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Revue internationale d’éducation de Sèvres

80 | avril 2019
La pédagogie universitaire
University pedagogy
La pedagogía universitaria

Philippe Lalle (dir.)

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/ries/7956
DOI : 10.4000/ries.7956
ISSN : 2261-4265

Éditeur
France Education international

Édition imprimée
Date de publication : 1 avril 2019
ISBN : 978-2-85420-623-4
ISSN : 1254-4590

Référence électronique
Philippe Lalle (dir.), Revue internationale d’éducation de Sèvres, 80 | avril 2019, « La pédagogie
universitaire » [En ligne], mis en ligne le 01 avril 2021, consulté le 24 juin 2021. URL : https://
journals.openedition.org/ries/7956 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ries.7956

© Tous droits réservés


Revue
internationale
d’éducation
SÈVRES
n° 80 - avril 2019

D O S S I E R

la pédagogie universitaire
sommaire
actualité internationale

Actualité documentaire 7
Bernadette Plumelle

Ressources en ligne
Federica Minichiello
Le Laboratoire numérique de l’éducation, un espace innovant dédié
aux applications pédagogiques des transformations numériques 12

Le point sur l’actualité internationale en éducation


Tarik Hari
Les modalités de recrutement des enseignants-chercheurs marocains,
un processus vraiment efficace ? 16

Repères sur les systèmes éducatifs dans le monde


2 Damien Larrouqué
Fragmentation, discrédit et politisation : un état des lieux du système
éducatif péruvien 19
Lisa Bydanova
Le système éducatif de l’Azerbaïdjan 25
Kam Tung Tuang (Peter) Suante
Le système éducatif birman : transformations en cours et enjeux d’avenir 31

Notes de lecture
Long Pham Quang
S’engager pour accompagner. Valeurs des métiers de la formation,
Mireille Cifali, PUF, 2018 38
Jean-Marie De Ketele
Comment l’école reste inégalitaire. Comprendre pour mieux réformer,
Hughes Draelants, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, 2018 40
Roger-François Gauthier
Entre tronc commun et filières, quelle école moyenne ? Étude comparative,
François Baluteau, Vincent Dupriez, Marie Verhoeven, Académia,
L’Harmattan, novembre 2018 ; revue Nordiques, n° 36, Dossier « Réformer
l’éducation en Europe du Nord », coordonné par Y. Aucante et P. Colla,
automne 2018, Bibliothèque de Caen, Association Norden 44

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
sommaire

dossier
Coordination : Philippe Lalle

La pédagogie universitaire

Introduction 49
La révolution pédagogique de l’enseignement supérieur,
une universalité géographique et paradigmatique
Philippe Lalle, Simone Bonnafous
Depuis un certain nombre d’années, l’université connaît de nombreuses mutations qui
font évoluer l’enseignement et favorisent le développement d’un objet nouveau : la pé-
dagogie universitaire. Les pratiques d’enseignement se modifient sous l’influence des
changements sociaux et sociétaux : massification, arrivée des nouvelles technologies,
changement du rapport au savoir, aspirations nouvelles et mobilité accrue des étudiants,
exigence de pédagogies diversifiées, etc. De nouvelles formes d’enseignement appa-
raissent (apprentissage par problèmes, classe inversée, formations à distance, hybrides
ou co-modales…), mais ce sont aussi les modalités d’évaluation et les espaces d’appren-
tissage qui changent. Et si, il y a quelques années encore, la formation des enseignants
universitaires à la pédagogie était inexistante, des centres d’appui à la pédagogie se créent 3
maintenant dans le monde entier, quelle que soit la typologie des établissements, tandis
qu’émerge la question de la valorisation de l’engagement pédagogique des enseignants.

La formation du supérieur : un levier de transformation


des universités québécoises 61
Christelle Lison, Didier Paquelin
Depuis le Moyen Âge, les universités ont progressivement quitté leur fonction première
centrée sur l’enseignement pour donner davantage de place à la recherche. Une culture
et des pratiques professionnelles fortement ancrées dans une approche magistro-centrée
semblent aujourd’hui moins en adéquation avec les attentes et les besoins des apprenants
comme des acteurs du monde socio-économique actuel. La transformation des pra-
tiques pédagogiques devient une impérative nécessité, qui suppose un accompagnement
des enseignants visant le développement d’un nouveau corpus de gestes professionnels
appuyé sur des capacités et des compétences parfois éloignées de leur cœur de métier.
Pour y parvenir, plusieurs universités québécoises ont investi dans la formation des en-
seignants afin de créer une dynamique collective qui, partant des pratiques actuelles, vise
un bien-être pédagogique fondé sur la réflexivité étayée par les résultats de la recherche
en pédagogie de l’enseignement supérieur. Sans en faire une obligation, elles considèrent
que proposer des espaces de développement professionnel pédagogique amène des re-
tombées non seulement pour les individus qui s’y engagent mais aussi à l’échelle institu-
tionnelle.

N° 80 - Avril 2019
La pédagogie universitaire en Belgique francophone :
un processus qui s’inscrit dans la durée 71
Marcel Lebrun, Jean-Marie De Ketele
Comme dans d’autres pays, le développement de la pédagogie universitaire en Belgique
francophone s’inscrit dans un temps long et passe par diverses phases, dont le décollage
et la durée varient d’une d’université à l’autre. Dans un premier temps, l’article décrit de
manière historique, depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, l’évolution de la pédago-
gie universitaire à l’Université catholique de Louvain. Ensuite, quelques points essentiels
de ce développement sont détaillés, en particulier la prise en compte par l’institution et
le dossier de valorisation pédagogique, en élargissant l’analyse à d’autres institutions et à
différents réseaux.

La longue marche pour la formation pédagogique


des enseignants du supérieur au Liban 83
Nada Moghaizel-Nasr
L’auteure commence par expliciter l’enjeu de la formation pédagogique des enseignants
universitaires, à la lumière des compétences à développer auprès des étudiants pour le
XXIe siècle. Elle présente ensuite le cadre national impactant les pratiques pédagogiques
dans les universités libanaises, l’état des lieux de la formation pédagogique des ensei-
gnants dans ces universités ainsi que les projets institutionnels ayant une portée natio-
nale. Elle conclut par une réflexion sur les conditions favorisant l’amélioration des pra-
tiques enseignantes et sur l’enjeu sociétal de la pédagogie universitaire, qui favorise une
qualité inclusive de l’enseignement.

4 L’Université virtuelle du Sénégal : une réponse à la massification


et aux inégalités d’accès à l’enseignement supérieur 93
Abdourahmane Mbengue, Lionel Meinertzhagen
Pour répondre aux défis de la massification et de l’inégalité d’accès dans l’enseigne-
ment supérieur d’Afrique subsaharienne, la formation à distance est reconnue comme
une solution. Créée en 2013, l’Université virtuelle du Sénégal est rapidement devenue la
première université publique entièrement numérique en Afrique francophone subsaha-
rienne et la deuxième en termes d’effectifs au Sénégal. L’article présente les dispositifs de
formation en ligne, tels que des plateformes à distance (Moodle), des classes virtuelles
(Blackboard collaborate) et un réseau d’espaces numériques ouverts (ENO) disséminés
dans différentes régions du pays. Il analyse ensuite les difficultés de démarrage et les
conséquences sur la perception de l’opinion, les premières leçons tirées et les mesures de
remédiations prises pour une montée en puissance de l’UVS. L’ambition est d’en faire un
acteur africain incontournable de la pédagogie universitaire numérique.

De l’expérimentation des innovations pédagogiques


numériques à leur généralisation en France 103
Philippe Dulbecco
Les universités françaises sont nombreuses à avoir ouvert le chantier de la transforma-
tion pédagogique et numérique avec des équipes d’abord pionnières, aujourd’hui re-
jointes par un plus grand nombre d’enseignants-chercheurs. Le risque est fort toutefois
que cette nouvelle étape de développement des innovations pédagogiques numériques
au sein des universités ne permette pas d’atteindre l’objectif poursuivi, celui du passage
de l’expérimentation à la généralisation. L’article souligne les fondamentaux de la trans-
formation (la temporalité, le portage politique, l’appropriation par les acteurs et les usa-
gers) et décrit les mesures d’accompagnement nécessaires en termes d’organisation, de
pilotage et d’administration des établissements concernés.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
sommaire

Des centres pour le développement de l’enseignement


et de l’apprentissage dans les universités chinoises
de recherche 115
Le cas de l’Université de Xiamen
Fan Wu
La mise en place de centres pour le développement pédagogique ayant pour but de
promouvoir l’excellence des professeurs en matière d’enseignement dans les universi-
tés de recherche est considérée comme étant l’une des approches les plus importantes
de la construction de l’identité de l’enseignement supérieur en Chine. L’étude du cas
du Centre pour le développement de l’enseignement et de l’apprentissage (Center
for Teaching and Learning Development : CTLD) au sein de l’Université de Xiamen
permet d’illustrer les problèmes à résoudre et les défis à relever, les programmes et les
services efficaces ainsi que les principes et les pratiques pertinents que l’on peut retirer
de l’expérience du CTLD. Cette étude de cas montre également comment, lorsque la
mission, la gestion et la programmation de ces centres sont bien adaptées aux différentes
facettes d’une université de recherche, un tel centre pour le développement pédagogique
est au service de la création d’une culture de l’excellence en matière d’enseignement.

La réforme de la pédagogie universitaire au Danemark :


le cas de l’apprentissage par problèmes 125
Bettina Dahl, Jette Egelund Holgaard
Depuis sa création, l’université d’Alborg au Danemark met en pratique l’apprentissage
par projets et par problèmes (APP ou « problem based learning »). Si le modèle APP a
évolué au fil du temps, tous les programmes de l’université sont fondés sur les principes
partagés de l’APP, selon lesquels l’étudiant travaille sur un problème fondé sur des pro-
jets faisant appel à la théorie pour résoudre ou expliquer un problème authentique, et
5
contextualiser ainsi le savoir disciplinaire. L’université met fortement l’accent sur la for-
mation en APP des étudiants comme des professeurs, ainsi que sur un fort axe de re-
cherche en matière d’APP. Il s’agit d’une approche systémique qui met en valeur un ap-
prentissage actif, collaboratif et centré sur l’étudiant.

Références bibliographiques 135


Prunelle Charvet, Hélène Beaucher

Abstracts 149
Resúmenes 151

Les auteurs 153


La revue 157
Numéros disponibles 159
Commander un numéro / s’abonner 163

N° 80 - Avril 2019
actualité internationale

D actualité
documentaire

BANCE Philippe, FOURNIER Jacques


plexe de cette discipline ainsi qu’à un
état des lieux des mutations les plus
récentes des publications scientifiques
dans ce domaine. Les articles suivants
s’intéressent, l’un, aux échanges et col-
laboration de didacticiens avec d’autres
chercheurs en éducation, l’autre, à
l’analyse des symposiums des trente
dernières années du réseau interna-
(sous la direction de)
tional de recherche en éducation et
Éducation et intérêt général
en formation (REF). Une deuxième
Presses universitaires de Rouen partie étudie la question de l’usage
et du Havre, 2018, 698 p. éventuel des apports de la recherche en
Cet ouvrage, consacré au système éducation par les professionnels dans
éducatif français, analyse la relation trois contextes différents, la Belgique
entre éducation, intérêt général et francophone, la Suisse romande et le
action publique. Il réunit quarante Québec.
contributeurs, enseignants-chercheurs
et responsables institutionnels de haut
niveau et offre une vision complète du
processus de décomposition-recom- HICKEY Sam, HOSSAIN Naomi (ed.)
position du système éducatif français
The politics of education
durant un demi-siècle. Fondé sur une
in developing countries: 7
analyse rigoureuse et étayé par des
from schooling to learning
données précises, il formule des propo-
New-York : Oxford University Press,
sitions qui, sur chacun des principaux
2019, 231 p.
sujets de l’agenda politique, combinent
les exigences de continuité et de renou- Pourquoi de nombreux pays en
veau. développement qui ont réussi à élargir
l’accès à l’éducation ont-ils si peu pro-
gressé dans l’amélioration des résultats
de l’apprentissage ? L’ouvrage examine
la façon dont la politique détermine
ÉTIENNE Richard, DUPRIEZ Vincent, la capacité et l’engagement des élites
MAULINI Olivier, TARDIF Maurice à faire face à la crise de l’apprentis-
(coord.) sage dans six pays en développement :
l’Afrique du Sud, le Bangladesh, le
La recherche francophone
Cambodge, le Ghana, l’Ouganda et le
en éducation : réseaux, échanges,
Rwanda. L’ouvrage déploie un nou-
publications
veau cadre conceptuel, « the domains
Les Dossiers des sciences de l’éducation, of power approach », pour montrer en
2019, n° 41, 209 p. quoi la nature de l’accord politique
Ce numéro offre une mise en pers- détermine le niveau d’engagement des
pective de la recherche francophone élites et la capacité de l’État à améliorer
dans les sciences de l’éducation et de les résultats d’apprentissage.
la formation. Une première partie est
consacrée à l’analyse de la nature com-

N° 80 - Avril 2019
MAROY Christian, PONS Xavier (ed.) à développer, de la mise en œuvre des
Accountability policies orientations dans les dispositifs et les
in education: a comparative pratiques de formation, mais aussi de
and multilevel analysis in France la manière d’aborder les questions sen-
and Quebec sibles en classe. http://bit.ly/2XLmXh3
New York : Springer, 2019, 229 p.
Ce livre aborde les changements
en cours dans les politiques éducatives
PROGIN Laetitia, ETIENNE Richard,
en France et au Québec au prisme des
PELLETIER Guy (sous la direction de)
politiques de redevabilité basées sur la
performance. Il interroge la trajectoire Diriger un établissement
de ces politiques, leurs médiations et scolaire : tensions, ressources
leur instrumentation à travers un cadre et développement
théorique combinant une approche Louvain-la-Neuve : De Boeck
néo-institutionnaliste nord-américaine Supérieur, 2019, 253 p.
et la perspective de la sociologie fran- Actuellement, les établissements
çaise de l’action publique. Le livre pro- scolaires sont considérés comme des
pose une analyse approfondie de deux garants de la qualité de l’éducation.
systèmes éducatifs avec une recherche L’ouvrage examine les effets d’une ges-
sur le terrain menée dans les écoles, tion de plus en plus axée sur les résul-
auprès des autorités intermédiaires tats et sur l’injonction des responsables
et dans les administrations centrales, politiques, qui chargent les personnels
8 pendant trois ans. de direction d’une lourde responsabi-
lité en matière de réussite des élèves.
Or ces personnels rencontrent des
formes de résistance plus ou moins
POTVIN Maryse, DHUME Fabrice, justifiée de la part des enseignants.
OGAY Tania, VERHOEVEN Marie Les auteurs analysent les effets de ces
(coord.) nouveaux modes de régulation et
Pluralisme, équité et rapports les tensions vécues par les directions
ethniques dans la formation d’établissement dans cinq pays (France,
du personnel des milieux éducatifs Belgique, Suisse, Québec, Liban). Les
Education et francophonie, 2018, vol. réformes de systèmes éducatifs pour-
XLVI, n° 2, 269 p. [en ligne] tant différents convergent vers un
Le numéro dresse un portrait com- fonctionnement où le « leadership édu-
paratif (Québec, France, Suisse, Belgique catif » devient une commande, alors
francophone) des diverses manières qu’il n’est pas encore une réalité.
d’aborder et de répondre aux défis que
posent la formation initiale et l’accom-
pagnement des personnels scolaires en
matière de diversité ethnoculturelle et REY Olivier
d’équité. Les articles rassemblés en deux Pilotes et pilotage dans l’éducation
parties - formation initiale et pratiques Dossier de veille de l’IFÉ, n° 128, février
de formation continue et d’accompa- 2019, 36 p. (en ligne)
gnement - traitent ainsi des connais- L’auteur analyse l’impact de la nou-
sances, des attitudes et des compétences velle gestion publique sur le pilotage

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

des acteurs éducatifs dans plusieurs Publications des


pays (Angleterre, Belgique, États- organisations internationales
Unis, pays nordiques, Québec…) et en
France. Il a pour objectif de rassembler
des éléments de la littérature scien- Commission européenne, EACEA :
tifique sur ces sujets, qu’il s’agisse de Agence exécutive Éducation,
travaux concernant principalement les audiovisuel et culture, Eurydice :
inspecteurs et les chefs d’établissements réseau d’information sur l’éducation
ou d’études analysant les mutations qui en Europe
affectent l’identité professionnelle des Integrating students from migrant
cadres de l’éducation. Une dernière backgrounds into schools in Europe:
partie porte sur le déploiement des national policies and measures
politiques publiques sur le terrain et Luxembourg : Office des publications
l’enrôlement des acteurs ainsi que sur de l’Union européenne, janvier 2019,
la construction des cadres d’action à 192 p. [en ligne]
même d’assurer un pilotage effectif. Le rapport examine les politiques et
http://bit.ly/2Ybv06a mesures nationales prises par les auto-
rités éducatives pour intégrer les élèves
migrants dans les établissements sco-
laires en Europe. Il propose une analyse
ROUSSEAU Nadia, ESPINOSA Gaëlle comparative de mesures ayant trait à
(sous la direction de) la gouvernance, à l’accès à l’éducation,
aux enseignants, ou visant à répondre 9
Le bien-être à l’école :
aux besoins linguistiques et de soutien
enjeux et stratégies gagnantes
psychosocial des élèves. Il fournit éga-
Québec : Presses de l’Université lement une analyse plus approfondie
du Québec, 2018, 316 p. de dix systèmes éducatifs sélectionnés
Les recherches menées sur le bien- en fonction de deux critères : la prise
être en contexte scolaire connaissent un en compte de la diversité et le bien-être
véritable essor depuis les années 2000 des élèves migrants. http://bit.ly/2JI0eJ4
et de nombreux pays, particulière-
ment anglo-saxons et scandinaves,
ont fait du bien-être un axe important
des réformes de leur système éducatif. CONFEMEN : Conférence
Mais les travaux, anglophones et fran- des ministres de l’éducation des pays
cophones, s’ils mesurent le bonheur à ayant le français en partage
l’école, révèlent également la relativité Favoriser le développement
des critères de définition du concept de la petite enfance et garantir
de « bien-être ». Cet ouvrage composé l’accès à une éducation préscolaire
de réflexions et d’études belges, cana- équitable et de qualité : un socle
diennes, françaises et suisses, présente pour la réussite des apprentissages
les enjeux du bien-être de l’élève à Dakar : CONFEMEN, 2018, 189 p.
l’école et les stratégies gagnantes pour [en ligne]
tendre vers cet état de satisfaction. Des évaluations récentes dans les
pays francophones d’Afrique subsaha-
rienne ont mis en évidence la faiblesse

N° 80 - Avril 2019
des acquis des enfants dans les appren- MATO Daniel (coord.)
tissages de base. Cette publication, Educación superior, diversidad
document de réflexion et d’orientation cultural e interculturalidad
(DRO) de la Confemen, présente un en América Latina
état des lieux de l’éducation préscolaire, Caracas : UNESCO, 2018, 364 p.
thème de sa 58e session ministérielle. Elle [en ligne]
analyse les enjeux de l’éducation et de la Depuis la Conférence de Carthagène
protection de la petite enfance (EPPE) en 2008, les peuples autochtones et
(égalité d’accès, éducation inclusive, les personnes d’ascendance africaine
financement, qualité) et son impact ont un meilleur accès à l’enseigne-
sur le développement et les trajectoires ment supérieur en Amérique latine.
des enfants ; les modes de gouvernance, L’ouvrage porte sur les expériences
les programmes et la formation des qui se sont développées sur ce conti-
enseignants. http://bit.ly/2NZHHNO nent au cours des dernières décennies
dans l’enseignement supérieur pour,
avec et par les peuples autochtones et
d’ascendance africaine. Le premier cha-
FISZBEIN Ariel, OVIEDO Maria, pitre donne une vue d’ensemble de ce
STANTON Sarah secteur à l’échelle de l’Amérique latine.
Educación técnica y formación Les chapitres suivants fournissent des
profesional en América latina y informations sur la situation sur le
el Caribe: desafíos y oportunidades terrain dans quinze pays de la région.
10 Caracas : CAF : Banco de desarrollo Un chapitre transversal examine ensuite
de América latina, novembre 2018, la réalité des universités et d’autres éta-
98 p. [en ligne] blissements d’enseignement supérieur
Depuis quelques années, l’Amérique autochtones, interculturels, d’ascen-
latine et les Caraïbes cherchent à aug- dance africaine et communautaires en
menter les taux de scolarisation dans Amérique latine. Le dernier chapitre
l’enseignement et à améliorer la qualité analyse spécifiquement les politiques et
de l’offre éducative et de la formation les programmes pour ces populations.
professionnelle, en renforçant les liens http://bit.ly/2YSEQqO
entre les compétences acquises dans le
système éducatif et celles requises sur le
marché du travail. Ce document offre
un aperçu de la situation de l’enseigne- OCDE : Organisation de coopération
ment secondaire et postsecondaire, de et de développement économiques
l’enseignement technique ainsi que de Les grandes mutations qui
la formation professionnelle dispen- transforment l’éducation 2019
sée en dehors du système éducatif. Les Paris : OCDE, avril 2019, 105 p.
initiatives remarquables et les innova- [en ligne]
tions prometteuses de différents pays L’OCDE publie tous les deux à trois
sont mises en évidence, et, là où il existe ans un aperçu des principales tendances
des données, les résultats de ces projets. économiques, politiques, sociales et
http://bit.ly/2JCFbsF technologiques qui affectent l’éducation.
L’ouvrage couvre une variété de sujets
liés à la mondialisation, à la démocra-

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

tie, à la sécurité, au vieillissement et aux UNESCO Organisation des Nations


cultures modernes. Le contenu de cette unies pour l’éducation, la science
édition a été révisé et étendu avec une et la culture
large sélection d’indicateurs. Il inclut Rapport mondial de suivi
également une nouvelle section dédiée de l’éducation 2019 - rapport
à la réflexion sur le futur, inspirée par sur l’égalité des genres :
des méthodologies de la prospective Bâtir des ponts pour promouvoir
stratégique. http://bit.ly/2JAFnZa l’égalité des genres
Paris : UNESCO, 2019, 80 p. [en ligne]
Selon ce rapport, l’apparente amé-
lioration de la parité filles-garçons
OCDE : Organisation de coopération
dans les écoles ne rend pas réellement
et de développement économiques
compte des progrès accomplis en
Résultats de TALIS 2018 : matière d’égalité des sexes dans l’édu-
des enseignants et chefs cation. Outre la parité des sexes dans la
d’établissement en formation à vie : participation à l’éducation, les niveaux
volume 1 d’instruction et les résultats d’appren-
Paris : OCDE, 2019, 238 p. [en ligne] tissage, il passe au crible différentes
TALIS est une enquête interna- dimensions de l’égalité des genres. Il
tionale de l’OCDE, menée auprès des analyse les intersections entre le genre,
enseignants et chefs d’établissement l’éducation, les migrations et les dépla-
sur leurs pratiques professionnelles et cements. Enfin, le rapport évalue l’im-
les conditions d’exercice de leur métier. portance accordée à l’égalité des sexes 11
Les premiers résultats de l’enquête de dans l’aide à l’éducation, présentant
2018 portent plus particulièrement sur différents programmes financés par les
l’évolution des pratiques, les motiva- donateurs qui ciblent l’éducation des
tions à devenir enseignant, la satisfac- filles. http://bit.ly/2XSrzNz
tion professionnelle et la formation des
Bernadette Plumelle,
enseignants. Un chapitre est consacré
France Éducation international
aux implications de l’enquête pour
l’action publique, en termes de pro-
fessionnalisme des enseignants et des
chefs d’établissement. http://bit.ly/2Z5C5ml

N° 80 - Avril 2019
@ ressources en ligne

Le Laboratoire numérique
de l’éducation, un espace
innovant dédié aux applications
à la reconnaissance des diplômes et à la
correction des épreuves de certification.
Lors de l’inauguration du labo-
ratoire par le ministre de l’éducation
nationale et de la jeunesse, Jean-Michel
Blanquer, le 4 juillet 2019, un parcours
de visite a été conçu, en partenariat avec
la Direction du numérique pour l’édu-
cation et Réseau Canopé. Cet article
présente les différentes initiatives réu-
pédagogiques des transformations
nies à cette occasion : des exemples
numériques1
pratiques d’application pédagogique
Les innovations technologiques du numérique éducatif, centrés sur les
(learning analytics, intelligence artifi- élèves et sur leur développement de
cielle (IA), blockchain, etc.) demandent compétences pour la vie, la collabora-
de repenser les métiers des différents tion entre la salle de classe, la recherche
acteurs éducatifs et, plus particulière- et les entreprises, la transformation du
ment, les pratiques de formation, d’éva- métier de l’enseignant et la richesse de
luation et de certification, ainsi que les ressources pédagogiques qui sont mises
dispositifs de mobilité. Le Laboratoire à disposition de formateurs, apprenants
numérique de l’éducation (LNE), nou- et cadres éducatifs.
vellement créé par France Éducation Sitographie arrêtée le 20 juillet 2019.
international (anciennement CIEP)
12 est un espace dédié aux applications
pédagogiques de ces transformations Les élèves et les compétences
numériques. Il est destiné à valori- pour la vie
ser à l’international les réalisations
du système éducatif français dans le Réseau Canopé
domaine du numérique éducatif ainsi En collaboration avec l’Académie de
qu’à expérimenter, en partenariat avec Versailles, des médiateurs de l’ate-
des laboratoires de recherche et des lier Canopé des Hauts-de-Seine ont
entreprises, des solutions innovantes animé deux ateliers avec sept élèves de
en réponse à des enjeux éducatifs. La l’école primaire du lycée internatio-
feuille de route du LNE s’étend sur plu- nal de Saint-Germain-en-Laye visant
sieurs années, avec des projets à moyen le développement, par le numérique,
terme (2020-2022) prioritaires pour de compétences pour la vie comme
l’établissement comme, par exemple, la la créativité, l’esprit de collabora-
constitution de corpus francophones de tion, l’esprit critique, l’autonomie ; le
données afférentes à l’évaluation et la premier atelier a permis la réalisation
certification en langues ou le développe- d’une œuvre collective grâce à une
ment de solutions assistées d’IA d’aide table « mash-up » (http://mashuptable.fr/),
un dispositif de montage qui permet
l’expression de la pensée créative par la
1. Pour faciliter la lecture, seule la racine des liens
Internet est mentionnée. Pour y accéder dans leur manipulation physique de cartes et le
intégralité, consulter cet article sur le site du CIEP : mixage, en temps réel, d’extraits vidéos,
http://www.ciep.fr/revue-internationale-deduca-
tion-sevres ou sur OpenEdition Journals : https://
musiques, bruitages, etc. Le deuxième
journals.openedition.org/ries atelier a permis aux élèves de réaliser

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

un reportage télé (http://www.ciep.fr/labo- traces laissées par les élèves lors de leurs
ratoire-numerique-education) et de recueil- interactions dans les environnements
lir des témoignages sur l’innovation numériques d’apprentissage (au collège
en éducation, la place du numérique et au lycée). Parmi les livrables atten-
dans les systèmes éducatifs étrangers, dus : un tableau de bord co-conçu avec
le regard d’autres pays sur le système les enseignants pour permettre un suivi
éducatif français. personnalisé des élèves ; un baromètre
https://www.reseau-canope.fr/ éducatif visant à permettre à l’élève de
s’auto-positionner et de stimuler sa
Jules motivation ; l’analyse de données ocu-
Cet assistant aux devoirs faits, déve- lométriques pour étudier la qualité de la
loppé par le Centre national d’ensei- mémorisation ; la génération semi-au-
gnement à distance (CNED) est un tomatique d’exercices ; la modélisation
agent conversationnel très ludique, qui de la prononciation par une tête par-
aide les élèves du collège à faire leurs lante virtuelle ; une charte méthodolo-
devoirs. La pertinence de ses réponses gique pour une mise en place éthique
s’améliore, grâce à l’intelligence arti- et responsable d’un projet de learning
ficielle, proportionnément aux ques- analytics. http://metal.loria.fr
tions posées. L’outil, libre et gratuit,
vise à favoriser l’autonomie des élèves, Un territoire calculant
le développement de leurs compétences Cet autre projet eFran traite de
de recherche et s’appuie sur une base de l’analyse des données issues de milliers
connaissances disponible en français et de calculs des joueurs de Mathador, un 13
en mathématiques destinée à couvrir, jeu physique et numérique de calcul
à terme, les différents niveaux et disci- mental développé par Réseau Canopé
plines du collège. https://devoirsfaits.cned.fr (direction territoriale Bourgogne
Franche-Comté), en collaboration avec
La recherche et la salle de classe les académies de Dijon et de Besançon.
Capitalisant sur la collecte d’environ
Métal 700 000 calculs réalisés par des élèves
participants au pilote, le projet explore
Métal (Modèles et traces au service
les mécanismes à l’œuvre lors de l’ap-
de l’apprentissage des langues) est un
prentissage du calcul mental et vise à
projet eFran2 porté par le Laboratoire
développer une nouvelle version du
lorrain de recherche en informatique
jeu, avec des profils « calculants » des
et ses applications (Loria), en collabo-
élèves et des parcours individualisés de
ration avec l’académie de Nancy-Metz.
progression.
Ce projet réunit acteurs éducatifs,
http://www.mathador.fr/territoirecalculant.html
éditeurs et chercheurs pour améliorer
l’apprentissage des langues, à l’écrit
Didask
comme à l’oral, grâce à l’analyse des
Cette start-up travaille sur l’enri-
chissement des pratiques de formation
2. L’appel à projets eFran « Espaces de formation et
de recherche et d’animation numérique », lancé en grâce aux sciences cognitives et se donne
2016, s’inscrit dans le cadre du Programme d’inves- pour mission de diffuser à large échelle
tissement d’avenir (PIA), pour un budget global de
30 millions d’euros. Les projets ont été financés sur
des principes pédagogiques dont l’effi-
une période maximale de quatre ans. cacité a été prouvée par la recherche en

N° 80 - Avril 2019
sciences cognitives, comme l’apprentis- l’élève (créativité, méthodologie, esprit
sage par essai-erreur, l’adéquation de la critique et collaboratif) et l’expertise des
charge mentale, la récupération par la acteurs éducatifs en tant que pédago-
mémoire de notions déjà apprises, l’es- gues-chercheurs. Savanturiers se déploie
pacement dans le temps des apprentis- autour de trois axes : la mise en place
sages. La plateforme d’apprentissage en de projets dans les écoles (25 000 élèves
ligne de cette société est utilisée comme concernés), la formation et le déve-
terrain d’expérimentation par le dépar- loppement professionnel des ensei-
tement d’études cognitives de l’École gnants (30 000 enseignants formés), la
normale supérieure. recherche et développement en éduca-
https://www.didask.com/ tion (étude des pratiques émergentes,
recherches sur la créativité et l’esprit
critique, évaluation des projets).
Les enseignants
http://www.les-savanturiers.cri-paris.org
L’École nationale supérieure d’arts
et métiers (ENSAM) PIX
L’ENSAM et le Laval Virtual Center La start-up PIX propose une
(premier hub international sur la réa- plateforme en ligne pour développer,
lité virtuelle et la réalité augmentée) mesurer et certifier des compétences
ont organisé une situation immersive numériques dans un cadre personnel ou
qui réunit formateur et apprenant dans professionnel, qui peut être utilisée par
un environnement virtuel et collabora- un enseignant dans ses pratiques métier
14 tif : le formateur manipule une pièce de (actuellement, 270 établissements
filtrage d’air, pour en expliquer le fonc- scolaires et d’enseignement supérieur
tionnement à l’apprenant, avant de lui testent le dispositif). Initié dans le cadre
passer le relais sur une tâche simple du dispositif Startup d’État en 2016,
comme changer les caractéristiques PIX revêtit la forme d’un groupement
d’un flux d’air pour en mesurer la qua- d’intérêt public qui réunit différents
lité. L’objectif de cette expérience est acteurs publics de l’éducation et de la
de montrer comment la formation aux formation, tels que le CNED, le CNAM
gestes métiers peut s’emparer des pos- ou l’Université de Strasbourg. Les com-
sibilités ouvertes par la réalité virtuelle pétences proposées sont structurées
dans un espace immersif et commun autour de la recherche d’information
entre formateurs et apprenants. et la veille, la gestion et le traitement de
https://artsetmetiers.fr/ ; http://lavalvirtualcenter. données, la communication et la colla-
com/en/ boration, la création de contenus et la
programmation, la protection et la sécu-
Savanturiers rité, la construction d’environnements
techniques et leur administration.
Le programme éducatif Savanturiers
https://pix.fr/
- École de la recherche, développé depuis
2013 par le Centre de recherches inter-
disciplinaires (CRI), vise à mettre en Les ressources
œuvre l’éducation par la recherche dans
les écoles. Il s’appuie sur les méthodes M@gistère
et enjeux de la recherche pour déve- Cette plateforme du ministère de
lopper une démarche scientifique de l’Éducation nationale pour la formation

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

continue accueille près d’un quart de ses un écoquartier », « expliquer un robot


agents et propose plus de 450 parcours industriel », etc. Quatre grandes filières
de formation visant leur développement sont actuellement représentées : le bâti-
professionnel continu, la valorisation ment et les travaux publics, la robotique
des compétences acquises (via un sys- industrielle, l’énergie, la chaudronnerie
tème d’attribution de badges) et le par- industrielle.
tage entre acteurs éducatifs de grandes https://www.reseau-canope.fr/etincel/accueil
réorientations du système éducatif fran-
çais. https://magistere.education.fr/
France Éducation
Learning Portal Ce portail de promotion à l’inter-
Ce portail de l’Institut international national des ressources numériques en
de planification de l’éducation (IIPE) langue française porté par le ministère
propose une série de fiches pratiques de l’Europe et des affaires étrangères avec
résumant les recherches, les évaluations le ministère de l’Éducation nationale et
et les débats dans le domaine des de la jeunesse propose une sélection de
apprentissages. Une attention parti- plus de 2 000 ressources pédagogiques
culière est accordée aux outils et indi- produites par des opérateurs publics et
cateurs de mesure de la qualité de par les principaux acteurs de la EdTech
l’éducation et à l’adéquation des poli- française. L’utilisateur peut également
tiques aux besoins éducatifs locaux et proposer le référencement de contenus
aux réalités politiques et financières. additionnels. Les apprenants peuvent
https://learningportal.iiep.unesco.org/fr en outre identifier des établissements et
15
des centres de langue dans leur pays de
IFProfs résidence. http://franceducation.fr/
IFProfs est le réseau social des pro-
fessionnels de l’éducation francophone Éduthèque
mis en œuvre par l’Institut français. Il Éduthèque permet à tous les ensei-
s’adresse aux enseignants de français et gnants d’accéder à des ressources
d’autres disciplines non linguistiques, numériques issues de grands établisse-
ainsi qu’aux coordinateurs pédago- ments à vocation culturelle et scienti-
giques, aux chefs d’établissements, aux fiques et de mettre ainsi en œuvre des
médiathécaires. Il réunissait, fin 2018, projets pédagogiques, en particulier
24 000 membres sur 70 pays ; 75 000 uti- pour l’enseignement artistique et cultu-
lisateurs sont visés à l’horizon 2021. rel, l’éducation aux médias et à l’infor-
https://www.ifprofs.org/ mation, l’éducation à la citoyenneté. La
Philharmonie de Paris, par exemple, y
Etincel propose l’ensemble des enregistrements
Cette plateforme de ressources basée des concerts de la Cité de la musique
sur des situations industrielles authen- et de la Philharmonie. L’INA y met à
tiques est élaborée par Réseau Canopé. disposition 1 850 archives audiovi-
Son objectif est de favoriser l’émergence suelles de 1914 à nos jours. Un partena-
d’une culture scientifique, technique et riat avec la fondation Europeana (https://
industrielle des élèves. Plus de 200 scé- www.europeana.eu/) devrait élargir son
narios pédagogiques sont proposés audience au-delà du système éducatif
aux enseignants, comme « imaginer français. www.edutheque.fr

N° 80 - Avril 2019
Romanica

l
Cette application-jeu vidéo, lancée
par la Délégation générale à la langue
française et aux langues de France du
ministère de la Culture, vise à sensibili-
ser à l’intercompréhension et au pluri- le point sur…
linguisme en jouant dans huit langues
romanes (français, roumain, italien,
espagnol, portugais, catalan, occitan et
corse). http://www.culture.gouv.fr/

Culturethèque Les modalités de recrutement


Implantée dans 120 pays, la biblio- des enseignants-chercheurs
thèque numérique de l’Institut français, marocains, un processus
développée à l’attention des instituts vraiment efficace ?
français et des alliances françaises à
l’étranger, compte plus de 200 000 uti- Le Maroc a entamé en 2016 une
lisateurs et offre une grande variété de réforme importante de son système
contenus numériques (romans, grands éducatif, qui vise notamment la réno-
titres de la presse française, docu- vation des métiers de l’enseignement et
mentaires, bandes dessinées), pour de la formation. La Vision stratégique
permettre un contact avec la culture de la réforme 2015-20301 préconise
16 française et francophone. ainsi de mettre en place un programme
https://www.culturetheque.com/ d’action à court terme visant la forma-
tion et le recrutement de 15 000 ensei-
Horizons 2021 gnants-chercheurs à l’horizon 2030, afin
Cet outil interactif développé de répondre aux besoins en cadres des
par l’Onisep, en appui à la réforme structures de recherche, tant pour rem-
française du lycée, aide les élèves de placer les départs à la retraite que pour
seconde générale et technologique à stimuler la recherche dans les domaines
préciser leurs choix d’enseignements prioritaires. Cette opération de grande
de spécialité et à construire leur projet envergure nécessite que, au préalable,
d’études. L’outil présente de façon syn- soit questionnée la procédure actuelle
thétique les contenus et les objectifs de de recrutement des enseignants-cher-
chaque enseignement de spécialité et cheurs. Est-elle efficace en termes de
permet d’en simuler des combinaisons, sélection des meilleurs profils ? Répond-
afin d’éclairer les débouchés dans l’en- elle aux exigences de la transparence ? Le
seignement supérieur. pouvoir dont disposent les commissions
http://www.horizons2021.fr/ de recrutement est-il suffisamment
Federica Minichiello, encadré ?
CIEP/France Éducation international

1. Voir R. Bourqia, « Repenser et refonder l’école


au Maroc : la Vision stratégique 2015-2030 », Revue
internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 71,
2016 [http://journals.openedition.org/ries/4551];
DOI : 10.4000/ries.4551. (NdlR)

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

Une opération de grande envergure professeurs d’enseignement supérieur


En dépit de l’autonomie adminis- (PES), dont deux n’appartenant pas à
trative et financière dont dispose l’Uni- l’établissement concerné. Les membres
versité, le recrutement du personnel du jury et son président sont désignés
enseignant demeure déterminé par le par le recteur, sur proposition du chef
nombre de postes budgétaires attribués d’établissement concerné.
par le ministère de tutelle. La procédure Le concours de recrutement se
de recrutement fait intervenir l’établis- déroule en deux temps : une épreuve
sement concerné, l’université dont il des titres et travaux des candidats et
dépend, le ministère de tutelle ainsi que un exposé-entretien des candidats avec
d’autres départements ministériels. Ce le jury. Chaque épreuve est notée de 0
processus long dure en moyenne deux à 20. Toute note inférieure à 8 sur 20 est
ans, pénalisant ainsi les établissements éliminatoire.
qui ont besoin d’enseignants dans l’im- Pour la première épreuve, le chef
médiat. d’établissement, après avis du président
À chaque cadre des enseignants- du jury, confie le dossier de candida-
chercheurs2 correspondent des condi- ture, pour étude, à trois rapporteurs de
tions et modalités de recrutement la spécialité, dont deux aux moins sont
adaptées (précisées par arrêté de l’au- des PES. L’un des rapporteurs doit être
torité gouvernementale). Mais globale- extérieur à l’établissement concerné.
ment, le caractère bureaucratique tient Les rapporteurs présentent au pré-
une place prépondérante. Ainsi, pour sident du jury, dans un délai d’un mois,
le recrutement des professeurs assis- leur rapport motivé sur la valeur du 17
tants (PA), deux conditions principales travail scientifique des candidats. Le
doivent être remplies : être titulaire d’un jury, après étude de ces rapports, note
doctorat et être âgé de 40 ans au plus. les candidats et arrête, dans la limite
Cette limite d’âge peut être prorogée de trois candidats au plus par emploi,
d’une durée égale à celle des services la liste des candidats admissibles à
valables pour la retraite sans possibilité l’épreuve de l’exposé-entretien.
de report au-delà de 45 ans. Toutefois,
cette limite d’âge n’est pas opposable Limites et zones d’ombre
aux candidats fonctionnaires. Il y a lieu de s’arrêter sur quelques
Les modalités d’organisation du aspects de cette procédure. D’abord, le
concours de recrutement des PA sont chef de l’établissement concerné joue
fixées par un arrêté du ministre de un rôle central (il propose – en fait
l’Enseignement supérieur, de la forma- désigne – les membres et le président
tion des cadres et de la recherche scien- du jury, confie les dossiers de candi-
tifique3. datures aux rapporteurs…) et ne rend
Le jury du concours de recrutement compte à personne quant à ses choix et
est composé de cinq membres, tous critères de sélection des personnes.
Les rapporteurs, qui ne bénéficient
2. Le décret du 19 février 1997, formant statut des
d’aucune décharge de service pour se
enseignants-chercheurs, les classe en trois cadres : consacrer à cette mission et n’ont droit
professeur assistant (PA), professeur habilité (PH) et à aucune indemnité en contrepartie,
professeur de l’enseignement supérieur (PES).
3. Arrêté n°1125-97 du 4 juillet 1997, publié au BO
doivent étudier et évaluer des dizaines
n° 4522 du 2 octobre 1997. de dossiers, qui contiennent thèses et

N° 80 - Avril 2019
travaux de recherche, dans un délai très métier. Alors que, pour l’enseignement
court (un mois). primaire et secondaire, les enseignants
De plus, l’appréciation des qualités sont tenus de suivre une formation
des candidats s’effectue essentiellement pédagogique, il est admis que le titu-
sur dossier. Cette approche soulève laire d’un doctorat peut s’en passer
plusieurs interrogations. Que vaut une et prendre directement en charge un
sélection « sur le papier » ? Sur quels enseignement au niveau du supérieur.
critères se basent les rapporteurs ? Se Notons que les professeurs assis-
basent-ils tous sur les mêmes critères ? tants, qui, à l’issue de leur période de
Et quel crédit peut-on donner à l’évalua- stage, ne sont pas proposés pour la titu-
tion des rapporteurs, sur laquelle se base larisation sont soit licenciés soit, pour
le jury, dans ces conditions (dizaines de ceux appartenant déjà à l’administra-
dossiers, délai court, activité non rému- tion, réintégrés dans leur cadre d’ori-
nérée) ? Ne met-on pas trop l’accent gine. Dans la pratique, il est très rare
sur des critères académiques au détri- qu’un PA ne soit pas titularisé.
ment d’autres qualités essentielles dans Au terme de cette analyse, plusieurs
le contexte actuel (communication, constats se dégagent. D’abord, le décret
savoir-être, capacité d’adaptation, maî- du 19 février 1997 portant statut par-
trise des langues étrangères…) ? ticulier des enseignants-chercheurs est
Dans tous les cas, plusieurs aspects dépassé par l’évolution et les transfor-
de la procédure de recrutement mations que connaît l’Université maro-
demeurent opaques, ce qui nourrit des caine. Une refonte de ce texte s’impose,
à la lumière des expériences de plu-
18 suspicions, quant à l’objectivité des ins-
tances de recrutement. L’un des points sieurs pays qui ont redéfini les contours
qui méritent l’attention est le caractère du métier d’enseignant-chercheur et les
local des recrutements : la préférence conditions de sélection pour répondre
donnée par les commissions de recru- aux nouveaux défis de l’Université.
tement aux candidats formés et diplô- Le processus de recrutement est
més de l’établissement concerné par le long, mais ce sont surtout les tracasse-
recrutement. ries administratives qui alourdissent la
Au terme de cette opération, les procédure. Le temps consacré à l’éva-
candidats reçus au concours sont luation et à la sélection des candidats
nommés professeurs assistants au pre- est très court. À cela s’ajoute l’opacité
mier échelon du grade A et effectuent de la procédure de recrutement et de
en cette qualité un stage de deux ans, critères de sélection et de choix des can-
à l’issue duquel ils peuvent être titula- didats mal définis. Résultat : certains
risés au 2e échelon du grade. Ce stage recrutements nourrissent des soupçons
peut être prorogé d’une année, lorsque de copinage et de favoritisme.
le professeur assistant n’a pas, au cours Le projet de loi-cadre sur la réforme
de son stage, fait la preuve de son apti- de l’éducation nationale, en phase
tude à s’acquitter de sa mission. d’adoption au Parlement, propose plu-
sieurs dispositions pour remédier à ces
Là aussi, on constate qu’aucun
dysfonctionnements.
accompagnement n’est assuré par
l’université ou l’établissement d’affec- Tarik Hari,
tation en termes de formation pédago- Centre marocain des sciences sociales
gique, d’intégration et d’initiation au (CM2S)

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

les établissements privés siphonnent

R
année après année le contingent sco-
repères laire. Entre 2000 et 2014, la propor-
sur les systèmes tion d’élèves scolarisés dans le privé
éducatifs dans est passé de 14 à 26 % (Balarin, 2016).
Pourtant, la qualité de l’enseignement
le monde payant n’est en rien garantie. D’une
manière générale, qu’elle soit dispensée
par des institutions publiques ou pri-
Fragmentation, discrédit et vées, la formation éducative au Pérou se
politisation : un état des lieux révèle de piètre facture. Cibles de toutes
du système éducatif péruvien les critiques, les instituteurs pâtissent
d’un manque de reconnaissance qui se
D’après les données du système traduit par un sentiment de relégation
d’information des tendances éduca- sociale et par des conditions financières
tives en Amérique latine (SITEAL), et statutaires précaires. Au niveau ins-
le taux de scolarisation en primaire titutionnel qui plus est, le ministère de
atteint au Pérou 97,3 %. Depuis 2005, l’éducation (Minedu) a toujours été
la proportion des écoliers de 5 ans ins- considéré comme un « butin électoral »
crits dans les établissements d’accueil (Oliart, 2011) permettant au parti
de la petite enfance a bondi de 44 %, vainqueur de récompenser ses plus
portant le taux de scolarisation en fidèles affidés à coup de postes admi-
maternelle à 90 % dix ans plus tard. De nistratifs taillés sur mesure. La gestion
19
même, l’éducation secondaire reçoit s’avère donc relativement politisée.
désormais 10 % d’élèves en plus qu’au
Depuis l’éviction du président
début des années 2000 : le taux de sco-
conservateur Pedro Pablo Kuczynski
larisation à ce niveau atteint 95 % pour
en mars 2018, l’incrimination en
les adolescents de 12 à 14 ans et 76 %
janvier 2019 de son prédécesseur, le
pour ceux de deux ans leurs aînés1.
leader nationaliste de gauche, Ollanta
S’ils attestent d’une quasi-universa-
Humala, puis le suicide en avril de
lisation de l’accès à l’éducation, ces
l’ancien homme fort de la droite péru-
bons chiffres n’en masquent pas moins
vienne, Alan García, sans compter l’ar-
le déficit de légitimité dont souffrent
restation aux États-Unis de l’ancien
l’école publique et le système éducatif
président Alejandro Toledo en juillet,
péruvien dans son ensemble. Comme
tous les quatre poursuivis pour corrup-
ailleurs dans la région, une part impor-
tion, le Pérou est entré dans une période
tante de la classe moyenne, voire des
de grande incertitude politique. Ce
classes populaires, tend à s’en détour-
climat de suspicion généralisée et de
ner et à jeter son dévolu sur des offres
désaveu citoyen à l’égard de l’ensemble
éducatives alternatives.
de la classe politique est susceptible de
Depuis la libéralisation de l’édu-
miner les promesses de développement
cation par Alberto Fujimori (pro-
ainsi que les efforts de rationalisation
mulgation du décret n°882 en 1998),
annoncés dans plusieurs domaines
d’intervention publique, dont le sys-
1. Pour en savoir plus, voir le site du SITEAL, rubrique
tème éducatif, lors du plan Perú 2021
Perfil País : Perú. Actualisé en mai 2019. (bicentenaire de l’indépendance).

N° 80 - Avril 2019
Le constat que nous dressons dans Le boom de l’enseignement privé
cet article corrobore, en s’efforçant est particulièrement à l’œuvre dans
de les expliciter, les observations de les villes et singulièrement dans la
chercheurs qui associent au système capitale. En 2008, concernant le seul
éducatif péruvien deux principales niveau primaire, la province de Lima
tares : « la corruption et la médiocrité » comptait plus de 3 350 écoles de
(Oliart, 2011). Objectivement, trois gestion privée contre un peu moins
maux nous semblent affecter l’éduca- de 940 établissements d’enseignement
tion dans ce pays andin de 32 millions public, selon les informations fournies
d’habitants : une fragmentation exa- par Juan Ansion, sociologue rattaché à
cerbée consécutive au boom incontrôlé l’Université pontificale catholique du
de l’offre privée, une délégitimation Pérou2. Si le processus de « migration
profonde du métier d’instituteur liée éducative » se poursuit au même rythme
à des conditions professionnelles peu que dans les années 2000, son collègue
enviables et, enfin, une gestion institu- de l’Institut d’études péruviennes (IEP),
tionnelle chaotique car soumise à un Ricardo Cuenca, estime que trois élèves
fonctionnement encore dominé par les sur quatre seront scolarisés dans le privé
logiques clientélistes. en 2020. Cette concurrence provoque
une énorme fragmentation éducative
Une concurrence grandissante entre régions, entre types de gestion et
de l’école publique par une école entre catégories sociales : l’éducation
privée dérégulée péruvienne fonctionne désormais à
plus de trois vitesses (Muelle, 2018).
20 Depuis le milieu des années 1990, Du reste, le manque criant de régu-
on constate une compétition crois- lation constitue le principal problème
sante entre les établissements d’ensei- associé à l’enseignement privé dans la
gnement publics et privés au Pérou. région. En l’occurrence, le ministère de
L’attraction exercée par les seconds est l’éducation péruvien s’est montré, des
de plus en plus forte ; tant et si bien années durant, incapable d’enrayer la
d’ailleurs que la plupart des professeurs prolifération de ces établissements et
enseignant dans l’éducation publique et surtout de vérifier la qualité des cours
l’écrasante majorité des fonctionnaires dispensés à leurs élèves. C’est ce que
du ministère de l’éducation (Minedu) María Balarin a appelé la « privatisation
scolarisent leurs propres enfants dans par défaut » (Balarin, 2016). Malgré une
des établissements sous (ou sans) amélioration au cours des dernières
contrat. À l’instar du processus de frag- années, l’accès à l’information publique
mentation éducative à l’œuvre dans reste parcellaire. Sans être emmuré dans
d’autres régions du monde, la survalo- cette traditionnelle culture du secret
risation de l’éducation privée trouve en (secretismo) qui l’a longtemps carac-
partie son origine dans une volonté de
différenciation sociale. C’est moins la 2. Pour des raisons de format, ne sont ici citées
qualité que l’exclusivité qui est recher- que les références bibliographiques deux fois
chée. L’école péruvienne se présente convoquées a minima ou les plus récentes. Les
autres travaux mobilisés peuvent néanmoins être
de plus en plus comme une école de communiqués sur demande (damien.larrouque@
classe : l’éducation nationale est « une sciencespo.fr). Nous renvoyons le lecteur curieux à
l’excellente revue annuelle intitulée Revista peruana
institution pauvre pour les pauvres » de investigación educativa [http://revistas.siep.org.
(Oliart, 2011). pe/RPIE] (NdA).

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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térisé, le Minedu éprouve encore des Instituteur, une profession


difficultés à communiquer des données en mal de reconnaissance sociale
fiables. Et pour cause, si l’on estime et financière
qu’environ 8 700 000 élèves relèvent de Au Pérou, les instituteurs sont
l’éducation obligatoire dans le pays3, le accusés de porter la responsabilité du
ministère a en réalité très peu de visibi- marasme éducatif contemporain. Leur
lité sur le nombre exact d’élèves inscrits propre niveau scolaire est réputé pas-
dans des établissements sous (ou sans) sable pour ne pas écrire médiocre. Ces
contrats. Concrètement, ni le Minedu, lacunes ont éclaté au grand jour lors
ni les chercheurs et encore moins les de la mise en œuvre de la très décriée
parents d’élèves concernés n’ont accès à loi de carrière publique magistérielle
une base de données qui répertorierait (CPM), sur laquelle se sont penchés
des informations aussi précieuses que le L. M. Saravia et M. López de Castilla.
coût de la scolarité, la dimension lucra- Approuvée en juillet 2007 durant le
tive ou non des établissements, leur second mandat d’Alan García (2006-
accréditation potentielle, les qualifica- 2011), la CPM est associée à la figure
tions des enseignants ou leurs condi- charismatique de l’inamovible ministre
tions de travail – lesquelles s’avèrent de l’éducation José Antonio Chang
souvent encore plus précaires que dans Escobedo – lequel aura connu pendant
le public. En somme, les établissements cinq ans une longévité exceptionnelle
privés évoluent dans un no man’s land à la tête du Minedu, quand ses prédé-
juridique et financier (Balarin, 2016). cesseurs étaient remplacés en moyenne
Cette absence de régulation a été accen- tous les ans. Inspirée du modèle méri- 21
tuée par le processus de régionalisation tocratique chilien, la CPM a accouché
éducative initié en 2004, ainsi que l’ont aux forceps de la pratique de l’évalua-
mis en lumière A. M. Manrique Linares tion continue. Réalisés tous les trois
et C. del Mastro. ans et sanctionnés par l’exclusion du
De manière générale, la qualité de professorat suite à deux échecs suc-
l’enseignement reste très mauvaise. cessifs4, ces examens ont été accueillis
Intégré dès 2000 aux enquêtes du de manière au mieux « désagréable »
Programme international pour le suivi et au pire « traumatique » par une très
des acquis des élèves (PISA) produites grande majorité de professeurs, qui
par l’Organisation de coopération et de ont vu leurs piètres résultats faire les
développement économiques (OCDE), gros titres de la presse péruvienne.
le Pérou a toujours figuré à la dernière Combattue bec et ongles par le SUTEP,
place, avant de remonter depuis 2015 le puissant syndicat unitaire d’extrême
dans le peloton de queue du classement gauche qui s’enorgueillit de rassembler
international. Régulièrement relayées quelque 300 000 adhérents, soit 85 %
par les médias nationaux, ces évalua- du corps enseignant5, la CPM a été
tions négatives retombent souvent
sur les enseignants qui endurent dans
4. Articles n° 24, 28 et 29 de la loi n° 29 602 du
l’opinion un discrédit persistant (et en 11 juillet 2007.
partie justifié). 5. D’après N. Lynch, sociologue et ancien ministre
de l’éducation sous gouvernement Toledo (2011-
2012), ces chiffres sont vraisemblablement suréva-
3. INEI, Número de alumnos matriculados en el lués. À la date de sa légalisation en 1985, le syndicat
sistema educativo nacional, según departamento, unique péruvien représentait 74 % du magistère
2008-2017, Lima, 2018. Consultation en ligne. (Lynch, 2006).

