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L’usage esthétique du corps chez Durkheim et chez Mauss.

Des
Formes élémentaires de la vie religieuse aux Techniques du corps, du
culte au loisir
[publié in Lionel Jacquot et Jean-Marc Leveratto, Relire Durkheim et Mauss : Emotions : religions, arts,
politiques, PUN-Editions Universitaires de Lorraine, 2014]
Introduction

Pendant longtemps, l’œuvre de Marcel Mauss a été appréhendée comme


le simple prolongement de celle de Durkheim et, pour cette raison,
négligée par les sociologues. Le fait qu’il n’ait pas publié, de son vivant,
de livres à destination du grand public explique cette perception initiale
d’une absence d’œuvre du neveu et collaborateur de Durkheim. Le
succès de plus en plus important remporté en France, depuis la
republication par Georges Gurvitch en 1950, de deux textes : Les
techniques du corps et l’Essai sur le don, a largement contribué à
modifier la situation, voire à la renverser (Mauss, 1950)1. L’utilisation
systématique de ces textes comme outil pédagogique d’initiation aux
sciences humaines et sociales (Les techniques du corps), ou comme
instrument de sensibilisation et de mobilisation politique (l’Essai sur le
don), font que l’œuvre du neveu apparaît aujourd’hui parfois comme
plus substantielle et plus actuelle que celle de l’oncle. Pour autant, la
reconnaissance contemporaine de la pensée de Mauss et le succès de ses
concepts s’accompagnent souvent d’une distorsion de leur sens. C’est le
cas de la « notion », pour reprendre son propre terme, de « techniques du
corps », souvent réduite abusivement à un simple élément constitutif de
l’identité sociale ou au résultat visible d’une suite de mouvements
musculaires, d’une série d’actes physiques.
L’objectif de cet exposé est de relire le texte de Mauss en le confrontant au
dernier livre de Durkheim, les Formes élémentaires de la vie religieuse.

1. La longue « Introduction à l’œuvre de Marcel Mauss » écrite par Lévi-Strauss pour ce volume
a fortement contribué à la redécouverte de Marcel Mauss. Elle a aussi promu une interprétation
du sens scientifique de son œuvre comme préfigurant le point de vue structuraliste de Lévi-
Strauss, une interprétation, à ce titre, très discutable.
L’analyse du lien existant entre les deux œuvres, curieusement, n’a jamais été
faite. Ce qui les unit a été sacrifié à l’affirmation contestable de la
réparation, par le neveu, de l’absence totale, chez l’oncle, d’une pensée
du corps2. Cette vision du rapport entre les deux œuvres est exemplaire de la
confusion, combattue par Marcel Mauss à son époque, entre catégorie de
pensée et catégorie de langage : l’absence de certains mots dans une
langue n’est pas un indicateur de l’absence d’une conduite qu’elle sert à
désigner dans une autre3. Elle témoigne, par ailleurs, de la focalisation
exclusive de nombreux lecteurs du texte de Mauss sur le terme de « corps »
au détriment de celui de « technique », ce qui les conduit à sacrifier la
« technologie » – au sens de science de la technique – promue par Mauss (Cf.
Schlanger, 1998) à l’étude des représentations sociales prônée par la
psychologie sociale française4.
Le corps comme fait social
Laurent Thévenot relève justement, dans son commentaire des
« Techniques du corps », que cette notion a été fréquemment rabattue sur
celle d’image du corps par les sociologues français. Le texte de Mauss sert
alors à identifier et à dénoncer les « contraintes de représentation » –
violence symbolique, stéréotypes de genre, habitus de classe – qui pèsent
sur l’usage que les individus font de leur corps en public et qu’illustre
leur performance (Thévenot, 1994). De ce fait, c’est l’étude de la
représentation du corps de l’individu, au sens de l’image que l’usage de

2. Cf. par exemple, le chapitre 3 : « La sociologie naissante et le corps » de Christine Detrez


(2002, pp. 53-55) qui défend l’idée que chez Durkheim « le corps n’est pas un objet de
sociologie », mais uniquement un moyen de penser, par « analogie », la société, ce qui l’exclut
« des préoccupations sociologiques » (p. 54).

3. Cf. Marcel Mauss, « Les catégories non exprimées dans la langue », publié dans la Discussion
suivant la Communication d’Antoine Meillet à la Société de Psychologie, séance du 14 juin 1923,
« Le genre féminin dans les langues indo-européennes », Journal de Psychologie, 1923, p. 943
sq. Repris dans A. Meillet, 1952, pp. 24-28.

4. Cf. Serge Moscovici, 1961. Ce texte a impulsé le développement, en France, de la «


psychologie sociale » en tant qu’étude des « représentations sociales », une discipline dont le
succès gêne aujourd’hui la lecture des Formes élémentaires de la vie religieuse.
son corps donne de l’éducation de cette personne et de son statut social,
que privilégient les écrits qui portent, en France, sur la sociologie du
corps.
Cette tendance est favorisée par le durcissement disciplinaire résultant de
l’enseignement universitaire, et la mise en place d’une division
« naturelle » du travail qui abandonne l’analyse technique de l’action que
le corps exerce sur le corps aux spécialistes du sport, d’un côté, et aux
ethnologues, de l’autre. Elle est renforcée par l’adoption d’une posture
critique, du souci de faire reconnaître la réalité du phénomène de
reproduction sociale qui limite injustement l’épanouissement personnel
d’une grande partie des individus. Alors que les ethnologues français ont
su prendre au sérieux l’équipement matériel des techniques du corps
(Julien, Warnier, 1999), la sociologie du corps en reste, souvent, à la
reconnaissance d’une efficacité « symbolique » qui réduit le corps à un
moyen de communication. Le moyen d’agir sur lui-même que le corps
offre à l’individu, comme le savoir-faire qui résulte de son exploration,
sont ainsi oubliés.
L’autorité intellectuelle de Pierre Bourdieu a pu contribuer, paradoxale-
ment, à la diffusion de cette vision sociologique réductrice de l’usage du
corps. Bien qu’il ne manque pas de souligner, dans Le sens pratique, que
« le rapport au corps ne se réduit pas à une « image du corps »,
représentation subjective [...] qui serait constituée pour l’essentiel à partir
de la représentation du corps produite et renvoyée par d’autres »
(Bourdieu, 1980), une lecture partiale de son œuvre peut justifier cette
interprétation.
Techniques du corps et théorie de la pratique
Son observation de la conduite corporelle des paysans béarnais dans Le
bal des célibataires (1962), par exemple, tend à réduire les techniques du
corps à un simple vecteur de reproduction sociale. Même s’il s’y montre
très attentif à distinguer la « véritable description anthropologique » des
techniques du corps de « l’ethnographie spontanée » du corps d’autrui, la
maladresse ou la virtuosité technique des danseurs n’y sont interprétées
que sous l’angle du signum, de l’information qu’elles apportent sur
l’origine sociale du danseur5. Le bal des célibataires ne se focalise donc
pas sur l’observation de cette technique du corps qu’est la « danse
enlacée »6, et l’exploration qu’elle autorise du corps d’autrui, mais sur la
conduite de ceux qui ne s’autorisent pas à danser. Il explique cette
conduite d’auto-exclusion des paysans célibataires qui assistent au bal
par l’empreinte que garde leur corps de sa soumission à certains usages
techniques et sociaux, caractéristiques d’un certain milieu, et le caractère
repoussant de cette image du corps par rapport aux attentes esthétiques
des individus aspirant à se différencier de ce milieu7. C’est donc
uniquement en tant que cause d’une certaine impression personnelle, du
sentiment de supériorité ou d’infériorité sociale que produit la vision du
corps d’autrui, que le corps des participants au bal est analysé par le
jeune Bourdieu, les modalités de l’appropriation personnelle des danses
de société n’étant pas analysées.
Vingt ans plus tard, il relève, à l’inverse, dans Le sens pratique (1980) le
rôle fondamental que joue l’activité corporelle propre de l’individu dans
la formation de son habitus, l’importance, notamment, du « learning by
doing », de l’interaction avec des objets techniques8. Mais Le sens

