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à travers
le thème de la polygamie
THÈSE
L’obtention du doctorat
Préparée par
Département de Français
Sous la direction de
Janvier 2011
Dédicace
A la femme africaine
Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement Madame Viviane Amina Yagi,
professeur à l’Université de Khartoum, qui a accepté de diriger cette
recherche.
Nous remercions tous les amis au Soudan et en France pour leur soutien et
leur encouragement.
Résumé
Dans les romans étudiés, la polygamie est traitée d’une tonalité différente.
D’abord, elle est abordée d’une banalité normale, et puis, suite aux défis de
modernité comme beaucoup d’autres coutumes, elle subit des critiques
violentes. Cependant elle persiste tant qu’il n’existe pas d’autre institution
qui puisse se substituer à elle et tant qu’elle trouve le soutien, notamment des
intellectuels.
ﻤﺴﺘﺨﻠﺹ
ﺍﺴﻡ ﺍﻟﻁﺎﻟﺒﺔ :ﺍﺨﻼﺹ ﺼﺩﻴﻕ ﻤﺤﻤﺩ ﺍﺤﻤﺩ
ﻴﻨﻁﻠﻕ ﻫﺫﺍ ﺍﻟﺒﺤﺙ ﻤﻥ ﺃﻫﻤﻴﺔ ﺍﻷﺩﺏ ﻭﺩﻭﺭﻩ ﺍﻻﺠﺘﻤﺎﻋﻲ ﻜﻤﺭﺁﺓ ﺘﻌﻜﺱ ﻭﺍﻗﻊ ﺍﻟﺤﻴﺎﺓ ﻓﻲ ﻤﺠﺘﻤﻊ ﻤﺎ ﻓـﻲ
ﻓﺘﺭﺓ ﺯﻤﻨﻴﺔ ﻤﻌﻴﻨﺔ ﺇﺫ ﻴﻬﺩﻑ ﻟﻠﻜﺸﻑ ﻋﻥ ﺼﻭﺭﺓ ﺍﻟﻤﺭﺃﺓ ﻓﻲ ﺍﻟﺭﻭﺍﻴﺔ ﺍﻹﻓﺭﻴﻘﻴﺔ ﻤﻥ ﺨـﻼل ﻤﻭﻀـﻭﻉ
ﺘﻌﺩﺩ ﺍﻟﺯﻭﺠﺎﺕ ﻭﻴﺭﺘﻜﺯ ﻋﻠﻰ ﺩﺭﺍﺴﺔ ﻭﺘﺤﻠﻴل ﻫﺫﻩ ﺍﻟﻅﺎﻫﺭﺓ ﻓﻲ ﺃﻋﻤﺎل ﺃﺩﺒﻴـﺔ ﻟﺜﻼﺜـﺔ ﻤـﻥ ﺍﻟﻜﺘـﺎﺏ
)Sembène Ousmane ﺍﻟﺭﻭﺍﺌﻴﻴﻥ ﺍﻟﺒﺎﺭﺯﻴﻥ ﻭﻫﻲ :ﺭﻭﺍﻴﺔ ) Xalaﺨﺎﻟﺔ( ﻟﻠﻜﺎﺘـﺏ ﺍﻟﺴـﻨﻐﺎﻟﻲ
) Perpétue et l’habitude du malheurﺒﻴﺭﺒﺘﻭ ﻭﻤﻌﺎﻴﺸﺔ ﺍﻵﻻﻡ (ﻟﻠﻜﺎﺘﺏ ﺴﺎﻤﺒﻴﻥ ﻋﺜﻤﺎﻥ(
ﺍﻟﻜﻤﺭﻭﻨﻲ ) Mango Bétiﻤﻨﻘﻭ ﺒﻴﺘﻲ( ﻭ Une si longue lettreﺨﻁﺎﺏ ﻁﻭﻴـل ﺠـﺩﹰﺍ ﻟﻠﻜﺎﺘﺒـﺔ
ﺍﻟﺴﻨﻐﺎﻟﻴﺔ ) Marima Bâﻤﺭﻴﺎﻤﺎ ﺒﺎ(.ﻫﺫﻩ ﺍﻷﻋﻤﺎل ﻜﺘﺒﺕ ﻓﻲ ﺴﺒﻌﻴﻨﺎﺕ ﺍﻟﻘﺭﻥ ﺍﻟﻤﺎﻀﻲ .ﻜﻤﺎ ﺘﻨﺎﻭﻟﻨـﺎ
ﻷ ﺘﻤﺜل ﺤﻘﺒﹰﺎ ﺘﺎﺭﻴﺨﻴﺔ ﺴﺎﺒﻘﺔ ﻭﻻﺤﻘﺔ ﻟﺘﻠﻙ ﺍﻟﻔﺘﺭﺓ ﺤﺘﻰ ﻨﻁﹼﻠﻊ ﻋﻠﻰ ﻭﺠﻬﺎﺕ ﻨﻅﺭ ﻟﻤﺨﺘﻠﻑ ﺍﻟﻜﺘـﺎﺏ
ﺃﻋﻤﺎ ُ
ﻤﻥ ﺍﻟﺠﻨﺴﻴﻥ ﻤﻤﺎ ﻴﺩﻋﻡ ﻫﺫﺍ ﺍﻟﺒﺤﺙ ﻭﻴﻌﻀﺩ ﻨﺘﺎﺌﺠﻪ.
ﻤﻥ ﺃﻫﻡ ﺍﻟﻨﺘﺎﺌﺞ ﺍﻟﺘﻲ ﺘﻭﺼﻠﺕ ﻟﻬﺎ ﺍﻟﺩﺭﺍﺴﺔ :ﺃﻥ ﺍﻟﻜﺘﺎﺏ ﺍﻟﺭﻭﺍﺌﻴﻴﻥ ﺘﻨﺎﻭﻟﻭﺍ ﻫـﺫﺍ ﺍﻟﻤﻭﻀـﻭﻉ
ﺒﻨﺒﺭﺓ ﺘﺨﺘﻠﻑ ﻤﻥ ﻜﺎﺘﺏ ﻵﺨﺭ ﻓﺒﻴﻨﻤﺎ ﺍﻋﺘﺒﺭﻫﺎ ﺍﻟﺒﻌﺽ ﻤﻅﻬﺭﹰﺍ ﻤﻥ ﻤﻅﺎﻫﺭ ﺍﻟﺤﻴﺎﺓ ﺍﻟﻌﺎﺩﻴﺔ ﺘﻌﺭﺽ ﻟﻬـﺎ
ﺍﻟﺒﻌﺽ ﺍﻵﺨﺭ ﺒﺎﻟﻨﻘﺩ ﺍﻟﻼﺫﻉ ،ﻭﻴﻌﺯﻯ ﺫﻟﻙ ﺍﻟﺘﺤﻭل ﻟﻠﺘﻐﻴﺭﺍﺕ ﺍﻟﺘﻲ ﻁﺭﺃﺕ ﻋﻠﻰ ﺍﻟﻤﺠﺘﻤـﻊ ﺍﻷﻓﺭﻴﻘـﻲ
ﻭﺘﺤﺩﻴﺎﺕ ﺍﻟﺤﻴﺎﺓ ﺍﻟﻌﺼﺭﻴﺔ .ﻟﻜﻥ ﻨﺠﺩ ﺃﻥ ﺍﻟﻅﺎﻫﺭﺓ ﻗﺩ ﺍﺴﺘﻤﺭﺕ ﺭﻏﻡ ﺫﻟﻙ ﻨﺴﺒﺔ ﻟﻌـﺩﻡ ﻭﺠـﻭﺩ ﻨﻅـﺎﻡ
ﻼ ﻋﻥ ﺃﻨﻬﺎ ﺘﺠﺩ ﺍﻟﺩﻋﻡ ﻭﺍﻟﻤﺴﺎﻨﺩﺓ ﺴﻴﻤﺎ ﻤﻥ ﺍﻟﻁﺒﻘﺔ ﺍﻟﻤﺜﻘﻔﺔ.
ﺍﺠﺘﻤﺎﻋﻲ ﺒﺩﻴل ﻓﻀ ﹰ
ﻫﻨﺎﻟﻙ ﻋﺩﺓ ﻋﻭﺍﻤل ﺜﻘﺎﻓﻴﺔ ﻭ ﺍﺠﺘﻤﺎﻋﻴﺔ ﻭﺩﻴﻨﻴﺔ ﻭﺍﻗﺘﺼﺎﺩﻴﺔ ﺘﻌﺯﺯ ﻭﺠﻭﺩ ﻫﺫﻩ ﺍﻟﻅـﺎﻫﺭﺓ ﺍﻟﺘـﻲ
ﺘﻌﺘﺒﺭ ﺇﺭﺜﹰﺎ ﺜﻘﺎﻓﻴﹰﺎ ﻀﺎﺭﺏ ﺍﻟﺠﺫﻭﺭ ﻓﻲ ﺤﻴﺎﺓ ﺍﻷﺴﺭﺓ ﺍﻻﻓﺭﻴﻘﻴﺔ.
ﺍﻟﺼﻭﺭﺓ ﺍﻟﺘﻲ ﺭﺴﻤﻬﺎ ﺍﻟﻜﺘﺎﺏ ﺍﻟﺭﻭﺍﺌﻴﻴﻥ ﻟﻠﻤﺭﺃﺓ ﺘﺘﻤﺜل ﻓﻲ ﺍﻟﻤﺭﺃﺓ ﺍﻟﻘﻭﻴﺔ ﻭﺍﻟﻤـﺭﺃﺓ ﺍﻟﻀـﻌﻴﻔﺔ
ﺍﻟﻀﺤﻴﺔ ﻟﻜﻥ ﺍﻟﻜﺎﺘﺒﺎﺕ ﺍﻟﺭﻭﺍﺌﻴﺎﺕ ﺍﺴﺘﻁﻌﻥ ﺃﻥ ﻴﺄﺘﻴﻥ ﺒﺼﻭﺭﺓ ﺃﺨﺭﻯ ﻟﻠﻤﺭﺃﺓ ﻭﻫﻲ ﺍﻟﻤﺭﺃﺓ ﺍﻟﻤﻘﺎﻭﻤﺔ .ﻤﻥ
ﺨﻼل ﻤﻭﻀﻭﻉ ﺘﻌﺩﺩ ﺍﻟﺯﻭﺠﺎﺕ ﻨﺠﺩ ﺼﻭﺭﺓ ﺍﻟﻤﺭﺃﺓ ﺍﻟﺨﺎﻀﻌﺔ ﺍﻟﻤﺴﺘﺴﻠﻤﺔ ﻭﺍﻟﻤﺭﺃﺓ ﺍﻟﺜﺎﺌﺭﺓ.
Abstract
Name of student : Ikhlas Siddig Mohmed Ahmed
Title of Thesis : L’image de la femme dans le roman d’Afrique
francophone à travers le thème de la polygamie.
(The image of woman in African″francophone″ novel through the
theme of polygamy)
This research aims to highlight the social function of literature as a mirror
that reflects the life of a society at a certain time.
Through the concept of polygamy, we try to discover the image that
novelists draw up to the african woman. We also try to discover the woman's
attitude towards the polygamy and the impact of this on the life of couples
and children.
The field of the present study is the francophone african novel. We relied on
three works of major african novelists: Xala written by Sembène Ousmane,
Perpétue et l’habitude du malheur written by Mongo Béti and Une si longue
lettre written by Mariama Bâ in the 70. The present work is also based on
other novels that address the subject and represent different eras to show the
various points of view on the subject including that of man or woman.
In general, the image that novelists give to woman is divided between the
strong woman and the weak one. Women writers have created a new image;
the struggling woman. As far as the reaction against the polygamy is
concerned, we can distinguish two main images: the image of the submissive
wife and the rebelled wife.
Introduction
Plus que d’autres personnes, la femme est crûment affectée par les
changements dans la société africaine. Prenant conscience de la gravité
de la situation de la femme africaine - qui est en proie à l’ignorance, à
l’alphabétisme et aux mauvaises coutumes - les écrivains se servent de
leurs plumes comme d’une arme pour défendre la cause de la femme.
Notamment la femme est l’agent essentiel de la promotion de la
société, donc sauver la femme c’est sauver la société et par conséquent
toute la nation.
Les efforts faits par les écrivains et les romanciers s’inscrivent dans la
critique sociale. Ils visent à mettre en relief les problèmes dont la
femme souffre pour y trouver des solutions. S’identifiant à leurs
personnages ils transmettent indirectement leurs messages, leurs points
du vue sur les questions abordées. Ils critiquent l’homme polygame, ils
montrent leur sympathie pour la femme considérée comme victime de
cette pratique.
Présentation de la problématique
Présentation de la problématique
1
Pays d’Afrique noire francophone : Sénégal, Guinée, Côte-D’Ivoire, Mali, Haute-Volta, Togo,
Bénin, Tchad, République centrafricaine, Cameroun, Gabon, Congo, Zaïre, Rwanda, Burundi.
Chapitre 1 : Evolution historique et thématique du roman
africain.
