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Introduction

Nul ne peut contester les progrès scientifiques et techniques, ni de même


l’accroissement démographique, auquel la société humaine est parvenue. Ce progrès
« généralisé » a, certes, permis l’amélioration notables des conditions de vie des êtres
humains, toutefois, ce même progrès n’a pas pu épargner des franges importantes de la
population humaines, à travers le globe, de s’enfoncer dans une situation de détresse et
dans une misère sans merci : la richesse créée n’a-t-elle pas été équitablement répartie ?
Comment ce fait-il que des sociétés – Etas – ont plus profité, de ces progrès précités,
que d’autres ? Quels facteurs sont à la base du ``développement´´ de certains pays et pas
d’autres ? Autrement, comment expliquer la situation de « sous-développement »
économique et sociales de certaines sociétés humaines, en référence à d’autres dites
« société développées » ? C’est la, des questionnements qui ont suscité des débats très
controverses entre théoriciens qui se sont focaliser sur l’analyse de la problématique de
``développement´´ sa portée, ses processus et ses finalités.
Par ailleurs, la performance économique d’un pays est plurielle et
multidimensionnelle. Elle peut être analysée par l’étude des indicateurs traditionnels
que sont la croissance du PIB, le taux de chômage, le taux d’inflation, la croissance de
la production industrielle et la balance commerciale.
De même, la qualité de vie est un élément important de la performance économique.
D’abord parce que toute activité économique devrait avoir pour objet d’améliorer le
bien-être des individus, l’économie étant ainsi au service du social. Ensuite, parce que le
système économique a besoin des hommes et de leurs compétences pour fonctionner.
En bref, le ``social´´ est au cœur de ``l’économique´´ et ``l’économique´´ est au cœur du
``social´´. C’est là, la relation dialectique et indissociable à laquelle nous allons porté un
examen et un réflexion « modeste » dans ce cours destiné aux étudiants de niveau S3
(semestre 3) conçu dans le cadre de la licence fondamentale en science économique.
Dans ce cadre, ce cours sera articulé autour des axes objet des chapitres suivants :
Le chapitre I, traite les notions de croissance, de développement et l’articulation entre
les deux concepts.
Le second chapitre, tente d’analyser et de mettre en relief la jonction entre la
performance économique et développement social ; et
Le troisième chapitre, portera sur la ``nouvelle´´ conception de la notion
``développement´´ pour converger vers le fameux concept de ``développement
durable DD´´.

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Chapitre I : Croissance et développement : quelle articulation ?
L’un des objectifs des pouvoirs publics est de mettre en place les conditions
favorisant le développement harmonieux de l’économie, en particulier en assurant le
respect des grands équilibres macro-économiques. Pour mettre en place une telle
politique économique, il est nécessaire qu’ils disposent d’informations sur l’activité
économique.
La mise en place de conditions propices passe par la recherche d’une croissance
soutenue dont il importe de connaître le mécanisme et les facteurs.
La croissance économique entendue comme l’évolution du produit intérieur brut (PIB)
fournit des emplois supplémentaires et permet à l’Etat de mener des actions de
redistributions, de financer les infrastructures nécessaires et d’augmenter les dépenses
d’éducation et de santé et en conséquence réduire la pauvreté.
Section I. La croissance : un impératif pour le ``développement´´.
L’amélioration de la qualité de vie de la population d’un pays donné dépend
essentiellement de son aptitude à générer une croissance économique substantielle. Une
croissance forte et soutenue est une condition sine qua none à tout développement.
A ce niveau, nous allons tenter d’explorer les significations de chacune des notions, de
croissance économique, d’expansion, de développement et de progrès et de mettre en
relief les indicateurs de mesure de la croissance économique et du développement.
SI.1 – La Croissance économique : identification et mesure
I.1.1 Notion d’expansion et de croissance économique :
Par ``Expansion´´ économique, il faut entendre l’augmentation de la production
à court terme. C’est un phénomène conjoncturel, dont le retournement peut aboutir à la
récession.
Par ``Croissance économique´´, on fait référence à un accroissement durant une
longue période d’un indicateur de la performance économique. Elle est mesurée
quantitativement par l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) (ou parfois le
produit national brut : PNB), ou une composante de celui-ci : la production
industrielle. Cependant, cette mesure ne reflète qu’imparfaitement les disparités des
niveaux de richesses effectifs entre les pays.
La croissance économique est recherchée par tous les pays dans la mesure où elle
devrait permettre de restaurer l’équilibre macro-économique, de diminuer le chômage,
de réduire la pauvreté et accroître le bien-être des populations.
 La croissance est dite extensive : lorsqu’elle résulte d’une augmentation quantitative
des facteurs de productions intégrés au sein du processus productif. Ce type
de croissance économique a prédominé durant des siècles. Les quantités de
facteurs de production (travail, terres exploitées) utilisées augmentaient en
fonction des besoins alimentaires des populations. Cette croissance extensive

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n’a toutefois pas entraîné une amélioration significative du niveau de vie des
populations.
 La croissance est dite intensive : lorsqu’elle résulte de l’existence de gains de
productivité. La quantité des facteurs de production est mieux utilisée dans le
processus de production est ainsi mieux employée et mieux gérée.
L’organisation du travail est également améliorée et la main d’œuvre plus
qualifiée… Par conséquent, la production augmente plus rapidement que le
volume des facteurs de production utilisés. Ce type de croissance a conduit à
une réelle augmentation du PIB par habitant au cours du 20e siècle.
 La croissance équilibrée et déséquilibrée : on dit que la croissance économique est
équilibrée quand les grands équilibres (emploi, échanges extérieurs, prix et
finances publiques) sont réalisés. Cependant cette approche de l’équilibre est
nuancée selon les courants de pensée. Les keynésiens ne conçoivent
l’existence d’une croissance équilibrée que comme une situation éventuelle
de croissance. Les néo-classiques considèrent quant à eux que l’existence
d’un déséquilibre est liée à l’intervention dans l’économie d’agents
perturbateurs (Etat, grandes entreprises, syndicats).
I.1.2 – Notions de développement et de progrès :
Le développement désigne l’ensemble des transformations dans les structures
institutionnelles, les changements de mentalités et dans l’organisation d’ensemble de
l’activité économique. Il est donc la transformation des structures démographiques,
économiques et sociales, qui, généralement accompagnent la croissance économique.
On insiste ici sur l’aspect structurel (industrialisation, urbanisation, institutionnalisation,
etc.) et qualitatif (transformation des mentalités, des comportements, etc.) de l’évolution
à long terme.
Selon François PERROUX « Le développement peut être entendu comme l’ensemble
des changements observables dans le système économique et dans le type
d’organisation qui conditionnent la croissance. »
Contrairement à la croissance économique qui représente une augmentation quantitative
de l’activité économique, le développement traduit les changements qui se produisent
au sein de la société, et qui accompagnent les transformations économiques.
Le progrès peut être analysé sous trois aspects :
- Le progrès technique correspond aux inventions dont l’application permet
l’évolution économique ;
- Le progrès social traduit une répartition plus égalitaire des fruits de la
croissance ;
- Le progrès économique consiste à produire plus à un moindre coût. Il peut être
appréhendé comme une évolution ou une amélioration du bien-être à la fois sur
le plan individuel et sur le plan collectif. Il sous-entend l’existence d’un

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processus à long terme qui engendre une augmentation du revenu par habitant,
une amélioration de l’état sanitaire de la population.
Normalement, croissance et développement économiques doivent conduite au progrès
économique.(cette sous section sera développée dans la section suivante Section II)
I.1.3 – La mesure de la croissance et du développement :
La croissance économique est mesurée par l’évolution du produit intérieur brut
(PIB) exprimée sous la forme d’un taux (%) de croissance (t).

t = PIBn - PIBn-1
PIBn-1
× 100

Ce taux est un instrument d’analyse économique qui permet d’analyser l’évolution


d’une même économie dans le temps (comparaison de deux périodes successives) et
d’effectuer des comparaisons internationales (comparaison de deux économies
différentes).
Le développement est une notion qualitative et sa mesure demeure complexe. Elle
résulte généralement d’une comparaison entre pays développé et pays en
développement. Ainsi, il est possible de présenter le développement en faisant appel à
des comparaisons économiques (industrialisation, répartition de la population active),
sociales (répartition des revenus, protection sociale) et sociologiques (éducation,
formation, santé). Depuis quelques années, les organisations internationales ont affiné
leur mesure en mettant en place un indicateur de développement humain (IDH) qui
prend en considération l’espérance de vie, le taux d’alphabétisation et le niveau de vie
par habitant.

SI.2. – Les facteurs de la croissance :


Les miracles économiques de l’après guerre mondiale ont stimulé les recherches
sur de la croissance économique. Elles ont porté d’abord sur les facteurs de la
croissance (facteurs travail, capital et progrès technique) avant de s’élargir à des causes
plus générales qui mettent en jeu des interactions difficilement évaluables.
I.2.1/ Le facteur travail :
a) Identification : Il correspond aux moyens humains mis en œuvre dans la
production. Le travail doit être adapté à la demande en quantité et en qualité. On peut
donc l’analyser de manière quantitative ou de manière qualitative.
Le travail humain constitue le premier facteur de la croissance économique. Cependant
la qualité du travail importe aujourd’hui beaucoup plus que sa quantité. Cela peut
s’expliquer parce que la formation entraîne une amélioration de la productivité
personnelle, source d’initiatives et d’innovations. Cela peut aussi s’expliquer par le fait
que des machines complexes ne peuvent être contrôlées que par des personnes
qualifiées.

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b) Les conditions nécessaires de l’investissement en capital humain :
Le capital humain est l’ensemble des capacités productives. Il s’acquiert, s’accumule
et se déprécie. Il est constitué par la socialisation familiale, l’éducation et la formation.
Il inclut aussi le capital santé des individus.
L’investissement en capital humain ne peut être efficace qu’à partir du moment où
certaines conditions économiques et sociales sont réalisées :
- La quantité de travail qu’un individu peut fournir est liée à sa ration calorifique
de base. La quantité de l’alimentation dans les cinq premières années de la vie,
l’apport en protéines en particulier, influence la capacité intellectuelle ultérieure.
C’est donc une condition nécessaire de l’efficacité de l’investissement éducatif et
un objectif pour les pays en développement.
- L’augmentation de l’espérance de vie est une condition nécessaire pour que les
investissements éducatifs puissent être rentabilisés. L’amélioration de l’état
sanitaire de la population est une condition nécessaire de l’investissement éducatif.
- Le taux d’alphabétisation ou de scolarisation réalisé.
L’investissement en capital humain d’un individu sera d’autant plus rentable que le
niveau moyen de capital humain de la société à laquelle il appartient est élevé. Il existe
donc un véritable effet de seuil qui peut constituer un blocage du processus de
croissance et qui explique l’émigration de la population qualifiée des pays en
développement.
I.2.2/ Le facteur capital :
Comme le facteur travail, le facteur capital peut croître en quantité et en qualité. En ce
qui concerne la quantité, il s’agit de la multiplication des machines qui facilitent le
travail de l’homme ou s’y substituent. Conçue pour épargner la peine de l’homme, la
machine est accusée d’engendre le chômage. L’amélioration de la qualité du capital est
le résultat du progrès technique appliqué aux processus de production. Elle signifie
qu’un capital installé plus récemment a une efficacité productive plus grande qu’un
capital de même valeur installé antérieurement.
A – Le capital : L’importance du capital mais aussi son accumulation dans le
processus de la croissance sont incontestés. Il se décompose en capital-argent et
en capital technique :
- Le capital argent correspond aux moyens financiers permettant d’acquérir
les moyens de production et
- Le capital technique correspond à l’ensemble des moyens de production
(bâtiments, équipements, matériel…). On distingue :
- Le capital technique fixe est la partie du capital dont la durée de vie
s’étend sur plusieurs cycles de production (machines, bâtiments, …) et
- Le capital technique circulant c’est-à-dire la partie du capital qui
disparaît dans un seul cycle de production (matières premières…)

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B – L’investissement : C’est une immobilisation de fonds dont l’entreprise espère à
terme une rentabilité par des revenus futurs d’un montant supérieur au montant de
l’investissement.
Au cours de la vie de l’entreprise, différents types d’investissements se différencient par
leur objectif :
- Investissement de capacité qui a pour but d’accroître la capacité de production
de l’entreprise.
- Investissement de compétitivité ou de production qui permet à l’entreprise de
devenir plus efficace, produire moins cher, de meilleure qualité, dans les
meilleures conditions…
- Investissement de renouvellement qui consiste à remplacer un bien de
production ancien.
A notre niveau, on essaye d’appréhender l’investissement comme une variable
macroéconomique. Ceci nous permet de calculer le taux d’investissement d’une
économie donnée et de le lier à la croissance économique. On peut mesurer le taux
d’investissement d’une économie par le ratio :
Investissement réalisés
Taux d’investissement = × 100
PIB
Historiquement, on constate qu’à une hausse du taux d’investissement correspond une
hausse du taux de croissance économique et de même à un ralentissement du taux de
croissance correspond une diminution du taux d’investissement.

