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AGENCE MONETAIRE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST

(AMAO)

PROPOSITION DE STRATEGIE DE CREATION DE LA


MONNAIE UNIQUE DE LA CEDEAO (PSCMUC)

Freetown, Octobre 2008


TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION

1. ENJEUX ET PROBLEMATIQUE DE L’INTEGRATION MONETAIRE EN AFRIQUE


DE L’OUEST

1.1 APERCU SUR LE PROCESSUS D’INTEGRATION MONETAIRE EN AFRIQUE DE


L’OUEST
1.1.1 Le Programme de Coopération Monétaire de la CEDEAO (PCMC)
1.1.2 L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)
1.1.3 La Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO)

1.2. CADRE ANALYTIQUE ET OPTIMALITE DE LA ZONE MONETAIRE EN AFRIQUE


DE L’OUEST (CEDEAO)
1.2.1. La théorie des zones monétaires optimale : la situation de référence.
1.2.1.1. Définition de la zone monétaire
1.2.1.2. Les critères traditionnels de reconnaissance d’une zone monétaire optimale : l’analyse de
MUNDELL et prolongements
1.2.1.3. La rupture avec MUNDELL : de la convergence des taux d’inflation à la théorie
«néohayekienne» des monnaies concurrentielles.
1.2.1.4. Les développements récents en faveur des zones monétaires optimales
1.2.1.5 Les fondements théoriques de la convergence des économies

1.2.2. Analyse de la conformité de la zone CEDEAO au regard des critères de ZMO et de


convergence des économies
1.2.2.1 Au regard des critères de ZMO
1.2.2.2 Au regard des critères de convergence économique
1.2.2.2 Au regard de l’expérience des zones monétaires existantes

2. STRATEGIE POUR L’AVENEMENT DE LA MONNAIE UNIQUE EN AFRIQUE DE


L’OUEST

2.1 EXAMEN DES DIFFERENTES OPTIONS


2.1.1 Approche de la simple transformation
2.1.2 Approche Big Bang
2.1.3 Approche de l'adhésion à l'UEMOA
2.1.4 Approche de l’élargissement du Projet de ZMAO

2
2.1.5 Approche de la Masse Critique

2.2 PROPOSITION DE L’AMAO POUR ACCELERER LE PROCESSUS DE CREATION


DE LA MONNAIE UNIQUE DE LA CEDEAO
2.2.1 Scénario 1 : aller à la monnaie unique en un seul bloc
2.2.2 Scénario 2 : aller à la monnaie unique en deux blocs

2.3 PHASES ET CALENDRIER DE MISE EN PLACE DE LA MONNAIE UNIQUE DE LA


CEDEAO
2.3.1 Phase de stabilisation des taux de change : Mécanisme de change de la CEDEAO
(MCC)
2.3.1.1 Bref aperçu des caractéristiques du MCC
2.3.1.2 Arrangements institutionnels

2.3.2 Phase de passage à la monnaie unique


2.3.2.1 Adoption du cadre juridique et institutionnel
2.3.2.2 Passage à la monnaie unique

2.3.3 Mesures d’accompagnement et de consolidation de la monnaie unique


2.3.3.1 Harmonisation des politiques économiques nationales
2.3.3.2 Harmonisation des lois et réglementations bancaires
2.3.3.3 Harmonisation des statistiques
2.3.3.4 Libéralisation des échanges
2.3.3.5 Libéralisation du compte capital
2.3.3.6 Convergence macroéconomique
2.3.3.7 Sensibilisation

2.3.4. Missions des institutions


2.3.4.1 Bref rappel des missions actuelles
2.3.4.2. Missions proposées

3. BENEFICES ET COUTS ATTENDUS DE L'UNION MONETAIRE DE LA CEDEAO


(U.M.C)
3.1 Bénéfices
3.2 Coûts

CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE

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INTRODUCTION

L’accélération de la mondialisation de l’économie constitue l’une des


caractéristiques majeures des mutations de ces dernières années. Ce phénomène
appelé à s’intensifier est générateur d’opportunités considérables pour les agents
économiques les plus performants et pour les Etats qui auront rendu leur espace
économique attractif pour les investisseurs nationaux comme étrangers. A
contrario, elle est porteuse de risques pour les autres opérateurs et les Etats qui ne
se seront pas adaptés à la nouvelle donne, s’exposant à de sérieux risques de
marginalisation. A cet égard, il importe de souligner qu’un consensus commence à
émerger sur les vertus de l’intégration monétaire régionale, désormais considérée
comme un amortisseur efficace des effets systémiques éventuels du processus de
globalisation financière. C’est dire que, dans le cas de la CEDEAO, une intégration
monétaire effective, sans toutefois en constituer une condition suffisante, est une
exigence qui serait de nature à favoriser une accélération du processus
d’intégration de leurs économies, dont force est de reconnaître le bilan mitigé,
trente trois (33) ans après la signature, en 1975, son traité constitutif.

Toutefois, au regard des aspects fondamentaux de l’intégration régionale, l’espace


CEDEAO se présente aujourd’hui comme une zone économique assez bien
organisée lorsqu’on la compare aux autres communautés économiques régionales
en Afrique. En effet, depuis sa création en 1975, la CEDEAO a réalisé des étapes
importantes dans la matérialisation de l’intégration économique.

Cependant, la CEDEAO éprouve encore des difficultés dans le cadre de la


réalisation de l’intégration monétaire malgré l’adoption il y a plus de vingt ans du
Programme de Coopération Monétaire de la CEDEO (PCMC) et en dépit d4une
volonté évidente d’accélérer la création de la monnaie unique régulièrement
renouvelée par les leaders politiques de la région.

Le retard enregistré dans la création de l’Union monétaire de la CEDEAO est


principalement lié au fait que les dirigeants de la région ont tenu à s’assurer que
toutes les conditions économiques et financières soient réunies avant le lancement
de la monnaie unique. De ce fait, la viabilité et la stabilité de la future monnaie
seront mieux garanties.

4
Par exemple, bien que de bonnes performances aient été enregistrées pour certains
indicateurs macroéconomiques, notamment certains critères de convergence
économique, des disparités semblent exister et persister, aussi bien entre les
différentes économies des Etats membres au sein de chaque zone, qu’entre les deux
zones (UEMOA et ZMAO).

Par ailleurs, des interrogations se rapportent à l’efficience de la zone monétaire de


la CEDEAO, à son optimalité aux regards des critères classiques et parfois aux
résultats mitigés enregistrés en matière de convergence des économies. En effet,
l’évolution de la CEDEAO et les thèses sur les unions monétaires optimales
semblent indiquer que les pays membres des deux zones économiques de la
CEDEAO ne connaissent pas encore les efficiences attendues de l’intégration
économique.

En présence de ses nombreuses interrogations et inquiétudes quant à l’avenir de la


zone monétaire de la CEDEAO, il importe de disposer d’une vision assez précise
sur l’orientation de l’intégration monétaire dans la CEDEAO.

Tout en gardant à l’esprit, la volonté des dirigeants de la CEDEAO de s’entourer


de toutes les précautions nécessaires avant la création de la monnaie unique,
l’AMAO se propose de réfléchir sur un Plan Stratégique visant l’accélération du
processus d’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest. C’est l’objectif de ce Plan
stratégique dont la finalité est de permettre la création dans l’espace CEDEAO
d’une monnaie commune suffisamment stable pour promouvoir le développement
durable et assurer la convergence des économies.

Le cadre contextuel de ce Plan stratégique s’inscrit ainsi dans l’idée que


l’expérience des pays africains en termes d’intégration économique et monétaire,
l’héritage de la colonisation et le processus qui a conduit à la création de la
monnaie unique européenne sont incontestablement, aujourd’hui, des sources de
leçons pour de nouvelles perspectives de coopération monétaire.

Le document se compose de trois principales parties. La première qui traite des


enjeux de l’intégration monétaire en Afrique de l’Ouest abordera notamment les
aspects historiques de cette question et les conditions économiques de viabilité
d’une zone monétaire avant de déboucher sur les leçons à tirer des expériences
monétaires à travers le monde. Quant à la deuxième partie, elle traitera des options
qui s’offrent actuellement à la CEDEAO en matière d’intégration monétaire et de

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la nouvelle proposition de l’AMAO ainsi que des mesures d’accompagnement
avant de déboucher sur les coûts. Alors que la troisième partie se focalise sur les
avantages liés à la création de la monnaie unique.

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1. ENJEUX ET PROBLEMATIQUE DE L’INTEGRATION MONETAIRE
EN AFRIQUE DE L’OUEST

1.1 APERCU SUR LE PROCESSUS D’INTEGRATION MONETAIRE EN


AFRIQUE DE L’OUEST

Introduction

Historiquement, l’intégration économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest


remonte à l’ère coloniale. Avant les indépendances, les territoires coloniaux
(anglophones et francophones) étaient liés à leurs métropoles respectives par des
arrangements monétaires qui leur permettaient d’utiliser la même monnaie sur un
espace commun. Ainsi, dans l’espace anglophone, la Gambie, le Ghana, le Nigeria
et la Sierra Leone, étaient régis par un arrangement conclu avec la West African
Currency Board, qui était gérée par la Grande Bretagne et avait en charge
l’émission et le remboursement de la Livre Sterling en billets de banque et en
pièces dans ces quatre pays. Quant aux pays francophones de la sous-région, en
l’occurrence le Bénin (Dahomey à l’époque), le Burkina Faso (ancienne Haute-
Volta), la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, ils
avaient un arrangement similaire avec la France qui reposait sur l’utilisation du
franc CFA comme monnaie commune de leur espace.

Toutefois, l’arrangement des pays anglophones fut supprimé au début des années
1960 au lendemain des indépendances tandis que l’arrangement des pays
francophones s’était consolidé et même transformé en union monétaire en 1962. La
Guinée s’est retiré du système, en 1960, pour créer sa propre monnaie. Par contre,
la Guinée Bissau, pays lusophone, y a adhéré et est membre, à part entière, de cette
union depuis1997.

Par après, l’accélération de la mondialisation des économies ainsi que la perception


par les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la sous-région ouest africaine, de la
nécessité de s’organiser pour mieux faire face à ce phénomène, ont décidé, en mai
1975, de créer la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO). L’objectif visé par cette communauté étant de renforcer la coopération
entre ses Etats membres, dans la perspective de création d’une union économique
et monétaire pouvant contribuer à relever le niveau de vie de ses populations à
travers un développement accru de leurs échanges. A cet effet, le Traité portant

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création de la CEDEAO a prévu, entres autres, la libéralisation des échanges, la
création d’une union douanière et d’un marché commun etc.

Pour ce qui concerne la zone monétaire de la CEDEAO, c’est en mai 1983 à


Conakry en Guinée, que les Chefs d’Etat et de Gouvernement ont lancé l’idée de sa
création. Ainsi ont-ils décidé de lui consacrer toute l’attention nécessaire en tant
qu’étape essentielle de l’intégration. Ainsi, un Programme de coopération
monétaire fut institué, en juillet 1987, avec l’objectif ultime de création d’une
monnaie unique gérée par une Banque centrale commune.

1.1.1 Le Programme de Coopération Monétaire de la CEDEAO (PCMC)


Le Programme de coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC) vise comme
objectif ultime la création d’une zone monétaire utilisant une monnaie unique
gérée par une banque centrale commune.
Ceci, à travers l’adoption, par ses membres, de mesures assurant une convergence
des politiques économiques nationales et facilitant la mise en place d’un système
monétaire et financier harmonisé et d’institutions de gestion communes. A ce titre,
les pays membres se doivent:
➢ de respecter les critères de convergence macroéconomique établis ;
➢ d’harmoniser leurs politiques budgétaires, monétaires et financières ;
➢ d’harmoniser leurs règlementations en matière de taux de change et
d’adopter un régime de change déterminé par le marché ;
➢ de créer un marché communautaire efficace grâce à la libéralisation des
échanges, en supprimant les barrières tant tarifaires que non tarifaires ;
➢ de libéraliser leurs marchés monétaires et de capitaux et de faciliter la
création de bourses régionales de valeurs mobilières afin de stimuler
l’épargne et la croissance.
Afin d’atteindre l’objectif d’intégration monétaire, un mécanisme de surveillance
multilatérale a été mis en place en vue d’assurer une coordination très étroite des
politiques économiques des Etats membres et la convergence des économies
nationales (Décision A/DEC.17/12/01 du 21 décembre 2001 de la Conférence des
Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres de la CEDEAO). Les organes
du mécanisme sont les suivants:

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a) le Conseil de convergence, comprenant les Ministres des Finances et les
Gouverneurs des Banques Centrales, qui a vocation à assurer le suivi des
politiques et performances macroéconomiques ;
b) le Comité de suivi technique, constitué des directeurs des études des
Banques centrales et les hauts responsables des ministères des Finances, qui
est responsable de l’établissement de rapports semestriels sur les
performances macroéconomiques des Etats membres aux fins de
présentation au Conseil de convergence ;
c) l’Agence Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO) et la Commission de la
CEDEAO, qui sont conjointement responsables de la compatibilité du
programme de convergence mis en œuvre par les Etats membres ; et
d) les Comités Nationaux de Coordination qui aident l’AMAO et la CEDEAO
à recueillir et à traiter les données portant sur les Etats membres.
La convergence macroéconomique, qui est une composante essentielle du
Programme de coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC), accorde la priorité
aux domaines suivants : la stabilité des prix, l’assainissement des finances
publiques, la maîtrise du financement monétaire du déficit public et le maintien de
niveaux appropriés de réserves extérieures brutes 1.
Le respect des critères permet d’évaluer les progrès en vue de la réalisation de la
convergence macroéconomique. Les critères de convergence adoptés par la
Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement sont classés en critères primaires
et secondaires2, comme suit :
Critères primaires
1. Ratio du déficit budgétaire/PIB (hors dons) ≤ 4 pour cent ;
2. Taux d’inflation ≤ 5 pour cent ;
3. Financement des déficits budgétaires par la Banque centrale ≤ 10
pour cent des recettes fiscales de l’année précédente ;
4. Réserves extérieures brutes ≥ 6 mois de couverture des importations.
Critères secondaires
1. Interdiction d’accumuler de nouveaux arriérés et apurement de tous
les arriérés existants ;
1 Les pays membres sont tenus de respecter les objectifs fixés afin de favoriser la mise en place d’un cadre
macroéconomique stable en vue d’assurer une intégration monétaire réussie.
2 Les critères primaires sont les variables jugées essentielles pour la réalisation de la convergence. Les critères

secondaires sont les outils d’intervention qui concourent à la réalisation des critères primaires.

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2. Ratio recettes fiscales/PIB ≥ 20 pour cent ;
3. Ratio masse salariale/recettes fiscales totales ≤ 35 pour cent ;
4. Ratio investissement public financé par les ressources
internes/recettes fiscales ≥ 20 pour cent ;
5. Taux d’intérêt réel positif ; et
6. Stabilité du taux de change réel.
Le bilan de l’exécution du PCMC, effectué en 1999, a révélé que des progrès,
certes, ont été accomplis au titre de la convergence macroéconomique mais que
ceux-ci étaient insuffisants pour assurer le lancement de l’union monétaire en
2000. Hormis le problème de l’instabilité macroéconomique et l’incidence des chocs
externes, le problème de l’instabilité politique, dans certains pays, a figuré au
nombre des facteurs qui ont sous-tendu ces résultats modestes.
Aussi, la Conférence des chefs d’Etat et de Gouvernement, au cours de sa session
tenue à Lomé en décembre 1999, a-t-elle décidé de repousser l’échéance de 2000 à
2004. A cette même occasion, la Conférence a adopté un certain nombre de
mesures visant à accélérer le processus d’intégration, notamment l’intensification
du processus de convergence macroéconomique et l’adoption d’une approche dite
accélérée pour la mise en œuvre rapide du processus d’intégration.
Ainsi fut adoptée l’initiative accélérée ou double approche dans le cadre de la mise
en œuvre du PCMC. L’approche accélérée repose sur une stratégie de création
d’une seconde union monétaire (ZMAO) transitoire appelée à fusionner avec
l’UEMOA, à terme, pour former une union monétaire plus large regroupant
l’ensemble des quinze pays de la CEDEAO.
A l’heure actuelle, les deux institutions sous-régionales, l’UEMOA et la ZMAO,
fonctionnent et sont toutes parties prenantes au programme global de création
d’une monnaie unique pour la CEDEAO piloté par l’AMAO. Elles disposent de
leur propre organisation institutionnelle comprenant, selon le cas, un Comité
technique, un Comité des Gouverneurs, un Conseil d’Administration, un Conseil
de convergence, un Conseil des ministres et une Conférence des chefs d’Etat et de
Gouvernement.
Toutefois, le lancement de la monnaie unique de la ZMAO n’a pas encore pu se
faire. En effet, la mise en circulation de la monnaie unique, l’ECO, a été reportée à
plusieurs reprises. Etant donné le constat d’échec dans le lancement de la monnaie
unique de la ZMAO, les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO ont, au

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cours de leurs Sommet de Juin 2007, opté pour une approche unique. D’où l’objet
de la présente réflexion engagée par l’AMAO sur la question.
Cependant, malgré les différents reports et les difficultés dans la réalisation de la
convergence, il importe de nuancer le bilan de la mise en œuvre du PCMC. En
effet, au-delà des réalisations quantitatives, une mobilisation de plus en plus
croissante est perceptible autour des idéaux de l’intégration monétaire. Plus
particulièrement, les populations sont de plus en plus mobilisées en faveur de
l’avènement d’une monnaie commune dans l’espace CEDEAO. Cette situation
constitue une donne importante qui augure de meilleures perspectives pour le
processus d’intégration monétaire dans la mesure où elle constitue une source
nouvelle de pression exercée sur les autorités communautaires les obligeant à
accélérer le processus. S’y ajoute la volonté politique qui est de plus en plus
manifeste. Le volontarisme des dirigeants de la CEDEAO pour la création de la
monnaie unique est de plus en plus marqué.