N° 80 - Avril 2019
abrogée par le gouvernement socialiste proposent des cours privés à partir de
d’Ollanta Humala (2011-2016). Au matériels pédagogiques entièrement
grand dam des instituteurs les plus réti- plagiés sur internet7.
cents à voir leur travail régulièrement Au demeurant, pour ce qui est du
évalué, la Loi de réforme magistérielle versement de bakchichs (coimas), le
(LRM) qui lui a succédé, a pourtant système éducatif est de loin, derrière la
renforcé la prétention méritocratique police, l’institution la moins corrom-
du système d’enseignement6. Notons pue de tout l’appareil d’État péruvien
que les vicissitudes de cette réforme selon les travaux d’un couple de cher-
révèlent, à la fois, une grande résistance cheurs de l’Université du Pacifique
au changement de la part des acteurs publiés en 2011. Si ces perceptions
engagés dans l’éducation péruvienne négatives doivent donc être relativi-
et une relative instabilité des politiques sées, l’inféodation de l’administration
publiques dans ce pays (Lynch, 2006). publique au pouvoir politique conti-
nue de nuire à la cohérence et la conti-
Depuis une quinzaine d’années, nuité de l’action publique.
notons que les instituteurs ont pu
apprécier une revalorisation finan- Une gestion institutionnelle
cière substantielle. Sous le gouverne- symptomatique de la versatilité
ment d’Alejandro Toledo (2001-2006) de l’action politico-administrative
notamment, ils ont enregistré un Dans sa thèse de doctorat soutenue
quasi-doublement de leur salaire. En à l’université de Bath en 2005 et inti-
moins de cinq ans, leur revenu a aug- tulée « Radical discontinuity. A study
22 menté de 500 sols, soit d’environ of the role of education in the Peruvian
130 euros, pour s’établir actuellement state and of the institutions and cultures
autour de 1 100 sols, ce qui ne repré- of policy making in education », María
sente toutefois guère plus de 300 euros Balarin a mis en lumière plusieurs fac-
mensuels. Leur insatisfaction profes- teurs de « discontinuité » au sein du
sionnelle demeure aussi la plus aiguë de Minedu : ils concernent notamment le
la région, comme l’ont démontré Javier personnel administratif, le cadre juri-
Murillo de l’Université Autonome de dique et les interférences institution-
Madrid et son collègue de l’Université nelles avec d’autres ministères.
Alberto Hurtado du Chili. Leur statut Le premier enjeu est relatif aux res-
est précaire et ils sont souvent obligés sources humaines. Selon cette socio-
de multiplier les charges d’enseigne- logue, il est commun que les instituteurs
ments entre plusieurs établissements. achèvent leur carrière en entrant dans
Leur intégrité s’en trouve parfois les rangs du Minedu. Ils occupent alors
compromise. Ainsi, pour arrondir les des postes de complaisance mal payés
fins de mois et sans que la pratique mais perçoivent, cependant, des revenus
soit pour autant monnaie courante, substantiellement plus élevés que ceux
il arrive que d’aucuns se livrent à des qu’ils recevaient en tant qu’enseignants.
actes de prévarication : il nous a ainsi Par là même, ils obtiennent également la
été rapporté que certains instituteurs sécurité de l’emploi jusqu’à leur retraite.
monnayent auprès des parents la cor-
rection des devoirs de leurs enfants ou
7. Propos recueillis le 8 avril 2013 à Lima, auprès
d’un professeur de mathématiques en détachement
6. Chap. VI de la loi n° 29 944 du 23 novembre 2012. au SUTEP.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Depuis les années 1970, cette logique Malgré l’arrivée au pouvoir du gouver-
de « pantouflage administratif » en nement de gauche incarné par Ollanta
forme de couronnement d’une carrière Humala (2011-2016), la traditionnelle
ingrate effectuée dans l’enseignement a cooptation politique a perduré. Le
engendré l’organisation macrocéphale turn-over administratif demeure très
et portée sur le dilettantisme qui est important au sein du Minedu, ce qui
tant décriée aujourd’hui (Oliart, 2011). n’est pas sans affecter la continuité de
Obscurs, les critères d’ascension pro- l’action publique. Au cours des huit
fessionnelle sont, de surcroît, laissés dernières années, le Minedu a connu
à l’appréciation discrétionnaire des six ministres différents.
cadres de l’institution. Arrivés à leurs Par ailleurs, la culture institution-
postes en même temps que le ministre nelle est si singulière qu’il n’y a pas de
qui les a désignés et dont ils deviennent transmission de savoir-faire entre deux
les obligés, ces derniers touchent des administrations. En conséquence, les
salaires relativement élevés – longtemps programmes éducatifs se répètent ou
financés à partir des fonds alloués par entrent en contradiction inlassable-
les créanciers internationaux –, mais ment. En substance et concernant les
dépendent de contrats précaires renou- ressources humaines, la politiste déplore
velables chaque année. le défaut de sélection méritocratique
Au-delà du fait que cette différence des agents publics, l’irrationalité des
de statut entre fonctionnaires mal processus d’ascension professionnelle
payés et cadres contractuels très bien ainsi que l’absence d’une classe de
rémunérés ne va pas sans créer des fric- fonctionnaires de type intermédiaire qui, 23
tions internes, ces logiques clientélistes garante de la mémoire institutionnelle,
ont abouti à une « bureaucratie de aurait à charge de faire l’articulation
pactes » (bureaucracy of pacts) profon- entre la décision politique et l’exécution
dément stérile. De fait, compte tenu de administrative.
l’anémie politico-partisane d’une part Pour ce qui est du cadre légal, María
(absence d’un programme politique Balarin regrette encore que les pro-
cohérent à l’échelle nationale) et de cédures d’approbation soient sources
l’instabilité gouvernementale d’autre d’embrouillaminis bureaucratiques, car
part – les ministres sont révocables à très rigides et soumises à l’aval de plu-
tout moment –, le nouveau ministre de sieurs personnes qui constituent autant
l’éducation tâche de faire ses preuves d’acteurs-veto (veto players). Cette
en conduisant, le plus rapidement difficile coordination s’avère d’au-
possible et en toute indépendance, le tant plus exacerbée que le processus
projet qu’il a lui-même défini comme de régionalisation a débouché sur une
prioritaire. À cette fin, il s’entoure de armature juridico-institutionnelle inex-
ses partisans avec lesquels il noue, en tricable : les doublons se multiplient
quelque sorte, un pacte politico-admi- et les responsabilités entre différents
nistratif. Or, dès lors que le ministre est niveaux de gouvernement se téles-
remplacé (en moyenne chaque année copent. L’inertie administrative trouve
durant les présidences de Fujimori et enfin son origine dans les problèmes de
de Toledo), le pacte est rompu et un collaboration avec d’autres ministères.
nouveau projet prioritaire est lancé par Très concrètement, le ministère de l’éco-
l’intermédiaire d’une nouvelle équipe. nomie et des finances (MEF) est sou-

N° 80 - Avril 2019
vent accusé d’interférer, par défiance, s’accompagne également d’une revalo-
en défaveur des initiatives les plus oné- risation salariale et d’une amélioration
reuses proposées par le Minedu. Dans des conditions de travail. Mieux payer
un tel contexte, les politiques éducatives les instituteurs permettrait, en toute
sont portées à ne rester que purement logique, de juguler les comportements
rhétoriques (Cuenca, 2012). répréhensibles, ou tout du moins peu
éthiques, auxquels se livrent certains.
Les défis contemporains Enfin, sur le plan institutionnel, le
de l’éducation péruvienne défi le plus important reste vraisem-
Au terme de ce rapide état des lieux, il blablement celui de la rationalisation
nous semble que quatre défis s’imposent du fonctionnement administratif.
au système éducatif péruvien. Or, seul le L’introduction de dispositifs de sélec-
troisième a été considéré dans le plan tion méritocratique des agents publics
sectoriel pluriannuel d’éducation qui a doit permettre de dépolitiser le minis-
fixé, en 2016, les grandes orientations tère, où la mémoire institutionnelle,
stratégiques pour les cinq années à venir. reposant sur l’agrégation des savoir-
faire individuels et collectifs acquis,
En premier lieu, la revalorisation de
se transmet moins qu’elle ne réini-
l’éducation publique ne peut se passer
tialise de manière perpétuelle. Sous
d’un investissement plus conséquent
cette optique, la continuité de l’action
en sa faveur. Selon les chiffres de la
publique s’avère illusoire.
Banque mondiale, le Pérou y consacre
3,9 % de son produit intérieur brut Damien Larrouqué,
24 (PIB), contre 4,4 % en Colombie, 5 % INAP-Université du Chili
au Chili et 5,2 % au Mexique, pour ne
citer que ses trois partenaires commer-
ciaux au sein de l’Alliance du Pacifique.
En second lieu, la régulation des Bibliographie
structures d’enseignement privé BALARIN M. (2016) : « La privatización
constitue une condition sine qua non por defecto y el surgimiento de las escuelas
privadas de bajo costo en el Perú. ¿ Cuáles
de l’amélioration de l’éducation péru-
son sus consecuencias? », Revista de la
vienne. La prolifération de ces éta- Asociación de Sociología de la Educación-
blissements, sans cadre juridique clair RASE, vol. 9, n° 2, p. 181-196.
ni contrôle de la part des autorités,
CUENCA R. (2012) : « Desencuentros entre
contribue à miner la crédibilité de l’en-
el discurso del derecho a la educación y las
semble du système et porte préjudice políticas educativas en el Perú de la década
aux familles les moins informées, les- del 2000 », Documento de Trabajo IEP,
quelles se retrouvent à s’endetter pour n° 170, p. 1-76.
des formations dont la médiocrité n’a
LYNCH N. (2006) Los últimos de la clase.
d’égale que leur coût abusif. Aliados, adversarios y enemigos de la reforma
En troisième lieu, si le changement educativa en el Perú, Lima : Fondo Editorial
de perception à l’égard du métier d’ins- de la UNMSM.
tituteur passe très certainement par MUELLE L. (2018) : « Desigualdades regio-
un renforcement de la formation – tel nales y sociales del rendimiento escolar al
que le prévoit le plan 2016-2021 –, término la educación primaria en el Perú »,
il semble opportun que cette rééva- Revista peruana de investigación educativa,
luation des exigences académiques n° 10, p. 127-157.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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OLIART P. (2011) : « Mediocridad y cor- 20 % du territoire actuel sont considé-


rupción : los enemigos de la educación rés comme étant occupés par l’Arménie.
pública », in L. Pásara (dir.), Perú ante los 96,5 % de la population sont musul-
desafíos del siglo XXI, Lima : Fondo Editorial mane (à prédominance shiite) et on
PUCP, p. 295-325.
trouve également une petite minorité
de chrétiens (3 %) ; 92 % de la popula-
tion sont azéris, les autres groupes eth-
niques présents étant lezghine (2 %),
russe (1,3 %), arménien (1,3 %), taly-
she (1,3 %) et autres (2,4 %).
Le système éducatif
de l’Azerbaïdjan Le niveau d’alphabétisation est
élevé. Il est quasiment universel pour
La République d’Azerbaïdjan est la population âgée de 15 ans et plus
une ancienne république soviétique, (97,8 %). Une différence entre le milieu
qui a gagné son indépendance au urbain et le milieu rural existe cepen-
moment de l’éclatement de l’URSS, en dant (98,9 % vs 96,4 %). Ce taux est
1991. Ce pays est aujourd’hui membre également plus faible pour la popula-
de plus de quarante organisations tion féminine (92,6 %), avec seulement
internationales, dont l’ONU, le Conseil 88,6 % pour la population féminine en
turcique, la Communauté des États milieu rural.
indépendants, l’Organisation de la
La langue azérie est la langue natio-
coopération islamique et le Conseil de 25
nale pratiquée par 92,5 % de la popu-
l’Europe.
lation. La langue russe, pratiquée par
C’est un pays à revenu intermé- une importante partie de la popula-
diaire, situé entre la Russie (au nord), tion en raison du passé soviétique, est
l’Iran (au sud), l’Arménie, la Turquie aujourd’hui enseignée à l’école comme
et la Géorgie (à l’ouest). En raison de une langue étrangère. L’enseignement
la richesse de ses ressources naturelles, dans les établissements scolaires et à
la croissance avance à grands pas et le l’université peut être dispensé en lan-
niveau de vie de la population aug- gues azérie, russe ou anglaise (par
mente ; l’Azerbaïdjan pourrait bientôt exemple, dans les écoles internatio-
rejoindre le groupe des pays à revenu nales).
élevé. Le pays a connu une croissance
importante au cours de la dernière Dans la continuité de l’époque
décennie, grâce aux recettes tirées du soviétique, le système éducatif azéri
pétrole et du gaz, qui représentent 95 % a gardé son caractère laïque et l’en-
de ses exportations et 75 % des recettes seignement est gratuit et obligatoire
de l’État. pour tous les enfants âgés de 6 à 15 ans.
En 2019, sa population a atteint L’enseignement de base est divisé en
10 millions d’habitants pour une trois niveaux (primaire, secondaire
superficie de 86 600 km2. Le conflit non général et secondaire) et concerne les
résolu dans et autour de la région du élèves âgés de 6 à 17 ans. Au niveau de
Haut Karabakh a provoqué le déplace- l’enseignement préscolaire, la classe
ment d’environ 7,4 % de la population. préparatoire (destinée aux enfants de
Selon les autorités du pays, environ 5 ans) est en cours de généralisation

N° 80 - Avril 2019
progressive1. Le secteur de la forma- jusqu’alors, baissent subitement de
tion professionnelle est divisé en deux façon drastique. L’image sociale et les
niveaux : formation professionnelle conditions de travail de la profession
initiale (délivrée par des lycées profes- enseignante se dégradent rapidement
sionnels transformés récemment en et beaucoup d’enseignants quittent le
« centres polyvalents ») et la formation secteur pour des emplois plus lucratifs.
professionnelle secondaire (dispen- Les bâtiments scolaires, sans finance-
sée par des « colleges »). Au niveau de ments publics, tombent en ruines dans
l’enseignement supérieur, le grade de certaines régions, rendant l’accès à
bachelor est délivré après quatre années l’éducation difficile pour certaines caté-
d’études et celui de « master » après gories de la population. Les manuels
deux années supplémentaires, soit scolaires ont besoin d’être remis à jour
six années d’études à l’université ou et les méthodes pédagogiques utilisées
dans un établissement d’enseignement par les enseignants nécessitent d’être
supérieur. Au niveau des études de modernisées, en adéquation avec les
3e cycle, l’ancien système soviétique en standards internationaux.
deux niveaux (candidat des sciences et Les résultats décevants de l’Azer-
docteur ès sciences) est encore en place, baïdjan dans les enquêtes interna-
mais son remplacement par un système tionales dix ans après le début des
d’études doctorales avec délivrance du premières réformes sont probablement
diplôme de « docteur » est actuelle- la conséquence de ces turbulences. Dans
ment en cours. le PISA 2009, l’Azerbaïdjan se situe en
26 avant-dernière position (64e place sur
Réformer le système éducatif 65 pays participants) pour les épreuves
dans un nouvel État indépendant : de lecture, en 45e position pour les
un processus en deux étapes épreuves de mathématiques et en
L’avènement d’un nouvel État indé- 63e pour les épreuves de sciences. Fort
pendant a nécessité de redéfinir les de l’ambition de développer le pays et
fondements du secteur éducatif, afin de lui donner sa juste place dans l’éco-
de le rendre compatible avec les prin- nomie mondiale, le gouvernement azéri
cipes démocratiques et de l’économie est conscient de l’urgence de soutenir et
de marché dorénavant en vigueur. réformer à nouveau le secteur éducatif.
L’éducation est déclarée domaine prio- Une deuxième vague de réformes
ritaire de la politique nationale du nou- se met en place dans les années 2010.
veau gouvernement (voir l’article 42 de Elle est accompagnée de financements
la Constitution et la Loi sur l’éducation) publics plus conséquents, que l’écono-
et une première vague de réformes se mie pétrolière plus solide peut doréna-
met en place dans les années 1990. vant permettre.
Cependant, les difficultés de la
La stratégie nationale pour le déve-
transition économique secouent for-
loppement du secteur éducatif, adop-
tement le pays et le secteur éducatif en
tée par décret présidentiel en 2013,
fait les frais. Les subventions publiques,
indique cinq axes pour la rénovation
source principale de son financement
du système éducatif. Le premier axe,
qui concerne la mise en place de l’édu-
1. Ceci permettrait de porter la durée de l’enseigne-
ment général à 12 ans, comme dans la plupart des
cation basée sur l’approche par com-
pays occidentaux. pétences et centrée sur l’apprenant,

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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prévoit la modernisation des pro- inexistante dans le sud du pays, où elle


grammes nationaux à tous les niveaux concerne moins de 1 % des enfants.
d’enseignement, du préprimaire à l’en- Afin de remédier à cette situation, le
seignement supérieur. Le deuxième axe, gouvernement a mis l’accent sur la pro-
portant sur la modernisation des res- gressive généralisation de l’accès à l’an-
sources humaines du secteur éducatif, née préparatoire pour les enfants âgés
vise à soutenir les enseignants dans la de cinq ans. Selon les données gouver-
rénovation de leurs compétences péda- nementales, en 2017, 65 % des élèves de
gogiques. Le troisième axe touche à la cet âge fréquentaient des classes pré-
gouvernance et à la collecte des don- paratoires, l’objectif étant de porter ce
nées, afin d’améliorer la transparence et pourcentage à 90 % en 2020.
l’efficacité. Le quatrième axe concerne Au niveau de l’enseignement géné-
la rénovation des infrastructures édu- ral, le problème majeur s’avère être la
catives permettant un accès plus large qualité. Les faibles performances des
à l’éducation de toutes les catégories de élèves s’expliquent, entre autres, par les
population (notamment les adultes et faibles salaires des enseignants (200 à
les élèves à besoins spécifiques) et une 250 € par mois), ce qui continue à pous-
utilisation systématique des TICE. Le ser les meilleurs enseignants soit à quit-
cinquième axe vise à revoir les modèles ter le secteur de l’éducation pour des
de financement existants. Ceci impli- emplois plus lucratifs, soit à donner des
querait une plus grande autonomie cours privés au détriment de la qualité
des établissements en vue de mobiliser de leur poste principal. Cela crée entre
de nouvelles sources de financements les familles une inégalité d’accès et de 27
et de commercialiser leurs services, de qualité d’enseignement et nuit à la qua-
permettre le passage au financement en lité de l’éducation publique dans son
fonction du nombre d’élèves inscrits et ensemble. Des mesures gouvernemen-
la création d’un Fonds de développe- tales de remédiation, notamment pour
ment du secteur éducatif. améliorer l’attractivité du métier de
Les résultats de ces nouvelles l’enseignant, ont été introduites. L’année
réformes sont dans certains cas satisfai- 2018 a été déclarée « année de la qualité
sants, mais dans d’autres plus mitigés, de l’éducation ». Des bourses complé-
comme nous le verrons plus loin. mentaires ont été offertes aux étudiants
affichant les meilleurs résultats au bac-
L’enseignement de base : calauréat qui choisissent les filières des
répondre aux défis d’accès métiers de l’enseignement. Ainsi en
et de qualité 2018, plus de 2 000 étudiants avec un
Au niveau de l’éducation présco- score de plus de 500 points (sur 700) ont
laire, seuls 11 % des enfants suivent une choisi ces filières, alors qu’ils n’étaient
forme quelconque d’éducation présco- que quelques-uns à le faire auparavant.
laire, avec des écarts importants entre Les résultats 2016 de l’enquête
les zones rurales (4 %) et les zones PILRS sur la lecture, comparés à ceux
urbaines (19 %). Plus des deux tiers de 2011, montrent une amélioration
des écoles maternelles sont en mauvais de 10 points du score moyen pour les
état. La participation aux programmes élèves azéris (462 vs 472) ; le pourcen-
de la petite enfance est la plus courante tage du groupe au niveau de perfor-
à Bakou (20 %), mais reste presque mance « très élevé » est passé de 0 % à

N° 80 - Avril 2019
2 %, celui du groupe au niveau « élevé » repérés dans ces concours participent
de 9 % à 16 %, et celui du groupe au ensuite aux compétitions internatio-
niveau « faible » a baissé de 37 % à 27 %. nales. Des centres spécifiques visant
En raison des faibles salaires dans à préparer les élèves à ces compéti-
la profession, la majorité du person- tions existent partout dans le pays. En
nel enseignant et de direction étaient 2017, 30 000 élèves ont concouru. Les
jusqu’à présent des femmes (à plus de lauréats peuvent entrer sans examen à
95 %). Les revalorisations des salaires l’université en Azerbaïdjan ou pour-
mises en place au cours des deux der- suivre leurs études dans les meilleures
nières années ont permis de légèrement universités à l’étranger.
infléchir la tendance en attirant davan- Sous l’influence des tendances
tage d’hommes dans la profession. internationales, le gouvernement com-
Dans son processus de réformes, mence à prêter attention aux besoins
le gouvernement azéri s’appuie beau- des enfants à capacités réduites. En
coup sur les pratiques internationales. décembre 2017, un nouveau programme
Cependant, compte tenu du contexte national pour le développement d’une
local, certaines réformes n’aboutissent éducation inclusive pour les personnes à
pas toujours aux résultats attendus et capacités réduites a été adopté, pour la
il s’avère parfois nécessaire de reve- période 2018-2024. Son objectif est de
nir, quelques années plus tard, sur fournir à ces élèves un accès égal et un
les mesures mises en place. Ainsi de environnement propice à l’apprentis-
nombreuses expérimentations dans sage à tous les niveaux de l’éducation.
28 le domaine de l’évaluation n’ont pas Parmi les projets innovants du gou-
apporté les fruits attendus : la réforme vernement, l’un des axes prioritaires
du système de notation et les évalua- concerne le renforcement de l’enseigne-
tions sommatives au niveau de l’école ment de l’informatique, l’introduction
primaire ont dû être annulées totale- des outils numériques à des fins péda-
ment ou en partie, en raison de la com- gogiques et pour une gestion plus effi-
plexité de leur mise en œuvre. cace du système éducatif. 5 000 élèves
Parmi les réformes réussies, on de 40 établissements scolaires devraient
pourrait citer : la mise en place d’outils être concernés par le nouveau projet du
numériques pour la gestion du système ministère de l’éducation concernant
éducatif et le renforcement de la culture l’enseignement de l’informatique, basé
numérique des élèves, la rénovation sur le développement de la pensée algo-
des anciens bâtiments scolaires, le sou- rithmique et de la logique, l’apprentis-
tien aux élèves talentueux à travers des sage des bases de la programmation et
concours académiques nationaux et le développement de la curiosité.
internationaux et enfin la création de Le ministère de l’éducation a mis
différentes filières au niveau du lycée. au point de nombreuses ressources
Le soutien des élèves talentueux se électroniques qui simplifient la vie des
fait à travers les Olympiades (compé- citoyens : un portail pour recevoir les
titions portant sur les performances réclamations de la population [www.
académiques). Au ministère de l’Édu- qebul.edu.az], un portail pour simpli-
cation, un département dédié s’occupe fier la procédure de transfert d’étudiants
de l’organisation des Olympiades au entre différentes universités [www.
niveau national ; les meilleurs élèves transfer.edu.az] qui a permis, depuis

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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2016, à plus de 11 000 étudiants d’être leurs) dans 720 établissements étaient
réaffectés grâce à cette plateforme ; un inscrits dans ces parcours spécialisés, les
portail d’enregistrement électronique autres restant dans les filières générales.
des demandes d’admission en première
année d’enseignement primaire [www. La formation professionnelle
mektebeqebul.edu.az], un portail de et l’enseignement supérieur :
manuels électroniques [www.e-derslik. l’influence des pratiques
edu.az], etc. Les manuels électroniques internationales
ont été développés pour différentes
En ce qui concerne la formation
matières et complétés par des vidéos
technique et professionnelle, secteur
interactives. Le portail [www.e-test.edu.
dont la qualité a le plus souffert lors de
az] a permis d’organiser des compéti-
la période de transition, des mesures
tions interactives entre étudiants dans
importantes ont été mises en place
différentes matières (la base de données
afin de permettre sa mise à niveau.
du portail contient plus de 3 000 ques-
D’anciens lycées professionnels ont été
tions dans neuf matières).
transformés en centres polyvalents de
L’un des chantiers majeurs des der-
formation technique et professionnelle,
nières réformes était la rénovation des
de nouveaux locaux flambants neufs
bâtiments scolaires, notamment dans
venant remplacer les vieux bâtiments
les régions les plus reculées du pays.
de l’ère soviétique dans les principales
2 500 établissements ont été construits
villes du pays (Bakou, Ganja et Gabala).
dans différents régions du pays et des
Des simplifications institutionnelles et
travaux de réfection et de restaura-
administratives ont été opérées, afin de 29
tion importants ont été menés à bien
rendre l’accès à ce niveau de formation
dans les établissements existants. Des
plus facile et plus transparent. Ainsi,
établissements de petite taille ont été
les modalités d’inscriptions pour les
regroupés et de nouvelles structures ont
étudiants de première année ont été
été mises en place. 100 nouveaux bâti-
simplifiées et les textes réglementaires
ments, de type « modulaire »2, concer-
sont actuellement revus par le minis-
nant 5 100 élèves, ont vu le jour dans
tère de l’Éducation, afin de rendre plus
ce cadre en 2017. Le programme s’est
flexibles les passerelles entre différentes
poursuivi en 2018, avec la construction
formations professionnelles et vers les
de 237 autres nouveaux établissements
filières d’enseignement supérieur.
scolaires.
Sur la base des pratiques interna- Afin d’améliorer la gestion du sec-
tionales, des filières spécialisées ont été teur et de permettre sa modernisation
créées au niveau du lycée : en sciences sur la base des meilleures pratiques
et techniques, en sciences économiques, internationales, une agence publique
en sciences humaines et en sciences de la formation professionnelle a été
naturelles. En 2018, 40 % des lycéens créée par décret présidentiel en 2016.
(souvent sélectionnés parmi les meil- L’agence bénéficie actuellement d’un
important projet d’assistance tech-
nique financée par la Commission
2. Il s’agit de bâtiments basés sur des techniques
de construction rapide à partir de matériaux dispo- européenne, qui devrait permettre le
nibles sur place, permettant une installation facile partage d’expérience avec les experts
et adaptable à tout type de terrain, les aménage-
ments intérieurs permettant d’agrandir les salles de
européens et le renforcement des capa-
classe en tant que de besoin. cités de ses personnels.

N° 80 - Avril 2019
Les statistiques récentes montrent douze établissements d’enseignement
une amélioration du niveau acadé- supérieur y participent actuellement.
mique des étudiants qui choisissent les La Fondation a octroyé des prêts
filières professionnelles, ce qui témoigne d’études à 170 étudiants issus de
de l’impact positif des mesures mises en familles à faibles revenus. Ce disposi-
œuvre par le ministère. tif a pour mission principale de créer
Au niveau de l’enseignement supé- l’égalité des chances et d’élargir l’accès
rieur, les transformations ont été mar- à l’enseignement supérieur.
quées par l’introduction du processus Un autre projet phare réalisé récem-
de Bologne et par la réforme de la struc- ment par le gouvernent a été la création,
ture des diplômes qui s’en est suivie. au sein de certaines filières universitaires,
Afin d’aider à la mise en œuvre effective des groupes Sabah (« Avenir »). Créés
de cette réforme, l’Union européenne a en 2014-2015 au sein des 34 filières de
soutenu le gouvernement azéri à travers formation dans sept universités, ils ont
de nombreux projets dans le cadre du été élargis aux 46 filières dans douze
programme Tempus (devenu récem- universités, à destination de 2 300 étu-
ment Erasmus Plus) et du programme diants impliquant 650 enseignants. Ces
de jumelage institutionnel3. Ces pro- groupes permettent d’offrir des ensei-
jets ont permis de former le person- gnements du niveau académique supé-
nel enseignant des universités et du rieur aux étudiants les plus talentueux.
ministère de l’Éducation aux principes Dans le cadre du programme natio-
fondateurs de l’espace commun d’en- nal pour l’éducation à l’étranger de la
seignement supérieur européen et de
30 jeunesse azerbaïdjanaise 2007-2015,
partager de pair à pair les meilleures 3 558 étudiants azéris ont été formés
pratiques dans ce domaine. dans les universités les plus presti-
Ainsi, l’ancien diplôme unique de gieuses du monde. D’autre part, selon
l’époque soviétique obtenu en cinq le ministre, plus de six mille étudiants
ans d’études (dit « diplôme de spécia- étrangers originaires de 76 pays étudient
liste ») a été remplacé par les diplômes dans des universités azerbaïdjanaises.
de bachelor et de master. En ce qui
En ce qui concerne la recherche, la
concerne les études de 3e cycle (niveau
majeure partie des travaux se faisait, à
doctorat), l’ancien système soviétique
l’époque soviétique, à l’Académie des
est encore en place, mais le ministère de
sciences. Les universités et autres éta-
l’Éducation, avec l’aide d’experts inter-
blissements d’enseignement supérieur
nationaux, prépare de futures réformes.
avaient pour mission unique la for-
Le taux de participation à l’ensei-
mation et la préparation à l’emploi. Le
gnement supérieur en Azerbaïdjan,
rapprochement entre les universités et
comparé à d’autres pays, est faible.
l’Académie des sciences est aujourd’hui
Afin de permettre l’accès des étu-
en cours, afin de permettre la transfor-
diants issus de familles modestes à ce
mation progressive vers le modèle occi-
niveau d’enseignement, à l’initiative
dental, où la recherche se fait beaucoup
du ministère de l’éducation, le Fonds
au sein des universités.
de prêt étudiant Maarifchi a été créé et
Afin de soutenir les activités de
recherche des enseignants, le ministère
3. L’Azerbaïdjan a bénéficié de deux projets
dans le cadre de ce programme (en 2015-2017 et
de l’éducation a passé un contrat avec
2018-actuellement). une société privée, Clarivate Analytics.

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Durant les trois dernières années, cette Le système éducatif birman :


société a organisé 42 formations à des- transformations en cours
tination de 2 000 enseignants univer- et enjeux d’avenir*
sitaires à Baku, Ganja et Nakhchivan.
Ce projet a permis d’augmenter de
40 % le nombre d’articles publiés par Une longue histoire éducative
des enseignants azéris dans les revues
internationales du Web of Science. Le Myanmar (Birmanie), pays mul-
tiethnique à faible revenu, est divisé en
En conclusion, on pourrait noter
sept États sur la base des sept mino-
que les réformes et les efforts matériels
rités ethniques du pays – les Chins,
et financiers déployés par le gouverne-
les Kachins, les Karens, les Kayahs, les
ment azéri, ces trente dernières années,
Môns, les Arakanais (Rakhine) et les
pour améliorer la qualité du système
Shans, sept régions et un territoire de
éducatif national sont indéniable-
l’Union. Le groupe ethnique birman
ment d’une envergure importante.
représente environ 68 % de la popula-
L’ensemble des problèmes est encore
tion. D’après le recensement de 2014,
loin d’être résolu : les salaires des ensei-
la Birmanie compte 52 millions d’ha-
gnants restent faibles, leur niveau de
bitants et 89,8 % de la population pra-
qualification initiale et l’accès à la for-
tique le bouddhisme (CSO, 2017).
mation continue ne sont pas toujours
Les monastères bouddhistes ont
à la hauteur de la qualité requise…
une longue tradition d’enseignement
Néanmoins, les progrès accomplis
des textes religieux et d’alphabétisa-
témoignent des avancées réalisées et
tion de base dans les régions birmanes 31
montre l’importance que le gouver-
et dans l’État môn. La scolarisation a
nement accorde au développement du
commencé à se généraliser en Birmanie
secteur.
après l’arrivée des missionnaires chré-
Lors du dernier forum des affaires
tiens, au début du XIXe siècle et pendant
de l’Union européenne en Azerbaïdjan,
l’administration britannique (1824-
qui s’est tenu en juin 2019 à Bakou, une
1942, 1945-1948). Un système édu-
enquête mesurant la satisfaction des
catif centralisé a été adopté lorsque la
entreprises européennes par le climat
Birmanie est devenue un État indépen-
des affaires en Azerbaïdjan a placé la
dant en 1948. Le coup d’État militaire de
qualité de l’éducation parmi les cinq
1964, puis la dictature à parti unique, de
domaines qui empêchent leur déve-
1974 à 1988, ont limité l’enseignement
loppement dans le pays. Selon cette
privé et fait de l’enseignement public un
enquête, la qualité du système éducatif,
outil de propagation de la dictature et
notamment l’enseignement technique
de « birmanisation ». Ce terme désigne
professionnel et l’enseignement supé-
l’imposition tactique de l’identité, de
rieur, devrait être renforcée pour une
la langue, de l’histoire et de la culture
meilleure adéquation avec les besoins
birmanes, mais également de la religion
d’un monde économique en constant
dominante, le bouddhisme, aux minori-
changement. Ceci invite à poursuivre
tés ethniques et religieuses, notamment
les réformes du secteur dans les années
par le biais de la scolarisation (South et
qui viennent.
Lisa Bydanova,
CIEP/France Éducation international *. Article traduit par Sylvaine Herold.

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Lall, 2016). En retour, les minorités eth- daire inférieur et 23/1 dans le secon-
niques ont développé des systèmes sco- daire supérieur en 2016-2017.
laires dans leurs zones de contrôle, pour Depuis 2011, l’enseignement privé
résister au processus de birmanisation, est autorisé, qui comptait 110 101 élèves
conserver et régénérer leur identité, en 2016-2017 (CSO, 2017). En 2012, le
leur histoire, leur culture et leur langue gouvernement a conduit un examen
(ibid.). global du secteur éducatif, à partir
Environ 14,91 millions d’enfants duquel il a promulgué la loi sur l’édu-
âgés de 5 à 19 ans étaient scolarisés cation nationale en 2014 (National
en 2014 (CSO, 2017) et 8,9 millions Education Law, NEL), voté un amen-
étaient inscrits dans l’éducation de dement en 2015 et lancé le Plan stra-
base au cours de l’année scolaire 2016- tégique national pour l’éducation
2017 (CSO, 2017). 225 178 étudiants à (National Education Strategic Plan,
temps plein et 411 164 étudiants à dis- NESP), en 2016. La loi sur l’éduca-
tance étaient inscrits dans l’enseigne- tion nationale, qui prévoit de porter
ment supérieur en 2015 (NESP, 2016). les dépenses éducatives à 20 % des
270 909 élèves fréquentaient les écoles dépenses totales du budget, a défini
monastiques bouddhistes en 2016- neuf objectifs éducatifs en mettant l’ac-
2017 (CSO, 2017) et Jollife (2014) a cent sur le développement intégral des
estimé que plus de 227 969 enfants enfants, les droits de l’Homme, l’esprit
seraient scolarisés dans des écoles eth- d’union et la préservation de la culture,
niques et des camps de réfugiés. La le développement économique et la
32 junte militaire au pouvoir de 1988 à qualité de vie. Cependant, la portée du
2011 a développé la scolarisation dans droit à l’éducation se limite aux citoyens
les zones frontalières à partir de 1999 ; birmans et demeure controversé, s’agis-
quelque 6 719 enfants y fréquentaient sant des millions de descendants de
des établissements de formation en Chinois, d’Indiens et d’autres nationa-
2017-2018 (MOBA, 2019). lités n’ayant pas encore obtenu la pleine
citoyenneté en Birmanie.
Des changements importants
depuis 2011 Les transformations de l’éducation
Des changements éducatifs impor- formelle de base
tants ont été mis en œuvre après la L’éducation formelle comprend la
transition démocratique de 2011. La maternelle, l’éducation de base, l’ensei-
Birmanie affiche la volonté de deve- gnement technique et professionnel et
nir un pays à revenu intermédiaire l’enseignement supérieur. Le Plan stra-
d’ici 2030 et l’éducation est considérée tégique national prévoit deux phases et
comme le fondement du développe- neuf changements transformationnels.
ment économique, de l’établissement La première phase (NESP, 2016-2021)
d’une paix durable et de la transforma- consiste à mettre en œuvre les réformes
tion sociale du pays. fondamentales nécessaires pour
Ont ainsi été construits 1 838 écoles atteindre l’objectif d’« amélioration de
primaires, 390 collèges et 629 lycées l’enseignement et de l’apprentissage,
entre 2012 et 2017. Les ratios élèves/ de l’enseignement et de la formation
enseignant sont demeurés stables : 23/1 professionnels, de la recherche et de
dans le primaire, 29/1 dans le secon- l’innovation conduisant à des progrès

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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mesurables des résultats des élèves dans Un nouveau curriculum


l’ensemble des écoles et des établisse- La nouvelle structure scolaire et le
ments d’enseignement ». curriculum révisé ont été introduits au
La loi sur l’éducation considère le cours de l’année scolaire 2016-2017. Le
niveau maternel, où les enfants sont nouveau curriculum fait du birman,
admis à l’âge de 5 ans, comme le fonde- de l’anglais et des mathématiques des
ment de l’éducation de base. Le Plan stra- matières obligatoires et introduit l’édu-
tégique national prévoit d’augmenter le cation morale et civique, l’étude sociale,
taux d’inscription en maternelle, de créer la préparation à la vie active, l’éduca-
de nouvelles classes, d’intégrer davantage tion physique et les arts. Le ministère
les parents dans les activités de l’école de l’Éducation propose actuellement
et de mettre en place un programme aux enseignants une formation courte
national de formation des enseignants de et itinérante à ces programmes. Au
maternelle. Il soutient et subventionne premier cycle du secondaire, les élèves
également les classes de maternelle gérées étudient l’histoire, la géographie et les
par d’autres ministères et organisations sciences en plus des matières obliga-
de la société. Il vise en outre à élaborer toires. Au deuxième cycle du secon-
des normes minimales pour l’éducation daire, les élèves peuvent choisir trois
maternelle et à collecter des données de matières parmi l’histoire, la géographie,
référence de recensement et de cartogra- l’économie, la biologie, la physique, la
phie préscolaires. Cependant, la qualité chimie et une option birman addition-
et l’inclusivité de l’éducation maternelle nelle, en plus des matières obligatoires.
demeurent un défi, car la formation des Si la scolarité intègre les compétences 33
enseignants de la petite enfance et l’édu- pour la vie, les arts et l’éducation phy-
cation inclusive ne sont pas bien mises sique, ces matières ne sont pas prises en
en œuvre. Exclusivement théorique, la compte et les élèves ne leur accordent
formation continue des enseignants de que peu d’importance.
maternelle est en outre inefficace.
La structure scolaire comprend Le poids de la « birmanisation »
désormais douze années de scolarité sur les minorités ethniques
après la maternelle – cinq années de Par ailleurs, les minorités ethniques
primaire, quatre années de secondaire considèrent que l’expansion de la sco-
inférieur et trois années de secondaire larisation renforce la birmanisation
supérieur. Afin d’augmenter le taux de l’éducation, en l’absence de recon-
de scolarisation et de réduire le taux naissance de la diversité et de contenus
d’abandon scolaire, le gouvernement a contextuels (South et Lall, 2016). S’il est
supprimé les frais de scolarité jusqu’au permis d’apprendre les langues minori-
secondaire en 2015-2016 et il fournit taires en tant que matières à l’école pri-
également gratuitement les manuels maire et de les utiliser en complément
et uniformes aux élèves. Il a supprimé de la langue d’enseignement birmane,
les frais d’inscription, ceux liés aux il n’est pas permis d’utiliser des langues
fournitures scolaires et aux associa- minoritaires comme seule langue d’en-
tions parents-enseignants, accorde des seignement et de développement du
bourses aux élèves défavorisés et sub- curriculum. Bien que la loi sur l’éduca-
ventionne les établissements scolaires tion s’attache à promouvoir et à préser-
pour les travaux d’entretien. ver les différentes cultures, arts, langues

N° 80 - Avril 2019
et littératures de la Birmanie, les conte- mission dans l’enseignement supérieur.
nus et les concepts des nouveaux pro- Le DME prévoit de modifier le format
grammes continuent d’être dominés par des questions lors de l’examen de fin
le contexte birman et le bouddhisme. d’études secondaires 2019. Il restera à
Par exemple, parmi les six dirigeants déterminer si les modifications appor-
historiques présentés dans les nou- tées au format des questions, et non au
veaux manuels d’étude sociale comme système d’examen en tant que tel, per-
« personnalités historiques dont je suis mettent de mesurer les résultats atten-
fier » figurent quatre rois birmans, un dus dans le nouveau curriculum – les
héros birman et une reine de l’ethnie compétences pour le XXIe siècle.
Môn. Bien que la loi sur l’éducation
affirme que « les établissements scolaires La formation et le développement
doivent être exempts de toute ingérence professionnel des enseignants
religieuse ou politique », les dogmes
du bouddhisme sont fréquemment La formation des enseignants est
intégrés au curriculum. Alors que la dispensée par 25 instituts pédagogiques
constitution nationale proclame la (education colleges), deux facultés
République de l’Union de Birmanie, le d’éducation et une université en faveur
programme présente à maintes reprises du développement des ethnies natio-
le pays – l’Union de Birmanie – comme nales de l’Union. Les instituts pédago-
la succession de royaumes birmans, le giques proposent une formation d’un
bouddhisme comme la religion du pays an aux enseignants du primaire et de
et l’ethnie birmane comme son groupe deux ans aux enseignants du secondaire
34 inférieur. Depuis 2014, la formation des
ethnique idéal, en contradiction appa-
rente avec les principes de la démocratie enseignants du secondaire supérieur,
et de la république. jusqu’alors de quatre ans, est passée à
cinq ans dans les trois universités. Le
L’évaluation de l’amélioration gouvernement verse une allocation
des résultats scolaires mensuelle de 30 000 kyats1 par sta-
giaire et propose un cours d’enrichis-
Le Plan stratégique national entend sement en anglais pour les formateurs
atteindre des progrès scolaires mesu- d’enseignants, avec l’aide du British
rables à l’horizon 2020-2021 et consi- Council. Le gouvernement a recruté un
dère les évaluations comme le moyen plus grand nombre de tuteurs pédago-
« pour obliger les établissements et giques et les 25 instituts (dont quatre
les enseignants à rendre compte de ont été ouverts après 2014) devien-
leurs performances et pour élaborer dront des instituts de formation péda-
et affiner les politiques publiques ». gogique diplômants en quatre ans, en
Le département des examens du décembre 2019. Le Plan stratégique
Myanmar (Department of Myanmar national prévoit de mettre en œuvre des
Examination, DME) est chargé de la programmes de formation en matière
réforme des évaluations et des examens. de langues minoritaires et d’enseigne-
Les examens publics en fin de 5e et de ment inclusif pour les enseignants et
9e années ont été réintroduits en 2015. de renforcer leur développement pro-
Les résultats à l’examen de fin d’études fessionnel continu. Le nombre d’en-
secondaires, en fin de 11e année, consti-
tuent toujours le principal critère d’ad- 1. Environ 18 €. (NdlR)

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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seignants a augmenté entre 2012-2013 En second lieu, bien que le gouver-


et 2016-2017 pour atteindre 41 614 nement ait, dans une certaine mesure,
enseignants de primaire, 31 554 ensei- augmenté le salaire des enseignants
gnants de secondaire inférieur et 12 278 (170 000 kyats en moyenne2), celui-ci
enseignants de secondaire supérieur. Le demeure encore insuffisant pour faire
gouvernement décide également désor- face aux frais de subsistance mensuels.
mais de la nomination d’un nombre Enfin, le processus de recrutement, de
prévisionnel de personnel non ensei- formation et d’emploi des enseignants
gnant pour chaque niveau scolaire (par devrait davantage prendre en compte
exemple, agents d’entretien, employés les besoins régionaux et l’équité sociale.
de bureau, agents de sécurité). Les minorités ethniques et les groupes
socialement défavorisés, disposant de
La difficulté de recruter moins de capital que les Birmans et la
et d’employer des enseignants population urbaine, ne sont pas recru-
en nombre et qualité suffisants tés de manière représentative. De ce fait,
les enseignants birmans ou issus des
Néanmoins, le processus de for-
zones urbaines peuvent rencontrer des
mation, de recrutement, d’emploi et
difficultés dans les régions des minori-
de promotion des enseignants pose
tés ethniques et les zones rurales éloi-
encore de nombreux problèmes.
gnées. De tels facteurs peuvent aggraver
En premier lieu, la formation, l’em- le taux d’épuisement professionnel des
ploi et la promotion des enseignants ne enseignants comme les inégalités édu-
sont pas bien planifiés. L’augmentation catives et de plus intensifier les conflits
rapide du nombre d’établissements 35
sociopolitiques existants, les minorités
scolaires exige un plus grand nombre ethniques percevant l’absence d’équité
d’enseignants que les établissements de et de représentativité dans les services
formation des enseignants ne peuvent publics (cf. South et Lall, 2016).
en produire. Ainsi, de nombreux ensei-
gnants du secondaire inférieur sont Mieux articuler éducation formelle
promus enseignants au niveau du et non formelle
secondaire supérieur après avoir reçu
Le développement et l’améliora-
une formation courte et des enseignants
tion de l’éducation non formelle et
du primaire deviennent enseignants
l’articulation entre éducation formelle
du secondaire inférieur. Le besoin en
et non formelle figurent également
enseignants dans les écoles primaires
parmi les principaux objectifs de la loi
est alors comblé par des étudiants
sur l’éducation et du Plan stratégique
diplômés d’autres universités, recrutés
national. Celui-ci se fixe pour objectif
d’abord comme enseignants « jour-
d’atteindre environ 2,7 millions d’en-
naliers » puis enseignants titulaires
fants (âgés de 5 à 16 ans) n’ayant jamais
après une année d’expérience de
été inscrits dans des établissements sco-
l’enseignement et une formation courte.
laires publics et 3,5 millions d’analpha-
De même, de nombreux enseignants
bètes parmi les jeunes (âgés de plus de
promus directeurs d’établissement
15 ans) grâce à la promotion de l’édu-
du fait de l’augmentation du nombre
cation primaire et de l’enseignement
d’établissements scolaires n’ont pas
reçu de formation adéquate en matière
de direction et de gestion éducative. 2. Autour de 100 €. (NdlR)

N° 80 - Avril 2019
secondaire inférieur non formels et à de favoriser la collaboration entre les
des campagnes d’alphabétisation. Le différents prestataires, d’améliorer
Plan stratégique national envisage donc la qualité de la formation, de mettre
de mettre en place un système national en place des normes nationales et
en faveur de l’éducation alternative. Il de cibler les personnes issues des
prévoit également la mise en place d’un groupes défavorisés. Il existe environ
système de certification pour les élèves 372 centres d’EFTP gérés par diffé-
issus du secteur non formel ainsi que la rents ministères et prestataires privés.
création de passerelles vers des appren- Le département de l’EFTP gère 7 ins-
tissages futurs, dans l’enseignement tituts de formation professionnelle,
technique et professionnel ou d’autres 36 lycées technologiques, 3 écoles
formations professionnelles. techniques supérieures et 22 instituts
Une autre piste d’amélioration technologiques (TVET, n.d.). Trois ins-
significative consisterait à autoriser tituts de formation professionnelle ont
des fondations éducatives issues de la été ouverts ou fonctionnent grâce à la
société civile (par exemple la Thabyay coopération de Singapour, du Japon
Education Foundation), opérant en ou de l’Allemagne. Les stagiaires de
dehors du pays, à dispenser des for- l’EFTP reçoivent 30 000 kyats par mois
mations pédagogiques et profession- et le gouvernement fournit le maté-
nelles aux groupes défavorisés du pays. riel pédagogique nécessaire aux cours
Mais la loi sur l’éducation a restreint depuis 2015. Le gouvernement recrute
le champ de l’éducation non formelle également davantage de tuteurs/for-
aux enseignements extrascolaires se mateurs pour l’EFTP et développe les
36
basant sur le curriculum national. diplômes et les formations courtes.
Les écoles ethniques ne suivant vrai-
semblablement pas intégralement le La réforme de l’enseignement
curriculum national, la création de supérieur
passerelles permettant de rapprocher
Les principaux objectifs de la
ces établissements des établissements
réforme de l’enseignement supérieur
publics et de l’enseignement supérieur
concernent l’autonomie, la qualité, le
semble essentielle pour la consolida-
système d’admission et la recherche.
tion durable de la paix et l’avenir du
Les universités peuvent signer des
pays en tant qu’union fédérale (South
protocoles d’accord avec des univer-
et Lall, 2016).
sités étrangères et gérer leurs budgets.
Le département de l’enseignement
Le développement supérieur envisage d’adopter un clas-
de l’enseignement technique sement des universités, basé sur les
et professionnel publications. Un maître de conférences
Le développement de l’ensei- doit disposer de publications ou d’un
gnement et de la formation tech- diplôme de doctorat. Néanmoins, étant
niques et professionnels (EFTP) est donné la profusion actuelle de revues
considéré comme un élément essen- factices et de recherches de faible qua-
tiel pour la production de travail- lité, le comité de l’enseignement supé-
leurs qualifiés et le développement rieur formé par le Plan stratégique
économique du pays. Les plans en national devra sans doute préciser la
faveur de l’EFTP prévoient notamment réglementation.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Depuis 2018, onze universités ont tif national fixé. Si le programme de


adopté leurs propres systèmes d’admis- l’éducation de base a bien été révisé
sion. Les résultats obtenus à l’examen et l’organisation scolaire commence à
de fin d’études secondaires demeurent évoluer, le curriculum favorise toujours
un critère crucial d’accès à l’ensei- la birmanisation de l’enseignement et
gnement supérieur, bien que ces uni- le nombre total d’heures de scolarité
versités affirment prendre en compte demeure inchangé – 5h30 par jour en
également les entretiens dans leur sys- moyenne, de juin à mars. En outre, sur
tème d’admission. les 5 139 305 élèves du primaire de l’an-
née scolaire 2016-2017, seuls 840 918
Éducation et territoires (16,36 %) achèveront probablement
Depuis 2012, les bureaux de l’édu- l’enseignement secondaire. En dépit
cation au niveau des municipalités des millions dépensés et des efforts
et des districts peuvent gérer à la fois considérables consentis, le Plan straté-
les budgets de fonctionnement et gique national ne parvient à proposer
les budgets d’investissement. Depuis des parcours éducatifs qu’à un quart
2013-2014, les établissements peuvent de la population actuelle des élèves du
décider de quelle manière utiliser les primaire et, au mieux, à terme, à 30 %
subventions et les États et les régions d’entre eux.
peuvent recruter des enseignants de Aussi, afin que l’éducation puisse
primaire « journaliers » et agir sur être une force centrale pour la réalisa-
le déploiement des enseignants. Les tion de l’objectif national 2030 de paix
durable et de transformation sociale
objectifs du Plan stratégique national 37
sont de renforcer la gestion structurelle du pays, de plus amples efforts devront
du système, d’améliorer la collabora- être consentis afin de proposer des par-
tion entre les différents prestataires cours scolaires pour la majorité d’en-
d’enseignement, de renforcer les capa- fants non scolarisés, en allant au-delà
cités du personnel enseignant et de du Plan stratégique national.
développer un système de gestion basé Kam Tung Tuang Suante,
sur l’information et la technologie. Université de Hong-Kong
L’ensemble des bureaux de l’éducation,
au niveau des États et des régions, ont
lancé leurs sites web et leurs pages sur
les réseaux sociaux, tels que Facebook, Références bibliographiques
afin d’améliorer la communication et CSO (2017) : 2017 Myanmar Statistical
la diffusion des politiques publiques, et Yearbook, Nay Pyi Taw : Ministry of
de rendre les projets de loi accessibles Planning and Finance.
au public.
JOLLIFFE K. (2014) : Ethnic conflict and
social services in Myanmar’s contested
Défis d’avenir regions, The Asia Foundation.
Depuis 2011, la Birmanie a introduit MOBA (2019) : The number of students at
des changements positifs d’importance youth training schools in 2017-2018 AY, jan-
évoqués dans cet article. Néanmoins, vier 2019, [en ligne] [https://bit.ly/2ScGlfc]
de nombreux défis cruciaux demeurent NESP (2016) : National Education Strategic
pour parvenir à une consolidation Plan 2016-2021, Nay Pyi Taw : Ministry of
durable de la paix et atteindre l’objec- Education.

N° 80 - Avril 2019
SOUTH A. et LALL M. (2016) : Schooling and

N
conflict: Ethnic education and mother tongue-
based teaching in Myanmar, USAID/ The
Asia Foundation.
TVET (n.d.) : Training schools: Technical
and Vocational Education and Training. [en
notes de lecture
ligne] [http://www.tvetmyanmar.gov.mm/
en/training-schools]

S’engager pour accompagner.


