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Cours LMD de Droit International Privé / 2021-2022 - M 1.

Campus de Yaoundé et de Bertoua


Pr Atangana-Malongue _ Pr Banamba

Cours de Droit International


Privé 1 (Théorie générale)
Master 1

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Plan du cours
Introduction générale
I- L’objet du DIP
II- Le domaine du DI
III- Les sources du DIP
A- Les sources nationales
1- L’apport limité de la loi
2- L’apport prédominant de la jurisprudence
3- L’influence considérable de la doctrine
B- Les sources supranationales
1- Les Traités
2- La coutume internationale
3- Les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye et de la Cour commune de
justice et d’arbitrage (CCJA)
Première partie- Les conflits de lois
Titre 1- La méthode conflictuelle classique de détermination du droit applicable
Chapitre 1- Présentation de la règle de conflit
Section 1- La structure de la règle de conflit bilatérale
Section 2- Les caractères de la règle de conflit
Paragraphe 1- Le caractère indirect
Paragraphe 2- Le caractère neutre ou abstrait
Paragraphe 3- Le caractère bilatéral de la règle de conflit
Section 3- Les principales règles de conflit
Paragraphe 1- Les règles de conflit d’origine légale
A- Le statut personnel
B- Le statut réel
Paragraphe 2- Les règles de conflit d’origine jurisprudentielle
A- Les actes juridiques et les faits juridiques
1- Les faits juridiques
2- Les actes juridiques
B- Le droit patrimonial de la famille
1- Les régimes matrimoniaux
2- Les successions
Chapitre 2- Les étapes du règlement du conflit de lois
Section 1- La qualification
Paragraphe 1- Le problème de la qualification
A- Les exemples en jurisprudence
B- Notion de qualification
Paragraphe 2- La solution du conflit de qualification
A- Le principe de la qualification selon la lex fori
B- La contestation de la qualification lege fori
C- L’intervention des traités internationaux
Paragraphe 3- Le choix de la catégorie interne
A- Les grandes catégories
B- Les problèmes liés au choix de la catégorie
Section 2- Le rattachement
Paragraphe 1- Le changement de la règle de conflit du for
Paragraphe 2- Le conflit de rattachement ou le conflit entre les règles de conflit (le renvoi)

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A- Notion de renvoi
B- Le renvoi en droit positif
1- L’admission du renvoi en jurisprudence
2- Les restrictions au domaine du renvoi
a) Exclusion du renvoi en raison de la matière
b) Exclusion du renvoi en raison de la nature de la règle de conflit
Paragraphe 3- L’évolution du rattachement (problème du conflit mobile)
A- Notion de conflit mobile
B- Solution du conflit mobile
1- L’application de la théorie des droits acquis
2- L’application des règles du droit transitoire interne
3- L’interprétation propre à chaque règle de conflit
Chapitre 3- La mise en œuvre de la règle de conflit
Section 1- L’application de la règle de conflit
Paragraphe 1- Le statut procédural de la règle de conflit
A- L’autorité de la règle de conflit de lois à l’égard du juge
1- Une autorité relative d’appliquer la règle de conflit
2- Un régime procédural admettant des tempéraments
B- L’autorité des règles de conflit de lois à l’égard des parties
Paragraphe 2- La réalisation de la règle de conflit
C- La connaissance du contenu de la loi étrangère
1- La charge de la preuve de la loi étrangère
2- Les modes d’établissement de la loi étrangère
D- L’interprétation de la loi étrangère
1- Le pouvoir d’interprétation souverain des juges de fond
2- Le contrôle de dénaturation de la loi étrangère
Section 2- L’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit
Paragraphe 1- L’ordre public
A- Le contenu de l’ordre public en DIP
1- La notion d’ordre public international
2- Les caractères de l’ordre public international
B- Les conditions de mise en œuvre de l’exception d’ordre public
C- Les effets de l’intervention de l’ordre public
Paragraphe 2- La fraude à la loi
A- Les éléments de la fraude à la loi
1- L’élément matériel : l’utilisation volontaire des règles de conflit
2- L’élément moral : l’intention frauduleuse
B- La sanction de la fraude à la loi
Titre 2 – La méthode directe ou méthode des règles substantielles
Chapitre 1- Une méthode empruntant à la méthode conflictuelle classique : la loi de police
Section 1- La définition des lois de police
Paragraphe 1-La notion de lois de police
Paragraphe 2- Distinction avec les notions voisines
A- Distinction entre lois de police, ordre public en DIP et ordre public interne
B- Distinction entre lois de police, lois d’application territoriale et lois d’application immédiate
C- Distinction entre lois de police et règles de conflit
Section 2- Le particularisme des lois de police
Chapitre 2- Les méthodes des règles matérielles
Section 1- La définition de la loi matérielle
Section 2- Les sources des règles matérielles

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Paragraphe 1- Les sources nationales


Paragraphe 2- Les règles matérielles d’origine internationale
A- Les règles matérielles contenues dans les traités
B- Les règles matérielles issues de l’arbitrage et du droit spontané
C-

Seconde partie- Les conflits de juridictions


Titre 1- La compétence judiciaire internationale
Chapitre 1- Les règles de compétence judiciaire internationale
Section 1- Les règles ordinaires de compétence
Paragraphe 1- L’abandon du principe d’incompétence des juridictions camerounaises dans les litiges entre
étrangers
Paragraphe 2- L’extension des règles de compétence territoriale interne
Section 2- Les règles inscrites dans les articles 14 et 15 du code civil
Paragraphe 1- Le domaine d’application
Paragraphe 2- Portée des article 14 et 15 du Code civil
Chapitre 2- Le régime de la compétence judiciaire internationale
Section 1- Les clauses dérogatoires aux règles de compétence internationale
Paragraphe 1- Les clauses attributives de juridiction (l’élection de for)
Paragraphe 2- Les conventions d’arbitrage
Section 2- Les conditions de mise en œuvre de l’incompétence des tribunaux
Section 3- Les conflits de procédures
Paragraphe 1- La litispendance
Paragraphe 2- La connexité
Titre 2- Les effets internationaux des jugements étrangers
Chapitre 1- Décisions susceptibles d’exequatur
Chapitre 2- Pouvoirs du juge et les conditions de l’exequatur
Chapitre 3- Procédure et effets de l’exequatur

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Bibliographie Sélective

OUVRAGES
ANOUKAHA (F) (Sous la direction), Les grandes décisions de la jurisprudence civile camerounaise,
Coll. Les Grandes Décisions, Yaoundé, LERDA, 2008.
AUDIT (B.), Droit international privé, 5ème éd., Economica, 2008.
AUDIT (B.) & D’AVOUT (L.), Droit international privé, Economica, 7 éd. refondue, 2013.
BATIFFOL (H.) & LAGARDE (P.), Droit international privé, Tome II, Paris, LGDJ, 1983.
BOULANGER (F.)
*Droit international des successions. Nouvelles approches comparatives et jurisprudentielles,
Economica, 2004.
*Les successions internationales : problèmes contemporains, Economica, 1981.
BOUREL (P.), Les conflits de lois en matière d’obligations extracontractuelle, Préface d’Yvon
Loussouarn, 1961.
BUREAU (D.) & MUIR-WATT (H.),
*Droit international privé, Tome I, PUF coll., Thémis 2007.
*Droit international privé, Tome II, PUF coll., Thémis 2007.
CLAVEL (S), Droit international privé, HyperCours, Dalloz, 2009.
GAUDEMET-TALLON (H.), Compétence et exécution des jugements en Europe (Règlement n°
44/2001 Convention de Bruxelles et de Lugano), LGDJ, 3ème éd., 2002.
LOUSSOUARN (Y.), BOUREL (P.) & DE VAREILLES-SOMMIÈRES (P.), Droit international
privé, Dalloz, 10ème éd., 2013.
MAYER (P.) & HEUZE (V.), Droit international privé, Domat-Montchrestien, 9ème éd. 2007.
MEYER (P.), Droit de l’arbitrage, Collection Juriscope, Droit uniforme africain, Bruylant, 2002.
MONéGER (F), Droit international privé, Objectif droit, 5e éd. Litec, 2009.
NIBOYET (M.-L.) & DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE (G.), Droit international privé, LGDJ,
2011.
FULCHIRON (H.), NOURISSAT (C.) (dir.), Travaux dirigés de droit international privé : cas
pratiques, commentaires d’arrêts, commentaires de textes, dissertations, notes de synthèse, Paris,
Litec, 3e éd., 2007.
COURBE (P.), Droit international privé, Paris, A. Colin, 2007.
DERUPPE (J.), LABORDE (J.-P.), Droit international privé. Mémento Dalloz, Paris, 16e éd., 2008.
GUTMANN (D.), Droit international privé, Paris, Cours Dalloz, 5e éd., 2007.
VIGNAL (T), Droit international privé, Armand Colin, 2005.

THESES
BAHOKEN (V-L), La méthode bilatérale de règlement des conflits de lois à l’épreuve des droits
fondamentaux, Thèse pour le doctorat de l’Université, Toulouse1, 2009
BANAMBA (B.), Les conflits de droits et de lois dans le système juridique camerounais (Droit des
personnes et de la famille), Thèse mult., Paris II, 1993.
DJUIDJE (B.), Pluralisme législatif camerounais et droit international privé, Université de Paris X
Nanterre, 1999.
FANSI (P-M), Le mariage mixte à caractère international dans l’avant-projet camerounais de code
des personnes et de la famille, Thèse, Université de Yaoundé 2, 2012.
LEVOA AWONA (S-P), Les compétences juridictionnelles dans l’espace OHADA et l’espace
CEMAC, Thèse, Université de Yaoundé 2
NGONO (V-C), La circulation des titres exécutoires dans l’espace OHADA, Thèse, Université de
Ngaoundéré, 2015.
NGOUMTSA-ANOU (G.), Droit OHADA et conflits de lois, Thèse mult., en cotutelle, Université
Lyon III & Université Yaoundé II, 2009.

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OMBGA MBARGA (A-B), Le domaine du renvoi en droit international privé : contribution à la


délimitation du champ d’application du renvoi, Thèse, Université de Yaoundé 2
TJOUEN (A-D), Les rapports entre les juridictions suprêmes nationales et la cour Commune de
justice et d’Arbitrage de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires
(OHADA), Thèse, Université de Paris II, 2006.

ARTICLES
AMOUSSOU-GUENOU (R.),
*L’état du droit de l’arbitrage interne et international en Afrique avant l’adoption des instruments
de l’OHADA in, L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique, Bruxelles, Bruylant,
2000, p. 17 ss.
*L’Afrique, la mondialisation et l’arbitrage international, Petites Affiches, 7 décembre 1998, n° 146,
p. 8.
ANCEL (J.-P.), Le contrôle de la sentence, in, L’OHADA et les perspectives de l’arbitrage en Afrique,
Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 191 et s.
ASSEPO-ASSI (E.), L’ordre public international dans l’Acte uniforme de l’OHADA relatif à
l’arbitrage, Rev. arb. 2007, p. 760 ss.
BANAMBA (B.),
* Regard nouveau sur un texte déjà trentenaire : le cas du décret du 19 décembre 1969 portant
organisation et fonctionnement des juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun oriental, RASJ,
p. 102
*Les conflits de juridictions dans l’espace OHADA », Revue Lamy. Droit Civil, Supp., Décembre
2016. P.57 et s.
BOUCKAERT (F.), Les règles de conflit de lois en Afrique noire, Penant 1967, p. 1 ss.
BOULANGER (F.), Essai comparatif sur la notion de statut personnel dans les relations
internationales des pays d’Afrique noire, RCDIP 1982, pp. 647-668.
BOUREL (P.),
*Le nouveau droit international privé sénégalais de la famille, RSD 1973, pp. 5- 30.
*Réalités et perspectives du droit international privé de l’Afrique noire francophone dans le
domaine des conflits de lois, JDI 1975, pp. 17-44.
*La conjonction du droit africain et du droit européen dans le droit des conflits de lois en Afrique
noire francophone, Annales Africaines 1968, p. 53 ss.
*Sommaires des décisions rendues en matière de conflit de lois et de juridictions (1960- 1971) en
Afrique noire francophone, Annales Africaines, 1971-1972, pp. 139-165.
BOUREL (P.) & FOUCHARD (Ph.), Chronique de jurisprudence africaine, JDI 1972, pp. 317-371 &
861-891.
BOYE (A.E.-K.), Le statut personnel dans le droit international privé des pays africains au sud du
Sahara. Conceptions et solutions des conflits de lois. Le poids de la tradition négro-africaine
personnaliste, RCADI, tome 238, 1993, pp. 247-358.
DE VAREILLES-SOMMIERES (P.), La polygamie dans les pays d’Afrique subsaharienne
anciennement sous administration française (aspects juridiques comparatifs et internationaux),
Rev. Eur. des Migrations internationales, 1993, pp. 143-159.
DEWEDI (E.), L’incursion du principe de proximité dans les nouvelles règles de conflit en Afrique
noire francophone, Revue Béninoise des Sciences Juridiques et Administratives, 2009, p.105 ss.
DIALLO (I.-K.), Étude de l’acte uniforme relatif au contrat de transport de marchandises par routes,
OHADATA D-05-08.
DIENG (A.), La vente commerciale OHADA à l’épreuve du commerce international, OHADATA D-
11-54.
DIOUF (A.-A.), L’article 571 du Code de la famille, les successions musulmanes et le système
juridique sénégalais, Annales Africaines, 2013, pp. 241-289.
DOUMBE-BILLE (S.), À propos de la nature de l’OHADA, Mélanges en l’honneur du Professeur
Madjid BENCHIKH, éd. Pédone, Paris, 2011, p. 427 ss.

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FENEON (A.), L’influence de la CVIM sur le nouveau droit africain de la vente commerciale, Penant
853, p. 465 ss.
FOYER (J.), Problèmes de droit international privé dans les relations entre la France et les
nouveaux États africains d’expression française, TCFDIP 1963, p. 139 ss.
FRANCESCAKIS (Ph.),
*Le droit international privé dans le monde postcolonial. Le cas de l’Afrique noire, Clunet, 1973, p.
46 ss.
*Problèmes de droit international privé en Afrique noire indépendante, RCADI, tome 112, 1964, p.
269 ss.
GBAGUIDI (N.), L’émergence d’un droit international privé de la famille en Afrique noire
francophone : cas du Bénin et du Burkina-Faso, Revue béninoise des sciences juridiques et
administratives, 2011, p. 5 ss.
GOMEZ (J.-R.), Un nouveau droit de la vente commerciale, Penant 827, p. 146 ss.
IDOT (L.),
*Chronique de jurisprudence de Côte d’ivoire, JDI 1991, pp. 1009-1041.
*Éléments de droit international privé africain. L’exemple de la Côte-d’Ivoire, Revue Juridique
Africaine, 1990, n°1, pp. 7-35. Juris-classeur, Droit comparé, 1987, v° Côte d’ivoire.
KOUASSIGAN, Des conflits interpersonnels et internationaux de lois et de leurs incidences sur la
forme du mariage en Afrique noire francophone. Réflexions à partir de l’expérience sénégalaise,
RCDIP, 1978, p. 646 ss.
LACASSE (N.) & PUTZEYS (J.), L'acte uniforme de l’OHADA relatif aux contrats de transport de
marchandises par route, OHADATA D-04-06.
LAGARDE (P.), Le principe de proximité dans le droit international privé contemporain, RCADI,
Tome 196, 1986, pp. 9-237.
LAMPUÉ (P.),
*Les conflits de lois d’ordre international en Afrique francophone, communication au colloque de
Vevey, Penant 1972, pp. 445-472.
*Les conflits de lois interrégionaux et interpersonnels dans le système juridique français
(Métropolitain et d’Outre-mer), RCDIP 1954, pp. 254-324.
MBAYE (A.), L’influence des principes du droit communautaire sur l’application des lois étrangères,
Annales Africaines, 2007, p. 121 ss.
MBAYE (M.-N.), Le transfert intracommunautaire du siège social dans l’espace OHADA, Penant n°
857, p. 416 ss.
MELIN (F.), L’OHADA et le droit de la faillite internationale, D. 2005, p. 1570 ss.
MEYER (P.),
*L’intervention des juridictions nationales et de la Cour commune : une meilleure articulation est-
elle possible ?, OHADATA D-10-04.
*La sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, OHADATA D-06-50.
*La structure dualiste du droit au Burkina : problèmes et perspectives, Penant, 1986, pp. 77-89.
MODI-KOKO-BEBEY (H-D.), Le tribunal compétent pour l’ouverture des procédures collectives
du droit uniforme OHADA, disponible sur www.ohada.com.
NGOUMTSA-ANOU (G.), Encyclopédie du droit OHADA, Paul-Gérard POUGOUE (dir.), Lamy
2011, v° Actes uniformes et conflits de lois, p. 174 ss.,
POUGOUÉ (P.-G.) & NGOUMTSA-ANOU (G.), L’applicabilité spatiale du nouveau droit OHADA
de la vente commerciale et le droit international privé : une réforme inachevée, Mélanges en l’honneur
du Professeur Jean-Michel JACQUET, Lexis Nexis, 2013, pp. 541-560.
SAWADOGO (F.-M.), L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public dans l’espace
OHADA (À propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005, affaire Azabliévi YOVO et autres contre
TOGO TELECOM), OHADATA D-11-43.
VANDERLINDEN (J.), Afrique noire anglophone-Chronique de jurisprudence africaine, JDI, 1975,
pp. 120-150.

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Instruments juridiques pertinents


 Code civil camerounais et Jurisprudence camerounaise
 Traité de l’OHADA et les différentes Uniformes et Jurisprudence de la CCJA
 Les grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, Dalloz, 2006.
 Recueil des Cours de l’Académie de la Haye de Droit International (RCADI)
 Conventions internationales (Convention de Rome, Convention de Vienne, etc..)
 Avant-projet de Code des personnes et de la famille (APCPF)
 De nombreux articles sont publiés principalement dans les revues spécialisées de droit international
privé ou de droit comparé :
 Journal du droit international (JDI ou Clunet), Revue trimestrielle,
 Revue critique de droit international privé (RCDIP)), revue trimestrielle
 Revue Internationale de droit comparé (RIDC)
 Les revues générales du droit contiennent souvent aussi des analyses doctrinales portant sur le droit
international privé : Le Dalloz ; La Semaine Juridique, édition générale (J.C.P.), hebdomadaires ;
Annales Africaines, Revue Penant (encore appelée Recueil Penant)…

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Introduction générale

Le développement d’un droit propre aux relations privées internationales est apparu comme une
nécessité dès lors que malgré la division du monde en Etats, aucun peuple ne peut vivre en
autarcie. La curiosité, la satisfaction des besoins de la vie, la recherche du profit, les nécessités
du commerce ont fait naître des échanges inévitables entre les peuples. Cette vie internationale
justifie la création d’une branche de droit capable de résoudre les difficultés techniques suscitées.

Le DIP désigne l’ensemble des règles juridiques applicables aux personnes privées impliquées
dans les relations internationales. C’est le droit qui permet de régler la question des relations
internationales entre personnes privées.

Exemple : un Camerounais, domicilié au Cameroun, est en vacances à Paris. Au volant de sa


voiture, il heurte le véhicule d’un américain également en vacances en France. Par la suite, le
Camerounais saisit les tribunaux camerounais d’une demande en indemnisation contre
l’Américain. Ce dernier fait la même chose aux USA.

Doit-on appliquer le droit camerounais à cette affaire ? La loi américaine est-elle compétente ?
La loi française peut-elle s’appliquer ? Il y a donc plusieurs lois en concurrence. Il faut résoudre
ce conflit de lois, c’est le cœur de la matière du droit international privé.

Le DIP confronte l’étudiant avec les problèmes soulevés par « la diversité spatiale du droit » (P.
Meyer, DIP burkinabé, Presses africaines, 2010). En réalité, le DIP est une discipline qui recèle de
nombreuses difficultés à la fois du point de vue de son objet, de ses méthodes et de ses fonctions.
Ces difficultés s’expliquent en partie par l’absence de « points de repères » législatifs précis
même si l’on observe ces dix dernières années un mouvement de codification du DIP dans
différents Etats (lire A. Ferrer-Correla, « Les problèmes de codification en DIP, RCADI, t. 145, pp. 57-
203 ; E. Vassilakakis, Orientations méthodologiques dans les codifications récentes du DIP en Europe,
LGDJ 1987).

On présentera son objet (I), son domaine (II), ses sources (III) et ses méthodes (IV).

Introduction générale
I/ L’objet du DIP
Le DIP a pour objet les rapports de droit international et spécifiquement les relations entre personnes
privées.
Le caractère international du DIP. Cette discipline ne s’intéresse qu’aux relations internationales. La
spécificité du DIP réside dans son caractère hétérogène, mixte ; il a des liens avec plusieurs systèmes
juridiques. Le DIP permet d’apporter une réponse aux litiges présentant un élément d’extranéité qui peut
être la nationalité des intéressés, le domicile d’une personne, le lieu d’exécution ou de conclusion d’un
contrat, le lieu du fait générateur d’un dommage, le lieu de situation d’un bien. Ces éléments varient en
fonction de la nature de la question posée. Dans tous les cas, pour qu’une relation privée soit
internationale, il faut qu’elle ait des points de contact sérieux avec au moins 2 ordres juridiques
différents : le rapport de DIP est un rapport de droit attaché à plusieurs Etats. Ainsi, la situation
juridique qui comporte un élément d’extranéité est celle qui met en jeu plusieurs législations nationales.
L’application du DIP aux personnes privées. Les relations, objet du DIP, sont des rapports privés.
En effet, le DIP régit non pas les rapports entre les Etats ou sujets de droit international (ce qui
relève du droit international public), mais des rapports transfrontaliers de droit privé c’est-à-dire
impliquant des particuliers.

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A ce niveau deux précisions s’imposent.


