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Thibaut Caulier
Ce livre exprime strictement des opinions personnelles qui n’engagent
que les auteurs
« Pour les Nuls » est une marque déposée de John Wiley & Sons, Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de John Wiley & Sons, Inc.
© Éditions First, un département d’Édi8, 2015. Publié en accord avec John
Wiley & Sons, Inc.
ISBN : 978-2-7540-7497-1
ISBN Numérique : 9782754084079
Dépôt légal : mai 2016
Le cœur et la raison
Un renversement de perspective a été opéré après 1950 avec la
déclaration Schuman : mettre fin à une logique de vengeance/
réparations, et tendre la main aux vaincus pour fonder une paix
durable sur la coopération.
En parallèle, les Américains avec le « plan Marshall »
contribuaient à la reconstruction de tous les pays d’Europe,
Allemagne comprise.
Robert Schuman (1886-196 3) Né au Luxembourg d’une famille
lorraine, étudiant en Allemagne et avocat à Metz, Robert Schuman
grandit dans une culture franco-allemande. Sa mère lui transmet une
foi catholique tournée vers les plus démunis et attachée au progrès
social. Il est fait prisonnier pendant la Seconde guerre mondiale, mais
réussit à s’échapper et tire profit de son exil pour s’interroger sur les
conditions de la réconciliation. Une réflexion précieuse lorsque, devenu
ministre des Affaires étrangères en 1948, il devient l’artisan de la
réconciliation franco-allemande. Sa réussite ne se limite pas à ces deux
pays : dix ans plus tard, il préside le Parlement européen.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Les traités de paix, comme celui de Versailles en 1918, par leurs sanctions
infligées aux vaincus, avaient pour conséquence d’aiguiser les nationalismes
plutôt que d’apaiser les tensions.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Inspiré par Jean Monnet, Robert Schuman propose, le 9 mai 1950, la mise en
commun du charbon et de l’acier, dans la perspective de parvenir, à terme, à
l’unification du continent.
✓ C’est finalement par l’économie (création d’un marché commun) que se fera
progressivement l’unification de l’Europe, en 1957.
3
La genèse
de l’euro
a monnaie unique est devenue un bouc émissaire idéal,
L l’origine de tous nos maux. En idéalisant un « âge d’or » du
franc et des monnaies nationales, les raisons qui ont poussé à la
création de l’euro finissent par être oubliées.
Pour comprendre les enjeux, il est nécessaire de revenir
plusieurs années en arrière.
À la recherche de la stabilité
Le marché commun en souffre. Il devient alors impératif de le
compléter par une zone de stabilité monétaire. On imagine un
système où les monnaies des États membres évoluent dans une
sorte de tunnel. Ce « serpent monétaire », reposant sur
l’autodiscipline des États, échoue : plusieurs États ont des
difficultés à respecter les critères et sont contraints d’en sortir.
Une nouvelle impulsion s’impose. En 1978-1979, le Système
monétaire européen arrime les monnaies européennes à un pivot
de référence : l’ECU (European Currency Unit), moyenne
pondérée des monnaies européennes. Ce mécanisme, qui permet
d’amortir les fluctuations, n’est cependant pas parfait et
plusieurs ajustements seront nécessaires.
La genèse de l’euro
L’essentiel en 5 secondes
✓ À partir des années 1970, l’idée d’une monnaie unique fait son chemin, elle est
officiellement lancée en 1988.
✓ Le traité de Maastricht, qui établit l’Union monétaire, est signé en 1992. Il est
conçu comme une première étape devant être complétée par une union
économique et politique.
4
Retour sur
l’unification allemande
lusieurs décennies après la fin de la Seconde Guerre
P mondiale, la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989, est
un tournant pour l’histoire de l’Europe.
En 1945, lors de la capitulation du Reich, les quatre « alliés »
(États-Unis, Russie, Grande-Bretagne et France) considèrent
l’Allemagne comme totalement privée de souveraineté. Ils
exercent ensemble des pouvoirs sur « l’Allemagne dans son
ensemble », au travers de leurs « zones d’occupation ». Mais la
guerre froide les conduit à séparer le pays en deux : RDA du
côté russe, RFA à l’Ouest par la fusion des trois zones
occidentales.
Dans le contexte de la guerre froide, arrimer la République
fédérale d’Allemagne à l’Ouest devient un enjeu majeur, tant
géopolitique que de défense des valeurs de l’Europe et de
l’Amérique contre la dictature communiste. Le pari est fait, via
l’OTAN et la CEE, de fonder avec l’Allemagne un partenariat
stratégique plutôt que de la traiter comme un ennemi vaincu à
punir.
L’automne 1989 est un temps de ferveur pacifique
extraordinaire. Par ses manifestations paisibles que les autorités
de Berlin-Est sont impuissantes à stopper, le peuple de RDA fait
tomber le mur. L’enthousiasme du peuple allemand, et au-delà
de tous ceux qui y voient une victoire de la liberté, tranche avec
l’hésitation initiale de François Mitterrand et la crainte de
Margaret Thatcher d’une reconstitution du Reich. Les
Américains finiront par convaincre les Britanniques du caractère
historique de la réunification. Jacques Delors, de Bruxelles,
apporte un appui précieux au processus en ouvrant la CEE aux
Länder issus de la disparition de la RDA.
En septembre 1990 est signé à Moscou le traité « 2 + 4 » (entre
les quatre puissances d’une part, RFA et RDA d’autre part),
intitulé « traité portant règlement définitif concernant
l’Allemagne ». Il confère notamment à la RFA unie sa pleine et
entière souveraineté et fixe les conditions du retrait de l’armée
soviétique de RDA.
Avec le traité de réunification, conscients que la coopération
était le fondement d’une paix durable en Europe et de la
nécessité de surmonter les vieux antagonismes, les signataires,
pour eux et les autres belligérants, tournent définitivement la
page de la Seconde Guerre mondiale. L’Allemagne entérine la
perte d’un tiers de son territoire de 1937 et s’engage à renoncer à
toute revendication territoriale. La question des frontières de
l’Allemagne, notamment de celle avec la Pologne, qui avait
entraîné l’Europe dans la guerre, est réglée de manière
définitive. Le même engagement est pris, quoique
implicitement, par les quatre, à propos des réparations de guerre.
Volontairement, un trait est tiré sur le passé.
L’essentiel en 5 secondes
Un jeu collectif
Pour atteindre leur but, ils ont inventé une « méthode » de travail
entre gouvernements radicalement nouvelle : non pas des
négociations « de marchand de tapis » où chaque pays défend
son intérêt immédiat, mais un jeu collectif dont le but est
d’essayer de trouver une solution collective satisfaisante à un
problème commun. Si des spécificités existent, elles sont
débattues ; le compromis final en tient compte et souvent des
périodes de transition ou des modalités d’application
différenciées sont prévues.
C’est la raison d’être de la Commission européenne, institution
mal comprise, officiellement chargée de garantir l’intérêt général
européen.