Valeurs des métiers de la formation
Mireille Cifali, PUF, 2018, 370 p.
L’auteur, professeur honoraire à
l’université de Genève, nous informe dès
les premières pages que l’ouvrage ne va
pas sans deux autres à paraître : Préserver
un lien. Éthique des métiers de la relation
et S’éprouver en présence. Responsabilité
de l’enseignement. L’importance de l’in-
dication donnée peut être saisie à double
titre, pour comprendre la genèse et l’in-
tention de la ligne éditoriale générale.
38 Ces trois ouvrages sont écrits simulta-
nément selon le même modus operandi :
[ne] pas opt[er] pour une succession
de textes selon une chronologie, mais
tiss[er] des liens et trouver des assem-
blages. Procéder par associations, faire
bouger un texte par la proximité d’un
autre.
Les textes ? Articles, chapitres
publiés, textes de conférences laissés
en l’état, s’échelonnant de 1999 à 2017.
Plus qu’une simple juxtaposition
d’écrits jalonnant une carrière univer-
sitaire, il s’agit de donner à lire trois
ouvrages saisis en un seul texte, d’un
même souffle. Ce premier opus atteint
parfaitement l’objectif, sa lecture se
faisant d’un trait. Connaître les mots
composant les intitulés des ouvrages à
venir permet de comprendre dans quel
champ disciplinaire se situe l’auteur :
les sciences de l’éducation selon une
approche clinique. Chaque ouvrage
porte sur une clinique particulière,

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

celle des métiers de la formation, de la de leur curiosité car « agir exige une
relation, et de l’enseignement. pensée propre » mobilisant une singu-
Concernant le présent ouvrage, être lière construction. À l’instar de Michel
clinicien dans le champ des métiers de Certeau affirmant que penser, c’est
de la formation relève d’une attitude, déplacer les questions, Mireille Cifali
d’une démarche. Fondamentalement, avance l’hypothèse selon laquelle « la
c’est savoir être là avec l’autre, être question ne concernerait donc pas les
concerné par ce qui arrive : concepts mais leur usage » : partir des
situations vécues, les nommer, les com-
Les indices de cette présence sont la
plupart du temps non verbaux : du prendre tout en se laissant convoquer
regard aux postures du corps. par la difficulté, sa sensibilité, sa sub-
jectivité.
Cependant, insiste Mireille Cifali,
Le dispositif de l’analyse des pra-
« être là » ne renvoie pas à une posi-
tiques se déploie dans une « éthique
tion passive, neutre, nous sommes
de la parole » dont la construction
pleinement impliqués dans la situa-
d’une compréhension autorise à
tion. Plus encore, la difficulté de l’autre
penser les zones d’ombres et permet
nous confronterait « tout autant à
de « provoquer une reconnaissance de
l’impuissance de notre pensée qu’à
ce qui, en chacun, est convoqué dans
l’intérêt de comprendre et d’agir ». Une
les problèmes de l’autre » : ne jamais
double signification définirait le terme
sombrer dans le pathos et mettre sa
« accompagnement », celle de l’impos-
subjectivité au travail.
sibilité d’agir à la place de l’autre et celle
de nous empêcher d’exercer sur lui une « Un engagement formatif », titre 39
emprise. Tels sont les éléments les plus de la troisième partie, traite des débuts
saillants de cette première partie, l’ac- du métier d’enseignant et de certaines
compagnement est une modalité d’en- qualifications requises pour son exer-
gagement exigeant la nécessité d’un cice. Deux principaux messages sont
« sujet éthique ». délivrés. Commencer à enseigner s’ac-
La deuxième partie de l’ouvrage, compagne de maladresses, d’hésita-
« Un engagement universitaire », se tions. Faut-il pour autant rejeter cet
compose de trois chapitres intitulés inconfort qui nuit au maintien de notre
« Penser entre théories et pratiques », face sociale ? Mireille Cifali nous sug-
« Construire un dispositif d’enseigne- gère de faire corps avec cette déstabilisa-
ment » et « Analyser ses pratiques ». tion qui fait « événement », c’est-à-dire
L’accent est mis sur la nécessaire arti- « ce qui dérange l’ordonnancement, les
culation entre narration et écriture. prévisions, les anticipations », obligeant
L’auteur fait le choix de travailler l’ar- le sujet à en tenir compte, l’invitant à
ticulation théorie-pratique du côté des créer à partir de ce qui a pu le boule-
praticiens, soulignant que : verser. Par ailleurs, tout enseignant ou
professionnel plus aguerri peut être
ce qui dégage l’action de ses impasses
menacé par une chronicisation de ses
et de ses répétitions peut se tenir avec
les mots de tous les jours.
activités dans ses gestes, ses mots. Cette
répétition s’installant progressive-
Au lieu d’enseigner les concepts, il ment, et c’est le sens du deuxième mes-
s’agirait d’inciter les étudiants, les pro- sage, doit être surveillée par la culture
fessionnels, à les chercher par l’éveil d’« une attitude des commencements »,

N° 80 - Avril 2019
celle-là même des premières fois qui De la parole à la voix, celle de l’au-
ont fait trace en nous. Les comporte- teur exprime une force dans et grâce
ments décrits de « naïveté critique », à la fragilité. Cette dernière appa-
« d’étonnement initiateur » permettent raît comme nécessaire pour demeu-
à l’auteur d’affirmer : rer dans le vivant. À l’heure d’une
[O]n ne peut être formateur que si logique productiviste galopante, d’un
l’on reste créateur. Être formateur, c’est paradigme dominant basé sur le seul
construire avec autrui des dispositifs quantitatif et sur le contrôle de soi, la
qui permettent ensuite aux étudiants fragilité semble avoir peu de place au
de construire leur propre savoir. travail comme en formation. Il s’agit
La quatrième et dernière partie, « Au pourtant de reconnaître, là aussi,
présent de mon engagement », donne à l’énigme d’une voix qui fait présence à
lire un contenu risqué, rare et donc pro- l’autre lui permettant son propre tra-
bablement précieux. L’auteur nous parle vail de compréhension dans le respect
de son engagement dans la formation, de sa singularité. Reconnaître cette vul-
mais cette fois en s’exposant personnel- nérabilité ontologique permettrait à
lement à partir de son histoire propre, chacun de s’identifier comme membre
de l’expérience de son corps, de ses de la même humanité : « Le sensible,
doutes, son angoisse, sa maladresse. Or l’émotion transmise, comme socles ».
comprendre ce qui se joue aujourd’hui Une certaine mélodie se dégage de
à la lumière du passé constitue, nous l’écriture de l’ouvrage qui est la voix
dit-elle, un acte de création : même de Mireille Cifali, immédia-
40 Remonter dans l’histoire d’une tement reconnaissable par ceux qui
enfance, l’histoire d’un corps d’enfant, l’ont déjà entendue : son timbre, ses
c’est reconstruire évidemment pour intonations, son rythme et ses silences
partie la scène, accentuer certains qui nous laissent advenir. Il est fort
sentiments, en oublier d’autres. probable que nous soyons nombreux
Toutefois, des mises en lien sont à souhaiter écouter une nouvelle fois
établies entre le vécu dans l’enfance de cette voix, avec le même intérêt, à l’oc-
« symptômes corporels bruyants » et casion de la parution prochaine de ses
ce même corps par lequel elle a ensei- deux autres ouvrages.
gné, c’est « avec un corps caché que j’ai Long Pham Quang,
parlé » (p. 280). Hantée par le doute, Conservatoire national
Mireille Cifali nous parle de la parole, des arts et métiers
la sienne. Au regard de son histoire, sa
parole ne peut se tenir :
Du lieu d’un savoir assuré, mais qu’elle Comment l’école reste inégalitaire.
soit constamment en train de nuancer, Comprendre pour mieux réformer
de se reprendre, de bredouiller, de se Hugues Draelants, Presses universitaires
laisser traverser par ce qui est difficile de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2018,
à nommer, dans le vacillement de ce 186 p.
qui est dit, dans la retenue nécessaire
pour ne pas faire croire à des vérités
Chercheur au GIRSEF (Groupe
intangibles, pour se confronter à ce interfacultaire de recherche sur la socia-
qui n’arrive pas à se comprendre, en lisation, l’éducation et la formation)
prendre la mesure et rester humble de l’Université catholique de Louvain,
dans son rapport au savoir. H. Draelants tente de comprendre,

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

dans une première partie de l’ouvrage, héritage familial, d’un capital culturel
pourquoi l’école reste inégalitaire, dans scolairement valorisé. Or, dit l’auteur,
un contexte où la démocratisation la rentabilité de la culture générale
l’a rendue accessible à tous et où les classique est en déclin au profit de nou-
pouvoirs politiques, notamment sous velles hiérarchies disciplinaires. À une
la pression des évaluations interna- transmission culturelle « osmotique »
tionales, affirment vouloir réduire les et passive fait place une transmission
inégalités. À partir d’un bilan de quinze culturelle active et indirecte de la part
années de recherche, l’auteur va déve- des familles ; celles-ci assurent un suivi
lopper deux hypothèses explicatives scolaire étroit, recourent au besoin à
qui structurent l’ouvrage : « si les iné- des cours particuliers, et développent,
galités perdurent c’est d’abord qu’elles dès le début de la scolarité, des straté-
se transforment continuellement » ; « la gies pour amener leurs enfants dans
reproduction des inégalités tient aussi à les filières élitistes. Ces élèves ne sont
ce qu’on peine à réformer l’école ». plus nécessairement des héritiers, mais
La question des inégalités scolaires des initiés. Ainsi, ils sont nombreux
est classique en sociologie. Le lecteur chez les enfants d’enseignants, dont les
est donc en droit de se demander s’il parents maîtrisent l’information sur les
va trouver une énième synthèse des conséquences du choix d’un établisse-
travaux connus sur le sujet. Si c’est ment scolaire et ont les moyens écono-
bien le cas pour le premier chapitre, miques nécessaires pour envoyer leurs
c’est que l’auteur en avait besoin pour enfants dans les établissements élitistes
des centres villes. Les initiés se trouvent
se distancier des positions sociolo- 41
giques classiques et démontrer que les aussi dans les familles diplômées de
mécanismes producteurs des inégalités l’enseignement supérieur, chez les
scolaires avaient évolué dans un triple indépendants aisés ou les cadres d’en-
sens : (a) une recomposition horizon- treprise, car ils allient la maîtrise de
tale des inégalités, qui implique de l’information et le capital économique.
reconsidérer la distinction entre iné- Hugues Draelants reprend à Brown
galités de réussite et inégalités d’orien- (1990) le concept de « parentocratie »
tation ; (b) un renforcement du rôle pour désigner ces initiés.
de l’établissement avec une intrica- Dans le chapitre 4, l’auteur com-
tion plus étroite qu’auparavant entre mence par définir le concept de mérite
les facteurs familiaux et scolaires ; (c) comme un ensemble de qualités intel-
une transformation du rôle du capi- lectuelles (intelligence) et morales
tal culturel dans la reproduction, dont (ardeur au travail, sens de l’effort)
non seulement le contenu évolue, mais socialement valorisées et attribuées à
aussi le mode de transmission, qui l’individu. Tout au long de leur sco-
devient plus actif et indirect. larité, ces élèves initiés seront géné-
Les deux chapitres suivants ralement caractérisés comme faisant
illustrent une transformation fonda- preuve de mérite ; et ils auront donc
mentale, selon H. Draelants : on passe accès ultérieurement aux positions de
de l’image bourdieusienne de l’héritier pouvoir, après avoir été scolarisés dans
à celle de l’initié. L’héritier était l’étu- les établissements élitistes qui ouvrent
diant privilégié dont les succès sco- les portes. Faut-il ou non promouvoir
laires étaient dus à la transmission, par la méritocratie, c’est-à-dire une société

N° 80 - Avril 2019
dans laquelle l’accès aux positions de au début du secondaire, afin de réguler
pouvoir est censé avant tout dépendre la composition sociale des établisse-
du mérite ? La question mérite ments (chapitres 7 et 8). Notons que
réflexion, car suite aux transforma- ces réformes ont été largement soute-
tions des mécanismes de production nues par les chercheurs en éducation,
des inégalités scolaires, la méritocratie sur la base d’arguments à la fois scienti-
semble correspondre actuellement à la fiques et idéologiques.
parentocratie. Aussi faut-il, selon l’au- L’auteur commence par battre sa
teur, conduire une politique qui initie coulpe de chercheur et celle de ses col-
les « non-héritiers », si l’on veut réduire lègues, en dénonçant leurs habitudes
les inégalités scolaires. de pensée : leurs travers intellectualistes
Pourquoi l’égalité des chances les amènent à penser qu’il suffit de
méritocratiques n’est-elle pas obtenue, mettre en place des politiques d’édu-
malgré les intentions affichées par les cation en cohérence avec les résultats
réformes successives ? Telle est la ques- de leurs recherches ; et leurs travers
tion de la seconde partie de l’ouvrage. conflictualistes ne leur permettent
L’auteur tient d’abord à distinguer pas de comprendre les résistances des
changement et réforme. La réforme, dit- acteurs sociaux (enseignants, chefs
il, est un projet de changement de type d’établissement, familles), qu’ils assi-
radical, enclenché et donc voulu par les milent à la seule poursuite par ces der-
autorités éducatives en vue de modi- niers de leurs intérêts. Cette prise de
fier le système scolaire et, en principe, conscience l’amène à revisiter la litté-
42 d’en améliorer le fonctionnement. Les rature scientifique sur le redoublement
réformes échouent souvent, mais cela et à constater que les effets du redou-
ne veut pas dire que l’école ne change blement sont très différents selon les
pas : la première partie de l’ouvrage a modalités réelles de fonctionnement
montré que les inégalités ne changent du système éducatif.
pas, mais que de nouvelles modalités Les entretiens avec les enseignants
de reproduction se développent. Dubet et les chefs d’établissement mettent en
et Merle (2016) expliquent cet échec évidence qu’ils ne sont pas opposés au
par deux composantes. La première principe du non-redoublement, mais
tient au fait que les acteurs sociaux ont que le cadre de fonctionnement qui
toujours une marge de manœuvre à est le leur les conduit à des difficultés
l’intérieur de contraintes collectives ; insurmontables pour eux : gérer l’hé-
la seconde estime que les autorités térogénéité de plus en plus grande des
politiques conçoivent leurs réformes élèves au fil du temps ; motiver tous
sur la base d’un diagnostic incomplet les élèves et pas seulement quelques-
et de modèles théoriques implicites. uns ; mettre en place des dispositifs
H. Draelants va tenter d’approfondir efficaces de différenciation dans le
et de compléter cette double explica- contexte de la classe ; ne pas abaisser le
tion en prenant appui, cette fois, sur niveau d’attentes sous peine de se voir
des travaux qu’il a menés en Belgique mis sous pression par les familles et
sur deux tentatives de réformes, l’une les politiques de reddition de comptes.
visant à supprimer le redoublement L’auteur en conclut qu’il ne suffit pas
(chapitre 6), l’autre cherchant à impo- d’un changement culturel des acteurs
ser un système d’inscription des élèves chargés de mettre en place la réforme,

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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mais que ce changement culturel n’est tions en termes de réputation dans leur
possible que s’il s’accompagne d’un réseau social, en s’arrangeant pour que
changement structurel, ce qui amène leurs enfants et ceux du même réseau
à s’interroger sur bien des aspects du social se retrouvent dans un même
fonctionnement, tels que la logique établissement et permettent un entre-
méritocratique, l’évaluation certifi- soi, et enfin en en palliant les éventuels
cative, la concurrence entre établisse- inconvénients liés à l’hétérogénéité par
ments et la logique du quasi-marché, et le recours à l’école de l’ombre. Malgré
bien d’autres. les tentatives du législateur pour
Il faut donc passer de la politique déjouer les stratégies des initiés, les iné-
des bonnes intentions, prégnante galités scolaires persistent.
dans le monde éducatif, à une poli- L’échec d’une réforme est-elle
tique qui prenne en compte l’expertise finalement une fatalité ? Pas nécessai-
non profane des acteurs de terrain et rement, dit Draelants. Les autorités
comprendre les fonctions latentes qui éducatives ont souvent de bonnes rai-
structurent les pratiques et le fonc- sons de proposer une réforme et les
tionnement réel d’un établissement acteurs sociaux d’aussi bonnes raisons
scolaire, en sachant que tous les éta- de la refuser dans leurs pratiques quoti-
blissements n’ont pas nécessairement le diennes. Il faut donc s’y intéresser pour
même fonctionnement s’ils ne sont pas comprendre le fonctionnement réel du
confrontés aux mêmes difficultés. système éducatif et pouvoir ainsi offrir
Cette position va être confortée des changements structurels progres-
par l’analyse des réformes successives sifs, qui permettront des changements 43
menées en Belgique pour imposer un culturels. Il s’agit donc plutôt de conce-
système bureaucratique d’inscription, voir un processus incrémental et pro-
dont l’intention était de réduire les gressif de changements qui procèdent
inégalités scolaires en réduisant l’ho- par petites touches et résulte d’inte-
mogénéité sociale des établissements ractions entre acteurs et organisations
scolaires. Auparavant, le choix d’une scolaires. S’agit-il encore de réforme,
école secondaire s’opérait grâce à une au sens où l’auteur avait défini ce
relation personnalisée entre l’école et concept ? Peut-être, si le projet radical
la famille, l’une exposant le projet qui de changement est conçu comme un
caractérise l’identité de l’établissement, processus à long terme qui sera pensé
l’autre faisant part des caractéristiques en termes d’articulations et de séquen-
et des besoins de l’enfant ainsi que des çages des politiques éducatives, pour
attentes des parents. Cette relation dis- rendre possible leur mise en œuvre. Le
paraît avec le nouveau système bureau- temps politique étant un temps court,
cratique (une procédure algorithmique peut-on encore parler de réformes
de traitements des données mention- possibles ? Comme nous le montrait
nées dans le formulaire rempli par les le colloque organisée par cette revue
parents). Mais les initiés s’emploient à (Revue internationale d’éducation de
déjouer les effets de la réforme en s’in- Sèvres, n°68), seuls quelques systèmes
formant non seulement sur les critères éducatifs ont réussi à raisonner dans
utilisés dans le traitement, mais aussi un temps long grâce à une grande sta-
sur les caractéristiques des différents bilité politique et de l’administration
établissements et leurs hiérarchisa- éducative.

N° 80 - Avril 2019
Ce sont là des questions fondamen- nition de l’enseignement primaire et
tales que la lecture de ce bel ouvrage, du « secondaire inférieur » (selon la
très bien construit et rédigé clairement, nomenclature internationale, ce qu’on
nous amène à nous poser, quelques appelle en France le collège).
semaines après le colloque organisé par Le livre se focalise encore plus pré-
la revue en juin 2019 sur le thème des cisément sur ce secondaire inférieur,
« conditions de réussite des réformes en avec d’ailleurs un recours contestable
éducation ».1 Une lecture à encourager. dans le titre à deux notions qu’on
Jean-Marie De Ketele, retrouve peu dans le corps du texte,
Université catholique de Louvain celle d’« école moyenne », concept selon
nous daté2, ainsi que celui de « tronc
commun » : entre un tronc commun
Entre tronc commun et filières, qui précède l’explosion en branches à
quelle école moyenne ? son sommet, le tronc commun qui est
Étude comparative accompagné de branches secondaires,
François Baluteau, Vincent Dupriez, de type optionnel, le « core curricu-
Marie Verhoeven, Académia, lum », ou encore le « socle commun »,
L’Harmattan, 2018, 294 p. on aurait apprécié que l’ouvrage ne
pratique pas une indifférenciation qui
« Réformer l’éducation en Europe gêne la réflexion.
du Nord » Réflexion que le livre de Baluteau,
dossier, Revue Nordiques, n° 36,. Dupriez et Verhoeren3 a pourtant le
44 Yohann Aucante et Piero Colla grand mérite de susciter d’une façon à
(coord.), automne 2018, Bibliothèque la fois très documentée et très claire.
de Caen, Association Norden, 138 p. Documentée, puisque nous avons
Deux ouvrages, collectifs l’un et huit études pays ou régions, qui,
l’autre, simultanés dans leur parution, comme ce n’est pas toujours le cas dans
nous ont semblé justifier d’une pré- ce type d’ouvrages à plusieurs mains,
sentation les mettant en rapport. L’un traitent effectivement des mêmes objets
et l’autre en effet se situent dans une en Allemagne, dans le Canton de Vaud,
démarche comparatiste – le livre plus en Angleterre, au Québec, en France,
explicitement que la revue –, et ont en Catalogne, en Suède et en Belgique
en commun de proposer une compa- francophone, en présentant chaque fois
raison ou des accès à la comparaison une étude faisant le tour de la question.
fondés sur les histoires en chair et en Nous aurons toutefois une réserve sur
idées des systèmes et des cultures, ce l’étude française qui est intéressante,
qui distingue ce travail des comparai- mais qui passe à côté de l’importante
sons à fondement d’enquêtes quantita- innovation curriculaire à visée d’école
tives, dont l’intérêt est différent. pour tous que fut le socle commun de
Ces deux ouvrages ont en commun connaissances, compétences et sur-
de s’intéresser à la question de l’« école tout de culture, mot particulièrement
pour tous », et en particulier aux évo- important apparu dans la loi en 2013.
lutions sur la longue période (depuis
2. Voir notre article « École moyenne » in Van
le début du siècle dernier) de la défi- Zanten A. (2008), Dictionnaire de l’éducation.
3. Voir la note de lecture de Jean-Marie De Ketele
1. https://journals.openedition.org/ries/6658 dans ce même volume. (NdlR)

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Claire, en ce que l’ouvrage parvient ou à se préoccuper plus constamment


à un chapitre de conclusions particu- de leur efficacité ou à viser un plus
lièrement stimulant : il rappelle quel grand respect des diversités.
bouleversement fut au XXe siècle le À cet égard, il est intéressant de
développement de l’école « compré- voir le catalogue des diversifications
hensive », s’opposant aux parcours qui viennent tantôt attaquer le modèle
séparés des enfants qui marquèrent de l’école unique : faut-il diversifier les
longtemps le secondaire inférieur formations parce que les besoins de
mais aussi l’école primaire. Surtout, il l’économie sont divers (argument sans
nous rappelle que cette différenciation doute de moins en moins audible, mais
ancienne des cursus des élèves, à mar- présent dans les pays à enseignement
quage social pourtant très fort, était professionnel précoce ou à apprentis-
défendue par une idée très essentialiste sage développé) ? Faut-il les diversifier
des intelligences, d’un ordre des intel- pour les fonder en marché potentiel, en
ligences qu’il convenait de respecter, réponse à une demande ? Faut-il viser
conception qui est aujourd’hui moins une diversification d’adaptation, en
explicitée, et peut-être même moins réponse à des « besoins » spécifiques de
répandue… tout ou partie des élèves ?
Les arguments qui ont présidé On voit bien à quel point l’idéo-
un peu partout au développement logie néo-libérale inspirant le thème
(présent même en Allemagne et en du choix de l’école, de la concurrence
Angleterre, dans des limites étroites) entre établissements, etc., vient com-
de l’idée d’école compréhensive / école battre l’école unique, mais on voit aussi 45
unique sont liés à une conception de que des propositions diverses comme
la justice qui met en avant la cohé- l’adaptation des curricula aux élèves,
sion sociale à développer, mais aussi la par exemple étrangers, avec parfois
promotion sociale à permettre, l’éga- les intentions les plus « inclusives »,
lité devant la culture à promouvoir, peuvent rejoindre les projets néo-libé-
l’instruction du citoyen à réaliser, ou raux. Les systèmes semblent souvent
encore le recrutement élargi des élites à sur la ligne de crête où on ne sait si
favoriser. Toutefois, le beau projet s’est l’ouverture à la diversité des élèves va
vu attaquer de façon assez parallèle donner à des élèves éloignés de l’école
dans les divers pays : l’énergie et l’envie de la rejoindre
- par l’idéal même qui l’a porté : l’école (pédagogies dites du « détour ») ou si
providence ne réglait pas toujours, elle va les éloigner définitivement de
tant s’en faut la question de l’égalité tous leurs camarades.
des chances ; Le livre fait aussi des rapproche-
- par l’action réelle des hommes, s’agis- ments intéressants entre les diverses
sant de la mise en œuvre, où diverses situations quant aux modes de régu-
ruses ont été régulièrement imaginées lation des systèmes par ceux qui les
pour ne pas réaliser l’école compré- gouvernent : par des curricula natio-
hensive promise ; naux prescrits, par des tests standardi-
- d’autres conceptions du bien sés, par l’évaluation des établissements
commun sont surtout apparues : les ou des enseignants et divers modes de
systèmes, sous diverses idéologies, se contrôle. L’Angleterre apparaît comme
mirent à préférer la liberté de choix un cas extrême qui a un curriculum

N° 80 - Avril 2019
prescrit, qui a, via l’Ofsted, un système dinaves, en l’espèce essentiellement
contraignant de contrôle des établis- suédoises et finlandaises. C’est ce que
sements, qui cultive une ségrégation nous propose la revue Nordiques, dans
sociale externe forte entre établisse- une livraison qui nous donne accès à la
ments et qui ne rechigne pas non plus situation de ces pays non pas, comme
à une ségrégation interne, à l’inté- ce fut parfois le cas, pour les présen-
rieur des établissements, entre divers ter comme des modèles mais pour
groupes de niveaux. en évoquer l’histoire, qui, quand elle
Il est au passage intéressant et est authentique, détruit toujours les
presque amusant de voir comment les mythes.
enquêtes de type PISA sont évoquées On plonge alors dans des eaux
à l’occasion des situations des pays, qui supportent mal la comparaison,
non pas comme le thème principal de car elles nous racontent des histoires
l’orchestre, mais comme un accom- spécifiques : cette passion suédoise
pagnement qui se fait entendre par ancienne pour l’autonomie morale des
intervalles et qui vient rappeler cru- élèves, qui en est venue à admettre que
ment à quelques réalités sur l’équité ou l’école se « dérobe à tout critère trans-
l’efficacité, opposées aux discours des cendant d’autorité, fût-il la nation,
politiques. De même que des travaux la République ou l’excellence », où la
apparemment dotés de solidité scienti- liberté de choix de l’élève s’est éten-
fique, par exemple sur les inconvénients due jusqu’à remettre en cause le savoir
du redoublement ou sur la différencia- incarné par l’école, comment s’est-
46 tion qui alimente le recul de la mixité elle combinée avec la volonté, aussi
sociale : les politiques les entendent, présente de « stimuler les élèves pour
parfois, ou non, ou se dépêchent de les qu’ils adhèrent aux valeurs de notre
oublier. Qui s’intéresserait aux poli- société » ? Il a fallu des compromis, ini-
tiques éducatives à l’œuvre dans tant maginables ailleurs.
de pays en tant d’années essentielles Mais histoire suédoise ou histoire
serait tenté surtout de s’étonner que universelle, quand la question rejoint
l’homme politique soit si oublieux et celle évoquée plus haut du rejet de l’ins-
n’apprenne presque jamais rien de ses cription des élèves dans une destinée
échecs et de ceux des autres. La com- scolaire « essentialiste » ? Idée suédoise
paraison internationale en éducation, ou simplement idée forte (d’ailleurs
par des ouvrages comme celui-ci, peut influencée par Dewey), selon laquelle
pourtant contribuer mieux que les les enfants sont d’abord un gisement
études théoriques à faire l’éducation de talents ? Mais alors, dans le choc
des acteurs, puisque c’est dans la réa- néo-libéral auquel la Suède échappa
lité des terrains observés que se lisent, moins que tout autre dès les années
quand il est trop tard, les erreurs à ne 1980, avec le développement très fort
pas commettre. de l’enseignement privé, que sont ces
Précisément, il est salutaire en sor- valeurs devenues ? L’article de Piero
tant de ce bain immergeant des pays Colla, qui inaugure le dossier, nous
en général européens des divers types invite à penser qu’elles survivent forte-
(germanique, anglais, latin, etc.), de se ment à travers une école où « professer
replonger en tant que telles dans les l’éthique suédoise se réduit à célébrer
eaux plus vivifiantes des pays scan- la différence » ! Les bouleversements

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
actualité internationale

dont nous parle le livre que nous 2050, il est dit que « la participation des
lisions auparavant n’apparaissent-ils élèves à la planification et à la réalisation
pas alors comme des vagues, qui ne de l’apprentissage ainsi qu’à l’évaluation
bougent guère que les surfaces ? Qui le des résultats pose les fondements d’une
dira ? L’article de Tomas Wedin intitulé citoyenneté active »…
« La dimension temporelle de l’éga- Cet oxygène finnois est caractéris-
lité : les réformes scolaires en Suède tique de ces airs que la comparaison
(1946-2000) » ne nous cache pas que internationale permet de respirer :
la recherche de la liberté individuelle quand le bilan de l’école compréhen-
de chaque élève n’est pas inconciliable sive du livre relaté plus haut donnait
avec l’idéal d’égalité, mais que le risque plutôt l’idée d’horizons fatigués d’éter-
existe, et doit donc être prévenu, d’une nels retours, la Finlande rêve de 2050.
focalisation peut-être excessive sur les Mais s’il fallait une note euphorisante
préoccupations immédiates des élèves, sur les bienfaits du comparatisme en
oublieuse du temps comme d’une pri- éducation, c’est dans ce numéro de
vatisation excessive de l’éducation. Nordiques que nous irions aussi cher-
Un article de Jouni Välijärvi nous cher les réactions des enseignants et
intéresse à la façon dont la « Finlande chefs d’établissements du consor-
construit l’école du nouveau millé- tium Erasmus du lycée Jehan-Ango de
naire ». Peut-être est-il intéressant de Dieppe, que nous connaissons autour
s’arrêter à ce pays où les parents ne de Dominique Procureur, enseignants
demandent pas de choix des écoles, qui, tous niveaux d’enseignement
parce qu’elles sont homogènes, y com- confondus, sont allés dans des classes 47
pris homogènes dans leur façon de du Danemark et de Finlande et en ont
répondre à des élèves auxquels on ne ramené, mais cette fois-ci au niveau des
demande pas a priori de l’être. Écoles classes et des rapports aux élèves, de
qui mettent l’accent sur les aspects posi- fabuleux étonnements.
tifs du bien-être, et par exemple sur les
phénomènes du monde, qui dépassent Roger-François Gauthier,
les disciplines. Sur l’école primaire de IGAENR

N° 80 - Avril 2019
dossier

La pédagogie universitaire

Introduction
La révolution pédagogique de l’enseignement supérieur,
une universalité géographique et paradigmatique

Philippe Lalle
Ministère de l’enseignement supérieur,
de la recherche et de l’innovation

Simone Bonnafous
Inspection générale de l’administration
de l’éducation nationale et de la recherche

Avec l’avènement d’un enseignement universitaire de masse, la population


étudiante s’est considérablement modifiée, et ce dans les deux hémisphères. En effet,
qui dit massification dit hétérogénéité des publics et de leurs aspirations et, il y a déjà
plus de dix ans, Loiola et Romainville (2008) mettaient en lumière l’adaptation déjà
49
largement amorcée des enseignements universitaires sous l’effet de cette population
hétérogène, mais aussi sous l’effet de l’introduction des outils numériques et de la
demande sociale d’un enseignement mieux en phase avec les transformations du
marché de l’emploi.
Concernant le numérique, sans vouloir nous aventurer sur le terrain de
la définition, plus ou moins fondée scientifiquement, des générations X, Y ou Z
ni même de « digital natives » vs « digital immigrants » posée originellement par
Marc Prensky, on convergera aisément sur le constat d’une génération d’étudiants
qui a intégré la technologie numérique très jeune, a grandi dans un tumulte tech-
nologique sans précédent et en accélération permanente. Comme l’a très bien décrit
Endrizzi (2012), « les écrans sont devenus omniprésents, notamment avec l’essor
des technologies mobiles, et l’informatique connectée s’est banalisée, au point de
mobiliser désormais une grande partie de notre temps libre ». Pour cette généra-
tion, l’information est donc disponible partout et en tout temps, et internet a envahi
les amphithéâtres, ce qui impose à l’enseignant de s’interroger sur ses pratiques
professionnelles et de redéfinir, pour ces nouveaux étudiants, la différence entre
information et savoir. Cette apparente accélération des possibles a probablement
aussi rendu cette génération plus pressée, plus exigeante. L’étude récente du cabinet
Universum1, réalisée dans 46 pays auprès de 50 000 étudiants et jeunes diplômés
avec première expérience professionnelle, révèle ainsi que plus du tiers craignent
de ne pas trouver un emploi correspondant à leur personnalité ou d’occuper un

1. [https://universumglobal.com/product/generation-z-grows]

N° 80 - Avril 2019
poste ne leur offrant pas d’opportunités de développement. Les jeunes générations,
assez pragmatiques, arrivent sur le marché du travail avec moins d’illusions que les
précédentes, mais elles sont aussi en quête de sens, une quête qui s’exprime dès les
études et qui invite les enseignants à davantage prendre en compte les aspirations
des étudiants. Il est convenu de dire que l’on assiste à une transition de la centra-
tion sur l’enseignement à une centration sur l’apprenant, qui possède des compé-
tences, acquises dans différents contextes, et dont les attentes doivent être prises en
compte. C’est l’un des points que développent Christelle Lison et Didier Paquelin
dans leur article sur le Québec présenté dans ce dossier de la Revue internationale
d’éducation de Sèvres.
Un autre facteur poussant à l’évolution de la pédagogie universitaire
est la mobilité croissante des étudiants. Dans la seule zone OCDE, on dénombrait
en 2012-2013 près de trois millions d’étudiants en mobilité, comme le lecteur
pourra le découvrir dans l’étude bibliographique réalisée par Prunelle Charvet et
Hélène Beaucher. L’étudiant en mobilité qui est, par exemple, habitué à une péda-
gogie active et par projet dans son établissement d’origine attendra probablement la
même qualité dans son établissement d’accueil.
L’amélioration de l’apprentissage et des pratiques pédagogiques est donc
devenue une priorité non seulement pour les établissements d’enseignement supé-
rieur, mais aussi pour les gouvernements et, pour ne citer que le contexte européen,
pour l’Union européenne, pour les pays engagés dans le processus de Bologne et
pour l’association des universités européennes (EUA). On pourra ainsi se référer à la
très complète étude Trends 2018 de l’EUA ou au dernier communiqué des ministres
50
de l’Espace européen de l’enseignement supérieur2 (Paris, mai 2018) engageant les
pays participants à développer des « initiatives communes pour soutenir et stimuler
un large éventail de pratiques novatrices d’apprentissage et d’enseignement, en s’ap-
puyant sur les bonnes pratiques existantes dans nos pays et au-delà ».
L’étude Trends 2018 montre qu’au sein des 28 pays de l’Union européenne,
seuls quatre (14 %) parmi les systèmes étudiés disposent d’une stratégie ou d’un
cadre national dédié spécifiquement à l’apprentissage et à l’enseignement : l’Au-
triche, l’Irlande, les Pays-Bas et la Norvège. À titre d’exemple, en Autriche, le plan de
développement des universités nationales, en vigueur depuis 2016, vise à améliorer
et à renforcer le système d’enseignement supérieur, à améliorer la qualité de l’en-
seignement et les indicateurs de résultats pertinents dans ce domaine, à soutenir les
chercheurs en début de carrière et à accroître internationalisation et mobilité. En
Norvège, le ministère de l’éducation et de la recherche a présenté au Parlement en
janvier 2017 un livre blanc intitulé Une culture de qualité dans l’enseignement supé-
rieur3. Le texte présente les principaux objectifs et attentes du gouvernement à l’égard
des établissements d’enseignement supérieur en matière d’amélioration de la qualité
de l’enseignement, ainsi que les mesures nationales prises en ce sens. Ce livre blanc
invite les établissements d’enseignement supérieur à veiller à ce que leurs étudiants
obtiennent non seulement le diplôme avec les compétences demandées aujourd’hui,
mais puissent également s’adapter au marché du travail de demain. En outre, le

2. [https://bit.ly/2kqD3H6]
3. [https://bit.ly/2Zs0cLY]

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

document souligne l’importance systémique de l’amélioration de l’enseignement,


point intéressant sur lequel nous reviendrons :
[l’]excellence en enseignement ne devrait pas dépendre de quelques pédagogues
enthousiastes, alors que les postes et les subsides sont principalement alloués aux
meilleurs chercheurs. La qualité de l’éducation doit plutôt relever de la responsabi-
lité de l’environnement académique, y compris de la direction académique. Chaque
enseignant a la capacité de développer ses méthodes pédagogiques et d’inspirer ses
élèves. Bien enseigner est un métier qui peut être appris.
Dans 15 pays (54 % de l’Union européenne) dont la France, la stratégie
d’apprentissage et d’enseignement fait partie de la stratégie globale en faveur de l’en-
seignement supérieur ou d’autres documents nationaux stratégiques.
Le développement relativement récent de la démarche qualité dans les
établissements d’enseignement supérieurs européens est notamment le résultat de
normes et lignes directrices adoptés en 2005 dans l’espace européen de l’enseigne-
ment supérieur (Standards and guidelines for quality assurance in the European Higher
Education Area : ESG), qui ont été traduits dans les législations nationales et ont servi
de cadre de référence principal pour les agences d’assurance qualité nationales et les
établissements d’enseignement supérieur. Le lien entre l’assurance de la qualité et les
développements en matière d’apprentissage et d’enseignement s’est renforcé avec
le lancement de l’ESG 2015, qui comprend un nouveau standard spécifique relatif
à l’apprentissage centré sur l’étudiant4. En conséquence, les établissements d’en-
seignement supérieur doivent dorénavant s’assurer, par le biais de leur assurance
qualité interne, que les politiques et processus institutionnels en matière d’apprentis- 51
sage et d’enseignement sont bien axés sur les étudiants. C’est un aspect qu’abordent
Marcel Lebrun et Jean-Marie De Ketele dans leur article relatif à la Belgique.
Hors du continent européen, la question de la qualité devient aussi
prégnante, comme en témoignent les travaux de Martin (2018), selon qui près
de 90 % des institutions d’enseignement supérieur sondées (311 établissements
répartis dans 94 pays, dont 59 % hors Europe) considèrent l’obligation juridique de
se soumettre à un processus d’assurance qualité comme influençant positivement
la qualité de l’enseignement. L’article sur le Liban rédigé par Nada Moghaizel-Nasr
évoque le rôle des agences qualité ainsi que la création d’une telle agence au Liban,
tandis que l’article de Fan Wu montre comment l’amélioration de la qualité de l’en-
seignement devient un élément central de la construction de l’identité de l’enseigne-
ment supérieur en Chine, y compris dans les universités dites de recherche.

L’apport du numérique
Le numérique peut être perçu, selon les contextes, comme un levier de
développement dans un contexte de massification et/ou de diversification des publics
en lien avec une politique d’aménagement du territoire, ou bien comme un levier
pouvant contribuer à la rénovation des pratiques d’enseignement à l’université.
La première de ces situations est typiquement celle que connaît l’enseigne-
ment supérieur en Afrique subsaharienne et que décrivent Abdourahmane Mbengue

4. Version traduite en français : [https://bit.ly/2GLCNOm]

N° 80 - Avril 2019
et Lionel Meinertzhagen dans leur article consacré au développement de l’Université
virtuelle du Sénégal (UVS). Créée en septembre 2013, l’UVS poursuit comme objectif
principal de renforcer la carte universitaire pour répondre à une massification impor-
tante et réduire les inégalités. Notons qu’elle répond aussi aux objectifs évoqués précé-
demment de positionner l’étudiant au centre du dispositif, et de se placer résolument
dans une démarche qualité. L’agence qualité sénégalaise, l’ANAQ-Sup, a d’ailleurs
produit deux référentiels-qualité, l’un pour l’évaluation des programmes de forma-
tion à distance, l’autre pour l’évaluation institutionnelle des établissements déployant
de tels programmes. L’UVS est devenue en quelques années la première univer-
sité publique entièrement numérique en Afrique francophone subsaharienne. Elle
s’appuie sur un réseau d’espaces numériques ouverts (ENO) qui maillent le territoire.
On ne pourra s’empêcher, à cet égard, de faire un rapprochement avec l’ini-
tiative récemment déployée par le ministère français de l’enseignement supérieur,
qui a labellisé à la rentrée 2019 treize « campus connectés » dans des villes éloignées
des grands centres universitaires5. Il s’agit de permettre à des jeunes de suivre, près
de chez eux, des formations à distance dans l’enseignement supérieur en bénéficiant
d’un accompagnement personnalisé. L’objectif de ces structures, conçues pour être
propices à une dynamique collective et à l’entraide, est de connecter aux études supé-
rieures des jeunes qui, sans cela, n’auraient pas nécessairement entrepris ces études.
L’hybridation des cours et la co-modalité font également partie des possi-
bilités offertes par le numérique et évoquées dans l’article de Christelle Lison et
Didier Paquelin. À l’Université Laval de Québec, la formation co-modale est définie
ainsi :
52
un système de formation où coexistent de façon simultanée les modes de formation
en présentiel et à distance, ce qui permet à l’étudiant de choisir sur une base hebdo-
madaire le mode de diffusion qui lui convient, en fonction de ses besoins ou de ses
préférences6.
À la différence d’une formation hybride, où le mode de diffusion est
imposé par l’enseignant chaque semaine, dans la formation co-modale, c’est l’étu-
diant qui décide quel mode lui convient d’une semaine à l’autre (en classe, à distance
synchrone, à distance asynchrone). Ainsi, chaque étudiant peut décider de son propre
parcours en fonction de ses contraintes et de ses aspirations. En France, la co-moda-
lité des enseignements ne semble pas s’être encore développée mais la flexibilisation
en cours des cursus s’appuie sans conteste sur l’essor de l’enseignement à distance ou
de l’hybridation, comme en témoigne leur développement dans le cadre des projets
NCU (Nouveaux cursus à l’université) du 3e volet du PIA (Programme d’investisse-
ments d’avenir) : Philippe Dulbecco, dans son article sur les initiatives numériques
en France, en donne quelques illustrations.
Par ailleurs, et comme l’ont développé Béjean et Monthubert (2015) dans
leur rapport de la stratégie nationale de l’enseignement supérieur (Stranes) remis
au président de la République française, les technologies de l’information et de la
communication (TIC) constituent également une occasion de renouveau pédago-
gique car elles permettent de faire évoluer le rôle de l’enseignant au sein de la situa-

5. [https://bit.ly/2GMaAqv]
6. Document Politique de la formation à distance, p. 4 : [https://bit.ly/2M1yySQf].

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

tion pédagogique, celui-ci n’étant plus le détenteur exclusif du savoir. Il rendrait par
ce biais l’enseignement plus interactif, favoriserait la communication entre étudiants
et enseignants ainsi que les apprentissages profonds, et accroîtrait l’intérêt pour le
cours et même le temps passé à étudier : c’est tout du moins ce qu’il ressort d’une
enquête menée auprès de plus de 10 000 étudiants québécois (Raby et al., 2011).
Les résultats détaillés de cette étude sont particulièrement intéressants, puisqu’ils
permettent de démontrer qu’au-delà des outils technologiques, ce sont plutôt les
pratiques pédagogiques sous-jacentes à l’usage des TIC qui font toute la différence et
favorisent l’engagement. C’est d’ailleurs ce que montre aussi l’étude récente conduite
par Duguet et Morlaix (2018) auprès de l’ensemble du personnel enseignant d’une
université française (248 répondants, soit environ 15 % de la population), étude
consacrée aux situations pédagogiques ainsi qu’à l’utilisation des outils numériques
par les enseignants en dehors des heures d’enseignement en face à face. Comme
pour l’étude de Raby (2011), il en ressort que plus les enseignants utilisent les TIC en
cours, plus ils ont recours à des méthodes plaçant l’apprenant au cœur de la situation
pédagogique et mobilisent ainsi des concepts de pédagogie active.
L’article de Philippe Dulbecco, fondé sur une mission de l’inspection
générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR,
France)7, dresse une typologie des innovations pédagogiques numériques rencon-
trées en France, que ce soit dans les dispositifs d’orientation, dans la flexibilisation des
parcours, dans l’accompagnement à la réussite et la lutte contre le décrochage ou dans
la capitalisation des compétences acquises. Mais il attire aussi l’attention, de manière
pertinente, sur la nécessaire conduite du changement au sein des établissements et sur
53
les questions du modèle économique et d’évolution des systèmes d’information.
Parmi les opportunités offertes par les outils numériques, citons aussi l’ana-
lyse des traces d’apprentissage en ligne (learning analytics), dont l’observation peut se
révéler une riche source d’informations sur les processus d’apprentissage et les diffi-
cultés rencontrées par les apprenants (Janssen, 2011). Selon le modèle de Gartner8,
repris par Boyer (2017), quatre niveaux d’analyse peuvent être distingués dans l’usage
des traces d’apprentissage :
- un niveau descriptif et qualitatif : les étudiants ont-ils visionné les capsules
vidéo ? ont-ils réussi les quiz ? le taux de réussite d’un groupe d’étudiants est-il
jugé suffisant, par rapport aux autres groupes, par rapport aux objectifs du
programme ?
- un niveau diagnostique : pourquoi le taux de réussite est-il si faible ? quels ont été
les exercices les plus difficiles ? certaines capsules vidéos sont-elles trop longues ?
- un niveau prédictif qui tente de répondre à la question : « que va-t-il se passer pour
cet étudiant ? », en considérant ce que l’on connaît de profils d’étudiants similaires ;
- un niveau prescriptif, qui a vocation à aider les apprenants en leur fournissant
des préconisations sur les ressources à consulter, les actions à entreprendre ou les
tâches à accomplir, afin d’atteindre un objectif d’apprentissage.
La valorisation des acquis de la formation et de l’expérience est égale-
ment l’objectif d’un outil numérique en cours de développement croissant dans de

7. Rapport IGAENR n°2018-049 Les innovations pédagogiques numériques et la transformation des établissements
d’enseignement supérieur. [https://bit.ly/2ZvW51x]
8. Accessible sur : [https://gtnr.it/2YF64jN]

N° 80 - Avril 2019
nombreux établissements, notamment en France (voir l’article de Philippe Dulbecco),
à savoir l’e-portfolio. Il s’inscrit donc pleinement dans les démarches impulsées dans
l’espace européen de l’enseignement supérieur par le processus de Bologne dans le
sens de la reconnaissance des compétences des apprenants, compétences acquises dans
divers contextes. L’e-portfolio peut se définir comme un ensemble évolutif de docu-
ments et de ressources électroniques capitalisés dans un environnement numérique
décrivant et illustrant l’apprentissage, l’expérience, les compétences ou le parcours
de son auteur. On se réfèrera pour plus d’informations au libre blanc « La démarche
ePortfolio dans l’enseignement supérieur français »9. À noter que la démarche d’e-port-
folio peut aussi s’adresser aux enseignants, et fait même partie des outils développés
par une part non négligeable des établissements, nous y reviendrons.
L’essor du numérique est aussi un vecteur de développement des modules
de formation dédiés aux compétences comportementales (soft skills), largement
décrits dans l’article d’Abdourahmane Mbengue et Lionel Meinertzhagen, qui les
présentent comme un axe important de l’UVS. Philippe Dulbecco mentionne en
France, parmi les NCU, l’exemple du projet Ecrit+ qui consiste en la mise en place de
dispositifs d’amélioration des compétences rédactionnelles du français, notamment
dans un objectif de lutte contre le décrochage. On signalera, en France également,
parmi les projets d’envergure nationale sur les soft skills, le projet Talents Campus10
retenu dans le cadre des IDEFI (Initiatives d’excellence en formations innovantes) du
deuxième appel à projets des investissements d’avenir (PIA2) et qui propose à chaque
apprenant un parcours sur mesure pour identifier et développer ses forces parmi
58 compétences sociales (capacité de communication, écoute, confiance en soi, esprit
54
d’équipe, ténacité ou encore leadership). Talent Campus a connu un rapide succès
auprès de publics variés : lycéens, étudiants, salariés et demandeurs d’emploi et plus
de 20 000 personnes ont bénéficié de cette formation à ce jour, témoignant ainsi du
besoin dans ce domaine.
La certification de compétences complémentaires au cursus principal,
comme les soft skills, trouve également un point d’appui dans le numérique avec le
développement des « open badges », mentionnés notamment dans l’article bibliogra-
phique de Charvet et Beaucher. Lancés en janvier 2012 par les fondations Mozilla
et McArthur en réponse à la question : « comment reconnaître les apprentissages
informels ?11 », leur développement est aujourd’hui de plus en plus large. Pour les
universités, il s’agit en effet d’un bon moyen de diversifier leur offre certifiante et
diplômante, de favoriser la rétention des étudiants en leur permettant d’aller à leur
rythme en accumulant des micro-certifications qui, par accumulation, peuvent
déboucher sur l’obtention de diplômes. Le nombre d’universités engagées dans la déli-
vrance de badges de par le monde va croissant12, et la France ne fait pas exception à
ce mouvement, avec notamment les cas de la ComUE (Communauté d’universités et
d’établissements) Léonard de Vinci et les universités de Caen Normandie et de Tours13.

9. [https://bit.ly/2OFnUU3l]
10. [https://bit.ly/2YHJRFV]
11. On pourra trouver une explication de cette notion dans l’article de G. Brouzière et H. Bézille : « De l’usage de la
notion d’informel dans le champ de l’éducation », Revue française de pédagogie, 158 | 2007, 117-160.
12. [http://badgenumerique.com/categorie/cas-dusage/education]
13. [http://www.u-ldevinci.fr/fr/open-badges] ; [https://badgeonslanormandie.fr] ; [https://openbadge.univ-tours.fr]

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Et la pédagogie
universitaire fut !
En 1964, Bourdieu et Passeron (1964) écrivaient un peu malicieusement,
mais sans doute assez justement, que c’est « par son absence de pédagogie que se
caractérise la pédagogie à l’université ». Il ne s’agit pas ici de mesurer précisément les
avancées très importantes réalisées depuis lors, mais on pourra converger pour dire
que la pédagogie universitaire n’est vieille que d’une cinquantaine d’années, comme
en convenait De Ketele (2010) en introduction d’une série d’articles sur « La péda-
gogie universitaire : un courant en plein développement ».
L’article proposé par Marcel Lebrun et Jean-Marie De Ketele décrit
parfaitement, au travers de l’exemple belge de l’Université catholique de Louvain,
comment l’ « infusion » de la pédagogie universitaire est un processus long et multi-
factoriel. Les auteurs dégagent trois phases pour le développement de la pédagogie
universitaire au niveau d’un établissement : l’émergence, l’institutionnalisation,
l’ancrage.
Du côté des étudiants, si Tinto (2012) avance l’idée que c’est la relation
que vit l’apprenant avec l’enseignant qui influencerait le plus sa motivation, il est
aussi souvent admis que la diversité des activités pédagogiques constitue un facteur
clef dans la motivation et l’engagement des étudiants des étudiants (Viau, 2014).
Plusieurs études montrent les vertus de méthodes actives spécifiques déployées tant
en Asie qu’au Canada (Huang et Wang, 2012 ; Viau et al., 2004). Parmi ces méthodes,
l’apprentissage par problèmes (APP) fait l’objet d’un focus spécifique dans ce 55
numéro, avec l’article de Bettina Dahl et Jette Egelung Holgaard, qui décrivent le cas
de l’université Aalborg, au Danemark. Dans cet établissement, tous les programmes
d’études menant à un diplôme sont fondés sur l’APP mais font également appel à
un apprentissage hybride et inversé. Les auteurs mettent en relief l’importance des
interactions entre étudiants et avec l’enseignant.
L’approche par compétences (APC), pour laquelle on trouvera quelques
références dans l’article bibliographique de Charvet et Beaucher, est évoquée dans
les contextes belges et français. Nous aurions pu également présenter une expérience
de classe inversée, format pédagogique « inventé » par Eric Mazur, professeur de
physique à Harvard, mais le lecteur trouvera dans l’article bibliographique ainsi que
dans les travaux de Marcel Lebrun force détails sur cette modalité de pédagogie active
(Lebrun et al., 2017).

Une révolution qui n’est


pas seulement de la façon
d’enseigner !
La révolution de la pédagogie est aussi une révolution des espaces, de la
manière d’évaluer les apprentissages et surtout peut-être une révolution en termes de
ressources humaines !
Concernant les espaces d’apprentissages, même si les traditionnels amphi-
théâtres et salles de cours, souvent mal équipés, constituent encore l’essentiel des locaux

N° 80 - Avril 2019
universitaires, on assiste à une réflexion, de plus en plus généralisée dans les établis-
sements, sur les espaces d’apprentissage. L’espace conçu sur le mode traditionnel
transmissif ne se prête pas aux nouvelles formes de pédagogie et est appelé à évoluer
pour favoriser la flexibilité des pédagogies. Un guide produit en 2015 par le ministère
français de l’enseignement supérieur détaille les enjeux pédagogiques associés à la
conception et à l’utilisation des espaces et présente plusieurs études de cas en Europe14.
L’article belge de ce numéro pointe combien la création d’un réseau international des
Learning Labs15 a contribué aux développements d’espaces innovants.
Qui dit « changer la pédagogie » dit très logiquement « changer les manières
d’évaluer », en cohérence avec la notion d’« alignement constructiviste » due à John
Biggs (2014). L’« alignement » correspond à l’idée d’assurer la nécessaire cohérence
entre les objectifs visés, les activités d’apprentissage mises en place et les moda-
lités d’évaluations choisies. On trouvera, dans l’article bibliographique, quelques
références sur les méthodes d’évaluation, méthodes auxquelles l’article de Dahl et
Egelung Holgaard prête particulièrement attention, en relatant les évolutions réali-
sées à l’université Aalborg.
La troisième révolution est celle de la formation des enseignants du supé-
rieur à l’acte d’enseigner. Cette question est tellement présente dans les articles de
ce dossier qu’elle semble en constituer le fil rouge. Il faut bien reconnaître que la
formation pédagogique des enseignants et enseignants-chercheurs est très souvent le
parent pauvre de leur cursus et se résume principalement à reproduire ce qui leur a
permis d’accéder au statut qui est le leur, considérant que ce qui a été bénéfique pour
leur propre cheminement le sera naturellement pour leurs étudiants, faisant fi ainsi
56
des questions de massification et de diversification des publics que nous évoquions
précédemment et que pourtant chacun constate.
L’enquête européenne Trends 2018 a montré que la mise en place de
formations pour l’amélioration des compétences des enseignants devenait de plus
en plus courante (77 % des établissements répondants), mais que les sessions obli-
gatoires l’étaient nettement moins (37 %), et que cette proportion n’avait pas
augmenté depuis l’enquête Trends 2015. Les sessions de formation sont générale-
ment organisées par des établissements d’enseignement supérieur isolément, le plus
souvent par l’intermédiaire de leurs centres d’apprentissage et d’enseignement et/ou
des facultés d’éducation. Les initiatives interinstitutionnelles pour la formation des
enseignants sont rares et, dans ce contexte, l’initiative ministérielle française de coor-
donner un MOOC dédié à ce sujet apparaît comme unique (Delalande et al., 2019).
L’amélioration des compétences pédagogiques des enseignants du supérieur est régle-
mentée dans sept (25 %) des 28 systèmes européens16, tandis que dans quatre autres
pays, des dispositifs de formation existent sans qu’il s’agisse d’une exigence nationale.
Dans les 17 systèmes restants, la formation des enseignants, si elle existe, repose sur
des mesures prises isolément par les universités.
Les articles de ce numéro illustrent largement les raisons de la formation
des enseignants et les modalités de mise en place des centres de soutien à la péda-

14. [https://bit.ly/2T4LXKUv]
15. [https://www.learninglab-network.com]
16. La France se situe dans cette catégorie depuis la rentrée 2018, avec la mise en place de l’obligation de formation
à la pédagogie de tous les nouveaux maîtres de conférences.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

gogie, dont la mission dépasse d’ailleurs la question de la formation des enseignants.