C – La productivité : Les déterminants de la productivité sont essentiellement au


nombre de trois :
- Le capital physique : plus les structures et les équipements de production sont
développés, plus les travailleurs produisent ;
- Le capital humain : plus les travailleurs sont formés, plus ils produisent ;
- La compétence technologique : plus les technologies auxquelles les travailleurs
ont accès sont développées, plus ils produisent.
La productivité au sens large du terme désigne le rapport entre le niveau de production
obtenue et les moyens mis en œuvre pour son obtention. Plus précisément, la
productivité se définit comme le rapport entre la production obtenue et les facteurs
utilisés :
Production
Productivité =
Facteurs utilisés
On distingue la productivité du travail et la productivité du capital.
Production
Productivité du travail =
Effectifs engagés dans la production

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Production
Productivité horaire du travail =
Nombre d'heures de travail
Production
Productivité du travail =
Capital utililsé

Lorsque la productivité s’améliore, l’entreprise dégage des gains de productivité. Ceux-


ci peuvent apparaître globalement dans deux cas de figure :
- Lorsque l’entreprise accroît sa production avec l’utilisation de la même quantité
de facteurs.
- Lorsque l’entreprise économise des facteurs pour réaliser une même production.

On parle d’économie d’échelle lorsque la productivité augmente grâce l’augmentation


du volume de production, quand la production augmente, les coûts unitaires baissent car
les coûts fixes inhérents à la production (machines, bâtiments frais généraux) sont
répartis sur un plus grand nombre d’unités.
Au niveau de l’entreprise, les gains de productivité sont indispensables pour affronter la
concurrence soit au niveau des prix de ses produits, soit au niveau de l’innovation de
produit. En effet, les gains de productivité sont aussi à l’origine d’une capacité de
financement des investissements.
Au niveau de l’économie nationale, l’existence de gains de productivité peut montrer
que les entreprises préfèrent l’investissement productif à l’investissement financier.
Le siècle dernier a connu une croissance intensive qui ne doit rien à l’augmentation du
travail, mais à l’accroissement de l’efficacité du travail.
Dans un univers de plus en plus concurrentiel, le progrès technique a permis de
renforcer l’importance du capital au détriment du travail dans de nombreuses
entreprises dans les pays développés. En effet, le coût du facteur travail est souvent jugé
comme excessif.
On parle de substitution du travail par le capital (l’homme est remplacé par la machine).
Cette évolution a connu plusieurs phases :
- La mécanisation (le machinisme) ;
- L’automatisation (chaîne de production) ;
- La robotisation (automates capables de réactions aux modifications de
l’environnement).
Les composantes du travail évoluent aussi, car le niveau de qualification doit être
supérieur pour utiliser des machines de plus en plus complexes. Les travaux physiques
et répétitifs disparaissent au profit de fonctions de commande et de maintenance du
matériel.

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La substitution du travail par le capital a aussi des conséquences sociales. Elle est
souvent, dans un premier temps, accusée de créer du chômage. Dans un second temps,
on espère qu’une plus grande efficacité de la production bénéficiera au facteur travail.
Les sources de la productivité sont diverses mais l’innovation de produit et de procédé
de production, la qualification de la main-d’œuvre, l’organisation du travail y
contribuent.

I.2.3/ Le progrès technique :


On peut analyser le progrès technique comme le résultat d’un investissement
qui conduit à la mise au point d’un nouveau procédé de production ou d’un nouveau
produit lié à une invention. Le progrès technique peut apparaître comme une source du
progrès économique car il contribue à améliorer les conditions de vie des individus, à
diminuer la pénibilité du travail, à mieux satisfaire les besoins individuels et collectifs.
L’innovation est l’application d’une invention soit au niveau industriel, soit au niveau
commercial. Mais, l’innovation peut ne pas présenter un caractère purement technique,
tel est le cas des nouveaux moyens de ventes comme le télé-achat, la vente par
correspondance …
Les origines du progrès technique : le progrès technique naît de la combinaison de
trois domaines de recherches (fondamentale, appliquée et recherche-développement) et
de la mise en application des résultats obtenus par un entrepreneur.
La recherche fondamentale : correspond à un approfondissement des connaissances du
monde scientifique. Un but spécifique n’est pas assigné à cette recherche même si des
domaines restent privilégiés par l’octroi de subventions publiques ou d’intérêt affichés
par des fondations privées ;
La recherche appliquée est plus directement liée à des impératifs de marché : création
de nouveaux produits, développement de brevets d’invention…
La recherche-développement est abordée comme un investissement immatériel des
entreprises. Elle a pour but d’aboutir à la commercialisation d’une nouveauté soit au
niveau des processus de production, soit au niveau des produits.

I.2.4/ Les autres facteurs explicatifs de la croissance :


Le rôle de l’Etat, la conjoncture et les éléments socioculturels ne sont pas quantifiables
et ne servent qu’à affiner les raisonnements explicatifs relatifs au phénomène de la
croissance. On constate également que le déficit d’engagement économique des Etats et
les réticences psychologiques à une organisation sociale intensive de la production ne
concernent pratiquement que les pays en développement.

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Tableau récapitulatif des facteurs de la croissance
Facteurs Explications Exemples
Sur le plan quantitatif, le facteur travail Importance de l’encadrement,
dépend de la démographie et du taux qualification des ouvriers et
Travail d’activité. D’un point de vue qualitatif, employés, formation
ce facteur repose sur la formation, professionnelle.
l’organisation du travail et la mobilité.
Le facteur capital repose sur les Nombre d’usines, de bureaux.
équipements existants, leur qualité et la Intensité capitalistique.
Capital propension de l’économie à les
augmenter par des investissements.
Il permet la modernisation des Dépenses de recherche
Progrès technique équipements et l’innovation. développement
L’Etat soutient l’économie de plusieurs Développement des voies de
Rôle de l’Etat façons : subventions, infrastructures, communications, aides aux
aides à l’exportation. PME/PMI.
La croissance repose une monnaie Conditions économiques des 30
stable, une inflation maîtrisée, une glorieuses.
Conjoncture
épargne suffisante et une Forte consommation dans les
consommation soutenue. années 80.
L’activité économique repose sur la
Eléments
volonté des hommes d’accéder au
Socioculturels
développement.

Section II. Le concept de `développement´ : portée théorique et analyse


empirique
La problématique de développement constitue, depuis longtemps, l’une des
préoccupations majeures de l’humanité. Elle a suscité et suscite encore l’intérêt
grandissant des chercheurs et scientifiques, soucieux de trouver les voies, les politiques
et les approches appropriées, qui permettent aux sociétés humaines de converger vers
un optimum de bien-être collectif.
L’histoire de la recherche scientifique regorge de paradigmes et de théories, forgés
autour de cette problématique de développement. Pour ne citer que l’histoire
contemporaine, les réflexions sur le développement ou encore sur – son contrepoids - le
sous-développement (S.D), naissent au début des années 50 d’une prise de conscience
de la situation de « blocage économique » ou « retard économique » accumulé par une
bonne partie de l’humanité.
Trois thèses se confrontent pour tenter d’analyser et d’expliquer le phénomène du SD :
SII.1/ L’Analyse libérale du « sous-développement:
Ce courant de pensée, dit libéral, a initié la théorie de la croissance dite du « décollage
économique » élaborée dans les années 50. Son analyse, définit le SD comme un simple
« retard » de développement. Pour les adeptes de cette vision, le SD est une situation
qui pourrait être surpassée par la mise en place d’infrastructures économiques à forte
composante industrielle et technologique. Cette vision préconise entre autres, d’opter

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pour une stratégie et une dynamique économique qui s’inscrit dans la division
internationale de travail (DIT).
On y trouve comme théories :
A) La théorie des avantages comparatifs
(D. Ricardo 1817, Principes de l’économie politique et de l’impôt).
Dite aussi « théorie traditionnelle du commerce international ». Cette théorie explique
que, dans un contexte de libre-échange, chaque pays, s’il se spécialise dans la
production pour laquelle il dispose de la productivité la plus forte ou la moins faible,
comparativement à ses partenaires, accroîtra sa richesse nationale (symbole de progrès
`` développement´´). Cette production est celle pour laquelle il détient un « avantage
comparatif ».
En conséquence, la théorie Ricardienne des avantages comparatifs lie le commerce
international à des différences de technologie de production entre les pays. Ce modèle a
deux conclusions fondamentales :
- Les pays sont toujours gagnants à l'échange (notion de ``développement´´)
qui permet de produire de manière plus efficace et, en situation d'échange,
- Les pays vont se spécialiser dans la production du bien où ils possèdent un
``avantage comparatif´´.
B) Théorie de la croissance équilibrée (P. Rosenstein-Rodan, R. Nurske ;...)
Ce courant considère que toute croissance repose sur un effort minimum
d'investissement de départ mais à la condition de respecter en permanence
l'interdépendance entre l'offre et la demande (pas de tensions inflationnistes et on a une
tendance à la stabilité des prix) aussi bien au niveau global qu'au niveau sectoriel, ce qui
à terme permet un équilibre de croissance autoentretenue.
C) La théorie du cercle vicieux de la pauvreté (R. Nurske):
Cette thèse stipule que « Les pays sous-développés, en raison de la faiblesse de la
demande interne liée aux faibles revenus, sont dans l'incapacité de lancer des projets
d'investissement rentables et capables de déclencher le processus de développement.
Du côté de l'offre, la faible capacité d'épargne résulte du bas niveau de revenu réel qui
lui-même reflète la faible productivité qui résulte, à son tour, du manque de capital, un
manque de capital qui lui-même est le résultat de la faible capacité d'épargne ; ainsi, le
cercle est fermé ».
D) La théorie de l’économie duale (A.W.Lewis :1915-1991, prix Nobel d'économie en 1979
« modèle de 1954 ») :

Pour A. Lewis, les pays de la périphérie « pays en développement » sont


constitués d'une "économie duale" :
- Un secteur capitaliste orienté vers le profit, et