C’est aussi l’intérêt d’avoir un Parlement, élu au suffrage
universel direct, où les solutions sont débattues publiquement.
Enfin, c’est la justification du recours au vote majoritaire (la
majorité peut s’imposer contre une minorité qui cherche à
entraver la décision) plutôt que celui de l’unanimité (il suffit
qu’un État, même ultraminoritaire, s’oppose à un projet pour
bloquer la décision).
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ Mieux vaut une souveraineté partagée qui préserve notre influence qu’une
souveraineté proclamée qui conduit à la marginalisation.
7
Une union d’États
et de citoyens
lus de 500 millions d’Européens, répartis dans 28 États, voilà
P ce qu’est aujourd’hui l’Union européenne. Et dans cet
ensemble, plus de 330 millions utilisent l’euro dans 19 pays.
Ainsi, l’Europe unie est un ensemble plus peuplé que les États-
Unis. Si les dirigeants pensaient « européen », si les citoyens
avaient conscience de ce potentiel, l’Europe irait mieux.
Mais surtout, l’Union européenne est composée d’États de tailles
très diverses. Pour les faire cohabiter, il y a plusieurs obstacles à
surmonter.
Ne léser personne
Autre conséquence : l’importance des règles. Il faut que les
mêmes droits et les mêmes devoirs s’imposent à tous, ce qui
explique notamment la politique de concurrence de l’Union et
l’encadrement des aides d’États. Sans ces règles, un pays comme
la Belgique ne serait pas sur un pied d’égalité avec la France ou
l’Allemagne pour défendre ses entreprises.
Pour terminer sur une touche d’humour, l’ancien Premier
ministre belge Paul-Henri Spaak disait : « Il n’y a plus en
Europe que des petits États, simplement certains ne s’en sont pas
encore aperçu. »
L’essentiel en 5 secondes
✓ Comme dans toute communauté, le respect des règles prises en commun est
crucial pour assurer l’équité.
8
L’équité par le droit
our unir des États qui avaient davantage l’habitude de se
P quereller que de cohabiter harmonieusement, l’UE a fait le
pari du droit. Plutôt que d’imposer une vie commune par la
force, les États ont passé un contrat organisant une
Communauté.
Le droit de l’Union prend des formes différentes : règlements,
directives de portée générale, mais aussi avis, recommandations
(qui n’ont pas de force contraignante) et décisions (adressées à
un destinataire individuel).
Comme une loi nationale, un règlement est une norme qui
s’applique telle quelle, de manière obligatoire. En recourant au
règlement, l’Union européenne fixe les moyens pour parvenir à
un résultat. C’est la forme la plus simple à appliquer.
Une directive laisse davantage de liberté. Seul l’objectif est fixé
par l’Union. Les États membres, pour transposer les directives,
sont libres de prendre les mesures de leur choix pour parvenir
aux objectifs visés par la législation européenne. La
transposition permet aux gouvernements et aux parlements
nationaux de « personnaliser » la règle en fonction des
caractéristiques nationales.
On est loin du « diktat antidémocratique de Bruxelles » que
certains évoquent à la simple mention du mot « directive ».
D’une part, les objectifs d’une directive sont négociés et
déterminés par le Parlement européen, élu par les citoyens, et les
gouvernements des États membres. D’autre part, lorsque les
États transposent les directives, ce sont les parlements et les
gouvernements nationaux qui décident de la manière de
procéder. Cela peut toutefois amener à des différences graves
entre les États.
Une Communauté de droit
La Commission européenne s’assure que le droit européen
s’applique effectivement sur l’ensemble du territoire. Elle peut
déclencher une procédure si elle constate qu’un État n’a pas
correctement transposé le droit de l’Union sur son territoire. La
plupart du temps, la Commission réagit à la suite d’un dépôt de
plainte de la part d’un citoyen ou d’une entreprise qui souhaite
l’application d’une directive non, ou mal, transposée dans son
pays. Au terme de la procédure et en cas de contestation, c’est la
Cour de justice de l’Union européenne qui tranche.
L’équité entre partenaires européens suppose qu’une norme
européenne ait une autorité supérieure à une norme nationale. Si
une loi française vient contredire un règlement ou une directive
européenne, ce sont ces dernières qui l’emporteront. La situation
est plus complexe lorsqu’il s’agit de la Constitution : lorsque
cela arrive, le pouvoir constituant préfère en général réviser la
Constitution plutôt que reconnaître une supériorité au droit de
l’Union.
Les États doivent aussi respecter les règles qu’ils ont eux-mêmes
édictées et les engagements qu’ils ont pris vis-à-vis de leurs
partenaires. Le traité de Maastricht (1992) a cependant fait le
choix d’écarter la Cour de justice de la gouvernance
économique. C’est une entorse regrettable au principe de l’État
de droit.
L’État de droit
L’État de droit peut se définir comme un système institutionnel dans
lequel la puissance publique est soumise au droit. Elle est limitée par
une hiérarchie des normes (chaque norme tire sa validité de sa
compatibilité avec les normes supérieures), l’égalité des sujets de droit,
et l’existence de juridictions indépendantes et impartiales.
✓ Dans certains cas, ce sont les parlements nationaux qui complètent les règles
européennes.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Plus qu’ailleurs dans le monde, l’Europe est attachée aux droits fondamentaux,
qui ne restent pas seulement des déclarations mais sont, pour la plupart, des
droits invocables par les citoyens :
L’essentiel en 5 secondes
✓ Toutes les compétences exercées par l’UE lui ont été volontairement
transférées par les États.
✓ L’Union est encore très dépendante des États, les transferts de compétences
étant souvent partiels.
L’essentiel en 5 secondes
Le Conseil européen
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
Une chauve-souris
C’est une institution originale à la double nature qu’on ne peut
totalement assimiler à une administration ou à un gouvernement.
Il est vrai que, comme un Premier ministre, le président de la
Commission européenne est élu par le Parlement. Depuis 2009,
les États membres (qui proposent une personnalité aux députés)
doivent tenir compte du résultat des élections européennes. C’est
pourquoi Jean-Claude Juncker, chef de file du groupe arrivé en
tête aux élections, est devenu président de la Commission
en 2014.
Comme un gouvernement, la Commission est responsable
devant le Parlement : elle doit recueillir la confiance d’une
majorité de députés pour entrer en fonction, et le collège des
commissaires peut être renversé par une motion de censure.
La comparaison s’arrête là. Contrairement à des ministres, les
commissaires ne sont pas choisis en fonction de leur couleur
politique. Les États membres proposent chacun un commissaire,
et le Parlement les valide, individuellement, puis,
collectivement, en fonction de leurs compétences et de leur
engagement européen, au terme d’auditions difficiles. Si bien
que cohabitent des commissaires de toutes tendances politiques.
Les décisions se prenant de manière collégiale, le dialogue entre
commissaires est indispensable.
