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DU PRESCRIT AU REEL :
L’insécurité émotionnelle
des enseignants face à l’inclusion des
élèves à besoins éducatifs particuliers.
L’exemple d’un dispositif ULIS TSA.
Safia SAAKOVIDI
directeur de mémoire, Sylvie PEREZ, pour son temps et son écoute, car il y a
de cela quelques mois elle m’aura permis de me lancer dans l’écriture et ainsi
leur soutien inestimable, et tout spécialement mon époux et mes enfants pour
qui je n’ai pas pu être aussi présente que je l’aurai voulu en cette année de
reprise d’étude.
2
RÉSUMÉ
Depuis près de 15 ans, l’éducation nationale est confrontée à un
bouleversement majeur : passer d’une vision intégrationniste à une vision
inclusive. Ce changement majeur de paradigme impacte terriblement et
profondément les professeurs des écoles dans leur posture enseignante,
dans leur pratique de classe quotidienne et surtout dans leur rapport aux
élèves. Cette métamorphose prescrite et donc imposée, provoque des
émotions controversées chez ces acteurs principaux du système scolaire
notamment lorsqu’il s’agit d’inclure des élèves porteurs de Troubles du
Spectre Autistique (TSA). Cette étude menée en situation et au plus près de
l’action, cherche ainsi à révéler les ressentis de ces enseignants, leurs
sentiments, leurs émotions aussi subjectives soient-elles, afin de tenter de
comprendre ce qui se joue au sein de l’école inclusive. Nous mettrons ainsi en
avant ce lourd ressenti d’incompréhension face aux injonctions ministérielles,
ce sentiment d’incompétence et d’illégitimité ressenti par le corps enseignant
ainsi que l’émotion de peur que provoque l’autisme.
ABSTRACT
For nearly 15 years, national education has been facing a major upheaval:
moving from an integrationist vision to an inclusive vision. This major
paradigm shift has a terrible and profound impact on school teachers in their
teaching position, in their daily classroom practice and especially in their
relationship with students. This prescribed and therefore imposed
metamorphosis provokes controversial emotions among these main actors in
the school system, particularly when it comes to including students with
Autism Spectrum Disorders (ASD). This study, carried out in situation and as
close as possible to the action, seeks to reveal the feelings of these teachers,
their feelings, their emotions, however subjective they may be, in order to try
to understand what is at stake within the school inclusive. We will thus
highlight this heavy feeling of incomprehension in the face of ministerial
injunctions, this feeling of incompetence and illegitimacy felt by the teaching
staff as well as the emotion of fear that autism causes.
3
Table des matières
Introduction …………………………………………………………………………. 6
4
6. Résultats et discussion ………………………………………………….. 56
Conclusion ……………………………………………………………...………… 65
Bibliographie ……………………………………………………………………… 67
Annexes …………………………………………………………………………... 72
➢ A1 : 23 questionnaires des 3 cohortes d’enseignants …………………. 73
- cohorte 1 ……………………………………………………….. 73
- cohorte 2 ……………………………………………………….. 83
- cohorte 3 ……………………………………………………….. 97
➢ A2 : Synthèse des 7 questionnaires numériques enseignants école de La
Gazelle ………………………………………………….…………………. 119
➢ A3 : Retranscription intégrale de l’entretien semi-dirigé de la
remplaçante
……………………………………………………...……………………….. 127
➢ A4 : Retranscription intégrale de l’entretien d’auto-explicitation de la
titulaire
…………………………………….…………………….……… .…………..137
5
INTRODUCTION
aux besoins de tous les élèves, notamment ceux en situation de handicap qui
pouvaient jusqu’à alors être privés d’école. Il s’agit ainsi de permettre à ces
comme tout enfant dit ordinaire. Effectivement la loi de 2005, confortée par la
aussi éthiquement louable soit-elle, inclure des enfants qui jusque-là n’étaient
mettre à mal toutes bonnes volontés : c’est le cas pour le dispositif ULIS que
je coordonne depuis 2 ans. Ainsi, cette unité localisée pour l’inclusion scolaire,
6
En effet, ce dispositif provoque du stress, de l’angoisse, de l’anxiété.
Pourquoi cet écart entre le prescrit et le réel ? Que se joue-t-il ? Que ressent
collègues ?
C’est donc en recueillant les émotions et les ressentis des acteurs du terrain
que cette recherche s’est construite, au plus près de ceux qui vivent
contexte singulier du dispositif ULIS TSA qui engendre notre objet d’étude
par la suite les cadres institutionnels et conceptuels qui orientent notre sujet.
notre ligne directrice pour toute cette étude. Et enfin nous mettrons en avant
interrogations.
7
1. Le contexte d’exercice professionnel
L’étude décrite dans ce mémoire prend sa source dans un contexte
La fatalité des mutations enseignantes a fait que j’ai changé de poste chaque
année depuis cette date. Non par choix, mais l’éducation nationale a décidé
Inclusive (CAPPEI) mon titre de professeur des écoles ne suffisait pas pour
être titulaire des postes que j’obtenais, au même titre que les autres
cette agitation professionnelle qui m’a conduite a enseigné tour à tour, dans le
dispositifs spécialisés.
8
J’ai, de fait, rencontré un très grand nombre de collègues sur ces sept
dernières années. Et pour une très grande majorité de ces derniers, pour ne
pas dire la totalité de mes collègues professeurs des écoles enseignant dans
semble suffire.
9
poste. Une discussion s’engagea alors, dans laquelle ma collègue expliquait
2020, fut l’un des moments les plus difficiles de ma carrière professionnelle.
autistiques très différents. Je n’ai que très peu d’informations sur ces enfants
et leurs troubles : chaque élève semble avoir une scolarité partagée avec des
professionnels dans son environnement direct, avec pour certains sept, voire
10
huit professionnels qui les accompagnent ! Ainsi, après un rapide état des
(AESH-Co). Ces deux personnes sont à temps plein sur le dispositif et selon
le ministère :
les élèves de l’ULIS lors des temps d’inclusion dans les classes de
l’établissement. »1
1
Circulaire n° 2015-129 du 21-8-2015
2
Commission Départementale de l’Autonomie et des Personnes Handicapées
11
« Répondre aux besoins d’un élève qui requiert une attention soutenue
directrice qui administre l’école inclusive à l’instar d’un fléau. Je me sens alors
intégrés dans l’Ulis, en articulation avec toutes les classes, afin que « chaque
institutionnelle :
3
Circulaire n° 2017-084 du 3-5-2017
4 Frangieh, B. & Weisser, M. (2013). Former les enseignants à la pratique de l'inclusion
scolaire : Le cas des élèves présentant une déficience intellectuelle légère. Recherche &
formation, 73, p.10
12
- Il m’a fallu tenter de créer une véritable relation de confiance avec les
leur enfant ;
- il m’a fallu tenter d’impulser un travail d’équipe avec toutes les AESH
tant soit peu adaptés aux problématiques de mes élèves, prendre contact
13
cet enseignement d’avoir lieu ; comme si je n’étais plus professeur des écoles
mais architecte de l’éducation inclusive pour des élèves qui ne semblaient pas
exacerbées sur ce dispositif si particulier qu’est une ULIS TSA mais tout de
même assez global quelle qu’en soit le profil des élèves accompagnés. Je me
suis donc questionnée sur les émotions que peuvent ressentir un enseignant
qui détermine cette insécurité commune qui semble nous opposer ? Dans ce
l’école inclusive face à des élèves porteurs de TSA. Notre objectif étant donc
qu’ils ressentent, pourquoi ils le ressentent et ce que cela induit d’un point de
14
2.1. Qu’est-ce que l’école inclusive ?
Le principe de l'école inclusive est inscrit dans le code de l'éducation dès son
premier article :
"Le service public de l'éducation [...] reconnaît que tous les enfants
C’est donc dans ce cadre que l'école et donc les enseignants doivent user de
Cette définition que nous offre le législateur devrait donc suffire au corps
enseignant pour savoir comment agir avec tous les élèves aussi singuliers
soient-il.