5. Pierre Bourdieu, 2002, pp. 113-115. Il s’agit de la réédition de Pierre Bourdieu, « Célibat et
condition paysanne », Etudes Rurales, 5-6, avril-septembre 1962, pp. 32-136.

6. C’est ainsi que Marcel Mauss caractérise la danse de société dans « Les techniques du corps »
pour souligner le « sujet d’horreur pour le monde entier, sauf pour nous » que repré- sente cette
invention occidentale qui autorise le contact corporel entre l’homme et la femme qui ne se
connaissent pas. cf. Marcel Mauss, Les techniques du corps (dorénavant Les TC), consultable sur
le site Les classiques des sciences sociales, http ://classiques.uqac.ca, p. 18.

7. Pour le Bourdieu du Bal des célibataires, op. cit., p. 116 : « En effet, l’hexis corporelle est
avant tout signum social ». C’est ce qui justifie, précise-t-il en note, que « plutôt que d’esquisser
une analyse méthodique des techniques corporelles [du paysan], il a paru préférable d’en
rapporter l’image qu’en forme le citadin et que le paysan tend à intérioriser, bon gré mal gré ». Il
tombe ainsi sous le coup de la critique qu’il adressera, vingt ans plus tard, à la psychologie
sociale : « le rapport au corps ne se réduit pas à une « image du corps » [...] c’est-à-dire à une
représentation qu’un agent a de ses effets sociaux (séduction, charme) et qui implique un degré
déterminé d’estime de soi (self-esteem) » (Le sens pratique, op. cit., p. 122).
pratique dévalorise les modes de transmission consciente des techniques
du corps au profit d’une théorie de la « pratique rituelle » en tant que
« gymnastique symbolique dans laquelle le corps pense pour nous », en
tant qu’usage du corps que l’individu n’exerce pas consciemment
puisqu’il s’accomplit « en deçà de la conscience et de l’expression, donc
de la distance réflexive qu’elles supposent » (Bourdieu, 1980, p. 123).
Cette théorie de la pratique fait du corps de l’individu un moteur pré-
réflexif de l’action, un « automaton spirituale »9 façonné par son
adaptation à un milieu social. L’acquisition de techniques du corps par
l’enfant qui imite spontanément les adultes constitue, en effet, un mode
d’inculcation clandestine des « principes fondamentaux de l’arbitraire
culturel, ainsi placés en dehors des prises de la conscience et de
l’explication » (ibid., p. 117). Le sens pratique valorise donc le
« mimétisme pratique » de l’individu, en tant que « faire-semblant
impliquant un rapport global d’identification ». C’est lui qui constitue le
véritable fondement de la pratique, bien avant « l’imitation supposant
l’effort conscient pour reproduire un acte, une parole ou un objet
explicitement constitué en modèle »10.
Cette valorisation par Pierre Bourdieu du « mimétisme pratique » aux
dépens de « l’imitation » s’éclaire si l’on se réfère à la tension interne au
8. « Le monde des objets, cette sorte de livre où toute chose parle métaphoriquement de toutes les
autres, et dans lequel les enfants apprennent à lire le monde, se lit avec tout le corps, dans et par
les mouvements et les déplacements qui font l’espace des objets autant qu’ils sont faits par lui »,
Le sens pratique, op. cit., p. 130. Pierre Bourdieu renvoie en note à l’« hypothèse » du « learning
by doing » en tant que « cas particulier d’une loi plus générale : tout produit fabriqué [...] exerce
par son fonctionnement même, et en particulier par l’utilisation qui en est faite, un effet
éducatif »

9. Bourdieu s’appuie explicitement sur La monadologie de Leibniz en assimilant le corps à une


« monade », un automate spirituel dont l’action s’explique par le seul développement de son
principe interne, de telle sorte que « chacun ne suivant que ses propres lois », chacun « s’accorde
pourtant avec l’autre », Le sens pratique, op. cit, p. 99.

10. Parler de « mimétisme » plutôt que d’« imitation » se justifie ainsi car « On ne mime pas des
‘modèles’ mais les actions des autres » (Bourdieu, 1980, p. 124)
concept d’habitus rappelée par François Héran, l’habitus désignant à la
fois un facteur de répétition d’une même conduite et un principe
générateur de pratiques11. L’idée de « mimétisme pratique » permet de
valoriser la « causalité du passé » et, tout en reconnaissant l’activité des
individus, de réduire la liberté que leur procure leur capacité
d’« imitation » consciente. Par le « mimétisme pratique » l’individu
incorpore activement les exigences de son milieu familial et participe à
son propre modelage affectif. Mais l’habitus ainsi acquis reste un facteur
d’inertie de la conduite, d’un point de vue pratique comme d’un point de
vue esthétique. Le mimétisme pratique de l’enfant conditionne
« l’imitation » consciente de l’adulte et limite sa possibilité de changer
radicalement ses habitudes corporelles, puisqu’il reste tributaire, par effet
d’hystérésis, de sa sensibilité esthétique acquise. Á la suite de La
distinction, le Sens pratique valorise ainsi, en la reconfigurant, l’idée
durkheimienne de la causalité du passé, de l’« homme d’hier », qui
emprisonne l’individu dans son « histoire faite corps », dans un goût
prédéterminé12.
Or, c’est ce déterminisme du passé que relativise, dès son ouverture, le
discours de Marcel Mauss sur les techniques du corps, en présentant un
exemple d’innovation résultant d’une imitation consciente, la
reproduction par les jeunes filles parisiennes du type de démarche des
stars américaines qu’elles ont observée à l’écran13. Et sa conférence

11. François Héran, 1987. C’est ainsi que Le sens pratique peut définir l’habitus tout à la fois
comme « système acquis de schèmes générateurs » qui impose « des contraintes et des limites » à
l’invention (p. 92), et comme « spontanéité sans conscience ni volonté » (p. 94).