Chargés de l’intérêt général, les traités leur imposent
l’indépendance. C’est elle qui garantit l’efficacité et la
crédibilité de la Commission.
Certains, à l’image de l’actuel président de la Commission Jean-
Claude Juncker, souhaiteraient en faire un organe plus politique.
Cette politisation risque toutefois de nuire à sa réputation
d’indépendance et d’expertise, en matière de concurrence ou
d’examen des budgets nationaux par exemple.
Le seul débat de ces dernières années portait sur le nombre de
commissaires. Il est vrai qu’au fil des élargissements, la
Commission est devenue pléthorique. Il a été prévu par le traité
de réduire leur nombre. Cette idée a été abandonnée par le
Conseil européen en 2008 : aucun État membre ne souhaitait
perdre « son » poste de commissaire.
Pour pallier les inconvénients du nombre, le président Juncker a
réorganisé la Commission autour de sept vice-présidents guidant
les travaux des commissaires placés sous leur coordination.
Même si les traités ne prévoient pas de postes de « super-
commissaires » ni de « mini-commissaires », le système des
vice-présidences de projets est censé améliorer l’organisation de
la Commission.
La Commission européenne
L’essentiel en 5 secondes
✓ Son indépendance assure son autorité, mais certains aimeraient la voir jouer un
rôle plus politique.
15
La Cour de justice
a Cour de justice de l’Union européenne, qui siège à
L Luxembourg, assure le respect du droit de l’Union ainsi que
l’interprétation et l’application des traités passés entre
les 28 États membres.
Son rôle est déterminant dans l’application d’un même droit au
sein de 28 systèmes juridiques différents. Pour ce faire, la Cour
de justice a le dernier mot : elle peut être saisie par les citoyens
en dernier ressort (c’est-à-dire après avoir épuisé toutes les voies
de recours nationales).
La Cour de justice est composée d’un juge par État membre. Des
avocats généraux complètent sa composition. Leur rôle est de
fournir une analyse juridique indépendante et impartiale des cas
soumis à la Cour. Ils ne participent pas au jugement mais leur
prise de position influence beaucoup les juges qui, souvent,
suivent leurs avis.
Les juges, nommés pour une durée de six ans par les États, sont
en général des juristes de haut niveau. Ils siègent parfois en
séance plénière (à 28), mais le plus souvent en formation
restreinte (de 3 à 5 juges). Les délibérations se font en français.
Le travail est organisé par un président qu’ils élisent pour un
mandat de trois ans renouvelable.
La Cour de justice est compétente pour juger des recours en
manquement, des recours en annulation et des recours en
carence.
Un recours en manquement peut intervenir lorsqu’un État n’a
pas respecté ses obligations. Avant de passer devant la Cour de
justice, l’État en question fait l’objet d’un premier rappel à
l’ordre de la part de la Commission européenne. Si l’État reste
sourd aux demandes de la Commission puis de la décision de la
Cour, des amendes peuvent être votées. Le montant des amendes
peut atteindre plusieurs millions d’euros.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Elle est compétente pour juger plusieurs recours, par exemple contre les États
qui manquent à leurs obligations.
16
Le processus de création
des « lois » européennes
a procédure législative ordinaire est un processus de
L codécision, où plusieurs acteurs sont impliqués : la
Commission, le Parlement et le Conseil des ministres.
Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice : les citoyens à travers
le Parlement, les ministres nationaux au sein du Conseil, et la
Commission qui s’assure que la direction prise est conforme à
l’intérêt général.
La Commission européenne a le monopole du pouvoir
d’initiative : c’est elle qui fait les propositions et peut à tout
moment les retirer. On peut regretter que le Parlement ne puisse
de lui-même proposer un texte législatif : ses initiatives n’ont
pas de portée juridique contraignante. Mais dans la suite de la
procédure législative ordinaire, les parlementaires prennent de
l’importance.
Après la proposition de la Commission, le texte fait plusieurs
navettes entre le Parlement européen et le Conseil des ministres.
Les deux institutions sont sur un pied d’égalité : aucun des deux
n’a seul le dernier mot. En cas de désaccord persistant, les
acteurs principaux du dossier (du Parlement, du Conseil et de la
Commission) se retrouvent autour d’une table pour élaborer,
ensemble, un compromis qui est ensuite soumis à l’approbation
de l’ensemble du Parlement et du Conseil.
Dans la pratique, il y a des contacts entre les différentes
institutions tout au long du processus, de manière à rapprocher
les positions, et la Commission joue un rôle de conciliateur.
• Un texte controversé : la directive Bolkestein
La méconnaissance du processus d’élaboration des règles
européennes peut engendrer des malentendus, comme à
l’occasion de la directive Bolkestein.
En 2005, les opposants au traité constitutionnel se
saisissent de ce qui n’est qu’une proposition de la
Commission européenne, concernant la libéralisation des
services, pour jeter de l’huile sur le feu.
L’une des dispositions les plus controversées du texte
prévoyait que, lorsqu’un étranger serait amené à travailler
dans un autre pays, « sa » législation d’origine
s’appliquerait toujours à lui. En clair, le salaire minimum
d’un Français, où qu’il se trouve, resterait celui de la
France. La même chose pour un Polonais : d’où la peur du
« plombier polonais », au salaire plus bas, qui viendrait
voler le travail des Européens de l’Ouest.
En présentant la proposition de directive comme une
version finale, qui s’appliquerait telle quelle, les
détracteurs de la directive ont occulté la particularité de la
prise de décision au niveau européen : un compromis
collectif, au terme d’une procédure en plusieurs étapes.
Dans les faits, le processus démocratique a permis de
modifier le texte en profondeur. Au niveau européen,
comme au niveau national (des débats se sont tenus au sein
des parlements nationaux).
Au Parlement européen, les députés ont multiplié les
auditions et les débats. De nombreux amendements
(modifications de texte) ont été déposés et votés. Le
« principe du pays d’origine » a été abandonné.
Au terme d’une procédure intense (quatre débats au
Conseil, quatre en plénière, deux lectures) et longue (près
de trois ans entre la proposition de la Commission et
l’adoption du texte), le Conseil a finalement approuvé le
texte adopté en seconde lecture par le Parlement européen.
Puisqu’il s’agissait d’une directive, les parlements
nationaux ont ensuite eu le temps (trois ans) pour débattre
lors de la transposition de la directive.
Au final, le texte adopté était bien différent de celui
présenté à l’origine par la Commission.
La stricte application de la procédure de codécision peut parfois
prendre du temps, ce qui est délicat dans les situations
d’urgence. Ainsi, suite à la crise, les trois institutions se sont
engagées à travailler vite (et bien) de manière à adopter et mettre
en œuvre la législation nécessaire. C’est ce que l’on appelle,
dans le jargon européen, les accords en première lecture.
