sud.
Exercice BAC p. 240-241
Analyse de document.
L’exercice proposé consiste à rédiger la conclusion d’une analyse
critique d’un document iconographique.
Le document est une caricature du dessinateur suisse Geisen,
connu pour ses collaborations au journal Basler Zeitung. Si pour
Plantu la présence d’une souris sur ses dessins est sa signature,
pour Geisen c’est un corbeau noir. Ce document date de 1974
et fait référence à l’augmentation des prix du pétrole après le
choc pétrolier de 1973 dû à la guerre du Kippour. Cette caricature
nécessite un regard critique à cause de son exagération.
La consigne : En analysant le document, vous expliquerez la
lecture que le dessinateur propose de la crise pétrolière de 1973.
Étape 1 : Présenter le document
Le document est une caricature réalisée afin de donner un
point de vue sur la situation des pays occidentaux face au choc
pétrolier de 1973 qui est l’événement évoqué.
Étape 2 : Analyser la consigne
Les indications données dans le manuel permettent de guider
l’élève.
Étape 3 : Analyser le document et le mettre en relation avec
des connaissances personnelles
Ce sont les pays arabes membres de l’OPEP du Proche et Moyen-Orient
Ce geste symbolise la décision de réduire la production de pétrole de
5 %, l’embargo sur la vente de pétrole et le doublement du prix de
décembre 1973.
Le monde occidental est représenté par des personnages décrivant certains
pays : à droite, on reconnait l’oncle Sam pour les États-Unis et une Marianne
pour la France. La France a l’air moins « pressée » que les États-Unis. Le choc
pétrolier et une des causes de la crise économique des pays occidentaux.
En termes géopolitiques, la décision des pays arabes n’a pas empêché les
Occidentaux de soutenir Israël, les pays arabes l’étant par l’URSS.
Les pays occidentaux doivent rester unis face au monde occidental pour
remporter le bras de fer, car certains peuvent être tentés de négocier
directement avec les pays de l’OPEP. La décision de l’OPEP s’explique par la
volonté de faire pression sur les Occidentaux qui soutiennent Israël.
154
Analyse rédigée :
La croissance économique des Trente Glorieuses des pays
occidentaux dépend largement du pétrole, énergie devenue
le moteur de la croissance industrielle. Le choc pétrolier de
1973 remet en cause cette croissance. Le document proposé
est une caricature du dessinateur suisse Geisen de 1974
publié dans un journal, il montre le rapport de force entre les
pays de l’OPEP et les pays occidentaux. Nous expliquerons la
lecture que le dessinateur propose de la crise pétrolière de
1973 en suivant deux axes : la crise pétrolière de 1973 puis
ses conséquences sur le monde occidental.
Le caricaturiste représente le choc pétrolier de 1973 en utilisant
l’image d’une « presse à pétrole ». Les personnages, sous la
forme de « cheiks du pétrole », sont les pays arabes membres
de l’OPEP, organisation des pays exportateurs de pétrole, du
Proche et Moyen-Orient. Ils sont représentés actionnant la
presse symbolisant leur décision de réduire la production
de pétrole. En effet, le 17 octobre 1973, ces pays annoncent
qu’ils vont diminuer chaque mois leur production de pétrole
de 5 %, puis ils décrètent un embargo sur la vente de pétrole
aux États-Unis et à ses alliés occidentaux.
Le 23 décembre 1973, lors de la conférence de Téhéran,
l’OPEP décide de doubler le prix du pétrole en renchérissant
ainsi le prix. Les pays arabes utilisent le pétrole comme une
arme géopolitique afin de faire pression sur les États-Unis et
leurs alliés, qui soutiennent Israël dans la guerre du Kippour.
Cette guerre est déclenchée le 6 octobre 1973 à l’initiative
de l’Égypte et de la Syrie qui attaquent Israël. Alors que les
armées arabes sont arrêtées par les Israéliens qui ont usé de
toutes leurs forces pour résister, Égypte et Syrie cherchent
à faire céder le soutien apporté par les États-Unis en faisant
pression de cette manière. Ils espèrent déstabiliser les alliés
de l’État juif.
Cette décision des pays de l’OPEP a des conséquences sur le
monde occidental, à la fois dans les domaines économiques
et géopolitiques. La décision des pays de l’OPEP est de passer
par la voie économique pour faire céder les Occidentaux.
On voit sur la caricature la pression exercée sur ces États
dont certains à gauche peinent à résister. Le choc pétrolier
déstabilise les économies capitalistes occidentales, le pétrole
étant le fondement de la croissance des Trente Glorieuses.
La fin du pétrole peu coûteux renforce les difficultés
économiques de ces États qui doivent subir en plus la
concurrence de nouveaux pays industriels et les difficultés
monétaires internationales avec la fin de la convertibilité
du dollar en or. Dans les pays anciennement industrialisés,
des secteurs entiers de l’industrie, comme la sidérurgie ou le
textile, sont en difficulté, entraînant des faillites d’entreprises
et du chômage. Cette décision amplifie la crise économique
du monde occidental dans les années 1970.
Mais cette caricature montre aussi les effets géopolitiques
de cette décision parmi les alliés d’Israël. La mention sous la
caricature « L’essentiel est que nous soyons unis » signifie que
les pays occidentaux doivent rester unis pour remporter le
bras de fer. En effet, certains peuvent être tentés de négocier
directement avec les pays de l’OPEP, comme on le voit avec le
personnage des États-Unis qui reprend la Marianne française.
Cependant, cette décision n’a pas empêché les Occidentaux
de soutenir Israël, les pays arabes étant soutenus par l’URSS
dans le cadre de la guerre froide.
Étape 4 : Rédiger la conclusion de l’étude de document
La conclusion est entièrement rédigée, l’élève suit les indications
dans le manuel.
Auto-évaluation p. 243
OBJECTIF 1
– Jusqu’en 1973, les prix du pétrole restent bas. Ils sont fixés
par les acheteurs, les compagnies pétrolières occidentales
concessionnaires, et non par les pays producteurs. Les
chocs pétroliers témoignent de la prise en main par les pays
exportateurs de pétrole de leur intérêt financier. Ils vont
désormais pouvoir fixer les prix à un niveau plus « juste »
pour eux.
– Cette hausse massive du prix du pétrole fragilise les
économies occidentales. La période des Trente Glorieuses qui
s’achève, repose sur une importante consommation d’énergie
peu chère, voire d’un gaspillage important. De nombreux
secteurs économiques, notamment dans l’industrie, fortement
énergivore, commencent une difficile mutation qui requiert
des technologies nouvelles.
Le chômage de masse réapparaît dans d’autres secteurs
incapables de faire face à la flambée de la facture énergétique.
Des stratégies d’économie d’énergie se mettent en place
comme la limitation de vitesse et des incitations à moins
consommer d’essence. Ce contexte nouveau, anxiogène
pour les populations habituées à l’abondance, provoquent
également des mouvements de panique dans les stations-
services où l’on craint les pénuries ou des prix de plus en plus
élevés chaque jour.
– Jimmy Carter, démocrate, menait une politique sociale et
était plutôt modéré en matière économique. Mais à la fin de
son mandat, il a commencé à dérèglementer, faisant face à
une grave crise économique et une forte montée du chômage.
Cette déréglementation, qui est à la base de la politique de
Ronald Reagan au cours des années 1980, a des conséquences
Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux
majeures et constitue un tournant important dans l’histoire
économique et sociale des États-Unis. Ce phénomène provoque
une émulation de la concurrence, et donc une baisse des prix des
services dans l’intérêt des consommateurs. La déréglementation
soutient ainsi l’activité économique et relance la croissance.
Cependant, les effets, en matière sociale, sont catastrophiques.
Le chômage augmente durant les deux premières années
du mandat de Ronald Reagan. Les emplois deviennent plus
précaires alors que le système de protection sociale est amoindri.
Les inégalités explosent, notamment entre les différents groupes
ethniques.
OBJECTIF 2
– La révolution iranienne qui aboutit à la création de la première
République islamique est un tournant majeur dans la région.
Elle montre une voie possible et victorieuse pour les différents
courants islamistes, y compris chez les fondamentalistes sunnites
totalement hostiles au chiisme. Khomeiny parle au nom de tous
les musulmans dans le cadre d’une lutte globale entre le bien
et le mal, entre « les soldats de Dieu » et les « forces de Satan ».
Ce discours peut être repris par nombre d’Islamistes. L’Iran
incarne alors un projet révolutionnaire qui effraie l’Occident
comme les États arabes de la région. Aussi les effets diffèrent
à court et à moyen terme. En 1979, les États-Unis subissent un
véritable revers : perte d’un allié stratégique, humiliation liée
aux otages, rupture des relations entre l’Iran et Israël, son autre
allié. Mais en 1980, l’Irak de Saddam Hussein attaque l’Iran.
Ce long conflit empêche de fait l’expansion de la subversion
islamiste chiite. Les États arabes de la région soutiennent l’Irak
qui prétend les défendre contre la vieille menace perse. Les
chiites d’Irak restent fidèles au dictateur sunnite. La France
et les Occidentaux appuient Saddam Hussein par crainte du
danger islamiste.
– Deng Xiaoping introduit une véritable rupture dans l’économie
chinoise. Il donne une nouvelle place à l’individu, notion qui
avait disparu sous Mao, insiste sur la responsabilité, l’emprunt à
l’étranger des techniques de gestion et impulse le sens du profit.
Il soutient la création des zones économiques spéciales
(ZES) qui doivent accueillir les investissements étrangers et
ouvrir la Chine au marché mondial. Même si politiquement
les structures de l’État communiste persistent, l’économie
commence un processus progressif d’ouverture et de conversion
au capitalisme.
– L’OPEP, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, a été
créée en 1960 et rassemble les pays producteurs de pétrole
pour négocier la production et le prix du pétrole à l’exportation.
– Au début de l’année 1973, les prix du pétrole restent très bas,
comme ils l’ont été depuis 1945. On remarque que la hausse des
prix intervient à partir d’octobre 1973, au moment de la guerre
du Kippour : c’est le premier choc pétrolier. Les prix pétroliers
croissent rapidement au cours du dernier trimestre de l’année
1973, pour se stabiliser au cours du premier semestre de 1974.
Les cours restent ensuite stables jusqu’à la fin 1978 et le second
choc pétrolier de 1979. C’est la révolution islamique en Iran
qui provoque une envolée du prix du pétrole plus importante
encore que celle de 1973.
– Reagan se fait triomphalement élire fin 1980 sur un programme
résolument libéral et prônant la déréglementation de l’économie
américaine. Pour Reagan, si l’on veut relancer l’économie,
lutter contre l’inflation galopante et réduire les déficits publics,
il faut absolument réduire le poids de l’État fédéral, et limiter
155
 son intervention dans le champ économique. Il résume la
situation avec sa célèbre formule : « Le gouvernement n’est
pas la solution de nos problèmes : c’est le gouvernement
qui est le problème ». Des secteurs entiers connaissent alors
une forte vague de déréglementation : le contrôle aérien, les
télécommunications, la télévision par câble, les transports
routiers, le pétrole, l’industrie automobile, les radios et les
activités bancaires. Par ailleurs, Reagan octroie des baisses
d’impôts massives et réduit les dépenses publiques. Si l’activité
économique repart, le coût social est très élevé. On note une
véritable précarisation des travailleurs, une baisse des salaires
et un taux de pauvreté élevé. Les années Reagan se traduisent
par un creusement sans précédent des inégalités.
OBJECTIF 3
Notions
Choc pétrolier : augmentation brutale du prix du pétrole liée
à la baisse de l’offre des pays producteurs.
Crise économique : ralentissement brutal de l’activité écono-
mique ayant pour conséquence l’augmentation des faillites
d’entreprises et chômage.
Désindustrialisation : disparition des activités industrielles
d’un pays ou d’une région quand celles-ci ne sont plus suffi-
samment compétitives.
Tertiarisation : prépondérance des services dans la production
de richesses d’une économie.
Vocabulaire
Délocalisation : action de déplacer le lieu d’implantation
d’une entreprise, souvent dans un pays pratiquant des salaires
moins élevés.
Dérégulation : politique qui vise à supprimer certaines
réglementations pour faciliter l’activité économique. Elles
aboutissent à un désengagement de l’État dans de nombreux
secteurs.
Inflation : hausse des prix.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Les chocs pétroliers et la fin des Trente Glorieuses
Personnage : Khomeiny.
Dates clés : 1973 (premier choc pétrolier) ; 1979 (second choc
pétrolier) ; 1980-1988 (guerre Iran-Irak).
Idées principales :
– Le premier choc pétrolier impacte fortement les économies
occidentales : hausse du déficit des États, récession, chômage
en augmentation, désindustrialisation des vieilles régions
industrielles.
– Le second choc pétrolier provoque une forte inflation et une
nouvelle poussée du chômage ; les pays touchés développent
les économies d’énergie.
– La fin de la domination industrielle de l’Occident : plus de
concurrence, baisse des emplois industriels.
Leçon 2. Libéralisation et dérégulation de l’économie dans
les années 1980
Personnages : Margaret Thatcher, Ronald Reagan, Deng
Xiaoping.
Dates clés : 1980 (premières ZES en Chine) ; 1980-1988
156
(présidence de Reagan) ; 1992 (socialisme de marché en Chine).
Idées principales : Une tertiarisation de l’économie.
- Une libéralisation économique comme réponse à la crise :
privatisations, dérèglementation.
- Mondialisation et émergence de nouvelles puissances :
augmentation du trafic de conteneurs, pays ateliers en Asie,
essor de la Chine.
Leçon 3. La démocratisation des sociétés à la fin
de la guerre froide
Personnages : Gorbatchev, Franco.
Dates clés : 1989 (chute du communisme en Europe de l’Est) ;
1991 (disparition de l’URSS).
Idées principales : La guerre froide ne favorise pas l’émergence
des démocraties : Iran 1979 ; génocide au Cambodge 1975-
1979 ; franquisme en Espagne jusqu’à la mort de Franco en 1975.
- Vague de démocratisation à la fin de la guerre froide en Europe
du Sud puis, en 1989, en Europe de l’Est.
- Mais au début des années 1990 la démocratie n’est pas encore
d’actualité en Corée du Nord, au Vietnam, à Cuba ou dans des
dictatures d’Afrique ou du Moyen-Orient.
Savoir expliquer
Les chocs pétroliers et leurs conséquences
– Pendant la guerre du Kippour, les pays pétroliers du Moyen
Orient, membres de l’OPEP, décident d’augmenter de 70 % le
prix du baril de brut et de réduire leur production de 5 % par
mois tant qu’Israël occupe les territoires arabes récemment
conquis.
– La hausse des prix est forte à partir d’octobre 1973, au moment
de la guerre du Kippour : c’est le premier choc pétrolier. Les prix
pétroliers croissent rapidement au cours du dernier trimestre de
l’année 1973, pour se stabiliser au cours du premier semestre
de 1974. Les cours restent ensuite stables jusqu’à la fin 1978 et
le second choc pétrolier de 1979. C’est la révolution islamique
en Iran qui provoque une envolée du prix du pétrole plus
importante encore que celle de 1973. Toutes les économies
occidentales sont touchées de plein fouet par la hausse des
produits pétroliers qui touche l’ensemble des domaines
industriels. La crise frappe durement l’Occident : inflation,
augmentation des déficits, chômage, etc.
– La révolution islamique en Iran intervient alors que le régime
du Shah, soutenu depuis des décennies par les puissances
occidentales, est fortement contesté par la population iranienne.
L’ayatollah Khomeiny, réfugié en France, apparaît alors comme
une alternative au pouvoir en place. Alors que le Shah doit
quitter le pouvoir, Khomeiny retourne en Iran où il est accueilli en
libérateur. Mais il met en place un régime religieux, islamiste, et
réprime tous les opposants et les défenseurs d’une démocratie
laïque. Le régime politique islamiste repose, d’après Khomeiny,
sur l’application stricte des « purs principes islamiques » à la
société et à la politique, sur une subordination du politique
au religieux. Pour lui, « tout pouvoir laïque […] est forcément
un pouvoir athée, œuvre de Satan. »
– En 1989, des révolutions mettent fin pacifiquement aux
régimes des démocraties populaires, hormis en Roumanie ou
des violences éclatent. En URSS même, le PCUS perd le monopole
du pouvoir. Une tentative de coup d’État des communistes
conservateurs accélère l’éclatement du pays en quinze États
indépendants. L’URSS disparaît le 25 décembre 1991.
Les progrès de la démocratie dans l’Europe du Sud
La Grèce subit la dictature des Colonels à partir d’avril 1967
mais la junte s’écroule en juillet 1974 et des élections libres
ont lieu. Les dictatures ibériques ont été plus longues. Après
sa victoire, Franco a dirigé l’Espagne de 1939 jusqu’à sa mort
en octobre 1975. La transition démocratique négociée entre
le roi, les élites du franquisme et les partis en exil, débouche
sur des élections en juin 1977. Le Portugal a connu un régime
autoritaire encore plus long sous la direction de Salazar (1928-
1968) et de Caetano, jusqu’à la Révolution des œillets, le 25 avril
1974. Une des premières décisions de ces démocraties est
d’intégrer la CEE.

Chapitre 7 • La modification des grands équilibres économiques et politiques mondiaux 157

158
 CHAPITRE
Un tournant social, politique
8 et culturel, la France de 1974 à 1988

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 3 - Les remises en cause économiques, politiques et sociales des années 1970 à 1991

Chapitre 8. Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988

Objectifs du chapitre
Ce chapitre souligne les mutations sociales et culturelles de la société française pendant une période marquée par
de nombreuses réformes et l’émergence de nouvelles questions politiques.
On peut mettre en avant :
– l’alternance politique avec l’élection de François Mitterrand ;
– une société en mutation : évolution de la place et des droits des femmes, place des jeunes et démocratisation
de l’enseignement secondaire et supérieur, immigration et intégration ;
– les transformations du paysage audiovisuel français, l’évolution de la politique culturelle et les nouvelles formes
de la culture populaire.

Points de passage et d’ouverture – 1975 : la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse : un tournant dans l’évolution des droits des femmes ;
– 1981 : abolition de la peine de mort ;
– L’épidémie du SIDA en France : recherche, prévention et luttes politiques.

Problématique du chapitre : alternance » de 1974, qui voit l’élection de Valéry Giscard

Comment la France s’adapte-t-elle face aux évolutions
de la société dans les années 1970 et 1980 ?
La problématique insiste sur les transformations de la société
française, et sur les bouleversements qui en résultent au
niveau politique. En effet, même si l’événement mai 68 est hors
période, il s’agit bien d’étudier une société en mouvement,
travaillée par des revendications nouvelles, au premier rang
desquelles figure l’émancipation de catégories jusque-là
marginalisées : jeunes, femmes, immigrés, homosexuels, etc.
Ces revendications souvent qualifiées de « post-matérialistes »
s’ajoutent aux revendications sociales plus traditionnelles,
portant sur la répartition des revenus et des richesses.
Les questions à aborder portent sur le triptyque « société,
politique, culture », inscrit dans le titre du chapitre :
- Du point de vue social, ce sont la fin des Trente Glorieuses
et les effets de la crise économique consécutives aux deux
chocs pétroliers des années 1970 qui marquent le plus
profondément la France pendant cette période. Après la
prospérité de l’après-guerre, le pays découvre la stagnation
économique, le chômage de masse et l’inflation. Mais dans
le même temps, les dynamiques sociales et « sociétales »
enclenchées autour du moment 1968 se poursuivent. Les
nouveaux mouvements sociaux – néoféminisme, écologie,
luttes pour les droits des immigrés ou des minorités sexuelles –
continuent à travailler les fondements de la société française
et à remettre en cause les cadres établis.
- Les transformations sociales entraînent des évolutions
politiques de taille. La première d’entre elles est la « petite
d’Estaing. Si ce dernier a, certes, été ministre des Finances
de Charles de Gaulle, il a été écarté du gouvernement dès
1966 et a appelé à voter « non » au référendum de 1969 qui
entraîne la démission de Charles de Gaulle. En 1974, il tire profit
des faiblesses du candidat gaulliste Jacques Chaban-Delmas
et accède à l’Élysée avec 50,80 % des voix face au candidat
socialiste, François Mitterrand. Il fait alors voter un ensemble
de réformes destiné à moderniser le pays : majorité à 18 ans,
légalisation de l’IVG, réforme de l’enseignement secondaire
avec la loi Haby, etc. Mais les tensions internes à la majorité
présidentielle – notamment avec la démission du Premier
ministre Jacques Chirac en 1976 – et la montée du chômage
du masse, précipitent la fin de l’expérience giscardienne.
L’alternance qui en résulte en 1981 est, naturellement, la
deuxième évolution politique de la période. Elle se traduit par
la mise en œuvre d’un programme de relance économique et
de nationalisation qui s’enlise dès 1982, et prend fin avec le
« tournant de la rigueur » de 1983. Profitant des difficultés de
la majorité socialiste, la droite revient au pouvoir en 1986 et la
France entre en cohabitation, une expérience institutionnelle
qui marque un troisième tournant dans la période.
- Au point de vue culturel, les quatorze années qui constituent
ce chapitre sont, là encore, marquées par des changements
profonds. Les deux phénomènes majeurs sont, d’une part,
l’émergence d’une culture de masse qui passe notamment
par la télévision de plus en plus présente dans les foyers, et
d’autre part, la circulation accrue des productions culturelles
à l’échelle mondiale, qui permet notamment à la musique

Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988 159

 et au cinéma américains de gagner en audience. Dans ce
contexte, la production culturelle française est traversée de
différentes dynamiques. La musique populaire se transforme
au gré des modes et des goûts du public, mais en préservant
son penchant pour les chansons à textes : Souchon, Renaud,
ou Téléphone, marquent ainsi de leur empreinte la bande-son
des années 1970 et 1980. Le paysage télévisuel connaît quant
à lui des bouleversements successifs, depuis l’éclatement
de l’ORTF en 1974 jusqu’à la privatisation de TF1 sous la
première cohabitation en 1987, en passant par la naissance des
premières chaînes privées, Canal + et La Cinq, avec l’aval du
gouvernement socialiste. Enfin, la démocratisation culturelle
initiée par André Malraux dans les années 1960 se poursuit et
semble même connaître un second souffle avec la nomination
de Jack Lang au ministère de la Culture en 1981. Le prix unique
du livre, l’instauration de la Fête de la musique, ou encore le
lancement des grands projets architecturaux et culturels du
premier septennat de François Mitterrand, visent à élargir
toujours davantage le public ayant accès à la culture.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Le chapitre 8 du programme porte sur une période très
contemporaine, qui englobe une large partie des années
1970 et des années 1980. C’est le « front pionnier » de
l’historiographie qui commence à être défriché depuis
quelques années par nombre d’ouvrages, d’articles et de
thèses. Les bornes chronologiques sont politiques : 1974
correspond à l’élection de Valéry Giscard d’Estaing et au début
des réformes qu’il met en œuvre ; 1988 correspond à la fin
du premier septennat de François Mitterrand et à celle de la
première cohabitation. Ces deux dates insistent donc d’emblée
sur les bouleversements politiques, qu’ils soient voulus, comme
les réformes, ou subis, comme la cohabitation. La difficulté
réside ici dans le fait qu’il est demandé d’étudier également
des phénomènes sociaux et culturels, par essence plus difficiles
à « borner », à l’intérieur de ce cadre chronologique calqué
sur la vie politique.
Notions importantes et personnages principaux :
François Mitterrand (1916-1996) : né en 1916 dans un
milieu familial de droite, passé par Vichy puis par la Résistance
pendant la Seconde Guerre mondiale, François Mitterrand
occupe plusieurs postes ministériels sous la IVe République.
En 1965, il se présente à l’élection présidentielle comme
candidat unique de la gauche face à Charles de Gaulle. Lors
du congrès d’Épinay, en 1971, il devient à la fois adhérent et
Premier secrétaire du Parti socialiste. En 1981, il est candidat
pour la troisième fois à l’élection présidentielle. Il est président
de la République de 1981 à 1995, durant deux mandats.
Simone Veil (1927-2017) : rescapée de la Shoah, Simone
160
Veil devient ministre de la Santé après l’élection de Valéry
Giscard d’Estaing à la présidence de la République. À ce
titre, elle présente devant le parlement le projet de loi sur
la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse.
Elle est alors la cible de mouvements de droite et d’extrême
droite opposés à l’avortement.
Nouveaux mouvements sociaux : expression utilisée pour
désigner les mouvements qui, à partir des années 1960,
insistent dans leurs revendications sur la qualité de la vie et
l’égalité des droits, plutôt que sur la répartition des richesses.
Féminisme : mouvement défendant les droits des femmes
dans tous les domaines de la vie politique, économique,
sociale, pour parvenir à l’égalité homme-femme.
Intégration : insertion des immigrés dans la communauté
nationale, qui passe notamment par l’adoption de codes
culturels partagés.
Cohabitation : coexistence, dans une même période, d’un
président de la République et d’un Premier ministre de
tendances politiques opposées.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Plusieurs parcours peuvent être envisagés pour la mise en
œuvre du chapitre. Tous les points de passage et d’ouverture
doivent apparaître dans chaque parcours, mais il est possible
d’y consacrer plus ou moins de temps : « le professeur est
maître de leur degré d’approfondissement, qui peut donner
lieu à des travaux de recherche documentaire, individuels ou
collectifs, et à des restitutions orales et écrites. »
Parcours « Le rôle du politique » (6 h) : « L’interruption
volontaire de grossesse, un droit nouveau pour les femmes »,
p. 246-247, « La démocratisation de l’enseignement secondaire
et supérieur », p. 248-249, « L’épidémie du sida en France »,
p. 252-253, « 1981, l’élection de François Mitterrand »,
p. 260-261, « L’abolition de la peine de mort », p. 262-263,
« La politique culturelle de François Mitterrand », p. 268-269.
Parcours « Les mutations de la société française » (6 h) :
« L’interruption volontaire de grossesse, un droit nouveau
pour les femmes », p. 246-247, « Immigration et intégration »,
p. 250-251, « L’épidémie du sida en France », p. 252-253, « La
place et les droits des femmes dans la société française »,
p. 256-257, « Les jeunes dans la société française », p. 258-259,
« L’abolition de la peine de mort », p. 262-263.
Parcours « Espoirs et désillusions d’un pays en crise » (5 h).
Une approche transversale plus courte : « L’interruption
volontaire de grossesse, un droit nouveau pour les femmes »,
p. 246-247, « L’épidémie du sida en France », p. 252-253, « Les
jeunes dans la société française », p. 258-259, « L’abolition
de la peine de mort », p. 262-263, « Les transformations du
paysage audiovisuel français », p. 266-267.
 Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Ludivine BANTIGNY, La France à l’heure
du monde. De 1981 à nos jours, Paris, Seuil,
2013.
Alain BERGOUNIOUX et Gérard GRUNBERG,
L’Ambition et le remords : les socialistes
français et le pouvoir (1905-2005), Paris,
Fayard, 2005.
Mathias BERNARD, Les Années Mitterrand. Du
changement socialiste au tournant libéral,
Paris, Belin, 2015.
Jean-Yves LE NAOUR, Histoire de l’abolition
de la peine de mort, Paris, Perrin, « Synthèses
Historiques », 2011.
Bibia PAVARD, Florence ROCHEFORT, et Michelle
ZANCARINI-FOURNEL, Les lois Veil. Contraception
1974, IVG 1975, Paris, Armand Colin,
coll. « U », 2012.
Philippe POIRRIER, L’État et la culture en
France au XXe siècle, Paris, Le Livre de poche,
2000.
Antoine PROST, Éducation, société et
politiques. Une histoire de l’enseignement
en France de 1945 à nos jours, Paris, Seuil,
1992.
Philippe RAYNAUD, L’Esprit de la Ve République.
L’histoire, le régime, le système, Paris, Perrin,
2017.
Jean-Pierre RIOUX et Jean-François SIRINELLI,
L’Histoire culturelle de la France. Le temps
des masses. Le XXe siècle, Paris, Seuil,
coll. « L’univers historique », 1998, coll.
« Points », 2005.
Jean-François SIRINELLI, La Ve République,
Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », nouvelle éd.
2018.
Jean-François SIRINELLI, Les Vingt Décisives.
1965-1985, Paris, Fayard/Pluriel, 2012.
Sitographie
Institut François Mitterrand : http://www.
mitterrand.org
Institut d’histoire du temps présent :
https://www.ihtp.cnrs.fr

spectateurs présents, mais aussi par le rôle que joue la télévision.

Ouverture p. 244-245
Document 1 : Le premier document est une photographie de
Simone Veil en plein débat sur la légalisation de l’interruption
volontaire de grossesse à l’Assemblée nationale. Il évoque les
transformations en cours dans la sphère politique et dans
la sphère sociale au début du septennat de Valéry Giscard
d’Estaing. En effet, alors que le nouveau président de la
République déclare, dans son discours du 25 septembre 1974,
que « la France doit devenir un immense chantier de réformes »
afin de créer une « société libérale avancée », la loi Veil fait
partie des premières réformes mises en œuvre.
En effet, le concert est sponsorisé par La Cinq, chaîne privée et
gratuite lancée en février 1986 par l’homme d’affaires italien
Silvio Berlusconi. Or, les nouveaux médias qui apparaissent dans
les années 1980 – Canal +, La Cinq, TF1 privatisée – soutiennent
activement le développement d’une culture de masse en
France. On pourra souligner aussi la politisation d’une partie
de la jeunesse, le concert étant organisé par SOS Racisme.
POINT DE PASSAGE p. 246-247

Réponse à la question L’interruption volontaire de grossesse,

Cette photographie illustre la place nouvelle qu’occupent
désormais les femmes dans la société française. La loi sur l’IVG
est ici défendue par une femme, ministre de la Santé, ce qui
est un symbole en soi. Mais la ministre – on dit alors : « le »
ministre – fait face à une assemblée presqu’exclusivement
composée d’hommes, comme le rappelle Simone Veil dans son
discours à la tribune. Autrement dit, la place des femmes évolue,
certes, mais lentement, et les mœurs du milieu politique, très
majoritairement masculin, reflètent le rôle encore prépondérant
des hommes dans l’ensemble de la société.
Document 2 : Le second document est une photographie
d’un concert en soutien à SOS Racisme en 1987. Il témoigne
de la massification de la culture et de la multiplication des
concerts géants, dédiés à la musique pop ou rock, au cours
des années 1980. Dans la même période, on peut également
citer l’exemple du concert donné par la chanteuse américaine
Madonna en 1987 au parc de Sceaux, en banlieue parisienne.
Organisé avec le soutien du Premier ministre Jacques Chirac,
il rassemble 130 000 personnes.
Réponse à la question
La photo que nous avons ici illustre le phénomène de
massification de la culture, non seulement par le nombre de
un droit nouveau pour les femmes
Problématique : En quoi la loi Veil de 1975, issue d’une
revendication de la société française, correspond-elle à une
émancipation pour les femmes ?
L’objectif de cette étude, qui correspond à un point de passage
et d’ouverture, est de replacer le vote de la loi Veil de 1975 dans
le contexte des débats sur l’interruption volontaire de grossesse,
ainsi que dans le contexte plus large de l’émancipation des
femmes dans le second XXe siècle. Il s’agit également de montrer
comment le politique se saisit d’une revendication sociale
pour la traduire en loi, mais aussi de rendre compte des lignes
de faille qui traversent le corps social, aussi bien que la classe
politique, sur la question de l’avortement.
Document 1 : Le premier document reprend à la fois la une du
Nouvel Observateur du 5 avril 1971, et le texte du « Manifeste
des 343 » qu’il publie cette semaine-là. Autour de Simone de
Beauvoir, qui a rédigé le texte, les 343 femmes à l’origine de ce
manifeste réclament la légalisation de l’interruption volontaire
de grossesse, alors que la pratique est encore considérée
comme un délit. Elles expliquent avoir eu elles-mêmes recours
à l’avortement, ce qui les expose à des poursuites pénales.
La signature de nombreuses personnalités, comme l’actrice

Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988 161

 Catherine Deneuve, ou encore la réalisatrice Marceline Loridan-
Ivens, donne un poids considérable à cette pétition, qui est à
replacer dans la longue tradition des manifestes intellectuels
qui jalonnent l’histoire contemporaine de la France depuis
l’affaire Dreyfus. La notoriété du texte fait que, quelques
jours plus tard, le 12 avril, le journal satirique Charlie Hebdo,
naturellement favorable aux signataires de l’appel, fait sa
une avec la question irrévérencieuse « Qui a engrossé les 343
salopes du manifeste sur l’avortement ? » Ce à quoi répond
une caricature de Michel Debré, connu pour son opposition à
l’avortement, par le dessinateur Cabu : « C’était pour la France. »
Ce texte marque durablement l’opinion dans le débat sur l’IVG
qui agite la France.
Document 2 : Le procès de Bobigny, en 1972, marque une
autre étape importante dans les débats sur l’IVG. Une jeune
fille mineure, Marie-Claire Chevalier, victime d’un viol commis
par un garçon de son lycée, est alors jugée pour avoir avorté.
Quatre femmes majeures, dont sa mère, sont également
jugées pour complicité. Leur défense est assurée par l’avocate
féministe Gisèle Halimi, qui parvient à médiatiser l’affaire.
Finalement, Marie-Claire Chevalier est relaxée à l’issue d’un
procès s’étant tenu à huis clos en raison de son âge. Quant
au procès public des adultes impliqués dans l’affaire, il se
transforme en procès politique avec le témoignage à la barre
de personnalités engagées comme Simone de Beauvoir, Jean
Rostand, Michel Rocard, ou encore Aimé Césaire. La mère de
la jeune fille est condamnée à une faible amende avec sursis,
tandis que la « faiseuse d’ange », qui a pratiqué l’avortement,
est condamnée à un an de prison avec sursis.
Document 3 : Le Mouvement de libération des femmes (MLF),
né en 1971, est l’une des principales organisations féministes
à défendre le droit des femmes à disposer de leur corps, et
donc à pouvoir avorter. Il incarne la deuxième vague féministe
qui se développe dans les « années 68 », cette période de
contestation sociale qui commence à la fin des années 1960
et englobe les années 1970.
Document 4 : Le discours prononcé par Simone Veil, ministre
de la Santé du président Giscard d’Estaing, à l’occasion du débat
parlementaire sur la légalisation de l’interruption volontaire de
grossesse est resté célèbre. Simone Veil doit notamment faire
face à une opposition résolue issue de la majorité présidentielle,
et notamment de la droite conservatrice. Le projet de loi qui
est alors présenté prévoit d’autoriser l’IVG avant la fin de la
dixième semaine de grossesse, sous certaines conditions,
qu’il s’agisse d’un motif thérapeutique ou de l’existence d’une
situation de détresse pour la femme qui en fait la demande.
Au-delà des conditions posées, les médecins et personnels de
santé disposent également d’une clause de conscience qui
leur permet de s’abstenir de participer à une IVG. La loi est
finalement adoptée le 17 janvier 1975, pour une durée de 5 ans
à titre expérimental. Elle vient compléter un premier dispositif
législatif, la loi du 4 décembre 1974, déjà initiée par Simone
Veil, qui autorise les centres de planning familial à délivrer
aux mineures à titre gratuit et anonyme des contraceptifs sur
prescription médicale, sans limite d’âge.
Document 5 : L’ancien Premier ministre Michel Debré, désormais
député gaulliste de la Réunion, est l’un des opposants les plus
résolus à l’interruption volontaire de grossesse. Ses interventions
lors du débat parlementaire sur la loi Veil reflètent notamment
162
les positions de l’Église catholique, pour laquelle l’embryon serait
un être humain dès sa conception. Ses prises de position restent
néanmoins pondérées au regard des outrances de certains
autres députés. Par exemple, le chirurgien et député René
Feït, pourtant membre des Républicains indépendants, c’est-
à-dire le parti de Valéry Giscard d’Estaing, attaque violemment
le projet de loi à plusieurs reprises. Il fait d’abord écouter à
l’Hémicycle l’enregistrement sur magnétophone des battements
du cœur d’un fœtus de huit semaines, puis il explique que
la loi « ferait chaque année deux fois plus de victimes que la
bombe d’Hiroshima ». En dehors de l’Assemblée nationale, les
attaques antisémites contre Simone Veil, rescapée de la Shoah,
se multiplient également dans les milieux d’extrême droite.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La voix des femmes se fait entendre au début des
années 1970 sur la question de l’avortement de différentes
façons. Premièrement, les femmes acceptent de moins en
moins la domination que les hommes se sont octroyée sur
leurs corps et beaucoup d’entre elles veulent pouvoir avorter,
par exemple en cas de viol. C’est ce que montre le procès de
Bobigny : une mère a aidé sa fille à avorter après l’agression
que celle-ci a subie, avec le soutien de plusieurs de ses proches
et en ayant recours à une « faiseuse d’ange », ces femmes qui
pratiquent des avortements clandestins. Deuxièmement, des
personnalités et des associations féministes revendiquent, du
point de vue politique, le droit à l’avortement : on le voit, de
nouveau, au moment du procès de Bobigny, mais également
lors des manifestations organisées par le MLF. Troisièmement,
on constate que la voix des femmes est désormais portée
au plus haut niveau de l’État par des femmes ministres, à
l’exemple de Simone Veil, qui souhaite inscrire dans la loi
l’une des revendications phares du mouvement féministe des
« années 68 », celle du droit à l’IVG. Elle souhaite d’ailleurs, dans
ce discours, « partager une conviction de femme ».
Question 2 : Le discours de Simone Veil pour défendre le
droit à l’interruption volontaire de grossesse est extrêmement
prudent, car la ministre s’exprime au nom d’une majorité de
droite, parfois conservatrice sur les questions de société. Elle
souligne, d’abord, que l’avortement correspond toujours à des
situations de détresse chez les femmes qui y ont recours, et
que l’avortement « restera toujours un drame » : il s’agit ici de
rassurer les députés qui s’inquièteraient d’une hausse brutale
des avortements et peut-être d’une baisse de la natalité en cas
d’adoption de la loi. Simone Veil souligne, ensuite, le manque
de soutien et d’assistance qui frappe les femmes en situation de
détresse à cause d’une grossesse non désirée : non seulement
celles-ci ne sont pas accompagnées par l’État, mais de surcroît
la morale conservatrice les rejette dans « l’opprobre, la honte
et la solitude ». Abandonnées, celles-ci risquent parfois leur vie
en ayant recours à des avortements clandestins. Le deuxième
argument mobilisé par la ministre est donc celui de la nécessaire
assistance que l’État doit porter à des femmes en difficulté.
Question 3 : Michel Debré insiste sur la notion de « vie
humaine ». Celle-ci commence, à ses yeux, dès la formation de
l’embryon, les quelques cellules qui le composent constituant
déjà, selon lui, un être humain en puissance. On retrouve ici
la vision traditionnelle de l’Église catholique. Mais on peut
également percevoir la dimension nataliste de son discours,
l’inquiétude pour la natalité étant une caractéristique habituelle
de la droite française : il souhaite en effet « promouvoir la
maternité ». Michel Debré se montre néanmoins ouvert à la
possibilité de « procédures raisonnables mais exceptionnelles »
en cas de « détresses dramatiques », notamment en cas de
problème médical et de danger grave pour la vie de la mère.
Bilan Dans ce bilan, l’élève devra montrer le rôle des
différents acteurs dans le processus, d’abord, de politisation
d’une question de société, et ensuite, d’élaboration de la loi. Pour
saisir le premier aspect, à savoir la politisation de la question de
l’avortement, il devra insister sur le rôle du mouvement féministe
des années 1970, qui s’inscrit dans la « deuxième vague » du
féminisme – la première vague correspondant au féminisme
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, qui réclamait
notamment le droit de vote pour les femmes. Toujours pour
montrer la politisation de la question, l’élève devra également
montrer l’implication des intellectuels, classique dans l’histoire
de France, en faveur de la reconnaissance du droit à l’IVG : ici,
c’est naturellement le nom de Simone de Beauvoir qui devra
être mis en avant. S’agissant du second aspect de la question, il
faudra montrer l’acuité des clivages au sein du monde politique :
le processus législatif est ici rendu plus ardu par le fait que la
majorité elle-même est divisée sur l’opportunité du projet de loi.
On peut attendre des élèves qu’ils constatent que les clivages
moraux et éthiques l’emportent ici sur les clivages politiques.
Parcours 2
On attend dans cette seconde approche que l’élève identifie
les clivages qui existent au sein même de la majorité sur la loi
Veil. Cette majorité est en effet composite : si Valéry Giscard
d’Estaing est lui-même issu des Républicains indépendants
(RI), un parti de la droite libéral, il doit composer avec d’autres
forces politiques de la droite et du centre, et en particulier avec
l’Union des démocrates pour la République (UDR), le parti
gaulliste. Or, cette dernière composante est majoritairement
beaucoup plus conservatrice sur les questions de société,
comme le montre ici l’intervention de Michel Debré. À l’inverse,
Simone Veil, issue du centre droit, se montre en pointe sur les
droits des femmes. Le débat sur la loi Veil n’est donc pas un
débat entre la gauche et la droite, les questions de société
créant des lignes de faille qui traversent chacun de ces deux
blocs. C’est d’ailleurs grâce aux voix venues de la gauche que
la loi Veil est adoptée à l’Assemblée nationale.
On remarquera les divergences qui existent au niveau des
arguments mobilisés par chacun des deux textes. Alors que la
« progressiste » Simone Veil recourt à un argumentaire mâtiné
de féminisme, mettant notamment en avant le désarroi de
femmes laissées pour compte par la société, le « conservateur »
Michel Debré mobilise des arguments plus métaphysiques,
qui reflètent ses conceptions religieuses, et défend que la vie
ne commence pas à la naissance mais « dès le moment où
une nouvelle cellule est conçue ». On notera, par ailleurs, le
caractère extrêmement prudent du discours de Simone Veil
qui, s’il est certes au diapason des revendications féministes,
cherche tout de même à rassurer l’auditoire conservateur au
sein de la majorité présidentielle : la ministre de la Santé, tout
en défendant la légalisation de l’IVG, explique aussi qu’il faut
« autant que possible, en dissuader la femme ».
En fin de compte, les contradictions internes de la majorité
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
giscardienne s’expriment dès 1974 lors des débats sur l’IVG.
Elles déboucheront, deux ans plus tard, sur l’éclatement de
cette majorité en deux ensembles rivaux bientôt constitués
en partis : le Rassemblement pour la République (RPR) pour
la droite néo-gaulliste, et l’Union pour la démocratie française
(UDF) pour les droites libérale et centriste.
Étude p. 248-249
La démocratisation de l’enseignement
secondaire et supérieur
Problématique : Comment se confirme la démocratisation de
l’enseignement secondaire et supérieur entre 1974 et 1988 ?
L’objectif de cette étude est de réfléchir à la démocratisation
de l’enseignement secondaire et supérieur comme trait
important de la période. Ce mouvement de démocratisation,
voire de massification, de l’enseignement trouve son origine
dans la décennie qui précède. En effet, la transformation du
système éducatif est amorcée dès le début des années 1960 :
un conseiller du ministre de l’Éducation nationale Christian
Fouchet affirme ainsi dès 1963 que « les méthodes adaptées
à l’heureuse formation d’un petit nombre de privilégiés ne
valent plus pour la masse qui envahit les établissements
d’enseignement secondaire ». Le mouvement s’accélère avec
Alain Peyrefitte, nommé ministre de l’Éducation nationale
en 1967. Puis, après avoir connu un temps de pause sous la
présidence de Georges Pompidou, réticent à l’idée d’alléger
les programmes et de transformer le rapport maître-élève, il
reprend à partir de 1974. Au-delà de ces aspects chronologiques,
la question nous amène à réfléchir à la fois sur les évolutions
de la société française, avec des jeunes qui sont de plus en
plus diplômés et entrent de plus en plus tard sur le marché
du travail, et sur les politiques publiques mises en œuvre en
direction de la jeunesse.
Documents 1 et 2 : Ces deux graphiques rendent comptent
de la croissance substantielle du pourcentage de bacheliers
dans chaque génération scolaire, et du nombre d’étudiants
de l’enseignement supérieur entre 1960 et 1990. On notera
que le pourcentage de bacheliers tient compte des chiffres
du bac professionnel, créé par la loi du 23 décembre 1985 sur
l’enseignement technologique et professionnel.
Document 3 : La loi Haby ouvre une nouvelle étape de la
démocratisation de l’enseignement secondaire. Celle-ci doit son
nom au ministre de l’Éducation nationale René Haby, nommé
après l’élection de Valéry Giscard d’Estaing. Elle prévoit la mise
en œuvre d’un collège unique pour tous les élèves de 11 à
15 ans, ce qui n’empêche pas que certains d’entre eux puissent
recevoir des enseignements complémentaires préparant à une
formation professionnelle en classes de 4e et 3e. Par ailleurs,
la loi Haby consacre la notion de « communauté scolaire »
ou « communauté éducative », celle-ci étant composée des
professeurs, des élèves et des parents d’élèves, chacun devant
désormais contribuer au bon fonctionnement de l’institution
scolaire.
Document 4 : Le document 4 est une photographie d’une
manifestation contre le projet de loi Savary en 1984. Ce
projet de loi, présenté par le ministre de l’Éducation nationale
163
 Alain Savary, vise à la création d’un grand service public unifié dispensent un enseignement commun, réparti sur quatre
et laïque de l’éducation. Cela signifierait notamment la fin de niveaux successifs ». La loi insiste également sur l’équilibre
l’enseignement scolaire confessionnel et privé, dit « libre » depuis qui doit prévaloir entre les disciplines : tous les élèves doivent
la loi Falloux du 15 mars 1850. Mais, alors que le gouvernement recevoir un enseignement qui soit à la fois intellectuel, artistique,
socialiste de Pierre Mauroy est déjà affaibli politiquement et manuel, physique.
électoralement, un an après le « tournant de la rigueur », un
Question 3 : Le gouvernement Mauroy, à l’origine de la loi
fort mouvement de protestation venu de la droite s’oppose
Savary cherche à augmenter le pourcentage de diplômés de
au projet. Il aboutit notamment à la manifestation parisienne
l’enseignement supérieur afin de répondre aux demandes du
du 24 juin 1984, qui rassemble deux millions de personnes
marché du travail. Cette adaptation de la formation universitaire
selon les organisateurs et 850 000 selon la police. Des évêques
à la réalité du marché du travail apparaît comme l’un des leviers
catholiques, dont Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris,
possibles pour améliorer l’insertion des jeunes dans le monde
apportent leur soutien aux manifestants. Ils sont rejoints
professionnel, dans un contexte économique toujours marqué
par des personnalités politiques telles que Valéry Giscard
par un fort taux de chômage.
d’Estaing, Jacques Chirac ou Jacques Chaban-Delmas. Face à
cette mobilisation, François Mitterrand recule et annonce le Question 4 : Les échecs successifs du projet Savary en 1984 et
retrait du projet de loi lors de son intervention télévisée du du projet Devaquet en 1986 témoignent de la forte politisation
14 juillet 1984. Quelques jours plus tard, Alain Savary présente des questions relatives à l’éducation, tout autant que de la
sa démission, suivi du Premier ministre Pierre Mauroy. fragilité politique des gouvernements qui les portent. Ainsi,
le gouvernement Mauroy en 1984 a perdu une part de la
Document 5 : Si le projet Savary sur la création d’un grand
légitimité dont il disposait trois ans plus tôt, en échouant face à
service public de l’éducation échoue, Alain Savary fait en
la crise économique et en essuyant plusieurs échecs électoraux
revanche adopter une réforme importante de l’enseignement
(municipales de 1983, européennes de 1984). Quant au
supérieur. En cherchant à moderniser l’université, la loi du
gouvernement Chirac, c’est un gouvernement de cohabitation
26 janvier 1984 sur l’enseignement supérieur, dite loi Savary,
qui doit notamment faire face à l’opposition régulière du
confirme l’ouverture de celle-ci à un nombre croissant
président de la République : ce dérèglement institutionnel
d’étudiants.
que constitue la cohabitation hypothèque d’emblée la vaste
Document 6 : Le document 6 est une photographie de la grande réforme qu’il souhaite pour l’université. Par ailleurs, en 1986,
manifestation parisienne du 4 décembre 1986 contre le projet de la prégnance de la crise économique exacerbe les inquiétudes
loi Devaquet. Ce projet de réforme des universités, voulu par le de la jeunesse et renforce le mouvement étudiant, largement
gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac, tient son nom dominé par le syndicat UNEF-ID.
du ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur,
Bilan La démocratisation de l’enseignement est le fait
Alain Devaquet. Il ouvre notamment la voie à la sélection
marquant des politiques éducatives conduites à partir du début
des étudiants à l’entrée des universités, et doit permettre la
des années 1960. Celle de l’enseignement secondaire transforme
délivrance de diplômes locaux en sus des diplômes nationaux –
en profondeur le paysage scolaire français : entre 1960 et 1990,
ce que le syndicat UNEF-ID (Union nationale des étudiants de
le pourcentage de bacheliers dans une génération est multiplié
France-Indépendante et démocratique) dénonce alors comme
par quatre, ce qui fait mécaniquement augmenter le nombre
la possibilité d’une mise en concurrence des universités. Ces
d’étudiants de l’enseignement supérieur, qui est quant à lui
perspectives suscitent une vaste mobilisation étudiante en
multiplié par sept. L’augmentation du taux de diplomation dans
novembre et décembre 1986. La mort du jeune Malik Oussekine,
la population est le résultat indirect de la démocratisation de
victime des coups infligés par deux policiers « voltigeurs » en
l’enseignement secondaire, via le baccalauréat.
marge des manifestations étudiantes, aboutit au retrait du
projet et à la démission d’Alain Devaquet.
Parcours 2
Réponses aux questions : On attend ici des élèves qu’ils identifient les lignes de faille
Parcours 1 idéologiques qui structurent le débat sur l’éducation en France.
Alors que le projet de loi Savary, qui se veut social et laïque,
Question 1 : Le nombre de bacheliers et d’étudiants augmente
suscite une levée de bouclier de la droite favorable à « l’école
fortement entre les années 1960 et la fin des années 1980. Le
libre » telle que la définit la loi Falloux de 1850, le projet de loi
pourcentage de bacheliers dans chaque génération d’élèves
Devaquet doit quant à lui faire face à l’opposition de la gauche
est ainsi multiplié par quatre, passant de 11,4 en 1960 à 43,5 %
et du syndicat étudiant UNEF-ID. Bien qu’elles s’appliquent
en 1990 (bac professionnel compris). Le nombre d’étudiants de
pour l’une à l’enseignement secondaire et pour l’autre à
l’enseignement supérieur (université, classes préparatoires et
l’enseignement supérieur, ces deux réformes développent,
BTS) est multiplié par sept, passant d’un peu plus de 200 000
en effet, des visions opposées de l’enseignement : unifié, laïque
en 1960 à 1,4 million en 1990, l’essentiel de cet effectif étant
et correspondant à un grand service public de l’éducation dans
constitué d’étudiants de l’université (presque 1,2 million en
le premier cas ; favorable à l’autonomie, à la libre fixation des
1990).
frais de scolarité et à la délivrance de diplômes propres aux
Question 2 : La mesure centrale de la loi Haby est la création établissements dans le second.
d’un « collège unique » pour tous les élèves : « Les collèges