Cependant la réalité semble être toute autre, et je le résumerai ici par les
aussi importante ? » ;
5
Article L111-1 du code de l’éducation, 26/08/2021.
15
- « Je ne peux pas faire classe en me penchant individuellement sur
chacun ! » ;
- etc...
handicap, en France comme ailleurs, nous apparait sous l’œil nouveau des
cela s’est soldé par une approche éducative par « besoins éducatifs
16
Le problème semble être que les EBEP sont vus essentiellement sous la
médicalement :
neurodéveloppementaux ? » ;
- « 2 AESH au sein d’une classe c’est trop compliqué à gérer, je ne peux pas
indique dans une dernière étude6 auprès de mille enseignants, que plus de la
des élèves BEP. Or il démontre dans cette étude, et sans surprise, que les
6
Mickaël Jury, Anne-Laure Perrin, Odile Rohmer, Caroline Desombre. Attitudes Toward
Inclusive Education: An Exploration of the Interaction Between Teachers’ Status and
Students’ Type of Disability Within the French Context. Frontiers in Education , Frontiers,
2021, 6.
17
2.3 Comment pourrais-je y arriver ?
particuliers influent sur les attitudes des enseignants et sur leurs émotions.
Or selon les travaux sur les émotions du psychologue Albert Bandura (2003)7,
engager dans l’action. C’est effectivement ce regard sur nous-même qui nous
7Carré, P. (2018). Albert Bandura et l’auto-efficacité. Dans : Martine Fournier éd., Les Grands
Penseurs de l'éducation (pp. 139-142). Auxerre: Éditions Sciences Humaines.
8 Daniel Favre, Cessons de démotiver les élèves, Dunod, Paris, 2010, p.47.
18
3. Cadre institutionnel et dispositif
Il nous faut maintenant rentrer plus en détail dans l’explicitation de ce qu’est le
C’est suite à la promulgation de la loi pour l’égalité des droits et des chances,
Cette classe accueille à ces débuts, un seul élève présentant des troubles du
Spécialisée (CLIS) devient une CLasse pour l’Inclusion Scolaire (CLIS) afin de
CLIS pour lesquels l’enseignant de l’époque tente d’établir autant que faire se
l’enseignement proposé.
récusée depuis près de 6 ans est encore pleine et entière dans les mentalités.
accompagnés par le dispositif Ulis sont en fait « les élèves de l’Ulis » ou plus
simplement « les Ulis » comme les appellent mes collègues. Très peu de
ponts sont existants entre les classes ordinaires et le dispositif. Les élèves ne
font pas partis des listes des classes dites de références, puisqu’une fois
littéralement des listes d’appel. Cette démarche ayant pour conséquence des
alors comme :
11 loi pour l’école de la confiance du 26 juillet 2019 Ministère de l’Education nationale, 2015, sect.1
21
« Enseigner efficacement dans des classes hétérogènes composées
Toutefois si le concept d’inclusion est bien ancré dans certains pays (Kron et
Plaisance, 2012, cité dans Benoit, 2014), la réalité en France est tout autre. Il
faut par exemple huit ans pour que ce principe soit repris dans une loi
Hervé Benoit (2014), démontre que la gestion des élèves différents, par
qui creuse les écarts au lieu de les réduire, même si elle permet de les gérer.
société » à laquelle l’élève doit s’adapter mais bien une communauté diverse
Cette nouvelle vision de l’école soutenue par Mazereau (2014) implique que
ressenti négatif.
mentalités. Pour Thomazet (2008), c’est entre les deux premières périodes
de l’inclusion scolaire, il était déjà trop tard pour agir et pour trouver un autre
les élèves handicapés étaient déjà perçus, comme « les autres apprenants,
dans leur singularité au sein de la diversité des élèves » 15 (H. Benoit, 2014).
« même lorsque leurs acquis sont très réduits » 16 ne suffira pas à enrayer les
l’inclusion scolaire.
milieu ordinaire dans des classes dites intégrées est envisagée. Ainsi c’est
15Benoit, H. (2014). Les dispositifs inclusifs : freins ou leviers pour l'évolution des pratiques.
La nouvelle revue de l'adaptation et de la scolarisation, 65, 189-204.
16Circulaire n° 2015-129 du 21 août 2015 du Ministère de l‘Education Nationale, relative à la
scolarisation des élèves en situation de handicap.
24
dans les années 1980, que cette question se pose, impulsée sous la pression
comme secondaire voire inutile. Alors qu’aux Etats Unis nait un programme
Ce n’est qu’en 1995 que la circulaire Veil décrète l’autisme comme priorité
lieux sur le territoire. De plus la loi Chossy en 1996 fait enfin sortir l’autisme
social des classes intégrées pour enfants autistes voient le jour dans des
écoles volontaires avant même que soient créer des structures spécialisées.
concluante.
Malgré le fait que près de 30 ans se soient écoulés depuis les premières
classes intégrées, ainsi que l’enchaînement des divers « plan autisme » par
évidence. Ainsi près de 80% d’enfants avec des troubles autistiques ne sont
pas scolarisés. Et ceux qui sont scolarisés n’ont pour la plupart accès à l’école
Cette étude18 précise que cette méfiance viendrait du fait que les enseignants
Dans une même logique, une enquête réalisée sur internet par la société
classe.
Il est vrai que ces craintes sont explicitement confortées par l’éducation
26
troubles envahissants du développement qui soulève la grande difficulté pour
un cadre collectif et qui repose, pour une large part, sur les interactions
Cette circulaire s’appuie sur les difficultés inhérentes aux troubles autistiques,
convient.
dispositif.
une aide directe (ou indirecte) aux autres enseignants et à l’ensemble des
inclusive.
28
l’individualisation fondé sur le modèle médical du handicap et sur un modèle
profondément bouleversée.
élèves pour les inscrire dans un collectif dans lequel ils sont de facto exclus,
et il doit collaborer avec les collègues et les partenaires avec lesquels il faut
4. Cadre conceptuel
La revue de littérature qui suit cherche à apporter un socle solide à la fois
besoins.
22
https://www.meirieu.com/ARTICLES/ETRE_ENSEIGNANT_AUJOURD4HUI.pdf
23Flavier, E. & Moussay, S. (2014). Répondre au décrochage scolaire: Expériences de
terrain. De Boeck Supérieur. p. 115
29
De façon générale, l’enseignement est de plus en plus perçu comme un
intrinsèquement.
C’est grâce à cette aptitude que nos ancêtres ont pu survivre à l’attaque de
alors que les besoins de sécurité succèdent directement aux besoins primitifs
Malgré un système pyramidal qui peut être éminemment critiqué par l’absence
primaires de survie, ainsi que les besoins de sécurité liés au besoin de vivre
Les besoins élémentaires doivent donc être satisfaits pour parvenir à un état
30
Dans cette logique il semble fondamental de comprendre comment parvenir à
nous par « le plaisir que nous avons à réaliser des tâches déjà maitrisées, à
plaisir établie par Freud. Cette notion est fondée elle aussi sur le soulagement
Ces deux systèmes (SM1 et SM2) sont complémentaires : c’est lorsque l’on
l’apprentissage.
24 FAVRE, D., (2020) Cessons de démotiver les élèves, 18 clés pour favoriser
l’apprentissage, Paris, Dunod.