1.1.2 L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)

Comme rappelé plus haut, la majorité des pays francophones d’Afrique de l’Ouest
(Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo)
ont préféré rester dans la zone franc3 après leur indépendance. C’est dans ce cadre
que l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) a été mis en place en 1962. Ce
nouveau mécanisme monétaire, placé sous les auspices de la France, a été renforcé
par la suite et son champ d’application étendu à d’autres composantes de la
politique économique, conduisant à la création de l’Union économique et monétaire
ouest-africaine (UEMOA4) en 1994

Dans le cadre de leur intégration régionale, les pays membres de l’UEMOA ont
adopté des critères de convergence et un tarif extérieur commun, un système
bancaire et financier harmonisé utilisant des lois, règlements et systèmes de
paiements communs

En matière de convergence, les pays de l’UEMOA disposent d’un certain nombre


d’indicateurs pour suivre les progrès de la convergence macroéconomique. Parmi
ces indicateurs le critère clé demeure celui du solde budgétaire primaire qui doit
être en équilibre ou en excédent. Les autres critères principaux sont les suivants :
3
Après l’adhésion de la Guinée Bussau en 1997, la Zone franc compte 8 membres. Le franc CFA qui avait à
l’époque une parité fixe avec le Franc français est aujourd’hui arrimé à l’euro (1 EUR = 655,95666 F CFA)
4
UEMOA est le sigle pour "Union économique et monétaire ouest-africaine".

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le taux d’inflation qui ne doit pas excéder 3%, les ratios de la dette intérieur et
extérieure au PIB qui ne doivent pas excéder 70% et la non accumulation d’arriérés
de paiement intérieurs et extérieurs.

Les critères secondaires sont : la masse salariale du secteur public qui ne doit pas
dépasser 35% des recettes ; l’investissement financé sur ressources intérieurs doit
atteindre au moins 20% ; les recettes publiques doivent être au moins égales a 17%
du PIB ; le déficit extérieur courant (hors dons) ne doit pas dépasser 5% du PIB.

Le respect de ces critères, à l’échelle de l’UEMOA, a été globalement satisfaisant


jusqu'à la fin de 1998, mais les résultats enregistrés au niveau des Etats membres,
pris individuellement, ont été différents.

Par ailleurs, en décembre 1999, un nouveau pacte de convergence, de croissance et


de solidarité a été adopté, fixant la phase de convergence sur la période 2000-02,
et les années 2003 et suivantes pour la phase de stabilité. Le pacte prévoit des
sanctions qui peuvent aller du blocage de l’accès aux ressources de la BOAD à la
suppression des financements de la Banque centrale, et qui sont déclenchés
lorsqu’un pays ne respecte pas le critère fondamental de déficit.

1.1.3 La Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO)

L’idée de création de la Zone Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (ZMAO) dérive,


principalement, des résultats de la revue effectuée en 1999 du PCMC qui a fait le
constat de la faiblesse des progrès réalisés dans sa mise en œuvre. En effet, les
Etats membres avaient d’énormes difficultés à atteindre les objectifs quantitatifs et
qualitatifs nécessaires à toute intégration monétaire crédible et les contrastes qui
existaient entre les performances des différents pays étaient très marqués. C’est ce
qui a amené les Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO, lors de leur
22ème Sommet tenu en Décembre 1999 à Lomé, au Togo, à décider de l’abandon de
la stratégie d’une convergence d’ensemble, jusqu’alors observée, pour opter pour
une stratégie d’approche accélérée ou « fast track » en matière d’intégration
monétaire. La conséquence de cette décision fut la prorogation de l’échéance de la
date de création de la monnaie unique de 2000 à 2004.

Suite à cette création, l’Institut Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (IMAO) a été


mis en place en janvier 2001 à Accra, au Ghana, en vue d’exécuter un programme
spécial visant à rendre cette zone relativement homogène et prête à fusionner avec

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la zone UEMOA dans le cadre d’un ensemble plus élargi d’union monétaire de la
CEDEAO.

Les activités de l’IMAO portent essentiellement sur la surveillance multilatérale,


le développement des systèmes de paiement et de règlement, la supervision
bancaire, l’établissement des bases de données et l’harmonisation des statistiques,
les questions de politique monetaire et la sensibilisation. Il est important de
souligner que certains progrès ont été enregistrés par la ZMAO surtout dans les
domaines de l’élaboration de textes de lois et de règlements devant régir la mise en
place et le fonctionnement des institutions de la Zone (Banque centrale, Autorité
de Supervision, Secrétariat) et en matière de développement des systèmes de
paiement.

En ce qui concerne la convergence, les performances des Etats membres


demeurent contrastées voire décevantes. Ainsi, en 2003 les performances au titre
de la convergence se sont considérablement détériorées et en 2005, malgré une
légère amélioration, les résultats accusaient des écarts défavorables importants par
rapport aux objectifs fixés. C’est au vu de cette situation, qu’un nouveau report de
la date de création de la monnaie unique de la zone sera décidé et la nouvelle
échéance fixée au 1er Décembre 2009.

En marge de ces deux grandes zones (UEMOA et ZMAO), nous avons le Cap
Vert et le Liberia qui continuent, bien qu’étant membres de la CEDEAO, d’évoluer
séparément pour des raisons diverses.

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1.2. CADRE ANALYTIQUE ET OPTIMALITE DE LA ZONE
MONETAIRE EN AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)

Le but visé par cette section est d’essayer d’apprécier les efficiences de
l’intégration économique en termes d’optimalité et de convergence des économies
dans l’espace CEDEAO. Plus spécifiquement, il s’agira :

- de vérifier si l’espace CEDEAO présente les aspects de zone monétaire


optimale ou remplit les critères de reconnaissance d’une zone monétaire optimale
(ouverture des économies, diversification des économies nationales, intégration
financière, etc.) ;

- de tester la stabilité économique de la zone en termes de convergence des


économies ;

- de déterminer enfin si le respect des critères de zone monétaire optimale


et de convergence économique est une condition obligée sans laquelle aucune
création de monnaie commune n’est possible.

La première partie de cette section donnera une définition simple de la zone


monétaire avant de faire une brève analyse des différents critères traditionnels de
reconnaissance d’une zone monétaire optimale. La deuxième partie présentera les
développements récents sur la zone monétaire optimale.

1.2.1. La théorie des zones monétaires optimale : la situation de référence.

La question de l’opportunité et de l’efficacité de l’unification monétaire régionale a


été développée dans le cadre de la théorie des zones monétaires optimales. C’est à
MUNDELL (1961) qu’est habituellement attribuée la paternité de cette théorie,
mais les travaux pionniers remontent à MEADE (1957) et SCITOVSKY (1958).

La théorie des zones monétaires optimales a connu sa plus grande popularité dans
les années 1960 et 1970 et ISHIYAMA en a fait, au milieu des années 1970 une
synthèse considérée comme une référence dans la littérature. Elle redevient
d’actualité, au courant des années 1980 et 1990, à la faveur des accélérations de
l’unification monétaire européenne (WYPLOSZ 1990, et DE GRAUWE 1992,
etc.).

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Ainsi, les approches traditionnelles comme les développements récents proposent
des éclairages normatifs pour une unification monétaire efficace.

1.2.1.1. Définition de la zone monétaire

Il n’y a pas de définition universellement acceptée de la notion d’intégration


monétaire. D’une façon générale, une zone monétaire est une zone qui comprend
au moins deux pays :

- à l’intérieur de laquelle les taux de change sont fixes, les monnaies sont
convertibles entre elles voire l’unicité de la monnaie, les réserves extérieures
sont mises en commun, et où une banque centrale et /ou d’autres organismes
communs de politique économique existent ;

- et, vis-à-vis de l’extérieur, des taux de change flottants sont adoptés.

1.2.1.2. Les critères traditionnels de reconnaissance d’une zone monétaire


optimale : l’analyse de MUNDELL et prolongements

Poser le problème de l’efficience d’une union monétaire revient à poser le problème


d’une zone monétaire optimale. Ce problème préoccupe les économistes depuis les
années 60 et a trait surtout aux conditions dans lesquelles un pays a intérêt à
adhérer à une union monétaire, c’est-à-dire à un régime de change fixe entre
différentes monnaies ou à s’accrocher à une monnaie unique circulant dans
plusieurs pays.

A partir de l'article précurseur de MUNDELL (1961) insistant sur une forte


mobilité des facteurs (travail) comme fondement des la ZMO, toute une série
d'approches caractérisent une telle zone et insistent particulièrement sur
l'ouverture des économies (Mc Kinnon, 1963), le degré de diversification des
économies (Kenen, 1969), le degré d’intégration financière (Scitovsky,1967 ;
Ingram, 1969 ; Johnson, 1970).

L’analyse portera sur ces différents critères (traditionnels) d’optimalité d’une zone
monétaire, qui ont surtout trait au commerce international et aux systèmes
financiers et monétaires.

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i. La présentation de MUNDELL : le critère de mobilité des facteurs

Selon MUNDELL, la mobilité des facteurs de production, notamment le facteur


travail, à l’intérieur d’un espace est la condition d’une zone monétaire optimale. Il a
adopté le postulat de Ricardo sur le commerce international : la mobilité des biens
équivaut à la mobilité des facteurs. Pour lui, la mobilité du facteur travail entre les
pays réduit la nécessité d’une variation du taux de change en tant qu’instrument
pour restaurer la compétitivité externe et pour éliminer les déséquilibres externes.
Cette mobilité du travail tendrait vers la convergence des salaires et coûts et
permettrait une meilleure gestion des chocs (externes) sans l’obligation de faire
recours à une modification du taux de change (dévaluation).

En résumé, une zone monétaire est optimale au sens de MUNDELL lorsque la


mobilité des facteurs à l’intérieur de la zone est plus forte que celle qui apparaît
vis-à-vis de l’extérieur. On ne peut maintenir le change fixe que lorsqu’il y a
mobilité interne des facteurs. La formule des changes flexibles sera plus
avantageuse dans le cas où la mobilité des facteurs (travail) est plus faible à
l’intérieur de la zone.

Cette analyse de MUNDELL se heurte à certaines critiques du fait notamment


qu’elle donne moins de poids à la mobilité du capital physique et qu’elle peut
donner lieu à des zones monétaires optimales trop petites et trop nombreuses.
Toutefois, le critère de MUNDELL, reste utilisé dans les nouveaux travaux sur la
ZMO malgré ses limites, comme nous le verrons. Les critiques de ce critère vont
finalement conduire à la définition d’autres critères qui constituent des
prolongements du critère de mobilité des facteurs de MUNDELL.

ii. Le critère de degré d’ouverture des économies : Mc KINNON.

Pour Mc KINNON (1963), une zone monétaire optimale est une zone dans laquelle
les politiques monétaires et fiscales sont utilisées pour trois objectifs (qui peuvent
être contradictoires) : le plein emploi, la stabilité des prix et l'équilibre de la
balance des paiements. Il va faire reposer ses critères sur la distinction entre biens
échangeables et biens non échangeables.

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Du point de vue de Mc KINNON plus l'économie est ouverte, c’est-à-dire, plus la
part des biens échangeables5 pour un pays est importante par rapport aux biens
non échangeables, plus cette économie a intérêt à rejoindre une union monétaire
pour éviter l'instabilité des prix relatifs en changes flexibles. A partir de ce
moment, les modifications du taux de change provoquent des effets négligeables
sur la production qui est largement exportée. Ainsi, Mc KINNON considère que si
l'économie est peu ouverte, la modification du taux de change peut améliorer de
manière notable la balance des paiements. L'élasticité-revenu des exportations est
plus élevée que l'élasticité des importations et le recours au flottement permet de
rétablir l'équilibre. Un fort degré d'ouverture est donc le critère de réalisation
d'une zone monétaire optimale.

Une des principales critiques à laquelle elle se heurte ce critère de Mc Kinnon est
que son ratio est particulièrement difficile à appréhender, et même ambiguë,
comme il le souligne lui-même.

iii. Le degré de diversification des économies : KENEN.

Pour KENEN (1969), une nation peut d'autant plus avoir un taux de change fixe à
l'intérieur d'une zone monétaire que son économie est très diversifiée. Il pense
qu'une économie qui a une structure productive diversifiée a les moyens de
compenser les effets néfastes (inflation, chômage) de l'instabilité de certains
produits. Par contre, une économie peu diversifiée doit, elle, recourir aux changes
flexibles. Cette analyse conduit à considérer qu'un pays doit entrer dans une union
monétaire si son commerce extérieur est suffisamment diversifié aussi bien du
point de vue géographique que sectorielle. Par contre, une région à production
restreinte, devrait adopter des taux flottants.

Ce critère de Kenen s'oppose aussi à la réalité, puisqu'il amène à la conclusion que


les grandes économies devraient adopter des taux fixes, et les petites des taux
flexibles. De plus, ce critère apparaît peu plausible dans le contexte actuel de la
CEDEAO dont les pays membres sont pour la plupart des monocultures
d'exportation. En réalité, on constate une faible diversification du commerce
extérieur (des exportations), et l'on ne peut justifier ce critère dans cette zone du
fait respectivement de la faiblesse des échanges intra-zone et la part prépondérante

5
Elle est mesurée par des indices comme : la part des biens manufacturés dans le total
des exportations ; ou la part des exportations par rapport au PIB ; ou encore par la
somme des importations et des exportations divisée par le PIB.

17
particulièrement des anciennes puissances coloniales (la France pour les pays
utilisant le franc CFA6 et la Grande Bretagne pour les pays anglophones) ou des
Etats-Unis d’Amérique dans les activités de ces pays..

En résumé, les critères économiques ou traditionnels de mobilité des facteurs


(MUNDELL), d'ouverture des économies (Mc KINNON) et de diversification des
économies nationales (KENEN) sont peu adaptés dans de nombreuses unions
monétaires. C'est ce qui a conduit au développement d’autres critères.

iv. Le degré d’intégration financière

Considérant les limites des travaux de Mundell, puis de Mc Kinnon et Kenen


quant à leur applicabilité à de nombreuses unions économiques, d'autres critères
(plus modernes) ont été définis, intégrant en plus des relations commerciales, les
relations financières. Ces dernières nous paraissent importantes, dans la mesure où
aujourd’hui, la détermination du change est, pour une grande part, aux
mouvements internationaux des capitaux.
Les travaux autour de ce critère font référence, d’une part, à l’intégration
financière publique (ou intégration fiscale) et, d’autre part à l’intégration financière
privée.

* Le degré d’intégration publique (ou intégration fiscale) : JOHNSON


(1970).

Le degré d'intégration financière publique s'apprécie par rapport au rôle du secteur


public dans la mobilisation de ressources et a trait à la fiscalité, et l'analyse de
JOHNSON (1970) se donne l'objectif de compléter celle de MUNDELL. Ainsi, en
partant d'un choc de demande de produit entre deux régions, il va chercher dans
quelle mesure le recours aux variations des taux de change peut être évité. Il arrive
à la conclusion qu'une forte intégration fiscale entre ces deux régions garantit une
réduction des écarts, consécutifs au choc de demande qui sera partiellement
compensé par la réduction de la contribution de la région affectée au budget
commun et par un soutien de son revenu provenant des dépenses fédérales. Le

6
Il faut considérer que le rattachement au franc français, pour les pays africains de la
Zone Franc, est un enjeu pour avoir un à l'Europe sur le plan commercial et promouvoir
l'attraction des capitaux privés et publics, mais encore, un moyen d'obtenir des remises
de dettes.

18
budget fédéral joue donc le rôle de stabilisateur du revenu réel, d'une part, et des
taux de change, d'autre part.
En conclusion, deux régions fortement intégrées sur le plan fiscal pourront
donc former une ZMO tout en mettant en place un gouvernement fédéral.

* Le degré d’intégration financière privée : INGRAM et SCITOVSKY.

SCITOVSKY (1967) et INGRAM (1969) soutiennent que l'équilibre de la balance


des paiements ne doit pas être conçu uniquement du point de vue commercial, mais
aussi du point de vue financier. Voilà pourquoi il faut s'intéresser au critère
financier d'une économie pour déterminer la taille d'une zone monétaire optimale.
Un fort degré d'intégration des marchés financiers élimine la nécessité de recourir
au change flexible pour corriger les déséquilibres de paiement. Donc, plus
l'intégration financière est forte, plus les différentiels d'intérêt et par là, de change,
sont réduits et les pays en question ont intérêt à participer à une union monétaire
et rester en change fixe car les flux financiers viendront compenser les déficits de
la balance des paiements.