12. « En chacun d’entre nous, suivant des proportions variables, il y a l’homme d’hier [...]
Seulement, cet homme du passé, nous ne le sentons pas, parce qu’il est invétéré en nous, il forme
la partie inconsciente de nous-mêmes », Emile Durkheim, 1938, p. 16, cité par Pierre Bourdieu,
1980, p. 94, note 6.

13. Pour l’analyse de cette anecdote et de l’enjeu épistémologique qu’elle constitue, cf. Jean-
Marc Leveratto, « Lire Mauss. L’authentification des techniques du corps et ses enjeux
épistémologiques », Le portique, n° 17, 2006, consultable en ligne http ://leportique.revues.
org/778 ; cf également Jean-Marc Leveratto, « Techniques du corps et techniques de soi », sur le
site http ://www.materialifoucaultiani.org/fr
nous invite à reconnaître l’importance de cette « imitation prestigieuse »
dans la vie sociale, le discours de Mauss prenant ainsi explicitement le
contrepied de celui de Durkheim dans le Suicide.
Le propos de Mauss est rendu cependant difficilement compréhensible
par la lecture professionnelle de l’œuvre de Durkheim qui privilégie ses
premiers écrits sociologiques, Les règles de la méthode sociologique et
Le suicide, aux dépens de son dernier ouvrage, Les formes élémentaires
de la vie religieuse. Du même coup, le rejet radical de la notion
d’« imitation » qu’opère Durkheim dans Le suicide et son refus de lui
reconnaître toute valeur explicative du comportement social dissimule
aux yeux du public l’usage positif que ce même Durkheim fait de la
pratique de l’« imitation » dans les Formes élémentaires de la vie
religieuse. Cette lecture académique de Durkheim gêne, à son tour, la
reconnaissance de l’approfondissement et du détournement qu’effectue
Mauss de l’analyse durkheimienne de l’imitation dans « Les techniques
du corps », en l’utilisant comme un moyen de compréhension de
l’industrialisation du loisir et du phénomène de la globalisation
culturelle.
Durkheim et l’« imitation » : de la « singerie » (Le suicide) au « rite
mimétique » (Les formes élémentaires de la vie religieuse)
En minimisant, dans Le sens pratique, l’efficacité de « l’imitation
supposant l’effort conscient pour reproduire un acte », Pierre Bourdieu
s’inscrit dans la continuité du discours de Durkheim, et de son combat, à
l’époque du Suicide, contre l’idée de Tarde que « tout fait social est le
produit de l’imitation »14. Pour Durkheim, en effet, l’acte d’imitation ne peut
être considéré comme l’origine du fait social, le façonnement préalable
du désir par le groupe pouvant seul expliquer le choix de l’individu de
reproduire un acte, d’une parole ou d’un objet déterminé. L’imitation
présuppose l’existence d’une représentation collective de ce qu’il est
désirable d’imiter et de ce qui ne l’est pas, son effectuation requiert une
14. Emile Durkheim, « L’état actuel des études sociologiques en France » (1895), republié in
Emile Durkheim, 2010, pp. 285-233, p. 299.
« disposition préalable de l’imitateur » (ibid., p. 301).
La typologie des actes « confondus » sous le terme d’imitation, dressée
par Durkheim dans le chapitre IV du Suicide, répond en conséquence à
ce souci de mettre l’accent, contre Tarde, sur les conditions sociales de la
reproduction individuelle d’un acte.
Elle distingue trois types de faits : 1) « sentir en commun », 2)
« s’incliner devant l’autorité de l’opinion » et 3) « répéter
automatiquement ce que d’autres ont fait » (Durkheim, 1967, p. 88). Seul
ce dernier type de faits mérite pour Durkheim l’appellation d’imitation :
« il y a imitation quand un acte a pour antécédent immédiat la
représentation d’un acte semblable, antérieurement accompli par autrui
sans que entre cette représentation et cette exécution s’intercale aucune
opération intellectuelle, explicite ou implicite, portant sur les caractères
intrinsèques de l’acte reproduit » (ibid., pp. 85-86).

Le problème, relèvera justement Tarde, est qu’en imposant cette


15. Gabriel Tarde, « Contre Durkheim à propos de son Suicide » (1897), texte inédit publié in
Massimo Berlandi et Mohamed Cherkaoui, 2000, consultable en ligne sur le site http ://
classiques.uqac.ca : « L’imitation dont je parle est une communication interpsychique » (p. 16)
alors que Durkheim « entend l’imitation dans un sens si étroit qu’on se demande comment,
malgré cette étroitesse, il a pu lui reconnaître une part notable dans le suicide. “Il n’y a
propagation imitative, dit-il, que dans la mesure où le fait imité et lui seul, sans le concours
d’autres facteurs, détermine automatiquement les faits qui le reproduisent”. Entendue ainsi, il est
certain que l’imitation, dans une société d’hommes tant soit peu intelligents, doit avoir peu
d’importance » (p. 12).

16. Les formes élémentaires de la religion – désormais FEVR (1968) – Les classiques des
sciences sociales, http ://classiques.uqac.ca, p. 403. Il existe une continuité, sur ce plan du
vocabulaire, entre les FEVR et Le suicide. Durkheim y précise – Le suicide, op. cit., p. 85 – son
refus d’appeler « imitation » le phénomène de communion émotionnelle, soit « la propriété
qu’ont les états de conscience, éprouvés simultanément par un certain nombre de sujets
différents, d’agir les uns sur les autres et de se combiner entre eux de manière à donner naissance
à un état nouveau ». Il appellera donc « contagion », ce que Tarde décrit comme « une imitation
réciproque de chacun par tous et de tous par chacun ». Il est notable que, ce faisant, Durkheim
entend redonner à l’assemblée révolutionnaire sa capacité d’imagination collective d’un ordre
nouveau contre une interprétation qui la réduit à une foule subissant l’influence d’un chef.
acception, Durkheim réduit l’imitation à un comportement réflexe, et la
prive de tout contenu psychologique, alors que l’imitation, pour Tarde,
désigne un phénomène de « communication interpsychique » entre deux
individus15. Durkheim s’interdit, ce faisant, d’analyser les phénomènes
de persuasion interpersonnelle.
C’est ce que Bourdieu reconnaît lorsqu’il se départit, dans Le sens
pratique, du rejet total de l’imitation comme variable explicative prôné par le
Suicide et affirme l’importance, en référant implicitement aux Formes
élémentaires de la religion, des faits de « mimétisme pratique », c’est-à-dire
d’une pratique consciente de l’imitation générant ce que le Suicide
définissait comme le « sentir en commun », et ce que le Durkheim des
Formes élémentaires de la vie religieuse appellera la « contagion ».
Dans son dernier ouvrage, en effet, Durkheim confère une fonction
cruciale à la « contagion » émotionnelle que donnent à voir les
« réunions, assemblées, congrégations où les individus, étroitement
rapprochés les uns des autres, réaffirment en commun leurs communs
sentiments »16. Les interactions et les émotions que génère chez
l’individu l’exécution collective des rites expliquent l’attribution d’un
caractère sacré à la chose qui constitue le foyer de l’attention : « la
contagion n’est donc pas une sorte de procédé secondaire par lequel le
caractère sacré, une fois acquis, se propage ; c’est le procédé même par
lequel il s’acquiert. C’est par contagion qu’il se fixe ; on ne peut
s’étonner qu’il se transmette contagieusement » (Durkheim, 1968, p.
313). C’est ce processus qui constitue le mode de production, pour
Durkheim, de la croyance individuelle au caractère sacré d’un objet à travers
l’expérience sensible de la force du collectif rassemblé.