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- Un secteur incluant l'agriculture traditionnelle et les activités informelles
urbaines est orienté vers la subsistance.
Le premier se développe en attirant les travailleurs du second. Lors de la phase initiale
de développement, l'offre de travail dans le secteur capitaliste excède la demande de
travail, le salaire peut donc rester faible et stable durant une période assez longue au
cours de laquelle s'effectue ce transfert de travailleurs. Il en résulte des profits élevés et
donc, une épargne et une accumulation du capital dont dépend le développement
économique. Capitale, Cette phase s'achève quand le surplus de travail a été absorbé et
que les salaires augmentent.
E) L’apport de W.W. Rostow (1916-2003) :
(Théorie des étapes de la croissance, ed. Seuil, paris 1960)
W.W. Rostow a avancé une vision extrêmement linéaire du développement.
Pour cet auteur, toute société passe par cinq étapes dans son processus de
développement : maturité et consommation intensive. L’étape décisive est celle du
décollage, il se produit grâce à une forte augmentation du taux d'investissement,
déclenchant une dynamique autoentretenue de la croissance.
La société d'origine, dite société traditionnelle, ne vit que de l'exploitation de la terre,
elle est relativement hostile au progrès et les hiérarchies sociales y sont figées. Sa lente
évolution l'amène progressivement à remplir les conditions préalables au décollage.
1) La société d'origine, dite société traditionnelle, ne vit que de l'exploitation de la
terre, elle est relativement hostile au progrès et les hiérarchies sociales y sont
figées. Sa lente évolution l'amène progressivement à remplir les conditions
préalables au décollage.
2) L’étape de transition « conditions préalables au décollage : Le changement y
est plus facilement accepté, permettant que la croissance économique dépasse la
croissance démographique, grâce à la révolution agricole notamment. Cette étape
se caractérise par de profondes mutations dans les trois secteurs non industriels :
les transports, l’agriculture et le commerce extérieur. On assiste à la mise en
place de structures favorables au développement notamment par le
développement du système bancaire et la création de l'infrastructure nécessaire
au développement industriel.
3) L’étape du « décollage » ou take-off : plus courte et plus décisive. L’étape se
produit grâce à une forte augmentation du taux d'investissement, déclenchant une
dynamique autoentretenue de la croissance (0,2% en moyenne par an avant le
XVIIIe, 1,2% au XIXe).
4) L'étape de maturité : C'est une période de progrès soutenu au cours de laquelle la
croissance gagne l’ensemble des secteurs de l’économie et on assiste à une mise
en œuvre plus générale des techniques modernes. Elle se caractérise par :
- Un nouvel accroissement du taux d'investissement qui passe de 10% à 20% du
revenu national.

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- Une diversification de la production: "l'économie prouve qu'elle est en mesure
d'aller au-delà des industries qui l'ont fait démarrer à l'origine", par l'apparition
de nouveaux secteurs dominant dans l'industrie.
- La structure de la population active se modifie (la main d’œuvre devient plus
urbaine) et on note un phénomène d'urbanisation croissant.
- La notion de dirigeant d’entreprise évolue également, et le gestionnaire, avec ses
connaissances et sa vision plus large des choses prend de plus en plus
d’importance.
- Etc.
5) L'ère de la consommation de masse : « La production de biens de
consommation durables et les services deviennent progressivement les
principaux secteurs de l'économie ». Les objectifs de la société évoluent vers la
consommation et le bien-être. A ce stade, les Etats peuvent privilégier trois
différentes politiques:
- La recherche de la puissance et de l'influence extérieure,
- La création d'un Etat providence(1),
- L’élévation des niveaux de consommation « dépassant les besoins alimentaires,
le logement et les vêtements nécessaires ».
Nonobstant l’apport du théorème d’Hecksher-Ohlin-Samuelson (HOS) »(2), relatif au
principe des « avantages comparatifs » de Ricardo, considéré comme le point fort de la
théorie libérale, et malgré l’apport de W. W. Rostow et de son modèle linéaire
préconisé pour surpasser la situation de « retard de développement », la fragilité de la
construction théorique libérale réside dans ce qui suit :
- Le schéma se veut être universel : les spécificités des sociétés, on en a fait
souvent abstraction ;
- Le développement est conçu comme un phénomène mécanique ;
- L’histoire se déroule de manière implacable. Pour Rostow, on ne brûle pas les
étapes. Or, les structures sociales et l’environnement économique des pays en
voie de développement (PVD) au XXI éme siècle, ne sont pas analogues à ceux
des pays européens du XVIIIéme. Aujourd’hui, les PVD ne sont pas seulement
en retard, ils sont différents. A titre d’exemple, les pays européens n’étaient pas
endettés comme les PVD d’aujourd’hui et leurs industries naissantes n’avaient
pas de concurrents.
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(1)
Etat providence : désigne l’ensemble des interventions de l’État dans le domaine social, qui visent à garantir un niveau minimum de bien-
être à l’ensemble de la population, en particulier à travers un système étendu de protection sociale. On l’oppose couramment à celle d’"État
gendarme ou protecteur", dans laquelle l’intervention de l’État est limitée à ses fonctions régaliennes. Cependant, d’après Pierre Rosanvallon,
l’État-providence en est, en réalité, "une extension et un approfondissement".
(2) H.O.S « acronyme relatif aux noms des économistes suédois Eli Hecksher (1919), Bertil Ohlin (1939) et l'économiste américain Paul
Samuelson (1941, 1948). Ces auteurs ainsi que Wassily Leontief (1954, 1956), et sur la base de la notion des « avantages comparatifs » de
Ricadro considérée comme donnée exogène, vont apporter des corrections notables : ainsi dans le modèle de Ricardo, le travail est l'unique
facteur de production. Dans le modèle HOS, il y a deux facteurs de production, le capital et le travail. (en raisonnant sur deux pays, deux
biens et deux facteurs de production), un pays a un avantage comparatif dans le bien dont la production nécessite l'utilisation relativement
intensive du facteur de production qu'il possède en abondance relative.)

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- Rien n’est expliqué sur le mode de transfert de la technologie, qui relève de
domaines souvent sous stricts contrôles des PD et actuellement, des firmes
multinationales.
Pour ne citer que ces points critiques qui ont entravé le devenir de la théorie
libérale, la fragilité de la construction et des hypothèses émises, ont donné raison à
l’émergence du corpus théorique dit « Tiers-mondiste »(1) et sa théorie de la
« dépendance ».

SII.2/ La théorie de la dépendance et analyse du sous-développement


Le second corpus théorique élabore, dans les années 60/70, une théorie de la
croissance et du développement dite théorie de la « dépendance » et de la
« domination ». Pour ces théoriciens, le SD est la conséquence de la domination des
pays développés (PD), et pour sortir de la situation de crise (sous-développement), les
protagonistes de ce courant de pensée, préconisent de rompre avec les rapports sociaux
de productions capitalistes :
A) Le courant tiers-mondiste
Pour les adeptes du courant « Tiers-mondiste » (2) (S.Amin, A. Emmanuel, R.Prebish,
Singer et A.G.Frank), le commerce international est un facteur d’appauvrissement dans
la mesure où il aboutit à la « dégradation des termes de l’échange », par suite à la baisse
des prix des exportations des PVD et la tendance à la hausse des prix des produits des
PD. Les répercussions de cet «échange inégal» sur le PSD, seront d’ordre, à la fois
économique et social.
B) La thèse du sous-développement dans le cadre de l’échange inégal :
Pour Arghiri Emmanuel, les termes de l’échange inégale, entre pays dits développés
(PD) et ceux dits SD, sont à rechercher au niveau économique et au niveau social.
- Sur le plan économique : Les pays à bas salaires vendent leurs marchandises à
des prix inférieurs à leur valeur d’usage au plan international. Un pays n’est pas
pauvre parce qu’il vend bon marché, mais, paradoxalement, il vend bon marché
parce qu’il est pauvre; de ce fait, il s’appauvrit sans cesse davantage.
- Sur le plan social : Le mécanisme de transfert de valeur au niveau international
aboutit à une exploitation de la classe ouvrière des pays périphériques.
----------------------------------------------------
(1)De pertinentes critiques ont été émises à l’époque par les théoriciens de l’école ‘‘marxiste’’ et l’école ‘‘tiers-mondiste’’. On
peut citer les travaux de Ch. Bettelheim, AG Frunk, Pièrre Jalée, Furtado, Samir Amin, etc.
(2)
(2) André Gunder Frank,
Frank « la dépendance des pays du sud s'explique historiquement par la colonisation (cas de l’Asie, Afrique, Amérique
latine ) et par les échanges commerciaux inégaux.

- Raúl Prebisch,
Prebisch économiste argentin, auteur de la thèse - la dégradation des termes de l’échange : « La baisse des prix des exportations des
(PED) est due au fait que les marchés mondiaux sont contrôlés par des opérateurs originaires des (PD) qui peuvent imposer les prix et les
quantités aux PED d’une part, d’autre part les produits exportés par les PED incorporent peu de VA et sont l’objet d’une concurrence
importante qui fait baisser les prix. Parallèlement, la hausse des prix des produits des PD est du au fait que, le haut niveau des salaires dans
les PD contribue à élever le coût de revient des produits, et par là même des prix, les produits sophistiqués incorporant des techniques
élaborées sont coûteux et l’offre des biens est non concurrentielle). Il conclut par le fait que l'enrichissement des pays riches est inversement
proportionnel à celui des pays pauvres.

13
C) Le courant marxiste
De leur côté, les marxistes considèrent le SD comme la résultante de la logique
de domination imposée par les P.D.
Critiquant la thèse du « retard » économique, Ch. Bettelheim considère que le terme SD
évoque des idées qui sont scientifiquement fausses : parler de « retard » de
développement des uns (PSD), ne se fait qu’en faisant référence à d’autres qui sont
considérés comme « pays avancés ». A l’expression SD, il préconise celle de « pays
exploités, pays dominés ou pays à économies déformées»… « ..les pays dits sous
développés, sont dans une situation radicalement différente de celle que pouvaient
connaître, il y’a cinquante, cent, deux cents ou trois cents ans, les pays dits
industrialisés (absence de concurrence), (…).ces derniers n’étaient pas économiquement
dépendant (…) Elles (situations) ne supportaient pas la charge de lourdes obligations
extérieures (intérêts, dividendes, royalties payés à des capitalistes étrangers).» (1) Il
distingue entre :
• La dépendance politique : Il l’attribue aux effets induits de la colonisation
sur la majorité des pays du Sud, ces derniers ont subi une exploitation
intense de leurs forces productives et leurs économies ont été déformées.
• La dépendance économique : Il la considère comme la résultante de la
dépendance politique. Elle se manifeste par une dépendance commerciale.
Cette situation engendre la mise en place d’une économie duale - un
secteur moderne et un secteur traditionnel(2) -

- De son coté, AbdelAziz. Belal, considère le sous-développement comme un


« …processus socio-historique qui a surgi à la suite de l’impact violant du
capitalisme et de l’impérialisme moderne sur les formations sociales
précapitalistes dont la structure et la ligne d’évolution n’avaient pas été
semblables à celle des sociétés d’Europe occidentale considérées à la veille de
l’émergence du mode de production capitaliste dés le 16 eme et le 18 eme siècle »(3).
Pour cet auteur, le problème global de développement est, fondamentalement, un
problème de changement social. Au sein de chaque formation sociale
s’interagissent des relations dialectiques entre, sa base matérielle « structure
économique » et sa superstructure (les relations sociales autres que les relations
économiques, les institutions qui les organisent et les idées qui représentent la
conscience sociale).
-------------------------------------------------
(1)
Charles Bettelheim, « planification & croissance accélérée », FM/petite collection maspero, paris 1975, p27-28 –
Charles Bettelheim (1913 à Paris - 2006) : Economiste et historien français, fondateur du Centre d'études des modes d'industrialisation
(CEMI) à la Sorbonne, conseiller économique des gouvernements de plusieurs PVD pendant la période de la décolonisation, il fut très influent
dans le milieu de la nouvelle gauche française et considéré comme l'un « des marxistes les plus en vue dans le monde capitaliste » (Le Monde,
4 avril 1972), en France de même qu'en Espagne, Italie, Amérique latine et Inde ( http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Francfort ).
(2) Charles Bettelheim, « planification & croissance accélérée », FM/petite collection maspero, paris 1975 : p 31/32
(3
3) A.A.Blal, 1980, « Développement et facteurs non économiques », col. ATLAS , Rabat.1980, P 2