D’une part, du point de vue interne, il existe dans certains pays des conflits internes nés de
relations mixtes i.e. qui se rattachent à plusieurs droits internes. C’est l’exemple du Cameroun.
En effet, le droit international privé camerounais est complexifié par l’existence en droit interne
d’une pluralité de droits susceptibles de donner lieu à des conflits, mettant en jeu deux formes de
dualisme. La première forme, appelée conflits interpersonnels, oppose le droit coutumier au droit
moderne. La seconde, qualifiée de conflits interterritoriaux, oppose le système de la Common
Law en vigueur dans la région anglophone du Cameroun et le système civiliste de la région
francophone. Les conflits internes sont considérés comme des ‘’faux conflits’’. Pourtant cette
complexité du système juridique camerounais doit être prise en compte parce qu’elle rend
délicate la résolution des litiges internationaux (lire : B. Banamba, Les conflits de droits et de lois
dans le système juridique camerounais, Thèse Paris, 1993, p. 94 ; B. Djuidje, Pluralisme législatif
camerounais et droit international privé, L’Harmattan, 1999, p. 5. E. Mbah, “The conflict of laws
dilemma: divorce in the conflict of laws in Cameroon”, Juridis Périodique, 2000, p. 65; B. Banamba,
Regard nouveau sur un texte déjà trentenaire : le cas du décret du 19 décembre 1969 portant organisation
et fonctionnement des juridictions traditionnelles de l’ex-Cameroun oriental, RASJ, p. 102). En effet,
lorsque la règle de conflit désigne la loi camerounaise, se pose la question de savoir laquelle des
lois camerounaises doit être considérée comme lex fori. A l’évidence, et en l’état actuel du droit
camerounais, une solution satisfaisante des conflits internationaux dépend en grande partie de
celle des conflits internes.

D’autre part, s’agissant des relations internationales, le juge saisi peut appliquer soit sa loi, soit la
loi étrangère. Et cette possibilité n’est admise que pour les rapports de droit privé entendus dans
un sens étroit, qui concernent les personnes privées physiques ou morales. Le DIP s’applique à
l’ensemble des rapports privés internationaux (ex : mariages, liens de filiation, etc…), ainsi que
la responsabilité dans les rapports internationaux, tout comme le droit des biens, le droit des
contrats internationaux, les successions internationales, etc… D’où l’exclusion du champ du DIP
des situations administratives, fiscales ou pénales. Ici on considère que chaque Etat a une
compétence exclusive pour fixer le champ d’application dans l’espace de ses lois.

II/ Le domaine du DIP


Il s’agit de savoir quelles sont les différentes questions qui sont abordées dans cette discipline.
Pour mieux cerner le domaine du DIP, il faut partir des différents types de problèmes qui
intéressent la discipline et qui constituent autant de matières qui peuvent entrer dans le champ
d’application du DIP :

Il s’agit de savoir quelles sont les différentes questions qui sont abordées dans la discipline du
Dip. Pour mieux comprendre son objet, il faut recourir à un exemple classique tiré de la
jurisprudence. C’est l’affaire Patino ((Civ., 15 mai 1963, GAJDIP, n°38-39)

PATINO est un bolivien qui épouse à Madrid une espagnole. Celle-ci devient bolivienne par le
mariage. Le couple vit d’abord en France puis aux USA. En 1946, le mari demande le divorce
devant les tribunaux français. Il est débouté en application de la loi espagnole et de la loi
bolivienne, qui à cette époque interdisait le divorce et la séparation.

Le mari se rend ensuite au Mexique où il demande le divorce à nouveau et l’obtient à son profit
en 1958 En application de la loi mexicaine qui elle, admet le divorce.

Au même moment, la femme de son côté saisit les tribunaux français où elle demande la
séparation de corps qu’elle obtient en application de la loi française, le juge ayant écarté au nom

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de l’ordre public français les lois espagnole et bolivienne qui n’acceptaient ni le divorce ni la
séparation de corps. C’est à l’occasion du procès devant les tribunaux français que l’affaire
PATINO nous préoccupe et va donner lieu à un ensemble de questions qui formeront par la suite
l’objet du Dip. Les préoccupations du Dip qu’on retrouve dans l’affaire PATINO sont au nombre
de 04.
Le premier problème posé est de savoir en présence d’une relation privée internationale, au droit
de quel pays faut-il soumettre le litige ? En d’autres termes, quel est le droit applicable à un litige
de droit international privé ? A quelle loi était soumise la séparation de corps demandée par la
femme, la loi espagnole et française qui admettaient la séparation de corps ou la loi bolivienne
qui l’interdisait. Autre exemple, quelle est la loi applicable à un mariage entre un Grec orthodoxe
et une Gabonaise ?
Plusieurs lois viennent en concours et chacune de ces lois a vocation à s’appliquer, mais le juge
ne peut appliquer qu’une seule loi. Choisir la loi applicable, ou déterminer la loi compétente,
c’est résoudre un conflit de lois. On voit apparaitre la première préoccupation du Dip qui est de
résoudre un conflit de lois. Le conflit de lois suppose qu’en principe, au moins deux lois
revendiquent leur compétence pour résoudre un rapport litigieux, et le juge saisi doit désigner la
loi applicable au moyen d’une règle de conflit ou règle de rattachement.
Le deuxième problème revêt deux aspects : d’une part, quel tribunal est compétent pour
connaître d’un litige présentant des attaches avec deux pays au moins ? (Par exemple, quel est le
tribunal compétent pour connaître d’un accident de circulation survenu au Cameroun entre deux
Gabonais). C’est la question de la compétence internationale des juridictions nationales. D’autre
part quelle valeur faut-il reconnaître aux décisions rendues par les juridictions étrangères ? C’est
la question de l’effet des jugements étrangers : les deux questions forment le problème du conflit
de juridictions.
Les autres préoccupations du Dip concernent la nécessité de fixer les règles relatives à la
nationalité (conditions d’acquisition, de perte, etc.) et celle de déterminer les règles relatives à la
condition des étrangers (statut juridique des étrangers au Cameroun : entrée, séjour, activités
professionnelles, droits et obligations).
En réalité, le domaine du DIP dépend de la conception retenue par le système juridique concerné.
En effet, le DIP peut faire l’objet de conceptions diverses. Il y une conception restrictive qui
limite le DIP aux seuls conflits (conflits de lois et conflits de juridictions). Il y aussi une
conception extensive qui y fait entrer quatre matières (conflits de lois, les conflits de juridictions,
la nationalité et la condition des étrangers. La plupart des pays notamment anglo-saxons, ont
encore une conception très restrictive de la matière qu’elle limite au droit des conflits. Au fond,
en DIP camerounais, deux grandes questions préoccupent l’internationaliste et guident son
raisonnement juridique, le conflit de lois et le conflit de juridictions.

III/ Les sources du DIP


Le DIP se démarque des autres branches du droit par un véritable paradoxe. En effet, l’adjectif
« international » pourrait laisser penser que ses sources sont essentiellement internationales.
Pourtant le DIP s’est longtemps manifesté par la relative pauvreté de ses sources internationales
même si cette affirmation doit de nos jours être relativisée : les sources internationales et
communautaires du DIP prennent une place grandissante, de sorte que certains parlent de
« internationalisation du DIP» ou de « communautarisation du DIP » (Jean Derruppé et Jean-
Pierre Laborde, 2008, p. 4).

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En réalité, si le DIP a un objet international, ses sources demeurent mixtes c’est-à-dire internes et
internationales. Concrètement, le DIP consacre à la fois les sources internes (A) et les sources
internationales (B) qui entretiennent des rapports (C).

A/ Les sources nationales

Ce sont, dans chaque pays, les sources ordinaires du droit : la loi, la coutume, la jurisprudence, la
doctrine. Leur importance est variable selon les matières et les pays. Au Cameroun, la
jurisprudence a, bien plus que la loi, contribué à l’élaboration du DIP. Mais, la doctrine, bien
plus que dans toutes les autres branches du droit, joue de manière importante la fonction de
« source de droit ». La particularité de cette discipline est d’être, au Cameroun contrairement à
certains pays africains (Gabon, Bénin, Sénégal, Burkina Faso, etc.), très peu codifié. Le Code
civil applicable au Cameroun ne proposant que quelques dispositions.

1- L’apport limité de la loi


Considérée par les juristes de tradition latine comme la source principale du droit, la loi n’a pas
la même importance en DIP. Si son rôle est central en ce qui concerne la nationalité, le droit des
étrangers, il est plutôt secondaire en matière de conflit de lois et de juridictions notamment au
Cameroun. Le seul texte de loi en matière de conflit de lois est l’article 3 du code civil qui se
borne à indiquer les grandes lignes du règlement des conflits de lois à propos du statut réel et du
statut personnel et qui consacre une disposition relative aux règles de police.
La nécessité de codifier le DIP camerounais s’impose. L’Avant-projet de code camerounais des
personnes et de la famille s’y attèle (art. 10 à 33, APCPF).
En matière de conflit de juridictions, là encore les textes du code civil sont rares (art. 14 et 15 sur
la compétence des juges camerounais en présence d’une situation internationale (art. 34 à 39,
APCPF). L’article 14 reconnait au Camerounais le privilège de poursuivre un étranger avec qui il
a contracté devant les tribunaux camerounais, alors que l’article oblige l’étranger à poursuivre le
Camerounais devant les tribunaux camerounais pour des litiges d’ordre contractuel (véritable
privilège de juridiction reconnu aux Camerounais).
Toujours en matière de conflit de juridictions, on peut citer la loi n°2007/001 du 19 avril 2007,
instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution au
Cameroun des décisions judiciaires étrangères ainsi que les sentences arbitrales étrangères

2- L’apport prédominant de la jurisprudence


La jurisprudence a constitué la source majeure du DIP. C’est à elle que l’on doit la plus grande
partie des règles de DIP (à partir du seul art. 3 du c. civ.), le législateur n’étant pas encore
intervenu en droit camerounais. Il s’agit surtout en cette matière des décisions des tribunaux
judiciaires. Il est certes vrai que les juridictions administratives ont joué également un rôle dans
la construction du droit de la nationalité et de la condition des étrangers.

C’est en usant de son pouvoir d’interprétation et en assumant son obligation de juger malgré
l’absence de texte que la JP a créé l’essentiel des règles applicables en DIP. Il faut dire que cette
œuvre jurisprudentielle a été facilitée par une activité doctrinale importante.

3- L’influence considérable de la doctrine


La doctrine a pris une importance capitale dans la construction du dip du fait de la carence
législative. En effet, le DIP résulte d’abord d’une construction doctrinale, puis jurisprudentielle.

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Son influence est grande surtout dans le droit des conflits où les textes ont été peu nombreux. Le
dip s’est construit grâce aux diverses tendances qui l’ont dominé :

- La doctrine territorialiste : Elle insiste sur l’application systématique de la loi du for, la loi du
juge saisi, aux rapports internationaux privés. En France cette doctrine est portée par
DUMOULIN (1500-1566). A propos des époux Ganey qui avaient des biens dans plusieurs lieux,
il se prononça pour l’application d’une seule loi à l’ensemble de leurs biens, en l’occurrence la
coutume de Paris, Paris étant le lieu où les époux habitaient au moment de leur mariage, l’on
pouvait considérer qu’ils avaient choisi implicitement de soumettre leur régime matrimonial à
cette coutume. En fait, cette tendance doctrinale s’est accentuée au moment des hostilités liées
aux guerres mondiales, c’est-à-dire au moment où les Etats étaient jaloux de leur souveraineté.
Et il était évident que chaque litige, chaque rapport juridique soumis au juge d’un pays devait se
voir appliquer, la loi du pays du juge saisi, et ne pouvait échapper à la compétence de la loi de ce
juge. La loi du juge saisi s’appelle encore «la loi du for» ou de «lex fori».
- Une phase universaliste (avec pour chef de fil l’Italien MANCINI) qui propose « la nationalité
comme fondement du droit des gens » en réaction contre le territorialisme, accusé de ne pas tenir
compte des droits des individus). L’universalisme est porté en Allemagne par SAVIGNY. Pour
cette doctrine, les lois ayant pour objet la protection des individus s’appliquent au-delà des
frontières (elles sont permanentes) tandis que celles ayant pour objet la protection de l’ordre et la
paix publics doivent s’appliquer de manière générale sur tout le territoire.
- Une phase dite moderne correspond à l’aspiration à un règlement des conflits aussi homogène
que possible d’un pays à l’autre fondé sur le droit comparé et la recherche d’une coordination
des ordres juridiques (MAURY, LEREBOURS-PIGEONNIERES et BATIFFOL). Ils ont ainsi
abandonné toute démarche aprioriste et encouragent le développement des conventions
internationales (règles matérielles)

La doctrine a inspiré plusieurs solutions jurisprudentielles. De nombreux arrêts empruntent


directement les théories doctrinales. On doit à la doctrine, l’affinement des concepts
fondamentaux tels que « l’effet atténué de l’ordre public », « la fraude à la loi » ainsi que les
réflexions sur « les conflits et qualifications » ou « le renvoi » (V. la formule de la localisation
du contrat (pour déterminer la loi applicable à défaut de choix exprès d’une loi par les parties)
employée par la Cour de cassation est empruntée au doyen BATIFFOL)

B/ Les sources supranationales


L’article 45 de la Constitution du Cameroun en constitue le fondement textuel. L’existence des
sources internationales satisfait les universalistes. On y range les traités (1), la coutume
internationale (2) et la jurisprudence internationale (3).
B/ Les sources supranationales
4- Les Traités
Après avoir exposé la notion de traité (a) on envisagera les principales difficultés que soulève la
mise en œuvre des traités (b).

a- Notion de traité
Ce sont des accords conclus entre des Etats pour résoudre des difficultés nées des divergences
entre les législations. On les classe en deux catégories : les traités bilatéraux (entre deux Etats,

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plus facile à négocier mais qui accentuent la division du droit d’où la tendance des juges à les
considérer comme des règles d’exception soumises à interprétation restrictive. Ils sont fréquents
en matière de condition des étrangers) et les traités multilatéraux (entre plusieurs Etats,
difficiles à conclure car ils visent à des règles de valeur universelle ou pouvant être acceptées par
le plus grand nombre.

L’unification qu’ils réalisent concerne soit les règles de fond (ou règles matérielles traitant
directement le fond du droit. Elle contribue ainsi au rapprochement des législations nationales et
excluent le conflit de lois : exemple, le Traité instituant une organisation et l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires OHADA de 1993 (art 10 : « les Actes uniformes sont directement
applicable et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit
interne antérieure ou postérieure » ; la Convention de Tananarive du 12 septembre 1961 sur la
coopération en matière de justice (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Côte-d’Ivoire,
Dahomey, Haute-Volta, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad) ; la Convention de Vienne du 11
avril 1981 sur les contrats de vente internationale de marchandises), soit les règles de conflit (on
citera la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,
transformée en Règlement Rome I du 17 juin 2008). Historiquement, cette unification s’est
opérée sous l’égide de la Conférence de la Haye de DIP instituée en 1893, réunis à l’initiative du
gouvernement des Pays-Bas, avec aujourd’hui 96 Etats. Elle a élaboré un grand nombre de
conventions relatives aux conflits de lois de même qu’aux conflits de juridictions ou d’autorités.

Exemples de traités
* La convention de Tananarive de 1961, de son vrai nom « Convention générale de coopération
en matière de justice » (ratifiée au Cameroun par décret nᵒ 62/115 du 09 avril 1962).
* La Convention sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des
Femmes (CEDEF) du 18 décembre 1979 (ratifiée par le Cameroun par décret n°88/983 du 15
juillet 1988).
*La convention de Vienne du 11 avril 1980 en matière de vente internationale de
marchandises ou ‟CVIM“.
* La charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin 1981
La charte africaine dans laquelle on trouve les dispositions matérielles. Exemple : Le droit à un
procès équitable.
* La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 encore
appelée Convention de New York relative aux droits des enfants.
Article 2
1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente
Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune,
indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion,
d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur
origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur
naissance ou de toute autre situation.
2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit
effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la
situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses
représentants légaux ou des membres de sa famille.
* La Charte africaine des droits et du bien-être des enfants du 11 juillet 1990
Article 1 (Obligations des Etats membres)
1. Les Etats membres de l'Organisation de l'unité africaine, parties à la présente Charte,
reconnaissent les droits, libertés et devoirs consacrés dans la présente Charte et s'engagent à

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prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à leurs procédures constitutionnelles et


aux dispositions de la présente Charte, pour adopter toutes les mesures législatives ou autres
nécessaires pour donner effet aux dispositions de la présente Charte.
* Le Traité instituant l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires
(OHADA) de 1993
* Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique (ou Protocole de Maputo) du 11 juillet
2003

b- Les difficultés suscitées par la mise en œuvre des traités


Elles sont au nombre de 03 et se trouvent dans les rapports du traité et de la loi, dans la
distinction entre traités auto-exécutoires et traités non auto-exécutoires et dans le conflit des
traités :
 Le rapport du Traité et de la loi
Le principe de la supériorité du Traité sur la loi est affirmé au Cameroun par la Constitution (art.
45, Constitution de 1972, révisé en 1996 et en 2008). D’après ces textes, les Traités et accords
internationaux régulièrement approuvés et ratifiés ont dès leur publication une autorité
supérieure à celle des lois sous réserves de réciprocité.

En ce qui concerne l’interprétation des Traités par les juges camerounais, la question est de
savoir si les tribunaux peuvent interpréter un Traité régulièrement ratifié ? Ou alors ce pouvoir
d’interprétation est-il réservé à l’exécutif qui a négocié et ratifié le traité ? En France, la Cour de
cassation et le Conseil d’état n’ont pas toujours donné la même réponse à cette question.

Les chambres civiles de la Cour de cassation ont admis la compétence des tribunaux judiciaires
pour interpréter les traités « sauf lorsque les dispositions soumises à leur interprétation mettent
en jeu les questions de droit public international ». Ainsi, lorsque le traité mettait en présence
des intérêts privés, le juge judiciaire se déclarait compétent et le cas contraire renvoi était fait au
gouvernement. Cette position est celle toujours en vigueur au Cameroun. En droit français, la
question a fait l’objet d’une évolution puisque depuis l’arrêt Banque africaine de
développement du 19 décembre 1995 (Rev. Crit. DIP 1996, p. 468, note B. Oppetit), le juge
judiciaire est apte pour interpréter les traités internationaux invoqués dans la cause soumise à son
examen sans qu’il soit nécessaire de solliciter l’avis d’une autorité non juridictionnelle. En
l’espèce, l’interprétation d’un accord portant création de la BAD.

Traditionnellement, le Conseil d’Etat estimait que l’interprétation des traités devait être
demandée au gouvernement (relevant de l’exécutif). Mais par l’arrêt Gristi du 29 juin 1990 (Rev.
Crit. DIP 1991, 61, concl. Abraham, note P. Lagarde), le Conseil d’Etat a posé que le juge
administratif le droit d’interpréter lui-même les traités internationaux sans être lié par
l’interprétation gouvernementale. En l’espèce de l’interprétation d’un accord franco-algérien en
matière de regroupement familial qui accordait ce regroupement aux enfants mineurs. Il va
même jusqu’à décider que l’Etat est tenu de réparer le préjudice résultant de la méconnaissance
d’une convention internationale (CE, 8 février 2007, arrêt Gardedieu).

Dès lors que le juge peut interpréter les traités, une autre question se pose : quelles méthodes
d’interprétation doit-il suivre ? Celle utilisée pour les lois internes ou au contraire suivre les
règles du droit international public énoncées dans les traités ? Le principe de la supériorité des
traités sur les lois invite à suivre la seconde méthode. Ce que l’on peut retenir c’est que les
sources internes sont nécessaires en DIP car il est impossible de faire totalement abstraction des

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particularismes et des intérêts nationaux ; les sources internationales sont souhaitables car elles
améliorent les relations internationales.
 Distinction entre les traités auto exécutoires et traités non auto-exécutoires

Traités auto exécutoires : il s’agit des traités dont les dispositions peuvent être immédiatement et
directement applicables par le juge des Etats qui l’ont ratifié. Le traité auto-exécutoire donne lieu
à une applicabilité directe

Traités non auto-exécutoire : c’est un traité qui édicte des principes qui doivent être transposés
dans le droit des Etats signataires par une loi ou un décret, et tant que la loi n’est pas adoptée, le
traité ne produit pas d’effet dans l’ordre juridique des Etats signataires. En conséquence un
plaideur ne peut pas demander à un juge l’application de ce traité.

Le problème est que souvent les traités ne stipulent pas expressément s’ils sont auto-exécutoires
ou non (sauf dans le cas du droit OHADA qui est fondé sur le principe de l’applicabilité directe
c’est-à-dire auto-exécutoire). On peut citer trois situations dans lesquelles un traité n’est pas
auto-exécutoire :
- lorsque le traité prévoit lui-même des mesures internes complémentaires à sa mise en œuvre ;
- lorsque l’Assemblée nationale exige une formalité interne concernant sa mise en œuvre ;
- lorsque la constitution prévoit des mécanismes internes pour sa mise en œuvre.

La Cour suprême des USA (US vs PERCHEMAN, 1833) utilise un autre critère. Elle considère
que, pour être applicables, les dispositions d’une convention internationale doivent être précises
et complètes et se suffire à elle-même. Elle considère qu’une convention présente un caractère
vague et général lorsqu’elle indique par exemple que les « Etats parties s’engagent à modifier, à
agir… veillent … respectent … reconnaissent … assurent … ». Dans ce cas, on est en présence
d’un traité non auto-exécutoire et ses dispositions ne sont pas applicables parce qu’elles ne sont
pas précises. Ex : La Charte africaine des droits et du bien-être des enfants du 11 juillet 1990
qui énonce dans son article 1 paragraphe 1 que <<les Etats membres s'engagent à prendre toutes
les mesures nécessaires, conformément à leurs procédures constitutionnelles et aux dispositions
de la présente Charte, pour adopter toutes les mesures législatives ou autres nécessaires pour
donner effet aux dispositions de la présente Charte>>.

En réalité, cette exigence des dispositions complètes et précises n’est pas absolue. En fait, le juge
ici a une grande marge de manœuvre.

Concrètement, en présence d’un traité non auto-exécutoire, le juge recherche la volonté des Etats
signataires. Les tribunaux considèrent que faute d’autre indice, le traité est auto-exécutoire. Mais
parfois, pour des raisons d’opportunité, ils vont aller à contre-courant de la volonté des Etats
signataires.