La coordination des émotions obtenue par le rite collectif, que le


Durkheim du Suicide refusait farouchement d’appeler « imitation » au
motif qu’elle est la production collective d’un sentiment partagé, permet
de concilier le modelage sensoriel et psychologique de l’individu qui
résulte de sa participation régulière aux cérémonies, avec l’engagement
corporel conscient que requiert cette participation individuelle. L’individu
reste l’auteur de sa propre conduite, même si sa participation affective à
des cérémonies et à des assemblées de son groupe le mène, sans qu’il y
soit attentif, à aligner cette conduite sur celle du groupe. Pierre Bourdieu
rétrocède à l’individu, ce faisant, une part d’initiative et de responsabilité
dans le modelage de son hexis corporelle. Comme le précise Le sens
pratique, « les rites obligatoires et collectifs ont pour effet [...] de
censurer l’expérience psychologique, au point parfois de l’annuler ou, ce
qui revient au même, de la produire », car « c’est le fait de la pratique
collective qui tient alors lieu d’intention et qui peut avoir pour effet de
produire une expérience et une émotion d’institution » (Bourdieu, 1980,
p. 421).
Cet aménagement du déterminisme durkheimien combine ainsi l’analyse
des « rites positifs » dans les Formes élémentaires de la vie religieuse –
qui redonnent à « l’imitation » une pertinence sociologique et la « variable
cachée », selon la formule ironique d’Erving Goffman, que constitue la
« situation »17. Le « secret » de la conduite de l’individu réside dans son
engagement antérieur dans des situations diverses, et son appropriation, à
travers les épreuves dont elles ont été l’occasion, d’un équipement
physique et mental qui, selon la formule de Leibniz, « incline sans
nécessiter »18, car il « est la présence agissante de tout le passé dont il est
le produit » (Bourdieu, 1980, p. 94). Inséparable du corps de la personne,
cet équipement est en même temps une chose sociale, qui impose à
l’agent le respect des normes, comme l’attestent les sanctions, et la
souffrance, qu’entraîne le refus ou l’incapacité physique de l’agent de
s’y conformer.
Dès lors que cet équipement, du fait de son « incorporation », est
indissociable du corps de l’individu, la compréhension de sa conduite pose
17. Cf. Bourdieu, 1980, p. 152 : la disposition acquise par un sujet au moyen d’une pratique
rituelle « ne lui apparaît qu’en acte, dans la relation avec une situation ».

18. Là encore, cf. supra, cette interprétation de la causalité sociale se rapproche de la conception
par Leibniz d’un Dieu qui laisse aux êtres humains la liberté d’agir ou non conformément à ce
qu’il a programmé de toute éternité, d’une volonté divine, donc, qui « incline sans nécessiter »,
selon la formule des Nouveaux essais sur l’entendement humain.
cependant le problème de l’interprétation que l’on donne de la
« présence agissante » de cet équipement. Cette présence agissante peut
être comprise en effet comme la présence propre de l’individu en tant
qu’être vivant, en tant qu’il est un corps. Elle peut, à l’inverse, être
attribuée à l’équipement qui rappelle son existence à l’individu, par le
biais de la gêne et le malaise qu’il ressent au fait d’avoir un corps.
C’est cet équipement en tant que chose préexistante et dont nous sommes
prisonniers que sert à désigner le terme de « corps » dans la littérature
sociologique contemporain. Elle vise à faire reconnaître la réalité du
modelage affectif et cognitif de notre personnalité que révèle, à chacun
d’entre nous, le traitement purement objectif de notre corps propre. Le
« corps » qu’elle représente désigne ainsi ce qui arrive à la personne
lorsqu’elle devient la matière d’un soin, la cible d’un regard, ou la raison
d’une critique, lorsqu’elle se retrouve traitée comme une chose.

