Vous êtes sur la page 1sur 3

Les valeurs spirituelles — et non la force, ni les richesses matérielles — ... https://www.monde-diplomatique.

fr/1954/09/CASA_ROJAS/21226

> �eptembre ����, page �

Les valeurs spirituelles — et non la


force, ni les richesses matérielles —
font la vraie grandeur des nations
��� C���� �� C��� R����

U
�� revue parisienne a publié, sous le titre : le Palmarès des nations, une étude consacrée à
la sélection des dix plus grandes puissances mondiales. Pour ce faire, l’auteur de l’article
s’est basé sur onze données, toutes d’un caractère matériel : étendue territoriale, nombre
d’habitants, densité du réseau ferroviaire, véhicules en circulation, flotte marchande,
avoirs en or, houille, acier, énergie atomique, potentiel militaire. Le goût du siècle
prévalait dans la fixation de ce choix. Ce qui compte aujourd’hui, pour regrettable que cela soit, c’est
la richesse, la force, le nombre, le potentiel destructif. C’est comme si l’on mesurait la valeur des
hommes par leur taille, le nombre de leurs enfants, la richesse du décor de leur foyer, le montant de
leur compte courant, le nombre d’automobiles dont ils disposent, leur puissance ou leur connaissance
de moyens de lutte : muscles solides, technique du judo ou du tir au pistolet. Et pourtant l’histoire
nous apprend que le critère appliqué au cours des siècles passés pour accorder ces prix d’excellence a
été plus juste, plus stable, et, employons le grand mot, plus humain. On parlera toujours de la
grandeur de la Grèce comme maîtresse du monde : or la Grèce était pauvre et divisée, peuplée de
philosophes, d’artistes et d’athlètes dont on honore toujours le souvenir dans les études, les musées et
les jeux olympiques. Jésus-Christ, avec son pouvoir divin, ses prédications et son exemple, a laissé à
jamais l’empreinte de son passage sur la terre, et son principe fondamental de fraternité universelle
illumine l’espoir de plus de 400 millions d’adeptes. L’État du Vatican, presque sans territoire,
dépourvu d’armée et sans autres ressources financières que celles qui lui arrivent par l’aumône, exerce
sur le monde une influence capitale, et même les États qui ne reconnaissent pas sa souveraineté
spirituelle accréditent des représentants auprès du Saint Père.

La grandeur d’une nation pourrait plutôt se mesurer par l’apport qu’elle a fait au cours des siècles
pour l’amélioration ou la défense de l’humanité. Même des nations depuis longtemps disparues
continuent à rayonner sur l’univers. C’est un peu comme les étoiles éteintes depuis des siècles, qui
continuent à briller dans le ciel malgré la vitesse record de la lumière.

Il est juste que dans ce jeu de mérites chaque nation compte comme atouts les exploits qu’elle a
réalisés au service des autres. C’est ce rassemblement de dates et de faits d’une transcendance
universelle qui fait leur grandeur : l’Égypte avec ses monuments, Rome avec son droit, les États-Unis
avec leur révolution industrielle, la France avec sa spiritualité, l’Italie avec sa Renaissance.

L’apport espagnol

1 sur 3 26/02/2021 à 14:00


Les valeurs spirituelles — et non la force, ni les richesses matérielles — ... https://www.monde-diplomatique.fr/1954/09/CASA_ROJAS/21226

Et pourquoi ne pas parler de l’Espagne puisque le désir de lui rendre justice est la seule raison de cet
article ?

Notre pays n’est pas riche ; notre population dépasse à peine les 28 millions, notre industrie n’est pas à
la page, nous ne possédons pas de bombes atomiques. Mais nous avons des trésors plus durables et
personne ne peut nous enlever la gloire de nos exploits bienfaisants. Napoléon a été, sans doute,
l’homme le plus remarquable de son siècle, et pourtant ce qui reste de son passage sur la terre n’est
pas l’éclat de ses exploits militaires, pétrifiés dans l’Arc de triomphe et aux Invalides, mais l’impulsion
qu’il sut donner aux études égyptologiques, son code civil, l’embellissement de la capitale française
jusqu’à la convertir en une des villes les plus belles du monde, l’Institut de France, l’éveil qu’il
provoqua du sentiment national, le fait d’avoir été le champion des principes de la Révolution.