14
Analyser de façon globale la réalité du (SD), suppose d’aborder l’analyse des
relations dialectiques entre les deux formes d’organisations précitées (structure
matérielle et superstructure). Autrement, toute analyse entreprise pour comprendre les
facteurs à la base d’une situation de SD, devra tenir compte des facteurs d’ordre socio-
économiques, socio-culturelles, sicio-politiques, psyco-sociologiques….etc. Ce que
Abdelaziz Blal qualifie de, facteurs « non économiques ».
En préconisant de fonder toute ‘‘stratégie globale de développement’’ sur des
approches intégrant les « facteurs non économiques » dans leurs aspects dynamisant et
en réfutant celles (approches) ‘‘purement économistes’’ (néoclassiques et
keynésiennes), Abdelaziz Blal, en a fondé l’originalité de son apport. En évoquant le
vocable de "stratégie globale de développement" et "développement autonome",
l’auteur rejoint, à notre sens, l’idée de "développement durable".
Pour les théoriciens de la dépendance, il est actuellement impossible que les pays
du Sud se développent puisque le développement des pays du Nord repose sur le sous-
développement de ceux du Sud. Ainsi la rupture est recommandée pour palier à la
détérioration des termes de l’échange. Elle (rupture) est supposée opérer, au profit d’une
reconsidération du rôle de l’Etat et de la planification. Cette reconsidération du rôle de
l’Etat était reprise et appuyée par la « théorie des industries industrialisantes » (1) et par
les structuralistes pour qui le « Le développement est la combinaison des changements
mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croître,
cumulativement et durablement, son produit réel global » selon F. Perroux. (2)

SII.3/ ``L’essoufflement´´ de la théorie de développement et le courant


néolibéral.
Le cours des événements et les débats controversés autour de la problématique de
développement le long de la seconde moitié des années 70, ont été marqués par deux
grands faits :
- Le premier concerne l’amplification des effets de la crise, surtout parmi les
pays dits du Tiers Monde (PTM), qui est aggravée par les chocs pétroliers et
l’accroissement de la dette.
- Le second fait, concerne la baisse de l’intensité du discours théorique autour
des modèles de développement requis et « légitimes ».
Par ailleurs, le début de l’émergence des pays du Sud-Est asiatique, révélait la fragilité
de la construction de la théorie de la dépendance. Cette situation de crise des modèles,
----------------------------------------------------------------
(1)
F. Perroux, G.D. de Bernis : ces deux auteurs développent la «Théorie des industries industrialisantes» (Les industries industrialisantes sont
celles qui dans leur environnement local modifient structurellement la matrice interindustrielle, transforment les fonctions de production et
augmentent la productivité de l'ensemble de l'économie. La priorité donnée à ces industries repose sur une forte intervention de l'État via la
planification et la nationalisation des entreprises).
(www.ladocumentationfrancaise.fr/revues-collections/problemes-economiques/theories/theoriesdevelop.shtml
(2)
Voir ( www.brises.org/notion.php/Notion/index/notId/13/notBranch/13 )

15
allait se solder, entre autres, par la naissance d’un courant radical(1) qui va jusqu’à nier
l’idée même de développement :« ...le développement n’est souvent qu’un autre visage de
l’occidentalisation du monde, qu’il soit « durable », « soutenable » ou « endogène », il
s’inscrit toujours, de manière plus ou moins violente, dans la logique destructrice de
l’accumulation capitaliste. Il signifie inégalités, destruction de l’environnement et des
cultures » affirme Serge Latouche(2) .

Finalement, devant une situation où sont contestés les effets pervers des
politiques de développement économique, une situation où les limites des théories
« Tiers-mondistes » et « Marxistes » sont mises en exergue d’une part, et la situation
imposée par la réalité des nouveaux pays industrialisés du Sud-Est asiatique (ni
libéralisme absolu, ni dirigisme) de l’autre, c’est un état d’incertitude et de non visibilité
qui s’installe parmi les chercheurs et les commanditaires institutionnels (BM, FMI) des
modèles de développement.

Sous la pression des évènements, (accroissement de la dette et insolvabilité de


certains P.T.M, entre autres le Mexique en 1982-, les institutions de Bretton Woods
(BM, FMI) en harmonie avec le courant néolibéral (3) en renaissance, prennent les
choses en main. On assiste alors à l’effondrement des modèles de développement, au
profit du Programme d’Ajustement Structurel (PAS), et un regain d’intérêt des experts
aux dépend des théoriciens. Le développement est alors réduit à de simples questions
techniques : le redressement de la situation économique, selon ces institutions, passe par
application du fameux Programme d’Ajustement Structurel (PAS), synonyme de
stabilisation des prix et de réorientation des investissements vers le développement des
exportations.
Se basant sur une approche néoclassique et monétariste, le FMI a imputé les hauts
taux d’inflation à un excès de la masse monétaire par rapport aux biens disponibles. Sa
stratégie de stabilisation était donc, de réduire la masse monétaire circulant au sein de
l’économie nationale en renchérissant le crédit et en réduisant les salaires. Il en résulte
--------------------------------------------------------------
(1)
Illich, Herbert Marcuse, la seconde génération de l'École de Francfort avec Jürgen Habermas
(http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_de_Francfort )
(2)
Serge Latouche, les mirages de l’occidentalisation du monde, sous titre « En finir, une fois pour toutes, avec le développement » article
publié dans le monde-diplomatique. Mai 2001
Cf. www.monde-diplomatique.fr/2001/05/LATOUCHE/15204
- Serge Latouche économiste français, né en 1940 : Il est l’un des défenseurs actuels les plus connus de la perspective de la décroissance
soutenable (ou décroissance conviviale). Et également reconnu pour ses travaux en anthropologie économique, Serge Latouche a développé
une théorie très critique envers l'orthodoxie économique et défend l'après développement. Il critique notamment à travers une argumentation
théorique solide et une approche empirique nourrie de nombreux exemples, les notions de rationalité et d'efficacité économiques ( cf site :
www.decroissance.org )
(3)
La "théorie" néolibérale considère l’économie et le politique comme deux sphères autonomes et indépendantes, le politique est considéré
comme un obstacle au fonctionnement du marché. In (Eric Mulot, Matisse, Libéralisme et néolibéralisme : continuité ou rupture ? maison des
sciences économiques, université paris I , p20, mai 2002)
- Le terme néolibéralisme se réfère à la théorie de libéralisme économique telle que réapparue au cours des années 1960, et qui prend racine
dans le libéralisme économique du XIXème siècle. Ce terme est apparu en réaction aux effets supposément dévastateurs de l'application de la
théorie économique libérale sur les économies et les sociétés des PED vers les années 90, ainsi que lors de la crise des pays d'Asie du Sud-Est
en 1997. Son apparition n'est pas datée mais il (néolibéralisme) est, essentiellement, utilisé par les adversaires (les alter mondialistes) de cette
théorie. Néolibéralisme n'est donc pas un terme technique de théorie économique, et utilisé par les économistes, mais bien un terme en réaction
à une certaine théorie, mais dont les partisans n'en reprennent pas l'usage. Il est donc difficile de se référer à des publications économistes
universitaires pour expliciter cette « théorie ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Utilisateur:Gui/N%C3%A9olib%C3%A9ralisme

16
une contraction de l’économie nationale pour, à la fois, drainer l’investissement vers
les secteurs exportateurs (bénéficiant de même de subventions et d’exemptions d’impôt)
et parallèlement, diminuer les importations.
En adoptant un tel programme, les gouvernements ont été alors contraints de
diminuer leurs dépenses, ce qui eut un sérieux impact sur les salaires, l’emploi et les
services qu’ils fournissaient.
Faisant abstraction des réalités des économies nationales des PTM et de leurs
spécificités, le PAS était conçu comme une stratégie « remède » d’intégration des
économies des PTM aux marchés internationaux: le volume des exportations écoulées
sur les marchés internationaux permet aux PTM de capter des quantités croissantes de
devises étrangères, celles-ci serviraient alors au paiement de la dette extérieure.

Au fil des ans, ce choix économique a brisé les économies nationales, augmenté
leur vulnérabilité aux déséquilibres internationaux et a provoqué des coûts sociaux très
élevés, tandis qu’il a permis des transferts de richesse massifs des débiteurs vers les
créanciers.

Vers la fin des années 80, il s’est avéré que les politiques d’ajustement faisaient du
tort à la majorité de la population et les sacrifices qu’elles imposaient ne conduisaient pas à
la croissance des économies locales comme promis. Le PAS ignorait le besoin urgent de
trouver une solution (prise en charge d’une partie des coûts) durable au poids de la dette
qui écrasait la plupart des pays endettés. Le résultat, c’est un cercle vicieux : plus les pays
débiteurs payent, plus ils doivent payer.(1). S’enclenche alors, ici et là, à travers le monde,
des mouvements (2) contestant la politique du FMI et les conditions qu’il imposait.

----------------------------------------
------------------------------------------------
----------------------------------------------
----------------------
(1
1) Depuis le déclenchement de la crise de la dette, les flux financiers entre les PD et les PED se sont inversés, ce qui a
entraîné une saignée de milliards de dollars de ces derniers vers les premiers : Entre 1982 et 1987, les sorties d’argent liées
au service de la dette ont dépassé chaque année les flux en direction des pays endettés. En six ans seulement, les pertes nettes
au titre des entrées et sorties d’argent des PED totalisent 287 milliards de dollars. Données extraites d’un rapport lors d’un
séminaire international sur la dette extérieure des pays du Sud et de l’Est de la méditerranée (PSEM) qui s'est déroulé les
04,05 et 06 décembre 1999 à l'Université de Annaba – Algérie.
(2
2) Entre autres les alter-
alter-mondialistes : un mouvement hétérogène de la société civile qui conteste le modèle libéral de la
mondialisation et revendique un mode de développement plus soucieux de l'homme et de l'environnement. Il revendique un
ensemble de valeurs humanistes telles que : la justice économique, l'autonomie des peuples, la protection de l'environnement,
les droits humains fondamentaux, …. etc.

17
Chapitre II/ Le développement durable : Une nouvelle conception de la
notion ``développement´´

« Les Programmes d’Ajustement Structurels n’ont pas favorisé la construction de


nouvelles normes économiques et sociales pour succéder aux normes en crise. Au contraire,
ils ont accéléré la décomposition des normes en crise et approfondi ainsi la régression
économique et sociale. » H. Ben Hammouda (1).

Tel est le constat majeur soulevé vers le début des années 1990. Une ère qui allait se
caractérisé par la consécration internationale du concept de développement durable (DD).
Section I. Le développement durable : genèse d’un concept novateur
SI.1 / Le développement durable : contexte historique :
Vers la fin des années 1980, Il s’est avéré que les décisions de mise en place du PAS,
avec ce que cela implique en terme de politique d’austérité et de désengagement de l’Etat
en tant que régulateur, ne faisaient pas l’unanimité : les contestations sous diverses formes,
se sont multipliées, et la légitimité de ``l’Etat nation´´ est pointée du doigt. Cette
« délégitimation » s’est accentuée avec le dépouillement de l’Etat de ses prérogatives en
matière de décisions économiques et de choix de développement et de régulation sociale
par suite aux impératifs de la «tempête » mondialisation. Dans de telles situations, les
dysfonctionnements sociaux allaient jusqu’à aboutir à un état d’instabilité sociale et à des
émeutes dans des pays du Sud.
Les évènements se succèdent, les situations socio-économiques se compliquent de
plus en plus dans les pays du Sud. Les choix libéraux de développement et le « consensus
de Washington»(2) sont remis sérieusement en cause. Une nouvelle phase post-ajustement
allait s’imposer : des voix contestataires s’élèvent à travers le monde. Elles revendiquent la
nécessité de l’amorce d’une recherche dynamique et plurielle de nouvelles stratégies de
développement.