L’article de Lison et Paquelin interroge l’identité fondatrice de l’enseignant du supé-
rieur, son développement professionnel, les questions de posture, ainsi que la mise en
place du SoTL (Scholarship of Teaching and Learning), démarche de développement
professionnel, très répandue dans le monde anglo-saxon, qui a pour caractéristique
de « réconcilier » les deux professionnalités de chercheur et d’enseignant, puisque
l’enseignant-chercheur est invité à considérer son enseignement comme un objet de
recherche, élaboré sur la base d’une expertise scientifique et fondé sur des preuves
(Bélisle et al., 2016). L’article de Nada Moghaizel-Nasr sur la situation au Liban nous
montre quels facteurs institutionnels ont poussé au développement de la formation
des enseignants et comment la fonction de conseiller pédagogique a émergé. Celui
de Fan Wu sur le cas de l’université de Xiamen nous permet de découvrir comment
la mise en place d’un centre pour la qualité de l’enseignement s’est imposée dans une
université de recherche chinoise. Enfin Lebrun et De Ketele traitent des questions de
la professionnalisation des centres de soutien à la pédagogie, de leur structuration en
réseau, ainsi que de l’apparition du SoTL en Belgique.
Pour finir, la valorisation de l’engagement pédagogique des ensei-
gnants-chercheurs est, elle aussi, au cœur des préoccupations sur plusieurs conti-
nents. Rien de très surprenant d’ailleurs, tant la mission d’enseignement a toujours
été sous-valorisée par rapport à celle de recherche : dès 1949, le rapport Lewis souli-
gnait cet état de fait au MIT17, tout comme le mentionnait en 2016 la Commission
européenne18. Le dossier de valorisation pédagogique mis en place à l’Université
catholique de Louvain poursuit deux buts : le développement chez l’enseignant d’une
57
réflexion sur ses pratiques d’enseignement, mais aussi la mise en place d’un outil de
présentation de sa démarche et de ses productions pédagogiques à des fins d’amé-
lioration de la carrière. À cet égard, l’étude Trends 2018 nous apprend que de tels
portfolios dans lesquels les enseignants documentent leurs pratiques pédagogiques
seraient communément utilisés dans 48 % des établissements européens, tandis que
16 % en projetteraient l’implémentation. Un autre mode de valorisation est celui
de l’octroi de prix destinés à valoriser les initiatives pédagogiques remarquables.
Cette approche tend à se développer dans de nombreuses universités européennes,
toujours selon l’enquête Trends 2018, puisque 31 % des établissements d’enseigne-
ment supérieur possédant des structures d’appui à la pédagogie délivrent des prix. Ce
type de prix est également fréquent au Québec, comme le signalent Christelle Lison
et Didier Paquelin, et s’inscrit parmi d’autres dispositifs de reconnaissance institu-
tionnelle, comme les soutiens financiers ou l’accompagnement des actions d’inno-
vation pédagogique. À côté de ces prix d’établissement, 15 pays européens délivrent
un prix national attribué soit à des enseignants individuels, soit, moins souvent, à
des équipes. Ce même type de dispositif national existe en Chine, comme le relate
Fan Wu dans sa contribution. L’impact des prix d’excellence en enseignement a
récemment fait l’objet d’une étude dans le cadre du projet Erasmus+ EFFECT

17. Report of the committee on educational survey to the faculty of the Massachusetts Institute of Technology,
Cambridge: Technology Press, 1949. [https://bit.ly/2GJCbIW]
18. Communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Conseil économique
et social européen et au Comité des régions, Améliorer et moderniser l’enseignement – COM( 2016) 941 final,
12 décembre 2016.

N° 80 - Avril 2019
(European Forum For Enhanced Collaboration in Teaching) (Efimenko et al., 2018).
L’une des conclusions majeures de ces travaux est que la diffusion des meilleures
pratiques par les nominés et le partage des connaissances et de l’expertise péda-
gogiques des lauréats sont la meilleure façon d’atteindre les objectifs déclarés de
ces prix ; or il s’agit de la partie la plus souvent négligée par les institutions, ce qui
compromet fortement l’impact réel de ces prix sur l’amélioration des normes, des
pratiques et des innovations en matière d’enseignement et d’apprentissage.

Force est donc de constater, après avoir coordonné ce numéro, que la péda-
gogie universitaire, pour récente qu’elle soit, suit des évolutions convergentes de par
le monde, avec des temporalités différentes et des spécificités parfois liées parfois à la
géographie et à la situation économique.

Références bibliographiques

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N° 80 - Avril 2019
dossier

La formation du
supérieur : un levier
de transformation
des universités
québécoises
Christelle Lison
Université de Sherbrooke

Didier Paquelin
Université Laval

Force est de constater que l’enseignement supérieur vit un réel bouleverse-


ment depuis plusieurs années. Que ce soit à travers des processus comme celui de
Bologne, qui a fêté ses 20 ans cette année, ou diverses démarches qualité, les établis-
sements d’enseignement supérieur sont aujourd’hui au centre de nombreuses
préoccupations, voire d’injonctions et de pressions diverses (Lemaître, 2018 ; Lison
et Loisy, 2019). Le modèle universitaire humboldtien marqué par le désintéresse-
ment, par une protection du monde extérieur et du court terme tend à disparaître.
Le retrait de l’État et des financements qu’il apporte ainsi qu’une incitation forte à 61
l’arrimage, tant en formation qu’en recherche, avec les problématiques du monde
socio-économique actuel traduisent cette évolution (De Meulemeester, 2011).
La remise en question du modèle platonicien de même que l’injonction à
l’autonomie et à la performance conduisent au développement d’un intérêt pour
ce qui a été longtemps marginalisé, à savoir la pédagogie. À la fois pour des raisons
culturelles, politiques et économiques, les universités québécoises ont développé
des actions de formation des enseignants dès le début des années 1970. Cet intérêt
explique sans doute qu’en Amérique du Nord, en plein cœur du monde anglo-saxon,
le Québec soit reconnu comme l’un des chefs de file de la pédagogie universitaire.
En effet, l’amélioration des pratiques d’enseignement est une préoccupation partagée
qui prend pour partie appui sur les pratiques d’évaluation des enseignements, mais
aussi sur une évaluation institutionnelle interrogeant notamment la qualité et la
pertinence des programmes. Après un retour sur les conséquences de l’évolution
contextuelle de l’enseignement supérieur, nous proposons une analyse soutenant
l’importance de la formation à la pédagogie en enseignement supérieur.

Un contexte en mouvement
Dans un texte de 2002, Lessard et Bourdoncle abordent la question de l’évo-
lution de l’université. Ils identifient ainsi trois temps : (1) l’université qu’ils quali-
fient de libérale, ayant pour objectif la transmission de connaissances au service de la
vérité ; (2) l’université de recherche, ayant pour but la construction de connaissances
au service de la science ; (3) l’université de service, avec pour finalité l’application

N° 80 - Avril 2019
des connaissances au service de la société. Pour leur part, Larouche, Savard, Héon et
Moisset (2012) ont mené une recherche qui a conduit à une typologie comportant
sept conceptions : service public, marché, académique, apprenante, politique, entre-
preneuriale et milieu de vie.
Ces conceptions sont définies en fonction de sept dimensions (valeurs et prin-
cipes, système de gouvernance, stratégies, recherche, enseignement, évaluation et
critères de performance). Chaque conception repose sur des valeurs et des prin-
cipes, lesquels permettent de la définir et de désigner les axes fondamentaux autour
desquels s’établit son échelle de priorités.
Partant de ces différents travaux, nous proposons l’idée que l’université, et
au sens plus large l’enseignement supérieur, ont évolué pour en arriver à ce que nous
pourrions appeler l’université intégrale, laquelle aurait pour finalité de favoriser le
développement de connaissances et de compétences critiques au service de l’individu
et de la collectivité. Cette nouvelle étape se base à notre sens sur plusieurs éléments.
Tout d’abord, nous sommes dans une période que l’on pourrait qualifier de
troubles épistémiques. Comment penser les activités d’apprentissage en fonction des
degrés d’incertitude et d’indétermination auxquels il convient de préparer les appre-
nants ? Ensuite, comment les savoirs appréhendés à travers ces différentes activités
d’apprentissage peuvent-ils être lus au regard des axes de l’épistémologie personnelle
d’Hofer et Pintrich (2002), soit la nature de la connaissance (certitude et simpli-
cité) et la nature de l’acte de connaître (source et justification) ? Dans un monde qui
bouge sans cesse, comment amener les apprenants à développer ce que l’on pourrait
62 qualifier de rapport aux savoirs ? Par ailleurs, face à la multiplication, à la fragmen-
tation des savoirs et des sources potentielles, notamment par le biais du numérique,
il devient parfois difficile d’identifier le sachant. Auparavant, cela semblait plus
simple : l’enseignant « savait », les apprenants « apprenaient »... Aujourd’hui, les
apprenants ne possèdent-ils pas certains savoirs et n’ont-ils pas développé certaines
compétences différents de ceux de l’enseignant, le dépassant même dans certains
domaines ? N’ont-ils pas des registres d’attentes et de besoins qui s’éloignent des
représentations qu’en ont les enseignants ? Considérant le public de plus en plus
nombreux mais aussi hétérogène quant à son âge, ses origines, ses parcours anté-
rieurs et ses aspirations, il est difficile de ne pas répondre par l’affirmative à ces ques-
tions. Par ailleurs, aujourd’hui, dans les universités québécoises, il n’est pas rare de
voir des étudiants1 ayant fait des études totalement différentes quelques années aupa-
ravant, ayant été plusieurs années sur le marché du travail ou encore ayant entamé
ou réalisé des études dans une université étrangère. Ces parcours nous amènent à
devoir repenser notre enseignement différemment, afin d’amener les apprenants
à développer les connaissances et les compétences qui les intéressent, et ce, pour les
préparer à des métiers et des professions qui n’existent pas encore aujourd’hui. En
ce sens, les contenus ne doivent-ils pas être pensés comme des socles essentiels au
développement de nouvelles connaissances et les méthodes comme des approches
diversifiées favorisant le développement de compétences ? De plus l’évolution de l’ap-
pétence des apprenants, tant en formation initiale qu’en formation continue, pour

1. Dans certaines universités québécoises, le pourcentage d’étudiants qui reviennent aux études dans une dyna-
mique d’apprenant à vie est de 38 % des effectifs (source : Université Laval).

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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des cours à distance, hybrides ou co-modaux2 questionnent les modalités conven-


tionnelles du face-à-face pédagogique ancré dans une unité de temps et de lieu, une
formation ancrée dans le seul territoire universitaire. Si c’est en effet le cas, la trans-
formation des pratiques, dans une logique d’innovation, peut devenir un moyen
pour permettre d’appréhender l’évolution des attentes de la société et des étudiants
vis-à-vis des institutions d’enseignement supérieur. Par contre, pour que les ensei-
gnants puissent mettre en place de nouveaux dispositifs pédagogiques, il importe
de les accompagner et de les former, de leur donner les moyens de questionner leurs
pratiques et d’évaluer les retombées de celles-ci. L’enjeu est donc de les engager dans
un processus d’amélioration continue de leurs pratiques pédagogiques.
En plus des éléments déjà énoncés, reconnaissons que la présence accrue
des technologies numériques et des réseaux sociaux amène à penser un rapport diffé-
rent à l’enseignement, que ce soit à travers les possibilités qu’ils offrent ou les défis
qu’ils posent. Le numérique, dans ses différentes déclinaisons, modifie les frontières
conventionnelles de l’acte d’enseigner et d’apprendre. La porosité entre les sphères
personnelles et éducatives, la continuité de l’accès aux ressources et aux activités
d’apprentissage assurée par la permanence de la connectivité peuvent entraîner
une certaine compétitivité des offres et des espaces de formation. À nouveau, cette
transformation des méthodes de formation amène la question de la formation
des enseignants et des enseignants-chercheurs à ces nouvelles modalités dans une
démarche expérientielle. Comment susciter le désir de changer, passant ainsi de
l’obligation à l’opportunité ? Comment amener un enseignant à mettre en place un
cours en format hybride ou distanciel ? Il ne s’agit pas « simplement » de commu-
63
niquer sur les éventuels bienfaits, voire l’urgence d’une transformation, ou bien de
basculer à distance des contenus en présentiel… L’enjeu est autre : il s’agit de donner
sens à cette transformation, pour que les acteurs s’engagent durablement dans une
réflexion continue sur leurs propres pratiques. Cette dynamique doit prendre appui
sur les résultats de la recherche. Par exemple, la question de l’hybridation, de la
co-modalité et plus globalement de la formation à distance implique plus que jamais
que les établissements proposent des programmes pertinents, de qualité, basés sur
les recherches actuelles, afin de ne pas constituer un choix par défaut mais bien un
espace de développement de connaissances et de compétences reconnu. C’est notam-
ment dans cette optique que de nombreuses formations ancrées dans une diversité
de domaines (génie, technologies, gestion, management, communication, éduca-
tion, santé, etc.) se sont développées, ont été pensées ou revues dans une logique
d’approche par compétences, voire d’approche-programme, proposant des acti-
vités d’apprentissage à partir de situations professionnelles complexes et authen-
tiques. De nombreuses universités québécoises basent d’ailleurs leur recrutement
sur cette information. Évidemment, c’est une chose que les établissements d’ensei-
gnement supérieur présentent leurs programmes sous cet angle mais c’en est une
autre, parfois, d’amener les enseignants vers cette logique de formation… Il y a là
une responsabilité collective. L’objectif est alors d’accompagner les enseignants dans
une compréhension de ces enjeux au-delà d’une approche instrumentale, afin que la
transformation attendue soit portée par un sens commun et partagé.

2. Il s'agit de la possibilité, pour un étudiant, de suivre un cours à distance tout en partageant des activités des
étudiants qui suivent le même cours en présence.

N° 80 - Avril 2019
L’identité fondatrice
de l’enseignant du supérieur :
l’expertise

Être enseignant dans un établissement d’enseignement supérieur, cela veut


avant tout dire être spécialiste d’un sujet (topic knowledge) (Alexander, 2003), c’est-
à-dire avoir des connaissances approfondies sur un sujet spécifique, souvent objet
d’une thèse de doctorat. Néanmoins, une fois engagés, au Québec comme dans
beaucoup d’autres pays, souvent sans formation pédagogique, les enseignants sont
invités à devenir ce qu’Alexander (2003) nomme un expert de domaine (domain
knowledge), maîtrisant ainsi l’étendue des connaissances propres à un champ disci-
plinaire. Ce faisant, il peut sembler difficile pour certains enseignants d’oser innover
pédagogiquement ou encore de saisir l’intérêt d’une transformation de leurs
pratiques. En effet, à partir de leur simple intuition et par rapport à un champ de
connaissances dans lequel ils ne se sentent pas nécessairement légitimes, les ensei-
gnants sont invités à développer un nouveau rapport au savoir, particulièrement lors-
qu’il est attendu qu’ils accompagnent les étudiants dans leur quête de connaissances
et leur développement de compétences professionnelles (expertise du domaine).
C’est là un « nouveau métier » pour d’aucuns.
Ceci est d’autant plus difficile que les enseignants ont souvent été engagés
avant tout pour leurs compétences de chercheurs, et ce, bien qu’ils passent une
64 grande partie de leur temps à « faire de l’enseignement ». Dès lors, comment déve-
lopper chez eux une sorte de nouveau rapport au métier, considérant que l’on
connaît actuellement une mutation et une complexification de la tâche de l’ensei-
gnant, l’amenant à devoir être totipotent3 au sein de l’établissement universitaire ?
Aujourd’hui, les institutions d’enseignement supérieur sont à la fois productrices de
connaissances et de formations et s’attendent à voir les enseignants adopter diffé-
rents rôles : chercheur de financements, gestionnaire de personnel (par exemple,
les assistants de recherche), comptable (pour justifier l’argent dépensé), chercheur
(spécialiste de plusieurs méthodologies), auteur (d’articles scientifiques mais aussi
de vulgarisation), enseignant (au premier, au deuxième et au troisième cycles),
directeur de mémoire et de thèse, évaluateur de travaux, de mémoires, de thèses,
d’articles, conférencier tant au niveau national qu’international, secrétaire (pour
répondre aux multiples courriels et sollicitations reçus), membre de divers comités
tant dans l’institution qu’en dehors ! Comment imaginer que l’enseignant puisse
arriver à faire tout cela en ayant finalement « juste » réalisé une thèse… Si l’on espère
que les enseignants du supérieur puissent réellement repenser leur mission d’en-
seignement et donc innover dans leurs enseignements, il importe de favoriser leur
développement professionnel en ce sens. Ainsi, de nombreux établissements québé-
cois (par exemple, l’Université de Montréal, l’Université de Sherbrooke, l’Université
du Québec à Montréal, l’Université Laval) ont choisi de permettre à l’enseignant de
développer autant son homo academicus (Bourdieu, 1984) que son côté homo pedago-
gicus (Bédard, 2017).

3. En biologie, les cellules totipotentes sont celles qui, par mitose, peuvent produire tous les types de cellules
d’un corps. C’est-à-dire qu’elles ont toutes les potentialités, qu’elles peuvent tout.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Le développement professionnel
de l’enseignant-chercheur
De nombreuses universités québécoises, notamment les plus anciennes, ont
mis en place, il y a une quarantaine d’années, des structures d’appui à la formation
des enseignants selon des configurations qui ont fortement évolué depuis. Ces services
d’accompagnement peuvent être situés au niveau central et/ou en proximité des ensei-
gnants, au sein même des facultés (48 conseillers pédagogiques à l’Université Laval /
43 000 étudiants, pour 1 625 professeurs et 2 105 chargés de cours ; 22 conseillers
pédagogiques à l’Université de Sherbrooke / 32 000 étudiants, pour 1 742 professeurs
et 2 200 chargés de cours). Ces structures offrent un accompagnement, individuel ou
en équipe, des actions de sensibilisation (séances de quelques heures autour d’une
thématique) et des formations plus longues qui peuvent être créditées. Elles sont une
porte d’entrée essentielle pour nombre d’enseignants, novices ou expérimentés, qui
se questionnent sur l’enseignement et l’apprentissage. Parfois poussés par des évalua-
tions de l’enseignement qui mettent en évidence des points d’amélioration ou par
un supérieur hiérarchique, mais majoritairement parce qu’ils souhaitent résoudre
certaines difficultés rencontrées ou constatées ou encore pour retrouver le plaisir d’en-
seigner, ces enseignants-chercheurs sont volontaires pour s’engager dans un processus
de développement professionnel. Cette dynamique s’explique par la place faite à l’étu-
diant et par l’engagement institutionnel à l’accompagner dans la réussite de son projet.
En parallèle de ces structures institutionnelles sont apparus des cours puis
des programmes de formation en pédagogie de l’enseignement supérieur. À notre 65
connaissance, aucune formation n’est obligatoire au Québec. Les enseignants qui s’y
inscrivent, parfois sans décharge ni compensation quelconque au plan administratif
ou financier, le font pour des motifs que l’on pourrait qualifier d’épistémiques. Dans
plusieurs universités québécoises, la dynamique de formation débute dès le recrute-
ment des enseignants (professeurs ou temporaires) par une ou plusieurs journées de
formation. Une décharge d’enseignement peut également être proposée, parfois insti-
tutionnalisée (25 % du temps d’enseignement la première session à l’Université Laval),
de même qu’un accompagnement4 par un conseiller pédagogique sur une ou deux
sessions pour concevoir, mettre en œuvre et analyser un cours. Cette pratique rejoint
la proposition française de formation des nouveaux enseignants du supérieur, soit les
maîtres de conférences stagiaires5. L’intérêt de ces actions est de contribuer à la consti-
tution d’une communauté d’enseignants intéressés et engagés dans une dynamique
d’amélioration continue et progressive de leurs pratiques pédagogiques. Ce développe-
ment professionnel est défini par Portelance, Martineau et Mukamurera (2014) ainsi :
[un] processus graduel d’acquisition et de transformation des compétences et des
composantes identitaires conduisant progressivement les individus et les collectivités
à améliorer, enrichir et actualiser leur pratique, à agir avec efficacité et efficience dans
les différents rôles et responsabilités professionnelles qui leur incombent, à atteindre
un nouveau degré de compréhension de leur travail et à s’y sentir à l’aise.

4. Programme ENVOL [https://bit.ly/2GAjCXP].


5. Décret n° 2017-854 du 9 mai 2017 modifiant le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 modifié fixant les dispositions
statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des profes-
seurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

N° 80 - Avril 2019
Si les établissements universitaires entendent offrir aux enseignants de
s’inscrire dans cette perspective, il est nécessaire de leur en donner les moyens.
Ainsi, les formations proposées ont une visée double d’insertion dans le métier mais
aussi d’évolution. Les programmes de formation des enseignants du supérieur que
nous connaissons amènent donc des collègues de différentes disciplines et de diffé-
rents statuts à se côtoyer en formation. En effet, c’est par l’hétérogénéité des ensei-
gnants que l’on pourra réellement aborder la question de la diversité des apprenants.
Par ailleurs, le mélange disciplinaire favorise également l’émergence de ce que l’on
pourrait appeler des questions naïves, c’est-à-dire des questions que l’on ne pose
plus lorsque l’on provient de la même discipline, ces fameuses évidences... C’est aussi
dans cette rencontre interdisciplinaire que les enseignants réalisent également que
certaines problématiques sont communes aux étudiants de différentes disciplines, et
ce, même si elles peuvent se vivre différemment.
Au-delà des contenus en eux-mêmes proposés par les formations des diffé-
rentes universités, c’est souvent la question de la posture et des représentations qui
sont au cœur des échanges. Qui sommes-nous comme professeurs ou comme ensei-
gnants-chercheurs ? Comment sommes-nous capables de penser nos multiples
missions ? Comment trouver sa place comme enseignant (qui doit définir les cibles
d’apprentissage, les stratégies d’enseignement et d’apprentissage et d’évaluation
adéquates), comme directeur de mémoire ou de thèse, comme chercheur, comme
membre de la collectivité ? Ces questions ne peuvent trouver réponse en quelques
heures de formation… tout comme nous n’imaginons pas que les apprenants
66 auront terminé leurs apprentissages et leur représentation du métier à la suite de
leur parcours de premier cycle. Ainsi, la formation des enseignants du supérieur est
à penser dans le temps, dans une perspective de professionnalisation continue, sans
imaginer que diffuser des savoirs pédagogiques ou didactiques aux enseignants, dans
une posture transmissive ou décontextualisée, va les amener à faire un transfert auto-
matique auprès de leurs étudiants. Nous devons penser ce que l’on pourrait appeler
une professionnalisation du nouveau métier d’enseignant-chercheur, acceptant la
remise en question de nos certitudes, tout comme nous le faisons quotidiennement
dans notre mission de chercheur.
Dans leur définition, Portelance et al. (2014) abordent certes la question
de la transformation identitaire des individus, mais aussi celle des collectifs et
des organisations. Comment un établissement universitaire peut-il bénéficier du
développement professionnel des enseignants qui y interviennent ? Notons qu’au
Québec, certaines universités (par exemple, l’Université de Montréal, l’Université de
Sherbrooke, l’Université Laval), et probablement certains domaines en particulier,
notamment les sciences de la santé, ont choisi de mettre en avant cette identité de
transformation des pratiques enseignantes plus adaptées que jamais aux attentes des
étudiants et de la société, et ce, sans verser dans une approche utilitariste. C’est dans
cette perspective, par exemple, que l’Université Laval a mis en place, depuis 2013,
un programme de Chaire de Leadership en enseignement6, dont l’une des missions
est de contribuer, dans différentes disciplines, à la transformation des pratiques
pédagogiques soutenue par les résultats de la recherche en pédagogie universitaire.

6. [https://bit.ly/2ykfR3U].

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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À l’Université de Sherbrooke, citons en exemple le Centre de pédagogie des sciences


de la santé7 qui propose depuis plus de vingt ans une variété d’activités autour de
sujets d’intérêt pour le personnel dédié à l’enseignement.
Ajoutons que la formation des enseignants est devenue pour d’aucuns un
levier de recrutement des étudiants, en mettant notamment en valeur les prix et les
distinctions obtenus par les membres du corps professoral. Cette valorisation de la
mission d’enseignement favorise l’engagement des enseignants-chercheurs, mettant
en lumière non plus la lourdeur du trait d’union, mais bien la force de cette double
mission. Cette valorisation se traduit par exemple dans des politiques de valorisa-
tion de l’enseignement. Celles-ci se déclinent en différentes actions complémentaires
articulant une diversité de modalités de formations, qui sont ou non créditées. Elles
définissent également les modalités de prise en compte des critères d’investissement
pédagogique dans la progression de carrière, lesquels peuvent être ajustés au niveau
de chaque faculté et/ou département. La reconnaissance institutionnelle de cet enga-
gement passe par toute une palette d’actions : mise en place de prix d’excellence,
soutiens financiers, accompagnement des actions d’innovation pédagogique… Ainsi,
la professionnalisation des enseignants est pensée dans une approche écosystémique
qui reconnaît la temporalité nécessaire à une transformation durable. Ces politiques
institutionnelles sont relayées par les politiques facultaires qui tiennent ainsi compte
des singularités disciplinaires. L’objectif est d’initier une saine émulation fondée
sur le partage des pratiques transformées. Cette dynamique est renforcée par l’im-
plication étudiante qui va au-delà de la contribution des apprenants à l’évaluation
des enseignements, pensée et conduite dans une logique d’amélioration continue des
67
pratiques. Cette participation étendue à la réflexion sur l’évolution des programmes
contribue à la prise de conscience collective des transformations reconnues comme
nécessaire et pertinente par l’ensemble des acteurs.

L’innovation comme moyen de


développement professionnel
Innover sur la base d’une « simple » injonction est peu fertile, de même
que le faire parce qu’on a vu une initiative intéressante dans un autre établissement.
Sans analyse préalable du contexte et des finalités espérées, il y a peu de chances que
le projet soit porteur d’un réel développement professionnel. Deux conditions appa-
raissent nécessaires à réunir : un portage politique fort de l’importance de la qualité
pédagogique et le partage par les acteurs d’une vision commune des points d’amé-
lioration à apporter. Il apparaît essentiel que les enseignants puissent eux aussi se
donner le droit d’évoluer et de transformer leurs pratiques, afin de se développer
professionnellement dans leur mission pédagogique. Cela suppose, pour qu’un chan-
gement durable s’opère, de développer une culture de la prise de risque dans un
contexte sécurisé, où le tâtonnement et l’erreur sont les valeurs qui organisent les
actions de professionnalisation. Donner du temps aux enseignants par des dégage-
ments effectifs apparaît une condition sine qua non de cette transformation. L’enjeu est
de diminuer la pression temporelle pour laisser le temps à la créativité pédagogique.

7. [https://www.usherbrooke.ca/cpss/fr]

N° 80 - Avril 2019
Choisir l’innovation pour revoir ses enseignements et donc favoriser l’ap-
prentissage en profondeur des apprenants, c’est aussi se (re)donner le plaisir d’en-
seigner. L’exemple du cours « Plaisir de faire apprendre » offert par l’Université
Laval depuis 1996 illustre cette volonté de ré-enchanter l’acte d’enseigner. Au-delà
de ce plaisir, il convient d’amener l’enseignant à questionner rigoureusement ses
pratiques. C’est le cas, par exemple, du Microprogramme de 3e cycle en pédagogie
de l’enseignement supérieur de l’Université de Sherbrooke, qui propose la démarche
de Scholarship of Teaching and Learning8 (Bélisle, Lison et Bédard, 2016), c’est-à-dire
un processus de développement et de valorisation de l’expertise des enseignants du
supérieur en matière d’enseignement et d’apprentissage (Biémar, Daele, Malengrez et
Oger, 2015). Dans ce cadre, les enseignants sont invités à confronter leurs réflexions
et leurs intuitions aux écrits scientifiques en pédagogie de l’enseignement supérieur
et aux modèles éprouvés, et ce, afin d’éviter ce que Rozenblit et Keil (2002) appellent
l’illusion de la capacité explicative (illusion of explanatory depth). L’entrée par la
recherche permet souvent aux enseignants-chercheurs de cheminer avec plus de
confiance dans le processus.
Ainsi, toutes les formations à la pédagogie repérées, au Québec ou ailleurs,
partent des pratiques initiales de l’enseignant, pratiques basées sur la conception
que l’enseignant se fait de l’enseignement et de l’apprentissage. L’idée n’est jamais
de l’amener à tout remettre en question mais plutôt à faire évoluer sa pensée en
prenant appui sur les recherches actuelles en enseignement supérieur, domaine qui
n’a jamais été plus foisonnant qu’à l’heure actuelle. Pour ce faire, les formations
68 pédagogiques proposées aux enseignants se doivent d’être homomorphes comme
le rappellent des études qui « ont montré que l’expérience vivante d’une situation
formative qui présente un homomorphisme avec la situation à mettre en œuvre
dans sa pratique, doublée d’une démarche réflexive, contribue au développement de
nouvelles pratiques (Loisy, 2012, 2017) ». Mettre en place des formations basées sur
une approche transmissive serait porteur d’un message incohérent. Si l’enjeu est de
conduire les enseignants en dehors de leur zone de confort, l’objectif est d’agir au
sein de leur zone proximale de développement et de les faire entrer dans la zone de
délicieuse incertitude de la transformation pédagogique (Brunelle, Godbout, Drouin
et Tousignant, 1988).
Par ailleurs, on sait depuis plusieurs années que, si la formation amène
souvent une transformation des conceptions, le transfert dans la pratique n’est ni
automatique ni toujours aisé. Pour que ce transfert se fasse, il importe de dépasser
les aspects formatifs pour aller jusqu’à un changement de posture, du praticien au
praticien réflexif, voire au praticien-chercheur (Bédard, 2014). Cette dernière posture
est celle que les enseignants impliqués dans une démarche Scholarship of Teaching
and Learning sont invités à adopter (Bélisle et al., 2016). S’adossant à la recherche
sur l’enseignement et l’apprentissage en contexte spécifique, cette démarche de déve-
loppement professionnel, très connue dans le monde anglo-saxon, implique la mise
en place d’une démarche scientifique, afin de questionner rigoureusement l’enseigne-
ment et l’apprentissage d’une discipline, notamment à la suite de la mise en place
d’une pratique pédagogique documentée. Notons que ce travail ne peut être assimilé

8. Voir note … p. … de ce dossier.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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à une forme de reddition de compte avec un objectif de contrôle mais bien à un


objectif formatif, afin d’augmenter la qualité de l’enseignement offert, de favoriser
des apprentissages durables et de contribuer à la réussite des étudiants.

Si la formation des enseignants universitaires ne constitue pas la réponse à


toutes les problématiques que rencontrent les établissements d’enseignement supé-
rieur, elle semble néanmoins une voie à privilégier pour relever les défis contem-
porains. Plus qu’une formation, l’enjeu est davantage celui du développement
professionnel des enseignants dans une perspective d’amélioration continue des
pratiques pédagogiques ancrée dans une approche systémique. L’expérience québé-
coise, tout en considérant ses limites, peut être une source d’inspiration, tenant
compte de son antériorité et tout particulièrement de la dimension réflexive qui
sous-tend cette professionnalisation, de sa temporalité et de sa reconnaissance au
plan institutionnel. Les travaux et les observations montrent l’importance de quitter
une posture d’enseignant-apprenant pour tendre vers un co-développement accom-
pagné, dont l’une des prémices est la construction d’un sens commun qui soutient
l’intérêt et le désir de changement.
La formation des enseignants du supérieur doit être explicitement
ancrée dans la stratégie de l’établissement et inscrite dans une politique qui recon- 69
naît le leadership pédagogique comme une valeur et un vecteur de son propre
développement, au même titre que la politique en matière de recherche. La forma-
tion et l’accompagnement à la transformation des pratiques, qui se traduisent dans
une diversité de déclinaisons, apparaissent comme de plus en plus incontournables
dans le positionnement et l’attractivité des établissements d’enseignement supérieur
et contribuent au développement d’un bien-être pédagogique au bénéfice des ensei-
gnants et des apprenants.

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N° 80 - Avril 2019
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R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

La pédagogie
universitaire en
Belgique francophone :
un processus qui s’inscrit
dans la durée

Marcel Lebrun
Jean-Marie De Ketele
Université catholique de Louvain

Comme dans d’autres pays, le développement de la pédagogie universi-


taire en Belgique s’inscrit dans un temps long et passe par diverses phases, dont le
décollage et la durée varient d’une université à l’autre. Dans un premier temps, nous
décrirons de manière historique, depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui, l’évo-
lution de la pédagogie universitaire dans notre institution, l’Université catholique de
Louvain (UCLouvain). Ensuite, nous sélectionnerons et détaillerons quelques points
essentiels de ce développement, en élargissant notre analyse à d’autres institutions et
à différents réseaux.
71
La pédagogie à l’UCLouvain :
approche historique

Une phase d’émergence


En Belgique francophone, UCLouvain a été pionnière dans le développement
de la pédagogie universitaire. Elle le doit à un vice-recteur à l’enseignement,
Jean Demal, qui, dans les années 1970, a pris l’initiative de demander aux ensei-
gnants-chercheurs de se faire connaître, s’ils estimaient mettre en œuvre des « innova-
tions » dans leur enseignement, c’est-à-dire des dispositifs et des pratiques différentes
de celles que l’on observe habituellement. À l’étonnement général, plus de trois cents
retours ont été reçus et ont fait l’objet d’une analyse par la conseillère du vice-recteur
et un chercheur en éducation. Les plus originales, et tout particulièrement celles qui
avaient fait l’objet d’une évaluation auprès des étudiants, ont été diffusées à l’ensemble
de la communauté universitaire à travers le « feuillet vert ». Celui-ci était une feuille
verte A3, pliée en deux, décrivant plusieurs innovations menées dans l’institution et
invitant les enseignants intéressés à prendre contact avec les auteurs concernés ou à
solliciter une demi-journée de « formation » sur l’innovation en question.
De cette initiative est née une formule de formation qui a fait ses preuves et
dont les étapes sont les suivantes :
- les auteurs de trois innovations (les « témoins ») sont sollicités pour
effectuer un témoignage auprès de leurs collègues ;

N° 80 - Avril 2019
- une présentation de vingt à trente minutes est préparée par le témoin avec
l’aide d’un expert en éducation, car l’expérience a montré que les auteurs d’une inno-
vation sont rarement capables de la communiquer dans toute sa richesse aux partici-
pants ; souvent, ils oublient de mentionner certains aspects du processus d’innovation
(comme le problème de départ et les difficultés rencontrées et à résoudre) ou consi-
dèrent comme évidents certains aspects, qui ne le sont pas pour les participants ;
- le déroulement de la séance se déroule en plusieurs étapes : une présenta-
tion des trois témoins par un animateur, les trois exposés des témoins, une discussion
avec les participants, une discussion libre autour d’un verre de l’amitié, induisant très
souvent de nouvelles relations entre collègues ;
- après la réunion, les témoins sont souvent amenés à jouer le rôle de coach
auprès des enseignants qui tentent à leur tour d’innover dans leur enseignement.
Petit à petit, la pédagogie universitaire percolait dans la communauté ensei-
gnante. Les autorités, notamment à travers la commission de l’enseignement, ont
valorisé les innovateurs et encouragé les collègues à faire de même, notamment en
mettant à leur disposition des ressources, telles que l’expertise du personnel du Centre
audiovisuel, des financements ou du personnel complémentaire pour les phases de
conception. Elles ont également encouragé les enseignants à participer aux travaux
de l’Association internationale de pédagogie universitaire (AIPU), créée en 1980 par
Jean Demal. Ceci a incité de nombreux enseignants à mener des travaux de recherche
collaborative, notamment sur les facteurs de réussite et d’échec des étudiants à la tran-
sition entre l’enseignement secondaire et supérieur ou sur les dispositifs pédagogiques
innovants et leurs effets. L’association allait mettre en contact les enseignants belges
72
avec des collègues d’autres pays, notamment du Canada, qui avait déjà, à l’époque,
une expertise reconnue. C’est ainsi que les responsables louvanistes de la formation
des ingénieurs, pionniers dans le domaine de la pédagogie universitaire, allèrent visiter
l’approche par problèmes et par projets développée par la faculté de médecine de
Sherbrooke, puis celle développée par Maastricht, toujours en médecine, et enfin celle
mise en œuvre à l’École polytechnique de Copenhague. « Coachée » par ces institu-
tions, la faculté des sciences appliquées (devenue l’École polytechnique) allait devenir
à son tour coach pour d’autres institutions francophones. La pédagogie universitaire
était en marche, une phase d’institutionnalisation pouvait commencer.

L’institutionnalisation1
L’institutionnalisation s’est faite progressivement en termes d’accompagne-
ment pédagogique des enseignants, domaine dans lequel UCLouvain a été pionnière,
en Europe occidentale en tout cas, en proposant à ces derniers un ensemble de mesures,
de ressources, d’environnements dans lesquels ils allaient pouvoir apprendre, se déve-
lopper et innover dans leurs pratiques. Avec un leadership pédagogique explicite,
important et incontournable des autorités de l’Université, en interaction étroite avec
une « commission de pédagogie » en toile de fonds, cet environnement favorable au
développement pédagogique s’est constitué, selon nous, et a minima, à partir de quatre
composants historiquement marqués mais qui, au final, interfèrent positivement.

1. Les aspects ci-dessous sont repris du document suivant : Louvain Learning Lab (2016). Carnet de l’enseignant,
Voyages en pédagogie universitaire. [http://bit.ly/Carnet-LLL]

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

L’évaluation des enseignements


Tout a commencé dès les années 1980, avec l’instauration de l’EEEQ
(Évaluation des enseignements par les étudiants au moyen de questionnaires), dans
le but de réguler la qualité des enseignements (et de documenter les décisions d’attri-
bution de cours). Ces évaluations étaient alors classées dans un dossier relativement
confidentiel appelé « dossier d’appréciations pédagogiques » (DAP). Un saut dans
le temps nous conduit en 1992, avec une large étude consacrée à la réussite dans les
premières années universitaires. Parmi les conclusions, nous lisons que la formation
des enseignants à des formes plus interactives d’enseignement (centrées davantage
sur l’apprenant) et l’évaluation de ces dernières constitueront un facteur important
de réussite des actions pédagogiques entreprises. On y parle déjà de valorisation des
enseignements (en particulier au premier cycle), mais sans plus.

La formation des enseignants


L’idée de la nécessaire formation des enseignants était en route et allait
conduire à la création de l’IPM (Institut de pédagogie universitaire et des multi-
médias) en 1995. Dès décembre 1995, sept groupes de travail d’une quinzaine de
personnes émanant des différents horizons de l’université (enseignants, étudiants,
services…) produisent un dossier initiateur de nombreuses réformes ultérieures et
intitulé « La pédagogie à l’Université ».

Le soutien et le financement 73
des initiatives pédagogiques
En 1997, différents fonds épars souvent orientés « outils » (comme le fonds
pour l’équipement, l’audiovisuel, le fonds multimédia…) sont fédérés dans le Fonds
de développement pédagogique (FDP), marquant encore une fois cette volonté de
considérer l’enseignement comme un moyen pour favoriser des apprentissages de
qualité et d’investir dans ce domaine. Former les enseignants, évaluer leurs ensei-
gnements, les soutenir dans leurs intentions et actions pédagogiques, toute cette
mouvance va conduire l’IPM à développer une approche permettant de répondre aux
demandes et d’effectuer un accompagnement plus personnalisé des enseignants et
surtout des équipes vis-à-vis de ce qui deviendra, vers 2010, l’approche programme.

La valorisation des enseignants


À la rentrée académique 2004-2005, un nouveau pas est franchi avec l’avène-
ment d’un prorectorat à l’enseignement et à la formation, et avec l’explicitation d’une
priorité fédératrice : « L’étudiant au centre de sa formation ; la formation centrée sur
l’apprentissage ». Aussi, on y trace les prémisses du SoTL (Scholarship of Teaching and
Learning)2 même si celui-ci est alors encore peu explicite : l’enseignant-chercheur
est invité à considérer son enseignement comme un objet de recherche, un objet

2. NdlR : ce concept anglo-saxon, difficile à traduire en français, désigne l’expertise dans l’enseignement.
(NdlR) Voir : N. Rege Colet, L. McAlpine, J. Fanghanel et C. Weston, « Le concept de Scholarship of Teaching and
Learning », Recherche et formation [En ligne], 67, 2011. DOI : 10.4000/rechercheformation.1412

N° 80 - Avril 2019
élaboré sur la base d’une expertise scientifique et fondé sur des preuves, à s’informer
sur les pratiques pédagogiques et leurs finalités, à les expérimenter, à les évaluer, à
les discuter avec des pairs et à les soumettre ainsi à la critique constructive et fertile
en évolutions (la formation se muant en communauté de pratiques), et enfin à les
publier à l’instar de ce qui se fait dans la recherche. La valorisation de la fonction
enseignante à l’Université s’est alors traduite, de manière naturelle, par la mise en
place du « dossier de valorisation pédagogique » (DVP) dès lors demandé pour les
nominations et promotions dans la carrière.
On comprendra que, prenant appui sur ces nouvelles dimensions, l’IPM
allait endosser de nouvelles fonctions, de nouvelles responsabilités. Elles sont
traduites dans sa nouvelle appellation entrée en vigueur en 2015 de Louvain Learning
Lab (LLL). Sans toutefois négliger les formations « générales » organisées depuis le
tout début, l’accompagnement pédagogique des projets individuels et d’équipe, etc.,
le LLL propose désormais aux enseignants encore davantage d’occasions d’apprendre
ensemble, dans un esprit d’innovation, de recherche de valeur ajoutée et de valorisa-
tion des efforts pédagogiques entrepris.

La pratique ancrée :
le développement
du Learning Lab
Les technologies ont toujours entretenu un lien étroit avec la pédagogie,
74 que ce soit en tant que ressources pour les enseignants et les apprenants ou en tant
qu’outils porteurs d’activités pédagogiques ou d’interactivités. Dans la foulée des
centres audiovisuels qui préexistaient au Québec et en Europe (souvent orientés
vers la production de ressources), et suite à différents rapports de la commission de
pédagogie d’UCLouvain, fut créé en 1995 « un service interfacultaire de formation
des enseignants », déjà mentionné plus haut : l’institut de pédagogie universitaire
et des multimédias ou IPM. Cette appellation marque la volonté de mixer le poten-
tiel pressenti des technologies avec la nécessité de faire évoluer la pédagogie, voire
d’assujettir l’approche technique au projet pédagogique. Il s’agit en fait d’intégrer
de manière cohérente les outils dans l’alignement pédagogique (constructive align-
ment) de Biggs (2004), relatif aux objectifs, aux méthodes et aux évaluations3. C’est
ainsi que dès 2000, au départ des besoins et des expériences d’enseignants, une
plateforme générique mais adaptable fut développée afin de soutenir des projets
pédagogiques à valeur pédagogique ajoutée : Claroline, l’un des premiers Learning
Management Systems (LMS) développé en open source fut gratifié d’un prix Unesco
(2007)4.
À l’heure actuelle, les technologies sont devenues « le numérique » : les
ressources éducatives libres (Open Educational Resources : OER), les nouveaux espaces

3. NdlR : John Biggs est le premier a avoir énoncé le concept d’alignement pédagogique : que faire acquérir aux
étudiants, quelle approche pédagogique, quelles modalités d’évaluation ?
4. Ce prix UNESCO pour l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation
a été décerné en 2007 à deux projets (Claroline et Curriki) choisis parmi 68 projets présentés par 51 pays. [http://
bit.ly/Claroline-2007]

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

d’apprentissage (Learning Spaces), les méthodes de créativité, etc., ouvrent le champ


de la formation à de nouveaux possibles. Certes, l’outil reste un outil mais le numé-
rique transforme radicalement les activités humaines, du champ socioprofessionnel
à la vie politique, économique, les activités quotidiennes, de loisirs… Il change aussi
nos façons d’apprendre et d’enseigner, en modifiant les compétences nécessaires et en
devenant in fine bien plus qu’un outil. C’est ainsi que le Louvain Learning Lab (nom
récent de l’IPM) se veut un laboratoire dans lequel sont développées et expérimen-
tées « scientifiquement » de nouvelles approches pédagogiques telles que les MOOCs
(Massive Open Online Course) ou les classes inversées.

Les piliers actuels


de la pédagogie universitaire
Avec des variantes et des rythmes différents, les trois phases du dévelop-
pement de la pédagogie universitaire à Louvain (émergence, institutionnalisation,
pratique ancrée) caractérisent aussi celui des autres universités francophones de
Belgique, comme l’Université de Liège, l’Université libre de Bruxelles, l’Université
Saint Louis, l’Université de Namur et l’Université de Mons. Actuellement, on peut
dire que la pédagogie universitaire dans toutes ces universités tend à reposer sur les
piliers suivants : des dispositifs d’aide aux étudiants ; l’évaluation des enseignements
par les étudiants (EEE) et la prise en compte progressive de la fonction pédagogique
dans les nominations et promotions ; la professionnalisation du métier d’ensei-
75
gnant tant dans les universités que dans les Hautes écoles5 ; la professionnalisation
également du personnel des centres de ressources pédagogiques et technologiques au
service de l’enseignement ; la valorisation de la recherche en pédagogie universitaire ;
la montée en puissance des dispositifs d’évaluation de la qualité des institutions
d’enseignement supérieur.

Des dispositifs d’aide


aux étudiants à questionner
Face à la massification et à l’hétérogénéisation de l’enseignement supérieur
entraînant des risques d’échec de plus en plus traumatisants pour les étudiants et
leurs familles, largement répercutés par les médias, les universités belges ont réagi en
proposant des dispositifs d’aide et de soutien. L’éventail des expérimentations au fil
du temps est très large, au point que des chercheurs ont tenté d’en dresser des typo-
logies. Plusieurs critères à croiser sont nécessaires pour en montrer leur variété. Nous
présentons ci-dessous (tableau 1) ceux qui nous paraissent prioritaires.

5. En Belgique, l’enseignement supérieur est composé des universités et des hautes écoles, spécialisées dans la
formation de certains métiers. Chaque haute école est désormais attachée à une université, tout en gardant une
certaine indépendance.

N° 80 - Avril 2019
Tableau 1
Critères prioritaires des dispositifs d’aide aux étudiants en Belgique

Critère 1. Population étudiante - population en décrochage


concernée par le dispositif - population en difficulté
- population à risque
- toute la population

Critère 2. Degré d’obligation - participation totalement libre


- participation conseillée
- participation obligatoire

Critère 3. Personnel chargé de l’aide - pairs (étudiants des années supérieures ou étudiants
ou du soutien brillants de l’année)
- enseignants du secondaire
- enseignants chercheurs
- professionnels de l’accompagnement

Critère 4. Objet de l’aide - contenu disciplinaire


ou du soutien - méthodologie du travail universitaire
- intégration sociale et institutionnelle
- projet personnel

Critère 5. Moment du soutien - avant l’entrée à l’université


ou de l’aide - à l’entrée (dans les premières semaines)
- tout au long de l’année
- avant une session d’examens
- après la session d’examens de janvier6
76 - après la première année

Le croisement des modalités de ces cinq critères aboutit à de nombreux dispositifs


différents, dont beaucoup ont été expérimentés pour tenter de répondre à la double
question de leur efficacité (effets sur le parcours de l’étudiant) et de leur pertinence
(adéquation aux besoins des étudiants et aux moments opportuns). Conscientes de
ces enjeux mais également soucieuses des coûts de tels dispositifs, les autorités acadé-
miques ont encouragé les chercheurs à mener des recherches évaluatives à ce sujet7.
Même s’il reste de nombreuses questions en suspens, on peut dégager quelques résul-
tats intéressants : dans les dispositifs où la participation est libre, ce sont les étudiants
les plus motivés et qui n’ont pas nécessairement le plus besoin du dispositif d’aide
qui en profitent le plus ; les dispositifs centrés sur les contenus disciplinaires ont plus
d’impact sur les résultats académiques que ceux centrés sur les aspects méthodolo-
giques, tout particulièrement dans les filières scientifiques ; les dispositifs ont souvent
un impact positif sur l’intégration sociale et institutionnelle des étudiants, mais non
nécessairement sur leurs résultats académiques, du moins à court terme.

6. En Belgique, l’enseignement supérieur universitaire est semestrialisé. Il existe donc une session d’examens en
janvier.
7. La recherche dont la référence est mentionnée ci-dessous est intéressante, non seulement parce qu’elle com-
pare l’efficacité de deux types de dispositifs importants mais aussi parce qu’elle dresse une revue critique interna-
tionale importante des travaux antérieurement menés sur les dispositifs d’aide : Vertongen G., Nils F., Galdiolo S.
et al. (2015) : « Test de l’efficacité de deux dispositifs d’aide à la réussite en 1re année d’université : remédiations
précoces et blocus dirigés », Louvain-la-Neuve : Cahiers du Girsef, n°103, 26 p. Ces résultats ont été aussi démon-
trés en France dans les recherches de C. Michaut (2003) : « L’efficacité des dispositifs d‘aide aux étudiants dans
les universités », Recherche et Formation, 43, p. 101-113.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

De l’évaluation
des enseignements
par les étudiants au dossier
de valorisation pédagogique
S’inspirant des pratiques du monde anglo-saxon, les facultés belges chargées
de la formation des ingénieurs ont compris les premières (dès les années 1970, pour
certaines d’entre elles) l’intérêt de faire évaluer les enseignements par les étudiants
(EEE). Cette pratique est entrée désormais dans les mœurs de tous les départements,
car à l’usage, les enseignants chercheurs se sont aperçus que la plupart de leurs
craintes étaient infondées. Au fil du temps, s’inspirant des nombreuses recherches
sur l’EEE, les institutions ont mis en place des dispositifs rôdés : centration sur ce
que les étudiants étaient les mieux à même d’évaluer ; création de banques d’items
adaptés aux différentes formes d’enseignement ; traitements automatisés sur la base
de procédures mises au point avec des spécialistes ; communication des résultats à
l’enseignant concerné, qui peut ainsi se situer par rapport aux résultats d’un collectif
d’enseignants sur les différents critères pris en considération ; possibilité pour
celui-ci de solliciter un soutien auprès d’une instance de conseil ; adjonction à l’éva-
luation proprement dite de l’avis de l’enseignant, en fonction de son contexte et des
mesures éventuellement prises ; prise en considération d’un ensemble d’EEE (et non
d’une seule) ainsi que d’autres prises d’informations en provenance d’autres acteurs
(par exemple : analyse des supports de cours par une commission des programmes,
audit externe d’un programme d’enseignement, etc.). Ainsi, les institutions ont 77
trouvé au fil du temps le moyen de concilier la fonction formative (développement
professionnel) et certificative (évolution dans la carrière) de l’évaluation.
Le dispositif actuel, probablement le plus abouti, est sans doute le « dossier
de valorisation pédagogique » (DVP)8, désormais exigé pour les nominations et les
promotions de carrière, mais surtout conçu pour être un outil de développement
professionnel, dans un contexte où existent des tensions entre les missions de recherche,
d’enseignement et de services. Le DVP repose sur les travaux du courant anglo-saxon du
« Scholarship of Teaching and Learning » (SoTL), qui distingue trois niveaux d’expertise
dans le développement professionnel de l’enseignant universitaire : (1) il développe dans
son enseignement des compétences réelles ; (2) il échange ses expériences avec d’autres
enseignants et développe avec eux certains projets ; (3) il contribue à produire des
connaissances dans le champ de l’enseignement et de l’apprentissage. Avec l’aide d’un
conseiller pédagogique, s’il le souhaite, l’enseignant va constituer un DVP qui contiendra
les éléments représentatifs de son activité sur le plan pédagogique, éléments qui seront
analysés par une commission à l’aide d’une grille basée sur les trois niveaux d’expertise
mentionnés ci-dessus. Ainsi, les résultats de plusieurs EEE seront des traces relatives au
niveau 1, tandis que des communications ou des publications dans le cadre d’une asso-
ciation de pédagogie universitaire relèveront du niveau 3. À côté du CV scientifique, le
DVP devient un élément important dans la carrière de l’enseignant chercheur.

8. Le DVP a fait l’objet d’une décision du conseil académique de l’UCL en 2000, mais n’a été vraiment mis en
pratique qu’aux environs de 2007, le temps que les responsables et commissions facultaires ou départementales
se l’approprient.

N° 80 - Avril 2019
Vers une professionnalisation
du métier d’enseignant
universitaire
Les actions menées au fil du temps (dispositifs d’aide aux étudiants, EEE,
DVP) ont instillé une prise de conscience de la complexité de l’acte d’enseignement
et du processus d’apprentissage et de la nécessité bénéfique de se développer sur le
plan professionnel. La fonction d’enseignant dans l’enseignement supérieur devait
donc se professionnaliser. Au départ, il s’agissait de participer aux offres de formation
offertes par l’institution et de saisir les opportunités offertes pour s’engager dans des
projets d’amélioration de son enseignement ou dans des projets innovants. Avec des
dispositifs comme le DVP et les offres de « Master en pédagogie universitaire et de
l’enseignement supérieur » dans toutes les universités belges, un pas supplémentaire
est franchi vers plus de professionnalisation du métier d’enseignant dans l’enseigne-
ment supérieur. Les doctorants et les enseignants-chercheurs nouvellement nommés
sont encouragés à suivre ces masters complémentaires centrés sur la pratique profes-
sionnelle, sur la réalisation de projets de formation, sur l’échange et l’analyse de
pratiques diverses. Les bénéficiaires peuvent ainsi disposer d’apports utiles pour
répondre aux exigences institutionnelles de début de carrière ; au-delà de la forma-
tion, ils poursuivent souvent les échanges avec les collègues de leur promotion ou les
formateurs ; ainsi se crée progressivement une communauté d’apprentissage au sein
de l’institution ou avec d’autres institutions.
78
Vers une professionnalisation
des centres de ressources
et de soutien
De manière générale, les « centres de pédagogie universitaire » contribuent
à la formation et à l’accompagnement pédagogiques des enseignants. Dans une
société en mutation où les savoirs et les savoir-faire se démultiplient et se diffusent
rapidement, les enseignants, comme dans la plupart des métiers, continuent à
apprendre tout au long de la vie. Ainsi, dans un même mouvement, les apprentis-
sages des étudiants et ceux des enseignants préparent notre société en devenir. Même
si leur métier est récent et surtout parce qu’il est récent, les conseillers ou ingénieurs
pédagogiques, à la racine de ce mouvement de transformation de la pédagogie, se
doivent aussi de veiller à leur propre formation continue et de se doter des moyens
de continuer à apprendre. Comme les enseignants, ils s’inscrivent dans une démarche
SoTL en mettant en place des pratiques d’accompagnement innovantes, en analy-
sant ces dernières, en les soumettant à la critique de leurs pairs, en les diffusant de
manière nationale et internationale. Nous en présentons ci-dessous trois exemples.