Ainsi, la cour de cassation a eu une position contradictoire sur l’applicabilité directe ou non de la
Convention de New York relative aux droits de l’enfant. Dans deux décisions différentes, elle a
dans un premier temps considéré que ce texte n’était pas directement applicable et dans un
second temps que le même texte était d’application directe.
Dans la première décision rendue en 1993, la cour de cassation affirme l’inapplicabilité directe de
la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (non auto-exécutoire). Dans cette
affaire, le demandeur invoquait l’article 12 (1 et 2) qui dispose que :
1 « Les Etats parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit
d’exprimer librement son opinion sur toute question l‘intéressant… ». et que

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2 « A cette fin, on donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans une
procédure judiciaire ou administrative ... soit directement, soit par l’intermédiaire d’un
représentant … »

Dans la deuxième décision du 14 juin 2005, la cour de cassation affirme l’applicabilité directe de
la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (auto-exécutoire). L’affaire
concernait un enlèvement d’enfant par sa mère. La cour remis l’enfant a son père américain au
nom de l’intérêt supérieur de l’enfant. Et elle a décidé que l’article 3 (1) de la convention de New
York est une disposition d’application directe.

Quelle est la position de des tribunaux camerounais ?


Selon le protocole de Maputo, les Etats s’engagent « à inscrire dans leurs constitutions et autres
instruments législatifs … le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, et en assurer
l’application effective » (Traité non auto-exécutoire). Dans le même sens, la CEDEF Convention
sur l’Elimination de toutes les Formes de Discrimination à l’Egard des Femmes). Pourtant, le
TPI de Ngaoundéré a condamné les parents d’une jeune fille de 16 ans qu’ils voulaient marier de
force à un homme déjà marié, alors que celle-ci voulait poursuivre ses études (affaire
Mohamadou Sani, jugement N°404, du 12 mai 2003). Dans tous les cas, les choses ici sont
rendues faciles, parce que le Cameroun a déjà inscrit dans sa constitution, le principe de l’égalité
entre les hommes et les femmes.
La juge dans sa décision rappelle le principe de l’article 10 CEDEF, qui prescrit le droit de la
jeune fille à l’éducation, et l’article 12 al 1er a et b, du Protocole de Maputo.
 Conflits de traités

Il arrive que des traités ratifiés par le Cameroun contiennent des dispositions contradictoires
applicables à une seule et même cause. Certaines conventions internationales prévoient une telle
difficulté. Ex : la convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles
prévoit qu’elle s’écarte devant toute convention conclue avant ou après son entrée en vigueur par
un Etat membre qui lui ferait concurrence. Mais dans la majorité des cas, rien n’est prévu. Les
tribunaux utilisent certains principes d’interprétation :

Règle de l’effet maximum : la convention appliquée en cas de conflit sera celle servant le mieux
l’intérêt des relations internationales.

Règle classique : la convention spéciale prime la convention générale.

La CEMAC et l’OHADA sont un exemple. Les conflits pouvant opposer les juridictions
communautaires et qui naissent de rapports entre des textes conventionnels concurrents résultent
bien de conflits de conventions internationales, mais n’ont pas de solution dans le droit
communautaire. La CEMAC et l’OHADA se sont doté chacune d’une juridiction chargée
d’appliquer des normes communautaires. En même temps, tous les Etats membres de la CEMAC
sont membres de l'OHADA. Or, dans leurs compétences d’attribution, les juridictions
communautaires voient leurs domaines se recouper sur certaines questions ou sur des questions
connexes. En effet, le domaine matériel de la CEMAC, et celui de l’OHADA est composé de
plusieurs matières relevant soit du droit des affaires, du droit économique ou du droit de
l’entreprise. On peut alors affirmer sans hésiter qu’il y a potentiellement des hypothèses de
confrontations ou de chevauchements entre la CCJA et la Cour de Justice de la CEMAC.

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Malheureusement ces juridictions se trouvent désarmées ; aucune solution n’ayant été prévue
pour résoudre les conflits de juridictions résultant des rapports entre les juridictions
communautaires.

Dans une rare espèce, la CCJA reconnaît son incompétence pour statuer sur le recours en
annulation d’un arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEMAC, 2ème ch., arrêt N°106/2013, du
30 décembre 2013. Affaire Abel Komengue-Malenzapa C/ ECOBANK CENTRAFRIQUE et
BEAC. La Cour de Justice de la CEMAC, dans un arrêt du 03 juillet 2003, a emprunté la même
démarche en se déclarant incompétente pour connaître des moyens tirés de l’inobservation du
droit OHADA.
5- La coutume internationale
C’est l’ensemble des règles non écrites de DIP que la plupart des Etats estiment devoir respecter.
Elle est parfois invoquée à l’appui de solutions largement retenue. On range également dans la
coutume internationale, l’ensemble des contrats types et les usages établis de façon spontanée
par les auteurs du commerce international. Cet ensemble de règles appelé lex mercatoria (la loi
des marchands dont l’origine remonte au Moyen âge) joue un rôle important dans la régulation
des échanges internationaux. Cependant, la nature de cette lex mercatoria est discutée en
doctrine. Est-ce une véritable source du DIP ? Sa portée reste limitée faute d’une réception par la
loi ou la jurisprudence internationale.
6- Les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye et de la Cour commune de
justice et d’arbitrage (CCJA)
En ce qui concerne la CIJ, ces décisions sont peu nombreuses car elles impliquent une saisine de
la CIJ par les Etats, ce qui est rare en matière de droit privé. La CIJ s’est prononcée de manière
incidentes sur les questions suivantes : La nationalité (arrêt Nottebohm du 6 avril 1955,
opposabilité aux Etats tiers des actes de naturalisation) ; la condition des étrangers (arrêt du 25
mai 1926, expropriation sans indemnité par la Pologne des usines allemandes en Silésie, arrêt
Barcelona du 5 février 1971, protection diplomatique des actionnaires d’une société) ; le droit
des conflits (arrêts du 12 juillet 1929, emprunts yougoslaves et brésiliens en France, arrêt Boll du
20 novembre 1958, tutelle des mineurs ; cette affaire est à l’origine de la Convention de La Haye
du 5 octobre 1961 sur la protection des mineurs).
En ce qui concerne l’OHADA, le Traité prévoit dans son article 14 que « la CCJA assure dans
les Etats parties l’interprétation et l’application commune du présent traité, des règlements pris
pour son application et des Actes uniformes ». Il existe de nombreuses décisions rendues par la
CCJA que vous trouvez sur le portail de l’OHADA, Ohadata.

Plan :
Première partie : Les conflits de lois
Seconde partie : Les conflits de juridictions

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Première partie
Les conflits de lois
Pour résoudre le conflit de lois, c’est-à-dire, pour déterminer la loi applicable à un litige qui
contient un élément d’extranéité, le Dip utilise principalement deux méthodes de désignation de
la loi applicable : la méthode classique, ou méthode conflictuelle classique ou méthode indirecte
(Titre I) et la méthode des règles matérielles (Titre II)

Titre 1
La méthode conflictuelle classique de détermination du droit applicable

L’expression « conflits de lois » désigne en DIP la concurrence de deux ou plusieurs lois


émanant d’ordres juridiques différents pour régir une situation donnée. Et le moyen d’éviter une
contrariété de statuts consiste à résoudre le conflit de lois en soumettant la situation à l’une des
lois en concurrence.

La méthode conflictuelle repose donc sur un instrument central : la règle de conflit de lois.
Autrement dit, la règle de conflit est instituée pour résoudre le conflit de lois.

Pour comprendre le fonctionnement de la règle de, il faut d’abord en faire la présentation


(Chapitre 1), avant d’envisager les étapes du règlement des conflits (Chapitre 2) et la mise en
œuvre de la règle de conflit (Chapitre 3).

Chapitre 1
Présentation de la règle de conflit

La règle de conflit ou la méthode conflictuelle ne s’applique que dans l’hypothèse où une


situation peut a priori être régie par plusieurs systèmes de droit au sens de conflit de lois mais
aussi au sens de conflit de droits (ici le droit est étendu à d’autres foyers non étatiques créateurs
de droit). C’est elle qui permet à différentes lois d’avoir vocation à s’appliquer. L’analyse
classique de la règle de conflit commande d’examiner sa structure (Section 1) et ses caractères
(Section 2), avant d’indiquer les principales règles de conflit (Section 3).

Section 1
La structure de la règle de conflit bilatérale

La structure d’une règle de conflit bilatérale reflète « la fonction qu’elle remplit au sein d’un
ordre juridique » (Derruppé et Laborde, 2008), fonction qui elle-même commande ses éléments
constitutifs. La règle de conflit a pour objet de rattacher à un système juridique un rapport de
droit identifié (un litige, une situation juridique) par le moyen d’une catégorie de rattachement,
rattachement opéré en vertu d’un critère localisateur appelé facteur ou critère de rattachement.
Constituent donc la structure de la règle de conflit :
- ce qui est rattaché i.e. l’objet du rattachement, la catégorie de rattachement ;
- ce qui opère le rattachement, le facteur de rattachement ;

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- le système juridique auquel la catégorie de rattachement est rattachée (i.e le système


juridique compétent).

A la lumière de ce qui précède, la règle de conflit permet de préciser le raisonnement spécifique


en Droit international privé qui peut se résumer comme suit :
 il faut vérifier si la situation juridique envisagée appartient au Droit international privé.
Elle devra, pour cela, comporter deux caractères déterminants :
- il faut qu’il s’agisse d’une question de droit privé
- il faut que cette situation juridique comporte un élément d’extranéité, c'est-à-dire un élément non
national.

 Si le litige, la situation juridique ou le rapport de droit comporte un élément d’extranéité,


il faut le classer dans l’une des catégories propres au Droit international privé.
- question d’état ou de capacité : catégorie : statut personnel (nationalité, majorité d’une personne)
- question de droit des biens : catégorie : statut réel
- question d’acte juridique, catégorie : statut autonomie de la volonté quant au fond et la catégorie,
locus regit actum quant à la forme
- question de fait juridique, catégorie de statut des faits juridique, lex loci delicti.

 Une fois classé dans son statut (catégorie de rattachement), le facteur de rattachement
approprié sera appliqué c’est-à-dire, la nationalité ou à défaut le domicile pour le statut personnel,
le lieu de situation, pour le statut réel etc.
 Le facteur de rattachement déterminera la loi applicable nationale ou étrangère dans
laquelle la solution concrète de la question de droit devra être recherchée. C’est l’application du
droit matériel ou du droit substantiel.
Le raisonnement spécifique de Dip. vise à classer chaque rapport de droit dans une catégorie de
Dip.

Section 2
Les caractères de la règle de conflit

La règle de conflit est indirecte (Paragraphe 1) neutre (Paragraphe 2) et bilatérale (Paragraphe 3).

Paragraphe 1- Le caractère indirect


La règle de conflit est indirecte dans la mesure où elle ne se préoccupe nullement de la résolution des
problèmes de fond ; mais se contente de désigner le système juridique compétent et dans lequel par
conséquent on recherchera la solution à la question posée. La règle de conflit ne fournit pas elle-
même une solution au fond du litige ; elle s’oppose ainsi aux règles matérielles lesquelles fournissent
directement la solution au litige. Elle se limite seulement à permettre d’identifier l’ordre étatique
dont le droit matériel doit apporter la solution au litige.

Ce caractère se justifie par l’impossibilité qu’il y a à uniformiser les droits substantiels des différents
Etats. Dès lors que les droits des Etats demeurent différentes, la méthode conflictuelle de règlement des
litiges oblige à désigner parmi les lois concurrentes celle qui a vocation à s’appliquer.

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Paragraphe 2- Le caractère neutre ou abstrait


D’après ce caractère, la règle de conflit ne prend pas position pour l’une des solutions substantielles ou
matérielle auxquelles elle est susceptible de mener. Elle désigne la loi applicable uniquement en fonction
de ses liens avec le rapport de droit (i.e le litige).
La règle de conflit bilatérale part de la situation ou rapport de droit et désigne le droit qui lui est
rationnellement applicable et puisque le rattachement se veut rationnel ou objectif ; il peut conduire aussi
bien au droit du for qu’au droit étranger. Ce caractère de neutralité est de l’essence des règles des conflits
de lois. Ainsi la règle de conflit est bilatérale car elle désigne indifféremment selon les données de
l’espèce une loi étrangère ou la loi du for. Par exemple, la loi applicable aux immeubles est la loi du lieu
de leur situation. Le facteur de rattachement est le lieu de situation de l’immeuble. S’il est situé au
Cameroun, la compétence revient au droit camerounais ; s’il est situé en Allemagne, c’est le droit
allemand qui est compétent…
La neutralité de la règle de conflit bilatérale lui a valu de vives critiques. On a notamment fait valoir que
l’indifférence de la règle de conflit ou de la méthode bilatérale par rapport au résultat produit par la loi
applicable apparaît comme un véritable saut vers l’inconnu pouvait être considéré comme de
l’aveuglement..
Ces critiques ont conduit à la nécessité d’introduire dans certains cas des considérations de lois
substantielles dans le raisonnement conflictualiste. Cela peut se produire en particulier lorsqu’une
législation cherche à atteindre un résultat. Cette méthode qui déroge à la neutralité de principe de la règle
de conflit peut se manifester de deux manières : soit par des options de législation (1), soit par des règles
de rattachement multiple (2).
1- Les options de législations
L’option de législation consiste à laisser aux parties le choix de la loi applicable entre un nombre limité
de lois. Cette place laissée à l’autonomie de la volonté est à l’origine de la matière des contrats dans
laquelle la volonté des parties a toujours joué un rôle important. Les parties ont ainsi le choix de la loi
applicable à leur contrat. C’est la consécration de la validité de la loi d’autonomie. L’intervention de la
volonté des parties dans le choix de la loi applicable ne cesse de s’étendre. On la retrouve aujourd’hui
dans les successions, les obligations extra contractuelles et même dans le statut personnel. On est ainsi en
présence d’un recul de la neutralité.
2- Les règles à rattachement multiple
En DIP, il existe différents types de règles à rattachement multiples. Elles ressemblent à des
règles de conflit normales, sauf qu’elles recherchent un résultat, elles s’intéressent au contenu de
la loi. Il y les rattachements alternatifs et les rattachements en cascade ou hiérarchisés et des
rattachements cumulatifs :

1°. La première est la règle de conflit de lois alternative. Sa particularité est d’associer plusieurs
règles de conflits donc plusieurs critères de rattachement à la catégorie juridique. Ces différentes
règles de conflit sont miss sur un pied d’égalité ; il n’y a donc pas de hiérarchie entre elles. Le
juge peut commencer par mettre en œuvre la règle de conflit de son choix. Il ne mettra en œuvre
l’autre règle de conflit (ou les autres règles de conflit) que si la loi désignée par la première
utilisée ne permet pas d’atteindre l’objectif matériel visé. L’exemple type de rattachement
alternatif est donné par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en
matière de formes des dispositions testamentaires qui prévoient que le testament est valable si

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cette validité est reconnue soit par la loi du lieu de validation, soit par la loi nationale du
testateur, soit par la loi du domicile de celui-ci ; l’objectif ici est de favoriser la validité du
testament. Le rattachement alternatif porte directement atteinte à la neutralité de la règle de
conflit dans la mesure où le législateur tout en conservant la technique de rattachement oriente
celle-ci vers un résultat substantiel.

2°- la seconde est la règle de conflit de lois en cascade. Ici, il y a plusieurs règles de conflit mais,
cette fois, elles sont hiérarchisées. Cela signifie que le juge doit d’abord consulter la loi désignée
par la première règle de conflit. Ce n’est que si cette loi ne permet pas d’atteindre le résultat
matériel recherché que le juge passe à la deuxième règle de conflit, et ainsi de suite. Un exemple
est donné par la convention de la Haye sur la loi applicable aux obligations alimentaires. Selon
cette convention, l’obligation d’aliments est soumise à la loi interne de la résidence habituelle du
créancier des aliments ; à défaut, à la loi nationale commune des parties, et dans le cas où celle-ci
n’existe pas, à la loi interne de l’autorité saisie (la lex autoritatis ou la lex fori). Il y a une
différence entre les deux exceptions.

3°- la troisième est la règle de conflit cumulative. Toutes les lois désignées par les différents
critères de rattachement s’appliquent afin d’éviter un résultat. Une telle règle est rare, toutefois
une règle de conflit alternative peut devenir cumulative.

Paragraphe 3- Le caractère bilatéral de la règle de conflit

La règle de conflit est considérée comme bilatérale lorsqu’elle désigne indifféremment la loi du
for (loi du juge saisi) ou la loi étrangère. Ainsi, lorsque l’article 3 al 3 du code civil prévoit que
l’état et la capacité des personnes sont régis par la loi Camerounaise, cela signifie que s’il s’agit
d’étrangers. La capacité et l’état de ceux-ci seront soumis à la loi nationale de ces étrangers.
Dans l’exemple de l’article 3 al 3 du code civil, la règle de conflit est la loi nationale de
l’individu : et selon la nationalité de celui-ci, la loi applicable peut être la loi du juge saisi (loi
Camerounaise ou étrangère).

Le caractère bilatéral de la règle de conflit permet de mettre sur le même pied d’égalité la loi du
for et la loi étrangère.

Il existe cependant des règles de conflit unilatérales.

L’unilatéralisme est la doctrine qui prône une réglementation directe du rapport de droit, en
évitant de passer par le canal de la méthode bilatérale ou conflictuelle. Ainsi attribuer à la règle
de conflit un caractère unilatéral c’est considérer que le rôle de cette règle est de limiter son objet
à la seule désignation de la loi du for. Cette méthode de règlement de conflit a eu un succès
limité en droit positif qui ne l’a réceptionné que pour résoudre des cas très précis.
On distingue deux types de règles de conflit unilatérales : les fausses et les vraies (exclusivement
unilatérales).

L’article 3, alinéa 3 du Code civil applicable au Cameroun qui dispose que : « Les lois
concernant l’état et la capacité des personnes régissent les Français (Camerounais) même
résidant en pays étrangers » est classiquement citer comme faussement unilatérale. En

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apparence, il s’agit d’une règle de conflit unilatérale puisqu’elle ne fait explicitement que fixer le
domaine d’application de la loi française (camerounaise). En réalité, cette règle est aisément
« bilatéralisable » car elle permet de dégager une règle générale d’après laquelle l’état et la
capacité d’une personne sont régis par la loi du pays dont cette personne a la nationalité.
En revanche, certaines règles sont véritablement des règles de conflit unilatéral. Il en est ainsi de
l’article 310 du code civil français. Ce texte soumet le divorce et la séparation de corps à la loi
française :
- Lorsque les deux époux sont de nationalité française à la loi française
- Lorsque les deux époux (de nationalité étrangère) ont l’un et l’autre leur domicile sur le
territoire français. Ce faisant, le législateur a cumulé deux facteurs de rattachement, l’un
s’appliquant à défaut de l’autre : au rattachement bilatéral, il adjoint un critère unilatéral
et ce faisant étend la compétence de la lex fori. Par conséquent, deux époux de nationalité
camerounaise domiciliés en France sont soumis aux règles françaises sur le divorce. Il
n’est donc pas possible de bilatéraliser l’alinéa premier : il s’agit donc d’une vraie règle
de conflit unilatérale. En conjuguant les deux premiers critères, on constate que la règle
n’est pas bilatéralisable puisqu’elle soumet à la loi française aussi bien les Français
hors de France que les étrangers domiciliés en France.

On voit bien que la différence entre les vraies et les fausses règles de conflit unilatérale réside
dans la forme mais également sur le fond. Le législateur qui pose une vraie règle unilatérale
manifeste le souci d’étendre le domaine d’application de sa propre loi.

Section 3
Les principales règles de conflit
A priori, chaque Etat a un système de DIP qui lui est propre. Et à ce titre, il appartient à chaque
Etat d’élaborer ses règles de conflit. Dans certains cas, on peut avoir des convergences entre
Etats en ce qui concerne les règles de conflit, mais le Dip repose essentiellement sur les sources
nationales. C’est la raison pour laquelle il est important de limiter le recours aux règles de conflit
en privilégiant celles qui sont en vigueur dans le système juridique national. Il existe quelques
règles de conflit dans un certain nombre de conventions internationales.

Certaines règles de conflit ont une origine légale (Paragraphe 1), d’autres ont une origine
jurisprudentielle (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 - Les règles de conflit d’origine légale

Elles concernent 2 catégories de droit international privé : le statut personnel (A) et le statut réel
(B).

C- Le statut personnel
L’article 3 al 3 du C. civ propose une règle de conflit applicable au statut personnel de l’individu,
c’est-à-dire, à l’état et la capacité de l’individu. Il soumet le statut personnel à la loi du pays de la
nationalité de l’individu. Le rattachement à la loi nationale est justifié par la nécessité d’une
permanence des lois concernant la personne. L’idée principale est de ne pas changer le statut

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d’une personne dès que celle-ci franchit une frontière. Et la nationalité présente un caractère de
stabilité et de certitude ; c’est un critère de rattachement qui a un grand avantage.

Mais, le recours à la nationalité n’est efficace que lorsque la personne en cause est prise
individuellement, ou bien lorsque les personnes en cause ont la même nationalité. Concrètement,
la loi nationale s’applique à toutes les questions qui touchent au nom, à la capacité de l’individu,
aux conditions de fond de la reconnaissance, aux causes du divorce.

Cela est plus facile lorsque les personnes impliquées ont la même nationalité. Lorsque les
personnes sont de nationalité différente, la loi nationale peut difficilement être appliquée.

Exemple : Quelle est la loi applicable en cas de divorce des époux de nationalité différente ?

La jurisprudence applique la loi du domicile commun des époux (Arrêt Rivière, Civ., 17 avril
1953, Grands Arrêts. Nᵒ 25. P. 193). La même solution a été appliquée par la jurisprudence aux
effets du mariage lorsqu’il y a défaut de nationalité commune (confère arrêt Chemouni, Civ., 19
avril 1953, Grands Arrêts. Nᵒ 29/30. P. 224).

La filiation naturelle, en cas de défaut de nationalité commune, sera soumise à la loi nationale de
l’enfant. Il reste une dernière hypothèse, c’est le cas où les individus concernés sont apatrides,
qui n’ont pas de nationalité, ou bien dont la nationalité est inconnue. Dans ce cas, le statut
personnel est soumis à la loi de leur domicile.