31
diffèrent de nous dans une “relation de sujet à sujet” et cela tout au
Cependant il arrive que parfois le SM1 soit mis à mal et se retrouve dans une
régule plus les tensions, les émotions. Cette recherche permanente d'équilibre
inclusive mettent les équipes éducatives dans une posture de SM1p, avec des
homéostasiques.
dompter ses émotions étant donné que les émotions, la cognition et l’action
pour que l’enseignant puisse réguler ses émotions il va lui falloir agir sur sa
(hétéro-régulation).
25 FAVRE, D., (2020) Cessons de démotiver les élèves, 18 clés pour favoriser
l’apprentissage, Paris, Dunod.
32
En effet, là où l’autorégulation va permettre de maîtriser ses pensées, ses
avec lequel une personne réagit aux facteurs stress et parvient ensuite à
d’enseigner.
Nous pouvons rattacher les émotions chez les enseignants aux relations dans
Selon les recherches de Sutton, ce sont les interactions avec les apprenants
26Shanker, S. (2013). Calm, alert, and learning: Classroom strategies for self-regulation.
Toronto, ON : Pearson.
33
qui peuvent induire les émotions les plus intenses (Sutton & Wheatley, 2003)
Par ailleurs les émotions négatives semblent davantage présentes chez les
jusqu’à cinq ou sept ans d’expérience (Ria, 2009 ; Ria & Chalies, 2003 ; Ria &
Récopé, 2005).
sur eux-mêmes, motivation à enseigner et bien-être par exemple, que sur les
Ces études révèlent que lorsque les enseignants accumulent des émotions
négatives, cela peut avoir un impact sur leur qualité de vie et que pour cela il
inconsciente (Gross et al. 1998). C’est donc bien une idée de réglage,
27Visioli, J., Petiot, O. & Ria, L. (2015). Vers une conception sociale des émotions des
enseignants ?. Carrefours de l'éducation, 40, 201-230. https://doi.org/10.3917/cdle.040.0201
34
d’ajustement et de contrôle (Scallon, 2000). Allal (2007)28 propose de définir la
donc définir cette régulation comme un processus par lequel une personne
Apparaît ici encore une piste de réflexion pour notre étude : les enseignants
28
ibidem
35
anthropologie et sur l’ergonomie du travail ici transposée à l’éducation. Il s’agit
cette action.
Octares, p.19.
36
Le cours d’expérience se situe au premier niveau du système dynamique du
cours d’action. En effet Theureau part du postulat que ce qui est « montrable,
précis.
l’acteur ;
moment donné ;
situation ;
jacent à l’activité.
Nous sommes donc convaincus à ce stade que l’action ne peut être étudiée
des ressources pour agir. L’environnement est stable et c’est l’acteur qui
activité. L’activité est donc une construction de signification dans laquelle les
Ainsi nous allons avec ce mémoire observer, décrire et expliquer les ressentis
psychologiques au sens que les émotions des acteurs sont indissociables des
explicables.
Pour cela, mon point départ est moi-même ! En effet, même si cela peut
éprouvé à mon arrivée sur ce dispositif si particulier n’a pas été recueilli
qu’observateur direct ainsi qu’en tant que participant à l’action étudiée, j’ai
Je me suis posée les questions une à une, comme si une autre personne
J’ai ensuite tenté d’analyser les ressentis et les émotions de trois cohortes
J’ai par la suite voulu affiner cette analyse émotionnelle et subjective des
recueillies entre le mois de mai et le mois de juin 2022. 7 collègues sur 9 y ont
analyse.
Une fois les 2 analyses en main j’ai confronté les réponses trouvées en
durant l’année scolaire, autrement dit que je serai absente 1/3 du temps et
Ce recueil s’est fait lors d’un entretien que l’on pourrait caractériser de semi-
ou par quiconque. Une fois enregistré cette dernière m’a envoyé le fichier et
chacune d’elles ont été, de même que tout le reste, construites et dirigées par
émotions des enseignants. Pour cela j’ai utilisé les théories psycho-
- La colère - L’anticipation
- L’exploration - L’orientation
- La joie – la tristesse
- La peur – la colère
- Le dégoût – la confiance
- La surprise – l’anticipation
Plutchik a alors défini des dyades sur lesquelles nous nous sommes
43
5.3. Traitement des données et ébauche de résultats
dans un premier temps cherché à connaître leur ancienneté dans leur fonction
Nous pouvons donc en conclure que ce sont des professeurs chevronnés qui
ont passé les années de doutes et d’angoisses véhiculés par le fait d’être néo-
Il m’a paru également intéressant de connaître dans quel cycle ou quel niveau
C’est évidemment sans grande surprise que nous avons trouvé une majorité
équilibré de cycle 3, cycle 2 et ASH35. Le cycle 1 est inexistant car je n’ai pas
peur.
45
et la colère, qui ont été citées séparément dans les 2 autres cohortes
D’après Plutchik les trois émotions les plus citées pour cette question font
chaque rentrée.
unanime, mais cette fois négative : 100% de non chez les collègues de la
cohorte élémentaire, 72% de non pour la cohorte REP+ avec le reste qui est
seul oui et quelques mitigés également. L’une des explications semble venir
leur équipe pédagogique alors que ce ressenti semble plutôt mitigé quant au
46
A contrario, en ce qui concerne le
réalité du terrain ? ». Ceci venant corroborer le fait que l’école inclusive serait
vécue comme une violente injonction ministérielle sans soutien pour la mettre
en pratique.
47
Ainsi ce sont les émotions de colère et tristesse qui sont les plus citées. Pour
zones prioritaires renforcées ainsi que les enseignants spécialisés, la joie est
tout de même évoquée mais associée au dégoût qui représente tout de même
majorité (57,2%),
d’enseignants de plus de 7
ans de service.
C’est majoritairement
des collègues de
souhaité répondre au
questionnaire.
48
Dans la suite du questionnaire j’ai souhaité cibler le ressenti de mes collègues
face à l’accueil d’enfants TSA au sein de leur classe étant donné la présence
d'un dispositif ULIS TSA au sein de leur école depuis plus de 15 ans.
Ainsi 100% des enseignants ont répondu avoir déjà accueilli dans leur classe
des enfants présentant ce trouble. Cet accueil pouvant être sous plusieurs
formes :
le dispositif ULIS TSA sont censés être inscrits dans une classe
Pour les trois quarts, il s’agissait d’une notification pour une aide humaine
individuelle alors que pour les autres le PIAL 36 mettait à disposition, dans
classe :
Ainsi près de 75% reconnaissent être en grande, voire très grande difficulté.
enfant TSA dans leur classe ; mais la plupart éprouve le besoin d’être
surprise quant à cette réponse quasi unanime, étant donné mes difficultés au
quotidien dans cette école sur ces deux ans, à « inclure » dans des classes
ouverte :
50
- « Les besoins ne sont pas toujours clairement identifiés par les
- « Très difficile »,
- « Hyper complexe ».