164

Étude p. 250-251
Immigration et intégration
Problématique : Comment les phénomènes migratoires
évoluent-ils, quels débats politiques nouveaux entraînent-ils ?
Les phénomènes migratoires se transforment de façon
substantielle pendant la période. D’abord, ils s’intensifient, dans
un contexte mondial où les circulations humaines apparaissent
facilitées. Ensuite, ils se déplacent, leur origine étant de plus
en plus souvent extra-européenne. Enfin, ils concernent des
populations sensiblement différentes par rapport à la période
des Trente Glorieuses : les migrations de regroupement familial
ont tendance à remplacer les migrations de travailleurs immigrés
après 1974. Par ailleurs, ces phénomènes migratoires, de même
que la question de l’intégration des immigrés, sont de plus en
plus politisés : alors que la France ne parvient pas à sortir de la
stagnation économique et à résorber le chômage, les immigrés
et leurs descendants sont accusés par une partie de la droite
et par l’extrême droite, alors en pleine renaissance, de porter
la responsabilité des maux du pays.
Document 1 : Ce graphique rend compte du nombre d’étrangers
établis sur le territoire français entre 1946 et 1990. Il convient,
en effet, de replacer les phénomènes migratoires dans le temps
long du second XXe siècle pour rendre plus intelligibles les débats
qui émergent autour de ceux-ci. Or, on constate un doublement
du nombre d’étrangers en France, celui-ci passant de deux
millions en 1946 à plus de quatre millions en 1990. L’année 1974
marque une rupture relative : avant cette date, la croissance
est forte car la France fait appel aux travailleurs immigrés pour
reconstruire le pays après la guerre ; après 1974, la suspension
de l’immigration économique par le gouvernement de Jacques
Chirac a pour effet de ralentir cette croissance.
Document 2 : À la fin des années 1970, le sociologue Abdelmalek
Sayad publie une série d’entretiens avec Zahoua, étudiante
algérienne, dont la famille s’est installée en France en 1954. Il
décrit, en préambule, la famille de l’étudiante. C’est l’occasion
pour lui d’identifier les deux générations qui composent les
« immigrés d’Afrique du Nord » : celle des parents, qui ont
souvent conservé leur nationalité de naissance, et celle des
enfants, qui sont souvent nés Français et dont les aspirations
sont sensiblement différentes. On notera que les itinéraires
personnels décrits reflètent les évolutions de l’immigration
en France, puisque les Maghrébins (Marocains, Tunisiens
et Algériens) représentent une part grandissante des flux
migratoires à partir des années 1960.
Document 3 : Le Front national (FN), parti d’extrême droite
créé en 1972 et dirigé depuis sa création par Jean-Marie Le
Pen, développe dans les années 1980 un programme très
hostile à l’immigration. Dès 1983, à l’occasion des élections
municipales, il réalise des scores élevés dans plusieurs villes,
comme à Dreux, où le candidat FN rassemble 16,7 % des voix.
Puis, aux élections européennes de 1984, la liste FN arrive en
quatrième position, avec un peu moins de 11 % des voix, juste
derrière le Parti communiste. Le document 3 est une affiche
utilisée par le FN à l’occasion de l’élection présidentielle de
1988. Il résume dans ses grands axes le programme frontiste :
rétablissement de la peine de mort, « préférence nationale »
sur le marché du travail, soutien à la natalité et conservatisme
social avec le « revenu maternel », référendum d’initiative
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
populaire – une idée qui a alors le vent en poupe y compris
à gauche –, et réduction de l’immigration. À l’issue de cette
élection, Jean-Marie Le Pen réalise une percée tonitruante avec
14,38 % des voix, ce qui le place en quatrième position derrière
François Mitterrand (34,11 % des voix), Jacques Chirac (19,96 %
des voix) et Raymond Barre (16,54 % des voix).
Document 4 : Soutenus par des associations, des journalistes et
des personnalités politiques, des jeunes issus de l’immigration
et habitant le quartier des Minguettes, à Vénissieux, près de
Lyon, lancent en 1983 un appel à marcher vers Paris pour
demander au gouvernement de lutter plus efficacement contre
le racisme. Partie le 15 octobre, cette marche prend une ampleur
inattendue : elle commence à augmenter quand le mouvement
atteint Lyon puis Grenoble. Après l’étape de Mulhouse, la
marche est rejointe par de nombreuses personnalités comme
le ministre de la Culture Jack Lang, l’archevêque de Paris Mgr
Lustiger, ou encore les chanteurs Renaud et Enrico Macias.
Parfois surnommée « Marche des Beurs », elle résume le mal-
être d’une « deuxième génération » souvent née en France,
en quête d’intégration dans la société française. Pour autant,
bien qu’une délégation soit reçue par le président Mitterrand,
l’événement ne produit que de faibles retombées, la principale
d’entre elle étant l’extension à 10 ans de la carte de séjour, alors
que les « Beurs » sont pour la plupart de nationalité française.
Document 5 : Le droit de vote des étrangers aux élections locales
est inscrit dans les 110 propositions du candidat Mitterrand, en
quatre-vingtième position, dès 1981. Pourtant, cette mesure
n’est jamais mise en œuvre. Tout au plus, en vertu du traité de
Maastricht, qui définit une citoyenneté européenne, le droit
de vote sera accordé aux ressortissants des pays membres de
l’Union européenne aux élections municipales et européennes
en 1992. L’affiche représentée ici est éditée par un collectif,
les « Jeunes pour l’égalité des droits et contre le racisme de la
région parisienne », à l’occasion des élections législatives de
1986. Ils revendiquent le droit de vote pour les étrangers, et
fait référence au slogan de l’association SOS Racisme, fondée
en 1984 : « Touche pas à mon pote. »
Document 6 : En juillet 1981, le ministre de l’Intérieur Gaston
Defferre assouplit les conditions d’accès au titre de séjour et au
droit d’asile, et suspend la plupart des expulsions de migrants
illégaux, en attendant une régularisation de ceux-ci. L’article du
Monde reproduit ici rend compte du contenu de la circulaire
qui est alors communiquée aux services de l’État.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les « première » et « deuxième » générations de
l’immigration maghrébine ne se distinguent pas tant par leur
lieu de naissance, que par le rapport à la France différencié
qu’elles manifestent. Dans la « première » génération, le père
de Zahoua, Ahmed, présente le profil d’un travailleur immigré,
qui a passé 17 ans en France pour travailler, et qui espère
retourner définitivement en Algérie à l’âge de la retraite. Il meurt
d’ailleurs dans « son village » peu après s’y être réinstallé. Dans
la « deuxième génération », on trouve les enfants d’Ahmed, qui
sont pour certains nés en Algérie, mais qui ont tous passé au
moins une partie de leur enfance et de leur adolescence en
France : l’aîné est arrivé à 12 ans, Zahoua est arrivée l’année
même de sa naissance, tandis que Saïda est née en France.
165
 La France est, de ce fait, devenue leur pays, ce qui a aussi eu
pour conséquence de les éloigner de la culture d’origine de
leurs parents. Certains des enfants conservent néanmoins
des liens avec l’Algérie : Saïda, la dernière fille, épouse ainsi
un étudiant de nationalité algérienne.
Question 2 : Le nouveau gouvernement socialiste se montre
favorable à l’immigration et facilite l’accès au titre de séjour
et, pour les personnes concernées, au statut de réfugié. Cette
politique migratoire est généralement approuvée par la gauche,
mais elle est souvent taxée de laxisme à droite. L’extrême droite
en profite même pour développer un discours franchement
hostile à l’immigration, comme le montre l’affiche de Jean-
Marie Le Pen en 1988.
Question 3 : L’insertion dans la société française, autrement
appelée intégration, s’opère de différentes manières chez les
personnes issues de l’immigration maghrébine. Celle-ci passe
d’abord par l’école et l’acquisition d’une culture partagée
avec l’ensemble de la population. Elle passe également par le
travail, bien que l’accès à l’emploi soit rendu plus difficile par
la crise économique. Mais elle passe aussi par l’expression de
revendications politiques, contre le racisme qui se développe,
ou en faveur du droit de vote des étrangers, même si cette
revendication concerne finalement peu la « deuxième
génération », souvent de nationalité française.
Bilan On peut attendre dans ce paragraphe de bilan que
l’élève évoque les différentes transformations de l’immigration :
croissance du nombre de ressortissants étrangers dans le pays,
passage d’une immigration économique à une immigration de
regroupement familial, proportion plus élevée qu’auparavant
de migrants extra-européens, transformation du rapport à la
France et à l’intégration pour la « deuxième » génération. Sur
le versant des débats politiques autour de l’immigration, il
conviendra de mettre en lumière la politisation grandissante
des questions migratoires en raison de la crise économique,
ainsi que la structuration du débat selon une ligne de faille
gauche-droite assez classique. On veillera toutefois à bien
distinguer la spécificité du discours du FN, particulièrement
hostile à l’immigration.
Parcours 2
La fin des années 1970 et le début des années 1980
correspondent à une mutation dans l’image de « l’immigré » :
la figure du travailleur immigré, venu en France seul, pour
travailler, avant de peut-être repartir, laisse la place à celle
de l’immigré venu en France pour y vivre durablement.
Combiné à la montée du chômage de masse résultant de
la crise économique, ce phénomène contribue à politiser la
question de l’immigration, qui faisait auparavant consensus,
tant le besoin de bras pour reconstruire après la guerre était
prégnant pendant les Trente Glorieuses. Désormais, la droite
aura tendance à être associée au refus de l’immigration, et la
gauche à l’accueil des migrants, même si ce clivage gauche-
droite se brouille à plusieurs reprises, par exemple lorsque le
PCF émet des critiques à l’égard de l’immigration à la fin des
années 1970. En tout cas, le programme socialiste en 1981 se
montre très ouvert à l’immigration, quand la droite affermit
son discours, comme en témoigne la première loi Pasqua
en 1986, qui durcit les conditions d’entrée et de séjour des
étrangers en France. Parallèlement à ce débat gauche-droite,
166
le Front national apparaît comme un nouvel acteur politique
dont le discours est centré autour du rejet de l’immigration,
celle-ci étant présentée par les candidats FN comme la cause
des difficultés économiques du pays. Enfin, on notera que des
collectifs et associations de défense des droits des immigrés
gagnent en audience à partir du début des années 1980, comme
le montre la Marche pour l’égalité et contre le racisme en 1983.
POINT DE PASSAGE p. 252-253
L’épidémie du sida en France
Problématique : Comment la société française et les pouvoirs
publics réagissent-ils face à une épidémie d’un type nouveau ?
Cette étude sur l’épidémie de sida en France se situe au
croisement des trois dimensions considérées par le chapitre.
La dimension sociale, premièrement, réside dans le changement
brutal qui frappe alors une société dont les mœurs s’étaient
largement libérées depuis les années 1960, notamment dans
le domaine de la sexualité. Le sida, sexuellement transmissible,
contrevient à cette sexualité plus libre et instille dans la sphère
sociale des peurs nouvelles. Il contribue dans le même temps
à marginaliser davantage encore la population homosexuelle,
au sein de laquelle la prévalence de la maladie est plus élevée,
alors qu’elle avait obtenu un début de visibilité en 1981 grâce
à l’abrogation, dans le Code pénal, des discriminations qui
la frappaient encore. La dimension politique, ensuite, est
questionnée à travers les réponses que l’État cherche à apporter
à l’épidémie, en termes d’accompagnement des malades, mais
aussi et surtout en termes de prévention à destination en
particulier des jeunes, plus vulnérables en raison de possibles
comportements à risque. Ce second aspect de la question
met en lumière le rôle des individus : par exemple, l’action de
Michèle Barzach, ministre de la Santé du gouvernement Chirac
entre 1986 et 1988, est souvent mise en avant car elle initie
une politique publique offensive en matière de recherche et
de prévention de la maladie. La dimension culturelle, enfin, est
également sous-jacente dans la mesure où l’épidémie de sida
participe de la grande désillusion des années 1980, marquée
par la déception des espoirs de la jeunesse.
Document 1 : Le récit d’Hervé Guibert permet de comprendre
le désarroi des malades du sida au début des années 1980. En
effet, l’auteur relate la découverte de sa maladie et rend compte
des mauvais diagnostics et parfois du manque d’écoute dont il
est victime auprès des médecins, l’un d’entre eux allant jusqu’à
lui diagnostiquer une dysmorphophobie, c’est-à-dire un trouble
psychique. Seul le docteur Nacier se montre à l’écoute. Mais la
santé de ce dernier se dégrade à son tour, et l’auteur découvre
quelque temps plus tard qu’il est, lui aussi, contaminé.
Document 2 : La courbe du nombre de décès attribués
au sida en France montre que les premières victimes sont
comptabilisées en 1983. Mais c’est à partir de 1986 que leur
nombre devient réellement préoccupant aux yeux des pouvoirs
publics, avec plus de 600 décès annuels. Le mitan de la décennie
marque donc un tournant dans l’épidémie. Les transfusions
de sang contaminé à partir de 1985 – dans le contexte de ce
qui deviendra quelques années plus tard le scandale du sang
contaminé – participe de l’accélération de l’épidémie.
Document 3 : Le ministère de la Santé réagit à l’épidémie à partir
de 1987 par une vaste campagne d’information qui cible d’abord
les jeunes, en raison de leurs comportements potentiellement
à risque. La ministre de la Santé du gouvernement de Jacques
Chirac, Michèle Barzach, soutient cette campagne qui passe par
l’édition d’une brochure d’information, des affiches, plusieurs
clips télévisés, et un service Minitel dédié. Le message se
veut optimiste, comme le montre le texte de l’un des clips
télédiffusés, avec en musique de fond la ritournelle de Il court,
il court, le furet : « Le sida ce n’est pas une épidémie, c’est une
maladie qu’on peut éviter. Il se transmet seulement par les
relations sexuelles et par le sang. Alors c’est facile de se protéger,
de protéger ceux qu’on aime, il suffit de s’informer. Il ne passera
pas par moi ».
Document 4 : Plusieurs associations sont fondées pour lutter
contre les discriminations qui frappent les malades du sida,
d’abord aux États-Unis puis en France. Act Up naît ainsi à New
York en 1987, et inspire la création de Act Up-Paris deux ans
plus tard. Regroupant des militants des droits des homosexuels,
l’association recourt à des campagnes de communication choc.
Ses affiches utilisent notamment le triangle rose, imposé aux
homosexuels dans les camps de concentration nazis. Sur cette
photographie d’une manifestation d’Act Up, on voit apparaître
le principal slogan de l’association : « SILENCE = MORT ».
Document 5 : La communauté homosexuelle est sévèrement
frappée par l’épidémie de sida au milieu des années 1980.
Michel Defert, qui vient de voir son compagnon, le philosophe
Michel Foucault, succomber à la maladie, propose de créer
une association destinée à accompagner les malades et leurs
proches. C’est l’une des particularités de l’épidémie de sida :
une partie des malades cherchent à reprendre leur destin en
main par la création d’associations comme AIDES ici.
Document 6 : Réalisé au début de l’année 1987, ce sujet
diffusé dans le journal télévisé d’Antenne 2 fait le point sur
la situation de l’épidémie de sida : propagation, état de la
recherche médicale, moyens de prévention.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le témoignage d’Hervé Guibert montre que les
médecins sont, au début des années 1980, incapables de poser
un diagnostic sur le mal dont souffre l’auteur. En conséquence,
les traitements prescrits, parmi lesquels des antibiotiques,
sont inopérants. Cette méconnaissance de la maladie et de
ses modes de transmission explique la multiplication des
contaminations. Le nombre de décès dus au sida est ainsi
multiplié par 30 entre 1983 et 1987.
Question 2 : Les médias sont le principal moyen d’alerter
l’opinion publique sur les dangers de la maladie et sur les
moyens d’empêcher sa propagation. C’est pourquoi les
pouvoirs publics et les médecins y ont recours, comme lors
de la campagne d’information de 1987. Des associations de
lutte contre le VIH, que ce soit AIDES ou encore Act Up, sont
également constituées pour diffuser une information sûre aux
malades et aux personnes les plus exposées.
Question 3 : La réponse des pouvoirs publics face à l’épidémie
s’exprime sur deux plans complémentaires. D’abord, l’État
soutient la recherche sur la maladie, et ce soutien porte ses
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
fruits, comme on peut le voir dans la chronologie introductive.
Ainsi, à partir de 1983, l’équipe du professeur Montagnier, à
l’Institut Pasteur de Paris, réalise des découvertes décisives qui
la mènent à identifier le virus responsable du sida, le VIH (virus
de l’immunodéficience humaine). Grâce à ces découvertes,
la France fait jeu égal avec les États-Unis en matière de
recherche scientifique sur le sida dans les années 1980. Ensuite,
le gouvernement finance, à partir de 1987, des campagnes
d’information qui passe notamment par la télévision. Cette
information est essentielle pour prévenir la propagation du virus.
Question 4 : Le sida devient une cause nationale en 1987
car désormais il ne touche plus seulement quelques groupes
peu nombreux – principalement des homosexuels ou des
toxicomanes –, mais une part grandissante de la population,
hommes, femmes et enfants, partout dans le monde et
notamment en Afrique. Les pays occidentaux, comme la France
et le Royaume-Uni, décident donc de financer des campagnes
de sensibilisation destinées à limiter la propagation du virus.
Bilan On attend ici des élèves qu’ils identifient, en premier
lieu, les différents types de réponse apportés à l’épidémie
de sida par les pouvoirs publics : investissement dans la
recherche scientifique, mais aussi campagnes d’information
et de prévention via les médias. Mais il faudra également tenir
compte des réponses de la société elle-même : la mobilisation
de certains médecins, ou encore la constitution d’associations
d’aide aux victimes du sida et à leurs familles, doivent ainsi
être évoquées.
Parcours 2
Dans cet entraînement aux E3C, on attend de l’élève qu’il
soit capable d’identifier l’articulation et la combinaison de
différents acteurs face à la maladie. L’État, d’abord, finance la
recherche ainsi que des campagnes de prévention à destination
du grand public. Les médecins, ensuite, après avoir compris
le fonctionnement de la maladie, deviennent les conseillers
privilégiés des pouvoirs publics. Les médias, quant à eux,
jouent un rôle essentiel dans la mesure où ils diffusent les
campagnes de prévention et ouvrent régulièrement leur
antenne aux médecins et aux chercheurs, qui peuvent ainsi
informer l’opinion publique. Les associations d’aide aux malades
du sida, enfin, diffusent une information plus ciblée – par
exemple à destination des populations homosexuelles –, aident
les victimes et leur proches à affronter la maladie, et mettent
également leur expertise au service des pouvoirs publiques
pour améliorer la prise en charge des malades.
Leçon 1 p. 254-255
1974-1988, les transformations sociales
de la France
Problématique : Comment la société française se transforme-t-
elle dans les années 1970 et 1980 et quelles sont ses nouvelles
aspirations ?
Cette leçon aborde le premier point du triptyque société/
politique/culture qui est au centre du chapitre. Il s’agit de
s’interroger sur les transformations de la société française dans
la période, et sur la manière dont certaines revendications
167
 sociales sont traduites en réformes et évolutions législatives.
Évidemment, les transformations sociales de la période 1974-
1988 sont à relier à celles déjà entamées depuis 1945.
Notions importantes : Les notions centrales de la leçon sont
celles de baby-boom, puisque celui-ci explique l’importance
des jeunes et de leurs valeurs dans la société française, de
féminisme, qui un mouvement politique majeur de la période,
et enfin de « nouveaux mouvements sociaux », ceux-ci
contribuant fortement à l’émergence de revendications
nouvelles au sein de la population.
SCHÉMA BILAN Ce schéma cherche à mettre en évidence
la relation entre mutations sociales, nouvelles aspirations, et
réformes législatives. Il s’agit donc de montrer le lien entre
le temps long des transformations sociales et le temps court
de la prise de décision politique, l’un aiguillant l’autre. Ici, les
mutations sociales s’accompagnent de nouvelles aspirations
des populations, qui obtiennent satisfaction pour certaines
de leurs revendications mais doivent affronter de nouveaux
défis (chômage de masse, sida).
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Antoinette Fouque s’engage successivement dans les grands
combats du mouvement féministe : mobilisation pour la
pilule contraceptive qui aboutit avec la loi Neuwirth en 1967,
« mai 68 » et constitution du Mouvement de libération des
femmes en 1971, mobilisation en faveur de la légalisation de
l’IVG qui aboutit avec la loi Veil en 1974.
Étude p. 256-257
La place et les droits des femmes dans
la société française
Problématique : Comment les femmes conquièrent-elles
progressivement l’égalité avec les hommes pendant les années
1970 et 1980 ?
Cette étude sur la place et les droits des femmes dans la société
française doit permettre aux élèves de mieux saisir la situation
d’« entre-deux » dans laquelle se trouvent les femmes dans
les années 1970 et 1980. D’un côté, celles-ci bénéficient du
mouvement émancipateur commencé dans les années 1960
et qui se poursuit. Il se traduit en particulier par l’obtention
de droits nouveaux, comme le droit à l’avortement, et par la
consolidation progressive de l’égalité en droits entre les hommes
et les femmes. De l’autre, la persistance d’une domination
masculine ancrée dans les esprits et se traduisant par des
stéréotypes ou une inégalité économique criante, ralentit ce
mouvement d’émancipation.
Document 1 : La chronologie de l’évolution des droits des
femmes permet de poser quelques jalons des années 1960 aux
années 1980. Ces évolutions s’inscrivent dans le Code civil (par
exemple l’égalité juridique des époux votée en 1970), dans le
Code pénal (par exemple la légalisation de l’IVG), ou encore dans
le Code du travail (par exemple la loi Roudy portant création
d’un Conseil supérieur de l’égalité professionnelle). Les aspects
du droit qui sont modifiés dans le sens d’un renforcement de
l’égalité homme-femme apparaissent ainsi particulièrement
divers.
168
Document 2 : Au-delà des évolutions juridiques observables
en France, l’évolution de la place des femmes dans la société
relève de transformations culturelles à l’échelle de tout le
monde occidental. C’est ce que montre ici la philosophe
Élisabeth Badinter, dans un extrait qui analyse la disparition
des distinctions traditionnelles dans les rôles sociaux attribués
respectivement aux hommes et aux femmes. La philosophe,
connue pour son engagement féministe, identifie dans ces
transformations une source potentielle d’« angoisse » pour
les sociétés contemporaines.
Document 3 : La publicité est l’un des supports qui reflètent le
mieux la persistance des stéréotypes en matière de répartition
des rôles entre les hommes et les femmes. Si la publicité
des années 1960, comme ici, reflète encore le fantasme
supposément masculin d’une subordination des femmes,
elle évolue rapidement dans notre période. Si certains films
publicitaires continuent de mettre en scène une « femme
objet », d’autres se jouent de ces clichés et, incidemment,
contribuent à les remettre en question.
Document 4 : Cette courbe rend compte de la proportion de
femmes parmi les candidats aux élections législatives et parmi
les élus à l’Assemblée nationale. On peut en retirer plusieurs
informations. Premièrement, on voit que de la proportion de
candidates a tendance à augmenter, mais cette augmentation
s’opère en dents de scie : certes, le faible pourcentage de 1973
(autour de 7 %) est systématiquement dépassé par la suite, mais
le pic atteint en 1986 à la faveur de l’instauration du scrutin
proportionnel (25 %) est sans lendemain, et les législatives
suivantes consacrent le retour à un chiffre bien plus modeste,
autour de 12 %. Deuxièmement, on observe qu’en dépit d’un
pourcentage de candidates qui va en augmentant, la stabilité
du personnel politique limite fortement l’augmentation du
pourcentage de femmes dans le total des députés, ce chiffre
dépassant à peine 5 % au lendemain des législatives de 1988.
Document 5 : Le discours prononcé par François Mitterrand
à l’occasion du 8 mars 1982, alors que la France vient de
reconnaître officiellement cette date comme la Journée
internationale des droits des femmes, témoigne de la volonté
du chef de l’État d’accompagner et d’encourager l’émancipation
en cours. Devant 400 femmes invitées à l’Élysée pour l’occasion,
François Mitterrand prononce un discours sur les progrès qui
restent à faire en matière d’égalité.
Document 6 : Le Mouvement français pour le planning familial
(MFPF) joue un rôle important au sein du mouvement féministe
des années 1960 et 1970. Fondé en 1960, il milite pour le
développement de l’éducation sexuelle et pour le droit à la
contraception. Sur cette affiche, qui date de 1980, l’association
résume les grandes dates de son histoire et de la « deuxième
vague » du mouvement féministe : 1956 correspond à la
création de l’association Maternité heureuse, précurseur du
MFPF ; 1967 est l’année de la loi Neuwirth qui autorise l’usage
de la contraception orale ; 1975, enfin, correspond à la loi
Veil qui autorise l’interruption volontaire de grossesse à titre
expérimental pour une durée de 5 ans. En 1980, alors que la
loi Veil vient d’être reconduite sans limite de temps (loi du
31 décembre 1979), l’association rappelle que le combat
féministe est loin d’être gagné.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les droits des femmes évoluent dans plusieurs
domaines à partir des années 1960. Premièrement, la liberté des
femmes à disposer de leur corps progresse, que ce soit grâce à
l’autorisation de la contraception orale, désormais distribuée
en pharmacie (loi Neuwirth du 27 décembre 1967), grâce à la
prise en charge de la contraception par l’Assurance maladie
(loi du 4 décembre 1974), ou encore grâce à la légalisation de
l’interruption volontaire de grossesse (loi Veil du 17 janvier
1975). Deuxièmement, l’égalité entre les époux est renforcée
par différentes mesures destinées à mettre fin à la subordination
de la femme au sein du foyer : droit pour une femme d’exercer
une profession et d’ouvrir un compte en banque sans le
consentement de son mari (1965), égalité juridique des
époux (1970), divorce par consentement mutuel (1975). Enfin,
plusieurs dispositions législatives visent à moderniser le Code
du travail pour renforcer l’égalité salariale entre les hommes et
les femmes : loi du 22 septembre 1972 obligeant l’employeur
à assurer l’égalité des rémunérations, ou encore loi Roudy
du 13 juillet 1983 instaurant un Conseil supérieur de l’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes.
Question 2 : Dans la sphère privée ou dans la sphère publique,
les femmes connaissent une émancipation à partir des années
1960. Les rôles au sein du couple se rééquilibrent, voire
deviennent plus indistincts en matière de tâches ménagères
ou d’éducation des enfants. Des femmes choisissent désormais,
par ailleurs, de se lancer en politique, même si le pourcentage
de femmes à l’Assemblée nationale reste encore bien modeste
en l’absence de toute loi instaurant la parité. Néanmoins, les
évolutions sont lentes, à tel point que le chef de l’État suggère
une « loi antisexiste » qui permettrait de combattre les derniers
reliquats de la sujétion des femmes.
Question 3 : Les femmes peuvent utiliser différents moyens
pour se saisir de droits nouveaux. Elles peuvent s’investir dans
des associations féministes, comme le Planning familial. Elles
peuvent également s’engager en politique, ce qu’elles font
d’ailleurs de manière beaucoup plus nette qu’auparavant,
comme le montre le pourcentage de femmes candidates aux
élections législatives.
Question 4 : L’émancipation des femmes reste incomplète
dans la mesure où les stéréotypes de genre persistent dans
la société, où les écarts de salaires entre hommes et femmes
demeurent sensibles, où les violences qui visent les femmes,
notamment au sein du couple, restent fréquentes.
Bilan On attend de l’élève, dans ce bilan, qu’il rappelle les
différentes avancées en matière de droits des femmes (liberté
de disposer de leur corps, égalité au sein du couple), mais qu’il
soit également capable de mettre en évidence les limites de
cette émancipation : écarts de salaires entre hommes et femmes,
nombre limité de femmes élues en politique, persistances des
violences contre les femmes.
Parcours 2
La conquête de l’égalité entre les hommes et les femmes s’inscrit
dans le long terme. Si le droit de vote des femmes est acquis
à la Libération en 1944, il faut attendre les années 1960 pour
que la deuxième vague du féminisme produise ses effets sur la
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
société française. L’année 1965 est symbolique car elle ouvre le
droit pour les femmes d’exercer une profession et d’ouvrir un
compte en banque sans le consentement de leur mari. Mais les
lois renforçant l’égalité se succèdent ensuite jusqu’à la fin de
la période étudiée. Pour autant, le processus n’est pas achevé,
comme le montrent les inégalités de salaire persistantes, ou
encore la sous-représentation des femmes dans le personnel
politique, encore en 1988.
Étude p. 258-259
Les jeunes dans la société française
Problématique : Quelles sont les aspirations de la jeunesse
dans la société française entre 1974 et 1988 ?
La jeunesse devient une question politique en France à partir
des années 1960. Les enfants du baby-boom et des Trente
Glorieuses parviennent alors à l’adolescence et à l’âge adulte, et
expriment pour certains des désirs de révolution qui trouvent
l’une de leurs traductions dans « mai 68 ». Mais dans la décennie
suivante, alors que certains de ces jeunes continuent quelque
temps encore de s’investir dans des mouvements visant à la
transformation de la société, la réalité de la crise économique
et du chômage de masse s’impose bientôt. Première victime
des soubresauts de l’économie, la jeunesse hexagonale se
préoccupe désormais davantage de son insertion sur le marché
de l’emploi et de son pouvoir d’achat. Ses aspirations deviennent
sans doute plus concrètes, dans un monde qui devient plus dur.
Document 1 : Le document 1 retranscrit l’intervention du
chanteur Daniel Balavoine face à François Mitterrand, sur
le plateau d’un journal télévisé en mars 1980. La diatribe
dans laquelle il se lance alors est restée célèbre, comme le
cri de désespoir d’une jeunesse qui se sent privée de parole
et menacée par la crise. Le chanteur accuse notamment le
candidat à la présidentielle de n’avoir évoqué pendant son
interview que des sujets qui n’intéresseraient pas les jeunes. Il
dénonce également l’absence de représentation de la jeunesse
dans la sphère politique, et plus encore au gouvernement,
où le portefeuille de la Jeunesse est détenu par Jean-Pierre
Soisson, 48 ans en 1980.
Document 2 : Cet extrait d’un ouvrage universitaire publié en
2009 présente une réflexion sur la situation nouvelle des jeunes
dans les années 1970, et insiste notamment sur la précarité
économique qui frappe désormais une part importante d’entre
eux. Cette précarité contraste d’ailleurs avec l’allongement de
la durée des études et l’augmentation du taux de bacheliers
et de diplômés.
Document 3 : La Boum fait figure de phénomène de société
dans les années 1980. Ce film de Claude Pinoteau donne à voir
une jeunesse parisienne et bourgeoise dont la vie est légère,
scandée seulement par les premiers émois amoureux et les
relations parfois tendues avec les parents.
Document 4 : Le groupe Téléphone figure parmi les nouveaux
venus de la scène musicale française à la fin des années 1970. Il
reflète les renouvellements de la culture populaire française. Le
journaliste Christophe Nick est l’auteur en 1984 d’un ouvrage sur
les origines du groupe, déjà culte. Il y décrit l’anticonformisme
du groupe de rock et la ferveur qu’il suscite chez ses fans.
169
 Document 5 : En 1986, le projet de loi Devaquet prévoit
l’autonomie des universités et la liberté pour elles de fixer le
montant des frais d’inscription. En novembre et décembre,
d’importantes manifestation d’étudiants et de lycéens sont
organisées pour s’opposer à cette réforme. Or, elles sont
endeuillées par la mort du jeune Malik Oussekine, victime,
dans la nuit du 5 au 6 décembre, des coups portés par des
policiers « voltigeurs », c’est-à-dire des policiers montés à
deux sur une moto, l’un conduisant, l’autre étant armé d’une
matraque. La mort de Malik Oussekine provoque une vive
émotion. Elle entraîne le retrait du projet de loi Devaquet,
ainsi que la dissolution du corps des « voltigeurs », qui avait
été remis en service peu avant par Robert Pandraud, ministre
délégué à la Sécurité auprès du ministre de l’Intérieur. Sur la
photographie visible reproduite ici, ce sont Charles Pasqua,
ministre de l’Intérieur, mais aussi René Monory, ministre de
l’Éducation nationale de 1986 à 1988, qui sont mis en cause.
Document 6 : La courbe des salaires en fonction de la tranche
d’âge entre 1970 et 1990 montre la baisse sensible du salaire
moyen des moins de 40 ans à partir de l’entrée dans la crise
économique. Les 26-30 ans sont les premiers à subir cette baisse
de salaire, dès 1973. Ils sont suivis, dans la seconde moitié de
la décennie, par les 31-40 ans. Les 41-50 ans connaissent eux
aussi une baisse au même moment, mais un « rattrapage »
s’opère pour eux à partir du début de la décennie 1980. En
fin de compte, et même si la catégorie des 26-30 ans voit son
salaire moyen de nouveau augmenter à la fin des années 1980,
les « jeunes » au sens large sont bien les principales victimes
de la crise économique.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : À partir du milieu des années 1970, la jeunesse
doit affronter les difficultés résultant de la crise économique,
entre augmentation du chômage et insécurité économique. Le
choc est d’autant plus rude que la fin de la décennie précédente
et le début des années 1970 avaient vu éclore une tendance
à la révolution, quasiment généralisée, au sein de la jeunesse.
C’est ce qu’explique le politiste Gil Delannoi : « La tendance
était à la révolution. On la prônait avec enthousiasme ou par
conformisme. Entreprenant ou consentant, outrecuidant ou
intimidé, on était révolutionnaire » (Gil Delannoi, Les Années
utopiques, La Découverte, 1990). Or, l’arrivée de la crise
économique correspond justement à l’effacement de cette
tendance à la révolution et à l’utopie, à mesure que la jeunesse
doit affronter des difficultés plus prosaïques.
Question 2 : Les revendications de la jeunesse portent à la fois
sur leur représentation dans le débat public et sur l’amélioration
de leur condition économique. Or, les « stages, intérims, temps
partiels, emplois saisonniers » les maintiennent dans une
situation précaire, de même que les « contrats aidés » co-
financés par l’État et destinés à favoriser leur insertion sur le
marché de l’emploi.
Question 3 : Le groupe de rock Téléphone incarne des valeurs
anticonformistes, et notamment de résistance au consumérisme
ambiant des années 1980. Cela se voit notamment dans le fait
d’accorder la gratuité des concerts aux plus jeunes. Chaque
concert étant l’occasion d’une performance physique autant
qu’artistique, et le groupe s’offrant complètement à son public,
170
celui-ci offre également un modèle d’intégrité qui suscite
l’engouement du public, voire des vocations parmi ses fans.
Question 4 : Les médias entretiennent dans les années 1980
l’image d’une jeunesse insouciante, qui contraste avec la réalité
d’une population frappée par le chômage et une précarité
grandissante. Le film La Boum, ou encore le clip publicitaire de
la SNCF pour la Carte Jeune, sur un refrain chanté par le jeune
Patrick Bruel, illustrent ce décalage. Pourtant, les manifestations
de 1986 contre la loi Devaquet donnent à voir une jeunesse
inquiète de son avenir, qui prend pour cible un projet de
réforme dans lequel elle perçoit une possible détérioration
de sa vie future.
Bilan Dans ce paragraphe structuré et argumenté, on peut
attendre des élèves une analyse qui restitue les dynamiques
de la période : arrivée et aggravation de la crise économique,
insertion plus difficile des jeunes sur le marché de l’emploi,
persistance d’un anticonformisme mais sensiblement moins
« révolutionnaire » que dans la période précédente. On pourra
également se focaliser sur quelques revendications précises :
une plus grande visibilité dans le débat public, des mesures
politiques pour l’emploi et le pouvoir d’achat des jeunes, ou
encore le maintien de la non-sélection à l’entrée des universités.
Cette dernière revendication peut d’ailleurs conduire à une
réflexion sur les différences existant entre les aspirations
profondes de la jeunesse et les revendications de sa frange
la plus politisée, qui s’exprime notamment dans les syndicats
lycéens et étudiants.
Parcours 2
Ce travail vise à faire comprendre à l’élève qu’au-delà de sa
réalité sociale, la jeunesse a aussi une dimension politique.
Premièrement, les jeunes, qui votent dès 18 ans depuis 1974,
représentent un électorat important que les politiques ne
peuvent négliger. Ensuite, l’arrivée de la crise économique
conduit à une réévaluation des aspirations et des revendications
de la jeunesse : d’utopiques dans les « années 68 », celles-ci
deviennent plus concrètes – accès à l’emploi, pouvoir d’achat
– et peuvent donc plus facilement être « récupérées » par les
politiques sous formes de propositions programmatiques.
C’est ce que fait le candidat Mitterrand en 1981 avec plusieurs
mesures en faveur des jeunes dans les 110 propositions pour la
France. Par ailleurs, la mobilisation de la jeunesse est capable,
en 1986, de provoquer le retrait d’un projet de loi, à savoir la
loi Devaquet sur la réforme de l’université.
Étude Méthode Bac p. 260-261
1981, l’élection de François Mitterrand
Problématique : L’élection de François Mitterrand à la
présidence de la République, le 10 mai 1981, constitue une
rupture évidente dans l’histoire de la Ve République. L’élection
de Valéry Giscard d’Estaing, sept ans plus tôt, avait certes déjà
constitué une « petite alternance » en amenant à la tête de
l’État un non-gaulliste, promettant de réformer en profondeur
le pays. Mais avec François Mitterrand, c’est un adversaire
historique de Charles de Gaulle, candidat à la présidentielle
dès 1965 face au fondateur de la Ve République, qui arrive
au pouvoir. Et, dès le début, l’Alternance s’annonce comme
une rupture. Au point de vue institutionnel, d’abord, puisque
François Mitterrand dénonce depuis longtemps, et en particulier
depuis Le Coup d’État permanent (1964), le pouvoir personnel
auquel a conduit la Constitution de 1958, réformée en 1962
avec l’élection du président au suffrage universel direct.
Politiquement, ensuite, puisque François Mitterrand a engagé
le Parti socialiste dans une stratégie de programme commun
avec le Parti communiste entre 1972 et 1977 ; et, même si en
1981 cette Union de la gauche est rompue, le PCF apporte son
soutien au candidat socialiste au second tour de la présidentielle,
ce qui annonce une politique fermement ancrée à gauche.
Économiquement, enfin, les 110 propositions pour la France du
candidat socialiste annoncent une politique faite de relance
budgétaire, de nationalisations et de revalorisation des salaires,
alors que la France s’enfonce déjà dans la crise économique.
Ces différents aspects de l’alternance, s’ils suscitent des espoirs
chez le « peuple de gauche » qui a porté François Mitterrand à
l’Élysée, exacerbent aussi des inquiétudes dont se font l’écho
les opposants politiques à Mitterrand.
Document 1 : Le document 1 présente différentes propositions
extraites des 110 propositions pour la France, programme du
Parti socialiste et de François Mitterrand pour la présidentielle et
les législatives de 1981. Les propositions retenues ici montrent
l’ampleur du changement promis par le candidat socialiste :
relance budgétaire, création d’emplois publics, nationalisations
de neuf groupes industriels, réduction du temps de travail,
abrogation de la peine de mort, égalité salariale entre les
hommes et les femmes, renforcement des droits des travailleurs
immigrés, ou encore réforme du paysage audiovisuel.
Document 2 : Le document 2 est un article du Figaro, journal
réputé hostile au candidat socialiste, paru au lendemain
de l’élection de François Mitterrand. Le texte reproduit les
déclarations de plusieurs personnalités politiques majeures
après l’élection de François Mitterrand, dont Georges Marchais,
secrétaire général du Parti communiste français, et Jacques
Chirac, président du Rassemblement pour la République,
tous deux éliminés dès le premier tour. Les deux hommes
livrent naturellement des points de vue très différents sur le
résultat de l’élection : Georges Marchais se félicite et annonce
que le PCF est prêt à participer au gouvernement, tandis
que Jacques Chirac, qui a tactiquement incité ses électeurs
à reporter leur vote sur Mitterrand pour que son rival Valéry
Giscard d’Estaing soit battu, dit craindre pour l’avenir du pays
et annonce continuer le combat.
MÉTHODE BAC
Introduction : Présenter les documents (voir les paragraphes
précédents).
Développement
1. Le programme de François Mitterrand : une rupture politique
et économique sur de nombreux sujets
Les ruptures promises par les 110 propositions pour la France
peuvent être classées en plusieurs catégories. D’abord, au point
de vue économique, le programme de François Mitterrand
promet une intervention de l’État dans l’économie, à travers une
politique de relance budgétaire – une stratégie déjà esquissée
par Jacques Chirac entre 1974 et 1976 face à la crise –, une
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
augmentation du nombre de fonctionnaires, la nationalisation
de grands groupes industriels, ou encore la réduction du temps
de travail à 35 heures. Ces mesures économiques seront mises
en œuvre dans les premiers mois du septennat, mais parfois de
façon édulcorée : le temps de travail sera ainsi réduit à 39 heures
plutôt que 35 pour limiter le ralentissement que la mesure doit
produire sur l’économie du pays. Les mesures promises par le
candidat socialiste sont aussi sociales et « sociétales ». L’égalité
salariale entre les hommes et les femmes fait ainsi partie des
mesures importantes destinées à supprimer la discrimination
de fait dont souffrent les femmes. De même on promet aux
travailleurs immigrés le droit de vote aux élections municipales
après cinq ans de présence sur le territoire français – une
promesse qui restera lettre morte. Enfin, plusieurs réformes du
droit pénal français sont annoncées, qu’il s’agisse de l’abolition
de la peine de mort ou de la suppression des discriminations
persistantes à l’égard des personnes homosexuelles et en
matière de majorité sexuelle. Ces trois catégories de mesures
annoncent des transformations de taille et confirme que
l’alternance constitue effectivement une rupture.
2. La réaction des communistes : un combat politique couronné
de succès et la volonté de participer au futur gouvernement
L’élection de François Mitterrand suscite de vifs espoirs à gauche.
C’est le cas, naturellement, pour les alliés du Parti socialiste,
comme les radicaux. C’est le cas, aussi, pour les écologistes,
dont le candidat à la présidentielle, Brice Lalonde, se réjouit de
l’élection du socialiste. C’est le cas, enfin, pour les communistes,
qui ont appelé leurs électeurs à reporter leur voix sur le candidat
socialiste au second tour. Cela s’explique notamment par le
fait que le PS et le PCF ont constitué entre 1972 et 1977 une
Union de la gauche, bâtie autour d’un programme commun,
dont il est d’ailleurs fait mention dans le document 1. Si le
rapprochement entre le PS et le PCF a surtout servi, pour
François Mitterrand, à capter une partie des voix du PCF et à
le dépasser électoralement, il n’en demeure pas moins que
le secrétaire général du PCF, Georges Marchais, annonce se
réjouir de l’élection de François Mitterrand et se déclare prêt
à participer à un futur gouvernement. C’est chose faite en juin
1981, lorsque quatre ministres communistes sont nommés
dans le deuxième gouvernement Mauroy.
3. La réaction des gaullistes de droite : méfiance vis-à-vis d’une
politique perçue comme coûteuse et volonté de préparer les
prochaines élections
À droite, évidemment, les réactions sont moins enthousiastes.
L’inquiétude affichée par les personnalités de la droite reflète
d’ailleurs celle des milieux économiques et financiers. Jacques
Chirac, éliminé dès le premier tour avec 18 % des voix, dramatise
ainsi l’enjeu en soulignant la « gravité » de la situation. Il a
pourtant discrètement appelé ses supporters à ne pas voter
pour le président sortant, Valéry Giscard d’Estaing, son rival
depuis sa démission tonitruante de Matignon en 1976. Son
véritable projet est de reconfigurer la droite à son profit et
de s’imposer comme la seule alternative crédible à François
Mitterrand. C’est ce qu’il parvient à faire en 1986, lorsqu’il
devient le Premier ministre de la première cohabitation.
Conclusion : Le 10 mai 1981 fait figure de date charnière, dans
la mesure où l’élection d’un socialiste à l’Élysée annonce la mise
en œuvre d’une politique nettement ancrée à gauche. Or, cette
rupture suscite des réactions à la hauteur de l’événement :
171
 le « peuple de gauche » manifeste son enthousiasme et nourrit
maints espoirs, tandis que la droite craint la remise en cause
des institutions de la Ve République – ce qui n’arrivera pas,
François Mitterrand se coulant d’emblée dans une pratique
du pouvoir toute gaullienne –, ainsi que le coût financier des
réformes annoncées.
POINT DE PASSAGE p. 262-263
L’abolition de la peine de mort
Problématique : En quoi l’abolition de la peine de mort est-
elle représentative d’une justice plus soucieuse des droits de
l’homme ?
L’abolition de la peine de mort en 1981 est l’aboutissement
d’un débat moral qui dure depuis la Révolution française, et
en particulier depuis 1791, date à laquelle Robespierre et Le
Peletier de Saint-Fargeau présente à l’Assemblée constituante
un premier projet d’abolition, qui est alors rejeté. Cette étude a
pour objectif de mettre en perspective cet événement majeur
du début du premier septennat de François Mitterrand.
Document 1 : Le quotidien Libération reparaît dans une nouvelle
formule, après quelques mois d’interruption au lendemain de
l’élection de François Mitterrand. Il manifeste son approbation
face à l’abolition de la peine de mort par l’Assemblée nationale
en septembre 1981. Pour l’occasion, il donne à voir une dernière
fois, en une, ce que le langage populaire nomme « la veuve »,
et ce que les magistrats appellent « le bois de justice ». Avant
l’abolition, la guillotine s’est néanmoins déjà éloignée des
regards, puisque la dernière exécution publique en France
remonte en 1939 – l’hystérie de la foule qui assiste à la mise
à mort incite alors les autorités à organiser désormais les
exécutions dans l’enceinte des prisons. Mais en 1977 encore,
le couperet tombe sur la nuque d’un condamné, Hamida
Djandoubi, dernier criminel exécuté en France.
Document 2 : En 1981, à quelques semaines du premier tour
de l’élection présidentielle, François Mitterrand réaffirme son
opposition à la peine de mort, déjà exprimée en 1978 par le
dépôt d’une proposition de loi visant à l’abolir, et inscrite dans
son programme, les 110 propositions pour la France. Il le fait
notamment dans l’émission « Cartes sur table », sur Antenne
2, le 16 mars 1981, soit un peu plus d’un mois avant le premier
tour de l’élection présidentielle (26 avril). C’est une déclaration
électoralement risquée car les sondages montrent que les
Français restent majoritairement favorables à l’existence de
la peine capitale.
Document 3 : L’avocat Robert Badinter est une figure de la
lutte contre la peine de mort. En janvier 1977, alors qu’il assure
la défense du criminel Patrick Henry, jugé pour l’enlèvement
et l’assassinat d’un enfant de 7 ans, il se fait remarquer en
transformant le procès en tribune contre la peine de mort et
en demandant aux jurés de ne pas se rendre complice de la
mort d’un homme : « Si vous votez comme monsieur l’avocat
général vous le demande, je vous le dis, le temps passera, c’en
sera fini du tumulte, des encouragements, vous demeurerez
seul avec votre décision. On abolira la peine de mort, et vous
resterez seul avec votre verdict, pour toujours. Et vos enfants
sauront que vous avez un jour condamné à mort un jeune
172
homme. Et vous verrez leur regard ! » Contre toute attente,
Patrick Henry est condamné à la réclusion à perpétuité, et non
à la mort. Lorsque François Mitterrand nomme Robert Badinter
garde des Sceaux en 1981, c’est donc pour qu’il défende au
Parlement l’abolition de la peine de mort. Dans son discours
du 17 septembre 1981, il expose face à l’Assemblée nationale
les motivations de son projet de loi.
Document 4 : Alors que plusieurs propositions de loi visant
à abolir la peine de mort ont été rejetées par l’Assemblée
nationale entre 1978 et 1980, le projet d’abolition présenté en
1981 doit faire face lui aussi à une vive opposition des milieux
conservateurs. C’est ce que l’on voit ici à travers l’intervention
de Claude-Gérard Marcus, député RPR. Celui-ci défend la peine
de mort au nom de la « sécurité » de la société.
Document 5 : L’opinion publique reste majoritairement
favorable à la peine de mort en 1981, comme le montre
le sondage réalisé par la SOFRES et publié par Le Figaro le
17 septembre 1981, soit le jour du discours de Robert Badinter
et la veille du vote de l’Assemblée nationale (62 % « pour », 38 %
« contre »). Le débat sur la peine de mort divise d’ailleurs aussi
les intellectuels et les artistes : alors que Julien Clerc prend
position contre la peine de mort en interprétant L’Assassin
assassiné sur des paroles de Jean-Loup Dabadie en 1980, à
l’inverse, Michel Sardou chante Je suis pour, qui revendique la
loi du talion, en 1976.
Document 6 : Il s’agit d’un extrait du journal télévisé de TF1 du
17 septembre 1981 : il retransmet le discours de Robert Badinter
qui demande officiellement l’abolition de la peine de mort.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La nouvelle majorité socialiste fait preuve de
détermination dans la mise en œuvre de l’abolition annoncée.
On se situe ici au tout début du premier septennat de François
Mitterrand, et ce volontarisme se retrouve dans de multiples
domaines. Après avoir annoncé, pendant la campagne, et en
dépit des sondages d’opinion, qu’il demandera l’abolition de la
peine de mort, François Mitterrand confie à Robert Badinter, le
nouveau garde des Sceaux, la tâche de défendre cette réforme
du droit pénal devant l’Assemblée nationale.
Question 2 : Alors que les partisans de l’abolition de la peine
de mort se placent sur un plan éthique, Claude-Gérard Marcus,
député RPR qui s’oppose à cette abolition, met en avant la
notion de « sécurité » : seule l’élimination physique du criminel
peut, à ses yeux, éliminer la menace qu’il représente.
Question 3 : Les sondages montrent systématiquement que
l’abolition de la peine reste une idée minoritaire dans l’opinion
publique en France à la fin des années 1970 et au début des
années 1980. Ainsi, le sondage réalisé par la SOFRES pour Le
Figaro en septembre 1981 montre que les Français sont 62 % à
approuver la peine capitale. François Mitterrand a connaissance
de cette donnée pendant la campagne présidentielle de 1981,
et pourtant réaffirme qu’il est « en conscience » opposé à la
peine de mort. Face à une opinion réticente, les opposants à
la peine de mort, qu’il s’agisse ici de François Mitterrand ou
de Robert Badinter, mettent en avant le progrès moral que
constituerait son abolition.
Question 4 : Robert Badinter développe une vision optimiste
de l’humanité. La peine prononcée doit, à ses yeux, permettre
au condamné de racheter sa faute. Cette perception de la
justice, et au-delà, de l’humanité, exclut d’emblée la peine
de mort du domaine des possibles. Le risque d’un jugement
inéquitable, ou dans le pire des cas d’une erreur judiciaire,
achève de condamner la peine de mort aux yeux du nouveau
garde des Sceaux.
Bilan On attend ici une mise en perspective de l’abolition
de la peine de mort, celle-ci étant représentative de la prise
en compte grandissante des droits de l’homme dans les
démocraties occidentales. C’est ce que montre le discours de
Robert Badinter à la tribune de l’Assemblée nationale. C’est
« une certaine conception de l’homme et de la justice » qu’il
met en avant, puisque l’homme ne peut être considéré à ses
yeux comme absolument coupable et perdu pour la société.
Au contraire, il promeut une vision optimiste de l’homme,
selon laquelle celui-ci peut se racheter aux yeux de la société
même lorsqu’il a commis un crime.
Parcours 2
Dans ce paragraphe structuré et argumenté, on peut attendre
des élèves qu’ils identifient parmi les partisans de l’abolition
de la peine de mort, non seulement la gauche désormais
au pouvoir, mais aussi plusieurs acteurs cités par François
Mitterrand, comme les Églises, ou les associations humanitaires
et de défense des droits de l’homme. Les arguments de ces
différents acteurs convergent : l’abolition de la peine de mort
est à leurs yeux un progrès moral.
Leçon 2 p. 264-265
1974-1988, l’évolution politique
de la France
Problématique : Quelles sont les grandes transformations de
la vie politique française entre 1974 et 1988 ?
Cette deuxième leçon interroge la vie politique française
entre 1974 et 1988. Or, plusieurs traits saillants apparaissent.
D’abord, cette vie politique est marquée par les alternances :
la « petite alternance » de 1974, qui voit un non-gaulliste
accéder à la présidence, puis l’alternance de 1981, qui voit un
socialiste accéder, pour la première fois depuis la fondation de
la Ve République, à la magistrature suprême. Mais la période
enregistre également une série de dysfonctionnements
institutionnels, notamment en ce qui concerne les relations au
sein du couple exécutif : en 1976, Jacques Chirac démissionne
de façon tonitruante de ses fonctions de Premier ministre ; puis,
en 1986, la première cohabitation met François Mitterrand face
à un impensé de la Constitution de 1958, et force le président
et son Premier ministre, Jacques Chirac, à inventer un mode de
fonctionnement qui n’avait jamais eu cours jusque-là.
Notions importantes : Les notions importantes sont celles
de relance budgétaire et de rigueur, afin d’appréhender
les réponses successivement mises en œuvre face à la crise
économique. Quant à la notion de cohabitation, elle apparaît
essentielle pour comprendre le dérèglement institutionnel de
la fin de la période.
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
SCHÉMA BILAN Le schéma a ici pour but de résumer les
principales réalisations pour chacune des trois périodes
politiques de la période : la présidence de Valéry Giscard
d’Estaing, les débuts de la présidence de François Mitterrand,
la première cohabitation et le gouvernement de Jacques Chirac.
Étude p. 266-267
Les transformations du paysage
audiovisuel français
Problématique : Comment le paysage audiovisuel français
s’ouvre-t-il aux aspirations de la société française après 1974 ?
L’objectif de cette étude est d’interroger la manière dont se
transforme le paysage audiovisuel français, sous l’impulsion
d’un pouvoir politique soucieux de se montrer attaché au
pluralisme. Cette transformation est protéiforme. Elle prend
d’abord la forme d’une autonomisation de la télévision publique
vis-à-vis du pouvoir, visible par exemple à travers la dissolution
de l’ORTF en 1974. Cette autonomisation reste cependant
longtemps incomplète. Elle consiste, ensuite, en une ouverture
des ondes aux acteurs privés, longtemps exclus du jeu, parmi
lesquels les radios libres et les nouvelles chaînes privées. Enfin,
la transformation du paysage audiovisuel français tient aussi à
son ouverture sur le monde, avec la diffusion de programmes
venus pour beaucoup d’Europe de l’Ouest, des États-Unis
et du Japon – notamment avec les dessins animés nippons
diffusés dans la décennie 1980. Ces différentes évolutions sont
éminemment politiques, mais visent à répondre aux demandes,
réelles ou supposées, de la société française.
Document 1 : L’ORTF, qui possède le monopole de la radio et de
la télévision en France, est critiquée depuis les années 1960 pour
son manque d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique :
en mai 1968, les journalistes de l’ORTF se mettent d’ailleurs
en grève pour réclamer une information plus indépendante.
Ces contestations font naître, dès la présidence de Georges
Pompidou (1969-1974), l’idée d’un démantèlement de l’ORTF
qui est une réponse à ces revendications. Ce projet est mis en
œuvre en 1974 par Valéry Giscard d’Estaing, qui s’en explique
en 1976 dans Démocratie française, ouvrage qui constitue
une forme de manifeste pour défendre l’action du président
de la République et pour créer un parti politique autour de
ses idées. Valéry Giscard d’Estaing y souligne l’importance du
« pluralisme », vertu cardinale de la « société libérale avancée »
qu’il appelle de ses vœux.
Document 2 : Les radios libres bouleversent le paysage
audiovisuel à partir des années 1970. Illégales, elles émettent
clandestinement grâce à un matériel souvent limité au minimum.
Certaines d’entre elles développent un discours politique
contestataire, à l’exemple de Radio Tomate, fondée en 1981 :
animée notamment par le philosophe Félix Guattari, la station
refuse ainsi toute publicité et revendique une totale liberté
d’expression. Ces différentes radios libres sont autorisées à
émettre légalement peu après l’élection de François Mitterrand.
Dans cet extrait, l’universitaire Christophe Deleu décrit leur
fonctionnement.
Document 3 : Adoptée à l’été 1974, la suppression de l’ORTF est
effective au 1er janvier 1975. Elle crée sept sociétés distinctes :
173
 Radio France ; trois chaînes de télévision (TF1, Antenne 2 et FR3) ;
une Société française de production (SFP) ; un établissement
public chargé de la diffusion des programmes et de l’entretien
des réseaux, TéléDiffusion de France (TDF) ; et un établissement
public chargé des archives, l’Institut national de l’audiovisuel
(INA). C’est la première transformation majeure du paysage
audiovisuel dans notre période. D’autres suivent : la création
de Canal + en 1984, de La Cinq en 1986, de M6 en 1987, la
privatisation de TF1 en 1987 également, la création du CSA
en 1989.
Document 4 : Au lendemain de l’élection de François Mitterrand,
le journal télévisé Antenne 2 Midi fait le point sur l’avenir des
radios libres, celles-ci espérant être autorisées grâce à la fin du
monopole de l’État sur la radio et la télévision.
Document 5 : La création de Canal + est l’une des transformations
importantes qui affectent le paysage audiovisuel français après
l’alternance. La nouvelle chaîne est originale sur plusieurs
points : non seulement elle est privée, mais de surcroît elle
est cryptée, et n’est accessible qu’à ses abonnés qui disposent
d’un décodeur relié à leur téléviseur. Dans cet extrait d’article
universitaire, le premier directeur de production de la chaîne,
Alain de Greef, qui deviendra plus tard directeur général des
programmes, revient sur la création de Canal +. Il y évoque
notamment le rôle pivot que tient la chaîne dans le financement
du cinéma français à partir de 1984, et met en exergue le rôle
moteur du gouvernement socialiste dans la mise en œuvre de
ce nouvel écosystème culturel et économique.
Document 6 : La privatisation de TF1 et sa vente au groupe
de construction Bouygues, sont réalisées en 1986 à l’initiative
du gouvernement de Jacques Chirac, pendant la première
cohabitation. Or, cette privatisation provoque de vives
oppositions, notamment à gauche, tant la première chaîne
est historiquement associée dans l’esprit des Français à la
notion de service public audiovisuel.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’éclatement de l’ORTF est motivé, comme
l’explique Valéry Giscard d’Estaing, par la recherche d’une
« société authentiquement démocratique [et] intégralement
pluraliste ». Le nouveau président de la République veut en effet
se démarquer de ses prédécesseurs gaullistes en donnant des
gages de leur indépendance aux journalistes de l’audiovisuel
public. Ce tournant avait été timidement amorcé en 1973,
avec la nomination, à la tête de l’ORTF, d’Arthur Conte, partisan
d’une radio et d’une télévision indépendantes du pouvoir
politique, mais celui-ci avait été limogé un an après sa prise
de fonctions. En 1974, Valéry Giscard d’Estaing, qui s’est fait
élire sur des valeurs libérales et sur le projet de moderniser
la France, veut aller plus loin en dissolvant l’ORTF. Mais, en
réalité, l’information sur les chaînes publiques continuera de
faire l’objet d’un contrôle par le pouvoir politique.
Question 2 : La clandestinité, qui constitue une évidente
contrainte pour les radios libres, est également un moteur en
termes de créativité et d’inventivité. Elle soustrait également
les radios aux diktats de l’audience et de la rentabilité : c’est
dans ce contexte que se développent des radios spécialisées
s’adressant plus spécifiquement au public gay ou encore aux
174
habitants des « quartiers » de la Seine-Saint-Denis. D’autres
manifestent une ligne politique clairement affirmée, à l’exemple
de Radio Verte, qui sert de relais aux thématiques écologistes,
alors en plein essor.
Question 3 : L’alternance de 1981 marque une rupture pour le
paysage audiovisuel français. Reprenant à son compte l’idée
d’une autonomisation de l’audiovisuel public par rapport au
pouvoir politique, la nouvelle majorité cherche, premièrement, à
transformer l’organisme chargé de la régulation de l’audiovisuel
pour renforcer son indépendance. Le Haut conseil de
l’audiovisuel devient ainsi, en 1982, la Haute autorité de la
communication audiovisuelle. Elle sera elle-même remplacée,
sous la première cohabitation, par la Commission nationale de la
communication et des libertés. Puis, après le retour de la gauche
au pouvoir, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est créé,
en 1989, avec pour projet de garantir l’exercice de la liberté de
communication audiovisuelle en France. Deuxièmement, le
paysage audiovisuel voit émerger de nouveaux acteurs : c’est le
cas pour la radio, les radios dites « libres » étant progressivement
autorisées au début de la décennie 1980, mais aussi pour la
télévision, avec l’arrivée de Canal +, La Cinq et M6, et avec la
privatisation de TF1. C’est une véritable « libéralisation des
ondes ». Mais surtout, on voit que ces transformations du
paysage audiovisuel sont liées à d’autres secteurs de la vie
culturelle : ainsi, la création de Canal + est justifiée notamment
par la nécessité de trouver de nouveaux financements pour le
cinéma français, désormais concurrencé frontalement par les
productions venues des États-Unis.
Question 4 : Dans sa déclaration du 14 mai 1986 à l’Assemblée
nationale, le ministre de la Culture et de la Communication,
François Léotard, justifie la privatisation de TF1 en expliquant
que « l’emprise de l’État dans le secteur audiovisuel reste
aujourd’hui en France très forte, trop forte, exceptionnelle ». L’air
du temps est alors au libéralisme économique, et la privatisation
de TF1 s’inscrit dans cette dynamique. Or, le « peuple de gauche »
y voit une privatisation de ce qui appartient à tous, et perçoit le
risque d’un contrôle de l’information, non plus par le pouvoir
politique, par des intérêts privés.
Bilan Dans ce paragraphe structuré et argumenté, on
peut attendre des élèves qu’ils identifient à la fois les acteurs
et les points d’infléchissement dans l’histoire du paysage
audiovisuel français. La « petite alternance » de 1974, puis
l’alternance de 1981, doivent être envisagées comme des
moment d’accélération vers la libéralisation de ce paysage.
Parcours 2
On attend ici des élèves qu’ils soient capables d’identifier et
de différencier les différentes étapes de la transformation du
paysage audiovisuel pendant la période. Le septennat de Valéry
Giscard d’Estaing (1974-1981) correspond à une réforme de
l’audiovisuel public, avec l’éclatement de l’ORTF en sept sociétés
distinctes : Radio-France, trois chaînes de télévision (TF1,
Antenne 2 et FR3), une Société française de production (SFP),
un établissement public chargé de la diffusion des programmes
et de l’entretien des réseaux, TéléDiffusion de France (TDF), et
un établissement public chargé des archives, l’Institut national
de l’audiovisuel (INA).
Le début du premier septennat de François Mitterrand signe la
libéralisation des ondes avec l’autorisation progressive des radios
libres, et avec l’arrivée de nouvelles chaînes de télévision, privées
et parfois payantes : une quatrième fréquence est attribuée
à Canal + (1984), et une cinquième revient à l’entrepreneur
italien Silvio Berlusconi, qui lance La Cinq (1986). Parallèlement,
la régulation de l’audiovisuel gagne en autonomie avec la
création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle
(1982), qui annonce déjà le Conseil supérieur de l’audiovisuel
(1989). Enfin, la première cohabitation (1986-1988) accélère le
développement des acteurs privés : une sixième fréquence est
attribuée à la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion,
qui lance M6, tandis que TF1 est privatisée et vendue au groupe
Bouygues en 1987.
Étude p. 268-269
La politique culturelle
de François Mitterrand
Problématique : En quoi la politique culturelle mise en œuvre
à partir de 1981 reflète-t-elle une volonté de démocratiser la
culture ?
L’objectif de cette étude est d’analyser le volontarisme culturel
qui s’exprime pendant le premier septennat de François
Mitterrand. Il prend la forme d’une politique de démocratisation
culturelle affirmée, mais aussi celle d’une politique de grands
projets culturels et architecturaux destinés à ancrer la présidence
socialiste dans l’histoire. Néanmoins, ce volontarisme n’obtient
que des résultats mitigés, les pratiques culturelles connaissant
certes des évolutions sensibles, mais l’accès à la culture restant
inégal sur les territoires et dans la population.
Document 1 : La personnalité de Jack Lang marque
profondément la politique culturelle mise en œuvre après 1981.
Le ministre de la Culture reprend l’idée d’une démocratisation
culturelle et défend devant le Parlement le principe d’un
doublement du budget de la Culture.
Document 2 : Partisan du « tout culturel », Jack Lang lance la
Fête de la musique, dont la première édition a lieu en 1982.
Alors que l’on craint un échec, l’événement est un succès et
voit un million de personnes descendre dans les rues pour
écouter tous types de musique.
Document 3 : Ce documentaire de 2015 brosse un portrait
de la politique culturelle de François Mitterrand, en insistant
sur les grands travaux.
Document 4 : Les pratiques culturelles des Français évoluent
pendant la période. Tandis que la lecture de livres, la visite
de musées ou d’expositions, ou encore la fréquentation des
bibliothèques, sont en légère augmentation, d’autres objets
culturels comme la télévision, la musique ou les concerts de
rock, gagnent encore plus nettement en popularité. À l’inverse,
les Français sont moins nombreux à aller au cinéma, qui subit
la concurrence grandissante de la télévision, ou encore à lire
la presse quotidienne, qui entame ici son long déclin. Ces
différentes données montrent que la culture de masse passe
désormais prioritairement par la télévision. Mais la politique de
démocratisation de la culture – dont fait partie le prix unique du
livre, mis en place par Jack Lang – a permis à d’autres pratiques
culturelles de « résister ».
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
Document 5 : Outre la construction du Grand Louvre, annoncée
dès 1981, François Mitterrand met en œuvre d’autres grands
projets culturels et architecturaux à partir de 1982. Mobilisant
des financements exceptionnels, ces projets sont étroitement
contrôlés par le président de la République. Le communiqué
de l’Élysée reproduit ici révèle au grand public ces projets en
mars 1982.
Document 6 : La pyramide du Louvre est inaugurée une
première fois en 1988. Voulue par François Mitterrand et réalisée
par l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, elle est l’élément
central du projet du Grand Louvre, qui consiste à agrandir et
moderniser le musée du Louvre. La pyramide sera de nouveau
inaugurée en 1989 lors de son ouverture au public.
Document 7 : De nombreuses critiques se font entendre contre
le projet de pyramide du Louvre. Le texte de l’historien de l’art
André Fermigier, intitulé « La maison des morts » et publié dans
Le Monde du 26 janvier 1984, est l’un des plus retentissants. Il
conteste l’esthétique monumentale de la pyramide. En réponse
aux nombreuses critiques dont il est la cible, Ieoh Ming Pei
est sommé de prouver, notamment, que la pyramide sera
bien transparente et qu’elle s’intégrera au décor de la cour
Napoléon du palais du Louvre. Déjà, en 1888, un autre édifice
érigé dans cette même cour Napoléon, à savoir le monument
en hommage au républicain Léon Gambetta, haut de 27 mètres,
avait déclenché des polémiques ; en 1954, le monument avait
été enlevé afin de dégager la vue des façades du Louvre.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le budget du ministère de la Culture augmente
fortement après 1981. Si le cap de 1 % du budget de l’État
n’est pas atteint, celui-ci en représente tout de même 0,79 %
en 1983 (contre 0,48 % deux ans plus tôt), ce qui représente
presque 7 milliards de francs.
Question 2 : La culture se veut un aspect essentiel de la
personnalité et de la politique de François Mitterrand. On
peut citer, parmi les grandes réalisations dont il est à l’origine,
le Grand Louvre, la Bibliothèque nationale de France, la Grande
Arche de la Défense, ou encore l’opéra Bastille.
Question 3 : La démocratisation culturelle ne rencontre
qu’un succès très relatif dans la mesure où certaines pratiques
culturelles, pour lesquelles on aurait pu attendre un nouvel
essor, ne progressent en réalité que faiblement. C’est le cas
pour la lecture, la fréquentation des bibliothèques, la visite
de musées et d’expositions, ou encore pour les concerts de
musique classique, dont le public n’augmente que faiblement,
en proportion de la population française. À l’inverse, les
pratiques culturelles qui progressent nettement, au premier
rang desquelles figure la télévision, échappent au champ de
la politique de démocratisation culturelle : elles relèvent d’une
culture de masse plus commerciale.
Question 4 : La politique culturelle des gouvernement socialistes
consiste globalement à rendre la culture plus accessible à un
public plus nombreux. C’est ainsi qu’est instaurée la Fête de la
musique, à l’initiative du ministre Jack Lang. C’est aussi pour
cette raison que le projet du Grand Louvre est lancé, afin
d’accueillir un public plus nombreux et venant d’horizons
souvent plus lointains à l’heure de la mondialisation. Mais
175
 on notera aussi que la politique culturelle conduite par les
gouvernements socialistes est également audacieuse et qu’elle
ne craint pas les polémiques, comme on peut le voir avec la
construction de la pyramide du Louvre.
Question 5 : Le principal argument mise en avant contre
la pyramide du Louvre est d’ordre esthétique. La pyramide
renverrait à l’artifice, relevant davantage, aux yeux de l’auteur,
de Disneyland ou de Luna Park. Pour cette raison, elle n’aurait
pas sa place dans le centre historique de Paris, au cœur de ce
qui fut l’un des centres du pouvoir royal.
Bilan Dans ce paragraphe structuré et argumenté, on pourra
attendre des élèves qu’ils identifient et qu’ils trient les différents
aspects de la politique de démocratisation culturelle mise en
œuvre après 1981. L’augmentation du budget de la culture, la
construction de nouvelles structures culturelles (comme la BNF),
la transformation d’autres (le Louvre), ou encore l’organisation
d’événements destinés à ouvrir la culture un plus large public (la
Fête de la musique dès 1982), sont au cœur de cette politique
voulue par la majorité socialiste.
Parcours 2
La politique culturelle voulue par François Mitterrand ne peut
être mise en œuvre que grâce à la conjonction de différents
éléments. Premièrement, elle repose sur une série d’acteurs,
à la fois au sommet de l’État et au plus proche du terrain.
Ainsi, la personnalité de Jack Lang, ministre de la Culture à
partir de 1981, est particulièrement importante : plusieurs
réformes culturelles adoptées pendant le premier septennat
de François Mitterrand sont de son initiative, comme le prix
unique du livre, ou la Fête de la musique. Deuxièmement, la
politique culturelle conduite fait appel à des financements
qui dépassent, de beaucoup, les budgets précédemment
alloués à la culture. Cela se traduit par la nette augmentation
du budget du ministère de la Culture, mais également par la
mobilisation de financements exceptionnels pour les grands
projets tels que le Grand Louvre, sous le contrôle étroit du
président de la République. Enfin, de nombreuses réalisations
concrètes donnent corps à cette politique culturelle voulue par
la majorité socialiste : Grand Louvre, opéra Bastille, nouvelles
salles de concert, reconstruction du Théâtre de l’Est Parisien.
Leçon 2 p. 270-271
1974-1988, un nouveau paysage
culturel français
Problématique : Comment la transformation du paysage
culturel français répond-elle aux évolutions de la société
française ?
Cette troisième leçon aborde les transformations culturelles
de la France dans la période. Les deux tendances à identifier
sont d’une part la massification de la culture, qui va de pair
avec le contexte d’une ouverture culturelle grandissante sur
le monde et avec le développement des médias audiovisuels,
et d’autre part la politique de démocratisation culturelle qui
connaît un second souffle à partir de 1981.
Notions importantes : Les notions de culture de masse et de
démocratisation culturelle sont ici centrales. Si la période ne
176
correspond pas à la naissance de la culture de masse – celle-ci
étant observable dès la fin du XIXe siècle –, elle enregistre du
moins sa mutation vers les supports audiovisuels, la télévision
en devenant le vecteur principal.
SCHÉMA BILAN Le schéma montre l’articulation entre les
différentes transformations en cours dans le paysage culturel.
Le développement d’une culture de masse apparaît comme le
fait majeur. Il est étroitement associé à la mondialisation des
échanges et de la culture, ainsi qu’à la diffusion de nouveaux
vecteurs culturels, et en premier lieu la télévision. Parallèlement,
les politiques de démocratisation culturelle obtiennent des
résultats mitigés.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
La première d’« Apostrophes », émission présentée par Bernard
Pivot, est diffusée le 10 janvier 1975. Consacrée à la littérature
et au débat d’idées, l’émission hebdomadaire devient une
référence en la matière. Ouverte à toutes les opinions, elle fait
preuve d’une liberté rare à la télévision. Elle existera jusqu’en
1990. On peut relever parmi les invités de l’émission, les noms
de François Mitterrand, avant son élection à l’Élysée, de Georges
Brassens, figure importante de la chanson française, ou encore
d’Alexandre Soljenitsyne, l’auteur de L’Archipel du Goulag qui
révèle en 1973 l’ampleur du système répressif soviétique.
Travail de l’historien p. 272
Ce travail de l’historien permet d’approfondir la question
de l’immigration en France à travers un point particulier, la
politique de regroupement familial des étrangers. Cet exercice
permet de comprendre pourquoi, malgré la décision de limiter
les entrées de nouveaux travailleurs étrangers sur le territoire
français, l’administration favorise l’arrivée des conjoints et
enfants d’immigrés.
Document 1 : Le décret du 29 avril 1976 fait suite à l’annonce
de l’été 1974 qui suspendait l’immigration de travail en France.
Il fixe les conditions du regroupement familial. Les critères
pour pouvoir réunir le noyau familial sont assez souples : il faut
que l’étranger qui demande le regroupement familial soit en
mesure d’assurer l’existence de sa famille, qu’il bénéficie d’un
emploi et d’un logement salubre. Par ailleurs, il ne faut pas qu’il
ait fait l’objet d’une poursuite pour menace à l’ordre public et
que ses proches passent une visite médicale.
Document 2 : Cet article de Sylvain Laurens rappelle la
chronologie de la mise en place de la politique de regroupement
familial. Tout d’abord, la limitation de l’immigration de 1974 fait
place au décret du 29 avril 1976 (document 1). Mais celui-ci est
régulièrement bafoué par « des mesures restrictives (qui) vont
tenter de revenir sur ces premiers textes » (lignes 19-20). Mais
c’est le Conseil d’État qui défend le principe et l’ancre comme
un principe constitutionnel en 1978.
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Le contexte économique du milieu des années
1970 en France est celui des lendemains du premier choc
pétrolier et du début de la crise économique, qui bouleverse
notamment le secteur industriel dans lequel travaille un grand
nombre d’immigrés. À partir du milieu des années 1970,
le chômage commence à croître de façon massive.
Question 2 : À partir du milieu des années 1970, l’immigration
connaît un fléchissement. En effet, si le nombre d’immigrés en
France passe de 2,3 à 3,8 millions de 1954 à 1975, il ne croît
que de 400 000 entre 1975 et 1990.
B L’historien confronte la source au contexte
Question 1 : Le regroupement familial est une réponse à la
crise économique des années 1970. En effet, il ne s’agit pas de
faire appel à une main-d’œuvre étrangère qui doit travailler
dans les secteurs industriels qui sont désormais en crise, mais
plutôt d’attirer des populations plus jeunes afin de les former
dans les métiers qui auront besoin de main-d’œuvre dans les
années à venir.
Question 2 : Ce décret s’adresse principalement aux immigrés
installés en France pendant les Trente Glorieuses, qu’ils soient
d’Europe du Sud, comme les Espagnols ou les Portugais, du
Maghreb ou d’Afrique sub-saharienne.
C L’historien interprète la source
Question 1 : Pour Sylvain Laurens, la politique migratoire
de la France dans les années 1970 est intimement liée à la
situation économique de la France. En effet, après la suspension
de l’immigration de travail, la France introduit la notion de
regroupement familial comme une politique d’intégration de ces
populations sur la longue durée. Mais face au développement
du chômage, la limitation de l’immigration apparaît aussi
comme une « solution à la crise économique » (lignes 17-18).
Question 2 : Cette politique migratoire est l’objet de tensions
entre les différents courants politiques. D’ailleurs, elle est
souvent changeante, à tel point que le Conseil d’État est obligé
d’intervenir pour que le « droit au regroupement familial se
voit en France reconnu et conforme aux principes généraux
du droit et garanti par la Constitution » (lignes 26-28).
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 273
La période 1974-1988 représente un tournant pour
la France :
■ Dans le domaine social :
- Une société en mutation
- De nouvelles aspirations
- Des réformes pour répondre aux revendications de la société
■ Dans le domaine politique :
- Un vent de réforme après 1974
- L’alternance de 1981
- La première cohabitation
■ Dans le domaine culturel :
- Transformation du paysage audiovisuel
- Mondialisation
- Politique de démocratisation culturelle
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
Exercice BAC p. 273
Réponse à une question problématisée
Les sujets de cette page sont des sujets d’entraînement.
SUJET 1 Pourquoi peut-on dire que les années 1970-1980
font entrer la France dans la modernité sociale et culturelle ?
- Les dates que l’on peut choisir pour délimiter le sujet sont
1974, année de l’abaissement de la majorité de 21 à 18 ans par
Valéry Giscard D’Estaing, et 1988 année du lancement du projet
de la Grande Bibliothèque à Paris, signe de la démocratisation
culturelle.
- La France entre dans la modernité car la société française
connaît des bouleversement majeurs analysés en termes
de progrès et d’émancipation. On parle de tournant pour
les années 1974-1988, celles-ci s’opposant aux débuts de la
Ve République souvent regardés sous l’angle de l’immobilisme
et de l’attachement aux valeurs du passé. Plusieurs éléments
de rupture peuvent être signalés par rapport à la période
précédente : fin des Trente Glorieuses avec ses conséquences,
avec l'entrée dans la crise, de nouvelles attentes émanant de
groupes sociaux (femmes, immigrés, jeunes), massification
et ouverture de la culture. « Mai 68 » est un événement
qui a annoncé la modernisation car il révèle de nouvelles
revendications sociales et culturelles.
- La tournure de la question proposée ici demande que les
connaissances soient mobilisées pour justifier l’affirmation
énoncée par de la question problématisée.
La société se transforme dans les années 1970-1980. Elle
s’enrichit et se rajeunit, son cadre de vie est plus urbain. Elle
est plus cosmopolite par les apports de l’immigration, et la
place des femmes est croissante sur le marché du travail. Les
revendications sociales sont prises en compte par l’État, qui
accompagne cette modernisation par des réformes sociales et
sociétales ainsi que culturelles. De nouvelles préoccupations
émergent : l’écologie dans les années 1970, le chômage,
l’épidémie de sida dans les années 1980.
- La culture se démocratise par la massification des médias,
notamment la télévision et le cinéma qui s’industrialise, la
création de nouveaux lieux d’exposition d’art, la multiplication
des spectacles, l’accès élargi au savoir. La culture s’ouvre
aussi aux influences mondiales, reflet de la multiplication des
échanges caractéristique de la mondialisation. Elle se libère
du pouvoir politique avec la fin du monopole de l’État sur les
médias audiovisuels (fin de l’ORTF en 1974, autorisation des
radios libres en 1981, développement des radios et chaînes
de télévision privées dans les années 1980). Le rôle de l’État
change : il soutient la culture (CNC, augmentation du budget
du ministère de la Culture sous l’impulsion de Jack Lang sous
Mitterrand, reconnaissance de la diversité des cultures).
Plan possible
1. Une société française en pleine mutation qui exprime de
nouvelles revendications, signe de la modernité
A. Une société transformée par les Trente Glorieuses qui
entre dans la crise
B. De nouvelles revendications sociales
C. La culture des Français se massifie et se mondialise
177
 2. Un État qui accompagne cette évolution vers la modernité
A. Des réponses aux revendications de la société
B. Du monopole de l’État sur la culture à une politique
de soutien à la démocratisation culturelle
C. Mais qui peine à prendre en compte les nouvelles
préoccupations qui émergent
SUJET 2 Les années Valéry Giscard D’Estaing et
François Mitterrand (1974-1988), une nouvelle manière
de gouverner ?
- Valéry Giscard D’Estaing est un président de droite dont le
mandat court de 1974 à 1981. Son successeur est le socialiste
François Mitterrand entre 1981 et 1988 (il effectue un second
mandat entre 1988 et 1995). Ils peuvent être considérés comme
incarnant une rupture par rapport aux vingt premières années
de la Ve République marquées par l’empreinte du général de
Gaulle : Valéry Giscard D’Estaing estime que « la France doit
devenir un immense chantier de reformes », François Mitterrand
est élu sur le slogan « Changer la vie ».
- 1974 correspond à l’élection de Valéry Giscard D’Estaing et
1988 à la fin du premier mandat de François Mitterrand.
- « Gouverner » est l’action de diriger et d’administrer, d’exercer
le pouvoir politique sur un territoire. Valery Giscard D’Estaing
veut moderniser la France en portant le projet de « société
libérale avancée ». Il prend de nombreuses mesures sociétales
(IVG, divorce par consentement mutuel, remboursement de
la contraception, collège unique) et libéralise les médias avec
la fin de l’ORTF. Il incarne une image de modernité : président
jeune et dynamique, il n’hésite pas à s’inviter chez les Français.
François Mitterrand souhaite « changer la vie » des Français par
des réformes sociales pour soutenir le pouvoir d’achat. Des
mesures symboliques sont aussi des ruptures, comme l’abolition
de la peine de mort en 1981, mais aussi la loi Defferre de 1982-
1983 sur la décentralisation organisant le transfert de pouvoirs
de l’État aux collectivités locales. L’opinion publique a une place
croissante dans la vie politique liée à la libéralisation des médias.
Ce phénomène fait apparaître de nouvelles revendications
comme l’écologie et la prise en compte de l’environnement,
ou encore la place des immigrés dans la société française. Il
faut noter cependant des éléments de continuité : la pratique
gaullienne et la présidentialisation du pouvoir demeurent. Lors
l’expérience de la cohabitation entre 1986 et 1988, le président
se recentre sur le domaine réservé des affaires étrangères
comme le faisait de Gaulle. L’élan réformateur se heurte aux
effets de la crise économique avec la politique de rigueur dès
1983.
Plan possible
1. Valéry Giscard D’Estaing et François Mitterrand incarnent
deux nouvelles manières de gouverner
A. Deux présidents qui veulent moderniser la France avec
des mesures symboliques
B. Des réformes pour moderniser la société française
C. Rapprocher le pouvoir des Français : la décentralisation
2. Mais il y a des limites à ces ruptures dans la manière de
gouverner
A. Des continuités dans la vie institutionnelle : le président
reste le centre de la vie politique et impulse les réformes
B. Une stabilité dans la politique sous Valéry Giscard
178
d’Estaing et le frein de l’élan réformateur avec la politique
de rigueur de 1983
C. La cohabitation de 1986-1988 : un président qui se
recentre sur le domaine réservé de la politique extérieure,
la marque d’une posture gaullienne
Exercice BAC p. 274
Analyse de document
L’objectif de cette double-page est d’insister sur l’importance,
dans une analyse de document, de montrer ce qu’il permet de
comprendre de la situation historique étudiée, mais aussi sur
la vision erronée ou incomplète qu’il présente.
Le document est un extrait d’un article du journal Le Monde
écrit par le professeur Luc Montagnier paru dans l’édition des
23-24 janvier 1993. Luc Montagnier est professeur à l’Institut
Pasteur et un des pionniers dans la lutte contre l’épidémie de
sida. Dans cet article, il dresse le bilan de la recherche sur cette
maladie 10 ans après son apparition. Le sida a laissé les mondes
médical et politique désemparés face à ce qui apparaissait
comme un fléau.
Étape 1 : Présenter le document
La particularité de l’auteur est qu’il est le premier chercheur
à isoler le virus responsable de la maladie, le VIH, virus de
l’immunodéficience humaine. Il fait cette découverte à l’Institut
Pasteur à Paris en 1983. Dès 1981, la première description de
la maladie est faite aux États-Unis, semant le trouble dans une
société marquée par la libération sexuelle des années 1970.
Étape 2 : Analyser la consigne
Des indications aident l’élève à analyser la consigne dans le
manuel. Les axes de réponse pour guider l’analyse lui sont
donnés.
Étape 3 : Analyser le document et le mettre en relation avec
des connaissances personnelles
Le monde médical peine à identifier l’épidémie car longtemps
la maladie est qualifiée à tort de « cancer gay ». Il a donc
des difficultés à accepter la découverte de Luc Montagnier,
car la communauté scientifique n’est pas prête et qu’au-
delà de cela, cette découverte « rencontre l’indifférence et
l’incompréhension ».
L’État prend en compte l’épidémie comme un problème de
santé publique en 1987, quand il déclare la lutte contre le sida
cause nationale et lance les premières actions de prévention.
Étape 4 : Dégager l’apport et les limites du document
La particularité de l’auteur de ce témoignage est qu’il est un
acteur de la découverte du virus à l’origine de l’épidémie. Il
est donc bien informé sur cette question. Ce document est
intéressant pour comprendre comment le sida a marqué le
monde médical et le pouvoir politique des années 1980 : il
montre les difficultés avec lesquelles les deux ont du mal à
appréhender cette épidémie.
Face aux difficultés du monde politique, des associations
comme AIDES en 1984 ou Act Up en 1989 cherchent à mobiliser
l’opinion publique et les pouvoirs publics, notamment en
manifestant. En 1987, le sida est considéré comme une cause
nationale par l’État.
Le professeur Montagnier, en délivrant son témoignage dans
le journal Le Monde, cherche à mettre en valeur l’importance
de sa découverte dix ans plus tôt, car c’est un précurseur. Il
rappelle cependant que le combat contre la maladie n’est pas
encore gagné.
Rédaction de l’analyse :
Au début des années 1980, la première description d’une
nouvelle maladie par des médecins américains sème le trouble
dans une société où la liberté sexuelle des années 1970 a
entraîné une certaine insouciance. Le sida fait son apparition
et la France n’y échappe pas. Le monde médical cherche alors à
identifier les causes de cette maladie et à trouver un traitement.
L’équipe du professeur Montagnier à l’Institut Pasteur de Paris
est en première ligne. Le document proposé est un extrait d’un
article du journal quotidien Le Monde du 24-25 janvier 1993
rédigé par ce pionnier de la recherche sur le sida. Il dresse le
bilan de 10 ans de recherche sur la maladie. Dans cette analyse,
nous chercherons à interpréter le regard que le professeur
Montagnier pose sur la prise en compte de l’épidémie de
sida par le monde scientifique et la classe politique dans les
années 1980.
Luc Montagnier explique les difficultés du monde de la
recherche médicale à affronter une nouvelle épidémie. Le
premier point qu’il aborde est la découverte avec son équipe
de l’Institut Pasteur du virus responsable de la maladie : « Il y a
dix ans, mes collaborateurs et moi-même isolions ce qui allait
devenir le virus du sida », rapidement considéré comme « le
suspect numéro 1 pour être l’agent causal de la maladie ». Le
virus de l’immunodéficience humaine est alors repéré. Cette
découverte permet la mise au point de tests nécessaires pour
dépister la maladie. Quand le professeur Montagnier évoque
les « groupes à risque », il fait référence aux homosexuels alors
considérés comme les seuls susceptibles de la contracter. Ceci
explique les « faibles moyens mis en jeu » pour lutter contre la
maladie. Le sida est longtemps considéré comme un « cancer
gay » ne touchant donc qu’une minorité de la population, alors
qu’il touche tout autant les hétérosexuels. La maladie reste
encore mal connue des médecins au milieu des années 1980,
de nombreuses erreurs de diagnostic empêchent de prendre
correctement en charge les patients. En outre, le professeur
Montagnier souligne les difficultés à faire accepter sa découverte
par le reste du monde médical, en expliquant qu’elle « suscite
à la fois l’enthousiasme de ses participants en même temps
qu’elle provoque les réserves et critiques d’une communauté
scientifique non préparée, ce qui est normal, parfois aussi
elle rencontre l’indifférence et l’incompréhension, ce qui
l’est moins ». Il met aussi en lumière les enjeux économiques
autour des tests élaborés par l’Institut Pasteur et le laboratoire
américain du professeur Gallo, entraînant une « guerre des
brevets ». Ce fait montre les difficultés du monde médical à
se coordonner à l’échelle mondiale pour travailler ensemble à
la recherche d’un traitement. Cela laisse dans l’opinion « une
déplorable image de querelles sordides, alors que des malades
meurent chaque jour ». Si les processus de transmission, par voie
sexuelle et sanguine, sont rapidement identifiés, le nombre de
morts ne cesse d’augmenter rapidement au cours des années
1980 : 32 cas en 1983 à près de 2 800 en 1990.
Le monde politique peine à prendre la mesure de l’épidémie.
Luc Montagnier souligne que les « retards pris dans les décisions
de santé publique en 1985 […] ont été largement dus au peu
de cas fait de ces recherches, comme de la maladie ». En effet,
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
le pouvoir politique est atone jusque sous le gouvernement
de cohabitation en 1986-1988. Le ministère de la Santé décide
alors de lancer des campagnes de prévention, notamment
en direction des jeunes, et insiste sur la nécessité d’utiliser un
préservatif. La lutte contre le sida devient cause nationale en
1987. L’État prend alors véritablement en compte l’épidémie
comme problème de santé publique. Sa responsabilité est mise
en cause quand, au début des années 1990, éclate le scandale du
sang contaminé. En effet dès 1985, des transfusés développent
la maladie. « Du fait du monopole de la transfusion sanguine,
les victimes se sont retournées contre un petit nombre de
responsables de l’époque ». L’État est mis en cause dans sa
gestion de la maladie. Si un retard est à noter dans le monde
politique, ce sont les associations militantes qui ont joué un
rôle moteur pour accélérer les décisions des pouvoirs publics.
En 1984 est créé AIDES pour apporter un soutien aux malades
et aux soignants, et pour pallier les carences du pouvoir. Ces
associations cherchent à alerter l’opinion publique, comme
Act Up, fondée en 1989, dont le slogan exprime l’idée que le
silence tue.
Le témoignage du professeur Montagnier est précieux pour
comprendre les difficultés du monde médical à appréhender
la maladie ainsi que les dissensions qui le traversent. Il met
aussi en évidence la réaction tardive du pouvoir, qui a attendu
plusieurs années pour prendre les mesures nécessaires. Le
professeur Montagnier cherche à mettre en valeur l’importance
de sa découverte, étant un précurseur, tout en rappelant que
le combat contre la maladie n’est pas encore gagné.
Exercice BAC p. 276
Analyse de documents
L’exercice proposé consiste à s’entraîner à construire une analyse
critique de deux documents.
Le document 1 est un extrait du message adressé par
François Mitterrand, président de la République, au Parlement,
à l’occasion de l’ouverture de la session parlementaire, le
8 avril 1986. L’Assemblée nationale, présidée par Jacques
Chaban-Delmas, écoute le message que François Mitterrand lui
adresse alors qu’au Sénat, c’est Alain Poher qui donne lecture
du message présidentiel. Les élections législatives du 17 mars
1986, organisées au scrutin proportionnel, donnent la victoire à
la droite. L’instauration du scrutin proportionnel doit répondre
à la promesse faite par Mitterrand dans ses 110 propositions.
Mais elle vise aussi à réduire le nombre de députés de droite,
en jouant sur les divisions de l’opposition et en faisant entrer
à l’Assemblée nationale les premiers députés d’extrême droite,
issus du Front national, pour affaiblir la droite. La situation
inédite issue de ce scrutin est celle de la cohabitation au sein
du pouvoir exécutif, le président socialiste devant choisir un
Premier ministre dans les rangs de la majorité de droite. Dans
ce message aux deux assemblées composant le Parlement,
Mitterrand entend faire connaître le rôle qu’il va endosser
pendant cette période de cohabitation.
Le document 2 est une caricature de Plantu parue dans le
journal Le Monde le 21 novembre 1986. Il montre une réunion
du Conseil des ministres présidée par François Mitterrand : il ne
se fait pas entendre du gouvernement dirigé par Jacques Chirac
en train de discuter d’un projet de loi. Ce document montre
aussi l’importance retrouvée de la Chambre des députés dont
179
 la majorité appuie le gouvernement. La politique intérieure est
impulsée par le gouvernement et non plus par le président,
comme cela est le cas quand pouvoirs exécutif et législatif sont
de même couleur politique.
La consigne conduit l’élève à présenter la situation nouvelle
de la cohabitation née des élections législatives de 1986, avant
de présenter les changements dans la pratique institutionnelle
que cela engendre.
Un tableau peut être proposé aux élèves afin qu’ils sélectionnent
les informations et les mettent en relation avec leurs
connaissances personnelles. Ce tableau peut ensuite servir
pour rédiger l’analyse.