D- Le statut réel

La règle de conflit applicable aux biens est prévue dans l’al 2, article du code civil qui soumet les
immeubles, même ceux possédés par les étrangers, à la loi du lieu de leur situation ou la ‘’lex rei
sitae’’ En principe, cette règle de conflit n’a été prévue que pour les immeubles. Cependant, la
jurisprudence l’a étendue aux, biens meubles de telle sorte que la règle de conflit de l’article 3 al
2 est désormais la même pour les meubles et les immeubles.

Paragraphe 2 - Les règles de conflit d’origine jurisprudentielle

Ces règles de conflit ont été identifiées dans le statut des actes juridiques et statut des faits
juridiques d’une part (A), et d’autre part dans le domaine du droit patrimonial de la famille (B).

A- Les actes juridiques et les faits juridiques

1- Les faits juridiques


La jurisprudence a consacré en cette matière la solution selon laquelle la responsabilité
extracontractuelle est soumise à la loi du lieu de survenance du délit. Cette solution a été
invoquée pour la première fois dans l’affaire Lautour, Civ. 28 mai 1948, Grands Arrêts, Nᵒ19, p.
168. C’est à partir de cette affaire que la jurisprudence a consacré la loi du lieu de survenance du
délit ou « lex loci delicti ». Un certain nombre de raisons ont été avancées pour soutenir cette
solution.

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*D’une part, la loi du lieu de délit présente le seul rattachement objectif du rapport juridique
avec l’ordre juridique compétent. En d’autres termes, le fait juridique à l’origine du dommage est
localisé au lieu où il est survenu.
*L’autre justification tient au fait que les affaires relatives aux délits intéressent l’Etat sur le
territoire duquel l’évènement s’est produit.

2- Les actes juridiques


Il faut faire une distribution entre le fond de l’acte et la forme de l’acte.
─ Le fond de l’acte
Le fond de l’acte est relatif aux conditions de fond, au contenu, aux effets de l’acte ou du contrat
est soumis à la loi choisie par les parties.

Elle est constituée des conditions de forme de l’acte. Ainsi, le fond de l’acte juridique est soumis
à la loi que les parties ont choisie et qui s’appelle la loi d’autonomie. Cette règle de conflit a été
consacrée pour la première fois dans l’affaire American Trading Company, Civ. du 05 décembre
1910, G.A, Nᵒ11, p. 96. C’est une solution qui repose sur la nécessité de laisser aux
cocontractants une marge de liberté dans le choix de la loi applicable à leur contrat, car ce choix
permet aux parties de prévoir et d’organiser le droit qui convient le mieux à leur opération
contractuelle. Il faut cependant préciser que cette liberté n’est possible que si on est en présence
d’un contrat international.

─ La forme de l’acte
La forme du contrat international est traditionnellement régie par la loi du pays où il a été conclu.
On parle ainsi de l’application de la loi du lieu de passation ou de formation de l’acte juridique
«locus regit actum». Cette règle a été dégagée à partir des années 60, mais n’est cependant pas
d’application systématique car, dans une série d’affaires, la cour de cassation a consacré d’autres
solutions s’agissant de la forme de l’acte. Elle a ainsi soumis la forme d’un testament à la loi
nationale de l’individu (confère Arrêt Viditz, Civ. 20 juillet 1909, Rev. crit. 1909. Conclusions
Baudouin). Il s’agissait d’un testament rédigé par une anglaise résident en France en la forme
anglaise.

Par la suite, dans une autre affaire, la cour de cassation a proclamé le caractère facultatif de la
«locus regit actum», et la reconnaissance que la loi applicable à la loi du contrat, c’est-à-dire la
loi choisie par les parties.

B- Le droit patrimonial de la famille

Les questions qui nous concernent ici sont les régimes matrimoniaux et les successions.
1- Les régimes matrimoniaux
Les régimes matrimoniaux n’ont pas toujours le même régime selon que les parties ont prévu un
contrat ou non. En cas de contrat de mariage, la loi applicable c’est la loi d’autonomie parce qu’il
s’agit d’une convention. A défaut de convention de mariage, la jurisprudence soumet le régime
matrimonial à la loi de 1er domicile matrimonial.

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2- Les successions
Elles sont soumises à une loi déterminée en distinguant les successions qui portent sur les
meubles et les successions qui portent sur les immeubles.

S’agissant des successions mobilières, c’est la loi du dernier domicile du défunt qui s’applique
(cf. Civ Aff. Labedan 19 juin 1939, Grands Arrêts N° 18. P 161).

S’agissant des successions immobilières, c’est la loi du lieu de situation des immeubles.

Chapitre 2
Les étapes du règlement du conflit de lois

Une règle de conflit s’applique à un rapport de droit ou à une situation désignée grâce à un point
de rattachement qui permet d’identifier le système juridique compétent. Le règlement du litige
par la méthode de la règle de conflit de lois s’effectue après plusieurs étapes. Concrètement, pour
connaître la loi applicable au fond du litige, il faut d’abord passer l’épreuve de la qualification
(Section 1) avant de rattacher la situation à un ordre juridique donné ou de localiser la situation
juridique en cause dans l’ordre juridique dont la compétence est reteue (Section 2).

Section 1
La qualification

La qualification n’est pas un procédé propre au Dip. Elle est présente dans tous les domaines du
droit. En effet, le juge en toute matière juridique procède à la qualification. Cependant, la
qualification pose des difficultés spécifiques en matière de conflit de lois ; ici le juge en plus
résout un conflit de qualifications. Pour mieux comprendre la question de qualification en Dip, il
faut montrer comment le problème se pose (Paragraphe 1) avant la solution du conflit de
qualifications (Paragraphe 2). De plus, la qualification pose également le problème du choix de la
catégorie interne (Paragraphe3).

Paragraphe 1- Le problème de la qualification

Des exemples tirés de la jurisprudence (A) permettront de mieux appréhender la notion de


qualification en droit international privé (B).

A- Les exemples en jurisprudence

Comment qualifier le rapport de droit qui fait l’objet de la règle de conflit lorsque les systèmes
juridiques en conflit adoptent des qualifications différentes ?

Le mécanisme et les enjeux de la qualification, c’est-à-dire, le choix de la règle de conflit et donc


de la loi applicable, sont illustrés par trois exemples classiques :

Premier exemple : la quarte du conjoint pauvre. Cet exemple tiré d’un arrêt de la Cour d’appel
d’Alger du 24 décembre 1889, arrêt Bartholo (GA, n° 9). Deux conjoints anglo-maltais, mariés à Malte,

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avaient émigré en Algérie, où le mari avait acheté des immeubles. Au décès du mari, la veuve réclama sur
les immeubles un avantage connu dans la loi anglo-maltaise sous le nom de « quarte du conjoint pauvre »,
inconnu du droit du for algérien (loi française, applicable en raison du lieu de situation des
immeubles).

Le problème posé au juge était la détermination de la nature de la prétention de dame Bartholo.


Ainsi la « quarte du conjoint pauvre » était-elle un avantage matrimonial ? Auquel cas elle
devrait être classée dans la catégorie « régimes matrimoniaux », ou bien constituait-elle un
élément du droit de succession, ce qui conduirait à la classer dans la catégorie « succession ». Et
de la qualification retenue dépendait la question de la loi applicable, c’est-à-dire concrètement le
sort de la veuve. La qualification matrimoniale entrainait l’application de la loi maltaise au titre
de la loi du premier domicile conjugal. Cette qualification assurait à la veuve le bénéfice de la
« quarte du conjoint pauvre ».

La qualification successorale par contre entrainait l’application de la loi française comme loi de
situation des immeubles. Et dans ce cas, la « quarte du conjoint pauvre » pouvait être assimilée à
l’usufruit du conjoint survivant. Or à cette époque, la loi française ne connaissait pas encore cette
institution, c’est-à-dire qu’elle n’accordait pas au conjoint survivant un quelconque usufruit. Par
conséquent, les prétentions de la femme pouvaient être considérées comme vouées à l’échec.

Deuxième exemple : le testament olographe du Hollandais. Un Hollandais rédige en France


un testament dans la forme olographe. Selon le droit hollandais (de l’époque), seul un testament
en la forme authentique était autorisé, même lorsqu’il était rédigé par un Hollandais à l’étranger.
En droit français, le testament olographe est permis. La loi applicable dépend de la qualification
attribuée à « la possibilité de tester en la forme olographe ». Si c’est une question de forme,
c’est la loi du lieu de rédaction, la loi française. Si c’est une question de capacité, c’est la loi
nationale, la loi hollandaise. Ici la qualification française et hollandaise différent. À quelle
catégorie va-t-on rattacher la question de la forme d’un testament ? Est-ce une question de fond
liée au statut personnel, ce qui conduirait à l’application de la loi personnelle ici la loi
hollandaise ? Est-ce une question de forme d’un acte juridique, d’où application de la loi du lieu
de rédaction ici la loi française ? Quelle loi doit décider de cette qualification ?

Troisième exemple : le mariage civil en France d’un Grec orthodoxe. Le mariage entre un
Grec orthodoxe et une Française avait été célébré en France devant un officier d’état civil
français. Lors de la demande en divorce de la femme, le mari soutenait que ce mariage était nul
parce qu’il n’avait pas été célébré par un prêtre orthodoxe comme l’exigeait la loi grecque
applicable. Il fallait déterminer si la célébration du mariage (civile ou religieuse) était une
question de forme (application de la loi du lieu de célébration, loi française) ou une question de
fond (application de la loi personnelle, loi grecque). La validité du mariage dépend de la loi
applicable et celle-ci de la qualification de la célébration religieuse : sui question de forme, loi
du lieu de célébration, loi française ; si question de fond, loi nationale, loi grecque.

Ces exemples permettent de comprendre le problème des conflits de qualification : selon quelle
loi le juge doit-il qualifier l’objet du litige pour déterminer la loi applicable lorsque les lois en
présence adoptent des qualifications différentes. Ce choix ne pose problème qu’en présence d’un

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conflit de qualifications, c’est-à-dire que lorsque les systèmes juridiques en présence retiennent
une qualification différente de la question juridique.

B- Notion de qualification

Pour identifier la règle de conflit, il faut passer par le mécanisme de la qualification. Qualifier,
c’est donner un nom juridique à une situation de fait. En Dip, l’importance de la qualification est
considérable. La qualification permet d’introduire dans une catégorie de rattachement une
situation de fait. On dira encore que c’est une opération qui consiste à déterminer la nature d’un
rapport de droit en la classant dans l’une des catégories juridiques existantes. C’est au fond une
phase usuelle de tout raisonnement juridique.

Elle a pour objet de traduire dans le langage juridique une situation afin de pouvoir lui appliquer
une règle de droit (P. Meyer, p. 178). Quoi qu’il en soit, il s’agit d’identifier la situation d’un
point de vue juridique et d’apprécier sa nature.

Dans certains cas, cette qualification ne soulève pas de difficultés.


Ex du divorce, dans quelle catégorie le rattacher ? Le divorce concerne le statut personnel ; mais
peut-il y avoir une exception en cas de divorce mutuel que l’on pourrait rattacher au statut des
actes juridiques (contrat), mais l’aspect familial est le plus important, d’où un rattachement du
divorce au statut personnel.

Il y a des situations beaucoup plus complexes.

Ex : un individu est transporté par un automobiliste, accident, l’individu est blessé. Il demande
réparation à l’automobiliste. La question de droit doit-elle être intégrée dans le statut des actes
juridiques ou des faits juridiques ?

Doit-on considérer l’automobiliste comme un transporteur professionnel ? S’il est un


transporteur : Responsabilité contractuelle, donc statut des actes juridiques. S’il n’y pas de
contrat de transport, Responsabilité délictuelle, catégorie de rattachement des faits juridiques. Si
contrat de transport : loi applicable est celle du domicile du transporteur. Si pas de contrat : loi
du lieu de survenance du dommage.

Dans l’affaire Caraslanis, les faits sont les suivants : l’existence de mariage célébré devant
l’officier d’état civil ; l’absence de cérémonie religieuse conformément au droit grec ; la
prétention est la nullité du mariage. Dans cet exemple, on voit que les parties ont défini avec
précision les termes du conflit ou du litige qui les oppose et dans cette hypothèse, l’opération de
qualification se présente avec une certaine simplicité.

Parfois la question posée au juge est formulée en termes généraux : Exemple. Une veuve
demande au juge de lui accorder tous les avantages auxquels elle a droit sur les biens laissés par
son mari ; la question peut se présenter sous deux aspects :

La veuve peut demander ces avantages en considérant qu’il s’agit des biens appartenant au
couple. Elle peut réclamer les avantages en considérant qu’il s’agit d’avantages successoraux.

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Il revient donc au juge de procéder à une 1ere qualification. S’agit-il d’avantages matrimoniaux ?
Et pour les déterminer il appliquera la loi applicable aux régimes matrimoniaux. Après cette 1ere
répartition des biens, le juge déterminera les droits successoraux de la veuve et pour cela il
appliquera la loi compétente en matière successorale.

L’hypothèse qui vient d’être présentée est un exemple de la difficulté de qualification qui peut
compliquer la solution du conflit de qualifications.

Paragraphe 2 : La solution du conflit de qualification

En règle générale, la doctrine et la jurisprudence préfèrent majoritairement la solution selon


laquelle la qualification doit s’effectuer selon la loi du juge saisi ou qualification selon la lex fori
(A). Mais cette solution est contestée (B), voire purement et simplement écartée par une
convention internationale (C)

A- Le principe de la qualification selon la lex fori

Prenant parti entre qualification selon le droit grec ou selon le droit français, la Cour de cassation
énonce que : « la question de savoir si un élément de la célébration du mariage appartient à la
catégorie des règles de forme ou à celle de fond devrait être tranchée par les juges suivant les
conceptions du droit français » (arrêt Caraslanis du 22 juin 1955).

Le droit positif prend donc position en faveur de la qualification lege fori, par la loi du juge saisi :
c’est la loi du for qui doit qualifier après une analyse préalable de la règle de droit ou de
l’institution considérée. Plus concrètement cela signifie que le juge doit qualifier en utilisant les
concepts et classifications de son droit interne. Ainsi dans l’exemple de la quarte du conjoint
pauvre, l’institution doit être analysée selon le droit maltais (le juge a demandé la signification
de l’institution au droit maltais) et qualifiée selon le droit français. Selon MELCHIOR, « il faut
placer l’étoffe juridique étrangère dans les tiroirs du système national ».

Trois arguments essentiels en faveur de la qualification selon la lex fori ou qualification lege fori
peuvent être retenus.

D’abord, la règle de conflit a un caractère national. Il s’agit donc de choisir et d’interpréter une
règle de conflit du for et il est normal de demander à la loi du juge (la lex fori) saisi d’interpréter
cette règle. Et selon l’adage ejus est interpretari cujus est condere, il revient à celui qui édicte la
règle de l’interpréter.

Ensuite, la règle de conflit délimite la souveraineté législative nationale. Il est dans ce cas naturel
de ne pas abandonner aux autres Etats la portée de cette délimitation (Derruppé et Laborde, p. 86)

Enfin, la qualification est préalable au choix de la loi. En effet, le processus de qualification


permet de déterminer la règle de conflit, donc la loi applicable. La qualification apparaît ainsi
comme le relevaient BATIFFOL et LAGARDE (T. I. n° 293) un préalable au choix de la loi. Ce
préalable ne peut être demandé qu’à la loi du juge saisi puisque, par hypothèse, on ne sait pas
encore la loi qui sera appliquée.

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Si ces arguments ont emporté la conviction de la JP et l’ensemble de la doctrine, ils ne


suppriment pas les inconvénients de la qualification lege fori.

B- La contestation de la qualification lege fori

Une partie de la doctrine a soutenu contre la qualification selon la loi du juge saisi, la solution de la
qualification selon la loi étrangère applicable à la cause ou qualification selon la lex causae ou
qualification lege causae. Plusieurs inconvénients majeurs de la qualification lege fori ont été soulevés,
notamment qu’elle ne respecte pas le droit étranger. Ainsi, en privilégiant la qualification selon la loi du
for, on néglige bien la qualification retenue par la loi étrangère

La qualification par la lex causae a été présentée par DESPAGNET. Par exemple, si l’on reprend le cas
du testament hollandais, puisque le droit hollandais est compétent pour régir la capacité d’un Hollandais,
c’est à lui qu’il faut demander ce que sont les règles de capacité.

C- L’intervention des traités internationaux

Certains traités peuvent donner des qualifications uniformes qu’il convient de respecter et qui écartent par
là même la qualification lege fori. La Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en
matière de forme testamentaire donne dans son article 5 une très large acception des questions de forme.
« Aux fins de la présente convention, les prescriptions limitant les formes des dispositions testamentaires
admises et se rattachant à l’âge, à la nationalité ou à d’autres qualités personnelles du testateur sont
considérées comme appartenant au droit de la forme ». Le problème du testament du Hollandais ne pose
plus, depuis la mise en œuvre de cette convention.

Paragraphe 3- Le choix de la catégorie interne


A- Les grandes catégories
Le contenu des règles de conflit varie en fonction de la nature de la question de droit considérée. Il existe
plusieurs catégories de DIP i.e. « des ensembles accueillant plusieurs questions de droit unies par une
communauté de nature » (S. Clavel, p. 29). Il faut préciser qu’à chaque catégorie correspond une règle de
conflit spécifique. Les principales catégories sont :
 le statut personnel qui recouvre les questions concernant la personne (nom, domicile,
capacité, les relations extrapatrimoniales) ; soumis en principe à la loi personnelle (loi de la
nationalité ou loi du domicile).
 le statut réel recouvrant les biens, les droits réels et les successions ; soumis en principe à la
loi de la situation du bien.
 les contrats et les actes juridiques ; soumis en principe à la loi choisie par les parties
 les délits et quasi-délits ; soumis à la loi du lieu de leur survenance.

B- Les problèmes liés au choix de la catégorie


Le choix de la catégorie pose cependant des difficultés notamment lorsque l’on est en présence
d’un conflit des catégories (ici la question considérée peut être accueillie ou classée dans
plusieurs catégories. Tel fut le cas de l’arrêt Silvia du 25 juin 1957. Mme Sylvia, de nationalité
italienne prétendait que son consentement avait été vicié lors de la conclusion d’un contrat. Pour
rechercher la loi applicable à la question posée (annulation d’un acte conclu sous l’empire de la
démence), il fallait d’abord classer la question soit dans le statut personnel (loi nationale
italienne pour défaut de capacité mais dans le cas d’espèce, l’action était prescrite) ; soit dans les

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actes juridiques (loi de l’acte, loi française pour vice de consentement). Pourtant la Cour de
cassation française décide que « l’insanité d’esprit et la démence constituent en réalité des cas
d’incapacité naturelle soumises à la loi personnelle et non à la loi régissant les actes juridiques
incriminés comme les vices du consentement »).

C’est encore le cas lorsqu’aucune catégorie ne semble pas apte à appréhender la question de droit
(Ici, l’institution mis en jeu par la question de droit est étrangère ou inconnue du droit du for : la
quarte du conjoint pauvre, le trust, etc. : dans cette hypothèse, il est recommandé au juge, obligé
de trancher (art. 4, C. civ) d’élargir les catégories internes pour les adapter à la spécificité de la
question posée (D. Gutmann, p. 67). Ainsi, pour recevoir l’institution étrangère, il faudra ici
déformer ou agrandir les catégories nationales. Par exemple, le concept de mariage est ainsi
appliqué aux unions polygamiques.

Section 2
Le rattachement
Le rattachement constitue la seconde étape du règlement du conflit de lois. En effet, une fois la
qualification effectuée, il faut ensuite rattacher le problème de droit posé à un ordre juridique
donné. En réalité, il n’y a pas de souci en présence d’une règle bilatérale classique ; une fois
classée dans une catégorie de DIP du for, la question de droit est automatiquement soumise,
grâce à l’élément de rattachement correspondant à cette catégorie, à un ordre juridique donné (D.
Gutmann, p.69). Mais trois facteurs sont susceptibles de perturber l’application de ce principe :
lorsqu’il y a modification de la règle de conflit du for (Paragraphe 1), en cas de conflit de
rattachement ou conflit entre les règles de conflit (Paragraphe 2) et en cas d’évolution ou de
déplacement du facteur de rattachement (Paragraphe 3).

Paragraphe 1- Le changement de la règle de conflit du for

C’est l’hypothèse qui résulte d’une modification normale de la loi dans le système du juge saisi
et à l’issu de cette modification, on aura deux règles de conflit de lois successives qui désignent
deux lois substantielles pour une même relation litigieuse. Et la question est de savoir s’il faut
appliquer la règle de conflit ancienne ou la règle de conflit nouvelle. Il s’agit d’une question qui
s’est posée dans le droit français et les termes de la question étaient les suivants :

Avant la loi française de 1975 qui modifiait le code français de la famille, les juges français
appliquaient au divorce la loi nationale des époux.

Avec la loi du 11 juillet 1975 qui est venu modifier l’art 310 (309) du C civ français, une nouvelle
règle de conflit a été introduite et selon cette règle de conflit, le divorce des époux de nationalité
étrangère est soumis à la loi du domicile des époux.

La question s’est posée dans une affaire concernant deux époux de nationalité espagnole. Ils
étaient domiciliés en France et avaient et avaient obtenu du juge français en 1974 la séparation de
corps en application de la loi espagnole qui, à cette époque interdisait le divorce à ses
ressortissants qui obtenir la séparation de corps ; la loi espagnole avait été appliquée
conformément à la règle de conflit française de l’époque.

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En 1984, le mari saisit le juge français pour convertir la séparation de corps en divorce en
application de la loi matérielle française désignée par la nouvelle règle de conflit du droit
français, c’est-à-dire la loi du domicile des époux. Or selon la loi française sur le divorce, après
quelques années de séparation de corps, celle-ci peut être convertie en divorce.