Ainsi nous trouvons que dans les romans africains les lieux sont
décrits avec une minutie, une véracité et une grande précision
géographique. Les noms propres qui s’appliquent à des personnes,
annoncent leur rôle ou ceux qui évoquent des lieux ont souvent une
signification très précise. Ces lieux et ces gens aux noms symboliques
se retrouvent même plusieurs fois tout au long de l’œuvre d’un
romancier et ces reprises authentifient encore plus leurs fonctions.
(Denise Coussy, 2000 : 150-155).
Nous reprenons donc ce dernier sujet avec plus de détails dans la partie
suivante.
Nous présentons d’abord les trois œuvres qui constituent notre corpus
principal : Une si longue lettre de Mariama Bâ, Xala de Sembène
Ousmane et Perpétue et l’habitude de malheur de Mongo Béti. Puis
nous présentons d’autres romans qui abordent le même sujet d’une
manière ou d’une autre.
Nous commençons par Une si longue lettre, mais tout d’abord, il nous
paraît important de présenter l’auteur. D’une part, la personnalité de
l’auteur influence l’écriture d’autre part, toute œuvre d’art peut être
expliquée par rapport au milieu social de son auteur. Le moment, le
lieu et l’origine culturelle auxquels appartient un auteur forment
l’ensemble qui conditionne le cadre de référence pour toute analyse
sociologique d’une œuvre d’art. (Jean-Pierre Beaumarchais et al,
1994 : 2322). Autrement dit : « l’Etude du texte littéraire ne saurait
être dissociée de celle de l’environnement socioculturel de son
auteur » (Alpha Barry, 2007 :19).
1.5.2. Mariama Bâ
Publié pour la première fois en 1979, son roman, Une si longue lettre,
connaît un réel succès. En 1980 il est retenu pour la remise du Prix
Noma lors du Salon du Livre de Francfort. Cette œuvre est de
renommée internationale car le livre est traduit en vingt langues
différentes. Objet de plusieurs études et de recherches aujourd’hui, ce
roman demeure incontestablement une des références en matière de
culture négro-africaine.
1
fr.wikipedia.org/wiki/Mariama_Bâ
serré par l’angoisse, du bouleversement brutal de la vie à cause de
cette pratique. Puisque les deux amies la subissent et la considèrent
comme une trahison de la part de leurs conjoints.
Ainsi on peut dire que le roman Une si longue lettre est issu de
l’expérience personnelle de l’auteur. Comme son héroïne, Mariama Bâ
est institutrice. Elle subit des problèmes conjugaux, le divorce. Puis
elle participe à la vie littéraire, elle agit non seulement en témoin mais
également en acteur de la vie sociale. Dans son roman, elle met
l’accent sur trois points : les tortures physiques et morales que les
épouses subissent dans le système de la polygamie, les raisons qui
poussent l’homme à devenir polygame et la réaction de la femme
moderne face à ce genre de vie conjugale.
L’échec du mariage mixte est évident quant il n’est pas établi sur un
respect réciproque des cultures de l’un et de l’autre. Mireille qui a fait
de grands sacrifices pour sauver son amour en quittant son pays et en
épousant contre le gré de sa famille ne tolère jamais que son mari soit
partagé avec une autre. Comme toutes les femmes occidentales, elle
croit que son époux sera pour elle, toute seule et pour toujours. D’un
autre côté, Ousmane qui choisit de se marier avec une étrangère, ne
fait aucun sacrifice pour sauvegarder leur union. Ainsi, l’amour qu’un
homme peut garder pour une première femme ne l’empêche pas d’en
prendre une deuxième ou une troisième. C’est la logique des
polygames.
1
Wikipedia.org/wiki/Ousmane Sembène
Il anticipe sur une des grandes problématiques de son temps, telle que
la question de l’émancipation sociale de la femme. Il dénonce la
condition de la femme africaine et propose des solutions pour
améliorer son existence. Sembène Ousmane est un des romanciers qui
sont certains que la libération de l’Afrique est liée à celle de la femme
africaine, qu’elles se feront conjointement. Il dépeint la condition
féminine dans tous ses romans et il y pose le problème délicat de la
polygamie. Ce thème qui se répète sans cesse dans son œuvre, le fait
qui montre l’importance qu’il attache à ce sujet.
Dans une interview faite avec lui, il donne franchement son avis à
propos de cette question : « Je suis contre la polygamie… mais les
personnages que j’ai rencontrés l’approuvaient. Je crois que la
polygamie est un faux problème. Le véritable problème est
économique. Il faut instituer le planning familial… que chaque homme
ait trois femmes s’il le veut, mais que le nombre des enfants soit
limité… Mais c’est une idée combattue. Il faut regarder les choses en
face : dans les Etats, de nombreux enfants ne peuvent aller à l’école.
Qu’en fera-t-on plus tard ? (Muriel, I. Ijere, 1988 : 6) ». Dans son idée
contre la polygamie, il est soutenu par quelques autres écrivains tels
que Mongo Béti, Ahmadou Kourouma et Ferdinad Oyono.
En 1972, il revient avec éclat à l’écriture. Son livre Main basse sur le
Cameroun, autopsie d’une décolonisation est censuré aussitôt après sa
parution par un arrêté du ministre de l’Intérieur français Raymond
Marcellin, sur la demande de Jacques Foccart, du gouvernement
camerounais, représenté à Paris par l’ambassadeur Ferdinand Oyono.
Il publie en 1974 Perpétue et l’habitude du malheur. Après une longue
procédure judiciaire lui et son éditeur François Maspéro obtiennent
l’annulation de l’arrête d’interdiction de Main basse sur le Cameroun.
Mongo Béti qui réussit très précocement en publiant plus d’un roman à
l’âge de 23 ans, se distingue également par la fécondité et la richesse
de la production littéraire de qualité de ses essais, et de ses articles
journalistiques d’actualité.
Sans doute, on peut affirmer que Mongo Béti est l’un des écrivains les
plus reconnus au Cameroun. Un écrivain anticolonialiste, il milite sa
vie durant pour la libération des peuples africains. Il se sert du roman
comme d’une arme contre le colonialisme et le néo-colonialisme de
l’après les indépendances. Contre les régimes locaux, des indigènes,
des élites qui se caractérisent par la corruption et l’exploitation de
l’homme. Des régimes dont le système politique et économique
condamne la plupart des gens à vivre dans la pauvreté et l’impuissance
totale.
Le roman dans son intégralité peut être considéré comme une réflexion
ou une médiation sur la situation du continent d’après les
Indépendances. La fatalité du destin dont ses propres fils sont les
principaux acteurs. Puisque l’indépendance d’un pays africain, dans un
1
fr.wikipedia.org/wiki/Mongo_Beti
sens, veut dire : « Un gouvernement noir, fondant des usines avec
l’argent des Noirs, pour donner des médicaments à ses frères noirs, ça
devait être cela l’indépendance non ? » (Mongo Béti, 1974 : 77).
Perpétue est morte parce qu’elle ne trouve pas de médicaments pour se
soigner.
Donc comme nous venons de le dire ce roman est un miroir qui permet
aux africains de prendre conscience d’eux-mêmes et de réfléchir sur
leur condition, leur société.
1.6.1. Batouala.
1
″Ndigueul″ C'est le fait de se soumettre et de s'abandonner à quelqu'un. C'est le dynamisme du
mouridisme. La femme peut être sous le Ndigueul de son mari, l’homme sous le ndigueul d’un
serigne. Cette soumission totale est également la garantie du paradis. (Ken Bugul,1999, interview
Amina, par Renée Mendy-Ongoundou).
L’auteur porte une réflexion sur la jalousie. Sur la possibilité de
cohabiter avec ce sentiment positivement, de ne pas se laisser prendre
par une jalousie destructive.
″Le chant du feu″ est une traduction de titre du roman écrit en arabe,
Orniatte al-Nare de l’écrivaine soudanaise, Buthina Khider Maki,
publié en 1998. Traçant le chemin de la femme africaine de l’Afrique
de l’Ouest à l’Est, nous nous installons cette fois-ci au Soudan, puis en
vue de jeter un regard interrogateur sur l’Ethiopie avec l’écrivaine
soudanaise, Buthina Khider Maki.
D’un autre côté, Adel le frère de Raja qui part en Ethiopie pour une
mission de travail, rencontre une jeune fille éthiopienne. Elle le
fréquente dans l’hôtel où il s’installe. Quand il rentre au Soudan, elle
vient le chercher. Il est obligé de se marier avec elle, mais en cachette.
Il ne peut pas déclarer leur mariage qui ne serait pas accepté par sa
famille. La pauvre épouse ne supporte pas d’être emprisonnée et
maltraitée par son mari, elle rentre dans son pays après avoir donné
naissance à une fille. La petite est adoptée par Raja, sa tante qui n’a
pas d’enfants.
Cette histoire, bien qu’elle ait une fin heureuse et qui incarne une
réussite d’un amour très fort, présente une partie des souffrances des
femmes, les douleurs physiques et morales quand elles sont victimes
des coutumes ou des préjugés de la société, surtout dans la situation de
stérilité.
C’est plus qu’une seule leçon de morale qu’on peut tirer de cette
histoire. Elle révèle un des exemples des situations tragiques qui se
produisent au sein de la polygamie, quand l’époux, aveuglé par
l’égoïsme ne pense qu’à lui, laissant sa partenaire dans l’enfer. Enfin il
ne gagne que la malédiction, le châtiment douloureux et l’amertume
pendant tout le restant de sa vie.
Dans les ouvrages étudiés, nous remarquons que presque tous les
personnages masculins qui sont polygames sont d’une couche sociale
appartenant à des intellectuels et à des hauts fonctionnaires. Des
hommes nantis de richesse et exerçant le pouvoir. Ils sont considérés
comme des élites, cependant ils ont la mentalité de leurs parents et
leurs grands parents. Nous pouvons citer parmi eux des médecins, des
députés, des hommes d’affaire et même des ministres et des
diplomates.
Dans l’article ″Sembène Ousmane et l’institution polygamique″
(Muriel Ijere, 2007 : 5), l’auteur parle de deux genres de la polygamie :
1
fr.wikipedia.org/wiki/Polygamie
Mais si le mari dispose de moyens financiers ou bien qu’il est de
condition aisée, il est préférable de leur offrir chacune son propre
domicile. El Hadji Abdou Kader Bèye dans Xala est un polygame très
riche. Chaque épouse possède une villa qui porte son nom. Les quatre
épouses de Goor Gnak, dans Excellence, vos épouses ! de Cheik Aliou
Ndao, habitent chacune d’elles dans une maison ou un appartement
très éloignée l’une de l’autre.
Dans certains cas, comme pour les marabouts, les serignes, la pratique
la plus fréquente est de garder les épouses dans un seul foyer. Le
serigne dans Riwan ou le chemin de sable de Ken Bugul est un
marabout très riche, toutefois il met toutes ses épouses ensemble dans
la même cour, la même maison.
Chapitre 2 : Définition et histoire de la polygamie.
2.1. La polygamie
1
fr.wikipedia.org/wiki/Polygamie
- La polygamie parallèle qui désigne la situation où un individu
s'accouple avec plusieurs partenaires, non pas au cours du même
acte sexuel mais au cours d'une même période reproductive.
- La polygamie séquentielle qui consiste pour un individu à avoir
plusieurs partenaires différents au cours de sa vie, mais pas de
façon simultanée. Cette dernière forme de polygamie est aussi
dite monogamie sérielle.1
On distingue également d’autres définitions de la polygamie dont,
entre autres :
1
fr.wikipedia.org/wiki/Polygamie
2
http://www.bladi.net/forum/17932-polygamie-permise-islam/
3
Roger Bastide : 2006, http://www.innovation-democratique.org/…)
2.1.2. La conception du mariage.
Parlant de la polygamie qui est une de multiples formes de l’institution
du mariage, il nous semble indispensable d’aborder maintenant
quelques aspects liés à l’institution du mariage. Il faut constater que la
conception du mariage est le résultat d’une évolution au cours de
l’histoire et selon les peuples. Traditionnellement, le terme mariage
signifie une « union légitime entre homme et femme » qui consacre un
cadre pour établir une famille, mettre au monde des enfants, et les
élever. C’est un engagement sans limite de durée avec une possibilité
de séparation, de divorce.
Actuellement nous trouvons dans les dictionnaires une tendance à
élargir la définition du terme mariage qui est désormais présenté
comme une « union entre deux personnes, généralement homme et
femme ».1 Cette nouvelle définition plus souple peut comprendre le
mariage entre des personnes de même sexe.
Il existe d’autres unions avec moins de contraintes dans lesquelles les
partenaires n’ont pas le même statut que celui du mariage. On peut
citer en exemple le PACS (pacte civil de solidarité) en France qui est
une forme d'union civile. Il s'agit d'un contrat de droit français. La loi
qui instaure le PACS est votée en 1999. Le PACS est défini comme un
partenariat contractuel entre deux personnes majeures les
« partenaires », quel que soit leur sexe, ayant pour objet d'organiser
leur vie commune2.