Apparaît donc ici plus nettement l’idée d’obstacles, de difficultés qui semblent
J’ai donc voulu savoir s’il s’agissait d’un manque de formation. Et clairement,
formés sur le handicap en général, ainsi que sur le TSA, au sortir de leur
Pourtant la majorité de mes collègues, près de 72%, déclare avoir déjà mis en
place au sein de leur classe des aménagements ou des adaptations pour ces
enfants. Il semble donc être déjà au fait de ce qu’il faudrait faire au sein de
leur classe. Pour cela j’ai tenu à différencier l’accueil d’enfants TSA et l’accueil
51
d’enfants porteurs d’autres troubles, étant donné les difficultés
surprise :
En ce qui concerne les émotions ressenties face à l’accueil d’enfants TSA les
37Mickaël Jury, Anne-Laure Perrin, Odile Rohmer, Caroline Desombre, Attitudes Toward
Inclusive Education: An Exploration of the Interaction Between Teachers’ Status and
Students’ Type of Disability Within the French Context. Frontiers in Education, Frontiers,
2021, 6, 10.3389/feduc.2021.655356.hal-03220073
37 https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-la-scolarisation-des-eleves-en-
situation-de-handicap-2/
52
Ainsi la peur est toujours au cœur du sujet, ainsi que l’anticipation. Cette
afin d’en exposer les points communs et les différences. Pour cela je parlerai
Les émotions ressenties sont très différentes face à l’amour de leur métier.
de soumission, là où la titulaire est déjà sur une vision plus nuancée, oscillant
entre une vision optimiste et pessimiste de son métier tout en étant dans un
quelques peu différentes puisque la titulaire se sent plutôt dans une émotion
La remplaçante semble avoir clairement bien vécue son année, ce qui n’est
ans. Donc au sens de Ria, il semble qu’elles soient toutes deux à la fin de la
54
d’enseignement. Leurs réponses sur le fait d’être novice ou chevronnée, sont
de fait assez nuancées. Elles ont par ailleurs toutes deux beaucoup
Le poste en Ulis TSA leur est « proposé » par hasard et la décision d’y
accéder a été vécue par elles deux comme une perspective stressante,
essentiellement. Malgré ce, toutes deux semblent guider par l’envie d’essayer,
L’une des ressemblances assez flagrantes chez les deux enseignantes, vient
cette hiérarchie qui semble avoir contribué à son renoncement. C’est d’ailleurs
cela qui est cité chez les deux enseignantes en exemple premier d’émotions
négativement sur l’année. Semble apparaître ici les raisons, identiques chez
les deux enseignantes c’est évidemment la relation aux enfants, aux élèves.
55
6. Résultats et discussion
Suite au recueil et au traitement des données utilisées pour cette étude, se
dessinent plusieurs axes de résultats que nous tenterons d’expliciter ici en les
d’injustice face à une société imparfaite et inégalitaire qui exige que l’école
enseignants.
56
ailleurs ce sentiment d’infériorité est d’autant plus fort s’il s’agit d’enseignant
<http://www.cnrtl.fr/definition/injonction>
57
Ainsi dans ce contexte, on peut légitimement se demander comment des
enseignants n’ayant pas choisi d’être sur des dispositifs de l’école inclusive,
depuis plus de 20 ans, voire plus, qui ont vu défiler les ministères, les lois et
être dans le « bon » paradigme voulu par le législateur ? En effet lors de mes
résumer par « La réalité, notre réalité, celle du terrain est trop éloignée des
textes » :
58
Exemple n°4 de justifications d’un enseignant dans son questionnaire.
On peut ressentir ici dans les exemples 4 et 5, cette colère face aux décisions
59
J’ai entendu ces phrases un nombre incalculable de fois durant mes 7 années
formation ; comme si j’étais différente au même titre que mes élèves sont
sommes TOUS des professeurs des écoles avec le même diplôme et les
mêmes études...
même devrait-être parfait, ou en tout cas qu’il devrait réussir à faire ce pour
d’élèves ainsi que des divers troubles diagnostiqués ou non. Tout ceci
destructeur défini par Daniel Favre (2010) dans lequel l’insécurité prend toute
la place. Ainsi, les enseignants face à cet idéal déchu, ne parviennent plus à
reconnaître la réalité de leur métier, leur idéal ; ils glissent peu à peu vers ce
60
sentiment d’inconfort et d’incompétence, engendrant une impossibilité à
Dans le même sens, ce qui ressort des deux entretiens d’explicitation, c’est
impose donc aux enseignants de quitter leur posture individuelle dans leur
« - C’est vraiment ce qui a été le plus dur pour moi : cette gestion du
61
remplaçante à ne pas postuler sur ce type de poste alors qu’elle y a passé de
bons moments :
certes des points qui m’ont plu et j ‘ai passé de bons moments avec les
nécessaire (...) est un gros point négatif (…). Cela peut devenir un
quotidien auprès des enfants (…). Je ne suis pas prête pour l’instant,
de l’adulte, se voit aujourd’hui mise à mal par une école qui scolarise chaque
Ainsi ce qui ressort de cette étude c’est des enseignants qui revendique être
empêchés de faire leur métier avec ces enfants dits à besoins éducatifs
particuliers.
62
En effet un problème de connaissances et donc de formations semble existant
grande difficulté pour l’école d’accueillir des enfants TSA qui ne peuvent pas
63
toujours dans un cadre collectif et qui repose, pour une large part, sur
Favre (2010) qui devient lui-même affaiblissant pour le système puisque les
Ainsi il semble que face à l’autisme, le besoin de sécurisation qui permet aux
confiance en eux est mis à mal. Le moteur de l’individu qui semble être la
insécurité physiologique et ne peut plus réguler ses besoins, ses tensions, ses
inaccessible.
64
CONCLUSION
Ce mémoire tentait de cerner ce qui engendre une véritable insécurité
émotionnelle chez les professeurs des écoles lorsqu’il est question d’inclure
Cette étude révèle donc cette complexe et délicate mission qu’est l’école
et d’incompétences qui se traduit par une forte inertie des acteurs du système.
ni légitimes.
65
douloureux ressenti d’insécurité où l’épanouissement personnel semble
impossible.
Mais alors comment faire pour que cette école inclusive réalise enfin ce
pourquoi le législateur l’a pensé et qui fait pourtant consensus : une école, et
au-delà, une société, accessible à tous ? Comment faire pour que les acteurs
du moins intéressante :
66
BIBLIOGRAPHIE
Législatif :
Développement ;
des AESH ;
67
Revue de littérature :
scolarisation, 65.
14 | 2015, 93-105.
vol.16, n° 8.
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universitaires de France.
Fuzelier.
Paris, Seuil.
70
✓ VISIOLI. J, PETIOT. O. & RIA. L. (2015). Vers une conception sociale des
Sitographies :
✓ https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-la-scolarisation-
des-eleves-en-situation-de-handicap-2/
http://www.cnrtl.fr/definition/injonction
✓ https://autismediffusion.com
✓ https://proaidautisme.org/nos-formations/
71
ANNEXES
72
ANNEXE 1 :
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
B. Cohorte 2 : 7 questionnaires enseignants élémentaires
zones d’éducation prioritaire
83
84
85
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
C. Cohorte 3 : 11 questionnaires enseignants ou en
formation
97
98
99
100
101
102
103
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ANNEXE 2 :
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ANNEXE 3 :
Retranscription intégrale
Entretien semi-dirigé
Présentation :
Tout ça en île de France, je suis remplaçante depuis, depuis 5 ans depuis que
je suis revenu dans la région.
Un peu toutes, toutes les classes tous les niveaux de la petite section
jusqu’en SEGPA au collège, SEGPA ça été quand même assez long l’année
dernière j’y suis restée 2 mois et demi à peu près mais bon comme c’était en
fin d’année il n’y avait plus vraiment beaucoup d’heures de cours et et voilà et
euh j’ai surtout fait de la maternelle en fait si je fais le bilan depuis, depuis 5
ans ça était surtout des postes en maternelle que j’ai eu.
127
choses mais après, euh, étant remplaçante j’ai jamais approfondie non plus
chacun des niveaux dans lesquels j’ai été donc euh voilà mais euh et euh
chevronnée non pas du tout j’ai encore tellement de choses à, à apprendre.
Aimes-tu enseigner ?