Ces deux auteurs font référence à l'intégration financière privée basée sur les
mouvements de capitaux, d'actifs et de titres libellés en long terme et en devises.
De ce fait, la substituabilité parfaite est obligatoire pour garantir la formation de la
ZMO. Par ailleurs, la libre circulation des capitaux laisse penser que l'intégration
financière est d'une échelle plus large que communautaire. De même, le
rééquilibrage par les actifs financiers suppose que les déséquilibres sont
réversibles7.

1.2.1.3. La rupture avec MUNDELL : de la convergence des taux d’inflation à


la théorie «néohayekienne» des monnaies concurrentielles.

i. La similitude des taux d'inflation: HARBERLER, FLEMING, DE GAUWE

MAGNIFICO (1972) pense que « pour une zone embrassant plusieurs pays, il ne
suffit pas que les gouvernements harmonisent leur action sur la demande, la
mobilité des facteurs de production n'est pas davantage une condition suffisante».
Pour lui les différentes propensions à l'inflation constituent un facteur pertinent
pour la définition des zones monétaires optimales. Si les taux d'inflation

7 Colette NEME: Economie Internationale; fondements et politiques. Ed. Litec, Paris 1996, p. 371.

19
convergent, les balances intra régionales bilatérales et ou multilatérales sont
équilibrées. Il est donc avantageux d'harmoniser les taux d'inflation.

C’est dans cet ordre d’idées que HARBERLER (1970), FLEMING (1971) et DE
GRAUWE (1975) ont pensé que les déséquilibres des paiements tiennent aux
divergences des taux d'inflation nationaux. Ces différentiels proviennent des
différences de développement structurel, différence dans l'agressivité commerciale,
différence des politiques monétaires. L'accent est principalement mis sur les
perturbations d'ordre macro-économique d'offre et de demande.

Donc, ce qui fera une zone monétaire optimale, c'est une zone dans laquelle il y a
une similitude des taux d'inflation. L'idée de base est que si les pays ont des
courbes de PHILIPS différentes ou des objectifs en termes d'inflation et de
chômage différents, une union monétaire est nécessairement coûteuse, parce qu'elle
impose un niveau d'inflation unique (CANZONERI et ROGERS, 1990).

ii. Le degré d’intégration des politiques économiques

Il ne s'agit pas ici de critères qui sont portés vers l'arbitrage changes fixes-changes
flexibles, autrement dit vers l'arbitrage union monétaire- autonomie ou vers les
conditions de réalisation d'une véritable union monétaire comme le pensent
MUNDELL, Mc KINNON, INGRAM et SCITOVSKY, mais plutôt vers d'autres
propositions qui sont avancées par BOURGUINAT et KINDLEBERGER.

INGRAM (1969), HARBERLER (1970), TOWER et WILLET (1970) stipulent


que ce ne sont pas les critères économiques qui sont importants dans la définition
d'une zone monétaire optimale, mais plutôt la compatibilité des politiques
économiques entre les pays membres et leur aptitude à faire face à l'inflation et à la
croissance.
En Afrique, en général, l'incompatibilité des politiques économiques a été à
l'origine de l'échec de la plupart des tentatives d'intégration économique. Ce critère
se présente ainsi comme une condition nécessaire à la réalisation d'une zone
monétaire optimale.

BOURGUINAT (1973) pense qu'il faut soumettre tout projet d'union monétaire à
une sorte d'indicateur d'opportunité qui repose sur deux conditions : la circulation
d'un actif acceptable à l'intérieur de la zone et la communauté, ou au moins la

20
proximité, des préférences nationales en matière d'évolutions significatives en
termes de taux d'inflation, de salaire réel, de productivité, etc.
Le critère de BOURGUINAT repose sur l’idée selon laquelle, en dehors d'un
consensus sur les déterminants essentiels de leur économie, tout processus de
monnaie unique est quasiment impossible. Cet argument s’oppose de fait au
contexte actuel de la Zone franc en général et de la situation des pays de l’espace
UEMOA, membres aussi de la CEDEAO, partageant la monnaie commune, le
FCA, alors que le consensus exigé autour des fondamentaux de leurs économies
n’a presque jamais atteint. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui ont conduit ces
pays à recourir en 1994 à la dévaluation comme mesure ultime d’ajustement.

KINDLEBERGER (1986) va retenir les critères suivants : l'intensité des échanges


et l’existence de préférences identiques aussi bien pour les biens et services qu'ils
échangent que pour les biens collectifs eux-mêmes. Donc, aux conditions
nécessaires d'une union monétaire qui seraient les critères de mobilité des facteurs
et d'ouverture des économies, il ajoute une condition suffisante : l'existence d'un
accord institutionnalisé entre les pays membres sur une ou plusieurs grandes
préférences, relatives aux objectifs clés qui commandent l'avenir, c'est-à-dire de
convergence en matière d'objectif de stabilité interne.

Ces analyses de BOURGUINAT et de KINDLEBERGER fixent ainsi les


conditions d'optimalité d'une zone monétaire.

Au delà de ces critères, il faut noter que la réalisation d'une zone monétaire
optimale a évolué aujourd'hui vers une analyse en termes d'avantages – coûts. En
effet, les travaux ultérieurs à l'analyse de MUNDELL sur les zones monétaires
optimales se sont presque tous focalisés sur les coûts de renonciation aux
variations de parités du taux de change et ont négligé l'évaluation des bénéfices.

iii. La théorie «Néohayekienne» des monnaies concurrentielles.

Dans les années soixante dix le Manifeste de la TOUSSAINT (1975) critique


radicalement les partisans d'une monnaie unique, et les auteurs signataires ont
pensé que la stabilité des prix est garantie par un système de monnaies
concurrentielles, se basant sur les propositions de Hayek en matière monétaire, qui
trouvent leur force dans une école née au début des années 80 : la «New Monetary
Economics». La philosophie hayekienne repose sur la concurrence comme modalité
optimale d'affection des ressources, ce principe étant étendu à la monnaie. HAYEK

21
préconise de retirer le monopole étatique de l'émission monétaire et de substituer à
cette monnaie étatique des monnaies papier concurrentes dont la valeur sera
rendue relativement stable par l'obligation qu'auront les émetteurs de ne pas en
augmenter la quantité, sauf à compromettre leur entreprise.

L'idée est que la concurrence entre les monnaies (bancaires et publiques), voire
entre devises, éviterait aux Etats d'entretenir l'inflation pour promouvoir la
confiance et l'essor économique. La différenciation des monnaies n'est pas un
obstacle au libre mouvement des biens, des monnaies ou des actifs financiers.
Donc, il n'est pas nécessaire d'avoir une monnaie unique mais une ou des "bonnes
monnaies" à pouvoir d'achat stable et/ou indifférencié.

Ainsi, à l'approche volontariste est opposée une approche concurrentielle. Elle


implique d'abord un marché commun des monnaies, soit entre des monnaies à
créer par le marché, soit entre les monnaies existantes, soit encore avec une
monnaie parallèle adoptée par l'ensemble des Etats. Au-delà de la concurrence
entre les monnaies, il faut envisager une concurrence entre les divers systèmes
financiers

1.2.1.4. Les développements récents en faveur des zones monétaires


optimales

La littérature pionnière du milieu des années 70 plaide pour l'adoption d'une


monnaie unique sous l'éclairage des gains et des coûts de participation à une union
monétaire. Les auteurs montrent que les gains d'appartenance à une zone
monétaire sont essentiellement microéconomiques et collectivement partagés par
tous les pays membres8. Microéconomiques, parce que sont éliminés les risques de
change, les coûts de transaction et d'information et que le champ transactionnel
des monnaies s'élargit considérablement.

Collectivement, les pays membres bénéficient d'une stabilité de la monnaie et de


leurs prix, et entretiennent une crédibilité de leurs politiques économiques vis-à-
vis du reste du monde, avec une coordination des politiques budgétaires, fiscales et
monétaires.

8 Gervasio SEMEDO et Patrick VILLIEU : «Mondialisation, intégration économique et croissance : nouvelles


approches»,
Eds. L’Harmattan, 1998.

22
i. L’analyse en termes d’avantages-coûts.

Cette approche des unions monétaires a été proposée par BEAN à la suite de
travaux de ISHIYAMA (1975) et TOWER et WILLET (1976). Elle consiste à
analyser les coûts et les avantages qui résultent de l’entrée d’un pays dans une
union monétaire.

Cette approche reconnaît ainsi à l’union monétaire trois avantages :

- l'amélioration de la valeur liquide de la monnaie ;


- l'élimination de la spéculation de change ;
- l'élimination des coûts de gestion des ressources extérieures.

Néanmoins, les coûts attachés à l'union monétaire sont :

- il y a une perte des implications sur la politique fiscale nationale et


aggravation de la relation inflation-chômage ;

- on a une Banque Centrale supranationale;

- on se sépare de la manipulation du taux de change, un instrument important


de politique monétaire;

- les régions à forte croissance vont attirer les capitaux de l'Union au


détriment des régions à faible croissance.

En résumé, les coûts majeurs lorsqu'un pays décide de joindre une union sont :
- La perte de l'instrument monétaire ou de la souveraineté ne permettant plus
d'arbitrer entre l'inflation et le chômage. L'argument est ancien (FRIEDMAN,
1969).
- Le taux de change n'est plus utilisable comme variable d'ajustement face à un
choc extérieur, pour corriger les déséquilibres de la balance des paiements par
exemple.

23
ii. L’explication du choix de la monnaie unique à partir du processus
d’ajustement face à des chocs d’offre de demande.

Il s’agit ici d’un approfondissement de la théorie électrique9 à partir des travaux


empiriques centrés sur les chocs d’offre et de demande.
La méthodologie retenue dans ce type de travaux consiste à examiner les questions
corrélatives suivantes10 :

- Les pays désireux de former une union monétaire sont-ils en situation de


convergence des taux d'inflation et de croissance ?

- Quel est le temps de réponse de ces pays face à des chocs d'offre et de
demande ?
- Face à de fortes contraintes en matière de politiques monétaires, les
réponses des pays membres d'une union sont-elles semblables ?

Ces études visent à estimer les chocs affectant à la fois les prix et le volume du PIB
à l'aide d'un modèle VAR, en distinguant les chocs symétriques et asymétriques en
se référant à BLANCHARD et QUAH (1989) ; la nature des chocs est identifiée
par le fait que les chocs de demande ont un effet transitoire sur le volume de PIB et
permanent sur les prix, tandis que les chocs d'offre (productivité par exemple)
affectent de façon permanente à la fois les prix et la production.
Les calculs effectués permettent de mettre en évidence tout d'abord que les pays
africains de la CEDEAO sont loin de constituer une zone monétaire optimale. La
raison tient à la faiblesse du commerce intra régional, la relative rigidité des prix et
des salaires, et la diversité de l'incidence des fluctuations des termes de l'échange
d'un pays à l'autre.

iii. Le degré de flexibilité des facteurs dans un environnement incertain.

BRANSON (1989, p. 92) reprenant la "parabole des îles" de E. PHELPS montre


que la fixation irrévocable des parités peut inciter les facteurs (travailleurs) à être
plus mobile dans un univers d'incertitude. En effet, la stabilité des taux de change

9
Selon laquelle les politiques économiques ont des effets allocatifs, stabilisateurs et
redistributifs sur le plan macroéconomique.
10 Gervasio SEMEDO et Patrick VILLIEU : «Mondialisation, intégration économique et croissance : nouvelles
approches»,
Eds. L’Harmattan, 1998.

24
rend les politiques budgétaires plus efficaces, accroît la mobilité des facteurs et
permet de stabiliser la variance de l'output. Il convient alors dans cette optique
d'utiliser la politique monétaire pour stabiliser le taux de change, et la politique
budgétaire pour stabiliser l'activité réelle. La dimension de la coordination des
politiques économiques est ainsi clairement posée.

iv. Courbe de Philips, indépendance de la Banque centrale et crédibilité de la


politique monétaire en faveur de la ZMO

La réalisation d’une zone monétaire optimale a évolué aujourd’hui vers la


comparaison des courbes de PHILIPS des Etats membres. En effet, l’expérience de
la fin des années 70 et du début des années 80 a contredit l’idée initiale d’une
relation permanente entre inflation et chômage, laquelle voyait la coexistence d’un
chômage croissant et d’une inflation plus élevée dans de nombreux pays.

Les années 75 à 90 ont vu triompher les idées d'indépendance de la Banque


Centrale et de contrats optimaux entre banquiers centraux et autorités
gouvernementales. Ces idées se retrouvent dans le thème des zones monétaires
optimales (TAVLAS, 1992) et manifestent un intérêt pour le banquier central
conservateur ciblant des taux d'inflation bas. Cet objectif doit être atteint pour
chaque pays avant même le passage à l'union monétaire. La justification d'une telle
idée (BALL, 1991) part du constat que l'inflation crée non seulement des
distorsions au niveau de la variation des prix relatifs, mais aussi de l'incertitude
dans les choix économiques et dans l'allocation optimale des ressources. La
crédibilité d'une politique monétaire passe donc par la stabilité des prix. Un pays
qui a la réputation de se laisser aller au dérapage des prix ne pourra inverser cette
croyance que s'il applique durablement (et certainement de façon coûteuse) une
politique de désinflation (GAVIAZZI et PAGANO, 1988). Un moyen donc de
gagner de la crédibilité (confiance irréversible) est de "se lier les mains" en
déléguant la politique monétaire à une banque centrale qui impose une discipline à
tous les pays membres d'une union, discipline analysée comme transfert de sa
propre crédibilité (MELITZ, 1987) à une autorité (exemple: la Bundesbank a joué
ce rôle en Europe). Dans ce sens, De GRAUWE (1992) considère que : "la césure
la plus significative pour un pays, c'est de joindre en union monétaire un pays à
taux d'inflation négligeable. Mais en procédant ainsi, ce pays à taux d'inflation
élevé bénéficiera immédiatement d'une crédibilité sans pertes réelles en termes
d'activité et d'emploi" (exemple, ce fût aussi le cas pour la Guinée Bissau qui a
gagné en crédibilité d’inflation faible en intégrant la zone UEMOA en 1997).

25
Projetés dans le long terme, les gains dynamiques d'une union l'emportent sur les
coûts (FRATIANNI, Von HAGEN, 1992) qui par nature, sont transitoires.
Cependant, si malgré leur volonté d'avoir une politique monétaire commune, les
pays utilisent des signes monétaires différents, les risques de change vont toujours
demeurer et il faudra s’attendre alors à une manifestation de ces coûts : il faut
donc logiquement passer très vite à la monnaie unique. (BAILEY, TAVLAS,
1988).
Au total, "le degré optimal de conservatisme monétaire dépend d'un compromis
social entre le besoin de stabiliser l'activité et le besoin de lutter de façon crédible
contre l'inflation".

v. Le degré de coordination des politiques budgétaires et monétaires

Les politiques macro-économiques dans une union monétaire sont contraintes par
des instances supranationales, ne serait ce que la convergence des prix. De ce fait,
elles deviennent plus crédibles. Les structures institutionnelles conférant cette
crédibilité, informent le public des contraintes sous-jacentes au bon
fonctionnement de l'UEM et nécessaires aux performances macroéconomiques.
Dans une application aux PVD, AGENOR (1991) aboutit à la conclusion que : « se
joindre à une union monétaire est un moyen d'établir une politique monétaire qui
accroît la réputation des autorités ».

Dans le cas européen (ancrage sur le mark), comme dans le cas des PAZF (ancrage
sur le franc français), les rattachements peuvent être analysés comme un moyen
d'emprunter la crédibilité du pays "vertueux", voire le plus développé (MELITZ,
1987).
Néanmoins, l'argument de crédibilité ne doit pas être surestimé dans le cas des
PAZF selon la thèse concurrente, dite de la discipline : la Zone Franc a certes
accru la discipline anti-inflationniste mais a généré d'autres coûts, notamment
récessionnistes. Une telle situation conduit à s’interroger sur la signification des
règles d'une zone monétaire privilégiant essentiellement le contrôle des agrégats
monétaires. Cette limitation constitue-t-elle un bon moyen de gérer le policy-mix
dans une union monétaire et ne réclame-t-elle pas davantage de coordination des
politiques budgétaires des pays membres ?