Cette procédure accélérée a par exemple été utilisée pendant la
crise financière, dans le dossier de l’Union bancaire (c’est-à-dire
un mécanisme de solidarité entre banques de la zone euro, afin
que les États n’aient plus à les renflouer avec de l’argent public,
couplé d’un superviseur unique : la BCE). La commission des
affaires économiques et monétaires du Parlement européen a
travaillé à un texte, le Conseil des ministres s’en est saisi et une
décision a été prise très rapidement.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
« Whatever it takes »
De l’avis général, la BCE « fait le job ». Au plus fort de la crise,
alors que les gouvernements tardaient à dégager des solutions
communes, la BCE a joué un rôle crucial.
Dès 2007, elle fournit 95 milliards d’euros pour stabiliser le
secteur financier. En 2010, elle annonce un programme de rachat
de dettes pour soulager les États en difficultés. En
septembre 2012, à la suite d’une décision du Conseil européen
de la zone euro, Mario Draghi annonce que la BCE fera « tout ce
qui est nécessaire » pour préserver l’intégrité de la zone euro.
Des liquidités sans précédent et à bas coûts sont mises à la
disposition des banques pour permettre le financement de
l’économie.
En janvier 2015, Mario Draghi annonce un vaste programme de
rachat de dettes pour aider à faire repartir la croissance
(« assouplissement quantitatif »). Enfin, la BCE s’est vu confier
une nouvelle mission de supervision des banques de la zone
euro.
Lors de la crise grecque, alors que le système financier était sur
le point de s’effondrer faute d’accord entre le gouvernement et
ses créanciers, la Banque centrale a maintenu l’économie à flot,
en fournissant des liquidités d’urgence. Son rôle n’est cependant
pas de se substituer aux responsables politiques, d’où des
initiatives mesurées, dans le cadre de son mandat.
On voit ici la force que peut tirer l’Union européenne de
structures fédérales. Les décisions sont prises à un niveau
pertinent, les mesures ont davantage d’ampleur et les effets se
font sentir.
La politique monétaire
L’essentiel en 5 secondes
✓ Institution fédérale, l’impact de ses décisions est considérable, ce qui l’a conduit
à jouer un rôle important pendant la crise.
19
La politique européenne
de concurrence
a concurrence est mal perçue par les Français. Il est vrai que
L la France est traditionnellement attachée à l’intervention de
l’État dans l’économie, soit directement, soit via des
réglementations qui protègent, par exemple, certaines
professions. Il a fallu attendre 2009 pour qu’une Autorité de la
concurrence indépendante soit instituée en France.
La concurrence est avant tout un cadre dans lequel l’esprit
d’entreprise et la défense de l’intérêt du consommateur peuvent
s’épanouir. Les règles de concurrences permettent une saine
émulation des acteurs économiques.
Grâce à la concurrence, les consommateurs ont accès à un large
choix de produits au meilleur prix.
Du côté des entreprises, les règles assurent une chance équitable
de réussite, quelle que soit la taille de la structure. Les règles
strictes sur les abus de position dominante évitent que « les
grands » ne soient tout-puissants et « les petits » sans défense.
Des exceptions sont prévues lorsqu’elles sont nécessaires
économiquement et socialement. Ainsi, les services publics ne
sont pas concernés : l’article 106 du traité sur le fonctionnement
de l’Union européenne limite l’application des règles de
concurrence pour permettre d’assurer l’intérêt économique
général. Pour compenser certains effets pervers de la
concurrence mondiale, un fonds d’ajustement existe pour
indemniser certains « perdants » de la mondialisation.
L’essentiel en 5 secondes
✓ La politique européenne de concurrence est prise très aux sérieux dans le reste
du monde. C’est un instrument de puissance européenne.
20
La politique
agricole commune
a politique agricole commune est l’une des rares politiques
L réellement européenne.
De Gaulle, l’Européen
Sous l’impulsion du général de Gaulle, la PAC entre en vigueur
en 1962. Elle a pour objectif d’assurer l’approvisionnement des
Européens en produits agricoles. Cela passe par une
augmentation de la production, mais aussi par une attention
portée à la stabilité des prix et au fait de garantir aux agriculteurs
un revenu correct.
La PAC est un succès, qu’elle doit à son caractère réellement
européen. Le marché et le budget sont communs. Les produits
circulent librement, sans passer la douane, entre les États de la
Communauté. Inversement, les produits étrangers sont taxés,
conformément à une préférence communautaire, à l’exception
de ceux en provenance des pays en voie de développement.
La PAC s’adapte
La première grande réforme de la PAC a lieu trente ans plus
tard, en 1992. Les défis ont changé. Initialement prévue pour
augmenter la production agricole, la réussite est telle que le
problème le plus aigu est celui des surplus. La PAC de 1992
s’attache donc à la réduction des surfaces cultivées, en échange
de subventions. Celles-ci ne sont plus automatiques mais
soumises, à partir de 2003, à des normes visant à assurer la
sécurité alimentaire, la santé, le bien-être animal ou encore une
agriculture durable.
Le bilan de la PAC n’est pas dénué de défauts. Une part
majoritaire des aides était consacrée aux plus grandes
exploitations. 80 % des aides allaient à 20 % des exploitations
alors même que les petites structures, majoritaires, en auraient
eu le plus besoin. Une nouvelle réforme vient mettre l’accent sur
le développement rural, avec une attention portée sur les zones
défavorisées, et le développement d’activités complémentaires,
comme le tourisme.
L’essentiel en 5 secondes
Et le contrôle démocratique ?
La démocratie n’est pas absente, contrairement à ce que l’on
peut entendre. Le traité de Lisbonne a conféré des prérogatives
nouvelles au Parlement européen, dans le contrôle des traités
internationaux. Compétences dont il s’est pleinement saisi en
rejetant, le 4 juillet 2012, l’accord commercial anti-contrefaçon
qui avait, à l’époque, fait l’objet de vives contestations de la part
des citoyens, notamment sur le risque d’une interdiction des
médicaments génériques. Et lorsque les traités touchent des
compétences nationales, les parlements des 28 viennent effectuer
des contrôles supplémentaires.
Un rôle à repenser ?
L’un des défis que rencontre l’Europe est de repenser sa
politique commerciale. Alors qu’elle avait beaucoup fait pour
intégrer de nouveaux pays dans le jeu international (en étant
l’avocate de l’entrée de la Chine au sein de l’Organisation
mondiale du commerce), le « multilatéralisme » (c’est-à-dire des
accords commerciaux entre plus de deux États) de l’OMC
s’essouffle, au profit du « bilatéralisme » (accords entre deux
États). C’est l’une des raisons au traité transatlantique (TTIP ou
TAFTA) : mettre en place des règles communes avec les États-
Unis, qui auront ensuite vocation à être partagées par d’autres
États.
Le commerce international
L’essentiel en 5 secondes
✓ Depuis le traité de Lisbonne, le Parlement européen exerce son contrôle sur les
accords commerciaux de l’UE.