Il revient à l’Espagne la gloire de garder comme des biens impérissables, la grandeur de ses fils d’élite
et des services qu’elle a rendus à tous : son apport en valeurs humaines à l’action expansive de Rome ;
la prédication sur notre sol de l’apôtre saint Jacques ; sa lutte de sept siècles pour refouler au-delà de la
mer l’invasion islamique ; la contre-réforme ; Lépante ; la découverte de l’Amérique et des îles
Philippines ; la création de vingt-deux pays qui croient en notre Dieu, parlent notre langue, ont nos
sentiments, et portent, avec notre sang, nos noms de famille ; avoir été les pionniers de la civilisation
dans tout un continent où nous apportâmes dès le début nos universités, nos cathédrales, notre
culture ; la création d’un droit international nouveau ; la rédaction, au XVe siècle, d’une grammaire
d’une portée ultra-nationale ; la lutte pour barrer la route, chez elle, au communisme qui, maître de
l’Espagne, aurait dominé l’Europe et, peut-être, le monde. Nous avons été les avant-gardes d’un
monde occidental condamné à vivre sous une menace continuelle. Nous avons tâché d’être le bon
Samaritain des peuples victimes. À Madrid fonctionne le Collège majeur de Saint-Jacques qui héberge
plus de 200 étudiants universitaires appartenant à des nations aujourd’hui en honteuse servitude. Par
la voix la plus autorisée nous avons prédit à temps le danger des accommodements irréfléchis. Nous
accueillons chez nous les orphelins malheureux d’autres pays.

Dangers du matérialisme et des privilèges abusifs


L’humanité est devenue matérialiste et ingrate. Et pourtant, la spiritualité et la générosité sont les
seules vertus qui peuvent la sauver. L’enfer est pavé, dit-on, de bonnes intentions. Les hommes, de
temps en temps, réfléchissent et tâchent de s’entendre pour trouver des formules justes et pacifiques
qui puissent assurer une vie en commun malgré leur divergence d’idées. Mais quand ils arrivent, pour
servir la bonne cause, au bord du renoncement et du sacrifice, ils s’arrêtent craintifs. La justice est
bonne pour être appliquée aux autres. On ne renonce pas aisément aux privilèges. L’arbitraire est la
suprême expression de l’autorité. C’est l’explosion destructive de la force de l’autorité. On a créé
l’O.N.U. pour éviter les guerres. Mais les grands, ceux-là mêmes oui, seuls, peuvent provoquer la
guerre, ne sont pas assujettis à ce tribunal d’honneur d’hommes de bonne volonté, et à cause du droit
de veto on se limite à débiter une justice toute mesurée, toute petite pour tâcher de trancher les
problèmes mineurs de pays modestes. Quelquefois ces mêmes hommes, encouragés par leur situation
privilégiée dans cet aréopage international, s’amusent à s’immiscer dans les affaires internes des
autres. Rien ne les arrête. Ni les principes constitutionnels de leur propre charte qui interdisent cette
ingérence, ni la pensée qui devrait les porter à réfléchit qu’ils peuvent être payés avec la même
monnaie.

Malheur à une humanité qui mesure les valeurs des peuples en se basant seulement sur des données
matérielles.

2 sur 3 26/02/2021 à 14:00


Les valeurs spirituelles — et non la force, ni les richesses matérielles — ... https://www.monde-diplomatique.fr/1954/09/CASA_ROJAS/21226

La grandeur mondiale de l’Espagne est arrivée à son zénith avec une population inférieure à l’actuelle.
Nos soldats menaient leur lutte la plupart du temps pour servir un idéal élevé. Rares étaient les
véhicules. Inconnu le chemin de fer. L’acier, employé seulement pour fabriquer les épées et les
cuirasses. Pauvre était notre trésor public. Ignorées la houille, l’énergie électrique et la bombe
atomique. On a conquis un continent avec une poignée d’hommes. Mais on était, grâce à Dieu, riches
en vertus humaines, et la foi, le courage, l’esprit de sacrifice, l’expansion missionnaire et civilisatrice,
la conscience d’un devoir à remplir pour être dignes du nom, alors inconnu, de grande puissance,
inspiraient notre action.

Je me sens trop vieux pour changer. Je continue à croire, même en 1954, que la foi vaut plus que
l’énergie atomique, et le courage plus que le canon. Cela me porte à affirmer ma foi inébranlable dans
la grandeur éternelle de l’Espagne.

C���� �� C��� R����

Mot clés: Idées Histoire Spiritualité Espagne

3 sur 3 26/02/2021 à 14:00

Vous aimerez peut-être aussi