26
vi. Le degré de solidarité entre les pays candidats à une ZMO

A. ONDO OSSA (2000) a défini un nouveau critère d’optimalité reposant sur la


solidarité entre les pays candidats à la zone monétaire optimale 11. Il définit la
solidarité comme une communauté de responsabilités et d’intérêts qui traduit un
sentiment qui pousse deux économies à se porter assistance. Elle se mesure à
l’aptitude d’un pays à accepter le coût de la gestion d’un autre ; le meilleur exemple
de solidarité étant celui qui existe entre deux régions d’un même pays. En effet,
tout pays membre d’une zone solidaire est redevable des actes posés par les autres
membres, autrement dit de leurs excédents et déficits. Ainsi, pour qu’il y ait
monnaie unique entre les deux pays (ou pour que le taux de change de leurs
monnaies ne se modifie pas), il faut que le déficit de l’un puisse être compensé par
l’excédent de l’autre. Et pour ce faire, les deux pays doivent convenir des politiques
et d’un mode de gestion de leurs avoirs extérieurs capables de restaurer l’équilibre
de leurs balances des paiements.

vii. La stabilité des taux de change

La tendance à la recherche des critères directs sera poursuivi par d’autres auteurs
qui mettront notamment l’accent sur la corrélation des taux de change (Vaudel,
1976)… Sur cette lancée, les chercheurs vont explorer le comportement du taux de
change nominal ou réel. Les travaux les plus significatifs sur cette question ont été
conduits par Vaudel (1976), Meiltzer (1986), Eichengreen (1990), Poloz (1990),
Von Hagen et Neuman (1994). Les partisans de cette démarche considèrent que les
pays susceptibles de former une union monétaire sont ceux qui ont des taux de
change bilatéraux stables sur une longue période. Cette conviction repose sur
l’hypothèse centrale que les taux de change sont stables lorsque les pays subissent
des chocs similaires. Il importe toutefois de noter que la limite principale de
l’approche taux de change est qu’il n’est pas toujours évident que la volatilité taux
de change reflète le degré d’asymétrie des chocs. En effet, la stabilité du taux de
change peut résulter des fondamentaux stables tout comme des chocs qui ont été
compensés (intervention des autorités monétaires). C’est pourquoi, dans les
développements ultérieurs des chercheurs comme Bayoumi et Einchengreen

11
A. O. OSSA: "Théorie des zones monétaires optimales à la lumière de l'expérience et des perspectives de la Zone
Franc
africaine". AERC, 2000.

27
(1998) ont introduit l’utilisation des réserves pour neutraliser les chocs sur les
mouvements de taux de change.

viii. La volonté politique

Avec la réussite de l’intégration économique et monétaire européenne, beaucoup


d’auteurs considèrent que les critères économiques des ZMO ne sont pas les seuls
facteurs qui garantissent l’existence d’une union monétaire. Pour des auteurs
comme Mintz (1970), il est évident que la volonté politique constitue sinon la seule
condition du moins la plus importante. Toutes les études qui ont été conduites
dans ce sens confirment cette thèse. D’autres comme Willms (1994) sont plus
catégoriques. Ils estiment que seul l’engagement politique est de nature à assurer
la durabilité d’une zone monétaire.

1.2.1.5 Les fondements théoriques de la convergence des économies

Depuis maintenant deux décennies, l'analyse du processus de convergence des


économies fait l'objet de travaux de beaucoup d'économistes. Les nouvelles
formulations dans la théorie des unions monétaires optimales favorisent les
procédures d'harmonisation conduisant à des critères de convergence des
économies. Cependant, les controverses suscitées par la littérature relative aux
zones monétaires optimales, depuis les années 60, sont loin d'être éteintes et celles-
ci retrouvent aujourd'hui toute leur actualité avec l'avènement de l'Union
Economique et Monétaire européenne, voire de l'euro, des unions monétaires de la
Zone Franc (UEMOA et CEMAC) et des projets actuels d’union monétaire
partout dans le monde, surtout en Afrique, à l’image de la CEDEAO.

Trois hypothèses pertinentes, testables et concurrentes ont été au centre d’une


intense controverse (empirique) sur la convergence des économies.

- L’hypothèse de convergence absolue, selon laquelle les revenus par tête


nationaux convergent vers un niveau de long terme identique quelles que soient
les conditions initiales ;
- L’hypothèse de convergence conditionnelle, selon laquelle les revenus par tête
des régions, dont les caractéristiques sont identiques (par exemple en terme de
préférences, de technologies, de taux de croissance démographique ou de politiques
publiques), convergent vers un niveau identique à long terme indépendamment de
leur situation initiale ;

28
- Enfin, selon l’hypothèse de convergence des clubs, qui est à la base de la notion
de trappe de pauvreté, les revenus par tête des régions dont les caractéristiques
structurelles sont identiques convergent vers un niveau de long terme identique
pour autant que les conditions initiales de ces régions soient suffisamment proches.

L’analyse de ces hypothèses de convergence et des résultats des tests empiriques


permettent de retenir les enseignements suivants :

- Il sera difficile voire impossible de réaliser la convergence globale (absolue) à


long terme pour des pays présentant des caractéristiques structurelles différentes
par exemple, en termes de technologie, de préférences, de croissance
démographique, de politiques publiques, de structures de marché, etc. La
convergence requiert ainsi au préalable, la convergence des caractéristiques
structurelles entre les pays. Il n’est pas étonnant, dès lors, que l’hypothèse de la
convergence absolue ait été rejetée par les régressions économétriques (voir
BARRO, 1991 ; QUAH, 1996) ;
- La convergence ne peut exister que lorsqu’un certain nombre de préalable a été
respecté (convergence conditionnelle). Cela justifie alors le rejet de l'hypothèse
d'une convergence globale au profit de l'existence d'un processus de rattrapage se
déroulant au sein de sous-échantillons plus homogènes (tels que les pays de
l'OCDE, les Etats américains, les régions européennes ou japonaises, par exemple).
Ainsi, il semble que le processus de convergence serait vérifié non pas au niveau
mondial (ou régional) mais plutôt pour des clubs de pays qui, en revanche,
pourraient ne pas converger entre eux.

Tous ces enseignements confirment les grandes difficultés de la mise en pratique


des critères de convergence. Il ne s'agit pas ici d'un débat académique de type
poule-œuf (l'union monétaire doit-elle précéder l'intégration économique ou
l'inverse ?), mais d'une mise en forme théorique d'un problème pratique né avec les
discussions sur le rapport Werner12 de 1970. Le problème peut être résumé par la
question suivante : pour créer une UEM faut-il commencer par coordonner les
politiques économiques et par intégrer progressivement les économies (thèse

12 Le rapport Werner présenté à la Commission le 8 octobre 1970 est le premier plan de réalisation d'une UEM en trois
étapes sur une durée de 10 ans : 1). Coordination des politiques économiques; libération des mouvements de capitaux;
réduction des écarts maximum instantanés entre les monnaies de 1.5% à 1.2% ; 2). Création d'un fonds européen de
coopération monétaire; 3). Parités fixes et irrévocables entre les monnaies. La première étape devrait durer 4 ans et une
clause allemande subordonnait la poursuite du plan à la pleine réalisation de la première étape. La crise monétaire
internationale de 1971 mit fin à l'expérience.

29
défendue par les "économistes") ? Ou faut-il, au contraire, commencer
immédiatement par l'union monétaire (thèse défendue par les "monétaristes") ?
Dans le premier cas, la marche vers l'UEM sera graduelle et longue. Dans le
second cas, l'union monétaire sera créée rapidement avec l'idée qu'elle imposera
une contrainte telle sur les pays membres, qu'ils devront nécessairement
coordonner et intégrer leurs économies.

L’analyse de tous ces critères de reconnaissance d’une zone monétaire optimale


nous inspire à tester leur validité dans l’espace CEDEAO, qui, rappelons-le,
regroupe en son sein une zone monétaire regroupant huit (8) pays partageant déjà
une monnaie commune le franc CFA. En considérant les critères ainsi définis et la
situation actuelle de la CEDEAO, une question fondamentale se pose, à savoir :
l’espace CEDEAO peut-elles être considéré comme optimale ? Ou, en d’autres
termes, peut-il conduire à une zone monétaire optimale ? La section suivante nous
permettra de donner une réponse claire à cette question.

1.2.2. Analyse de la conformité de la zone CEDEAO au regard des critères de


ZMO et de convergence des économies

1.2.2.1 Au regard des critères de ZMO

Beaucoup d’études ont été menées sur l’optimalité de la Zone monétaire de la


CEDEAO. Les résultats sont généralement mitigés. Pour mieux cerner la
problématique, l’analyse dans le cadre de la présente prendra en compte un
maximum de critères de ZMO tirés de sa conception initiale mais aussi des
extensions. Ainsi, les critères liés à la mobilité des facteurs, la similarité des chocs,
l’ouverture des économies, l’intégration financière, la similarité de l’inflation, la
volatilité des taux de changes et la volonté politique seront pris en compte.

i. mobilité des facteurs de production

La CEDEAO a pour principal objectif la réalisation d’une union douanière puis


d’une union économique. Ce qui passe forcement par la levée des entraves à la
liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux, au droit
de résidence et d’établissement.

Dans cette optique, les instances de décision de la CEDEAO ont adopté beaucoup
d’instruments juridiques. Il s’agit notamment :

30
- du protocole du 29 mai 1979 relatif à la libre circulation des personnes, au
droit de résidence et d’établissement ;
- de la directive du 29 mai 1979 qui prévoit que des guichets spéciaux soient
créés par chaque Etat membre et à chaque point d’entrée pour les nationaux
et les citoyens de la Communauté ;
- du protocole A/P/3/5/82 du 29 mai 1982 portant code de la citoyenneté de
la CEDEAO ;
- de la résolution A/RES/2/II/84 du 23 novembre 1984 relative à
l’application de la première étape du protocole de 1979 ;
- de la décision A/DEC.2/85 du 06 juillet 1985 portant institution d’un
carnet de voyage CEDEAO ;
- du protocole additionnel A/SP/1/7/86 du 1er juillet 1986 relatif au droit de
résidence ;
- du protocole additionnel A/SP/2/8/90 du 29 mai 1990 portant droit
d’établissement ;
- de la décision A/DEC.2/5/90 du 30 mai 1990 portant institution d’une
carte de résidence Etats membres ;
- de la décision A/DEC.1/5/2000 portant institution du passeport CEDEAO.

En dépit de ce dispositif réglementaire impressionnant, il est difficile d’évaluer


l’importance de la mobilité de la main d’œuvre dans l’espace CEDEAO faute de
statistiques fiables. D’après une estimation faite par la Banque Mondiale en 2000,
les pays de la CEDEAO qui accueille une forte communauté étrangère sont la Côte
d’Ivoire (26% de sa population), la Gambie (14%) et la Guinée13 (8%).

D’après les analystes, la CEDEAO a facilité la mobilité de la main d’œuvre en


supprimant les visas mais l’établissement des ressortissants se heurte encore à
certaines tracasseries administratives. Toutefois, les flux migratoires sont
importants par endroit en raison des habitudes traditionnels et la répartition de
groupes ethniques entre pays de la région. Il en est ainsi de la Communauté
mandingue qui est répartie entre le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire et le Burkina
ou des peulhs en Guinée, au Sénégal, au Mali, au Niger et au Nigeria ou encore des
haoussas entre le Niger et le Nigeria.

13
Situation liée aux guerres civiles au Liberia et en Sierra Leone

31
Dans l’ensemble, la mobilité des personnes n’est pas encore parfaite en raison du
faible niveau d’application des protocoles par les Etats membres. S’agissant du
capital, la libéralisation reste encore à l’état embryonnaire. Seule Gambie aurait
réalisé des progrès significatifs dans ce domaine.

Toutefois, il importe de noter que les tentatives de vérification, à partir de ce


critère restent insuffisantes (BORDES et DRISCOL (1990), EMERSON et HUNE
(1991).De plus, on peut remarquer que la mobilité du travail n'est pas parfaite ni
dans la CEDEAO, ni dans le reste du monde. Dans l’espace CEDEAO le critère
d'optimalité de MUNDELL ne s’y vérifie évidemment pas du fait de l'étendue
géopolitique des pays concernés en contraste avec le faible niveau de
développement des transports et une répartition très hétérogène de la population
(forte concentration dans les centres urbains). La mobilité du facteur travail, faible,
s'explique en plus par des phénomènes de transhumance, que par les conditions
salariales, excepté entre grandes villes : d'où un déséquilibre dans l'allocation des
ressources en travail se traduisant de plus en plus par un développement urbain
extraverti dans les pays membres de la CEDEAO.

ii. Similarité des chocs

D’après une étude conduite par Paul Mason et Catherine Pattillo (2001), les pays
de la CEDEAO subissent des chocs asymétriques. En effet, ils ont observé des
fluctuations importantes des termes de l’échange doublé d’une spécialisation
poussée de certains pays. Cette situation est aggravée avec la remontée
considérable des cours du pétrole qui favorise le Nigeria et pénalise les autres pays.

iii. Ouverture des économies

Le degré d’ouverture des économies de la CEDEAO est de l’ordre de 55%. Le


commerce intrarégional serait pour sa part autour de 10%. Toutefois, les
statistiques officielles ne prennent pas compte le commerce informel qui prend de
plus de en plus de l’ampleur.

Dans l’ensemble, la structure des économies de la région ne favorise pas un


développement rapide des échanges régionaux. En effet, la plupart des pays de la
CEDEAO sont exportateurs de matières premières et importateurs de produits
manufacturiers.

32
Ainsi, le critère de Mc KINNON, qui soumet l'arbitrage changes fixes–changes
flexibles à l'intensité des relations commerciales, semble ne pas s'appliquer aussi
aux pays africains de la CEDEAO. Ils ne peuvent donc de ce point de ce fait
constituer une zone monétaire optimale au sens de Mc KINNON.

Etendu au contexte des unions monétaires comme la Zone franc ou plus


particulièrement l’espace UEMOA, ce critère est controversé, car l'appartenance à
la Zone franc, en général) n'a pas permis aux pays membres de se prémunir contre
l'instabilité des marchés mondiaux de base ni de se protéger contre l'évolution
conjoncturelle de la demande des pays développés (SEMEDO-VILLIEU, 1997).

iv. Intégration financière

L’espace financier de la CEDEAO n’est pas encore intégré qu’il s’agisse du public
ou du privé. Les marchés financiers à l’échelon CEDEAO n’existent pas encore.
Même le cadre juridique n’est pas encore finalisé. S’agissant du domaine public, il
n’existe pas actuellement une harmonisation des politiques budgétaires.

Toutefois, il importe de faire remarquer que la vérification empirique de ce critère


n’a pas été évidente. En effet, l'introduction de l’euro depuis 1999, devrait
s'accompagner d'une plus grande intégration fiscale avec un budget européen
soucieux de transferts nets de redistribution entre les régions. Les avancées sur
cette voie restent encore limitées.

Or si nous considérons l’espace CEDEAO, la réalité est qu’aucun des pays


membres ne dispose d'un espace économique suffisamment important pour
développer des marchés monétaires et financiers dans le cadre national. C’est là
tout l’intérêt de la création d’un marché financier régional de la CEDEAO. Il est
également clair qu’aucun pays membres de la CEDEAO n'ont pas encore franchi le
cap de l'intégration fiscale.

v. -Nature de la spécialisation

La structure de la production est en moyenne faiblement diversifiée dans la


CEDEAO. Des pays comme la Guinée, le Nigeria, le Niger, la Guinée Bissau tirent
plus de 50% de leurs recettes d’exportation d’un seul produit de base.

33
vi. Similarité des taux d’inflation

A part les pays de l’UEMOA qui partagent une même monnaie, le niveau des prix
augmente dans l’espace CEDEAO de façon disparate. Ce qui peut se comprendre,
le niveau de l’inflation étant étroitement lié à la nature de la politique monétaire
conduite par la Banque Centrale. Il va de soi que l’adoption d’une monnaie unique
pourrait contribuer à réduire les écarts d’inflation.

vii. Volatilité des taux de change

Sur la base des évolutions mensuelles des taux de change des monnaies de la
CEDEAO par rapport à l’UCAO sur la période 2004-2007, il apparaît que la
variabilité des taux de change est très faible. Les monnaies les plus fluctuantes
sont le Franc guinéen et le dollar libérien et dans une moindre mesure le dalasi
gambien et le léone.

Si l’on considère tolérable une fluctuation mensuelle de 2%, seul le franc guinéen a
connu un débordement sur la période. La monnaie guinéenne a fluctué de 1,5% en
moyenne en 2004, de 3,5% en 2005 et 2,7% en 2006. De même, le franc guinéen et
le dollar libérien sont les deux monnaies qui ont accusé un écart-type des
variations mensuelles supérieur à 2%.

Si l’on en juge par le coefficient de Kurtosis, le franc guinéen est encore la monnaie
qui présente les écarts de variabilité les plus importants. Le coefficient est toujours
loin à 3 pour la Guinée sauf en 2006. Pour les autres monnaies, le coefficient est
proche à 3 ce qui traduit des fluctuations de faible ampleur.

Par ailleurs, la statistique de Skewness est généralement négative. Ce qui traduit


une asymétrie à gauche des tendances. Les monnaies qui sont concernées à savoir
le Léone, le franc guinéen, le cedi et dans une moindre mesure le CFA et l’Escudo
sont plus sensibles aux chocs négatifs qu’aux chocs positifs. Autrement, une
évolution des indicateurs dont l’impact est de nature à causer une dépréciation de
ces monnaies entraîne rapidement une réaction du taux change. A l’inverse, une
mesure de politique économique favorable au renforcement de ces monnaies
tarderait à produire ses effets.