22
Grandeur et vicissitudes
du marché unique
près la Communauté européenne du charbon et de l’acier, et
A l’échec de la Communauté européenne de la défense, les
pères fondateurs ont emprunté un chemin plus humble pour unir
les peuples : le commerce, les échanges.
La Communauté économique européenne commence par lever
les obstacles aux échanges entre les États membres. Les droits
de douane disparaissent. Les consommateurs n’ont pas à payer
de taxes supplémentaires et ont accès à une plus grande diversité
de produits. Par ailleurs, les États ne peuvent plus tricher en
variant leurs exigences selon la provenance du produit. C’est ce
qu’on appelle le principe de non-discrimination. Dans un arrêt
célèbre, « Cassis de Dijon », la Cour de justice a ainsi considéré,
pour simplifier, qu’un alcool bon pour un Français ne pouvait
pas faire de mal à un Allemand.
Grâce au marché commun, un commerçant est libre de vendre
ses produits partout en Europe. Un chercheur d’emploi peut
trouver du travail dans n’importe quel État membre. Une
entreprise peut proposer ses services à tout Européen intéressé.
Des garde-fous
Certains y voient le règne du tout marché, du grand capital qui
assouvirait les peuples. C’est une caricature car l’Europe ne
considère pas le marché comme une fin mais comme un moyen
au service de la prospérité économique. Le marché n’est pas une
religion et les « eurocrates » ne lui font pas une confiance
aveugle. La crise financière a d’ailleurs rappelé que la prudence
était bonne conseillère.
Des règles, qui assurent la qualité sanitaire ou l’innocuité des
produits, sont prévues. Lors de la crise de la vache folle, des
restrictions aux échanges ont été mises en place pour préserver
la santé publique. Le marché unique n’est pas non plus une
jungle, il ne concerne que les services et marchandises autorisés
par la loi.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Avec le marché unique, les entreprises ont accès à un marché de 500 millions
de consommateurs.
✓ Les normes, souvent caricaturées, sont nécessaires pour assurer la qualité des
produits.
✓ Les divergences entre États n’ont pas encore totalement disparu, au détriment
de l’économie.
23
L’Union économique et
monétaire inachevée
voquée depuis 1970, l’Union économique et monétaire naît
É vingt ans plus tard, avec le traité de Maastricht.
Le volet monétaire est solide, avec une monnaie unique gérée
par une banque centrale indépendante et fédérale (la BCE). En
revanche, suite notamment au refus de la France, les questions
économiques et budgétaires restent en grande partie du ressort
des États. La zone euro n’a pas d’exécutif propre.
L’accent est mis sur la discipline budgétaire à laquelle tous les
États doivent se soumettre, sous le contrôle de la Commission et
des partenaires (déficit inférieur à 3 % du PIB, dette maximum
de 60 % du PIB).
Certains économistes doutent du bien-fondé de ces règles, de la
manière dont elles ont été arrêtées, et considèrent que leur
application pénalise la croissance. Néanmoins, dans une union
monétaire, l’état des finances publiques d’un membre peut
affecter la situation économique des autres, comme on l’a vu
avec la crise grecque, d’où l’importance d’un cadre commun.
Malheureusement, ces règles ont été régulièrement bafouées, y
compris par l’Allemagne en 2003. Les ministres des finances,
chargés de la surveillance des règles, ont fait preuve de
beaucoup d’indulgence les uns envers les autres. Ils ont eu
tendance à être plus sévères avec l’Irlande, le Portugal ou encore
l’Espagne, quand la France bénéficie de délais supplémentaires
pour résorber son déficit.
D’où le dilemme actuel : soit les gouvernements veulent en
rester à une union fondée sur des règles mais alors ils devraient
les respecter et peut-être renforcer les contrôles, par exemple en
donnant un pouvoir à la Cour de justice, curieusement exclue, à
ce jour, de ce champ. Soit ils acceptent de passer à une logique
d’institutions et dotent la zone euro d’un exécutif qui disposerait
d’un budget, et serait contrôlé par des élus, les parlementaires
européens réunis dans une formation « zone euro ».
La situation actuelle, où tant de gouvernements contestent les
règles sans vouloir en changer n’est pas tenable.
L’essentiel en 5 secondes
✓ La crise grecque a montré les limites d’un système incomplet, notamment par
l’absence de budget pour stabiliser l’UEM.
L’essentiel en 5 secondes
✓ La libre circulation des travailleurs est l’une des quatre libertés fondamentales
de l’UE et l’un des grands avantages dont jouissent les Européens.
Schengen en sursis ?
Certains hommes politiques demandent aujourd’hui une réforme
des accords, quand ce n’est pas leur suspension pure et simple,
pour mieux lutter contre les flux migratoires.
Les élargissements successifs et la crise sont passés par là :
l’« étranger » est souvent vu comme un concurrent sur le marché
de l’emploi. Même si ces pays ne font pas partie de l’espace
Schengen, l’élargissement à la Bulgarie et la Roumanie crée des
crispations.
Depuis les « printemps arabes » et la déstabilisation qui s’en est
suivie, par exemple dans un pays comme la Libye, les pressions
migratoires en provenance du Nord de l’Afrique se sont
considérablement intensifiées. La guerre en Syrie a également
conduit à l’exil de populations nombreuses. Entre 2014 et 2015,
le nombre de demandes d’asile a augmenté de plus de 70 %,
dépassant le million en 2015. Les pays en première ligne,
comme la Grèce ou l’Italie, se retrouvent assez désarmés pour
contenir l’arrivée des réfugiés. D’où l’idée de compléter
Schengen par un corps européen de gardes-frontières, qui aurait
plus de prérogatives que la modeste agence Frontex. La
responsabilité du contrôle des frontières extérieures est une
tâche d’intérêt commun ; il n’y a pas de raison qu’elle incombe
aux pays périphériques seulement.
Les textes prévoient des mesures exceptionnelles. Dans le
jargon, on les appelle les « clauses de sauvegardes ». Elles
consistent à rétablir les contrôles aux frontières en cas de
nécessité, comme en 2015 lorsque l’Allemagne, puis le
Danemark, la Suède et la Norvège ont voulu organiser l’accueil
des réfugiés, et la France la COP 21.
La gravité de la crise des réfugiés a poussé certains États à aller
plus loin. L’Autriche a érigé une barrière filtrante sur une partie
de sa frontière avec la Slovénie, pays membre de Schengen
devenu un point d’entrée de réfugiés. À la suite des attentats
du 13 novembre 2015, le rétablissement des contrôles en France
n’est plus justifié par la COP 21 mais par un État d’urgence
prolongé pour une durée indéterminée. En février 2016, la
Belgique a rétabli des contrôles sur une partie de sa frontière
avec la France, par crainte de voir arriver sur son territoire les
réfugiés bloqués à Calais et Grande-Synthe.