Avec le mariage, les époux peuvent obtenir un statut particulier
puisque le mariage émancipe la personne qui devient majeure, il lui
1
fr.wikipedia.org/wiki/Mariage
2
fr.wikipedia.org/.../Pacte_civil_de_solidarité
donne des obligations envers sa future progéniture et la famille de son
conjoint. Le mariage peut servir à des fins politiques : établir des
alliances entre lignées ou tribus, sceller la paix entre deux royaumes,
ou à des fins économiques : transférer les biens, obtenir un capital, une
dot. Le mariage a ainsi deux caractères : juridique et rituel.
L’établissement d’un mariage donne toujours lieu à une cérémonie
publique qui est souvent fêtée par les proches les amis et les
connaissances, l’ensemble de ces cérémonies est appelé noces.
Le mariage peut être civil ou religieux ou les deux. Dans les pays où
les institutions politiques sont séparées des institutions religieuses, le
mariage religieux requiert généralement un mariage civil au préalable.
Dans certains cas, les époux ne peuvent pas contracter un nouveau
mariage tant que le premier est valide ; dans ce cas on parle de système
monogame. Ce type d’union est pratiqué dans les pays européens.
Toutefois en d’autres lieux, le mariage peut être actualisé
simultanément avec plusieurs personnes en même temps ; dans ce cas
le système est alors dit polygame. Cela existe dans certains pays,
notamment africains et arabes de culture musulmane, et d’autres
comme chez les mormons en Amérique.
Selon Roger Bastide (2006), théoriquement, on distingue quatre
formes de mariages1 :
1- La monogamie : un mariage entre un homme et une femme
2- La polygynie : un mariage entre un homme et plusieurs femmes
1
Roger Bastide, 2006, http://www.innovation-democratique.org/…)
3- La polyandrie : un mariage entre une femme et plusieurs hommes
(Pratiquée chez les Scythes de l’Asie centrale, les Abisis de
centre du Nigéria et les Zo’es de la forêt amazonienne).1
4- Le mariage par groupes : un mariage entre plusieurs femmes avec
plusieurs hommes (Il existe chez les Todas en Inde)
1 http: //fr.wikipedia.org/wiki/Polyandrie
2
fr.wikipedia.org/wiki/Mariage_homosexuel
nous pouvons dire que cette pratique est un phénomène universel,
qu’elle ne se limite pas aux sociétés africaines traditionnelles1.
1
fr.wikipedia.org/wiki/Polygamie
2
Pour plus de précision, nous présentons une liste d’une cinquantaine de pays où la
polygamie est reconnue : Afghanistan, Algérie, Angola, Arabie Saoudite, Bahreïn,
Bangladesh, Bénin, Birmanie, Brunei, Burkina Faso, Cambodge, Cameroun, Centrafrique,
Comores, Congo, Djibouti, Egypte, Emirats arabes unis, Gabon, Gambie, Guinée équatoriale,
Indonésie, Irak, Iran, Jordanie, Kenya, Koweït, Laos, Lesotho, Liban, Libéria, Libye, Mali,
Maroc, Mauritanie, Nigeria, Oman, Ouganda, Pakistan, Qatar, Sénégal, Somalie, Soudan, Sri
Lanka, Swazi land, Syrie, Tanzanie, Tchad, Togo.
à émettre l’hypothèse que les anciennes sociétés sont polygames.1
1
islammedia.free.fr/Pages/islam-polygamie.html
2
fr.wikipedia.org/.../Mariage_plural_(mormonisme)
2.1.6. La polygamie et les religions.
Les peuples noirs croient en un grand Créateur unique dont le nom est
différent d’un peuple à un autre. La divinité est d’une forme
hiérarchique. A la tête se trouve le Créateur, le Tout-puissant. Sous le
Créateur existent les forces inférieures : humaines et non humaines qui
jouent un rôle déterminant dans la vie de l’homme ordinaire. Ce
dernier doit vivre en harmonie avec ces forces (Anne Stamm, 1995).
2.1.6.2. Le Judaïsme.
2.1.6.3. Le Christianisme
2.1.6.4. L’Islam.
D’autre part il est fréquent qu’on se remarie avec une veuve afin
qu’elle ne soit pas laissée seule sans moyens, surtout si elle a des
enfants. C’est un autre visage de la solidarité1.
1
Fatouma Haidera, www.bamanet.net/.../1161--la-polygamie-en-afrique-moderne--incarne-t-
elle-les-mêmes-valeurs-et-objectifs-que-dans-le-passe-.html -
2
www.ledevoir.com/.../l-entrevue-la-monogamie-plus-pratique
pour les mêmes raisons économiques.
1
Fatouma Haidera, www.bamanet.net/.../1161--la-polygamie-en-afrique-moderne--incarne-t-elle -
les-mêmes-valeurs-et-objectifs-que-dans-le-passe-.html -
Une étude menée par Philippe Antoine et Jeanne Nanitelamio (1995)
sous le titre : ″Peut-on échapper à la polygamie à Dakar ?″1, affirme
que, contrairement à l’opinion commune, la pratique de la polygamie
est plus rare dans les pays magrébins et en Egypte que dans l’Afrique
noire. C’est même aboli en Tunisie. Donc on peut constater que ce
type d’union en Afrique subsaharienne dépasse largement le cas des
pays sahéliens à dominante musulmane. Cela consolide l’avis de
Kembe Milolo à ce propos.
1
fr.wikipedia.org/.../Condition_féminine_au_Sénégal -
« L’Africain moderne revient à certain point de la sagesse des
coutumes ancestrales telle que la polygamie lorsque elle lui apporte
une satisfaction supplémentaire » (Kembe Milolo, 1985 : 168).
1
Dans son article ″Tädoude al zaojate been al rafde wal guiboule″ (La polygamie entre rejet et
acceptation), Fatati, journal féminin, daté le 26 juin 2008.
femme, l’égalité homme/femme et le droit de la femme, cette pratique
est mal perçue surtout par les pays de civilisation occidentale. Car
c’est seulement dans les sociétés occidentales que la polygamie n’est
pas acceptée. De nombreux Etats la considèrent comme un délit.
L’image d’un homme ayant plusieurs femmes est perçue comme un
esclavage de la femme. Donc, beaucoup de femmes militent pour la
combattre : « La polygamie est un phénomène que l’on peut combattre
si on s’en donne l’ambition et les moyens » déclare Sonia Imlol.1
1
Sonia Imloul, lavertat.free.fr/Docs/polygamie.pdf
2
http://www.helmo.be/esas/mapage/euxaussi/famille/polygame.html
phénomène reste marginal. L’augmentation de l’immigration africaine
dans les années 90 a accru la pratique de la polygamie en France.
1
(Le monde, 26,4, 2010)
2
http://www.helmo.be/esas/mapage/euxaussi/famille/polygame.html
travaille à la Radio Municipale de Dakar (Rmd), une coépouse qui
défend la polygamie rapporte : « Je préfère savoir mon mari chez son
autre épouse, plutôt qu’il me trompe ».1
1
http://www.afrik.com/article10121.html
2
( Daily Sun daté du 5 janvier 2010)
3
http://afriquedusud.blog.lemonde.fr/2010/01/05/jacob-zuma-se-marie-pour-la…cinquième fois/
4
http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/01/19/russie-prime-a-la-naissance-et-polygamie
5
(Courier International, vendredi 19 mars 2010)
Elle trouve que la polygamie apporte à la femme un espace de liberté.
Dans une interview réalisée sur la chaine Al-Jazira, elle explique son
opinion pour justifier la création d’une association de défense de la
polygamie appelée Tyssir (facilité).
Un tel débat démontre que la polygamie est un sujet d’actualité qui est
mis à jour en permanente et au niveau universel.
2.2. La monogamie.
1
http://www.courrierinternational.com/page/qui-sommes-nous
2
http://fr.wikipedia.org/wiki/Monogamie
A notre avis dans le mariage, la monogamie remonte à l’origine de
l’humanité puisque dès le début de la création de l’Homme, le premier
couple formé par Adam et Eve est monogame. De plus tout mariage
commence de manière monogame. Une monogamie qui continue
parfois pour de longues années avant d’être interrompue par le divorce
ou par un second mariage. Cela veut dire que la monogamie n’est pas
figée.
Une étude faite sur la monogamie en 2006 réalisée par Frank Cézilly,
chercheur, écologiste et professeur à l’Université de Bourgogne, est
publiée dans l’ouvrage intitulé : Le Paradoxe de l’hippocampe, Une
1
ibid.
2
ibid.
histoire Naturelle de la monogamie. Cette étude se propose de mieux
comprendre les arguments économiques et sociaux qui ont mené la
plupart des humains à devenir monogames.
Donc selon Frank Cézilly, celui qui vit une relation monogame parce
que c’est ce qui est le plus pratique à vivre, n’est pas forcement avec la
même personne tout le temps. Les séquences des ruptures ou des
divorces règlent dans la plupart du temps les pas de la monogamie
humaine.
1
www.ledevoir.com/.../l-entrevue-la-monogamie-plus-pratique
2
ibid.
les nourrir, soigner, élever. Donc il ne faut pas oublier le poids du
facteur économique dans l’enjeu.
1
www.ledevoir.com/.../l-entrevue-la-monogamie-plus-pratique
2
Coquery-Vidrovitch, http://clio.revues.org/index373.html
- Monogamie de fait qui est imposée par la pauvreté dans les
milieux où la polygamie est autorisée.
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…)
Actuellement la monogamie est considérée comme un signe de
modernité et de civilisation.
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…
L’ancien facteur économique qui est celui de la richesse, fait que le
nombre de femmes est un signe de statut social élevé, pour les
africains, est un argument beaucoup plus fort que toutes les idéologies.
Cependant ce facteur qui hier est en faveur de la polygamie, n’y est
plus aujourd’hui. Car la femme qui est considérée comme source de
richesses en milieu rural, est maintenant une charge en milieu urbain :
avec la difficulté de se loger, nourrir plusieurs épouses en ville.
Dans son roman Riwan (ou le chemin de sable), Ken Bugul présente
une image ridicule d’une femme monogame, une femme africaine qui
pense que la monogamie est l’accès à la vie moderne. Ce mode de vie
qui est complètement différent de celui dont elle est habituée, reste un
rêve qu’elle veut réaliser et vivre : « La femme moderne devait être
dans un ménage monogamique, absolument, avoir deux ou trois
enfants, se promener le week-end avec son mari et ses enfants, manger
avec lui, dormir avec lui dans la même chambre, porter son nom à la
place de son propre nom, celui de ses pères, être affichée partout avec
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…
lui et devant tout le monde et ceci pour le meilleur et pour le pire. Et
gare à celle qui oserait regarder son mari qui était à elle toute seule :
Dans leurs œuvres, les écrivains africains se sont engagés dans la lutte
contre cette tare sociale. L’émancipation de la femme africaine qui est
considérée non seulement comme un devoir envers la femme africaine
mais aussi envers l’Afrique même. Toutes les productions littéraires
abordent ce sujet d’une façon ou d’une autre. Pour les écrivains, la
femme n’est pas simplement une source d’inspiration poétique,
artistique et romanesque, mais à notre avis, elle est une personne très
chère, qui leur donne l’envie d’écrire, dont ils se sentent responsables.
D’un autre coté on trouve des romanciers qui proposent des images
doloristes de la femme, des images qui montrent des femmes victimes
des traditions, de l’injustice, et de la discrimination sociales. L’histoire
de ″Perpétue″ de Mongo Béti est un portrait type de la victime absolue.
Une adolescente qui souffre des douleurs persistantes pour qui la mort
est une délivrance.
Entre ces deux extrémités, les romanciers dressent de la femme
africaine un troisième portrait, celui de la femme ni forte ni victime : la
femme en lutte. La femme qui a la volonté d’améliorer son sort,
malgré toutes les difficultés et tous les obstacles qui la freinent.
Convaincu du droit de la femme de lutter pour gagner sa liberté, de
faire entendre sa voix, son expression, dans un geste révolté, un
écrivain comme Sembène Ousmane consacre un roman entier pour la
lutte de la femme. Dans son roman Les bouts de bois de Dieu, la
participation des femmes dans la grève du Chemin de Fer Dakar-Niger
est un vrai témoignage.
Mariama Bâ, aussi le décrit : « Nos mères dont les concessions étaient
séparées par une tapade échangeaient journellement des messages »
(Mariama Bâ, 1979 : 11).
Quand les enfants de Ramatoulaye lui causent des soucis, surtout les
grands, elle évoque la sagesse de sa grand-mère. Elle y trouve un
dicton approprié à chaque événement. Sa grand-mère répète
toujours : « La mère de la famille n’a pas de temps pour voyager, mais
elle a du temps pour mourir » (Mariama Bâ, 1979 : 140). Cela veut
dire que la mère ne se repose pas, n’a pas de temps pour se distraire
non plus. Au contraire ses nerfs sont toujours soumis à une épreuve
dure. Mais c’est le lot de la mère.
Le fait que les enfants sont nés des mêmes parents ne crée pas
forcément de ressemblance chez eux : « Naître des mêmes parents,
c’est comme passer la nuit dans une même chambre » (Mariama
Bâ,1979 : 140-141). Pour éduquer les enfants, il faut donc appliquer
des méthodes différentes. Il faut agir selon la situation : « Des
caractère différents requièrent des méthodes de redressement
différentes. De la rudesse ici, de la compréhension là. Les taloches qui
réussissent aux tous petits vexent les aînés » (ibid., 1979 : 141).