Marcel Mauss et la revendication du corps comme objet sociologique


Produire un discours sociologique sur le « corps », sans autre forme de
procès, est un moyen d’intéresser et d’attacher à une discipline – un
« mot d’ordre » diraient Bourdieu ou Deleuze – tous les lecteurs qui se
sentent concernés soit par l’expérience négative du traitement de la
personne en chose, soit, à l’inverse, par le plaisir que procure sa
manipulation esthétique. Le contexte sociocognitif contemporain, le
développement de l’expertise critique des usagers et l’expansion des
loisirs artistiques, facilite cette revendication du corps en tant qu’objet
disciplinaire – La sociologie du corps ou Philosophie du corps – ou comme
une entité physique observable, Le corps dans la société traditionnelle,
Histoires du corps. Si une visée littéraire, esthétique ou éducative, peut
rendre acceptable une posture d’observation du « corps » comme une
chose, la production d’un discours sociologique sur le corps se heurte
immédiatement à la tension inhérente à cette transformation du corps en
un « spectacle »19.
19. Le sociologue doit tenir compte, en effet, de « l’altération pernicieuse [...] que l’on fait subir à
la pratique par le simple fait de prendre sur elle un point de vue et la constituer en un objet
(d’observation et d’analyse) ». Bourdieu, 1980, p. 46.
La rigueur disciplinaire jointe au souci d’information scientifique du
public distingue, de ce fait, la littérature sociologique sur le corps. Deux
ouvrages pédagogiques contemporains, par exemple – La sociologie du
corps et La construction sociale du corps – commencent par signaler la
difficulté de fixer des limites à leur objet. Son caractère « évanescent »,
« inconsistant », présent à la fois partout et nulle part « expose le
chercheur au risque de la voir s’évanouir ». Dans les deux cas,
l’enrichissement de la perception du corps qu’entraîne le dépassement
d’une vision purement biologique du corps, dommageable pour le
respect de la personne humaine, justifie ce pari épistémologique.
Marcel Mauss sert dans les deux cas de figure tutélaire de l’entreprise, en
tant qu’auteur d’un article « programmatique » de la sociologie du corps
(Detrez, 2002) et en tant que promoteur du respect de l’homme « total »,
de la prise en compte du corps de l’acteur social, contre les effets
négatifs d’une vision dualiste de l’être humain, héritée de Descartes et
pérennisée par Durkheim lui-même (ibid., p. 55).
Cette revendication d’une « sociologie du corps » au nom de l’homme
total débouche cependant souvent sur un paradoxe, celui de la
reconduction du dualisme cartésien qu’elle vise à dépasser. La
dénonciation de la « limite des raisonnements dualistes d’un corps
objectivé qui tiendrait en quelque sorte par le seul agencement de ses
organes » (Detrez, 2002, p. 151) et se distinguerait d’ « une âme, une
raison ou un esprit » s’accompagne ainsi de l’affirmation de l’existence
d’un « corps symbolique qui double le corps social, et qui fait qu’il y a,
au moins, deux corps » (ibid., p. 151). De même, une fois souligné,
20. C’est ce qu’affirme explicitement David Le Breton : « Le dualisme de la modernité a cessé
d’opposer l’âme au corps, plus subtilement il oppose l’homme à son propre corps à la manière
d’un dédoublement. Le corps détaché de l’homme, devenu un objet à façonner, à modifier, à
moduler selon le goût du jour, vaut pour l’homme, en ce sens que modifier ses apparences revient
à modifier l’homme lui-même » (Le Breton, 1992, pp. 109-110).
contre « le dualisme psyché-soma » défendu par Lévi-Strauss, que « la
sociologie du corps est celle des modalités physiques de la relation au
monde de l’acteur » (Le Breton, 1992, p. 41), l’exploration de ces
« modalités physiques » est sacrifiée à celle de la « construction
symbolique » (ibid., p. 38) que l’usage du corps permet d’observer. Pour
les auteurs, en effet, il est primordial d’éveiller l’attention sur le fait que
le corps de l’individu « disparaît en totalité et en permanence, dans le
filet de la symbolique sociale qui en donne la définition et dresse
l’ensemble des étiquettes de rigueur dans les différentes situations de la
vie personnelle et collective » (ibid., p. 36).
Cependant, cette valorisation du « dédoublement du corps » entre un
corps « social » et un corps « symbolique » ou entre un organisme
biologique et une construction symbolique, reconduit le dualisme âme/
corps propre à l’héritage rationaliste que la « sociologie du corps » affirme
vouloir dépasser. Ce paradoxe résulte du souci des auteurs de souligner
la transformation qui affecte le corps biologique de l’individu du fait de
son intégration à une culture, et la discipline corporelle et les contraintes
d’expression qu’elle lui impose20. Mais cette posture épistémologique
aboutit du même coup à valoriser uniquement, au nom de la supériorité
de la culture sur la nature, la domination symbolique qui prive l’individu du
libre usage de son corps. Elle enlève à cet individu, par là même,
toute spontanéité corporelle et toute capacité à tirer profit d’un usage
imprévu de son corps.
Le rabattement de la spontanéité sur l’habitude, et la reconnaissance
critique de l’existence de normes corporelles, le « corps légitime »,
imposées de l’extérieur au corps propre de l’individu, expliquent donc le
« dédoublement » du corps diagnostiqué par la sociologie du corps.
Or, cette vision sociologique des deux corps de l’individu s’oppose
frontalement à la vision « dualiste » de la conduite humaine proposée par
les Formes élémentaires de la vie religieuse, et la rend incompréhensible. Le
« dualisme » revendiqué explicitement par Durkheim dans cet ouvrage
n’a rien à voir, en effet, avec la vision cartésienne d’un être humain
composé d’un corps soumis aux lois de la physique et d’une âme cachée
quelque part à l’intérieur, l’esprit immatériel, le fantôme dans la
machine, pour reprendre l’image ironique de Ryle. Elle n’a rien à voir
non plus avec l’idée d’une représentation sociale du corps qui, introduite
subrepticement dans le corps de l’individu, lui dicterait, sans qu’il en est
conscience, la conduite corporelle adéquate. Durkheim ne sépare pas
l’esprit du corps et refuse d’autant plus de les séparer qu’il considère que
c’est par l’usage de son corps, en apprenant au contact d’autres à agir sur
lui, que l’individu peut prendre conscience de son désir, et reconnaître
son caractère légitime en même temps que le caractère redoutable de
l’abandon de tout contrôle de ses pulsions sexuelles et affectives. Le
dualisme durkheimien consiste dans une vision duale de la morale, qui
combine crainte (de la sanction) et désir (de l’acte), respect du devoir et
poursuite du désir. Les Formes élémentaires de la vie religieuse propose,
en même temps qu’une approche génétique du phénomène religieux, une
généalogie de la morale qui la fait reposer sur l’apprentissage par
l’individu de la maîtrise de ses fonctions corporelles. Et c’est dans le
prolongement de cette vision sociologique de la morale que Marcel
Mauss élabore sa notion de techniques du corps.
La sociologie du phénomène religieux et le « dualisme de la nature
humaine »
On sait que Durkheim résume, en 1914, dans un article publié par la
revue Scientia ce qu’il estime être l’apport fondamental de son livre à la
psychologie21. Cet apport consiste pour lui dans la démonstration que le
« dualisme de la nature humaine » est le résultat d’une évolution
historique de la pensée humaine que l’étude comparative des religions
permet de vérifier, la distinction entre deux types de réalité, et la recon-
naissance du caractère transcendant de l’une d’entre elles. La pensée
métaphysique de Descartes constitue une étape de cette évolution qui a
contribué à l’intériorisation par l’individu de l’existence d’une autorité
morale extérieure et supérieure à lui-même, à laquelle il doit rendre
compte de ses actes.
21. Emile Durkheim, 1914, pp. 206-221, consultable sur le site Les classiques des sciences
sociales, http ://classiques.uqac.ca.
Cette mise au point confirme donc le malentendu que représente
l’attribution à Durkheim d’une vision cartésienne des rapports entre
l’âme et le corps. Le « dualisme de la nature humaine » désigne une
réalité psychologique, le sentiment qu’a tout être humain de devoir
composer, au plan moral, entre des pulsions contradictoires qu’il observe
en lui-même.
Les Formes élémentaires de la vie religieuse montre que l’être humain
est le produit de son histoire, et explique le sens de ce dualisme. La règle
morale n’est pas simplement respectée en raison de la sanction qui
s’exerce sur celui qui la transgresse, mais en raison de sa désirabilité. La
reconnaissance de cette dualité du fait moral implique que l’individu agit
sous l’effet d’un sentiment de devoir respecter particulièrement certains
objets, mais aussi sous l’effet du désir qui le porte vers certains objets
qu’il respecte particulièrement. L’objet moral se confond, dans cette
perspective, avec l’objet sacré, car il inspire crainte et, en même temps,
désir aux êtres humains du fait de leur éducation et de la canalisation de
certaines de leurs pulsions. Le rapport de l’individu à son propre corps
manifeste, comme le souligneront les disciples de Marcel Mauss – Roger
Caillois, Michel Leiris, Georges Bataille – séduits par cette interprétation
sociologique du sacré, cette réalité à travers l’expérience de la
transgression constitutive de la découverte, par chacun, de sa sexualité
(Leveratto, 2012).
Bien loin de sacrifier une vision mécaniste du corps qui l’assimilerait à
une machine, c’est à une philosophie organiciste que s’alimente, de
façon explicite et militante, la pensée durkheimienne. Elle ne sacrifie pas
plus à une conception cartésienne des rapports entre l’âme et le corps que
la pensée freudienne, qui s’inspire d’ailleurs explicitement des Formes
élémentaires de la vie religieuse. Le « dualisme » durkheimien désigne
la tension caractéristique de certains « états de conscience », la dualité
vécue, l’ambivalence psychologique, en termes contemporains, qui
résulte de l’intériorisation d’idéaux collectifs par les individus, qui se les
approprient et les intègrent comme des éléments de leur personnalité. En
effet :
« Ce n’est donc pas sans raisons que l’homme se sent double : il est réellement double. Il
y a réellement en lui deux groupes d’états de conscience qui contrastent entre eux par
leurs origines, leur nature, les fins auxquelles ils tendent. Les uns n’expriment que notre
organisme et les objets avec lesquels il est le plus directement en rapport. [...] Les autres,
au contraire, nous viennent de la société ; ils la traduisent en nous et nous attachent à
quelque chose qui nous dépasse. Étant collectifs, ils sont impersonnels ; ils nous tournent
vers des fins qui nous sont communes avec les autres hommes ; c’est par eux et par eux
seuls que nous pouvons communier avec autrui » (Durkheim, 1914, p. 12).