Ce qui ne serait pas le cas des monnaies qui ont une asymétrie positive comme le
Dalasi gambien, le dollar libérien et plus faiblement le naira. Le taux de change de

34
ces monnaies aurait tendance à réagir plus rapidement aux chocs sur l’économie
favorables à l’appréciation. Par contre, le taux de change est moins réactif aux
mesures et évolutions des indicateurs qui sont sensées se traduire par une
dépréciation

Au total, on peut retenir qu’à l’exception du franc guinéen et dans une moindre
mesure du dollar libérien, la variabilité des monnaies de la CEDEAO est de faible
ampleur sur la période sous-revue.

viii. Volonté politique

Si l’on en juge par l’engagement des autorités de la CEDEAO dans l’adoption des
instruments juridiques et réglementaires l’engagement mais aussi l’attachement à
en faveur des idéaux d’intégration régionale, la volonté politique à tous les niveaux
en faveur de l’Union monétaire de la CEDEAO ne fait pas défaut.

Cependant, certains pays ont du mal à respecter leurs engagements contractuels en


matière d’harmonisation des politiques ou de convergence macroéconomique en
raison des difficultés internes.

1.2.2.2 Au regard des critères de convergence

Comme rappelé dans la première partie, le programme de convergence


macroéconomique de la CEDEAO est une composante essentielle du Programme
de coopération monétaire de la CEDEAO (PCMC). Ce programme donne la
priorité aux domaines suivants : la stabilité des prix, l’assainissement des finances
publiques, la maîtrise du financement monétaire du déficit public et le maintien de
niveaux appropriés de réserves extérieures brutes. Le respect des critères permet
d’évaluer les progrès en vue de la réalisation de la convergence macroéconomique.
L’objectif de cette section est de mesurer les avancées réalisées par les Etats de la
CEDEAO depuis l’entrée en vigueur du programme de convergence. L’analyse
sera limitée aux critères primaires dont la réalisation est jugée indispensable pour
la réalisation de l’Union monétaire.

Dans le processus d’intégration économique de la CEDEAO, une procédure de


surveillance multilatérale a été instituée pour la plus grande mise en cohérence des
politiques économiques entre les Etats membres. Le but est de promouvoir le
processus vers une intégration monétaire devant aboutir à la création d’une

35
monnaie commune, sur la base des acquis importants de la zone. L'hypothèse sous-
jacente de cette surveillance multilatérale est que la viabilité d'un schéma
d'intégration économique réside dans son aptitude à mettre en œuvre un
mécanisme visant à s'assurer que l'ensemble des orientations de politique
économique et sociale définies par chaque pays, ainsi que les programmes
nationaux qui leur sont associés, sont compatibles entre eux et garantissent une
convergence durable des différentes économies nationales.

Le système de critères de convergence mis en place a beaucoup, contribué à


l'assainissement des finances publiques en contraignant les Etats membres à
conduire des politiques économiques plus appropriées.

i. Déficit Budgétaire global sur PIB

Ce critère est considéré comme le critère clé du pacte de convergence de la


CEDEAO. A fin 2007, les performances des Etats par rapport à ce critère sont
mitigées. Il y a des pays comme le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Liberia et le Nigeria
qui ont toujours respecté ce critère. A l’opposé, le Burkina, le Cap Vert, le Ghana,
la Guinée Bissau, le Niger et la Sierra Leone n’ont jamais réussi à respecter ce
critère sur la période 2000-2007. Les autres pays ont évolué en dents de scie.

Si l’on en juge par la moyenne 2000-2007, le Bénin, la Côte d’ivoire, le Liberia, le


Nigeria, le Togo, la ZMAO et la CEDEAO dans son ensemble sont en dessous de
la norme de 4%.

En terme de volatilité, les fluctuations du déficit budgétaire sont plus marquées


pour la Guinée Bissau, la Gambie, la Sierra Leone et le Ghana en vertu de
l’évolution des écarts-types. Quant à la variabilité, elle est plus prononcée pour le
Mali, le Bénin et la Sierra Leone d’après la statistique de Kurtosis

En dépit de ces évolutions, la tendance est à la convergence même timide des


déficits budgétaires. En effet, l’écart type des déficits budgétaires des pays de la
CEDEAO est passé de 6,9 points de pourcentage en 2000 à 6,1 points de
pourcentage en 2007.

36
ii. Inflation

Le critère de l’inflation est extrêmement important pour des pays membres à une
union monétaire. En effet, l’objectif final de la politique monétaire est la maîtrise
de l’inflation.

Sur la période 2000-2007, trois pays de la CEDEAO à savoir le Burkina Faso, la


Côte d’Ivoire et le Niger ont toujours réussi à maintenir l’inflation dans la limite
de 5%. Pour leur part, le Bénin, le Cap Vert, le Mali et le Sénégal n’ont raté la
réalisation de ce critère qu’au cours d’une seule année. A l’inverse, le Ghana, la
Guinée et le Nigeria n’ont jamais réussi à satisfaire à ce critère.

Sur la base de la moyenne des taux d’inflation sur la période sous-revue, il ressort
que 9 pays sont dans les normes (Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire,
Guinée Bissau, Mali, Nier, Sénégal, Togo). Par rapport à la variabilité, les
fluctuations de l’inflation sont plus prononcées pour la Guinée, le Ghana et dans
une moindre mesure la Gambie, la Sierra Leone, le Liberia et le Nigeria. S’agissant
de la variabilité, elle est plus apparente pour le Ghana, le Burkina Faso et
l’UEMOA dans son ensemble. Toutefois, la convergence entre les taux d’inflation
des pays de la CEDEAO est encore plus significative par rapport aux déficits
budgétaires. En effet, l’écart type des taux d’inflation est passé de 10,8 points de
pourcentage en 2000 à 8,5 en 2004 et 4,6 en 2007.

iii. Financement du déficit Budgétaire par la Banque Centrale

Si un effort a été réalisé dans le cadre de la convergence c’est bien par rapport à la
limitation du financement par la Banque Centrale des opérations budgétaires. En
effet, depuis 2005 les dérapages par rapport à ce critère sont rares.

iv. Reserves brutes de change

Depuis l’entrée en vigueur du programme de convergence, le respect de ce critère


pose problème. En effet, à part les pays de l’UEMOA qui satisfont à ce critère en
bloc et le Nigeria, les autres pays éprouvent des difficultés par rapport à la norme
de 6 mois d’importation. Cependant, les difficultés sont plus prononcées pour le
Liberia et surtout la Guinée. Les autres pays ont un ratio de l’ordre de 4 mois
d’importations.

37
1.2.2.3 Au regard de l’expérience des zones monétaire existantes

En matière d’expérience en termes d’union monétaire, la zone euro et la CFA en


Afrique retiennent forcément l’attention

i. Cas de l’Union Economique et Monétaire (UEM)

Aujourd’hui, la zone euro constitue une référence en matière d’intégration


monétaire. Et pourtant la plupart des études effectuées sur cette zone ont montré
que la zone euro n’est pas optimale. Ainsi, pour beaucoup d’auteurs comme Willms
(1994), la création de l’Union Economique et monétaire européenne (UEM) n’a pas
été basée uniquement sur des critères économiques. Dans ce cas, seuls les facteurs
politiques sont à même d’expliquer la création de l’UEM.

Toutefois, la volonté politique dans le cadre de la mise en place de la zone euro a


été matérialisée par les efforts déployés par les différents pays dans le respect des
critères de convergence. Le pact de convergence de l’UEM a été conçu de manière
à permettre aux membres potentiels d'aborder l'union monétaire avec des
structures suffisamment comparables et, par la suite, une discipline commune en
matière de politique économique. La pleine réalisation de ces critères a été un
prélude à l'UEM. De ce fait, il existe un débat récurrent entre deux doctrines de
l'intégration économique : la doctrine du gradualisme et de la convergence,
opposée à la doctrine du « big bang » et de la marche forcée. La première doctrine
est aujourd’hui reconnue comme la seule voie praticable vers l'UEM. Il n'en a pas
toujours été ainsi dans le passé et le débat entre les "économistes", d'une part, et
les "monétaristes", d'autre part, a longtemps occupé le premier rang des
discussions entre spécialistes en économie européenne.

Le traité de Maastricht part du principe que la stabilité des taux de change et des
prix favorisera la croissance et l'intégration économique. De ce fait, la poursuite
d'objectifs de grandeurs nominales conduit à la convergence des structures
économiques et des niveaux de développement, ce qui favorisera, à terme, la mise
en place de l'UEM. L'idée est que la stabilité des prix et des changes va favoriser
les échanges commerciaux entre les pays membres, et que ces échanges, à leur
tour, vont favoriser le rapprochement de leurs structures et de leurs niveaux de
développement. De plus, la croissance est davantage favorisée par la stabilité des
politiques économiques que par leur caractère plus ou moins expansionniste.

38
ii. Cas de l’Union Monétaire Ouest Afrique (UMOA)

L’UMOA est un système d’intégration monétaire hérité de la colonisation


française. Cette organisation fut longtemps, un regroupement régional traitant
exclusivement des questions monétaires. Il a fallu attendre la dévaluation de 1994
pour que les pays membres prennent conscience de l’importance d’associer
l’intégration économique et la convergence des économies à l’union monétaire.
C’est dans ce cadre que le pacte de convergence et de croissance fut adopté. Depuis,
beaucoup d’avancées ont été obtenus en matière de convergence des économies et
d’harmonisation des politiques sous la conduite de la Commission Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

Le cas de l’UEMOA est extrêmement utile dans le cadre du projet de création de la


monnaie unique de la CEDEAO. En effet, l’expérience qu’on peut retenir c’est que
le processus de convergence peut être réalisé après l’adoption de la monnaie
unique. Dans ce cadre, la conduite d’une politique monétaire commune favorise la
réalisation de cette convergence. En effet, sur la majorité des critères il existe une
convergence certaine dans l’espace CEDEAO.

Pour conclure sur cette question on peut retenir qu’à l’heure actuelle les conditions
d’optimalité d’une zone monétaire ne sont pas remplies par la CEDEAO. En plus,
les performances en terme de convergence des économies ne sont pas suffisantes.
Mais, l’histoire a montré qu’aucune zone monétaire n’a satisfait à tous les critères
d’optimalité. Par ailleurs, la convergence macroéconomique est un processus
continu qui peut être poursuivie après l’adoption de la monnaie unique. D’ailleurs,
l’adoption d’une monnaie unique facilite cette convergence. Par rapport à tous ces
enseignements, il semble envisageable la création dans un proche avenir d’une
union monétaire au sein de la CEDEAO.

Il ne reste plus qu’à déterminer les modalités et les principales phases de cette
union monétaire. C’est l’objet de la deuxième partie de ce document.

39
2. STRATEGIE POUR L’AVENEMENT DE LA MONNAIE UNIQUE EN
AFRIQUE DE L’OUEST

Cette partie reposera sur l’examen des différentes options proposées jusque là
avant de déboucher sur la proposition de stratégie formulée par l’AMAO en vue
d’accélérer le processus de création de la monnaie unique de la CEDEAO.

2.1 EXAMEN DES DIFFERENTES OPTIONS

Comme indiqué plus haut, la stratégie d'accélération a tiré en longueur,


suscitant ainsi des inquiétudes par rapport à la lenteur de la mise en œuvre du
programme de coopération monétaire.

Après avoir exprimé son insatisfaction devant la lenteur de la mise en oeuvre,


la Conférence des Chefs d’ États, en a appelé, à l'occasion de son sommet du 15 juin
2007 à Abuja, à une révision de la stratégie d'accélération, laissant la porte ouverte
à son éventuel remplacement par une approche unique. Dans ce contexte, le
Secrétariat conjoint de l'AMAO et de la commission de la CEDEAO (l'un des
principaux organes du Mécanisme Multilatéral de Surveillance) s’est réuni à
Freetown, en Sierra Léone, en juillet 2007, pour étudier la voie à suivre. Le
Secrétariat conjoint a par la suite convoqué une réunion entre les institutions
régionales afin d'étudier les propositions sur les options alternatives. Voici, les
options étudiées à l'occasion de cette rencontre.

2.1.1 Approche de la voie unique


Il s'agit essentiellement d'une modification de l'actuelle approche des deux blocs
par une approche d’un bloc unique fondée sur des critères d'éligibilité prescrits.
Son succès dépendrait largement de la réussite de l'actuelle approche progressive
des deux blocs dont les piliers centraux sont la convergence économique et
l'harmonisation des politiques. Ainsi, le projet de ZMAO devrait poursuivre ses
programmes jusqu'en 2009, excluant par conséquent la création de la Banque
Centrale Ouest Africaine (BCOA) et l'introduction finale de l'éco.

Sur la base de critères convenus d'un commun accord, les États membres éligibles
pourront tendre vers la formation de l'union monétaire régionale, à condition que
les pays remplissant les critères aient la possibilité d'accéder plus tard à l'union en
temps voulu. L’accent a été mis sur la nécessité d'une surveillance multilatérale

40
efficace et l'introduction d'un Pacte de Croissance et de Stabilité qui serait assorti
de sanctions afin de rendre le processus durable.

Le principal avantage de cette option serait en termes d'économies qui iraient aux
États membres de la seconde zone monétaire en raison de la non création ou de la
mise en suspens de la BCAO ainsi que des autres institutions financières prévues
dans le cadre de la ZMAO. La mise en attente de ces institutions financières serait
une mesure de prudence lorsque l'on considère les dépenses colossales en capital et
leur caractère transitoire. Le second avantage serait la garantie d'une monnaie
régionale forte et stable grâce aux conditions de convergence. Avec cette option,
l'union monétaire pourrait voir le jour dès que possible.
Toutefois, elle présente un inconvénient majeur, à savoir la perte des sommes
englouties dans les projets abandonnés et ayant trait à l'établissement des
institutions financières pertinentes, aux éventuelles modifications des statuts
pertinents et des règlements bancaires dans le but de refléter les objectifs
régionaux.

2.1.2 Approche Big Bang


Cette option appelle une unification monétaire immédiate des quinze États
membres de la CEDEAO par une simple décision politique et ce, à une date
convenue entre eux. Vu l'absence de conditions préalables, le projet de la
CEDEAO peut démarrer dès que possible. La convergence macroéconomique et
l'harmonisation des politiques ne seraient plus des conditions prérequises mais
exigibles seulement après.

Cette option présente l'avantage d'être la manière la plus simple de réaliser


l'unification dans un délai le plus court possible. Il n’y aurait pas de critères
d'éligibilité, ni de procédures de convergence et d'harmonisation des politiques
longues et compliquées. La seule condition majeure serait la mise sur pied
d'institutions financières pertinentes.

Toutefois, cette option présente quelques risques liés aux politiques divergentes, à
la faiblesse des fondamentaux économiques et aux situations d'instabilité
macroéconomique pouvant avoir des effets adverses sur la durabilité de la monnaie
unique proposée. La stabilité budgétaire, la stabilité du taux de change, la stabilité
des prix, la durabilité structurelle et la crédibilité de la politique monétaire seront
confrontés à des risques considérables à cause l’inexistence d’un cadre
institutionnel approprié. De ce fait les Etats membres devront observer une

41
certaine discipline en vue de maintenir la convergence après le lancement de la
monnaie unique.

2.1.3 Approche de l'adhésion à l'UEMOA


Avec cette option, les États qui ne sont pas encore membres de l'UEMOA
devraient s'engager à y adhérer. Cette décision serait essentiellement politique.
Toutefois, l'éligibilité serait fondée sur des critères macroéconomiques, juridiques,
etc. Dans ce dispositif, une banque centrale qui adopterait le CFA serait
transformée en une filiale de la BCEAO. Cette formule présente certains avantages
qui tiennent au fait que l'UEMOA possède la capacité technique requise pour
servir de noyau à l'édification d'une union monétaire à l'échelle de la CEDEAO. Le
premier : la garantie d'une stabilité macroéconomique pour les nouveaux entrants
étant donné que la BCEAO a jusqu'ici fait preuve d'une très grande efficacité en
matière de gestion de la politique monétaire. Deuxième avantage : le coût de cette
formule serait modéré en comparaison de la phase de création de l'union puisque
l'architecture du système financier est déjà en place. Avec ce dispositif, une banque
centrale qui déciderait d'adopter le CFA comme monnaie deviendrait une filiale de
la BCEAO. Il n'y aurait pas de coût supplémentaire pour établir de nouvelles
institutions financières communautaires à l'exclusion des dépenses pour la
modification des statuts, des procédures, et l'impression de nouveaux billets de
banque ainsi que les contributions aux capitaux propres des institutions existantes.

Cependant, cette formule présente quelques difficultés qui méritent d’être mis en
relief. Le premier est que le CFA est considéré comme une survivance du système
colonial français en Afrique. Le deuxième se rapporte aux liens avec le Trésor
Français.