Les Africains rendent un culte aux ancêtres. Ils les considèrent comme
des dieux qui servent d’intermédiaire entre eux et l’Etre Suprême (M.
Kester Echenim, 1975 : 16). C’est cette évidence religieuse qui
conditionne le comportement des Africains. Ils sont dominés par le
souci de ne pas offenser les dieux et les ancêtres. Cet attachement à la
religion explique l’intervention permanente des dieux dans la vie
quotidienne. Ils veillent sur eux et ils les protègent contre les dangers.
Il faut faire des sacrifices pour expier les péchés et pour calmer les
dieux qui sont en colère. Senghor confirme cet attachement à la
religion quand il dit : « En Afrique Noire, il n’y a pas de frontière, pas
même entre la vie et la mort. Le réel n’acquiert son épaisseur, ne
devient vérité qu’en brisant les cadres rigides de la raison logique,
qu’en s’élargissant aux dimensions extensibles du surréel » cité par
(M. Kester Echenim 1975 : 19).
La fille et la mère sont unies dans toutes les circonstances de leur vie.
C’est un signe de continuité et de tradition. La fille remplace sa mère.
Elle devient à son tour mère. C’est donc de sa mère qu’elle reçoit toute
la formation morale et intellectuelle. C’est de sa mère qu’elle acquiert
les qualités ménagères.
Le courage et l’endurance sont les qualités essentielles que l’on attend
d’une jeune fille. Elle commence très tôt l’apprentissage de ses futures
tâches de mère et de paysanne comme par exemple la garde des
enfants, la préparation des repas, le nettoyage et le travail au champ.
C’est-à-dire qu’elle s’initie aux techniques proprement féminines.
Comme la mère, la sœur, la tante qui est sœur du père qu’on appelle
quelques fois la Badiène (au Sénégal), joue un rôle très important dans
la formation de la jeune fille. Dans les romans africains, la tante (la
Badiène) est un des personnages dominants. Elle jouit d’autorité et
d’influence remarquables sur sa nièce.
Dans certains cas beaucoup plus que la mère. Cela nous parait évident
dans l’exemple du grand effort produit par tante Nabou -un des
personnages de Mariama Bâ- dans l’éducation de sa petite nièce, Petite
Nabou son homonyme.
Il s’agit d’une éducation orale pleine de charme qui vise à forger chez
la petite des qualités de douceur, de générosité, de docilité et de
politesse. Elle vise également à l'embellir de savoir-faire et de savoir-
être pour la rendre plus agréable : « Tante Nabou [...] n’avait rien
laissé au hasard dans l’éducation qu’elle avait donnée à sa nièce.
C’était surtout par les contes, pendant les veilles à la belle étoile que
tante Nabou avait exercé son emprise sur l’âme de la petite Nabou. Sa
voix expressive glorifiait la violence justicière du guerrier ; sa voix
expressive plaignait l’inquiétude de l’Aimée toute de soumission. Elle
saluait le courage des téméraires; elle stigmatisait la ruse, la paresse la
calomnie ; elle réclamait sollicitude pour l’orphelin et respect pour la
vieillesse » (Mariama Bâ, 1979 : 90-91).
De plus, nous pensons que le choix de ces métiers par nos romanciers
a une double indication : d’une part c’est une réponse à une exigence
immédiate des habitants, d’autre part, c’est une réflexion sur la
situation ou sur la réalité des sociétés africaines au lendemain de
l'indépendance. Toute la société connaît une grande mutation. Un large
mouvement vers la modernité dans lequel l’institutrice est destinée à
prendre l’initiative pour une mission émancipatrice, comme
Ramatoulaye : « Institutrice, elle a une très haute idée de sa fonction :
pour elle, c’est un sacerdoce » (Mariama Bâ, 1979 :34).
Et plus loin, pour montrer à quel point leur mission est grave :
« Chaque métier intellectuel ou manuel mérite considération, qu’il
requiert un pénible effort physique ou de la dextérité des
connaissances entendues ou une patience de fourmi. Le nôtre comme
celui du médecin, n’admet pas l’erreur. On ne badine pas avec la vie,
et la vie c’est à la fois le corps et l’esprit. Déformer une âme est aussi
sacrilège qu’un assassinat. Les enseignants -ceux du cours maternel
autant que ceux des universités- forment une armée noble aux exploits
quotidiens, jamais chantés, jamais décorés. Armée toujours en marche,
toujours vigilante. Armée sans tambour, sans uniforme rutilant. Cette
armée-là, déjouant pièges et embûches, plante par tout le savoir de la
vertu » (Mariama Bâ, 1979 : 50-51).
2.1.2. La dot
La dot est une somme d’argent donnée par l’époux à l’épouse pendant
les jours du mariage. Elle est considérée comme premier cadeau de la
part de son mari. Cette dot est importante à plus d’un titre. Tout
d’abord, elle donne une idée des moyens dont dispose le futur époux
ou sa famille, ensuite, c’est une garantie, ou une caution car en cas de
divorce, dans certaines sociétés, c’est la seule somme d’argent qu’il
faut rembourser.
2.1.3. La virginité
Le fait que la jeune fille soit vierge la nuit de la noce est d’importance
capitale. Car, dans les sociétés traditionnelles, les relations entre les
filles et les garçons avant ou hors du mariage sont interdites. Et plus
précisément les rapports sexuels. Tel comportement est un adultère qui
offense toute la famille et qui coûte le plus souvent la vie de la jeune
fille. La fille qui n’est pas vierge la nuit de la noce apporte la honte à
sa famille.
Une autre croyance dit que la force d’une femme est due à son respect
de sa virginité et de sa fidélité conjugale. C’est clair dans le dialogue
entre Dâmen, la mère dans l’Enfant Noir de Camara Laye avec son
cheval : « Si c’est vrai que, depuis que je suis née, jamais je n’ai connu
d’homme avant mon mariage, si c’est vrai encore que, depuis mon
mariage, jamais je n’ai connu d’autre homme que mon mari, cheval,
lève-toi » (Camara Laye, 1953 : 88-89).
Une femme sorcière, qui est présente le jour du mariage, donne des
explications du cas. Selon ses croyances, El Hadji Abdou Kader est
frappé de ce qu’on appelle le Xala. Quelqu’un lui jette un mauvais
sort. Il doit donc voir un spécialiste pour se guérir. Et elle ajoute : « Ce
qu’une main a planté, une autre peut l’ôter » (ibid., 1973 : 45). C’est
une illusion pour dire que c’est une pratique normale.
Le thème de la sorcellerie et celui du maraboutage figurent également
dans le roman de Mariama Bâ, Une si longue lettre. Quand Modou
l’époux de Ramatoulaye prend une autre femme, ses amies lui parlent
avec conviction d’ensorcellement. Elles lui montrent des marabouts
qui sont réputés être excellents en philtres magiques : « Elles
indiquaient, avec véhémence, des marabouts à la science sur qui
avaient fait leurs preuves, ramenant l’époux à son foyer, éloignant la
femme perverse » (Mariama Bâ, 1979 : 93).
Elle insiste pour se venger de ce mariage qui est une insulte pour elle
et pour toute la famille. Comment, Mowdo le fils des princesses, qui
porte un sang royal, se marie avec une fille de bijoutier ! Par
conséquent, Mowdo cède à la volonté de sa mère qui est autoritaire et
qui a de l’influence sur lui. Il se remarie avec sa cousine, porteuse de
sang royal comme lui. Sa première épouse, Aissatou, choisit la rupture.
Divorcée, elle quitte même le pays avec ses quatre fils.
2.4. L’image de l’épouse traditionnelle
A notre avis deux facteurs jouent un rôle principal dans cette évolution
de l’image de la femme : l’arrivée de la vie moderne qui a des impacts
sur la société africaine et l’émergence de ce qu’on appelle la littérature
féminine.
Dans leurs discours les romancières déclarent une révolte contre les
traditions surtout les coutumes du mariage. Elles dénoncent le mariage
forcé qui est considéré comme une tombe pour l’amour, la dot comme
une vente déguisée, qui donne à l’homme le titre de propriétaire et à la
jeune fille l’impression d’être une marchandise et le contrôle de la
virginité comme une humiliation pour la jeune fille.
Mongo Béti condense sur son héroïne Perpétue tous les problèmes qui
accablent une jeune fille africaine au seuil de la puberté. Tout d’abord
elle est privée de ses études, de son école. Ensuite elle subit le mariage
forcé à un âge précoce. Ses souffrances commencent quand sa mère
vient la chercher dans la salle de classe. Crescentia son amie intime,
raconte son histoire dramatique : « Je me rappelle encore fort bien
Perpétue se levant, demandant à sa voisine de s’effacer pour la laisser
passer, foulant l’allée à grandes enjambées, franchissant le seuil,
s’abîmant dans le grand jour, happée par cette chose cruelle qu’on
appelle le destin d’une femme. Jamais plus, je n’allais revoir Perpétue
en écolière ; elle ne rentra même pas dans la salle de classe, pour y
ramasser ses affaires que je trouvai intactes, à sa place, le lendemain »
(Mongo Béti, 1973 : 58-59).
Tous ses rêves de devenir infirmière ou médecin et de soigner les
malades sont avortés. Quand elle tente timidement de protester avec
une voix brisée pour convaincre sa mère que le certificat d’études aura
lieu dans deux mois et que sa réussite est certaine, sa mère se met en
colère. Elle la gronde en disant : « Fille sans cœur ? Toi une femme ?
Parler d’examens quand on te propose un mari, et quel mari ! »
(Mongo Béti, 1973 : 103). Mais la fille crie en vain : « Non ! Non ! Je
ne veux pas me marier, je refuse de me marier » (ibid.1973 : 110). Le
jour du mariage, Perpétue est tellement triste que sa mère lui dit : « Ne
dirait-on pas qu’on te conduit à l’abattoir pour t’égorger comme une
bête de boucherie ? (ibid.1973 : 113-114).
Sa vie conjugale ne dure que six ans, pendant lesquels elle vit dans des
conditions atroces. Elle vit un enfer et ses souffrances durent jusqu’à
sa mort.
Le portrait qui présente la femme évoluée, c’est celle qui est attirée par
le modernisme, qui cherche l’indépendance par l’éloignement du
village et de son univers fermé, celle qui vit en ville dans un habitat
moderne, qui fréquente le cinéma, qui fume et qui s’habille à
l’européenne.
Nous pouvons constater que, quelquefois l’intervention de l’occident
dans la vie des sociétés traditionnelles n’apporte pas de changement
profond puisque dans certains cas la femme se contente des cotés
superficiels de la modernité. Un personnage comme Omi N’Doye,
deuxième épouse de El Hadji Abdou Kader vit dans une villa dont les
meubles doivent nécessairement porter la griffe ″meubles de France″.
Elle adopte un style européen par mimétisme, elle fréquente le cinéma
et s’intéresse à ses vedettes. Elle compose son menu à partir des
recettes occidentales. Ce personnage est le prototype même de l’aliéné
culturel. Elle se débat dans une contradiction flagrante, elle prétend la
modernité, toutefois, elle accepte le ménage polygame.
1
neufmoisabrazza.blogspot.com/.../le-complexe-de-la-chauve-souris.html -
Cela à notre avis exprime exactement ce qu’on appelle de nos jours le
problème d’identité
Analyse de la polygamie
Chapitre 1 : Les raisons de la polygamie
Jusqu’à nos jours on trouve des contes et des proverbes qui exaltent la
polygamie. Ils sont transmis très fréquemment des anciens aux plus
jeunes. Cette transmission comme toutes traditions orales se fait en
famille, d’une façon méthodique, aux veillées et aux époques
d’initiation (Kembe Milolo, 1985 : 167). A titre d’exemple : « Une
famille avec une seule femme était comme un escabeau à un pied, ou
un homme à une seule jambe ; ça ne tient qu’en appuyant sur un
étranger » (Ahmadou Kourouma, 1970 : 157).
Un homme africain tel que Goor Gnak -le personnage principal dans
Excellence, vos épouses ! de Cheik Aliou Ndao- avec une culture
uniquement tirée de la tradition, ne peut jamais mettre en doute le bien
fondé du choix de plusieurs femmes. Son expérience le prépare à ne
pas rejeter la polygamie : « Quand il se marie pour la première fois,
même lorsqu’il était monogame en ignorant ce qu’il ferait plus tard, on
peut dire que comme tout homme de sa génération il se
sentait ″disponible″» (Aliou Ndao, 1991 : 17).
En Afrique de l’Ouest dans les villages et dans les zones rurales, les
communautés vivent dans une large mesure de la production agricole.
Dans cette société paysanne la femme joue un rôle majeur dans les
activités de production agricole. Elle travaille la terre, elle donne à son
mari des enfants qui cultivent dès leur plus jeune âge. Avec leurs
mères, ils participent à tous les travaux de la ferme : préparer la terre,
semer, arroser, nettoyer les champs ou la ferme et enfin récolter ou
moissonner. Ils forment une main d’œuvre gratuite et toujours à portée
de main. Leurs activités vont encore plus loin, puisque après la récolte,
les femmes participent à la vente de leur produit. Elles vendent des
légumes, des fruits et d’autres produits.