Le BSQF (Belgique,
Suisse, Québec, France)
À l’issue du congrès de l’Association internationale de pédagogie universi-
taire (AIPU) d’avril 2000 à Nanterre, quelques acteurs de centres de formation des

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

enseignants d’alors (citons A. Laloux et M. Lebrun de l’IPM à Louvain-la-Neuve,


R. Prégent et H. Bernard du Bureau d’appui pédagogique à Montréal), faisant le
constat du manque de communications relatives à l’accompagnement pédagogique
des enseignants, décidèrent de la constitution d’un réseau de conseillers
pédagogiques : le premier BSQ (initiales de Belgique, Suisse, Québec) tint ses
rencontres en 2001 à Magog (Québec). Il s’agissait de présenter, critiquer, modéliser
et valider des pratiques relatives au conseil pédagogique, en les alimentant de savoirs
pédagogiques et en les faisant vivre au travers de méthodes pédagogiques innovantes.
Vers 2010, la France s’ajoutait à ce réseau international francophone qui est devenu,
depuis, le BSQF ; le dernier colloque s’est tenu en 2017 en Bretagne sur le thème de la
transformation pédagogique.

La collaboration Louvain-Laval
Après cette approche « bottom-up », nous présentons une autre initiative
de formation mutuelle de conseillers pédagogiques et d’acteurs institutionnels, cette
fois dans le cadre d’une collaboration institutionnelle des universités de Louvain
(Belgique) et de Laval (Québec). Au départ, il s’agissait principalement de rencontres
entre acteurs institutionnels impliqués à différents niveaux dans la pédagogie univer-
sitaire et de conseillers pédagogiques ; les travaux étaient constitués de partages et
d’analyses de pratiques sur différentes thématiques, comme l’évaluation des ensei-
gnements et des programmes, les approches d’élaboration de curricula par compé-
tences et par programmes de formation (la problématique des learning outcomes, par
exemple). À l’heure actuelle, ces échanges ont abouti à la mise en place d’universités 79
d’été, avec la participation d’enseignants particulièrement actifs dans les thématiques
choisies. En 2018, la thématique était celle de la créativité, ses enjeux, les compétences
et démarches mises en place et en 2019 il fut question des espaces d’apprentissage.

Le réseau des Learning Labs


Depuis quelques années, la problématique des espaces d’enseignement
et d’apprentissage est apparue dans les réflexions sur les compétences à développer
chez les étudiants, sur les méthodes actives et interactives, sur les enjeux du numé-
rique aux échelles sociétale et éducative. En effet, par un mécanisme d’affordance9,
les outils numériques et les espaces dans lesquels se tiennent les formations peuvent
soutenir et même entraîner de nouveaux usages pédagogiques plus qualitatifs en
termes d’apprentissages et de compétences déployées. Après des expériences pilotes
(mentionnons l’École centrale de Lyon et EMLyon dès 2010, par exemple), un réseau
international de Learning Labs s’est constitué, en réunissant des institutions dispo-
sant d’espaces innovants entièrement dédiés aux nouvelles formes d’apprentissage
et utilisant les possibilités offertes par les technologies numériques. La charte de ce
réseau, en accord avec le principe de développement pédagogique soutenu par la
recherche expérimentale, repose sur six points :
- favoriser l’innovation pédagogique en testant et en développant différents modes
d’apprentissage ;

9. Capacité à, potentialité, en anglais. (NdlR)

N° 80 - Avril 2019
- disposer d’un espace innovant, au sein d’un établissement d’enseignement, d’un
organisme de formation ou d’une entreprise, permettant d’accueillir des forma-
tions, des rencontres, des séminaires, des productions, des expérimentations, des
recherches, de l’observation ;
- disposer d’un ensemble d’équipements numériques dédiés à l’appui pédagogique ;
- s’appuyer sur un dispositif de recherche sur l’innovation pédagogique ;
- soutenir l’acquisition des compétences, des cultures et des humanités numériques ;
- être un lieu ouvert accueillant des publics et des événements variés.

La recherche en pédagogie
universitaire au cœur du
développement professionnel
collectif et personnel
Au fil des ans, la recherche en pédagogie universitaire a pris une ampleur
et une importance considérable en Belgique francophone. De nombreuses études
empiriques ont été menées sur des thèmes aussi divers que les facteurs de réussite
et d’échec, l’évaluation des enseignements, les effets des dispositifs d’enseignement
et d’apprentissage, les effets de l’introduction du numérique sur les conceptions
pédagogiques, etc. Ces recherches ont été coordonnées le plus souvent par des
chercheurs experts du domaine, mais ont impliqué très fréquemment des collabo-
80 rations avec les responsables et les enseignants des facultés et départements inté-
ressés par l’objet de la recherche. Dans chaque université, on relève au moins une
équipe de recherche dont les travaux ont acquis une grande audience internationale.
Citons, à titre d’exemples sans être exhaustifs, les institutions suivantes : le LabSET
(Laboratoire de soutien aux synergies éducation-technologie) de l’Université de
Liège ; la cellule PRAC-TICE (Pédagogie, recherche-action & TICE) de l’Univer-
sité libre de Bruxelles ; la CFPU (Cellule facultaire de pédagogie universitaire) de
l’Université de Mons ; le SPU (Service de pédagogie universitaire) de l’Université
de Namur ; les trois institutions d’UCLouvain travaillant en collaboration, à savoir
la Chaire Unesco de pédagogie universitaire, le LLL (Louvain Learning Lab) et le
GIRSEF (Groupe interfacultaire de recherche sur la socialisation, la formation et
l’éducation). Ces institutions de recherche jouent un rôle important dans le dévelop-
pement de la pédagogie universitaire au sein de leur institution, mais également au
niveau international, en étant des membres actifs de l’AIPU (et d’autres associations
comme l’ADMEE10 ou le REF11…) et en menant des recherches conjointes avec des
chercheurs étrangers. Les références de quelques-unes d’entre elles sont mentionnées
en fin d’article.

10. ADMEE : Association pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation.


11. REF: Réseau international francophone de recherche en éducation et formation.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

L’évaluation de la qualité
des institutions
d’enseignement supérieur
Le processus de Bologne a contribué à créer un espace européen de l’ensei-
gnement supérieur qui réunit aujourd’hui 47 pays. L’organisation des études en trois
cycles et la mobilité Erasmus (plusieurs millions d’étudiants) en sont les principaux
fleurons. Avec la multiplication des échanges s’est posée la question de l’équivalence
de la qualité de la formation donnée. De nombreuses tentatives (définition de stan-
dards de qualité, développement de guidelines, inventaire de bonnes pratiques) ont
été lancées pour assurer une plus grande homogénéité entre les formations assurées
par les différents partenaires européens. Au niveau européen, on a vu naître l’Euro-
pean Association for Quality Assurance in Higher Education (ENQA) ; au niveau
des pays francophones, le réseau FrAQ-Sup (Réseau francophone des agences qualité
pour l’enseignement supérieur) ; au niveau de chaque pays, une instance d’évalua-
tion de la qualité, dont l’AEQES (Agence d’évaluation de la qualité de l’enseignement
supérieur) pour la Belgique francophone12.
De telles institutions ont amené les institutions belges d’enseignement
supérieur à se poser la question fondamentale « Qu’est-ce qu’un enseignement supé-
rieur de qualité ? » et à se positionner par rapport à différentes conceptions de la
qualité : excellence réservée à quelques-uns ? absence de défaut ? atteinte de l’objectif
fixé par l’institution ? rapport coûts/bénéfices ? processus de transformation par
les acteurs eux-mêmes et pour les acteurs ? Face à des institutions d’enseignement 81
supérieur très diversifiées (en termes de missions et contextes), la tâche de l’AEQES
est ardue, car il s’agit de prendre en compte les exigences européennes (ENQA), tout
en ne négligeant pas les enjeux spécifiques des institutions belges, dont certaines
visent un bon classement dans les classements internationaux et d’autres s’inscrivent
dans une niche particulière (comme la réponse à des problèmes de développement
régional ou aux besoins d’un champ professionnel).
Pour faire face aux tensions qu’une telle situation engendre, l’AEQES tente
de concilier à la fois une approche bottom-up et une approche top-down. La première
conduit chaque institution, avec ses spécificités, à adopter une démarche qualité dans
laquelle les acteurs sont invités à répondre aux questions suivantes :
1. Que sommes-nous en train de réaliser ?
2. Pourquoi le faisons-nous ?
3. Comment le faisons-nous ?
4. Est-ce que notre manière de la faire est la meilleure ? Peut-on l’optimiser ?
5. Est-ce que cela fonctionne ?
6. Peut-on s’améliorer ?
Cette démarche qualité s’inscrit dans une conception de la qualité comme
processus de transformation s’inscrivant dans la durée et pouvant convenir à des
institutions vivant des contextes différents et recherchant des finalités spécifiques.
L’approche top-down est présente dans l’évaluation externe des institutions, telle qu’elle
est pratiquée maintenant par la plupart des agences nationales : un comité interna-

12. Nous remercions notre collègue Philippe Parmentier, Président de l’AEQES, pour les informations fournies.

N° 80 - Avril 2019
tional d’experts externes (à la lumière des standards européens) jette un regard sur
le rapport interne de l’institution (résultat de l’approche bottom-up ci-dessus), mène
éventuellement des entretiens complémentaires et propose un plan de suivi.
Surtout si elles sont bien conduites, ces deux approches complémentaires
induisent progressivement une culture de la qualité dans les institutions, répondant
mieux à la fois à des standards généraux de l’espace européen (les piliers de la péda-
gogie universitaire présentés ci-dessus tendent à s’y retrouver) et à des critères opéra-
tionnels répondant aux besoins spécifiques de l’institution.

Références bibliographiques
BIGGS J. (2014) : « Constructive alignment in university teaching », HERDSA Review of
Higher Education, 1, p. 5-22. Hammondville (Australia) : HERDSA.
DE KETELE J.-M., HUGONNIER B., PARMENTIER P. et COSNEFROY L. (sous la direction
de) (2016). Quelle excellence pour l’enseignement supérieur ? Louvain-la-Neuve : De Boeck
supérieur.
LEBRUN M. (2007) : « Quality towards an expected harmony: Pedagogy and technology
speaking together about innovation », AACE Journal, 15(2), p. 115-130, Chesapeake, VA:
AACE.
LEBRUN M., PELTIER C., PERAYA D., BURTON R. et MARCUSO G. (2014) : « Un nouveau
regard sur la typologie des dispositifs hybrides de formation », Éducation & Formation,
e-301, p. 55-74.
82 POUMAY M., TARDIF J. et GEORGES F. (sous la direction de) (2017) : Organiser la
formation à partir des compétences. Un pari gagnant pour l’apprentissage dans le supérieur,
Louvain-la-Neuve : De Boeck supérieur.
RAUCENT B., VERZAT C. et VILLENEUVE L. (sous la direction de) (2010) : Accompagner
des étudiants. Quels rôles pour l’enseignant ? Quels dispositifs ? Quelles mises en œuvre ?,
Louvain-la-Neuve : De Boeck supérieur.
ROMAINVILLE M. et MICHAUT C. (sous la direction de) (2012) : Réussite, échec et
abandon dans l’enseignement supérieur, Louvain-la-Neuve : De Boeck supérieur.
WARNIER P., WARNIER L., PARMENTIER P., LELOUP G., PETROLITO S. (2010) : « Et
si on commençait par les résultats ? Élaboration d’une démarche de définition des acquis
d’apprentissage d’un programme de formation universitaire », Actes du 26e congrès de
l’AIPU, Rabat (Maroc).

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

La longue marche
pour la formation
pédagogique
des enseignants
du supérieur au Liban1
Nada Moghaizel-Nasr
Université Saint-Joseph de Beyrouth

L’enjeu de la formation
pédagogique des enseignants
universitaires au xxie siècle
Dans un ouvrage récent, Yuval Harari (Harari, 2018) évoque les compé-
tences non seulement nécessaires, mais vitales, pour le XXIe siècle. Le risque pour ceux
qui en seraient privés est de devenir « inutiles », « insignifiants » écrit-il. C’est donc
« l’insignifiance », plutôt que l’exploitation, qui guetterait dans ce siècle.
Selon lui, cette période de transformations radicales se différencie des précé- 83
dentes par le fait que les compétences nécessaires sont plus complexes et difficiles à
acquérir. Des compétences non seulement cognitives, mais également émotionnelles
jusqu’à un certain point, sont ou seront assurées par les algorithmes. Les nouvelles
compétences restent en grande partie incertaines. Pour prévenir la menace de l’insi-
gnifiance, il dessine donc les contours de celles à développer auprès des jeunes.
Parmi celles-ci figurent les 4 « c » : pensée critique, communication,
créativité et collaboration. Ces compétences sont nécessaires mais loin d’être suffi-
santes, selon Harari.
Dans un contexte de pléthore d’informations, dit-il, il s’agit d’être capable
de distinguer l’important de l’insignifiant, de dégager du sens, d’associer les
nombreuses bribes d’informations en une vision d’ensemble.
La période à venir ayant pour « trait saillant » la « discontinuité » et « la
seule certitude » étant le changement, « on ne peut guère se permettre la stabilité ».
« Pour être à la hauteur du monde de 2050, il faudra non seulement inventer des
idées et des produits mais se réinventer sans cesse ». La vie ne sera plus divisée en
temps d’apprentissage puis en temps de travail. « Être capable d’apprendre et de se
réinventer constamment » est donc incontournable.
Dans ce contexte, la souplesse mentale et de « grandes réserves d’équi-
libre émotionnel » sont impératives, selon Harari. Il faudra, en effet, préserver son
équilibre mental face à des situations peu familières et « gérer des niveaux de stress
considérables ».

1 Cet article a été rédigé en janvier 2019. (NdA)

N° 80 - Avril 2019
Dans une période de « hacking des êtres humains », où les algorithmes s’oc-
cuperont de tout, se connaître, savoir qui je suis « sera une question plus urgente et
plus compliquée que jamais ». « Connais-toi toi-même », « ce conseil n’a jamais été
plus impérieux qu’au XXIe siècle », dit-il.
Ces compétences ne sont donc pas seulement de nature technique, mais
également métacognitive, mentale et psychique, impliquant un certain rapport à soi
et au monde. Elles interrogent en profondeur nos pratiques enseignantes, posant
d’emblée l’urgence et l’enjeu de former des enseignants, « produit d’un vieux système
éducatif » (ibid.).

Facteurs impactant
les pratiques pédagogiques
dans les universités libanaises
La liberté de l’éducation est reconnue par la Constitution libanaise. Elle
est régulée, dans l’enseignement supérieur, par une loi datant de 2014. Plus norma-
tive que visionnaire, cette loi porte essentiellement sur des exigences administratives
et sur des procédures. La question des enseignants y est traitée essentiellement sous
cet angle et n’évoque que des compétences disciplinaires et de recherche. L’article 5
stipule que 60 % des enseignants à temps plein doivent être détenteurs d’un doctorat
ou du plus haut diplôme de leur discipline. Le ratio enseignant/étudiants ne doit pas
dépasser trente étudiants par enseignant. Pour obtenir un permis d’opérer, l’institu-
84
tion se doit d’avoir un code de l’enseignant, précisant : les catégories d’enseignants, les
conditions de recrutement et de promotion, les mesures sociales qui leur sont offertes,
ainsi que leurs droits et devoirs quant à la liberté académique, la propriété intellec-
tuelle et les voies de recours (article 44). Les compétences pédagogiques n’y sont, elles,
pas mentionnées et les droits et devoirs n’évoquent que le domaine de la recherche
et des questions administratives. La validation des acquis de l’expérience n’y est pas
autorisée. Enfin, l’enseignement à distance est réduit à un faible pourcentage d’un
programme d’enseignement. Autant d’articles qui dessinent une représentation tradi-
tionnelle de l’enseignement et n’encouragent pas des approches innovantes.
Par ailleurs, les conflits politiques et confessionnels, l’absence de l’État et
la corruption endémique empêchent de poser les premiers jalons d’une politique
éducative nationale pouvant garantir une qualité de l’enseignement, tels que :
- la modernisation de la loi de l’enseignement supérieur ;
- la création d’une agence nationale d’assurance qualité ;
- la rédaction de documents de référence nationaux; la stratégie nationale pour
l’enseignement supérieur date de 2007, quant aux cadres de qualifications natio-
naux, ils sont en gestation et ne concernent que quelques domaines ;
- la structuration de la Direction générale de l’enseignement supérieur.
L’étude de l’Association des universités européennes, Trends 2018
(EUA, 2018), confirme l’impact de la stratégie nationale sur celles des universités,
ainsi que son « rôle moteur » dans le développement des pratiques pédagogiques.
74 % des institutions sondées par l’EUA reconnaissent l’impact des politiques natio-
nales sur la qualité de l’enseignement, à condition qu’elles ne soient pas coercitives.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Impulser sans contraindre ni bureaucratiser est le défi à relever, défi qui prend un
sens particulier au Liban, pays pris entre bureaucratie et chaos.
Parmi les mesures incitatives identifiées dans le document de l’Association
des universités européennes susmentionné, figurent :
- la reconnaissance des compétences pédagogiques comme constitutives de la
profession d’enseignant du supérieur ;
- les processus d’assurance qualité, ceux-ci plaçant la formation de l’étudiant au
centre des préoccupations, compte tenu de la culture des résultats attendus qui les
sous-tend.
Dans ce cadre, et vu le contexte très compétitif du système de l’enseigne-
ment supérieur au Liban, qui compte cinquante universités privées et une publique,
pour un petit marché, le positionnement dans les classements internationaux, facteur
d’attractivité pour des étudiants potentiels, devient l’enjeu majeur. Mais les classe-
ments, qui intéressent les universités au Liban, se préoccupent bien peu de qualité
pédagogique, perçue comme plus difficile à appréhender que le nombre de cita-
tions ou de recherches. Les universités y investissent prioritairement leurs ressources
humaines et matérielles, nécessairement limitées.
Trois mesures juridiques structurantes, en cours, pourraient impacter posi-
tivement les pratiques pédagogiques :
- la création d’un Conseil de l’enseignement supérieur (article 3 de la loi de l’ensei-
gnement supérieur), instance nationale participative déjà opérationnelle, regrou-
pant diverses parties prenantes jouissant de prérogatives suffisamment génériques
pour inclure potentiellement le champ pédagogique ;
85
- un projet de loi, relatif à la création d’une agence nationale d’assurance qualité,
qui attend d’être ratifié. L’exigence juridique de se soumettre à un processus d’as-
surance qualité est reconnue comme impactant le champ pédagogique. D’après
une recherche menée par Michaela Martin (Martin, 2018) 89 % des institutions
sondées dans 94 pays considèrent cette exigence comme influençant positivement
la qualité de l’enseignement ;
- l’obligation de se soumettre tous les cinq ans à une évaluation interne et externe,
institutionnelle et académique (article 36). Cette obligation n’est pas encore
appliquée, en l’absence de l’agence susmentionnée et de standards nationaux.
L’Association des universités au Liban et le projet Erasmus + TLQAA (Toward
the Lebanese Quality Assurance Agency – A tempus project)2, ont pris l’initiative de
rédiger des standards pour l’évaluation, mais ceux-ci ne jouissent pas de légiti-
mité nationale.
Outre ces mesures, de nombreux projets individuels ou interuniversi-
taires, impactant positivement les pratiques pédagogiques, sont mis en œuvre. Ils
sont souvent initiés ou soutenus par la Direction générale de l’enseignement supé-
rieur, l’Agence universitaire de la francophonie, la Commission européenne (Projets
Erasmus + et Higher Education Reform Experts : HERE). Des documents sont produits
et des sessions de sensibilisation ou de formation organisées, mais, en l’absence d’une
vision et d’une structure ayant une légitimité nationale, elles ne peuvent être réelle-
ment transformatrices, car elles restent juxtaposées, sans synergie ni capitalisation.

2 http://www.tlqaa.org/

N° 80 - Avril 2019
État des lieux de la formation
pédagogique des enseignants
dans les universités
libanaises
En l’absence de cadre national, les universités libanaises sollicitent des
accréditations auprès d’agences internationales, européennes, britanniques ou améri-
caines. Toutes interrogent, directement ou indirectement, les pratiques pédagogiques.
Elles poussent donc à les améliorer et, en cela, induisent la nécessaire formation
pédagogique des enseignants.
Vu le manque de données nationales fiables au Liban, dans le domaine de
la pédagogie universitaire comme dans d’autres, nous avons choisi de couvrir, parmi
les 51 universités opérationnelles, celles ayant obtenu une accréditation institu-
tionnelle d’une agence internationale ainsi que celles qui sont en attente des résul-
tats de l’évaluation des experts. Sans nier l’existence de pratiques pédagogiques de
grande qualité dans les autres institutions, dues principalement à des initiatives indi-
viduelles, cet échantillon de onze universités3 a de fortes chances de représenter les
pratiques pédagogiques institutionnelles les plus avancées (Martin, 2018), l’enseigne-
ment faisant partie des domaines soumis à l’accréditation.
Les données ci-dessous sont une synthèse de celles recueillies par un ques-
tionnaire adressé aux responsables de la pédagogie universitaire ou du processus
d’assurance qualité dans les universités qui constituent notre échantillon. Nous
86 sommes consciente que, pour ce type de sujet, seule une investigation pointue, quan-
titative et qualitative, peut appréhender la question des pratiques pédagogiques. En
effet, même si les initiatives évoquées dans les réponses, sessions de formation ou
centres pédagogiques sont des signes incontestablement positifs, il reste à interroger
leur fonctionnement réel et leur impact.
Les réponses obtenues, synthétisées ci-dessous, attestent d’une volonté
institutionnelle réelle, quoiqu’embryonnaire, peut-être impulsée par les exigences
de l’accréditation et par des engagements individuels. Les nombreuses initiatives ont
souvent besoin d’être consolidées et pérennisées par une vision, une stratégie, des
procédures et des moyens.

Stratégie et dispositif
institutionnels de formation
et de soutien pédagogique
des enseignants
Sept des onze universités se réfèrent au système américain, une au système
anglais, trois au système européen et une se définit comme hybride. Toutes disent
disposer d’un plan stratégique académique et d’une entité responsable de la péda-
gogie universitaire. Un centre pour l’enseignement et l’apprentissage a été créé dans

3 Université libanaise, American University of Beirut, American University of Culture and Education, Antonine
University, Arab Open University, Holy Spirit University of Kaslik, Lebanese American University, Notre-Dame
University, University of Balamand, Beirut Arab University, Université Saint Joseph de Beyrouth.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

six d’entre elles. Ce lien entre stratégie et structure centralisée est confirmé par l’EUA
(EUA, 2018). L’une des onze universités a constitué un comité pédagogique dans
chacune de ses facultés, dont les coordinateurs sont regroupés en réseau. Seules trois
universités disposent de personnes spécifiquement dédiées au domaine pédagogique.
Les autres ont recours à un enseignant (de leur université ou de l’étranger) pour
assurer des formations ponctuelles.

Politique de ressources humaines


La « Recommandation concernant la condition du personnel enseignant
de l’enseignement supérieur »4 de 1997 (Unesco - OIT), et plus récemment les
travaux élaborés par l’EUA dans le cadre du projet European Forum For Enhanced
Collaboration in Teaching (EUA, 2017) affirment que l’enseignement dans le supérieur
est une profession à part entière, exigeant des qualifications spécifiques et une forma-
tion dont il faut tenir compte pour le recrutement et la promotion. Les personnes que
nous avons sondées reconnaissent unanimement le rôle déterminant de la politique
de ressources humaines quant à la motivation des enseignants pour améliorer leurs
pratiques pédagogiques. Toutes reconnaissent l’importance des mesures symboliques,
deux d’entre elles décernent un prix en pédagogie universitaire.
Si neuf universités sur onze disent tenir compte des prestations pédagogiques
lors du recrutement (cinq disent se prononcer suite à une prestation devant un jury),
seules quatre en tiennent compte pour le renouvellement de contrat et la promotion.
Ces résultats concordent avec les données figurant dans le document Trends 2018
susmentionné (EUA, 2018). L’on y apprend que, si les prestations pédagogiques des 87
enseignants sont évaluées, les résultats de cette évaluation ont peu d’impact sur leur
carrière, contrairement aux résultats de l’évaluation de la recherche. Ce constat, décrit
comme l’obstacle majeur au développement des pratiques pédagogiques, est unanime-
ment partagé par les personnes que nous avons interrogées. Au Liban, l’absence d’une
culture de reddition de comptes exacerbe ce phénomène. Enfin, la charge de travail est
également citée (trois institutions) comme freinant le renouvellement pédagogique.

Formation et soutien pédagogiques


des enseignants
Toutes les universités interrogées, à l’unanimité, reconnaissent l’impact déter-
minant de la formation et du soutien pédagogiques. Les thèmes les plus fréquemment
abordés sont : la conception de programmes et d’unités d’enseignement selon l’ap-
proche des résultats attendus, les méthodes actives d’enseignement, l’évaluation des
acquis des étudiants, l’évaluation des programmes, l’usage des nouvelles technologies.
Ces thèmes sont en lien avec ceux identifiés par le projet e-taleb (projet Erasmus + que
nous évoquons plus loin) : approches hybrides, e-learning, classe inversée, e-portfolios
des étudiants, méthodes d’évaluation, définition d’indicateurs de performance. Seules
trois institutions disent avoir produit des outils pédagogiques. L’une a publié un Manuel
de pédagogie universitaire, en version papier et numérique5, accessible pour tous.

4 https://bit.ly/2LbaBYT
5 [https://mpu.usj.edu.lb/manuel_pu_preambule.php]

N° 80 - Avril 2019
Évaluation des enseignements
Si la majorité des universités dit soumettre les unités d’enseignement à
l’évaluation des étudiants, une seule dit en intégrer les résultats dans un plan d’amé-
lioration institutionnel.

Partage de bonnes pratiques


pédagogiques
Le partage de bonnes pratiques est spontanément cité comme levier d’amé-
lioration par quatre universités. Des plateformes de partage de bonnes pratiques,
séminaires, carrefours d’échange, sites, plateforme numérique et autres, sont assurées
dans six des onze institutions.

Recherche pédagogique
Celle-ci est peu soutenue dans les universités de notre échantillon. Deux
seulement évoquent le rôle de la recherche comme levier d’amélioration des
pratiques pédagogiques.

Représentations de l’enseignant
du supérieur
Toutes les personnes interrogées évoquent, comme frein au développement
88
pédagogique, les représentations relatives à l’enseignant du supérieur. Celles-ci sont
traduites dans les politiques de ressources humaines susmentionnées. Ces repré-
sentations, qui commencent à évoluer, semblent toujours dominantes au Liban et
ailleurs. Selon Trends 2018 (EUA, 2018), les compétences pédagogiques sont bien
moins cotées que celles relatives à la recherche (99 %) et au champ disciplinaire
(95 %). Par ailleurs, les cours de pédagogie sont quasi absents des programmes de
doctorat, bien que 82 % des institutions interrogées pour une recherche de l’EUA sur
les écoles doctorales, à paraître en 2019, les considèrent comme nécessaires (Gaebel et
Zhang, 2018).

Projets et bonnes pratiques


institutionnels à portée
nationale
Il nous semble que deux projets Erasmus + ont été des leviers d’améliora-
tion de pratiques pédagogiques :
- le projet « Apprentissage à distance et innovation pédagogique » (ADIP), piloté
par l’AUF entre 2013 et 2017, impliquant dix universités libanaises, a favorisé
l’élaboration de programmes basés sur l’approche par compétences et a formé des
enseignants à la scénarisation de cours incluant la formation à distance ;
- le projet e-taleb6, lancé en 2016, coordonné par l’Université Saint-Esprit de Kaslik

6 http://www.etaleb.org/home

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

et qui a impliqué de nombreuses universités, a proposé un cadre national de


compétences pour l’enseignement universitaire et favorisé la création de centres
de pédagogie universitaire dans plusieurs universités.
Trois initiatives de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth méritent d’être
également évoquées car elles sont accessibles à tous les enseignants du supérieur :
un Diplôme de pédagogie universitaire, créé en 2006, un Référentiel de compétences
pour l’enseignant du supérieur, rédigé en 2005, un Manuel de pédagogie universitaire7,
publié en 2015, dont la version numérique, régulièrement enrichie, est largement
consultée dans les pays francophones.

Pistes de réflexion
Notre modeste expérience dans le pilotage d’un chantier de pédagogie
universitaire nous inspire les réflexions qui suivent.

Enjeu de la transformation
des pratiques pédagogiques
pour les enseignants
Se former à de nouvelles pratiques pédagogiques oblige à sortir de sa zone
de confort. Cela déstabilise des représentations identitaires et fondatrices, encore
dominantes dans l’enseignement supérieur au Liban et ailleurs :
- représentation de l’enseignant comme appartenant essentiellement à un champ 89
disciplinaire et « maître » qui transmet un savoir dans une liberté absolue ;
- représentation du savoir comme somme de connaissances à transmettre ;
- représentation de l’acte d’enseigner comme transmission d’une personne qui
« parle » à une autre qui « écoute », et donc apprend ;
- représentation de l’évaluation des pratiques enseignantes comme contrôle et
menace pour la « liberté académique » ;
- représentation de l’explicitation des pratiques comme démarche scolaire. Le
supérieur, dominé par la culture de l’implicite, résiste à l’explicitation.

Conditions favorisant
le changement de pratiques
Au niveau de la démarche et de la posture, un accompagnement de proxi-
mité, coaching individuel et en petit groupe, nous semble faciliter le « passage à
l’acte » et le changement réel des pratiques. La qualité de cet accompagnement est
aussi importante que l’expertise technique. Il s’agit d’un accompagnement où l’on
se place « côte à côte » et non « face à face », qui rassure, part de ce que l’autre fait
déjà, pour ensemble l’améliorer. Cette forme d’accompagnement nous semble favo-
riser la réflexivité et développer, sans bruit, une culture d’amélioration continue. Elle
suppose de :
- connaître l’institution pour respecter son seuil de maturité, sa « zone proximale
de développement » (Vygotsky, 1997), notion récemment traduite plus justement

7 Voir note 4.

N° 80 - Avril 2019
par « zone de développement prochain ». Il est vrai que « pour enseigner l’anglais
à Paul, il faut connaître l’anglais… Mais il faut aussi connaître Paul » ;
- procéder progressivement par continuité et rupture, déstabilisations et stabilisa-
tions successives : la politique des petits pas est incontournable, brûler les étapes
brûle le projet ;
- respecter le rythme du changement, rythme ni trop lent ni trop rapide ;
- donner du sens aux pratiques proposées et montrer leur valeur ajoutée, condition
première de la motivation (Viau, 2009) ;
- partir de ce que font les personnes ou les institutions, afin de favoriser la
confiance en soi, le sentiment de contrôlabilité et de compétence perçue (Lieury
et Fenouille, 2013), autres conditions de motivation ;
- assurer un outillage technique ;
- savoir que le changement est un processus long et progressif, jalonné de transfor-
mations silencieuses (Jullien, 1997).
Cette posture d’accompagnateur, posture d’ami critique en quelque sorte,
exige des compétences pour lesquelles il est nécessaire de se former.
Au niveau des démarches institutionnelles, ce processus est fortement
favorisé par :
- une volonté institutionnelle garantissant une cohérence et une synergie entre les
initiatives ;
- une vision académique stratégique, portée par une structure non réduite à un
simple service technique ;
90 - une démarche participative et en réseau, garante du développement d’une culture
d’amélioration continue ;
- une politique de ressources humaines valorisant les compétences pédagogiques ;
- un soutien de proximité, moral et méthodologique, avec un coaching individuel
et en petits groupes, la constitution d’un réseau de personnes ressources de disci-
plines proches ;
- des plateformes pour la mutualisation de bonnes pratiques pédagogiques ;
- une politique de recherche encourageant celles qui portent sur les pratiques
pédagogiques, à l’instar de Scholarship of Teaching and Learning - SOTL. Être
« enseignant-chercheur », dit Philippe Meirieu8, c’est « chercher » également
autour de sa pratique enseignante.

Nouveaux métiers
et nouvelles compétences
Dans certains pays, des « conseillers pédagogiques », n’ayant pas nécessai-
rement de pratique d’enseignement, assurent souvent la formation et l’accompagne-
ment pédagogiques des enseignants universitaires. Au Liban, la fonction de conseiller
pédagogique n’est pas habituelle, ce sont les enseignants qui l’assurent. Dans le
premier cas, il manque aux « conseillers » une légitimité que seule procure l’expé-
rience d’enseignement. Dans le second cas, les personnes en charge de l’accompagne-
ment sont modelées par la culture universitaire dans laquelle on parle et transmet.

8 Lors d’un entretien avec nous. (NdA)

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Nous estimons qu’aucun des deux types ne peut réellement aider à construire et faire
advenir.
La posture d’« ami critique » ne s’improvise pas. Elle exige un type d’ex-
périence et des compétences d’ordre technique, mais aussi et surtout d’ordre rela-
tionnel. En effet, pour accompagner, il nous semble nécessaire d’avoir vécu la réalité
des personnes « à conseiller » et aussi de pouvoir :
- aider à l’explicitation : être un accoucheur, une sage-femme, comme on dit ; avoir
une écoute active et adopter des approches qui favorisent la métacognition ;
- avoir de l’empathie et sécuriser ;
- susciter la confiance ;
- contenir la résistance.

Les nouvelles compétences à développer auprès des étudiants, évoquées en


début d’article, exigent de nouvelles pratiques pédagogiques. Celles-ci nécessitent, au 91
Liban comme ailleurs, de revisiter l’identité professionnelle enseignante, de former
de nouvelles expertises, dont celles d’accompagnateur, et enfin de promouvoir une
gouvernance qui favorise le fonctionnement en organisation apprenante.
La réalisation de ces conditions suppose une stratégie nationale qui recon-
naisse les compétences pédagogiques comme constitutives de la profession d’ensei-
gnant universitaire mais aussi une structure d’assurance qualité nationale qui veille
au développement de cette culture dans les institutions.
Les universités libanaises interrogées pour cet article nous informent d’une
volonté et d’initiatives visant à améliorer les pratiques pédagogiques. Il semble
cependant que celles-ci aient besoin d’être consolidées par une stratégie institution-
nelle et une politique de ressources humaines. La stratégie des institutions serait
favorablement impactée par une stratégie nationale, jusque-là empêchée par les
conflits politiques et confessionnels, par l’absence d’État et la corruption endémique.
L’enjeu de l’amélioration des pratiques pédagogiques n’est pas anodin. Il
concerne la capacité, ou non, de vivre au XXIe siècle sans être « inutile » parce que
« insignifiant ». Il s’agit d’un projet qui favorise un enseignement inclusif, c’est-à-
dire la qualité pour tous et, qui, par là-même, prévient le risque d’explosions sociales.
Un enseignant ne s’y est pas trompé, rétorquant sous la forme d’un reproche, lors
d’un atelier de formation sur les plans de cours : « Mais alors, si on explicite les résul-
tats attendus de chaque unité d’enseignement, tous les étudiants pourront réussir ».
Au Liban comme ailleurs, la pédagogie est porteuse d’enjeu économique, politique,
social et sociétal.

N° 80 - Avril 2019
Références bibliographiques
EUA (2017) : Ten European Principles for the Enhancement of Learning and Teaching, EUA,
2 p. En ligne [https://bit.ly/2EobM3Q].
EUA (2018) : Trends 2018: Learning and teaching in the European Higher Education Area,
EUA, 109 p. En ligne [https://bit.ly/2Xy8ynC].
HARARI Y. (2018) : 21 leçons pour le XXIe siècle, Paris, Albin Michel.
JULLIEN F. (1997) : Traité de l’efficacité, Paris, Grasset.
LIEURY A. et FENOUILLE F. (2013) : Motivation et réussite scolaire (3e édition), Paris,
Dunod.
MARTIN M. (2018) : « Analyser les effets de l’assurance qualité interne : contribution au
développement des universités ou simple réponse à des exigences externes de redevabilité ? »,
3e édition du Colloque Qualité G3 « Les démarches qualité en enseignement supérieur : quels
en sont les effets ? », 24-26 octobre 2018, Montréal, Canada.
VIAU R. (2009) : La Motivation en contexte scolaire, Bruxelles, De Boeck.
VYGOTSKY L.S. (1997) : Pensée et langage, La dispute.

92

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

L’Université virtuelle
du Sénégal, une réponse
à la massification
et aux inégalités d’accès
à l’enseignement
supérieur

Abdourahmane Mbengue
Université Virtuelle du Sénégal

Lionel Meinertzhagen
Université libre de Bruxelles

Depuis deux décennies, on assiste à une montée en puissance de la forma-


tion à distance (FAD) dans l’enseignement supérieur en Afrique. Au Sénégal,
plusieurs formations diplômantes de ce type ont été initiées par les établissements
d’enseignement supérieur : à l’Université Cheikh Anta Diop, l’École des bibliothé-
caires archivistes et documentalistes (Ebad) a été la pionnière. Les facultés de lettres
et sciences humaines, de sciences juridiques et politiques, des sciences et technolo- 93
gies de l’éducation (Fastef) lui ont rapidement emboîté le pas. À l’Université Gaston-
Berger de Saint-Louis, l’UFR sciences juridiques et politiques et l’UFR sciences
appliquées et technologies ont ensuite, elles aussi, proposé des cursus diplômants à
distance. Ces formations étaient initialement ciblées et spécialisées, généralement de
niveau licence 3 ou master, avec des effectifs réduits. À d’autres niveaux, plus ponc-
tuellement, des initiatives de cours hybrides ont été initiées par des enseignants
innovants ou au niveau institutionnel comme une activité d’appoint, réservée à la
formation continue.

Genèse de l’Université
virtuelle du Sénégal (UVS)

Aujourd’hui, pour répondre aux importantes problématiques que connaît


l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne, à savoir la massification et
l’inégalité d’accès aux universités, la formation à distance est reconnue comme une
solution. En effet, les universités africaines sont confrontées de façon récurrente
à de graves difficultés pour gérer les effectifs en présentiel, avec une forte pression
sociale de l’accès à l’enseignement supérieur combinée à un déficit d’enseignants et
des capacités d’accueil insuffisantes. Au Sénégal, les politiques publiques ont tenu
compte de cet état de fait et ont décidé, en septembre 2013, la création de l’Univer-
sité virtuelle du Sénégal (UVS). On observe, de manière générale, que le cadre règle-
mentaire est de plus en plus favorable aux initiatives de formation à distance. Au

N° 80 - Avril 2019
niveau mondial, toutes les conventions régionales de reconnaissance des diplômes
sont révisées ou sont en train de l’être pour prendre en compte les nouveaux para-
digmes que sont l’assurance qualité et l’introduction des TIC (Unesco, 2009). Au
niveau africain, la Convention d’Arusha sur la reconnaissance des études et des certi-
ficats, diplômes, grades et autres titres de l’enseignement supérieur dans les États
d’Afrique a été révisée à Addis-Abeba, en 2014 (Unesco, 2014). Au Sénégal enfin, le
décret 2015-582 du 11 mai 2015, publié au journal officiel, stipule « qu’il n’y a plus de
dichotomie entre public et privé, enseignement classique (traditionnel) et enseigne-
ment non traditionnel (à distance ou en ligne) » ; les deux seuls principes à respecter
par les institutions de formation pour la reconnaissance de leurs diplômes sont la
légalité (habilitation) et la qualité (accréditation).

Qualité et équipement

La démarche qualité est aujourd’hui une exigence dans les institutions de


formation porteuses de formation à distance. Elle vise le renforcement des compé-
tences techniques et pédagogiques des encadrants employés, l’amélioration de l’offre
de formation à distance et sa reconnaissance au même titre que la formation présen-
tielle, notamment du point de vue de la qualité de l’encadrement, de la qualité des
cursus et de la valeur des diplômes délivrés.
Au Sénégal, l’Autorité nationale d’assurance qualité dans l’enseignement
94 Supérieur (Anaq-Sup) a produit deux référentiels qualité : un référentiel d’évalua-
tion institutionnelle des établissements déployant des formations à distance (comme
l’UVS) et un référentiel d’évaluation des programmes de formation à distance. La
mise en œuvre de ces procédures spécifiques permet de garantir et de maintenir la
qualité de l’enseignement à distance et de créer un climat de confiance. Au niveau
africain, le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) a
élaboré en 2017 un référentiel d’évaluation des formations à distance.
Parallèlement, l’environnement technologique est de plus en plus favorable
en Afrique subsaharienne : le taux d’équipement individuel en matériel informatique
est en constante progression tout comme l’amélioration de la connexion à Internet,
couplée à une baisse régulière des prix, laissant entrevoir de grandes potentialités de
déploiement de l’enseignement à distance dans les universités.
La décision de mettre en place l’UVS est le résultat de la mise en œuvre de la
décision n° 2 du Conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur :
[m]ettre les TIC au cœur du développement de l’enseignement supérieur et la
recherche pour améliorer l’accès à l’enseignement supérieur et l’efficacité du système
(Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, 2018).

Les finalités de la démarche sont les suivantes :


- renforcer la carte universitaire pour répondre à une demande croissante d’accès à
l’enseignement supérieur et réduire les inégalités ;
- diversifier l’offre de formation ;
- innover par la mise en œuvre d’un modèle pédagogique qui place l’étudiant au
centre du dispositif ;

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

- avoir une université qui s’intègre au tissu social ;


- accélérer l’aménagement numérique du territoire en faisant de l’UVS un projet
structurant ;
- délivrer des formations en adéquation avec la demande du marché (emploi et
auto-emploi) ;
- contribuer au développement du capital humain, à travers des formations quali-
fiantes et efficientes par les TIC et favorisant un développement inclusif du pays.
Ainsi, l’Université virtuelle du Sénégal est rapidement devenue la première
université publique entièrement numérique en Afrique francophone subsaharienne
et la deuxième en termes d’effectif au Sénégal. La formation en ligne à l’UVS repose
principalement sur une batterie de plateformes à distance (Moodle), des classes
virtuelles (Blackboard collaborate) et un réseau d’espaces numériques de formation
disséminés dans différentes régions du Sénégal. Tous les étudiants reçoivent à leur
arrivée un ordinateur et une clé 4G avec un forfait internet gratuit. L’UVS dispose
d’un studio d’enregistrement pour la production de capsules vidéo de cours et de
ressources pédagogiques multimédias.

Au cœur de la formation,
les espaces numériques
ouverts (ENO)
Le dispositif de l’UVS repose en grande partie sur le réseau d’ENO 95
(« espaces numériques ouverts ») où se déroulent les inscriptions administratives,
l’accueil des nouveaux bacheliers, les premiers cours magistraux et activités d’ap-
prentissage de démarrage des enseignements qui se font en présentiel au cours du
premier semestre de licence 1, ainsi que les examens finaux. Les ENO sont également
des espaces où s’établissent des liens entre les étudiants et avec les communautés
environnantes. Aujourd’hui, une quinzaine est déployée dans différentes régions
du Sénégal ; à terme un réseau de cinquante ENO est prévu, soit au moins un dans
chaque département.
Au plan technologique, les ENO sont interconnectés au siège de l’UVS par
fibre optique, avec une ligne spécialisée de 10Mbps et un secours ADSL de 10Mbps.
Chaque ENO contient des salles avec des clients légers en réseau et une salle de télé-
médecine. Sur le plan pédagogique, l’ENO est l’espace où se déroule la partie présen-
tielle des cours dans le modèle hybride des formations déployées par l’UVS sous
forme de visioconférence de grands groupes. Les évaluations sur table se font aussi
en présentiel dans les ENO. C’est également un espace qui joue un rôle important
dans la socialisation : les étudiants s’y rencontrent pour faire connaissance, échanger,
partager, collaborer, constituer des réseaux et associations, faire du sport, etc. L’ENO
a enfin comme vocation de mettre son potentiel technologique à la disposition et au
service des communautés vivant dans ses environs. À cette fin, on y trouve une salle
de télémédecine, des outils de visioconférence, etc.
L’étudiant nouveau bachelier fraîchement arrivé à l’UVS est directement
pris en charge pédagogiquement et démarre sa formation par un programme d’accli-
matation dans le nouvel environnement technologique de travail. Ces premières acti-

N° 80 - Avril 2019
vités se déroulent en présentiel dans l’ENO de rattachement le plus proche du lieu
d’habitation de l’étudiant. Au premier semestre, après avoir reçu son ordinateur et
sa clé d’accès à internet, l’étudiant suit une formation de trois modules de base : la
prise en main de l’ordinateur, l’initiation à l’environnement numérique de travail et
à la plateforme (Moodle) de formation à distance ; des cours transversaux en anglais
et l’apprentissage de quelques soft skills (développement personnel, leadership, tech-
niques de communication, etc.). À partir du deuxième semestre, une fois qu’il s’est
familiarisé avec le dispositif, l’étudiant peut aborder les cours de sa spécialité, lesquels
sont dispensés à distance via la plateforme Moodle.

Composition d’un cours


à distance

Un cours à distance comprend des lectures de ressources aux formats Web,


PDF et des capsules vidéo que l’étudiant exploite en autoformation. Une biblio-
thèque numérique donne également accès aux milliers d’ouvrages disponibles dans
presque toutes les spécialités. Des tests de connaissances en évaluation formative,
des travaux dirigés, des notes de lecture, des projets de recherche, des activités de
terrain et services à la communauté (au bénéfice des populations ou de la société)
font aussi partie des activités d’apprentissage proposées à l’étudiant. Le dispositif à
distance propose des interactions en synchrone (dans la classe virtuelle) coachées
96 par des tuteurs avec des groupes restreints, des remises de travaux avec feedback du
tuteur, des interactions en asynchrone dans les forums de discussion et la messagerie
interne. Le travail collaboratif est une modalité que certains enseignants proposent
au niveau master, où les effectifs d’étudiants sont plus réduits et les conditions donc
plus favorables. Enfin, le dispositif numérique de l’UVS est aussi un bon cadre pour
proposer aux étudiants des travaux personnels (TPE) pour développer leur auto-
nomie, leur aptitude à sélectionner les ressources pédagogiques les plus pertinentes
parmi une panoplie de possibilités, le renforcement de leur développement personnel
en dehors du cadre formel.
Ces différentes modalités d’apprentissage mixtes proposées aux étudiants
tirent profit des principaux courants pédagogiques (behaviorisme, constructivisme,
socioconstructivisme, cognitivisme, etc.).

Difficultés de démarrage
et conséquences sur
la perception de l’opinion

À son lancement en 2014, l’UVS a démarré ses activités dans des conditions
d’urgence, avec près de 2 000 étudiants nouveaux bacheliers orientés. Avec la montée
en puissance des effectifs, l’UVS est rapidement devenue la deuxième université du
Sénégal en termes de nombre d’apprenants. Ainsi, entre 2014 et 2018, chaque année
l’UVS a accueilli entre 5 000 et 10 000 nouveaux bacheliers, ce qui a fait passer son
effectif de 2 000 à près de 30 000 étudiants.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Tableau 1
Évolution des effectifs d’étudiants de l’UVS de 2014 à 2019

29340
30 000

22 500
19137

15 000 14195
11203

7 500 5985
2090

'-
2013-2014 2014-2015 2015-2016 2016-2017 2017-2018 2018-2019

Source : Dia (2019), Direction des études, de la recherche et de l’innovation de l’UVS.

Le dispositif technologique et infrastructurel n’était toutefois pas suffisam-


ment prêt ni équipé pour accompagner l’augmentation rapide des effectifs et assurer
un déploiement optimal des formations. L’UVS n’avait pas, à cette époque, d’ins-
tances pédagogiques ou académiques ni de personnel enseignant propre. La plupart
des enseignants et des tuteurs étaient issus des universités « présentielles » et étaient
liés à l’UVS par un contrat d’association.
[L]es premières offres de formation étaient confiées à des équipes ad hoc, consti- 97
tuées dans l’urgence, travaillant sans cahiers de charges précis et sans interactions ou
concertations entre elles. De même les premières maquettes de cours étaient présen-
tées selon des formats et des contenus qui étaient différents selon les filières et selon
le modèle classique des universités en présentiel et n’étaient donc pas adaptés au
contexte d’une université. (Dia, 2019).
Ces conditions ne favorisaient pas une bonne perception de cette université
virtuelle au sein d’une opinion publique qui n’avait pas forcément de culture numé-
rique. Cela a été constaté tant chez les nouveaux bacheliers orientés à l’UVS qu’au-
près de leurs parents et de beaucoup d’enseignants des universités classiques, qui
voyaient en la FAD une formation de moindre qualité que celle donnée en présentiel.
De plus, sur le plan technologique et infrastructurel, la montée en puissance
des effectifs d’apprenants a eu comme conséquences de peser sur la capacité de la
plateforme de formation Moodle à supporter le nombre de connexions simultanées.
Sur le plan pédagogique, une bonne partie des étudiants fraîchement orientés à
l’UVS n’était pas suffisamment motivée pour suivre des cours intégralement en ligne.
D’autres, à leur arrivée, ne disposaient même pas des connaissances informatiques
de base nécessaires pour bien débuter un apprentissage en ligne sans accompagne-
ment physique, à quoi s’ajoutait une faible autonomie, ce qui rendait assez délicate
leur prise en charge par des tuteurs insuffisamment formés.

N° 80 - Avril 2019
Premières leçons tirées
et mesures de remédiations
prises pour la montée
en puissance
Au bout de cinq années de fonctionnement, il a fallu faire le bilan, afin
de stabiliser le dispositif et d’assurer une meilleure prise en compte des spécificités
d’une université virtuelle et du contexte d’une université publique africaine.
Ainsi, quand on examine le taux de rétention, c’est-à-dire le nombre
d’étudiants inscrits et qui sont finalement restés dans le dispositif pour suivre la
formation, on constate qu’il tend à s’améliorer dans le temps et certainement avec
l’augmentation du niveau d’étude de la licence 1 (L1) à la licence 3 (L3) :
Tableau 2. Évolution du taux de rétention des étudiants de l’UVS
en fonction du niveau d’étude et des promotions successives

100 98 97,69
93 94
89,79

75
65,9
62,8
60
57 55

50

98
25

0
L1 L2 L3

Source : Dia (2019), Direction des études, de la recherche et de l’innovation de l’UVS.

On pourrait interpréter ces résultats descriptifs comme l’effet de la méfiance


au départ puis de la confiance acquise suite au processus d’amélioration continue du
dispositif et de l’adaptation du modèle pédagogique opéré par l’institution.
Des mesures ont été prises au niveau institutionnel.

Recrutement d’enseignants
propres à l’UVS
L’année 2016 a marqué le début du processus de recrutement de personnels
d’enseignement et de recherche (PER) propres à l’UVS, qui aujourd’hui est constituée
d’une vingtaine d’enseignants-chercheurs. Ces derniers n’ayant pour la plupart pas reçu
une formation en pédagogie, notamment en enseignement à distance, l’UVS, dans le cadre
de la politique de renforcement de capacité du personnel, a mis en place un plan annuel de
formation des enseignants, incluant des modules sur la scénarisation et la médiatisation
de cours en ligne, l’évaluation des apprentissages, le suivi pédagogique dans un dispositif
d’enseignement à distance, etc. Les résultats attendus étaient l’amélioration de la qualité
des cours en ligne, de la qualité de l’encadrement et de l’évaluation des apprentissages.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Adaptation de l’approche
pédagogique au contexte
et au profil des étudiants
Se fondant sur les leçons tirées des premières années, la direction de la
formation et de l’ingénierie pédagogique (DFIP) de l’UVS a privilégié une approche
pédagogique hybride dite « comodale adaptée »1 (Diop et Diack, 2018).
Ce modèle utilisé par l’UVS est un système de transition en douceur d’un
apprentissage présentiel vers un apprentissage totalement à distance.
Dans ce modèle :
a) l’enseignant enregistre à l’avance les capsules vidéo de son Cours Magistral (CM) ;
b) puis travaille avec un tuteur sur les modèles types de corrigés des Travaux dirigés
(TD) ou Travaux pratiques (TP) qui seront ensuite enregistrés ;
c) des tuteurs, dits « relais » choisis par les professeurs responsables des cours,
exploitent les enregistrements de TD/TP lors des séances de tutorat synchrone
depuis la classe virtuelle avec leurs groupes d’étudiants présents en salles de classe ;
d) un moniteur (étudiant de niveau supérieur) est aussi présent en salle de classe
pour apporter de l’aide principalement technique aux étudiants en difficulté.
Dans cette perspective, les primo-étudiants (bacheliers nouvellement accueillis
à l’UVS) suivent, durant le premier semestre de licence 1, un parcours en trois étapes
avec des contenus et approches pédagogiques réadaptées. Ainsi, les premiers modules de
formation se font entièrement en présentiel dans les ENO, avec les cours d’initiation à
l’informatique et à l’environnement numérique de travail (ENT) et les cours qualifiés de 99
soft skills (leadership, développement personnel, techniques d’expression et de communi-
cation). Dans une deuxième étape, la formation devient mixte, avec des activités qui se
déroulent en présentiel et des activités à distance, sous forme de capsules vidéo de cours
magistraux que les étudiants regroupés en petits groupes dans des salles de l’ENO vont
suivre. Pour l’accompagnement, un moniteur (qui est un étudiant de niveau supérieur)
est présent dans la salle pour veiller au bon déroulement. Simultanément, un ensei-
gnant-tuteur accompagne les étudiants à distance et répond aux questions des étudiants
de façon synchrone via l’outil « classe virtuelle » ou de façon asynchrone via le forum
de discussion. Enfin, à la suite de ces séances en présentiel, l’étudiant a la possibilité
d’accéder chez lui et à distance à toutes les ressources et activités en se connectant sur la
plateforme et de consolider ses acquis en autoformation.
À partir du second semestre, les activités en présentiel, sans être complète-
ment éliminées, sont progressivement réduites et désormais le modèle se rapproche
davantage du e-learning classique.

Introduction des soft skills


Actuellement, la concurrence entre les établissements de formation ne porte
plus uniquement sur la transmission de savoirs disciplinaires, mais également sur
leur aptitude à développer des soft skills. L’UVS a introduit dans son offre de forma-

1. Le Conseil universitaire de Laval (2016) définit le comodal comme « un système de formation où coexistent de
façon simultanée les modes de formation en présentiel et à distance, ce qui permet à l’étudiant de choisir sur une
base hebdomadaire le mode de diffusion qui lui convient, en fonction de ses besoins ou de ses préférences ».

N° 80 - Avril 2019
tion la maîtrise des soft skills par ses apprenants. Ainsi, à chaque niveau de forma-
tion (L1, L2, L3, M1, M2), au moins une unité d’enseignement (UE) est affectée, en
totalité ou en partie, à ces soft skills.
Au premier semestre de licence 1, les nouveaux étudiants débutent par une
UE transversale intitulée « Ouverture et professionnalisation » portant sur les modules
d’initiation à l’Informatique, le leadership, le développement personnel, les techniques
d’expression et de communication, l’anglais, etc. qui sont parmi les soft skills les plus
demandées sur le marché de l’emploi. Durant les semestres suivants les soft skills ensei-
gnées sont classées en trois thématiques : (i) efficacité et pratiques professionnelles, (ii)
citoyenneté, société et culture, (iii) connaissance du monde d’aujourd’hui et de demain.