2.1.4 Approche de l’élargissement du Projet de ZMAO


Avec cette option, la monnaie de la ZMAO – l’Eco – serait lancée pour l’ensemble
des pays de la CEDEAO. Y prendraient part tous les États membres de l’UEMOA
ainsi que les pays de la ZMAO qui rempliraient les quatre critères fondamentaux.
Par la suite, tout autre pays satisfaisant aux critères pourrait adhérer.

Toutefois, il restera à savoir si les pays de l’UEMOA seront prêts à abandonner


leur union bien établie et leur monnaie stable pour rejoindre une nouvelle union
sur laquelle planent des incertitudes.

42
2.1.5 Approche de la Masse Critique
Avec cette option, l’union monétaire pourrait démarrer dès que possible à
condition qu’une “masse critique” de pays constituant au moins soixante-quinze
pour cent (75%) du PIB de la CEDEAO remplissent les critères de convergence.
Toutefois, tous les pays devront s’engager à respecter un Pacte de Croissance et de
Stabilité qui garantirait la pérennité de l’union. Le principal avantage de cette
option est qu’elle reposerait sur de solides fondamentaux macroéconomiques.

Après avoir passé en revue tous ces scénarios, les institutions régionales ont
présenté trois options pour créer l’union monétaire régionale :
i) l’approche big-bang;
ii) l’approche purement graduelle ; et
iii) l’approche de la masse critique.

Mais à l’issue des débats, la réunion a marqué sa préférence à l’option de la masse


critique. Par la suite, le Conseil de Convergence s’est réuni le 9 octobre 2007 à
Ouagadougou pour étudier les options présentées par les institutions régionales.
Après s’être accordé sur la nécessité d’une seule approche pour l’intégration
monétaire dans la région, le Conseil a demandé à ce qu’une étude soit effectuée afin
de déterminer la faisabilité de toutes les options proposées et de proposer un
calendrier précis pour l’introduction de la monnaie unique de la CEDEAO.

Sur la base de ces pertinentes réflexions, l’AMAO propose ici deux schémas devant
aboutir à la création de la monnaie unique dans un bref délai.

2.2 PROPOSITION DE L’AMAO POUR ACCELERER LE PROCESSUS DE


CREATION DE LA MONNAIE UNIQUE DE LA CEDEAO

Après avoir évalué les différentes options de l’intégration monétaire ainsi que le
contenu des résultats de la réunion des institutions régionales, l’AMAO a opté
pour une formule d’intégration monétaire intégrale pour la CEDEAO. La création
de la monnaie unique pourrait se faire en deux étapes. Une première étape
préparatoire visera à stabiliser les taux de change (phase du MCC). La deuxième
étape sera celle au cours de laquelle une nouvelle monnaie sera progressivement
substituée aux monnaies existantes (phase de passage à la monnaie unique).
Durant ces phases et au delà seront poursuivies le processus de l’harmonisation des
politiques et de la convergence macroéconomique.

43
La période préparatoire nécessite évidemment un processus et des décisions
importantes. A la lumière des disciplines économiques déjà en vigueur dans la
majeure partie des pays on pourrait prévoir entre deux (2) et quatre (4) ans pour la
stabilisation des taux de change. Au cours de cette période et éventuellement au-
delà, seront menées des actions liées à la mise en place des institutions.

Ainsi deux scénarios sont proposés ci-dessous pour aboutir à la création de la


monnaie unique de la CEDEAO dans les meilleurs délais.

2.2.1 Scénario 1 : aller à la monnaie unique en un seul bloc

L’hypothèse centrale de ce scénario est de passer directement à la monnaie unique


sans création de seconde zone monétaire. Autrement dit, ce scénario repose sur le
fait que le projet de la CEDEAO de commencer par mettre en place une nouvelle
banque centrale régionale pour les pays participant à la deuxième zone monétaire,
qui fusionnerait quelques années plus tard avec la BCEAO ne semble pas être la
solution idéale. Le problème est que la création de nouvelles institutions appelées à
disparaître à brève échéance n’est pas opportune pour des raisons à la fois
pratiques et économiques. En effet, des investissements massifs dans la mise en
place de nouvelles institutions ne peuvent se justifier que si ces institutions sont
conçues pour durer.

Par exemple, bien que la création de la BCAO et des autres institutions aiderait à
symboliser la réalisation de l’objectif d’intégration régionale au sein de la ZMAO
sa fusion ultérieure avec la BCEAO ne serait pas chose facile. Ce qui risquerait de
retarder encore l’échéance de la création de la monnaie unique de la CEDEAO.

Ainsi, ce scénario suggère la mise en place, durant une période transitoire, d’un
dispositif institutionnel de coopération entre les banques centrales existantes sans
créer une nouvelle banque au niveau de la seconde zone. Et après un certain temps,
probablement en 2015, une Banque centrale pour toute la communauté pourrait
être mise en place.

L’émission de la monnaie commune se fera par la Banque Centrale de la CEDEAO


qui serait mise en place suivant les arrangements institutionnels convenus.

44
Configuration graphique du modèle 1

Banque Centrale de la CEDEAO

Banque Centrale GAMBIE

Banque Centrale GHANA

BCEAO Banque Centrale GUINEE

Banque Centrale NIGERIA

Banque Centrale SIERRA LEONE

Agence BENIN
Agence BURKINA FASO
Agence COTE D’IVOIRE
Agence GUINEE BISSAU
Agence MALI
Banque Centrale LIBERIA
Agence NIGER
Agence SENEGAL
Agence TOGO Banque Centrale CAP VERT

45
2.2.2 Scénario 2 : aller à la monnaie unique en deux blocs

Ce scénario prend en compte l’état d’avancement de la mise en œuvre de la seconde


zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest. Cette formule consiste à garder la
proposition initiale avec la seule différence que l’Eco (future monnaie de la seconde
zone) ne sera pas émise. Il s’agit de mettre en place la Banque centrale de l’Afrique
de l’Afrique (BCAO) qui va fusionner après avec la BCEAO.

Les deux Banques Centrales (BCAO et BCEAO) vont émettre la même monnaie
dans leurs zones respectives sous la supervision d’un conseil monétaire composé
des gouverneurs des banques centrales des Etats membres en attendant la création
de la Banque Centrale de la CEDEAO (BCC). Tous les aspects légaux liés à
l’émission de la monnaie et au fonctionnent du conseil monétaire seront définis en
temps opportun.

Les pays de la CEDEAO qui ne sont pas membres de l’une ou de l’autre zone
(Libéria et Cap vert) pourraient opter pour être couverts par la BCEAO ou la
BCAO.

46
Configuration graphique du modèle 2

Banque Centrale de la CEDEAO 2 ième étape

Conseil Monétaire 1 ière étape

Monnaie Unique Monnaie Unique

BCEAO BCAO

Agence BENIN Agence GAMBIE

Agence BURKINA Agence GHANA

Agence COTE D’IVOIRE Agence GUINEE

Agence GUINEE BISSAU Agence NIGERIA

Agence MALI Agence SIERRA LEONE

Agence SENEGAL

Agence LIBERIA
Agence TOGO

Agence CAP VERT

47
Dans l’ensemble, les deux options permettent la mise en place rapide de la monnaie
unique de la CEDEAO conformément à la volonté des Chefs d’Etat et de
Gouvernement.

L’avantage majeur de ces deux scénarios est lié à leur simplicité et à la manière de
conduire l’avènement de la monnaie unique dans un délai relativement court. En
effet, la seule condition majeure serait la mise sur pied d'institutions financières
pertinentes. La convergence macroéconomique et l'harmonisation des politiques ne
seraient plus des conditions prérequises mais seraient exigibles par la suite dans le
cadre d’un cadre d’un pacte de stabilité et de croissance. Vu l'absence de conditions
préalables contraignantes, le projet de la CEDEAO pourrait démarrer dès que
possible.

Un autre avantage serait la garantie d'une monnaie régionale forte et stable grâce à
la stabilisation des taux de change à travers la mise en œuvre du MCC qui
contribuerait au renforcement de la convergence.

Dans l’ensemble, bien que les deux options permettent la mise en place rapide de la
monnaie unique de la CEDEAO, l’option 2 semble à nos yeux plus appropriée car,
elle permet de prendre en compte l’ensemble des efforts déployés surtout dans le
cadre de la mise en œuvre de la seconde zone monétaire. En effet, beaucoup de
chantiers y ont été ouverts notamment en termes d’harmonisation des politiques, de
modernisation des systèmes paiements etc, avec des coûts importants supportés par
les pays de la ZMAO depuis 2000.

2.2.3 Les raisons qui militent en faveur de la création d’une monnaie


« finale » commune de la CEDEAO à la place d’une monnaie transitoire.

Les arguments avancés pour la création de la seconde zone monétaire, ZMAO,


présentent la future monnaie de cette zone comme transitoire vers la monnaie finale
de la CEDEAO à laquelle les pays membre de l’UEMOA (BCEAO) vont aussi
adhérer. Cependant, ces arguments n’évoquent pas certains risques qui pourraient
être liés à la création et l’émission d’une monnaie qui est appelée à disparaître à une
échéance relativement courte. Ces risques peuvent être :
- La monnaie ne joue plus une de ses fonctions fondamentales, celle de
réserve de valeur. En effet, la valeur de l’épargne publique comme privée,
du patrimoine,…, des agents économiques devrait pouvoir être convertie en

48
cette monnaie. Mais du fait de son caractère transitoire, les agents
économiques vont trouver risqué le fait de placer leur épargne, par exemple,
dans cette monnaie ;
- La fuite des capitaux : cette conséquence est une suite logique de la
précédente. Du fait des anticipations de certains agents économiques, il peut
y avoir des placements en monnaies étrangères (dollar, euro,…) ou à
l’étranger durant la période de transition pour « sécuriser » leur épargne
par exemple, en attendant que la monnaie finale de la CEDEAO (qui est
appelée à être plus durable) soit émise ;
- Ralentissement des investissements directs étrangers : du fait que les
monnaies nationales sont appelées à disparaître pour être remplacées par
une nouvelle monnaie qui, elle-même n’est pas durable, les investisseurs ne
prendront pas le risque d’investir ni dans une monnaie qui est appelée à
disparaître ni dans celle en transition. Cela pourrait par ailleurs affecter le
fonctionnement et le développement du marché monétaire et du marché
financier ;
- Des perturbations dans les systèmes de paiements : Il est évident que
tout changement d’unité de compte ou la création d’un nouvel instrument
financier de paiement entraîne des réaménagements du système avec toutes
les implications en termes de coûts ;
- Des perturbations dans le système des prix : le changement d’unité de
compte entraîne des changement dans le système des prix absolus (et peut-
être des prix relatifs). Le risque ici est plus important dans les pays sous-
développés où le niveau d’éducation des populations est relativement faible
pour comprendre et assimiler rapidement ces changements ;
- L’échec de l’ECO, et de la ZMAO, pourrait compromettre à jamais la
poursuite et la réalisation de l’intégration monétaire et la création de la
monnaie unique de l’ensemble de la CEDEAO ;
- Etc.

C’est pour éviter, ou du moins minimiser, ces risques qu’il est plus opportun de ne
pas passer par une monnaie transitoire et d’emprunter la voie directe menant à la
monnaie finale et commune pour toute la CEDEAO.

2.3 PHASES ET CALENDRIER DE MISE EN PLACE DE LA MONNAIE


UNIQUE DE LA CEDEAO

49
La mise en œuvre de l’une ou l’autre des options proposées passera nécessairement
par différentes phases notamment une période de stabilisation des taux de change et
une étape de passage à la monnaie unique assortis d’un calendrier précis.

50
2.3.1 Phase de stabilisation des taux de change : Mécanisme de change de la
CEDEAO (MCC)

2.3.1.1 Aperçu des caractéristiques du MCC

Le Mécanisme de change de la CEDEAO (MCC), de par son statut de programme


transitoire, devait spécifier les dispositions qui vont régir les opérations de change
au sein de la CEDEAO avant l'adoption finale d'une monnaie commune. Son objectif
principal est d'assurer une stabilité du taux de change visant à faciliter la
convergence des économies nationales et garantir la viabilité de la monnaie unique
proposée dans le cadre de l'Union économique et monétaire.

Le MCC utilise comme référence l’Unité de Compte de l’Afrique de l’Ouest (UCAO).


Cette dernière, liée au DTS à parité fixe (1 contre 1), est essentielle au
fonctionnement du mécanisme de Change de la CEDEAO (MCC), non seulement
pour lui servir d’unité de compte mais également pour servir comme monnaie
d’intervention des banques centrales.

La mise en œuvre du MCC obligera les banques centrales membres à ne pas laisser
s’écarter le cours de change de leurs monnaies de leurs taux centraux. Les
fluctuations sont limitées à +10%. L'intervention dans le cadre du MCC a lieu quand
les rapports de parité entre deux monnaies atteignent leurs limites. Dans ce cas les
banques centrales des monnaies impliquées sont obligées d'échanger des montants
des monnaies dans les limites afin de défendre leurs parités.

Le lancement du MCC14 nécessite aussi de la part des Etats membres la recherche


d'un minimum de conditions, comme la stabilité des prix, la prévention des déficits
excessifs, le maintien d'un taux d'intérêt réel positif.

2.3.1.2 Arrangements institutionnels


Ils concernent les mécanismes de financement des interventions monétaires.
L'intervention de la banque centrale est décisive à la réussite de tout mécanisme de
change. Aussi, les banques centrales ont-elles besoin d'avoir accès à un Fonds pour
le financement à court terme de leur intervention. Ce fonds de stabilisation pourra
également jouer un rôle utile pour l’ajustement en cas de chocs asymétriques.

14
Pour plus d’informations sur le MCC voir document de l’AMAO intitulé « Revue du mécanisme de change
de la CEDEAO », Freetown, septembre 2008.

51
2.3.2 Phase de passage à la monnaie unique
La phase de transition sera la période au cours de laquelle les monnaies nationales
seront progressivement remplacées par la monnaie unique de la CEDEAO. En
attendant de lui trouver un nom nous parlerons de monnaie unique de la CEDEAO
(MUC). Le passage à la monnaie unique nécessitera la mise en place d’un cadre
juridique, de nouvelles institutions, l’adoption d’un calendrier précis et le choix d’un
mécanisme approprié de conversion des monnaies nationales dans la nouvelle
monnaie.

2.3.2.1 Adoption du cadre juridique et institutionnel


L’adoption du cadre juridique va concerner la préparation de l’ensemble des
documents, instruments et procédures pour la mise en place de la zone monétaire
unique de la CEDEAO (ZMUC). Il sera alors question d’élaborer un protocole
portant création de la ZMUC. C’est sera là l'une des dispositions centrales de la
législation monétaire des États membres qui auront adopté la MUC. Les principaux
éléments du cadre juridique de l'introduction et de l'utilisation de la MUC devront y
être définis. En plus, il est nécessaire de s’accorder sur le nom de la future monnaie
unique, d’élaborer les statuts de la Banque centrale de la CEDEAO (BCC) mais
également de désigner le pays qui va l’abriter.

Les reformes institutionnelles porteront essentiellement sur la mise en place du


Conseil Monétaire, la création de la BCC et des autres institutions financières
relevantes.

2.3.2.2 Passage à la monnaie unique

En terme de calendrier, la phase de la stabilisation des taux de change va couvrir la


période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 (date de l’entrée en vigueur de la
monnaie unique de la CEDEAO). Quant à la période de l’adoption du cadre juridique
ainsi que la mise en place des institutions, elle va démarrer le 1er janvier 2009 et
pourrait s’étendre jusqu’en 2015. Ainsi la MUC deviendra une monnaie légale le 1 er
janvier 2013 et les monnaies nationales des pays ayant adopté la MUC deviendront
ses subdivisions. Pour chacune de ces monnaies, un taux de conversion fixe devra
être arrêté. Même si les monnaies nationales pourraient subsister pendant un certain
temps pour des raisons psychologiques, les opérations de change en MUC pourront
commencer. Toutes les nouvelles émissions de bons d'Etat pourront se faire en
MUC. Ainsi, une bonne partie de l'encours de la dette publique intérieure pourra

52
être progressivement libellée en MUC. Les billets de banque et les pièces de la MUC
seront introduits à la date de l’entrée en vigueur de la monnaie unique en janvier
2013 pour remplacer progressivement les monnaies nationales. Ces dernières
devront être retirés au plus tard le 31 décembre 2013 date à partir de laquelle, la
monnaie nationale ne sera plus valable pour les usages quotidiens. En effet, il sera
toujours possible, longtemps après, d’échanger les anciens billets contre des billets
en MUC, aux guichets des banques centrales nationales. De façon schématique le
calendrier se présente comme suit :

N° Phases Période Objectif


I STABILISATION DES TAUX DE
CHANGE 01/01/2009- 31/12/2012 Assurer une stabilité du taux de
o Mise en œuvre du mécanisme de change visant à faciliter la
change convergence des économies
o Mise en place du fonds de nationales et garantir la
stabilisation viabilité de la monnaie unique
proposée dans le cadre de
l'Union économique et
monétaire.