Bien qu’ils soient célibataires et qu’ils aient le même âge que leur fille,
les amis de N’Goné sont considérés comme pas sérieux, pas dignes
seulement parce qu’ils sont pauvres ou sans travail. Pour ces raisons,
ils sont refusés.
Ainsi, issue d’une famille pauvre, N’Goné trouve dans le mariage avec
El Hadji Abdou Kader -qui a déjà deux épouses- une solution pour ses
problèmes économiques : un homme riche qui loge chacune de ses
épouses dans une villa, qui porte son nom. Il a tous les moyens de
confort possible. Il peut donc lui assurer une vie aisée et un avenir très
agréable pour ses enfants. Pour convaincre sa mère, sa tante lui dit :
« El Hadji est un polygame, mais chacune de ses épouses dispose
d’une villa, et dans le plus chic quartier de la ville. Chaque villa vaut
cinquante ou soixante fois cette baraque. Et pour nous, c’est un beau
parti ! Pour N’Goné, c’est son avenir et celui de ses futurs enfants »
(Sembène Ousmane, 1973 : 21).
Pour la jeune fille se marier avec un vieux comme lui n’est pas
évident. Bien qu’il l’ait comblée de cadeaux, bien qu’il lui ait promis
une vie dont elle n’avait jamais rêvée cette proposition ne l’intéresse
pas. Mais le problème réside dans sa mère : « Sa mère est une femme
qui veut tellement sortir de sa condition médiocre et qui regrette tant sa
beauté fanée dans la fumée des feux de bois » (ibid., 1979 : 71). Cette
femme n’est pas contente de sa condition médiocre. Elle regrette son
mauvais sort. Elle se plaint à longueur de journée des souffrances et
de la vie triste, qu’elle mène.
Le mariage de sa fille avec un homme riche tel que Modou est une
bonne chance de la sortir de la pauvreté et des douleurs de la privation.
Donc, elle supplie sa fille d’accepter ce mariage pour lui donner,
comme elle le dit : « Une fin heureuse, dans une vraie maison »
(ibid.1979 : 71). De profiter de l’aisance et de la vie agréable que
l’homme leur promet.
Ainsi, une autre épouse lettrée comme Ndikou institutrice est vraiment
très utile à un homme politique comme lui. Parce que, plus
qu’accueillir les hôtes respectueux ou dans les moments de réflexion,
quand il y a des décisions à prendre, son mari n’hésite pas à s’adresser
à elle. Il peut trouver chez elle le soutien dont il a besoin.
Une autre raison sociale derrière la polygamie réside dans le fait qu’en
Afrique la polygamie est un outil très efficace pour créer des
connaissances et de la solidarité entre des familles de clans différents.
Quand on se marie avec une épouse qui n’appartient pas à sa famille,
une étrangère d’un autre clan, cela aide beaucoup à créer des liens et
des apports sanguins entre des familles de différents clans ou de
différents groupes ethniques. Ils se connaissent, ils se regroupent et
vivent en solidarité clanique.
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…
La polygamie est un facteur d’ouverture, sur les autres, elle permet à la
société enfermée de sortir de ses frontières pour contacter des alliances
avec d’autres lignées, d’autres clans, et à la limite d’autres peuples, ce
qui permet d’élargir le champ de rencontre et de cimenter une plus
large la solidarité.
Beaucoup d’exemples sont donnés dans les romans qui illustrent cette
pratique : Fama, dans Les soleils des Indépendances, d’Ahmadou
Kourouma, hérite de son cousin en se mariant avec la jeune Mariam, la
veuve de défunt Lacina. Un autre exemple, dans Les bouts de bois de
Dieu de Sembene Ousmane, Ibrahima, hérite de son frère défunt et se
marie avec sa veuve Assitan, qui devenue son épouse selon cette
antique coutume.
Pour achever sa besogne, elle voyage dans son village natal. Elle
emmène sa nièce, la petite Nabou son homonyme. Elle l’élève chez
elle et la voit grandir devant ses yeux selon les mœurs anciennes.
Après, elle demande à son fils de l’épouser. Elle lui dit : « Mon frère
Farba t’a donné la petite Nabou comme femme pour me remercier de
la façon digne dont je l’ai élevée. Si tu ne la gardes pas comme épouse,
je ne m’en relèverai jamais » (Mariama Bâ, 1979 : 62). Puis, elle le
menace au cas où il n’accepte pas, disant que : « La honte tue plus vite
que la maladie » (ibid., 1979 : 62).
Le fils n’a pas le courage de tenir tête à tête sa mère comme tous les
autres hommes de sa génération. Il donne poids au passé, qui reste
toujours déterminant, malgré la modernité. Le fils, lui, doit dans toutes
les occasions obéissance et respect à sa mère qui a l’autorité sur toute
la famille. Ainsi il se montre trop faible à défendre sa femme qui est
pour lui très chère et qui l’a tendrement aimée. Sans protestation il se
résigne à la volonté maternelle et accepte d’épouser pour la deuxième
fois sa cousine, la petite Nabou.
1.2.6. La stérilité.
Voila un petit poème qui montre à quel point la stérilité est mauvaise, à
quel point elle peut être une cause de malheur pour la femme. Les
sentiments de privation d’enfants dont souffre une femme bien qu’elle
soit sujet de l’attention de son mari :
Cette femme se sent malheureuse bien qu’elle soit gâtée par son mari
ce qui est toujours rare pour une stérile.
Mais à notre avis, le vrai drame, ce n’est pas seulement être stérile
mais c’est de se sentir responsable ou même pire que cela, la
culpabilité de cette situation de stérilité. Par conséquent être maltraitée
par le mari et par l’entourage.
Donc la stérilité est une des raisons très fortes très justifiées de la
polygamie puisque pour l’homme africain la question de la
descendance est indiscutable. C’est indispensable pour lui d’avoir
beaucoup d’enfants. Cela est dû aux aspects culturels et ethniques.
C’est dû également aux croyances religieuses ; le risque que la lignée
soit coupée faute de descendance. Si on meurt sans laisser d’enfant
c’est un malheur : « Mourir sans laisser personne derrière soit,
personne pour porter ton nom, ta lignée s’arrête avec toi » (Sembène
Ousmane, 1960 : 212). On met l’accent sur la continuation de la lignée
d’où vient le goût pour la famille nombreuse.
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…
Evidemment la période de abstinence semble parfois longue et
insupportable pour un homme. C’est pourquoi l’homme africain a
recours à la polygamie. Il y trouve une solution à son problème. S’il a
plusieurs femmes, il n’a pas besoin de se sacrifier ou de se comporter
immoralement : avoir des relations illégitimes ou recourir aux
prostituées. Donc il ne peut pas souffrir de cet interdit.
Parfois il arrive que l’épouse soit atteinte d’une maladie incurable qui
ne lui permet pas d’assumer ses devoirs conjugaux. Dans ce cas, au
lieu de la répudier ou d’avoir des maîtresses, la polygamie se pose
encore comme un choix et peut être une solution. Donc celui qui se
trouve dans une telle situation peut prendre une nouvelle épouse en
sauvegardant l’ancienne épouse.
L'espérance de vie des femmes est supérieure à celle des hommes donc
il est remarquable qu’on trouve toujours partout dans le monde, plus
de veuves que de veufs. Cependant il y a à peu près autant de
naissances de garçons que de filles.
1
www.bladi.net/forum/46304-lislam-autorise-polygamie/
hommes pour 1000 femmes).1 La supériorité du nombre de femmes sur
celui des hommes est donc une vérité confirmée par plus d’un
argument, et que personne ne peut nier. Certainement dans telle
situation, le nombre d’hommes disposés au mariage est réduit par
rapport à celui de femmes. Ainsi il faut trouver une solution pour
sauver l’institution du mariage.
1
Catherine Coquery-Vidrovitch, http://clio.revues.org/index373.html. Consulté le 15 juin
2010.
1.3.4. La réponse aux besoins naturels.
Dans son roman Une si longue lettre Mariama Bâ, signale à plusieurs
reprises ce facteur en parlant du sujet de la polygamie : « On ne résiste
pas aux lois impérieuses qui exigent de l’homme nourriture et
vêtement. Ces mêmes lois qui poussent le ″mâle″ ailleurs, je dis bien
″mâle″ pour marquer la bestialité des instincts » (Mariama Bâ, 1979 :
68).
1
(Un religieux et savant musulman sunnite, qatari d’origine égyptienne. Il est président de
l’Union Internationale des Savants Musulmans (Oulémas) ainsi que de Conseil Européen pour
la recherche et de la Fatwa)
2
www.priceminister.com/.../La-Place-De-La-Femme-En-Islam-Livre.html
bestialité » (Mariama Bâ, 1979 : 65). Donc entre la notion de
l’animalité et la spiritualité est dans une vision réaliste des choses on
peut adopter un comportement modéré. C’est-à-dire ne pas se laisser
aller avec les désirs tout comme ne pas les étouffer complètement.
Alors l’homme peut réclamer son droit de prendre une autre épouse en
profitant de la licence accordée et en ayant recours à la polygamie :
« Je suis musulman ; j’ai droit à quatre femmes. Je n’ai jamais menti à
aucune sur ce point » dit El Hadj Abdou Kader pour justifier son
action (Sembène Ousmane, 1973 : 53).
Ken Bugul se réfère à ce sujet mais dans une autre optique et avec un
ton moins accusateur : « Les meilleurs maris avaient besoin parfois
d’une autre présence, pour éprouver d’autres sentiments, pour se
comporter différemment, pour baigner dans une autre ambiance si leur
femme n’exploitait pas toutes leurs potentialités » (Ken Bugul, 1999 :
195).
2.1. La soumission.
Dès le bas âge, toutes les formations que la jeune fille reçoit visent à
enraciner chez elle ces principes. Dans cette formation participent non
seulement la mère ou les parents proches mais également les parents
éloignés : les tantes, les oncles, etc. Ils répètent les mêmes conseils, les
mêmes recommandations le jour du mariage et la nuit des noces.
Quand la mariée rejoint le domicile conjugal, elle écoute ces conseils :
« Obéis à ton mari, ne cherche rien d’autre que son bonheur, car de lui
dépend ton destin et surtout celui de tes enfants. Si tu exécutes ses
volontés, tu seras comblée ici-bas et dans l’au-delà et tu auras des
enfants dignes et méritants » (Aminata Sow Fall, 1979 : 38).
Dans leurs vœux, leurs souhaits d’une vie conjugale heureuse à leur
fille, les parents lui font une recette des devoirs : elle doit être patiente,
douce, aimable, compréhensive. Plus que tout cela elle doit être
soumise : « Tu dois fonctionner suivant le Ndigeul, l’Ordre et te
soumettre entièrement, totalement » (Ken Bugul, 1999 : 94).
Si nous voulons citer les raisons pour lesquelles la femme est soumise,
il nous parait évident de dire que, la formation que la femme reçoit, est
la première raison par excellence. Ainsi nous pouvons dire que ce
choix est motivé par plusieurs facteurs : la formation de la femme, son
âge et le milieu dans lequel elle grandit.
A partir des ouvrages littéraires étudiés qui abordent la situation de la
femme dans la période avant et après les indépendances, presque
toutes les femmes sont soumises. Les romans abondent en exemples de
ces femmes soumises à la polygamie.
L’âge aussi est un des facteurs qui joue un rôle majeur dans la question
de la soumission à la polygamie. Une femme qui dépasse la
cinquantaine hésite beaucoup à prendre une décision de divorce.
Comme le répètent presque toutes les femmes soumises, c’est difficile
de trouver un homme libre, un homme qui est encore célibataire à cet
âge. De plus avec les enfants, le problème devient plus compliqué.
2.1.3.1. Ramatoulaye.
De toutes façons, nous pouvons dire que Ramatoulaye est une femme
croyante qui jouit d’une foi ardente. La dose journalière des rites
religieux : des prières et de la lecture du Coran est révélatrice de sa
croyance.
D’un autre coté, nous trouvons que notre héroïne fréquente l’Ecole des
blancs. Elle y rencontre des filles d’autres pays de l’Afrique
occidentale. Elle est très reconnaissante à la femme blanche, la
directrice de cette Ecole, puisqu’elle joue un rôle remarquable dans sa
vie : « Nous sortir de l’enlisement des traditions, superstitions et
mœurs ; nous faire apprécier de multiple civilisations sans reniement
de la nôtre ; élever notre vision du monde, cultiver notre personnalité,
renforcer nos qualités, mâter nos défauts, faire fructifier en nous les
valeurs de la morale universelle ; voilà la tâche que s’était assignée
l’admirable directrice » ( Marima Bâ, 1979 : 38).
Donc nous constatons que ces deux types de formations laissent des
traits remarquables sur le caractère de notre héroïne qui réunit
l’originalité et la modernité. Elle est une femme intelligente, pratique,
dynamique et prudente. Dans toutes les étapes de sa vie elle montre
une ouverture d’esprit. Elle mène une vie joyeuse et ravissante.