Le 26 janvier 2016 à Amsterdam, les ministres européens de
l’Intérieur ont demandé à la Commission européenne une
réactivation des contrôles aux frontières pour deux ans.
Un abandon coûteux
Les citoyens, et l’économie, auraient beaucoup à y perdre. Une
étude de France Stratégie, publiée en février 2016, évalue le coût
de l’abandon de l’espace Schengen à 100 milliards d’euros au
total, dont une dizaine pour la France. Le tourisme en serait
particulièrement affecté, mais aussi les travailleurs frontaliers et
le transport de marchandises. Selon les estimations de ce think
tank rattaché aux services du Premier ministre, le commerce
entre pays Schengen diminuerait de 10 à 20 %. Sans parler des
coûts durables liés aux contrôles systématiques.
Il n’est pas prouvé que le rétablissement des contrôles aux
frontières, désastreux pour la libre circulation, soit le moyen le
plus efficace d’accroître la sécurité. D’une part, les grands axes
sont plus contrôlés que les petites routes et les failles des
dispositifs sont béantes : l’installation, dans le sens Paris-
Bruxelles uniquement, de portiques de sécurité à l’entrée du seul
Thalys, en est un exemple flagrant. En outre, ces mesures ne
sont pas mises en balance avec des mesures plus radicales
comme la création d’un FBI européen, d’un parquet européen,
qui marquerait un changement d’échelle résolu notamment pour
le terrorisme et la lutte contre la criminalité organisée. Une
conception traditionnelle, peut-être dépassée, de la souveraineté,
aboutit à privilégier le prestige et le maintien des structures
nationales sur la sécurité.
La gestion de l’espace Schengen rencontre des défis plus
importants qu’à l’époque de la signature des accords, mais
abandonner les frontières ouvertes serait une régression, sans
garantie pour la sécurité.
Schengen
L’essentiel en 5 secondes
Les trois 20
Sans vouloir entrer dans le détail de sa stratégie sur le climat,
l’Union européenne s’est fixé un triple objectif à
l’horizon 2020 :
L’Europe de l’environnement
Au-delà de la simple question énergétique, l’Union européenne
s’est engagée dans une stratégie de préservation de
l’environnement, pour une croissance plus verte.
Cette stratégie européenne n’est ni abstraite ni lointaine : elle se
traduit localement. Dans chaque région, le budget européen
contribue au financement de nombreux projets, sélectionnés
notamment sur des critères environnementaux. Cela permet
d’encourager des initiatives « vertes », comme des transports
moins gourmands, qui contribuent à une croissance plus
intelligente et durable. Depuis 2015, pour obtenir des
subventions, les agriculteurs doivent respecter un certain nombre
de mesures écologiques.
Préserver la biodiversité
Ce texte, adopté en 2006, n’est qu’un exemple. Une autre
bataille emblématique de l’Union européenne a consisté à
protéger les milieux naturels à travers le réseau Natura 2000. La
définition des zones protégées a été rude – certains y voyaient
une forme d’expropriation, d’autres protestaient vigoureusement
contre la réintroduction de l’ours ou du loup – mais a abouti à
une solution tenant compte à la fois du besoin de protection de la
faune et de la flore, et des intérêts économiques à long terme.
Aujourd’hui, Natura 2000 couvre 18 % du territoire de l’UE et a
été étendu à la mer.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
Le paradoxe européen
Alors que l’Europe investit des sommes considérables, et qu’elle
a, à sa disposition, des centres de recherche d’excellence, le
nombre de brevets déposés (le « droit d’auteur » des inventeurs),
est à la traîne par rapport aux États-Unis et à la Chine. En 2013,
en Chine, plus de 800 000 demandes de brevets ont été
formulées, contre près de 600 000 aux États-Unis, et moins
de 400 000 en Europe.
Pour remédier à ce retard dans la course de l’innovation, un
brevet unitaire européen sera opérationnel en 2016 dans 25 États
membres, et devrait encourager davantage l’innovation en
Europe.
La recherche européenne
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
Séance de rattrapage
La coexistence de 28 législations différentes tranche avec la
situation américaine, où les start-up poussent comme des
champignons. Aucun des GAFA (Google, Amazon, Facebook,
Apple) n’est européen, alors que nous n’avons pas à rougir en
termes de centres de recherche et d’innovation.
Pour l’Europe, la création d’un marché unique du numérique
pourrait créer un grand nombre d’emplois et doper la croissance
du PIB de l’UE de manière significative. Selon certaines
estimations, les consommateurs européens pourraient épargner
11,7 milliards d’euros par an s’ils avaient accès à l’ensemble du
marché numérique européen.
Pour ces raisons, la Commission européenne présidée par Jean-
Claude Juncker, attachée à raviver la croissance et
l’investissement en Europe, a fait de ce marché unique du
numérique l’une de ses priorités.
Le numérique
L’essentiel en 5 secondes
Le Parlement et la Commission
s’emparent du sujet
Un compromis constructif pourrait consister à bien distinguer
l’assiette des taux, en harmonisant la première, tout en
continuant à laisser aux États membres, une certaine latitude
dans la fixation des taux.
Le Parlement européen, dans le dossier « ACCIS » (Assiette
commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés), a tenté de
promouvoir cette approche.
Faire en sorte que, sur l’ensemble du territoire de l’Union, la
définition de ce qui est soumis à l’impôt et de ce qui ne l’est pas,
soit la même, serait une avancée à la fois significative et
pragmatique.
Significative car elle permettrait de rendre plus lisible les taux
d’impositions entre États, d’éviter que les entreprises ne
profitent abusivement des failles des systèmes fiscaux, et de
rétablir, dès lors une concurrence loyale entre États. Pragmatique
car elle n’empêcherait pas les États de jouer sur les taux,
permettant une concurrence fiscale bénéfique aux
consommateurs et aux contribuables.
À la suite du « Luxleaks », une commission spéciale a été créée
au Parlement européen pour enquêter et faire des propositions
contre l’évasion fiscale. La Commission européenne, se fondant
sur sa compétence en matière de concurrence, s’est attaquée au
sujet de l’évasion fiscale des grandes entreprises en déclarant
illégaux des traitements fiscaux avantageux mis en places par la
Belgique, les Pays-Bas ou encore le Luxembourg. Fin
janvier 2016, elle a présenté un ensemble de propositions
permettant d’encadrer la pratique des rescrits fiscaux. Enfin, la
Commission s’est engagée à mettre en place les
recommandations de l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économique) visant à lutter contre l’érosion de la
base fiscale.
L’UE a déjà réussi à faire converger certaines fiscalités : elle fixe
des taux minimums pour ce qui est de la TVA, des taxes sur le
tabac, l’alcool et le carburant. Beaucoup reste à faire mais il faut
impérativement progresser : c’est un enjeu majeur pour l’Union.
La confiance mutuelle et le financement des services publics,
comme l’éducation, en dépendent.