II PASSAGE A LA MONNAIE Création des conditions


UNIQUE 01/01/2009-31/12/2015 nécessaires à l’avènement de la
o Adoption du cadre juridique 01/01/2009-31/12/2010 monnaie unique de la CEDEAO
o Mise en place des institutions 01/01/2011-31/12/2015 et des institutions pertinentes
o Fixation des taux de conversion 01/01/2013 telles que le Conseil Monétaire
o Introduction de la monnaie
unique 01/01/2013-31/12/2013
III CONSOLIDATION
o Harmonisation des politiques 2009-2020 Assurer la viabilité et la stabilité
o Harmonisation des statistiques 2009-2012 de la future monnaie ainsi que
o Convergence macroéconomique Processus contenu son acceptation par le public
o Sensibilisation 2009-2013

Pour ce qui est du mécanisme du conversion, les décideurs de la zone auront à


retenir une méthode parmi les trois généralement utilisées à cet effet : taux en
vigueur à la date butoir, taux moyen sur une certaine période et taux pivot.

53
2.3.3 Mesures d’accompagnement et de consolidation de la monnaie unique

Dans le but de conduire à son terme le projet de création de la monnaie unique,


différents programmes d’harmonisation et activités sont envisagés ou en cours de
réalisation. Il s’agit notamment : l’harmonisation des politiques économiques
nationales, des statistiques et des lois et règlements bancaires, la libération des
échanges et du compte capital, la consolidation de la convergence
macroéconomique et la mise en œuvre du programme de sensibilisation.

2.3.3.1 Harmonisation des politiques économiques nationales

La nécessité de créer et développer un marché intérieur actif au sein de la


CEDEAO, utilisant une monnaie commune impose, à ses pays membres, de se
doter de règles communes allant dans le sens de l’harmonisation de leurs
politiques économiques. En effet, dans ce processus, il ne sera nullement question
d’uniformisation des politiques économiques mais d’engagement à les coordonner
de manière à atteindre des objectifs communs comme la croissance soutenable, la
maîtrise de l’inflation, ainsi la réduction du niveau des déficits budgétaires etc.
Toutefois, il faut souligner que toute politique d'harmonisation impose des
contraintes puisque nécessitant des mesures qui n'auraient pas été spontanément
prises, mais permettant de bénéficier des avantages d'un développement
économique, sans aucun doute, plus fort que celui qui aurait pris place en l'absence
de toute intégration.

Malgré les contraintes, les avantages des mesures d'harmonisation, se situant


surtout au niveau microéconomique, sont nombreux et réels. Ce sont en effet des
gains dont profitent essentiellement les entreprises et, à travers elles, les salariés,
ainsi que les simples citoyens.

L'objectif d'harmonisation des politiques économiques, en Afrique de l’Ouest, ne


devrait pas être d'introduire une libéralisation à outrance à l'intérieur de la
communauté, mais de construire une économie commune capable de s'imposer au
reste du monde dans des conditions bien plus favorables que ne le feraient les
économies de chaque pays pris isolément.

Par conséquent, l'harmonisation des politiques économiques constituera une


garantie de la construction d'une zone économique et monétaire stable, de nature à

54
permettre aux entreprises de devenir plus compétitives pour le plus grand bénéfice
des populations ouest africaines.

Enfin, l’harmonisation des politiques économiques pourrait contribuer, aussi, à


faciliter la mise en œuvre des critères de convergence et du mécanisme de
surveillance multilatérale, à travers la prise en compte, par les Etats membres, de
la dimension régionale dans leurs programmes nationaux de développement.

2.3.3.2 Harmonisation des lois et réglementations bancaires

La réussite de toute zone d’intégration économique et monétaire est tributaire,


dans une certaine mesure, de la cohérence des lois régissant les institutions
similaires évoluant au sein de ladite zone.

Pour une zone monétaire viable, l’harmonisation des lois et pratiques bancaires des
pays membres constitue une étape essentielle de garantie du fonctionnement sans
risque du système bancaire.

La création d’un cadre juridique commun visant le renforcement des liens de


coopération entre les institutions bancaires et financières de la CEDEAO s’avère
donc indispensable.

Au plan de la CEDEAO, l’harmonisation des lois et règlements bancaires reste à


entreprendre. Quant aux pays membres de l’UEMOA ils ont déjà relativement
réussi ce processus en leur sein. Dans la ZMAO, le processus est au stade de
l’élaboration ou de la finalisation des textes de lois, règlements et instructions
pertinents. Le Cap-Vert et le Liberia n’ont pas encore intégré le processus.

Ainsi, au sein de l’UEMOA, l’activité bancaire et financière est exercée dans le


cadre des textes relatifs aux lois et pratiques harmonisées avec une Banque
centrale, une Institution de supervision et une monnaie communes.

Dans la ZMAO, on note l’adoption des statuts de la future Banque centrale


commune (BCAO)15, de l’organe central qui sera chargé de la supervision à
l’échelle régionale (ASFAO)16.

15
Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest
16
Autorité de Supervision Financière de l’Afrique de l’Ouest

55
Les deux autres régimes restants, le Cap-Vert et le Liberia n’ont intégré aucun
programme d’harmonisation à ce jour. Ce deux pays n’appliquent de ce fait que
leurs propres lois et règlements bancaires en attendant le déclenchement du
processus au niveau de la CEDEAO.

Toutefois, il faut souligner que l’examen des règlements et lois bancaires des pays
de la CEDEAO montre des éléments de similitudes ainsi que des différences.
On note en particulier que sur le plan structurel, les caractéristiques communes
résident dans le fait que les systèmes sont organisés, toutes, autour d’une Banque
centrale, de banques primaires et d’institutions financières. Ainsi, toutes les
Banques centrales sont responsables, d’une manière générale, de l’organisation et
de la gestion du système monétaire, bancaire et financier, de l’émission monétaire
et de la gestion des réserves extérieures du pays.
S’agissant des banques et institutions financières, elles sont responsables de la
collecte et de la distribution des ressources financières au sein de l’économie.

Les différences concernent notamment, les modalités de fixation des taux de


change des monnaies, le choix de l’institution en charge de la supervision bancaire,
les conditions d’agrément des établissements bancaires, etc.

L’harmonisation des lois et règlements bancaires ainsi que des systèmes de


paiement des pays membres de la CEDEAO devra occuper une place centrale dans
le programme de travail de l’AMAO. Ces activités ciblés comme prioritaires dans
le programme d’intégration monétaire par l’AMAO en collaboration avec les
Banques centrales.

2.3.3.3 Harmonisation des statistiques

L’institution d’un mécanisme de surveillance multilatérale par les règles a ouvert


la voie pour la dynamisation du processus d’intégration économique et monétaire
en Afrique de l’Ouest. Cependant, il faut indiquer que la surveillance multilatérale
nécessite la mise en place et la gestion d’un système crédible et transparent
d’informations permettant de contrôler le respect des normes établies et le cas
échéant de prévenir ou d’identifier les dérapages. D’où l’importance de la mise en
harmonie des données statistiques.

Dans la CEDEAO, les comparaisons des performances des différentes économies


se heurtent au manque de cohérence et d’homogénéité des données. Les méthodes

56
de production des agrégats statistiques diffèrent d’un pays à un autre, en
particulier, pour la détermination, la compilation et la présentation de l’inflation et
du PIB.

S’agissant de l’inflation, la portée et le contenu du panier de la ménagère ne sont


pas les mêmes dans les différents pays. Pour la compilation du PIB, les données
de base sont soit limitées soit de qualité inégale, voire inexistantes. La plupart des
pays compilent également les comptes nationaux à l’aide de la présentation du
SCN 68, au lieu de celle du SCN 93 qui est plus répandue et moderne.

Pour remédier à ces distorsions, le projet ECOSTAT a été initié en vue d’assurer:

➢ l’harmonisation du programme régional de statistiques ;


➢ la production de données statistiques sur le commerce extérieur ;
➢ l’harmonisation des statistiques : PIB comparables, amélioration des indices des
prix a la consommation (IPC);
➢ la création d’une base de données de la surveillance multilatérale (ECOMAC); et
➢ l’amélioration de la distribution des statistiques.

Dans le cadre de la mise en œuvre de ce projet, l’harmonisation du PIB et des IPC


a été confiée au groupe de l’Observatoire économique et statistique en Afrique
subsaharienne (AFRISTAT). La stratégie à court terme vise à définir et à aider les
pays à adopter des plates-formes communes pour la présentation des comptes
nationaux et d’agrégats d’IPC fondés sur le Système de Comptabilité des Nations
Unies (SCN93).

L’harmonisation des PIB concerne les 7 pays non membres de l’UEMOA, dans la
mesure où les pays membres de l’UEMOA ont déjà achevé leur exercice. La plate-
forme prévoit l’utilisation d’une nomenclature commune couvrant les secteurs
primaire, secondaire et tertiaire d’une économie donnée afin d’assurer l’uniformité
des informations pertinentes et de la période d’évaluation.

La plupart des pays ont adopté la plate-forme commune qui permet d’améliorer la
méthode de préparation et de présentation des comptes nationaux et, à travers
l’utilisation de la nomenclature internationale, d’harmoniser la méthodologie de
calcul et de présentation des IPC, en mettant un accent particulier sur la
couverture géographique et les contextes du panier des biens et services.

57
Des progrès ont été enregistrés, par les pays, surtout dans les domaines de la
présentation et du contenu de l’IPC. La Gambie, la Guinée et la Sierra Leone ont
amélioré la collecte des données des enquêtes sur les ménages, mais ils ont besoin
d’assistance technique pour le traitement (extension de la couverture, élaboration
de la méthode de calcul, définition d’une année de référence et détermination de
nouvelles pondérations pour les paniers). Le Nigeria et le Ghana ont pris des
dispositions pertinentes, en la matière, et, par conséquent, n’ont besoin d’aucune
assistance. La situation au Liberia, qui souffre d’un manque cruel de données
statistiques, est préoccupante et nécessite une assistance technique et financière
urgente.

Cependant, les statistiques de finances publiques, la balance des paiements, les


données monétaires et financières n’ont pas encore été couverts par le projet
d’harmonisation en cours. Et pourtant, l’essentiel des indicateurs de convergence
sont liés à ces statistiques. Pour pallier cette situation, l’AMAO compte mettre en
œuvre à partir de 2009 un programme d’harmonisation qui va couvrir l’ensemble
de ces domaines. Ce programme sera exécuté en collaboration avec la Commission
de la CEDEAO.

2.3.3.4 Libéralisation des échanges

La création d’un marché commun de la CEDEAO constitue un des important


volets du processus de construction de l’espace économique et monétaire ouest
africain. Ce marché commun permettra de conforter la zone à travers des courants
d’échanges mieux organisés et disposant de ressources plus importantes. C’est à
cet effet qu’il a été adopté, au sein de la CEDEAO, un schéma de libéralisation des
échanges articulé autour des trois axes majeurs ci-après:

➢ la libéralisation des échanges par la suppression des tarifs sur les importations
et exportations de biens entre Etats membres ainsi que des barrières non
tarifaires ;
➢ la mise en place d’un tarif extérieur commun (TEC) et d’une politique
commerciale commune à l’égard des pays tiers ;
➢ la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes, des biens, des
services et des capitaux, ainsi que le droit de résidence et d’établissement.

Ce schéma, lancé le 1er janvier 1990, n’est pas encore appliqué de manière
satisfaisante par tous les Etats membres. De même, l'application du TEC,

58
initialement prévue le 1er janvier 2002, par l’ensemble des pays membres n’a pas
non plus connue de succès.

Face à ce constat, les instances de décision de la CEDEAO ont donné des


directives allant dans le sens de l’application immédiate du schéma, de
l’harmonisation des schémas de libéralisation des échanges de l’UEMOA et de la
CEDEAO et de l’extension de l’application du TEC UEMOA aux autres Etats
membres de la Communauté.

Ces directives ont permis d’apporter des améliorations dans les domaines liés à la
détermination des règles d’origine, les procédures d’octroi d'agrément des produits
et le système de compensation des pertes de recettes.

Par ailleurs, les programmes d’information et de sensibilisation sur le


fonctionnement de la zone de libre échange, organisés par la Commission de la
CEDEAO dans les Etats membres, commencent à produire certains effets positifs.

2.3.3.5 Libéralisation du compte capital

Le processus de libéralisation du compte capital au sein de la CEDEAO n’est pas


encore achevé et les pays membres sont à différentes étapes. La plupart d’entre eux
continuent de maintenir une large gamme de contrôles. D’une manière générale,
les contrôles sont réguliers en ce qui concerne les instruments des marchés
financiers et monétaires, les investissements directs à l’étranger, ainsi que les
transactions en capital et immobiliers personnelles.

Il faut noter, qu’en la matière, les progrès les plus importants réalisés sont à
mettre à l’actif de la Gambie et du Liberia qui ont considérablement libéralisé leur
compte de capital. La Guinée, le Nigeria et la Sierra Leone ont opté pour une
approche plutôt progressive.
Les autres (les pays de l’UEMOA, le Ghana et le Cap-vert) ont maintenu un niveau
non négligeable de contrôle. Il convient de souligner, cependant, que les
mouvements de capitaux entre pays membres de l’UEMOA sont libres de tout
contrôle de change, tandis que les transactions avec les pays en dehors de la zone
font l’objet de restrictions.

Au regard de ce constat, il est indispensable d’entreprendre des mesures pouvant


amener le processus de libéralisation du Compte de Capital à plus de progrès.

59
Ceci pourrait augmenter les échanges, faciliter davantage le rôle d’intermédiation
des institutions financières et assurer la mise en place ainsi que le fonctionnement
efficace du système financier régional.

2.3.3.6 Convergence macroéconomique

La convergence macroéconomique est une composante essentielle du Programme


de Coopération Monétaire de la CEDEAO. Elle vise à assurer, au sein des pays
membres, la stabilité des prix, l’assainissement des finances publiques, la maîtrise
du financement monétaire du déficit public et le maintien de niveaux appropriés de
réserves extérieures brutes.

A ce titre, ils sont tenus de tendre vers le respect des différents critères liés à ces
domaines afin de favoriser la mise en place d’un cadre macroéconomique stable qui
puisse assurer une intégration monétaire réussie. Le respect des critères permet
d’évaluer les progrès en vue de la réalisation de la convergence macroéconomique.

Ainsi, la revue de la performance des pays membres effectuée 2007, a montré que
leur performance au titre de la convergence macroéconomique connaît une certaine
amélioration. Bien qu’aucun pays ne soit encore parvenu à réaliser l’ensemble des
dix critères de convergence, le résultat est appréciable car certains pays sont à six
ou sept réalisations.

Du point de vue Zonal, les pays membres de l’UEMOA respectent régulièrement


les critères relatifs à l’inflation, au financement du déficit par la Banque centrale et
aux réserves extérieures. Les performances relatives aux investissements publics
connaissent un progrès régulier. Cependant, des efforts restent à faire en ce qui
concerne la réduction du déficit budgétaire et la mobilisation des recettes fiscales.

Pour ce qui est des pays de la ZMAO, les meilleures performances sont
enregistrées au niveau du déficit budgétaire et du critère lié à la masse salariale.
Des progrès sont également faits en matière de financement du déficit budgétaire
par la Banque centrale et d’accumulation de réserves extérieures. Le point faible
demeure la maîtrise de l’inflation, le niveau de l’investissement public et la stabilité
du taux de change réel.

Eu égard aux résultats enregistrés depuis l’adoption de la convergence, il est


temps de se poser des questions sur la pertinence des critères actuels car les pays

60
n’arrivent pas à les respecter régulièrement même ceux de premier rang à plus
forte raison à consolider les performances enregistrées sur une période
relativement longue.

Un autre problème est l’existence de trois types de critères plus ou moins proches
dans la CEDEAO (CEDEAO, UEMOA et ZMAO) qui, à notre avis, ne facilite pas
le respect des critères de convergence de la CEDEAO qui ne sont même pas
souvent pris en compte dans les programmes et politiques économiques des pays
membres. C’est pourquoi, il serait important d’harmoniser les critères de
convergence. Ce qui amènerait les pays à se concentrer sur un seul type de critères
au lieu de se disperser sur trois types. Il est nécessaire, aussi, de veiller à ce que les
pays intègrent les critères de la CEDEAO dans leurs budgets annuels ainsi que
leurs programmes économiques.

Enfin, pour cette harmonisation, il faudrait, également, organiser une large


concertation entre toutes les Institutions impliquées dans le processus
d’intégration monétaire (AMAO, IMAO, Banques centrales, Commissions de la
CEDEAO et de l’UEMOA) en vue de définir des critères de convergence communs
et applicables à l’ensemble des pays de la Communauté. Ceci devrait aller de pair
avec les autres programmes d’harmonisation développés plus haut.

2.3.3.7 Sensibilisation

Le processus d’intégration monétaire demeure quelque peu compliqué ou flou pour


la majorité des populations de notre sous-région en raison surtout de son caractère
très technique et des différents reports qui ont jalonné sa mise en œuvre. Ce qui
est de nature à rendre ces populations sceptiques et perplexes sur l’aboutissement,
un jour, de ce processus. C’est pourquoi, la sensibilisation doit être une activité
centrale d’appropriation, d’implication et de participation des différentes parties
prenantes au succès de l’opération.