Partie de l’analyse Informations tirées des documents Connaissances

- Les élections législatives de 1986 donnent lieu à une
nouvelle alternance : « Les Français avaient déjà choisi en
1981 l’alternance politique. Ils viennent en majorité de
marquer à nouveau, mais en sens contraire, leur volonté
de changement ». (doc. 1)
- En mai 1981, l’élection présidentielle du socialiste François
Mitterrand est un changement majeur dans l’histoire de la Ve
République : la France n’a alors jamais été dirigée par un
président et un gouvernement de gauche. Aux élections législa-
tives de mars 1986, une majorité de députés de droite est élue.

- La nomination de Jacques Chirac, Premier ministre de - La constitution de la Ve République nécessite que le Premier
droite non cité dans le document 1 mais représenté sur ministre nommé par le président soit issu de la majorité à la
le document au cœur du gouvernement qui présente un Chambre des députés, pour éviter la paralysie des institutions.
projet de loi. Mitterrand rappelle dans son message que
« Le gouvernement […] a pour charge, aux termes de
l’article 20, de déterminer et de conduire la politique de
Une situation nouvelle la nation ». (doc. 1)
en 1986
- Une situation nouvelle de cohabitation : François - François Mitterrand décide de ne pas démissionner mais de
Mitterrand souligne dans son message que « depuis rester chef de l’État puisqu’il a été élu pour sept ans et que son
1958 et jusqu’à ce jour, le président de la République a pouvoir ne dépend pas des élections législatives. Le partage
pu remplir sa mission en s’appuyant sur une majorité des idées entre le président et la majorité à l’Assemblée n’est
et un gouvernement qui se réclamaient des mêmes pas une obligation mais seulement un usage.
options que lui ». (doc. 1)

- Cette cohabitation peut être difficile comme le montre
la caricature où Mitterrand, présidant le Conseil des
ministres, montre son désaccord vis-à-vis de la politique
conduite par le gouvernement (« NON »). (doc. 2)
- Jacques Chirac mène une politique de droite libérale
(privatisations, simplification des procédures de licenciement)
qui va à l’encontre des idées et des mesures de Mitterrand au
début de son mandat (nationalisations, ISF, augmentation du
SMIC, droit du travail favorable aux salariés).

- Un nouveau partage des tâches : politique intérieure - Le président se replie sur le domaine réservé de la politique
pour Jacques Chirac, défense et politique étrangère pour étrangère, dans la continuité de la pratique gaullienne. Sa
François Mitterrand : « Je rappellerai seulement que la conception s’appuie aussi sur la présidentialisation du régime.
Constitution attribue au chef de l’État des pouvoirs […] :
fonctionnement régulier des pouvoirs publics, continuité
de l’État, indépendance nationale, intégrité du territoire,
respect des traités ». (doc. 1)

Un changement dans
la pratique institutionnelle
- Un président qui se fait protecteur des droits sociaux
des Français : « s’ajoute l’obligation pour lui de garantir
l’indépendance de la justice et de veiller aux droits
et libertés définis par la Déclaration de 1789 et le
préambule de la Constitution de 1946 ». (doc. 1)
- Le président cherche à se démarquer de Jacques Chirac
qui mène une politique influencée par le néo-libéralisme.
Le préambule de la Constitution de 1946 qui définit les
droits sociaux constitue aussi celui de la Constitution de la
Ve république. Mitterrand se fait donc le défenseur de la
République sociale.

- Un rôle renouvelé du Parlement : sur le document 2, on
voit le Premier ministre Jacques Chirac porter son projet
de loi à l’Assemblée.
- Quand Assemblée nationale et président de la République
sont du même bord politique, la première est soumise
aux idées du second. Dans le cas de la cohabitation, le
gouvernement s’appuie sur la majorité parlementaire pour
soutenir une politique opposée à celle du président.

Introduction : - Présentation des documents.

- En 1981, François Mitterrand est le premier président socialiste
élu sous la Ve République. Son programme de réformes qui
veut « changer la vie » des Français se heurte rapidement aux
difficultés économiques. Dès 1986, une politique de rigueur
est mise en place et l’opposition se renforce. Les élections
législatives de mars 1986 donnent la victoire à la droite et
conduisent à la première cohabitation.
- Annonce des axes de réponse de l’analyse : nous montrerons
que la situation politique en 1986 marque une nouveauté
puisqu'elle représente un tournant dans la vie institutionnelle
de la Ve République.
Développement : L’élève s’aide du tableau complété pour
rédiger son analyse.

180
Conclusion : L’élève explique que ces deux documents se
complètent pour étudier la nouvelle expérience politique
qu’est la cohabitation : si le premier insiste davantage sur les
aspects institutionnels, le second met en valeur les tensions qui
apparaissent au sein du pouvoir exécutif exercé conjointement
par le président et le gouvernement. Cependant, la cohabitation
est possible car il existe des zones d’accord larges entre gauche
et droite, notamment en politique étrangère.
Exercice BAC
Analyse de document
L’exercice proposé consiste à s’entraîner à construire une analyse
critique d’un document.
Le document est un extrait du rapport réalisé en septembre
1981 par Raymond Forni, député socialiste du Territoire de
Belfort et président de la Commission des lois entre 1981 et
1985, sur le projet d’abolition de la peine de mort. Nommé
par la Commission des lois chargée d’examiner la loi avant de
la présenter devant l’Assemblée nationale, le rapporteur est
chargé d’éclairer les travaux de la commission en présentant
un rapport sur le texte proposé, et si nécessaire d’élaborer des
amendements. Après son adoption en Conseil des ministres le
26 août 1981, puis son examen par la Commission des lois le
10 septembre, le projet de loi est examiné par l’Assemblée
nationale et adopté au cours des séances des 17 et 18
septembre. Mise en œuvre par le nouveau garde des Sceaux,
Robert Badinter, la proposition du candidat socialiste François
Mitterrand devient réalité seulement quatre mois après que ce
dernier ait accédé à la présidence de la République.
La consigne invite l’élève à remettre en perspective l’événement
qu’est l’abolition de la peine de mort dans son contexte. L’élève
peut ainsi mobiliser les connaissances acquises sur ce qui est
p. 277
un des points de passage et d’ouverture de ce chapitre.
Introduction : L’élection, en mai 1981, de François Mitterrand,
premier président socialiste de la Ve République, s’accompagne
de mesures symboliques comme l’abolition de la peine de
mort. Le document proposé est un extrait du rapport réalisé
en septembre 1981 par Raymond Forni sur le projet d’abolition
de la peine de mort, et présenté à l’Assemblée nationale le
17 septembre. Nous montrerons en quoi l’abolition de la peine
de mort s’inscrit dans un long processus de transformation de la
justice, mais aussi dans un changement de contexte politique.
Enfin, nous expliquerons en quoi cette décision est au cœur
d’un débat sociétal.

Partie de l’analyse Informations tirées des documents Connaissances

- Elle résulte d’un mouvement abolitionniste ancien :
« Après des siècles d’une lutte menée parfois avec
âpreté, souvent avec passion, mais toujours avec
conviction et pour laquelle tant de voix se sont élevées,
les abolitionnistes savent enfin aujourd’hui que leurs
efforts et leur constance n’auront pas été vains ».
L’abolition de la peine
de mort s’inscrit dans - Elle doit aboutir à une justice moderne : le rapporteur
un long processus de souligne qu’il faut « espérer que disparaisse à jamais de
transformation de la justice notre arsenal répressif cette peine barbare, ce châtiment
indigne de notre société ».
- Le mouvement abolitionniste remonte au XVIIIe siècle, les
philosophes des Lumières plaident pour une justice plus
humaine. La peine de mort est abordée au sein de l’Assemblée
nationale dès la Révolution française. Elle est abolie en 1848
sous la Seconde République pour les délits politiques.
- La peine de mort apparaît comme incompatible avec le
principe d’une justice plus humaine qui s’appuie sur des
arguments moraux et parfois religieux. En mars 1981, François
Mitterrand fait d’ailleurs connaître sa position en insistant sur
le fait qu’il est en adéquation avec le « tu ne tueras point »
défendu par différentes Églises et associations humanitaires.
On peut aussi faire référence au combat mené par Robert
Badinter, qui dénonce la peine de mort dans ses plaidoiries
dans les années 1970 alors qu’il est avocat.

- La victoire de François Mitterrand marque un tournant
symbolique dans la vie politique : « L’élection de François
Mitterrand le 10 mai dernier et l’avènement d’une
nouvelle majorité présidentielle sont la raison essentielle
sur laquelle s’appuie l’espérance ».
- L’abolition de la peine capitale fait partie des 110
propositions du candidat socialiste qui souhaite « changer
la vie » des Français par des réformes sociales mais aussi des
actes fondateurs, dont l’abolition de la peine de mort. C’est
pour cela qu’il nomme Robert Badinter garde des Sceaux et le
charge de défendre le projet.

L’abolition de la peine de - Une majorité de députés est en faveur de l’abolition : « Il - François Mitterrand sait qu’il peut s’appuyer sur la majorité
mort s’inscrit aussi dans un revient aux élus, dont c’est le rôle et l’honneur, de satisfaire socialiste élue à l’Assemblée. De plus, certains députés de
changement de contexte aux engagements qu’ils ont pris devant leurs électeurs et droite comme Jacques Chirac sont favorables à l’abolition.
politique de permettre l’aboutissement d’un long combat ».

- Mais ce changement d’opinion des députés s’inscrit
aussi dans un processus plus ancien : « C’est parce
que des promesses avaient été faites par le précédent
gouvernement - et notamment par son garde des
Sceaux M. Peyrefitte - qu’il nous est permis de croire que
ce débat est souhaité par l’immense majorité de ceux
qui siègent sur les bancs de l’Assemblée nationale ».
- La question de la peine de mort est abordée pendant le
septennat de Valery Giscard D’Estaing, président qui souhaite
moderniser la France et défend l’idée d’une « société libérale
avancée » en rupture avec ses prédécesseurs. Proposée en
1980 par des députés communistes, l’abolition est pourtant
rejetée, la fraction conservatrice de droite menant la lutte
contre ce projet.

Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988 181

 - Faire de la France un pays en accord avec ses valeurs
« dans le cadre de l’Europe occidentale - La France était
depuis trop longtemps en situation d’accusée, montrée
du doigt par l’ensemble de nos partenaires qui, pour
certains d’entre eux, depuis des années ont fait choix de
supprimer la peine capitale ».
Cette décision est au cœur
d’un débat sociétal
- La majorité des pays d’Europe occidentale ont aboli la peine
de mort parfois depuis le XIXe siècle. La France fait donc figure
d’exception. Or, la nation qui se veut la patrie des droits de
l’homme apparaît en retard et doit accorder sa législation
judiciaire sur celle de ses partenaires européens. Mais
le rapporteur insiste bien sur les pays d’Europe occidentale
car les États-Unis, autre partenaire de la France, n’ont pas aboli
la peine de mort.

- L’opinion publique française est plutôt hostile au projet
d’abolition : « En janvier 1981, d’après un sondage
SOFRES, 63 % de Français se disaient favorables au
maintien de la peine de mort, cette proportion est
revenue à 52 % ».
- Au début des années 1980, l’opinion publique est en faveur
du maintien de la peine capitale. L’idée qu’il faille éliminer les
criminels pour maintenir l’intégrité de la société semble encore
largement répandue.

Conclusion : La décision d’abolir la peine de mort est votée
par les députés le 18 septembre 1981. Ce vote résulte de la
volonté politique du candidat socialiste François Mitterrand,
qui souhaite une justice plus humaine mais se heurte à l’opinion
plutôt défavorable des Français. Cette mesure, devenue la
plus notable des septennats du président Mitterrand, doit
marquer une véritable rupture avec les 23 années de pouvoir
de la droite conservatrice.
Auto-évaluation p. 279
OBJECTIF 1
- L’élection de François Mitterrand constitue une rupture,
comme l’indique le terme « alternance » utilisé pour la nommer,
à plusieurs égards. Tout d’abord, l’élection d’un socialiste à
l’Élysée vaut approbation par le peuple d’un programme
résolument réformiste, issu en grande partie du « programme
commun » défendu par les socialistes et les communistes de
1972 à 1977. Après les présidences de Charles de Gaulle, de
Georges Pompidou et de Valéry Giscard d’Estaing, l’événement
est marquant. Les réformes proposées dans les 110 propositions
pour la France sont d’ailleurs mises en œuvre dès les premiers
mois de la présidence, avant d’être ralenties dès 1982 et
plus encore en 1983 lors du « tournant de la rigueur ». Par
ailleurs, l’élection de François Mitterrand est également une
rupture dans la mesure où l’alternance de la droite à la gauche
témoigne, certes, d’une forme de maturité démocratique de la
Ve République, mais aussi des hésitations et des inquiétudes qui
commencent à saisir la France en raison de la crise économique.
OBJECTIF 2
- La France connaît des mutations sociales importantes entre
1974 et 1988. Les jeunes du baby-boom parviennent à l’âge
adulte et promeuvent pour une partie d’entre eux des valeurs
issues du « moment 68 », concernant notamment la libération
des mœurs. Les femmes également occupent désormais une
place plus importante dans la société française, depuis que
la seconde vague féministe des années 1960 et 1970 a mis
en lumières les inégalités persistantes entre les hommes
et les femmes. L’immigration est un troisième facteur de
transformation de la société française : la figure du travailleur
immigré a laissé la place à une immigration plus composite
(première et deuxième génération de l’immigration), issue pour
une part plus substantielle qu’auparavant de régions extra-
européennes, et notamment d’Afrique du Nord. Les minorités
sexuelles, enfin, entament leur combat pour la reconnaissance
de leurs droits et pour leur visibilité dans l’espace public, des défis
rendus plus urgents encore par l’arrivée de l’épidémie de sida.
- La loi Veil autorise l’interruption volontaire de grossesse et
dépénalise de fait l’avortement. Promulguée le 17 janvier
1975 pour cinq ans à titre expérimental, elle est prolongée
sans limite de temps en 1979. Cette loi marque une victoire
pour le mouvement féministe qui réclamait pour les femmes
le droit à disposer librement de leur corps.
- La démocratisation de l’enseignement secondaire et supérieur
est l’un des axes structurants des politiques éducatives menées
en France à partir des années 1960 et pendant toute la période.
Elle vise, non seulement, à créer un cursus commun à tous les
enfants – c’est la logique du « collège unique » créé par la loi
Haby en 1975 –, mais aussi à faire accéder une part toujours plus
large de la jeunesse au baccalauréat et aux études supérieurs.
- L’abolition de la peine de mort marque une transformation
importante du droit pénal français, désormais plus soucieux des
droits de la personne humaine. Promise pendant la campagne
présidentielle par François Mitterrand en dépit d’une opinion
majoritairement favorable à la peine capitale, l’abolition de
la peine de mort est défendue devant l’Assemblée nationale
par le garde des Sceaux Robert Badinter, qui en a fait l’un des
combats de sa vie. L’abolition est finalement votée par les
députés le 18 septembre 1981.
- L’épidémie de sida frappe la France à partir du début des
années 1980. Mal comprise, la maladie semble au départ frapper
prioritairement les hommes homosexuels et les toxicomanes,
mais les services de santé constatent au bout de quelques
années que toute la population est concernée, en particulier
les jeunes. Sexuellement transmissible, l’épidémie marque la
fin des années d’insouciance et de libération sexuelle héritées
des « années 68 ». La France participe de façon importante
aux recherches sur l’épidémie, et c’est une équipe française
qui découvre le VIH, virus à l’origine du sida.
OBJECTIF 3
Notions
Nouveaux mouvements sociaux : expression utilisée pour
désigner les mouvements qui, à partir des années 1960, insistent
dans leurs revendications sur la qualité de la vie et l’égalité des
droits, plutôt que sur la répartition des richesses.

182
Baby-boom : forte augmentation des naissances dès la fin de
la Seconde Guerre mondiale jusqu’au milieu des années 1970.
Cohabitation : coexistence, dans une même période, d’un
président de la République et d’un Premier ministre de
tendances politiques opposées.
Féminisme : mouvement défendant les droits des femmes
dans tous les domaines de la vie politique, économique, sociale
pour parvenir à l’égalité homme-femme.
Intégration : insertion des immigrés dans la communauté
nationale qui passe notamment par l’adoption de codes
culturels partagés.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. 1974-1988, les transformations sociales de la France
Dates importantes : Il faut retenir ici les dates de l’apparition
de nouvelles revendications « sociétales » (fin des années 1960),
du premier choc pétrolier (1973), de la loi Veil (17 janvier 1975),
du début de l’alternance (1981), de la Marche pour l’égalité et
contre le racisme (octobre-décembre 1983), des manifestations
contre le projet de loi Devaquet (novembre-décembre 1986).
Notions importantes : Les notions centrales de la leçon sont
celles de baby-boom, puisque celui-ci explique l’importance
des jeunes et de leurs valeurs dans la société française, de
féminisme, qui est un mouvement politique majeur de la
période, et enfin de « nouveaux mouvements sociaux »,
ceux-ci contribuant fortement à l’émergence de revendications
nouvelles au sein de la population.
Personnages importants : Simone Veil (1927-2017) : Rescapée
de la Shoah, Simone Veil devient ministre de la Santé après
l’élection de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la
République. À ce titre, elle présente devant le parlement le
projet de loi sur la dépénalisation de l’interruption volontaire
de grossesse. Elle est alors la cible de mouvements de droite
et d’extrême droite opposés à l’avortement
Les grandes idées : Entre 1974 et 1988, la société française
est en mutation : elle est plus jeune en raison du baby-boom,
plus cosmopolite en raison de l’immigration et de la politique
de regroupement familial, et l’on constate une féminisation des
emplois. La société française est aussi animée par de nouvelles
aspirations, et l’on voit apparaître de nouveaux mouvements
sociaux qui revendiquent des droits pour chacun et une
meilleure qualité de vie. Pour répondre à ces revendications,
les gouvernements successifs mènent des réformes, qui ont lieu
en deux vagues : la première après l’élection de Valéry Giscard
d’Estaing en 1974 (loi Veil, loi Haby), la seconde après l’élection
de François Mitterrand en 1981 (fin des discriminations légales
envers les homosexuels, loi Roudy sur l’égalité professionnelle
entre les hommes et les femmes, réduction du temps de travail,
cinquième semaine de congés payés). Malgré ces réformes, la
population française, et notamment la jeunesse, doivent faire face
à la montée du chômage de masse et à l’apparition de nouveaux
risques, comme l’épidémie de sida dans les années 1980.
Savoir expliquer les transformations de la société française :
Des phénomènes comme le baby-boom ou l’immigration
transforment en profondeur la société française, qui formule
à partir des années 1960 et surtout 1970 de nouvelles
revendications. Cherchant à répondre à ces aspirations
nouvelles, les gouvernements successifs mettent en œuvre
des réformes qui accélèrent la modernisation du pays.
Chapitre 8 • Un tournant social, politique et culturel, la France de 1974 à 1988
Leçon 2. 1974-1988, l’évolution politique de la France
Dates importantes : Il faut retenir les dates de l’élection de
Valéry Giscard d’Estaing (mai 1974), des élections législatives
de 1978 lors desquelles la gauche est proche de gagner, de
l’élection de François Mitterrand (mai 1981), de l’abolition
de la peine de mort (septembre 1981), du « tournant de la
rigueur » (1983), de la percée du Front national lors des élections
européennes de 1984, et de la première cohabitation (1986-
1988).
Notions importantes : Les notions importantes sont celles
de relance budgétaire et de rigueur, afin d’appréhender
les réponses successivement mises en œuvre face à la crise
économique. Quant à la notion de cohabitation, elle apparaît
essentielle pour comprendre le dérèglement institutionnel de
la fin de la période.
Personnages importants : François Mitterrand (1916-1996) :
Né en 1916 dans un milieu familial de droite, passé par Vichy
puis par la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale,
François Mitterrand occupe plusieurs postes ministériels sous
la IVe République. Il se présente comme candidat unique de
la gauche, face à Charles de Gaulle en 1965. Lors du congrès
d’Épinay, en 1971, il devient à la fois adhérent et premier
secrétaire du Parti socialiste. En 1981, il est candidat pour la
troisième fois à l’élection présidentielle. Il est président de la
République de 1981 à 1995, durant deux mandats. Robert
Badinter (né en 1928) : Avocat, il mène un combat contre la
peine de mort dès le début des années 1970. Après l’élection
de François Mitterrand à la présidence de la République, il est
nommé garde des Sceaux et obtient l’abolition de la peine
capitale en 1981. Il est l’époux de la philosophe Élisabeth
Badinter.
Les grandes idées : De 1974 à 1988, la France connaît des
transformations politiques importantes. En 1974, une « petite
alternance » porte à l’Élysée Valéry Giscard d’Estaing, un libéral
non gaulliste, qui met en œuvre un train de réformes destiné
à moderniser la société française. Mais la crise économique
complique sa présidence, et il perd la présidentielle de 1981
au profit du socialiste François Mitterrand. Cette alternance est
l’occasion de réformes sociales fortement marquées à gauche :
réduction du temps de travail, cinquième semaine de congés
payés, nationalisations, abolition de la peine de mort. Mais la
contrainte budgétaire rattrape bientôt la majorité, qui doit
réduire les dépenses à partir de 1982, puis se résoudre au
« tournant de la rigueur » en 1983. La déception provoquée
au sein de l’électorat de gauche érode les résultats électoraux
des socialistes et engendre, après la perte des élections
législatives de 1986, la première cohabitation. Non prévue
par la Constitution de 1958 réformée en 1962, celle-ci constitue
un premier dérèglement institutionnel de la Ve République.
Savoir expliquer l’évolution politique de la France : Deux
phénomènes expliquent les bouleversements successifs qui
affectent la vie politique française entre 1974 et 1988. D’une
part, quelques années après « mai 68 », les Français expriment
de nouvelles aspirations et réclament un renouveau, après une
période gaullo-pompidolienne perçue comme statique. D’autre
part, la crise économique désenchante l’action politique, dans
la mesure où celle-ci semble désormais incapable d’enrayer la
hausse inexorable du chômage. Il résulte de ces phénomènes
des alternances politiques (1974, 1981), mais aussi des
dérèglements institutionnels (cohabitation de 1986-1988).
183
 Leçon 3. 1974-1988, un nouveau paysage culturel français
Dates importantes : Il faut retenir les dates de l’éclatement
de l’ORTF (1974), du tournant en faveur des radios libres et de
la fin du monopole d’État sur l’audiovisuel (1981), du début
de la construction du Grand Louvre (1981), de l’opéra Bastille
(1982) et de la Très Grande Bibliothèque (1988), de la création
de Canal + (1984) et de La Cinq (1986), de la privatisation de
TF1 (1987).
Notions importantes : Les notions de culture de masse et de
démocratisation culturelle sont ici centrales. Si la période ne
correspond pas à la naissance de la culture de masse – celle-ci
étant observable dès la fin du XIXe siècle –, elle enregistre du
moins sa mutation vers les supports audiovisuels, la télévision
en devenant le vecteur principal.
Personnages importants : Jack Lang (né en 1939) : Issu
du milieu culturel et théâtral, Jack Lang devient ministre de
la Culture en 1981. À ce poste, qu’il conserve dans tous les
gouvernements socialistes des deux septennats de François
Mitterrand, il cherche à accentuer la démocratisation de la
culture. Agnès Varda (1928-2019) : Née à Ixelles en Belgique,
elle est photographe de formation et se fait connaître par ses
clichés d’acteurs célèbres comme Gérard Philipe. Réalisatrice
proche de la Nouvelle Vague, elle reçoit de nombreux prix pour
ses documentaires et ses fictions : Ulysse (1984) reçoit le César
du meilleur court-métrage documentaire et Sans toit ni loi (1985)
le Lion d’Or à la Mostra de Venise. Catherine Deneuve (1943) :
Née à Paris, elle est considérée comme l’une des plus grandes
actrices françaises de sa génération. Elle a tourné pour les plus
grands réalisateurs et a utilisé sa notoriété pour défendre les
causes qui lui tiennent à cœur, comme l’autorisation de l’IVG
ou l’abolition de la peine de mort.
184
Les grandes idées : De 1974 à 1988, le paysage audiovisuel
français se transforme en profondeur. La recherche du pluralisme
conduit le président Valéry Giscard d’Estaing à dissoudre l’ORTF,
qui possédait jusque-là le monopole de la télévision et de la
radio en France. Mais la quête du pluralisme est un processus
inachevé. Il reprend après 1981 avec l’autorisation des radios
libres et la création de chaînes de télévision privées : Canal +, La
Cinq, puis M6. La première cohabitation accentue cette montée
des intérêts privés dans les médias avec la privatisation de TF1
en 1987. En parallèle des changements qui interviennent dans
l’audiovisuel, la culture française se massifie et se mondialise :
un véritable star-system hexagonal apparaît, qui coexiste avec
des productions d’auteur plus exigeantes, tandis que des films
et des musiques venues du monde entier, et notamment des
États-Unis, investissent les écrans et les ondes. Au point de vue
politique, la démocratisation culturelle connaît un nouveau
souffle avec la nomination de Jack Lang au ministère de la
Culture en 1981 : le prix unique du livre est instauré, la Fête de
la musique est créée, tandis que de grands projets culturels
et architecturaux sont lancés, souvent à l’initiative de François
Mitterrand lui-même.
Savoir expliquer les mutations du paysage culturel français :
La mondialisation et la massification de la culture sont deux
facteurs déterminants des mutations du paysage culturel
français. Désormais, l’audiovisuel touche un public élargi et
lui donne accès à des productions en provenance d’Europe
occidentale, d’Amérique du Nord, ou du Japon, pour l’essentiel.
À cela s’ajoute la recherche de démocratisation culturelle, qui
vise à donner accès à la culture au plus grand nombre et à
reconnaître une diversité des cultures à promouvoir.
 CHAPITRE
Nouveaux rapports de puissance
9 et enjeux mondiaux

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 4 – Le monde, l’Europe et la France depuis les années 1990, entre coopérations et conflits (8-10 heures)

Chapitre 9. Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à éclairer les tensions d’un monde devenu progressivement multipolaire en analysant le jeu
et la hiérarchie des puissances. Seront mises au jour les formes et l’étendue des conflits ainsi que les conditions
et les enjeux de la coopération internationale.
On mettra en perspective :
- les nouvelles formes de conflits : terrorisme, conflits asymétriques et renouvellement de l’affrontement
des puissances ;
- les crimes de masse et les génocides (guerres en ex-Yougoslavie, génocide des Tutsi) ;
- l’effort pour mettre en place une gouvernance mondiale face aux défis contemporains (justice internationale,
réfugiés, environnement).

Points de passage et d’ouverture - La fin de l’Apartheid en Afrique du Sud ;

- Le 11 septembre 2001.

Nous sommes dans le thème 4 du programme, « Le monde,
l’Europe et la France depuis les années 1990, entre coopérations
et conflits », que l’on doit traiter en 8-10 heures. Notre chapitre
ouvre ce thème. Il est suivi de deux chapitres, un sur la
construction européenne puis un sur la République française
sous la Ve République.
Problématique du chapitre :
Comment un monde multipolaire, dans lequel la
coopération internationale se renforce, a-t-il émergé
depuis les années 1990 ?
Cette problématique permet de répondre de manière précise
aux attendus du programme. En effet, il faut réfléchir sur le
monde nouveau qui est né avec la chute du bloc soviétique et
de l’URSS en 1991. Un monde multipolaire, plus instable, qui
doit s’entendre et agir de concert pour faire face aux grands défis
de la planète, en termes de justice internationale, de gestion
des réfugiés et des grands problèmes environnementaux et
de santé.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Les bornes chronologiques, définies dans la problématique par
l’expression « depuis les années 1990 », permettent d’ouvrir
le chapitre avec la guerre du Golfe (1990-1991) et la chute de
l’URSS (1991). L’analyse commence donc avec les événements
de l’année 1990 et se termine avec des faits récents, comme
les attentats islamistes de Paris en 2015 ou le sommet pour le
climat du 21 septembre 2019 (doc. 5 page 301).
Notions importantes et personnages principaux :
Il s’agit ici de s’interroger sur le passage d’un monde bipolaire
à un monde unipolaire (voir page 282), avec la superpuissance
américaine, puis au monde multipolaire d’aujourd’hui. La
notion de superpuissance est aussi au cœur des enjeux (voir
page 282). Les acteurs de la chute de l’apartheid sont présentés
pages 290-291 : le président Frederik de Klerk, le leader de
l’ANC, Nelson Mandela, qui devient le premier président noir
de l’Afrique du Sud, et l’opposante à l’apartheid Helen Suzman.
D’autres personnages ont marqué les relations internationales :
le chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden (page 293), ou la
militante écologiste Greta Thunberg (page 301).
Propositions de parcours dans le chapitre : Chaque professeur
va bien entendu s’approprier le chapitre à sa manière, en
fonction des capacités qu’il veut travailler avec ses élèves et des
études qui lui semblent pertinentes. Néanmoins, il doit traiter
obligatoirement des PPO, les points de passage et d’ouverture
(il y en a deux dans le programme pour ce chapitre). Ici, deux
scénarii conformes aux attendus du programme sont proposés.
Beaucoup d’autres voies sont bien évidemment envisageables,
en raison de la richesse et de la diversité des documents et des
études proposés dans ce chapitre.
Un parcours complet (en 3 h, évaluation non comprise) :
Chaque chapitre du thème est ici conçu pour être traité en
3 h, hors évaluation.
Première séance : état des lieux. On part du document 2
page 281 comme document d’accroche (10 minutes) pour
poser la question des réfugiés, des conflits, d’une gouvernance
mondiale. Puis on étudie les deux cartes pages 282-283
(25 minutes). On termine la séance par un travail sur l’apartheid
(PPO, pages 284-285).
Deuxième séance : on étudie les violences d’État, les crimes
de guerre et les nouvelles formes de conflits (leçons 1 et 2).

Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 185

 La classe est divisée en 6 groupes. Deux groupes sont créés par
l’enseignant selon leurs capacités dans l’analyse de documents
et étudient les documents pages 288-289 sur le génocide
des Tutsis au Rwanda (parcours 1 ou parcours 2). Deux autres
groupes travaillent pendant ce temps sur les guerres en ex-
Yougoslavie pages 286-287, sur les deux parcours, selon les
besoins de chacun, identifiés au préalable par l’enseignant. Les
deux derniers groupes étudient les attentats du 11 septembre
(PPO, pages 292-293) et terminent par la guerre en Irak de 2003
(page 294) selon les deux parcours proposés. Tous les groupes
doivent proposer une trace écrite à l’enseignant.
Troisième séance : retour rapide de l’enseignant sur les
travaux de groupes, avec distribution à partir des rendus des
élèves d’une trace écrite (10 minutes). Travail sur la mise en
place d’une gouvernance mondiale (leçon 3, pages 304-305) :
apports du professeur et appui sur différents documents des
études proposées en amont (pages 298-303).
Révisions pour le contrôle : à la maison, les élèves utilisent
les pages 310-311.
Quatrième séance : évaluation à partir de l’une des questions
problématisées proposées page 307.
Un parcours plus rapide, allégé (en 3 h, évaluation comprise) :
Première séance : les violences d’État, les crimes de guerre
et les génocides (étude de l’apartheid par deux groupes, des
autres thèmes par 6 autres groupes : voir séance 2 du parcours
complet).
Deuxième séance : la gouvernance mondiale : partir du
schéma récapitulatif page 305 et l’expliciter par des apports
du professeur et par l’appui sur l’une ou l’autre des études
proposées (justice internationale pages 298-299, gouvernance
environnementale pages 300-301 ou la question des réfugiés
pages 302-303).
Révisions pour le contrôle : à la maison, les élèves utilisent les
pages 310-311.
Troisième séance : évaluation à partir du 2e sujet des questions
problématisées proposées page 307.

Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence.
Sur la fin de l’apartheid
L’Histoire, les collections, HS, n°85, octobre-
décembre 2019 : « L’Afrique du Sud, des
Bushmen à la nation arc-en-ciel » : une
présentation très complète de l’histoire du
pays, avec un point précis sur l’apartheid et
sa disparition.
Bill KELLER, Mandela, le dernier héros du
XXe siècle, Éditions de la Table ronde, 2010 :
une biographie complète, parmi les
nombreuses parues sur le leader africain, écrite
par le célèbre journaliste du New York Times.
« L’Afrique du Sud, de l’apartheid à
Mandela », collection Comprendre un
monde qui change, Le Monde, 2013 : une
publication de 104 pages très accessible
pour comprendre ce qu’était l’apartheid, et
le rôle joué par Mandela dans la chute de ce
régime.
Frederik W. DE KLERK, Lettres à Nelson
Mandela, Éditions Débats Publics, 2019 :
14 lettres parfois intimes qui montrent
comment les deux hommes ont mis fin au
régime de l’apartheid.
Sur le génocide du Rwanda
L’Histoire, n°396, février 2014 : Rwanda
1994, le génocide des Tutsis : un massacre
bien expliqué, notamment sur les causes
et les conséquences du génocide, avec des
événements retracés de manière rigoureuse.
Florent PITON, Le Génocide des Tutsis au
Rwanda, collection Guides repères, La
Découverte, 2018 : un livre très complet qui
retrace l’ensemble du génocide rwandais.
Immaculée ILIBAGIZA, De l’horreur au pardon,
Artège Éditions, 2010 : le témoignage
d’une survivante tutsie, cachée pendant
91 jours avec les femmes de sa famille
dans une petite salle de bain, aujourd’hui
conférencière pour la paix et assistante pour
le Programme de développement de l’ONU.
Sur les conflits depuis 1990
L’Histoire, les collections, n°73, octobre-
décembre 2016 : l’odyssée des réfugiés : un
point très complet sur tous les exilés de la
planète.
Nicole BACHARAN et Dominique SIMONNET,
11 septembre, le jour du chaos, Perrin, 2011 :
le jour des attentats raconté minute par
minute.
Paul VILLATOUX et Fabienne MERCIER-BERNADET,
11 septembre 2001, la fin d’un monde,
collection les grandes dates de l’histoire,
Éditions l’Esprit du livre, 2011 : on revit la
journée du 11 septembre et on en comprend
l’importance dans la remise en cause de la
superpuissance américaine.
Thierry GARCIN, La Fragmentation du
monde, la puissance dans les relations
internationales, Economica, 2018 :
une plongée dans la géopolitique actuelle,
pour comprendre notamment ce qui fait
d’un pays une puissance aujourd’hui.
Bernard FÉRON, Yougoslavie, origines d’un
conflit, Marabout, Le Monde Éditions, 1996 :
pour comprendre comment l’implosion de
la Yougoslavie a pu être possible et quelles
étaient les oppositions internes, les rivalités
historiques, au sein du pays.
Mirko D. GRMEK, Marc GJIDARA et Neven SIMAC,
Le nettoyage ethnique. Documents histo-
riques sur une idéologie serbe, Seuil, 2002 :
une présentation très complète des exactions
commises par les différentes parties.
Philippe LOBJOIS et Elliot RAIMBEAU,
Les tambours de Srebrenica,
éditions Le Nouveau Monde Graphic, 2019 :
un roman graphique par un journaliste qui a
couvert la guerre en Yougoslavie à l’époque
des exactions. Une mise en images superbe.
Sur la mise en place d’une gouvernance
mondiale
Patrick MARTIN-GENIER, La Nouvelle
Gouvernance mondiale, un autre mode
de gestion des relations internationales,
Studyrama, 2018 : une analyse très
actuelle, avec un appui sur les fondements
historiques, solide et facile d’accès.
Ouvrage collectif, Démocratie et
gouvernance mondiale. Quelles régulations
pour le XXe siècle : Éditions Unesco – Khartala,
2003 : une approche du rôle des ONG,
de l’UNESCO, du forum social.
Ouvrage collectif, Pour un autre regard sur
les migrations, construire une gouvernance
mondiale, La Découverte, 2008 : un point
complet sur les mobilités forcées et le rôle de
tous les acteurs institutionnels ou privés.
Arnaud BLIN et Gustavo MARIN, Dictionnaire de
la gouvernance mondiale, Nuvis, 2015 : un très
bon support pour définir les notions essentielles
en droits de l’homme, en droit international,
dans le domaine environnemental...
Jean-Frédéric MORIN et Amandine ORSINI,
Politique internationale de l’environnement,
Les Presses de Sciences Po, 2015 : une
approche très pédagogique, avec cartes,
tableaux, thèmes variés et clairement
présentés.