Ramatoulaye est une femme sensible. Elle raconte, d’une façon très
émouvante, son drame et celui de son amie. Elle est une incarnation de
la femme de l’indépendance. La femme qui, loin de la politique,
assume son rôle dans la vie sociale. Elle lutte contre les coutumes, les
traditions dont la femme africaine souffre depuis longtemps. Il lui
arrive de se débarrasser de quelques-unes. Mais à sa déception, elle se
heurte à une des plus grandes : celle de la polygamie.
Adja Awa Astou est la première épouse d’El Hadji Abdou Kader
Baye, dans le roman de Xala de Sembène Ousmane. Elle est une
femme traditionnelle, femme parfaite comme le disent les amis de son
mari. Pourquoi ? Toute simplement parce qu’elle est une femme
soumise par la nature à son mari. Bien qu’elle soit issue d’une famille
chrétienne, d’un milieu qu’on juge défavorable pour la polygamie, elle
accepte de vivre dans un ménage polygame. Après le deuxième
mariage de son mari, elle obéit à la loi de la polygamie sans dire un
seul mot et c’est le cas après son troisième mariage.
Son père Papa Jean qui est très connu dans la ville par son assiduité
aux messes n’est pas d’accord avec ce mariage. Il sait beaucoup sur ce
musulman, sur ses activités syndicales. Il ne le voit pas comme gendre
associé éventuellement à sa famille. Quant il apprit que sa fille aime ce
monsieur, il devient très inquiet. Mais sa fille qui n’a pas à l’esprit
l’opposition entre les religions insiste pour se marier avec lui.
Comme toutes ses coépouses , Adja Awa habite dans une grande villa
de luxe, avec un salon surchargé de meubles, une automobile avec un
chauffeur-domestique pour amener les enfants dans les différents
établissements scolaires. Tout cela reflète l’aisance et la vie
confortable qu’elle mène chez son mari.
Cette femme est très sincère, très fidèle à son mari, malgré ses
attitudes polygames. Elle a six enfants et sa coépouse Oumi N’Doye
en a cinq. Sa fille aînée s’appelle Rama. Elle est étudiante à
l’université.
Quand son mari décide de prendre une troisième femme, il les informe,
donc les deux coépouses doivent participer au mariage. Malgré la
contestation de Rama, elle fait acte de présence faute d’être jugée
comme jalouse.
Très affligée, très triste, Adja Awa retourne chez elle après la fête. Elle
se sent légèrement souffrante, mais elle essaye de dissimuler son
affliction, de dominer ses colères, de ne rien laisser paraître à ses
enfants qui l’assaillent de questions sur le déroulement de la
cérémonie.
Adja Awa qui n’a pas d’amies se trouve toute seule, très isolée. Elle
veut se confier, vider son cœur, mais à qui ? Elle pense à son père qui
lui manque énormément. Enfin elle commence à se rapprocher de sa
fille aînée. Tous les soirs, Rama rentre tôt pour être à côté de sa mère
et lui tenir compagnie. Rama cherche à consoler sa mère et à apaiser le
feu qui la dévore. Pour cette dernière, la vie ne coûte rien. Deux choses
seulement deviennent la cause de son existence : la religion et
l’éducation de ses enfants.
Si nous contemplons la vie de cette femme qui est, dans l’optique des
amis de son mari, épouse exemplaire, nous trouvons qu’elle a vécu
presque toute sa vie conjugale dans la polygamie. Bien sûr elle ne
choisit pas ce type de vie, mais comme beaucoup d’autres femmes qui
lui ressemblent, elle se trouve dans des contraintes implacables. Enfin
elle finit par s’adapter sinon elle sera soumise à d’autres types de
souffrances.
Nous voyons que les deux femmes se marient après une histoire
d’amour très violente. Elles se battent avec acharnement pour sauver
leur amour. Autrement dit, elles se marient contre la volonté de leurs
familles ce qui est très rare à cette époque-là. Les deux femmes sont
les premières épouses qui accompagnent leurs conjoints dès leur
jeunesse et qui sont des témoins de leur réussite et leur ascension
professionnelle. Les deux femmes mènent chez leur mari une vie
considérablement aisée et confortable. Les deux sont des femmes
croyantes, pratiquantes qui trouvent refuge dans la religion aux
moments difficiles de leur vie. Pourtant leur formation n’est pas tout à
fait traditionnelle ou musulmane. Les deux femmes ont à affronter le
mécontentement de leurs enfants qui sont contre le mariage de leurs
pères, surtout leurs filles aînées Rama et Daba. Les deux femmes
pensent que leurs nouvelles coépouses sont des victimes, sinon elles
n’acceptent point ce type de mariage.
Tout de même les deux femmes restent fidèles à leur maris, et à leur
amour jusqu’au bout. Ainsi l’amour peut être considérée comme une
des raisons pour lesquelles la femme se soumet à la polygamie.
2.2. La révolte.
1- facteur intérieur
2- facteur extérieur
Pour le facteur intérieur, comme le décrit Joseph Ndinda (2002), il
s'agit d'une situation explosive qui gagne la société africaine après des
1
haste://www.org/Dictionnaire/Révolte-hem)
ères de silence et de soumission. Un refus total contre toutes les
contraintes sociales ou traditionnelles. Contre des mœurs et des
pratiques considérées comme démodées par les nouvelles générations.
Révolte contre les oppressions et l'autorité des vieux, contre les fausses
croyances, contre les chaînes qui accablent les gens et qui rendent leur
vie insupportable.
Dans son roman L'Enfant noir Camara Laye réfère à cet événement :
« Le monde bouge, le monde change. Et le mien plus rapidement peut-
être, et si bien qu'il semble que nous cessons d'être ce que nous étions.
Qu’au vrai, nous ne sommes plus ce que nous étions, et que déjà nous
n'étions plus exactement nous-mêmes dans le moment où ces prodiges
s'accomplissaient sous nos yeux. Oui le monde bouge le monde
change... » (Camara Laye, 1953 : 91).
Pour eux les européens servent de bon modèle. La manière dont ils
s'habillent ou se coiffent, la musique qu'ils écoutent, etc. En somme
tous les comportements des jeunes sont des manifestations de leur
révolte, leur envie de se libérer du passé. Ainsi on distingue deux types
de révolte :
Les femmes sont les premières à ressentir, dans leurs foyers, les
conséquences de grands bouleversements sociopolitiques en Afrique.
Le changement remarquable du mode vie se manifeste par la révolte
contre toutes les idées traditionnelles sur le rôle traditionnel de la
femme. Comme l'homme, elle sort, elle travaille au bureau. Elle n'est
plus consommatrice ni dépendante. Elle gagne sa vie, elle assure le
pain à d'autres membres de famille, notamment ses enfants, donc
pourquoi la soumission totale ?
C'est après des périodes de silence que les femmes africaines ont une
présence physique et morale. Cette présence entraîne d'une manière ou
d'une autre la prise de parole publique, un privilège qui dans la plupart
des sociétés était réservé aux hommes (Joseph Ndinda, 2002 : 95-110).
Dans l'écriture féminine qui explore des zones telles que la sexualité,
le désir, la passion, l'amour, le thème de la prostitution s'inscrit dans
une attitude de révolte de la part des femmes écrivains. Il peut être
considéré comme une réaction vis-à-vis du conformisme et de la
pudeur qui caractérisent l'écriture masculine. Ces propos traduisent
une nouvelle vision des rapports homme/femme qui peuvent être
perçus comme une revanche de la femme sur l'homme. C'est une façon
de s'exprimer, de dire non contre un marginalisme, contre un
déséquilibre des rapports dont la femme souffre beaucoup.
1
: http://briska.unblog.fr/2008/09/22/prostitution-et-emancipation-feminine-une-lecture-dangele-
rawiri-par-affin-o-laditan/
vie. Se moquant donc de tous les principes, toutes les règles qui
règnent sur la société traditionnelle, la femme se sent libre : « On n'a
pas besoin de la virginité des jeunes filles pour défendre nos valeurs »
(Calixthe Beyala, 1987 : 67). Elle parle de ce qu'on appelle
l'appropriation du corps : « Après tout c'est leur corps. Elles ont le
droit d'en faire ce qu'elles veulent » (ibid., 1987 : 66). La femme qui se
fatigue avec l'homme ne pense plus à le contenter : « ...Qu'attend donc
l'homme de la femme? Bouge pas et baise. Quand elle ne bouge pas, il
lui reproche sa passivité. Quand elle bouge, il lui reproche sa
témérité » (ibid., 1987 : 46). Pour sortir de cette perplexité, il lui suffit
de dire non.
A notre avis l'injustice sociale dont la femme souffre est le fait de toute
la société. La femme est la première responsable de son sort. Donc la
lutte doit être commune aux hommes et aux femmes. Une lutte qui doit
être contre toutes formes de préjugés sociaux et moraux. C'est déjà le
cas dans la grève des cheminots où les femmes participent à côté des
hommes dans une lutte collective pour améliorer leur vie. (Sembène
Ousmane, 1960).
On trouve également des hommes qui sont pour la cause de la femme.
A titre d'exemple, Daouda Dieng qui est un député à l'Assemblée
nationale. Dans cette Assemblée, les femmes ne sont représentées que
par quatre sièges. Mais Daouda dans ses arguments défend toujours la
femme au point qu'il est décrit comme féministe par d'autres membres
de l'Assemblée : « A qui t'adresses-tu, Ramatoulaye ? Tu as les échos
de mes interventions à l'Assemblée nationale où je suis taxé de
''féministe''. Je ne suis d'ailleurs pas seul à insister pour changer les
règles du jeu et lui inoculer un souffle nouveau. La femme ne doit plus
être l'accessoire qui orne. L'objet que l'on déplace, la campagne qu'on
flatte ou calme avec des promesses. La femme est la racine première,
fondamentale de la notion où se greffe tout apport, d'où part aussi toute
floraison. Il faut inciter la femme à s'intéresser d'avantage au sort de
son pays » (Mariama Bâ, 1979 : 116-117).
Le langage avec lequel Sine, parle avec son mari, exprime sa révolte,
sa contestation de la mentalité féodale masculine autoritaire de ce
dernier. D'ailleurs c'est une preuve d'un renversement de rôle entre
homme/femme. (André-Patrick Sahel : 2009).
Quand Mour ordonne à Sine d'arrêter de fumer disant que c’est une des
habitudes et des manières d’être qui ″ne collent pas à sa peau″, elle lui
adresse la parole avec un ton endurci, même méprisant en lui
disant: « Tu raisonnes en homme du Moyen-Age. Et puis, réfléchis un
peu, quand nous nous sommes mariés, c'est comme ça tu m'a trouvée.
Maintenant tu veux que je change tout simplement parce que je suis
devenue ta femme. C'est illogique! Tu devrais pouvoir me supporter
telle que tu m'as trouvée » (Aminata Sow Fall 1979 : 163). Elle
continue : « Si tu crois que j'accepterai d'être planquée ici comme un
meuble et de ne recevoir que des interdictions et des ordres, tu te
trompes ! Je suis une personne et non un bout de bois » (ibid.,
1979 :162).
Dans le même roman, la Grève des bàttu d'Aminata Sow Fall quand
Loli apprend de son mari que quelqu'un lui ″donne″ une seconde
épouse, très choquée, non capable de maîtriser ses nerfs, elle lui dit :
« On te ″donne″ une femme ! Et tu me prives de mon sommeil ! Tu me
réveilles au milieu de la nuit pour m’apprendre qu’on te donne une
femme demain ! » (ibid.,1979 :57). Et nous lisons un tel
commentaire de l'auteur qui analyse le cas : « ... En d'autres temps oui,
elle aurait pu supporter, elle aurait enregistré l'évènement avec
indifférence, mais maintenant ″les temps ont changé, mon gars″ (ibid.,
1979 : 59). Ce n’est donc, pas comme auparavant, Loli, et d’autres
femmes auraient aussi leur mot à dire.
2.2.6. Images des femmes révoltées contre la polygamie.
Dans les romans étudiés, nous pouvons dégager deux types d'images
des femmes qui se révoltent contre la polygamie:
2.2.6.1. Rama
Rama la fille ainée d'Adja Awa Astou, première épouse d' EL Hadji
Abdou Kader Bèye, dans Xala de Sembène Ousmane. Agée de vingt
ans, elle est étudiante à l'université. Comme la décrit l'auteur, elle
« avait grandi dans le tourbillon de la lutte pour l'indépendance,
lorsque son père militait avec ses compères pour la liberté de tous. Elle
avait participé aux batailles des rues, aux affichages nocturnes.
Membre des associations démocratiques » (Sembène Ousmane,
1973 :25).
2.2.6.2. Daba.
Daba est une vraie fille de sa mère ; elle en connait les mésaventures
conjugales dont elle a appris une leçon pour sa vie d'avenir. Donc elle
s'approche vers la vie conjugale avec une stratégie complètement
différente de celle de sa mère et de toutes mères décrites
traditionnelles. Puisque elle a pour le mariage des idées fortement
libérales. Sa mère est étonnée de l'entendre faire un tel discours : « Le
mariage n'est pas une chaîne. C'est une adhésion réciproque à un
programme de vie. Et puis, si l'un des conjoints ne trouve plus son
compte dans cette union, pourquoi devrait-il rester ? C'est peut être
Abdou (son mari), c'est peut être moi. Pourquoi pas ? La femme peut
prendre l'initiative de la rupture » (Mariama Bâ, 1979 : 137).