Euh question compliquée je disons que non du fait que je sois remplaçante je
pense que c’est un peu biaisé euh il faut que je euh rentre dans les clous à
peu près des titulaires que je remplace ou du moins au début pour que les
enfants ne soient pas trop perturbés donc bon ça me demande une certaine
adaptation et un temps d’adaptation aussi avec les enfants, le temps où ils me
testent euh donc j’ai plutôt l’impression de faire la police la plupart du temps
que d’enseigner mais sur les temps d’enseignement oui euh j’aime, j’aime ça.
128
Il y a aussi beaucoup de frustration pour ma part euh toujours pareil du fait de
mon statut en fait je vois pas vraiment l’évolution dans ce que je peux mettre
en place je reste pas rès longtemps dans les classes et de la frustration aussi
euh alors comment expliquer quand euh dans une classe ordinaire quand
eud quand il y a des enfants qui posent qui posent problème qui perturbent la
classe je passe bo j’ai l’impressio de passer beaucoup de temps avec eux et
très peu de temps avec les autres qui en ont besoin et eux ça génère en moi
beaucoup beaucoup de frustration de pas pouvoir contenter euh ben en fait ni
l’enfant qui perturbe ni les autres enfants donc eux c’est assez déroutant et
euh assez dérangeant pour moi pour ma vision du métier. Au final j’ai
l’impression de survoler un peu un peu tout ça et personne n’y trouve
vraiment son compte en fait ni les enfants qui qui sont dans l’attente
d’apprentissage et tout ça ni l’enfant qui qui est mal parce qu’il est à l’école et
qu’il est pas bien accompagné et ni moi qui en fait euh ne peut accompagner
ni les uns ni les autres.
De ce fait pour ne pas trop souffrir de ça euh je pense que je peux utiliser
aussi le terme résigation de ton étoile parcequ’en fait pour me protéger de tout
ça je prends beaucoup de recul maintenant et je pense que ça s’apparente
beaucoup à de la résignation.
Oui j’avais déjà fait des remplacements en école inclusive mais jamais plus de
2 jours pour ULIS, ULIS école, euh et en fait les parents les avait très peu
scolarisés sachant que c’était une remplaçante et euh j’ai fait aussi 2 mois de
SEGPA dans un collège à Beaucaire je sais pas si c’est considéré comme
école inclusive la SEGPA mais je pense que oui et non à chaque fois ce
n‘était pas du tout un choix de ma part !
129
Que connaissais-tu de l’école inclusive auparavant ? Que pouvais-tu en
dire ? Quelles émotions te procurait-elle ?
Pas grand-chose ! On nous en parle très peu lors de notre formation donc en
fait avant d’être envoyée en ULIS je n‘avais jamais entendu parlé de ces
classes-là, au niveau du fonctionnement des élèves, qui peuvent être reçus,
tout ça, je ne savais rien… euh du coup je ne pourrais pas en dire grand-
chose et les émotions que ça procure c’était plutôt de l’appréhension,
beaucoup d’appréhension parce que c’est des élèves qu’il faut forcément
connaître, euh connaître, il faut qu’ils nous connaissent aussi pour que ça se
passe bien niveau relationnel et niveau fonctionnement d’autant que là j’ai su
que j’allais faire un remplacement en ULIS TSA donc avec des enfants
atteints d’autisme.
Les émotions c’était plus des euh ‘fin c’était que des émotions négatives en
fait, de l’anxiété, de l’appréhension, euh de l’insécurité, donc voilà c’était
vraiment que du négatif surtout sans aucune formation là-dessus quoi.
Le remplacement :
130
Je suis arrivée comme n’importe quel autre remplacement lambda, donc j’ai
reçu une euh un ordre d’affectation me disant que … que…. Avec toutes les
dates etc et sans aucune précision sans que l’on m’ait contacté au préalable
euh voilà !
Non, jamais mais après je suppose que comme les autres fois où j’ai pu être
en remplacement en école inclusive ça s’est relativement bien passé euh je
me dis que, qui, ce sont peut-être dit, que ça pouvait correspondre et qu’il
fallait tenter !
Quand j’ai appris que, qu’il s’agissait d’une ULIS TSA ça été la catastrophe
(rire), beaucoup de panique surtout ben qu’c’est, que je l’ai appris la veille de
la rentrée après le remplacement arrivait pas tout de suite mais euh, mais
voilà quand même beaucoup de panique euh, car je ne connaissais rien du
tout au dispositif je ne connaissais rien du tout euh aux enfants, euh, voilà je
savais même pas du tout qu’il y avait d’autres personnes euh donc des AESH
dans la classe fin voilà tout ça je, c’était l’inconnu euh c’était vraiment
l’inconnu donc ça m’a apporté beaucoup euh de peur et aussi beaucoup
d’énervement en fait qu’on me qu’on m’envoie sur un dispositif comme ça
alors sans me prévenir avant et sans que l’on me forme.
131
de la surprise ? (Tu peux en citer plusieurs voire d’autres sur la roue ci-
dessus).
Oui, mais j’ai été très vite contacté par la titulaire de la classe et c’est
d’ailleurs elle qui m’a appris, la nouvelle et euh du coup le feeling est passé et
elle m’a beaucoup rassuré donc euh je me suis dit que j’allais essayer au pire
selon que ça se passait mal j’en parlerais plus tard mais qu’il fallait au moins
que j’essaye.
Oui beaucoup par la titulaire de la classe, par les AESH du dispositif donc les
AESH co. Il y a constamment eu un lien avec euh la titulaire même quand elle
était en formation je savais que dès que j’avais une question elle me
répondrait ‘fin sur les prises de décisions concernant les enfants concernant
les parents ‘fin sur vraiment tout, tout le travail était prêt, avant chaque euh
chaque remplacement on se contactait pour que, pour faire le point, à la fin
des remplacements aussi, ‘fin c’était vraiment euh c’était vraiment très
rassurant.
Elle a même accepté que je vienne euh voir euh, ‘fin rencontrer, la rencontrer
et rencontrer les AESH euh une après-midi donc pour qu’on discute pour
qu’elle m’explique un petit peu donc en fait avant même de, d’effectuer le
premier remplacement j’étais déjà venue dans le dispositif et j’avais déjà vu
les locaux et rencontrée les personnes avec qui j’allais travailler donc euh ça
aussi ça a eu un côté très très rassurant.
Et du coup c’est tout ça qui a contribué au fait que, que je n’ai pas eu envie de
de refuser le remplacement par la suite parce que, parce que, je m’y suis
sentie bien grâce à tous les tous les euh, ah non pas tous les adultes, mais
(rire) grâce à, aux AESH co et à la titulaire de la classe parce que c’était
vraiment un soutien et un appui et vraiment je ne me suis jamais sentie
abandonnée.
132
Ah et j’ai oublié d’ailleurs dans les soutiens etc quand même les parents car
ils ont joué quand même un rôle assez importants et il y avait vraiment
beaucoup de lien avec eux, c’est le premier remplacement où vraiment j’ai un,
une relation comme ça avec les parents du fait forcement de leur enfant mais
euh mais c’était très plaisant aussi cet aspect-là pouvoir échanger et puis
savoir que qu’on pouvait toujours s’arranger avec eux en fait et euh ça un côté
quand même euh ça enlève un certain poids.
Je ne me suis jamais sentie abandonnée par ELLES ! Mais euh par contre
euh … tout le côté euh … comment dire direction d’école, inspection etc …
euh là c’était quand même beaucoup moins … beaucoup moins… cool ! Et
encore je pense que j’ai été épargné du fait que je sois remplaçante, euh mais
bon pas vraiment de soutien de la part de la direction quand euh des AESH
étaient en arrêt, donc elle n‘étaient pas remplacées et on ne mettait pas à
disposition celles étant sur l’école. Donc c’est plus ce côté gestion des AESH
en fait qui a été difficile à gérer et les moments où je me suis sentie perdue
c’est quand euh j’apprenais qu’une AESH allait être absente notamment les
AESH individuelles et donc perdue parce que euh je ne savais pas comment
réorganiser le dispositif pour euh pour que tout le monde soit à peu près
contenté ; car je vais que je ne pouvais pas compter sur le sur le, l’aspect
direction d’école.