L’harmonisation fiscale
L’essentiel en 5 secondes
✓ Malgré la libre circulation des capitaux, les États ont toujours refusé de faire
converger leurs régimes fiscaux.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Il faut éviter de penser que le modèle social français est exportable tel quel – les
difficultés de financement ne sont pas attractives.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ L’Europe à plusieurs vitesses existe déjà, entre la zone euro et les autres, entre
l’espace Schengen et ceux qui n’en sont pas.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ La possibilité d’une sortie de l’euro a replongé la Grèce dans une grave crise.
État d’urgence
L’Europe est devenue un bouc émissaire facile. Loin d’être due
aux seuls efforts demandés par l’Union européenne, l’austérité a
été rendue nécessaire par des décennies de mauvaise gestion
nationale. Par le passé, certains gouvernements ont laissé filer la
dépense publique au lieu de songer aux générations à venir.
Dans d’autres pays, l’endettement privé a été débridé, créant des
bulles immobilières que des politiques fiscales appropriées
auraient pu éviter. S’y ajoute, dans le cas grec, la falsification
des comptes publics.
Sans administration fiscale efficace, les rentrées d’argent ne sont
pas assurées et la fraude fiscale est une pratique courante.
Certaines catégories de la population, dont certaines très aisées
comme les armateurs, ne participent pas suffisamment à l’effort
de solidarité nationale.
La solidarité entre pays européens ne va pas de soi. Des pays
peu peuplés, au niveau de vie moyen, comme la Slovaquie, ont
été appelés à porter secours à des États « plus riches », ou dans
lesquels on part plus tôt à la retraite, ce qui a pu susciter
l’agacement des opinions publiques. Il n’est pas choquant, pour
préserver l’équité, que des contreparties soient demandées aux
pays aidés, en vue d’assainir durablement leur économie.
L’un des reproches porte sur la brutalité des programmes
d’assainissement, le rythme et l’ampleur des réformes
demandées. Dans l’absolu, il aurait été plus judicieux d’étaler
l’effort, afin de ne pas hypothéquer la croissance à court terme.
Mais cela est facile à dire après coup. La gravité de la situation,
la réaction violente des marchés exigeaient une réaction
vigoureuse.
La démocratie oubliée ?
La Troïka soulève des interrogations qui ne sont pas seulement
d’ordre économique. En 2014, le Parlement européen a publié
un rapport d’enquête sur le rôle et les activités des trois
institutions. Les députés y déplorent le manque de base juridique
pour sa création, le défaut de transparence et surtout l’absence
de contrôle démocratique des décisions. La présence de la BCE
n’est pas exempte de potentiels conflits d’intérêts. Le FMI
s’abrite derrière son statut d’organisation internationale pour se
dérober au contrôle parlementaire ; il n’est pas habitué à
intervenir dans un ensemble tel que la zone euro qui n’est pas un
État. Il est clair que les ministres des finances, qui ont
constamment avalisé les décisions de la troïka, se sont abrités
derrière ces experts, pour ne pas assumer leurs responsabilités.
Depuis début 2016, le Parlement européen est associé au suivi
du plan de sauvetage grec.
On peut regretter que le gouvernement d’Alexis Tsipras ait
initialement choisi une voie de confrontation, se contentant de
victoires symboliques superficielles (la troïka remplacée par les
« institutions » par exemple) au lieu d’engager la zone euro dans
une révision approfondie, posée, de ses procédures et du bien-
fondé de certaines de ses décisions.
L’essentiel en 5 secondes
✓ La crise a conduit les gouvernements des pays les plus touchés à faire appel à
la solidarité européenne.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ Des ressources propres, fondées sur une assiette économique (TVA, taxe
carbone, etc.), seraient plus appropriées.
41
Comment assurer
davantagededémocratie ?
’Union européenne, pas démocratique ? Tous les cinq ans, les
L citoyens élisent leurs représentants au Parlement. Le mode
d’élection, au scrutin proportionnel, permet au Parlement d’être
une photographie fidèle de l’état de l’opinion européenne. Le
seuil minimum de six députés pour les pays les moins peuplés
permet que soient représentées, pour chaque État, majorité et
opposition. Pour éviter une trop grande représentation d’un pays,
un maximum de 96 députés ne peut être dépassé par une
délégation nationale. Les ministres, qui tirent leur légitimité des
parlements nationaux, participent au processus législatif. Au
Conseil, les chefs d’État ou de gouvernement exercent une
influence considérable sur l’orientation de l’UE.
Les commissaires européens, avant d’entrer en fonction,
subissent un examen exigeant, que tous ne réussissent pas,
devant les députés : questions écrites, auditions devant les
commissions compétentes, épreuves de rattrapage à l’écrit ou à
l’oral. Un exercice dont l’Assemblée nationale française devrait
peut-être s’inspirer. Depuis les élections de 2014, le président de
la Commission est le chef de file de la famille politique arrivée
en tête aux élections européennes.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Les États restent responsables des élections européennes. Ils font peu pour
lutter contre l’abstention.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ Sans être membres, certains États ont engagé des partenariats très étroits avec
l’UE.
✓ C’est ambigu car ils ne participent pas pleinement à l’élaboration des règles qui
s’appliquent à eux.
44
Le Conseil
de l’Europe
e Conseil de l’Europe n’est pas une institution de l’UE,
L cependant la confusion est souvent faite, de par son nom,
mais aussi parce qu’il partage les mêmes symboles : le drapeau
bleu aux douze étoiles, l’Ode à la joie de Beethoven comme
hymne, et la devise « Unis dans la diversité ».
Conseil de l’Europe et Union européenne ont la même matrice :
la volonté de réconcilier les Européens après la Seconde Guerre
mondiale. Ils ont en partage les mêmes « pères fondateurs ». Ces
derniers, qui avaient plus d’ambitions pour l’Europe qu’une
« simple » organisation internationale, ont ensuite fondé la
CECA et la CEE dans une logique communautaire.
Créée en 1949, c’est la première tentative de réconciliation des
Européens, après la Seconde Guerre mondiale, autour des droits
de l’homme et des libertés fondamentales. Mais son mode de
fonctionnement, intergouvernemental, la différencie de l’Union
européenne et de sa méthode communautaire.
Ne pas confondre :
– Organisation
internationale.
– Institution de – Institution de l’UE. – 47 États membres.
l’UE.
Le Conseil de l’Europe
L’essentiel en 5 secondes
✓ Il est surtout connu pour la Convention européenne des droits de l’homme que
la Cour européenne des droits de l’homme est chargée d’appliquer.
45
L’Europe face
aux réfugiés
es images de l’île de Lampedusa, et des naufrages de bateaux
L au large de la Grèce, ont fait le tour du monde. Pour fuir la
misère et les conflits, des hommes sont prêts à s’embarquer dans
une traversée dangereuse, parfois mortelle, sans garantie
d’arriver à destination.