La question qui se pose dans cette affaire est celle de savoir si le changement de la règle de
conflit opéré par la nouvelle loi entraine changement de la loi applicable au litige intervenu entre
les époux. Le changement de la règle de conflit peut résulter de la modification de la législation
survenue dans le pays du juge saisi. Mais ce changement peut être encore lié à la conclusion
d’une convention internationale et cette convention peut prévoir de nouvelles règles de conflit.

En effet, on a assisté à l’arrivée de plusieurs conventions internationales dans différents


domaines, qui sont venues modifier les règles de conflit de pays signataires de cette convention.
Dans la plupart des cas ces conventions ont-elles mêmes prévues des solutions pour les conflits
de lois dans le temps. En effet certaines conventions ont prévu que les règles de conflit nouvelles
qu’elles contenaient ne s’appliqueraient qu’aux demandes présentes ou aux faits après leur entrée
en vigueur.

Exemple : l’art 17 de la convention de la Haye du 7 oct. 1961 sur la compétence des autorités et
la loi applicable en matière de protection des mineurs.

Dans la plupart des cas, les législations nationales et même certaines conventions parfois
oublient de prévoir des solutions pour résoudre le conflit dans le temps entre la règle de
conflit « ce conflit s’appelle encore le conflit transitoire international ». Et dans cette hypothèse
il revient aux tribunaux de régler ces conflits en appliquant les principes transitoires de droit
commun. En d’autres termes pour régler les conflits transitoires de DIP dans le système du for, la
jurisprudence applique les principes de solutions prévus pour le droit transitoire interne ; c’est la
solution qui a été appliquée dans l’affaire des époux espagnols (Aff. Ortiz Estacio. Civ., 13
janvier 1982, Grands Arrêts N° 62, p. 583 ; ou Rev. crit 1982, p. 581. Note Battifol : Application
immédiate de la loi nouvelle et maintien des situations définitivement acquises. Maintien de la
loi ancienne pour les effets futurs des situations nées sous cette loi).

Paragraphe 1- Le conflit de rattachement ou conflit entre les règles de conflit


La désignation normale de ce type de conflit c’est : le renvoi. Pour mieux comprendre le
phénomène du renvoi, il est important au préalable de le présenter (A) et quel est la réaction du
droit positif à son égard (B).

A- Notion de renvoi
Ce conflit nait de la diversité des règles de conflit dans le monde.
Premier exemple : le statut personnel.
En matière de statut personnel, les pays se répartissent entre ceux qui soumettent ce statut à la loi
nationale, comme le Cameroun francophone, le Gabon, la France et ceux qui soumettent le statut
personnel à la loi du domicile comme le Cameroun anglophone, l’Angleterre, le Canada.

Deuxième exemple : les successions.

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En droit français, en droit gabonais, les successions immobilières sont soumises à la loi de
situation des immeubles, et les successions mobilières à la loi du lieu du dernier domicile de
défunt. Dans d’autres pays notamment l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne), les successions sont
rattachées au statut personnel et soumis à la loi nationale du défunt.

Troisième exemple : la nationalité des sociétés commerciales.


En droit français, il y a rattachement à la loi du pays du siège social réel de la société, en droit
anglais, à la loi du pays d’incorporation de la société (loi du pays selon laquelle la société a été
constituée), en droit hollandais, à la loi du pays du siège social statutaire.

Comment régler le conflit de rattachement ou le conflit entre les règles de conflit ?

S’agissant par exemple du statut personnel d’un Anglais domicilié au Gabon, la règle de conflit
gabonaise désigne la loi anglaise, comme la loi nationale de ce dernier. Faut-il s’arrêter à cette
désignation et appliquer la loi interne anglaise ou prendre en considération le rattachement
anglais à la loi du domicile, donc la règle de conflit anglaise ? Cette prise en considération va
opérer un renvoi à la loi gabonaise. C’est pourquoi la question du conflit de rattachement est
désignée par la question du renvoi.

Il existe deux types de conflit de rattachements : le conflit positif et le conflit négatif.

Il y a conflit positif lorsque plusieurs Etats en raison des rattachements adoptés par leurs règles
de conflit de lois affirment la compétence de leur propre loi. Chaque règle de rattachement en
présence donne compétence à sa propre loi. Exemple : le juge anglais est saisi d’un litige
concernant la capacité d’un Italien domicilié à Londres. Pour le droit anglais la loi applicable est
la loi du domicile de l’individu (donc la loi anglaise) ; pour le droit italien la loi applicable est la
loi nationale de l’individu (donc la loi italienne). Ici, la question du renvoi ne se pose pas,
puisque chaque système juridique donne compétence à sa propre loi..

Le conflit négatif par contre soulève d’immenses difficultés. Il y a conflit négatif lorsqu’aucun
des Etats ne retient sa compétence pour trancher le problème de droit en cause. Chaque règle de
rattachement (règle de conflit) attribue compétence à l’autre loi. On voit bien que la question du
renvoi ne se pose que pour les conflits négatifs.

Il existe deux types de renvois : le renvoi au premier degré et le renvoi au second degré.

Le renvoi au premier degré : renvoi à la loi du for. Il y a renvoi au premier degré lorsque la
loi désignée par la règle de conflit camerounaise renvoie à la loi du for. Exemple : Le cas d’un
Anglais domicilié au Cameroun francophone. Le juge camerounais devant régler une question de
capacité concernant cet anglais, appliquera la règle de conflit camerounaise (loi nationale) et
désignera donc la loi anglaise. La loi anglaise ayant un autre rattachement (la loi du domicile)
renverra à loi camerounaise, loi du for.

Le renvoi au second degré : renvoi à une loi d’un pays tiers. Il y a renvoi au second degré
lorsque la loi désignée par la règle de conflit camerounaise renvoie à une autre loi que celle du
for. Exemple : le cas de la capacité d’un Anglais domicilié au Danemark. Le Danemark a la
même règle de conflit que le droit anglais, c’est-à-dire l’application de la loi du domicile en

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matière de statut personnel. Le juge camerounais, qui devra régler une question de capacité
concernant un Anglais domicilié au Danemark, appliquera la règle de conflit camerounaise (loi
nationale, donc loi anglaise) ; la loi anglaise désigne la loi du domicile, loi danoise. Cette loi
ayant le même rattachement, il n’y aura pas d’autre renvoi.

B- Le renvoi en droit positif

La Jurisprudence s’est toujours montrée favorable au renvoi depuis les arrêts Forgo du 24 juin
1878 et du 22 février 1882 (GA n° 7 et 8) (1). C’est son domaine qui a cependant été réduit (2).
1- L’admission du renvoi en jurisprudence
L’admission par la cour de cassation du renvoi au premier degré a eu lieu dans l’affaire Forgo.
En l’espèce un Bavarois domicilié de fait en France y est décédé et y laissant une succession
mobilière importante. Le DIP français donnait compétence à la loi bavaroise, loi du dernier
domicile de l’individu. Or celle-ci retenait comme rattachement le domicile de fait et renvoyait
donc à la loi française et celle-ci a été appliquée. La solution de l’arrêt Forgo a été réitérée en
matière successorale en 1910 (arrêt Soulié du 1er mars 1910, DP 1912, 1, 262), 1913, 1938.

Le renvoi a ensuite été appliqué en matière de statut personnel : en matière de divorce (Req.
Arrêt Birchall, 10 mai 1939, S. 1942, 1. P.3, note Niboyet et arrêt Bradford du 1er avril 1954,
divorce d’époux anglais domicilié en France ; en matière de mariage (arrêt Zagha, Civ. 15 juin
1982, Rev. Crit. DIP 1983, p. 300, note Bischoff. En l’espèce, il s’agissait de la validité d’un
mariage célébré en Italie en 1924 en la forme rabbinique entre deux Syriens. Le mariage a été
reconnu valable par renvoi de la loi italienne du lieu de célébration à la loi syrienne de la
nationalité commune. C’est un renvoi au second degré) ; en matière de filiation (arrêt Sommer,
Civ. 8 décembre 1953, D. 1954, p. 167). Il vient d’être admis en matière d’incapacité (Civ. 21
septembre 2005, Bull. civ. I. n° 336 en l’espèce renvoi de la loi nationale canadienne à la loi
française de la résidence de la personne à protéger).

Le renvoi au second degré a été mis en œuvre en JP en matière de sociétés dans l’affaire de la
Banque ottomane. (CA Paris 3 octobre 1984). La Banque ottomane avait son siège social
statutaire en Turquie, son siège social réel en Grande Bretagne et des intérêts en France. Il
s’agissait de savoir quelle était le droit applicable à l’obligation d’information due par la société
à ses actionnaires. Or, selon qu’on appliquait la loi française, la loi turque ou la loi anglaise,
l’obligation était différente. La règle de conflit française désignait la loi du le lieu du siège social
réel, donc la loi anglaise ; mais le droit anglais optait pour la loi du lieu de l’incorporation (où les
formalités ont été accomplies) c’est-à-dire au siège statutaire turque. Le droit français a admis le
renvoi en appliquant la loi turque au fond du litige.

La cour de cassation vient d’admettre le renvoi au premier degré en matière de succession


immobilière (arrêt Ballestero, Civ. 21 mars 2000, D. 2000, p. 539, note F. Boulanger, renvoi de la
loi successorale, loi italienne de situation des immeubles à la loi française loi nationale du
défunt). La solution a été réitérée de manière plus claire dans l’arrêt Wildenstein du 20 juin 2006
(JDI 2007, p. 125, note H. Gaudemet-Tallon). Plus récemment, dans un arrêt du 11 février 2009, la
cour de cassation a circonscrit le renvoi en ces termes : « en matière de succession immobilière,

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le renvoi opéré par la loi de situation de l’immeuble ne peut être admis que s’il assure l’unité
successorale et l’application d’une même loi aux meubles et aux immeubles ».

Le renvoi permet ainsi l’harmonie des solutions puisque tous les Etats concernés par le renvoi
appliqueront la même loi. Relativement au renvoi au second degré soit le pays tiers accepte sa
compétence ; soit le pays tiers n’accepte pas sa compétence et la renvoie à un droit étranger déjà consulté.
2- Les restrictions au domaine du renvoi
Elles dépendent à la fois des matières (a) et de la nature des règles de conflit de lois en cause (b).
a)- Exclusion du renvoi en raison de la matière
Le renvoi a été exclu dans les hypothèses où les parties peuvent influer sur le choix de la loi applicable. Il
en est ainsi dans les matières où s’applique la loi d’autonomie. Lorsque les parties ont choisi de soumettre
leur contrat à une loi, ce choix désigne la loi interne d’un pays et non la règle de conflit qui opérerait
renvoi à une autre loi. C’est la solution posée en matière de régimes matrimoniaux par l’arrêt Lardans
du 27 janvier 1969 (Rev. Crit. DIP, 1969, note J. Derruppé) ; l’arrêt Gouthertz du 1er février 1972 (GA n°
51) ; l’arrêt Mari-Magni du 24 janvier 1984 (JDI 1984, p. 868 note J. Derruppé) et généralisée par l’arrêt
Mobil North Sea Ltd du 11 mars 1997 dans lequel la Cour de cassation énonce que : « la mise en œuvre de
la loi d’autonomie de la volonté est exclusive de tout renvoi ».

De même en ce qui concerne la forme des actes, le principe est qu’un acte est valable quant à la forme,
s’il respecte la loi du lieu de conclusion (locus regit actum) ; il ne peut donc y avoir en principe renvoi à
une autre loi. Toutefois, on ne peut exclure le renvoi ad validatem, lorsque l’annulation d’un acte pour
vice de forme peut être préjudiciable.
b)- Exclusion du renvoi en raison de la nature de la règle de conflit
Les règles de conflit unilatérales excluent par hypothèse tout renvoi puisqu’elles se contentent d’énoncer
les cas d’application de la loi camerounaise sans mettre en œuvre la loi étrangère

Il en est de même des règles de conflit de lois alternatives ou à option. En effet, la volonté du législateur
étant d’obtenir un résultat (par exemple, la reconnaissance d’un enfant), le choix fait en faveur d’un
rattachement pour atteindre le résultat recherché doit exclure le renvoi. En revanche, lorsque la règle de
conflit est bilatérale et neutre, le renvoi est admis.

Paragraphe 3- L’évolution du rattachement (problème du conflit mobile)


Le conflit mobile doit d’abord être présentée (A) avant d’indiquer sa solution (B).

A- Notion de conflit mobile

L’élément de rattachement retenu par une règle de conflit peut se modifier avec le temps. C’est
ce qu’on appelle le conflit mobile. C’est le cas lorsqu’après la naissance d’une situation juridique,
le facteur de rattachement évolue. Il en est ainsi lorsque la personne dont le statut personnel est
en cause a changé de nationalité, de domicile ou de résidence. La situation juridique est donc
soumise successivement à deux règles substantielles différentes.

Le conflit mobile est une variété de conflits dans le temps entre les règles de conflit. Ce conflit
est provoqué par le déplacement de l’élément de rattachement. Concrètement, il peut intervenir
en cas de changement de nationalité, ou en cas de changement de domicile par une personne. Ce
conflit peut encore intervenir en cas de changement de la situation d’un bien meuble.

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Ce type de conflit peut naitre du fait que la règle de conflit emploie un facteur (critère) élément
de rattachement susceptible de déplacement ou de modification et tient compte du déplacement
éventuel de ce facteur de rattachement pour la désignation de la loi applicable au fond du litige.
On peut donc comprendre que le conflit mobile est exclu lorsque la règle de conflit emploie un
élément de rattachement momentané ou instantané comme le lieu de survenance du délit ou le
lieu de l’accomplissement de l’acte juridique. Le conflit mobile est encore exclu a priori lorsque
le facteur de rattachement est indéplaçable par nature comme le lieu de situation de l’immeuble.

Ex. Deux camerounais mariés au Cameroun sous la forme polygamique émigrent en France et
quelques années plus tard se naturalisent français. Par la suite le mari se fondant sur la loi sous le
régime de laquelle il s’était marié veut prendre une 2nde épouse ; et la question qui se pose est de
savoir si ce droit doit être apprécié par l’ancienne loi nationale ou la nouvelle loi nationale.

Ex : Concernant le statut des biens, quand le bien est meuble il peut être déplacé à travers les
frontières, le déplacement va produire un changement de statut du bien.

B- Solution du conflit mobile

Pour trancher, il faut choisir le moment où l’on prend en considération l’élément de rattachement.
Il existe trois méthodes de résolution du conflit mobile : l’application de la théorie des droits
acquis (1), l’application des règles internes relatives au conflit de lois dans le temps (2) et
l’interprétation propre à chaque règle de conflit (3).

1- L’application de la théorie des droits acquis


C’est à PILLET que l’on doit l’idée de résoudre les conflits mobiles en utilisant la théorie des
droits acquis ou « vested rights » en anglais. Elle signifie que chaque Etat souverain doit
respecter les droits acquis sur le territoire d’un autre selon la loi de cet Etat. Ce respect est dû en
vertu de la courtoisie internationale. Cela aboutit à décider que la situation juridique litigieuse
restera soumise à la législation applicable à l’époque où elle a pris naissance. Ce qui aboutit à
écarter immédiatement la nouvelle loi. Cette théorie est fondée sur la sécurité juridique et de la
stabilité des droits dans l’ordre international.

La théorie a connu a connu une consécration limitée dans la jurisprudence. Dans un arrêt
Banque Ottomane du 19 mars 1965 (Rev. Crit. DIP 1967, 85, note P. Lagarde), la CA de Paris
s’est fondée sur la théorie des droits acquis pour refuser de faire application de la règle de conflit
française à la question de la validité de résolutions prises en Turquie par l’Assemblée générale
d’une société. Selon la Cour, « le système de conflit du for n’a pas à intervenir à l’égard de
situations qui se sont établies à l’étranger, s’y sont développées et y ont épuisé leurs effets alors
qu’elles ne présentaient aucune attache avec le for ». Elle en a déduit que « le fait de la validité
des résolutions votées en Turquie imposait leur reconnaissance en France ».

Cependant, cette conception a fait l’objet de critiques : on lui a reproché de figer une situation
juridique sous l’empire de la loi qui a présidé à sa naissance quelles que soient les modifications
intervenues par la suite. Ensuite, il lui est fait grief d’accorder une trop grande importance à la
souveraineté des Etats dans les litiges qui opposent essentiellement des particuliers entre eux.

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Enfin, elle ne protège nullement la sécurité des relations entre l’intéressé et les personnes qui
sont entrées en relation avec lui postérieurement à la modification du rattachement, ces
personnes ignorant le plus souvent l’existence de la situation passée.

2- L’application des règles du droit transitoire interne


Cette seconde théorie retient une analogie entre le conflit mobile et le conflit dans le temps, le
conflit mobile provoquant un conflit entre lois successives. Pour les tenants de cette théorie, le
conflit mobile ne serait rien d’autre qu’un conflit de lois dans le temps. De sorte qu’il convient
de lui transposer les règles du droit transitoire interne issues de l’article 2 du code civil
applicable au Cameroun :
- application immédiate de la loi nouvelle aux effets à venir des situations en cours
- maintien de la loi ancienne pour juger les conditions de validité et les effets passés de ces
situations.
Si l’on reprend l’exemple des époux espagnols, la validité de leur mariage sera appréciée selon
la loi espagnole, mais ils pourront divorcer selon les dispositions de la loi camerounaise.

Toutefois, des reproches ont été faits à cette théorie : elle néglige le caractère international du
conflit mobile pour deux raisons au moins. D’abord les lois en concurrence émanent de
législateurs différents ; ensuite, les deux lois en conflit devant le juge ne sont pas ancienne et
nouvelle puisqu’elles demeurent simultanément en vigueur dans deux pays.

3- L’interprétation propre à chaque règle de conflit


Selon cette conception, il n’y a de solution apte à régler tous les cas de conflits mobiles. Il faut
alors rechercher une solution propre au problème posé par la modification de la circonstance de
rattachement. Il n’y aurait dont pas comme le pense BARTIN, de solution générale valable pour
tous cas de conflits mobiles.

Le droit positif semble favorable à une telle méthode. La conduite à tenir est dictée par les
facteurs qui ont présidés à l’élaboration de règles de conflits en fonction de ses objectifs et des
intérêts qu’elle met en jeu. De sorte qu’il est plus logique de se référer par exemple à la loi de la
situation actuelle du bien mobilier.

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Chapitre 3
La mise en œuvre de la règle de conflit

Mettre en œuvre la règle de conflit, c’est l’appliquer. Parfois cette application n’est pas possible
car elle se heurte à un obstacle insurmontable (la loi est introuvable, inconnue). Dans une telle
hypothèse, le juge fera application de sa propre loi au nom du principe de compétence ou de la
vocation subsidiaire de la lex fori.

Si la mise en œuvre de la règle de conflit est le résultat normal du raisonnement conflictualiste,


elle n’est pourtant pas systématique. On étudiera l’application de la règle de conflit (Section1) et
l’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit (Section2).

Section 1
L’application de la règle de conflit

La loi compétente est soit la loi camerounaise, loi du for, soit la loi étrangère. En réalité, lorsque
la règle de conflit désigne la loi du for, la loi camerounaise est appliquée sans difficulté
particulière par le juge camerounais saisi, le juge du for. En revanche, dans le second cas, des
difficultés tenant au caractère étranger de la règle de droit peuvent se présenter. Et de ce point de
vue, deux questions se posent : Le juge saisi a-t-il l’obligation d’appliquer les règles de conflit de
lois ? Ces règles sont-elles des règles de droit comme les autres ? Lorsque la règle de conflit
désigne une loi étrangère, quelle est la condition de cette loi étrangère ? Peut-on assimiler la loi
étrangère et la loi du for ? Ces questions soulèvent le problème du statut procédural de la loi
étrangère (Paragraphe 1) et celui de sa réalisation (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Le statut procédural de la règle de conflit

C’est aujourd’hui l’une des questions les plus discutées en doctrine du fait de l’évolution des
solutions jurisprudentielles. Le juge peut-il ou doit-il appliquer d’office (i.e sans qu’on le lui
demande), la loi étrangère désignée par la règle de conflit ? Les parties peuvent-elles s’accorder
pour l’écarter ? Pour répondre à ces questions, il faut distinguer la question de l’autorité de la
règle de conflit à l’égard du juge (A) et à l’égard des parties (B).

A- L’autorité de la règle de conflit de lois à l’égard du juge


L’autorité de la règle de conflit est relative (1) et admet des tempéraments (2).
1- Une autorité relative d’appliquer la règle de conflit
La question de l’autorité de la règle de conflit a évolué certes lentement en jurisprudence.

Première étape : la jurisprudence Bisbal ou l’application facultative pour le juge des règles de
conflit de lois. Il est important de souligner ici que c’est la règle en vigueur au Cameroun. Dans
l’arrêt Bisbal du 12 mai 1959, la Cour de cassation a décidé que : « les règles de conflit de lois,
en tant du moins qu’elles prescrivent l’application d’une loi étrangère, n’ont pas un caractère
d’ordre public, en ce sens qu’il appartient aux parties d’en réclamer l’application et qu’on ne

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peut reprocher aux juges du fond de n’avoir pas appliqué d’office la loi étrangère » (GA n° 32).
En l’espèce la séparation de corps de deux époux espagnols avait été convertie en divorce,
conformément à la loi française, alors que la règle de conflit française désignait la loi espagnole,
loi nationale des époux qui prohibait le divorce. Ainsi dans le silence des parties, l’application
de la loi étrangère par le juge est une simple faculté. L’arrêt Compagnie algérienne de Crédit
de Banque du 2 mars 1960 (GA n° 33) confirmera cette solution en rappelant que l’application
de la règle de conflit n’est obligatoire que lorsqu’elle conduisait à l’application de la loi du for
(quelle que soit la nature des droits en cause).

Cette JP a été critiquée en doctrine en ce qu’elle faisait varier la règle de conflit selon que la loi
désignée était française ou étrangère mais aussi qu’elle permettait aux parties de s’entendre sur la
loi applicable dans des matières où leur volonté n’avait pas ce pouvoir. Elle sera d’ailleurs
tempérée dès l’année suivante par l’arrêt époux Bertoncini du 11 juillet 1961 (Rev. Crit. DIP
1962, 124, note Batiffol), qui n’avaient pas fait valoir leur nationalité italienne et les juges ne
l’avaient pas relevée. (Dans le même sens, l’arrêt Alay c. Jouandeau du 25 janvier 1967 (Rev.
Crit. DIP 1968, 74 : contenu de la loi étrangère ignorée du juge).