La publication du rapport réalisé par une équipe de l’UNICEF « l’ajustement à visage


humain »(3) en 1987, témoigne de cet état inquiétant induit par les effets du PAS.

-----------------------------------------------
(1)
H. Ben Hammouda, « économie politique du post ajustement », ed karthala 1999, P.6
(2)
En 1989, à Washington, l'économiste John Williamson a proposé une liste de dix prescriptions économiques recommandées
aux économies en difficulté (notamment celles d'Amérique latine afin de promouvoir leur croissance, qu'il a regroupées sous le
nom de consensus de Washington ) ( www.horizons-et-debats.ch/22/22_10.htm )
(3)
Voir publication UNICEF : « L'ajustement à visage humain : protéger les groupes vulnérables et favoriser la croissance »
Oxford University Press, ouvrage élaboré en 1987 sous la direction de Cornia, A., R. Jolly et F. Stewart et publié, abstract
cité in ( www.unicef.org/french/publications/index_4265.html ). la version française fut publiée en 1988, ed. Economica

18
Durant l’année 1990, s’est manifestée la réflexion du Programme des Nations Unies
pour le Développement (PNUD), autour de la finalité du développement : l’individu serait
alors considéré comme l’axe d’intérêt central et son bien-être, constitue la finalité à laquelle
il faut tenter de parvenir. A partir de cette année, le PNUD procéda à l’élaboration d’un
rapport annuel sur le « Développement Humain ». En 1990 il mit en place l’Indicateur de
Développement Humain (IDH).

L’année1992 (juin) sera celle de l’arrivée à terme du programme dit Dimension


Sociale de l’Ajustement (Social Dimension of Adjustment)(1), mis en place par la banque
mondiale (BM) depuis 1987. Ce programme faisait de la lutte contre la pauvreté, un axe
stratégique prioritaire. En second lieu, la BM a décidé de compléter son dispositif par une
intervention vigoureuse en matière de « gouvernance ». C’est le cas du Programme
Régional du Département Technique, Région Afrique de la Banque Mondiale intitulé :
Gouvernance et Réforme de la Fonction Publique (Civil Service Reform) (CSR), « …il vise
(2)
à améliorer l'efficacité de la Fonction Publique en Afrique Sub-Saharienne. » . Cette
attitude, constitue une reconnaissance expresse, d’un côté, du rôle de l’Etat comme acteur
potentiel de régulation (ce n’est plus le marché seul); de l’autre côté, une reconnaissance
des tendances aléatoires des ajustements et des politiques économiques recommandées
auparavant.

Ainsi, les projets de la B.M. apparaissent, par la suite, comme des vecteurs de la
dimension sociale de l’ajustement. La volonté de la BM allait s’orienter vers une
intervention massive et directe dans les dynamiques sociales : elle découvre les associations
(ONGs, autres acteurs de la société civile, ….etc ) et par différents moyens, elle tente de les
associer à sa politique et à ses projets. Elle s’engage aussi dans la décentralisation et dans le
renforcement des collectivités locales….etc.

SI.2 / Le développement durable : genèse et consécration du concept.


Tout au long de la décennie 1970, la prise de conscience par la communauté
internationale, des dégâts écologiques qu’a subis la planète, s’est accentuée. Le mode de
production, économiquement dévastateur et écologiquement nuisible, est remis en cause.

---------------------------------------------------------------
(1)
Département technique, Région Afrique de la Banque Mondiale : « La Dimension Sociale de l'Ajustement: une Evaluation
Générale » FINDINGS région Afrique.n°8. Decembre1993).
(2)
Département technique, Région Afrique de la Banque Mondiale : « Gouvernance et Réforme de la Fonction Publique Civil
Service Reform) (CSR)» FINDINGS région Afrique.n°23. Aout 1994

19
Le grand nombre de conférences, de portée internationale et mondiale, organisées au cours
de cette décennie témoigne d'une quête de données et d'informations dans le but de
comprendre la crise, de l'environnement en particulier. Pour Michel Maldague(1), ceci
montre que le « niveau cognitif » est atteint. L’auteur qualifie la décennie comme étant «…
caractérisée par le mercantilisme, l’emprise de l’Occident sur les pays en développement,
avec une tentative d’industrialisation hâtive et mal préparée, qui accentue l’endettement du
Sud – industrie de l’aide –» (2).

Dans un tel contexte, un nouveau vocable fait son apparition « sustainable


development » : En 1951, l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN)(3)
avait publié un rapport précurseur sur les rapprochements opérés entre économie et
écologie, Mais il faut attendre 1980 pour que ce vocable traduit sous l'expression française
" développement soutenable" puis "développement durable" fasse son apparition dans un
texte des Nations Unies(4).

par ailleurs, énoncé lors de la conférence de 1987, l’émergence en force du concept de


développement durable au début de cette décennie (1990-2000), et au delà de la simple
problématique terminologique, l’émergence de cette nouvelle vision du développement,
sous la contrainte de la donnée écologique fragilisée et de la donne sociale en détresse,
reflète l’état d’inquiétude et préoccupante de la communauté internationale vis à vis du
‘‘mode de développement’’ en place.

L’année 1992, a connu l’évènement majeur de cette décennie 90 : il s’agit de la


tenue de la Conférence des Nations Unies sur l'Environnement et le Développement
(CNUED) à Rio de Janeiro. La conférence connue sous le terme de « sommet de la terre » a
réaffirmé la déclaration adoptée à Stockholm le 16 juin 1972 et a cherché à en assurer le
prolongement. Elle a par ailleurs, mis en place via « l’agenda 21 »(1), les prémices de la
concrétisation du concept de « développement durable ».

-------------------------------------------------
(1)
Michel Maldague professeur émérite à la Faculté de foresterie de l'Université Laval, consultant de l'UNESCO
(2)
Michel Maldague, TRAITÉ DE GESTION DE L’ENVIRONNEMENT TROPICAL (DÉVELOPPEMENT INTÉGRÉ DES
RÉGIONS TROPICALES : Approche systémique - Notions - Concepts – Méthodes ), TOME I, Fascicule I – 7 « Repères historiques
(1866-2005) : Chronologie des événements se rapportant à l’environnement et au développement » P 7-8 et 7-9. Cf.
www.classiques.uqac.ca/collection_sciences_developpement/maldague_michel/traite_gestion_foret_trop_t1/Chap_1_07.pdf )
(3)
. L’IUCN est une des plus anciennes associations de protection de la nature. Elle a été fondée à Fontainebleau (France) en 1948, sous
la dénomination “Union internationale pour la Protection de la nature”. Aujourd’hui elle rassemble 84 gouvernements, 108 agences
gouvernementales et plus de 833 ONG ( nationales et internationales) . De plus, l’IUCN travaille également avec des réseaux
internationaux d’experts volontaires (environ 8000 experts) à travers différentes commissions. Le secrétariat général de l’IUCN est
actuellement établi à Gland (CH). (http://www.iucn.org/)
(4)
Ici, la« world conservation strategy : stratégie mondiale de la conservation » . le bibliorom Larousse donne le terme protection de la
nature au terme anglais « conservation » stratégie mondiale de stratégie Ministère de l’écologie et du développement durable,
« Dossier d’information pour Johannesburg 2002 » / Fiche 1 : Historique du DD / page1.
in (www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/historiquedd.pdf)
(5)
L’Agenda 21 est issu de la déclaration du Sommet de la Terre (Rio, 1992) où 173 pays adoptent l’action21 ou l’agenda pour le 21ème
siècle.

20
Section II./ Le développement durable, signification et contenu de ses dimensions
SII.1./ Le DD : un concept global aux multiples interprétations
Depuis qu’il a été popularisé par le rapport Brundtland (1987), le concept de
« développement durable » est devenu la devise des différents discours qui tentaient
d’aborder les problématiques de l’environnement et de développement. Ces discours
émanent des différents acteurs : organisations internationales, scientifiques,
gouvernements ; ONGs…….
Cependant, ces discours, qui se réclament être harmonieux et prêchent défendre le
bien fondé de la notion de DD, sont souvent fondés sur des conceptions différentes voire
disparates émanant de groupes d’intérêts antagonistes. Cette situation offre une marge de
manœuvre favorable à la prolifération de multiples interprétations. Ces dernières, peuvent
masquer des tentatives d’instrumentalisations politiques et médiatiques du concept de DD,
conformément aux préférences et aux espérances des uns et des autres. Le résultat en est, la
persistance d’une ambiguïté de définition de cette notion et une difficulté de perception de
ce à quoi elle fait référence.
SII.1.1./ Les problèmes de traduction.
La question, a trait à l’adjectif ``durable´´ dans l’expression « développement
durable ». L’emprise des différentes définitions attribuées à cet adjectif, sera à l’origine des
multiples interprétations et définitions du concept de « DD » : En langue française, le terme
qui se présente comme une alternative à celui de « durable » est « soutenable »(1). Ce
dernier renvoie à l’expression anglaise « sustainable », ce qui nous donne l’expression
« sustainable development » comme traduction de l’expression française « développement
durable ».
Dans la littérature anglo-saxonne, le concept ‘‘développement durable’’ est « apparu
sous différentes terminologies dérivées du verbe “sustain”. Ainsi on trouve le plus souvent
mention de “sustainable development”, mais aussi de “sustainability : durabilité ”. Au fur et
à mesure de son utilisation, l’adjectif “sustainable” a été associé à d’autres concepts et
dérivés dans de nombreuses formes comme “sustainable growth’’, “sustainable living”,
“sustainable cities”, “environmental, ecological sustainability”, “cultural sustainability”,»(2)
---------------------------------------------------------------------
(1)
Les premières traductions du ‘‘rapport Brundtland’’ ont proposé plutôt le terme “soutenable”
(2)
Bibliorom Larousse (1996) cité in (D. Defrise, « Le développement durable, Analyse des textes de références » in, Travail de fin
d’études, DES Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire, IGEAT-ULB, novembre 1998. P8 )

21
De même, dans ce cadre, le terme ``durable´´ (Fr) : stable, soit ``lasting´´ en anglais(1),
renvoie à d’autres adjectifs tel que ``viable´´.
En langue arabe Al Manhal 2004(2) retient la traduction suivante :
Durabilité : ‫ ثبــات – ﺑقــاء‬- ‫ديمـومة‬
Durable : ‫ مستديــم‬، ‫ ﺑـاق‬، ‫مستـمــر‬
Durablement : ‫ دائمـــــا‬، ‫الـدوام علــى‬
Soutenable Adj : ‫ يحتمـــل‬، ‫يطــاق‬
‫ يمكــن اثبــاتــه‬، ‫ ممكــن احتمــالــه‬، ‫يحتــمـــل‬
En langue arabe du terme ‘‘soutenable’’ semble, à notre sens, bien loin du cadre de son
usage : le développement durable.

Explicitant l’intérêt de la notion de « durabilité » comme support éventuel de la


recherche scientifique, Marcel. Jollivet affirme que « outre le fait qu’il est difficile à définir
en français (langue dans laquelle le substantif ‘‘soutenabilité’’ n’existe pas), le
terme ‘‘ soutenable’’ ne donne pas directement prise sur les démarches de recherche »(3).