L’après :
Du coup ce que je peux en dire maintenant c’est que euh finalement malgré
toutes mes appréhensions c’était une expérience plutôt positive parce que je
me suis sentie bien dans l’équipe, euh, bien avec les enfants, euh toutes les
appréhensions que je pouvais avoir en fait était gommées par euh ben par le
fait que je me sois sentie vraiment soutenue et épaulée durant les jours
passés dans le dispositif donc le bilan est plutôt positif.
133
Que ressens-tu comme émotions maintenant : de la peur ? de la colère ?
de la joie ? de la tristesse ? de la confiance ? du dégoût ? de
l’anticipation ? de la surprise ? (Tu peux en citer plusieurs ou d’autres
qui te semblent plus à propos).
Mais comme autre émotion je dirais quand même de la joie car l’expérience a
été euh, a été positive, j’ai appris beaucoup de choses, j’ai rencontré des
personnes très euh très positives aussi et euh et voilà ça m’a quand même
beaucoup apporté c’était très enrichissant dans la vie de tous les jours et puis
même pour mes autres remplacements quand je suis face à des enfants
atteints de troubles autistiques euh ben je sais un peu plus m’adapter prendre
du recul et essayer de voir ce qui peut être fait avec eux.
134
Si tu devais décrire, par des exemples des émotions négatives
ressenties durant ce remplacement, quels seraient-ils ?
Par contre je pense que j’ai oublié pas mal de choses, donc difficile de me
souvenir d’exemples concrets…
Par exemple, quand Inès arrive, que tu ne l’as pas vu depuis plusieurs jours et
qu’elle te fonce dessus pour te faire un câlin, c’est gratifiant et tu sens que tu
as une valeur auprès d’eux, que tu n’es pas là pour rien !
Mais aussi tous les petits progrès du quotidien des enfants suscitent
également des émotions positives : quand Ayman réussit à déchiffrer des
mots, quand Kenza formule une question sans agressivité (rire).
Et le fait d’avoir un lien constant avec les parents, chose que l’on n’a jamais
en classe ordinaire du moins pas de façon aussi présente. Il y a un échange
quotidien avec eux et sain, tout le monde va dans le même sens et c’est très
plaisant.
135
Souhaiterais tu enseigner en Ulis TSA maintenant que tu as une
expérience de 12 semaines ? Sur d‘autres dispositifs de l’école
inclusive ? Dans tous les cas pourquoi ?
Je n’ai à l’heure actuelle, pas envie d’enseigner en ULIS TSA. Il y a certes des
points qui m’ont plus et j’ai passé de bons moments avec ces enfants, il y a
dans ce dispositif, des choses qui me correspondent plus au final que dans
une classe ordinaire. Cependant je trouve qu’il y a quand même une grosse
part d’aléatoire ! C’est inquiétant ! Notamment concernant les AESH, il faut
vraiment qu’il y ait une osmose et si ce n’est pas le cas le travail et le
quotidien peuvent vraiment s’en ressentir et le plaisir que j’ai pu prendre lors
de ces remplacements pourrait vraiment ne plus exister !
Mais je ne dis pas que je n’aurai jamais envie d’enseigner en ULIS TSA car il
est ressorti aussi beaucoup de satisfaction, je ne suis pas prête pour l’instant,
peut-être que je le serai un jour quand j’aurai plus de maturité et si j’arrive à
prendre du recul.
136
ANNEXE 4 :
Retranscription intégrale
Entretien d’auto-explicitation
Présentation :
Alors actuellement je suis sur un poste, euh, je suis coordinatrice ULIS TSA à
l’école de la Gazelle, c’est ma deuxième année. J’ai intégré le dispositif en
septembre 2020, euh voilà.
Alors j’ai enseigné, mon année de PES, donc juste après avoir passé le
concours, j’ai enseigné en maternelle principalement, sur des classes de
petite section et de grande section dans des zones d’éducation prioritaires
renforcées. Puis ensuite j’ai tout de suite intégré de l’enseignement spécialisé,
euh j’ai fait plusieurs types de postes sur de l’enseignement spécialisé, j’ai
enseigné en ULIS collège en REP+ également, j’ai enseigné en ULIS
élémentaire avec troubles des fonctions cognitives, j’ai eu plusieurs postes
principalement en REP+ ou en REP, et donc depuis 2 ans je suis sur un poste
d’ULIS TSA comme je l’ai dit tout à l’heure. Et j’ai également fait euh une
année enCM2 sur une école élémentaire en REP+ c’était à mon retour de
congé parental donc j’ai fait que quelques mois puisque je suis revenue en
milieu d’année.
137
Hé bien je dirais que quand même là depuis euh, aujourd’hui je me considère
comme une enseignante chevronnée pour certaines choses surtout depuis
cette année où j’ai quand même acquis euh un certain nombre de
compétences euh en la matière, par rapport à l’école inclusive hein euh tout
ce qui est troubles je commence à bien, bien maitriser le sujet, donc oui je
dirais que oui, chevronnée. Après y a plein de postes que je n’ai pas fait, (rire)
dans l’ordinaire principalement même si j’ai enseigné quand même quelques
années en ordinaire, je n’ai pas fait toutes les classes. Donc par exemple je
me considère novice en ce qui concerne le programme (rire) que je suis
obligé de revoir à chaque fois que j’ai un enfant, un élève que je pars de ses
besoins, je suis obligée d’aller chercher dans les programmes exactement là
où il en est, ça par exemple je me considère comme novice, je ne sais pas le
programme de CE2 par exemple ! Mais dans tout le reste, oui je pense que je
suis une enseignante chevronnée.
Oui clairement j’adore, (rire) c’est pour ça que je me suis reconvertie à la base
je suis pas une enseignante je suis une éducatrice euh ce que j’aime dans
l’enseignement c’est la transmission de pouvoir, pouvoir prendre l’enfant tel
qu’il est et l’emmener juste à la marche au-dessus et avancer petit à petit, oui
ça c’est quelque chose que j’apprécie tout particulièrement. Après j’aimais
aussi ça en tan t qu’éducatrice donc c’est pas propre à l’enseignement c’est
vraiment propre au rapport aux enfants à pouvoir les faire évoluer à voir euh
juste euh un peu plus loin que ce qu’ils ne sont, que ce qu’ils n’ont acquis
pour le moment que ce soit dans l’enseignement comme dans le
comportemental, dans l’éducation du coup. Après si je devais enseigner en
ordinaire je dirais que non je n’aime pas enseigner parce que j’aime enseigner
dans le spécialisé, il me semble qu’enseigner dans l’ordinaire c’est trop
contraignant pour moi.
Ben ça j’ai déjà répondu tout à l’heure, euh oui j’avais déjà fait des dispositifs
de l’école inclusive, principalement sur des postes d’ULIS TFC que ce soit en
élémentaire ou en collège, euh c’était bien sur un choix de ma part puisque
ma reconversion dans l’enseignement était pour enseigner sur du spécialisé
essentiellement.
J’en connaissais déjà pas mal puisque j’avais déjà été sur plusieurs postes de
coordination. Mais clairement je crois que j’ai oublié ce que je savais avant
parce que ce poste-là, en ULIS TSA m’a profondément chamboulé, m’a
profondément changé, c’est un poste très particulier euh qui m’a demandé
d’acquérir des compétences euh folles (rire), des compétences, euh, il a fallu
que je m’adapte tellement vite, que je change ma façon de voir les choses sur
tout, sur TOUT ! La coordination, le travail avec les collègues, être chef de
139
service par rapport à toutes les AVS, les AESH que je coordonne, le rapport
aux partenaires et bien sûr le rapport aux enfants. Les enfants TSA je n’avais
jamais travaillé avec eux dans une école et c’est quand même extrêmement
particulier car il y a vraiment un rapport très particulier très très différent euh
c’est un trouble très différent, qu’il faut pouvoir vraiment appréhender pour
euh ben pour travailler avec eux.