Diversification
de l’offre de formations
Pour élargir et diversifier son offre de formations, le nombre de
programmes de formations est passé de 7 à 10 au niveau des masters et à 12 au
niveau des licences. Ils sont répartis dans les trois pôles de formations : STN
(sciences, technologie et numérique) ; SEJA (sciences économiques, juridiques et
administration) et LSHE (lettres, sciences humaines et de l’éducation).
L’année 2018 a été celle de la sortie des premiers diplômés de l’UVS titu-
laires de licence 3, de la diversification de l’offre de formation et de l’ouverture à de
nouveaux profils d’apprenants comme les professionnels.

100 Un taux de réussite encourageant


Aujourd’hui, le taux de réussite observé dans les différentes promotions
d’étudiants et pour les trois premières années de licence (L1, L2 et L3) montre des
résultats assez positifs au regard des taux de réussite généralement observés dans les
autres universités publiques sénégalaises.
Depuis 2018, une première promotion de 50 étudiants titulaires de leurs
diplômes de licence est maintenant sur le marché de l’emploi.
Tableau 3. Taux moyen de réussite des étudiants de l’UVS
au cours des cinq premières promotions

90 85
80

67
68 64 64
61
58
54
47 47
45

23

0
L1 L2 L3

Source : Dia (2019), Direction des études, de la recherche et de l’innovation de l’UVS.

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Principaux défis actuels


et perspectives
En 2019, les défis prioritaires de l’UVS sont :
- le renforcement du dispositif technologique pour le rendre encore plus robuste
afin de pouvoir supporter la montée en puissance des étudiants avec des
infrastructures, des ressources informatiques et des réseaux plus puissants ;
- la stabilisation du nouveau modèle pédagogique qui a commencé à faire ses
preuves et qui consiste à assurer la transition en douceur du mode d’apprentis-
sage des étudiants, passant du présentiel total hérité des lycées à l’apprentissage
à distance, base d’une université virtuelle comme l’UVS. Ce changement d’ap-
proche prend en compte les spécificités du contexte (profil des apprenants, envi-
ronnement sociologique et technologique, etc.) et prévient le décrochage des
nouveaux bacheliers ;
- la généralisation de la formation et de la professionnalisation des tuteurs en
mettant en place un dispositif de certification au tutorat ;
- l’optimisation du système d’évaluation et de correction des examens qui
aujourd’hui prend beaucoup de temps, dans un contexte de gros effectifs d’étu-
diants ;
- le maintien d’un calendrier académique stable respectant le découpage de l’année
universitaire ;
- l’amélioration et la garantie de la qualité des programmes de formations respec-
tant les référentiels-qualité de l’ANAQ et du CAMES ;
101
- la réussite de l’insertion des diplômés.
Enfin, dans l’optique de partager son expertise mais également de la
compléter, l’UVS a rejoint le partenariat REAMOOC2, projet Erasmus+ (2017-2020)
financé par l’Union européenne, co-coordonné entre l’Université libre de Bruxelles et
l’Agence universitaire de la francophonie (AUF), ayant pour objectifs de développer
un réseau d’excellence africain de production de MOOC et, plus globalement, de
développer des pratiques pédagogiques innovantes dans l’enseignement supérieur.
Pour ce faire, les enseignants impliqués des six universités partenaires du Sud suivent,
en sus de rencontres et stages, deux formations à distance qui les amènent, (1) par
isomorphisme, à pouvoir développer, en toute autonomie des dispositifs de cours en
ligne adéquatement scénarisés et produits à l’aide d’un matériel de pointe, puis (2) à
les intégrer en « hybride » dans leurs programmes en présentiel. Très vite, d’autres
projets respectant le cahier des charges et les standards de qualité du réseau pourront
le solliciter ou le rejoindre de sorte qu’il s’érige en acteur africain incontournable de
la pédagogie universitaire numérique. Il y a, par ailleurs, fort à croire qu’il servira
de modèle à l’international puisque plusieurs problématiques auxquelles il sera en
mesure de répondre concernent chaque jour un peu plus l’enseignement supérieur
des pays du Nord.

2. REAMOOC : Réseau africain de développement de MOOC pour l’innovation pédagogique dans l’enseignement
supérieur.

N° 80 - Avril 2019
Bibliographie
Conseil universitaire (2016) : Résolution CU-2011-107, Politique de la formation à distance,
Université Laval.
DIA A.A. (2019) : « Université virtuelle du Sénégal : retour d’expérience », colloque sur
l’ingénierie pédagogique et le numérique éducatif, 15 -17 avril, Université Mohammed VI
Polytechnique (UM6P), Marrakech, Maroc.
DIOP A. et DIACK M. (2018): « Deploying A Co-modal Course Delivery Model Adapted To
African Context: Case Of The Virtual University Of The Republic Of Senegal -West Africa »,
HBCU Affordable Learning Summit, Conference OLC INNOVATE 2018, 17-20 avril
Nashville, Tennessee, États-Unis.
UNESCO (2009) : Conférence mondiale sur l’enseignement supérieur 2009 : La nouvelle
dynamique de l’enseignement supérieur et de la recherche au service du progrès social et du
développement (Paris, 5-8 juillet 2009). En ligne : [https://bit.ly/2NIaV3H]
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lence des diplômes de l’enseignement supérieur, Dakar. En ligne : [https://bit.ly/2LwtSEA]
Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (2018) : Rapport
de suivi des décisions du conseil présidentiel sur l’enseignement supérieur et de la recherche
tenu le 14 aout 2013. En ligne : [https://bit.ly/30jtjB8]

102

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

De l’expérimentation
des innovations
pédagogiques
numériques à leur
généralisation en France

Philippe Dulbecco
Inspection générale de l’administration de
l’éducation nationale et de la recherche

Si les innovations pédagogiques ne sont pas, loin s’en faut, toutes numé-
riques, la notion d’innovation pédagogique numérique (IPN) traduit le fait que le
numérique est un levier pour repenser et rénover la pédagogie, en cohérence avec la
transformation d’ensemble de la société et de l’économie.
Les acteurs et parties prenantes de l’enseignement supérieur convergent en
effet aujourd’hui pour faire des IPN un facteur essentiel de nature : (i) à s’inscrire
dans de nouvelles modalités d’apprentissage et d’acquisition des compétences réputées
plus efficaces ; (ii) à faire face aux enjeux d’une société qui valorise l’acquisition de 103
compétences plus que de savoirs ainsi que l’adaptabilité des individus ; (iii) à accroître
l’attractivité et à renforcer la capacité de projection des universités à l’international ;
(iv) à accompagner la transformation numérique de la société.
L’objet de cet article est d’étudier l’impact des IPN sur la transformation des
universités françaises, en se concentrant sur la formation initiale des premiers cycles
universitaires qui accueillent la majorité des étudiants et qui, par conséquent, consti-
tuent à la fois le principal vecteur et enjeu de cette transformation. Il est basé sur
une étude documentaire comprenant notamment l’examen des réponses aux appels
à projets du Commissariat général à l’investissement1 et de la Mission de la péda-
gogie et du numérique pour l’enseignement supérieur (MiPNES)2, complétée par des
entretiens et des visites d’établissements en France et à l’étranger3.
La première section propose une caractérisation de la situation française en
matière de déploiement des IPN dans les universités. L’accent est mis sur le recense-
ment des projets orientés vers les premiers cycles universitaires.
La deuxième section s’intéresse aux questions nouvelles posées aux établis-
sements en accompagnement de la transformation pédagogique et numérique et en
déduit un certain nombre de recommandations de nature à favoriser ladite trans-

1. CGI devenu depuis SGPI (Secrétariat général pour l’investissement).


2. La MiPNES dépend du Service de la stratégie des formations et de la vie étudiante, au sein de la Direction
générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.
3. Le présent article est basé sur une mission de l’inspection générale de l’administration de l’éducation natio-
nale et de la recherche qui a fait l’objet du rapport n° 2018-049 Les innovations pédagogiques numériques et la
transformation des établissements d’enseignement supérieur.

N° 80 - Avril 2019
formation. Ces dernières sont issues, d’une part, des enseignements tirés de réussites
étrangères et, d’autre part, des retours d’expérience des établissements français4.

Le cercle vertueux
de la transformation
pédagogique et numérique
des universités françaises
Après une quinzaine d’années caractérisées par une logique d’expérimen-
tation et d’essaimage pour des publics restreints ou spécifiques, les innovations
pédagogiques numériques aspirent aujourd’hui à être au cœur de la transformation
pédagogique des premiers cycles universitaires, en impactant l’ensemble de la chaîne
de la réussite des étudiants5.

Les IPN et la chaîne


de la réussite des étudiants
L’information et l’orientation
en amont de l’inscription
L’apport du numérique est ici décisif pour permettre aux quelques
730 000 élèves de terminale, puis aux 640 000 bacheliers6 d’être pleinement informés
104 au moment d’effectuer leurs vœux d’inscription. Il s’agit d’appuyer l’orientation sur
des outils numériques adaptés et sur des techniques d’exploitation des données.
Les tests de prérequis associant dans certains cas enseignants du secondaire
et du supérieur se développent sous l’impulsion des universités numériques théma-
tiques (UNT)7 et des MOOC (massive open online course) produits par les établis-
sements adhérents à France université numérique (FUN)8. Ils sont de nature à
constituer de puissants dispositifs d’aide à la décision, dans un contexte où l’accès à
l’information relève d’une dimension critique.

4. En ce qui concerne la dimension internationale, notre analyse est issue de la lecture des rapports suivants com-
plétés par des visites à l’Université catholique de Louvain, l’Université de Londres et l’Université de Manchester :
EDUCAUSE Annual conference 2017, visites SUNY Stony Brook, Princeton and University of Pennsylvania. Rapport de
la délégation française ; EUA Publications 2014, E.learning in European higher education institutions. Results of a
mapping survey conducted in october-november 2013 ; Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supé-
rieur et de la recherche, Transformations numériques de l’enseignement supérieur. Regards sur l’Université Laval
Québec, mai 2015 ; Caisse des dépôts, Rapport d’études L’université numérique : éclairages internationaux, travaux
conduits par la Caisse des dépôts en partenariat avec l’OCDE et la Conférence des présidents d’universités, juin 2010.
5. L’analyse qui suit est basée sur l’examen des réponses de la première vague (2017) de l’appel à projets du SGPI
« Nouveaux cursus à l’université » (NCU), dont le cœur de cible est la transformation numérique des universités à
grande échelle.
6. 641 700 bacheliers en 2017.
7. Voir par exemple le test de positionnement Faq2sciences développé par Unisciel (Université des sciences en
ligne), les quiz disponibles sur la plateforme MIEL (Autoévaluation Moodle par IUT en Ligne) de l’UNT IUT en ligne,
dont une partie est utilisable tant au lycée que lors de l’entrée dans le supérieur.
8. Voir en particulier les MOOC d’aide aux choix d’orientation des lycéens, qui permettent de découvrir des dis-
ciplines en tension, la réalité des formations existantes, les cursus proposés, les débouchés professionnels : « Le
droit, est-ce pour moi ? » de l’Université Paris 2 ; « Introduction à la psychologie » de l’Université fédérale de
Toulouse ; « Introduction aux STAPS » de l’Université de Perpignan ; « Projet FAC : les recettes pour réussir en
sciences humaines », de l’université de Lyon 3.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Au-delà de la généralisation de la pratique des tests de prérequis, un


exemple intéressant est celui du projet rennais de plateforme numérique « Réfléchir
et réussir son orientation » adossée à un e-portfolio9. L’objectif de la plateforme est
d’offrir un ensemble de services numériques particulièrement complet : des tests
de positionnement en ligne, des espaces de dialogues de pair à pair et avec des
alumni, des vidéos actualisées sur les différentes possibilités d’études post-bac, un
espace personnalisé dédié à la valorisation du parcours de l’étudiant, une informa-
tion concrète et en temps réel relative aux places disponibles dans l’ensemble des
cursus correspondant aux domaines d’étude visés par le candidat (nombre de places
vacantes dans les sections de technicien supérieur en début d’année, notamment).

Des parcours de formation


personnalisés : flexibilisation
et hybridation des cursus
de formation
L’objectif ici recherché est de mettre en œuvre à grande échelle une indivi-
dualisation des parcours de formation, c’est-à-dire de permettre à tous les publics en
formation (initiale et continue empêchés, bénéficiaires de régimes spécifiques) d’entrer
plus facilement dans les cursus au fil de l’eau et de bénéficier de modules de remise à
niveau ou de ressources complémentaires. Cette flexibilisation peut aller jusqu’à offrir
la possibilité de cursus à la carte10. Elle peut aussi permettre de composer des micro-
cursus et certificats dans le cadre de diplômes nationaux ou d’établissements. Le
recours à des outils numériques jusqu’alors peu ou pas utilisés dans le domaine de l’en- 105
seignement supérieur (du type gestion de la relation client) est susceptible de faciliter
une telle personnalisation des parcours sur les effectifs importants de licence11.
La flexibilisation des parcours s’accompagne logiquement du recours à l’en-
seignement à distance ou à l’hybridation, pour des raisons tant pédagogiques que
logistiques (organisation des emplois du temps, gestion des salles en rapport avec les
effectifs). Le caractère répétable des enseignements à distance est un élément essentiel
de la flexibilisation.
Ainsi, le projet Thélème d’Angers-Le Mans repose sur les nouvelles solu-
tions offertes par l’enseignement à distance. À terme, l’étudiant aura en effet le choix
entre un suivi en présentiel et un mode à distance pour des unités d’enseignements
(UE) qu’il estime pouvoir suivre individuellement, dans des temps décalés. À l’in-
térieur d’un programme, un étudiant peut choisir un cours, quelques cours, voire
tous ses cours à distance ; et un étudiant principalement à distance peut bénéficier
de quelques unités d’enseignement en présentiel lorsqu’il le juge utile ou nécessaire.
Des UE hybrides, mêlant présentiel et distanciel, sont développées pour répondre à
certains enjeux spécifiques (travaux dirigés, travaux pratiques, pratiques profession-
nelles, jeux sérieux, simulations...).

9. Dans un environnement numérique, l’e-portfolio rassemble un ensemble de documents et de ressources élec-


troniques pour décrire et illustrer apprentissage, carrière, expériences, travaux et compétences des étudiants.
10. C’est ce que propose l’université de La Rochelle à travers son projet Open Curriculum. Les cursus constituent
des projets différents et non pas des groupes de niveau.
11. Choix fait par le projet Collège universitaire de Paris-Seine, à travers la mise en place d’une solution CRM
(Customer Relationship Management).

N° 80 - Avril 2019
À Rennes (projet Cursus IDE@L), c’est l’hybridation qui est d’emblée privi-
légiée, l’inscription dans une formation pouvant s’effectuer dans des temporalités
variées et selon le parcours choisi par l’apprenant grâce à la combinaison du distan-
ciel et du présentiel. La validation des modules de formation et de compétences peut
alors être anticipée. Elle est également susceptible d’être accélérée avec une capitalisa-
tion autorisant aussi l’obtention de certifications supplémentaires, voire facilitant la
double diplomation. Elle peut enfin être étendue dans le cadre de la formation tout
au long de la vie (FTLV).
L’accompagnement
de la réussite des étudiants
et la lutte contre le décrochage
Les perspectives offertes par le numérique en matière d’accompagnement
de la réussite des étudiants et de lutte contre le décrochage sont désormais l’objet
d’un intérêt notable de la part des établissements, qui n’hésitent pas à mutualiser
leurs efforts ou à recourir à des outils nationaux.
Le site universitaire rennais propose ainsi de créer, sur la base d’un enseigne-
ment hybride, des blocs de compétences particuliers autour des fablabs qui pourront
être communs à plusieurs composantes de formation et d’établissements, dans un
objectif de mixité des publics et afin, d’une part, d’apporter une solution aux étudiants
en situation de décrochage ou dans le cadre d’une année de transition et, d’autre part,
de favoriser l’insertion de diplômés de baccalauréats technologiques dans le supérieur.
106 Le projet Ecrit+, porté par l’UNT UOH (Université ouverte des humanités)
privilégie une logique nationale entre établissements. Il consiste en la mise en place
de dispositifs d’amélioration des compétences rédactionnelles du français, avec le
triple objectif de lutte contre le décrochage, de soutien à la réussite en licence et de
professionnalisation des études. La démarche est fondée sur l’idée que les dispositifs
en ligne permettent : une formation individualisée en fonction des difficultés et des
besoins de chacun ; le suivi d’auto-formations à la carte en fonction des emplois du
temps ; la répétition, favorable à l’acquisition d’automatismes ; la prise en compte du
temps long de l’apprentissage ; une analyse, y compris statistique, des progressions
et des parcours des utilisateurs ; le partage de ressources, le travail collaboratif et la
co-construction de modules de formation par différents équipes et établissements.
En proximité, au niveau des politiques d’établissement, le numérique
est réputé faciliter l’apprentissage par la pratique et l’autonomisation, facteurs de
réussite des étudiants pour les promoteurs de ces formes de pédagogie12. Il s’agit
alors de développer l’enseignement par projets, notamment dans le cadre des fablabs
et plateformes technologiques, de promouvoir l’enseignement par simulation, de
recourir systématiquement à des ateliers créatifs et des jeux sérieux, sans négliger de
prendre en compte l’expérience de chaque utilisateur13.
L’aménagement physique des campus (classes mobiles, learning centers,
amphithéâtres interactifs…), la construction d’outils d’aide à la décision pour

12. Voir le projet bordelais New Deal (Nouvelle donne), des cursus ouverts et connectés centrés sur les étudiants.
13. Le sujet de la prise en compte de l’expérience des utilisateurs est particulièrement développé dans le projet de
Bourgogne Franche-Comté : Réussir-innover-transformer-mobiliser.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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présenter aux étudiants en cours de cursus les différents parcours possibles proposés
par les établissements participent également, avec la mise à disposition des données
d’apprentissage avec profilage individualisé dans un nouvel environnement numé-
rique, de l’optimisation des solutions offertes par le numérique.

Capitalisation des compétences


acquises, valorisation
des compétences transversales,
comportementales
et préprofessionnelles
L’approche par les compétences et l’approche programme représentent une
étape importante de la mutation de l’offre de formation proposée par les universités.
La création d’outils numériques offre alors à l’étudiant la possibilité d’identifier, de
communiquer et de capitaliser les compétences acquises à chaque stade de sa forma-
tion. Le périmètre susceptible d’être couvert est large : portefeuille d’expériences et
de compétences, banque de tests à l’entrée des cursus de formation, documentation
des expériences d’apprentissage, préparation aux entretiens, mise en relation avec
des alumni14. L’évolution introduite par ce type d’outils est forte dans la mesure où,
désormais, c’est l’apprenant qui construit son propre e-portfolio par la description
des compétences acquises et l’assemblage de traces d’apprentissages permettant de les
valider.
Les modules de formation numériques permettent aussi le dévelop- 107
pement de compétences transversales, notamment celles relatives à l’apprentis-
sage (apprendre à apprendre, apprendre à s’organiser, apprendre à s’autoévaluer,
apprendre à gérer l’apprentissage à distance), aux compétences numériques des
étudiants (accès aux compétences, savoirs et savoir-faire pour agir dans un monde
numérique), aux compétences interculturelles et managériales15.

Consolidation du continuum
formation initiale / formation tout
au long de la vie
La consolidation du continuum formation initiale – formation tout au long
de la vie contribue directement à la revalorisation des premiers cycles universitaires
et, partant, à la mobilisation et à l’implication des étudiants.
À l’instar du projet grenoblois Flexi-TLV, ce continuum repose sur l’asso-
ciation d’une offre de formation ouverte orientée vers les compétences, accessible
grâce à une ingénierie modulaire des formations et à des modalités pédagogiques et
numériques adaptées. Chaque étudiant et chaque professionnel qui le souhaite doit
ainsi pouvoir apprendre à analyser les situations de travail actuelles et ses activités
passées. La formation à la lecture en compétences et les méthodes d’analyse de l’ac-
tivité sont accessibles sous forme de modules numérisés. Les environnements numé-

14. Voir le projet Soft Skills de l’université Paris Lumière.


15. Voir les projets « Éveil à la liberté et à l’autonomie dans un monde numérique » de l’université de Haute Alsace
et « Réussir-innover-transformer-mobiliser » de Bourgogne Franche-Comté.

N° 80 - Avril 2019
riques professionnels (professional learning environments) sont structurés autour
des composantes : portfolio, alumni, marché de l’emploi, stages, alternance, mise en
œuvre du projet professionnel.
Le suivi de l’apprentissage en ligne présente par ailleurs l’avantage d’être
complet, fiable et permanent.

La transformation numérique
des universités françaises :
une typologie
Au-delà des éléments de consensus brièvement décrits, les projets ne sont
pas tous identiques, traduisant in fine des politiques différenciées en matière d’inté-
gration du numérique.

Le numérique comme
système modélisant
Pour certaines universités, l’intégration sera à la fois totale et globale, avec
un impact non seulement sur l’offre de formation et la pédagogie déployées mais
aussi sur l’organisation, la gestion des ressources humaines, les politiques incitatives,
les outils de gestion, les politiques d’investissement et immobilière16. Si certains de
ces projets restent focalisés sur le périmètre de cœur de métier des universités, la
108 plupart d’entre eux s’intéressent aussi à l’amont de leur activité, avec la mise en place
d’outils d’information et de tests d’aptitude et de positionnement, d’orientation ou
d’aide à la décision pour les lycéens et primo entrants.
Même si le degré de maturité des établissements concernés vis-à-vis du
numérique n’est pas identique, traduisant une histoire propre à chacun d’entre eux,
ces derniers sont résolument entrés dans la transition numérique pédagogique, avec
un horizon de trois à huit ans. Le modèle de licence disciplinaire sera radicalement
transformé par un enseignement sur mesure, flexible dans le temps, adaptable en
fonction de chacun, hybride et faisant place à l’ensemble des compétences recher-
chées par le monde du travail, au besoin par des systèmes de certifications originaux.

Le numérique comme
instrument d’industrialisation
Les projets ici concernés sont ceux d’universités pour lesquelles le numé-
rique offre une solution, souvent la seule solution connue, pour accompagner une
transformation pédagogique de grande ampleur, que cette dernière priorise l’une des
dimensions de l’offre de formation (la formation tout au long de la vie par exemple)
ou un champ de compétences particulier (les compétences transversales et préprofes-
sionnelles) ou bien encore qu’elle participe de la généralisation sur des populations
plus importantes de dispositifs et d’innovations pédagogiques préexistants.

16. Modulo ce qui est dit plus bas au 1.2.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Le numérique comme
vecteur d’élargissement
des solutions pédagogiques
Le numérique est ici un élément déclencheur de projets qui reposent sur
l’élargissement des possibles procurés précisément par l’usage du numérique. Il peut
se traduire par de véritables innovations pédagogiques ou simplement autoriser la
réalisation de projets dépendant de solutions technologiques adaptées telles que des
plates-formes spécifiques mutualisées.

Quelques facteurs clés


pour généraliser
la transformation numérique
et pédagogique

La réussite de la transformation pédagogique et numérique des univer-


sités françaises dépend des modalités de sa mise en œuvre. L’ambition est forte et les
projets programmés pour les prochaines années sont sans commune mesure avec
les réalisations de ces quinze dernières années ; il faudra faire en quelques années
beaucoup plus que ce qui a été fait depuis le début des années 2000. Or rares sont les 109
universités qui ont formalisé un plan d’action global, donnant un sens à une collec-
tion de projets.

Un impact sur l’organisation et


les activités des établissements
sous-estimé
Il existe en particulier un véritable décalage entre la perception que peuvent
avoir les universités de l’importance des changements pédagogiques générés par les
IPN et la prise en compte des effets induits sur l’organisation et le fonctionnement
des établissements.

Une attention centrée sur


les enseignants-chercheurs,
au détriment d’autres dimensions

L’essentiel des interrogations et des mesures d’accompagnement jugées


nécessaires porte sur les enseignants-chercheurs, leur accompagnement par des
cellules dédiées, leur formation par des programmes ad hoc le plus souvent récur-
rents et disponibles à distance, leur mobilisation via des mesures incitatives de
décharge de service ou de valorisation financière. L’accompagnement des personnels
administratifs se réduit quant à lui presque toujours à des recrutements, seule façon
envisagée pour intégrer les compétences requises.

N° 80 - Avril 2019
L’évolution des systèmes d’information, la reconfiguration ou le rempla-
cement des logiciels de scolarité, le reformatage de l’offre de formation, le suivi
des nouvelles modalités de décompte des obligations de service des enseignants-
chercheurs sont autant de sujets qui retiennent rarement l’attention des universités.

Une évaluation des compétences


et des modalités de diplomation
inadaptées
Le sujet de l’évaluation des compétences pose des questions réglementaires
(compensation, contrôle continu intégral), technologiques (évaluation en ligne),
organisationnelles (organisation des processus de scolarité), économiques (coût des
examens en ligne) et bien sûr pédagogiques (suivi à distance de gros effectifs, autoé-
valuation des compétences par les étudiants, docimologie). Ces questions ne sont que
très partiellement traitées par les universités ; les enseignements à tirer du déploie-
ment progressif de la plateforme mutualisée « Système informatique distribué d’éva-
luation en santé » (SIDES) sont pour l’instant insuffisamment exploités.

Un traitement insuffisant
des données personnelles
des étudiants

110 La production, l’utilisation et la protection des données liées à l’apprentis-


sage et à l’acquisition de connaissances et compétences ne sont, à ce jour, pas traitées
par la grande majorité des universités. Au-delà, ce sont les enjeux économiques et
sociétaux liés au traitement massif des données qui semblent insuffisamment pris en
considération par les universités.
Au total le risque est fort que cette nouvelle étape de développement des
IPN au sein des universités ne permette pas d’atteindre l’objectif poursuivi, celui du
passage de l’expérimentation à la généralisation ; les universités concernées n’ayant
pas totalement pris la mesure de la temporalité et de l’amplitude des changements
qui sont en jeu.

Généraliser les IPN dans


le premier cycle : une question
de conduite du changement
La difficulté n’est pas de choisir telle ou telle solution technologique
ou innovation numérique, ni même telle ou telle organisation des cursus par
programmes, groupe de compétences ou systèmes de majeures / mineures; les
établissements interviennent chacun dans des contextes différents, avec des popu-
lations d’étudiants présentant des caractéristiques ou des besoins différents qui
appellent des réponses adaptées. La difficulté est de déclencher une adhésion d’en-
semble, chaque acteur, enseignant, étudiant, mais aussi chaque service de scolarité, de
documentation, de formation continue devant être convaincu de l’intérêt qu’il trou-
verait aux changements proposés.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Il s’agit d’une conduite du changement digital, systémique reposant sur un


certain nombre de constantes fondamentales.

Pour transformer, un nécessaire


portage politique dans la durée
Les universités étrangères exemplaires en termes de transformation numé-
rique ont toutes installé des stratégies d’établissement pérennes et coordonnées au
plus haut niveau. Leur transformation se situe au point de rencontre d’une volonté
politique forte et d’une vision stratégique qui s’inscrit dans un temps long.
La transformation numérique s’accommode mal d’une acception synchro-
nique des politiques d’établissement, en réponse aux signaux d’appels à projets
dédiés. Il paraît difficile, par exemple, de mener de front dans des délais souvent très
courts les chantiers de la modularité, de l’approche par compétences, de l’hybrida-
tion, des compétences transversales, en même temps que ceux de la réorganisation
administrative, organisationnelle et des systèmes d’information des établissements.
Il est indispensable que les stratégies de déploiement choisies par les univer-
sités parviennent à articuler la temporalité technologique courte (une nouveauté en
chasse une autre), la temporalité politique (l’atteinte d’objectifs visibles dans le cadre
d’un mandat), la temporalité de la transformation qui réclame du temps pour passer
d’un état stabilisé à un autre.

Un accompagnement important 111


des équipes pédagogiques
et des étudiants
La généralisation des IPN en appui à la transformation pédagogique
des universités traduit aussi une nouvelle offre, celle d’établissements soucieux de
réformer leurs cursus de formation et les modalités pédagogiques, au profit de la
réussite des usagers. Les conditions d’acceptabilité de cette offre renvoient aussi bien
à l’accompagnement des équipes pédagogiques impliquées qu’à celui des étudiants.
Au-delà des questions d’incitation et de valorisation de l’engagement
personnel, la transformation numérique questionne les fondamentaux de l’activité
d’enseignement. Le passage du cours magistral à des formes de pédagogie proactives,
puis au numérique, est de nature à réinterroger le métier d’enseignant. Les notions
d’encadrement et de mentorat tendent à se substituer à celle d’enseignement. La
nécessité de produire des contenus pédagogiques totalement ouverts est quelque-
fois vécue comme une contrainte forte, une forme d’assurance qualité imposée17. La
dimension individuelle de l’acte d’enseigner s’efface au profit des équipes pédago-
giques qui ne sont pas exclusivement constituées de pairs.
La formation et l’accompagnement des enseignants deviennent, dans ces
circonstances, essentiels, et représentent même une condition nécessaire de la trans-
formation pédagogique et numérique des universités. Elle traduit l’idée qu’aucune

17. Une ressource complètement ouverte demande plus de temps d’élaboration qu’une ressource verrouillée.
Le partage de ressources devient ainsi corrélé à la qualité.

N° 80 - Avril 2019
transformation numérique n’est possible si elle ne repose sur une logique de flexi-
sécurité numérique visant à sécuriser, par un accompagnement de qualité, les muta-
tions professionnelles induites par le développement des IPN.
L’offre doit par ailleurs rencontrer la demande, celle des étudiants. Faire
de l’étudiant un acteur de sa formation, le responsabiliser dans son parcours indi-
viduel selon une logique de compétences et non seulement de connaissances, lui
proposer des pédagogies impliquant des outils numériques favorisant quelquefois le
distanciel, le découpage et la scénarisation de contenus, la collecte de données indivi-
duelles d’apprentissage ne va pas de soi. L’étudiant doit aussi apprendre son nouveau
« métier » d’étudiant.

Le changement organisationnel
et administratif, autre condition
de la transformation
Si l’innovation pédagogique et le développement très rapide du numérique
bouleversent les pratiques des enseignants, ils impliquent aussi des changements
organisationnels importants dans les établissements. Quatre champs principaux
sont concernés : l’émergence de nouveaux métiers ; la transformation des fonctions
support ; les systèmes d’information ; le périmètre et la place des directions des
systèmes d’information dans le pilotage de la transformation.
On ne peut pas miser sur la transformation numérique si l’organisation ne
se transforme pas.
112
Intégrer en amont le modèle
économique de l’université cible
La question de l’impact économique de la transformation ne peut s’ac-
commoder d’une vision qui ne considère que les éléments de coûts et quelquefois de
recettes associés au seul projet, i.e. indépendamment du fonctionnement courant d’un
établissement, et sans distinguer les périodes de construction des nouveaux dispositifs
puis d’utilisation d’une nouvelle capacité pleinement constituée. La transformation
pédagogique et numérique va de pair avec la transformation du modèle économique.

La situation des universités françaises vis-à-vis de la transformation péda-


gogique et numérique, bien que contrastée, s’inscrit dans une tendance globale
positive et un contexte favorable. La prise de conscience des enjeux est forte et réelle
la volonté de mettre en place la nouvelle ambition universitaire portée par le numé-
rique. Les universités sont nombreuses à avoir ouvert le chantier de la transformation
avec des équipes d’abord pionnières, aujourd’hui rejointes par un plus grand nombre
d’enseignants-chercheurs qui sollicitent l’appui des services d’accompagnement
dédiés, eux-mêmes en plein développement.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Mais une chose est d’avoir su accompagner à travers des dispositifs ad hoc et
dérogatoires les initiatives d’expérimentateurs bénéficiant de financements externes
dédiés ; une autre est d’être en mesure d’implémenter un modèle général appelant
une remise à plat des politiques d’établissement comme du modèle économique de
l’université. Les établissements doivent faire preuve de réalisme, de méthode et de
pragmatisme tout en identifiant, les questions nouvelles susceptibles de ralentir sinon
bloquer le processus de transformation.
Ces questions concernent aussi bien les fondamentaux de la transformation
(la temporalité, le portage politique, l’appropriation par les acteurs et les usagers),
que les mesures d’accompagnement nécessaires en termes d’organisation admi-
nistrative des services concernés, de gestion des ressources humaines (enseignants-
chercheurs et personnels administratifs), d’infrastructure et d’équipements numé-
riques, de logiciels de gestion. Elles invitent aussi les universités à anticiper les ques-
tions économiques et juridiques liées.
L’ambition poursuivie est à la portée des établissements engagés.

113

N° 80 - Avril 2019
dossier

Des centres pour


le développement
de l’enseignement
et de l’apprentissage
dans les universités
chinoises de recherche

Le cas de l’Université de Xiamen*

Fan Wu
Université de Xiamen

L’ère de l’économie de la connaissance arrive et les universités sont devenues l’axe


de la société. Le développement d’une société dépend de la quantité et de la qualité de talents
formés dans l’enseignement supérieur, tandis que la qualité de l’enseignement supérieur
dépend principalement du niveau pédagogique et de la qualité des professeurs.

(Pan, 2007)
Depuis les années 1980, l’enseignement supérieur du monde occidental 115
est entré dans l’ère de la qualité. Les facultés et les universités ont mis sur pied des
centres pour le développement pédagogique afin de promouvoir l’évolution des
enseignants en matière de pédagogie, d’améliorer la qualité de l’apprentissage des
étudiants et de créer une culture de l’enseignement dans les universités de recherche.
La question de l’amélioration de la qualité connaît également un essor
considérable dans le secteur de l’enseignement supérieur chinois. Aujourd’hui, les
universités de recherche chinoises sont plus nombreuses à progresser rapidement
dans le système mondial de classement des universités, évolution qui s’est faite
parallèlement à la progression des inscriptions dans l’enseignement supérieur et à
l’investissement de la nation depuis le début des années 2000. Néanmoins, malgré
l’investissement colossal et le grand nombre de publications dans les universités de
recherche, des inquiétudes et des débats sur la qualité de l’enseignement supérieur
se font jour dans la société chinoise. Avec l’approfondissement de la réforme de
l’enseignement supérieur, la promotion de l’excellence pédagogique des professeurs
et l’amélioration de la qualité de l’enseignement deviennent des éléments centraux
de la construction de l’identité de l’enseignement supérieur en Chine. Alors qu’en
2009 aux États-Unis, 65 à 70 % des universités dotées d’une école doctorale et des
universités de recherche disposaient d’un centre pour le développement pédagogique
offrant aux professeurs un appui pour leur enseignement (Kuhlenschmidt, 2009),
les centres pour le développement de l’enseignement et de l’apprentissage restent
néanmoins de toutes jeunes créations dans les universités chinoises. Marquant une

* Article traduit depuis l’anglais par Hélène Bréant.

N° 80 - Avril 2019
inflexion importante de la stratégie pour l’amélioration de la qualité de l’enseigne-
ment supérieur, le ministère chinois de l’éducation a pris les rênes en mettant en
place un centre national modèle pour le développement de l’enseignement et de
l’apprentissage dans trente universités en 2012, presque toutes étant des universités
de recherche comme Xiamen et le gouvernement central alloue une subvention
initiale de 5 millions de yuans1 à chacun de ces centres. Influencées par la politique
du gouvernement central, la plupart des provinces et des universités ont successive-
ment introduit une telle politique. Le statut et le rôle de ces centres sont de nouveau
soulignés dans le projet de nouveau cycle de stratégies pour le développement de
l’enseignement supérieur chinois, telles que « Double First-class Construction »2 et
« Élaboration d’un enseignement de haut niveau en premier cycle universitaire »3.
Bien que des centres pour le développement pédagogique aient été ouverts
dans presque toutes les universités de recherche à travers le pays au cours des cinq
dernières années, la notion de développement professionnel des enseignants du
supérieur reste un concept nouveau pour les universités chinoises. Ces centres
pour le développement professionnel des enseignants sont confrontés à différents
problèmes : faible compréhension de ce qu’est le développement professionnel des
enseignants du supérieur, missions et orientations floues, organisation peu claire,
manque de professionnalisme aussi bien en ce qui concerne les fonctions organi-
sationnelles que du côté des personnels, etc. Par conséquent, faire en sorte que cela
fonctionne semble être le plus grand défi pour la pérennité de ces centres dans les
universités de recherche.
L’Université de Xiamen (XMU) située dans la province du Fujian, est l’une
116
des vingt meilleures universités de recherche chinoises. Ces universités accordent
bien évidemment la priorité à la recherche, mais l’excellence en matière d’ensei-
gnement y est aussi essentielle. Si le Centre pour l’enseignement et l’apprentissage
de Xiamen est l’un des centres nationaux modèles récompensés par le ministère de
l’éducation, les points communs à toutes les universités de recherche ainsi que les
caractéristiques propres à XMU confèrent au CTDL à la fois des opportunités et des
contraintes. Notre étude de cas sur l’exploration de la pratique et de l’expérience du
CTDL de Xiamen nous permet de tirer ci-après quelques enseignements.

Les problèmes à résoudre


Le fossé entre la recherche
et la pratique
Le décalage entre la conception et la pratique de l’enseignement supérieur et
la séparation des chercheurs et des praticiens à l’université sont des problèmes courants
en Chine. En tant qu’université de recherche, l’Université de Xiamen jouit d’une excel-
lente réputation dans le domaine de l’enseignement supérieur. Mais comment trans-

1. Soit 650 000€. (NdlR)


2. Programme gouvernemental lancé en 2017 et visant à faire de certaines universités et facultés chinoises (d’où
le terme « double ») des établissements et départements d’élite d’ici 2050 (NdT.). Source : [https://en.wikipedia.
org/wiki/Double_First_Class_University_Plan]
3. Construction of High-level Undergraduate Education.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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former l’excellence académique en avantages pour la construction et le fonctionnement


d’un centre ? Comment mettre en pratique les nombreux travaux de recherche sur l’en-
seignement supérieur et faire en sorte que la recherche serve mieux le développement
du corps professoral et l’amélioration de la qualité dans une université de recherche ?
Ces questions sont autant de défis pour les chercheurs et les praticiens.

La transformation
des jeunes docteurs
en nouveaux professeurs
Xiamen étant une université de recherche, tous les nouveaux enseignants
sont titulaires d’un doctorat et sont de jeunes chercheurs très talentueux. Toutefois,
le programme doctoral actuel accorde moins d’attention à la formation qu’à la
recherche académique, si bien que, souvent, les nouveaux enseignants savent seule-
ment comment étudier et non comment enseigner. De plus, ils reproduisent la façon
d’enseigner à laquelle ils ont été soumis pendant leurs études et perdent beaucoup
de temps à procéder par essai / erreur afin de trouver des stratégies pertinentes pour
leur enseignement. C’est pourquoi il est urgent de leur apporter un soutien efficace,
au moment où ils en ont besoin.

L’absence d’un mécanisme


de garantie de qualité pour
le développement professionnel 117
des enseignants
Les activités traditionnelles de formation sont souvent descendantes, non
fondées sur les besoins des enseignants, essentiellement spontanées, relativement
fragmentées et sans garantie systématique. Il est impératif de réunir des ressources
de haute qualité à travers tout le campus, de mettre en place un système complet de
formation des enseignants en rapport avec les caractéristiques de l’université et les
besoins du corps professoral, de bâtir un lieu d’échanges pour renforcer les compé-
tences pédagogiques des enseignants et d’améliorer le mécanisme de développement
professionnel des enseignants.

Des programmes
et des services efficaces

Le modèle RTTL (Research-


Training-Teaching-Learning)
Le CTLD de l’université de Xiamen construit un modèle de développe-
ment professionnel des jeunes enseignants « quatre-en-un » fondé sur la recherche,
la formation, l’enseignement et l’apprentissage (RTTL : « Research-Train-Teaching-
Learning »). Avec l’appui du groupe de recherche de l’Université de Xiamen dans le
domaine de l’enseignement supérieur, le CTLD effectue des recherches ancrées dans

N° 80 - Avril 2019
les pratiques d’enseignement, applique les résultats de recherche les plus pointus au
programme de formation des professeurs, améliore leurs compétences pédagogiques
et, ainsi, fait progresser la qualité de l’apprentissage des étudiants. Le CTLD collecte
également les retours issus du terrain pour alimenter la recherche académique et
enrichit les sources des études théoriques, ce qui produit une modeste interaction
entre la recherche et la pratique. Par exemple, le programme de recherche « Concept,
politique de formation, modalités et motivation de la formation des professeurs » est
un programme essentiel de l’Institut de l’éducation de Xiamen, financé par le minis-
tère de l’éducation et développé en collaboration avec le CTLD. Cette étude influence
le CTLD au plus haut niveau, clarifie son cœur de mission et améliore le profession-
nalisme des services et des programmes. Comme elle constitue une source impor-
tante d’études de cas, la pratique du CTLD enrichit également la recherche théorique.
Prenons un autre exemple : le programme « Mécanisme d’apprentissage et efficacité
de la classe inversée pour l’enseignement dans les facultés», financé par une bourse
nationale pour les sciences sociales, a permis d’organiser une série d’ateliers sur la
classe inversée au CTLD, ce qui a favorisé la réforme des méthodes pédagogiques des
enseignants et celle des modes d’apprentissage des étudiants à Xiamen. Cette expé-
rience pratique est devenue une étude de terrain typique pour la recherche théorique.

Un programme d’amélioration
des compétences pédagogiques
118
Programme d’accompagnement
des nouveaux professeurs
Trois sujets majeurs sont inscrits dans notre programme d’accompagnement
des nouveaux professeurs : « Mission et rôle de l’enseignant à l’Université de Xiamen »,
« Services et modalités de soutien aux enseignants de l’Université de Xiamen » et
« Connaissances et compétences pédagogiques ». Au cours des dix dernières années,
744 nouvelles recrues ont bénéficié d’une formation et plus de 90 % des stagiaires ont
réussi les examens sanctionnés par un certificat d’aptitude à l’enseignement, sans lequel
ils ne sont pas autorisés à enseigner à des étudiants de premier cycle.

Stage d’été pour les jeunes talents


de l’enseignement
Conscient du caractère crucial de cette période pour le développement
des jeunes enseignants, le CTLD organise chaque année un stage d’été innovant et
apporte des exemples à ces jeunes professeurs en phase d’émergence de leur déve-
loppement professionnel. À travers les approches « pair-by-one » et « one-to-one »,
l’occasion est donnée aux jeunes enseignants de rencontrer des professeurs et des
chercheurs confirmés et d’avoir avec eux des échanges approfondis tout au long des
stages d’été, ce qui permet la constitution d’un groupe d’apprentissage et entraîne
une progression rapide des aptitudes pédagogiques. Au cours des six dernières
années, plus de 358 enseignants ont participé à ce stage d’été.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Formation pédagogique fondée


sur la discipline scientifique
Au vu de leurs différences et des caractéristiques des diverses disciplines et
matières, le CTLD coopère avec les facultés et écoles afin d’apporter l’accompagne-
ment et la formation spécifiques aux savoirs et aux compétences propres à chaque
contexte pédagogique. Par exemple, pour répondre au problème de qualité des cours
de théorie des politiques publiques, le Marxist College et le CTLD organisent conjoin-
tement un programme de formation relatif à la manière d’améliorer l’assiduité et
l’implication d’une classe constituée de nombreux étudiants – programme conçu sur
mesure pour ce type de cours et pour le mode d’apprentissage des étudiants.

Formation des assistants


d’enseignement
Le CTLD soutient le développement pédagogique des étudiants de troi-
sième cycle dans leurs responsabilités d’enseignement actuelles ou futures, dans tous
les secteurs de l’université. Les étudiants inscrits en troisième cycle universitaire qui
participent aux programmes et aux services du CTLD développent un certain sens
de la pédagogie, des échanges interdisciplinaires et un travail d’enquête dirigée par
les pairs, ce qui les prépare à de multiples situations académiques et professionnelles
pour l’avenir.
119

Programmes de développement
professionnel des jeunes
enseignants

Concours de compétences
pédagogiques
Le concours de compétences pédagogiques est un événement traditionnel,
typique et extraordinaire en Chine. La compétition compte au moins trois niveaux :
l’échelon universitaire, l’échelon provincial et le niveau national. Chaque université
et chaque college organisent chaque année ce concours ouvert aux jeunes enseignants
du campus. Le vainqueur sera qualifié pour le niveau de compétition supérieur.
Le CTLD accueille des compétitions de compétences pédagogiques pour
les jeunes enseignants, encourageant les jeunes universitaires talentueux de moins de
35 ans à concourir, dans le but qu’ils affûtent leurs compétences et qu’ils partagent
leur expérience. La plupart des universités chinoises considèrent le concours seule-
ment comme un show de pédagogie annuel, mais le CTLD s’efforce quant à lui d’en
faire un processus d’amélioration permanente de l’enseignement. Le CTLD regroupe
l’évaluation du cursus de l’enseignant, la formation didactique, la compétition de
pédagogie et le feedback en un tout et transforme ainsi le concours d’une évaluation
sommative en une évaluation formative.

N° 80 - Avril 2019
Collections de vidéos de cours
Après s’être assurés de l’accord de l’enseignant, des personnels du CTLD
entrent dans la salle de cours et filment la séance de chaque professeur. En règle
générale, sont filmés au moins le premier et le dernier cours du premier semestre
d’un nouvel enseignant. Une fois la vidéo tournée, une copie est envoyée à
l’enseignant. Dans ce type de dispositif vidéo, un nouveau professeur est suivi
pendant une année universitaire, voire plus longtemps. La vidéo de cours est entiè-
rement privée et inaccessible publiquement. En leur faisant visionner leurs propres
vidéos de cours, le CTLD apporte aux enseignants une autre perspective qui leur
permet d’observer leur propre pratique d’enseignement, comme s’ils se regardaient
dans un miroir. De nombreux problèmes qu’ils ne peuvent pas déceler pendant leurs
cours peuvent alors leur apparaître clairement. S’ils se posent encore des questions
de pédagogie après visionnage et qu’ils souhaitent bénéficier de conseils et de pistes
d’amélioration, ils peuvent s’adresser au Centre. Le CTLD mandatera des experts en
pédagogie ou des enseignants du supérieur chevronnés dans leurs disciplines et orga-
nisera des entretiens en tête à tête dans un espace dédié. En décembre 2018, 764 cours
donnés par 388 jeunes enseignants avaient été filmés, soit un total de 3 454 heures
de cours.

Ateliers, séminaires
et cafés pédagogiques
120
Le CTLD organise des séminaires éducatifs, des ateliers et des cafés péda-
gogiques afin de mettre en place des espaces de communication dédiés à l’ensei-
gnement à l’intention des professeurs. Ces séries d’événements constituent de
formidables temps d’échange et d’innovation favorisant l’intégration profonde des
technologies de l’information et de l’enseignement, construisant une plateforme
pour l’innovation pédagogique et mettant sur pied des programmes de réforme en
éducation afin d’encourager les jeunes professeurs à mener des recherches sur l’en-
seignement et l’innovation pédagogique. En s’appuyant sur la nouvelle salle de classe
intelligente qu’il a aménagée, le Centre a organisé toute une série d’ateliers en classe
inversée et financé 35 projets de réforme des pratiques d’enseignement sur le mode
de la classe inversée.
Si les séminaires et les ateliers peuvent constituer une manière formelle
d’apprendre sur un sujet précis, la formule du café est plus détendue et informelle.
Le CTLD invite des experts en sciences de l’éducation reconnus, chinois ou étran-
gers, ainsi que de jeunes enseignants à s’installer autour d’une boisson chaude et
de friandises dans un salon de thé convivial ou dans un café sur le campus et à
débattre de nouvelles idées et tendances dans l’enseignement supérieur, telles que
l’apprentissage centré sur l’apprenant et l’apprentissage hybride, ou à partager leur
expérience et leurs réflexions sur des sujets comme la pression au travail ou les défis
de la vie.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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Principes pratiques pour


la réussite du développement
professionnel des
enseignants du supérieur

La construction de l’identité
enseignante : de la formation
au développement professionnel
La formation des enseignants s’inscrit dans une longue tradition au sein
des universités chinoises, mais elle n’est pas souple et repose généralement sur des
approches administratives du processus de mise en œuvre. En outre, le programme
de formation des enseignants est planifié de façon descendante, ce qui ne peut
apporter de réponse efficace à leurs besoins. Contrairement à la formation clas-
sique des enseignants, les programmes de développement professionnel des ensei-
gnants du supérieur visent à attirer les professeurs, à leur donner envie de s’engager
à travers des services pédagogiques ciblés, à améliorer leur sens de l’acquisition et à
leur permettre d’intégrer la progression de leurs compétences pédagogiques comme
une nécessité dont ils aient bien conscience. Le Centre a pour stratégie et ambition
de créer un écosystème favorable au développement d’un enseignement de premier
cycle d’excellence au sein d’une université de recherche et de créer un contexte favo-
rable à la mise en valeur de l’enseignement.
121

Quand l’enseignement
et la recherche se renforcent
mutuellement
Le CTLD utilise la recherche sur l’enseignement supérieur pour éclairer le
travail du Centre, intégrer la recherche universitaire à la pratique et combler le fossé
entre les recherches académiques portant sur l’enseignement supérieur à l’Université
de Xiamen et les besoins pratiques de l’institution. Le CTLD a ainsi étudié récem-
ment le système d’assurance qualité interne de Xiamen, avec le soutien financier de
l’Institut international de planification de l’éducation (IIPE) de l’Unesco et du minis-
tère chinois de l’éducation. Grâce à l’analyse des données recueillies par cette enquête
scientifique, le CTLD a pu recommander au président et aux doyens de l’université
une réforme du curriculum universitaire ainsi que des modifications et des amélio-
rations académiques et administratives, puis les mettre en place. Le CTLD a travaillé
sur plus de 30 programmes issus de 25 facultés, afin de mener une étude comparative
du système curriculaire d’universités réputées en Chine et à l’étranger et a apporté
son aide à la réforme des programmes de premier cycle de l’Université de Xiamen. À
partir des conclusions des recherches en pédagogie, la formation des enseignants est
mise en œuvre afin d’améliorer les compétences pédagogiques spécifiques des profes-
seurs et la qualité de l’expérience d’apprentissage des étudiants s’en trouve améliorée.
En outre, en partenariat avec le Centre pour l’évaluation de l’enseignement supérieur
du ministère de l’éducation (Higher Education Evaluation Center : HEEC), le CTLD

N° 80 - Avril 2019
élabore une base de données opérationnelle pour l’enseignement en premier cycle
(Undergraduate Education Operational Database) et co-signe le rapport annuel sur la
qualité de l’enseignement supérieur en Chine.
Les professeurs affectés à une université de recherche doivent être des
experts de leur propre champ, mais ils peuvent aussi cultiver une inclination pour
la recherche sur leur propre manière d’enseigner. Le CTLD entend promou-
voir la culture d’activités de recherche et de formation qui se nourrissent l’une de
l’autre. C’est ainsi que la Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching,
sous la houlette de son président émérite Lee Shulman, promeut depuis longtemps
la « Scholarship of Teaching and Learning » (SoTL), une forme de recherche-action
dans laquelle les professeurs testent des hypothèses relatives à leur propre enseigne-
ment, réfléchissent aux résultats, les partagent avec leurs pairs et procèdent ensuite
aux améliorations pédagogiques nécessaires (Cambridge, 2004). Le CTLD attire
et soutient les enseignants de toutes les disciplines dans leurs projets de recherche
sur leur propre pratique d’enseignement, les aide à travailler en équipe, leur apporte
un financement et des conseils professionnels et promeut l’idée du SoTL au sein du
corps professoral.

Mettre l’accent sur les jeunes


enseignants du supérieur
Un centre tel que le nôtre nécessite une très large palette de programmes
122 ciblant toutes les étapes d’une carrière universitaire (Seldin, 2006) : les débuts
(juniors), le milieu et la fin de carrière (seniors). Il est sage d’accorder aux nouveaux
enseignants une attention particulière (Cook et Marincovich, 2010) car les jeunes
professeurs sont particulièrement réceptifs aux conseils qu’on peut leur prodiguer en
matière d’enseignement dans les années précédant leur titularisation ; le personnel
du Centre doit donc leur faire savoir que s’investir dès le départ dans leur connais-
sance de la pédagogie leur fera gagner du temps à long terme. L’équipe du Centre peut
aussi mettre en avant les stratégies permettant de combiner les responsabilités d’ensei-
gnants et de chercheurs et de faire en sorte qu’elles se renforcent mutuellement.
Au cours des six dernières années, 983 nouveaux enseignants ont participé
aux programmes de formation ou bénéficié des services d’appui à la profession-
nalisation du CTLD. 100 % des enseignants nouvellement recrutés ont rejoint le
programme d’orientation, tandis que plus de 92 % d’entre eux se sont vu décerner
le certificat faisant office de sésame pour débuter leur carrière dans l’enseignement.
Au cours des cinq dernières années, 302 jeunes chercheurs ont participé à un stage
d’été consacré à l’enseignement et à la formation, dont deux lauréats du Concours
national de compétences pédagogiques des jeunes enseignants, dix lauréats de la
province du Fujian et cinq lauréats de prix décrochés lors des concours de première
et de seconde catégorie à travers toute la Chine. Le CTLD a reçu le National Excellent
Organization Award for Micro-Class Competition, prix national récompensant l’excel-
lente organisation d’un concours, ainsi que, pour deux sessions consécutives, le Prix
de la province du Fujian pour l’organisation d’un concours d’enseignement (Fujian
Provincial Teaching Competition Organization Award). Les compétences pédago-
giques des jeunes enseignants se sont rapidement améliorées et la satisfaction des

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

étudiants n’a cessé de progresser. En effet, selon les données issues de l’évaluation
de l’enseignement et d’une enquête menée auprès des étudiants, leur satisfaction à
l’égard de l’enseignement qui leur est dispensé continue d’évoluer à la hausse.

La communication :
la clé pour créer une culture
de l’enseignement
Dans la plupart des universités chinoises, l’autonomie académique ne peut
être totale. La mise en œuvre d’une idée ou d’une politique dépend largement du
pouvoir administratif qui intervient de façon descendante. Néanmoins, au cours
des dix dernières années, Xiamen a développé une assurance qualité interne efficace
et effective en vue d’améliorer l’enseignement et l’apprentissage, ce qui a confirmé
que, sans une compréhension et une reconnaissance du système d’assurance qualité
interne largement partagées par un ensemble de parties prenantes, il n’y a pas d’in-
vestissement de la part des enseignants (Wu et Qi, 2018).
Le CTLD a appris que le dialogue et l’implication des parties prenantes
sont des éléments essentiels pour le succès du centre. Ainsi, au début de l’histoire de
cette institution, le CTLD a volontairement abandonné la posture d’un département
qui assure des fonctions administratives pour se positionner comme une organi-
sation offrant un service professionnel tourné vers les enseignants – une démarche
tout à fait innovante, courageuse et rare dans les universités chinoises. Ne fondant
pas son action sur le soutien des autorités, ni sur des programmes administratifs, le
123
CTLD doit accorder une plus grande attention à sa visibilité, au professionnalisme
du service qu’il rend ainsi qu’à la communication, pour avoir une incidence réelle
sur le corps enseignant et sur la culture de l’enseignement au sein d’une université de
recherche. Le directeur du CTLD doit être un lobbyiste hors pair sachant convaincre
le président de l’université, les directeurs des services administratifs et les doyens
des facultés et qui essaie d’obtenir le soutien des dirigeants à tous les échelons. La
communication devient la pierre angulaire du programme de développement profes-
sionnel des enseignants du supérieur.