Le programme de sensibilisation devrait commencer par l’identification des


différentes parties prenantes au processus, la détermination de leurs besoins et la
définition du rôle que chaque partie doit jouer ainsi que la méthode de
communication appropriée pour chaque groupe cible.

Les campagnes de sensibilisation seront menées en collaboration avec les décideurs


politiques, les fonctionnaires du secteur public, les banques et institutions

61
financières, les industriels, les commerçants à travers les chambres de commerce,
les organisations non gouvernementales (ONG), de la société civile et les
communautés à la base.

Pour ces campagnes plusieurs canaux de communication sont disponibles dont les
séminaires et ateliers, la radio et la télévision, les revues et les journaux, les
affiches, les prospectus et dépliants publicitaires, les vidéos et documentaires, les
chansons publicitaires et autres manifestations folkloriques. Les institutions
d’enseignement supérieur devront aussi être associées, en tant canal important de
vulgarisation de l’information et de la connaissance. Les thèmes ou messages de
sensibilisation devront être significatifs et accrocheurs.

Pour le succès de l’opération l’AMAO, la Commission de la CEDEAO et les


Autorités nationales en charge de l’intégration devront travailler étroitement sur
tous les aspects des campagnes de sensibilisation.

2.3.4 Missions des institutions

Dans le cadre du Programme de Coopération Monétaire, un certain nombre


d’institutions nationales et régionales ont été mandatées pour jouer un rôle dans la
facilitation du processus.

Avant d’en venir aux nouvelles missions qui découlent des propositions actuelles, il
importe de faire un bref rappel des fonctions initiales des institutions impliquées
dans le processus de mise en œuvre du programme de coopération monétaire.

2.3.4.1 Bref rappel des missions actuelles

i. Institutions Nationales

Même si la majorité des institutions publiques sont parties prenantes au


Programme de Coopération Monétaire, quatre institutions y tiennent un rôle
décisif au niveau national. Ce sont les banques centrales, les ministères des
Finances, du Commerce et en charge de l’intégration régionale. Chaque institution
joue un rôle bien précis :

• les banques centrales, en plus d’apporter leur assistance technique à l’AMAO dans
le cadre du mécanisme multilatéral de surveillance, veillent à assurer la stabilité

62
macroéconomique, à développer les systèmes de paiement, à libéraliser les marchés
des échanges internationaux ainsi que les marchés financiers et de capitaux et à
assurer le développement d’un système financier intégré ;
• les ministères des finances ont l’ultime responsabilité d’assurer la durabilité de la
politique budgétaire et de faciliter le processus de convergence en tenant compte
de critères de convergence macroéconomique ainsi que d’autres décisions
politiques lors de l’élaboration des budgets nationaux ;
• les ministères du commerce facilitent la mise en oeuvre du plan de libéralisation du
commerce de la CEDEAO, notamment par l’adoption du tarif extérieur commun
ainsi que d’autres protocoles concernant la libre circulation des personnes, des
biens et services par delà les frontières nationales;
• les ministères en charge de l’intégration régionale jouent le rôle de coordonnateur
en veillant à ce que toutes les décisions de politiques prises par la Conférence des
Chefs d’ États de la CEDEAO soient dûment mises en œuvre par les ministères et
agences concernées.

Quelle que soit la stratégie qui sera adoptée dans le cadre du PCM, le rôle des
institutions publiques nationales sera fondamentalement le même, à savoir :
faciliter la mise en œuvre des différentes décisions de politique dans leur domaines
de responsabilité respectifs. Il s’agit entre autres de la mise en oeuvre de toutes les
décisions de politique, des protocoles et recommandations du Conseil de
Convergence prises dans le cadre du Mécanisme Multilatéral de Surveillance.

ii. Institutions régionales

Quatre institutions ont compétence, au niveau régional et de la zone, pour la mise


en œuvre du PCM. Il s’agit de : la Commission de la CEDEAO, l’Agence
Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (AMAO), la Commission de l’UEMOA et
l’Institut Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (IMAO). La Commission de la
CEDEAO chapeaute le programme d’intégration sous-régional. A ce titre, elle
coordonne les politiques dans différents domaines d’activité économique y compris
l’agriculture, les ressources naturelles, le commerce, les infrastructures, l’énergie,
le transport, les télécommunications, les questions monétaires et financières.
L’AMAO est l’Agence spécialisée de la CEDEAO, chargée de gérer la mise en
œuvre du PCM.

La Commission de l’UEMOA joue le même rôle vis-à-vis de ses États-membres,


en plus de surveiller leurs performances macroéconomiques et l’harmonisation des

63
politiques. L’IMAO quant à lui a été lancé dans le but de réaliser le projet de
ZMAO devant conduire à la création d’une deuxième zone monétaire.

2.3.4.2. Missions proposées

La Commission de la CEDEAO continuera de remplir son rôle de leader dans la


définition de l’agenda de l’intégration sous-régional quelque soit la stratégie
adoptée. Toutefois, les rôles spécifiques de l’AMAO, de l’IMAO et de la
Commission de l’UEMOA dépendront du scénario retenu.

i. Scénario de l’approche du bloc unique

Dans ce scénario, il reviendrait à l’AMAO l’entière responsabilité de mettre en


oeuvre le PCM et d’assurer la coordination de plusieurs activités, dont :

o l’intégration des marchés monétaires et de capitaux existants (bourses de valeur) ;


o la gestion d’un mécanisme de taux de change ;
o l’intégration de l”UEMOA et de la ZMAO et/ou des systèmes nationaux de
paiement et de compensation ;
o l’harmonisation des statistiques monétaires et financières
o la préparation du cadre institutionnel, administratif et juridique des institutions
financières pertinentes et la supervision de leur lancement final, notamment la
Banque Centrale de la CEDEAO ;
o l’établissement d’un Pacte de Croissance et de Stabilité ;
o la coordination des politiques monétaires
o la préparation du calendrier et de l’introduction de la monnaie unique de la
CEDEAO.

ii. Sous l’approche des deux blocs

Suivant cette approche, la Commission de l’UEMOA et l’IMAO exécuteront les


mandats qui leur ont été assignés dans leurs zones respectives. Dans le cadre de
l’intégration monétaire, ces institutions devront assurer les fonctions ci-après :

La Commission de l’UEMOA étant déjà une union monétaire, elle continuera de


remplir sa fonction conformément à sa mission actuelle notamment :
o Sensibilisation;
o Harmonisation des politiques

64
o la surveillance multilatérale etc.

Dans le même temps l’IMAO serait responsable de l’harmonisation des concepts et


politiques économiques dans la zone ZMAO dans les domaines suivants :
o droit bancaire, réglementations et supervision ;
o libéralisation des comptes de capitaux ;
o sensibilisation
o surveillance multilatérale ;
o Conduite à son terme du processus de création de la BCAO dans les meilleurs
délais

Pour sa part, l’AMAO serait appelée à coordonner les activités des deux zones afin
d’assurer la cohérence des différents programmes dans le but de faciliter les
négociations finales pour la fusion entre les deux zones. L’AMAO serait également
chargée de mettre en place toute l’infrastructure nécessaire au lancement de la
zone monétaire unique de la CEDEAO, y compris la conduite des réformes
institutionnelles, juridiques et administratives.

3. BENEFICES ET COUTS ATTENDUS DE L'UNION MONETAIRE DE


LA CEDEAO (U.M.C)

Cette section passe en revue les principaux avantages et les coûts liés à la création
de la monnaie unique de la CEDEAO (MUC). Cet inventaire n’a pas la prétention
d’exhaustivité.

3.1 Bénéfices

L'effet le plus immédiat de l'UMC sera bien entendu de supprimer le risque de


change au sein de la CEDEAO. En plus, la stabilité du cours de change de la future
monnaie pourrait également se refléter sur la stabilité des prix et des taux d'intérêt
des économies des pays membres. Ainsi l'adoption de la monnaie unique pourrait
accroître la transparence du système de prix et, dès lors, améliorer son efficience
dans l'allocation des ressources.

Dans un cadre où l'élimination du système de change facilite la comparaison des


prix et favorise la concurrence entre producteurs nationaux, il y a lieu également
d’espérer une augmentation du volume des échanges intra-communautaires. Les
études empiriques, même si elles ne sont pas exhaustives, permettent de tabler sur

65
une certaine augmentation des échanges entre les membres de l’union monétaire.
Andrew Rose, professeur de commerce international à l’université de Californie, à
Berkeley, estime qu’une union monétaire multiplie les échanges par trois. Ce qui
n’est pas négligeable même si dans le cas de la CEDEAO, le développement des
échanges pourrait être plus faible dans une première étape.

Un examen des unions monétaires passées et actuelles fait apparaître des résultats
très divers. Les pays qui ont déjà des liens commerciaux étroits auraient davantage
à gagner d’une union monétaire, car elle réduirait les coûts de transaction et
éliminerait les fluctuations des taux de change. S’agissant de la CEDEAO, le
commerce officiel entre les pays membres n’est pas très important (environ 10 %
du total de leurs exportations et importations) mais la prise en compte du
commerce informel pourrait accroître les échanges au sein de la CEDEAO de
plusieurs points de pourcentage. Il est clair aussi qu’une coopération monétaire
accrue entre les pays membre élargira et renforcera l’intégration régionale et
l’influence de la région sur l’économie mondiale.

La disparition du système de change implique également une diminution sensible


des coûts liés aux transactions internationales. Il faut cependant noter que ce qui
peut apparaître comme une économie substantielle est en fait surtout un transfert
de richesse allant de marché de change vers les consommateurs en général. Il y
aurait encore des gains en matière de gestion monétaire du fait que les pays
participants définiraient collectivement leur politique monétaire. Le regroupement
des banques centrales nationales sous l’égide d’une institution régionale unique
entraînera une meilleure utilisation des ressources disponibles et une plus grande
efficacité de la politique monétaire. En outre, le fait de déployer des efforts dans le
sens de l’union monétaire pourrait avoir un effet positif sur les autres initiatives
d’intégration régionale notamment le développement des échanges.

3.2 Coûts

Selon plusieurs analystes, l'adoption d'une monnaie unique a pour principal


inconvénient que chacun des partenaires doit renoncer à utiliser des instruments
de politique économique comme la régulation de la masse monétaire et les
fluctuations des taux de change.

Un autre coût potentiel est lié à la vulnérabilité de ces économies à différents


chocs. Des économies liées par une union monétaire doivent avoir la même

66
politique monétaire, ce qui n’est pas nécessairement approprié en cas de chocs très
différents. Plus les chocs sont forts et asymétriques, plus lourds sont les coûts
d’une politique monétaire unique. Les termes de l’échange sont une des principales
sources de chocs, en particulier pour les pays exportateurs de produits primaires.
Des chocs des termes de l’échange forts et asymétriques sont moins probables
entre les membres d’une union monétaire qui ont des économies diversifiées avec
des structures semblables. Malheureusement, certains pays concernés ne
répondent pas à ces deux critères. Par exemple, le Nigeria, gros producteur de
pétrole, est différent de ses voisins qui sont tous importateurs nets de pétrole. Par
conséquent, les variations des cours mondiaux du pétrole auront des conséquences
différentes sur leurs économies. Cependant, avec le temps, les économies membres
d’une union monétaire peuvent devenir plus semblables dans la manière dont elles
réagissent aux chocs extérieurs.

Au total, il est difficile de tirer une conclusion définitive en comparant les coûts et
les bénéfices de l'Union monétaire de la CEDEAO. Si les composantes des coûts et
bénéficies sont probablement bien identifiées, leur importance ou leur pertinence
pour la scène économique de l’Afrique de l’Ouest n'est pas encore aisée à établir
avec suffisamment de certitude. Mais il nous semble que quelque soit l’instrument
de mesure les bénéfices pourraient l’emporter sur les coûts pour plusieurs raisons
qui peuvent être regroupées sous la seule particularité de la communauté. La perte
de certains instruments de gestion macro-économique au niveau national,
considérée comme un coût, doit être appréciée dans le cadre des arguments les plus
récents en faveur de l’intégration monétaire.

Les différences entre les économies ouest africaines doivent être vues comme un
avantage plutôt qu’un obstacle. Les différences signifient qu’elles seraient moins
susceptibles de subir simultanément des chocs extérieurs défavorables, ce qui
pourrait renforcer la stabilité du dispositif. Par exemple, les facteurs qui influent
sur les prix pétroliers sont tout à fait autres que ceux qui influent sur les cours du
cacao ou de l’or. Nous pensons que, si, par exemple, un pays exportateur d’un
produit donné est exposé à un risque de change, il pourrait bénéficier de la
solidarité de pays épargnés par le phénomène dans le cadre d’un dispositif mis en
place. C’est le grand avantage du dispositif proposé, en ce sens que ces économies
pourraient se soutenir entre elles. La seule chose alors est que la CEDEAO doit, en
même temps, faire plus de progrès dans les autres domaines de l’intégration
régionale pour que tous les pays participant à l’union monétaire aient intérêt à

67
honorer leurs engagements respectifs. L’union monétaire ne tient pas sans le
soutien d’autres politiques et dispositions institutionnelles et un esprit de solidarité
entre les participants.

Par ailleurs, la délégation de la politique monétaire à une banque centrale


supranationale offre des avantages nets en ce qui touche à la réputation et à la
crédibilité de celle-ci, comme l’a souligné Medhora. Il faut donc souligner que le
passage de la coexistence des banques centrales nationales à une banque centrale
commune constitue une modification de l'environnement institutionnel qui, à
plusieurs égards, est susceptible d'influencer la conduite des politiques
économiques menés au niveau de l’Afrique de l’Ouest. En effet, toute décision de
politique monétaire a une incidence sur les prix et le niveau d’activité économique.

CONCLUSION GENERALE

Dans ce document, l’AMAO a présenté une proposition visant l’accélération de la


création de la monnaie unique au sein de la CEDEAO. Pour ce faire, l’Agence s’est
tout d’abord intéressé à la faisabilité de cette zone monétaire au regard des critères
de reconnaissance d’une zone monétaire optimale mais par rapport au niveau de
performance dans le cadre de la convergence macroéconomique. Il ressort de cette
analyse que quelques critères fondamentaux de reconnaissance d’une zone
monétaire optimale ne sont pas encore remplis. En ce qui concerne la convergence,
le niveau de réalisation n’est pas encore suffisant en dépit de quelques efforts
louables. Ce constat au lieu d’être un motif de découragement doit renforcer la
conviction en faveur de l’idéal d’intégration monétaire. Plusieurs raisons doivent
justifier cette démarche. La zone monétaire optimale doit être perçue comme un
objectif et non comme une condition sans laquelle toute intégration monétaire ne
serait possible. Le cas de l’Union Economique et Monétaire (UEM), considéré
comme le modèle le plus réussi dans ce domaine, constitue une parfaite illustration.
Par rapport à la convergence macroéconomique, beaucoup d’analystes s’accordent
à la considérer comme un processus qui ne doit pas être la condition primordiale à
la création d’une zone monétaire unique. D’ailleurs, l’existence d’une monnaie
unique favorise la réalisation de cette convergence. Par ailleurs, l’analyse en terme
d’avantages et de coûts, approche privilégiée par beaucoup de spécialistes des
zones monétaires, montre clairement que les opportunités sont considérables pour
les pays de l’Afrique de l’Ouest dans la perspective d’une union monétaire. En plus,

68
la CEDEAO peut compter sur une donnée non moins importante à savoir
l’engagement des leaders politiques de la région en faveur de l’intégration.

Une fois, le doute levée sur l’opportunité ou non de la future zone monétaire, le
document s’est intéressé aux options qui s’offrent dans le cadre de l’accélération du
processus. A la suite de cette revue, l’AMAO a proposé deux scénarios pour la
création rapide de la monnaie unique de la CEDEAO. Dans les deux cas,
l’introduction de la monnaie sera précédée d’une phase de stabilisation des taux de
change. Dans cette optique, les performances en matière de convergence ne seront
pas des conditions nécessaires d’adhésion. Toutefois, l’introduction de la monnaie
sera précédée par l’adoption d’un pacte de stabilité et de croissance et d’autres
mesures dans le but de garantir la stabilité de l’environnement économique et la
viabilité de la future monnaie.

En pratique, la première option suppose l’abandon du projet en cours de création


d’une monnaie unique pour la seconde zone monétaire de l’Afrique de l’Ouest
(ZMAO). L’opportunité de cette option serait mesurable en terme de coûts liés à la
mise en place d’institutions transitoires mais également aux difficultés de fusion
ultérieures entre deux banques centrales quelque peu rivales. La seconde option va
dans le sens de l’approche à deux vitesses. L’idée est de garder la proposition
concernant la seconde zone monétaire avec la seule différence que la BCAO
(banque centrale de la ZMAO) ne va pas émettre l’éco. L’argument principal qui
milite en faveur de cette option est la prise en compte de tous les efforts déployés
dans le cadre de la mise en place de la ZMAO.

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