186
 Bibliographie et sitographie
Sitographie
www.unenvironment.org/fr/explore-
topics/environmental-governance/about-
gouvernance-environnementale : un site
très complet de l’ONU sur la nécessité de
mettre en place une gouvernance mondiale
environnementale, avec des thèmes précis
bien mis en avant.
www.arte.tv/fr/videos/085697-004-A/
hubert-vedrine-la-gouvernance-mondiale/ :
une vidéo de la série Les Experts du Dessous
des Cartes consacrée à la gouvernance
mondiale, avec Hubert Védrine :
« Gouvernance mondiale, y a-t-il encore un
pilote dans l’avion ? », 2018.
https://enseignants.lumni.fr/fiche- Madeleine Mukamabano, réalisée par Medhi
media/00000000215/les-attentats-du-11- El Hadj et Rafik Zénine (émissions de 54-55
septembre-2001.html : le JT de France 3 minutes chacune).
(source : INA) analyse les 1ères images des
attentats en direct. Avec en texte le contexte http://www.memorialdelashoah.org/
précis de ce journal. rwanda/index.html : une exposition du
mémorial de la Shoah de 2014 autour du
https://information.tv5monde.com/info/la- génocide, que l’on peut consulter en ligne ;
guerre-de-bosnie-1992-95-5168 : la guerre très riche et très complète, notamment sur
de Bosnie présentée par la chaîne TV5 mémoire et justice.
Monde : une approche claire en 2 minutes.
https://www.franceculture.fr/emissions/
series/cinq-ans-apres-le-genocide-des-
tutsis-au-rwanda : 4 émissions de France
Culture de 1999 pour une présentation très
complète du génocide par

Les deux notions mises en exergue (monde multipolaire,

Ouverture p. 280-281
Le document 1 est une photographie montrant des soldats
américains tentant de faire tomber la statue géante du dictateur
irakien Saddam Hussein, le 9 avril 2003. L’opération « Liberté pour
l’Irak » a commencé le 20 mars 2003, avec des bombardements
anglo-américains sur des bâtiments officiels de Bagdad. Dès
le 21 mars, les bombardements intensifs commencent, c’est
l’opération « Choc et stupeur ». Les troupes au sol de la coalition
progressent rapidement. La statue avait été érigée en avril 2002
pour les 65 ans de Saddam Hussein. Les soldats américains, qui
ont pris Bagdad, aident les Irakiens à l’abattre, ce qui représente
un acte symbolique.
Réponse à la question :
Les Américains n’avaient pas prévu de faire tomber cette statue.
C’est en voyant que des Irakiens s’échinaient en vain dessus qu’ils
ont décidé d’intervenir. Il fallait que la statue s’effondre, pour
marquer les esprits, alors que toutes les télévisions occidentales
filmaient la scène. Faire tomber la statue, c’est symboliser la
chute réelle du dictateur irakien et de son régime.
Le document 2 est également une photographie. Elle permet
au professeur d’introduire la question centrale des réfugiés à
travers la situation de la Syrie. Selon l’Agence des Nations unies
pour les Réfugiés (UNHCR), plus de 5,6 millions de personnes
ont fui la Syrie depuis 2011, dont 3,3 millions qui vivent en
Turquie et plus d’un million au Liban (données statistiques
du 19 avril 2018, disponibles sur le site internet du HCR le
20 avril 2020). Un point scientifique complet a été établi en 2016
par Sciences Po (à lire ici : www.sciencespo.fr/enjeumondial/
fr/odr/les-refugies-syriens-en-turquie.html).
Réponse à la question :
Le photographe a choisi un angle de vue qui montre à la fois
la détresse des Syriens réfugiés et la difficulté de la situation
à laquelle ils sont confrontés. Les barbelés, la présence des
soldats, montrent le contrôle des flux de réfugiés. Parmi les
Syriens, massés derrière les barbelés, on aperçoit beaucoup
de femmes et d’enfants. Tous espèrent gagner la Turquie, puis
l’UE, pour obtenir de meilleures conditions de vie.
réfugiés) sont des notions-clés de la séquence d’enseignement.
C’est autour d’elles que l’enseignant peut construire sa réflexion
et sa démarche pédagogique, en accompagnant cela d’un
enrichissement du vocabulaire des élèves.
Quant aux dates-clés du chapitre, elles sont placées sur la
frise présente en haut de la page, permettant de faire ressortir
les deux PPO du chapitre (la fin de l’apartheid et les attentats
du 11 septembre 2001 à New York et Washington) et les dates-
clés du chapitre.
p. 282-283
Cartes
Nouveaux rapports de puissance et
enjeux mondiaux
L’objectif de cette double-page est de faire comprendre aux
élèves comment ont évolué les relations internationales et le
poids des grandes puissances depuis 1991. À la chute de l’URSS,
les États-Unis restent la seule superpuissance de la planète :
le monde est unipolaire. Mais depuis 2001 et les attentats du
11 septembre, le monde est devenu plus complexe, les acteurs
sont plus nombreux, les concurrents des États-Unis plus forts :
le monde est multipolaire.
Le document 1 est une carte présentant le monde unipolaire
qui a dominé la scène internationale depuis la chute de l’URSS
de Gorbatchev, le 25 décembre 1991. C’est la fin de la guerre
froide, de l’équilibre entre les deux grandes puissances. Les États-
Unis restent la seule superpuissance politique et militaire de la
planète. Du point de vue économique, ils ont des concurrents,
comme l’UE (qui succède à la CEE avec le traité de Maastricht),
le Japon ou les puissances émergentes (les BRICS, y compris
la Russie). L’ONU a retrouvé un rôle de premier plan comme
lors de la première guerre du Golfe. Cela n’empêche pas les
conflits, comme en République démocratique du Congo, ou
le génocide des Tutsis au Rwanda.
La document 2 présente la situation actuelle, née suite
aux attentats du 11 septembre 2001 et de l’affirmation de
concurrents puissants face à la puissance des États-Unis : on

Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 187

 parle d’un monde devenu multipolaire. En effet, la Chine n’est
plus qu’une simple « usine du monde » : c’est une puissance
industrielle et économique mondiale, et son influence politique
se renforce partout dans le monde (nouvelles routes de la soie,
présence renforcée en Afrique, etc.). Si le G20 montre une
certaine ouverture aux pays émergents, le Conseil de sécurité
de l’ONU reste réservé aux vainqueurs de la Seconde Guerre
mondiale. Les conflits locaux et les actions terroristes se sont
multipliés de par le monde.
Réponses aux questions :
Question 1 : Dans les années 1990, la chute de l’URSS a
laissé les États-Unis seule superpuissance de la planète sur
le plan politique. Mais leur leadership est contesté sur le plan
économique par l’UE et le Japon notamment. Depuis 2001,
la Chine est parvenue à dominer l’économie mondiale avec
les États-Unis. Les BRICS, le Japon et l’UE sont aussi de sérieux
concurrents économiques. De plus, la Chine est devenue une
grande puissance politique (nouvelles routes de la soie, soutien
à plusieurs régimes africains, etc.), alors que la Russie revient
sur la scéne internationale (guerre en Syrie, intervention en
Crimée, etc.).
Question 2 : Entre 1991 et 2001, on est donc passé d’un
monde unipolaire, dominé largement politiquement et
économiquement par les États-Unis, à un monde multipolaire
où les États-Unis, bien qu’ils restent dominants politiquement,
sont obligés de prendre en compte les autres pays. Le G7/G8
laisse de plus en plus la place à un G20, plus ouvert sur les
nouvelles puissances de la planète. Seul le Conseil de sécurité
de l’ONU n’a pas (encore ?) évolué, toujours contrôlé par les
cinq vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale qui ont un
siège permanent et un droit de veto.
POINT DE PASSAGE p. 284-285
1991-1994 : la fin de l’apartheid
Problématique : Comment le régime de l’apartheid disparaît-il
à partir de 1991 ?
Cette étude vise à répondre aux attendus du programme pour
présenter un PPO consacré à la chute de ce régime d’exception
qui a fait des discriminations le socle de sa politique en Afrique
du Sud.
Propositions de parcours
Proposition 1 : Je traite l’ensemble de la double-page à
l’aide du questionnement proposé, qui permet deux parcours
différenciés, le parcours 1 pour les élèves ayant besoin d’être
un peu aidés, le parcours 2 pour permettre aux élèves de
travailler la méthode bac d’analyse de deux documents de
nature différente.
Proposition 2 : Je dois aller plus vite : je commence par le
document 1 comme document d’accroche, car il est important
que les élèves comprennent ce qu’était ce régime de l’apartheid
avant qu’il ne disparaisse pour en cerner toute l’horreur. Puis
je recentre l’étude autour de deux documents, le graphique
(doc. 4) et le document 6, pour étudier le changement de
régime des années 1992-1994.
188
Le document 1 est une photographie qui sert à montrer la réalité
de l’apartheid au quotidien, ici sur une plage de Durban : des
zones étaient réservées uniquement aux Blancs, pour empêcher
tout « mélange » de « races » sur les plages. Il en était de même,
par exemple, dans les transports ou les sanitaires publics.
Le document 2 est une enveloppe de 1980 rappelant la
campagne de boycott des produits sud-africains organisée
pour frapper l’économie du pays, et donc tenter de faire plier
le régime. À partir d’avril 1975, la campagne anti-Outspan vise
l’orange, très présente sur les marchés français, pour dénoncer
le système de l’apartheid et, plus largement, l’exploitation des
travailleurs.
Le document 3 est un article tiré de la revue politique très
engagée Le Nouvel Afrique Asie, fondée en 1969 à Paris par
Simon et Barbara Malley, ardents défenseurs de la lutte contre
la décolonisation et de la cause palestinienne. Le magazine a
cessé d’être édité en 2017. Ici, dans le numéro de mars 1990,
Simon Malley revient sur la libération de Nelson Mandela, qu’il
voit plus comme un calcul politique du pouvoir blanc pour
éviter la révolte populaire, que comme une volonté humaniste
de F. de Klerk.
Le document 4 est un document statistique présentant les
résultats du référendum organisé le 17 mars 1992 afin d’abolir
l’apartheid en mettant en place une nouvelle Constitution. Seuls
les Blancs, qui ont le droit de vote, peuvent se prononcer : à
68,73 %, ils approuvent ce changement.
Le document 5 est une photographie montrant les deux
leaders sud-africains recevant le prix Nobel de la paix à Oslo,
le 10 décembre 1993. Ce prix est une récompense pour leurs
efforts pour mettre fin pacifiquement au régime de l’apartheid.
Le document 6 enfin est un extrait du discours d’investiture
de Nelson Mandela, le 10 mai 1994. Il a remporté les élections
présidentielles le 27 avril 1994 et devient ainsi le premier
président noir du pays.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Cette photo témoigne du système ségrégationniste
mis en place par l’apartheid en Afrique du Sud. Dans le pays,
les dirigeants ont décidé d’instituer un développement séparé
pour éviter le plus possible les contacts entre les Blancs et les
Noirs. Ainsi, la ségrégation spatiale est instituée, à travers des
plages réservées, des transports séparés, etc. Ici, à Durban,
cette plage est réservée aux Blancs. L’interdiction est écrite en
trois langues pour être comprise de tous : l’anglais, l’afrikaans
et la langue zoulou.
Question 2 : Depuis le milieu des années 1970, la communauté
internationale se mobilise pour lutter contre l’apartheid. Un
boycott de la marque d’oranges d’Afrique du Sud Outspan est
ainsi organisé. Les révoltes se multiplient dans les townships
en 1985 (voir chronologie). La libération de Mandela, leader
emblématique de l’ANC, va permettre de mettre fin au régime.
Il va négocier avec le président de Klerk la mise en place d’une
nouvelle Constitution, de manière pacifique. Celui-ci a compris
qu’il fallait de profondes réformes pour éviter une insurrection
et des massacres. Il s’y emploie dès son élection en 1989.
Question 3 : Nelson Mandela, le leader de l’ANC, et Frederik
de Klerk, le président de l’Afrique du Sud afrikaner, ont œuvré
ensemble à la transformation politique du pays, en mettant en
place pacifiquement une nouvelle Constitution et de nouvelles
lois, mettant fin au régime de l’apartheid créé en 1948.
Question 4 : Les victimes de l’apartheid, essentiellement les
Noirs, se sont toujours opposées à ce régime. Mais les révoltes
des townships (1985) et les injustices de la ségrégation sont
comprises par les Blancs comme le signal qu’il faut changer de
système politique. En 1992, 68,73 % des Blancs approuvent le
changement de Constitution. En 1994, Nelson Mandela est élu
président lors des premières élections libres du pays.
Bilan L’apartheid, instauré en 1948, prévoyait la mise en
place d’un développement séparé des Blancs et des Noirs, une
ségrégation totale entre les deux. À partir de 1989, Frederik de
Klerk, élu président, va lancer une politique de réformes. Il fait
libérer Nelson Mandela le 11 février 1990. Ensemble, les deux
hommes vont transformer le pays en douceur. La population
blanche accepte par référendum le 17 mars 1992 qu’une
nouvelle Constitution soit mise en place et que les réformes
se poursuivent. Les premières élections présidentielles libres
voient en avril 1994 la victoire de Mandela, qui devient ainsi le
premier président noir du pays, investi le 10 mai. Le pays, qui
était isolé sur la scène internationale, dont les produits étaient
boycottés comme les oranges d’Outspan depuis le milieu des
années 1970, est de nouveau dans le concert des nations. Les
deux leaders ont ainsi reçu le prix Nobel de la paix pour leur
politique en décembre 1993.
Parcours 2
L’apartheid, mis en place en 1948, prévoyait l’instauration
d’un développement séparé des Blancs et des Noirs, une
ségrégation totale entre les deux. À partir de 1989, Frederik de
Klerk, élu président, va lancer une politique de réformes. Il fait
libérer Nelson Mandela le 11 février 1990. Ensemble, les deux
hommes vont transformer le pays en douceur. La population
blanche accepte par référendum le 17 mars 1992 qu’une
nouvelle Constitution soit mise en place et que les réformes
se poursuivent. Les premières élections présidentielles libres
voient en avril 1994 la victoire de Mandela, qui devient ainsi
le premier président noir du pays, investi le 10 mai.
Dans son discours d’investiture, Nelson Mandela développe
son grand projet de société. L’Afrique du Sud ne doit pas
privilégier une couleur de peau sur une autre. C’est dans sa
diversité « raciale » que l’Afrique du Sud va puiser sa force,
pour s’affirmer sur la scène internationale. Il parle de nation
« arc-en-ciel ». Mandela veut développer le pays, lutter contre
la misère et le sous-développement, donner les meilleures
chances possibles à chacun de ses habitants.
Étude p. 286-287
Les guerres de Yougoslavie : retour des
crimes de masse
Problématique : Comment les guerres en Yougoslavie sont-
elles marquées par des violences sans précédent en Europe
depuis la Seconde Guerre mondiale ?
Cette étude a pour but de faire réfléchir au concept de crime
de masse, qui fait son retour en Europe dans les années
1990. L’exemple de la Yougoslavie, ce pays des Balkans
composé de peuples d’origines et de religions diverses qui
se sont sédimentés au fil des siècles, État fédéral tenu d’une
main de maître par le maréchal Tito jusqu’à sa mort en
1980, est révélateur de ce que des guerres d’indépendance
peuvent encore dégénérer en une destruction volontaire
de populations entières pour le contrôle de territoires. Six
documents, une chronologie (où l’on mettra surtout en avant
la guerre de Bosnie et celle du Kosovo) et un bilan des victimes
(le plus consensuel possible, même s’il est encore l’objet de
beaucoup d’interrogations et de controverses) permettent
d’analyser cette question yougoslave qui a tragiquement
marqué l’Europe au lendemain de la guerre froide. Son
implosion (1991-1999) en sept Républiques ne s’est pas faite
sans heurts.
Le document 1 est une carte extraite de L’Atlas historique de
G. Duby qui a pour but de mettre en avant la diversité
ethnique de la Yougoslavie. La carte répertorie ici huit
principales origines ethniques ; mais seules six « nations »
(c’est-à-dire nationalités) sont reconnues officiellement dans
le pays (les Slovènes, les Croates, les Serbes, les Monténégrins,
les Macédoniens et les Musulmans ou Bosniaques), qui
est composé, en tant que République fédérale, de six
Républiques. Certaines d’entre-elles s’identifient clairement
à un peuple tandis que d’autres « nations » s’étendent sur
différentes Républiques (Croate, Bosniaque, Serbe), devenant
alors dans certaines d’entre-elles des minorités.
Le document 2 et le document 3 sont des photographies
relatives à la guerre de Bosnie (1992-1995) lors de laquelle
des groupes paramilitaires serbes commettent des atrocités
contre les civils de Bosnie (Bosniaques ou Croates) car leur
chef, S. Milosevic, refuse l’indépendance de cette République,
voulant plutôt reconstituer la « Grande Serbie » (c’est-à-dire
étendre son État sur l’ensemble des territoires où vivent des
Serbes). La photo du document 2 met en relief la traque des
civils par les Serbes, difficilement protégés par les Casques
bleus de l’ONU, en mission depuis le début de la guerre.
La photo du document 3 offre à voir le charnier des plus
de 8 000 Musulmans qui ont été tués lors du massacre de
Srebrenica (petite ville de Bosnie) orchestré par le Serbe
Ratko Mladic en juillet 1995. Voici une illustration de ces
crimes de masse, qui se rapprochent des génocides.
Le document 4 est à mettre en lien avec cette dernière
photo. Il s’agit d’un article de journal (Le Figaro) qui revient,
13 ans après, grâce à l’ouverture des archives, sur le massacre
de Srebrenica et stigmatise l’impuissance de l’ONU. Elle
a pourtant été dépêchée depuis 1992 pour s’interposer
entre les belligérants, notamment dans cette zone (forces
néerlandaises) où elle doit protéger les civils. L’article permet
aussi d’insister sur le fait que ce sont en grande partie des
civils qui sont la cible des attaques.
Le document 5 vient compléter cette approche en insistant
sur les modalités de ce qu’on appelle une « épuration
ethnique ». Les atrocités de la guerre sont telles qu’un groupe
va jusqu’à éliminer dans des conditions terribles des civils,
précisément parce qu’ils sont d’une ethnie différente. Ce
texte est la retranscription du témoignage oral d’un adjoint
de Ratko Mladic, le principal organisateur de ces massacres.
Il veut peut-être se dédouaner de ses fautes en les reportant
sur son chef ; en tout état de cause, des charniers de ce type
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 189
 ont bien existé, comme en témoigne la photographie du
document 3.
Le document 6 est une carte qui présente la Bosnie-
Herzégovine et ses divisions territoriales après 3 ans de
guerre au moment de la paix de Dayton, négociée par
l’entremise des États-Unis en 1995. On pourra rappeler que
la guerre a été déclenchée du fait de l’irrédentisme serbe
au sein d'une Bosmie à la forte diversité ethnique. C’est ce
qui explique que le règlement de la guerre fait de cet État
une fédération divisée en République serbe de Bosnie
(rassemblant les Serbes) et en Fédération croato-musulmane
(rassemblant Croates et Bosniaques). Les habitants du pays
s’appellent depuis les « Bosniens ». L’ONU reste présente pour
maintenir la paix et trois pays (États-Unis, Royaume-Uni et
France) sont chargés d’y veiller, chacun étant en charge d’un
secteur territorial.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Au début des années 1990, la Yougoslavie est un
État fédéral composé de six Républiques dont les frontières,
pour certaines, épousent l’implantation ethnique (la Slovénie
ou la Macédoine) tandis que pour d’autres, notamment
pour les Croates et les Bosniaques (Musulmans), ce n’est
pas le cas. On retrouve, par exemple, des Serbes en Bosnie
mais aussi des Bosniaques en Serbie, Bosnie et Macédoine.
Cet enchevêtrement de peuples ne résiste pas aux volontés
d’indépendance nationale des Républiques.
Question 2 : Les atrocités des guerres de Yougoslavie ont
consisté en des crimes de masse qui se sont apparentés
à une « épuration ethnique » voire, pour certains, à un
génocide perpétré par des groupes paramilitaires serbes
contre les Bosniaques lors de la guerre de Bosnie (1992-
1995). La photographie du document 3 met en évidence un
charnier à Srebrenica, qui rappelle le massacre évoqué au
procès de Ratko Mladic et que l’on peut aussi rapprocher du
bilan humain présenté. On mettra ainsi en évidence que plus
de la moitié des tués (selon les chiffres de l’ONU) pendant
les guerres de Yougoslavie sont des civils, c’est-à-dire des
personnes sans défense, tués à la fois en masse et parce qu’ils
font partie d’une ethnie particulière. Ceci n’est évidemment
pas sans rappeler les crimes nazis contre les Juifs ou les
Tziganes, entre autres.
Question 3 : La guerre de Bosnie est une des trois guerres
qui a ensanglanté la Yougoslavie dans les années 1990. Elle
s’explique par le fait que les Bosniaques ont revendiqué leur
indépendance alors que de nombreux Serbes, hégémoniques
dans le pays (le président Slobodan Milosevic est Serbe) sont
aussi présents dans cette République. Une guerre civile éclate
donc de 1992 à 1995 entre Serbes, Croates et Bosniaques,
marquée par des atrocités comme l’Europe n’en avait pas
connu depuis la Seconde Guerre mondiale (des massacres
en masse de civils et « purification ethnique » – comme à
Srebrenica en juillet 1995 – ont été perpétrés pendant ces trois
ans par les Serbes, malgré l’interposition de l’ONU). La ville
martyr de Sarajevo, qui a connu trois ans de siège et dont la
population a été décimée, en est le témoin. Selon les sources
de l’ONU, près de 125 000 morts sont dénombrés (mais
certaines estimations vont jusqu’au nombre de 200 000).
190
La guerre a été réglée par l’intervention des États-Unis de
Bill Clinton qui a négocié les accords de Dayton (1995) : la
Bosnie est désormais divisée en deux (Fédération croato-
musulmane et République des Serbes de Bosnie) et le TPIY
juge les criminels de guerre (responsables de crimes contre
l’humanité).
Question 4 : L’ONU, dont la vocation est de maintenir la paix
à travers le monde, a échoué à stopper l’engrenage de la
guerre malgré sa présence en Bosnie, au point que ce sont les
États-Unis, à la tête de l’OTAN, qui organisent les accords de
Dayton en 1995. On lui a même beaucoup reproché d’avoir
laissé faire ces massacres, notamment à Srebrenica. En 1995,
elle est présente en Bosnie pour y maintenir la paix, une fois
les accords signés.
Parcours 2
On reprend les éléments précédents en insistant sur les
crimes de masse (chiffres pour souligner l’ampleur et les
caractéristiques des massacres pour mettre en avant l’horreur
de ces crimes) ; des crimes que l’on explique par la volonté
d’opérer une « purification ethnique ». Tout ceci s’est produit
entre 1992 et 1995 sans que la Communauté internationale
puisse concrètement agir : l’ONU a failli à sa mission d’assurer
la paix et de protéger les civils. C’est l’intervention américaine
qui a permis de mettre fin au conflit et aux massacres, par les
accords de Dayton.
Étude p. 288-289
1994 : le génocide des Tutsis au Rwanda
Problématique : Comment une politique d’extermination de
l’ethnie tutsie au Rwanda s’est-elle mise en place ?
Cette étude vise à répondre aux attentes du programme sur
la présentation du génocide des Tutsis lors de la guerre civile
qui a sévi au Rwanda en 1994.
Proposition de parcours
Proposition 1 : Je traite l’ensemble de la double-page par
les questions des deux parcours différenciés proposés à la
page 289 : le parcours 1, pour les élèves ayant besoin d’être
un peu aidés, le parcours 2 pour permettre aux élèves de
travailler la méthode bac de la composition par la rédaction
d’une quinzaine de lignes sur le sujet proposé.
Proposition 2 : Je dois mettre les événements davantage en
contexte : le professeur explique les raisons du déclenchement
du conflit (accroche 5 à 10 minutes), puis les élèves travaillent
sur le texte 3 pour montrer l’horreur du génocide (15 min)
et enfin sur le schéma 5 pour dresser un bilan de l’action du
TPIR que le professeur aura présenté en amont (15 min). La
trace écrite est rédigée en se basant sur la chronologie de la
page 288 (10 min).
Le document 1 est un article du quotidien français Le Monde du
8 avril 1994 qui revient sur le double assassinat des présidents
hutus du Rwanda et du Burundi le 6 avril 1994. Cet article
présente les deux ethnies qui s’opposent dans les deux pays
avec une réflexion historique qui permet de mieux cerner les
rivalités existantes.
Le document 2 est un témoignage d’un milicien hutu condamné
à la prison à vie pour son action dans les massacres de Tutsis
pendant le génocide rwandais. Il est publié dans un article du
quotidien communiste français L’Humanité. L’horreur de ces
massacres apparaît très clairement.
Le document 3 renforce cela. Il s’agit cette fois du témoignage
d’un humanitaire hollandais de Médecins sans frontières présent
au Rwanda pendant le génocide. Il raconte clairement les
horreurs qu’il a vues.
Le document 4 est une carte qui permet de suivre le déroulement
géographique du génocide rwandais qui a duré 100 jours. Il
présente également le nombre de victimes par région, montrant
que Kigali est l’un des principaux foyers des massacres.
Le document 5 enfin est un graphique que nous avons créé
pour montrer ce que le TPIR, le Tribunal pénal international
pour le Rwanda, a décidé pour les 93 personnes mises en
accusation. Ce tribunal a siégé à Arusha en Tanzanie.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’événement qui fait basculer le Rwanda dans
le génocide est l’assassinat des présidents du Rwanda et du
Burundi, tous les deux hutus, lors de l’attentat contre leur avion
à Kigali le 6 avril 1994.
Question 2 : Après l’attentat contre l’avion des présidents et
la mort de ceux-ci, le pouvoir rwandais décide de s’en prendre
aux Tutsis, jugés responsables de ces assassinats. Dès le 7 avril,
les massacres ont lieu à grande échelle. Les milices hutues, les
Interahamwe fondées en 1992, massacrent les civils tutsis à
l’arme blanche ou leur tirent dessus.
Question 3 : La communauté internationale a été rapidement
dépassée. Les ONG sont intervenues rapidement, comme
Médecins sans frontières, mais ne peuvent rien faire face
aux milices armées. La France est intervenue par l’opération
« Turquoise » pour tenter de protéger les civils.
Question 4 : Le bilan du TPIR est mitigé. Seulement 93
personnes ont été traduites en justice. 62 ont été condamnées
et 14 réellement acquittées.
Bilan Principaux points à évoquer :
– Le génocide des Tutsis au Rwanda a fait un million de morts,
sur 6 millions d’habitants, en 100 jours seulement : un effroyable
bilan humain. La grande majorité des morts sont des civils,
la plupart des Tutsis mais le FPR, le Front patriotique rwandais
a lui aussi massacré des civils, cette fois des hutus.
– Le FPR, mouvement politique et militaire tutsi, s’empare de
Kigali le 4 juillet 1994. Un nouveau gouvernement est mis en
place, dominé par les Tutsis, même si le nouveau président
et le nouveau Premier ministre sont deux hutus modérés.
À charge pour eux de reconstruire le pays.
– La France et l’ONU sont intervenues dès le 8 avril : 400
parachutistes français prennent le contrôle de l’aéroport et
évacuent les ressortissants européens et la famille du président
assassiné. Le 23 juin, l’opération « Turquoise » est lancée pour
mettre fin aux massacres de civils. Lorsqu’elle termine sa mission
le 22 août, le bilan est mitigé. La communauté internationale
va alors juger les criminels de guerre dans le TPIR créé pour
l’occasion (1994-2015).
Parcours 2
La population du Rwanda est composée de trois ethnies :
les Hutus (85 % de la population totale), en majorité des
agriculteurs, les Tutsis (environ 14 %), le plus souvent des
éleveurs, et les Twas (1 %). Les rivalités datent de la colonisation,
quand les Belges s’appuyaient sur les Tutsis pour gouverner.
En 1992, le président rwandais forme dans chaque village
une milice hutue, les Interhamwe, ce qui signifie « frappons
ensemble ». Pourtant, le 4 avril 1994, la paix est signée à Arusha
(Tanzanie).
C’est en revenant de cette conférence de paix le 6 avril 1994
que les présidents hutus du Rwanda et du Burundi meurent
dans l’attentat qui détruit leur avion au-dessus de Kigali. Cet
événement dramatique sert de prétexte aux extrémistes hutus
pour s’en prendre à la minorité Tutsie et aux modérés Hutus.
Dès le lendemain, la Première ministre hutue modérée, Agathe
Uwilingiyimana, est assassinée ainsi que les dix Casques bleus
belges qui tentent de la protéger. Une véritable « chasse aux
Tutsis » est ouverte, marquée par de nombreux massacres et
des scènes d’horreur, les Cent jours du génocide rwandais :
exécutions de civils, massacres à la machette, viols collectifs, etc.
Mais les troupes tutsies du FPR prennent Kigali le 4 juillet 1994.
La présence des Casques bleus et des troupes françaises n’a
pas pu empêcher le génocide qui a duré une centaine de jours.
Pour juger les commanditaires de ce crime contre l’humanité,
le Conseil de sécurité de l’ONU a créé un tribunal spécial,
le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le
8 novembre 1994. Lors de ces événements, 800 000 personnes
ont été assassinées en trois mois, essentiellement des Tutsis.
Près de 2 millions de personnes ont quitté le pays. Le manque
d’efficacité de l’ONU, de la Belgique et de la France, a été
soulevé. Le TPIR a inculpé 93 responsables de génocide et a
terminé sa mission le 31 décembre 2015. 14 personnes ont
été acquittées, 23 ont purgé leur peine à la fin 2019, 10 sont
décédées. En moyenne, ils ont été condamnés à 7 à 20 ans de
prison par le Tribunal international mais beaucoup bénéficient
d’une libération anticipée. Aujourd’hui, certains pointent du
doigt la responsabilité de la France par son soutien militaire
au régime hutu de 1990 à 1993.
Leçon 1 p. 290-291
Violences d’État, crimes de masse et
génocides
Cette leçon vise à répondre aux attentes du programme sur la
multiplication des crimes de masse et des conflits génocidaires
dans les années 1990.
Problématique : Comment ces formes de violence continuent-
elles de se développer dans le monde depuis les années 1990 ?
En effet, dans un monde devenu unipolaire, où les États-Unis
dominent politiquement le monde, où l’ONU a retrouvé de la
force, comment de telles pratiques ont-elles pu se dérouler ?
La première partie du cours rappelle que le régime de
l’apartheid a été créé en Afrique du Sud en 1948. Ce
système politique organisait un développement séparé selon la
« race ». Noirs, métis et Blancs vivaient les uns à côté des autres.
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 191
 Les Blancs bénéficiaient de places réservées dans les transports,
de toilettes séparées, de plages uniquement pour eux. Frederik
de Klerk va lancer des réformes et permettre en 1990 la libération
de Nelson Mandela. Le 10 mai 1994, celui-ci entre en fonction
comme le premier président noir du pays. Les trois biographies
proposées dans cette leçon concernent l’Afrique du Sud :
Frederik de Klerk, Nelson Mandela et Helen Suzman.
La seconde partie de la leçon porte sur les crimes de masse
perpétrés dans l’ex-Yougoslavie. À partir de 1991, le pays
implose. Des crimes de masse ont lieu en Bosnie comme à
Srebrenica en juillet 1995. Des massacres sont perpétrés à
l’instigation des gouvernements ou de milices. Les civils sont
les premières victimes de ces conflits. Le Kosovo est la dernière
région à connaître ces crimes à partir de 1998-1999.
Enfin, dans une troisième partie, il s’agit de montrer qu’au
Rwanda, on a vu ressurgir le spectre du génocide. En
100 jours, un million de Rwandais, notamment des Tutsis mais
aussi des Hutus modérés, ont été massacrés. Le gouvernement
rwandais est à l’origine d’un véritable génocide des Tutsis,
l’ethnie minoritaire du pays. Cela a donné lieu après la guerre
à l’instauration d’une juridiction internationale spéciale, le TPIR.
Le schéma bilan permet aux élèves de réviser le cours par
une approche synthétique, logique, des idées développées
dans la double-page. L’idée est de montrer comment dans les
années 1990 des violences de masse de trois types différents
ont pu se dérouler en Europe et en Afrique. Avec la particularité
de l’Afrique du Sud, où le système de l’apartheid de 1948
disparaît à partir de 1991. La notion de crime de masse, définie
page 290, est centrale dans cette double-page.
POINT DE PASSAGE p. 292-293
MÉTHODE BAC
Le 11 Septembre 2001
Problématique : En quoi le 11 Septembre marque-t-il un
tournant dans la géopolitique mondiale ?
Cette étude constitue un point de passage du programme
qui nous invite à centrer la réflexion sur un événement, son
déroulement et ses conséquences immédiates. Il constitue
un tournant majeur dans la géopolitique mondiale de
l’après-guerre froide. En effet, l’attaque d’Al-Qaïda sur
New York et Washington le 11 septembre 2001 remet en
cause l’hégémonie des États-Unis de la décennie précédente
et marque peut-être, a posteriori, le début de leur déclin.
Le dossier de documents ici présenté est composé de deux
textes et de deux photographies ainsi que de quelques
annexes.
Le document 1 est une photographie de l’encastrement
d’un avion de ligne dans l’une des deux tours jumelles du
World Trade Center, en plein cœur de Manhattan (New York),
prélude à son effondrement quelques minutes après. La cible
choisie par les terroristes d’Al-Qaïda ne relève pas du hasard :
ces tours jumelles, construites à la fin des années 1960,
sont le symbole de la réussite économique et financière
triomphante du pays ainsi que de toutes ses valeurs.
Le document 2 est l’extrait d’un discours prononcé à chaud
par le président George W. Bush au soir des attentats, alors
192
même que le pays compte ses morts et ne sait pas encore qui
est derrière les attentats (même si Al-Qaïda est rapidement
soupçonnée). Il répond à un acte terroriste par une déclaration
de guerre ; il vise par là à galvaniser le peuple américain en
jouant à la fois sur la compassion et la détermination, et à se
présenter comme le chef de file du monde libre qui part en
lutte contre ceux qui nient la liberté.
Le document 3 est l’image figée d’un des discours d’Oussama
Ben Laden après les attentats. Il revendique très rapidement
avoir commandité ces attentats et distille des informations à
ce sujet tout au long des semaines suivantes par le biais de
vidéos enregistrées ou lors de discours relayés par la chaîne
islamiste qatarie, Al-Jazeera, comme c’est le cas ici (décembre
2001). La biographie de ce prince saoudien en vis-à-vis
permet de mettre en avant le fait qu’il associe son islamisme
(fondamentalisme à visée politique) au terrorisme. Il a trouvé
refuge en Afghanistan auprès des talibans qui ont pris le
pouvoir en 1996.
Le document 4 est un extrait de la résolution de l’ONU qui
légitime après coup (14 novembre 2001) l’entrée en guerre
des États-Unis et de leurs alliés en Afghanistan le 7 octobre.
Il est prouvé que les talibans protègent Oussama Ben Laden
dans les zones tribales du pays ; l’intervention de la coalition
internationale a pour but d’éradiquer à la fois le mouvement
terroriste et les talibans. Cette résolution insiste sur la
nécessaire transition démocratique vers un nouveau régime
en Afghanistan après la rapide victoire américaine à Kaboul.
L’ONU aura un rôle central pour trouver une solution et y
maintenir la paix.
Réponses aux questions :
Question 1 : Les attentats du 11 Septembre 2001 ont été
minutieusement préparés par les terroristes kamikazes
d’Al-Qaïda. Il s’agit de détourner quatre avions de ligne des
compagnies American Airlines et United Airlines pour les
abattre sur la capitale économique (New York) et la capitale
politique (Washington) des États-Unis afin de frapper la
première puissance mondiale en son cœur. Entre 8 h 14 et
10 h 03, deux avions se sont encastrés dans les tours jumelles,
causant leur effondrement l’une après l’autre, quelques
minutes après l’impact ; un troisième avion s’écrase sur le
Pentagone (département de la Défense) à Washington et
un quatrième, se dirigeant probablement vers le Capitole
(Sénat et Chambre des Représentants), est détourné par les
passagers et s’écrase finalement en Pennsylvanie. Le bilan est
très lourd : près de 3 000 victimes et plus de 6 000 blessés.
Le soir même, le président Bush prononce un discours dans
lequel il déclare la guerre aux terroristes.
Question 2 : Cet événement est perçu comme une remise en
question de la puissance américaine car les attentats visent
les symboles par excellence de celle-ci : celui de la réussite
économique, que sont les hautes tours qui parsèment la
plupart des villes américaines depuis le XIXe siècle, et ceux du
fonctionnement démocratique du pays (Pentagone et colline
du Capitole). George W. Bush ne s’y trompe pas lorsqu’il dit
que les terroristes s’en sont pris à la valeur fondatrice des
États-Unis : la liberté. Une liberté à la fois politique (incarnée
par la démocratie) et économique (incarnée par le libéralisme
et le capitalisme) qui ont fait la force du pays.
Question 3 : G. Bush et O. Ben Laden galvanisent tous deux
leurs partisans. Le président des États-Unis se présente à la
fois comme le père d’une nation en deuil qui vient consoler
ses concitoyens et comme le chef d’une nation en guerre qui
doit tout mettre en œuvre pour éradiquer ses ennemis. Le
chef d’Al-Qaïda, de son côté, fait régulièrement des discours
dans les semaines qui suivent les attentats afin de justifier
ces derniers auprès du plus grand nombre de musulmans
possible (par l’intermédiaire de la chaîne d’informations
qatarie), mais aussi afin de susciter des vocations islamistes
et terroristes.
Question 4 : Les États-Unis répondent en entrant en guerre
contre le terrorisme au nom de la défense de la liberté et
du fait que l’idéologie libérale est la meilleure. Le pays part
en guerre avec l’aval de l’ONU et à la tête d’une coalition
d’alliés (dans une logique multilatérale) afin de traquer
les terroristes et leurs soutiens. C’est ce qui explique
qu’ils réussissent à renverser les talibans. Il s’agit ensuite
d’instaurer un régime démocratique.
Bilan Les attentats du 11 Septembre marquent un
tournant dans les relations internationales car, alors
que les États-Unis ont été, dans les années 1990, la seule
superpuissance, cet événement révèle leur fragilité et
souligne qu’il existe de fortes oppositions au modèle libéral
qu’ils cherchent à étendre à travers la planète. C’est aussi un
tournant parce que la guerre change de nature : elle devient
asymétrique (un État contre un ennemi invisible), touche de
plus en plus les civils (ceux des avions détournés et ceux
des tours jumelles) et implique une réponse américaine qui
va s’étaler au moins jusqu’en 2014, du fait que l’ennemi est
une nébuleuse.
MÉTHODE BAC
Analyse de document
Le soir même des attentats du 11 septembre 2001 où des
avions ont été détournés par des terroristes islamistes pour
s’abattre sur New York et Washington, le président américain
G. Bush prend la parole devant ses concitoyens. À travers ce
discours ici retranscrit, nous allons montrer comment, fort
d’un premier bilan, il galvanise son pays et ses alliés pour
répondre à cette attaque qui touche la première puissance
mondiale.
D’abord, G. Bush dresse un bilan de ces attentats : il fait une
typologie des victimes en montrant qu’elles étaient soit
« dans les avions » qui ont atteint les tours jumelles du World
Trade Center à New York (ainsi que ceux de Washington), soit
« dans leur bureau » ; on pourrait y ajouter les pompiers qui
se sont sacrifiés. Près de 3 000 personnes sont décédées et
plus de 6 000 ont été blessées. Le fait qu’elles soient des civils
ordinaires, lui permet de toucher ainsi la corde patriotique de
ses concitoyens.
Pour galvaniser son pays, il met en évidence que les
terroristes ont voulu s’attaquer « aux fondements de
l’Amérique ». Il entend par là les valeurs qui ont fait les États-
Unis depuis toujours : la liberté (politique et économique) et
la démocratie, qui explique pourquoi le pays est un modèle.
Il qualifie les États-Unis de « lanterne de la liberté » : c’est la
théorie de la destinée manifeste, qui justifie l’expansion du
libéralisme à travers la planète (années 1990). En insistant sur
ces valeurs fortes et identitaires, il rassemble autour de lui
l’ensemble du peuple américain.
G. Bush inclut enfin, dans ce qui va devenir bientôt une
croisade contre l’« Axe du mal » (les États opposés aux
États-Unis et soupçonnés de protéger les terroristes), les
« chefs d’État étrangers », qu’il qualifie d’« alliés » car ils lui
ont apporté immédiatement leur soutien (à l’image de
J. Chirac, le président français, qui est le premier à se rendre
à New York, le 19 septembre) et parce qu’ils sont derrière lui
pour entrer en « guerre contre le terrorisme ». Moins d’un
mois après, les États-Unis ont déclaré la guerre aux islamistes
d’Afghanistan qui accueillent les terroristes d’Al-Qaïda, à
l’origine des attentats.
Ainsi, à travers ce discours à la nation américaine (mais aussi
destiné au monde « libre »), le président des États-Unis entre
en guerre, en réponse aux attentats, et au nom de la liberté.
Étude p. 294
L’intervention américaine en Irak
en 2003
Problématique : Cette page doit permettre d’aborder avec les
élèves la notion de « conflit asymétrique » à travers l’exemple
de l’intervention américaine en Irak en 2003. Un conflit est dit
asymétrique à partir du moment où les forces en présence
sont déséquilibrées. Mais c’est aussi aujourd’hui souvent le cas
quand des armées régulières affrontent des adversaires qui
utilisent d’autres façons de combattre, par le biais d’attentats
ou de guérilla. L’intervention américaine en Irak, qui s’étend de
2003 à 2011, correspond à ces différents aspects : une coalition
internationale extrêmement bien armée contre une armée
irakienne bien moins puissante, puis une armée d’occupation
confrontée à une guérilla contre laquelle elle n’arrive pas à
imposer une paix durable. Toute la problématique consiste à
essayer de voir comment la définition d’une guerre asymétrique
peut correspondre à la situation en Irak en 2003.
Le document 1 est le célèbre discours du président des États-
Unis George W. Bush (2001-2009) prononcé le 17 mars 2003 qui
marque le début de l’intervention américaine en Irak. Il souligne
la continuité de l’action américaine depuis la première guerre
du Golfe de 1991, et insiste sur les négociations et les efforts
diplomatiques déployés. Mais dans l’optique de l’étude, il faut
ici s’intéresser à la façon dont le président américain envisage
cette intervention. Elle n’est pas seulement américaine, elle
est celle des « nations libres », qui « ont le devoir de défendre
leurs peuples en s’unifiant contre la violence ».
Le document 2 est un tableau qui souligne le caractère
déséquilibré de l’affrontement en Irak entre la coalition
internationale et les forces irakiennes. En effet, l’Irak est isolé face
à une coalition de 49 pays, dont quatre (États-Unis, Royaume-
Uni, Australie et Pologne) fournissent des soldats. Si le nombre
de soldats est plus faible du côté de la coalition, le nombre de
morts est clairement en faveur de celle-ci. D’ailleurs, le régime
de Saddam Hussein tombe en trois semaines, le 9 avril 2003.
Le document 3 est une analyse géopolitique soulignant la
donne nouvelle de la géopolitique depuis la fin de la guerre
froide. Il y a désormais d’un côté une « hyperpuissance » des
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 193
 États-Unis et de l’autre des groupes rassemblés autour d’une
idéologie nationaliste ou du fondamentalisme religieux.
L’intervention américaine en Irak est bien selon François-
Bernard Huyghe un conflit asymétrique, une guerre qu’on
« croit imperdable ».
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : George W. Bush justifie l’intervention américaine en
Irak par le fait que l’Irak possèderait des « armes de destruction
massive » (ligne 7). Il explique que malgré les « douze années de
diplomatie » (ligne 8) depuis la guerre de 1991, l’Irak de Saddam
Hussein n’a pas désarmé. Dans le dernier paragraphe, il présente
l’intervention militaire comme un moyen de « promouvoir la
paix » (lignes 16 et 17) et de lutter contre la violence qu’incarne
le régime irakien (ligne 19).
Question 2 : Les guerres asymétriques se multiplient depuis la fin
de la guerre froide car elles opposent la seule superpuissance, les
États-Unis, à des nouvelles forces qui ne sont plus idéologiques,
mais d’ordre nationaliste ou religieux. On voit bien dans le cas
de l’Irak que s’opposent d’une part une coalition de près de
cinquante États et de l’autre un seul État, l’Irak.
Bilan L’intervention américaine en Irak marque un tournant
dans les relations internationales, car elle souligne comment
une seule puissance, les États-Unis, peuvent décider d’une
intervention militaire (sans même l’accord de l’ONU) en tant
que promoteur de la liberté et de la paix. Cette intervention
est à relier avec les attentats du 11 Septembre et l’intervention
en Afghanistan, quelques mois auparavant.
Parcours 2
Dans ce travail de groupe, il faut d’abord définir le terme de
« conflit asymétrique » autour de la notion de « déséquilibre
des forces en présence ». Il faudrait faire ressortir du document
3 la nouveauté qu’introduit la fin de la guerre froide avec la
suprématie des États-Unis mais aussi la montée en puissance
de nouvelles sources de tension, avec le nationalisme et le
fondamentalisme religieux. Les documents 1 et 2 montrent
que les États-Unis se présentent comme les protecteurs de
la liberté et de la paix dans le monde, mais qu’ils ont aussi la
capacité d’emmener avec eux une cinquantaine d’autres États
pour les soutenir dans leur intervention en Irak.
Étude p. 295
La guerre en Ukraine et les tensions
entre grandes puissances
Problématique : Cette étude sur la guerre en Ukraine doit
permettre d’évoquer avec les élèves la question du retour de
l’affrontement entre les grandes puissances. Il ne s’agit pas
de rentrer dans le détail du conflit ni dans la complexité des
enjeux de la guerre civile, mais plutôt de montrer que derrière
des enjeux ukrainiens, il y a aussi une opposition entre les
grandes puissances, la Russie d’une part, l’Union européenne
et les États-Unis de l’autre. C’est pourquoi la problématique
peut être posée de la façon suivante : « Comment la guerre
civile en Ukraine illustre-t-elle les tensions internationales entre
grandes puissances ? »
194
Le document 1, une carte tirée de L’Atlas historique mondial
dirigé par Christian Grataloup, doit permettre aux élèves de
comprendre de façon synthétique les grands enjeux de la
situation ukrainienne. D’un point de vue intérieur, il est possible
de distinguer rapidement l’Ukraine russophone de l’Ukraine
ukrainophone, et donc du poids de l’identité russe à l’est du
pays, à tel point que la Crimée a été annexée à la Russie en
mars 2014. Mais d’un point de vue extérieur, nous sommes ici
au contact entre l’ancienne URSS et l’Union européenne. Les
bases militaires russes sont présentes tout autour de la partie
orientale du pays. L’Ukraine est enfin traversée de nombreux
gazoducs reliant les gisements de gaz russes aux États d’Europe
centrale et occidentale. Le rapprochement de l’Ukraine et
de l’Union européenne pèse d’un poids très lourd dans les
équilibres géopolitiques à l’échelle mondiale.
Le document 2 est une analyse géopolitique de la situation
ukrainienne qui permet de comprendre facilement les enjeux
de ce conflit pour les grandes puissances : la Russie, l’Union
européenne et les États-Unis. Pour la Russie, il s’agit avant tout
de ne pas voir l’Ukraine sortir de la zone d’influence russe en
Europe de l’Est, alors même que la Biélorussie reste un allié
indéfectible de la Russie et que celle-ci soutient les séparatistes
de Transnistrie (en Moldavie). L’annexion de la Crimée a montré
la volonté de la Russie de garder un contrôle important en
mer Noire. Pour l’Union européenne, l’Ukraine représente un
allié de poids en Europe orientale, alors même que la Russie se
présente comme un pouvoir concurrent dans la région. Pour
les États-Unis enfin, il s’agit de défendre le leadership américain
alors que la Russie montre des velléités d’imposer ses intérêts
à des États voisins comme l’Ukraine.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : L’Ukraine est un enjeu entre l’Union européenne
et la Russie car c’est un État « pivot » en Europe de l’Est. Pour
la Russie, il s’agit de garder sous son influence l’ancienne
république socialiste soviétique devenue indépendante en
1991, afin de garder son statut de grande puissance. Pour
l’Union européenne, il s’agit de montrer l’attraction et le succès
de son modèle d’intégration auprès des États d’Europe de l’Est
et d’affirmer sa puissance contre celle de la Russie.
Question 2 : La Russie cherche à développer son influence en
Europe de l’Est et en Asie centrale par le biais de son projet
d’Union eurasiatique entrée en vigueur en 2015 (elle compte
aujourd’hui la Russie, l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan
et le Kirghizistan).
Question 3 : Certains analystes parlent de retour de la guerre
froide, car à travers la guerre civile en Ukraine ressort une
concurrence, voire une forme d’hostilité, entre la Russie d’une
part et des puissances occidentales (Union européenne et
États-Unis).
Bilan La crise ukrainienne souligne à la fois le retour d’une
hostilité entre la Russie et les puissances occidentales et les
faiblesses de l’Union européenne. Certains analystes parlent
d’une « nouvelle guerre froide » entre les grandes puissances,
avec comme enjeu les anciennes républiques socialistes
soviétiques, bien que la dimension idéologique soit moins
forte que durant la guerre froide. Mais c’est aussi un aveu
de faiblesse de l’Union européenne qui n’arrive pas, malgré
la volonté du régime ukrainien de se rapprocher de l’UE, à
imposer ses ambitions à la Russie (comme l’illustre l’annexion
de la Crimée par la Russie en 2014).
Parcours 2
Les enjeux internationaux de la guerre en Ukraine sont
nombreux. L’Ukraine est un grand État d’Europe orientale, au
contact entre la Russie à l’est et l’Union européenne à l’ouest.
C’est une ancienne république socialiste soviétique qui faisait
partie de la zone d’influence de la Russie jusqu’à la volonté
de rapprochement du gouvernement ukrainien avec l’Union
européenne. Pour la Russie, l’Ukraine reste un enjeu central
d’accès à la mer Noire (une des raisons pour lesquelles la Crimée
a été annexée). Pour l’Union européenne, le rapprochement
avec l’Ukraine marque le succès de la diplomatie européenne,
mais elle reste sans grand moyen de pression contre la Russie.
Enfin, la montée en puissance de la Russie inquiète les États-
Unis, qui veulent conserver leur leadership et des alliés en
Europe de l’Est. Enfin, l’Ukraine est une voie de passage pour
de nombreux gazoducs qui approvisionnent l’Europe de l’Ouest
en gaz russe.
Leçon 2 p. 296-297
De nouvelles formes de conflits
Problématique : Comment de nouvelles formes de conflits
apparaissent-elles dans un mode post guerre froide ?
Cette leçon a pour objectif de montrer que, depuis 1991,
les conflits n’ont pas disparu. Contrairement à ce que
certains (F. Fukuyama) ont pu prédire après la chute de
l’empire soviétique, ils se sont même démultipliés (dans
l’ex-Yougoslavie, guerres civiles dans de nombreux pays
africains, guerres civiles et rivalités de puissance au Proche
et Moyen-Orient) et ont profondément changé de nature
(des guerres asymétriques face au terrorisme, des guerres
économiques, des cyberguerres, etc.). Il faut aussi montrer
que, si la fin de la guerre froide marque le triomphe des États-
Unis comme seule « hyperpuissance » dans les années 1990,
pouvant instaurer un « nouvel ordre mondial » multilatéral,
dès le tournant des années 2000, de nouveaux ennemis
(terrorisme d’Al-Qaïda) ou concurrents (pays émergents) font
leur apparition. Ainsi, il y a une multitude d’acteurs étatiques
ou non-étatiques qui s’opposent à travers le monde au point
que ce dernier est considéré comme étant multipolaire voire
apolaire (sans boussole).
Les notions importantes sont bien sûr celles de
superpuissance et d'hyperpuissance américaine. Il faut
aussi aborder les notions de pays émergents (qui viennent
concurrencer la puissance américaine) ainsi que celles de
terrorisme et d’islamisme (qui viennent bousculer l’ordre
établi et les conceptions de la guerre). Enfin, il faudrait insister
sur les conflictualités actuelles pour signifier que ce ne sont
plus des conflits auxquels le monde était habitué jusque-là.
SCHÉMA BILAN Il est centré sur les États-Unis, première
puissance mondiale qui règne quasiment sans partage dans
les années 1990, ce qui lui permet d’être considérée comme
le « gendarme du monde » (Somalie), d’intervenir à la tête
de coalitions au sein de l’ONU (première guerre du Golfe)
tandis que des guerres civiles éclosent, auxquelles le pays
arrive à mettre un terme (ex-Yougoslavie). Mais, depuis le
début des années 2000, l’hégémonie américaine est remise
en cause à la fois par la montée de puissance émergentes
(concurrentes économiques et bientôt géopolitiques) et par
le développement du terrorisme islamique. Il en résulte enfin
un monde instable, de plus en plus marqué par le terrorisme
et les guerres indirectes (qu’elles soient économiques ou les
cyberattaques).
CTIVITÉ NUMÉRIQUE Le « printemps arabe » de 2011 est
un mouvement de contestation populaire des régimes en
place à travers le monde arabe au nom de la liberté et de la
démocratie. S’il a soulevé un grand enthousiasme, force est
de constater que les résultats sont aujourd’hui bien maigres :
il a débouché sur des régimes autoritaires (en Égypte) ou
sur des guerres civiles qui perdurent (Yémen, Syrie, Libye). À
l’exception de la Tunisie, qui est sur la voie de la démocratie,
les autres pays connaissent guerre, islamisme et exode de
leur population.
Étude p. 298-299
La mise en place d’une justice
internationale
Problématique : Comment la justice internationale agit-elle
pour traquer et punir les criminels de guerre ?
Cette étude vise à compléter les attentes du programme sur
les efforts de mise en place d’une gouvernance mondiale,
d’abord dans le domaine de la justice.
Proposition de parcours
Proposition 1 : Je traite l’ensemble de la double-page à l’aide
du questionnement proposé, à l’aide des deux parcours. Le
parcours 1, pour les élèves ayant besoin d’être un peu aidés, le
parcours 2 pour permettre aux élèves de travailler la méthode
bac d’analyse critique d’un document (le doc.5).
Proposition 2 : Je dois aller plus vite (20/25 minutes) : je choisis
d’analyser uniquement le schéma 1 page 298 et le bilan du
TPIR pour en montrer les limites (doc. 5), à l’aide du récit du
professeur pour contextualiser l’ensemble. Cela peut se placer
après l’étude du génocide des Tutsis au Rwanda par exemple.
Le document 1 est un organigramme que nous avons créé
pour présenter aux élèves de manière concise et claire le
fonctionnement de la justice internationale, via la CPI, la CIJ
et les tribunaux spéciaux.
Le document 2 est une photographie permettant de voir le
lieu où s’exerce cette justice, en l’occurrence ici pour la Cour
internationale de justice en 2017. Il s’agit de montrer aux élèves
que cette justice est bien incarnée.
Le document 3 présente aux élèves de manière synthétique des
exemples d’affaires jugées par les deux cours internationales,
pour en montrer la variété dans le fond et la diversité des pays
concernés.
Le document 4 est un article du Figaro du 24 juin 2011
présentant une affaire jugée devant le TPIR et concernant une
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 195
 hutue accusée et condamnée pour génocide. Un témoignage
repris dans l’article permet de comprendre l’implication concrète
de celle-ci dans le processus génocidaire rwandais.
Le document 5 est un article publié par RFI Afrique le
31 décembre 2015. Il dresse un bilan contrasté de l’efficacité du
TPIR, en s’appuyant sur l’argumentation de deux spécialistes de
la question, un professeur de droit pénal international belge
et un journaliste, écrivain et témoin expert français auprès de
ce tribunal.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La justice internationale intervient dans des
domaines variés. La CIJ s’occupe essentiellement de régler les
différends entre les États, comme des problèmes de frontières
terrestres ou maritimes ou d’accès à la mer pour un pays. La CPI
s’occupe en revanche des individus suspectés de génocide, de
crimes de masse ou de crimes contre l’humanité.
Question 2 : La CIJ a été créée dès 1945 et dépend de l’ONU,
alors que la CPI est indépendante et ne date que de 1998. La
première s’occupe des États, la seconde des individus.
Question 3 : Pauline Nyiramasuhuko, ancienne ministre
de la Famille, hutue, a supervisé en personne une tuerie au
stade de Butare, où des Tutsis ont été massacrés, des femmes
tutsies violées, sous ses encouragements explicites. Elle a été
la première femme reconnue coupable par une juridiction
internationale de tels méfaits.
Bilan Le bilan que l’on peut dresser du Tribunal pénal
international pour le Rwanda doit être nuancé. 92 personnes
ont été jugées, dont des « gros poissons » (lignes 7-8). Et de
nombreux accusés ont été condamnés. L’opinion internationale
a pris conscience de ce génocide et des horreurs perpétrées.
Mais la famille du président a échappé à toute poursuite, et
le FPR, le mouvement tutsi, n’a pas été inquiété alors qu’il a
commis lui aussi des exactions terribles.
Parcours 2
C’est en revenant de la conférence de paix le 6 avril 1994
que les présidents hutus du Rwanda et du Burundi meurent
dans l’attentat qui détruit leur avion au-dessus de Kigali. Cet
événement dramatique sert de prétexte aux extrémistes hutus
pour s’en prendre à la minorité Tutsie et aux modérés Hutus.
Dès le lendemain, la Première ministre hutue modérée, Agathe
Uwilingiyimana, est assassinée ainsi que les dix Casques bleus
belges qui tentent de la protéger. Une véritable « chasse aux
Tutsis » est ouverte, marquée par de nombreux massacres et
des scènes d’horreur, les Cent jours du génocide rwandais :
exécutions de civils, massacres à la machette, viols collectifs, etc.
Mais les troupes tutsies du FPR prennent Kigali le 4 juillet 1994.
La présence des Casques bleus et des troupes françaises n’a
pas pu empêcher le génocide qui a duré une centaine de jours.
En 1994, le Conseil de sécurité des Nations unies décide de la
création d’une juridiction internationale pour juger les crimes
de génocide au Rwanda : le TPIR, le Tribunal pénal international
pour le Rwanda est habilité à juger tous les ressortissants
rwandais suspects, qu’ils aient agi au Rwanda ou dans les
pays voisins. Il est composé de deux chambres de première
instance avec trois juges chacune, plus une chambre d’appel
196
de cinq juges. Il siège en Tanzanie à Arusha. Le bilan que l’on
peut dresser du TPIR doit être nuancé. En effet, 92 personnes
ont été jugées, dont des « gros poissons », et de nombreux
accusés condamnés. Cela a permis à l’opinion internationale de
prendre conscience de ce génocide et des horreurs perpétrées.
Mais la famille du président a échappé à toute poursuite, et
le FPR, le mouvement tutsi, n’a pas été inquiété alors qu’il a
commis lui aussi des exactions terribles.
Étude p. 300-301
Vers une gouvernance
environnementale mondiale ?
Problématique : Une gouvernance environnementale mon-
diale est-elle vraiment possible ?
Cette étude sur la gouvernance environnementale mondiale
a pour but d’insister sur l’enjeu climatique depuis la fin du
XXe siècle (renforcé dans les années 2010) et les réponses
que la communauté internationale (que ce soient les
États, les grandes institutions internationales, les grandes
entreprises ou la société civile) tente d’y donner. Il s’agit de
montrer en quoi consiste la prise de conscience du danger
du dérèglement climatique et quelles pistes sont envisagées
pour y faire face. Il s’agit aussi de souligner le hiatus entre les
États, qui ont la possibilité d’agir mais qui peinent à trouver
un terrain d’entente, et l’opinion publique qui se mobilise
de plus en plus pour contraindre à l’action. Cette étude
est composée de six documents et d’une chronologie qui
doivent permettre de réfléchir au concept de gouvernance (à
comprendre dans le sens d’une prise de décision en commun
faute de l’existence d’un gouvernement supranational et
pour mieux tenir compte des besoins et contraintes de tous
les acteurs impliqués).
Le document 1 est l’extrait d’un discours désormais célèbre
de J. Chirac (inspiré par N. Hulot) lors du sommet de la Terre
de Johannesburg en 2002. Il s’agit certes d’un appel à l’action
pour protéger la planète, qui est de plus en plus épuisée pour
assouvir les besoins grandissants des hommes, mais c’est
surtout la première fois qu’un homme politique fait aussi
explicitement le lien entre la question environnementale
et celle des inégalités de développement. Dans la logique
d’une planète mondialisée, il ne faut pas séparer les maux
qui accablent l’humanité : les guerres, les inégalités, les crises
financières, la pollution, etc. sont les aspects d’une seule et
même crise.
Le document 2 est une photographie qui permet d’insister
sur l’importance de la mobilisation des jeunes dans la lutte
contre le réchauffement climatique. Suite à l’initiative de la
jeune Suédoise Greta Thunberg (document 5), qui a lancé
une « grève scolaire » pour le climat tous les vendredis depuis
l’automne 2018, la marche du vendredi 15 mars 2019 (près de
170 000 manifestants étudiants en France) a été un succès. La
photographie met en relief un slogan environnementaliste et
un slogan anticapitaliste : l’idée-clé est que la mondialisation
actuelle (donc le capitalisme) est responsable de la dégradation
de la Terre.
Le document 3 est l’extrait d’un communiqué du GIEC
(Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution
du climat) qui, d’un côté, fait explicitement le lien entre
l’industrialisation de la planète et le réchauffement climatique
(dû aux émissions de gaz à effet de serre) et, de l’autre, insiste
sur les conséquences que ce dernier a sur la montée des mers
et océans ainsi que sur la fonte des glaciers au niveau des
pôles et des montagnes, donc sur les activités humaines en
retour. Le mode de vie actuel de la majorité des humains est
en train de détruire la planète, ce qui les empêchera d’avoir
le même mode de vie. D’où la promotion par le GIEC du
développement durable.
Le document 4 est une carte répertoriant les promesses
de diminution de gaz à effet de serre de quelques pays
emblématiques à la suite de la conférence de Paris pour
le climat (COP 21, décembre 2015). Il faut lire la carte avec
précaution car elle ne dit pas à l’horizon de quelle date cette
réduction doit avoir lieu : pour les PDEM, c’est à l’horizon
2030 (l’Union européenne entend être un modèle en la
matière) ; pour les autres, ils ont obtenu un « droit à polluer »
(qui s’explique par le fait qu’ils se sont industrialisés plus tard
que les pays occidentaux), donc un délai supplémentaire
pour réduire leurs GES. En outre, les États-Unis et le Brésil ont
refusé de ratifier les accords de Paris (en 2017 et 2018), ce qui
contribue à rendre caduque cette carte de 2016.
Le document 5 est une photographie de Greta Thunberg
dont l’audience a été telle qu’elle a été invitée à parler à la
tribune de l’ONU. C’est au cours de ce discours qu’elle s’est
exclamée « How dare you ! » (« Comment osez-vous ! »).
Le document 6 est l’extrait d’un article de Libération qui fait
un bilan du retrait américain de l’accord de Paris et souligne
que l’effet n’a pas été si important que redouté dans la
mesure où le système fédéral du pays a permis aux États et
collectivités locales de le mettre en œuvre à leur échelle.
Ceci permet d’insister sur le fait que les décisions en matière
climatique ne viennent pas toujours d’en-haut.
La chronologie, en complément, permet d’insister sur
les principales dates des grands sommets en termes de
gouvernance environnementale : les sommets de la Terre
(toutes les années en -2), les COP et la définition en 1987 du
développement durable, qui sous-tend toute l’étude.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le réchauffement climatique contemporain
consiste d’abord en une augmentation globale des
températures à travers la planète : par rapport à l’âge
préindustriel, elles ont augmenté de 1 °C et, depuis le début
du XXIe siècle, les années sont presque toutes plus chaudes
les unes que les autres. Ceci a pour conséquence certes une
multiplication des sécheresses (Corne de l’Afrique au début
des années 2010, Australie début 2020) et des canicules
(Europe en 2003, 2018, 2019), mais aussi une montée du
niveau des eaux qui menace les littoraux et certaines îles
(dans le Pacifique, qui vont disparaître) due à la fonte des
glaciers en Arctique et Antarctique. Des problèmes connexes
viennent se greffer, comme accéder à l’eau, nourrir les
hommes, etc.
Question 2 : La communauté internationale se mobilise
de deux façons : soit par le biais de grandes rencontres
internationales, qui regroupent la plupart des pays
pour prendre des décisions en commun (à l’image
des COP, comme la COP 21 à Paris en décembre 2015
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre
et éviter un réchauffement climatique de plus de
2 °C par rapport à l’ère préindustrielle), soit par le biais
d’actions de la société civile. Ici, le document 2 met en avant
le rôle de la jeunesse.
Question 3 : Depuis 2018, la jeunesse occupe une place
majeure dans la lutte contre le réchauffement climatique
car elle se mobilise, notamment autour de la figure de Greta
Thunberg, cette jeune Suédoise qui a lancé à l’automne 2018
les grèves scolaires pour le climat, tous les vendredis. Elle est
devenue ambassadrice de la cause climatique à travers le
monde au point d’être reçue à la tribune des Nations unies
en septembre 2019 et de faire la une du prestigieux Time
(mai 2019). La jeunesse manifeste souvent depuis lors pour
défendre la lutte climatique et faire pression sur les politiques.
Question 4 : La décision majeure prise lors de la COP 21 réside
en la décision, pour tous les pays, de réduire les émissions
de gaz à effet de serre, à l’horizon 2030 pour les PDEM et à
un horizon plus lointain pour les émergents et les PED. Tous
ont signé un accord contraignant et se sont engagés à mettre
tout en œuvre pour le respecter. La carte présente surtout les
pays les plus pollueurs et met en évidence que la Chine est
le pays qui a promis de réduire le plus fortement ses GES. Le
président Xi Jinping a pris conscience, depuis 2013-2014, du
fait que la pollution est un frein à son développement.
Question 5 : Tous les pays ne sont pas convaincus de la
nécessité de lutter contre le réchauffement climatique. Ou,
plus précisément, les présidents de certains pays n’en sont
pas convaincus (à l’image de Donald Trump qui se retire des
accords de Paris en juin 2017), alors que la société civile et
les décideurs locaux plaident pour des actions fortes. C’est ce
qui explique que la lutte climatique s’opère, aux États-Unis, à
l’échelle des États et des communes.
Bilan Même si certains dirigeants continuent à nier
l’évidence d’un réchauffement climatique et plaident pour
la poursuite d’activités polluantes (comme D. Trump ou
J. Bolsonaro), la communauté internationale, dans son
ensemble, a pris conscience de la nécessité d’y faire face.
Dans le cadre d’une gouvernance mondiale à l’échelle des
États, les décisions sont parfois difficiles à prendre mais la
société civile s’en mêle de plus en plus et fait pression en ce
sens.
Parcours 2
La gouvernance environnementale mondiale est nécessaire
car l’ensemble des États doivent s’associer pour lutter en
commun contre un réchauffement climatique qui ne connaît
pas les frontières. C’est un impératif qui peine toutefois à
se mettre en place car certains nient le phénomène là où
d’autres, sans le nier, diffèrent à plus tard leurs engagements.
Dans ce cadre, la société civile fait pression sur les gouvernants
pour mener efficacement cette lutte.
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 197