Pour cet auteur, et sur la base des définitions avancées par les dictionnaires le ‘‘Robert’’ et le
‘‘Larousse’’, « un développement ‘‘soutenable’’ serait donc un développement ‘‘défendable’’,
‘‘plaidable’’. A l’inverse, le qualificatif ‘‘durable’’ (‘‘de nature à durer’’ selon le Larousse ou
‘‘de nature à durer longtemps’’ selon le Robert) et le substantif ‘‘durabilité’’ (‘‘qualité de ce
qui est durable’’ pour l’un comme pour l’autre), ont un sens précis » (5).

D’autres auteurs, par contre, insistent à retenir l’usage des termes ‘‘ soutenable’’ et
‘‘soutenabilité’’ : Michel Danais considère les termes ‘‘durable’’ et ‘‘durabilité’’ d’être
réducteurs, car « ils recentrent implicitement le concept uniquement sur l’aspect
temporel »(6). L’auteur réaffirme que « la préoccupation n’est pas d’inscrire le
développement dans la durée, elle est aussi – est surtout– de le rendre conforme à des
objectifs éthiques.…. Il y’a donc bien plus que de la durée dans la notion de `soutenabilité´

-------------------------------------------------------------
(1)
Bibliorom Larousse (1996) cité in (D. Defrise, « Le développement durable, Analyse des textes de références » in, Travail de fin
d’études, DES Gestion de l’Environnement et d’Aménagement du Territoire, IGEAT-ULB, novembre 1998. P8 ), (L’auteur reproche
là au terme ‘‘durable’’ une certaine tendance à réduire le sens du concept ‘‘ DD’’. Là, l’on pourrait se demander sur le sens attribué
aux terme durable dans ‘‘ Biens de consommation durables’’ ? )
(2)
Dr. Driss souheil / Al Manhal « dictionnaire français arabe », ed Dar Al Aadaab bayrout 2004
(3)
Cité in Marcel Jolivet, 2001, Le développement durable, de l’Utopie au concept : De nouveaux chantiers pour la recherche, col
environnement, Ed. Elsevier .P13
(4)
Selon le Robert, «soutenable» signifie, dans son sens premier, « qui peut être soutenu par des raisons plausibles » ; le Larousse
donne une définition proche (« qui peut se soutenir par de bonne raisons »), mais qui est prise au figuré. «Soutenable» renvoie donc à
« soutenir » pris dans le sens d’«affirmer, faire valoir en appuyant par des raisons» (selon le Robert) ou « faire valoir les arguments en
faveur d’une thèse » (selon le Larousse)’’
(5)
Idem p.13 et p.14
(6)
Michel Danais « durabilité et soutenailité : dynamique des systèmes locaux » in ( ‘‘Le développement durable, de l’Utopie au
concept : De nouveaux chantiers pour la recherche’’, sous dir. M. Jollivet, col. environnement, Ed. Elsevier, 2001 .P255.

22
.... qui peut être mobilisé à tout moment pour concrétiser la simple propriété de non
obsolescence ou de pérennité d’un objet ou d’une action… » (1). Il a finit par conclure, qu’il
est « hautement préférable d’employer, nonobstant leur consonance importée, les
expressions ‘‘développement soutenable’’ et ‘‘soutenabilité’’…» (2).

Il semble bien que le ‘‘problème’’ de traduction a tendance à animer le débat autour


du concept de DD et sa signification, en particulier, autour des qualificatifs ‘‘durable’’ et
‘‘soutenable’’. L’un comme l’autre, se référent, incontestablement, à la notion ‘‘temps’’ et
à la pérennité du processus aboutissant à un DD. Ils renvoient de même à l’idée « qu’un
développement qui ne réalise pas certaines conditions ne peut pas durer » (3). Cependant,
ce à quoi il importe d’en tenir compte ici, c’est que, cette ‘‘durabilité’’ ou ‘‘soutenabilité’’
des processus n’est nullement isolée : elle demeure conditionnée et ne peut faire abstraction
de l’intervention corrective de l’homme. C’est là une sorte ‘‘d’interpellation’’ à une
reconsidération accrue de la dimension ‘‘opératoire’’ à laquelle s’attache cette notion de
DD. Ceci dit, cette ‘‘interpellation’’ ne réduit en rien, la valeur de cette notion d’être
support de débat scientifique et/ou de formalisation théorique.

SII.1.2./ Les problèmes d’interprétation.

Nous ne pouvons s’abstenir d’affirmer, dès le départ, que la question liée à la


problématique d’interprétation relative au concept de « Développement durable » et de la
notion de « durabilité », constitue incontestablement, à notre sens, l’élément le plus critique
et le plus pertinent à appréhender avec finesse et simplicité. C’est en fait, de la
compréhension juste et mesurée de ce à quoi la notion de ‘‘durabilité d’un processus’’ fait
référence et de la faculté de l’appréhender dans son contexte, qu’on peut aisément
comprendre ce tout global qui est le ‘‘développement durable’’. Cette compréhension nous
permettra, d’une part, de faire abstraction de toute tentative d’instrumentalisation du
concept à des fins idéologiques et politico-médiatiques « …on peut craindre que
l’irruption de la notion de développement durable ne débouche soit sur un emploi
conventionnel, opportuniste et donc laxiste de l’expression, soit sur son rejet pur et
simple, soit sur une confusion totale de langage source de malentendus dans le dialogue

--------------------------------------------------------------
(1)
Michel Danais, op. cit. p255.
(2)
Ibid. p255.
(3)
M. Jollivet. Op cit. p 14.

23
tant entre scientifiques et responsables politiques qu’entre scientifiques eux même, une
occasion manquée de renouvellement du dialogue entre la recherche et la société…. » (1)
affirme M. Jolivet ; d’autre part, d’apporter des éléments de réponses aux diverses
problématiques du développement, objet du débat scientifique intervenant dans le cadre de
cette notion de ‘‘ DD’’.

Une autre affirmation s’impose : l’apport analytique relatif à cette problématique


d’interprétation et la compréhension de la notion du DD, constituent les éléments centraux
de la construction d’une éventuelle recherche sur le DD. Qu’en est-il alors, de cette
problématique d’interprétation ?

Tout le long de l’évolution de la théorie de la pensée économique et de la théorie de


développement en particulier, le débat scientifique fut animé, fondamentalement, autour du
concept ‘‘développement’’. Or, cette notion de développement est, elle-même multiple :
“développement” peut être conçu comme synonyme de changement socio-politique, de
croissance économique, de progrès, d’amélioration du bien-être, etc. L’on pourrait alors se
demander sur le ‘‘nouveau’’ induit, par ajout du qualificatif ‘‘durable’’ au terme ‘‘
développement’’ ? :

- Une des interprétations, prétend que ‘‘c’est le développement qui doit être
soutenu’’(2). Le développement durable serait donc vu comme « une invitation à faire
durer le développement, (…) qui doit avancer à un rythme plus soutenu jusqu’à devenir
irréversible »(3)

Dans ce sens, le concept de développement durable s’intègre dans le débat plus large
autour du développement - des pays en développement (PED) mais aussi des pays
(4)
industrialisés - et de la pérennité de ce processus.

--------------------------------------------------------------
(1)
M. Jollivet. Op cit. p 12
(2)
L’interprétation de la Banque Mondiale , en 1992 “What is sustainable? Sustainable development is development that lasts”
correspond à ce courant de pensée. (cité dans Sachs, W., 1993, p. 10). Ce dernier affirme également que dans cette
interprétation “sustainable development calls for the conservation of development, not for the protection of nature”) cité in
(analyse des texte de référence, D. Defrise , P9.)
(3)
Idem ( Rist,G. ( 1996) P :314 )
(4)
D.Defrise, op.cit p. P9.

24
Dans ce sens également, le développement durable hérite de la fragilité du concept du
développement (W. Sachs, 1993) et de ses nombreux adversaires (1).

- Le soulèvement de la question environnementale dans le débat relatif à la problématique


de développement, allait conférer (et l’est encore de nos jours) à la question écologique la
connotation d’être la référence de tout développement qui se veut ‘‘durable’’. Autrement, la
notion de DD, fut le plus souvent interprétée comme une notion qui a trait à la simple donnée
écologique (préservation de l’écosystème). Là, la notion de ‘‘durabilité’’ ou ‘‘soutenabilité’’
est aisément perceptible : en effet, il est bien clair que la capacité de régénérescence d’une
ressource naturelle (qui se fait dans des conditions climatiques, de temps et d’espace donnés)
définit un optimum de ressources exploitables à long terme (capacité de reproduction
soutenable ou pérenne). Ainsi, cet optimum définit un niveau de ‘‘soutenabilité’’ dite
``soutenabilité écologique’’(2) au-delà duquel, l’écosystème subit une surexploitation qui peut
induire sa déperdition (donc sa non ‘‘ durabilité’’). En conséquence, le DD est interprété
comme identique à un processus de ‘‘soutenabilité écologique’’.

Si l’on se réfère à la définition(3) fondatrice du concept de DD ‘‘ …Un développement


qui répond aux besoins du présent sans compromettre les capacités des générations futures
à répondre à leurs besoins’’ on remarque que le terme ‘‘environnement’’ semble y faire
défaut. Ceci allait ouvrir la voie à une troisième interprétation associant les deux premières
(citées en haut): le DD serait alors conçu comme un processus de « poursuite du
développement, mais avec la condition supplémentaire d’une compatibilité avec le respect
de l’environnement » (4). C’est là « un sens fréquent, mais qui n’épuise pas le sujet» selon
E Zaccai.

SII.1.3./ Les définitions qui en découlent :

Les multiples et diverses interprétations de la notion de ‘‘durabilité’’ ont induit une


certaine évolution de la définition(5) du développement durable. Cependant, ces interprétations

--------------------------------------------------------------
(1)
D. Defrise, op.cit p. P9.
(2)
C‘est un processus où c’est “la capacité de reproduction qui détermine la production et que la ‘durabilité’ implique que le
processus ne peut être maintenu qu’à certaines conditions, données de l’extérieur”( Rist, G. (1996), p. 314) cité in Analyse des textes
de référence, D. Defrise P 9)
(3)
Définition avancée par Mme G.H. Brundtland en 1987.
(4)
Edwin Zaccaï « Qu'est-ce que le développement durable ? », Intervention lors du cycle de conférences"Rio, le développement
durable 10 ans après" à la Cité des Sciences, Paris. Mai 2002, P2
(5)
En 1989, deux années seulement après la publication du rapport Brundtland, Pezzey (1989) dénombrait plus de 60 définitions du
développement durable. Sept années plus tard, Dobson (1996) en comptabilisait plus de 300. cité in (C.FIGUIERES, H.
GUYOMARD, ET G. ROTILLON « le développement durable: Que peut nous apprendre l’analyse économique ? » publication de
Lameta – Etudes et Synthèses - Article préparé dans le cadre du 60ème anniversaire de l’INRA ( Académie d’agriculture de France :
séance du 11 Octobre 2006 ), Montpellier, novembre. 2006/ p.3)

25
convergent, toutes, à mettre en évidence deux points fondamentaux : la question de la
dégradation de l'environnement qui accompagne en général la croissance économique, mais
également la nécessité pour cette croissance de réduire la pauvreté.

« Malheureusement, l'idée du développement durable se révèle souvent


être sans fondement théorique cohérent...Le fait que l'on ne s'entende pas sur la
signification du développement lui-même explique en partie le sens mouvant que
l'on donne au développement durable. » (1) (W.M. Thomas, Green Development,
1990, 3, 4.)