L’abandon de cette solution va se faire lentement et en dents de scie.

Deuxième étape : les arrêts Rebouh et Schule, consacrent l’application obligatoire des règles de
conflit de lois par le juge. Les arrêts Rebouh du 11 octobre 1988 (GA n° 74) et Schule du 18
octobre 1988 (GA n° 75) constituent le revirement de la JP par rapport à l’arrêt Bisbal. Dans
l’arrêt Rebouh, il s’agissait d’une action en recherche de paternité naturelle qui avait été intentée
par une mère de nationalité algérienne en application du droit français. La Cour de cassation
reproche aux juges de fond de ne pas avoir appliqué la règle de conflit de lois énoncée à l’article
311-14 du Code civil, aux termes de laquelle la filiation est régie par la loi personnelle de la mère.

Dans l’arrêt Schule, il s’agissait d’une question successorale. La Cour de cassation reproche aux
juges de fond de n’avoir pas mis en œuvre la règle de conflit qui désigne la loi du dernier
domicile du défunt, la loi suisse en l’espèce. Mais ce revirement qui paraissait en 1988 avoir une
portée générale (le juge avait l’obligation d’appliquer la règle de conflit de lois) a lui-même fait
l’objet d’un nouveau revirement partiel.

Troisième étape : l’arrêt Coveco, restriction du domaine de l’application d’office des règles de
conflit de lois avec distinction des droits disponibles et les droits indisponibles. Deux ans plus
tard, la cour de cassation a apporté une limitation au caractère systématique de l’application
d’office des règles de conflit dans l’arrêt Coveco du 4 décembre 1990 (GA n° 76). La Cour de
cassation a rejeté le pourvoi contre une décision qui avait appliqué la loi française en énonçant
que les parties (ici la société auteur du pourvoi) n’avaient pas invoqué l’application de la loi
étrangère « en une matière qui n’était soumise à aucune convention internationale et où la
société Coveco avait la libre disposition de ses droits ». Selon cet attendu, il fallait donc déduire
que l’obligation pour le juge d’appliquer d’office la loi étrangère ne s’impose que si la matière
du litige est soumise à une convention internationale ou s’il s’agit de droits indisponibles
(essentiellement l’état et la capacité des personnes).

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Quatrième étape : les arrêts Mutuelles du Mans et M. Belaid. Dans ces arrêts, l’obligation
d’appliquer d’office les règles de conflit est limitée aux seuls droits indisponibles. La Cour de
cassation française ne vise plus les règles de conflit conventionnelles mais seulement les droits
indisponibles pour lesquels le juge devait mettre en application les règles de conflit de lois. On
constate que l’obligation pour le juge d’appliquer d’office la règle de conflit posée par l’arrêt
Rebouh en matière de droits indisponibles n’a jamais été remise en cause. Certes dans trois
décisions, la Cour de cassation française semble favorable à un principe général de l’obligation
pour le juge d’appliquer d’office la loi étrangère désignée par la règle de conflit mais elle ne
remet pas en cause la distinction majeure autour de laquelle s’organise le régime procédural
entre les droits disponibles et les droits indisponibles (arrêt Fonds de garantie automobile du 8
juin 2002, arrêt D. et J. Sporting Ltd du 18 septembre 2002 et arrêt M. Mazouk Ahidar du 22
octobre 2002).
2- Un régime procédural admettant des tempéraments
Premier tempérament : c’est l’accord procédural en présence de droits disponibles. L’exemple
nous est fourni par le code de procédure civile français (art. 12, al. 3). En DIP français, l’accord
procédural consiste pour les parties à interdire au juge d’appliquer la loi normalement
compétente. La Cour de cassation a affirmé le droit pour les parties de conclure un accord « pour
les droits dont elles ont la libre disposition, et donc demander l’application de la loi compétente »
dans l’arrêt Hannover International du 6 mai 1997 (GA n° 84) et a par la suite été confirmé dans
un arrêt Société Deltay du 26 mai 1999 (Gaz. Pal. 2002, p. 39). Cet accord peut même figurer
dans les conclusions des parties invoquant une autre loi que celle désignée par la Convention
internationale. L’accord procédural est limité aux droits dont les parties ont la libre disposition.

Second tempérament : c’est l’équivalence des lois en présence de droits indisponibles. Dans
l’arrêt Bao-Daï du 11 juillet 1988 (Rev. Crit. DIP 1989, 81, note P.-Y. Gauthier), la Cour de
cassation française a admis ce tempérament à l’obligation faite au juge d’appliquer la règle de
conflit en matière de droits indisponibles. Ainsi lorsque le juge applique une loi autre que celle
normalement compétente, il ne sera pas sanctionné s’il existe entre les deux lois (loi appliquée et
loi désignée par la règle de conflit) une équivalence i.e. que « la situation de fait constatée par le
juge aurait les mêmes conséquences juridiques en vertu de ces deux lois ». Et dans l’arrêt Cie
Royale Belge du 11 janvier 2005, la Cour de cassation va plus loin en décidant que le juge peut
après avoir relevé l’existence du conflit de lois, renoncer à le trancher s’il apparaît que les deux
lois en conflits sont équivalentes.

B- L’autorité des règles de conflit de lois à l’égard des parties

Les parties peuvent-elles s’accorder pour demander au juge d’écarter la désignée par la règle de
conflit ? C’est la question de l’accord procédural. Tout dépend de la nature des droits. Les juges
camerounais n’ont pas eu à se prononcer sur cette question. Les solutions étrangères sont sans
doute inspiratrices.

La cour de cassation l’a d’abord admis dans le domaine délictuel avec l’arrêt Roho du 19 avril
1988 (Rev. Crit. DIP 1989, p. 69, note Batiffol). Un accident est survenu à Djibouti entre deux
véhicules conduits par des Français affectés à une base militaire qui se trouvait sur ce territoire.

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Les parties ont réclamé dans leurs conclusions respectives l’application de leur loi nationale, au
lieu de la lex loci delicti ; et la Cour de cassation l’a accepté.

Elle l’a ensuite admis en matière contractuelle, de façon implicite. La difficulté ici est de
distinguer l’accord sur la loi applicable constitutif de la règle de conflit et l’accord procédural qui
intervient après le litige et qui permet aux parties d’écarter la loi désignée par la règle de conflit
applicable.

L’accord procédural en présence de droits disponibles. Il est prévu par le Code de procédure
civile français (art. 12, al. 3 du Code). En DIP, l’accord procédural consiste pour les parties à
obliger le juge à appliquer une loi autre que la normalement compétente. La Cour de cassation
française a affirmé le droit pour les parties de conclure un accord « pour les droits dont elles ont
la libre disposition, et donc demander l’application de la loi compétente » dans l’arrêt Hannover
International du 6 mai 1997 (GA n° 84) et a par la suite été confirmé dans un arrêt Société
Deltay du 26 mai 1999 (Gaz. Pal. 2002, p. 39). Cet accord peut même figurer dans les conclusions
des parties invoquant une autre loi que celle désignée par la Convention internationale. L’accord
procédural est limité aux droits dont les parties ont la libre disposition.

Paragraphe 2- La réalisation de la règle de conflit


Pour que la loi étrangère désignée par la règle de conflit s’applique effectivement, il faut
connaître son contenu (A) et l’interpréter (B)

A- La connaissance du contenu de la loi étrangère


L’application de la loi étrangère met en relief deux difficultés : Qui a la charge d’établir la teneur
de la loi étrangère (1) ? Et comment ou par quels modes celle-ci peut être établie (2).
1- La charge de la preuve de la loi étrangère
La question de la charge de la preuve du droit étranger a connu une évolution. On peut en
distinguer deux phases.
a) Première phase
Dans un premier temps, les arrêts Lautour du 25 mai 1948 (GA n° 19, 168) et Thinet (24 janvier
1984) énonçaient que la charge de la preuve de la loi étrangère reposait sur la partie dont la
prétention est soumise à cette loi. Ce n’était donc pas la partie qui invoquait la loi étrangère qui
supportait la charge de la preuve. Le fait que les parties étaient chargées d’apporter la preuve de
la loi étrangère avait pour conséquence de ramener la loi étrangère au rang de fait juridique.

b) Deuxième phase
La solution Lautour et Thinet sera abandonnée. Et le changement sera fonction de la distinction
‘’Droits disponibles/Droits indisponibles.
- Première hypothèse : les parties ont la libre disposition de leurs droits
Selon l’arrêt Masson (Civ 1re, 5 novembre 1991, Rev. Crit DIP 1992. 314, note H. Muir-Watt) « il
incombe à la partie qui prétend qu’un contrat est soumis à la loi étrangère d’établir le contenu de
la loi étrangère ». En cas d’absence de preuve de la loi étrangère, compétence revient à la lex fori

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à titre subsidiaire. Par conséquent, lorsque les parties ont la libre disposition de leurs droits, c’est
à elles d’établir la teneur de la loi étrangère.

Une question se pose alors. Sur quelle partie repose la charge de la preuve ? Selon l’arrêt
Amerford (16 novembre 1993, Rev. Crit. DIP 1994, 332, note P. Lagarde, GA n° 82-83, 1er arrêt,
734), « dans les matières où les parties ont la libre disposition de leurs droits … il incombe à la
partie qui prétend que la mise en œuvre du droit étranger conduira à un résultat différent de celui
obtenu par l’application du droit français de démontrer l’existence de cette différence par la
preuve de la loi étrangère qu’elle invoque ».
- Deuxième hypothèse : Les parties n’ont pas la libre disposition de leurs droits
Logiquement, c’est au juge de supporter la charge de la preuve, parce que dans ce cas où le juge
doit appliquer d’office de la règle de conflit par le juge et a aussi l’obligation de rechercher le
contenu de la loi étrangère. ? Ainsi les arrêts Driss Abdou du 27 janvier 1998 (Rev. Crit. DIP
1998, 60, note P. Mayer), Ababou du 27 juillet 1997 (JCP 1998. II. 10098, note H. Muir-Watt) et
Cie Rhin et Moselle du 19 octobre 1999 (JCP 2000. II. 1043, note H. Muir-Watt) affirment que
l’application de la loi étrangère désignée pour régir les droits dont les parties n’ont pas la libre
disposition impose au juge français de rechercher la teneur de cette loi.

La position de principe actuelle a été clairement énoncée par deux arrêts rendus le 28 juin 2005
l’un en matière de droits indisponibles (arrêt Aubin), l’autre en matière de droits disponibles
(arrêt Itraco). Il incombe au juge français qui reconnait applicable un droit étranger d’en
rechercher soit d’office soit à la demande de la partie qui l’invoque, la teneur du droit étranger
avec le concours des parties et personnellement s’il y a lieu et ce, quelle que soit la nature des
droits en cause.

Toutefois, il faut s’interroger sur la portée réelle d’une telle obligation. S’agit-il d’une obligation
de moyens ou d’une obligation de résultat ? La doctrine pense plutôt qu’il s’agit d’une obligation
de collaboration entre les parties et le juge. Au fond, il s’agira de censurer le juge qui doit user de
toutes les diligences pour parvenir à la connaissance de la loi étrangère, et le cas échéant,
recourir à la compétence subsidiaire de la loi du for en cas d’empêchement justifié de connaitre
la loi étrangère.
2- Les modes d’établissement de la loi étrangère
Même si la charge de la teneur de la loi étrangère repose finalement sur le juge, les parties sont
invitées à concourir à cette recherche.

Les parties y ont d’ailleurs intérêt tout au moins pour convaincre le juge du bien-fondé de leurs
prétentions. Elles peuvent pour ce faire utiliser tous les moyens de preuve. A cet égard, les
parties produisent souvent des attestations ou consultations dites certificats de coutume fournies
par des juristes compétents. Elles peuvent aussi avoir recours à un expert (arrêt Darmouni du 19
octobre 1971, D. 1972, 633, note Ph. Malaurie).

Toutefois, aucun de ces documents ne s’impose au juge, qui peut toujours vérifier le sens et la
portée de la loi étrangère.

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L’intérêt pour le juge d’obtenir toutes les informations sur la loi étrangère est d’autant plus
nécessaire que, confronté aux dispositions de ce droit, le juge du for est contraint de l’interpréter.

B- L’interprétation de la loi étrangère


Le régime appliqué à la loi étrangère sur le terrain de l’interprétation rappelle celui réservé aux
faits. L’interprétation de la loi étrangère est en effet soumise au pouvoir souverain des juges du
fond (1) sous la seule limite d’un contrôle de la dénaturation par la Cour de cassation (2).
1- Le pouvoir d’interprétation souverain des juges de fond
L’interprétation est un processus intellectuel dont l’objet est de révéler le sens réel d’une règle
ambigüe. En droit français ou camerounais, les juges du fond interprètent souverainement les
faits. En droit positif, les juges de fond interprètent souverainement la loi étrangère.

En revanche, la Cour suprême (ou la Cour de cassation) veille toutefois à ce que la motivation
soit suffisante. Concrètement cela signifie qu’elle ne sanctionne pas la décision d’une juridiction
de fond pour mauvaise interprétation de la loi étrangère. Il existe une exception : elle contrôle de
la dénaturation de la loi étrangère.

Il faut distinguer la mauvaise interprétation de la dénaturation. La dénaturation suppose que la


règle de droit étrangère soit claire et précise, que la règle est « insusceptible » d’interprétation,
pourtant le juge donne à la règle un sens différent que la raison impose. Dans ce cas, il y a
dénaturation et la Cour de Cassation (cour suprême) cassera la décision du juge qui a dénaturé.
La mauvaise interprétation suppose que la règle de droit ne soit pas claire et précise. Le juge
donne à cette règle une interprétation différente de celle des cours étrangères, la Cour de
Cassation refuse de sanctionner cette mauvaise interprétation.

2- Le contrôle de dénaturation de la loi étrangère


Depuis l’arrêt Montefiore du 21 novembre 1961 (GA n° 36), la solution est constante :
« l’application que fait le juge du droit étranger quelle qu’en soit la source légale ou
jurisprudentielle, échappe sauf dénaturation au contrôle de la cour de cassation ». Cette JP est
approuvée par la doctrine. La Cour de cassation est une cour régulatrice pour le droit français et
non pour le droit étranger.

Mais si la cour de cassation ne contrôle pas l’interprétation faite du droit étranger, elle contrôle
les motifs. Il faut que la motivation fondée sur la loi étrangère soit suffisante.

Il n’est pas toujours aisé de distinguer dénaturation et interprétation. La cour de cassation admet
dans l’arrêt Société Africatours du 1er juillet 1997 (Rev. Crit. DIP 1998, p. 292, note Muir-Watt),
que le juge du fond puisse s’éloigner du sens littéral de la règle de droit étranger s’il justifie par
référence à d’autres sources du droit positif étranger la pertinence de sa position. Dun autre côté,
elle censure dans l’arrêt Briaoti du 14 février 2006 (Rev. Crit. DIP 2006, p. 833, note S. Bollée)
pour dénaturation la décision des juges du fond qui auraient omis de prendre en compte
l’interprétation d’une disposition du droit étranger déjà donnée par la JP étrangère.

C’est l’arrêt du Coutumier du Dahomey (Civ. 22 octobre 2008), qui permet d’illustrer plus
clairement la question du la dénaturation du droit étranger. En l’espèce, il a été reproché au juge
français d’avoir dénaturé l’article 183 du coutumier du Dahomey (résumé de coutumes). Cet

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article prévoit que la mention du nom du père dans l’acte de naissance de l’enfant établit le lien
de paternité. Pour le juge français saisit, en droit du Dahomey, s’il n’y a pas d’action en
recherche de paternité il n’a pas de lien de filiation, alors que devant le juge était présenté une
attestation de l’existence de la règle. La cour de cassation a estimé que cour d’appel avait violé
l’article 183 du coutumier du Dahomey.

Section 2
L’éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit

La loi étrangère désignée par la règle de conflit peut être évincée ou écartée soit lorsque son
application heurte l’ordre public du système du for (§Paragraphe 1), soit lorsque les
circonstances de l’espèce font apparaître une fraude à la loi (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- L’ordre public


L’un des apports de l’arrêt Lautour suscité réside dans son approche de la notion d’ordre public
international. Il s’agit de contrôler que l’application de la loi étrangère désignée par la règle de
conflit ne conduit pas à un résultat incompatible avec les valeurs fondamentales du for.
Cependant, l’éviction de la loi étrangère doit demeurer exceptionnelle. Elle constitue en effet une
entorse au principe de la neutralité de la règle de conflit qui veut qu’une loi étrangère soit
déclarée applicable indépendamment de son contenu. Le respect nécessaire de l’ordre public
international conduit à mettre en œuvre un mécanisme d’exception dont on précisera les
conditions (B) après avoir défini le contenu (A).

A- Le contenu de l’ordre public en DIP


Le contenu de l’ordre public en DIP sera mieux cerné en envisageant la notion (1), ses caractères
(2).
1- La notion d’ordre public international
La notion n’a pas définition légale dans la mesure où s’agit davantage d’une notion pratique
permettant une appréciation par le juge. Toutefois, l’ordre public en DIP est défini par la doctrine
et la jurisprudence comme un correctif exceptionnel permettant d’écarter la loi étrangère
normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l’application est
jugée inadmissible par le tribunal saisi. De sorte que c’est au juge de dire à chaque fois si la loi
étrangère est ou non contraire à l’ordre public. C’est lui qui appréciera à un moment donné l’état
de l’opinion et des conceptions fondamentales dans l’ordre juridique du for afin de déterminer si
oui ou non la loi étrangère doit être évincée (évincée).
2- Les caractères de l’ordre public international
L’ordre public international est national. De fait, l’ordre public tel qu’on l’envisage en DIP n’est
pas un véritable ordre public international c’est-à-dire commun à toutes les nations. C’est plutôt
un ordre public du système du juge saisi, autrement dit qui est de source interne. C’est pourquoi
certains auteurs suggèrent de parler « d’ordre public au sens du DIP ».

Il est imprécis dans la mesure où l’intervention de l’ordre public international est laissée à la
discrétion des juges et liée à leur jugement sur la valeur du contenu de la loi étrangère.
Néanmoins les Nations et les Etats s’accordent à ranger dans l’ordre public un ensemble de

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principes considérés comme universels tels que l’interdiction de l’esclavage, la prohibition des
discriminations raciales, sexuelles.
Il est variable. L’ordre public varie dans l’espace et dans le temps. Il s’agit d’un jugement de
valeurs porté sur la loi étrangère par le juge et s’appuyant sur sa législation. C’est une
représentation des valeurs fondamentales que se fait à un moment donné un ordre juridique
particulier. Ceci explique par exemple que la monogamie soit considérée comme un principe
fondamental dans de nombreux pays occidentaux et qu’elle ne le soit pas dans certains pays
africains (comme le Cameroun, le Sénégal) ou inversement que l’hétérosexualité soit un principe
fondamental dans certains pays africains et n’en soit pas dans les pays occidentaux où le
mariage homosexuel est consacré.

B- Les conditions de mise en œuvre de l’exception d’ordre public


L’OPI fonctionne sur la base d’un mécanisme d’exception et son application est circonstanciée.
Il est utilisé comme un moyen de défense (Derruppé et Laborde, p. 101). Le terme exception
indique que l’intervention de l’ordre public international ne joue que pour faire échec à
l’application de la loi étrangère désignée comme compétente. Ainsi, le contrôle de la conformité
à l’ordre public international n’intervient donc qu’à posteriori, c’est-à-dire après la désignation
de la loi étrangère. Les conditions de son intervention sont au nombre de deux :

Première condition : Ce qui déclenche l’exception d’ordre public international n’est pas en soi
le contenu de la loi étrangère, mais le résultat inadmissible auquel peut conduire son application ;
c’est la première condition. Cela signifie que l’appréciation du droit étranger doit se faire de
manière concrète et non abstraite. Il faut en effet que l’application de la loi étrangère soit de
nature à produire un résultat particulièrement choquant (D. Gutmann, p. 107).
La deuxième condition est celle selon laquelle pour déclencher l’exception d’ordre public, il
faut constater que l’application du droit étranger aurait un impact sur l’ordre public du for. Cela
suppose que la situation soumise au juge présente un lien avec le tribunal saisi. Le plus souvent,
ce lien est établi lorsqu’on constate que l’ordre public camerounais est menacé parce que la
société camerounaise elle-même est en jeu : c’est l’ordre public de proximité ou ordre public plein
Ainsi, si le rapport juridique est né dans un pays étranger entre des personnes domiciliées à
l’étranger, et dont aucune n’est camerounaise, le juge camerounais sollicité pour se prononcer
sur la validité n’a pas de raison d’écarter la loi étrangère sous le prétexte qu’elle pourrait heurter
le fondement politique et social de la civilisation camerounaise ou bien une certaine politique
législative camerounaise. On considère dans ce cas que la société camerounaise n’est pas
concernée, et le juge camerounais n’a pas à donner de jugement de valeur sur la société étrangère.
Il faut dès lors se demander dans quel cas la société camerounaise est concernée et dans quel cas
elle ne l’est pas.
Le critère principal de distinction est le lieu de naissance du rapport juridique concerné.
Ex. A l’époque ou le divorce était interdit dans certains pays européens, il n’était pas possible de
divorcer même pour les étrangers dans ces pays. Cependant il était possible de reconnaitre dans
ces pays le divorce prononcé à l’étranger dans un pays qui reconnaissait cette institution.
De même il est arrivé, alors que la France ne reconnaissait pas le divorce par consentement
mutuel, que le juge français reconnaisse en France le divorce par consentement mutuel prononcé
en Equateur entre des personnes de nationalité française : c’est l’effet atténué de l’ordre public.
(Cf. Arrêt Rivière, 17 avril 1953, Grands Arrêts No 26. Dans cet arrêt la cour de cassation a
énoncé que « la réaction à l’encontre d’une disposition contraire à l’ordre public n’est pas la

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même suivant qu’elle fait obstacle à l’acquisition d’un droit en France ou suivant qu’il s’agit de
laisser produire en France les effets d’un droit acquis sans fraude à l’étranger ». Ainsi,
l’exception d’ordre public va jouer chaque fois qu’il s’agira pour le juge soit de créer une
nouvelle situation (on lui demande de prononcer un divorce, adoption, reconnaissance d’un
enfant); soit de se prononcer sur la validité d’une situation entièrement créée ou révélée au
Cameroun (action en nullité d’une répudiation prononcée au Cameroun).