Étude p. 302-303
Les réfugiés en Méditerranée
Problématique : En quoi la Méditerranée révèle-t-elle la
tragédie des réfugiés dans les années 2010 ?
La question des réfugiés est une question majeure des
années 2010 dans certaines parties du monde, notamment
dans l’espace méditerranéen, véritable interface entre un
monde africain et moyen-oriental plutôt pauvre et en guerre
et une Europe (ici, l’Union européenne) riche et prospère, qui
attire pour un avenir meilleur. On veillera bien à différencier
les réfugiés (personnes qui fuient leur pays sous la contrainte)
des migrants (toute personne en situation de mobilité).
Quant aux déplacés, ils sont des réfugiés qui doivent migrer
à l’intérieur de leur pays (les 2/3 des réfugiés).
Dans les années 2010, la Méditerranée est le principal espace
de transit vers l’Europe (plus de 2 millions de réfugiés). Mais
cette dernière n’est pas prête à accueillir tous ces réfugiés
et le voyage vers ce continent riche et plein de promesses
tourne souvent court et se transforme en tragédie (plus de
40 000 morts sur toute la décennie). Six documents sont ici
regroupés pour faire comprendre les causes, les aspects et
les conséquences de ce mouvement.
Le document 1 est une carte qui présente l’Union européenne
comme une forteresse, qui se barricade derrière les frontières
de son espace Schengen (espace de libre circulation à
l’intérieur mais ayant mis en place le système de Frontex
pour protéger ses frontières extérieures : l’opération « Triton »
en est l’illustration). Elle met aussi en avant les espaces de
départ (Afrique du fait de la pression démographique et de
guerres en Afrique noire, et Moyen-Orient du fait des guerres
civiles en Syrie et en Afghanistan) et les principales portes
d’entrée vers l’UE, à savoir les enclaves espagnoles de Ceuta
et Melilla, l’île italienne de Lampedusa, la route des Balkans
et la frontière gréco-turque, au niveau de la rivière Evros/
Maritsa.
Le document 2 est un discours du pape François qui, dès les
débuts de son pontificat (2013), s’est rendu à Lampedusa pour
déposer une gerbe à la mémoire de tous les réfugiés morts
en Méditerranée en cherchant à gagner l’Europe. Il plaide
pour la dignité de tout être humain, donc pour un accueil
des réfugiés. Et il stigmatise implicitement l’accord de mars
2016 entre l’UE et la Turquie qui conduit à une relocalisation
dans ce pays de la plupart des réfugiés qui arrivent en Grèce
(la Turquie a accueilli sur son sol plus de 3 millions de réfugiés
depuis 2011).
Le document 3 est une photographie qui permet de rappeler
que la Libye est non seulement un pays de transit entre
l’Afrique noire et l’UE mais aussi, du fait des guerres civiles qui
la ravagent depuis 2011, un marché d’esclaves modernes. En
effet, les personnes qui attendent un passeur pour franchir
la Méditerranée, sont parfois réduites à l’état d’esclaves, ainsi
que plusieurs enquêtes l’ont révélé en 2017. Ici, un marché
aux esclaves de femmes a été pris en photo.
Le document 4 est un tableau de statistiques, élaboré à
partir des chiffres du HCR (Haut-commissariat aux réfugiés,
dépendant de l’ONU), qui permet de mettre en avant le
pic d’arrivées de réfugiés à travers la Méditerranée en 2015
(plus d’un million). En regard, on dispose d’une estimation
198
du nombre de personnes ayant trouvé la mort lors de la
traversée. On pourra évoquer le cas du petit Aylan, cet enfant
syrien de 3 ans retrouvé mort sur une plage turque et qui
incarne à lui tout seul le drame des réfugiés.
Le document 5 est l’extrait du pacte mondial pour les
migrations (dit « pacte de Marrakech » en 2018). Il insiste sur
le fait que la question migratoire (entendre ici : la question
des réfugiés) est une question qui doit se régler à l’échelle
du monde (c’est pourquoi il a été décidé dans le cadre de
l’ONU), quand bien même la souveraineté des États est
reconnue. Chaque État a sa politique migratoire mais l’ONU
entend veiller à la dignité de l’être humain, quelle que soit la
situation.
Le document 6 est une photographie qui rappelle qu’en
2015, la Hongrie, en première ligne sur la « route des Balkans »,
s’est hérissée de barbelés pour protéger sa frontière face
aux réfugiés. V. Orban, Premier ministre nationaliste, s’est
fermement opposé à toute politique d’accueil de réfugiés
dans le cadre de l’UE.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Les premières minutes permettent de comprendre les raisons
qui poussent les réfugiés à partir. Certains fuient la guerre ou
le terrorisme, comme des Somaliens, des Nigérians ou des
Maliens. D’autres veulent échapper à la dictature, comme les
Érythréens. La guerre civile en Syrie a poussé énormément
de personnes à quitter leur pays. Dans une moindre mesure,
l’instabilité politique en Tunisie, en Égypte et en Libye a
également grossi le flux des migrants.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La Méditerranée est considérée comme un
espace de migration important du fait qu’elle est une
interface qui met en relation d’un côté des terres d’émigration
(l’Afrique noire via l’Afrique du Nord, du fait d’une pression
démographique et de multiples guerres, et le Moyen-Orient,
du fait des guerres qui le minent, à commencer par la guerre
civile syrienne et celle d’Afghanistan) et, de l’autre, une
Union européenne jugée riche et prospère, donc qui attire
beaucoup ceux qui cherchent un avenir meilleur.
Question 2 : La réaction de l’Union européenne est
ambivalente vis-à-vis des réfugiés. D’un côté, l’UE se protège
derrière ses frontières extérieures de Schengen, grâce à
l’agence Frontex qui les surveille et empêche toute entrée
(sauf au niveau de quelques points de passage) ; de l’autre,
elle met en place une politique d’accueil pour certains
réfugiés choisis, qu’elle veut relocaliser à travers tous les pays
(politique de quotas). Cependant, cette politique ne fait pas
l’unanimité : les pays de l’Est, à commencer par la Hongrie,
s’y opposent et mènent même une politique ouvertement
anti-réfugiés, en se hérissant de barbelés tout autour d’une
bonne partie de sa frontière.
Question 3 : Les conditions de l’exil sont tragiques pour
les réfugiés. Lorsqu’ils essaient de passer par la Libye pour
gagner l’Europe, ils peuvent être réduits en esclavage, quand
ils ne sont pas à la merci des passeurs. Et lorsqu’ils arrivent
à traverser la Méditerranée, c’est souvent sur des radeaux
de fortune ; c’est ce qui explique le nombre de morts et de
disparus en Méditerranée qui a gonflé d’année en année. Les
réfugiés fuient leur pays, souvent en guerre, pour un avenir
meilleur, mais cette promesse n’est pas toujours au rendez-
vous.
Question 4 : À l’échelle internationale, que ce soit le pape
ou l’ONU, nombre d’acteurs plaident pour un respect de la
dignité humaine et une attention portée aux plus fragiles.
Certes, la politique migratoire est indissociable de la
souveraineté des États (le pacte de Marrakech le souligne),
mais il est nécessaire de prendre des décisions en commun
et de coopérer car la question des réfugiés est, par définition,
une affaire internationale.
Bilan Les réfugiés qui traversent la Méditerranée
concernent l’ensemble de la Communauté internationale car
ils mettent en relation des lieux de départ, des lieux d’arrivée
et des espaces de transit, dans des conditions souvent
illégales. Surtout, la question des réfugiés est une affaire
de tous car il est impossible de laisser un être humain fuir
au péril de sa vie et arriver démuni à la frontière d’un pays
sans secours, au nom des droits de l’Homme. C’est ce qui
explique que l’ONU tente de légiférer, dans le cadre d’une
gouvernance mondiale, même s’il s’avère difficile de faire
accepter à tous une législation commune.
Parcours 2
La question des réfugiés est emblématique des années 2010,
notamment en Méditerranée. En effet, près de deux millions
de personnes ont traversé cette mer pour rejoindre les côtes
européennes. Ce mouvement s’explique par la pression
démographique et les guerres civiles qui marquent certains
pays d’Afrique noire (Soudan du Sud, Erythrée, Nigeria) et
les guerres qui ravagent le Moyen-Orient (en Syrie, qui s’est
vidée de plus d’un tiers de sa population depuis 2011, en Irak,
Afghanistan, etc.). Traverser la Méditerranée pour rejoindre
l’Europe, vue comme un eldorado, est une nécessité. Mais ce
voyage est plus que périlleux car les réfugiés sont souvent
à la merci de passeurs qui leur volent leurs économies en
échange d’une place dans un bateau et se voient refuser
l’entrée dans les pays souhaités, qui érigent des murs contre
eux. Près de 40 000 personnes sont ainsi mortes en traversant
la mer et l’UE mène une politique sélective et non homogène
pour les accueillir. Dans ce contexte, l’appel du pape François
à plus de considération pour les vies humaines a eu peu
d’écho. L’ONU tente d’agir en mettant en place le pacte de
Marrakech (2018) pour une meilleure gestion des réfugiés à
travers le monde. Mais la question reste encore brûlante et
aucune solution ne semble être trouvée.
Leçon 3 p. 304-305
Vers une gouvernance mondiale ?
Cette leçon vise à répondre aux attentes du programme sur
les efforts effectués pour mettre en place une gouvernance
mondiale dans le domaine de la justice internationale, des
enjeux environnementaux et sur la question des réfugiés.
Problématique : Quels sont les différents types de gouvernance
mondiale mis en place pour faire face aux défis contemporains ?
L’idée est de faire comprendre aux élèves la nécessité de prévoir
une gestion au niveau mondial des grandes problématiques
de la planète et de ses habitants. L’épidémie de Covid-19 et
le confinement de 2020 prouvent la nécessité de penser les
problèmes à l’échelle de la planète et non d’un seul pays.
La première partie de la leçon est consacrée à la nécessaire
mise en place d’une gouvernance mondiale pour répondre
aux défis économiques actuels.
Dans le domaine économique, la coopération internationale est
ancienne, elle s’est notamment développée après la Seconde
Guerre mondiale avec la création du FMI et du GATT. Elle
s’est affirmée par la multiplication des espaces économiques
régionaux comme la CEE, devenue l’UE, ou le Mercosur.
Dans la seconde partie, ce sont les défis environnementaux
qui sont abordés : gérer l’environnement ne peut se faire qu’à
une échelle internationale. La prise de conscience a commencé
dans les années 1970 et s’est renforcée aujourd’hui devant
l’urgence climatique constatée partout sur la planète. De plus,
l’accès à l’eau devient de plus en plus délicat. Une coopération
entre les pays est donc nécessaire.
La troisième partie enfin aborde la question des droits
de l’homme et de la justice internationale. Le CPI et la CIJ
permettent de dépasser les justices nationales et d’intervenir
dans de nombreux pays et pour de nombreux motifs. Ainsi, la
Cour pénale internationale, créée en 1998, juge des individus
pour crimes de guerre, génocide et crimes contre l’humanité.
SCHÉMA BILAN Le schéma permet la révision du cours par
une approche synthétique et logique des idées développées
dans la double-page, en se demandant comment la mise en
place d’une gouvernance mondiale a subi des soubresauts
selon le contexte historique depuis le début des années 1990.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Elle vise à faire étudier par les élèves les migrations
méditerranéennes pour voir qui part et quelles sont les raisons
qui les ont poussés à partir. Si la plaque tournante est la Libye,
les motifs de départ sont nombreux :
– Fuir une dictature, comme en Érythrée
– Fuir la guerre civile et l’EI en Syrie
– Fuir la pauvreté et les Djihadistes au Mali ou au Nigéria
– Fuir la guerre en Somalie
– Échapper à l’instabilité issue des révolutions arabes en
Égypte, Tunisie et Libye
Travail de l’historien p. 306
Il s’agit ici de confronter un document source, en l’occurrence
le célèbre discours de Dominique de Villepin à la tribune de
l’ONU le 14 février 2003, à l’analyse historique qui en est faite
par l’historien spécialiste de la guerre froide Frédéric Bozo.
Dominique de Villepin, né en 1953, proche de Jacques Chirac,
devient son ministre des Affaires étrangères de 2002 à 2004.
Par la suite, il est ministre de l’Intérieur (2004-2005) et Premier
ministre de 2005 à 2007.
Frédéric Bozo, né en 1963, est un historien spécialiste des
relations internationales et professeur à la Sorbonne.
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 199
 S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Pour les Américains, il s’agit d’intervenir de manière
préventive : le gouvernement de George W. Bush accuse l’Irak
d’avoir des armes de destruction massive et donc d’être une
menace pour la paix dans la région et plus largement dans le
monde. Les Américains veulent également poursuivre la lutte
contre le terrorisme qui les a frappés au cœur lors des attentats
du 11 septembre 2001.
Question 2 : La France, un des cinq membres permanents
du Conseil de sécurité de l’ONU, joue un rôle central à l’ONU
en 2003 : elle se place en garant de la paix, de la recherche
d’une issue diplomatique au conflit. Elle obtient le soutien de
nombreux pays. Elle s’oppose fermement aux États-Unis et
empêche ceux-ci d’obtenir l’aval de l’organisation pour « leur
guerre » en Irak.
B L’historien confronte la source au contexte
Question 3 : Dominique de Villepin présente la France comme
la garante des valeurs de paix et d’humanisme. Il pense qu’il
faut maintenir l’unité des Nations unies face à l’Irak, privilégier
la voie diplomatique tant qu’on le peut, et essayer autant que
faire se peut d’obtenir de l’Irak ce que l’on veut par la négociation
et les visites d’inspection, sans se précipiter, en réfléchissant.
Question 4 : Ce discours est un des rares dans l’histoire de l’ONU
à avoir été applaudi par une grande partie de l’auditoire. Ce
discours valorise le rôle de l’ONU, créée en 1945 notamment
pour assurer la paix entre les États et les nations de la planète.
Dominique de Villepin revient donc à l’essence même de l’ONU.
Pour montrer que la France est un pays important, il rappelle
qu’elle est certes un « vieux pays » (les Américains avaient
opposé la « vieille Europe », la France et l’Allemagne, hostiles
à l’intervention en Irak, à la « nouvelle Europe », celle de l’est,
favorable à la position américaine), mais fière de ses valeurs :
allusion à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de la Révolution française. Il rappelle aussi que la France est
reconnaissante pour l’aide apportée par les soldats américains
en 1944-1945.
C L’historien analyse la portée historique du
document source
Question 5 : Dans son discours (lignes 8-12), Dominique de
Villepin annonce des faits qui se sont réellement produits : on
s’est d’abord rendu compte que les raisons invoquées par les
Américains pour intervenir (la présence d’armes de destruction
massives) étaient sans fondement. Et la chute du régime de
Saddam Hussein a précipité le pays dans le chaos (État islamique,
guerre civile) et donc déstabilisé la région.
Réaliser une carte mentale de synthèse
p. 307
De nouveaux rapports de puissance et de nouveaux enjeux
mondiaux à partir de 1991 :
■ Causes :
– Chute de l’URSS ;
– Fin de la guerre froide.
■ Manifestations :
– Les États-Unis sont la seule superpuissance ;
200
– Les conflits locaux se multiplient ;
– Génocide rwandais.
■ Conséquences :
– Une puissance américaine de plus en plus contestée ;
– Apparition de nouveaux conflits : terrorisme, guerres
ethniques, printemps arabe ;
– Nécessité de développer une véritable coopération
internationale.
Exercice BAC p. 307
Réponse à une question problématisée
Les sujets de cette page sont des sujets d’entraînement.
SUJET 1 Comment se réorganisent les relations
internationales depuis la fin de la guerre froide ?
Les relations internationales connaissent une nécessaire
réorganisation car la fin de la guerre froide marque la fin
de la logique bipolaire. Les nouvelles logiques de cette
réorganisation sont la toute-puissance des États-Unis, la
montée de nouvelles puissances qui fait évoluer les relations
internationales vers la multipolarité, l’instabilité du monde
avec la multiplicité des conflits et le terrorisme.
Les relations internationales désignent l’ensemble des
relations, des rapports noués entre différents acteurs à travers
les frontières. Les États ne sont pas les seuls à être acteurs
des relations internationales, il y a aussi les organisations
intergouvernementales, les ONG, les FTN mais aussi les groupes
terroristes.
La limite chronologique de départ pour le sujet correspond à
la période 1989-1991, moment de disparition du bloc de l’Est
et de l’URSS. Le sujet s’entend jusqu’à nos jours.
Pendant la guerre froide, les relations internationales se
caractérisaient par un affrontement entre les États-Unis et
l’URSS. La fin de la guerre froide est une rupture dans les
relations internationales car l’un des protagonistes, l’URSS,
s’efface et les valeurs du modèle américain triomphent.
Le début des années 2000 peut être une rupture chronologique
pour ce sujet car la puissance des États-Unis est ébranlée par
les attentats du 11 septembre 2001.
Plan possible
1. Dans les années 1990, les États-Unis dominent la scène
internationale et entendent mettre en œuvre un nouvel
ordre mondial
A. L’hyperpuissance américaine domine
– En 1991, les États-Unis apparaissent comme les vainqueurs
du conflit Est-Ouest : leur modèle triomphe (démocratie,
libéralisme, capitalisme)
– Une puissance sans rivale sur le plan mondial et aux
multiples facettes : militaire mais aussi économique et
culturelle
B. Les États-Unis veulent établir un nouvel ordre mondial
– Cette politique est définie dès 1990, il s’agit de promouvoir
la paix et la démocratie. Ils défendent le multilatéralisme
(les relations internationales doivent être régies par la
coopération et la négociation entre les États qui s’engagent
à respecter des règles communes). L’ONU voit son rôle
renouvelé
 – Ils défendent le droit international : ils dirigent ainsi la
coalition contre l’Irak de Saddam Hussein qui a envahi le
Koweït en août 1990 (opération « Tempête du Désert » )
– Ils endossent le rôle de « gendarmes du monde » : en
1993, les États-Unis interviennent en Somalie (opération
« Restore Hope ») pour mettre fin à la guerre civile. En
1995, ils interviennent en ex-Yougoslavie. Les accords de
Dayton sont négociés pour mettre fin au conflit
C. Mais ce nouvel ordre mondial se heurte à des difficultés
– La communauté internationale peine à régler les conflits
comme c’est le cas avec le génocide au Rwanda en 1994
– Si les États-Unis défendent l’idée du droit international,
ils en refusent certains aspects par crainte de nuire à
leurs intérêts ou de remise en cause de leur influence. Ils
refusent donc de ratifier le traité créant la Cour Pénale
Internationale en 1998
2. Depuis 2001, le nouvel ordre mondial américain est remis
en cause
A. Les États-Unis et le monde sont ébranlés par les attentats
de 2001
– Les attentats du 11 Septembre 2001 remettent en cause
la puissance américaine
– Les États-Unis font le choix d’une politique unilatéraliste
(intervention en Irak en 2003), critiquée par les principales
puissances et une large partie de l’opinion mondiale
B. L’émergence d’un monde multipolaire
– L’émergence de la Chine, laquelle a des ambitions mondiales
qui s’appuient sur ses succès économiques
– Le retour de la Russie sur la scène internationale (renforce
son influence politique et militaire en Syrie, et conflit avec
l’Ukraine après l’annexion de la Crimée en février-mars
2014)
– De nouvelles « guerres froides »
C. Une gouvernance mondiale apparaît indispensable
– Faire face à de nouveaux défis : économiques, humanitaires
et environnementaux
– L’affirmation de nouveaux acteurs : ONG, opinion publique
internationale
– Réinventer le multilatéralisme : intégrer de nouveaux
acteurs économiques (G20), sommets sur le climat (COP)
SUJET 2 Pourquoi la coopération internationale
est-elle difficile à mettre en place depuis le début
des années 1990 ?
Le monde est confronté à de nombreux défis : le renforcement
des échanges mondiaux, la multiplication des conflits
(génocides, guerres civiles), le réchauffement climatique et
la pression sur les ressources. La coopération internationale
doit donc concerner les domaines économique, militaire,
humanitaire et environnemental.
La gouvernance désigne la mise en place de règlements et
de régulations à l’échelle de la planète par des instances
internationales. Les acteurs ne sont pas les seuls à intervenir,
les ONG, l’opinion publique mondiale et les FTN ont un rôle
croissant.
Les difficultés de mise en œuvre de cette coopération sont liées
à la divergence d’intérêts entre les États et le non-respect de
leurs engagements. Ce sont les réticences des États à accepter
les décisions remettant en cause leurs intérêts qui freinent la
mise en œuvre de la gouvernance mondiale.
Les limites chronologiques du sujet sont le début des années
1990, depuis la fin de la guerre froide, qui permet d’envisager
une coopération à l’échelle planétaire. Le sujet n’indiquant
aucune information sur une date de fin, il faut envisager la
réflexion jusqu’à nos jours.
Cette coopération a pris plusieurs formes depuis le début
des années 1990 : le renouveau du rôle de l’ONU et le
multilatéralisme pour maintenir la paix, la mise en place
d’organisations internationales comme l’OMC en 1995 ou
la Cours pénale iInternationale, de nouveaux forums de
discussions (G20, COP).
Plan possible
1. À partir des années 1990, la gouvernance mondiale est
rendue possible
A. L’espoir d’un nouvel ordre mondial fondé sur la coopération
pacifique après la fin de la guerre froide. Elle se traduit par
le renouveau de l’ONU et un nouveau rôle des États-Unis
B. De nouveaux défis économiques, humanitaires et
environnementaux
C. De nouvelles formes de coopération émergent : OMC
en 1995, sommets de la Terre et COP, la Cour pénale
internationale en 1998
2. Mais cette coopération doit faire face à de nombreuses
difficultés
A. Après 2001, les États-Unis renouent avec l’unilatéralisme
B. L’émergence de nouveaux acteurs internationaux
C. Les solutions à des problèmes globaux se heurtent aux
divergences d’intérêts des acteurs
Exercice BAC p. 308-309
Analyse de documents
L’objectif de cet exercice est de procéder à l’analyse critique de
deux documents de nature différente que l’élève doit confronter.
Le document 1 est la retranscription du flash spécial de la
chaîne de télévision France 3 dans l’après-midi du 11 septembre
2001. Les journalistes analysent les images des attentats qui
parviennent à la rédaction depuis New York et Washington.
C’est après le crash de deux avions de ligne contre une des
deux tours du World Trade Center après 8 h 43 (heure locale)
que les journalistes prennent l’antenne. Rapidement, la piste
d’une action terroriste est évoquée par le président américain,
les journalistes français cherchent à en identifier les auteurs.
Deux organisations sont mises en cause, le Front de libération
de la Palestine en lutte contre Israël alliée des États-Unis et
Al-Qaïda, groupe terroriste islamiste dont le leader est Oussama
Ben Laden. Ce document est une analyse immédiate des faits
qui sont en train de se dérouler de l’autre côté de l’Atlantique.
Le document 2 est une caricature de Plantu du 13 septembre
2001. On y voit l’Oncle Sam, allégorie des États-Unis, dont les
jambes sont les deux tours jumelles du World Trade Center,
en train de vaciller car celles-ci sont touchées. Un avion de
ligne s’approchant de lui rappelle le mode opératoire des
terroristes. Les États-Unis apparaissent comme un colosse aux
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 201
 pieds d’argile, l’Oncle Sam titubant au milieu de gratte-ciel
symboles de la ville de New York.
La consigne : En confrontant les deux documents, montrez
en quoi ils sont le reflet de nouveaux rapports de force et
de nouvelles formes de conflits au début des années 2000.
Expliquez la phrase soulignée en évoquant l’action des États-
Unis. Quelles sont les limites de ces deux documents pour
comprendre la portée du 11 Septembre 2001 ?
L’analyse des documents constitue le cœur de votre travail, mais
nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
Cette consigne invite l’élève à mobiliser des connaissances
précises pour expliciter les faits relatés par le document 1 et
son interprétation par le document 2.
Réponses aux questions des encadrés :
Document 1 :
Les attentats du 11 Septembre 2001 sont un événement
commenté en direct sur une chaîne française car le choc est
international, les États-Unis étant la seule grande puissance,
« l'hyperpuissance », depuis la fin de la guerre froide.
La lutte des États-Unis contre le terrorisme va prendre la
forme d’une riposte militaire. Le président des États-Unis
veut poursuivre les responsables, Al-Qaïda dont Oussama
Ben Laden est le leader mais aussi leurs soutiens, les Talibans
d’Afghanistan.
Les griefs que le FDLP peut avoir envers les États-Unis sont
que ces derniers soutiennent Israël qui refuse la création d’un
État palestinien. La revendication faite par ce groupe signifie
la volonté de porter la lutte contre Israël au-delà du Proche
et Moyen-Orient et contre ses alliés. Cependant, si le groupe
revendique cet acte, c’est Al-Qaïda qui en responsable.
Oussama Ben Laden (voir biographie p. 293) est issu d’une riche
famille saoudienne originaire du Yémen. Après de brillantes
études, il est au service des États-Unis pour lutter contre l’URSS
en Afghanistan dans les années 1980. À la fin des années 1980,
il fonde le mouvement Al-Qaïda pour étendre l’islamisme à
travers le monde. Il commet des lors des attentats contre les
intérêts occidentaux. C’est au nom de l’islamisme qu’il a pu être
l’instigateur de ces attentats : cette idéologie se caractérise par
le refus des valeurs occidentales incarnées par les États-Unis.
Document 2 :
Le personnage, l’Oncle Sam, est l’allégorie des États-Unis
avec le chapeau reprenant les stars and stripes du drapeau.
Il est représenté sur deux jambes qui se confondent avec les
deux tours jumelles du World Trade Center, fragilisées par des
impacts et pour celle de gauche en train de s’effondrer. Il est
en train de vaciller. Ces gestes signifient que la puissance des
États-Unis est frappée de plein fouet.
L’avion est beaucoup plus petit que le personnage et pourtant
semble l’ébranler, illustrant ainsi l’impact majeur des attentats
du 11 Septembre 2001 sur les États-Unis.
Le lieu représenté est le quartier de Manhattan de New York avec
ses gratte-ciel. Il est le symbole de la puissance économique
des États-Unis.
Étape 1 : Confronter deux documents de nature différente
Ces deux documents se complètent car le premier décrit des
faits en train de se dérouler alors que le second offre une
interprétation.
202
Étape 2 : Porter un regard critique sur les documents
Le document 2 est une caricature qui a tendance à exagérer
les faits. Le document 1 ne permet pas de cerner la portée de
l’événement car il s’agit d’une analyse presque instantanée
des attentats.
La vision de ces deux documents sur cet événement peut
être considérée comme partielle car elle n’offre qu’un point
de vue français.
Pistes pour la rédaction de l’analyse :
En introduction, l’élève rappelle le rôle des États-Unis dans
le monde au début des années 2000. Il présente les deux
documents puis annonce les axes.
I. Le reflet de nouveaux rapports de force et de nouvelles
formes de conflits au début des années 2000
– Les attentats de 2001 fragilisent la puissance américaine :
l’hyperpuissance contestée
– Les États-Unis ne sont plus un sanctuaire, touchés en leur
cœur économique et politique
– La montée de l’islamisme radical et le développement du
terrorisme, nouvelle forme de conflictualité
II. La portée de l’événement
– Un électrochoc international : les attentats ont une portée
symbolique car ils touchent tous les pays occidentaux
– La riposte des États-Unis : la « guerre contre le terrorisme
international » et un glissement vers l’unilatéralisme de la
politique extérieure
En conclusion, l’élève souligne l’intérêt mais aussi les limites
des deux documents proposés pour comprendre la portée du
11 Septembre 2001.
Auto-évaluation p. 311
OBJECTIF 1
– Les attentats du 11 septembre marquent un tournant
dans les relations internationales parce qu’alors qu’ils ont
été, dans les années 1990, la seule superpuissance, cet
événement révèle leur fragilité et souligne qu’il existe de
fortes oppositions au modèle libéral qu’ils étendent à travers
la planète. C’est aussi un tournant parce que la guerre change
de nature : elle devient asymétrique (un État contre un
ennemi invisible), touche de plus en plus les civils (ceux des
avions détournés et ceux des tours jumelles) et implique une
réponse américaine qui va s’étaler au moins jusqu’en 2014,
du fait que l’ennemi est une nébuleuse.
– Les premières élections présidentielles libres voient en
avril 1994 la victoire de Mandela, qui devient ainsi le premier
président noir du pays, investi le 10 mai.
Dans son discours d’investiture, Nelson Mandela développe
son grand projet de société. L’Afrique du Sud ne doit plus
privilégier une couleur de peau sur une autre, comme l’apartheid
l’avait institutionnalisé. C’est dans sa diversité « raciale » que
l’Afrique du Sud va puiser sa force, pour s’affirmer sur la scène
internationale. Il parle de nation « arc-en-ciel ». L’apartheid est
désormais terminé.
La décision majeure prise lors de la COP21 réside dans
l’engagement de tous les pays de réduire les émissions de
gaz à effet de serre, à l’horizon 2030 pour les PDEM et à un
horizon plus lointain pour les émergents et les PED. Tous ont
signé un accord contraignant et se sont engagés à mettre tout
en œuvre pour le respecter.
OBJECTIF 2
- Le génocide des Tutsis a pu se dérouler en raison de la faiblesse
de l’intervention internationale, de haines raciales anciennes,
de l’arrivée au pouvoir d’extrémistes hutus qui vont lancer
une véritable chasse à l’homme pour éliminer tous les Tutsis.
- Plusieurs raisons poussent aujourd'hui à la mise en place
d'une gouvernance mondiale :
• les enjeux climatiques et environnementaux dépassent
l'échelle d'un seul pays et nécessitent que toutes les nations
travaillent de concert ;
• la compréhension de l'importance de la mise en place d'une
justice internationale, indépendante, pour juger les crimes
les plus graves (génocides, etc.) et pour permettre de faire
baisser les tensions entre les nations ;
• la nécessité de répondre aux défis humanitaires et au sort
des migrants ;
• l'interdépendance des économies au niveau mondial qui
conduit à des effets dominos lors des crises (comme celle
née de la pandémie de Covid-19 en 2020).
- L’intervention des États-Unis en Irak en 2003 :
Après les attentats du 11 Septembre 2001, les États-Unis
décident de s’en prendre aux pays qu’ils voient comme des
tenants de « l’axe du mal ». Malgré l’opposition de la France
et de l’Allemagne, et le refus de l’ONU de cautionner cette
intervention, les Américains et leurs alliés (Britanniques,
Polonais, Australiens) lancent l’offensive contre l’Irak en mars
2003 et provoquent rapidement la chute du régime de Saddam
Hussein.
- La guerre russo-ukrainienne (2014-2015) :
En 2014, le président pro-russe Viktor Ianoukovitch est destitué
après une révolution en Ukraine. Le nouveau gouvernement
veut se rapprocher de l’Union européenne. Les provinces
russophones se soulèvent, soutenues par la Russie. La guerre
éclate. La Russie annexe la Crimée.
- La guerre de Bosnie (1992- 1995) :
La guerre de Bosnie est l’une des trois guerres qui a
ensanglanté la Yougoslavie dans les années 1990. Elle
s’explique par le fait que les Bosniaques ont revendiqué leur
indépendance alors que les Serbes, hégémoniques dans le
pays (le président Slobodan Milosevic est Serbe), sont aussi
présents dans cette République. Une guerre civile éclate
donc de 1992 à 1995 entre Serbes et Bosniaques, marquée
par des atrocités comme l’Europe n’en avait pas connues
depuis la Seconde Guerre mondiale (massacres en masse
de civils et « purification ethnique » – comme à Srebrenica
en juillet 1995 – ont été perpétrés pendant ces trois ans,
malgré l’interposition de l’ONU). La ville martyr de Sarajevo,
qui a connu trois ans de siège et dont la population a été
décimée, en est le témoin. Selon les sources de l’ONU, près de
125 000 morts sont dénombrés (mais certaines estimations
vont jusqu’au nombre de 200 000). La guerre a été réglée par
l’intervention des États-Unis de Bill Clinton qui a négocié les
accords de Dayton (1995) : la Bosnie est désormais divisée
en deux (Fédération croato-musulmane et République des
Serbes de Bosnie) et le TPIY juge les criminels de guerre
(responsables de crimes contre l’humanité).
OBJECTIF 3
Notions
Superpuissance : nation dont le rayonnement économique,
culturel, politique et militaire se diffuse dans le monde entier.
Une superpuissance est capable d’influencer des événements
à l’échelle mondiale.
Monde multipolaire : concept géopolitique dans lequel la
puissance est partagée entre plusieurs grands États.
Monde unipolaire : monde dans lequel une seule puissance
domine militairement, économiquement et culturellement.
Réfugiés : selon la Convention de Genève du 28 juillet 1951, un
réfugié est une personne qui, en cas de retour dans son pays,
craint « avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa
religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain
groupe ou de ses opinions politiques ».
Apartheid : politique ségrégationniste dite de « développement
séparé » mise en place en 1948 qui exclut, de fait, de la société
et de la vie politique des populations selon des critères raciaux
(Noirs, métis).
Cour pénale internationale : juridiction internationale, créée
en 1998, qui siège de manière permanente pour juger les
personnes accusées de génocide, de crime de guerre, de crime
contre l’humanité ou de crime d’agression.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Violences d’État, crimes de masse et génocides
Dates-clés : 11 février 1990 (libération de Mandela), 1991
(annonce de la fin de l’apartheid), 1991-2001 (guerres en
ex-Yougoslavie), 1994 (génocide du Rwanda), 10 mai 1994
(élection de Mandela à la présidence).
Idées principales :
- L’apartheid, un régime qui est basé sur l’utilisation de la
violence et sur un système discriminatoire : ségrégation spatiale,
inégalités de droits notamment politiques, chute du régime,
rôle de de Klerk et Mandela, élection de Mandela à la présidence
de l’Afrique du Sud.
- L’ex-Yougoslavie voit réapparaître en Europe les crimes de
masse : lutte contre les minorités, éradication programmée
voire systématique, guerre de Bosnie, conflit du Kosovo.
- Le génocide du Rwanda contre les Tutsis : les parties impliquées
dans le pays, le rôle de la France et de l’ONU, le TPIR.
Personnages importants : Helen Suzman, Nelson Mandela,
Frederik de Klerk.
Leçon 2. De nouvelles formes de conflit
Dates-clés : 1994 (génocide des Tutsis au Rwanda), 11 septembre
2001 (attentats islamistes), 2003 (guerre en Irak), 2011 (début
guerre en Syrie).
Idées principales :
- La fin d’un monde bipolaire : la chute de l’URSS laisse les
États-Unis seule superpuissance de la planète. Mais le pays est
ébranlé par les attentats du 11 septembre 2001 et la montée
de la Chine.
- La multiplication des conflits dans le monde : guerre en
Chapitre 9 • Nouveaux rapports de puissance et enjeux mondiaux 203
 Bosnie (1992-1995), guerre au Kosovo (1998-1999), génocide
au Rwanda (1994), guerre en Afghanistan (2001-2014).
- La montée du terrorisme : rôle d’Al-Qaïda et de Daech (État
Islamique), cyberattaques.
Personnages importants : George W. Bush, Saddam Hussein,
Dominique de Villepin, Bachar el Assad.
Leçon 3. Vers une gouvernance mondiale ?
Dates-clés : 1995 (création de l’OMC), 1998 (création de la CPI),
2015 (COP21 à Paris).
Idées principales :
- La gouvernance mondiale a d’abord été économique : FMI,
accords du GATT, OMC, UE.
- Elle est rendue nécessaire par les défis environnementaux
et face à l’urgence climatique : COP21, catastrophes en série,
incendies de l’Amazonie à l’été 2019, etc.
- Elle se met en place du point de vue de la justice : CPI, CIJ,
tribunaux spéciaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.
Personnage important : Greta Thunberg.
Savoir expliquer
- Au début des années 1990, la Yougoslavie est un État
fédéral composé de six Républiques dont les frontières, pour
certaines, épousent l’implantation ethnique (la Slovénie ou
la Macédoine) alors que ce n’est pas le cas, notamment pour
les Croates et les Bosniaques (Musulmans). On retrouve, par
exemple, des Serbes en Bosnie mais aussi des Bosniaques en
Serbie, Bosnie et Macédoine. Cet enchevêtrement de peuples
ne résiste pas aux volontés d’indépendance nationale des
Républiques. Les atrocités des guerres de Yougoslavie ont
consisté en des crimes de masse qui se sont apparentés à une
« épuration ethnique » voire, pour certains, à un génocide
perpétré par les Serbes contre les Bosniaques lors de la
guerre de Bosnie (1992-1995).
- Le Rwanda a une population composée de trois ethnies : les
Hutus (85 % de la population totale), en majorité des agriculteurs,
les Tutsis (environ 14 %), le plus souvent des éleveurs, et les
Twas (1 %). Les rivalités datent de la colonisation, quand les
Belges s’appuyaient sur les Tutsis pour gouverner. En 1992,
le président rwandais forme dans chaque village une milice
hutue, les Interhamwe, ce qui signifie « frappons ensemble ».
Pourtant, le 4 avril 1994, la paix est signée à Arusha (Tanzanie).
C’est en revenant de cette conférence de paix le 6 avril 1994
que les présidents hutus du Rwanda et du Burundi meurent
dans l’attentat qui détruit leur avion au-dessus de Kigali. Cet
événement dramatique sert de prétexte aux extrémistes hutus
pour s’en prendre à la minorité Tutsie et aux modérés Hutus.
Dès le lendemain, la Première ministre hutue modérée, Agathe
Uwilingiyimana, est assassinée ainsi que les dix Casques bleus
belges qui tentent de la protéger. Une véritable « chasse aux
204
Tutsis » est ouverte, marquée par de nombreux massacres et
des scènes d’horreur, les Cent jours du génocide rwandais :
exécutions de civils, massacres à la machette, viols collectifs, etc.
Mais les troupes tutsies du FPR prennent Kigali le 4 juillet 1994.
La présence des Casques bleus et des troupes françaises n’a
pas pu empêcher le génocide qui a duré une centaine de jours.
- Les attentats du 11 Septembre 2001 ont été minutieusement
préparés par les terroristes kamikazes d’Al-Qaïda. Il s’agit de
détourner quatre avions de ligne des compagnies American
Airlines et United Airlines pour les abattre sur la capitale
économique (New York) et la capitale politique (Washington)
des États-Unis afin de frapper la première puissance mondiale
en son cœur. Entre 8h14 et 10h03, deux avions se sont encastrés
dans les tours jumelles, causant leur effondrement l’une après
l’autre, quelques minutes après l’impact ; un troisième s’écrase
sur le Pentagone (département de la Défense) à Washington
et un quatrième, se dirigeant probablement vers le Capitole
(Sénat et Chambre des Représentants), est détourné par les
passagers et s’écrase en Pennsylvanie. Le bilan est très lourd :
près de 3 000 victimes et plus de 6 000 blessés. Le soir même,
le président Bush prononce un discours dans lequel il déclare
la guerre aux terroristes
- La justice internationale intervient dans des domaines variés.
La CIJ s’occupe essentiellement de régler les différends entre
les États, comme des problèmes de frontières terrestres ou
maritimes ou d’accès à la mer pour un pays. La CPI s’occupe
en revanche des individus suspectés de génocide, de crimes
de masse ou de crimes contre l’humanité.
La CIJ A été créée dès 1945 et dépend de l’ONU, alors que la
CPI est indépendante et ne date que de 1998. La première
s’occupe des États, la seconde des individus.
- L’apartheid, mis en place en 1948, prévoyait l’instauration
d’un développement séparé des Blancs et des Noirs, une
ségrégation totale entre les deux. À partir de 1989, Frederik de
Klerk, élu président, va lancer une politique de réformes. Il fait
libérer Nelson Mandela le 11 février 1990. Ensemble, les deux
hommes vont transformer le pays en douceur. La population
blanche accepte par référendum le 17 mars 1992 qu’une
nouvelle Constitution soit mise en place et que les réformes
se poursuivent. Les premières élections présidentielles libres
voient en avril 1994 la victoire de Mandela, qui devient ainsi
le premier président noir du pays, investi le 10 mai.
- Elle est réalisée dans le domaine économique avec le FMI
depuis 1945, le rôle de l’OMC, les organisations économiques
régionales comme le Mercosur, l’Alena ou l’UE. Elle a bien
avancé dans le domaine de la justice internationale, avec la
CIJ (1945) et la CPI (1998). Elle reste à renforcer face aux défis
environnementaux (COP21 : les États-Unis et le Brésil se sont
désengagés du protocole de Paris en 2017 et en 2019).
 CHAPITRE
La construction européenne entre
10 élargissement, approfondissement
et remises en question

RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 4 : Le monde, l’Europe et la France depuis les années 1990, entre coopérations et conflits (8-10 heures)

Chapitre 10. La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à contextualiser les évolutions, les avancées et les crises de la construction européenne.
On mettra en perspective :
- le passage de la CEE à l’Union européenne : évolution du projet européen et élargissements successifs ;
- Europe des États, Europe des citoyens : référendums et traités (Maastricht, traité constitutionnel de 2005, traité de
Lisbonne…).

Points de passage et d’ouverture - Le tunnel sous la Manche ;

- L’euro : genèse, mise en place et débats.

Problématique du chapitre :
Pourquoi l’élargissement et l’approfondissement suscitent-
ils des débats au sein de l’Union européenne depuis 1992 ?
La problématique insiste sur le tournant du traité de Maastricht
et la naissance de l’Union européenne dans le long processus de
construction européenne. Il ne s’agit pas d’évoquer les anciens
traités et communautés mais de montrer que les processus
d’élargissement et d’approfondissement, qui ne sont pas nouveaux
dans la construction européenne, sont au cœur de débats
multiples, politiques, sociaux, économiques et identitaires, et ce
dès la négociation du traité de Maastricht. Le projet européen est
depuis lors au cœur de débats entre les États (opposant les visions
intégrationnistes aux souverainistes et populistes, ceux en faveur
d’une petite Europe contre ceux en faveur d’une grande Europe
libérale) mais aussi au sein des sociétés (entre les europhobes,
les eurosceptiques et les europhiles). Ces débats rythment le
processus européen tout en pesant sur la construction, le visage
et l’image de l’Union européenne.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
La fin de la guerre froide est une étape essentielle dans la
mise en place de l’Union européenne, il est important de
souligner que des jalons ont été posés dès les années 1970-
1980 (projet du tunnel sous la Manche, serpent monétaire, Acte
unique européen). L’année 1992 est une étape majeure car la
signature puis la ratification du traité de Maastricht révèlent
d’emblée certains débats qui secouent l’UE et montrent le
poids de l’opinion publique européenne qui s’exprime lors
des référendums par exemple. Bien qu’il y ait débats, les
années 1990 et début des années 2000 sont marqués par des
élargissements et des avancées dans l’intégration : marché
commun en 1993 ; mise en circulation de l’euro en 2002 ;
multiplication des coopérations transfrontalières (inauguration
du tunnel sous la Manche en 1994), coopérations politiques et
juridiques à travers la PESC et Europol par exemple. Les acteurs
politiques ont su renforcer l’intégration européenne au prix de
la mise en place d’une Europe à plusieurs vitesses. La fin des
années 2000 et les années 2010 sont au contraire marquées
par des crises (de la dette, la « crise migratoire »), une perte de
confiance des citoyens européens, la montée des populismes
et du souverainisme. Cette période de difficultés et de tensions
ouvre un temps de stagnation et même de remise en cause du
processus européen illustrée par le Brexit dont les débats et
les résultats du référendum agitent l’UE depuis 2016.
Notions importantes et personnages principaux :
Les notions retenues sont celles qui permettent de comprendre la
complexité du projet européen mais aussi de familiariser l’élève avec
ce qui est lu, entendu et vécu au quotidien sur l’Union européenne.
L’idée de construction européenne qui englobe l’ensemble du
chapitre désigne un processus long aux racines lointaines (dès le
XIXe siècle). Évoquant d’abord une pluralité d’idées, le processus
est concrétisé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale pour
favoriser la coopération entre plusieurs États européens dans
différents domaines, d’abord économique puis politique, juridique,
policier, culturel et sécuritaire. La construction européenne est
associée à deux processus, l’élargissement et l’approfondissement.
En se basant sur la précédente définition de « construction
européenne », le premier terme désigne un nombre d’États qui
coopèrent dans un ou plusieurs domaines, alors que le second
terme désigne un renforcement de la coopération existante dans
un domaine ou en l’ouvrant à d’autres domaines.
Le chapitre n’invite pas à s’intéresser à des personnages clés
spécifiquement mais davantage à des acteurs institutionnels qui
pèsent dans la construction européenne et dans les débats. La
chancelière allemande Angela Merkel, qui a marqué la politique
récente de l’UE, nous a semblé importante cependant à présenter
page 326.

Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question 205

 Conseil de l’Union européenne : institution communautaire
qui réunit les ministres des États membres dans le domaine
concerné afin d’examiner, modifier, adopter des lois et veiller
à coordonner les différentes politiques nationales. Il partage
avec le Parlement européen l’adoption des lois et du budget.
Commission européenne : institution européenne
supranationale composée de 27 commissaires (un par État
membre) et d’un président de la commission. Organe de
l’exécutif européen, elle élabore des projets de lois et le budget,
veille à leur application et elle représente les intérêts de l’UE
dans les relations diplomatiques.
Parlement européen : institution communautaire siégeant à
Strasbourg et à Bruxelles composée de 705 députés élus par
les citoyens des États membres. C’est un organisme législatif,
le Parlement adopte le budget communautaire et est doté
de compétences de surveillance (contrôle les institutions,
examine les pétitions et peut lancer des enquêtes). Il partage
de nombreuses compétences avec le Conseil de l’Union
européenne.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Première proposition de parcours long (5 h)
Ce parcours davantage chronologique vise à mettre en avant
des grandes périodes dans le processus de construction
européenne depuis la fin de la guerre froide : d’abord une
phase d’approfondissement et d’élargissement dans les
années 1990 et le début des années 2000 en abordant le traité
de Maastricht (p. 316-317), la mise en place de la monnaie
commune (p. 318-319) et le renforcement de la coopération
interétatique avec l’exemple du tunnel sous la Manche (p. 320).
Le temps des crises à partir de 2005 peut être ensuite abordé
par la difficulté à construire l’Europe politique et l’Europe des
citoyens avec le Brexit (p. 321) et la montée de l’euroscepticisme
et de l’europhobie (p. 324-325).
Deuxième proposition de parcours long (4 h) : une
construction au cœur de débats multiples
Ce parcours vise à montrer les différents débats à
partir de différentes thématiques : d’abord le débat sur
l’approfondissement de l’Europe politique à travers le traité
de Maastricht (p. 316-317), puis le débat sur l’intégration
économique par l’instauration de l’euro (p. 318-319), puis les
débats sur l’élargissement à partir du cas britannique avec le
tunnel et le Brexit (p. 320-321) et enfin les débats sur l’adhésion
des citoyens au projet européen (p. 324-325).
Proposition de parcours court (3 h)
Pour aborder quelques grands débats qui animent la
construction européenne depuis 1992, l’enseignant pourra
traiter de manière dialectique la construction d’une Europe
politique par le traité de Maastricht (p. 316-317), puis le
renforcement de la coopération au quotidien entre les États
membres à partir de l’exemple du tunnel sous la Manche (p. 320),
pour enfin évoquer l’approfondissement, l’Europe du quotidien,
l’Europe à plusieurs vitesses et les crises qui affectent le projet
européen au prisme de la monnaie unique (p. 318-319).
Ouverture p. 312-313
Le document 1 montre de jeunes militants croates faisant la fête
dans les rues de Zagreb le 30 juin 2013. Ils célèbrent ainsi l’entrée
de leur pays dans l’Union européenne à partir du 1er juillet 2013
minuit heure locale, élargissant ainsi la communauté à 28 États
(avant le Brexit). Il s’agit du dernier élargissement de l’UE depuis
lors. La photographie met en avant la jeunesse croate ravie de
cette adhésion, évoquant ainsi une adhésion au projet européen
et un avenir pour le pays après dix années de négociation avec
Bruxelles. Le professeur veillera à montrer la mise en scène de la
photographie et à critiquer cette représentation qui ne montre
pas la présence d’europhobes ou eurosceptiques en Croatie lors
du processus de négociation et d’adhésion (avec 66,27 % de
« oui » au référendum de 2012 qui n’a mobilisé que 43,51 % des
électeurs croates). La présence du drapeau européen à côté du
drapeau national évoque l’intégration mais aussi la conservation
d’une souveraineté de la part de l’État croate. La présence du
drapeau européen permet enfin d’aborder les symboles de l’UE,
la construction d’une identité et d’une citoyenneté européenne
mais aussi de souligner que les 12 étoiles rappellent les 12 États
fondateurs de l’UE en 1992.
Réponse à la question :

Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Pour aborder l’histoire du projet
européen
Guillaume COURTY, La Construction
européenne, « Que sais-je ? », PUF, 2018.
Sylvain KAHN, Histoire de la construction de
l’Europe depuis 1945, PUF, 2017.
Pour comprendre le fonctionnement de
l’Union européenne
100 fiches pour comprendre l’Union
européenne, Bréal, 2019.
Jean-Dominique GIULIANI et Pascale JOANNIN,
L’Atlas permanent de l’Union européenne,
Lignes de Repères, 2018.
Pour une approche critique du projet
européen
Patrick MARTIN-GENIER, L’Europe a-t-elle
encore un avenir ? Une approche critique
de la construction européenne, Studyrama,
2017.
Sitographie
Pour une approche pédagogique, le site
web de Toute l’Europe :
https://www.touteleurope.eu
Pour des ressources, le site web du Centre
virtuel de la connaissance sur l’Europe :
https://cvce.eu
Pour des connaissances plus précises et
approfondies sur le fonctionnement de
l’UE, le site web officiel de l’UE :
https://europa.eu

206
Cette photographie illustre le processus d’élargissement de
l’Union européenne, l’union étant passée de 12 membres
initialement (symbolisés par les étoiles du drapeau) à
28 membres avec l’entrée de la Croatie en 2013.
Le document 2 permet d’évoquer la « crise de la dette » qui
touche la zone euro à partir de 2010 dans le sillage de la crise
financière internationale de 2008. Cette œuvre de street art fut
réalisée dans les rues d’Athènes en pleine campagne avant le
référendum du 5 juillet organisé par Aléxis Tsípras concernant
la proposition conjointe de l’UE, de la BCE et du FMI pour
soutenir financièrement la Grèce en échange de réformes
économiques accentuant la politique d’austérité déjà mise en
œuvre. L’étoile rouge du drapeau européen illustre ce moment
de crise qui fut également un moment de débats intenses à
la fois au sein de l’eurogroupe sur l’avenir de la zone euro (les
États membres étant divisés entre solidarité européenne et
un « Grexit »), mais également au sein de la société grecque
qui doit alors être consultée par référendum. La victoire du
« non » (61,31 % des votants) marque à la fois un enlisement
dans la gestion de la crise mais aussi une volonté commune de
continuer à débattre et négocier pour maintenir la zone euro.
Réponse à la question :
Le graffiti remet en cause trois « Europes » au cœur du projet
européen : d’abord le symbole de l’euro évoque l’Europe
économique donc une critique de la monnaie unique ;
l’étoile rouge évoque une critique de l’Europe politique en
montrant qu’un Grexit fut envisagé par des partenaires de
l’eurogroupe ; enfin le « NEIN » montre une fragilité de l’Europe
des citoyens car des Grecs sont opposés à la gestion de la crise
de la dette par l’UE et aux mesures d’austérité que l’institution
supranationale souhaite leur imposer, provoquant une montée
de l’euroscepticisme voire de l’europhobie.
Carte p. 314-315
Ces deux documents permettent de mieux comprendre le
fonctionnement de l’UE, les processus d’élargissement et
d’approfondissement à partir de quelques politiques communes,
mais aussi de mettre en évidence des crises rencontrées par l’UE.
Le document 1 est une carte qui permet de visualiser l’UE (hors
territoires ultramarins), sa construction et son fonctionnement
depuis 1992. Elle se veut chrono-thématique pour montrer
des évolutions dans les processus d’élargissement et
d’approfondissement. La première partie de la légende permet
d’évoquer les différentes institutions de l’UE qui constituent
les acteurs principaux du chapitre. Leur localisation peut être
évoquée par une approche géohistorique des institutions de la
CECA et de la CEE. Les principaux traités permettent d’évoquer
une refonte du traité de Maastricht pour montrer aux élèves que
la construction de l’UE ne fut pas figée en 1992, mais que des
débats et des nouveaux enjeux ont conduit les États membres
à construire progressivement l’UE. La deuxième partie de la
légende illustre le processus d’élargissement en évoquant les
4 dates clés de celui-ci. Il s’agit de montrer le passage de 12 à
28 membres en deux décennies ainsi qu’un élargissement massif
vers l’est après la fin de la guerre froide. Le troisième point de la
légende permet d’approcher le processus d’approfondissement
au prisme de trois politiques communes, une qui touche
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
l’ensemble des États membres à savoir le marché unique, les
deux autres évoquant une Europe à plusieurs vitesses avec
l’espace Schengen et la zone euro. La dernière partie de la
légende permet de montrer que le processus de construction
européenne est aujourd’hui en panne, notamment par la fin de
l’élargissement de l’UE en raison de crises multiples à surmonter.
Si la Norvège a refusé d’adhérer à l’UE par référendum en 1994,
des États candidats à l’adhésion voient s’éloigner l’espoir de
rejoindre l’UE, alors que dans plusieurs États membres des
partis europhobes militent pour sortir de l’UE comme l’illustre
le Brexit de 2020. L’UE a adapté sa stratégie en privilégiant la
politique européenne de voisinage, politique bilatérale entre
l’UE et les États voisins afin de favoriser la sécurité commune
(notamment des frontières) et de mettre en place des politiques
de coopération. L’UE multiplie ainsi les relations avec l’Algérie,
l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, l’Égypte, la Géorgie,
Israël, la Jordanie, le Liban, la Libye, la Moldavie, le Maroc, la
Palestine, la Syrie, la Tunisie et l’Ukraine.
Le document 2 est un organigramme simplifié présentant
les principales institutions et le fonctionnement de l’Union
européenne. Il permet d’aborder les notions d’intégration, en
montrant le processus d’élaboration des politiques communes,
de souveraineté nationale, par la présence des représentants
des gouvernements, et la notion de supranationalité, par la
présence d’institutions supranationales dont les décisions
s’appliquent aux États membres.
Réponses aux questions :
Question 1 : La construction de l’UE a été progressive pour
trois raisons : il y a eu 4 élargissements successifs faisant passer
le nombre d’États membres de 12 à 28 puis un premier retrait
de l’UE avec le Brexit en 2020 ; deuxièmement des politiques
communes ont été progressivement mises en place comme le
marché unique en 1993 puis l’euro mis en circulation en 2002 ;
enfin de nouveaux traités pour refondre le fonctionnement de
l’UE par exemple le traité de Lisbonne en 2007.
Question 2 : Les 4 élargissements marquent une volonté
d’étendre l’UE après la fin de la guerre froide, d’abord en 1995
vers les pays neutres (Autriche, Suède, Finlande), puis en 2004
vers, entre autres, d’anciens pays du bloc soviétique (République
tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Slovaquie)
et en 2007 (Bulgarie et Roumanie), enfin la Croatie en 2013. Le
Brexit en 2020 et la fin du processus d’adhésion depuis 2013
malgré des pays candidats sont révélateurs d’un processus
d’élargissement en panne au profit de la politique européenne
de voisinage.
Question 3 : L’espace Schengen permettant une libre circulation
des personnes, le marché unique européen pour la libre circulation
des biens et des capitaux, et la monnaie unique (l’euro) sont
trois politiques communes. Cependant certaines politiques
communes ne concernent pas l’ensemble des États membres
comme l’espace Schengen et la monnaie commune, soit par
refus d’un État d’adhérer en raison de sa souveraineté nationale
(comme le Royaume-Uni) soit par le refus des États participants
à une politique commune à intégrer de nouveaux États qui ne
rempliraient par encore les critères suffisants pour rejoindre cette
politique (la Bulgarie et la Roumanie par exemple).
Question 4 : Les projets de lois sont à l’initiative de la
Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne,
puis elles sont adoptées par le Parlement européen et le Conseil
207
 de l’Union européenne. Une loi adoptée s’applique aux États
membres ayant choisi de participer à une politique commune.
Étude p. 316-317
1992, Maastricht, la construction d’une
Europe politique
Problématique : Quels sont les débats autour de la construction
d’une Europe politique en 1992 ?
L’objectif de cette étude est de montrer que la construction
d’une Europe politique est au cœur de l’« esprit de Maastricht ».
Cette étude permet d’aborder le traité de Maastricht comme
fondateur de l’Union européenne tout en mettant en perspective
et en critique ce jalon historique. Le traité de Maastricht est avant
tout l’aboutissement d’un long processus de négociation entre
les 12 États membres de la CEE sur l’avenir du projet européen
dans le contexte de la réunification allemande et de la fin de
la guerre froide. Il s’agit d’approfondir la coopération dans de
nouveaux domaines, d’envisager un élargissement du groupe,
de mettre en place des institutions supranationales fortes et
de créer une citoyenneté européenne. Cette étude met en
avant les débats avant la signature du traité de Maastricht,
ceux qui suivent la laborieuse campagne de ratification du
traité par les États membres (soit par voie parlementaire soit
par référendum) ainsi que ceux qui suivirent l’entrée en vigueur
du traité de Maastricht en 1993.
Le document 1 est une caricature illustrant la difficile
négociation entre les Douze débutée depuis le Conseil européen
extraordinaire de Dublin du 28 avril 1990 et aboutissant les 9 et
10 décembre 1991 à la rédaction du traité de Maastricht (signé
le 7 février 1992). Behrendt souligne ici les divergences d’intérêts
entre les États membres, ainsi que de nombreux problèmes à
résoudre lors de la phase de négociation, que ce soit dans les
politiques à mettre en place (comme l’enjeu de la politique
agricole commune pour l’Espagne), celui de la souveraineté
pour le Royaume-Uni, qui refuse l’union monétaire, celle de la
gouvernance européenne pour l’Allemagne et les Pays-Bas, qui
craignent une eurocratie bruxelloise, ou tout simplement dans
celui de l’adhésion des citoyens des États membres à ce projet
européen comme en témoignent les pancartes avec « non » (OXI,
NEI) ou « assez » (DOSTA). La caricature montre la complexité
à construire le projet d’une union à douze tout en mettant
en avant certains piliers majeurs du projet : des politiques
communes approfondies et des institutions supranationales.
Le document 2 est un extrait du traité de Maastricht. Il marque
l’aboutissement des premiers débats menés lors de la phase
de négociation en 1990 et 1991. L’article 1 rappelle la volonté
commune d’approfondir le projet européen et le second article en
précise les modalités : l’achèvement du marché unique européen
et la décision de mettre en place une union économique et
monétaire en faisant converger les économies, la création d’une
citoyenneté européenne, un renforcement de la coopération
communautaire en matière de politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) et de la coopération intergouvernementale en
matière de justice et d’affaires intérieures (JAI).
Le document 3 est un article du diplomate luxembourgeois
208
Guy de Muyser qui s’interroge sur l’avenir de son État après
la signature du traité de Maastricht. Il évoque ses espoirs
mais aussi ses craintes. Il souligne l’intégration plus poussée
de la communauté européenne et les bienfaits en termes de
circulation des biens, des hommes et des capitaux. Il avertit
cependant sur le fait que cette union plus étroite est voulue
par les dirigeants et les eurocrates, et qu’il est difficile alors de
convaincre les citoyens européens des bienfaits de celle-ci.
Il craint notamment le recours au référendum dans certains
États dont la France pour ratifier le traité. Il évoque également
la crainte des petits États comme le Luxembourg de ne pas
parvenir à peser face aux puissances comme la France, le
Royaume-Uni ou l’Allemagne. Il montre enfin la mise en place
de la citoyenneté européenne lorsqu’il évoque la possibilité
pour des étrangers de voter lors des élections communales.
Son point de vue exprime une satisfaction à voir progresser
le projet européen, mais en diplomate conscient il avertit des
débats et enjeux nouveaux pour le Luxembourg et pour l’UE.
Le document 4 illustre le rejet du traité de Maastricht par des
citoyens et politiciens pendant la campagne de ratification
dans de nombreux États. La photographie a été prise lors d’une
manifestation anti-Maastricht le 16 octobre 1992, alors que
se tient un conseil extraordinaire des douze chefs d’État et de
gouvernement réuni à Birmingham à l’initiative du Royaume-Uni
en charge de la présidence de la CEE. Elle témoigne de la crainte
de certains Britanniques de perdre de la souveraineté nationale
et de déléguer des compétences toujours plus nombreuses
au profit des institutions supranationales prévues par le traité
de Maastricht, notamment la gestion des frontières et l’union
économique et monétaire. Le professeur veillera à souligner
que ces critiques ne sont pas propres au Royaume-Uni et
que l’on retrouve ces débats « pour ou contre Maastricht »
dans l’ensemble des douze États signataires. À l’issue de ce
conseil extraordinaire, les dirigeants européens réaffirment
leur « attachement au traité de Maastricht » et prennent acte
du nécessaire « soutien [des] citoyens » à l’élaboration de
l’Union européenne.
Le document 5 illustre les débats qui animent l’UE après
la difficile campagne de ratification du traité de Maastricht,
notamment après les résultats serrés du référendum français
sur la ratification du traité le 20 septembre 1992 (51,04 % de
« oui »). Cet article paru dans la Revue du Marché commun
et de l’Union européenne pose la question de la reprise de
l’intégration européenne et de l’adhésion des citoyens au
projet européen après la mise en œuvre du traité de Maastricht.
L’article montre que les débats sur Maastricht ont également
lieu à l’échelle nationale soit sur le mode de ratification du
traité, soit sur la souveraineté ou la supranationalité, soit sur
les mesures de convergences économiques prévues par l’union
économique et monétaire (notamment réduire les déficits). Il
y a pour des citoyens européens le double sentiment de perte
de souveraineté nationale et d’identité au profit d’un projet
européen imposé par les dirigeants et eurocrates. Cet article
montre que la construction politique ne peut se faire sans la
construction d’une Europe des citoyens et pose d’emblée le
débat sur la place des citoyens dans le processus de construction
européenne.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 :
Domaine d’approfondissement Économie
Politique commune envisagée Union monétaire et économique
Monnaie commune
Marché unique
Question 2 : Les opposants au traité de Maastricht évoquent
la perte de la souveraineté nationale, la difficulté à mettre les
Douze d’accord, la crainte de perdre l’identité nationale et de
voir l’arrivée massive d’étrangers venus d’Europe de l’Est, la
peur de se voir imposer des décisions, restrictions et normes
par les institutions supranationales, la crainte que les décisions
soient prises par les eurocrates sans tenir compte des avis des
citoyens européens et finalement la peur des petits États de
peser moins lourd que les puissances européennes.
Question 3 : Malgré son adoption le traité de Maastricht
ouvre de nouveaux débats car il s’agit désormais de réaliser
certains chantiers comme l’union économique et monétaire,
de faire face à des États qui pourraient chercher à privilégier
leur souveraineté nationale plutôt que l’intégration, mais aussi
de convaincre les citoyens européens de l’intérêt de l’Union
européenne et de les intégrer davantage dans la construction
européenne.
Une coopération approfondie dans
les domaines économique (union
économique et monétaire, convergence
économique, marché unique), politique
(institutions supranationales) et
sécuritaire (PESC, coopération juridique
et policière).
Des débats avant le traité sur l’avenir de
l’UE entre les douze États (opposition entre
souverainistes et intégrationnistes, et sur le
degré ou les domaines d’intégration et de
coopération).
Question 2 : Le traité instaurant l’Union européenne a été l’objet
de débats lors de la phase de négociation pour parvenir à mettre
les douze États d’accord sur la forme, le fonctionnement et les
politiques communes envisagées. Il est également un objet
de débat pendant la ratification dans les États signataires, soit
sur le mode à adopter pour la ratification (parlementaire ou
référendaire) soit sur les craintes exprimées de se voir imposer
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
Sécurité et Défense Vie quotidienne
PESC Citoyenneté européenne
Contrôle des frontières et de Monnaie commune
l’immigration Liberté de circulation
Coopération judiciaire et dans la lutte Voter et être éligible aux élections
contre la criminalité européennes et locales
Bilan La signature du traité de Maastricht est une étape
majeure dans l’évolution de la construction européenne
car elle renforce la coopération des douze États signataires
dans plusieurs domaines notamment économique (marché
unique, union économique et monétaire), politique (institutions
communes) et sécuritaire (PESC, coopération judiciaire et
policière). Elle marque aussi une présence plus forte de
l’Europe dans la vie quotidienne à travers la libre circulation
ou la monnaie commune. Cependant ce traité instaurant
l’Union européenne a été l’objet de débats lors de la phase de
négociation pour parvenir à mettre les douze États d’accord
sur la forme, le fonctionnement et les politiques communes
envisagées. Il a été également un objet de débats pendant la
ratification dans les États signataires, soit sur la forme à adopter
pour la ratification (parlementaire ou référendaire) soit sur les
craintes exprimées par des politiciens et des citoyens européens.
Parcours 2
Question 1 :
Un contexte politique et social marqué
Le traité de Maastricht
par des divergences entre les États
instaurant l’UE
européens sur l’avenir de la communauté
européenne et par un manque d’adhésion
et des craintes exprimées chez des
citoyens européens.
Des débats pendant la ratification
du traité car des citoyens craignent Des débats après l’entrée en vigueur du traité
une perte de souveraineté et notamment sur la mise en place de politiques
d’identité nationales. D’autres communes (comme la monnaie unique) et
rejettent un projet européen porté la place et l’adhésion des citoyens dans le
et imposé par des eurocrates processus de construction de l’UE.
(un manque de démocratie dans le
processus de construciton).
une Union européenne portée par des eurocrates et non par les
citoyens. Après l’entrée en vigueur du traité, les débats ont porté
sur la mise en place des politiques communes (notamment
la difficulté à abandonner les monnaies nationales au profit
d’une monnaie unique) ainsi que sur le rôle et l’adhésion des
citoyens dans le projet européen.
209

POINT DE PASSAGE p. 318-319
MÉTHODE BAC
1992, l’euro : genèse, mise en place
et débats
Problématique : Comment l’instauration de l’euro est-elle à
la fois une étape essentielle dans l’intégration européenne et
une source de tensions ?
Cette étude doit permettre de construire un repère avec
les élèves à travers le point de passage et d’ouverture mais
aussi d’aborder un sujet de leur quotidien en leur montrant
que la mise en place de l’euro fut l’objet de débats intenses
aussi bien pendant la phase de négociation qu’ensuite avec
les crises qui ont touché la zone euro depuis 2005. Si les
enjeux sont économiques, il convient de montrer leur forte
dimension politique mais aussi sociale en s’intéressant à la fois
aux dirigeants et aux citoyens. Cette étude est aussi l’occasion
de montrer que la mise en place de l’euro est un processus long
marqué par des évolutions majeures depuis 1992 qui illustrent
des dynamiques plus globales de l’UE, notamment l’Europe
à plusieurs vitesses, l’élargissement, l’approfondissement, les
tensions mais aussi la solidarité communautaire.
Le document 1 permet de cartographier une politique
monétaire et économique commune, l’euro, en montrant
qu’il s’agit d’un approfondissement de l’Union européenne
par la mise en place de l’institution supranationale qu’est la
Banque centrale européenne. L’élargissement est également
suggéré par les adhésions de 8 nouveaux membres entre 2001
et 2015 portant à 19 le nombre d’États utilisant l’euro comme
monnaie unique. Cela permet alors d’introduire l’idée que la
construction européenne à partir de 1992 est marquée par
l’Europe à plusieurs vitesses, permettant à des États de ne
pas adhérer à de nouvelles politiques communes, comme la
Royaume-Uni, la Suède ou le Danemark, mais également que
certains États membres de l’UE ne peuvent pas adhérer à la
monnaie commune en raison d’un manque de convergence
économique avec l’eurogroupe (Roumanie, Bulgarie, Croatie
par exemple).
Le document 2 est une affiche d’opposants estoniens à
l’adhésion de leur pays à l’euro publiée en 2010 dans le cadre
de la campagne « sauvons la couronne estonienne ». Les
sondages montrent qu’en 2010 53 % des Estoniens n’étaient
pas en faveur de l’adoption de l’euro. Dans le contexte de la
crise financière mondiale de 2008 puis de la crise de la dette
qui secoue l’eurozone à partir de 2009, les opposants ont
adopté avec humour l’image du Titanic pour symboliser le
naufrage de la politique monétaire qui conduit selon eux
des États surendettés à une mort économique, notamment la
Grèce, l’Espagne, le Portugal et l’Irlande. Cette affiche montre
les débats qui ont court entre les Estoniens sur l’avenir de leur
intégration à l’Union européenne.
Le document 3 est un communiqué de presse de la Commission
européenne publié la veille du 20e anniversaire du lancement
de l’euro. L’enseignant veillera à mettre en avant le caractère
partial du texte visant à promouvoir les succès de la monnaie
commune après une période de crises successives débutée en
2005. Bien que l’eurogroupe soit parvenu en 2019 à surmonter
210
ces crises, le discours doit être contextualisé et critiqué. S’il
met en avant un renforcement de l’intégration européenne,
il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’une politique commune
à l’ensemble des États membres. De même si le communiqué
évoque 64 % d’Européens de la zone euro qui estiment la
monnaie bénéfique pour leur pays, il s’agit de relativiser ce
chiffre issu du baromètre de la BCE. Par ailleurs, ils sont 74 %
à penser que l’euro a été bénéfique à l’UE, mais 10 points de
moins pour leur propre pays. Si ces sondages sont les plus hauts
jamais enregistrés sur l’adhésion des citoyens à l’euro, il convient
de noter que la monnaie unique ne convainc pas totalement.
Le document 4 évoque la crise de confiance envers l’euro
en 2005. La contextualisation est primordiale car ce sont les
« non » français et danois aux référendums sur la Constitution
européenne ainsi que les campagnes qui les ont précédés qui
ont fait émerger une crise politique mettant un coup d’arrêt
au processus d’intégration, ainsi qu’une crise de confiance
des citoyens envers l’UE et les eurocrates. Dans un ton plutôt
neutre, le journaliste souligne que l’euro devient un symbole
qui concentre les critiques des eurosceptiques et europhobes,
pire la monnaie commune devient un bouc émissaire rendue
responsable de nombreux maux alors que les avantages pour
l’économie sont certains. La confrontation des documents 3 et
4 permet cependant de souligner une évolution positive dans
l’adhésion des citoyens de l’eurozone à la monnaie commune
entre 2005 et 2019.
Réponses aux questions :
Parcours
Question 1 : La politique commune de l’euro illustre la volonté
de renforcer l’intégration européenne car elle est une mise
en œuvre de l’union économique et monétaire portée par le
traité de Maastricht. Des États membres ont donc abandonné
leur monnaie nationale au profit d’une monnaie commune,
de ce fait ils ont délégué leurs compétences monétaires à
la BCE qui est une institution supranationale. Au-delà d’une
monnaie commune, les États membres mènent une politique
économique commune.
Question 2 : Pour les États, la monnaie commune a permis de
développer les échanges intracommunautaires, de stabiliser les
marchés et de réduire la compétitivité entre les États membres.
Pour les citoyens, la monnaie commune facilite les échanges
au quotidien (en faisant disparaître les opérations et taux de
change par exemple) et la mobilité des citoyens dans les pays
de l’eurozone.
Question 3 : La politique commune de l’euro révèle cependant
plusieurs crises de l’Union européenne, la première étant la mise
en place d’une Europe à plusieurs vitesses avec des États ayant
refusé d’adhérer à l’euro ou d’autres qui n’ont pu y adhérer faute
de convergence économique suffisante. La deuxième crise est
une crise de confiance des citoyens envers l’euro depuis 2005,
certains l’accusant d’être responsable d’une hausse des prix
par exemple. La dernière crise est celle de la crise de la zone
euro, appelée aussi crise de la dette, qui depuis 2009 fragilise
l’eurogroupe. Les endettements importants de certains États
comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne ou l’Italie sont
imputés à la monnaie commune et non à la crise financière de
2008. La monnaie commune est devenue la cible des critiques
mais la gestion de la crise financière au sein de l’eurogroupe a
également ravivé des tensions entre les États.
 Bilan La première crise est celle du refus d’adhésion de Étape 4 : Rédiger la réponse
certains États à la monnaie unique et cela dès 2002. C’est donc le Les deux documents sont rédigés dans des contextes
début de l’Europe à plusieurs vitesses, témoin des divergences spécifiques. Ainsi l’article du Point du le 9 août 2005 est publié
entre les États sur le projet européen. dans un contexte de crise politique de l’Union européenne
La deuxième crise est une crise de confiance de certains citoyens après les « non » français et danois au projet de Constitution
envers l’euro en 2005. En réalité, il s’agit davantage d’enjeux européenne. Cette crise de confiance en l’UE affecte la monnaie
politiques qu’économiques car cette crise s’inscrit dans le commune accusée par certains Européens d’être responsables,
contexte du rejet du projet de Constitution européenne de à tort, de maux économiques. Le second document est un
2005. L’euro devient donc un bouc émissaire pour certains communiqué de presse publié le 31 décembre 2018 la veille
Européens. du 20e anniversaire de l’entrée en vigueur de l’euro.
La dernière crise est celle de la crise de la dette à partir de Ces deux documents montrent que l’euro illustre
2009. La crise financière mondiale de 2008 a fragilisé les l’approfondissement du projet européen en réalisant l’union
économies d’États membres de l’eurogroupe, alourdissant économique et monétaire prévue lors du traité de Maastricht.
leur endettement et fragilisant ainsi la stabilité économique Cet approfondissement passe par une politique de convergence
de la zone euro. économique commune et par la délégation de la souveraineté
monétaire à la BCE, institution supranationale. L’euro illustre
aussi le processus d’élargissement car 8 États supplémentaires
MÉTHODE BAC
ont adopté la monnaie unique entre 2001 et 2015, portant à
Analyse de document 19 le nombre d’États de l’eurozone.
Étape 1 : Lire et comprendre la consigne Malgré l’importance de l’euro dans la vie économique et le
Les trois verbes de la consigne qui sont « situer dans son quotidien des citoyens, la monnaie commune a dû faire face
contexte, « expliquez » et « montrez », invitent à répondre à de nombreuses critiques et crises. D’abord une crise dans
en trois temps. Il faut d’abord préciser dans quel contexte ce le processus de construction de l’UE car des États comme le
communiqué de presse a été rédigé pour pouvoir en faire la Royaume-Uni et le Danemark ont refusé d’adhérer à l’euro et
critique. Il faut ensuite aborder les intentions de la monnaie d’autres, comme la Roumanie, ne présentent pas encore la
unique au prisme de l’approfondissement de la coopération et convergence économique suffisante pour pouvoir y adhérer.
de l’élargissement de la zone euro. Il faut finalement prouver L’euro symbolise ainsi l’Europe à plusieurs vitesses. À partir de
que la monnaie commune connait des crises depuis les 2005 l’euro connaît une crise de confiance dans un contexte de
années 2000. crise politique de l’UE après le rejet du projet de Constitution
européenne. Cette crise s’est doublée de la « crise de la dette »
Étape 2 : Contextualiser les documents qui fragilise la stabilité de l’eurogroupe à partir de 2009. Objet
Le communiqué de presse (doc. 3) date du 31 décembre 2018 du quotidien pour plusieurs millions d’Européens, l’euro est
et il débute par un rappel, qu’ « il y a exactement 20 ans, le également devenue un bouc émissaire rendu responsable
1er janvier 1999, l’euro a été lancé ». Il s’agit donc d’un texte des maux économiques et politiques qui touchent les États
célébrant la monnaie unique. membres de l’UE depuis les années 2000.
L’article (doc. 2) date du 9 août 2005 et il évoque « les “non”
français et néerlandais à la nouvelle Constitution ». Il s’agit
d’un texte journalistique cherchant à expliquer pourquoi l’euro
connaît une crise de confiance. POINT DE PASSAGE p. 320
Étape 3 : Sélectionner, dans les documents, les informations 1994, le tunnel sous la Manche
en lien avec la consigne Problématique : Comment la construction du tunnel sous la
L’euro illustre L’euro est une Les difficultés Manche participe-t-elle à la construction de l’Europe ?
l’élargissement du politique d’appro- auxquelles l’euro est Cette étude permet d’aborder le point de passage portant sur le
processus européen fondissement confronté depuis sa tunnel sous la Manche. Si les bornes du programme suggèrent
création de s’intéresser à l’inauguration du tunnel en 1994, c’est bien
la genèse du projet qui fut au cœur de débats. Un projet de
L’eurozone est Politique de Crise de l’adhésion au
tunnel reliant la France à la Grande-Bretagne est une idée
intialement composée convergence projet européen avec
de 11 États membres économique l’Europe à plusieurs ancienne. De nombreux projets ont été élaborés au XIXe siècle
puis elle s’est élargie BCE comme institution vitesses (notamment celui de 1874) mais les tensions et conflits de la
7 fois entre 2001 et supranationale Crise de confiance à fin du XIXe siècle et du XXe siècle n’ont pas permis leur réalisation.
2015 pour devenir la Délégation de partir de 2005 La création de la CEE en 1957 puis l’adhésion du Royaume-Uni
monnaie commune de la souveraineté Crise de la dette de à la CEE en 1973 sont l’occasion de relancer le projet comme
19 États. monétaire à l’UE 2009 symbole de l’union entre le continent et les îles britanniques. Si
Construction de L’euro rendue
un traité franco-britannique est signé en 1973, le choc pétrolier
l’union économique et responsable de maux
monétaire économiques
plonge le Royaume-Uni dans une crise économique poussant
le gouvernement à abandonner le projet dans un contexte
où l’opinion publique anglo-saxonne y était défavorable. La
nomination de Margaret Thatcher comme Premier ministre

Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question 211

 en 1979 et l’élection de François Mitterrand en 1981 mettent que pour les opposants, il va encourager la concurrence entre
à la tête des deux États des acteurs favorables à la relance du les économies et menacer les entreprises britanniques par
projet dès septembre 1981. Les négociations débouchent sur la suppression des barrières douanières et d’autres mesures
la signature du traité de Canterbury le 12 février 1986 qui règle protectionnistes.
la question frontalière et entérine le projet d’un tunnel sous la
Parcours 2
Manche et d’une liaison ferroviaire. Le tunnel est inauguré le
6 mai 1994 par Élisabeth II et François Mitterrand. À partir des deux documents proposés, les élèves doivent
faire ressortir le projet initial, tel qu’il apparaît dans le discours
Le document 1 est un discours prononcé par Margaret Thatcher
de Margaret Thatcher. Ses arguments sont principalement
le 29 juillet 1987 lors de la cérémonie officielle d’échange des
économiques « un grand pas en avant pour les exportateurs,
instruments de ratification qui s’est déroulée à l’Élysée comme
les voyages d’affaire et les touristes » (lignes 4 et 5), elle parle
le prévoyait le traité de Canterbury. Ce discours s’inscrit dans un
de « catalyseur pour les entreprises et pour l’emploi » (lignes
double processus, celui de l’enracinement du Royaume-Uni dans
16 et 17). Mais il y a aussi une volonté d’approfondir le projet
le projet européen en s’arrimant davantage au continent mais
européen, indépendant de la CEE : « compétition intéressante
également celui de l’évolution de la Communauté européenne
entre l’achèvement promis du marché commun en 1992 et le
vers l’Union européenne. Il s’agit pour Margaret Thatcher de
tunnel un an plus tard » (lignes 20-22). Le document 2 doit
contribuer à la mise en place du marché commun et du futur
permettre d’en souligner les limites, et participe au « long débat »
marché unique. Le retard dans les travaux n’a cependant pas
évoqué dans l’énoncé : nombreux problèmes économiques,
permis d’inaugurer le tunnel un an après Maastricht comme
intérêts des entreprises, problèmes de douane. On voit bien, et
le Premier ministre l’évoquait alors. Si ce discours semble aller
cela pourrait être une conclusion intéressante, que les débats
dans le sens de la volonté de Margaret Thatcher, il conviendra
et la question de l’intégration européenne concernent surtout
à l’enseignant de souligner les débats qui ont pu animer les
des questions économiques.
négociations entre la France et le Royaume-Uni mais aussi au sein
du Parlement britannique. Margaret Thatcher était par exemple
opposée au projet ferroviaire lui préférant un tunnel autoroutier.
Le document 2 est une affiche émanant de Flexilink, un Étude p. 321
lobby des compagnies de ferries transmanche qui mène une
campagne en 1985, année au cours de laquelle l’appel à projet 2016, le Brexit
pour proposer des liens fixes transmanches pour les véhicules Problématique : Quelles sont les opinions qui s’opposent lors
est lancé. Plusieurs projets sont étudiés, notamment celui d’un du vote sur le Brexit en 2016 ?
pont, mais ce sont les projets de tunnels qui sont alors privilégiés
Cette étude aborde un tournant dans le processus de
car davantage compatibles avec le trafic maritime du détroit.
construction européenne : la première sortie d’un État membre.
Si le projet d’Eurotunnel n’est pas encore retenu, la présence
Elle permet de mettre en avant un frein à l’élargissement et
de l’autruche qui plonge se tête révèle bien cette idée d’un
une remise en cause de l’approfondissement européen. Le
tunnel. Le document doit être critiqué car il émane d’un lobby
Brexit illustre l’image d’une Europe en panne qui doit affronter
qui craint la concurrence d’un nouveau mode de traversée mais
plusieurs crises à la fois politiques, économiques, de confiance et
les arguments utilisés, notamment les suppressions de taxes
d’unité. Il marque aussi les divergences d’opinion dans l’Europe
et mesures protectionnistes, révèlent l'ensemble des débats
des citoyens et les différentes voies des États membres pour
qui ont animé l’élaboration du projet.
l’avenir de l’UE, opposant souverainistes et intégrationnistes. Le
Réponses aux questions : processus a débuté en 2014 lorsque le Premier ministre David
Parcours 1 Cameron a négocié avec l’UE une évolution de la politique
communautaire, souhaitant notamment un contrôle accru des
Question 1 : Le tunnel contribue à mettre en œuvre le
frontières et un poids plus fort des parlements nationaux pour
marché unique européen, instauré par le traité de Maastricht.
s’opposer à des décisions de Bruxelles. Les débats ne permirent
Politiquement, il renforce la coopération entre la France et
pas des avancées significatives pour le gouvernement qui en
le Royaume-Uni à travers différents projets notamment le
2016 annonce la tenue d’un référendum tout en appelant les
ferroviaire. Socialement, il encourage les échanges entre
électeurs à voter pour le maintien.
les citoyens des deux pays notamment pour le tourisme.
Économiquement, il encourage les échanges de biens et de Le document 1 est une carte des résultats du référendum sur
capitaux en fluidifiant le commerce par la suppression de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne organisé
barrières douanières entre les deux États. le 23 juin 2016. Si c’est la première fois que la population d’un
État se prononce pour une sortie de l’UE, les résultats sont à
Question 2 : Les opposants aux tunnels craignent une
analyser car ils marquent clairement des divisions internes au
destruction de leur économie à cause de la concurrence
pays qu’il est important de mettre en évidence avec les élèves.
d’entreprises françaises et européennes. Ils craignent que
Pour l’Écosse et l’Irlande du Nord, l’UE est une opportunité car
cette intégration plus forte à l’Europe continentale ne plonge
elle favorise les échanges commerciaux entre les deux Irlande et
l’économie britannique dans une crise.
permet au gouvernement écossais de contrebalancer l’influence
Bilan Le projet du tunnel sous la Manche est l’objet de débats de Westminster. Pour Londres, le vote du Remain correspond
car pour des acteurs politiques, économiques mais aussi des notamment à l’intérêt que représente l’UE dans le dynamisme
citoyens, il est soit une opportunité de construire l’Europe économique de la capitale. A contrario des régions industrielles
en encourageant l’intégration économique, la coopération en crise ont largement voté pour le Brexit. Ces résultats doivent
politique et le rapprochement des peuples européens alors également être mis en perspective par l’enseignant qui pourra

212
rappeler que seulement 72,21 % des électeurs britanniques
se sont rendus aux urnes.
Le document 2 est issu de la tribune économique de
Buttonwood parue dans The Economist pendant la campagne
du référendum. Engagée, elle reprend plusieurs arguments des
Remainers en cherchant à montrer les inconvénients d’une sortie
de l’UE (plutôt que montrer les avantages de rester dans l’UE).
Les craintes exprimées sont la fuite de capitaux et une baisse de
l’activité économique notamment avec un exil des entreprises
étrangères vers le continent. D’autres craintes concernent un
isolement diplomatique et une perte de puissance pour le
pays sur la scène internationale. La dernière difficulté serait
l’épineuse question du rétablissement de contrôles à la frontière
entre les deux Irlande en cas de Brexit. Alors que depuis 2016
la frontière est complétement ouverte, le Brexit obligerait à
rétablir des contrôles douaniers pour les biens, personnes et
capitaux. Le risque serait celui de la reprise de troubles entre
les deux Irlande en remettant en cause l’accord du Vendredi
saint de 1998.
Le document 3 est une affiche de campagne du parti
conservateur et eurosceptique UKIP en 2016. Il s’agit
de convaincre l’opinion publique des entraves que l’UE
représenterait sur la politique et l’économie britanniques.
Cette affiche met clairement en avant la perte de souveraineté
nationale au profit des eurocrates bruxellois. D’autres affiches
mettent en avant la responsabilité de l’UE dans la mauvaise
gestion de l’immigration illégale. Ce document doit être critiqué
car les accords conclus entre 2014 et 2016 donnent plus de
pouvoir au Parlement britannique qui peut s’opposer à une
décision européenne. Enfin, le Royaume-Uni ayant fait le choix
de ne pas adhérer à Schengen la gestion de ses frontières lui
incombe toujours.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les résultats du référendum montrent une
divergence d’opinions selon les régions du Royaume-Uni. Celles
en faveur du Brexit sont celles de l’Angleterre (à l’exception de
Londres) et du Pays de Galles. Les Écossais et les Irlandais du
Nord ont au contraire manifesté leur volonté de rester dans l’UE.
Question 2 : Une partie des citoyens britanniques souhaitent
quitter l’UE au nom de la souveraineté nationale. Ils ne
souhaitent plus que des décisions prises par les eurocrates
de Bruxelles s’imposent au Royaume-Uni et puissent aller
contre les intérêts du pays. Il s’agit pour ces Britanniques d’une
volonté d’être indépendant et souverain dans l’ensemble des
domaines de la vie du pays.
Question 3 : Pour les opposants au Brexit une sortie de l’UE
serait un affaiblissement du Royaume-Uni pour des raisons
économiques (fuite de capitaux, perte d’investissements directs
étrangers, diminution du commerce extérieur), pour des raisons
diplomatiques (isolement diplomatique du pays vis-à-vis
de l’Union européenne et moins de poids dans les relations
internationales) et pour des raisons pratiques notamment
liées à la question des frontières entre l’Irlande du Nord et la
République d’Irlande. Cette dernière appartenant au marché
unique, cela fragiliserait les échanges au sein de l'île et pourrait
relancer la question de l’union de l’Irlande.
Bilan Le référendum de 2016 illustre la division des
Britanniques face au projet européen car les résultats très
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
serrés (51,9 % pour le Brexit à l’échelle nationale) montre
une nette division des citoyens sur l’UE. Cette division est
marquée par de fortes disparités régionales. Ainsi l’Écosse
et l’Irlande du Nord sont favorables au Remain ce qui pose la
question de l’unité du Royaume-Uni face au Brexit. Londres est
également favorable au Remain notamment en raison du poids
des échanges entre la capitale et l’UE. Ce sont davantage les
régions anglaise et galloise qui ont voté pour le Brexit. Au-delà
de cette division régionale, les Britanniques sont aussi divisés
sur l’idée qu’il se font de la place de leur pays dans l’UE. Si pour
les Remainers l’UE permet au Royaume-Uni d’être plus puissant
diplomatiquement et économiquement, pour les Brexiters l’UE
marque une perte de souveraineté nationale qui va à l’encontre
des intérêts du royaume.
Parcours 2
Pour les Brexiters l’UE affaiblit le Royaume-Uni en raison de la
perte de souveraineté et de la mauvaise gestion des frontières.
Ils espèrent ainsi rétablir une souveraineté nationale complète
pour mieux gérer l’immigration notamment. Or cet argument
peut être critiqué car le Royaume-Uni ne fait pas partie de
l’espace Schengen et les contrôles sont toujours effectués
pour entrer et sortir du pays. Pire une sortie de l’UE poserait
l’épineuse question de la frontière entre les deux Irlande.
Pour les Remainers l’UE est une opportunité pour le Royaume-
Uni car elle lui permet de peser davantage dans les relations
internationales et l’économie du pays profite du marché unique.
Une sortie serait un affaiblissement politique et économique
du pays et remettrait en cause l’unité du royaume. Cependant
le Royaume-Uni est déjà une puissance économique en restant
à l’écart de nombreuses politiques économiques et monétaires
communes et la question des frontières pourrait être réglée
par un traité bilatéral négocié avec l’UE.
Leçon 1 p. 322-323
Construire l’Union européenne
Problématique : Comment l’Europe politique s’est-elle
construite depuis 1992 ? Cette leçon est étroitement liée au
chapitre précédent sur la guerre froide. Il s’agit de comprendre
pourquoi la fin de la guerre froide a poussé des États
européens à repenser la coopération européenne. Les enjeux
de la réunification allemande et de la fin du bloc soviétique
ainsi que la volonté de peser davantage dans les relations
internationales et dans l’économie mondiale ont incité les douze
États membres de la CECA, de la CEE et d’Euratom à repenser
leur union. Ces débats entre les chefs de gouvernement et leurs
représentants débouchent sur le traité de Maastricht qui prévoit
un approfondissement du fédéralisme par un renforcement
des institutions communautaires, de la coopération dans les
domaines économiques, politiques, juridiques et sécuritaires. Il
envisage une union qui puisse s’élargir à de nouveaux membres.
Les différents élargissements qui ont fait passer la communauté
de 12 à 28 membres en 2013 ont nécessité de nombreuses
refontes du fonctionnement de l’UE, en témoignent les traités
successifs. La mise en place de l’Europe politique et de l’Europe
des citoyens sont au cœur du processus d’évolution de l’UE.
Les objectifs sont de démocratiser la prise de décision par les
élections européennes, de donner un rôle accru du Parlement
213
 européen, et de susciter une adhésion forte des citoyens au
projet européen par la mise en place de politiques communes
qui s’inscrivent dans leur quotidien comme la monnaie unique,
la libre circulation dans l’espace Schengen ou Erasmus. Ces
politiques permettent de rapprocher les peuples et les États
dans un esprit de solidarité européenne.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
la leçon sont celles concernant les principes de fonctionnement
de l’Union européenne notamment le fédéralisme (en montrant
le partage des souverainetés dans différents domaines au
prisme de politiques communes) et la supranationalité (en
abordant les institutions européennes).
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan montre de manière
dialectique les motivations qui ont conduit à repenser la
communauté européenne. Le traité de Maastricht de 1992 est
d’abord l’aboutissement d’un long processus de négociation
entre les Douze mais aussi la fixation d’objectifs pour répondre
aux défis de fin de la guerre froide, de la mondialisation et
du nouvel ordre international. Pour répondre à ces objectifs
le traité de Maastricht envisage deux piliers majeurs : un
approfondissement de la coopération entre les États membres
en intégrant d’autres domaines notamment l’union économique
et monétaire, et un élargissement pour intégrer de nouveaux
États membres.
Étude p. 324-325
Les citoyens et le projet européen
Problématique : La construction d’une Europe politique a-t-
elle permis de créer l’Europe des citoyens ?
Cette étude doit permette de réfléchir au fait que le passage
de la CEE à l’UE a été l’œuvre de l’Europe des États mais
qu’il a fallu ensuite construire l’Europe des citoyens, c’est-à-
dire une communauté plus présente dans le quotidien des
habitants de l’Union à travers des politiques communes (l’euro,
Schengen, Erasmus par exemple). Il a fallu aussi démocratiser le
fonctionnement institutionnel afin que les citoyens européens
se sentent davantage impliqués et pris en compte dans le
processus de construction européenne. Les traités de Maastricht
puis de Lisbonne ont agi dans ce sens à travers la création de
la citoyenneté européenne puis le renforcement du poids
et du rôle du Parlement européen. Cette présence accrue
de l’UE dans la vie économique, sociale et politique des
Européens s’accompagne d’une volonté de renforcer une
identité européenne et de renforcer le sentiment d’adhésion
à un espace communautaire européen.
Le document 1 est réalisé à partir d’un sondage de 2019. Il
concerne la façon dont les citoyens européens se sentent pris
en compte dans la prise des décisions à Bruxelles. On remarque
que c’est dans les États de l’Est ayant récemment intégré l’UE,
le Royaume-Uni alors engagé dans la procédure du Brexit et
dans les États méditerranéens en crise économique, que les
citoyens ont le sentiment que les décisions leurs sont imposées
par l’eurocratie bruxelloise sans tenir compte des difficultés et
des enjeux nationaux qu’ils expriment. C’est le cas en Grèce
où les mesures d’austérité sont perçues comme imposées par
214
Bruxelles et allant à l’encontre de l’intérêt des citoyens grecs.
Le document 2 vient contrebalancer le document 1 en
montrant que malgré des critiques et une méfiance envers
les institutions et l’Europe des États, près de 2/3 des citoyens
européens adhèrent à l’idée d’une communauté européenne
et expriment leur volonté d’en faire partie. Si l’Europe suscite
une adhésion, c’est son fonctionnement qui est au cœur des
critiques. On remarquera également que la proportion d’indécis
est plus forte que celle des personnes souhaitant quitter l’UE.
Le document 3 insiste d’ailleurs sur cette montée du nombre
de citoyens indécis ou indifférents quant au projet européen,
soit parce qu’ils ne se sentent pas concernés ou écoutés soit
parce que le manque de communication notamment ne leur
permet pas de saisir l’importance qu’ont prise les politiques
communautaires dans leur quotidien.
Le document 4 complète le précédent en rappelant que
l’euroscepticisme progresse également car l’UE est rendue
responsable de tous les maux que traversent nos sociétés. Sans
chercher à nier l’impact que peuvent avoir certaines décisions
communautaires, le professeur veillera à approfondir la réflexion
en soulignant que des discours dans la vie politique nationale
pointent du doigt l’UE qui sert régulièrement de bouc émissaire.
Le document 5, également de 2019, montre que depuis 2008
un citoyen européen sur deux en moyenne se dit favorable
à un approfondissement du poids et du rôle du Parlement
européen, ce qui serait un signe de la démocratisation de la vie
politique européenne et permettrait aux citoyens de se sentir
plus écoutés et de peser davantage dans la prise des décisions.
On notera cependant, que depuis la crise de l’euro de 2009,
il y a une progression de ceux qui se prononcent contre un
élargissement du poids du Parlement européen, symbole de
la méfiance grandissante envers l’intégration européenne et
la capacité de l’UE à gérer les crises.
Le document 6 permet d’expliquer pourquoi des citoyens
européens estiment que leur voix ne compte pas dans l’Europe
politique et que renforcer le poids du Parlement européen ne
serait pas une solution pour démocratiser l’UE. D’après le juriste,
l’euroscepticisme est en partie due à l’absence d’un réel espace
politique européen. La prédominance des partis nationaux lors
des élections européennes et l’absence de partis européens (au
profit d’alliances transnationales) ne permettent pas de faire
émerger une vie politique européenne, pire la vie et les débats
politiques nationaux rejaillissent lors des votes aux élections
européennes (vote d’adhésion, vote sanction par exemple).
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Le nombre de citoyens qui ne se sentent pas
concernés par le projet européen augmente car, depuis la
ratification du traité de Maastricht en 1992 et l’échec du projet
de Constitution européenne en 2005, de plus en plus de citoyens
se sentent indifférents ou indécis vis-à-vis de l’UE. Ils ne sont
pas europhobes, mais ils ne perçoivent pas suffisamment la
place, l’impact ou l’investissement de l’UE dans leur quotidien.
Cela montre que l’UE peine de plus en plus à convaincre de
son utilité et de son importance.
Question 2 : Près de 2 Européens sur 3 sont favorables à
l’adhésion de leur pays à l’UE. S’ils approuvent l’adhésion à
l’UE qui est bénéfique pour leur État, ils n’en perçoivent pas
forcément les avantages pour eux directement ce qui explique
la progression des attitudes indifférentes ou indécises (car elles
sont davantage individualisées).
Question 3 : Des Européens sont critiques vis-à-vis du projet
européen car certains sont contre l’intégration notamment
politique qui marque pour eux une perte de souveraineté,
d’autres sont critiques car ils ne se sentent pas assez Européens.
Ce problème d’identité européenne est dû au fait que certains
privilégient la citoyenneté et l’identité nationales au lieu de la
cumuler avec la citoyenneté et l’identité européennes. Il est lié
également au fait que des Européens ne ressentent pas une
présence forte et bénéfique des politiques de l’UE dans leur
quotidien. D’autres rendent l’UE responsable de tous les maux,
car celle-ci est devenue la cible et le bouc émissaire des partis
eurosceptiques et europhobes, mais également de politiciens
et d’administrateurs qui y voient l’occasion de se dédouaner
de choix politiques nationaux.
Question 4 : Le Parlement européen peut être une solution pour
remédier à l’euroscepticisme car c’est la seule institution où les
citoyens européens élisent directement leurs représentants.
C’est donc une institution qui incarne la démocratisation
de l’UE. Les sondages montrent d’ailleurs que près d’un
citoyen européen sur deux est favorable à un renforcement
du poids du Parlement européen qui serait un signe d’une
démocratisation de l’union contre l’eurocratie bruxelloise
régulièrement dénoncée.
Bilan Le projet européen suscite de moins en moins
d’adhésion car la construction de l’UE s’est faite par le haut et
peine depuis lors à construire une Europe des citoyens.
Parcours 2
L’UE a créé politiquement l’Europe des citoyens en instaurant,
dès 1992, une citoyenneté européenne, qui permet notamment
de pouvoir voter et d’être éligible aux élections européennes
et locales dans un autre État membre. Le Parlement européen
est en effet considéré comme l’institution qui permet une
démocratisation de la vie politique de l’UE. Le traité de Lisbonne
a d’ailleurs renforcé le poids du Parlement européen pour
répondre à la volonté des citoyens de l’UE d’être plus impliqués
et écoutés dans les prises de décision. L’Europe des citoyens
a également été mise en place par des politiques communes
qui se traduisent dans le quotidien de millions d’Européens
comme la libre circulation ou l’utilisation de l’euro. Malgré
ces politiques, de plus en plus de citoyens se sentent indécis
ou indifférents face à l’action de l’UE, favorisant la montée
de l’euroscepticisme. Le manque de démocratie, au profit de
l’eurocratie, est l’un des arguments majeurs qui expliquent
cette évolution chez des citoyens européens, qui pourtant
reconnaissent de plus en plus l’intérêt que représente l’UE pour
leur pays et pour eux. Près d’un citoyen européen sur deux est
favorable à un renforcement du poids et du rôle du Parlement
européen. C’est l’un des leviers majeurs – avec une meilleure
communication sur l’action de l’UE dans notre quotidien – pour
renforcer l’adhésion des citoyens à l’UE.
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
Leçon 2 p. 326-327
Une construction qui fait débat
Problématique : Quels débats ont accompagné la construction
européenne depuis 1992 ? Cette leçon aborde les débats et
remises en question qui ont accompagné la construction
européenne depuis la négociation et l’entrée en vigueur du
traité de Maastricht. Il s’agit de contextualiser des débats qui
ont permis des avancées pour l’UE ou au contraire qui ont
bloqué le processus européen. Si les années 1990 permettent
d’approfondir la coopération, celle-ci se fait selon le principe
de l’Europe à plusieurs vitesses du fait des différentes visions
de l’Europe parmi les États membres. L’année 2005 marque une
rupture dans ce processus d’approfondissement car l’échec
du projet de Constitution européenne, la première crise de
l’euro et la « crise migratoire » révèlent les divisions entre les
membres. Bien que ces crises soient l’occasion pour des États
de renforcer leur coopération et la solidarité communautaire
(mise en place de Frontex ou du Pacte de stabilité européen
par exemple), elles contribuent à alimenter le sentiment d’une
Europe des États aux mains des eurocrates. Ces débats sur la
gouvernance européenne contribuent alors à alimenter les
débats entre les gouvernements, mais aussi chez les citoyens
européens de plus en plus divisés entre euroscepticisme,
europhobie ou europhilie.
Notions importantes : Les notions importantes abordées dans
la leçon sont celles au cœur des débats sur le projet européen
depuis 1992, notamment le mode de gouvernance de l’UE
opposant les souverainistes aux intégrationnistes et fédéralistes.
SCHÉMA BILAN Ce schéma bilan met en évidence trois
grands enjeux qui animent les débats sur la construction
européenne depuis 1992. Le premier débat porte sur le difficile
processus d’intégration qui a poussé les États membres à
opter pour une Europe à plusieurs vitesses afin de surmonter
des obstacles et de pouvoir approfondir la coopération
entre certains États membres. Malgré cette option le projet
européen est aujourd’hui bloqué comme en témoigne le
processus d’élargissement en panne depuis 2013 ainsi que
le Brexit. Le schéma permet de contextualiser ce blocage du
processus en raison des crises qui touchent l’Europe depuis
2005, notamment les crises de l’euro (d’abord de confiance puis
économique) et la « crise migratoire ». Ces blocages de l’Europe
des États se doublent d’une crise d’adhésion des citoyens au
projet européen, marquée par une hausse de l’europhobie
et de l’euroscepticisme qui s’expriment notamment par une
abstention record lors des élections européennes, signe d’un
rejet ou d’une indifférence vis-à-vis de l’UE.
Travail de l’historien p. 328
Problématique : Pourquoi le Brexit est-il un défi pour l’unité
du Royaume-Uni ? Cet exercice doit permettre à l’élève de
comprendre les enjeux du Brexit. Il s’agit de contextualiser ce
débat, qui perdure lors de la phase de négociation de la sortie
de l’UE, en montrant que le Brexit s’inscrit également dans des
questions de politique intérieure.
215
 Le document 1 est un extrait du site officiel du SNP, parti
national écossais, qui détient la majorité au Parlement national
et dirige le gouvernement écossais depuis sa victoire aux
législatives de 2007. En 2019, dans le contexte du Brexit et
de l’opposition à la politique de Boris Johnson, le SNP obtient
48 des 59 sièges. Première force politique écossaise, son
programme s’inscrit pleinement dans la logique d’opposition
à la politique de Westminster. De tendance sociale-démocrate,
le SNP est notamment anti-défense nucléaire et profondément
europhile.
Le document 2 émane d’un historien qui évoque les
oppositions entre le SNP et l’Angleterre. Économiquement
l’Écosse représente 10 % du PIB britannique et elle possède
les principales réserves d’hydrocarbures du pays. Si 56 % des
exportations écossaises s’effectuent vers l’UE, l’Angleterre
demeure le premier partenaire commercial. Ce document
permet de mettre en critique et de contextualiser le discours
du SNP, notamment sur les aspects économiques. Si le SNP
met en avant dans ses discours l’impact économique d’une
sortie de l’UE pour l’Écosse, la réalité d’un rétablissement d’une
frontière entre l’Angleterre et l’Écosse fragiliserait l’économie
de cette dernière. Convaincre de la viabilité d’une Écosse
indépendante reste un enjeu pour le SNP et une incertitude
pour les Écossais eux-mêmes.
S’INITIER AU TRAVAIL DE L’HISTORIEN
A L’historien commence par définir le contexte
historique
Question 1 : Le document 1 est un programme politique
émanant du SNP, le parti indépendantiste écossais qui dirige
le gouvernement de l’Écosse depuis 2007.
Question 2 : Ce document est produit dans le contexte
de la sortie du Royaume-Uni de l’UE à partir du 1er février
2020 en accord avec le résultat du référendum de 2016 et
l’accord conclu entre l’UE et le gouvernement britannique. Si
le Brexit est entré en vigueur, une phase de négociation est
désormais ouverte pour établir les modalités de sortie et fixer
de nouveaux accords entre l’UE et le Royaume-Uni. Mais ce
document est également produit dans un contexte de montée
du sentiment indépendantiste écossais. L’Écosse s’est prononcée
majoritairement pour le Remain lors du référendum en 2016.
Politique européenne de voisinage privilégiée
Brexit
Élargissement en panne depuis 2013
Des débats sur l'élargissement
Les débats qui accompagnent
la construction de l’UE depuis 1992
Des débats sur l’approfondissement
Les fédéralistes vs les souverainistes
Les partisans de l’Europe politique vs ceux
de l’Europe du marché unique
Une Europe à plusieurs vitesses
216
B L’historien confronte la source au contexte
Question 3 : Le SNP est le parti indépendantiste écossais.
Il voit donc dans le Brexit l’occasion de mettre en avant son
programme indépendantiste pour rester dans l’UE, ou une
occasion de négocier davantage d’autonomie avec Westminster.
Question 4 : Le SNP est contre le Brexit, et à partir du 1er février
2020, il entend agir pour faire échouer la phase de négociation
ou que celle-ci permette au SNP de mettre en œuvre son
programme. Pour le SNP, le Brexit fera chuter l’emploi en Écosse,
diminuera les échanges commerciaux internationaux et aura
un coût financier lourd pour le contribuable. Pour l’historien
Thomas M. Devine, l’indépendance et donc le rétablissement
d’une frontière entre l’Écosse et l’Angleterre aurait au contraire
des conséquences économiques tout aussi désastreuses car
l’Angleterre est le premier partenaire de l’Écosse.
Question 5 : Le processus d’autonomisation de l’Écosse a débuté
bien avant le Brexit. Le SNP dirige le gouvernement depuis 2007.
En 2014, il organise un référendum sur l’indépendance qui est
un échec (55,3 % de « non »).
Question 6 : Pour l’auteur, il est peu probable que l’Ecosse puisse
devenir indépendante car les liens entre l’Écosse et l’Angleterre
sont réciproquement très forts. Ainsi l’Angleterre est le premier
partenaire commercial de l’Écosse, donc l’indépendance
menacerait l’économie de cette dernière. Quant à l’Angleterre,
elle ne peut se permettre de « perdre » l’Écosse notamment
pour des raisons géopolitiques car on y trouve la seule base
de sous-marins nucléaires britanniques par exemple.
C L’historien interprète la source
Question 7 : Le Brexit a alimenté les tensions entre l’Angleterre
et les autres nations du royaume (Écosse, Irlande du Nord et
Pays de Galles). Les partis indépendantistes ont su utiliser le
Brexit pour peser davantage dans la vie politique intérieure
de leur nation (pour remporter des sièges lors des élections
législatives en Écosse par exemple). Ce poids politique renforcé
des partis indépendantistes a ensuite permis aux nations de
redéfinir leur rapport à Londres, notamment en espérant gagner
davantage d’autonomie. Mais au final le Brexit ne remet pas
réellement en cause l’unité du Royaume-Uni car les relations
historiques et économiques sont fortes entre les nations. De
plus les indépendances provoqueraient des situations comme
le rétablissement de frontières dures ce qu’aucune des nations
ne souhaite voir se réaliser.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 329
Maastricht
Lisbonne
Amsterdam
Nice
Des débats sur les traités européens
Des débats sur les citoyens et l’UE
Critique de l’eurocratie et volonté de démocratisation
Montée de l’euroscepticisme, de l’europhobie
et de l’absentionisme
Des politiques communes pour traduire
l’Europe au quoditien