*/ Représentations illustratives :
La conception la plus couramment admise concernant le DD, est l'idée des trois
sphères: la sphère économique, la sphère sociale et la sphère environnementale.
Certaines définitions qui se réclament du DD, parlent d’intégration de ces dimensions.
D’autres évoquent la notion d’équilibre. D’autres encore, tentent de multiplier les principes
ou les critères auxquels il doit satisfaire (vision long terme, vision globale, principe de
précaution, intégration, participation, etc)

Ces dimensions ont été représentées de diverses manières, sous forme de cercles qui
se chevauchent, de piliers, ou de cercles concentriques (Figure 1 et 2). Même les cas de
figures(2) présentées ici et là, traduisent cette conception multiple, du DD :

- D’une conception ‘‘simplifiée’’ mettant en relief une situation de satisfaction


optimale « durable » (Fig.1.A), émerge une autre conception améliorée
«visualisation dynamique» qui est avancée par l’UICN (Fig.1.B) illustrant une
situation de ‘‘développement ’’ présente, et une autre souhaitée ‘‘Développement
durable’’.

- Le modèle des piliers (Fig. 2.A), illustre la nécessité d’une croissance économique,
d’une protection de l’environnement et d’un progrès social pour l’atteinte d’une
situation de DD.

-------------------------------------------------------
(1)
Cité in Philippe Crabbé, «Le développement durable : concepts, mesures et déficiences des marchés et des politiques au niveau de
l’économie ouverte, de l’industrie et de l’entreprise », Institut de recherche sur l'environnement et l'économie, Université d'Ottawa,
coll. document hors-série no. 16 (Canada. Industrie Canada), Octobre 1997
(2)
D’autres configurations sont présentées dans différents travaux consultables sur : le guide Novethic 2002, les sites de 4D
(www.association4d.org), Agora21 (www.agora21.org), etc…

26
Figure 1 : Cercles qui se chevauchent
A. Le développement durable à la confluence B. Modèle des cercles de l’UICN (1) :
des trois «sphères»

Source: site du PNUE source : http://www.iucn.org/programme/

- Le modèle des piliers (Fig. 2.A), illustre la nécessité d’une croissance économique,
d’une protection de l’environnement et d’un progrès social pour l’atteinte d’une
situation de DD.

- Le modèle des cercles concentriques (Fig. 2.B1) traduit des situations contrastées où
prédominent à chaque fois les objectifs de l’une des trois dimensions.

- Enfin, le modèle des cercles (Fig. 2.B2) illustre bien une situation préoccupante des PD
(pays industrialisés), inhérente à la prépondérance de la dimension environnementale.

Figure 2. Représentations visuelles du développement durable :


(Piliers et cercles concentriques).
A. Piliers

Source : http://www.vda.de/en/service/jahresbericht/auto2002/auto+umwelt/u_3.html
-------------------------------------------------------
(1)
Le programme de l'UICN 2005-8, adopté en 2005, utilise le modèle des cercles qui se chevauchent pour démontrer que les
trois objectifs doivent être mieux intégrés par des actions ayant pour but de rétablir l'équilibre entre les dimensions de la
durabilité). UICN « Le futur de la durabilité : Repenser l'environnement et le développement au vingt et unième siècle » s/dir.
de W.M. Adams ’’Le rapport du rendez vous, Zürich, 29-31 janvier, 2006.P4

27
B. Cercles concentriques : (Situations disparates où les acteurs modifient l’importance des
sphères)

Fig.B1
Fig.B1 Fig. B2
‘‘ Si l’économie va bien on peut faire du social et de ‘‘ L’activité économique ne saurer durer, et
l’environnement : une conception dite de encore moins se développer sur le long terme si
« Durabilité faible » ’’ la nature (…) venait à être trop gravement
endommagée « Durabilité forte » ’’
Source : Aurélien BOUTAUD (1)

SII.2./ Les dimensions du développement durable : les interdépendances

Bien qu’actuellement il est fait référence à une quatrième dimension (gouvernance ou


démocratie participative) (2), la réflexion autour de la notion de DD demeure centrée sur la
« difficile » réconciliation des logiques : économique, sociale et environnementale.

SII.2.1./ La dimension économique :

A ce niveau, la référence au développement durable a trait à l’amélioration de


l'efficacité économique (croissance, stabilité, efficience, etc.), c'est-à-dire favoriser une
gestion optimale des ressources humaines, naturelles et financières, afin de permettre la
responsabilisation des entreprises et des consommateurs au regard des biens et services
qu'ils produisent et utilisent ainsi que, par l'adoption de politiques gouvernementales
appropriées (principe du pollueur/payeur, internalisation des coûts environnementaux et
sociaux, éco-fiscalité, etc.)

---------------------------------------------------------------------------------
(1)
Aurélien BOUTAUD, « Le développement durable : penser le changement ou changer le pansement? (Bilan et analyse des outils
d’évaluation des politiques publiques locales en matière de développement durable en France : de l’émergence d’un changement dans
les modes de faire au défi d’un changement dans les modes de penser), Thèse de doctorat en ‘‘ Science et génie de l’environnement’’,
l'Ecole nationale supérieure des mines de Saint Etienne et L’Université Jean Monnet, février 2005. p.70 et p.75
(2)
Dimension évoquée par C. Brodhag cité par (Pierre chassande, 2002, Développement Durable, pourquoi ? et comment ? Ed
Edisud , Aix-en-Provence P 148)

28
Si l’on retient le cas de l’entreprise, le principe de conduite sous l’angle du DD suppose,
au-delà da la performance financière, une prise en compte des perspectives à long terme de
l’entreprise, mais aussi de son impact sur le développement économique de ses zones
d’implantation et celui de ses parties prenantes et le respect des principes d’éthique des affaires
(absence de corruption, d’entente, concurrence loyale …..).

SII.2.2./ La dimension sociale :


C’est la sphère des ‘‘finalités’’ de toutes activités humaines. L’accent y est mis sur
l’amélioration de l'équité sociale. Autrement, l’effort de développement qui se veut ‘‘durable’’
devra permettre la satisfaction des besoins essentiels des communautés humaines présentes et
futures et l'amélioration de la qualité de vie et ce notamment, par l'accès pour tous à l'emploi, à
l'éducation, aux soins médicaux et aux services sociaux, à un logement de qualité, ainsi que par
le respect des droits et des libertés de la personne, et par la participation, pour l'ensemble des
groupes de la société, aux différents processus de prise de décision.
Là aussi au niveau de l’entreprise, il s’agit de mettre en relief les éventuels conséquences
sociales de son activité sur l’ensemble de ses parties prenantes : ses employés (conditions de
travail, formation, rémunération, non discrimination, solidarité …..) ses fournisseurs, ses
clients (sécurité et impact des produit…) ainsi que sur les communautés locales (nuisance,
respect des cultures, des droits de l’homme….).

SII.2.3./ La dimension environnementale :


Faisant référence à la donnée environnementale, le principe du développement durable
impose le maintien et la préservation de l'intégrité de l'environnement : Il s’agit en fait,
d’intégrer dans l'ensemble des actions des communautés humaines, la préoccupation du
maintien de la vitalité et de la diversité des gènes, des espèces et de l'ensemble des écosystèmes
naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment, par des mesures de protection de la qualité
de l'environnement ( y compris le cadre de vie de l’être humain lui-même), par la restauration,
l'aménagement et le maintien des habitats essentiels aux espèces ainsi que par une gestion
durable de l'utilisation des populations animales et végétales exploitées.
(1)
Pour l’entreprise, l’accent est mis sur l’impact de son activité (site et produits) sur
l’environnement au sens large (consommation des ressources naturelles, les rejets divers,
l’occupation du territoire … etc).

------------------------------------------------------------
(1)
Selon le degré de prise en compte de la dimension environnementale dans la stratégie de l’entreprise, différentes approches sont
définies, entre autres:
- l’approche ‘‘site’’ identifié à un outil de gestion interne de l’entreprise, fondée sur l’amélioration continue. Comparée à un
management de la qualité, cette approche peut conduire à une certification ISO14001
- c’est une approche qui prend en compte toutes les étapes du cycle de vie du produit. Il s’agit de recenser et de quantifier,
tout le long de ce cycle, les flux physiques de matière et d’en évaluer les impacts potentiels.
Michel Giran, 2003, « Le guide du développement durable : Internet pour une terre nette », Ed ALIAS etc , Paris. P125

29
SI.2.4./ Le problème des interfaces :

Figure 4 :
A) Interdépendance des trois dimensions
La figure (Fig.4.A) met en relief
l’interdépendance et la complexité des phénomènes
en jeu (économiques, sociaux et environnementaux).
Toute appréhension de cette notion de DD, impose
donc une transversalité des approches, pour mettre
au clair ces interfaces (vivable, viable, équitable).
Cette représentation n‘est, toutefois, qu’une
visualisation descriptive d’une situation
‘‘souhaitable’’.

Toute la difficulté réside dans la réponse à la question du ‘‘comment et à quelles


proportions, les arbitrages entre les différents choix peuvent conduire à un DD’’.

Pour illustrer cette difficulté, E. Zaccai avance le schéma suivant (Fig.4.B)

B) Limite du model à trois pôles selon E. Zaccai(1)

Source : E. Zacai (2002)

Pour l’auteur ;
- Le point A représente une mesure tenant compte de l'environnement et de l'économie
(par exemple un "prix vérité" pour l'eau ou les transports - tenant compte des
"externalités environnementales-). Mais sans avoir corriger des désavantages accrus
pour les plus défavorisés, ou sans avoir tenu compte de son acceptation sociale.

----------------------------------------------------
(1)
Edwin Zaccaï « Qu'est-ce que le développement durable ? », Intervention lors du cycle de conférences"Rio, le
développement durable 10 ans après" à la Cité des Sciences, Paris. Mai 2002, P.7

30
- Le point B représente une décision "tenant compte" des trois aspects. Cependant, ce que
peut signifier un équilibre entre des domaines si différents, reste flou(1).
C’est l’une des raisons, selon E. Zaccai, qui incite certains auteurs à insister sur la nécessité
de considérer d'autres dimensions également : institutionnelle, culturelle, spatiale, ou autre(2).
Considérée comme fort abstraite, la distinction en trois pôles (Fig.4.B) ne permet pas une
véritable délimitation des différents aspects. Pour cet auteur, les exemples sont multiples :
- Parmi les aspects sociaux on fait souvent intervenir des critères économiques, tels que
le niveau de pauvreté monétaire, ou des aspects très partiels, comme le respect des
réglementations du travail.
- Ou encore, parmi les aspects environnementaux, l’existence d’une très large palette
entre le recyclage de déchets d'emballage et la lutte contre l'effet de serre à grande
échelle, entre les impacts de la filière du nucléaire, et la diminution de la biodiversité,
pour citer quelques problématiques clés.
- Pour palier à de tel handicap, l’auteur évoque le recours à des « tentatives de
rationalisation de l'évaluation», et à la mise en place de « batteries de critères et
d'indicateurs normalisés, que ce soit pour des Etats, des villes ou des entreprises ».(3)
Malgré la pertinence des questionnements soulevés, deux éléments sont à prendre en
considération, à notre sens :
1) Un optimum de ‘‘bien-être’’ absolu, n’est qu’une sorte d’« utopie » : l’équilibre
simultané des trois dimensions (état matérialisé par le point B – Fig.4.B –) n’est pas un
impératif (au sens stricte du terme).
2) Si l’on raisonne sous une vision ‘‘opératoire’’ en terme ‘‘d’objectifs spécifiques’’, de
‘‘buts’’ et de ‘‘finalités’’, il est évident que la réalisation de quelques ‘‘objectifs
spécifiques’’, peut converger vers l’atteinte d’un but. Cependant, seule l’atteinte d’une
multitude de buts, permet de converger vers une finalité (4). Celle-ci, et au-delà de la
difficile quantification de ses indices, n’est enfin de compte que relative. Nous avons
tenté de schématiser cette vision dans la figure 5 (ci-dessous)

----------------------------------------------------
(1)
Edwin Zaccaï « Qu'est-ce que le développement durable ? », Intervention lors du cycle de conférences"Rio, le
développement durable 10 ans après" à la Cité des Sciences, Paris. Mai 2002, P.7
(2)
c.Brodhag (cité plus haut) introduisait la notion de gouvernance.
(3)
Edwin Z. op cit p.8
(4)
Dans le cas du développement durable, on admet que c’est un niveau de « bien-être » souhaité, induit par un mode de
développement prudent qui satisfait « l’épanouissement » de l’individu et de la collectivité, tout en préservant l’harmonie entre les
différentes dimensions : sociale, économique, environnementale…

31
C’est là, une sorte de ligne de conduite, qui confère à la notion de DD sa force opératoire
la préservant contre toute forme d’instrumentalisation : parler de DD, c’est avant tout, faire
référence à un mode et une manière de faire, il n’est nullement une situation statique (1) dans le
temps qu’il faut atteindre. Entre théorie et pratique, les analyses qui tentent d’appréhender cette
notion, demeurent encore en gestation.