Dans cette optique, « notre vie intérieure a comme un double centre de


gravité. Il y a d’une part notre individualité, et plus spécialement notre
corps qui la fonde, et de l’autre tout ce qui, en nous, exprime autre chose que
nous-même » (ibid., p. 6). La découverte intime de sa sexualité est ainsi
la tension vécue entre la perception de corps comme une chose sacrée,
qu’il nous est interdit de toucher, et sa mobilisation comme un
instrument de plaisir personnel.
Le « dualisme » durkheimien ne repose donc pas sur une vision dualiste
du corps, au contraire. Nous n’avons et ne sommes, chacun d’entre nous,
qu’un corps avec lequel nous devons composer dans nos actions. Le
dualisme durkheimien est un dualisme moral, caractéristique des morales
de l’obligation, lesquelles combinent deux principes ontologiques
(matière et forme, sens et intelligence, etc) et fondent leur corrélation sur
la révélation de la volonté divine (de Reymaker, 1961). C’est la volonté
générale, ressentie à travers l’action physique et psychologique que le
collectif exerce sur l’individu qui participe à ses rites qui joue, dans les
Formes élémentaires de la vie religieuse, ce rôle. Ayant intériorisé par ce
biais le respect de certaines obligations, l’individu va devoir composer
avec la sacralisation de certains usages du corps et la tension
psychologique, les frustrations et le désir de transgression qu’elle génère.
C’est ce qui explique l’importance que confèrent les Formes
élémentaires de la vie religieuse au « culte positif » en tant qu’ensemble
de pratiques qui offrent l’occasion à l’individu d’une « expérience
sensible » de son propre corps. En tant que forme de mobilisation
émotionnelle de l’individu et moyen de construction du sentiment
religieux, le « culte positif » est le modèle de compréhension de l’utilité
des fêtes et des célébrations laïques, de leur fonction de réaffirmation et
de transmission des principes et des valeurs qui s’imposent à tous les
membres de la communauté rassemblée. Dans ces occasions, «
l’effervescence collective [...] vient perpétuellement rendre à ces grands
idéaux un peu de la force que tendent à leur soutirer les passions égoïstes
et les préoccupations personnelles de chaque jour : c’est à quoi servent
les fêtes publiques, les cérémonies, les rites de toute sorte » (Durkheim,
1914, p. 12).

Le corps comme objet d’investissement. De l’homo duplex à


l’homme total
On voit de quelle manière le dualisme durkheimien ne réfère donc qu’au
fait que le corps est un objet d’investissement à la fois individuel et
collectif. Pour Durkheim, comme pour Freud, un autre organiciste, la
conscience individuelle de l’individu (le moi « instance qui se pose en
représentant [...] de la personne ») doit composer entre un « pôle pulsion-
nel », et une « instance qui juge et critique, constituée par intériorisation
des exigences et des interdits » du milieu environnant. Loin de rompre
avec cette préoccupation durkheimienne de l’autocontrôle par l’individu
de son corps, Marcel Mauss va, au contraire, pérenniser ce qu’on
pourrait appeler cette attention à l’attention volontaire que l’individu
porte à l’effectuation de ses actes physiques.
Mais, comme on le sait, c’est à l’analyse des actes physiques en tant qu’
« actes techniques », analyse distincte de celle des actes physiques en
tant que « rites » proposée par les Formes élémentaires de la religion
que procède Marcel Mauss dans sa communication sur « Les techniques
du corps »22. Et sa démarche vise explicitement à dépasser le « point de
vue habituel du sociologue », l’explication conventionnelle de
l’efficacité « magique » de certains d’entre eux par le seul pouvoir de
suggestion psychologique du groupe. Elle réduit le mécanisme
psychologique à « un phénomène psychologique [...] trop facile à savoir
et à comprendre ». Il s’agit, pour Mauss, d’aller au-delà de cette
approche conventionnelle, et de se mettre dans la peau de l’individu pour
saisir « la confiance, le momentum psychologique qui peut s’attacher à
un acte » technique. Il s’agit de comprendre cette force intérieure, cette
énergie – ce que veut dire précisément momentum en latin – que l’acte
permet réellement d’acquérir au point que, dans certaines circonstances,
l’acte traditionnel devient, à l’étonnement de l’occidental, « un fait de
résistance biologique, obtenue grâce à des mots et à un objet magique »,
un acte objectivement efficace (Mauss, 1934, p. 9).
C’est ce point de vue psychologique qui autorise Mauss à mettre en
équivalence les « hauts faits physiques » que certaines techniques
traditionnelles permettent d’exécuter et l’exploit sportif occidental,
obtenu par un programme rationnel d’entrainement et de motivation de
l’athlète.
Il importe de souligner cette mise en équivalence appuyée sur le
témoignage d’Hubert sur la capacité des Pueblos de rivaliser avec les
« athlètes japonais » et son souvenir personnel marquant de l’arrivée du
« chef de la confrérie du feu des indiens Hopi » qui venait de parcourir «
250 milles sans s’arrêter » (Mauss, 1934, p. 17).
Elle restitue, en effet, une dimension du texte souvent neutralisée par
l’institutionnalisation de son usage intellectuel et la professionnalisation
de sa lecture, opérée par les promoteurs de la « technologie culturelle ».
22. Le choix de nommer « techniques du corps » l’ensemble très divers d’actes physiques qu’il a
présentés se justifie par la « division des actes traditionnels en techniques et en rites, que je crois
fondée » (Mauss, 1934, p. 9).