Exercice BAC p. 329
Réponse à une question problématisée
SUJET 1 En quoi les années 1990 sont-elles un moment
d’accélération de la construction européenne ?
Les bornes chronologiques que l’on peut prendre pour ce
sujet sont la signature du traité de Maastricht en 1992 et
l’introduction de l’euro en 2002.
L’événement qui a permis cette accélération est la chute du
bloc soviétique et de l’URSS entre 1989 et 1991 qui permet
au projet européen d’être envisagé à l’échelle du continent.
Cette accélération se traduit de deux manières : par un
élargissement mais aussi par une intégration plus forte.
La construction européenne désigne le processus initié après
la Seconde Guerre mondiale visant à renforcer la coopération
entre les États européens.
Les domaines concernés par la construction européenne sont :
- L’élargissement avec l’entrée de nouveaux États dans l’UE
en 1995 mais aussi les candidatures, dans la perspective de
rejoindre l'UE, des anciennes démocraties populaires.
- L’approfondissement des politiques communes : traité de
Maastricht avec l’euro et la mise en place d’une citoyenneté
européenne, espace Schengen, réformes des institutions.
- Des infrastructures communes comme le tunnel sous la
Manche.
Pistes pour la rédaction de l’analyse
En introduction, l’élève peut expliquer ce qu’est la construction
européenne et rappeler la mise en place des institutions
économiques communautaires (voir chapitre 6). Il annonce
la question problématisée puis formule son plan.
Plan possible
1. L’accélération de la construction européenne est permise
par un contexte nouveau
A. La fin de la guerre froide transforme la géopolitique
européenne…
B. … qui se traduit par une volonté de construire une Europe
forte
C. Ainsi, le traité de Maastricht en 1992 crée l’Union
Européenne
2. Cette accélération se traduit par un élargissement qui
nécessite des changements institutionnels
A. Une construction européenne en voie d’élargissement…
B. … qui nécessite un renforcement des institutions…
C. … et de rapprocher l’Europe des citoyens
3. Elle se traduit aussi par un approfondissement et une
coopération renforcée
A. Renforcer l’union économique (marché unique, euro)
B. Des politiques communes et des projets communs
En conclusion, l’élève reprend les principales idées pour insister
sur le fait que les années 1990 ont permis de renforcer le projet
européen mais que ce processus semble bloqué et remis en
cause dès le début des années 2000.
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
SUJET 2 Quelles sont les difficultés que rencontre l’UE
depuis le début du XXIe siècle ?
L’UE créée en 1992 par le traité de Maastricht repose sur 3 piliers :
un volet économique (un marché unique et une monnaie
commune), une politique étrangère et de sécurité commune
(création d’un Haut représentant de l’Union pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité) et des accords en matière
judiciaire (Europol et mandat d’arrêt européen).
L’UE doit faire face à de nombreuses difficultés : un
approfondissement en panne avec le choix des États membres
de participer ou non à une politique commune, l’opposition
entre les logiques supranationales et intergouvernementales,
des conceptions différentes de la nature du projet européen
(marché contre union plus intégrée), un élargissement en
panne et la sortie du Royaume-Uni en 2020, une adhésion
difficile des Européens au projet d’UE comme le montrent
l’euroscepticisme et l’abstention aux élections européennes.
Le projet européen est bloqué par des crises multiples comme
celles de la zone euro en 2005 et en 2008 ou la crise migratoire
depuis 2010.
Les limites chronologiques pour ce sujet sont le traité de Nice en
2001 dont le but est de réformer les institutions de l’UE devant
s’adapter aux élargissements de 1995 et ceux à venir. La mention
« début du XXIe siècle » nous amène à aller jusqu’à nos jours.
Pistes pour la rédaction de l’analyse
En introduction, l’élève peut rappeler que le traité de Maastricht
signé en 1992 veut relancer le projet européen mais celui-ci
connaît des crises au début du XXIe siècle. Il reprend la question
problématisée puis formule son plan.
Plan possible
1. L’Union européenne doit faire face à une remise en cause
de son modèle
A. Le processus d’intégration est remis en cause : une Europe
à plusieurs vitesses (exemple de la zone euro)
B. Des conceptions différentes du projet européen : un
élargissement en panne, Brexit
C. La montée du souverainisme et du populisme en Europe.
2. Une union politique qui peine à s’imposer
A. Une volonté de renforcement contrariée : refus de la
Constitution de 2005, traité de Lisbonne en 2007
B. Des débats sur la gouvernance de l’UE : fédéralisme et
intergouvernementalité
C. Un projet qui rencontre peu d’adhésion parmi les citoyens :
forte abstention aux élections européennes, poussée de
l’euroscepticisme
3. L’UE doit faire face à des crises qui questionnent son
fonctionnement
A. Les deux crises de l’euro interrogent l’union monétaire
et économique
B. La crise migratoire depuis 2010 remet en cause l’espace
Schengen
En conclusion, l’élève montre que l’UE traverse depuis le début
du XXIe siècle un moment de crise qui bloque son processus. Il
peut ouvrir sur les conséquences de la crise du Covid-19 qui
peuvent renforcer l’UE ou au contraire renforcer les réticences
vis-à-vis du projet européen.
217
 p. 330
Exercice BAC
Analyse de deux documents
Le document 1 est un extrait du discours prononcé par Guy
Quaden, directeur de la Banque nationale de Belgique (BNB)
et Commissaire général à l’euro, le 3 mars 1997, à l’occasion de
l’assemblée inaugurale à Bruxelles du Commissariat général
à l’euro. Dans son discours, il rappelle les avancées de l’Union
économique et monétaire (UEM) et précise les missions dévolues
au Commissariat général à l’euro. Le traité de Maastricht de 1992
prévoit la mise en place de l’Union économique et monétaire
dont la mise en circulation de l’euro en 2002 est un marqueur
fort. Il fixe donc les étapes du calendrier qui doit aboutir à la
création de la monnaie unique.
Le document 2 est un timbre émis par la poste bulgare en
2009. La Bulgarie ne fait pas partie de la zone euro en 2009
mais souhaite la rejoindre. Depuis 1997, elle mène une politique
d’austérité budgétaire et depuis 1999 elle cherche à maintenir un
cours fixe de sa monnaie, le lev, aligné sur l’euro. Entrée dans l’UE
en 2007 après la mise en circulation de la monnaie européenne,
elle pourrait entrer dans la zone euro à l’horizon 2023. Ce timbre
exprime donc les attentes fortes de cet État qui voit dans la zone
euro une aire de prospérité économique. Ce timbre représente
une pièce de monnaie autour de laquelle gravitent les drapeaux
des États ayant adopté la monnaie commune ainsi qu’une carte
de l’Europe indiquant la participation ou non des États de l’UE
à l’union monétaire. Il faut souligner que ce timbre est émis au
moment de la seconde crise de l’euro.
La consigne invite l’élève à s’interroger sur la construction
européenne à partir de la politique monétaire commune.
L’élève peut mobiliser les connaissances acquises sur ce qui
est un des points de passage et d’ouverture de ce chapitre.
Réponses aux aides :
Le traité de Maastricht signé en 1992 repose sur 3 piliers : un
volet économique (outre la monnaie commune, la réalisation
du marché unique), une politique étrangère et de sécurité
commune (création d’un Haut représentant de l’Union pour
les affaires étrangères et la politique de sécurité), des accords
en matière judiciaire (Europol et mandat d’arrêt européen).
La mise en place de l’euro se fait de manière progressive : elle
nécessite la réalisation du marché unique des services financiers.
Il faut aussi mettre en place une institution chargée de gérer
la monnaie commune et de veiller à la stabilité économique
et monétaire de l’union monétaire. La création de la Banque
centrale européenne est un préalable nécessaire à l’introduction
de la monnaie européenne. Monnaie virtuelle en 1999, l’euro
est mis en circulation sous forme de pièces et billets en 2002.
Les difficultés rencontrées sont de deux types :
- Économiques : l’Europe est alors dans un moment de récession
avec une montée du chômage.
- Politiques : la ratification du traité de Maastricht est difficile.
218
Au Danemark, après l’échec d’un premier référendum en 1992,
le traité est finalement accepté à l’issue du second organisé en
1993. En France, le « oui » l’emporte de justesse avec seulement
51 % des voix. Ces résultats sont à mettre en relation avec la
montée du scepticisme et le développement du souverainisme
s’opposant au principe de supranationalité.
L’euro est le symbole des difficultés de la construction
européenne car il révèle des conceptions différentes du projet
européen. C’est ainsi qu’est mise en place une « Europe à
plusieurs vitesses », des pays membres de l’UE ne participant pas
à l’union monétaire soit par choix (Royaume-Uni, Danemark),
soit à cause de difficultés économiques.
En 2009, la Bulgarie n’appartient pas à la zone euro.
Les différentes couleurs utilisées correspondent à la participation
ou non à l’Union monétaire :
- En bleu sont indiquées les pays qui ont adhéré à l’euro.
- En orange, les deux États qui ont refusé la monnaie commune,
Royaume-Uni et Danemark.
- En vert, les États candidats à l’entrée dans la zone euro (comme
la Bulgarie).
Pour le Royaume-Uni et le Danemark, le refus s’explique par
le scepticisme par rapport à l’union monétaire mais aussi par
une crainte d’abandon de souveraineté dans ce qui est une
prérogative régalienne des États, la monnaie.
Les États en vert sont majoritairement les nouveaux entrants
dans l’UE (ceux de 2004), car ils ne remplissent pas encore les
conditions nécessaires pour participer à la politique monétaire.
La représentation portée sur le timbre souligne l’intégration
forte des États qui participent à l’union monétaire. On peut faire
le lien avec le drapeau européen mais aussi la devise « Unis
dans la diversité », la pièce étant le symbole de cette unité alors
que les drapeaux qui gravitent autour représentent la diversité
nationale des pays membres de la zone euro.
Introduction : La construction européenne débutée après
la Seconde Guerre mondiale connaît une accélération après
la fin de la guerre froide avec le traité de Maastricht. Signé en
1992, celui-ci doit permettre de renforcer le projet européen.
L’Union européenne qui remplace la Communauté économique
européenne veut renforcer l’intégration des États membres. La
mise en place de l’euro, décidée par ce traité, est un marqueur
de cette coopération renforcée. Les deux documents proposés
portent sur cet aspect de la construction européenne. Le
document 1 est un extrait du discours prononcé par Guy Quaden,
directeur de la Banque nationale de Belgique et Commissaire
général à l’euro, le 3 mars 1997, à l’occasion de l’assemblée
inaugurale à Bruxelles du Commissariat général à l’euro. Il fixe
donc les étapes du calendrier qui doit aboutir à la création de la
monnaie unique. Le document 2 est un timbre émis par la poste
bulgare en 2009. Nous montrerons en quoi la mise en place
de l’euro témoigne de l’approfondissement de la construction
européenne mais aussi de ses limites.
 Informations tirées des documents
La mise en place - La réalisation de l’union monétaire est présentée
de l’euro témoigne comme un aboutissement de la coopération des
de l’approfon- membres de la CEE : « Les dispositions relatives à
dissement de la l’union monétaire constituent, comme on le sait, le
construction principal aspect du traité de Maastricht » (doc. 1).
européenne
- La mise en place de l’euro renforce l’intégration, elle se
fait par étapes successives au moyen d’« un processus
en trois phases » (doc. 1) :
• La première ayant débuté en 1990 avec la réalisation
du marché unique des services financiers.
• La deuxième dès 1994 : constitution progressive de la
future Banque centrale européenne.
• La troisième en janvier 1999 avec l’introduction de la
monnaie européenne puis sa mise en circulation sous
forme de pièces et billets en 2002.
- Une zone euro attractive : la volonté des nouveaux
entrants dans l’UE des années 2000 d’adhérer à la zone
euro : le timbre bulgare (doc. 2) montre que ce pays
souhaite entrer dans la zone euro. La représentation
portée sur le timbre souligne l’intégration forte des
États qui participent à l’union monétaire.
Mais cette mise en - Les difficultés de la ratification du traité de Maastricht :
place témoigne « les difficultés de la ratification du traité dans certains
aussi de ses limites pays, les turbulences sur les marchés de change
européens et la récession économique imprévue ont
provoqué un indéniable scepticisme à l’égard du projet
d’union monétaire. » (doc. 1)
- Une Europe à plusieurs vitesses : le timbre montre
l’inégale participation des membres de l’UE aux
politiques communes. Les différentes couleurs utilisées
correspondent à la participation ou non à l’Union
monétaire :
• En bleu sont indiquées les pays qui ont adhéré à l’euro.
• En orange, les deux États qui ont refusé la monnaie
commune, Royaume-Uni et Danemark.
• En vert, les États candidats à l’entrée dans la zone euro
(comme la Bulgarie).
Si certains ont refusé d’entrer, d’autres doivent patienter
à cause du « processus de convergence économique
préalable à l’union monétaire » (doc. 1).
Conclusion : La mise en œuvre de l’euro montre bien la volonté
d’approfondissement de certains pays membres de l’Union
européenne allant dans le sens d’une plus grande supranationalité
et coopération. Cependant, l’euro met aussi en évidence les limites
du projet européen : divergences d’idées sur ce que doit être
l’Union européenne et les fortes inégalités en son sein. Ces deux
documents sont cependant favorables à la monnaie commune
et n’évoquent pas les crises de l’euro de 2005 et de 2009.
Exercice BAC p. 331
Analyse d'un document
Le document est un extrait d’un article de l’hebdomadaire
économique Challenges daté du 2 août 2019. Il porte sur les
conséquences du Brexit sur l’unité du Royaume-Uni. Ce terme
désigne la sortie du Royaume-Uni de l’UE, liée au résultat du
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
Connaissances
- Le traité de Maastricht marque un processus d’accélération de la construc-
tion européenne allant vers plus d’intégration entre les États membres.
Il repose sur 3 piliers : une union économique et monétaire, une politique
étrangère et de sécurité commune (création d’un Haut représentant de
l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité), des accords
en matière judiciaire (Europol et mandat d’arrêt européen).
- La mise en place de l’euro parachève le projet de marché unique prévu
par le traité de Rome en 1957. La création de l’euro s’accompagne de
la mise en place de la BCE, institution supranationale, devant s’occuper
de la politique monétaire à la place des États. La mise en circulation de
l’euro rend concret pour les citoyens européens la réalisation de l’union
monétaire et facilite les échanges.
- En 2009, la Bulgarie n’appartient pas à la zone euro mais souhaite la
rejoindre. En Bulgarie comme dans beaucoup de pays issus de l’ex-
bloc soviétique, il y a des attentes fortes d’intégrer toutes les politiques
communes. Ils voient la zone euro comme une aire de prospérité
économique. On peut faire le lien avec le drapeau européen mais aussi
avec la devise « Unis dans la diversité », la pièce étant le symbole de cette
unité alors que les drapeaux qui gravitent autour représentent la diversité
nationale des pays membres de la zone euro.
- La ratification du traité de Maastricht est difficile. Au Danemark, après
l’échec d’un premier référendum en 1992, le traité est finalement accepté
à l’issue du second organisé en 1993. En France, le « oui » l’emporte
de justesse avec seulement 51 % des voix. Ces résultats sont à mettre
en relation avec la montée du scepticisme et le développement du
souverainisme s’opposant au principe de supranationalité. La ratification
se fait un contexte économique difficile : la récession et la montée du
chômage peuvent expliquer ce manque de confiance envers le projet
européen.
- La mise en place de l’euro témoigne de la divergence des États membres
sur ce que doit être la forme de la construction européenne. Des États
s’opposent à déléguer davantage de souveraineté dans des domaines
régaliens comme la monnaie (Royaume-Uni, Danemark). Afin d’éviter
de bloquer le processus de construction européenne, les États membres
ont accepté le principe d’une Europe ou chaque État est libre d’adhérer
ou non à une nouvelle politique commune. La mise en place de l’euro
montre aussi les inégalités économiques qui existent entre les États
membres. Les États candidats comme la Bulgarie sont souvent d’anciens
pays communistes qui doivent assurer leur transition économique vers le
libéralisme après près de 40 ans de planification et de collectivisation.
référendum du 23 juin 2016 organisé par l’ancien Premier
ministre David Cameron, mais il fait aussi référence au processus
de sortie. Après le déclenchement de l’article 50 du traité sur
l’Union européenne le 29 mars 2017, le Royaume-Uni et ses
27 partenaires de l’Union européenne se sont accordés deux
ans pour préparer la sortie effective du pays. Repoussé plusieurs
fois, le Brexit a lieu le 31 janvier 2020. Ces négociations font
apparaître les divisions au sein de l’opinion publique. De juillet
2016 à juillet 2019, la Première ministre Theresa May mène
les discussions sans résultats probants, elle est remplacée
par Boris Johnson le 23 juillet 2019. C’est dans le contexte de
la nomination récente du nouveau Premier ministre que le
magazine français revient sur les défis qu’il doit relever.
La consigne invite l’élève à montrer que le Brexit est diversement
accepté par les citoyens britanniques en fonction de leurs
attentes vis-à-vis du projet européen.
219
 Introduction : Entré en 1973 dans la CEE, le Royaume-Uni décide
de quitter l’UE à la suite d'un référendum qui a vu la victoire du
« oui » à la sortie de l'Europe politique, le 23 juin 2016. S'enclenche
alors un processus de négociation avec le reste des États membres
pour définir les relations entre le Royaume-Uni et l’UE. La question
du Brexit divise les Britanniques. Le document, extrait d’un article
du magazine hebdomadaire économique Challenges daté du
2 août 2019, nous propose de nous pencher sur ces divisions. À
cette date, la situation politique est compliquée pour le Premier
ministre Boris Johnson qui vient de succéder à Theresa May. En
analysant ce document, nous montrerons comment le Brexit
divise les Britanniques en raison des craintes qu’il fait naître sur le
plan économique et de politique intérieure puisqu’il renforce les
nationalismes irlandais et écossais, ce qui menace l’unité du pays.
Conclusion : Le document fait bien apparaître les divisions
des Britanniques autour du Brexit notamment pour des raisons
économiques et des menaces sur l’unité du Royaume-Uni,
faisant renaître de vieilles querelles historiques. Le Brexit est
devenu effectif le 31 janvier 2020 à minuit ; les négociations se
poursuivent pour définir la future relation entre le Royaume-
Uni et l’UE.
Auto-évaluation p. 333
OBJECTIF 1
- Le traité de Maastricht marque une étape majeure dans le
processus de la construction européenne. Les pays européens
confirment l’acquis communautaire. Ils approfondissent
la coopération en l’élargissant à de nouveaux domaines
(notamment politique, économique, monétaire, juridique et
sécuritaire). Ils marquent leur volonté d’élargir la communauté,
en adaptant le fonctionnement à l’intégration de futurs
membres, et de la renforcer en instituant une Europe des
citoyens, avec la citoyenneté européenne, et en accroissant le
poids et le rôle du Parlement européen par exemple.
- La mise en place de l’euro est un symbole de l’approfondissement
car des États membres coopèrent dans le domaine monétaire
et économique. Cela renforce les institutions supranationales,
mais l’euro est aussi le symbole d’une crise de l’unité des États
de l’Union européenne : des membres n’ont pas souhaité
adhérer à l’euro, traduisant ainsi la naissance de l’Europe à
plusieurs vitesses.
- L’ouverture du tunnel sous la Manche marque l’adhésion du
Royaume-Uni au projet européen car un lien durable est établi
avec le continent, et cela renforce les échanges humains et
matériels entre les États.
OBJECTIF 2
- Le contexte de la fin des années 1980-début 1990 a conduit à
repenser le projet européen en 1992. Les Douze devait intégrer
l’ex-RDA dans le contexte de la réunification allemande et penser
le monde post guerre froide en intégrant d’anciens États du
bloc soviétique. L’enjeu était également de renforcer le poids
de la communauté européenne sur la scène internationale.
- L’élargissement de l’Union européenne depuis 1992 est
progressif, d’abord vers des pays neutres (Autriche), puis
220
essentiellement vers des pays de l’ancien bloc soviétique ou
de l’espace méditerranéen. Ce phénomène est d’abord massif en
2004 (Chypre, République tchèque, Estonie, Hongrie, Lettonie,
Lituanie, Malte, Pologne, Slovaquie, Slovénie), puis ponctuelle
en 2007 (Bulgarie et Roumanie). Le dernier élargissement a
lieu en 2013 avec la Croatie. Cette politique d’élargissement
est aujourd’hui en panne en raison de crises multiples depuis
2005 et du Brexit de 2016.
- Le référendum sur le Brexit de 2016 a conduit pour la
première fois un État à sortir de l’UE. Pourtant le Brexit ne fait
pas l’unanimité au Royaume-Uni, provoquant de vifs débats
(avec l’Écosse et l’Irlande du Nord par exemple qui ont voté
massivement pour le Remain).
- La zone euro a connu une première crise en 2005, à savoir
une crise de confiance dans le contexte du rejet du projet
de Constitution européenne. La seconde crise a débuté en
2009 dans le contexte de la crise financière mondiale. Elle a
conduit à un surendettement de certains États de l’eurogroupe
(Grèce, Irlande, Portugal, Espagne) ce qui a fragilisé la monnaie
commune et la zone euro.
- Le traité de Lisbonne a été signé en 2007 par les 27 États
membres de l’époque. Il modifie les traités précédents pour
réformer les institutions (notamment renforcer le poids et le
rôle du Parlement européen), fixer les compétences partagées
avec les États membres ou celles qui relèvent exclusivement
de l’UE, fixer le principe de décisions prises essentiellement à
la majorité et non plus à l’unanimité, prévoir une clause qui
permette à un État de sortir de l’UE (celle que le Royaume-Uni
a fait prévaloir pour le Brexit).
OBJECTIF 3
Notions
Construction européenne : processus initié après la Seconde
Guerre mondiale visant à renforcer la coopération entre les
États européens. Depuis lors, ce processus se poursuit par
l’élargissement à de nouveaux États.
Approfondissement : processus par lequel les États de l’Union
européenne affermissent leur coopération en renforçant les
institutions communautaires ou les politiques communes.
Élargissement : processus par lequel de nouveaux États
adhèrent à l’Union européenne.
Fédéralisme : fédération d’États qui partagent leur souveraineté
dans différents domaines (sécurité, politique étrangère,
monnaie, etc.).
Supranationale : désigne une institution communautaire à
laquelle des nations ont délégué une partie de leur souveraineté.
Gouvernance : manière de gouverner prenant en compte
l’ensemble des règles et des acteurs qui permettent à l’État
de fonctionner, de décider et d’agir.
Marché unique européen : espace économique de libre
circulation des marchandises, des personnes, des capitaux et
des services dans lequel les législations des États membres
sont harmonisées.
Politique européenne de voisinage : lancée en 2004, cette
politique commune vise à soutenir et à favoriser la stabilité,
la sécurité et la prospérité dans les pays frontaliers de l’UE.
Souverainisme : volonté d’un parti politique de conserver
à l’État national ses compétences au lieu de les déléguer à
une institution supranationale. Le souverainisme est souvent
présenté comme un gage d’indépendance de la nation.
Vocabulaire
Europe à plusieurs vitesses : tous les États membres ne sont
pas obligés de participer à l’ensemble des politiques communes.
Eurosceptique : personne critique à l’égard de l’Union
européenne et de la construction européenne dans son
ensemble ou s’y opposant.
Zone euro : espace géographique regroupant l’ensemble
des États qui ont adopté l’euro comme monnaie unique et
commune.
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. Construire l’Union européenne
- Les dates : 1992 : traité de Maastricht ; 1994 : inauguration du
tunnel sous la Manche ; 1995 : premier élargissement ; 2004 :
deuxième élargissement ; 2007 : traité de Lisbonne et troisième
élargissement ; 2013 : quatrième élargissement.
- Les acteurs : le Parlement européen, le Conseil de l’Union
européenne, la Commission européenne, la Banque centrale
européenne, François Mitterrand, Margaret Thatcher, Angela
Merkel.
- Les événements : les différents traités et élargissements, la
création de l’euro.
- Les notions : approfondissement, élargissement, fédéralisme,
intégration, construction européenne, supranational.
- Les grandes idées : débats et portée du traité de Maastricht ; les
différents approfondissements et élargissements depuis 1992.
Savoir expliquer :
- L’approfondissement de l’UE a été initié par le traité de
Maastricht en 1992 en lançant l’union économique et monétaire
Chapitre 10 • La construction européenne entre élargissement, approfondissement et remises en question
et en renforçant l’intégration entre les États dans le cadre de
nouvelles politiques communes (la PESC par exemple) et en
favorisant la coopération policière et judiciaire par exemple.
L’élargissement de l’UE s’est fait progressivement et a permis
d’intégrer des pays de l’ancien bloc soviétique notamment.
Entre 1993 et 2013 l’UE est passée de 12 à 28 membres. Les
traités successifs ont permis ensuite de renforcer l’intégration
par de nouvelles politiques communes et de modifier le
fonctionnement institutionnel pour s’adapter à l’entrée de
nouveaux membres.
Leçon 2 . Une construction qui fait débat
- Les dates : 2005 et 2009 : crise de la zone euro ; 2016 : référendum
sur le Brexit ; 2020 : sortie du Royaume-Uni de l’UE.
- Les acteurs : Boris Johnson.
- Les événements : le Brexit, le référendum de 2005, la « crise
migratoire », les crises de la zone euro.
- Les notions : eurocratie, gouvernance, populisme, souverainisme,
europhobie, euroscepticisme.
- Les grandes idées : des processus d’élargissement et
d’approfondissement en panne ; l’Europe à plusieurs vitesses ;
les crises de l’UE ; l’Europe des États et l’Europe des citoyens.
Savoir expliquer :
- L’approfondissement de l’UE est en panne en raison des
crises successives qu’elle doit surmonter depuis 2005 (crise
politique avec le rejet de la Constitution en 2005, montée
des populismes et souverainismes, crise économique avec
les crises de la zone euro de 2005 et 2009, « crise migratoire »
depuis 2014). L’élargissement est aussi en panne depuis 2013,
pire en 2020 pour la première fois un État membre quitte l’UE.
L’UE est aussi fragilisée par la crise de confiance populaire liée
à sa difficulté à construire l’Europe des citoyens. La montée de
l’euroscepticisme et de l’europhobie en sont deux indicateurs.
221
222
 CHAPITRE
La République française
11
RAPPEL DU PROGRAMME
Thème 4 - Le monde, l’Europe et la France depuis les années 1990, entre coopérations et conflits (8-10 heures)

Chapitre 11. La République française

Objectifs du chapitre
Ce chapitre vise à montrer les évolutions constitutionnelles et juridiques de la République française, qui réaffirme
des principes fondamentaux tout en s’efforçant de s’adapter à des évolutions de la société.
On mettra en perspective :
- la Cinquième République : un régime stable qui connaît de nombreuses réformes institutionnelles ;
- la réaffirmation du principe de laïcité (2004) ;
- les combats pour l’égalité ainsi que l’évolution de la Constitution et du Code civil en faveur de nouveaux droits
(parité, PACS, évolution du mariage…).

Points de passage et d’ouverture - La parité : du principe aux applications ;

- L’approfondissement de la décentralisation.

Problématique du chapitre : de la Constitution à l’intégration européenne, etc.) servant de

Comment la République française s’est-elle adaptée aux
profondes mutations de la société depuis les années 1990 ?
La problématique est centrée sur la capacité d’adaptation de la
Constitution de 1958 dans un contexte de profondes mutations
de la société. L’accélération de la mondialisation, l’intégration
européenne ou l’évolution des mœurs provoquent de profondes
« révolutions » (J.-F. Sirinelli) au sein de la société en termes
politique, culturel ou de relation à soi et aux autres. Comment
les institutions s’adaptent-elles aux évolutions politiques de
la France depuis les années 1990 ? Dans un environnement
politique marqué par une réelle crise de confiance de l’opinion
publique, la République est questionnée quant à la gouvernance
de ses institutions et le bien fondé de ses principes au-delà des
consultations électorales, des changements de majorité ou
des alternances politiques accélérées. Comment et pourquoi
la Constitution de 1958 est-elle réformée pour accompagner
les évolutions de la société depuis les années 1990 ? Loin d’être
immuable, la Constitution de 1958 a été révisée de nombreuses
fois afin de répondre à la réaffirmation de ses principes,
notamment ceux liés à l’égalité et à la liberté, et d’en définir
de nouveaux. Dès lors, comment la République répond-elle à
l’affirmation de nouveaux droits ? L’émergence de revendications
concernant le mariage, la famille, la place et le rôle de la femme
dans la société rendent nécessaire la définition de nouveaux
droits pour plus d’égalité et de liberté en République.
Bornes chronologiques fixées par le programme :
Le chapitre a pour objectif la présentation des évolutions
constitutionnelles et juridiques accompagnant les mutations
sociales et sociétales de la France depuis les années 1990. Il est
centré sur des réformes institutionnelles (quinquennat, adaptation
cadre à un ensemble de transformations ou de débats ayant
marqué la société française. L’affirmation de nouveaux droits
(parité, PACS, évolution du mariage), la réaffirmation de principes
(laïcité), l’approfondissement de modalités de gouvernance
(décentralisation), sont autant de marqueurs importants de la
stabilité et de la capacité d’adaptation de la République française.
Notions et personnages principaux :
Certaines notions permettent d’aborder les mutations des modalités
de gouvernance de l’État, c’est-à-dire les règles et les acteurs qui
permettent à celui-ci de fonctionner, de décider et d’agir. Ceux-ci
doivent tenir compte des attentes fortes de l’opinion publique
(ensemble des sentiments, des jugements et des valeurs partagés
au sein d’une société à un moment donné) et de l’importance
grandissante de la société civile (expression des personnes qui
n’appartiennent pas à la classe politique). Ce contexte permet
de comprendre l’approfondissement de la décentralisation
(processus consistant pour l’État à transférer au profit des
collectivités territoriales certaines compétences et les ressources
correspondantes). Il permet aussi l’analyse de la remise en cause
de certains principes républicains tels que la laïcité (principe selon
lequel l’État se désengage de la sphère religieuse en ne favorisant
aucune religion, tout en garantissant le libre exercice des cultes
ainsi que la liberté d’expression de ses convictions).
Ces caractéristiques expliquent les revendications liées à
l’affirmation de nouveaux droits. Certains principes républicains,
comme celui d’égalité, sont précisés et élargis afin de répondre
à la libéralisation des mœurs sur le plan des comportements
sexuels, à l’émancipation des femmes et à l’affirmation de l’égalité
des sexes. Ces mutations questionnent la société et les institutions
qui s’adaptent pour répondre aux combats menés par le féminisme

Chapitre 11 • La République française 223

 (mouvement défendant les droits des femmes dans tous les
domaines de la vie – politique, économique, sociale et sociétale
– pour parvenir à l’égalité homme-femme) pour plus de parité.
Elles doivent aussi s’adapter pour répondre aux besoins de droits
nouveaux dans le domaine de la filiation par exemple.
Le programme ne propose pas la mise en avant de personnages-
clés pour ce chapitre. La Ve République confère cependant des
pouvoirs élargis au président dont l’élection rythme la vie politique
française. Son rôle dans les évolutions constitutionnelles et
juridiques de la République est de fait majeur et central. Depuis
les années 1990, cinq présidents se sont succédé à la tête de
l’État. Deux d’entre eux ont effectué deux mandats successifs :
F. Mitterrand (1981-1988 ; 1988-1995) et J. Chirac (1995-2002 ;
2002-2007). Ni N. Sarkozy (2007-2012), ni F. Hollande (2012-2017)
ne parviennent à se faire réélire au terme de leur premier mandat
respectif. Depuis 2017, c’est E. Macron qui préside la République.
Propositions de parcours dans le chapitre :
Parcours long : Il est possible de consacrer 3 à 4 heures à ce
chapitre. Un parcours long peut se décomposer de la façon
suivante :
La première séance, basée sur la double-page d’ouverture
(pages 334-335) et l’étude « Adapter la Constitution de
1958 aux évolutions politiques » (pages 336-337), aborde la
stabilité des institutions et leur capacité d’adaptation liée aux
évolutions politiques (doc. 2, doc. 4 et doc. 5), aux engagements
internationaux de la France (doc. 3 et doc. 6), aux mutations
sociétales (doc. 1 et doc. 2 pages d’ouverture) ou aux problèmes
globaux (doc. 7).
Avec une seconde séance, on étudie des réformes concrètes
de la Constitution avec la leçon 1 (« La République française
un régime stable qui sait se réformer ») ainsi que l’appui du
document 1 de la page 336 (« Réformer la Constitution, une
procédure encadrée »). La classe peut ensuite être divisée en deux
groupes qui abordent les évolutions de la République pour plus
d’efficacité dans sa gouvernance (PPO : « L’approfondissement
de la décentralisation », pages 340-341) ou pour la réaffirmation
de ses principes fondamentaux (« La réaffirmation du principe
de laïcité », pages 338-339).
Afin de préparer la troisième séance, un temps de travail hors la
classe peut être proposé aux élèves avec les documents de l’étude
« Parcours de femmes engagées en politique » (pages 346-347).
En classe, on pourra consacrer un moment au PPO traité par la
double-page « Depuis les années 2000, la parité : du principe aux
applications ». Il s’agit là, avec la reprise de l’étude et les doc. 1 et
doc. 2 page 344, de montrer comment s’affirment dans les faits,
et dans les lois, la place et le rôle des femmes dans la société
française, qu’elles soient issues du monde politique ou de la
société civile. Évidemment, dans un second temps, il convient
de nuancer le propos avec les documents de la double-page en
montrant qu’il y a encore loin entre les droits reconnus et affirmés
par la République et les faits. Enfin, la séance peut s’achever sur
l’évocation de l’affirmation d’autres types de droits au sein de la
République avec quelques exemples illustratifs extraits des autres
dossiers (« Depuis les années 1990, les évolutions des conceptions
de la famille », pages 348-349) ou de la mise en perspective de la
leçon 2 (« La République s’adapte aux évolutions de la société »,
pages 350-351).
Parcours court : Cependant, ce chapitre prend place en fin
d’année et le temps peut manquer. En une ou deux heures,
il convient alors de se concentrer sur les points de passage et
d’ouverture pour montrer que les évolutions constitutionnelles
et juridiques de la République française depuis les années 1990
permettent d’adapter sa gouvernance (« L’approfondissement de
la décentralisation », p. 340-341) et de réaffirmer des principes
fondamentaux tout en s’efforçant de s’adapter aux évolutions
de la société (« Depuis les années 2000, la parité : du principe
aux applications », pages 344-345).

Bibliographie et sitographie
Ouvrages de référence
Sur l’histoire politique
Ludivine BANTIGNY, La France à l’heure du
monde. De 1981 à nos jours, collection « La
France contemporaine », Paris, Seuil, 2019.
Christian DELACROIX, Michelle ZANCARELLI-FOURNEL,
La France du temps présent, 1945-2005,
collection « Histoire de France », Paris, Belin,
2010.
Didier FASSIN (dir.), Les Nouvelles Frontières de la
société française, Paris, La Découverte, 2010.
Sur la laïcité
Jean BAUBÉROT, Micheline MILOT, Parlons laïcité
en 30 questions, Paris, La Documentation
française, 2017.
Jean BAUBÉROT, Histoire de la laïcité en France,
collection « Que sais-je », Paris, PUF, 2017.
Conseil d’État, Un siècle de laïcité,
La Documentation française, 2004.
Sur la décentralisation
Laurent ÉLOI (dir.), Vers l’égalité des territoires,
La Documentation française, Paris, 2013.
Valentine ZUBER, « La laïcité en France
et dans le monde », La Documentation
photographique, n°8119, sept.-oct. 2017.
Sitographie
Trois sites intéressants pour comprendre les
dispositions gouvernementales afin de lutter
contre les discriminations homme-femme :
Le site du secrétariat d’État chargé de l’Égalité
entre les hommes et les femmes et de la
lutte contre les discriminations : https://www.
egalite-femmes-hommes.gouv.fr/

Jean-François SIRINELLLI, Les Révolutions
françaises. 1962-2017, Paris, Odile Jacob, 2017.
Sur la Constitution de 1958 et ses
évolutions
Philippe BLACHER, La Constitution de 1958,
toujours d’actualité ?, La Documentation
française, 2018.
Philippe RAYNAUD, L’Esprit de la Ve République.
L’histoire, l’esprit, le système, Paris, Perrin, 2017.
Pauline TÜRK, Les Institutions
de la Ve République, Gualino, 2018.
Sur la société française
Valérie VERCLYTTE, La Société française de 1945 à
nos jours, collection « U », Paris, A. Colin, 2018.
Revues
Ludivine BANTIGNY, Jenny RAFLIK, Jean VIGREUX,
« La société française de 1945 à nos jours »,
La Documentation photographique, n°8107,
sept.-oct. 2015.
T« Les combats féministes »,TDC, n°1080,
sept. 2014.
Le site de l’Observatoire des inégalités :
https://www.inegalites.fr/
Le site du laboratoire de l’égalité :
http://www.laboratoiredelegalite.org/
Le site du Conseil constitutionnel pour
avoir des informations sur les institutions,
leur fonctionnement et leurs évolutions :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/
La laïcité en question sur le site de la BnF :
http://classes.bnf.fr/laicite/index.htm