J’avais déjà été confronté par contre aux problèmes des collègues qui ne
veulent pas inclure, qui ne veulent pas prendre d’enfants présentant des TSA
dans leur classe, ça oui, mais par contre c’est vrai qu’en ULIS TSA ces
problèmes sont exacerbés.
Alors je connaissais dans d’autres sphères, c’est à dire que quand j’étais
éducatrice j’ai déjà travaillé avec des enfants présentant des troubles du
spectre de l‘autisme sur notamment des séjours adaptés, euh, j’ai déjà
travaillé en IME avec des enfants avec des TSA mais c’était toujours noyé
dans la masse, c’est-à-dire que j’ai travaillé avec un enfant TSA par exemple
et tous les autres enfants qui n’étaient pas TSA ; euh, j’ai eu aussi dans les
différents dispositifs sur lesquels j’ai enseigné, pareil un enfant TSA sur le
reste du groupe, euh, donc ce n’était pas en fait représentatif des TSA
puisqu’on parle de spectre c’est quand même, d’un enfant à l’autre, d’un
140
enfant TSA à l’autre c’est quand même très très différent. Aujourd’hui je peux
dire que j’y connaissais pas grand chose, je connaissais les grandes lignes je
savais que j’étais en capacité d’appréhender un enfant TSA, que j’étais en
capacité de supporter, euh, mais je n’y connaissais vraiment pas grand-chose
au regard d’aujourd’hui ce que je peux en dire.
Quelles émotions du coup ça suscitaient chez moi ? Ben pas plus que les
autres en fait, ça n’avait pas plus d’impact qu’un autre trouble ou une autre
déficience.
Le poste :
Et bien je suis arrivée comme je le décris dans mon mémoire, au tout début
du mémoire, je suis arrivée un peu par hasard. J’avais obtenu un poste en
ULIS TFC dans une autre école et allant visiter ce, mon nouveau poste nous
apprenons ma collègue, la collègue que j’allais remplacée et moi-même, que
le poste d’ULIS TSA venait de se libérer alors que le mouvement était déjà
passé, et l’inspectrice était très ennuyée parce que ce dispositif étant très
particulier elle avait peur de trouver personne et dans ce cas-là de devoir y
mettre un remplaçant ou une remplaçante qui ne l’a absolument pas voulu.
Donc elle est venue nous parler de ce poste-là, surtout en parler à la
personne à qui je prenais le poste ULIS TFC, parce qu’elle perdait son poste
et qu’elle perdait le spécialisé alors qu’elle ne voulait pas partir du spécialisé.
Donc, voilà l’inspectrice lui en parle, sauf que la collègue à qui je prenais le
poste ne connaissais rien à l’autisme donc à ce moment-là de la discussion
j’ai commencé à expliquer à ma collègue ce qu’était l’autisme enfin le peu que
j’en connaissais et puis petit à petit dans la discussion j’en suis venue à me
dire mais pourquoi pas moi ! Et du coup ma collègue pourrait rester sur le
poste qu’elle avait à ce moment-là. L’inspectrice était assez contente de cette
proposition de ma part. J’ai pris le week-end pour réfléchir parce qu’il a fallu
que j’abandonne, j’étais à 80% à ce moment-là parce que j’avais eu un
troisième enfant donc je souhaitais conserver mon 80% pour une histoire
141
personnelle de vie familiale, et l’inspectrice ne souhaitais pas que ce poste
soit à temps partiel, donc j’ai pris le week-end pour réfléchir en famille à savoir
si j’abandonnais mon temps partiel pour aller sur ce poste d’ULIS TSA qui me
donnait envie parce que c’était un nouveau challenge. J’ai, le lundi matin, dis
oui, donc du coup à partir de ce moment-là j’ai été nommé sur le poste d’ULIS
TSA.
Comment ai-je réagi quand j’ai su qu’il s’agissait d’une ULIS TSA ?
J’ai bien réagi parce que c’était mon choix mais j’étais assez stressée parce
que je, euhh, je ne savais quand même pas ou est-ce que je mettais les
pieds. Euh j’aime les défis, mais celui-ci me paraissait assez insurmontable !
Donc j’ai tout de suite pris contact avec l’enseignante qui partais et j’ai voulu
aller visiter les lieux et connaître là où j’allais aller en septembre. La visite a
été pas rassurante du tout. J’en suis ressortie euh encore plus stressée,
encore plus anxieuse euh oui euh vraiment j’avais peur, clairement oui j’avais
peur ! Parce que je me disais que je vais jamais y arriver ça me demande une
maitrise, une anticipation que je n’ai pas, une organisation que je n’ai pas et
euh voilà j’ai, j’ai eu très peur…
142
Bien non, puisque de toute façon c’est moi qui aie bien voulu y aller (rire).
Donc je ne pouvais pas le refuser (rire). Et voilà, je l’ai dit, j’aime les défis,
j’aime apprendre, donc je me suis dit que ça allait le faire et que de toute
façon c’était comme ça et que si jamais ça se passait pas bien j’avais un an
pour pouvoir aller ailleurs et l’avantage de notre métier c’es qu’on peut change
de classe chaque année si on le souhaite, euh donc voilà, je me suis dit que,
qui fallait y aller maintenant que j’avais décidé d’y aller !
Et bien pas du tout ! Pas du tout du tout ! Euh, dès que je suis arrivée, je me
suis sentie mal, j’avais peur clairement ma peur a été réelle, je me suis sentie
seule, euh, je me suis sentie devant quelque chose d’insurmontable, et j’ai
vécu les 3 ou 4 premiers mois constamment en apnée avec la peur de rater,
la peur de ne pas réussir, avec des enfants qui dès qu’on oublie quelque
chose nous le font ressentir en puissance dix mille ! Avec toutes ces AESH, à
cette époque-là, donc l’année dernière, j’avais 6 AESH euh à gérer sur le
service, qui attendaient scrupuleusement que je leur dise quoi faire à la
minute près, tous les partenaires à contacter euh non ça été ça été
extrêmement compliqué, et personne ne m’a dit quoi faire, personne ne m’a
soutenu ! Euh l’école, l’éducation nationale a fait comme si c’était une
évidence comme si je savais, comme si euh, comme SI ! Et malheureusement
c’est un poste qui ne va vraiment pas de soi, et on n’est pas accompagné du
tout par l’éducation nationale. Euh j’ai tenté de demander de l’aide mais il y a
des personnes qui m’ont été envoyées mais qui n’ont pas du tout été
aidantes. Euh j’ai par contre été aidé par le SESSAD avec qui je suis en
convention mais euh pareil c’est compliqué d’être accompagné au quotidien
puisque le SESSAD n a pas le droit d’intervenir tout le temps sur l’école, c’est
très cloisonné, donc euh voilà les seuls qui ont été soutenants c’est quand
même le SESSAD, les éducateurs du SESSAD, la psychologue, la chef de
service un petit peu, parce qu’ils m’appelaient et venaient de temps en temps
sur l’école sur des temps de réunions, de formations euh mais, mais après
toute seule dans la classe à gérer ce qu’il fallait faire avec les enfants et avec
les AESH, je l’ai appris sur le tas et ça pas été facile du tout….
143
Me suis-je sentie perdue/abandonnée ? Pourquoi ?