23. La redéfinition des techniques du corps qu’opère André Haudricourt (1986) dans « La
technologie, science humaine » a favorisé cette monopolisation. Posant que « tout acte est un
mouvement musculaire », il définit la technologie comme l’étude « des mouvements musculaires
appris traditionnellement » (p. 50). Il s’inspire ce faisant de Leroi-Gouhran qui affirmait, en
1936, dans son article sur « L’espèce humaine », dans l’Encyclopédie Française, que « la
civilisation matérielle d’un groupe humain déterminé n’est pas tant l’ensemble de ses objets que
l’ensemble de ses mouvements musculaires traditionnels et technologiquement efficaces ». Le
problème est que cette définition de la technologie exclut ce que Mauss appelait, cf. infra, les «
techniques de repos actif ».
La « technologie culturelle » est, en effet, une discipline issue du
discours de Mauss qui, en soulignant l’efficacité technique de certains
usages du corps, permet de reconnaître la technologie comme une
« science humaine » et la préserver d’un enfermement dans l’étude des
caractéristiques matérielles des outils. Le développement de cette
discipline, cependant, en se focalisant sur l’étude des techniques du corps
définies comme des « mouvements musculaires » a favorisé
l’appropriation du texte comme moyen exclusif d’expertise
professionnelle des disciplines sportives23. Elle a ainsi justifié
indirectement la neutralisation de l’usage esthétique du corps, de son
usage pour le plaisir dans le temps du loisir, dont le développement
contemporain et le questionnement qu’il commence à susciter dans
l’espace public constitue pourtant explicitement la source de la réflexion
de Marcel Mauss et de son effort d’objectivation de l’expérience
corporelle.
L’usage esthétique du corps : culte et loisir, rites et plaisirs
En limitant sa présentation du quatrième principe de classification des
techniques du corps, leur mode de transmission, à « l’éducation des
enfants », Marcel Mauss a ouvert la voie tant à une lecture sociologique
du texte indifférente à la nécessité d’« étudier tous les modes de dressage,
d’imitation » observables dans une société, qu’à la lecture de techniciens du
sport s’intéressant exclusivement aux « techniques de mouvement »
énumérées par Mauss. En se désintéressant de la diversité des actes
physiques et des interactions techniques que recouvrent la catégorie de
techniques du corps, ces deux types de lecture, aujourd’hui fréquente,
mettent ainsi le texte au service de la construction du regard sociologique
d’un côté, et de savoir-faire professionnels dans le domaine sportif et
artistique de l’autre.
Valorisant d’un côté le poids de la « tradition » sur l’usage que nous
faisons de notre corps propre, et de l’autre la « science » du corps
entrainé professionnellement, elles rendent difficile la reconnaissance de
l’importance que confère le texte à l’usage de son corps pour le plaisir
qu’il procure et, ce faisant, sa continuité avec la réflexion proposée par
Durkheim dans les Formes élémentaires de la vie religieuse.
Durkheim soulignait, en effet, dans son observation du « culte positif »,
l’importance de « l’élément récréatif et esthétique » dans la religion. Il
notait la parenté entre certaines « représentations religieuses », au sens
matériel du terme de représentation, et les « représentations
dramatiques ». En effet, comme le drame, elles sont « étrangères à toute
fin utilitaire, elles font oublier aux hommes le monde réel pour les
transporter dans un autre où leur imagination est plus à l’aise : elles
distraient » (Durkheim, 1968, p. 362). Cette parenté observable entre
culte religieux et représentation dramatique confirme, pour Durkheim,
« le fait connu que les jeux et les principales formes de l’art semblent
être nés de la religion, et qu’ils ont, pendant longtemps, gardé un
caractère religieux » (ibid., p. 363). Mais elle ne doit pas faire
disparaître, pour autant, la différence cruciale, au plan de l’expérience du
participant, entre le culte et le spectacle dramatique, le « rite
commémoratif » et la « simple réjouissance publique qui n’a plus rien de
religieux et à laquelle tout le monde peut prendre part » (ibid., p. 362).
Rappeler cette différence, c’est valoriser la spécificité du cadre de
l’expérience religieuse, car « quand un rite ne sert plus qu’à distraire, ce
n’est plus un rite » (ibid., p. 364). Même s’il « n’y a peut-être pas de
réjouissance où la vie sérieuse n’est quelque écho », il faut donc bien
« différencier les deux formes de l’activité publique. La simple
réjouissance, le corrobori profane n’a pas d’objet sérieux, tandis que,
dans son ensemble, une cérémonie rituelle a toujours un but grave »
(ibid., p. 365). En même temps, la construction de l’expérience religieuse
doit composer avec le « surplus » d’énergie corporelle « généralement
disponible » chez l’individu et « qui cherche à s’employer en œuvres
superflues et de luxe, c’est-à-dire en œuvres d’art ». C’est ce qui
explique l’utilisation de l’art pour renforcer l’efficacité de l’expérience
religieuse même si « par lui-même, le culte a quelque chose
d’esthétique ».
Les Formes élémentaires de la vie religieuse constitue ainsi une
reconnaissance conjointe du fondement social de la religion et de la
nécessité biologique du loisir. Et le texte de Marcel Mauss vise
explicitement à interroger, comme le rappelle l’anecdote qui ouvre le
texte et qui met en scène l’effet observable de la généralisation du loisir
cinématographique sur la conduite des jeunes filles européennes,
l’efficacité attribuée par Durkheim « aux libres combinaisons de la
pensée et de l’activité, au jeu, à l’art, à tout ce qui recrée l’esprit fatigué
par ce qu’il y a de trop assujettissant dans le labeur quotidien » (pp. 545-
546).
Comme en témoigne le fait que Mauss classe, dans son énumération
biographique des techniques du corps, la danse dans les « techniques de
repos actif », ce n’est pas qu’en tant que « mouvement musculaire » qu’il
aborde les techniques du corps, mais en tant qu’occupation physique
procurant du plaisir à celui qui l’exerce. La « danse enlacée » est un
exemple central de cette rubrique, en tant que produit d’une construction
historique et sociale qui en fait un loisir dont l’exercice procure le plaisir
conjoint de la coordination corporelle et du contact sexuel. Lui succède
l’exemple de loisirs dont le succès a ouvert la porte à des spécialités
sportives, comme le saut, à des métiers touristiques, comme le guide
d’escalade, à l’amélioration de techniques de travail en hauteur, comme
pour l’ouvrier télégraphiste.
C’est de ce point de vue du corps considéré en tant qu’instrument de
loisir que la notion de techniques du corps acquiert, de fait, tout son sens
pour un occidental, comme le rappelait André Haudricourt. Dans son
texte sur « la technologie, science humaine », il démontre, en effet, la
pertinence de la notion en réinvestissant l’exemple du crawl dont Mauss
avait pu observer l’invention – par l’importation et l’adaptation d’un
savoir traditionnel de la nage, emprunté Maoris, dans les compétitions
sportives mondiales –, et la diffusion dans le grand public24.
C’est ce qui explique l’importance que lui confère Mauss dans sa
démonstration. L’exemple du crawl démontre l’efficacité éprouvée d’une
technique « sauvage » et sa supériorité sur la technique occidentale en
même temps que le plaisir de l’observer sur soi-même et sur autrui. De la
même manière que le loisir cinématographique offre l’occasion aux
jeunes parisiennes de vérifier l’efficacité sexuelle de la démarche des
jeunes stars américaines qu’elles observent à l’écran, et de prendre
plaisir à se l’approprier25.
Cette prise en compte de la place que le texte confère au loisir – au sens
de l’action gratuite, du sport, de la danse, du divertissement
cinématographique et du plaisir sexuel – interdit de réduire les
techniques du corps aux actes physiques qui valent, comme le travail
contemporain, pour leur efficacité matérielle – au sens de la fonction
vitale de la chasse, de la guerre, de l’alimentation, de l’hygiène et des
soins du corps.
En se focalisant, dans sa description des « techniques de repos actif » sur
les « jeux du corps », Marcel Mauss s’arrête, il est vrai, et se concentre
sur la pratique directe de « l’art d’utiliser le corps humain ». Il favorise
ainsi une lecture de son texte réduisant les « techniques du corps » à des
« mouvements musculaires », et l’appropriation de la notion pour
valoriser l’activité culturelle véritable que constitue la pratique d’une
activité artistique en amateur par opposition au divertissement passif que
constitue, par exemple, le spectacle cinématographique.
24. André Haudricourt,1986. Il félicite Mauss d’avoir reconnu «qu’il y avait des techniques sans
objets matériels qui en soient l’instrument ou le résultat : il les nomma « techniques du corps ».
Non seulement la façon de marcher dépend de la manière dont est chaussé (de bottes, de sandales
ou de mocassins) mais la façon de nager diffère de peuple à peuple sans que cela soit dû à un
objet quelconque : on sait que les Européens ne connaissaient que la brasse et que ce sont les
nages des Indiens d’Amérique et des Polynésiens qui, empruntées à la fin du XIXe siècle, ont
engendré les nages de compétition et de vitesse des sportifs actuels » (p. 49).