224

Ouverture p. 334-335
Deux documents introduisent le chapitre et font référence
à la réaffirmation du principe d’égalité homme-femme et à
la prise en compte de la problématique des violences faites
aux femmes. La frise chronologique propose un bref rappel
du contexte politique dans lequel s’inscrivent les évolutions
constitutionnelles et juridiques de la République française
depuis les années 1990.
Document 1 : Extraite d’une campagne de 2012 pour promouvoir
l’égalité professionnelle homme-femme, l’affiche du Laboratoire
de l’égalité veut sensibiliser les décideurs économiques et
politiques et l’opinion publique aux problématiques de l’égalité
professionnelle en termes de salaires, de statuts, de conditions
de travail, de partage des tâches et de responsabilités ou
de stéréotypes. La scène et l’accroche proposées doivent
interpeller sur le statut des femmes dans l’entreprise où l’écart
de rémunération selon les sexes est en moyenne de 24 %. Au
bas de l’affiche est mentionné un « pacte pour l’égalité » pour
favoriser l’accès des femmes aux responsabilités, l’égalité
professionnelle, la conciliation vie professionnelle-vie familiale,
la lutte contre les « stéréotypes sexistes ».
Réponse à la question :
La façon dont est conçue l’affiche – un homme corpulent au
travail et assis sur une femme – et l’accroche doivent faire
réfléchir et inciter à prendre conscience du fait qu’on « s’assoit
sur » les droits des femmes dans le monde du travail. Le détour
par l’humour participe de cette stratégie pour inciter à la prise
en compte, à la réaction et à l’action concrète.
Document 2 : La photographie du second document relate
une manifestation de novembre 2019 à l’appel de différentes
associations et collectifs. Elle interpelle les pouvoirs publics et
l’opinion sur les violences faites aux femmes. De septembre à
novembre 2019, le gouvernement a lancé une vaste consultation
(« Grenelle contre les violences conjugales ») afin de présenter un
plan de lutte contre les violences faites aux femmes. Rappelons
que pour la seule année 2019, plus de 130 femmes ont été
tuées par leur conjoint ou ex-conjoint.
Réponse à la question :
Les participants brandissent des pancartes sur lesquelles
sont inscrits les prénoms de femmes victimes de violences
conjugales. On peut y voir également précisée la mention d’un
nombre, celui des femmes victimes de ces violences en 2019.
Étude p. 336-337
Adapter la Constitution de 1958
aux évolutions politiques
Problématique : Pourquoi et comment réformer la Constitution
de 1958 ?
L’étude présente la procédure de révision de la Constitution
de 1958 et les domaines dans lesquels elle est envisagée.
Depuis les années 1990, des évolutions constitutionnelles et
juridiques ont permis d’améliorer le fonctionnement de la
République, de réaffirmer ses principes et de s’adapter aux
évolutions de la société.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : un premier parcours propose la présentation
des domaines d’évolutions constitutionnelles : les modalités
d’élection du président (doc. 2 et doc. 4), l’intégration
européenne (doc. 3 et doc. 6), l’environnement (doc. 7).
Proposition 2 : un autre parcours limite ses objectifs au
seul domaine de l’élection du président afin de comprendre
pourquoi (doc. 2) et comment (doc. 1, doc. 4 et doc. 5) la
Constitution est réformée.
Le schéma du document 1 présente l’article 89 de la
Constitution. Le président a bien l’initiative de la révision
mais dans le cadre d’un consensus démocratique avec le
gouvernement et le Parlement. Un projet de révision est adopté
par voie référendaire ou parlementaire (majorité des 3/5e).
L’article 11, qui permet l’usage du référendum, a aussi été
employé pour réviser la Constitution (1962, 1969).
Le document 2 permet de dater deux des grandes révisions
constitutionnelles concernant le président de la République. En
1962 est approuvée, par référendum, son élection au suffrage
universel direct alors qu’en 2000, un nouveau référendum
acte le passage au quinquennat. Celui-ci est évoqué par le
document 4 : plus de 73 % des Français acceptent cette
proposition de Jacques Chirac. Notons, qu’il s’agit de l’unique
révision constitutionnelle soumise à référendum sur la base
de l’article 89. Le quinquennat, comme l’illustre le document
5, passionne peu les débats et la participation au référendum
est faible.
Les documents 3 et 6 sont l’occasion d’évoquer l’impact sur
la Constitution de l’intégration européenne. Le document 3
précise le cadre politique et juridique de cette intégration. La
création de l’UE (1992) pose les bases d’une union politique
et juridique qui nécessitent de la part des États membres une
délégation de souveraineté et de compétences ainsi que la
reconnaissance de la supériorité du droit européen sur les
droits nationaux. Réviser la Constitution s’impose afin qu’elle
s’adapte alors que la tentative d’une Constitution européenne
est vouée à l’échec (2005). Le document 6 précise les modalités
d’adaptation de la Constitution à l’intégration européenne dans
les domaines politiques, juridiques et sécuritaires.
Le document 7 quant à lui permet d’illustrer la capacité
d’adaptation de la Constitution. La protection de
l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique
imposent l’évolution du texte constitutionnel. La Charte de
l’environnement, à l’initiative de Jacques Chirac, est devenue
un texte de valeur constitutionnelle intégrée au bloc de
constitutionnalité du droit français (2005). Elle reconnaît un
ensemble de droits et de devoirs concernant la protection de
l’environnement et introduit dans la Constitution les principes
de prévention, de précaution et de pollueur-payeur.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La procédure de réforme de la Constitution
relève du consensus entre l’exécutif et le législatif. L’initiative
en revient au président, sur proposition du Premier ministre ou
du Parlement, mais fait l’objet d’un vote préalable de ce dernier
avant toute approbation. De même, toute révision est actée par
Chapitre 11 • La République française 225
 la voie parlementaire ou référendaire. La procédure de révision
est donc démocratique et garantit la séparation des pouvoirs.
Question 2 : L’intégration européenne nécessite de réviser
la Constitution qui se dote d’un nouveau titre (Titre XV)
pour intégrer le droit européen, permettre le transfert de
compétences, la création d’une citoyenneté européenne. En
2008, conformément au traité de Lisbonne, la Constitution
est révisée pour élargir les pouvoirs du Parlement européen.
Question 3 : L’adhésion à l’UE impose de reconnaître une
supériorité des normes juridiques européennes et donc
des révisions constitutionnelles et juridiques. Le tableau du
document 4 offre des exemples précis illustrant celles-ci.
Question 4 : Avec la Charte de l’environnement, les citoyens
se voient garantir le droit à un environnement sain et le devoir
de participer à sa préservation. Le principe du pollueur-payeur
s’applique et chacun doit être éduqué et formé à l’environnement.
Les élus doivent veiller à ce que les politiques qu’ils mettent en
œuvre prennent en compte le développement durable.
Question 5 : À partir de 2002, le quinquennat favorise le
renouvellement plus fréquent du mandat présidentiel et
diminue, sans le supprimer, le risque de cohabitation avec
l’alignement de sa durée sur celle du mandat des députés.
L’élection présidentielle, qui se déroule d’abord, conditionne les
élections législatives. L’Assemblée nationale est une assemblée
d’élus dont la légitimité est d’appartenir ou pas à la majorité
présidentielle. Son action semble se résumer à voter des lois
voulues par le seul exécutif.
Bilan L’article 89 précise la procédure de révision de la
Constitution et garantit le processus démocratique de celle-
ci. Sur le plan politique, elle a été réformée pour faire évoluer
les modalités d’élection et la durée du mandat présidentiel.
Si ces réformes ont été soumises à référendum (1962 ; 2000),
d’autres, telles que celles liées à l’intégration européenne, sont
acceptées par voie parlementaire.
Parcours 2
Des groupes de trois ou quatre élèves sont constitués afin
d’analyser d’abord le document 1 et de préciser le processus
démocratique de toute révision constitutionnelle. Ensuite, les
groupes classent les domaines de révision de la Constitution
avec les documents 2, 4 et 5 (évolutions des modalités de
l’élection et du mandat présidentiel), les documents 3 et 6
(effets de l’intégration européenne sur la Constitution) et le
document 7 (Charte de l’environnement).
Étude p. 338-339
La réaffirmation du principe de laïcité
(2004)
Problématique : De quelle manière le principe de laïcité est-il
réaffirmé par la loi de 2004 ?
Le consensus autour de la loi de séparation des Églises et de
l’État de 1905 s’est définitivement imposé après 1945. Elle
est au fondement d’un des principes fondamentaux de la
République, la laïcité. Pourtant, à partir des années 1990, celui-
ci est questionné, voire remis en cause, notamment dans le
cadre scolaire. Apparaît alors la nécessité de le réaffirmer tout
226
en tenant compte des mutations de la société.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : la double-page est traitée avec les parcours
différenciés en tenant compte des difficultés des élèves. La
classe peut alors être divisée en deux groupes de niveaux.
Proposition 2 : l’étude est centrée sur la localisation des
académies concernées par le port ostentatoire de signes
religieux (document 1) et la réponse institutionnelle de
réaffirmer le principe de laïcité sur le plan juridique et
administratif (document 2). Peuvent être enfin présentés les
problèmes liés à l’application de la loi de 2004 (document 5).
Extraite d’un rapport remis au ministre, la carte du document 1
présente les académies les plus concernées par le port ostensible
de signes religieux : les académies de Lille, Amiens, Strasbourg,
Lyon, Grenoble et de région parisienne (Créteil, Versailles).
Le document 2 est un extrait de la circulaire d’application
de la loi de 2004. Celle-ci sert de cadre à un nouvel article du
Code de l’éduction précisant juridiquement la réaffirmation
de la laïcité dans les écoles, collèges et lycées.
Le graphique du document 3 témoigne que le dialogue a été
privilégié pour l’application de la loi de 2004. Les cas d’exclusion
sont très marginaux et concentrés (Strasbourg, Lyon). Pourtant,
les débats, les incompréhensions, voire les tensions, n’ont pas
manqué comme l’illustre le document 4. La manifestation
de Strasbourg, située dans un département où la loi de 1905
ne s’applique pas, atteste de l’incompréhension d’une partie
de la population par rapport à la loi de 2004. Si la population
musulmane peut se sentir principalement visée, le document 5
permet de nuancer cette idée reçue. Est évoqué le cas d’élèves
sikhs exclus de leur établissement pour avoir porté le turban
traditionnel. À lui seul, ce cas illustre les problèmes d’application
de la loi de 2004. Chez les Sikhs, le turban n’a pas de connotation
religieuse, il couvre la coiffe des hommes qui doit être cachée.
Or, les élèves sont exclus pour port de ce turban afin de ne pas
provoquer le sentiment qu’il y ait deux poids, deux mesures.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La loi de 2004 veut sanctuariser l’école qui doit être
un lieu garant de la liberté de conscience et de transmission des
principes et des valeurs de la République et de l’unité nationale
au-delà des revendications communautaires. Chacun doit être
accueilli dans le respect de ses convictions et de ses croyances.
Question 2 : Dans la majorité des cas, le dialogue est privilégié
entre les personnels du lycée, les élèves et leurs familles. Les cas
d’exclusion sont relativement rares et concentrés dans certaines
académies. Réaffirmer la laïcité en obtenant le consensus est
préférable pour convaincre plutôt que d’exclure et de créer
du ressentiment.
Question 3 : Le malentendu est lié à la signification du port
du turban, jugé ostentatoire par l’administration, et sans
signification religieuse pour les élèves et les représentants
Sikhs. Or, en vertu de la loi de 2004, il est considéré que le
turban, au même titre que le voile, est un signe ostentatoire.
C’est un exemple intéressant de confusion qui peut régner avec
l’application de la loi de 2004. Preuve en est qu’une telle loi
doit s’accompagner d’une connaissance des faits religieux et
donc de la nécessaire formation des personnels de l’Éducation
nationale chargées d’appliquer la loi.
Question 4 : Depuis les années 1990, le principe de laïcité a
été remis en question à l’école. Les affaires concernant le port
de signes religieux ostentatoires ou de refus de participer,
pour des motifs religieux, à certaines activités scolaires se sont
multipliées. Ces affaires ont souvent concerné des pratiques liées
à l’islam. Le législateur a jugé utile de légiférer afin de préciser
la loi de 1905. En 2004, une loi précise spécifiquement le port
de signes religieux ostentatoires dans les écoles, collèges et
lycées. Ceux-ci, parce qu’ils sont des espaces de transmission et
d’application des valeurs et des principes républicains, doivent
être protégés dans leurs missions et garantir à chacun la liberté
de conscience et de croyance dans le respect de la diversité.
La loi fait l’objet de nombreux débats, voire de résistances, et
son application ne va pas sans poser problèmes et confusion.
Bilan Dans les années 1990-2000, les établissements
scolaires sont le lieu d’une remise en cause du principe de
laïcité. Dès 1989, se pose la question du port du voile dans
certains établissements ou du refus de participer à certains
cours, de venir en classe certains jours, etc. Face à l’augmentation
du nombre de cas au début des années 2000, et l’affirmation
grandissante de revendications communautaires, la nécessité de
réaffirmation du principe de laïcité s’impose, notamment dans
les écoles publiques. Une loi, votée et promulguée en mars 2004,
définit les principes de l’interdiction du port de signes religieux
ostentatoires dans celles-ci. La loi fait l’objet de la rédaction
d’un nouvel article du Code de l’éducation qui permet aux
personnels de pouvoir appliquer et faire respecter la loi dans
les établissements scolaires. L’application de la loi semble se
faire dans un consensus favorisant le dialogue entre les élèves,
les familles et les autorités administratives. En définitive, peu
de cas d’exclusion sont constatés preuve que la réaffirmation
du principe de laïcité semble ne pas poser problème. Dans les
faits, les choses sont plus compliquées car la loi est critiquée,
voire rejetée. Son application semble également entraîner
certaines confusions concernant la définition de ce qu’est un
signe religieux ostentatoire.
Parcours 2
La problématique de la double-page est reprise. Il convient
d’abord de préciser les objectifs de la loi de 2004 pour
comprendre le sens de la réaffirmation du principe de laïcité
dans les écoles, collèges et lycée. Le contexte d’élaboration de
la loi est rappelé également afin de montrer qu’elle répond à
une vraie nécessité. Ensuite, les arguments en faveur ou en
défaveur de la loi illustrent l’âpreté du débat. Enfin, des exemples
concrets, comme celui qui présente le cas de l’exclusion d’élèves
Sikhs revendiquant le port du turban à l’école, sont utiles pour
évoquer les problèmes et les confusions liés à l’application
concrètes de la loi de 2004 dans les établissements scolaires.
POINT DE PASSAGE p. 340-341
L’approfondissement de la
décentralisation
Problématique : Comment la décentralisation transforme-
t-elle la gestion des territoires ?
Cette étude permet de préciser les modalités de la lente
affirmation du processus de décentralisation au sein de la
République. Depuis les années 2000, celle-ci est approfondie
et devient même un principe constitutionnel. Cela n’empêche
pas les débats, qui peuvent parfois refléter des craintes, au sein
de la classe politique ou de la société française.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : la totalité des documents du dossier est
analysée à l’aide du questionnaire du premier parcours. On
peut notamment insister sur le bilan en organisant des groupes
de trois ou quatre élèves, afin qu’il y ait une discussion entre
eux sur les effets et les limites de la décentralisation.
Proposition 2 : après avoir défini la notion de décentralisation
à l’aide du document 4, les élèves se concentrent sur l’activité
proposée par le second parcours concernant le document 5.
Celui-ci présente les grandes lignes d’une nouvelle étape de la
décentralisation voulue par l’actuel président de la République.
Le document 1 est l’occasion d’évoquer la révision de mars 2003
qui inscrit la décentralisation comme principe constitutionnel.
L’organisation de la République est dite décentralisée afin de
donner une importance plus grande à la gestion publique
locale. Conformément à l’article 72 et ses alinéas, la Constitution
permet aux collectivités territoriales de recourir à des
expérimentations, d’utiliser les formes de démocratie locale
directe, et d’avoir la garantie d’une autonomie financière. Ces
dispositions fondent les axes principaux de la réforme présentée
comme l’« Acte II de la décentralisation » après les mesures
pionnières de 1981-1982. Il est important de préciser que, si
la République est décentralisée, elle ne devient pas fédérale.
En effet, la Constitution n’accorde qu’une autonomie relative
aux collectivités territoriales.
Le document 2 évoque les débats et les questionnements
concernant la décentralisation au sein de l’opinion publique.
Apparaît alors une différence de perception entre les citoyens
et les élus. Ces derniers estiment qu’il faut aller plus loin en
termes de délégation de compétences et de moyens aux
communes, collectivités de communes, départements et
régions. A contrario, de nombreux Français estiment qu’il ne
faut pas aller plus loin et que c’est surtout la commune qui doit
être privilégiée. Ce débat atteste à la fois de l’attachement des
Français à la proximité des élus ainsi que la crainte de voir se
diluer les responsabilités. Il atteste aussi probablement d’un réel
manque de connaissance et de compréhension des principes
de la décentralisation.
Le document 3 présente un dessin de Plantu qui évoque
de façon humoristique les craintes des Français vis-à-vis de
la décentralisation. Pour nombre d’entre eux, il s’agit d’un
retrait et d’un désengagement de l’État. Concrètement, ce
désengagement, notamment dans certains espaces ruraux
ou de nombreuses villes moyennes, s’est concrétisé par la
fermeture de nombreux services publics. Un tel dessin
préfigure les débats plus récents qui dénoncent l’abandon de
ce que Christophe Guilluy nomme une « France périphérique ».
Celle-ci concerne des espaces ruraux reculés et éloignés des
métropoles où se concentre une population modeste touchée
de plein fouet par le recul de l’État et de ses services.
Le document 4 présente en simplifiant la façon dont les
compétences des collectivités territoriales ont été définies
lors de l’« Acte III de la décentralisation ». La loi de 2015 sur la
Nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe)
Chapitre 11 • La République française 227
 a pour objectif de renforcer les compétences des régions et des
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Le document 5, extrait d’un article du journal Le Monde, évoque
la volonté du président de la République E. Macron d’envisager
une nouvelle étape de la décentralisation. Celle-ci, selon lui,
devrait être marquée par une clarification des compétences
et des moyens des différentes collectivités, notamment
en faveur des communes. Au-delà, la volonté de simplifier
ce que l’on nomme parfois le « millefeuille administratif »
apparaît clairement. L’objectif est bien à la fois de préciser les
compétences des différents échelons politiques et administratifs
du pays, leurs relations entre eux et avec l’État, et de rationaliser
les moyens mis en œuvre quitte à faire disparaître certains
échelons. À ce jour, une telle réforme reste en projet car les
débats et les enjeux sont importants.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Les lois de 2003 et 2015 changent en profondeur
l’organisation de l’État. En effet, la « République décentralisée »
s’appuie sur la création de véritables collectivités territoriales
qui sont dirigées par un exécutif élu et auxquelles sont
reconnues des compétences précises. Ainsi, peuvent-elles
désormais mener des dispositifs expérimentaux, organiser des
consultations électorales. Sont aussi précisées les relations entre
ces collectivités et l’État, notamment en termes de transferts de
compétences et de moyens associés. La loi de 2015 va plus loin
encore. Outre le fait qu’elle touche à l’organisation géographique
des régions, elle vient préciser les compétences de chaque
niveau de collectivité en matière sociale, économique, de
transports, d’éducation ou de développement durable. Ainsi les
communes se voient-elles confiées d’importantes missions en
termes de sécurité, de voirie, de développement économique,
d’assainissement, etc. On peut remarquer que certaines
compétences semblent néanmoins se recouper.
Question 2 : Depuis les premières lois de décentralisation (1981-
1982), les débats ont été nombreux au sein de l’opinion publique.
Globalement, les élus sont favorables à la décentralisation car
ils y voient un moyen de mener des actions concrètes sur
leurs territoires. On peut aussi penser que, sur un plan plus
politique, élus et partis voient également un intérêt en termes
de fonctions, de postes et de moyens pour mettre en œuvre
leur action ou assurer des carrières. Cette position n’est pas
partagée par de nombreux Français. Si ceux-ci apprécient
la proximité et semblent favorables à une décentralisation
renforçant les pouvoirs des maires, ils craignent le recul de
l’État et la dilution des compétences et des moyens. Le dessin
de Plantu est intéressant pour évoquer le fait que beaucoup
de Français estiment que décentralisation rime avec recul de
l’État, notamment dans les territoires de la France périphérique.
Question 3 : Emmanuel Macron justifie d’abord la nécessité
d’un nouvel acte de décentralisation par la nécessité de
« clarifier la chaîne des compétences, des financements et
des responsabilités ». Selon lui, il faut revoir le nombre des
collectivités afin de les rendre plus efficaces et efficientes. Pour
cela, il faut en préciser clairement, et de façon transparente,
les missions, les financements, les responsabilités ainsi que les
relations avec l’État. L’objectif présidentiel concerne également
l’organisation des services de l’État qui doit encore plus être
représenté, dans les départements, par les préfets. Enfin, il s’agit
228
aussi de réfléchir à une réorganisation des services publics afin
de permettre à chaque Français d’y avoir accès facilement à
l’échelle des cantons grâce à la création de maisons des services.
Bilan Des groupes de trois à quatre élèves sont constitués
pour favoriser l’échange et le débat. Ceux-ci doivent d’abord
définir la décentralisation et en comprendre les modalités.
Ils peuvent alors retrouver les éléments saillants des lois de
2003 et de 2015 qui permettent la création de collectivités
territoriales dotées d’exécutifs élus, de compétences et de
budgets transformant en profondeur l’organisation de la
République. Ce processus au long cours, débuté dans les
années 1980 et qui se poursuit, n’est pas sans débats. Ceux-ci
sont abordés par les élèves à l’aide des documents mettant
notamment en avant la crainte d’un recul de l’État chez les
Français, et la volonté des élus d’approfondir la décentralisation
pour la faire gagner en efficacité.
Parcours 2
Dans cet extrait du journal Le Monde, le président Macron
précise les contours du nouvel acte de décentralisation qu’il
appelle de ses vœux. On attend des élèves qu’ils mettent en
avant le fait que le président dénonce surtout le fait que,
jusqu’alors, on a transféré des compétences et des moyens en
les diluant plutôt qu’en les rationnalisant. Selon lui, il y a de fait
une perte de cohérence et d’efficacité et aussi une perte de
moyens. Son objectif est de clarifier les compétences précises
des collectivités, de supprimer ce qui doit l’être, de clarifier
également les relations avec l’État. Enfin, il convient aussi de
préciser son souhait de réorganisation des services de l’État et
des services publics. En effet, le Président développe d’abord
l’idée de renforcer la présence de l’État dans les départements
en élargissant le périmètre d’action des préfets. De même
souhaite-t-il favoriser la proximité des services publics en créant,
dans les cantons, des « Maison France service » permettant
un accès rapide aux services de l’État et à ses personnels. De
tels projets constituent une réponse au mécontentement des
Français qui, éloignés des villes, ont vu disparaître les services
publics. Ce texte, daté de 2019, est intéressant si on le met
en perspective avec les revendications développées par les
Français ayant participé au mouvement dit des « Gilets Jaunes ».
Leçon 1 p. 342-343
La République française, un régime
stable qui sait se réformer
Problématique : Comment, depuis les années 1990, les
institutions républicaines se réforment-elles pour répondre
aux évolutions politiques de la France ?
La leçon présente les évolutions du cadre politique de la
République française depuis les années 1990. La problématique
repose sur la capacité de la Constitution de 1958 à se réformer
pour se moderniser et accompagner l’affirmation de nouveaux
droits politiques. Il convient d’insister sur la stabilité garantie
malgré les aléas de la vie politique et une certaine crise de
confiance envers ses acteurs et ses institutions. Les révisions
constitutionnelles sont rendues possibles grâce à une procédure
précise. Elles ont permis de répondre aux enjeux de gouvernance,
aux évolutions du rôle et de la place de l’État, à la réaffirmation
de principes et à la demande de création de droits nouveaux.
Notions importantes : La notion de gouvernance est
centrale car les réformes de la Constitution permettent
aux acteurs politiques de s’adapter à l’évolution des règles,
du fonctionnement et de la capacité d’action de l’État. Les
attentes et besoins d’une opinion publique divisée sont
un moteur important de ces évolutions. Cette dernière reste
majoritairement attachée à l’État et à sa capacité à protéger
et accompagner la réaffirmation et l’évolution des principes
républicains et de certains droits.
SCHÉMA BILAN Le schéma permet d’abord de préciser
comment la République française se transforme en
accompagnant les évolutions politiques et notamment les
alternances, les cohabitations, la montée de l’abstention et le
renforcement des divisions d’une opinion publique fragmentée
et divisée. De telles transformations sont liées à la souplesse de
la Constitution de 1958 caractérisée par sa capacité à être révisée
selon une procédure démocratique. Ainsi la République est-elle
réformée pour répondre à l’intégration européenne croissante
à partir de 1992 qui nécessite le transfert de compétences et
de souveraineté. La République se réforme également pour
faire évoluer la pratique du pouvoir.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
Une première activité évoque la particularité de la Nouvelle-
Calédonie. Distante de plus de 16 000 km de la métropole,
elle dispose depuis 1998 d’un statut particulier lui donnant
une large autonomie au sein de la République. Toutefois, l’État
garde des compétences dans de nombreux domaines et assiste
largement son économie. En novembre 2018, un référendum
est organisé sur son indépendance dont le principe est rejeté
par plus de 56 % de la population locale.
La seconde activité aborde la Constitution de 1958. Elle
présente d’abord les contours d’un régime dont la clé de voûte
est le président de la République, élu au suffrage universel
direct pour cinq ans. Cela permet de rompre avec l’instabilité
gouvernementale de la IVe République. Le président de la
République possède de larges prérogatives, notamment en
matière de politique étrangère. Toutefois, la France n’est pas un
régime présidentiel : le président partage le pouvoir exécutif
avec le Premier ministre qu’il nomme et avec le gouvernement.
Ils sont responsables de leur politique devant le Parlement.
Ce dernier vote les lois et le budget et peut, en le censurant,
renverser le gouvernement.
POINT DE PASSAGE p. 344-345
Depuis les années 2000, la parité :
du principe aux applications
Problématique : Dans quelle mesure la parité est-elle au cœur
des revendications de la société française contemporaine ?
Les documents présentés envisagent à la fois de définir
précisément la notion de parité sur le plan juridique et ses
différents champs d’application. Ils permettent ensuite de
montrer qu’il existe une tension entre ce que prévoit la loi et
la réalité de sa prise en compte et de sa mise en œuvre par la
société. Ils témoignent enfin de la nécessité de toujours rappeler,
préciser et approfondir les droits en République.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : les documents 1, 2, 3, 4, 5 et 7 sont analysés
à travers le premier parcours afin d’aborder le cadre juridique
du principe de parité (doc. 1 et doc. 2) et les impacts concrets
de son application (doc. 3, doc. 4, doc. 5 et doc. 7).
Proposition 2 : afin de gagner du temps, il est possible de
recentrer l’analyse des documents 1 et 2 autour des bases
juridiques et constitutionnelles de la parité et de privilégier
ensuite l’analyse du document 6 à l’aide du second parcours
proposé et de l’exercice type bac.
Le document 1 propose des extraits des articles 3 et 4 de la
Constitution. Ceux-ci ont fait l’objet d’une modification par
une loi constitutionnelle de juillet 1999 afin d’introduire l’égal
accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et
aux fonctions électives.
Le document 2 est une autre illustration de l’inscription dans
la loi de la parité femme-homme. Est présenté ici l’article qui,
dans le Code du travail, définit strictement l’égalité de traitement
entre les femmes et les hommes dans le travail. Cet article
implique le respect de certains principes par l’employeur :
interdiction de discrimination en matière d’embauche,
absence de différenciation en matière de rémunération et de
déroulement de carrière.
Le document 3 montre que, dans les faits, la parité salariale
est loin d’être acquise. Non seulement cela s’observe quelles
que soient les professions présentées mais, plus on progresse
dans l’échelle des salaires, plus les écarts s’accroissent ! En règle
générale, les 10 % des femmes les moins bien rémunérées ont
un salaire maximum inférieur de 7 % à celui des hommes. Le
salaire minimum des 10 % des femmes les mieux rémunérées
est inférieur de 21 % à celui des hommes. En moyenne, le
salaire des femmes est inférieur de 13 % à celui des hommes.
Cette rupture du principe d’égalité républicaine s’observe
bien au-delà du seul monde du travail comme en attestent les
documents 5 et 7. Le document 5 évoque la représentation
des femmes dans le monde politique. Les lois sur la parité
imposant aux partis politiques de présenter autant de femmes
que d’hommes lors des élections ont permis d’améliorer
la représentation féminine au niveau des communes, des
départements ou des régions pour lesquelles les listes sont
désormais paritaires. Néanmoins, on constate que la parité
est encore loin d’être atteinte à l’Assemblée nationale ou au
Sénat. De même, celle-ci est plus limitée lorsqu’il s’agit de
considérer le nombre de femmes à la tête de ses collectivités.
Plus on s’élève dans le niveau de responsabilités, notamment
en ce qui concerne la gestion des exécutifs, moins le nombre
de femmes est élevé.
Le document 7 évoque les inégalités homme-femme en
matière de répartition des tâches au sein du couple. On ne
peut qu’être d’accord avec le sociologue Jean-Claude Kaufman
pour qui « nous sommes encore loin de l’égalité ! ». Comme
en atteste ce document, certaines tâches, comme le linge, le
repassage, le ménage ou les courses symbolisent clairement
l’inégale répartition au sein des couples français. En moyenne,
et selon l’Insee en 2018, les femmes consacrent 3 h 26 par
jour aux tâches domestiques contre 2 h pour les hommes.
Chapitre 11 • La République française 229
 À la maison, les hommes s’adonnent volontiers au bricolage.
Mais les femmes passent deux fois plus de temps que
les hommes à faire le ménage et à s’occuper des enfants.
Apparemment, les femmes s’occupent au quotidien des tâches
les moins valorisées et les hommes de ce qui se voit et dure.
Les inégalités de partage des tâches au sein du foyer ont des
répercussions dans d’autres domaines pour les femmes : elles les
freinent dans la vie professionnelle comme dans l’engagement
politique ou associatif.
Le document 4 permet d’évoquer une autre problématique, celle
du sexisme, notamment dans le milieu politique. Là, les préjugés
ou les discriminations reposant sur le sexe ont un large impact
sur les relations hommes-femmes dans les différents lieux de
pouvoir ainsi que sur la progression des carrières (document 5).
Cet extrait d’une revue d’élues est intéressant pour comprendre à
la fois la prise en compte du problème ainsi que les dispositions
permettant de lutter efficacement contre celui-ci.
Le document 6, dessin humoristique de Plantu, vient en
quelque sorte synthétiser l’ensemble des problématiques
soulevé par le dossier. Paru à l’occasion de la journée de la
femme, qui a lieu chaque 8 mars, ce dessin permet d’insister
sur les écarts toujours importants entre la loi, qui reconnaît
la parité, et son application dans de nombreux milieux où les
femmes restent bien souvent, si ce n’est exclues, victimes de
discriminations diverses.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : La révision de la Constitution de 1999 et sa loi
d’application (2000) imposent l’égale représentation des
femmes et des hommes en politique. Elle impose également
aux partis politiques de promouvoir cette parité. Or, dans les
faits, c’est loin d’être le cas. D’autres lois ont permis d’imposer
la parité intégrale lors de certaines élections (municipales,
départementales, régionales). Si la féminisation de certaines
assemblées locales est réelle, c’est encore loin d’être le cas au
sein du Parlement. Par ailleurs, plus le niveau de responsabilité
augmente, moins les femmes sont représentées. Il reste donc
un réel plafond de verre malgré les lois sur la parité.
Question 2 : Il est en est de même dans le domaine des
inégalités salariales. Le Code du travail définit l’égalité de
traitement, à statut ou travail de même nature, entre les hommes
et les femmes. Dans la réalité, c’est loin d’être le cas. En effet,
des écarts de salaires s’observent pour toutes les professions
évoquées par ce graphique. Il convient de remarquer par
ailleurs que ces écarts augmentent à mesure que les emplois
nécessitent des qualifications plus importantes. Ainsi, les
écarts sont d’autant plus élevés lorsqu’il s’agit des professions
intellectuelles ou scientifiques ou des postes de directeurs et
de cadres.
Question 3 : Le monde politique est particulièrement concerné
par le sexisme. Une femme en politique doit souvent faire face
à l’hostilité, aux propos outranciers des hommes. Nombre
d’élues renoncent à poursuivre leur carrière politique dans un
tel contexte, ce qui ne favorise pas l’investissement féminin
en politique.
Question 4 : L’application du principe de parité rencontre de
nombreux obstacles, dans le domaine professionnel comme
politique. Dans chacun d’eux, l’égalité hommes-femmes est
230
loin d’être respectée et appliquée. Ainsi, les rémunérations, la
représentation en politique, la répartition des tâches ménagères
sont systématiquement en défaveur des femmes.
Question 5 : Il convient en effet de parler de « conquête » car
les représentations et les stéréotypes restent forts pour justifier
les inégalités entre les femmes et les hommes. Le sexisme a
un impact important dans le non-respect de la parité, que ce
soit dans le monde du travail, le monde politique ou au sein
des foyers.
Bilan Dans le cadre d’un travail de groupes de trois
ou quatre élèves, il convient d’abord de faire émerger les
stéréotypes alimentant le sexisme dans différents domaines
comme le monde politique (doc. 4) ou dans celui du monde
professionnel (doc. 6). Les femmes y sont considérées comme
moins résistantes à l’effort, moins compétentes ou y sont l’objet
de discriminations diverses. Ensuite, il convient de faire prendre
conscience de l’affirmation du principe de parité sur le plan
constitutionnel et juridique (doc. 1 et doc. 2). Cependant, la
nécessité d’inscrire celui-ci dans la loi atteste des difficultés de
sa réalisation concrète (doc. 3, doc. 6 et doc. 7). La parité réelle
est donc encore une conquête à réaliser.
Parcours 2
Plantu met en scène une réunion politique ou professionnelle
uniquement constituée d’hommes. La seule femme représentée
exerce la fonction de secrétaire et n’a donc pas de responsabilités
si ce n’est celle de prendre en notes les échanges entre ces
dirigeants tous masculins. L’un des personnages évoque
l’importance de la femme tout en rabaissant l’unique femme
présente à son statut subalterne. Publié à l’occasion de la journée
de la femme, ce dessin permet d’insister sur la différence entre
l’inscription juridique et constitutionnelle de la parité femmes-
hommes et son affirmation concrète dans les faits. On peut alors
reprendre les informations extraites des documents 3, 4, 5 et 6 afin
de donner quelques exemples concrets de ces principes encore à
conquérir pleinement. En effet, nombreux sont les domaines où
l’égalité des droits n’est pas respectée. C’est le cas dans le domaine
professionnel où les salaires féminins sont toujours inférieurs aux
salaires masculins. Au-delà, les inégalités s’observent aussi dans
le domaine privé du foyer où la femme passe plus de temps que
l’homme à répondre aux obligations des tâches ménagères du
quotidien. Enfin, comme c’est le cas dans le monde politique, les
femmes sont souvent victimes de stéréotypes et d’attitudes qui
remettent en cause leurs compétences et leurs qualités ainsi que
leur capacité à exercer des fonctions que le poids des habitudes
a trop longtemps réservé aux seuls hommes.
Étude p. 346-347
Parcours de femmes engagées en
politique
Problématique : Comment les parcours de S. Royal et C. Lagarde
illustrent-ils la lente affirmation de la place des femmes en
politique ?
L’étude permet la mise en relation de deux parcours différents
de femmes en République. Ils sont aussi l’occasion d’étudier
les domaines dans lesquels celles-ci ont fait valoir leurs
compétences ou leur engagement.
Propositions de parcours :
Proposition 1 : les différents documents de la double-page
peuvent être analysés en divisant la classe en deux groupes
pour appréhender chacun des parcours. L’idée est de confronter
ceux-ci et de remplir, à l’aide d’un échange entre les groupes, le
tableau de synthèse proposé dans le cadre du premier parcours.
Afin de formaliser la réflexion, on peut proposer aux élèves de
rédiger la réponse à la partie bilan du premier parcours.
Proposition 2 : les documents 3 et 6 peuvent être analysés
à l’aide d’un questionnaire simplifié pour mettre en avant
quels sont les problèmes rencontrés par ces femmes dans leur
engagement et les projets qu’elles portent pour faire face à
ceux-ci. Ces documents peuvent ensuite rapidement être mis
en perspective avec la présentation du parcours de ces deux
actrices de la République depuis les années 1990.
Les documents 1 et 4 permettent de revenir sur les parcours de
deux femmes en République. Le document 1 retrace l’itinéraire
professionnel de Ségolène Royal. On remarquera que celui-ci
est typique du parcours des élites politico-administratives en
France depuis les années 1970. Diplômée de l’ENA, S. Royal
poursuit depuis les années 1980 une carrière politique lors de
laquelle elle brigue ou occupe certaines fonctions électives ainsi
que certains postes au sein de l'appareil d'État. L’itinéraire de
Christine Lagarde est différent puisque le document 4 permet
de comprendre qu’elle est issue de la société civile. En effet,
celle-ci vient du monde de la justice et de celui des affaires
avant d’entamer une carrière politique qui l’amène à exercer des
fonctions ministérielles sans avoir jamais été élue au préalable à
aucune fonction politique. C. Lagarde offre aussi l’exemple d’un
parcours politique national limité dans le temps puisque depuis
2011, elle mène une carrière politique au niveau international.
Le document 2 permet de revenir sur la campagne menée par
S. Royal dans le cadre de la présidentielle de 2007. Candidate
du Parti socialiste – elle s’est imposée aux principaux leaders
de cette formation – elle accède au second tour où elle affronte
N. Sarkozy. Elle est alors la première femme, depuis 1958 mais
aussi dans toute l’histoire de la République, à accéder au
second tour de l’élection la plus importante de la vie politique
française. Sa défaite ne l’empêche pas de tenter, en vain, d’être
de nouveau candidate en 2011.
Extrait d’un témoignage qu’elle rédige en 2018, le document 3
est intéressant car il permet de comprendre le contexte dans
lequel S. Royal a mené sa campagne en 2006-2007. Elle
expose là les stéréotypes sexistes dont elle dit avoir alors
été victime et dont sont victimes nombre de femmes dans le
cadre de leurs activités professionnelles. Elle décrit un monde
masculin où sa présence semble incongrue. Elle témoigne
du procès en incompétence dont elle a pu faire l’objet ainsi
que des dénigrements concernant son parcours ou le choix
de sa candidature. Or, S. Royal précise que son parcours n’a
Points communs des parcours de S. Royal et de C. Lagarde
- La formation dans le cadre de grandes écoles.
- L’exercice de fonctions ministérielles.
- L’exercice de fonctions à l’échelle internationale.
- Une vision féminine de l’action publique et de l’engagement personnel.
rien à envier à celui de nombreux politiciens puisqu’elle a
connu la même formation, la même trajectoire et les mêmes
expériences. Ce témoignage illustre bien les difficultés qui sont
celles rencontrées par les femmes dans le monde politique et,
au-delà, dans le monde du travail.
Les documents 5 et 6 témoignent des engagements de
C. Lagarde dans le cadre de ses missions de directrice du FMI.
Le document 5 est une photographie permettant de préciser à la
fois la stature internationale de C. Lagarde en tant que directrice
du FMI. Elle illustre aussi la capacité qui est la sienne de participer
au développement de l’Afrique, notamment en rencontrant ses
principaux acteurs économiques privés y compris des femmes
dirigeantes. C’est là un moyen de promouvoir la cause des femmes
dans des pays où celles-ci ont un rôle mineur.
La participation des femmes à l’économie est un engagement
important de C. Lagarde, comme en atteste le document 6.
Celle qui est présentée comme « la femme la plus puissante du
monde » selon Forbes, entend placer la cause des femmes au
sein des économies dans le monde comme une priorité. Selon
elle, dans le cadre du FMI, il y de vrais leviers à actionner, via le
développement économique des États dans le monde, pour
promouvoir la cause des femmes, assurer davantage d’égalité
et lutter contre les discriminations et les violences.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : S. Royal précise alors que cette candidature est
à situer dans le cadre d’une expérience et d’un parcours de
plus de 25 ans. Ceux-ci, avec leurs réussites et leurs échecs,
lui ont permis d’assumer différentes fonctions électives et
ministérielles, de bâtir des réseaux et de maîtriser à la fois de
nombreux dossiers et aussi le fonctionnement des institutions.
Elle précise que cela s’est fait en parallèle de la construction
d’une vie personnelle assumée. Ce parcours est, selon elle,
différent du parcours habituel mené par des hommes qui n’ont
eu à gérer que leur carrière dans un monde fait par et pour des
hommes. Elle revendique donc aussi une certaine légitimité
basée sur la nécessité de changer les habitudes et les certitudes.
Question 2 : L’engagement de C. Lagarde, au-delà des missions
traditionnelles du directeur du FMI, est aussi guidé par la volonté
de faire avancer la cause des femmes à l’échelle mondiale. À ce
poste, elle estime aussi avoir pour mission de promouvoir le rôle
des femmes dans le développement économique, comme c’est
le cas lorsqu’elle rencontre des femmes influentes au Cameroun
en 2016. Elle pense également que les accords passés par le
FMI avec les États partenaires doivent permettre d’inciter ces
derniers à prendre en considération la nécessité de favoriser
l’égalité homme- femme et de lutter contre les discriminations.
Elle porte ainsi la conviction que le développement économique
doit permettre d’améliorer la condition féminine dans le monde.
Question 3 :
Différences des parcours de S. Royal et de C. Lagarde
- Des itinéraires différents : S. Royal connaît une carrière politique
traditionnelle alors que C. Lagarde vient de la société civile et n’exerce que
ponctuellement une fonction politique.
- Des engagements différents : S. Royal a développé davantage d’appétences
pour les sujets environnementaux alors que C. Lagarde s’investit davantage,
via ses missions au FMI, pour l’émancipation des femmes.
Chapitre 11 • La République française 231
 Bilan Il convient d’abord de revenir sur la formation de ces
deux femmes. Elles ont en commun d’avoir étudié dans de
grandes écoles. Toutefois, leurs parcours divergent ensuite. Si
S. Royal connaît un parcours politique traditionnel qui l’amène à
fréquenter les ministères avant d’exercer des fonctions électives
et ministérielles, le parcours de C. Lagarde est celui d’une
personne issue de la société civile qui vient tardivement à la
politique. Ce sont ses compétences en matière économique
et du droit des affaires qui font d’elles une ministre avant
d’entamer une carrière internationale dans le cadre du FMI.
S. Royal, pour sa part, suit une forme de cursus traditionnel
qui l’amène, en 2007, à se présenter à l’élection présidentielle.
Ces deux parcours sont intéressants pour comprendre à la
fois leur originalité, leurs difficultés mais aussi la spécificité
des engagements de deux femmes au sein de la République
depuis les années 1990.
Parcours 2
On peut reprendre une partie des éléments développés dans
le cadre du bilan du parcours 1. C’est le parcours de S. Royal,
et la diversité de ses fonctions et de ses expériences, qui
fondent la légitimité de ses engagements politiques. En ce
qui concerne C. Lagarde, c’est davantage un parcours et une
expertise professionnelle qui doivent être mis en avant. Ce sont
bien ses compétences d’avocate et sa connaissance du monde
économique qui sont privilégiées dans ses choix de carrière. Le
parcours de C. Lagarde peut s’observer à l’aide d’une triple grille de
lecture. Sur le plan professionnel, cette avocate, spécialisée dans
le droit des affaires, connaît une réussite remarquable car elle est
la première femme à prendre la tête d’un des cabinets les plus
renommés dans ce domaine. Dans les années 2000, sur le plan
politique, ses compétences lui permettent d’occuper différents
postes ministériels importants et elle devient la première femme
à être ministre de l’Économie et des Finances. Enfin, sur le plan
international, la carrière de C. Lagarde se poursuit au FMI puis à
la BCE. Tout au long de sa carrière, ses différents engagements
lui permettent de faire progresser la cause des femmes.
Étude p. 348-349
Depuis les années 1990, les évolutions
des conceptions de la famille
Problématique : Comment la République accompagne-t-elle
les mutations de la famille depuis les années 1990 ?
L’étude présente l’évolution et l’affirmation de nouveaux droits
concernant la famille au sein d’une société qui se modernise
rapidement à partir des années 1990. Ceux-ci ne vont pas sans
causer des débats ou des tensions.
Les documents de cette étude sont choisis pour évoquer
des revendications sociales qui font émerger de nouveaux
droits. Ceux-ci nécessitent des évolutions constitutionnelles
et juridiques qui adviennent au terme de débats, voire de
tensions, au sein de la société. On peut opter pour le traitement
de l’ensemble des documents à l’aide du parcours 1 de la
page 215. Si le temps manque, on peut se concentrer plutôt
sur les documents 2, 3, 4 et 5 pour insister sur les évolutions
de la pratique du mariage et les nouveaux droits qui y sont
associés depuis les années 1990.
232
Le document 1 est de nature juridique puisqu’il présente les
articles du Code civil accompagnant les évolutions du droit
au mariage depuis 1999. L’article 515 définit le Pacte civil de
solidarité (PACS). Celui-ci est un contrat conclu entre deux
personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour
organiser leur vie commune. Il constitue, avec le mariage, une
des deux formes d’union civile. Depuis 2017, il est du ressort des
mairies. L’article 143 de la loi de 2013 vient quant à lui codifier
la possibilité pour un couple du même sexe de contracter un
mariage civil.
Inévitablement, ces nouveaux droits ne sont pas sans effets sur
les évolutions du mariage en France (document 2). Au cours
de ces dernières années, une baisse du nombre de mariages
a été observée. Selon l’Insee, elle est essentiellement due à un
moindre nombre de mariages de couples de sexe différent.
Si, depuis 2013, les mariages entre personnes du même sexe
sont rendus possibles, avec un pic en 2014 (plus de 10 000),
ceux-ci sont stables depuis 2015 (environ 7 000 par an). En fait,
c’est le nombre de PACS qui augmente le plus régulièrement,
notamment depuis 2011-2012, tant pour les couples de sexe
différent que pour les couples de même sexe.
Le document 3 donne quelques éléments d’explication au
succès du PACS auprès de nombreux couples. Au-delà de
considérations plus personnelles, le PACS apporte des réponses
concrètes sur le plan des démarches bancaires, administratives
ou fiscales aux attentes et aux besoins de nombreux couples.
Plus prosaïquement, la simplicité de la démarche qui, depuis
2017 peut s’effectuer en mairie, attire également même si pour
certains, le PACS est aussi une première étape avant de penser
à un mariage en bonne et due forme. On voit donc que les
motivations liées au PACS sont diverses et variées.
Pourtant, comme en attestent les photographies des documents
4 et 5, ces nouveaux droits entraînant des évolutions de la
Constitution et du Code civil génèrent des débats au sein de
la société. Le début de l’année 2013 a été marqué par des
manifestations en faveur (document 5) ou contre le projet de
loi dit du « mariage pour tous » (document 4). Elle voit se diviser
profondément la société entre les tenants d’une union autorisée
pour les couples de même sexe et ceux qui s’y opposent. À
cette occasion, le collectif d’associations « La Manif pour tous »
organise le plus important mouvement d’opposition à la loi du
23 avril 2013. Les revendications du collectif vont cependant plus
loin puisque, à l’opposition au mariage homosexuel, s’ajoutent
l’opposition à l’homoparentalité ou la défense de la famille. Au
sein de ce collectif se retrouvent de nombreuses associations
religieuses, notamment liées au catholicisme, proches de la droite,
voire de l’extrême droite, même si le mouvement se présente
comme non politique ou religieux.
Le document 6, extrait d’un article du magazine Les Collections
de L’Histoire, évoque justement une des conséquences de
l’évolution du mariage et de l’union entre adultes. Le principe
de l’indissociabilité est rompu et il s’est déplacé vers celui de la
filiation. Se pose ainsi la question du droit à avoir des enfants
pour tout couple désireux d’en avoir. Or, le PACS et le mariage
pour tous posent la question de la PMA ou de la GPA comme
moyen d’avoir des enfants, y compris pour les couples de
même sexe. Une loi bioéthique, toujours en discussion en 2020,
doit permettre à terme de nouvelles évolutions juridiques et
constitutionnelles pour apporter des réponses à ces questions
désormais importantes.
Réponses aux questions :
Parcours 1
Question 1 : Durant les années 2000-2010, on constate que
de moins en moins de couples sont attirés par le mariage
traditionnel. En effet, bien que les couples de sexe différent et
les couples de même sexe aient le droit de s’unir, le nombre de
mariages est en baisse constante depuis les années 1980. Le
droit au mariage pour les couples du même sexe a été acquis
en 2013, permettant ainsi aux couples homosexuels de s’unir
au-delà du PACS qui est davantage un contrat. Toutefois, malgré
l’obtention de ce droit, le nombre de mariages de couples de
même sexe est resté relativement stable depuis 2013, tandis que
le nombre de PACS augmente. Ce dernier doit son succès, pour
les couples hétérosexuels comme homosexuels, à la simplicité
de sa procédure (il peut être contracté dans les mairies depuis
2017) et aux avantages réels qu’il confère.
Question 2 :
Intérêt Social
- Normaliser une vie en couple.
- Démarche plus simple que le mariage.
Exemple - La simplicité et la rapidité d’une
démarche effectuée à la mairie.
Question 3 : Les évolutions liées au mariage sont sources
d’importants débats au sein de la société. Ceux-ci ont conduit
à de fortes tensions en 2012-2013 alors qu’était discutée, puis
votée et promulguée, la loi permettant le mariage de personnes
du même sexe. Les documents 4 et 5 permettent d’évoquer la
polarisation de la société autour de cette loi. Si le « mariage pour
tous » a des défenseurs chez les citoyens et les élus, il a aussi
de nombreux détracteurs. Ceux-ci expriment leur opposition
notamment à travers des associations regroupées dans le
mouvement « La Manif pour tous » qui parvient à mobiliser des
centaines de milliers de personnes lors de ses manifestations.
Le document 6 évoque un des effets concrets de l’évolution
du mariage en France. Dès lors que celui-ci est ouvert à tous
les couples se pose la question de la filiation et de la capacité,
pour n’importe quel couple, à pouvoir adopter ou concevoir
des enfants. Depuis quelques années, le recours à la PMA ou la
GPA pour les couples du même sexe est une autre revendication
formulée auprès du législateur.
Bilan Les élèves tentent de montrer que la République a
su évoluer sur le plan juridique et sur le plan constitutionnel
pour apporter des réponses aux questions qui lui sont posées
en ce qui concerne la revendication de nouveaux droits. Le
Code civil a été révisé afin d’incorporer ceux-ci. Néanmoins,
l’affirmation de ces droits et du principe d’égalité ne va pas
sans poser problèmes. Les élèves doivent présenter, à l’aide
des documents 4, 5 et 6, quelques éléments des débats qui
accompagnent ces évolutions. Ils attestent que ceux-ci peuvent
heurter une partie de l’opinion et doivent sans cesse être
rappelés et réaffirmés.
Parcours 2
1999 : création du Pacs > contrat
Baisse du nombre de
pour les couples de sexe différent
mariages traditionnels.
ou du même sexe.
Depuis les années 1990, des droits
nouveaux pour la famille
Revendication de nouveaux
2013 : autorisation du droits ➔ diffuser l’usage de la PMA
mariage des couples du et de la GPA au-delà des couples
même sexe. de sexe différent ne pouvant avoir
d’enfant.
Financier Symbolique
- Faciliter les démarches pour contracter - Consolider ou officialiser une relation.
des prêts immobiliers. - Le PACS donne droit à des congés.
- Faciliter les démarches de succession ou
d’héritage en cas de décès.
- Bénéficier d’exemptions fiscales.
Leçon 2 p. 350-351
La République s’adapte aux évolutions
de la société
Problématique : Comment, depuis les années 1990, les
idéaux républicains sont-ils réaffirmés afin de correspondre
aux mutations de la société ?
La leçon vise à montrer comment la République française, tout
en réaffirmant ses principes fondateurs, envisage les évolutions
constitutionnelles et juridiques pour répondre aux évolutions
sociales et sociétales. Les années 1990-2000 sont celles de
profondes mutations qui bouleversent les cadres économiques,
sociaux, politiques et culturels de la société. Dans ce contexte,
celle-ci évolue vers l’affirmation et la revendication de droits
nouveaux, notamment en termes d’égalité, dans différents
domaines comme la famille, les nouvelles formes d’union entre
adultes ou l’égalité homme- femme. Si la République s’efforce de
s’adapter sur le plan constitutionnel ou juridique, les débats sont
importants au sein d’une opinion publique divisée. L’affirmation
de nouveaux droits alimente des tensions, et les institutions
peinent parfois à apporter des réponses claires. La République
est ainsi sans cesse obligée de réaffirmer ses principes et de
se réinventer tout en combattant pour davantage de liberté
et d’égalité et donc de fraternité.
Notions importantes : La leçon permet de revenir sur la
nécessaire adaptation de la République pour réaffirmer son
principe fondateur d’égalité dans un contexte où s’élèvent
des revendications portant sur l’obtention de nouveaux
droits. Ainsi, les combats du féminisme visent à (ré)affirmer
les droits des femmes, notamment le droit à toujours plus
d’égalité dans tous les domaines de la vie civile, civique et
quotidienne. Ces revendications ont également pour toile de
fond la libéralisation des mœurs qui, depuis les années 1990,
Chapitre 11 • La République française 233
 a profondément marqué l’émancipation sexuelle des femmes
et l’affirmation de l’égalité des sexes.
SCHÉMA BILAN Le schéma revient sur les moteurs et les
acteurs des adaptations de la République aux évolutions
de la société. La principale dynamique est l’entrée de cette
dernière dans le « monde moderne ». Celui-ci peut d’abord être
caractérisé par un contexte économique et social qui, depuis
les années 1990, est marqué par sa fragilité à un moment où
la société connaît de profondes mutations notamment liées à
la libéralisation des mœurs. Ces éléments sont les moteurs de
grandes transformations de la société mais aussi de profondes
divisions en son sein. Face à l’affirmation de nouveaux droits,
ou à la nécessité de réaffirmer certains principes, la République
s’efforce de s’adapter pour accompagner au mieux ces
mutations. Ainsi, en se réformant sur le plan constitutionnel
et juridique, elle tente d’apporter des réponses concrètes en
accordant de nouveaux droits, permettant ainsi l’évolution de
certaines pratiques sociales (le mariage) ou le renforcement
du principe d’égalité tout en luttant contre toutes les formes
de discrimination.
CTIVITÉ NUMÉRIQUE
On peut par exemple choisir les thèmes suivants : « vie publique »,
« vie professionnelle » et « vie intime ». Avec le premier thème, les
vidéos permettent de montrer la féminisation croissante, mais
lente, de l’Assemblée nationale, l’entrée de deux résistantes au
Panthéon ou l’affirmation d’un nouveau féminisme. Elles sont
l’occasion de faire réfléchir sur la notion de parité sur le plan
de la vie civique. Dans le thème de la « vie intime », les vidéos
de S. Aram ou Natoo sont l’occasion, sur un ton humoristique
et décapant, d’évoquer les principaux stéréotypes concernant
les femmes et leur intimité. Enfin, on peut en effet parachever
ce parcours avec les vidéos de 2011, 2012 et 2013 évoquant
l’évolution de la place des femmes au sein du monde de travail.
Ces différentes thématiques permettent bien de faire le point
sur la situation des femmes dans différents domaines dans les
années 2000. C'est l'occasion d'insister sur le fait que l'affirmation
selon laquelle il y a davantage d'égalité grâce aux évolutions
constitutionnelles et juridiques se heurte à la réalité des faits.
Pourtant, ces revendications permettent une vraie prise de
conscience de la nécessité d’agir, afin de lutter efficacement contre
le harcèlement, le sexisme et les violences faites aux femmes.
Autre support Une bande dessinée p. 352
L’Histoire de la Ve République de Thomas Legrand et
François Warzala.
Les vignettes extraites de la BD (document 2) permettent
d’évoquer la réforme constitutionnelle de 2008 voulue par le
président Sarkozy et concernant l’article 16 de la Constitution
de 1958. Dans cette discussion fictive entre le personnage
principal et le constitutionnaliste Guy Carcassonne, on
prend connaissance de la procédure qui permet de réviser
la Constitution afin de, dans ce cas précis, réformer l’article
qui confère au président de la République en cas de crise des
« pouvoirs étendus » ordinairement exclus de ses prérogatives
et qui, à son origine, a soulevé de nombreuses questions
(document 1).
234
Réponses aux questions :
Question 1 : La Constitution de 1958, élaborée dans le contexte
de la guerre d’Algérie mais aussi avec le souvenir de la « crise
épouvantable » (C. de Gaulle) de 1940, prévoit, avec l’article
16, d’accorder des pouvoirs exceptionnels au président de la
République afin de garantir « un fonctionnement régulier des
pouvoirs de la République » (C. de Gaulle). Même si cette situation
est contrôlée par le Parlement et le Conseil constitutionnel,
une telle disposition a fait l’objet d’intenses débats en 1958.
En effet, le fait de confier des pouvoirs exceptionnels au seul
président, d’autant plus sachant qu’il s’agissait d’un militaire,
dans un contexte où la vie démocratique est gelée, a nourri les
critiques et les oppositions de nombreux spécialistes du droit
constitutionnel, ainsi que de nombreux politiques comme le
futur président de la République François Mitterrand. Notons
que celui-ci, une fois élu, ne revient pas sur cet article.
Question 2 : Jusqu’à présent, l’article 16 n’a été appliqué
qu’une unique fois, du 23 avril au 29 septembre 1961 après
une tentative de coup d’État militaire en Algérie, comme le
relate la quatrième vignette de la planche présentée. On voit
apparaître le président de Gaulle en uniforme qui se présente
en tant qu’homme d’État et que chef des armées, s’exprimant
d’une part à la nation, de l’autre aux armées. Dans ce contexte,
le général de Gaulle, sans discussion parlementaire, décrète
d’abord l’état d’urgence puis décide d’appliquer l’article 16. Il
est important de rappeler que, conformément à la Constitution,
le président ne peut recourir à cet article pour réviser cette
dernière ou dissoudre l’Assemblée nationale ou le Parlement.
Question 3 : Avec les trois premières vignettes est précisé le
sens de la réforme constitutionnelle de 2008. L’article 16 avait fait
l’objet de quelques débats durant la campagne présidentielle de
2007. Les candidats F. Bayrou et S. Royal avaient même annoncé
sa suppression s’ils étaient élus. La révision constitutionnelle
de 2008 prévoit désormais que le Conseil constitutionnel
contrôle la nécessité de maintenir en vigueur les pouvoirs
exceptionnels du président. Deux cas de figure peuvent se
présenter. La première possibilité est que le président de la
République est saisi au bout de 30 jours par le président de
l’Assemblée nationale, le président du Sénat, 60 députés ou
sénateurs afin d’étudier si les conditions de l’application de
l’article sont toujours réunies. Le Conseil constitutionnel émet
ensuite un avis public. La seconde possibilité est qu’au bout
de 60 jours d’application de l’article 16, et à tout moment au-
delà de cette durée, le Conseil constitutionnel, de plein droit,
procède à l’examen des conditions d’application de l’article 16.
Les avis du Conseil constitutionnel s’imposent alors, selon les
termes de la Constitution, au président de la République.
Réaliser une carte mentale de synthèse p. 353
La République française depuis les années 1990 :
■ Un régime stable :
– La Constitution de 1958 s’est adaptée aux évolutions de la
vie politique française (alternances, cohabitations)
– La Constitution de 1958 a été réformée pour répondre
aux attentes en termes de gouvernance et améliorer le
fonctionnement des institutions
– Une stabilité et des adaptations sur fond de contestation
et de crise de confiance de l’opinion publique
■ Un régime capable de s’adapter :
– Depuis 1958, la Constitution a été révisée de nombreuses
fois
– Depuis les années 1990, les révisions se sont multipliées
afin d’adapter la Constitution
– L’article 89 précise les modalités de révision de la Constitution
■ Réaffirmer des droits et des principes fondamentaux :
– Adapter le fonctionnement des institutions pour plus
d’efficacité (l’organisation décentralisée de la République)
– Répondre aux attentes de l’opinion publique attachée au
rôle et à la place de l’État
– Réaffirmer des principes républicains (loi de 2004 sur les
signes religieux à l’école)
■ S’adapter aux évolutions de la société :
– Accompagner et répondre aux attentes liées à la libéralisation
des mœurs
– Réaffirmer le principe d’égalité (parité) et créer de nouveaux
droits (PACS, mariage pour tous, etc.)
– S’adapter et évoluer en tenant compte des débats au sein
de la société française
Exercice BAC p. 353
Réponse à une question problématisée
Les sujets de cette page sont des sujets d’entraînement.
Comment la Ve République répond-elle aux
SUJET 1
nouveaux enjeux sociétaux depuis les années 1990 ?
La Ve République est née en 1958, elle est donc bien établie dans
les années 1990. Ses principes fondamentaux sont ceux de la
devise « Liberté, égalité, fraternité » mais aussi la démocratie
et la laïcité. Ils sont garantis par la Constitution et la loi.
Le terme « sociétal » se rapporte aux différents aspects de la
vie en société des individus, faisant référence à l’évolution des
mœurs et des habitudes de vie. Il se distingue du terme « social »
souvent circonscrit aux conditions de vie aux conditions
matérielles des individus. Ces enjeux sociétaux peuvent être la
place des femmes et des immigrés dans la société, les nouveaux
modèles familiaux, la pratique croissante de l’islam, etc.
De telles questions sont nouvelles et émanent d'évolutions
de la société auxquelles la loi ne s'est pas encore adaptée
(libéralisation des mœurs, crainte des divisions au sein de la
société, apparition de nouvelles revendications).
Ce sujet a pour borne chronologique basse « depuis les années
1990 », ce qui pose un point de départ correspondant au
moment de l’amplification des changements de la société
française amorcés dans les années 1960. Le terme « depuis »
indique que le sujet doit s’entendre jusqu’à nos jours.
Les lois qui répondent à ces nouveaux enjeux sont de trois
types : accompagnement des mutations sociales en accordant
de nouveaux droits (PACS en 1999, mariage pour tous en
2003), lutte contre les discriminations envers divers groupes
sociaux (loi sur la parité en 1999, loi sur la PMA en 2019), mais
aussi réaffirmation des principes républicains (loi sur la laïcité
à l’école en 2004).
Ces nouveaux droits accordés et les lois en faveur de l’égalité
et de la laïcité n’ont pas résolu toutes les difficultés. Il reste
des débats en suspens comme la GPA. L’application de ces
nouveaux droits peut susciter des divisions.
Pistes pour la rédaction de l’analyse
En introduction, l’élève explique que les mutations sociales
interrogent de plus en plus le pouvoir politique, au-delà de la
question sociale, car ces enjeux sont sociétaux. Il annonce la
question problématisée puis formule son plan.
Plan possible
1. Les évolutions sociales font naître de nouvelles
revendications
A. La famille se transforme, la place de la femme change
B. La société devient de plus en plus multiculturelle
(immigration, poids croissant de la religion musulmane qui
devient la seconde religion en France)
C. Une visibilité plus grande des minorités sexuelles (le
mouvement LGBTQI)
2. Il est nécessaire d’adapter la législation à ces nouvelles
revendications
A. L’État accompagne les changements du modèle familial
avec la libéralisation des mœurs
B. Lutter contre les inégalités homme-femme
C. Réaffirmer le principe de laïcité
3. Mais ces mutations ne sont pas toujours acceptées
A. Des réactions de rejet (lors de la loi sur le PACS et le mariage
pour tous)
B. La lutte contre les discriminations est toujours en cours
(violences sur les femmes et féminicides, discriminations
diverses, action des associations)
En conclusion, l’élève fait le bilan en récapitulant les réponses
de la Ve République pour garantir ses valeurs par rapport aux
enjeux sociétaux. Il peut souligner que l’environnement devient
un enjeu essentiel pour la République depuis les années 1990.
SUJET 2 En quoi les réformes institutionnelles
transforment-elles la manière de gouverner la France ?
Depuis le début des années 2000, la France a connu plusieurs
réformes institutionnelles : réforme sur le quinquennat et
loi sur la parité en 2000, lois de 2003 et 2014-2015 sur la
décentralisation, révision constitutionnelle de 2008. Les
domaines concernés par ces réformes sont les rapports entre
les institutions, la gouvernance et la meilleure représentativité
des citoyens.
Ces réformes institutionnelles ont comme conséquence une
modification du rôle de l’État central qui doit partager ses
prérogatives avec les collectivités locales dans le cadre de la
décentralisation. Elles transforment l’exercice du pouvoir en
répondant aux attentes des Français et aux évolutions politiques
de la Ve République (cohabitation notamment).
Ces réformes institutionnelles ont modifié les rapports entre les
différents pouvoirs et institutions de la République mais visent
également à réaffirmer ses principes fondateurs (démocratie,
égalité).
Ces mesures n’ont pas forcément réduit les débats et
contestations vis-à-vis du système de la Ve République qui
Chapitre 11 • La République française 235
 portent – entre autres – sur les dépenses de l’État, ni enrayé la
crise de confiance envers le fonctionnement des institutions, qui
se traduit par la poussée de partis populistes et de mouvements
sociaux.
Le sujet débute avec les réformes constitutionnelles sur la parité
en 1999 pour permettre une meilleure représentativité des
femmes dans la vie politique qui furent mises en application
lors des scrutions du début des années 2000, mais aussi sur
le passage du septennat au quinquennat qui devait éviter les
cohabitations, perçues comme une paralysie des institutions.
Le terme « France » rassemble l’ensemble des Français qui ont
des attentes mais évoque aussi les territoires locaux, à dissocier
des institutions centrales.
Pistes pour la rédaction de l’analyse
En introduction, l’élève explique que sous les années Mitterrand
entre 1981 et 1995, la situation de cohabitation a pu apparaître
comme une situation de paralysie dans la vie politique, appelant
à des réformes constitutionnelles pour renouveler le système
de la Ve République née en 1958. Il annonce la question
problématisée puis formule son plan.
Plan possible
1. Les réformes institutionnelles doivent permettre de rajeunir
la Ve République
A. Améliorer le fonctionnement des institutions : loi sur le
quinquennat en 2000, réforme constitutionnelle de 2008
B. Favoriser une meilleure représentativité des citoyens :
parité en 1999, non cumul des mandats en 2014
C. Mais toutes ces réformes ne peuvent résoudre la crise de
confiance dans le politique
2. Les réformes conduisent à un gouvernement plus décentralisé
A. Les lois de décentralisation renforcent les pouvoirs locaux :
lois de 2003 et de 2014-2015
B. Mais ce processus est inachevé
En conclusion, l’élève explique que la Ve République s’adapte
pour répondre à ses évolutions politiques et à ses mutations
sociales. Il peut aussi évoquer que la manière de gouverner la
France doit répondre aussi à de nouveaux enjeux européens
et mondiaux vus dans les chapitres précédents.
Exercice BAC p. 354
Analyse d'un document
L’exercice proposé consiste à s’entraîner à construire une analyse
critique d’un document.
Le document est un extrait d’une tribune de François Hollande
dans la presse quotidienne régionale du 3 juin 2014 sur la
réforme territoriale. Dans cette tribune, il présente la réforme
qu’il envisage pour la décentralisation, indiquant qu’il souhaite
renforcer les prérogatives de deux collectivités locales : les
intercommunalités et les régions (future loi NOTRe votée en
2015). Ce texte date du mois de juin 2014, soit quelques mois
après que la loi Maptam promulguée fin janvier clarifie les
compétences de chacune des collectivités territoriales et crée
le statut de Métropole, nouveau type d’intercommunalité pour
les agglomérations de plus de 400 000 habitants.
La consigne : Après avoir montré en quoi la décentralisation
s’inscrit dans les évolutions de la Ve République, présentez les
buts de l’approfondissement proposé en 2014 avant de préciser
si les objectifs fixés ont été atteints.
L’analyse du document constitue le cœur de votre travail
mais nécessite, pour être menée, la mobilisation de vos
connaissances.
Cette consigne invite l’élève à s’appuyer sur ses connaissances
personnelles afin de montrer les ambitions du président de la
République, François Hollande, pour la réforme territoriale, et
à préciser si les objectifs annoncés ont été réalisés.
Étape 1 : Pour présenter le document, précisez la fonction
de son auteur en 2014
Le document est un extrait d’une tribune parue dans la presse
régionale du 3 juin 2014, écrite par François Hollande, président
de la République socialiste, élu depuis 2012. Dans cette tribune,
il présente la réforme de la décentralisation qu'il envisage.
Étape 2 : Aidez-vous des questions suivantes et de
connaissances pour expliquer les éléments prélevés dans

La décentralisation – Les lois de décentralisation de 1982 (« acte 1 » de la décentralisation) font disparaître la tutelle exercée par le préfet sur
s’inscrit dans les les collectivités locales, le contrôles des actes de ces dernières se fait a posteriori et non a priori. L’État transfère des compétences
évolutions de la aux communes, départements et régions. La région devient en outre une collectivité locale à part entière.
Ve République – La décentralisation est inscrite dans la Constitution en 2003 (« acte 2 » de la décentralisation). Dans l’article 1 de la Constitution est
inscrit le principe selon lequel l’organisation de la République française « est décentralisée ».

Les objectifs de la – Cette nouvelle étape de décentralisation a lieu dans un contexte de modernisation de l’action publique. En janvier 2014, la loi
réforme de 2015 Maptam promulguée fin janvier clarifie les compétences de chacune des collectivités territoriales et crée le statut de Métropole,
nouveau type d’intercommunalité pour les agglomérations de plus de 400 000 habitants.
La réforme de 2015 porte le nom de loi NOTRe, Nouvelle organisation territoriale de la République.
– La réforme conduit à un renforcement des pouvoirs des régions (notamment dans le domaine économique) et
des intercommunalités, le département restant l’échelon de la solidarité. De plus, la carte des régions, remodelée en 2014,
accompagne ces changements.

Ces objectifs ont-ils La volonté de simplification voulu par le président Hollande ne s’est pas totalement réalisée. Les élus locaux déplorent que si
été atteints ? les compétences ont été transférées, les moyens alloués pour les financer ne sont pas suffisants. Il souhaitait aussi une réduction
du nombre d’élus des assemblées des collectivités locales mais face à la fronde des élus locaux, il doit reculer. De plus, il faut
souligner que les doublons en matière de compétences entre État et collectivités locales existent encore.

236
le texte
Pistes pour la rédaction de l’analyse
L’élève peut souligner en introduction que la décentralisation,
qu’il définit, s’insère dans un ensemble de réformes
institutionnelles qui modifient la gouvernance de la République
française. Il peut présenter le document puis annoncer les
axes du plan.
L'élève rédige son analyse en s’appuyant sur le plan proposé
dans la consigne qui suit l’argumentation du texte présenté.
L’élève s’aide du tableau pour rédiger.
En conclusion, l’élève fait le bilan en précisant que le processus
de décentralisation qui s’effectue par étapes depuis les années
1980 est encore inachevé et que le « mille feuille territorial »
caractérise encore l’organisation de la République décentralisée.
Il peut signaler que ce mouvement s’inscrit dans les critiques
émises sur la place et le rôle de l’État central.
Exercice BAC p. 355
Analyse d'un document
L’exercice proposé consiste à s’entraîner à construire une analyse
critique d’un document.
Le document est un ensemble de statistiques concernant les
femmes et la vie politique locale en Nouvelle-Aquitaine, parues
sur le site d’informations Aquitaineonline le 18 mars 2019. Il
permet d’appréhender la place des femmes dans la vie politique
non seulement à l’échelle locale mais aussi à l’échelle nationale,
car les éléments présentés dans le document débordent le
cadre local de la région Nouvelle-Aquitaine.
La consigne : Analysez le document pour identifier les progrès
et les limites de l’application de la parité dans la vie politique.
L’analyse du document constitue le cœur de votre travail, mais
nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
La consigne doit conduire l’élève à présenter les progrès des
femmes dans la vie politique depuis la loi sur la parité, mais
aussi à préciser que l’égalité reste encore largement à réaliser
dans ce domaine.
Réponses aux aides
La loi sur la parité date de 1999, elle rentre en application dès
les premiers scrutins au début des années 2000. Elle prévoit un
« égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux
et fonctions électives ». Ce sont aux partis politiques de la mettre
en œuvre, ils doivent respecter l’égalité des candidatures pour
les scrutins de liste et prévoir une alternance des candidats de
chaque sexe sur les listes.
L’égalité homme-femme progresse le plus dans les assemblées
des collectivités locales comme les communes ou les fonctions
de maires. Même si le document n’y fait pas référence, les
femmes représentent près de la moitié des conseillers régionaux
et départementaux. Elles sont moins nombreuses cependant
dans les conseils communautaires. On peut souligner la
différence entre les communes de moins et de plus de 1 000
habitants. Cette situation s’explique par le fait que, dans
les communes de moins de 1 000 habitants, la loi n’est pas
contraignante.
Les femmes sont plus souvent maires de petites communes car
il existe, comme dans le monde du travail, un plafond de verre.
Les deux groupes de représentants politiques indiqués sur les
documents sont les députés et les sénateurs. Tous deux sont
issus de la représentation nationale. Les premiers sont élus
au suffrage universel direct, les seconds au suffrage universel
indirect par les grands électeurs. Tous deux participent au
travail législatif en débattant et en s’exprimant par un vote sur
un projet de loi du gouvernement ou une proposition de loi
de la part d’un autre député. Ils assurent en outre un travail
de contrôle du gouvernement. Les femmes sont moins bien
représentées que les hommes dans les deux assemblées. On
peut cependant faire observer les progrès réalisés depuis
l’adoption de la loi sur la parité à l’aide du document 5 p. 345.
La loi sur la parité n’est pas forcément bien appliquée par les
partis politiques. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer. Tout
d’abord, la politique est faite par et pour les hommes ce qui a
comme conséquences que les élues s’engagent moins, elles
rencontrent plus de difficultés au cours de leur mandat à cause
de la misogynie et de l’hostilité qu’elles peuvent rencontrer au
quotidien. Si l’Assemblée nationale se féminise, certains partis
politiques préfèrent payer des pénalités plutôt que d’investir
des femmes à la place des députés sortants. La secrétaire d’État
à l’Égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa,
veut durcir les règles du non-respect de la parité aux élections
législatives. Son projet est de multiplier par 5 les pénalités que
les partis politiques devraient payer s’ils ne se conforment pas
à la loi. On peut aussi prendre l’exemple de Ségolène Royal,
candidate pour le parti socialiste, pour la présidentielle de 2007,
critiquée même au sein de son camp et devant défendre sa
position en insistant sur son expérience dans le vie politique
depuis le premier mandat de François Mitterrand.
Pistes pour la rédaction de l’analyse
En introduction, l’élève peut expliquer que si les femmes
obtiennent le droit de vote et sont éligibles au même titre
que les hommes en 1944, elles restent encore très minoritaires
parmi les élus. Ce n’est que dans les années 1990, qu’il apparaît
nécessaire de permettre une meilleure représentation des
femmes dans le monde politique aboutissant à la loi sur la
parité en 1999. Il présente le document et annonce le plan
de son analyse.
Plan possible
1. Une meilleure représentativité dans les assemblées et
exécutifs locaux
A. De plus en plus de femmes conseillères dans les conseils
des collectivités territoriales et maires
B. L’impact de la loi sur la parité
C. Mais des inégalités subsistent
2. Une représentation moindre dans la vie politique nationale
A. Des députées et des sénatrices moins nombreuses que
les hommes malgré des progrès
B. Des freins qui gênent l’application de la loi sur la parité
En conclusion, l’élève souligne les progrès accomplis par les
femmes dans la vie politique depuis la loi sur la parité mais
aussi les inégalités entre les fonctions locales et nationales.
Il peut ouvrir sur le fait qu’aucune des femmes présentes au
second tour de l’élection présidentielle n’a pu accéder au poste
de chef de l’État.
Chapitre 11 • La République française 237

Auto-évaluation p. 357
OBJECTIF 1
- La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 définit l’organisation
décentralisée de la République française. Le terme de
décentralisation est alors inscrit dans la Constitution et en
devient un principe fondamental.
- Les élections législatives de 1993 se soldent par une victoire
de la droite. F. Mitterrand, qui effectue son second mandat
présidentiel (1981-1988 ; 1988-1995), comme il le fit en 1986,
décide de rester en fonction et de nommer E. Balladur comme
Premier ministre. Celui-ci, issu des rangs de la nouvelle majorité,
forme un gouvernement dont les options politiques ne sont
pas celles du président. C’est la seconde fois que la France
connaît une période de cohabitation.
- En 1999, la Constitution est révisée afin d’y inscrire l’égal accès
des hommes et des femmes aux mandats et fonctions électorales
comme principe républicain. En juin 2000, l’application de celui-
ci est imposée par la loi qui oblige désormais de présenter
un nombre égal de femmes et d’hommes à l’occasion des
scrutins de liste et des élections législatives. Des pénalités
financières sont également prévues pour les partis politiques
ne respectant pas la loi.
- En septembre 2000, à l’initiative du président J. Chirac (1995-
2002 ; 2002-2007), les Français décident par référendum
la réduction du mandat présidentiel de sept à cinq ans.
S’appliquant à lui-même cette réforme constitutionnelle,
J. Chirac est réélu pour le premier quinquennat de l’histoire
de la République française en 2002.
OBJECTIF 2
- Si la parité est bien un principe constitutionnel (1999) inscrit
dans la loi (2000), son application reste incomplète. Que ce soit
dans le domaine professionnel, politique ou domestique, les
inégalités homme-femme restent importantes. Les stéréotypes
et le sexisme restent les moteurs de carrières moins valorisées,
de difficultés à accéder à des postes importants rémunérés à
la même hauteur que les hommes, ou encore de pratiques
ancrées dans les mœurs au sein des couples. Néanmoins,
le principe de parité et les lois le définissant juridiquement
permettent une prise de conscience et les inégalités sont
désormais des éléments importants du débat public. Pourtant,
s’il reste beaucoup à faire, ce débat incite les pouvoirs publics à
agir davantage pour réduire les inégalités. Ils sont également
de plus en plus sensible aux problématiques concernant le
harcèlement et les violences faites aux femmes.
- La création de l’UE (1992) dépasse le seul cadre d’une
communauté économique. Il s’agit de créer un espace politique
nécessitant le transfert de compétences et de souveraineté des
États vers les institutions de l’UE. Ainsi, la Constitution de 1958
doit-elle être révisée de nombreuses fois afin de permettre à la
France de participer à l’intégration européenne. Un nouveau
titre est créé au sein de la Constitution pour prévoir celle-ci.
Au-delà, d’autres réformes juridiques permettent au droit
français d’incorporer le droit européen. Désormais, celui-ci
s’impose à la France et à ses institutions.
- La loi sur la laïcité de 2004 : depuis les années 1990, le principe
de laïcité a été questionné, voire remis en cause, notamment
dans certains établissements scolaires. Pour réaffirmer ce
238
principe et apporter les éléments permettant de répondre
à ces questions, la loi de 2004 vient préciser l’interdiction du
port de signes religieux ostentatoires à l’école.
- La loi sur la décentralisation de 2003 : elle constitue, après les
lois de 1981-1982, le second acte de décentralisation, c’est-à-
dire le transfert de compétences, et de moyens, de l’État vers
les collectivités territoriales. La décentralisation devient un
principe constitutionnel.
- La création du PACS : le Pacte civil de solidarité (PACS) est créé
en novembre 1999. Avec le mariage, il devient l’une des deux
formes d’union civile. Il permet d’organiser la vie commune de
deux personnes majeures de sexe différent ou de même sexe. Il
établit un ensemble de droits et de devoirs au sein des couples
en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine,
d’impôts et de droits sociaux. Depuis 2017, le PACS, comme
le mariage, est du ressort des mairies.
OBJECTIF 3
Notions
Bloc de constitutionnalité : ensemble des textes qui, avec la
Constitution de 1958, définissent les normes constitutionnelles
de la France.
Décentralisation : processus consistant pour l’État à transférer
au profit des collectivités territoriales certaines compétences
et les ressources correspondantes.
Égalité : principe républicain selon lequel aucune différence
de traitement ne doit être faite par la loi entre les citoyens.
Féminisme : mouvement défendant les droits des femmes
dans tous les domaines de la vie – politique, économique,
sociale et sociétale – pour parvenir à l’égalité homme-femms.
Gouvernance : manière de gouverner prenant en compte
l’ensemble des règles et des acteurs qui permettent à l’État
de fonctionner, de décider et d’agir.
Laïcité : principe selon lequel l’État se désengage de la sphère
religieuse en ne favorisant aucune religion, tout en garantissant
le libre exercice des cultes ainsi que la liberté d’expression de
ses convictions.
Libéralisation des mœurs : évolution des comportements
sexuels qui, à partir des années 1960-1970, est surtout marquée
par l’émancipation sexuelle des femmes et l’affirmation de
l’égalité des sexes.
Opinion publique : ensemble des sentiments, des jugements et
des valeurs partagés au sein d’une société à un moment donné.
Parité : principe d’égalité de représentation entre les deux
sexes dans une institution.
Société civile : ensemble des personnes qui n’appartiennent
pas à la classe politique.
Personnages-clés
François Mitterrand (1916-1996)
Président de la République de 1981 à 1995
Jacques Chirac (1932-2019)
Président de la République de 1995 à 2007
Nicolas Sarkozy (1955-…)
Président de la République de 2007 à 2012
François Hollande (1954-…)
Président de la République de 2012 à 2017
Emmanuel Macron (1977-…)
Président de la République depuis 2017
Éléments du cours à retenir
Leçon 1. La République française, un régime stable qui sait
se réformer
- La Constitution de 1958 fait preuve d’une grande capacité
d’adaptation qui garantit sa stabilité malgré les évolutions de
la vie politique française depuis les années 1990.
- La procédure de révision de la Constitution garantit le respect
de la démocratie et permet de répondre à la nécessité de
moderniser la gouvernance, d’améliorer le fonctionnement des
institutions, de faciliter l’intégration européenne ou d’élargir
la décentralisation (2003).
- La République doit aussi réaffirmer ses principes, comme c’est
le cas avec la laïcité (loi de 2004), dans le cadre de débats qui
divise l’opinion publique tout en définissant juridiquement
de nouveaux droits.
- Depuis les années 1990, les évolutions constitutionnelles et
juridiques n’ont pas apporté de réponses durables à la crise
de confiance des Français envers leurs institutions.
Leçon 2. La République s’adapte aux évolutions de la société
- Les années 1990-2000 sont marquées par de profondes
mutations sociales, sociétales et technologiques dans un
contexte politique et économique fragile et incertain. Elles
sont la toile de fonds de ruptures au sein de la société.
- La République accompagne ces évolutions, notamment en
matière de libéralisation des meurs, pour des questions liées à
la famille ou aux droits des femmes. Ces évolutions alimentent
des débats et des tensions au sein de la société.
- La République définit sur le plan juridique de nouveaux droits
pour davantage d’égalité et de liberté concernant les formes
d’union entre adultes (PACS, 1999 ; mariage pour tous, 2013),
l’égalité homme-femme (loi sur la parité, 2000).
- Les nouveaux droits font apparaître de nouvelles revendications
(homoparentalité, lutte contre les discriminations, etc.) qui
nécessitent d’autres réformes constitutionnelles et juridiques
et qui sont autant de combats à venir pour la République.
Savoir expliquer
- La Ve République est un régime stable car, depuis 1958, elle
a su faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et de
souplesse pour accompagner les évolutions politiques et
répondre aux aléas de la vie politique française. Ainsi, depuis
les années 1990, a-t-elle réussi à s’adapter aux alternances et
aux cohabitations.
- Depuis les années 1990, la Constitution a été révisée afin
de réaffirmer ses principes (loi sur la parité, 2004) ou de les
compléter et de les élargir (inscription de la décentralisation
comme principe constitutionnel, 2003). D’autres réformes
ont permis de réaffirmer certains droits (loi sur la parité,
2000) ou d’en créer de nouveaux (création du PACS, 2000). La
Constitution a aussi été révisée pour améliorer ses institutions
(loi sur le quinquennat, 2000) ou pour répondre aux objectifs
de l’intégration européenne.
- Depuis les années 1990, la Ve République a connu de grandes
évolutions constitutionnelles et juridiques pour rendre possible
l’intégration européenne de la France. Des lois constitutionnelles
ont été nécessaires pour fondre le droit européen dans la loi
française. De même, d’autres réformes ont été nécessaires pour
améliorer le fonctionnement des institutions (la décentralisation,
2003 ; le quinquennat, 2000).
- Les années 1990-2000 ont permis l’affirmation de nouveaux
droits sur les plans constitutionnel et juridique. Ceux-ci
permettent de garantir davantage d’égalité entre les femmes
et les hommes (loi sur la parité, 2000) ou d’accompagner la
libéralisation des mœurs sur le plan des unions entre adultes
(PACS, 1999 ; mariage pour tous, 2013) ou de la libération
sexuelle.
Chapitre 11 • La République française 239
Contributeur numérique : Jean-Pierre Costille, lycée Jules-Haag, Besançon (25)
Édition : Julie Avendano
Maquette de couverture et maquette intérieure : Anne-Danielle Naname et David Bart
Mise en pages : Studio Bart
Fabrication : Miren Zapirain et Victor Grimaldi
Stagiaire éditoriale : Lorraine Kleindienst

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ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre
part, que « les analyses et les courtes citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction
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Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français
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sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
 Histoire T
le
Nouveau Bac
Programme
2020

31/6293/7
ISBN : 978-2-01-708815-8