En revanche, l’ordre public international camerounais ne va pas jouer pour une situation créée ou
révélée à l’étranger. Ex. La répudiation prononcée à l’étranger est valable au Cameroun. C’est
dans ce cas qu’on parle de l’effet atténué de l’ordre public international

C- Les effets de l’intervention de l’ordre public

L’effet principal de la mise en œuvre de l’exception d’ordre public est l’exclusion des effets des
droits réclamés en vertu de la loi étrangère (P. Meyer, p. 197). Mais, l’éviction est limitée aux
seules dispositions de la loi étrangère contraires à l’ordre public. L’autre effet à l’exception
d’ordre public est la substitution de la lex fori à la loi évincée. La loi du for est appliquée en
vertu de sa vocation subsidiaire.

Paragraphe 2- La fraude à la loi


Le DIP est le terrain privilégié de la fraude à la loi, car les fraudeurs peuvent jouer sur la
diversité des droits pour contourner les lois. Le Droit international privé utilisé par les fraudeurs
permet de substituer au droit normalement compétent un autre droit.

La fraude à la loi se caractérise souvent par l’utilisation artificielle (par la mise en œuvre de
manœuvres frauduleuses) d’une règle de conflit de lois pour échapper à l’application d’une
disposition nationale défavorable. Dans la fraude à la loi, il y a modification de la règle de conflit
comme dans le conflit mobile, mais la modification est anormale dans la fraude à la loi. Il y a
manipulation de l’élément de rattachement, parce que l’auteur de la manipulation veut atteindre
un résultat précis.

La notion de fraude est aussi invoquée dans le contexte du conflit de juridictions (ou d'autorités)
où la fraude s'inscrit également parce que l'intéressé s'est adressé à une autorité publique, le plus
souvent un juge (forum shopping), pour obtenir la consécration de la situation juridique qu'il
souhaite. Ici, le but est de contourner les règles classiques d'attribution de compétence judiciaire,
c'est-à-dire de choisir le tribunal compétent.

La constitution de la fraude à la loi implique la réunion de certains éléments (A) et entraîne des
sanctions (B).

A- Les éléments de la fraude à la loi


Il existe deux éléments : un élément matériel (1) et un élément psychologique (2).
1- L’élément matériel : l’utilisation volontaire des règles de conflit
L’élément matériel résulte en général d’un changement volontaire du facteur de rattachement.
C’est le cas des matières du statut réel, le statut personnel, le rattachement étant soit la
nationalité soit le domicile.

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C’est l’arrêt Bauffremont du 18 mars 1878 (GA n° 6) qui a fondé en JP la théorie de la fraude à
la loi. En l’espèce, la princesse de Bauffremont est mariée à Mr de B Français également, le
droit français est applicable à leur mariage. Mme est amoureuse d’un prince roumain et veut
divorcer mais la loi française interdit le divorce. Elle décide d’établir son domicile dans un pays
qui connait le divorce : au royaume de Bavière et en même temps se fait naturaliser bavaroise.
Elle demande le divorce devant le juge bavarois ; les époux n’ayant plus la même nationalité, la
loi applicable est celle du juge saisi du divorce, le droit bavarois. Mme a changé de domicile et
nationalité pour pouvoir divorcer. Elle obtient le divorce, et demande que le divorce soit porter
en marge des registres d’état civil en France, mais la Cour de Cassation considère que le
divorce prononcé en Bavière ne peut produire d’effet en France car il est frauduleux. Mme est
donc toujours considérée comme mariée au prince de Baufremont.. La cour de cassation décida
dans cette affaire que : « la demanderesse avait sollicité et obtenu cette nationalité nouvelle non
pas pour exercer les droits et accomplir les devoirs mais dans le seul but d’échapper aux
prohibitions de la loi française ».
L’affaire princesse de Bauffremont est l’exemple type d’une fraude à la loi réalisée par
changement de nationalité. Quant à la loi du domicile, la fraude est encore plus facile ; en effet,
déménager est plus simple que changer de nationalité. C’est le cas également du statut réel
mobilier dans lequel la fraude peut consister dans le déplacement d’un meuble (transport d’un
meuble d’un pays à un autre modifie la compétence législative), ou le changement de la
qualification du bien en transformant un immeuble en meuble.
En revanche, la fraude est moins aisée dans les matières contractuelles en raison du libre choix
par les parties de la loi applicable, et sauf l’hypothèse susmentionnée, elle est impossible en
matière immobilière dans la mesure où la volonté des parties est sans influence sur le lieu de
situation du bien, inamovible par définition.
2- L’élément moral : l’intention frauduleuse
Toute personne qui change l’élément de rattachement ne commet pas nécessairement une fraude
A l’intention matériel doit s’ajouter un élément intentionnel Il n’y aura fraude que si la
modification apportée au facteur de rattachement est destinée à écarter la loi normalement
applicable. Dans l’affaire princesse de Bauffremont le changement de nationalité apparaît
frauduleux car il a été réalisé « dans le seul but d’échapper aux prohibitions (du divorce) et de la
loi française ».

L’existence de l’intention frauduleuse est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond.
Pendant longtemps, seules les fraudes à la loi française ont été sanctionnées. Mais aujourd’hui
les juges français n’hésitent pas à sanctionner la fraude à la loi étrangère. Par exemple, lorsqu’un
époux québécois se rend à Reno au Nevada pour obtenir un divorce qu’il n’aurait pas pu obtenir
à Québec, le juge français saisi peut constater la fraude (arrêt Giroux c/ Dame Chatrand du 11
juillet 1977, Rev. Crit. DIP 1978, p. 149, note B. Audit).

B- La sanction de la fraude à la loi


Le Dip connait la règle selon laquelle la fraude corrompt tout, c’est à dire qu’on ne prend pas en
compte les conséquences d’une fraude
En doctrine, la question se pose de savoir quelle est la portée exacte de la sanction devant frapper
la fraude lorsque celle-ci se réalise par un acte juridique : l’acte doit-il être simplement déclaré
inopposable au juge français ou doit-il être annulé ? La naturalisation de la princesse de
Bauffremont est-elle nulle ou simplement inopposable ? En DIP, la réponse n’est pas évidente

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puisqu’il convient de prendre en considération l’Etat étranger concerné. La sanction de la fraude


à la loi étrangère est donc en principe l’inopposabilité.
Autre question : faut-il admettre que l’inopposabilité s’applique à l’ensemble de l’acte
frauduleux ou seulement à la conséquence frauduleuse qui était le but de l’acte ? Dans
l’exemple de la princesse de Bauffremont, est-ce la naturalisation en entier qui est inopposable
ou uniquement le divorce et le remariage, le changement de nationalité produisant ses autres
effets ? La cour de cassation estime que l’inopposabilité concernait la totalité de l’acte.

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Titre 2 – La méthode directe ou méthode des règles substantielles


Le Dip emploie dans cette matière, diverses méthodes qui pour certaines, empruntent à la
méthode classique dite indirecte, un certain nombre d’éléments (Chapitre 1), alors que d’autres
sont très éloignées de la méthode classique comme la méthode des règles matérielles ou méthode
des règles substantielles (Chapitre 2).

H. Batiffol, « Le pluralisme des méthodes en DIP », RCADI, 1973, pp. 79 et s ; P. Louis Lucas, « Conflits
de méthodes en matière de conflit de lois », JDI, 1956, pp. 774 et s).

Chapitre 1
Une méthode empruntant à la méthode conflictuelle classique : la loi de police

Il faut définir les lois de police (Section 1) avant de montrer le particularisme des lois de police
(Section 2)

Section 1
La définition des lois de police

Il n’est pas aisé de donner une définition des lois de police. Pour avoir une vue exhaustive des
lois de police.

La notion de lois de police est ancienne. On la retrouve dès 1804 dans l’article 3 du code civil
applicable au Cameroun qui dispose : « Les lois de police et de sûreté obligent tous ceux qui
habitent le territoire national ». Pourtant, la définition de la notion reste l’œuvre de la doctrine et
de la jurisprudence. La notion mérite d’être cernée (Paragraphe 1). Mais pour avoir une vue
exhaustive des lois de police, il convient de les situer par rapport aux lois d’application territoriale et
immédiate et par rapport aux règles de conflit (Paragraphe 2).

Paragraphe 1-La notion de lois de police


Il n’y a pas de définition dans le Code civil de la loi de police, alors même que le code utilise ce
concept. Selon l’article 3 alinéa 1er du Code civil, <<Les lois de police et de sureté obligent tous
ceux qui habitent le territoire>>. On peut donc considérer qu’une loi de police est une règle
interne qui va s’appliquer à une relation internationale alors même qu’elle n’est pas désignée par
la règle de conflit de lois. Elle s’applique parce le législateur veut qu’elle s’applique en raison du
but que cette loi poursuit. La difficulté va être d’identifier ces lois.

C’est un juriste français, FRANCESCAKIS, qui le premier a étudié les lois de police. La
définition qu’il en donne est fondée sur le contenu de ces lois : Ce sont des lois « dont
l’observation est nécessaire pour la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et
économique du pays ». Elles se caractérisent par leur fonction d’organisation politique, sociale
ou économique. Il s’agit donc de dispositions impératives qui vont s’appliquer à une situation
donnée, même si cette situation présente des liens avec un autre Etat. En effet, la loi de police
s’applique sur le fond de façon prioritaire, quelle que soit la loi applicable aux rapports de droit.
Un exemple de loi de police nous est fourni par le Code de travail camerounais en son article 24.

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Selon ce texte, « Tout contrat de travail conclu pour être exécuté au Cameroun, est soumis au
Code de travail ».

Paragraphe 2- Distinction avec les notions voisines


A- Distinction entre lois de police, ordre public en DIP et ordre public interne

Les lois de police doivent être distinguées des lois d’ordre public interne ou d’ordre public
international

L’ordre public interne a pour siège l’article 6 du Code civil. Il recouvre l’ensemble des
dispositions qui présentent un caractère impératif qui dont l’application ne peut être écartée par
convention. Ainsi la notion d’ordre public telle qu’elle est conçue en droit interne c’est-à-dire qui
correspond à un ensemble de lois auxquelles on ne peut déroger, ne peut pas être confondue à
une loi ou aux lois de police. Ex. La plupart des lois en matière de mariage, divorce ou de
filiation sont d’ordre public en droit interne. Pourtant on admet dans ces matières l’application
des lois étrangères Ce qui signifie que ces lois d’ordre public ne constituent pas des lois de police.
Dès lors qu’une situation est internationale parce qu’elle contient un élément d’extranéité, c’est à
l’ordre public international qu’il convient de recourir. Et l’ordre public international n’inclut pas
toutes les dispositions impératives du droit interne. Il ne vise selon la formule de l’arrêt Lautour
que « les principes de justice universelles considérés dans l’opinion française comme de valeur
internationale absolue ». Il s’ensuit que le domaine de l’ordre public international est plus limité
que celui de l’ordre public interne.
L’ordre public international se distingue des lois de police qui elles interviennent en amont,
avant le déclenchement de la méthode conflictuelle. Le juge doit l’appliquer sans prendre en
considération l’élément d’extranéité du litige et sans mettre en œuvre la règle de conflit. On ne
doit pas confondre les lois de police avec les lois d’ordre public, quelle que soit la conception de
la notion d’ordre public qui est considérée (c’est-à-dire interne ou internationale).

B- Distinction entre lois de police, lois d’application territoriale et lois d’application


immédiate
La notion de « loi de police » ne se confond pas totalement avec celle de « loi d’application
territoriale ». On entend par loi d’application territoriale, une loi qui doit être appliquée par
toutes les autorités du territoire. Sur cette base, les tribunaux ont parfois assimilé loi de police et
loi territoriale. Cette assimilation n’est pas toujours justifiée car il existe des lois territoriales qui
ne sont pas des lois de police. Par exemple, dans la plupart des pays, le statut réel relève de la
lex rei sitae ; pourtant le statut réel constitue une catégorie de rattachement. En revanche une loi
de police est en principe toujours d’application territoriale.

En revanche, la notion de « loi de police » est synonyme de « loi d’application immédiate » ou


de loi d’application nécessaire parce que ladite loi s’impose sans considération pour les lois
étrangères.

C- Distinction entre lois de police et règles de conflit


Les lois de police s’opposent à la règle de conflit pour au moins trois raisons : D’abord la loi de
police ne passe pas par l’intermédiaire de la règle de conflit pour désigner la loi compétente. La
présence d’une loi de police supprime purement et simplement la nécessité de rechercher à

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quelle loi la règle de conflit aurait donné compétence. Ensuite, l’approche du problème n’est pas
la même dans les deux procédés : dans la méthode conflictuelle, on part d’une situation concrète
qu’on tente de rattacher à une loi par un facteur de rattachement. En présence d’une loi de police,
le processus est inversé, on part d’une loi ; on détermine son domaine de compétence (la
situation juridique en cause relève-t-elle du domaine de compétence de cette loi ?). C’est la loi de
police qui fixe elle-même son domaine d’intervention. La loi d’application immédiate intervient
avant, sans tenir compte de la teneur de la loi étrangère qui est totalement indifférent.

Malgré tous les efforts visant à clarifier la notion de loi de police, un seul point est acquis :
l’impossibilité de découvrir un critère suffisant et précis pour caractériser les lois de police.

Section 2
Le particularisme des lois de police

Le particularisme de la loi de police se révèle à travers la question de la détermination du champ


d’application des lois de police du for
Si un juge camerounais est amené à rechercher si la loi de police camerounaise est applicable à
un rapport juridique donné dont il est saisi, ce juge doit nécessairement fonder sa décision sur un
critère d’application de sa norme de police. Dans ce cas il faut répondre à la question de savoir
quel élément le juge va-t-il retenir pour déterminer la compétence de la loi de police
camerounaise ? Autrement dit existe-t-il un élément de rattachement pour l’application de la loi
de police ?
Selon la doctrine, l’article 3 al 1 C. civ offre un seul critère puisque selon ce texte les lois de
police de sureté s’appliquent obligatoirement à tous ceux qui habitent le territoire. L’unique
élément de rattachement est donc l’habitation sur le territoire national. Il faut cependant dire que
ce critère n’est pas entièrement satisfaisant puisqu’il a l’inconvénient d’exclure de la compétence
des lois de police camerounaises un certain nombre de personnes qui n’habitent pas sur le
territoire national ou un certain nombre de situations qui s’y déroulent.

Concrètement l’habitation n’est pas le domicile, elle n’est ni le lieu de survenance du délit, ni le
tribunal saisi, ni le lieu de formation des actes juridiques… et il n’est pas possible d’imaginer
qu’une personne qui habite par exemple un pays voisin du Cameroun et qui cause un dommage
au cours du voyage de quelques heures au Cameroun ne soit pas jugé d’après les règles
camerounaises de police sous prétexte qu’il n’habite pas le territoire.
Devant ces difficultés d’interprétation du facteur ou du critère de rattachement, de nombreux
auteurs ont proposé pour l’application de la loi de police du for de donner une large
interprétation de la notion d’habitation. L’interprétation la plus simple consiste à dire que l’art 3
alinéa 1er C. civ vise en réalité tout ce qui se trouve sur le territoire. Cela implique le lieu de
résidence de l’individu qui réside dans le pays ; cela implique encore les personnes en transit sur
le territoire national, donc qui n’y habitent pas ; cela implique aussi la situation du bien, le lieu
de passation de l’acte, le lieu de survenance de l’événement, le for saisi …. .

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Chapitre 2
Les méthodes des règles matérielles

Nous envisagerons d’une part la définition de la loi matérielle, d’autre part les sources de la loi
matérielle.

Section 1
La définition de la loi matérielle

Dans le Dip, les dispositions matérielles ou substantielles dans leur aspect n’ont pas de
différence particulière avec les dispositions matérielles internes. En DIP la norme matérielle est
celle qui prévoit directement une réglementation spéciale applicable à certaines institutions
juridiques qui présentent un caractère international ; c’est d’ailleurs ce caractère qui les rend
spécifique.

On considère même dans une certaine mesure l’existence des règles matérielles qui éliminent les
méthodes conflictuelles classiques. Il peut même arriver que dans certains domaines, on trouve
des règles matérielles applicables à la fois dans les litiges internes et dans les litiges
internationaux. Exemple : les lois uniformes OHADA considérées comme le droit interne de
chacun des Etats signataire et dont l’objet est de régir les opérations purement internes à chaque
Etat, et les opérations internationales entre les Etats membres de l’OHADA.

D’autres règles matérielles issues des lois uniformes sont prévues par d’autres conventions
internationales et ont pour vocation à s’appliquer seulement aux relations internationales et
laissent subsister dans les rapports internes des particularismes des législations nationales.
Exemple : convention de Viennes du 11 avril 1980 sur la vente internationale des marchandises a
prévu des règles matérielles applicables aux relations internationales ou plus exactement aux
contrats internationaux. Elles n’ont pas vocation à s’appliquer aux litiges internes.

Section 2
Les sources des règles matérielles

Elles sont nationales et internationales.

Paragraphe 1- Les sources nationales


Il s’agit ici de chercher à élaborer des règles matérielles ou substantielles qui vont donner directement la
solution. La méthode directe se rencontre dans le droit de la nationalité, de la condition des étrangers, en
matière de conflit de juridictions et d’effets des jugements étrangers.

La grande majorité des règles matérielles est l’œuvre de la jurisprudence ; on cite à ces propos un
certain nombre d’arrêts qui ont dégagé les principes qui ont aujourd’hui valeur de dispositions
générales applicables aux rapports internationaux.

Paragraphe 2- Les règles matérielles d’origine internationale

Elles ont pour source les conventions internationales (A), la jurisprudence arbitrale (B) ou le
droit spontané qui est constitué par les usages du commerce international (C).

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A- Les règles matérielles contenues dans les traités

Elle se rencontre également dans certains traités internationaux (Convention de Genève du 28 juillet 1951
sur le statut des réfugiés, Convention de Vienne du 11 avril 1980, l’ensemble des Actes uniformes de
l’OHADA notamment l’Acte uniforme du 11 mars 199 relatif au droit de l’arbitrage, l’Acte uniforme
relatif au droit commercial général, l’Acte uniforme du 17 mars 1997 relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique, l’Acte uniforme du 24 mars 2000 relatif au droit
comptable, l’Acte uniforme du 17 avril 1997 portant organisation des sûretés, l’Acte uniforme portant
organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’Acte uniforme du 22
mars 2003 relatif aux contrats de transport de marchandises par route).

En principe, en présence de telles conventions, la méthode conflictuelle classique n’est plus


possible parce que l’intérêt de rechercher la loi applicable n’existe que si les législations internes
en présence sont différentes. Or, les conventions qui unifient, à priori éliminent les différences
entre les lois puisque désormais le droit est le même dans le système juridique des pays membres
de la commission.
Toutefois, l’ampleur de l’élimination des règles de conflit par les conventions internationales,
quand bien même elle porte un droit uniforme doit être tempéré.
Exemple : La loi uniforme portant droit commercial général exige pour exercer le commerce la
capacité pour les futurs commerçants. Mais les rédacteurs de l’acte uniforme n’ont pas fixé les
critères de la capacité, question qui relève de la loi nationale des parties. Ce qui signifie que la
question de la capacité va nécessairement et inévitablement donner lieu à des conflits de loi. On
voit donc que la règle de conflit côtoie le droit matériel.

B- Les règles matérielles issues de l’arbitrage et du droit spontané

Le système de la justice arbitrale bénéficie d’une grande faveur dans le domaine du commerce
international qui est son domaine par excellence. Là aussi il faut se demander si le
développement considérable que connaît cette forme de justice a pour conséquence l’élimination
du jeu de la méthode conflictuelle Classique ? En d’autres termes, la question de savoir si le
juge arbitral n’est tenu d’appliquer que les règles matérielles dans les litiges qui surviennent à
propos des contrats internationaux ?

La réponse à cette question dépend du pouvoir reconnu aux arbitres. Tantôt, les parties
reconnaîtront aux juges le pouvoir de s’affranchir des règles de droit étatique ; c’est-à-dire que
les juges ne seront pas tenus d’appliquer les lois étatiques et pourront créer des règles matérielles.
Il faut cependant préciser que ce pouvoir de créer des règles matérielles n’est possible que si les
arbitres siègent ou statuent comme amiables compositeurs.
Dans l’amiable composition, les arbitres ne sont pas tenus de se référer à un droit précis. Ils
peuvent créer un droit en les composant à partir des articles nationaux au besoin en y ajoutant les
usages propres au commerce international.
Il faut cependant relever que de plus en plus la tendance générale qui consiste aujourd’hui à
accorder même aux arbitres statuant en droit un pouvoir créateur de normes qui n’est plus
l’exclusivité de l’amiable composition. Une telle possibilité a l’avantage de permettre à l’arbitre
d’écarter les dispositions des lois étatiques jugées inadaptées au droit de commerce international
de combiner différentes lois, de prendre le cas échéant en considérant les dispositions du droit

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corporatif (usages et pratique propres à chaque profession ou corporation). Le tout permet de


dégager des règles matérielles coutumières.

C- Les usages du commerce international


Les usages du commerce international constituent à eux seuls une source crédible des règles
matérielles. C’est l’ensemble des pratiques habituellement suivies par les professionnels dans le
commerce international, et ce sont des usages qui sont propres à chaque secteur d’activité
déterminé. Ces pratiques ont été formalisées, codifiées et se trouvent intégrées dans des contrats
types ou dans des codes de conduite propre à chaque secteur d’activité.
Exemple : Les Incoterms. La codification des incoterms est l’œuvre de la chambre de commerce
international (CCI). Leur objet est de prévoir une série de règles internationales, et
principalement les ventes maritimes.