En tant que centre éducatif planifié pour grandir au fil du temps et devenir
partie intégrante du soutien de l’université à ses professeurs, aux étudiants de troi-
sième cycle ainsi qu’en matière de réforme curriculaire, le CTLD de l’Université de
Xiamen a bénéficié du leadership éclairé de l’université, garantissant son appropria-
tion par les enseignants et d’un partenariat réussi avec les services administratifs et
académiques. Comment cependant abolir la barrière qui sépare l’enseignement de la
recherche ? Comment promouvoir le scholarship of teaching and learning ? Comment
créer une communauté d’apprentissage entre les professeurs de disciplines différentes
et comment refonder une culture de l’enseignement au sein d’une université de
recherche ? Voilà autant de grands défis qui requièrent une action de long terme pour
le développement professionnel des enseignants du supérieur en général.

N° 80 - Avril 2019
Références bibliographiques
CAMBRIDGE B. (ed.) (2004) : Campus Progress: Supporting the scholarship of teaching and
learning, Washington, DC: American Association for Higher Education.
COOK C.E. et MARINCOVICH M. (2010) : « Effective Practice at Research Universities:
The Productive Pairing of Research and Teaching », dans K. J. Gillespie, D. L. Robertson et
al. (Ed.), A Guide to Faculty Development, 2nd ed. San Francisco: Jossey-Bass.
KUHLENSCHMIDT S. (2009) : Who are we? Where are we? Descriptive data about
centers, paper presented at the Southern Regional Faculty Development Consortium,
Louisville, KY.
PAN M. (2007) : « Faculty Development and Higher Education Quality Improvement »—
A Keynote Speech at the 4th International Symposium on Quality of Higher Education,
Journal of Shenzhen University (Humanities and Social Sciences),1, p. 23-26.
SELDIN P. (2006) : « Tailoring faculty development programs to faculty career stages »,
dans S. Chadwick-Blossey (Ed.), To improve the academy, vol. 24.
WU D. et QI Y. (2018) : « Integrating stakeholders’ perspectives for improving quality at
Xiamen University », dans M. Martin (ed.), Internal Quality Assurance: Enhancing Higher
Education Quality and Graduate Employability, Paris : UNESCO IIEP.

124

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

La réforme de la
pédagogie universitaire
au Danemark : le cas
de l’apprentissage par
problèmes*
Bettina Dahl
Jette Egelund Holgaard
Aalborg University

Dans cet article, nous décrirons les principes et la structure concrète de


l’université d’Aalborg (AAU), dernière-née des universités danoises, fondée en 1974.
L’AAU est née dans le sillage des mouvements des années 1960 qui prônaient des
réformes pédagogiques. Dès sa création, elle a mis en place des programmes reposant
sur l’apprentissage par projets et par problèmes dans toutes les facultés. Mais
qu’est-ce que cela signifie, en pratique ? Dans quelle mesure ces principes sont-ils
toujours pertinents dans le monde contemporain ? Quelle part du modèle pédago-
gique de l’AAU peut être considérée comme « danoise » ?
Nous sommes convaincues que l’APP est une réponse pertinente pour les
125
universités modernes, sans affirmer pour autant qu’elle serait la seule possible. La
solution miracle n’existe pas, et les modèles éducatifs – et leurs fondements struc-
turels et culturels – diffèrent d’un pays à l’autre, tout comme ils varient d’une disci-
pline à l’autre. Néanmoins, il se pourrait que les principes fondamentaux soient les
mêmes dans tous les pays. Compte tenu des contraintes de format, notre article met
l’accent sur les programmes de formation que l’AAU a mis en place dans les seules
facultés d’ingénierie et de sciences. On observe certes des différences entre les facultés
qui sont dues aux disciplines, mais dans l’ensemble, la structure ne varie guère et
les principes sous-jacents sont identiques. L’AAU fait partie des chefs de file dans le
domaine de la formation des ingénieurs, entre autres, grâce à l’APP (Graham, 2018).

Les valeurs qui sous-tendent


le système éducatif danois
Le Danemark compte huit universités, toutes publiques et régulées par
le ministère de l’enseignement supérieur et des sciences. Chaque université définit
ses propres curricula, pourvu que ces derniers s’inscrivent dans le Cadre des quali-
fications pour l’enseignement supérieur danois, lui-même associé au Cadre général
des qualifications pour l’Espace européen de l’enseignement supérieur (Cadre de
Bologne). Ce dernier stipule quels types d’objectifs d’apprentissage déterminent
les diplômes sur le plan des connaissances et de la compréhension, des savoir-faire

* Article traduit par Hélène Bréant.

N° 80 - Avril 2019
et des compétences. L’Institution danoise d’accréditation (Danish Accreditation
Institution) habilite les titres et les établissements d’enseignement supérieur. Cette
habilitation est indispensable pour bénéficier de subventions de l’État. Étudier dans
une université danoise ne donne pas lieu au versement de droits d’inscription (pour
les étudiants de l’Union européenne et de l’Espace européen de l’enseignement supé-
rieur) et les étudiants perçoivent en outre une bourse de l’État pour toute la durée
de leurs études. Dans l’enseignement universitaire danois, il est un principe clé selon
lequel l’enseignement est fondé sur la recherche. Cela signifie que l’enseignement
doit être issu des résultats de la recherche, que les chercheurs actifs doivent enseigner
et s’appuyer sur leurs recherches pendant leurs cours et que les étudiants doivent
apprendre à travailler au sein d’une communauté de recherche.
La conception nordique de l’éducation englobe le principe de l’égalité et de
la démocratie dès l’école élémentaire. Ce principe affirme explicitement que l’une des
missions de l’école obligatoire consiste à préparer les élèves à la participation et à la
prise de décision dans une société démocratique, ainsi qu’à partager la responsabilité
de résoudre des problèmes communs. L’accent est mis sur une « école pour tous »,
sur l’égalité, l’égal accès et le développement de l’esprit critique des élèves. Cette
vision est large et globale, sans élitisme. Sur le plan culturel, le Danemark se
caractérise par une résolution des conflits à travers les compromis ; les relations de
pouvoir y sont plutôt horizontales et le code vestimentaire et les conventions sociales
sont informels. Les Danois s’appellent par leur prénom, y compris les étudiants et les
professeurs d’université (Dahl, 2003).
126
Aalborg University
et l’apprentissage par
la résolution de problèmes

Les principes de l’APP


Les huit universités danoises sont très différentes au regard des types de
programmes, mais aussi de leur pédagogie. Certaines sont très traditionnelles,
tandis que d’autres ont mis en œuvre différents types de réformes pédagogiques.
Aalborg University a mis en place dès sa création, en 1974, l’apprentissage par
projets et problèmes entendu comme un principe général de construction du curri-
culum. À cette époque, plusieurs autres universités à travers le monde appliquaient
les principes de l’APP, à l’instar de McMaster University au Canada (fondée en
1969), suivie de l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas, créée en 1974 (Barrows
et Tamblyn, 1993). Actuellement, l’AAU et l’Université de Roskilde sont les seules
universités danoises à adopter une approche systémique déclarée d'APP. Comparée
à l’Université de Roskilde, l’AAU a un profil disciplinaire plus large puisqu’il inclut
l’ingénierie et la médecine.
Un curriculum en APP est une approche de l’enseignement et de l’appren-
tissage centrée sur l’étudiant pour l’apprentissage de savoirs, des savoir-faire et des
compétences. L’APP revêt trois dimensions : 1) la dimension cognitive, reposant sur
la théorie de l’apprentissage fondé sur l’expérience, 2) la dimension collaborative, qui

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

implique un apprentissage centré sur l’étudiant et fondé sur la psychologie sociale et


les théories de l’apprentissage et 3) la dimension du contenu, incluant l’interdisci-
plinarité et l’exemplarité dans le choix des méthodes, des théories et des problèmes
du monde réel. Au sein d’un cadre contextuel et/ou disciplinaire fixé par les objectifs
généraux d’apprentissage, les étudiants identifient des problèmes qu’ils souhaitent
analyser et résoudre. Ces problèmes déterminent le type de théories appliquées et
débouchent généralement sur la rédaction conjointe de mémoires sur projets, les
étudiants étant responsables de l’intégralité du contenu. Les problèmes ne doivent
pas nécessairement conduire à une solution ; il peut aussi s’agir d’explorer un aspect
inconnu. Les problèmes peuvent être d’ordre théorique ou pratique, mais il faut
qu’ils soient authentiques et en rapport avec les pratiques professionnelles de la vie
réelle. On notera également que l’APP peut prendre différents contours et formes
(Kolmos et Graff, 2014 ; Savin-Baden, 2014).
La stratégie d’ensemble de l’AAU s’intitule « Savoir pour le monde »
(Knowledge for the World) ; elle a été adoptée par le conseil d’administration de l’uni-
versité en 2015 et fixe le cap pour la période 2016-2021. Faisant partie intégrante de
la mission et de la vision de l’AAU, l’APP est explicitement déclarée comme le socle
des principes de l’AAU (Askehave et al., 2015).
Tous les programmes d’études menant à un diplôme sont donc fondés sur
l’APP et ont un prisme interdisciplinaire. En 2018, une décision stratégique a été
prise afin d’exiger que tous les curricula non seulement affirment des objectifs d’ap-
prentissage APP, mais aussi qu’ils montrent comment une progression des compé-
tences en APP est prise en compte. Par conséquent, tous les conseils des études sont
127
tenus d’inclure des objectifs d’apprentissage qui montrent comment l’APP est pensée
pour contribuer à l’évolution des étudiants au cours de leur parcours universitaire.
Force est de reconnaître que, bien que les étudiants aient un cours d’introduction à
l’APP au premier semestre qui leur permettra de se socialiser dans un environnement
APP, ils devront aussi être en mesure de s’approprier les processus de l’APP dans
divers problèmes, différentes configurations d’équipe, différents contextes. Cela incite
à la réflexion sur diverses expériences lorsqu’on travaille dans un environnement
APP et fournit une base conceptuelle et méthodologique pour analyser et optimiser
le processus d’apprentissage par la résolution de problèmes au regard de la situation
particulière qui se présente. Enfin, les étudiants doivent être capables de transposer
les compétences en APP du contexte universitaire au contexte professionnel, ce qui
souligne l’importance d’avoir une idée des pratiques professionnelles et de coopérer
avec des partenaires externes.

La conception du curriculum
Il existe de nombreux modèles de curricula fondés sur l’APP, mais tous
partagent les principes de l’APP (Askehave et al., 2015). Les universités réforma-
trices, comme l’AAU, ont entrepris de nombreux changements. Certains ont trait à
un débat toujours actuel sur l’équilibre entre, d’un côté, un accent plus conceptuel
et disciplinaire et, de l’autre, un prisme plus interdisciplinaire mettant explicitement
l’accent sur les compétences génériques telles que la conception de problèmes et les
compétences méthodologiques. Ces dernières sont, par exemple, des compétences
interpersonnelles qui font que l’on peut travailler avec une large palette de personnes,

N° 80 - Avril 2019
ou des compétences structurelles telles que la gestion de projet. Comme l’accent est
placé sur le contexte, les curricula APP sont typiquement conçus pour être flexibles
et laisser de la place pour traiter d’une grande diversité de problèmes. Cette souplesse
rend aussi les apprenants autonomes dans le pilotage de leur propre apprentissage.
Dernier point – et non le moindre : un curriculum APP est conçu pour intégrer les
activités d’apprentissage en fonction de « ce qu’exige le problème ».
La recherche a montré que différentes conceptions des curricula donneront
différents niveaux d’intégration (Dahl et al., 2014). Le modèle APP originel de l’AAU
évaluait certains cours et projets ensemble, tandis que, depuis une réforme de 2010,
on procède à une évaluation distincte de chaque cours et de chaque projet. Autre
nouveauté : tous les cours doivent valoir 5 ECTS1 et les projets doivent représenter
50 % de la charge de travail d’un semestre (voir figure 1).

Figure 1 : les deux modèles APP d’Aalborg University

Le modèle original d’APP Le nouveau modèle d’APP d’Aalborg

Cours Cours Cours Cours


7,5 ECTS 5 ECTS 5 ECTS 5 ECTS
50% 50% Examen Examen Examen
Cours de projet Examen
cours cours individuel individuel individuel
7,5 ECTS individuel
Un Un
semestre semestre Évaluation
Évaluation
individuelle individuelle
Projet 50% Projet lors d’un examen
50% lors d’un examen
128
15 ECTS projet 15 ECTS sur un projet
projet sur un projet
de groupe de groupe

En étudiant ces changements, nous avons constaté (Dahl et al., 2014) que
les étudiants accordaient la priorité aux projets dans les deux modèles APP, mais que,
suite aux réformes, ils ont fait l’expérience d’un degré considérablement plus faible
d’intégration et de cohérence entre éléments du semestre. Toutefois, nous avons aussi
appris que dans le modèle d’origine, certaines unités de cours de projet n’étaient pas
non plus exploitées dans les projets comme espéré. D’autre part, bien que l’unité sur
le projet n’existe plus, il n’est pas rare que des projets s’inspirent des contenus ensei-
gnés pendant le même semestre ou lors des semestres précédents, et ce à la fois du
fait de la flexibilité des curricula et parce que les enseignants essaient de s’approprier
le contenu des sujets de projets en cours. Dans le modèle APP originel de l’AAU, les
cours de l’unité sur le projet n’étaient pas évalués lors d’examens distincts ; ce qui
était évalué à l’examen portant sur le projet était uniquement ce qui avait été utilisé
au cours des projets. Il apparaît – et c’est un résultat intéressant – que les étudiants
continuent de prêter attention aux cours, non pas en raison de l’examen, mais parce
que les cours contiennent un savoir disciplinaire utile à leurs projets. Ces conclusions
indiquent également que, dans un système APP, les examens peuvent jouer un rôle

1. ECTS : European Credit Transfer and Accumulation System ou Système européen de transfert et d’accumulation
de crédits. Ce système de points développé dans le cadre du processus de Bologne vise à faciliter la lecture et la
comparaison des programmes d’études universitaires au sein d’un pays et dans les différents pays européens
(NdlR).

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

mineur si les étudiants sont engagés dans un processus d’apprentissage. C’est en fait
le cas lorsque l’APP est mis en place dans des pays où il existe des examens nationaux
et où les professeurs d’université n’ont aucune possibilité d’influencer le système
d’évaluation. Dire cela ne revient pas à affirmer que l’alignement constructif2 ne s’ap-
plique pas en tant que cadre théorique pour le curriculum APP, mais seulement qu’il
se pourrait que d’autres facteurs aient une incidence sur le résultat d’un curriculum,
à l'instar de l’engagement et de la motivation.
Au-delà de la contextualisation, de la flexibilité et de l’intégration, un curri-
culum APP met aussi l’accent sur les compétences métacognitives. Par exemple, les
étudiants doivent rédiger une « analyse de processus » faisant partie de leur travail
sur projet en première année. Il s’agit généralement d’un document d’environ 5 à
10 pages qui décrit et discute la coopération au sein du groupe, la gestion de projet,
la collaboration avec les superviseurs et les apprentissages des étudiants. Le but est
d’obliger les étudiants à réfléchir à ces questions, à s’autoévaluer ainsi qu’à évaluer
les performances de leur groupe et à formuler des pistes d’amélioration pour l’avenir.
Les analyses de processus font partie des examens sur projet en première année
universitaire, conformément à la stratégie relative aux objectifs d’apprentissage
progressif de l’APP – ce qui augure d’une importance accrue accordée à la réflexion
pendant la suite des études.

Enseignement et facilitation
Dans une large mesure, l’enseignement en cours ressemble aux cours
dispensés dans d’autres types d’universités. L’enseignement se focalise sur l’appren- 129
tissage actif et fait appel à des situations problèmes pour tenter de faire pénétrer des
expériences de la vie réelle dans l’amphithéâtre. En outre, bien que les cours soient
davantage dirigés par l’enseignant et que les problèmes soient définis de façon plus
restreinte, certains enseignants associent cours magistraux traditionnels et « mini-pro-
jets » au cours desquels les étudiants travaillent en groupe en vue de résoudre un
problème. De surcroît, l’AAU vise à mettre davantage l’accent sur l’apprentissage
hybride et inversé afin d’accroître le temps d’interaction entre étudiants et ensei-
gnant centré non pas sur la connaissance en tant que telle, mais sur les problèmes et
donc, naturellement, sur les savoirs requis pour résoudre ces problèmes. Il y a même
des « semestres inversés » lors desquels le principe des « projets supports de cours »
est poussé à l’extrême, puisque les cours magistraux sont mis à disposition en flux
tendus pour répondre aux besoins des projets des étudiants. Par ailleurs, la plupart des
enseignements dispensés en cours sont généralement groupés en début de semestre,
ce qui laisse plus de temps aux étudiants pour travailler sur leurs projets pendant la
seconde moitié du semestre. De plus, les compétences génériques relatives à l’APP
sont mises en valeur par le truchement de cours obligatoires sur l’APP et son rôle
dans la société et la science. Il s’agit d’un cours régulier sanctionné par un examen

2. Voir E. Bruillard, Alignement constructif (ou constructiviste), alignement pédagogique, en ligne (n.d.) :
« L’alignement constructif désigne une méthode, basée sur les résultats, de conception et d’évaluation d’un
apprentissage qualifié de profond (deep learning) des étudiants. Elle prend son sens dans la rencontre entre
les théories constructivistes de l’apprentissage et les pratiques de conception des enseignements (instructional
design). L’aspect « constructiviste » correspond à l’idée que l’apprenant construit ses propres connaissances à
travers les activités d’apprentissage dans lesquelles il s’engage » [http://bit.ly/2JyLAov] (NdlR).

N° 80 - Avril 2019
au premier semestre, afin d’inciter les étudiants à le prendre au sérieux, mais c’est
surtout un cours qui vise à préparer les étudiants à étudier dans une université APP
et donc à être mieux préparés pour les savoir-être dont ils auront besoin au cours de
leur vie professionnelle, après leur diplôme. Ici, les étudiants apprennent ce qu’est
l’APP, comment rédiger un énoncé de problème, gérer un projet, prévenir et résoudre
les conflits, considérer leur discipline dans son contexte sociétal, éthique, épistémo-
logique, etc. Afin d’aider davantage les étudiants de première année, les groupes ont
un co-superviseur ou « conseiller » dont ils peuvent se rapprocher pour évoquer des
questions ayant trait à l’APP et à leur projet. Leur superviseur attitré les aide sur le
projet à proprement parler. En règle générale, les deux types de superviseurs sont
des facilitateurs. Cela veut dire qu’ils ne sont ni enseignants ni porteurs de projet.
Conformément à l’APP, on attend des étudiants qu’ils soient responsables de leur
propre apprentissage et qu’ils tracent eux-mêmes la route de leur projet. À l’AAU, les
projets sont donc au centre du modèle d’apprentissage par la résolution de problèmes.
Chaque semestre, les étudiants consacrent la moitié de leur temps à travailler en
groupes sur des projets (voir figure 1). Les projets ont ceci de particulier qu’ils font
l’objet de groupes de travail entre étudiants répartis en équipes autogérées, ce qui
modifie le rôle de l’enseignant qui devient un facilitateur – ce faisant, l’accent se
déplace de l’enseignement à une démarche de recherche. En outre, le modèle d’ap-
prentissage par la résolution de problèmes associé à l’importance donnée à l’appren-
tissage autogéré implique que les étudiants non seulement résolvent des problèmes,
mais aussi qu’ils conçoivent des problèmes. La conception de problèmes, telle qu’ex-
posée par Holgaard et al. (2017), y compris l’identification, l’analyse et la formulation
130
d’un problème, devient ainsi à la fois une activité et une compétence de l’étudiant.

Travailler avec l’APP aide également à accomplir l’idéal d’un enseigne-


ment fondé sur la recherche, puisque les processus présentent des similarités avec
un processus de recherche et que les étudiants peuvent même produire, à l’issue de
leurs travaux, un document qui réponde aux exigences d’articles de chercheurs. C’est
aussi un enseignement fondé sur la recherche puisque les groupes d’étudiants ont un
facilitateur qui est aussi un chercheur dans le domaine du projet et que les étudiants
se réunissent régulièrement avec lui. Néanmoins, nous observons également des
différences entre facultés, dues au fait que les universités danoises perçoivent des
subventions du gouvernement qui sont, parmi d’autres facteurs, fonction du nombre
d’étudiants qui réussissent aux examens. Toutes les filières ne bénéficient pas de la
même somme par étudiant ayant réussi, mais de façon générale, les sciences et l’in-
génierie perçoivent des subventions par étudiant plus généreuses que les sciences
sociales et les humanités. Cela s’explique, entre autres, par le fait qu’en sciences et
en ingénierie, il faut des laboratoires onéreux, donc plus d’espace et d’équipements
que pour les cursus de sciences sociales et humaines. Une autre raison est d’ordre
politique, la demande de candidats en sciences et en ingénierie étant élevée comparée
à l’intérêt porté à ces sujets, d’où un souci aigu de les retenir. Un autre argument
consiste à dire que les sciences sociales et humaines disposent traditionnellement de
plus de temps d’étude à consacrer aux lectures et qu’on peut donc s’attendre à davan-
tage de travail personnel. Cela veut dire qu’en pratique, les étudiants en sciences
sociales et humaines se voient allouer moins d’heures de face-à-face pédagogique que
les étudiants en sciences et en ingénierie.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

L’évaluation
La théorie de l’alignement constructif sous-tend les études qui affirment
qu’une évaluation à venir est un facteur central pour la motivation et de l’apprentis-
sage des étudiants (Boud et Falchikov, 2006). D’aucuns pourraient avancer que, dans
un curriculum en APP, la méthode d’évaluation doit – entre autres – être cohérente
avec l’enseignement fondé sur le collectif et la collaboration, ainsi qu’avec les objec-
tifs d’apprentissage sur les compétences méthodologiques. Les étudiants ont donc
besoin d’un retour portant non seulement sur le contenu, mais aussi sur le processus
d’apprentissage et les compétences génériques.
Les projets sont évalués à travers des examens collectifs. Les modalités
d’examen en groupe varient, mais ils durent généralement environ quatre heures
pour un groupe de six étudiants (45 minutes par étudiant, 5 heures maximum),
communication des résultats comprise. L’examen du projet est composé de trois
étapes : d’abord le groupe présente le projet, ce qui prend habituellement une heure
environ. Chaque étudiant doit y prendre part en apportant une contribution signi-
ficative, mais la présentation doit apparaître comme un tout. S’ensuit une phase de
discussion en groupe, pendant laquelle un examinateur externe et le superviseur
posent des questions aux étudiants sur leur travail. À ce stade, chacun des étudiants
se porte volontaire pour répondre à une question. Les étudiants peuvent aussi se
porter volontaires pour ajouter un commentaire sur ce qu’un de leurs pairs aura dit.
Certaines questions peuvent également être posées directement aux étudiants qui
s’avèrent plus réservés. Dans un troisième temps, chaque étudiant est interrogé sans 131
pouvoir échanger avec ses pairs ni aider d’autres membres du groupe. Les questions
posées à cette étape sont plutôt choisies par les examinateurs, ou tirées au hasard par
l’étudiant parmi un ensemble de questions. Chaque étudiant se voit ensuite attribuer
une note individuelle qui peut – ou non – être identique à celle des autres membres
du groupe. Le fruit de leurs travaux conjoints, généralement un rapport écrit, est
considéré comme une production du groupe ; il n’est pas précisé si certains étudiants
ont assumé une responsabilité particulière dans certaines parties.
Entre 2006 et 2012, le gouvernement a interdit les examens portant sur un
projet collectif dans tout le système éducatif. L’un des arguments avancés consis-
tait à dire que le diplôme reflète les connaissances individuelles de chaque étudiant,
ce pour quoi un examen individuel serait essentiel. On n’était alors pas convaincu
qu’un examen collectif permette d’évaluer l’individu. Les étudiants de l’AAU ont
donc continué à travailler au sein de groupes de projets APP, mais les examens en
groupe ont été remplacés par des oraux individuels d’une durée d’environ une
heure et demie par étudiant. Cette situation a suscité nombre de recherches rela-
tives aux méthodes d’évaluation dans un curriculum APP comme celui de l’AAU.
Certaines de ces études (Kolmos et Holgaard, 2007) sont parvenues à la conclusion
que les étudiants, les professeurs d’université et les examinateurs externes préféraient
les examens portant sur un projet collectif et les études en question en ont conclu
que les examens individuels souffraient d’une incapacité à tester des compétences
essentielles en APP, telles que la coopération et le travail d’équipe. Ces dernières
étant des compétences sociales, il n’est guère surprenant qu’elles soient plus facile-
ment évaluées lors d’un examen collectif, mais même pour évaluer des compétences

N° 80 - Avril 2019
académiques de base telles que la capacité à faire le lien entre deux concepts, à
fournir un aperçu théorique et à faire preuve d’un esprit analytique, l’examen réalisé
en groupe a révélé une supériorité évidente.

Stratégies pour l’évolution


des enseignants
et de l’enseignement
L’AAU a non seulement mis en place des stratégies pour développer les
compétences pédagogiques de ses propres professeurs, mais elle dispose aussi d’un
programme de valorisation qui rassemble des chercheurs, des enseignants, des prati-
ciens, des entreprises et des décideurs politiques afin qu’ils partagent leurs savoirs
et expériences sur l’usage que l’on peut faire de l’APP pour développer la forma-
tion. L’accent stratégique fortement placé sur l’APP est associé à une communauté
de recherche solide sur l’APP, à une possibilité pour les projets de développement
d’améliorer la pratique de l’APP, sans oublier l’importance de l’enseignement de
l’APP fondé sur la recherche, pour les étudiants comme pour les professeurs.
Au vu de la longue expérience de l’APP, qui a systématiquement fait l’objet
de recherches et été validée et développée, la Conférence générale de l’Unesco a
approuvé, en 2013, la création de l’Aalborg Centre for Problem Based Learning in
Engineering Science and Sustainability (UCPBL) en tant que centre de catégorie 2,
sous le patronage de l’Unesco. L’UCPBL associe la recherche et l’enseignement (par
132 des étudiants et du personnel académique) et collabore étroitement avec les vice-
doyens et les directeurs des études. En outre, ses activités de valorisation inspirent
l’AAU pour de nouvelles évolutions et réciproquement, dans bien des cas. Il est
extrêmement important que les chercheurs en APP soient aussi des praticiens – ils
enseignent eux-mêmes auprès d’étudiants dans le champ de l’APP et sont donc en
mesure d’associer recherche en APP et expériences pratiques. De même, la forma-
tion du personnel crée des occasions d’intervenir dans les différents domaines et
d’échanger sur l’appropriation des principes APP dans les pratiques locales.
Des chercheurs de l’UCPBL et d’autres départements de l’AAU participent à
la formation des professeurs d’université dispensée par l’AAU (Adjunktpædagogikum)
pour les professeurs assistants. Ce cours vaut 10 ECTS et consiste en plusieurs
modules obligatoires et optionnels, en un enseignement obligatoire en vue de la
certification en langue française, et en un programme de mentorat par deux univer-
sitaires – l’un du même département que le professeur assistant, l’autre étant cher-
cheur en APP. La réussite à cette formation est un prérequis pour obtenir un poste
de professeur associé. L’AAU a, en plus, mis sur pied ce qu’elle appelle « l’Académie
APP » (PBL Academy) qui réalise un travail interfacultaire pour soutenir le dévelop-
pement continu de l’APP à l’AAU. L’Académie propose des activités et communique
sur les questions afférentes à l’APP. Parmi ces activités figure la publication d’une
revue, le Journal of Problem Based Learning in Higher Education1, qui publie à la fois
des articles de chercheurs et des études de cas disséminant des exemples concrets de

1 voir [https://www.pbl.au.dk/journal-of-pbl].

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
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pratiques en APP. Une autre mesure consiste à appuyer le travail de la stratégie de


l’AAU pour la mise en place de nouveaux objectifs d’apprentissage qui se focalisent
sur l’APP et la progression en APP. En outre, l’Académie a élaboré des lignes direc-
trices quant à la façon d’organiser le processus de travail vers des objectifs d’appren-
tissage en APP qui soient tangibles et pertinents pour chaque parcours de formation,
tout en satisfaisant cependant aux principes généraux de l’APP adoptés par l’AAU.
Les nouveaux enseignants recrutés à des postes seniors, tels que professeur
associé et professeur titulaire, sont eux aussi initiés à l’APP lors de cours ou d’ate-
liers au format plus modeste. Il est impératif de garantir que tous les personnels
universitaires connaissent et comprennent l’APP, afin que l’université puisse mettre
en œuvre sa stratégie et continuer à dispenser un enseignement qui, à nos yeux, est
de haute qualité. Les nouvelles recrues universitaires bénéficient toutes d’une forma-
tion plus informelle qui se produit à travers leurs interactions avec les professeurs
déjà en poste. Il est ici essentiel de disposer d’une « masse critique » de personnels
expérimentés, capables de jouer un rôle de mentor auprès des professeurs récemment
arrivés.

133
L’AAU est un exemple d’université qui pratique l’APP au niveau des cursus
complets, et pas seulement à l’échelle des unités d’enseignement. C’est aussi une
université qui continue de développer son modèle APP – ou plutôt ses modèles, le
pluriel étant plus correct. Ces modèles sont développés en permanence en réaction
à des forces à la fois internes et externes, en guise de reconnaissance du fait qu’un
modèle éducatif ne devrait jamais être figé ni autosuffisant. C’est également un
modèle approuvé par le Cadre des qualifications pour l’enseignement supérieur
danois et l’accent que place l’AAU sur l’APP est aussi l’une des caractéristiques qui
font de l’AAU l’un des chefs de file mondiaux dans le domaine de la formation des
ingénieurs (Graham, 2018). Comme évoqué précédemment, au Danemark, les rela-
tions de pouvoir sont plutôt horizontales. Cette hiérarchie peu marquée n’est pas, à
notre avis, une exigence pour l’APP, mais elle convient bien au style de superviseurs
qui sont des facilitateurs, et non des enseignants.
C’est une approche systémique qui met l’accent sur l’apprentissage actif,
collaboratif et centré sur l’étudiant, afin de résoudre de véritables problèmes. Pour le
garantir, les curricula en APP sont souples, adaptés au contexte, intégrés et soutenus
par une forte stratégie institutionnelle, par des principes APP énoncés explicitement
et par une solide communauté de recherche qui est étroitement liée aux pratiques
éducatives. Nous espérons à cet égard que l’histoire de l’APP à l’AAU continuera
d’inspirer les réformes en matière de pédagogie universitaire, au-delà du contexte
danois.

N° 80 - Avril 2019
Références bibliographiques
ASKEHAVEI I, PREHN H.L., PEDERSEN J. et PEDERSEN M.T. (Eds.) (2015) : PBL:
Problem-Based Learning, Aalborg, DK : Aalborg University.
BARROWS H.S. et TAMBLYN R.M. (1980) Problem-Based Learning: An Approach to
Medical Education, New York, NY : Springer Publishing Company.
BOUD D. et FALCHIKOV N. (2006) : « Aligning assessment with long-term learning ».
Assessment & Evaluation in Higher Education, 31(4), 399-413.
DAHL B. (2003) : « Tensions between the European and the Nordic Dimension in
Education, with particular reference to Sweden », dans D. Phillips et H. Ertl (Eds.),
Implementing European Union Education and Training Policy - A Comparative Study of
Issues in Four Member States (p. 87-115), Dordrecht, NL : Kluwer Academic Publishers.
DAHL B., KOLMOS A., HOLGAARD J.E. et HÜTTEL H. (2016) : « Students’ experiences
of change in a PBL curriculum », International Journal of Engineering Education, 32(1B),
p. 384-395.
GRAHAM R.H. (2018) : The global state of the art in engineering education, Cambridge,
MA : Massachusetts Institute of Technology.
HOLGAARD J.E., GUERRA A., KOLMOS A. et PETERSEN L. S. (2017) : « Getting a
hold on the problem in a problem-based learning environment », International Journal of
Engineering Education, 33(3), p. 1070-1085.
KOLMOS A. et GRAAFF E.D. (2014) : « Problem-Based and Project-Based Learning in
Engineering Education: Merging Models », dans B. M. Olds et A. Johri (Eds.), Cambridge
134 Handbook of Engineering Education Research (p. 141-161), New York, NY: Cambridge
University Press.
KOLMOS A. et HOLGAARD J.E. (2007) : « Alignment of PBL and Assessment », Journal of
Engineering Education – Washington, 96(4), p. 1-9.
SAVIN-BADEN M. (2014) : « Using problem-based learning: New constellations for the
21st century », Journal on Excellence in College Teaching, 25(3&4), p. 197-219.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Références
bibliographiques
du dossier
« La pédagogie
universitaire »

Prunelle Charvet
Direction générale de l’enseignement supérieur
et de l’insertion professionnelle

Hélène Beaucher
France Éducation international

La massification de l’enseignement supérieur, le développement de la mobilité


internationale, la pression des classements internationaux et la généralisation du
numérique sont autant de facteurs qui ont conduit à une transformation de l’ensei-
gnement et au développement de la pédagogie universitaire.
Ces dernières années, l’amélioration de l’apprentissage et de l’enseignement est
devenue une priorité, non seulement pour les établissements d’enseignement supé- 135
rieur mais également pour les gouvernements nationaux, l’Union européenne et le
processus de Bologne. Le Communiqué d’Erevan de 2015, signé par 47 ministres
européens responsables de l’enseignement supérieur et de la recherche, met en outre
l’accent sur la mission « d’amélioration de la qualité et de la pertinence de l’appren-
tissage et de l’enseignement » que doit relever l’espace européen de l’enseignement
supérieur.
Cette sélection bibliographique rassemble, dans un premier temps, des réfé-
rences introductives au thème de la pédagogie universitaire ainsi que des éléments
de contexte international sur les grands défis auxquels l’enseignement supérieur
doit faire face et qui influent sur les pratiques pédagogiques. Elle présente ensuite
des rapports qui témoignent des politiques européennes et nationales en faveur de
l’amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.
Enfin, d’autres leviers d’amélioration de la pédagogie universitaire sont présentés à
travers des études de cas : dispositifs et pratiques pédagogiques innovants, espaces
physiques d’apprentissage, évaluation des compétences acquises et de la qualité des
enseignements, technologies éducatives, développement professionnel des ensei-
gnants-chercheurs et recherche en éducation.
Parce que la pédagogie dans l’enseignement supérieur est un sujet d’étude et d’intérêt
relativement récent, la sélection des références bibliographiques se limite aux publi-
cations des dix dernières années. Les titres proposés dans cette sélection complètent
ceux donnés par les auteurs des articles de ce dossier 80 de la Revue internationale
d’éducation de Sèvres.
Bibliographie arrêtée le 10 mai 2019.

N° 80 - Avril 2019
Introduction
à la pédagogie universitaire

DE KETELE Jean-Marie, « La pédagogie universitaire : un courant en plein développe-


ment », Revue française de pédagogie, septembre 2010, n° 172, p. 5-76 [en ligne]
Les analyses et les recherches sur la qualité des formations universitaires sont relativement
récentes et ont vu le jour il y a trois à quatre décennies dans les domaines scientifiques les plus
professionnalisants, tels que les sciences médicales. L’intérêt pour la pédagogie universitaire
s’est accéléré ces dernières années sous la pression de différents facteurs : des réunions interna-
tionales importantes, comme le congrès mondial de l’enseignement supérieur organisé à Paris
par l’Unesco en 1998, des événements politiques majeurs, comme la réunion de Bologne et
le sommet de Lisbonne, la multiplication des centres de ressources pédagogiques au sein des
universités et l’émergence d’associations internationales et nationales ayant pour but d’amé-
liorer la qualité des enseignements universitaires. http://rfp.revues.org/2168

DE KETELE Jean-Marie, HUGONNIER Bernard, PARMENTIER Philippe et


COSNEFROY Laurent, Quelle excellence pour l’enseignement supérieur ?, De Boeck/
Bruxelles, 2016, 226 p.
La première partie de l’ouvrage cherche à définir ce qu’est l’excellence avant de s’intéresser aux
missions des enseignants-chercheurs dans le contexte du processus de Bologne, à l’excellence
dans le cadre du curriculum, puis à l’innovation. Enfin, elle aborde la question de l’évaluation
de l’enseignement et de la recherche. La deuxième partie propose des présentations des poli-
136 tiques d’excellence menées dans le domaine de l’enseignement supérieur dans douze pays ainsi
qu’une analyse synthétique et comparative de ces textes.

LAMEUL Geneviève, LOISY Catherine (dir.), La pédagogie universitaire à l’heure du


numérique : questionnement et éclairage de la recherche, De Boeck/Bruxelles, 2014,
249 p.
L’ouvrage s’inscrit dans un contexte marqué par les changements au sein de l’Université et par
la place grandissante des technologies du numérique. Les contributions sont organisées selon
deux axes. La première partie construit une trame conceptuelle, contextuelle et méthodolo-
gique pour situer, problématiser et analyser la pédagogie universitaire numérique. La seconde
partie illustre par des exemples concrets des articulations entre recherche, pratiques pédago-
giques intégrant le numérique, et accompagnement.

STEVENTON Graham, BROUGHAN Christine et CLOUDER Lynn, Global


Perspectives on Teaching Excellence: A new era for higher education, Routledge/
Londres, 2018, 250 p.
Cet ouvrage rassemble les contributions de divers experts internationaux sur la manière dont
l’enseignement est mesuré et valorisé dans l’enseignement supérieur. Il s’intéresse notamment
à la mise en œuvre des cadres de qualité et des prix d’excellence et propose de développer plus
largement de telles initiatives.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Contexte international

Massification
et internationalisation
de l’enseignement supérieur

CHEI : Centre for higher education internationalisation, EAIE : European associa-


tion for international education et IAU - Association internationale des universités,
L’internationalisation de l’enseignement supérieur, Parlement européen/Bruxelles
2015, 374 p. [en ligne]
Cette étude cherche à comprendre ce que signifie l’internationalisation de l’enseignement
supérieur dans le contexte européen et les objectifs qu’elle doit atteindre. Elle propose une
vue d’ensemble des principales stratégies poursuivies à divers niveaux (mondial, européen,
national, institutionnel) et s’interroge sur l’opportunité que représentent l’apprentissage
numérique et la mobilité virtuelle pour remplacer les formes traditionnelles de mobilité du
personnel et des étudiants. L’étude présente 17 rapports nationaux en Europe et dans le monde
ainsi que des recommandations pour l’élaboration de futures politiques dans ce domaine, tant
au niveau européen que national, mais également local. http://goo.gl/s8WHXO

HAZELKORN Ellen (ed.), COATES Hamish (ed.), McCORMICK Alexander C. (ed.),


Research handbook on quality, performance and accountability in higher education,
Edward Elgar Publishing/Cheltenham, 2018, 590 p. 137
Alors que l’enseignement supérieur est devenu un facteur déterminant de la compétiti-
vité économique, les établissements sont soumis à des pressions croissantes pour démontrer
leur aptitude à répondre aux besoins de la société et des individus. Les questions relatives à
la qualité, à la performance et au rendement de l’enseignement supérieur sont au cœur de
ces préoccupations. Mêlant de nouvelles recherches à des exemples nationaux et régionaux
contextualisés du monde entier, ce manuel de recherche réunit les contributions d’experts
internationaux sur les meilleures façons de comprendre, d’évaluer et d’améliorer la qualité, la
performance et la responsabilité dans l’enseignement supérieur.

LIOGIER Valéri, « Près de 3 millions d’étudiants en mobilité internationale dans


l’OCDE », Note d’information « Enseignement supérieur et recherche », juin 2016,
n° 16.03, 8 p., [en ligne]
En 2012-2013, dans la zone OCDE, près de trois millions d’étudiants sont scolarisés en
dehors de leur pays d’origine. La mobilité internationale est estimée pour la première fois
pour l’ensemble des pays de cette zone. La France est le quatrième pays d’accueil, avec
230 000 étudiants étrangers mobiles accueillis, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et
l’Australie. Les étudiants chinois représentent un quart des étudiants mobiles accueillis dans
l’OCDE, et l’ensemble des étudiants asiatiques en représentent la moitié.
http://bit.ly/2W7TNXN

PROCTOR Douglas (ed.), RUMBLEY Laura E. (ed.), The future agenda for interna-
tionalization in higher education: next generation insights into research, policy and
practice, Routledge/Londres, 2018, 242 p., (Internationalization in higher education)

N° 80 - Avril 2019
L’internationalisation de l’enseignement supérieur, phénomène mondial, est sujet à de multi-
ples interprétations. Les différentes contributions s’organisent en trois parties : nouveaux
contextes, nouveaux sujets, nouvelles modalités. Les auteurs examinent l’état de la recherche et
les pratiques méthodologiques innovantes et identifient les domaines clés pour le futur.

Union européenne, The european education report, Commission européenne/Direction


générale de l’éducation et de la culture/Bruxelles, avril 2018, 99 p., (Flash Eurobarometer;
466) [en ligne]
Plus de 8 000 jeunes à travers l’Union européenne (UE), âgés de 15 à 30 ans ont été interrogés
sur leur expérience de mobilité et leur connaissance des langues. Ils ont également donné leur
avis sur un certain nombre d’initiatives récentes de l’UE visant à améliorer les environnements
d’enseignement et d’apprentissage en Europe, dans le but d’œuvrer en faveur d’un espace
européen de l’éducation d’ici 2025. http://bit.ly/2LS472l

Évolution des publics


« étudiant » et « enseignant »

DEMOUGEOT-LEBEL Joëlle, « Enseignants-chercheurs de la Génération Y : incidence


sur les pratiques pédagogiques ? », Revue internationale de pédagogie de l’enseigne-
ment supérieur, vol. 30, n° 3, 2014, 19 p. [en ligne]
Cet article propose de creuser l’idée de l’existence d’une génération Y. La recherche porte sur
138 des enseignants que l’on pourrait qualifier d’enseignants de la génération Y. L’auteure cherche
à comprendre si, au nom de cette appartenance, leurs pratiques pédagogiques sont innovantes
et reflètent les attributs technologiques que l’on associe à cette génération.
http://ripes.revues.org/883

ENDRIZZI Laure et SIBUT Florence, « Les nouveaux étudiants d’hier à aujourd’hui »,


IFE/Lyon. Dossier de veille de l’ifé, n° 106, 2015, 40 p. [en ligne]
Ce dossier s’intéresse aux expériences d’études à partir d’une exploration de la littérature
scientifique récente, essentiellement française. Il s’agit en creux d’examiner les conditions de
vie et d’études les plus propices à la réussite étudiante et de mettre au jour les décalages poten-
tiels entre étudiants et enseignants en termes d’attentes et de pratiques. La première partie
examine les évolutions sociodémographiques, la deuxième appréhende la complexification des
parcours d’études, la troisième s’intéresse aux environnements d’études et la quatrième inter-
roge les décalages entre étudiants et enseignants. http://goo.gl/PJTqo0

FLANCHEC Alice Le et MULLENBACH Astrid, « La génération Y » [dossier], Revue


internationale de psychosociologie et de gestion des comportements organisation-
nels, Vol. XXII, n° 53, janvier 2016, 240 p. [en ligne]
Les contributions de ce numéro s’attachent à définir les spécificités de la génération Y appelée
aussi « Millenials », « millénistes », « enfants du Millénaire », « génération Internet », « e-gé-
nération » ou encore « Echo Boomers », qui englobe des individus nés, pour certains, entre
1979 et 1994, pour d’autres entre 1979 et 1989 ou encore après 1980. Les auteurs s’intéressent
notamment à leurs valeurs morales, à leur attitude au travail et aux conséquences managériales
que cela suscite. https://goo.gl/8EY66p

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Politiques européennes
et nationales en faveur
de l’amélioration
de l’enseignement
et de l’apprentissage
dans le supérieur

Commission européenne, « Learning and Teaching », dans The European Higher


Education Area in 2018: Bologna Process Implementation Report, Office des publi-
cations de l’Union européenne/Luxembourg, 2018, p. 47-91 [en ligne]
À la suite du Communiqué d’Erevan de 2015 qui mettait l’accent sur la mission « d’améliora-
tion de la qualité et de la pertinence de l’apprentissage et de l’enseignement » que devait relever
l’espace européen de l’enseignement supérieur, un chapitre consacré au sujet a été créé dans le
rapport de mise en œuvre du processus de Bologne de 2018. Ce nouveau chapitre examine tout
d’abord la place de l’apprentissage et de l’enseignement dans les stratégies et politiques de l’en-
seignement supérieur. Il fournit ensuite des informations sur la mise en œuvre des crédits et des
résultats d’apprentissage et sur les options d’études flexibles, en particulier les études à temps
partiel. Il s’intéresse enfin à l’apprentissage dans les environnements numériques et examine
l’enseignement dans les nouveaux environnements d’apprentissage. http://bit.ly/2VdJZv8

Commission européenne, Report to the European Commission on new modes of


learning and teaching in higher education, Office des publications de l’Union euro- 139
péenne/Luxembourg, 2014, 68p.
Ce rapport réalisé par le groupe de haut niveau de l’Union européenne (UE) sur la moderni-
sation de l’enseignement supérieur présente des pistes d’action pour soutenir l’enseignement
fondé sur les nouvelles technologies, sur la base d’une analyse approfondie de la situation
actuelle et des bonnes pratiques constatées à travers l’UE et au-delà. Quinze recommandations
mettent l’accent sur la nécessité de mieux cibler les ressources pour promouvoir le développe-
ment et l’utilisation de méthodes plus souples d’apprentissage et d’enseignement numériques
dans l’enseignement supérieur.

EADTU : European association of distance teaching universities, HENDERIKX Piet


et JANSEN Darco, The changing pedagogical landscape: in search of patterns in
policies and practices of new modes of teaching and learning, EADTU/Maastricht,
2018, 114 p. [en ligne]
Ce rapport soutient que les modes d’enseignement et d’apprentissage fondés sur les TIC
peuvent résoudre les problèmes auxquels l’enseignement supérieur est confronté aujourd’hui.
Il présente de nombreux exemples d’innovation pédagogique qui pourraient avoir un impact
croissant les prochaines années. http://bit.ly/2IGWRmV

EADTU : European association of distance teaching universities, JANSEN Darco


et KONINGS Lizzie, The 2018 OpenupEd trend report on MOOCs, EADTU/
Maastricht, 2018 [en ligne]
Les investissements dans les MOOCs (Massive open online courses) sont de plus en plus impor-
tants dans le monde entier. Coordonnée par OpenupEd, première initiative paneuropéenne

N° 80 - Avril 2019
de MOOCs, ce rapport présente les dernières innovations et développements en matière de
MOOCs en Europe. Il réunit les contributions de 19 experts de douze organisations euro-
péennes. Les établissements d’enseignement supérieur européens sont fortement impliqués
dans les MOOCs, utilisés à la fois pour offrir des opportunités d’apprentissage flexible et
augmenter leur visibilité institutionnelle. http://bit.ly/2H3t3j5

EADTU : European association of distance teaching universities, UBACHS George


ed., KONINGS Lizzie ed., The envisioning report for empowering universities:
2nd edition, EADTU/Maastricht, 2018, 65 p., bibliogr. [en ligne]
Le programme EMPOWER, mis en œuvre par l’EADTU, soutient les établissements d’ensei-
gnement supérieur européens dans leur transition vers de nouvelles modalités d’enseignement
et d’apprentissage. Assorti d’études de cas (Pays-Bas, Royaume-Uni, Irlande, Grèce, Espagne,
Portugal, Turquie et Finlande), ce premier rapport du groupe d’experts du programme vise à
présenter les derniers développements et tendances en matière d’apprentissage et d’enseigne-
ment tels que les learning analytics, l’apprentissage hybride, mais aussi les défis de l’université,
le soutien aux étudiants et la formation continue. https://bit.ly/2s2R6WM

ESU : European students union, Overview on student-centred learning in higher


education in europe : research study, ESU/Bruxelles, 2015, 47 p. [en ligne]
Ce rapport souligne les progrès effectués dans la mise en œuvre de « l’apprentissage centré
sur l’étudiant » dans les établissements d’enseignement supérieur européens. Il recommande
une plus grande consultation des étudiants dans l’élaboration des parcours et programmes
d’études ainsi que dans les processus d’évaluation de contrôle des résultats d’apprentissage. Le
140 rapport préconise d’intégrer cette approche dans les stratégies, procédures et cadres institu-
tionnels et de développer l’implication et la représentation des étudiants dans la gouvernance.
http://bit.ly/2EjzCMI

EUA : European university association, BUNESCU Luisa, GAEBEL Michael, National


initiatives in learning and teaching in Europe: a report from the European forum
for enhanced collaboration in teaching (EFFECT) project, EUA/Bruxelles, décembre
2018, 29 p. [en ligne]
Réalisé dans le cadre du projet EFFECT, ce rapport analyse 28 systèmes d’enseignement supé-
rieur afin de mieux comprendre comment la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage
s’est améliorée. Il souligne, entre autres, que le principal obstacle à l’amélioration de l’appren-
tissage et de l’enseignement est dû au fait que la recherche est davantage valorisée que l’en-
seignement, tant en termes de recrutement que de valorisation de la carrière des enseignants.
https://bit.ly/2SrhJAm

EUA : European university association, Promoting a European dimension to


teaching enhancement : a feasibility study from the European Forum for Enhanced
Collaboration in Teaching (EFFECT) projet, EUA/Bruxelles, 2019, 24 p. [en ligne]
Le projet EFFECT a produit une étude de faisabilité sur la manière dont l’amélioration de l’en-
seignement peut être promue au niveau européen. Lancé lors du Forum européen sur l’ap-
prentissage et l’enseignement de 2019, cette dernière présente et discute des approches pour le
développement du personnel pédagogique déjà explorées dans les établissements et systèmes
européens d’enseignement supérieur. Elle propose également des approches européennes pour
soutenir et améliorer l’apprentissage et l’enseignement. http://bit.ly/2V7NvXV

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

EUA : European University Association, GAEBEL Michael, ZHANG Thérèse, Trends


2018 : Learning and teaching in the European Higher Area, EUA/Bruxelles, octobre
2018, 104 p. [en ligne]
S’appuyant sur les réponses fournies par 303 établissements issus de 48 pays européens, ce
rapport annuel de l’EUA présente les changements intervenus dans l’Espace européen de l’en-
seignement supérieur ces cinq dernières années. L’accent est mis sur les questions d’appren-
tissage et d’enseignement (stratégies institutionnelles, pilotage national, programmes d’études,
méthodologies et approches pédagogiques, personnel enseignant). L’EUA constate que les
établissements « adoptent progressivement des approches plus stratégiques et systématiques ».
Elle observe d’autre part, que la carrière des personnels impliqués ne bénéficie pas ou peu des
évaluations en enseignement. Ce manque de reconnaissance est identifié par les institutions
comme l’« un des obstacles majeurs » pour améliorer l’enseignement et la pédagogie.
https://bit.ly/2GMuMLD

EUA : European university association, PAS Susan te et ZHANG Thérèse, Career paths
in teaching: Thematic Peer Group Report, EUA/Bruxelles, 2019, 12 p. (Learning
& Teaching Paper, n° 2) [en ligne]
Ce rapport est le résultat d’un travail effectué par le Groupe thématique de pairs de l’EUA sur
le parcours professionnel des enseignants. Il montre comment ce dernier peut contribuer à
améliorer durablement l’enseignement supérieur en Europe, et il s’intéresse à ce qui peut être
fait pour que la promotion de l’enseignement favorise la carrière des professeurs.
http://bit.ly/2XoOZKD

141
EUA : European university association, McINTYRE-BHATTY Tim et BUNESCU Luisa,
Continuous development of teaching competences: thematic peer group report,
EUA/Bruxelles, 2019, 12 p. (Learning & Teaching Paper, n° 3) [en ligne]
À partir d’études de cas européens, ce rapport identifie différents défis en termes de formation
initiale des enseignants et de développement professionnel : 1) les qualifications pédagogiques,
les mécanismes de récompense et la motivation du personnel à poursuivre un développement
professionnel continu ; 2) la mesure de l’impact du développement des compétences pédago-
giques, dans le cycle d’assurance de la qualité et en lien avec l’innovation ; 3) le développement
interdisciplinaire d’approches méthodologiques d’apprentissage et de pédagogie.
http://bit.ly/2Gs3aYr

EUA : European university association, DEWHIRST Claire et GOVER Anna, Evaluation


of learning and teaching : Thematic Peer Group Report, EUA/Bruxelles, 2019, 10 p.
(Learning & Teaching Paper, n° 4) [en ligne]
L’évaluation de l’apprentissage et de l’enseignement, principale activité par laquelle les univer-
sités contrôlent l’adéquation de leur offre éducative, a fait l’objet d’un groupe de travail de
pairs de l’EUA. Ce document reflète les discussions du groupe sur les conditions cadres dans
lesquelles les établissements assurent la qualité de leur enseignement. http://bit.ly/2Q2uD7M

EUA : European university association, CHRISTERSSON Cecilia, STAAF Patricia,


ZHANG Thérèse et PETERBAUER Hélène, Promoting active learning in universities :
thematic peer group report, EUA/Bruxelles, 2019, 12 p. (Learning & Teaching Paper,
n° 5) [en ligne]

N° 80 - Avril 2019
L’apprentissage actif englobe un large éventail d’approches pédagogiques impliquant l’appre-
nant à chaque étape du processus éducatif. Ce document est le résultat du travail effectué par
le groupe de pairs thématique de l’EUA réuni autour de ce sujet. Il examine diverses approches
de l’apprentissage actif et la façon dont elles peuvent être mises en œuvre. Il souligne la néces-
sité d’un changement culturel dans l’environnement académique, dans lequel les ensei-
gnants deviendraient des facilitateurs de l’apprentissage et les élèves leurs partenaires actifs.
http://bit.ly/2PMw2z0

Autres leviers pour


améliorer la pédagogie
universitaire : études de cas

Dispositifs et pratiques
pédagogiques innovants

DUMONT Ariane dir., BERTHIAUME Denis dir., La pédagogie inversée : enseigner


autrement dans le supérieur avec la classe inversée, De Boeck supérieur/Louvain-la-
Neuve, 2016, 235 p.
Des auteurs américains, belges, canadiens, français et suisses traitent ici de la pédagogie
142 inversée, décrivant les pratiques et/ou repères théoriques, historiques ou philosophiques
dont ils s’inspirent pour mettre en œuvre des dispositifs s’apparentant à la classe inversée. La
seconde partie de l’ouvrage présente des cas d’application de pédagogie inversée.