Figure 5 : Schéma représentatif d’un processus avec accent mis sur les actions
quantifiables menant à des situations de développement durable.

La jonction, Objectifs spécifiques - But – Finalités relatives – Finalité absolue

– OS : Objectifs Spécifiques – B : Buts


– FR : Finalités Relatives – FA : Finalité Absolue

Phase : Court - Moyen Terme Moyen – Long Terme Long Terme

Processus aux actions quantifiables Quantification relative Effets difficilement quantifiables

* Les Objectifs spécifiques sont exprimés sous des aspects quantitatifs, qualitatifs et temporels
* Les Buts sont dits (SMART) : Spécifiques, Mesurables, Atteignables, Réalisables et Temporels
* Les Finalités Relatives : sont identifiées à des niveaux de satisfactions différents selon les individus, les groupes
d’individus, les nations… etc., en fonctions de multiples critères et selon leurs préférences. On peut la confondre
avec une situation de DD, aboutissement d’un processus ayant réalisé les objectifs spécifiques (OS1, OS2….) et
ayant permis l’atteinte des Buts (1, 2, 3…….)
* La Finalité Absolue : c’est une abstraction

Source : Schéma construit par nous même

--------------------------------------------------
(1)
Car en fait, il n’existe pas de situations « sociale, environnementale, économique, ou autres » statiques dans le temps.

32
Section III./ Le développement humain durable : concept et mesure,
«La finalité du rapport est de mesurer la capacité des pays à transformer leurs
produits intérieurs bruts en outil de développement humain» Mourad Wahba,
SIII.1 / Contexte historique :
Les concepts de développement humain, de développement durable, de
développement social ont fait leur apparition au sein des politiques nationales au début des
années 90. Certes les débats d'idées correspondants existaient auparavant, dans les années 80 et
même 70 avec les initiatives du Club de Rome concernant l'environnement ou la réflexion sur
les besoins essentiels.
Les institutions des Nations-Unies ont joué un rôle de premier plan dans la promotion de
ces concepts et dans leur diffusion au sein même des instances gouvernementales par la
publication des rapports annuels sur le développement humain, initiée en 1990, et la tenue
d'une série de conférences internationales sur l'environnement (Rio 1992), les droits de
l'homme (Vienne 1994), le développement social (Copenhague 1995), la population (Le
Caire 1996), la ville (Istanbul 1998).
Ces conférences ont le mérite de rappeler que la finalité du développement économique
demeure l’être humain qu'il soit considéré individuellement, en tant que personne humaine,
ou collectivement, par son insertion au sein de familles, de ménages ou de toute forme
d'association: organisations non gouvernementales (ONG), catégories socioprofessionnelles,
classe moyenne et société civile, etc… Ce qui revient à chercher des solutions à la question
plus large de l’articulation entre l’efficacité économique et l’équité sociale.
Dans tous les cas, l’objectif final est de créer une société d’abondance (critère
économique lié à l'accumulation de richesses) et d’harmonie sociale (critère social lié à la
préservation de la cohésion sociale). Le terme global de bien-être, généralement adopté dans un
sens plus restrictif, permet de traduire cette double dimension à condition d’élargir sa définition
au fur et à mesure que progresse la connaissance économique avec l'affinement des concepts
existants.
Certes, en réalité bien des pays demeurent éloignés de cet objectif : la croissance
économique arrivant à peine à suivre l'augmentation de la population. Ceci oblige à mettre en
œuvre des politiques qui cherchent, d'une part, à satisfaire au minimum les besoins essentiels
de la population comme l'alimentation, l’habillement, le logement, l’éducation, la santé, etc.,
d’autre part, ces politiques veillent est-ce-que le mode de croissance choisi génère bien des
----------------------------------------------------------------
(1)
Coordinateur résident des Nations unies et représentant du PNUD au Maroc.

33
emplois et réduise par ce moyen notamment la pauvreté. On retrouve ainsi les objectifs du
développement social (mis en valeur à la fin des années 70 et repris au cours des années 90), et,
plus globalement, de développement humain, proposés par les Nations-Unies après 1990.
Même si les éléments qui entrent dans la définition de ces concepts, au demeurant
contestés et parfois imprécis, demandent encore pour être opérationnels un gros investissement
dans la recherche.

SIII.2 / la mesure du développement : l’Indicateur de développement


humain (IDH)
SIII.2.1 : L’IDH : une portée qualitative
Les indicateurs de développement humain (human developement indicators), sont des
indicateurs chiffrés utilisés par le PNUD pour estimer le développement d'un pays. À partir de
ces indicateurs, on calcule un indicateur composite : l'indice de développement humain ou
IDH (human development index, HDI). Contrairement au revenu par habitant, l'IDH prend en
compte le caractère multidimensionnel du développement.
L'Indicateur du Développement Humain (IDH) repose sur l'idée que le
développement se résume à :
 Vivre longtemps,
 Atteindre un bon niveau d'éducation, et
 Disposer d'un niveau de vie décent.

L’Indicateur de Développement Humain (IDH) essaie de mesurer le développement plus


que la croissance économique en intégrant des indicateurs qualitatifs : Il a comme objectif
d'essayer de mesurer le niveau de développement des pays, sans en rester simplement à leur
poids économique mesuré par le P.I.B. ou le P.I.B. par habitant. Il intègre donc des données
plus qualitatives. C'est un indicateur qui fait la synthèse (composite ou synthétique) de trois
séries de données :
• l'espérance de vie à la naissance (qui donne une idée de l'état sanitaire de la population
du pays),
• le niveau d'instruction mesuré par la durée moyenne de scolarisation et le taux
d'alphabétisation,
• le P.I.B. réel (c'est-à-dire corrigé de l'inflation), par habitant, calculé en parité de pouvoir
d'achat (c'est à-dire en montant assurant le même pouvoir d'achat dans tous les pays) ; le
P.I.B. : par habitant donne une indication sur le niveau de vie moyen du pays.

34
L'I.D.H. est calculé par le P.N.U.D. Il se présente comme un nombre sans unité compris entre 0
et 1 (0 < IDH < 1).
Plus l'I.D.H. se rapproche de 1, plus le niveau de développement du pays est élevé.
L'I.D.H., s'il est sans doute un meilleur indicateur du niveau de développement d'un pays que le
P.I.B. par habitant, n'est cependant pas exempt de faiblesses, en particulier parce qu'il inclut
celui-ci et on sait que la mesure du P.I.B. pose de nombreux problèmes. D'autre part, il faudrait
sans doute prendre en compte davantage de critères qualitatifs, en particulier en ce qui concerne
les inégalités.

SIII.2.2 : la mesure de l’IDH :

La pondération de l'indice d'éducation est de 2/3 pour le taux d'alphabétisation et de 1/3 pour le
taux de scolarisation.
Le niveau de vie est mesuré par le PNB par habitant en parité de pouvoir d'achat (PPA), corrigé
par une formule logarithmique, pour prendre en compte le fait que le bien-être croît moins vite
que la richesse. Cet indicateur sert à classer les pays par ordre décroissant; l'ordre de
classement est l'indice de développement humain du pays.
Le PNUD classe les pays en trois groupes :
• Pays à développement humain élevé: IDH > 0,8 (53 pays) ;
- l'IDH moyen est de 0,918;

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• Pays à développement humain moyen : 0,8 > IDH > 0,5 (84 pays);
- l'IDH moyen est de 0,691;
• Pays à faible développement humain : 0,5 > IDH (36 pays);
- l'IDH moyen est de 0,448.

Exemple : soient les indications suivantes pour la cas du Maroc :


A) Espérance de vie
Un maximum et un minimum sont identifiés de façon arbitraire (ex. min. 20 ans / maxi 80 ans,
ces données pouvant changer dans le futur).
Eo : Espérance de vie à la naissance pour un pays donné (à une date choisie), on a la
conversion de l'indicateur en indice à partir de la formule suivante
Eo (Maroc) = 69 ans (2006)

Indice M = 69-20/80-20 = 0,81

B) Indice du Niveau d’Instruction


Taux d’alphabétisation
Pour le PNUD, il correspond au pourcentage des personnes âgées de 15 ans et plus qui
peuvent, en le comprenant, lire et écrire un texte simple et court sur leur vie quotidienne
Prenons l'exemple du Maroc (2004)
Le taux d'alphabétisation des adultes au Maroc était égal à 80,4%, l’indice
correspondant est donné par:
Indice Alphab Adult : 80,4-0 / 100-0 = 0,804
Taux brut de scolarisation
C’est le nombre d’élèves inscrits dans un cycle d’enseignement donné (quel que soit leur
âge), exprimé en pourcentage de la population d’individus officiellement en âge de
fréquenter ce niveau d’enseignement.
Prenons l'exemple du Maroc (2004):
Le taux brut de solarisation était égal à 69%. L'indice dimensionnel correspondant est :
Indice Scolarisation : 69-0 / 100-0 = 0,69

Ind. Niveau d’Instruction


Cet indice est construit, en pondérant les deux indices précédents (2/3 pour
l'alphabétisation des adultes et 1/3 pour le taux de scolarisation brut)

Maroc (2004), on aura pour un (Indice Alphab Adult : 0,804 et Ind. Scolarisation: 0,69), un

Ind. Niveau d’Instruct : 2/3 X 0,804 + 1/3 X 0,69 = 7,66

C) Niveau de vie
Il est donné par la formule :

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Le PNUD publie directement les PIB par habitant de chaque pays exprimés en dollars de Parité
de Pouvoir d’Achat (PPA)(1);

Le calcul de l'indice se base sur un minimum de (100 $) et un maximum de (40 000 $) ;


(2,60206 = Log 40000 - Log 100)

Donc le calcul de l’IDH est donné par la formule :

-------------------------------------------------------------------
(1)
est une méthode utilisée en économie pour établir une comparaison entre pays du pouvoir d'achat des devises nationales, ce
qu’une simple utilisation des taux de change ne permet pas de faire.
La PPA permet de mesurer combien une devise permet d’acheter de biens et services dans chacune des zones que l’on
compare.
PPA absolue :
La PPA absolue définit un cours de changes entre deux monnaies. Elle est déterminée en définissant un panier de
consommation dans un pays et en évaluant le prix d’un panier « semblable » dans un autre par la formule :

, où St est la PPA absolue entre les deux pays, et Pt est le prix à la période t du panier de référence
dans le pays domestique. Le pays étranger est marqué par un astérisque.
Pour prendre un exemple chiffré, fictif, si un panier de produits évalués à 1 000 $ aux États-Unis à un coût moyen
de 900 euros en France, alors le taux de change en PPA du dollar par rapport à l'euro sera de 0,90. Ce taux est
calculé indépendamment du cours de l’euro en dollar sur les marchés des changes, qui peut fortement fluctuer.

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