Be oui clairement ! De toute façon je crois que j’ai répondu dans la question
d’avant aussi ! Eu oui (rire) perdue, et abandonnée, (rire), complètement
seule, isolée sur mon île, à essayer de comprendre les fonctionnements et
puis seule dans l’équipe pédagogique, seule face à la direction, seule face à
l’inspection, oui complètement abandonnée.
L’après :
Je peux en dire que j’en ai sacrément bavé ! et que ça m’a bien usé, ça m’a
bien bousillé en fait euh je suis épuisée de ces 2 ans en ULIS TSA,
véritablement, euh et d’ailleurs je pars, je ne reste pas sur ce poste, alors que
j’adore travailler avec ces enfants, j’ai tissé des liens très forts avec eux, très
forts avec leurs parents mais c’est pas possible en fait, c’est un poste qui, la
coordination en ULIS TSA est impossible ! L’école inclusive ne veut pas
d’enfants autistes au sein de leurs écoles, l’école inclusive ne met pas les
moyens pour que ça se passe correctement c’est un véritable combat j’ai été
confronté à des personnes malveillantes, des personnes qui n’entendent pas
les difficultés de terrain et euh voilà, le bilan pour moi est très négatif de ce
côté-là. Euh par rapport aux enfants le bilan est très positif par contre ! Sur les
8 élèves que j’ai pu accompagner, sur ces 2 ans, même 9 élèves, euh, le
144
résumé c’est un véritable bonheur : je les ai vu grandir, évoluer, sortir de leur
bulle, s’ouvrir aux autres, apprendre, je, je, même ceux qui paraissaient les
plus les plus les plus, les plus autistes, les plus terriblement, sévèrement
atteints par ce trouble qui est quand même très particulier, ils ont pu évoluer !
Donc ça, c’est vraiment quelque chose qui restera graver en moi, quelque
chose de vraiment, de génialissime que je n’ai connu nulle part ailleurs ! En
fait ce poste est est, est aussi gratifiant que, que complexe et difficile…
De la colère face à tout ce que j’ai dit précédemment, face à l’institution, face
à la maltraitance institutionnelle, euh de la colère face, euh, face à cette école
inclusive, j’ai dit que pour moi elle n’existait pas, euh de la, du dégoût fort face
à ça, face aux textes, la différence entre les textes et la réalité, qui euh je
savais que c’était ça l’éducation nationale, comme énormément d’institution
hein y a les textes et puis y a la réalité mais l’écart en ULIS TSA est tellement
énorme, tellement, c’est une aberration, ce système est une aberration euh
donc j’ai énormément de colère et de dégoût…
Alors ben (rire) je crois que j’ai été assez claire sur tout l’enregistrement ! Les
émotions négatives c’est principalement au regard de mon institution, de la
direction, des collègues, de la hiérarchie, voilà tout, tout, tout ce vivier-là qui
m’a fait beaucoup, beaucoup de mal.
L’autre point principal c’est la gestion des AESH qui est extrêmement
compliqué. Elles ont métier qui est difficile, qui parait essentiel aujourd’hui en
France puisque c’est la seule compensation que l’état offre aux enfants avec
troubles, euh à l’école, mais elles sont sous payées, sous formées, c’est euh,
c’est hyper maltraitant pour elle, et le résultat c’est que ce ne sont pas des
personnes qui sont forcément contentes d’être là et qui n’ont pas forcément
envie euh, la résultante c’est que le travail peut être compliqué, la
coordination peut être compliquée. Je dis, elles, parce que j’ai principalement
travaillé avec des femmes, euh donc voilà, cette gestion cette coordination, on
nous apprend pas en tant qu’enseignant à être chef de service, c’est un
métier à part entière, moi qui vient de l’éducation spécialisé, c’est un métier
chef de service, et là clairement sur ce poste j’ai été chef de service et c’est
vraiment des émotions négatives que j’ai pu ressentir face à cette gestion-là.
Autre émotion négative, je dirais un, un élève avec qui je n’ai pas réussi à
tisser des liens. Euh c’est un élève sévèrement autiste avec qui la
communication était impossible, il n’avait aucune communication alternative.
Donc je ne comprenais pas, il ne nous comprenait pas. Donc c’est un enfant
qui est vite rentré en phobie scolaire et qui a été déscolarisé... Donc ça été
assez difficile à vivre parce que je me suis rendue compte de mon incapacité
à l’aider et ça ne m’étais jamais arrivée de ne pas, de ne pas aider un enfant !
On les aide toujours un peu (rire) et là je pense que même le « peu » n’a pas
existé ! Donc ça été assez compliqué pour moi à accepter.
146
Si je devais décrire, par des exemples, des émotions positives
ressenties durant ces 2 ans, quels seraient-ils ?
Et bien j’en aurais des millions, des millions à dire ! (rire) Les émotions
positives principalement avec les enfants : quel bonheur de les voir grandir !
De les voir évoluer ! De les voir commencer à parler alors qu’ils ne parlaient
pas ! De les voir euh sortir de cette bulle de la non communication ! De les
voir avoir un regard adressé, de s’adresser à d’autres personnes, d’être
heureux, d’aller ailleurs que sur le dispositif, de demander à aller vers les
autres !
Quel bonheur aussi parfois quand un enseignant dit mais « tiens mais tu veux
que je le prenne ? », « ça serait super qu’ils puissent venir avec moi sur telles
activités ! », alors que ça n’arrive jamais (rire), et que je rame toute l’année
pour avoir de petites inclusions euh, et puis parfois un collègue est surprenant
et se propose de lui-même, je n’en ai rencontré qu’une seule (rire) hein pour
être honnête qui a fait ça !
Et puis j’ai vécu aussi pas mal d’émotions positives avec mes 2 AVS Co, mes
2 AESH Collective, avec qui j’ai pu créer vraiment un, un véritable travail, une
véritable osmose, euh euh, nous avons réussi à nous coordonner, elles se
sont épanouies aussi, (ça c’est leur dire) avec moi ! Et euh des projets, des
envies, des choses à mettre en place quotidiennement, beaucoup d’émotions
positives à ce niveau-là. Je pense que c’est des personnes que je garderai
dans mon entourage même si on va toutes prendre des chemins différents
mais euh c’est fort en fait de, ce sont des moments tellement difficiles que ça
créé des moments assez forts je pense.
Est-ce que souhaiterais réenseigner en Ulis TSA maintenant que j’ai une
expérience ? Sur d‘autres dispositifs de l’école inclusive ? Dans tous les
cas pourquoi ?
Alors je suis pas fermée, pfff, euh, euh, …. de toute façon je me suis
reconvertie dans l’enseignement pour faire du spécialisé donc je resterai dans
le spécialisé, mais là aujourd’hui je pars de l’éducation nationale, j’ai demandé
une disponibilité, une mise à dispo, parce que je n’en peux plus en fait du
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rapport à l’école ! Euh je, ce que j’ai dit précédemment c’est que je pense
aujourd’hui que en fait l’école inclusive n’existe pas ; je n’ai plus confiance en
l’institution. Je ressens beaucoup de colère, face à sa façon de, face à sa
gestion de l’école inclusive euh donc voilà je pars…
Donc enseigner en ULIS TSA dans un futur pourquoi pas, retourner dans les
dispositifs de l’école inclusive je ne sais pas, euh quitter l’éducation nationale
définitivement pourquoi pas aussi, euh, rester dans le spécialisé je ne sais
pas (rire), créer ma propre école… Je ne sais pas… Y a beaucoup de, je, je,
… Ces deux années ont été tellement difficiles qu’aujourd’hui je suis en plein
questionnement sur, sur moi-même et sur ce que j’ai envie de faire donc pour
l’instant je ne sais pas…
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