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Seconde partie
Les conflits de juridictions
La notion de « conflit de juridictions » est ambigüe en ce qu’elle suggère l’existence des règles
de conflit identiques aux règles de conflits de lois c’est-à-dire, des règles neutres et bilatérales de
répartition internationale des compétences juridictionnelles permettant par exemple à un juge
camerounais de déclarer la compétence d’un juge étranger pour trancher le litige dont il est saisi.

Traditionnellement, c’est aux Etats non à un juge étranger qu’il appartient de déterminer si leurs
tribunaux sont compétents et d’adopter en la matière des règles qui ne sont ni neutres ni
bilatérales. Chaque Etat délimite unilatéralement (P. Mayer et V. Heuzé, pp. 10 à 12) (Y.
Loussouarm, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, pp. 597 et 598) les conditions de
compétences de ses propres tribunaux.

Ainsi entendue, la notion de « conflit de juridictions » permet d’aborder deuxtrois types de


règles : les règles de compétence directe (règles permettant au juge camerounais de savoir s’il
est compétent pour trancher le litige que les parties lui soumettent) et les règles de compétence
indirecte (règles déterminant si et à quelle conditions un jugement rendu à l’étranger peut
produire ses effets au Cameroun).

Deux questions seront envisagées : la compétence judiciaire internationale (Titre 1) et les effets
internationaux des jugements (Titre 2).

Titre 1
La compétence judiciaire internationale

Le droit de la compétence judiciaire internationale est régi par des sources à la fois d’origine
nationale et d’origine conventionnelle. L’analyse du droit camerounais nécessite de s’intéresser
successivement aux règles de compétence (Chapitre 1) et au régime de la compétence (Chapitre
2).

Chapitre 1
Les règles de compétence judiciaire internationale

La difficulté d’élaborer une réglementation internationale des conflits de juridictions tient de la


présence des considérations de souveraineté et d’intérêt général. De sorte qu’il revient à chaque
Etat souverain d’aborder la question sur son territoire.
Le droit camerounais combine une règle ordinaire de compétence (Section 1) et des règles
exorbitantes de compétence (Section 2) auxquelles il faut ajouter les règles limitant cette
compétence (Section 3).

Section 1
Les règles ordinaires de compétence
Elle a été forgée par la jurisprudence au cours d’un long processus : de l’abandon du principe
d’incompétence des juridictions camerounaises dans les litiges entre étrangers (Paragraphe 1) à
l’extension des règles de compétence territoriale interne (Paragraphe 2).

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Paragraphe 1- L’abandon du principe d’incompétence des juridictions camerounaises dans


les litiges entre étrangers
Pendant longtemps la JP s’est déclarée incompétente pour régler les litiges entre étrangers.

Ce principe d’incompétence est apparu illogique et peu commode en ce qu’il exigeait que deux
étrangers ayant un litige sur le sol camerounais soient contraints d’aller régler leur différend dans
le pays dont l’un d’eux était le ressortissant. Ce d’autant plus que l’accès à la justice est un droit
naturel qui ne peut être refusé aux individus, même étrangers, résidant sur le sol camerounais.

L’abandon du principe d’incompétence a d’abord eu lieu en matière réelle immobilière et dans le


domaine de la responsabilité délictuelle pour finalement se consolider lors de l’important arrêt
Patino du 21 juin 1948.

Paragraphe 2- L’extension des règles de compétence territoriale interne


Le principe, énoncé d’abord dans un arrêt Pelasa du 10 octobre 1959, a été consacré dans l’arrêt
scheffel du 30 octobre 1962 en ces termes : « l’extranéité des parties n’est pas une cause
d’incompétence des juridictions françaises, dont la compétence internationale se détermine par
extension des règles de compétence territoriale interne ».

C’est le cas par exemple de la règle de compétence du tribunal du domicile du défendeur. Ainsi
si pour le règlement d’un litige interne on dit que le tribunal du domicile du défendeur est
compétent. Pour un litige international on dira que ‘’l’ordre juridictionnel’’ du pays ou le
défendeur a son domicile est compétent.

Si dans le droit interne, on dit que le tribunal compétent est celui de la localité où se trouve situé
l’immeuble objet du litige, en Dip on dira que ‘’l’ordre juridictionnel’’ compétent est celui du
pays où est situé l’immeuble.

Dans les deux exemples donnés, c’est le souci de la bonne administration de la justice qui est
recherché à travers la proximité qui existe entre le tribunal compétent pour un immeuble, mais
aussi de la difficulté pour un Etat d’accepter qu’un tribunal étranger se prononce sur le sort
d’immeubles situés sur son territoire.

La transposition des règles de compétence peut également être admise pour les règles qui offrent
un choix au demandeur entre deux tribunaux. Exemple, en matière contractuelle en droit interne,
le demandeur peut choisir entre le tribunal du domicile du défendeur ou le tribunal du lieu
d’exécution du contrat ou du lieu de livraison effective de la chose.

En matière de contrat de travail, il y a une option de compétence territoriale entre le tribunal du


lieu d’exécution du contrat de travail, du siège social de la société, celui du domicile actuel du
demandeur (ordre juridictionnel du pays de l’exécution du contrat …).

En matière délictuelle, il existe aussi une possibilité d’option de compétence ; ainsi le demandeur
a la possibilité de saisir le tribunal du lieu du délit, le tribunal du lieu de survenance du dommage,
le tribunal du domicile du défendeur. Ces options sont transposables en droit international privé.
On parlera de l’ordre juridictionnel du pays de survenance du délit ….

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Parfois, la compétence des tribunaux sera déterminée en tenant compte des considérations
de souveraineté. Ainsi, le tribunal compétent pour ordonner des mesures d’exécution est
nécessairement celui du pays du lieu d’exécution de la mesure.

Le juge camerounais n’est compétent que pour les biens situés au Cameroun, il ne peut ordonner
une saisie sur un bien à l’étranger. L’explication se trouve dans le fait que les mesures
d’exécution ne peuvent être effectuées que par les organes de l’Etat sur le territoire duquel la
mesure est exécutée sous le contrôle des autorités judiciaires de cet Etat (P. Meyer, p. 93).

Section 2
Les règles inscrites dans les articles 14 et 15 du code civil

L’analyse de ces règles suppose que l’on s’intéresse à leur domaine (Paragraphe 1) et leur portée
(Paragraphe 2)

Paragraphe 1- Le domaine d’application


On distingue un domaine subjectif et un domaine matériel

Le domaine subjectif concerne les personnes visées par les articles 14 et 15. Sur les personnes,
Le bénéfice du privilège de juridiction est fondé sur la possession de la nationalité camerounaise.
En d’autres termes, les articles 14 et 15 instaurent une compétence internationale des tribunaux
camerounais fondée sur la nationalité des parties. Ainsi, les articles 14 et 15 du code civil
applicable au Cameroun s’appliquent chaque fois qu’une personne camerounaise (physique ou
morale) est partie au litige comme demanderesse (art. 14) ou défenderesse (art. 15).

Il s’agit bien d’une compétence privilégiée exorbitante du droit commun puisque l’ordre
juridictionnel camerounais ne serait pas sollicité si l’on prenait seulement en considération les
droits nés des faits litigieux. La nationalité camerounaise s’apprécie au jour de l’introduction de
l’instance. Peu importe la nationalité de l’intéressé à l’époque où la situation litigieuse est née.

Le domaine matériel ou objectif vise les actions couvertes par les articles 14 et 15 du Code civil
applicable. Ces dispositions font référence aux « obligations contractées ». Ces deux textes font
penser que leur domaine se limite aux contrats. En fait, la jurisprudence a consacré une
conception large du domaine des articles 14 et 15. Elle a ainsi étendu le privilège de juridiction à
toutes les catégories du droit international privé, que ce soit en matière de capacité, d’état des
personnes ou de successions (pour les actions extrapatrimoniales). Il faut néanmoins exclure les
actions réelles immobilières et les actions en partage d’immeubles sis à l’étranger.

Paragraphe 2- Portée des article 14 et 15 du Code civil


La JP qualifie d’exclusive la compétence fondée sur l’article 15 du code civil. Il en résulte
qu’une décision étrangère méconnaissant ce privilège de juridiction ne peut être efficace au
Cameroun (Cass. Req. 17 mars 1830), sauf s’il y a eu renonciation ou s’il a été écarté par un
Traité international. Cela signifie que les articles 14 et 15 ne sont pas d’ordre public ; s’ils
instituent un privilège de juridiction en faveur du plaideur camerounais, celui-ci peut toujours y
renoncer (Derruppé et Laborde, p. 109). Cette renonciation peut être expresse ou tacite. Si elle est
tacite, elle doit être non équivoque. En pratique elle peut intervenir sous la forme d’un accord

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entre les parties (explicite). Elle peut aussi intervenir sous la forme d’une action en justice à
l’étranger (tacite).

Chapitre 2
Le régime de la compétence judiciaire internationale

Le principe est celui de l’extension des règles de compétence interne à la compétence


internationale. Toutefois, le régime de la compétence internationale pose trois séries de
questions : la possibilité pour les parties de déroger aux règles de compétence (Section 1), les
conditions dans lesquelles l’incompétence peut être soulevée (Section 2), et les conflits de
procédures (Section 3).

Section 1
Les clauses dérogatoires aux règles de compétence internationale
Les règles de compétence judiciaire internationale n’ont pas un caractère obligatoire. Les parties
ont la possibilité d’y déroger par les clauses d’attribution de juridiction (Paragraphe 1) ou par une
clause compromissoire (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- Les clauses attributives de juridiction (l’élection de for)


Dans les relations internationales, les clauses attributives de juridiction encore appelées
« élection de for », sont très fréquentes. Les parties choisissent ainsi la juridiction qui leur
semble la plus adéquate pour trancher un éventuel différend. La licéité de ces clauses est admise
mais assortie de certaines conditions.

Paragraphe 2- Les conventions d’arbitrage


Il en existe deux types : la clause compromissoire qui est incluse dans le contrat et prévoit le
recours à l’arbitrage au cas où un différend existerait entre les parties. Le compromis qui
intervient après un différend, les parties se mettent alors d’accord pour soumettre celui-ci à un
arbitre et non à un juge. Comme pour les clauses attributives de juridiction, la liberté des parties
n’est pas totale, il faut que soient respectées les règles impératives du droit camerounais et
l’ordre public international.

Section 2
Les conditions de mise en œuvre de l’incompétence des tribunaux
La sanction de l’incompétence du juge saisi peut avoir de lieu de deux façons distinctes : soit le
juge use de la faculté de relever d’office son incompétence, soit le défendeur oppose lui-
même une exception d’incompétence. Et lorsque le juge camerounais se déclare incompétent, il
n’attribue pas la compétence aux tribunaux étrangers, il n’a pas le pouvoir de le faire. Il constate
simplement qu’il n’est pas compétent et renvoie les parties à mieux se pourvoir.

L’exception d’incompétence formulée par le défendeur doit l’être in limine litis c’est-à-dire avant
tout défense au fond.

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Section 3
Les conflits de procédures
Il y a conflit de procédures lorsqu’un juge camerounais est saisi d’un litige qui fait déjà l’objet
d’une procédure à l’étranger. Concrètement c’est le règlement des conflits de compétence
internationale. Deux de problèmes peuvent se présenter : la litispendance (Paragraphe 1) et la
connexité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1- La litispendance
Il peut arriver qu’au moment où une juridiction camerounaise est saisie, qu’un autre procès soit
pendant à l’étranger entre les mêmes parties pour la même affaire. En droit interne, l’exception
de litispendance oblige le juge saisi en second à se dessaisir au profit du premier.

En DIP, l’exception de litispendance a été pendant longtemps refusée au motif qu’il n’y avait pas
de règlement au niveau international (réticence du juge national à renoncer à la souveraineté de
son ordre juridique au profit d’une règle étrangère attribuant compétence à un autre ordre).
Mais la solution a connu une évolution. Depuis 1974, la Cour de cassation retient que l’exception
de litispendance peut être reçue devant le juge français en vertu du droit commun français en
raison d’une instance engagée devant un tribunal étranger également compétent (arrêt Miniera
di Fragne du 26 novembre 1974, GA n° 54) sauf si la décision à intervenir à l’étranger n’est pas
susceptible d’être reconnue en France. Concrètement cela signifie que le juge doit contrôler que
la décision rendue à l’étranger respecte, à ce stade de la procédure, les conditions de
reconnaissance des jugements.

Mais cela reste pour le juge non pas une obligation mais une faculté de recevoir l’exception de
litispendance internationale.

Paragraphe 2- La connexité
La connexité suppose deux juridictions saisies de deux litiges différents mais entre lesquels il
existe des liens tels qu’il est de l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’instruire et de
juger ensemble les deux litiges. En droit interne, la juridiction saisie en second lieu doit se
dessaisir, soit d’office, soit à la demande de l’une des parties. En DIP, l’exception de connexité
aurait pour résultat de laisser à une juridiction étrangère le soin de régler la question connexe
posée au juge camerounais, la JP a été plus réticente à l’admettre en matière internationale. En
droit français, la Cour de cassation vient d’admettre que le juge français pouvait se dessaisir
« aux seules conditions que deux juridictions relevant de deux Etats différents soient également
et compétemment saisies de deux instances en cours, faisant ressortir un lien de nature à créer un
risque de contrariété de décisions.

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Titre 2
Les effets internationaux des jugements étrangers

Il faut partir du principe de la territorialité des jugements, qui implique que le jugement rendu
par un tribunal n’est valable et exécutoire que dans le pays dans lequel le jugement est rendu. A
ce titre, l’exécution directe des décisions étrangères dans la plupart des systèmes juridiques n’est
pas possible. Selon l’art 2123 C civ, les jugements étrangers peuvent être déclarés exécutoires au
Cameroun par le tribunal camerounais ; et le caractère exécutoire est attribué à l’issu d’une
procédure d’exéquatur. Cet article est renforcé par les dispositions de la loi 001/2007 du 19 avril
2007. Cette loi institue le juge de l’exécution au Cameroun.

La même loi fixe les conditions d’exécution au Cameroun des décisions étrangères et actes
publics étrangers, ainsi que les sentences arbitrales étrangères. L’exéquatur est une étape
importante qui s’explique par le fait qu’un Etat ne peut pas admettre que l’ordre d’un juge
étranger puisse mettre en œuvre chez lui la force publique. Ainsi une instance en exéquatur est
nécessaire pour assurer l’exécution de cette décision.

L’exequatur est donc nécessaire

Deux textes constituent le support légal de l’exigence de l’exéquatur : l’article 285 du C. Pro. Civ
et Com qui dispose que «les jugements rendus par les tribunaux étrangers, et les actes reçus par
les officiers étrangers sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les
cas prévus par la loi.».

Ces deux textes sont complétés par la loi de 2007 et il en résulte qu’une action est prévue avec
pour but non pas de soumettre aux tribunaux camerounais l’objet du litige tranché par la
juridiction étrangère, mais d’obtenir que les moyens d’exécution prévus par notre droit soient
adaptés à la décision étrangère. Le jugement étranger ou l’acte ne doit pas faire l’objet d’un
nouveau procès. Il est dès lors important de déterminer les décisions susceptibles d’exéquatur
(Chapitre 1), les pouvoirs du juge et les conditions d’exéquatur (Chapitre 2), la procédure et les
effets de l’exéquatur (Chapitre 3).

Chapitre 1
Décisions susceptibles d’exequatur

Peuvent recevoir exequatur au Cameroun non seulement les jugements étrangers, mais aussi les
actes publics étrangers et les sentences arbitrales étrangères.

 les jugements étrangers


Le caractère étranger d’un jugement s’apprécie non en fonction du siège de la juridiction qui
rend la décision en cause, mais en fonction de la souveraineté au nom de laquelle a jugé le
tribunal. Conséquences : les décisions de la CCJA ne sont pas considérées comme des décisions
étrangères mais comme ses décisions nationales, pour les Etats Membres.

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Seules les décisions concernant les droits privés comportent normalement un effet international.
Cependant, une décision rendue par une juridiction administrative qui statue sur des intérêts
civils ou commerciaux est susceptible d’être exéquaturée. Cela suppose que la nature de la
juridiction qui a rendu cette décision importe peu et ne doit pas être prise en considération pour
la simple raison que la compétence d’attribution dans chaque pays relève des règles internes de
ce pays. Il faut seulement s’attacher au caractère civil ou commercial des règles en cause dans le
jugement.

 les actes publics étrangers et les sentences arbitrales


Il s’agit d’abord des actes publics étrangers et des actes notariés étrangers exécutoires dans leur
pays d’origine. L’article 285 du C pro civ et com parle des «actes reçus par les officiers
étrangers». On peut considérer que ces actes publics qui peuvent être soumis à la procédure
d’exequatur ne sont pas seulement des actes notariés. Exemple : une hypothèse de vente à
l’étranger constituée devant un notaire.

Il s’agit de manière générale des actes établis à l’étranger par tout officier public et qui constate
des actes privés (divorce administratif fait devant un officier public étranger ; contrat passé
devant un notaire à l’étranger ; acte d’une administration fiscale à l’étranger).

S’agissant des sentences arbitrales étrangères, l’exequatur est une procédure obligatoire de la
même manière que pour un jugement étranger rendu au nom d’une souveraineté étrangère. Mais
la question qui se pose est de savoir à partir de quel moment on est en présence d’une sentence
arbitrale étrangère ?

Une certaine jurisprudence a considéré que la sentence arbitrale internationale est celle que le
compromis ou la clause compromissoire soumet à une loi étrangère. Ainsi la cour de cassation a
considéré qu’une sentence arbitrale était anglaise parce qu’elle était rendue conformément à la
loi anglaise, dans un litige relatif à un contrat soumis à la loi anglaise.

Chapitre 2
Pouvoirs du juge et les conditions de l’exequatur

Le juge ne va pas rejuger l’affaire au fond. Il vérifie simplement si les conditions posées par le
Cameroun pour accorder l’exequatur sont remplies par le jugement étranger. Ainsi, l’instance en
exequatur ne doit pas être confondue avec une instance au fond, c’est-à-dire celle qui a pour
objet le litige soumis au juge étranger. Une telle conception a l’inconvénient d’aboutir parfois à
la révision de la décision du juge étranger. Cette conception est dangereuse dans les rapports
internationaux puisqu’elle peut entrainer le refus d’exécution des décisions camerounaises dans
les pays étrangers.

C’est dans l’affaire Munzer, civ 1ere section, 7 janv. 1964, Grands Arrêts n° 41 p. 367. Cet arrêt,
pour la 1ère fois, a affirmé que le rôle du juge de l’exéquatur se limite à la vérification de la
régularité de la décision étrangère. De cet arrêt, on a conclu que le rôle du juge de l’exequatur
était un rôle de contrôle de la décision étrangère à exequaturer.

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Le contrôle de la décision étrangère est fondé sur l’idée que l’autorité de la chose jugée reconnue
à un jugement ou à une décision étrangère internationalement régulière est un droit acquis qui
s’impose aux Etats. Et ceux-ci doivent respecter l’autorité de la chose jugée attachée à la
décision étrangère pour la sauvegarde des intérêts du commerce international. Dans cette
perspective le contrôle de la chose jugée doit se limiter à la régularité internationale du jugement
étranger.

La loi camerounaise de 2007 a adopté la conception du contrôle. C’est ainsi que selon l’art 7, le
juge de l’exequatur «se borne» à vérifier que la décision soumise à exequatur a été rendue par
une juridiction compétente dans le pays d’origine et que les parties ont été régulièrement
citées…

S’agissant des conditions de l’exéquatur, il appartient à chaque pays de définir les conditions
dans lesquelles il va accorder l’exequatur. Au Cameroun, celles-ci sont précisées par l’art 7 de la
loi du 19 Avril 2007. Ce texte parle précisément des conditions de la reconnaissance et de
l’exequatur. Le juge doit procéder à un contrôle de la régularité de la décision étrangère et ce
contrôle porte sur un certain nombre d’élément. Le juge doit :
•vérifier la compétence du tribunal étranger : Le jugement étranger doit avoir été rendu
par un tribunal compétent pour traiter le litige. Cette vérification doit être effectuée par rapport
aux règles de compétence internationale camerounaises

•vérifier que les parties ont été régulièrement citées ou qu’elles ont été représentées, ou
encore qu’elles ont été régulièrement été déclarées défaillantes. Le juge vérifie que le tribunal
étranger a été valablement saisi par rapport aux règles de compétence internationale
camerounaises.
•vérifier que la décision étrangère est susceptible d’exécution dans le pays étranger où
elle a été rendue.

•le contrôle de la vérification doit établir que la décision n’est pas contraire «ni à
l’ordre public camerounais, ni à une décision définitive rendue au Cameroun. L’ordre public est
constitué par l’ensemble des règles juridiques impératives auxquelles les parties n’ont pas la
faculté de déroger (article 6 du Code Civil), On est sur le terrain de l’ordre public dès qu’on
touche aux valeurs fondamentales d’un pays, à ce qui constitue la base de la nation.

Si toutes ces conditions sont remplies, le juge camerounais accorde l’exequatur à la décision
étrangère et celle-ci devient exécutoire (s’applique au Cameroun de la même façon dont
s’applique un jugement émis sur le territoire camerounais).

Chapitre 3
Procédure et effets de l’exequatur

En ce qui concerne la compétence d’attribution l’exéquatur est de la compétence du président du


TPI que ce soit en matière d’exécution des décisions étrangères ou en matière des sentences
arbitrales étrangères.

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Il est saisi au moyen d’une requête, sa compétence est exclusive quelle que soit la matière civile
ou commerciale, quel que soit le niveau de la juridiction étrangère qui a rendu la décision. Il y a
deux exceptions :

Devant le président du TPI, en principe l’instance en exéquatur a une nature gracieuse ; la


requête présentée au juge doit être accompagnée d’un certain nombre de pièces (l’art 6
paragraphes I, II, III, IV).

A propos des effets de l’exéquatur, il y a lieu de noter que la décision revêtue de l’exéquatur peut
donner lieu à une exécution forcée, c’est-à-dire une exécution avec le concours de la force
publique comme une décision de juridiction nationale. La décision qui confère l’exéquatur est
une ordonnance et le juge peut refuser d’accorder l’exéquatur ou bien il peut l’accorder
partiellement. La décision d’exequatur n’est susceptible que d’un pourvoi devant la Cour
Suprême, art 8 loi de 2007.

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