Mais le féminisme de Daba est d'un autre ordre que celui de sa mère
qui voudrait par exemple voir les femmes participer davantage au
pouvoir politique, et dans l'Assemblée nationale de son pays. Daba est
beaucoup plus réservée à cet égard. Sa décision personnelle est de ne
pas perdre son énergie dans un monde si lourdement grevé par des
pratiques répréhensibles : « A regarder l'appétit de pouvoir des
hommes, je préfère m'abstenir » (Mariama Bâ, 1979 : 137). Elle
s’investit dans le travail des associations et des organisations qui vont
dans le sens de la promotion de la femme. C'est dans ce type de travail
qu'elle ressent une satisfaction intérieure.
2.2.6.3. Aïssatou.
Aïssatou, comme son amie Ramatoulaye est une femme moderne. Son
mariage avec Mawdo n'est pas un mariage traditionnel. C'est ce qu'on
appelle mariage d'amour. Quand il l’a choisie -fille de bijoutier-
comme épouse il dit que : « Le mariage est une chose personnelle »
(Mariama Bâ, 1979 : 40). Donc personne n’intervient, même sa mère
qui n’apprécie pas cette union. Ils mènent une vie calme et heureuse
avec leurs enfants. Et tout d’un coup, ils se trouvent devant une
épreuve difficile.
« Mawdo,
Adieu,
Enfin, elle termine la lettre en déclarant qu'elle n'a plus besoin de son
amour et qu'elle poursuit sa route seule en toute dignité.
Quittant son pays, elle débarque en France avec ses quatre fils. Là elle
reçoit une bonne formation à L'Ecole d’Interprétariat à Paris. Une
formation qui l'aide à trouver un travail rentable à l'Ambassade, de son
pays, le Sénégal aux États-Unis. Elle voit une réussite dans sa vie au
niveau moral, intellectuel et matériel. Elle est riche au point qu'elle
paye le prix d'une voiture pour les enfants de son amie Ramatoulaye
pour le transport à l'école. Un geste qui montre des qualités de
générosité et de fidélité à son amie intime pour qui elle ne tarde pas à
porter secours dans les moments difficiles.
Donc Aïssatou, comme elle la décrit son amie : « Elle écrase le passé
sous son talon » et elle fait le choix d'une toute une nouvelle vie.
2.3. L'acceptation.
Le mot acceptation est un mot bien chargé de sens. Accepter cela veut
dire en premier lieu reconnaître ses difficultés, reconnaître ses
responsabilités, être maître de sa destinée. Accepter veut dire que
prendre conscience de ce qui nous arrive fait partie de notre vie, de
notre histoire. Accepter c’est le fait de dire oui, de consentir
volontairement.
Puisque maintes femmes même des jeunes filles de moins de vingt ans
acceptent cette situation. Les romans nous en citent beaucoup
d'exemples. Malgré les critiques, malgré la révolte contre cette
1
www.psycho-ressources.com/.../acceptation.html
2
(Interview, Mariama Bâ, 1979, revue Amina 84 :12-14).
pratique qui se trouve chez quelques-unes, nous remarquons une
acceptation chez quelques autres. Mais, dans tels cas on parle toujours
des contraintes sociales, économiques ou autres.
Pour le deuxième cas -celles qui acceptent que leurs maris prennent
d’autres épouses- cela existe mais rarement. Nous pouvons également
trouver dans les romans quelques exemples de femmes dont
l’acceptation est modérée plus au moins par des contraintes.
Parfois la femme reçoit des reproches des amies ou d'une proche si elle
n'accepte pas de se marier avec un polygame. Surtout quand il est riche
ou quand il exerce le pouvoir. Cela arrive avec Ramatoulaye quand
elle refuse Daouda Dieng qui demande sa main après la mort de son
époux. Farmata la griotte de la famille la gronde : « Pour qui tu prends-
tu ? A cinquante ans, tu as osé casser le (wolere !) Tu piétines ta
chance : Daouda Dieng un homme riche, député, médecin, de ton âge,
avec une femme seulement. Il t'offre la sécurité, l'amour et tu refuses !
Bien des femmes, même de l'âge de Daba, souhaiteraient être à ta
place » (Marima Bâ, 1979 : 129).
Une femme qui parle à son époux : « Ne pense-tu pas qu'il serait sage
de ta part de me trouver une compagne ? Considère notre situation. Je
suis persuadée que te réalises combien Dieu est bon de nous donner un
bel enfant. Pendant les premiers jours, je devrais lui consacrer toute
mon attention. Je suis faible... je ne puis me rendre à la rivière pour
chercher de l'eau, ni aux champs pour apporter la nourriture ; je ne
peux m'occuper du jardin. Tu n'as personne pour te faire la cuisine et
pour s'occuper des étrangers qui viennent te faire visite. Je suis sûr que
tu te rends compte du sérieux de la situation. Que penses-tu de la fille
d'Un tel ? Elle est belle et active, tout le monde dit de bien d'elle et de
sa famille. Ecoute-moi. Essaie de gagner son amour. Je lui ai parlé et
j'ai constaté qu'elle s'intéressait à notre foyer. Mon mari, je ferai tout
ce que je peux pour t'aider » cité par (Kembe Milolo, 1985 : 153).
Ainsi l'acceptation ou même le consentement qui se trouvent chez
certaines femmes, volontairement ou non, consolident la polygamie et
encourage sa pratique.
Chapitre 3 : Les conséquences de la polygamie.
Dès que le conjoint pense à prendre une autre épouse les problèmes
commencent. La vie du ménage n’est plus comme auparavant, la
communication entre le couple se dégrade, l’atmosphère
s’empoisonne. Ce sont les premiers symptômes de mécontentement, de
manifestations, les suivantes seront encore plus dures quant il réalise
son projet.
Dans son roman Excellence, vos épouses ! Cheik Aliou Ndao présente
une image très émouvante d’une femme torturée moralement et
physiquement. Cette femme vient d’apprendre que son mari prend une
nouvelle femme. D’ailleurs, elle-même est une deuxième épouse chez
lui ! : « Le jour où Ndikou apprit l’existence de la troisième elle eut
l’impression d’avoir reçu un coup de poignard en plein cœur […]
Ndikou se leva péniblement, entra dans les toilettes ; elle vomit et
éclata en sanglots. Elle ne voulait pas pleurer devant ses enfants ; elle
étouffa ses cris, s’essuya les yeux et alla s’allonger sur son lit » (Cheik
Aliou Ndao, 1993 : 55). Elle reproche à son mari sa lâcheté de ne pas
avoir assez de courage pour l’annoncer en face à face puisque il lui
laisse un mot pour l’en informer.
Il ne lui reste qu’à évoquer les beaux souvenirs des jours de joie, de
communication et de plaisir partagés avec son conjoint, les moments
où elle vivait avec lui, comblée de promesses et de bonheur. Elle
compare le temps passé avec le présent et elle ressent les cruelles
morsures de l’amertume. Ainsi les épouses sont livrées à
l’insupportable solitude lorsque leurs maris prennent des secondes
femmes et les abandonnent.
La situation d’un polygame qui garde toutes les épouses dans le même
foyer n’est également pas admirable. Puisque ce n’est pas seulement la
question d’ajouter à chaque fois une nouvelle femme, d’avoir de
nouveaux enfants. Mais la question qui se pose, c’est celle du devenir
du ménage. Le stress, les frustrations sentimentales, morales et
psychologiques qu’on crée volontairement ou involontairement chez
les siens.
Pour tout cela elle ne tolère pas d’être trahie dans son amour : « Sous
le vent, sous la pluie, sous le soleil, le même boubou, car les autres
avaient été vendus ainsi que bracelets et boucles, pour nous permettre
de mettre un peu plus de décence dans notre vie et de prévenir la faim
qui guettait les enfants. As-tu oublié cela déjà ? » (Aminata Sow Fall,
1979 : 62).
3.1.1. La "moomé.″
Alors elle décide de se venger de son mari. Le mari dont elle attend
impatiemment l’arrivée. Quand ce dernier arrive à la fin du troisième
jour accompagné de deux de ses amis elle les accueille froidement. Sur
la table, elle met trois plats vides qui représentent ″ses trois jours″.
Quand son mari lui demande qu’est-ce qu’il y a dans les plats, elle
répond indifféremment : « Rien … Si plutôt ″mes trois jours″. Rien
de ce qui t’intéresse … Y a t-il quelque chose qui t’intéresse ici …
Oncle ?…» (ibid., 1962 : 70). Et d’un coup elle renverse les trois plats,
les casse devant les invités. Puis elle pousse un grand cri qui fait hurler
tous les voisins avant de s’effondrer par terre, inconsciente à cause
d’une attaque cardiaque.
Cette scène dramatique est un vrai portrait qui montre une partie des
douleurs, des souffrances physiques et psychologiques qu’une femme
polygame peut subir. Elle montre également les sentiments
contradictoires qu’elle peut porter pour son homme. Un poids lourd de
stress qu’elle n’a pas toujours le courage de porter.
El Hadj Abdou Kader dispose de trois villas, tout de même il n’a pour
lui nulle part, un coin pour se retirer ou de s’isoler. Une fois son
chauffeur lui demande en rigolant : « Je te dépose chez laquelle ? A
quelle escale ? (ibid., 1973 : 95 ). Mais son patron préfère passer la
nuit dans un hôtel.
Un autre exemple d’un polygame qui souffre du même problème de
déplacement, Goor Gnak dans Exellence, vos épouses ! : « J’ai quatre
foyers et je ne suis pas heureux » dit Goor Gnak qui cherche à se
refugier après une crise du travail.
La dispute, les querelles entre les coépouses durent parfois des années
avant l’arrivée d’une nouvelle épouse qui fait des farouches ennemies
d’hier les meilleures amies du monde. C’est pour cela que certains
hommes, pour calmer les rivalités tapageuses de leurs épouses, tout
simplement, ils en prennent une autre.
Elle pense que c’est sa coépouse qui pousse leurs époux à ce mariage
par jalousie car elle est plus jeune qu’elle. Avec une figure animée par
la jalousie, elle lui adresse la parole : « Toi, la awa, tu ne fais rien. Tu
es donc pour ce troisième mariage. Tu as donné la bénédiction à El
Hadji, hein ? » (ibid., 1973 : 35). Adja Awa ne montre aucune
protestation contre ce mariage c’est pourquoi elle est accusée par sa
coépouse.
Son problème réside dans son statut actuel, sa position au milieu, pour
elle cette position est insupportable. Le fait qu’elle soit deuxième, la
trouve facultative entre la première qui implique un choix et qui est
élue et la troisième qui est estimée, préférée. Donc elle examine sa
position entre les deux et elle se voit en disgrâce. Elle n’est plus la plus
jeune, la plus belle. Donc elle perd le statut de la femme préférée.
Les grands enfants, surtout les filles aînées, comprennent tout. Dans
les romans, nous avons à titre d’exemple les trois filles révoltées :
Daba, Rama et Raabi prennent la part de leur mère. Elles criminalisent
leur père et elles demandent à leur mère de divorcer immédiatement.
Elles vivent donc dans une atmosphère désagréable. Elles partagent les
souffrances de leur mère et elles cherchent à apaiser ses douleurs.
Quant à Rama, elle reçoit une bonne gifle de son père parce qu’elle lui
adresse la parole impoliment en condamnant son attitude polygamique
Dans le ménage polygame, les enfants voient rarement leur père. Son
temps est partagé entre le travail et les autres ménages. Seuls les aînés
de la première épouse sont beaucoup plus chanceux que les autres de
même que leurs cadets. Ils profitent de la monogamie au début de leurs
bas d’âges : « Attaché à ses enfants mais il ne disposait plus de temps à
leur consacrer. Il les connaissait moins bien que les deux grands qui
étaient en France. Ceux-là quand ils étaient petits, c’est lui même qui
les bordait le soir dans leur lit, il avait l’habitude de les prendre dans
ses bras […]. Dans ces années-là, seule Koudou demeurait au centre de
sa vie. Il était monogame » (Cheik Aliou Ndao, 1993 : 16).
Parfois le fait de faire vivre des enfants avec une coépouse est une
catastrophe. Surtout quand cette dernière est très jeune. Marie Ndiaye
dans son roman Trois femmes puissantes raconte le drame d’un fils,
Soney, qui tombe follement amoureux de sa belle-mère qui est de son
âge. Et il entame une liaison avec elle. Il éprouve une faiblesse devant
la séduction d’une femme jeune et belle avec qui il vit dans le même
foyer.
1
(Les Dossiers de CEPED, 1995 : Centre Population et Développement- ..)
fr.wikipedia.org/.../Condition_féminine_au_Sénégal -
3.3. La dépense et le gaspillage dans la polygamie.
Goor Gnak est un ministre, mais trois ans après son quatrième
mariage, il perd son siège. Le chef du parti lui fait une remarque :
« Mais toi, Goor Gnak, le seul côté faible qu’il te connaisse est ton
penchant à compter trop de pagnes » (Cheik Aliou Ndao, 1993 :149).