Les questions sur le rôle de l’Europe sont légitimes mais encore
faut-il bien comprendre qu’il s’agit d’un enjeu mondial. Les
États-Unis ont contribué à déstabiliser la région. La Turquie et
les pays arabes ont aussi un rôle à jouer, et certains d’entre eux
comme la Jordanie et le Liban, font un effort considérable. Et
l’état d’inachèvement de l’Union l’empêche d’agir.
Un enjeu global
Une action en amont, combinant aide au développement et
solution diplomatique en Syrie notamment, est également
indispensable. Pour freiner le départ des bateaux, les demandes
d’asile devraient pouvoir être formulées depuis le pays
d’origine. L’installation de « hot spots » n’est cependant pas
toujours évidente, a fortiori dans des pays en guerre ; même en
Italie et en Grèce, où des campements de ce type ont été
installés, les autorités sont dépassées par les arrivées
quotidiennes. Si bien que la différenciation entre migrants
économiques et réfugiés, entre ressortissants de pays sûrs et de
pays en guerre, n’est pas toujours évidente à opérer.
La solidarité et l’ouverture doivent s’accompagner d’une lutte
contre l’immigration illégale, et plus encore contre les pratiques
consistant à exploiter la misère humaine. À la suite de
l’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU, les États
membres de l’UE ont décidé, le 22 juin 2015, de lancer une
opération (EUNAVFOR Med) permettant d’intercepter et de
détruire les bateaux pour contrecarrer le trafic de migrants.
Les raisons de l’accord avec la Turquie sont là. Même si on ne
partage guère les méthodes de gouvernement du président
Erdogan, il est difficile d’imaginer des solutions qui
n’impliquent pas les pays de transit.
Tant que les gouvernements européens ne prendront pas les
décisions qui s’imposent, consistant à doter l’UE de moyens de
riposte conjoints, adossés à une solidarité de tous les États
membres, l’UE devra recourir à des subterfuges.
Certains dénoncent un chantage de la Turquie mais lorsque ces
critiques émanent de la France, qui fait si peu d’efforts pour
accueillir les réfugiés et contribuer, de manière constructive, à la
solution de la crise, c’est un peu facile.
En contrepartie de l’effort fourni, il n’est pas anormal que les
autorités turques demandent des aides. Il est en revanche plus
douteux de relancer subrepticement le processus d’adhésion sans
débat public.
Comme souvent les États membres reprochent à « l’Europe »
son inaction, tout en l’empêchant d’exister. Ils gèrent, par des
moyens diplomatiques, des sujets qui relèvent de la démocratie.
C’est l’une des raisons pour lesquelles l’UE va mal.
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
L’essentiel en 5 secondes
✓ L’Europe est souvent la grande oubliée des médias, et des discours politiques.
Les interrogations
Si l’on regarde les statistiques, l’UE est un ensemble plus peuplé
et même plus puissant, sur le plan commercial, que les États-
Unis. Mais les Américains sont mieux organisés : c’est un État
fédéral capable de déterminer ses intérêts et de les défendre,
d’une manière infiniment plus efficace que l’UE ne le fait.
Dans ces négociations, il ne s’agit ni de brader notre mode de
vie, ni de niveler nos normes par le bas. Les opposants au traité
expriment parfois des préoccupations légitimes. D’autres
arguments ne reflètent pas tout à fait la réalité. Parfois, le débat
perd tout lien avec la raison. Contrairement à ce qu’ils affirment,
il n’y aura pas de poulet chloré dans nos assiettes : « Je trace une
ligne rouge très claire : nous n’allons importer ni bœuf aux
hormones, ni poulet nettoyé au chlore », a ainsi déclaré au
journal Le Parisien l’ex-commissaire européen Karel De Gucht,
qui a lancé les négociations. De même, la France, attachée à son
exception culturelle, a obtenu que l’audiovisuel ne soit pas
concerné par le traité.
L’incertitude règne quant au sort réservé aux services financiers.
L’Union plaide pour l’inclusion d’un chapitre ambitieux sur la
coopération réglementaire financière mais, au moment de la
rédaction de ce livre, les Américains s’y opposent toujours. Ces
derniers, qui estiment avoir davantage encadré la finance depuis
la crise, voient dans l’harmonisation de ces règles un risque de
retour en arrière. Les Européens craignent de leurs côtés qu’une
trop grande divergence ne vienne fragiliser la stabilité financière
mondiale.
Le TTIP / TAFTA
L’essentiel en 5 secondes
Un décrochage de l’Europe ?
Néanmoins, l’Union européenne est confrontée à plusieurs défis
pour garder sa place.
D’abord, sa population est vieillissante (d’ici 2025, les
personnes âgées de 65 ans et plus représenteront plus de 20 % de
la population, et les octogénaires seront de plus en plus
nombreux) ; le déclin démographique (1,58 enfant par femme
en 2012) peut poser des problèmes, notamment de financement
des retraites.
Son modèle d’influence, basée sur l’exportation de ses normes
(soft power) trouve ses limites lorsqu’il est confronté à des
méthodes plus musclées, comme celles de Vladimir Poutine par
exemple, ou de Daech.
Dans la concurrence mondiale pour l’innovation, le nombre de
brevets déposés par les chercheurs et les entreprises européennes
est en deçà de ce que l’on pourrait attendre ; l’Europe est
clairement distancée.
L’essentiel en 5 secondes
✓ Aucun de ses États membres n’a la taille critique pour peser seul.
Couverture
50 notions clés sur l'Europe pour les Nuls
Copyright
Remerciements
Ni excès d’honneur ni indignité
Histoire
1 - Au commencement était la guerre
De biens mauvais souvenirs
Le cœur et la raison
3 - La genèse de l’euro
La fin de la convertibilité du dollar en or
À la recherche de la stabilité
Ne léser personne
12 - Le Conseil européen
Une tour de Babel
14 - La Commission européenne
Une chauve-souris
15 - La Cour de justice
16 - Le processus de création des « lois » européennes
17 - Lobbies : vérité et fantasmes
Visiteurs du soir à Paris, plaidoiries du jour à Bruxelles
18 - La politique monétaire
Une banque centrale indépendante et attachée à la stabilité des
prix
« Whatever it takes »
La PAC s’adapte
21 - Le commerce international
Des protections contre la concurrence déloyale
Et le contrôle démocratique ?
Un rôle à repenser ?
25 - Schengen
Les frontières intérieures disparaissent
Schengen en sursis ?
Un abandon coûteux
L’Europe de l’environnement
Préserver la biodiversité
28 - La recherche européenne
Les chercheurs se rencontrent
Le paradoxe européen
Séance de rattrapage
Questions ouvertes
La démocratie oubliée ?
44 - Le Conseil de l’Europe
Une organisation internationale comme les autres
Un enjeu global
46 - L’Europe et la Russie
Les débuts prometteurs de Vladimir Poutine
49 - Le TTIP / TAFTA
Les bénéfices potentiels
Les interrogations