25. Cf. Jean-Marc Leveratto (2010) qui précise la manière dont le développement de l’industrie
culturelle et l’apparition de nouveaux médias éclairent le sens du texte.
Valoriser la dimension sociologique des « jeux du corps » conduit
nécessairement, comme le souligne Norbert Elias, à élargir leur domaine,
dans la continuité de la pensée durkheimienne de la fête, au spectacle
tant sportif qu’artistique, dès lors qu’il consiste en une « activité
mimétique » du spectateur auquel sa participation procure un plaisir par
procuration. Les techniques du corps vise moins, dans cette perspective,
des contraintes de représentation qui déterminent inconsciemment
l’usage par les individus de leur corps, qu’à démontrer la nécessité
d’élargir l’analyse sociologique à l’observation de la conduite esthétique
à l’ère du développement de la consommation culturelle et, notamment
du spectacle cinématographique. Rappelant que cette consommation
culturelle repose sur l’engagement corporel du spectateur tout autant que
sur l’habileté technique des professionnels dont il goûte la performance,
le discours de Mauss nous convie ainsi à observer la manière dont les
consommateurs participent, par le biais de l’auto-contrôle du plaisir que
leur procure une technique artistique. Ils participent ainsi, en même
temps, aux transformations de cette technique ainsi qu’à l’évolution des
interactions entre sexes et générations, comme le montre tant les
changements qui ont affecté les pratiques sexuelles que les pratiques
artistiques en occident. Tant il est vrai que, comme le souligne Marcel
Fournier, s’intéresser aux techniques du corps n’est pas tant s’intéresser
à l’existence d’un inconscient corporel qu’aux ressources traditionnelles
et rationnelles permettant d’augmenter notre contrôle conscient de notre
corps. La capacité de résistance à l’émoi envahissant, comme la capacité
à s’y abandonner dans le jeu, est ce que nous apporte le développement
des techniques du corps. Dans cette perspective pragmatique, « c’est
grâce à la société qu’il y a intervention de la conscience. Ce n’est pas
grâce à l’inconscience qu’il y intervention de la société » (Mauss, 1934,
p. 22). L’usage esthétique du corps pendant son temps libre est donc, en
tant qu’occasion d’explorer l’inconscient corporel et les savoirs
traditionnels du corps, une pratique d’autant plus importante à analyser
sociologiquement que le loisir est détourné et orienté systématiquement,
au moment où Marcel Mauss écrit son texte, par les régimes totalitaires
européens vers la préparation de la guerre (Leveratto, 2010). Elle rend
d’autant plus nécessaire de valoriser « l’art d’utiliser le corps humain »,
au lieu de le détruire, qu’offre les techniques du corps et le vecteur de
développement qu’il constitue du respect de soi et de la personne
d’autrui. Cette promotion des techniques du corps constitue ainsi une
domestication du discours durkheimien et de son insistance sur l’effort
que doit s’imposer l’individu pour discipliner ses pulsions. Durkheim
mettait l’accent, en effet, dans Le dualisme de la nature humaine, sur
l’augmentation progressive et irréversible de l’autocontrôle exigible des
individus en tant que dimension constitutive du processus de civilisation
: « l’attention volontaire est, comme on le sait, une faculté qui ne
s’éveille en nous que sous l’action de la société. Or l’attention suppose
l’effort ; pour être attentifs, il nous faut suspendre le cours spontané de
nos représentations, empêcher la conscience de se laisser aller au
mouvement de dispersion qui l’entraîne naturellement, en un mot, faire
violence à certains de nos penchants les plus impérieux. Et comme la
part de l’être social dans l’être complet que nous sommes devient
toujours plus considérable à mesure qu’on avance dans l’histoire, il est
contraire à toutes les vraisemblances qu’une ère doive jamais s’ouvrir où
l’homme sera moins dispensé de se résister à soi-même et pourra vivre
une vie moins tendue et plus aisée. Tout fait prévoir, au contraire, que la
place de l’effort ira toujours en croissant avec la civilisation »
(Durkheim, 1914, p. 13). En nous invitant à penser le rôle des techniques
du corps, Marcel Mauss ne fait pas, on l’a vu, que prolonger cette pensée
durkheimienne. Il redonne toute son importance à une « culture
esthétique » que Durkheim considérait, dans L’éducation morale, avec
défiance car l’art, jugeait-il « n’est pas un facteur positif de la moralité.
C’est un moyen de préserver contre certaines influences malfaisantes le
tempérament moral une fois constitué ». La réflexion personnelle de
Marcel Mauss aboutit, au contraire, à une valorisation de l’expérience
artistique et sportive qui anticipe sur la pensée foucaldienne de l’usage
des plaisirs et des techniques de soi. Ceci éclaire, sans aucun doute, le
succès contemporain de son texte.
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