Toutefois ses femmes, surtout la première et la deuxième font de
grands efforts pour l’aider à surmonter cette crise.
Prendre une décision de mariage est une affaire personnelle, mais dans
une société traditionnelle africaine ce n’est pas le cas. Les parents, les
proches, les amis peuvent intervenir d’une manière ou d’une autre.
Donc il faut plaire à tout le monde et le deuxième mariage est parfois
fait pour ce motif. Un fils peut prendre une deuxième femme pour
contenter sa mère ou ses parents. Autrement dit la belle famille exerce
une influence sur la vie du couple. Donc la relation entre les épouses et
les membres de la belle famille est toujours redoutable. De plus,
gagner l’affection, le respect de la belle famille est une source de fierté
entre les coépouses. Elles abondent de cadeaux pour se montrer
aimable. Ndikou la deuxième de Goor Gnak : « Ses beaux-parents
louaient sa prodigalité. Elle entretenait leur amitié par des cadeaux »
(Cheik Aliou Ndao, 1993 : 55).
Les amies, les voisines jouent un grand rôle dans la vie des coépouses.
Elles montrent des sentiments de sympathie. Elles donnent des
conseils qui sont toujours provocants : « Tu laisses à une autre le fruit
de ton labour » (Mariama Bâ, 1979 : 93). Elles incitent leur colère
l’une contre l’autre comme dans un combat : « Tu serais bien bête de
perdre ton mari et de le laisser à une autre ; celle-ci se moquerait de toi
en disant que tu as peur » (Aminata Sow Fall, 1979 : 64).
Les amis du mari sont la plupart du temps accusés par les épouses
d’être derrière le mariage de leurs époux. Elles pensent que ses amis
encouragent leurs maris en jouant le rôle d’intermédiaire ou en vantant
la beauté d’une femme devant eux : « Ce devait être cela Yaa Xam,
cet entremetteur avait placé la troisième sur le chemin de son mari »
(Cheik Aliou Ndao, 1993 : 59).
Quant à Ramatoulaye, son amour pour Modou, son mari, reste intact,
solide devant toutes les épreuves. Le fait qu’elle soit une deuxième,
une abandonnée, ne la change pas. Après la mort de son mari, elle
refuse tous les prétendants qui lui demandent la main. Alors elle dit :
« Malgré tout, je reste fidèle à l’amour de ma jeunesse Aïssatou, je
pleure Modou et je n’y peux rien » (ibid., 1979 : 107).
Elle ne met pas longtemps à découvrir que la richesse de son mari est
un grand mensonge. Lui qui paye cher la dot à sa mère pour lui donner
la satisfaction en se présentant comme un homme de richesse et de
pouvoir, n’occupe qu’un poste très modeste. Il gagne un salaire
médiocre, le pire de tout cela est qu’il est trop avare. Donc elle qui est
supposée se marier avec un homme riche souffre de la pauvreté, la
dureté de la vie. Elle est obligée de travailler pour subvenir aux
besoins quotidiens de la famille.
Son mari qui vient de déménager dans une nouvelle maison suite au
nouveau poste découvre la liaison de sa femme avec le footballeur qui
est un vieil ennemi. Traumatisé par cette liaison, il la bat
impitoyablement devant ses enfants, il la chasse du lit conjugal. Il
exige pour lui rendre sa libération un remboursement de dot
exorbitant. Son amant de qui elle attend un enfant ne trouve pas assez
d’argent pour rembourser la dot. Perpétue est affaiblie à cause de la
grossesse sans trouver de soin. Son mari l’empêche d’aller accoucher
chez sa mère. Elle demeure emprisonnée dans le nouveau domicile,
entourée de ses enfants et le jeune domestique jusqu’à sa mort, et la
mort de l’enfant dans son ventre.
Elle arrive au Sénégal avec son mari mais elle s’y sent étrangère. Pour
elle, c’est un monde différent et une mentalité différente. Elle qui est
d’origine protestante, n’embrasse pas la religion de sa belle famille.
Ainsi bien qu’elle soit africaine, elle n’arrive pas à s’intégrer dans la
nouvelle société sénégalaise, elle reste isolée. Ce qui redouble ses
tristesses, ses chagrins, c’est le comportement de son mari. Lui, il
passe ses loisirs à ″pourchasser″ les femmes sans prendre la peine de
cacher ses aventures ou de respecter ni son épouse ni ses enfants.
Son absence permanente, puis des indices tels que : des talons de
chèques portant les noms de bénéficiers, factures de restaurants et de
chambre d’hôtel, etc., sont des preuves de sa mauvaise conduite.
Comme toutes les femmes trompées, Jacqueline pleure tout le temps,
elle maigrit, et enfin elle tombe malade. Se plaignant d’avoir une boule
gênante dans la poitrine, elle commence à courir de médecin en
médecin qui ne trouvent rien d’anormal. Donc ils n’ordonnent que des
comprimés, mais la boule demeure toujours à sa place. Quant à son
mari, il continue sans cesse ses aventures amoureuses en dépit de la
souffrance de sa femme.
Tive Corréa -un vieux marin ivrogne qui a passé une vingtaine
d’années de sa vie en Europe- n’est pas de l’avis que Diouana parte en
France, mais la décision est définitivement prise par sa famille.
Trois mois après son arrivée en France, Diouana qui abat un travail dur
devient méconnaissable. Ses yeux se creusent, elle n’est plus la jeune
fille rieuse, pleine de vie. Elle s’occupe de plusieurs tâches. Elle est à
la fois cuisinière, femme de chambre, bonne d’enfants. Elle lave et
repasse les vêtements, tout cela pour une petite somme d’argent.
Quand elle monte au lit à la fin de la journée elle est complètement
épuisée. Elle dort comme une souche. Diouana gagne la France, mais
elle ne voit pas la France.
« Voilà la Négres-se
Voilà la Négres-se
Noire comme le fond de la nuit »
Comme tous les jeunes gens de son pays, Diouana rêve de la France. A
propos de cette ambition des jeunes gens d’aller en France, Sembène
Ousmane fait une réflexion très intéressante en donnant la parole au
vieux Tive Correa. Il parle au chef de la famille blanche chez qui
Diouana travaille : « Là-bas, on ne dit pas comme « chez vous », que
c’est la clarté qui attire les papillons, mais le contraire ; chez moi, en
Casamance, on dit que c’est l’obscurité qui les chasse » Sembène
Ousmane, 1962 :172-173).
Mais quelquefois on confond ″vivre en France et être domestique en
France″ et c’est le cas de Diouana qui est victime des rêves
irréalisables. Elle est également victime de l’exploitation, de
l’humiliation à cause de la pauvreté, victime du racisme de la
ségrégation à cause de la couleur de sa peau.
Les femmes sont donc les artisanes de leur mauvais sort, pourquoi,
parce qu’elles donnent à leurs enfants une éducation qu’elles croient
juste. Elles ne savent pas qu’avec une telle éducation, elles perpétuent
involontairement un système de pensée qui est défavorable pour elles.
Les femmes sont souvent mises au hasard des guerres civiles, des
famines, des épidémies et d’autres catastrophes. Ce sont toujours elles
et leurs enfants qui sont durement touchés par des conflits, des guerres
qui s’arrêtent dans une région pour recommencer dans l’autre.
Vivre dans les camps de réfugiés c’est la misère pour les femmes, pour
les enfants. C’est le scandale pour les jeunes filles qui sont obligées de
se prostituer pour un sac de riz. Etant fragiles, elles sont exploitées par
ceux qui sont censés leur apporter l’aide. De vrais scandales dans
lesquels s’implique même du personnel ″dits″ humanitair.
Le poète tunisien Tahir Bekri dit : « Mieux vaut allumer une bougie
que maudire les ténèbres » cité par Julienne Zanga (2003).1 A notre
avis, maudire les ténèbres est parfois également important. Ainsi on
peut au moins les dévoiler, les démontrer pour qu’on sache exactement
où on allume la bougie.
Ken Bugul s’interroge : « Qui dit que c’est seulement chez nous qu’il y
a de la souffrance ? Qu’attendons-nous donc pour aller -si on nous
donne le visa- enquêter sur place, interroger leurs femmes sur leur
misère bien plus affreuse que la notre et celle de nos villageoises ?
D’ailleurs pourquoi se donner cette peine ? Il suffit de marcher dans
certains quartiers de ces grandes capitales de là-bas, pour voir cette
misère qui frappe les femmes, de l’âge d’enfant au troisième âge.
Faites un tour dans les ménages et vous verrez la violence qui y règne,
faites un tour dans les centres psychiatriques et parlez aux femmes qui
s’y trouvent, allez dans les maisons de retraite et parlez à ces femmes
1
Julienne Zanga, sisyphe.org/article.php3?id_article=332
du troisième âge abandonnées. Allez au bistrot et voyez le nombre de
femmes alcooliques et solitaires ! On se plaignait du chômage des
femmes là-bas et on nous reprochait ici de trop travailler […] elles
travaillent, gagnent de l’argent et parfois plus de liberté que les
hommes et vous voulez leur parler d’égalité… » (Ken Bugul,
1999 :186-187).
1
fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale
Beaucoup de crimes sont liés à la séparation, comme mourir sous les
coups, chaque trois jours une femme meurt sous les coups du mari. Il y
a celles qui se suicident après l’acte de violence. Beaucoup
d’homicides sont commis sous l’emprise de l’alcool ou de produits
stupéfiants. Donc, il existe maintenant des foyers pour les femmes
battues dont le premier ″Flora Tristan″ qui est crée en 1977 à Clichy1.
1
http://fr.wikipedia.org/wiki/Quatrième_conférence_mondiale_sur_les_femmes
ne jouit d’aucun droit juridique même si elle a des enfants. Kembe
Milolo atteste : « La femme moderne souhaite que les structures
actuelles de la société abolissent la polygamie. Mais ce serait folie de
la détruire, aussi longtemps que l’on n’est pas en mesure d’y substituer
une organisation meilleure ». Elle continue : « La suppression du
système polygamique crée d’autres problèmes plus complexes, au
niveau de la stabilité et de la sécurité sociale de la femme » (Kembe
Milolo, 1985 : 190).
1
Roger Bastide, http://www.innovation-democratique.org/…
est qu’il s’y pratique belle et bien, sans entraîner aucune
responsabilité » (Seyyed Moujtaba Moussavi, 1993 : 242).
Même Loli dans La grève des bàttu d’Aminata Sow Fall montre une
grande révolte contre l’action polygamique de son mari, mais cette
révolte est avortée par ses parents qui interviennent et elle n’ose pas à
les mécontenter.
D’autre part, on peut observer que les hommes sont plutôt favorables à
la polygamie. Ils sont potentiellement polygames. Ayant un niveau
élevé d’instruction, les hommes africains ont le même risque de
devenir polygames que les analphabètes. L’influence du milieu est
évidente sur les enfants des polygames qui auraient eux-mêmes la
possibilité d’être polygames à leur tour.
MURSSI, K. A., 1989, Cheikh Hamidu Kane al- tagriba al- rhamida :
ao al-tiar al-islami fi al-adab al-sénigali, (Cheikh Hamidu Kane ou Le
courant islamique dans la littérature sénégalaise) Dar al-Kutub al-
Watanya, Sabha.
Romans
BEYALA, C., C’est le soleil qui m’a brulée, Stock, 1987, Paris.
MARAN, R., 1920, Batouala, Editons Allbin Michel S.A, 1938, Paris
SOW FAL, A., 1979, La grève des bàttu, Edition N. E. A., Paris.
Articles
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Une si longue lettre, (Interviews) Amina, pp.1-6.
Sites d’internet
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http://afriquedusud.blog.lemonde.fr/2010/01/05/jacob-zuma-se-marie-
pour-la…cinquième fois/
http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/01/19/russie-prime-a-la-
naissance-et-polygamie
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Monogamie
www.ledevoir.com/.../l-entrevue-la-monogamie-plus-pratique
www.psychoressources.com/.../acceptation.htmlfr.wikipedia.org/.../Rel
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http://www.bladi.net/forum/17932-polygamie-permise-islam/
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fr.wikipedia.org/.../Pacte_civil_de_solidarité
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www.ledevoir.com/.../l-entrevue-la-monogamie-plus-pratique
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lavertat.free.fr/Docs/polygamie.pdf
http://www.refer.sn/ethiopiques:article.php3?id_article=1330&artsuite
=4
http:/etudesafricaines.revues.org/document6075.html
http://www.lobservateur.sn/.
Table des matières
Dédicace i
Remerciements ii
Résumé en arabe v
Abstract vii
Introduction 1
Présentation de la problématique 7
1.5.2. Mariama Bâ 20
2.1. La polygamie 48
2.1.6.2. Le Judaïsme 56
2.1.6.3. Le Christianisme 56
2.1.6.4. L’Islam 57
2.2. La monogamie 67
Commentaires 223
Conclusion 248
Bibliographie 251