LIM Cher Ping (ed.), WANG Libing (ed.), Blended learning for quality higher educa-
tion: selected case studies on implementation from Asia-Pacific, UNESCO Bureau
régional pour l’éducation en Asie et dans le Pacifique/Bangkok, 2017, 296 p., [en ligne]
L’ouvrage explore le potentiel de l’apprentissage hybride dans la région Asie-Pacifique qui fait
face à des demandes croissantes de modes plus souples d’accès à un enseignement supérieur de
qualité. Il fournit un cadre et un outil d’auto-évaluation aux établissements d’enseignement
supérieur. Des études de cas illustrent comment ce cadre peut être mis en œuvre et montrent
pourquoi et comment les établissements adoptent une approche holistique afin de soutenir et
stimuler l’apprentissage hybride au sein de leurs institutions respectives. http://bit.ly/2VcL0Eu

POUMAY Marianne, TARDIF Jacques, GEORGES François (dir.), Organiser la


formation à partir des compétences : un pari gagnant pour l’apprentissage dans le
supérieur, De Boeck supérieur/Louvain la neuve, 2017, 364 p.
Cet ouvrage s’intéresse à l’organisation de formations professionnelles dans l’enseigne-
ment supérieur à partir des compétences essentielles au métier visé. Il s’agit de concevoir un
programme axé sur le développement de compétences qui devra être transposé en formation
dans les activités d’apprentissage et d’évaluation. Après avoir défini la notion de compétence et
le champ théorique, les auteurs proposent un cadre méthodologique qui relie le programme
et le développement de compétences et présentent onze études de cas (en France, au Liban, en
Belgique et au Québec).

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

RENSTA Bretagne, Telecom Bretagne, Université de Bretagne occidentale, Innover :


pourquoi et comment ? Actes du VIIIe colloque « Questions de pédagogies dans l’ensei-
gnement supérieur », Université de Bretagne occidentale/Brest, 2015, 949 p. [en ligne]
Ces actes proposent les retranscriptions de plus d’une centaine de communications, présentées
lors du 8e colloque « Questions de pédagogies dans l’enseignement supérieur » consacré à l’in-
novation pédagogique, autant dans ses contenus (dispositifs innovants), que dans son environ-
nement (politiques éducatives, démarches qualité) et dans ses finalités. Les communications
s’appuient sur des études de cas en Amérique du Nord et en Europe. http://bit.ly/2WinRwR

SHARPLES Mike, ADAMS Anne, ALOZIE Nonye, et al., Innovating Pedagogy 2019:
exploring new forms of teaching learning and assessment to guide educators and
policy makers, The Open University/Milton Keynes, 2019, 45 p. [en ligne]
Réalisé en collaboration avec le Centre for the Science of Learning & Technology (SLATE) de
l’Université de Bergen, ce rapport est le septième d’une série sur les innovations dans l’ensei-
gnement, l’apprentissage et l’évaluation. Il présente dix innovations : apprendre en jouant,
apprendre avec les robots, décoloniser l’apprentissage, l’apprentissage basé sur les drones,
apprendre par l’émerveillement, apprendre par l’action, les studios virtuels, l’apprentissage
basé sur l’environnement, rendre la pensée visible, et apprendre l’empathie. http://bit.ly/2WcYEqV

Espaces physiques
d’apprentissage 143

ALBERO Brigitte, YURÈN Teresa; GUÉRIN Jérôme (éd.), Modèles de formation et


architecture dans l’enseignement supérieur, Culture numérique et développement
humain. Éditions Raison et Passions/Dijon, 2018, 359 p.
Cet ouvrage, qui mobilise seize auteurs mexicains et français, chercheurs en sciences humaines
et sociales, enseignants, administrateurs et architectes, s’intéresse à ce que peuvent nous dire
les bâtiments, les espaces, les modes de circulation et de vie et l’aménagement des lieux d’étude
à propos de la façon dont l’institution fait face aux principaux défis de l’enseignement supé-
rieur (massification, diversité des publics, généralisation du numérique, exigence de profes-
sionnalisation, etc.).

BÉRUBÉ Martin, « Learning center : innovation ou évolution des bibliothèques univer-


sitaires ? », Regroupement des bibliothèques collégiales du Québec, 6 février 2018 [en
ligne]
Cet article revient sur le contexte qui a favorisé l’émergence du concept de « learning center ».
Il tente de caractériser ce qui le différencie d’une bibliothèque universitaire classique et insiste
notamment sur son offre de soutien à l’apprentissage. Enfin, il présente les changements
provoqués par la mise en place de learning centers auprès de la communauté universitaire.
http://bit.ly/2XTq2rq

BOSQUÉ Camille, NOOR Ophelia et RICARD Laurent, FabLabs, etc. Les nouveaux
lieux de fabrication numérique, Eyrolles, 2014, 208 p.

N° 80 - Avril 2019
Au travers de retranscriptions d’interviews de différents acteurs français et internationaux liés
aux FabLabs ou au mouvement Maker et Do It Yourself (DIY) en général, cet ouvrage fournit
un état de l’art sur le sujet. Il s’intéresse notamment aux transformations que les FabLabs
impliquent dans l’industrie, l’éducation et l’innovation.

GARRETTP. B, « The Evolving Classroom: Creating Experiential Learning Spaces »,


EDUCAUSE Review, 13 octobre2014 [en ligne]
Cet article publié par Educause, association américaine à but non lucratif dont la mission est
de promouvoir l’innovation dans l’enseignement supérieur via les nouvelles technologies,
pointe le fait que l’apprentissage par l’expérience améliore l’engagement et l’apprentissage des
étudiants et constitue ainsi un moteur pédagogique important dans la conception d’espaces
d’apprentissages. http://bit.ly/2H0TJzJ

Évaluation des compétences


acquises et qualité
des enseignements

LIYANAGUNAWARDENA Tharindu R., SCALZAVARA Sandra et WILLIAMS


Shirley A., « Open Badges: A Systematic Review of Peer-Reviewed Published Literature
(2011-2015) », European Journal of Open, Distance and E-Learning, vol. 20, n° 2,
2017, p. 1-16 [en ligne]
144 Les badges ouverts (Open Badges) constituent un système standardisé de badges numériques
qui permettent de certifier les compétences informelles. Ils ont gagné en popularité dans le
monde entier ces dernières années et sont devenus une caractéristique de nombreux systèmes
de gestion de l’apprentissage. Cet article présente une revue de la littérature publiée sur les
badges ouverts de 2011 à 2015 et des suggestions pour les orientations futures de la recherche,
en fonction des domaines sous-représentés. http://bit.ly/2HbAJOQ

ROEGIERS Xavier, Collectif (collab.), Quelles réformes pédagogiques pour l’ensei-


gnement supérieur ? L’intégration des acquis, une piste pour placer l’efficacité au
service de l’humanisme, De Boeck/Bruxelles, 2012, 313 p.
L’ouvrage développe un ensemble de questions liées aux curricula dans l’enseignement supé-
rieur : programmes d’études, organisation des apprentissages, évaluation des acquis des
étudiants, supports de cours. La première partie replace la problématique dans une perspec-
tive large d’évolution des programmes dans les institutions d’enseignement supérieur et réin-
terroge le lien formation-emploi. La deuxième partie décrit l’approche par l’intégration des
acquis de l’étudiant et sa mise en œuvre concrète dans les curricula.

ROMAINVILLE Marc, GOASDOUÉ Rémi et VANTOUROUT Marc, Évaluation et


enseignement supérieur, De Boeck/Bruxelles, 2013, 366 p.
Cet ouvrage, qui s’appuie sur les contributions d’experts internationaux, s’intéresse à l’évalua-
tion dans l’enseignement supérieur sous toutes ses formes : l’évaluation des acquis ; l’évalua-
tion des enseignements, des formations et des programmes ; l’évaluation de la recherche et des
chercheurs ; l’évaluation institutionnelle et de la qualité. Il met en avant les pratiques inno-
vantes les plus porteuses ainsi que les rééquilibrages qu’il s’agirait d’opérer pour réconcilier les
acteurs de l’enseignement supérieur avec l’évaluation.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

SOUTO LOPEZ Miguel, Acquis d’apprentissage et enseignement supérieur,


Academia-L’Harmattan/Louvain-la-Neuve, 2016, 394 p.
Dans sa première partie, l’ouvrage retrace les origines de la notion de compétence dans l’en-
seignement aux États-Unis puis il s’intéresse à la diffusion de la notion de compétence à l’in-
ternational. La seconde partie présente les divers instruments d’action publique construits soit
par la Commission européenne, soit dans le cadre du processus de Bologne. La dernière partie
de l’ouvrage cherche à comprendre ce qui a conduit à l’apparition de l’approche par compé-
tences et à la généralisation de l’usage des acquis d’apprentissage dans l’enseignement supé-
rieur belge francophone.

STRANG Lucy, BELANGER Julie, MANVILLE Catriona et al., Review of the research
literature on defining and demonstrating quality teaching and impact in higher
education, York : HEA : Higher education academy/York, 2016, 40 p. [en ligne]
Que signifient réellement « qualité », « excellence » et « impact », en matière d’enseignement ?
Les débats sont vifs depuis des décennies et il n’existe pas de critères rigoureux permettant de
mesurer et de démontrer la qualité de l’enseignement, contrairement à ceux qui sont à l’ori-
gine de l’évaluation de la recherche universitaire. En s’appuyant sur une revue de la littérature,
cette étude vise à cartographier les concepts clés, les tendances et les impacts démontrables
émergeant de ce débat, avec un accent particulier sur l’identification de « ce qui fonctionne ».
http://bit.ly/2LpdEOl

YOUNES Nathalie, PAIVANDI Saeed, DETROZ Pascal (coord.), « Pédagogie univer-


sitaire et évaluation de l’enseignement par les étudiants », Éducation et formation, 145
n°e-307-1, 2017, 184 p. [en ligne]
L’évaluation de l’enseignement par les étudiants (EEE) désigne les procédures par lesquelles ces
derniers prennent part au jugement porté sur des enseignements. Cette démarche, devenue une
norme institutionnelle dans un nombre croissant d’universités à travers le monde, vise avant
tout à améliorer le fonctionnement et la qualité pédagogique de l’université. À partir d’expé-
riences belges, françaises, libanaises et suisses, ce numéro s’intéresse à la conception et à l’éva-
luation de dispositifs d’EEE et à leurs effets. https://bit.ly/2wLbGwG

Technologies éducatives

BECKER ADAMS Samantha, BROWN Malcom, DAHLSTROM Eden et al., NMC


Horizon report: 2018 higher education edition, EDUCAUSE/Louisville, 2018, 54 p.
[en ligne]
Ce rapport annuel, synthèse de recherches et réflexions d’un panel d’experts en technologies
éducatives venant de cinq continents vise, à partir d’exemples concrets, à identifier et à décrire
les technologies émergentes susceptibles d’avoir un impact sur l’apprentissage, l’enseignement
et la recherche créative. https://bit.ly/2wrocSO

BUGMANN Julien, JAILLET Alain et KARSENTI Thierry, « Certification universitaire


post-MOOC : entre attentes et contraintes », Revue internationale des technologies en
pédagogie universitaire, 2018, vol. 15, n° 1, p. 34-44 [en ligne]

N° 80 - Avril 2019
La question de la reconnaissance des certifications délivrées par les MOOC représente une
sorte de plafond de verre qui limite leur développement. L’étude porte sur la caractérisation
des différentes modalités d’évaluation avec une ambition de reconnaissance universitaire des
MOOC, en se focalisant notamment sur les quelques initiatives qui proposent des solutions
susceptibles d’apporter une validation institutionnelle à ce qui est mis en œuvre.

http://www.ijthe.org/fr/articles/view/321

KNYAZEVA Svetlana (ed.), Futures for higher education and ICT: changes due to
the use of open content, UNESCO. IITE: Institute for information technologies in
education/Moscow, 2016, 89 p., bibliogr. [en ligne]
Ce rapport fournit un panorama des tendances actuelles et futures liées à l’apprentissage
ouvert et à distance dans l’enseignement supérieur. http://bit.ly/2VdzyZf

Développement professionnel
des enseignants-chercheurs

BIÉMAR Sandrine, DAELE Amaury, MALENGREZ Déborah et OGER Laurence, « Le


“Scholarship of Teaching and Learning” (SoTL). Proposition d’un cadre pour l’accom-
pagnement des enseignants par les conseillers pédagogiques », Revue internationale de
pédagogie de l’enseignement supérieur, juillet 2015, n° 312 [en ligne]
146
Cet article présente le Scholarship of Teaching and Learning (SoTL), processus de développement
de l’expertise des enseignants de l’enseignement supérieur en matière d’enseignement et d’ap-
prentissage des étudiants. Les auteurs s’intéressent notamment aux étapes et aux processus du
SoTL vécu par des enseignants de l’enseignement supérieur, ainsi qu’aux différentes postures
de ces enseignants au regard de leur pratique et du développement de leur expertise en matière
d’enseignement et d’apprentissage dans le supérieur. Plusieurs exemples issus d’une Haute
École belge et d’une université suisse viennent illustrer les propos. http://ripes.revues.org/966

FRENAY Mariane et PAQUAY Léopold (coord.), « Former les universitaires en pédagogie »


[dossier], Recherche & formation, août 2012, vol. n° 67, n° 2, 175 p. [en ligne]
Ce numéro rassemble les travaux de chercheurs venant principalement d’universités belges,
britanniques, canadiennes et suisses. Ils présentent et analysent cinq dispositifs développés
dans les universités pour permettre et soutenir le développement professionnel des ensei-
gnants-chercheurs. http://bit.ly/2QogIZS

REGE COLET Nicole, BERTHIAUME Denis (ed.), La pédagogie de l’enseignement


supérieur : repères théoriques et applications pratiques. Tome 2 : Se développer au
titre d’enseignant, Peter Lang/Berne, 2015, 261 p.
À partir des contributions de conseillers pédagogiques, cet ouvrage explore treize disposi-
tifs éprouvés contribuant au développement professionnel des enseignants parmi lesquels :
les philosophies de l’enseignement, l’évaluation de l’enseignement auprès des étudiants, le
mentorat, l’observation par les pairs, la pratique réflexive ou la recherche appliquée sur son
enseignement.

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

SECRETARY OF STATE FOR BUSINESS, INNOVATION AND SKILLS, Success as


a Knowledge Economy: Teaching Excellence, Social Mobility and Student Choice,
Department for Business, Innovation and Skills/Londres, mai 2016, 85 p. [en ligne]
Dans son livre blanc sur l’enseignement supérieur publié en mai 2016, le gouvernement
britannique s’est engagé à mettre en place un nouveau système de reconnaissance de l’ex-
cellence dans l’enseignement supérieur. La loi de 2017 sur l’enseignement supérieur et la
recherche (Higher education and research Act 2017) constitue la base législative du Teaching
excellence and student outcomes framework (TEF), qui évalue la qualité des établissements d’en-
seignement supérieur (EES) en termes d’enseignement et garantit aux étudiants de bons résul-
tats. http://bit.ly/2JSRXU6

Recherche en éducation

BRYK Anthony S., « Accélérer la manière dont nous apprenons à améliorer », Éducation
et didactique, 6 décembre 2017, vol. 11, n° 112, p. 1129 [en ligne]
Dans cet article, Anthony S. Bryk, président de la Carnegie Foundation for the Advancement
of Teaching à Stanford (Californie) préconise de faire de « l’amélioration » un secteur à
part entière de la recherche en éducation et de développer des recherches de qualité sur les
processus par lesquels un établissement peut améliorer ses effets sur les apprenants. Il soutient
notamment l’idée de communautés d’amélioration en réseau (en anglais NIC : Networked
Improvement Community). http://journals.openedition.org/educationdidactique/2796 147

GUEUDET Ghislaine, LAMEUL Geneviève et TROUCHE Luc, « Questions relatives


à la “pédagogie universitaire numérique”, regard et rôle de la recherche : Journées
scientifiques « Pédagogie Universitaire Numérique », Lyon, France, 8 (1/2), », Revue
Internationale des Technologies en Pédagogie Universitaire, 2011, p. 110 [en ligne]
Ce numéro présente des textes issus des premières journées scientifiques « Pédagogie univer-
sitaire numérique », qui se sont tenues à Lyon (France) les 6 et 7 janvier 2011 sous l’égide de
l’Institut français de l’éducation et de la Mission numérique pour l’enseignement supérieur.
http://bit.ly/2EmV0jV

KARSENTI Thierry et SAVOIE-ZAJC Lorraine, La recherche en éducation : Étapes et


approches (4e édition revue et mise à jour), PUM - Presse de l’université de Montréal.
Enseigner et apprendre, 2018, 456 p.
Ce livre constitue une initiation générale aux méthodes de recherche en éducation. Il a pour
but d’amener étudiants-chercheurs et praticiens à mieux comprendre les différentes étapes et
les théories du processus de recherche en éducation. Cette quatrième édition comprend un
nouveau chapitre sur la recherche ethnographique et un chapitre sur l’analyse des données
qualitatives.

POTEAU Nicole, « De la recherche-action à la pédagogie universitaire : une démarche


pour articuler enseignement et recherche », Les dossiers des sciences de l’éducation,
septembre 2015, N° 34, p. 7590 [en ligne]

N° 80 - Avril 2019
Après avoir présenté la démarche de recherche-action comme mode d’articulation entre
recherche et pratique de terrain, en particulier dans sa valeur formative, l’article examine
comment, dans l’enseignement supérieur français, amener les enseignants-chercheurs à établir
des parallèles entre leurs activités d’enseignement et leurs activités de recherche.
http://bit.ly/2VTWz3R

REY Olivier, « Entre laboratoire et terrain : comment la recherche fait ses preuves en
éducation : dossier », Dossier de veille de l’IFÉ, n° 89, janvier 2014, 28 p. [en ligne]
Après avoir rappelé les enjeux de la situation actuelle de la recherche en éducation, le dossier
fixe des repères pour une approche scientifique de l’éducation dans le contexte de la recherche
universitaire. Puis, il revient sur la signification du concept controversé de l’evidence-based
education (l’éducation basée sur les travaux de la recherche en éducation). Il envisage enfin
comment peuvent être articulés les rapports entre recherche, pratiques et politiques éducatives,
et l’engagement concret des acteurs qui relèvent de ces différents contextes. http://bit.ly/2HrJHJk

148

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

Abstracts

University pedagogy
Coordination: Philippe Lalle

Introduction
The teaching revolution of higher education, a geographical
and paradigmatic universality p. 49
Philippe Lalle, Simone Bonnafous
For a number of years, universities have undergone many transformations that are changing teaching
and promoting the development of something new: university pedagogy. Teaching practices are changing
under the influence of social and societal changes: massification, arrival of new technologies, the change in
the relation to knowledge, new aspirations and increased student mobility, the need for diversified teaching
methods, etc. New forms of teaching are appearing (problem-based learning, flipped classroom, distance,
blended or co-modal learning, etc.), yet evaluation methods and learning spaces are changing too. And
although, a few years ago, teacher training for university lecturers was almost non-existent, teaching sup-
port centres are now being created all over the world, whatever the typology of institutions, while at the
same time the question of how to value lecturers’ commitment to their teaching practice is emerging.

Training in higher education: A lever to transform Quebec universities p. 61


Christelle Lison, Didier Paquelin
Since the Middle Ages, universities have gradually departed from their primary function, centred on teach-
ing, to give more space to research. A culture and professional practices strongly anchored in a lecture-cen- 149
tred approach today seem less suited to the expectations and needs of learners as actors in the present
socioeconomic world. The transformation of teaching practices is becoming an imperative necessity. This
supposes the provision of support to teachers with the aim of developing a new corpus of professional
competencies supported by capacities and skills that are sometimes far removed from their core profes-
sion. To achieve this, several Quebec universities have invested in teacher training to create a collective
dynamic which, starting out from current practices, aims for pedagogical wellbeing based on a reflexivity
supported by research results in higher education teaching. Without making it an obligation, they consider
that providing spaces for professional teaching development brings benefits not only for the individuals
who engage, but also at the institutional level.

University teaching in French-speaking Belgium: A process with a long view p. 71


Marcel Lebrun, Jean-Marie De Ketele
As in other countries, the development of university pedagogy in French-speaking Belgium is taking place
over a long time frame and is moving through various phases, the launch and duration of which vary from
one university to another. This article first provides a historical description, from the 1970s to the present
day, of how university teaching has changed at the Catholic University of Louvain. It then details some
essential points relating to this development, in particular how the institution took it into account and the
“pedagogical valorization dossier” (dossier de valorisation pédagogique, DVP), by widening the analysis to
other institutions and different networks.

The long march for the quality of higher education in Lebanon p. 83


Nada Moghaizel-Nasr
The author begins by explaining the issue of teacher training for university lecturers, in light of the skills
one needs to develop among students for the twenty-first century. She then presents the national frame-
work that impacts teaching practices in Lebanese universities, the state of play of teacher training for lec-
turers in these universities as well as the institutional projects with a national scope. She concludes with
a reflection on the conditions favouring the improvement of teaching practices and the societal issue of
university teaching, which promotes an inclusive quality of teaching.

N° 80 - Avril 2019
The Virtual University of Senegal: A response to massification and inequalities
of access to higher education p. 93
Abdourahmane Mbengue, Lionel Meinertzhagen
Distance learning is recognized as a solution to meet the challenges of massification and inequality
of access to higher education in sub-Saharan Africa. Created in 2013, the Virtual University of Senegal
(Université virtuelle du Sénégal, UVS) has quickly become the first fully digital public university in French-
speaking sub-Saharan Africa and the second largest university in Senegal in terms of student numbers.
This article presents online training mechanisms, such as remote platforms (Moodle), virtual classrooms
(Blackboard collaborate) and a network of open digital spaces (espaces numériques ouverts, ENOs) scat-
tered across different parts of the country. It then analyses start-up difficulties and consequences for the
perception of opinion, the initial lessons learned and the remedial measures taken for the rise of the UVS.
The ambition is to make it an unmissable African player in digital university teaching.

Digital teaching innovations in France: From experimentation to generalization p. 103


Philippe Dulbecco
Many French universities have taken the first steps towards educational and digital transformation with
what were then pioneering teams, and which have now been joined by a greater number of teacher-re-
searchers. There is a strong risk, however, that this new stage in the development of digital teaching inno-
vations within universities will not achieve the objective that is being pursued, namely moving from the
experimentation to the generalization of these innovations. This article highlights the fundamentals of
transformation (temporality, political steering, ownership by actors and users) and describes the necessary
support measures in terms of organization, steering and administration by the institutions concerned.

Centers for Teaching and Learning Development in Chinese research universities


The case of Xiamen University p. 115
Fan Wu
The establishment of educational development centres, aimed at promoting the excellence of professors
in terms of teaching in research universities, is considered to be one of the most important approaches to
building the identity of higher education in China. The case study of the Center for Teaching and Learning
150 Development (CTLD) at Xiamen University illustrates the problems to be solved and the challenges to be
faced, effective programmes and services, and relevant principles and practices that can be drawn from the
experience of the CTLD. This case study also shows how, when the mission, management and program-
ming of these centres are well adapted to the different facets of a research university, such educational
development centres serve the creation of a culture of teaching excellence.

The reform of university teaching in Denmark: The case of problem-based learning p. 125
Bettina Dahl, Jette Egelund Holgaard
Since its inception, Aalborg University (AAU) in Denmark has been using problem-based learning (PBL).
While the problem-based learning model has evolved over time, all of the university’s curricula are based
on the shared principles of PBL, according to which the student works on a problem, based on projects
using theory to solve or explain a genuine problem, thereby contextualizing disciplinary knowledge.
The university places a strong emphasis on PBL training for both students and academic staff, as well as
a strong focus on PBL research. It is a systemic approach that emphasizes active, collaborative and stu-
dent-centred learning.

Bibliographical references p. 135


Prunelle Charvet, Hélène Beaucher

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
dossier

ResÚmenes

La pedagogía universitaria
Coordinación : Philippe Lalle

Introducción
La revolución pedagógica de la enseñanza superior, una universalidad geográfica
y paradigmática p. 49
Philippe Lalle, Simone Bonnafous
Desde hace ya varios años, la universidad conoce numerosas mutaciones que suscitan una evolución de
la enseñanza y favorecen el desarrollo de un objeto nuevo : la pedagogía universitaria. Las prácticas de
enseñanza se modifican bajo la influencia de cambios sociales : masificación, llegada de nuevas tecnolo-
gías, cambio de la relación al saber, aspiraciones nuevas y movilidad creciente de los estudiantes, exigencia
de pedagogías diversificadas, etc. Unas nuevas formas de enseñanza aparecen (aprendizaje por problemas,
clase invertida, formación a distancia, híbridas o comodales…) pero cambian también las modalidades de
evaluación y los espacios de aprendizaje. Y si, hace algunos años, la formación de los docentes universita-
rios a la pedagogía era todavía inexistente, unos centros de apoyo a la pedagogía se van creando ahora en
el mundo entero, sea cual sea el tipo de los establecimientos, mientras que emerge la cuestión de la valora-
ción de la enseñanza pedagógica de los docentes.

La formación del superior: un medio de transformación de las universidades quebequenses p. 61


Christelle Lison, Didier Paquelin
Desde la Edad media, las universidades abandonaron su función primera centrada en la enseñanza para
dar mayor espacio a la investigación. Una cultura y unas prácticas profesionales hondamente ancladas
en una aproximación centrada en torno a la figura del maestro parecen hoy menos en adecuación con 151
las expectativas y las necesidades de los estudiantes y de los actores del mundo socio-económico actual.
La transformación de las prácticas pedagógicas se convierte en una necesidad imperativa, que supone
un acompañamiento de los docentes con el fin de desarrollar un nuevo corpus de gestos profesionales
apoyados en unas capacidades y competencias a veces muy alejadas de su profesión. Para conseguirlo, varias
universidades quebequenses han invertido en la formación de los docentes para crear una dinámica colec-
tiva que, inspirada de las prácticas actuales, tiende hacia un bienestar pedagógico fundado en la reflexividad
fortalecida por los resultados de la investigación en pedagogía de la enseñanza superior. Sin convertirse en
obligación, consideran que proponer unos espacios de desarrollo profesional permite acarrear consecuen-
cias positivas no solo para los individuos que participan en este proceso sino también a nivel institucional.

La pedagogía universitaria en Bélgica francófona : un proceso que se inscribe


en el tiempo largo p. 71
Marcel Lebrun, Jean-Marie De Ketele
Como en otros países, el desarrollo de la pedagogía universitaria en Bélgica francófona se inscribe en un
tiempo largo y transita por diferentes fases que varían en su inicio y duración según las universidades.
En un primer tiempo, el artículo describe de manera histórica, desde los años 1970 hasta el presente, la
evolución de la pedagogía universitaria en la universidad católica de Lovaina. Después, algunos puntos
esenciales de este desarrollo se detallan, en particular la toma en cuenta por la institución y el dossier de
valoración pedagógica, ampliando el análisis a otras instituciones y a diferentes redes.

La larga marcha por la igualdad de la enseñanza superior en el Libano p. 83


Nada Moghaizel-Nasr
La autora empieza por explicitar el reto de la formación pedagógica de los docentes universitarios a la luz
de las competencias que conviene desarrollar con los estudiantes para el siglo XXI. Presenta después el
marco nacional que impacta las prácticas pedagógicas en las universidades libanesas, el estado de lugar de
la formación pedagógica de los docentes en estas universidades así como los proyectos institucionales que
tienen un alcance nacional. Concluye por una reflexión sobre las condiciones que favorecen la mejora de
las prácticas docentes y sobre el reto social de la pedagogía universitaria, que favorece una calidad inclusiva
de la enseñanza.

N° 80 - Avril 2019
La Universidad virtual de Senegal : una respuesta ante la masificación
y las desigualdades de acceso a la enseñanza superior p. 93
Abdourahmane Mbengue, Lionel Meinertzhagen
Para responder a los retos de la masificación y de la desigualdad de acceso en la enseñanza superior de
Africa subsahariana, la formación a distancia es reconocida como una solución. Creada en 2013, la
Universidad virtual de Senegal se convirtió rápidamente en la primera universidad pública enteramente
numérica en África francófona subsahariana y la segunda en términos de efectivos en Senegal. El artículo
presenta los dispositivos de formación en línea como las plataformas a distancia (Moodle), las clases vir-
tuales (Blackboard collaborate) y una red de espacios numéricos abiertos (ENO) diseminados en diferentes
regiones del país. Analiza después las dificultades de arranque y las consecuencias sobre la percepción de la
opinión, las primeras lecciones sacadas y las medidas de remediación tomadas para un aumento de poten-
cia de la UVS. La ambición consiste en hacer de ella un actor africano imprescindible de la pedagogía uni-
versitaria numérica.

De la experimentación de las innovaciones pedagógicas numéricas


en Francia hasta su generalización p. 103
Philippe Dulbecco
Las universidades francesas son numerosas en haber abierto el dossier de la transformación pedagó-
gica y numérica con unos equipos que fueron pioneros y a los que se junta ahora un mayor número de
docentes-investigadores. Sin embargo, el riesgo es grande que esta nueva etapa de desarrollo de las inno-
vaciones pedagógicas numéricas en el seno de las universidades no permita alcanzar el objetivo deseado,
el del paso de la experimentación a la generalización. El artículo subraya los aspectos fundamentales de
la transformación (la temporalidad, el apoyo político, la apropiación por los actores y los usuarios) y des-
cribe las medidas de acompañamiento necesarias en términos de organización, de pilotaje y de adminis-
tración de los establecimientos concernidos.

Unos centros para el desarrollo de la enseñanza y del aprendizaje en las universidades


chinas de investigación
El caso de la universidad de Xiamen p. 115
152 Fan Wu
La instauración de centros para el desarrollo pedagógico que tengan como fin el de promover la excelen-
cia de los profesores en materia de enseñanza en las universidades de investigación es considerada como
una de las aproximaciones más importantes de la construcción de la identidad de la enseñanza superior
en China. El estudio del caso del Centro para el desarrollo de la enseñanza y del aprendizaje (Center for
Teaching and Learning Development : CTLD) en el seno de la Universidad de Xiamen permite ilustrar los
problemas que hay que resolver y los retos que conviene alcanzar, los programas y los servicios eficaces así
como los principios y las prácticas pertinentes que se puede sacar de la experiencia del CTLD. Este estudio
de caso muestra asimismo como, cuando la misión, la gestión y la programación de estos centros se adap-
tan bien a las diferentes facetas de una universidad de investigación, semejante centro para el desarrollo
pedagógico se halla al servicio de la creación de una cultura de la excelencia en materia de enseñanza.

La reforma de la pedagogía universitaria en Dinamarca :


el caso del aprendizaje por problemas p. 125
Bettina Dahl, Jette Egelund Holgaard
Desde su creación, la universidad de Alborg en Dinamarca pone en práctica el aprendizaje por proyectos
y por problemas (APP o « problem based learning »). Si el modelo APP ha evolucionado al filo del tiempo,
todos los programas de la universidad se fundan en los principios compartidos del APP, según los cuales el
estudiante trabaja sobre un problema fundado en unos proyectos que implican el recurso a la teoría para
resolver o explicar un problema auténtico, y contextualizar así el saber disciplinario. La universidad insiste
mucho tanto en la formación en APP de los estudiantes y de las profesores, como en un eje fuerte de inves-
tigación dedicado al APP. Se trata de una aproximación sistemática que pone de relieve un aprendizaje
activo, colaborativo y centrado en el estudiante.

Referencias bibliográficas p. 135


Prunelle Charvet, Hélène Beaucher

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
les auteurs

Les auteurs

Dossier

Simone Bonnafous, professeure des universités en sciences de l’information et de la communication, a


été présidente d’université (2006-2012), puis directrice générale de l’enseignement supérieur et de
l’insertion professionnelle (DGESIP) de 2012 à 2017. Elle est maintenant inspectrice générale de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR). Comme présidente d’université
et vice-présidente de la conférence des présidents d’université, elle s’est particulièrement investie dans
les questions de formation et a présidé la commission de la formation et de l’insertion professionnelle.
Comme DGESIP, elle a porté le développement d’une politique nationale de la pédagogie universitaire
et de la pédagogie numérique avec, entre autres, le développement d’une plateforme nationale de
MOOCs, la création d’un prix national de la pédagogie universitaire et le lancement d’appels d’offre
visant à soutenir la révolution pédagogique en cours. Comme IGAENR enfin, elle a piloté en 2019 le
rapport L’impact de la numérisation des formations et de la loi ORE (orientation et réussite des étudiants)
sur les enseignements de proximité. Courriel : simone.bonnafous@enseignementsup.gouv.fr

Prunelle Charvet est cheffe de projet Veille et études documentaires à la direction générale de
l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) du ministère de l’enseignement
supérieur, de la recherche et de l’innovation. Courriel : prunelle.charvet@enseignementsup.gouv.fr

Bettina Dahl Søndergaard est professeure associée au Centre pour l’apprentissage par problèmes
de l’Université d’Aalborg (Danemark), en ingénierie, sciences et durabilité, sous le patronage de
l’Unesco. Diplômée en mathématiques de l’Université d’Aalborg, en méthodologie de la recherche 153
en éducation de l’Université d’Oxford (Royaume-Uni) et titulaire d’un doctorat en enseignement des
mathématiques de l’Université de Roskilde (Danemark), elle est l’auteure de plus de 140 publications
et travaille sur la recherche en évaluation, différents modèles d’APP, le dialogue dans l’enseignement.
Elle mène également des activités en APP auprès de partenaires tant internes qu’externes à son
université. Courriel : bdahls@plan.aau.dk

Jean-Marie De Ketele est professeur émérite de l’Université catholique de Louvain (Belgique) et de


l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, où il a créé la Chaire Unesco en sciences de l’éducation
(1994). Docteur honoris causa de plusieurs universités, il a présidé l’Association internationale
de pédagogie universitaire ainsi que l’Association pour le développement des méthodologies de
l’évaluation en éducation (ADMEE-Europe). Ses travaux portent principalement sur la pédagogie
universitaire, sur l’évaluation des apprentissages et des systèmes éducatifs ainsi que sur l’engagement
professionnel des acteurs de l’éducation et de la formation. Il dirige plusieurs collections d’ouvrages
scientifiques aux Éditions De Boeck et est membre du conseil scientifique de la Revue internationale
d’éducation de Sèvres. Courriel : jean-marie.deketele@uclouvain.be

Philippe Dulbecco est docteur en économie, actuellement inspecteur général de l’administration,


de l’éducation nationale et de la recherche. Il a coordonné à ce titre le rapport Les innovations
pédagogiques numériques et la transformation des établissements d’enseignement supérieur, rapport
n°2018-049, juin 2018, IGAENR. Courriel : philippe.dulbecco@education.gouv.fr

Jette Egelund Holgaard est professeure agrégée en durabilité, technologie et apprentissage


organisationnel au département de la planification de l’Université d’Aalborg (Danemark). Diplômée
en planification environnementale et titulaire d’un doctorat en communication environnementale,
elle est actuellement affiliée au Centre pour l’apprentissage par problèmes en ingénierie, sciences et
durabilité de l’Université d’Aalborg, sous le patronage de Unesco, où elle utilise un cadre d’APP pour
améliorer la formation en ingénierie avec un accent particulier mis sur l’employabilité et la durabilité.
Elle compte plus de 100 publications liées à ces domaines. Courriel : jeh@plan.aau.dk

N° 80 - Avril 2019
Philippe Lalle est professeur de biochimie et biologie moléculaire à l’université Claude Bernard Lyon 1.
Il a appartenu pendant neuf ans à l’équipe présidentielle de cette université, d’abord en tant que vice-
président délégué à la formation initiale (2007-2012), puis comme vice-président Formation et vie
universitaire (2012-2016). En septembre 2016, il a rejoint la direction générale de l’enseignement
supérieur et de l’insertion professionnelle en tant que conseiller stratégique pour la pédagogie. Il
co-préside l’« Advisory group on teaching and learning » dans le cadre du Bologna Follow-Up Group,
qui prépare la prochaine conférence de l’espace européen de l’enseignement supérieur.
Courriel : philippe.lalle@enseignementsup.gouv.fr

Marcel Lebrun, conseiller pédagogique au Louvain Learning Lab de l’Université catholique de Louvain
(Belgique), est actuellement professeur émérite de cette université, où il a enseigné la pédagogie
universitaire et en particulier le rôle des TICE dans l’enseignement et l’apprentissage. Il est l’auteur
de nombreux articles et de plusieurs ouvrages sur les rapports entre technologies et pédagogies
à la recherche de valeurs ajoutées pour l’apprentissage, l’enseignement et pour les institutions de
formation. Initialement de formation scientifique, il s’est tourné dans les années 1990 vers les sciences
de l’éducation, participant activement à plusieurs dossiers relatifs à la qualité de l’enseignement :
l’évaluation, l’accompagnement techno-pédagogique et la valorisation des initiatives pédagogiques
des enseignants. Courriel : marcel.lebrun@uclouvain.be

Christelle Lison est professeure en sciences de l’éducation à l’Université de Sherbrooke (Québec)


et chercheure associée au Laboratoire RECIFES. Spécialiste de l’innovation pédagogique dans
l’enseignement supérieur, elle s’intéresse à la formation des enseignants du postsecondaire, aux
innovations curriculaires et pédagogiques, de même qu’à l’encadrement aux cycles supérieurs. Elle
participe à plusieurs recherches sur ces thématiques tant au Québec qu’à l’international. Du côté de
l’enseignement, elle forme les enseignants et les conseillers pédagogiques à l’enseignement supérieur,
supervise des étudiants de diplôme, de maîtrise et de doctorat de plusieurs facultés et co-encadre des
étudiants avec la France. Présidente de l’Association internationale de pédagogie universitaire, elle
est rédactrice en chef de la Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, membre du
comité de rédaction des Nouveaux c@hiers de la recherche en éducation et du comité de direction du
154 centre PeDTICE. Courriel : Christelle.Lison@USherbrooke.ca

Didier Paquelin est professeur titulaire de la Chaire de leadership en enseignement sur la pédagogie de
l’enseignement supérieur. Ses travaux traduisent une posture compréhensive de la complexité des
processus d’appropriation des dispositifs numériques pour la formation et l’apprentissage, dans les
contextes formels et informels. Il a conduit plusieurs recherches longitudinales au plan national et
international sur les impacts des politiques publiques de l’enseignement supérieur sur l’éventuelle
transformation des pratiques pédagogiques. Ses recherches abordent l’évolution des pratiques
en analysant les interactions entre les paradigmes pédagogiques, les dispositifs numériques et les
espaces d’apprentissage formels et informels développant la notion d’écosystème pédagogique. Il est
expert auprès du ministère français de l’enseignement supérieur sur les questions de pédagogie et
numérique. Courriel : Didier.Paquelin@fse.ulaval.ca

Abdourahmane Mbengue est enseignant-chercheur à l’Université virtuelle du Sénégal (UVS) et


spécialiste en ingénierie techno-pédagogique. Responsable du master en sciences de l’éducation, du
centre de certification au tutorat, et est le leader institutionnel du projet REAMOOC à l’UVS. Il est en
outre expert formateur principal auprès de l’Agence universitaire de la francophonie depuis 2004 et
de l’École polytechnique fédérale de Lausanne depuis 2018. À ce titre, il a accompagné de nombreuses
universités du Sénégal et d’Afrique francophone pour la mise en œuvre opérationnelle de dispositifs
de formation à distance ou de MOOC et de formation des enseignants à l’intégration du numérique
dans les pratiques d’enseignement. Courriel : abdourahmane.mbengue@uvs.edu.sn

Lionel Meinertzhagen est titulaire d’une maitrise en langues et littératures françaises et romanes de
l’Université libre de Bruxelles (2009), et est actif dans le domaine de l’enseignement et de la formation
(initiale et continue) depuis près de dix ans. Ingénieur de formation spécialisé en enseignements
numérique et hybride, il s’intéresse à la transposition d’un savoir en un scénario pédagogique
intégrant du digital ou à l’encadrement de projets de ce type. Depuis octobre 2018, il coordonne le
projet REAMOOC, cofinancé par le programme Erasmus+ de l’Union européenne, consistant en un
renforcement des innovations pédagogiques dans l’enseignement supérieur africain.
Courriel : Lionel.Meinertzhagen@ulb.ac.be

R E V U E I N T E R N AT I O N A L E D ’ É D U C AT I O N - S È V R E S
les auteurs

Nada Moghaizel-Nasr est professeure, doyen honoraire, déléguée du recteur à l’assurance qualité et la
pédagogie universitaire à l’Université Saint-Joseph, Beyrouth (Liban). Experte auprès de plusieurs
agences d’assurance qualité européennes ainsi que pour la réforme de l’enseignement supérieur
auprès de la Communauté européenne (HERE), elle a présidé, jusqu’en 2018, le comité conjoint
OIT-Unesco d’experts sur l’application des recommandations concernant le personnel enseignant
(CEART). Auteure de nombreux ouvrages, elle a notamment conçu et coordonné le Manuel de
pédagogie universitaire USJ (2015), dont elle a rédigé plusieurs chapitres. Courriel : nada.moghaizel-
nasr@usj.edu.lb

Fan Wu est professeure associée au Center for Teaching and Learning Development (CTLD) de
l’Université de Xiamen, en Chine. Titulaire d’un doctorat dans le champ de l’enseignement
supérieur, elle a été professeure invitée au Teachers College de Columbia University. Ses objets de
recherche comprennent notamment l’assurance qualité dans l’enseignement supérieur, l’expérience
d’apprentissage des étudiants des universités, la formation des professeurs ainsi que l’enseignement et
l’apprentissage dans l’enseignement supérieur.

Actualité internationale

Lisa Bydanova est chargée de programme au département Coopération en éducation de France


Éducation international, actuellement en mission longue en Azerbaïdjan pour coordonner un projet
européen de jumelage avec le ministère de l’éducation de ce pays (avril 2018 - avril 2020). Titulaire
d’un doctorat obtenu à l’Institut de recherche en économie et sociologie de l’éducation (IREDU) de 155
l’Université de Bourgogne, elle est chargée à France Éducation international des projets concernant
l’enseignement supérieur des pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. En outre, elle mène des
activités de recherche et d’enseignement sur l’analyse des politiques éducatives notamment dans les
pays post-soviétiques. Courriel : Bydanova@ciep.fr

Roger-François Gauthier a occupé comme administrateur diverses fonctions au sein d’instances


officielles françaises liées aux politiques éducatives, notamment comme inspecteur général de
l’administration de l’éducation nationale et de la recherche. Auteur de nombreux ouvrages et
articles, il est professeur associé à l’Université Paris-Descartes et invité dans plusieurs universités
étrangères. Il travaille essentiellement sous l’angle des comparaisons internationales en éducation
et particulièrement des questions curriculaires. Il est membre du comité de rédaction de la Revue
internationale d’éducation de Sèvres. Courriel : erefgauthier@gmail.com

Tarik Hari est docteur en sociologie et chercheur auprès de l’Instance nationale d’évaluation relevant
du Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique. Il est membre
du Centre marocain des sciences sociales (CM2S) et de l’Interdisciplinary institute for social studies
de l’Université Hassan II Casablanca. Ses recherches portent sur la sociologie de l’éducation et la
sociologie économique. Courriel : tarikhari@gmail.com

Damien Larrouqué est chercheur post-doctoral auprès de l’Institut des affaires publiques (INAP) de
l’Université du Chili et docteur associé à l’Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes
(OPALC) de Sciences Po. Lauréat de la bourse Fondecyt (2019-2021) attribuée par la Commission
nationale de recherche scientifique et technologique (Conicyt) dans la catégorie « sciences politique et
juridique », il travaille sur les transformations de la haute fonction publique dans le Cône sud (Chili,
Argentine, Uruguay). Outre les questions éducatives en Amérique latine, il s’intéresse également aux
évolutions des partis politiques dans la région. Courriel : damien.larrouque@sciencespo.fr

Federica Minichiello est cheffe de projet « Laboratoire numérique en éducation » (LNE), déléguée à la
protection des données chez France Éducation international. Courriel : minichiello@ciep.fr

N° 80 - Avril 2019
Long Pham Quang, docteur en sciences de l’éducation et de la formation, diplômé en philosophie
pratique et éthique hospitalière (DEA et DESS), est chercheur associé à l’unité de recherche Formation
et apprentissages professionnels (FAP) au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM Paris)
et membre externe du laboratoire Recherche-intervention-formation-travail (RIFT) à l’Université
de Genève. Ses intérêts scientifiques portent sur les émotions dans l’apprentissage au travail, les
interactions tutorales, les enjeux éthiques et méthodologiques posés par la question du corps du sujet en
formation. Il est l’auteur de Émotions et apprentissages (2017), Éthique des pratiques psychomotrices,
éléments d’une philosophie du corps (à paraître) et co-auteur avec Anne-Marie-Dozoul de Pour un
hôpital du vivant, altérité, enjeux formatifs (2018). Courriel : lphamquang@gmail.com

Bernadette Plumelle est ingénieure de recherche, responsable du Centre de ressources et d’ingénierie


documentaires de France Éducation international. Courriel : plumelle@ciep.fr

Kam Tung Tuang (Peter) Suante est né dans le village de Tuisau, dans l’État de Chin, au Myanmar
(Birmanie). Après avoir obtenu une licence à l’Université d’éducation de Sagaing, il a travaillé en
tant qu’enseignant du secondaire à Naga Hills, l’une des régions les plus défavorisées du pays. Il a
ensuite étudié la sociologie de l’éducation à l’Université d’éducation de Sagaing puis le leadership et
le management en éducation (master) à l’Université normale de Beijing. Il est actuellement doctorant
à l’Université de Hong Kong. Ses recherches portent sur les politiques éducatives et le soutien privé.
Courriel : suantepeter@gmail.com

156
la revue

Revue spécialisée dans le champ de l’éducation et de la formation à travers le monde,


la Revue internationale d’éducation de Sèvres est éditée par France Éducation international
(anciennement CIEP), membre de l'association Sorbonne Universités.
Elle publie en langue française trois numéros par an pour un public de responsables
et d’acteurs de l’éducation, ainsi que d’universitaires et de chercheurs issus des sciences
humaines et sociales concernés par les questions d’éducation. La majorité des auteurs sont
étrangers et les articles s’inscrivent dans une perspective de recherche. Les numéros sont orga-
nisés autour d’un dossier central, portant sur un thème qui fait l’objet de débats dans le monde.
Ils proposent également des informations et des ressources documentaires dans le champ des
politiques éducatives ou des pratiques pédagogiques.
La revue s’appuie sur un conseil scientifique international et un comité de rédaction
qu’elle réunit régulièrement. Depuis sa création en 1994, elle a publié 1 200 auteurs de 110 pays.
Repérée dans différents classements internationaux et bases de données, la revue a rejoint
en 2012 la plateforme d’édition en sciences sociales et humaines OpenEdition. Ses numéros
sont disponibles en libre accès après deux ans sur : [http://journals.openedition.org/ries]

Procédures de soumission
La revue annonce chaque année sur son site, au plus tard en novembre, les thèmes
des dossiers de l’année suivante. Chaque dossier thématique est confié à un coordinateur invité,
avec lequel la revue construit les sollicitations qu’elle adresse aux auteurs. Elle peut également
publier les articles qui lui sont soumis spontanément, après avis du comité de rédaction et
sous réserve qu’ils s’inscrivent dans la problématique traitée dans le dossier ou dans la ligne 157
éditoriale de la revue.
Les textes proposés à la revue sont adressés à la rédaction au plus tard six mois avant
la publication de chaque numéro à l’adresse suivante : revue@ciep.fr. Les articles peuvent être
soumis en français, anglais, allemand, espagnol, italien. Ils sont ensuite traduits en français
par la revue. Les articles sont soumis à relecture et sont validés par le comité de rédaction. Ils
n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Les consignes aux auteurs sont disponibles
en ligne sur le site de la revue sur OpenEdition Journals.

Articles du dossier
Les articles du dossier proposent nécessairement une analyse comparative ou une
étude dans un pays donné du thème traité par le dossier. Ils ne peuvent excéder 25 000 signes
(soit 4 000 mots en français, 3 500 mots en anglais), y compris les références et notes de bas de
page. Ils sont accompagnés d’un résumé et d’une notice biographique pour chacun des auteurs
(100 mots chacun maximum). Les tableaux et graphiques sont limités au strict nécessaire.

Autres rubriques
Outre le dossier thématique, la revue propose dans chaque numéro des rubriques
regroupées sous l’intitulé « L’actualité internationale en éducation ».
– Rubrique « Le point sur l’actualité internationale en éducation » : ces articles courts
et factuels (6 à 8 000 signes) permettent de présenter des réformes en cours dans les systèmes
éducatifs, des difficultés de mise en oeuvre ou encore des événements notables.
– Rubrique « Repères sur les systèmes éducatifs » : ces articles visent à présenter de
façon problématisée l’organisation des systèmes éducatifs et les principaux enjeux qui sont les
leurs (18 000 signes).
– Rubrique « Notes de lecture » : ces articles ne peuvent excéder 6 000 signes.
numéros disponibles

Revue internationale d’éducation – S È V R E S

80 La pédagogie universitaire, avril 2019


79 Figures de l’éducation dans le monde, décembre 2018
78 Accueillir tous les enfants à l’école : la question de l’inclusion, septembre 2018
77 Conflits de vérités à l’école, avril 2018
76 La fragmentation des systèmes scolaires nationaux, décembre 2017
75 Musique et éducation, septembre 2017
74 Les enseignants débutants, avril 2017
73 Ce que l’école enseigne à tous, décembre 2016
72 Confiance, éducation et autorité, septembre 2016
71 Formation professionnelle et employabilité, avril 2016
70 Les langues d’enseignement, un enjeu politique, décembre 2015
69 Pourquoi enseigner l’histoire ?, septembre 2015
68 L’éducation en Asie, avril 2015
67 Pédagogie et révolution numérique, décembre 2014
66 L’école dans les médias, septembre 2014
65 Le financement de l’éducation, avril 2014
64 Les espaces scolaires, décembre 2013
63 L’école et la diversité des cultures, septembre 2013
62 Les attentes éducatives des familles, avril 2013
61 Enseignement et littérature dans le monde, décembre 2012
159
60 Le métier de chef d’établissement, septembre 2012
59 Éducation et ruralités, avril 2012
58 Les ONG et l’éducation, décembre 2011
57 Le plaisir et l’ennui à l’école, septembre 2011
56 Le curriculum dans les politiques éducatives, avril 2011
55 Former des enseignants, décembre 2010
54 Palmarès et classements en éducation, septembre 2010
53 Qualité, équité et diversité dans le préscolaire, avril 2010
52 Un seul monde, une seule école ? décembre 2009
51 Un renouveau de l’enseignement des sciences, septembre 2009
50 En classe : pratiques pédagogiques et valeurs culturelles, avril 2009
49 Quel avenir pour les études en sciences humaines ? décembre 2008
48 L’École et son contrôle, septembre 2008
47 Enseigner les langues : un défi pour l’Europe, avril 2008
46 L’émergence d’une autre école, décembre 2007
45 L’enseignement supérieur, une compétition mondiale ?, septembre 2007
44 L’élève, futur citoyen, avril 2007
43 Que savent les élèves, décembre 2006
42 L’éducation artistique, septembre 2006
41 École primaire, école de base, avril 2006
40 L’éducation dans le monde, décembre 2005
39 La formation des élites, septembre 2005
38 Les défis de l’orientation dans le monde, avril 2005
37 Diplômes et examens de l’enseignement secondaire, décembre 2004
36 École et religion, juillet 2004
35 Décrochages et raccrochages scolaires, avril 2004
34 La formation professionnelle initiale : une question de société, décembre 2003
33 L’enseignement des langues vivantes à l’étranger : enjeux et stratégies, septembre 2003
32 Le processus de décision dans les systèmes éducatifs, mars 2003
31 Les parents et l’école, novembre 2002
30 Le métier d’enseignant en Europe, juin 2002
29 L’élève aujourd’hui : façons d’apprendre, mars 2002

Uniquement en ligne
28 Les grands débats éducatifs aujourd’hui – Europe, décembre 2000
27 Les grands débats éducatifs aujourd’hui – Afrique, Amérique, Asie, octobre 2000
26 L’évaluation des systèmes éducatifs aujourd’hui, juin 2000
25 Le droit à l’éducation : vers de nouveaux contenus pour le XXIe siècle, tome 2, mars 2000
24 Le droit à l’éducation : vers de nouveaux contenus pour le XXIe siècle, tome 1, décembre 1999
23 La formation ouverte et à distance, septembre 1999
22 Dimension économique des politiques éducatives, juin 1999
21 La formation des enseignants. II – Des problématiques convergentes, mars 1999
20 La formation des enseignants. I – Des approches constrastées, décembre 1998
19 Langue maternelle, langue d’enseignement, septembre 1998
160 18 Les technologies nouvelles, juin 1998
17 Enseigner la diversité culturelle, mars 1998
16 La formation tout au long de la vie, décembre 1997
15 Les grands débats éducatifs aujourd’hui, septembre 1997
14 L’éducation scientifique, juin 1997
13 Ruptures politiques, enseignement de l’histoire, mars 1997
12 Programmes et politiques éducatives, décembre 1996
11 L’évaluation des élèves, septembre 1996
10 L’école en milieu rural, juin 1996
9 Des langues vivantes à l’école, mars 1996
8 L’inspection, un nouveau métier, décembre 1995
7 Enseignements bilingues, septembre 1995
6 Former les enseignants à l’international, juin 1995
5 Éthique, école et société, mars 1995
4 Diriger un établissement scolaire, décembre 1994
3 Les langues régionales et l’Europe, septembre 1994
2 La lecture en questions, juin 1994
1 Approches comparatives en éducation, mars 1994

À paraître en 2019
81 Éducation et punition (septembre)
82 La privatisation de l'éducation (décembre)

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n° 81 : Éducation et punition (sept.) 4584108 17,00 €
n° 82 : La privatisation de l'éducation (décembre) 4584354 17,00 €
2018
n° 77 : Les conflits de vérités à l’école (avril) 7563048 17,00 €
n° 78 : Accueillir tous les enfants à l’école : la question de l’inclusion (sept.) 7563171 17,00 €
n° 79 : Les grandes figures de l’éducation dans le monde (décembre) 7563663 17,00 €

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Dépôt légal : septembre 2019
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copyrights Jean Noguet/CIEP et Sébastien Toubon/Q.P.
© CIEP 2019

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