Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
biologie ont mis fin à l’idée de l’immuabilité d’un modèle intemporel pour le corps
humain. Désormais celui-ci ne pourra être saisi que dans un mouvement qui le dépasse
(Iconographie)
physique pour mieux les réunir dans le mythe de Dieu-Homme, de l’ Esprit incarné
pensée de Descartes sépara les organes et les fonctions . Elle espère mieux connaître et
analyser le fonctionnement du corps si elle le traite comme une machine répondant aux
lois de la mécanique.
corps et de ses organes par rapport au sujet humain, à l’Homme. Ce corps, objet de la
1
science et de ses expérimentations (aujourd’hui les manipulations génétiques)
logique de perfection fonctionnelle qui n’a plus de rapport immédiat avec le corps-
sujet : l’Homme. Une dissociation entre le sujet humain et son corps s’établit, qui
poussé cette logique des organes à ses extrêmes conséquence avec la création de
laquelle plus personne ne résiste, de corriger les défauts des organes (chirurgie
En construisant des images idéales sur lesquelles elles modèlent leur pratique, ces
disciplines contribuent à forger des icônes, images sociales du corps parfait, que
entre le corps publicitaire, icône publique fabriquée, et le corps propre, menacé par la
puissance des médias. Pour que cette opposition demeure vivante, source de formes
publicitaire, avec ses normes fonctionnelles ou esthétiques, n’ait pas aboli la possibilité
2
Cette lente évolution à travers cinq siècles de philosophie, de science et d’art
reçoit au XIX ème siècle une impulsion brutale avec l’apparition de la photographie.
corps qui en devient l’objet privilégié du fait de sa capacité sans équivalent à produire
domaine de l’esthétique.
qu’elle sépare les uns des autres les éléments qu’elle enregistre. Mais contrairement à la
médecine des organes, elle n’effectue pas ce découpage selon l’espace, elle les sépare
selon le temps. L’instantané saisit la totalité du corps, mais dans une fraction infime de
manipulable.
Bayard, lequel dès 1840 réalise son autoportrait en cadavre. Peu importe que cette
d’identification de son corps lui ait permis de falsifier l’état apparent de celui-ci,
ment pas, qu’elle ne peut pas mentir. Bayard inaugurait ainsi la série infinie des
manipulations de l’image, dont les artistes photographes du XX ème siècle feront, sous
recherche esthétique. Magritte, dont l’art joue consciemment avec tous les paradoxes du
3
visuel, tirera dès les années vingt, prétexte de cette réversibilité du temps, produisent
des images systématiquement paradoxales. Par exemple l’enfant portant l’adulte dans
géométrie)
figure de quelqu’un ses penchants, bons ou mauvais pour se diriger dans l’action et le
titre). Cette science, assez incertaine parce que sans règles, comme le remarquait Kant,
l’hypothèse que les caractéristique physiques du corps constituent une sémiotique des
caractères. L’absence de règles fit qu’elle n’obtint jamais une véritable place dans la
image et règles classificatoires, qui utilisa le plus largement les dispositifs de cette
sémiotique. (Iconographie) Il s’agit pour elle de déceler, sous les traits physiques, les
la physionomie sont donc interprétés comme des symptômes dans le cadre d’une
dernier poussera très loin l’analyse des conditions techniques et esthétiques d’une
pratique destinée à permettre le contrôle social absolu : « Chaque sujet doit être
4
photographié de face et de profil dans les conditions suivantes d’éclairage, de
Judiciaire, Paris Gauthier-Villars 1890 p. 85. Suivent les instructions précises. Mais
l’identification, tandis que la figuration frontale présente l’ensemble des émotions et des
rituels expressifs du sujet. Dans le visage de face, c’est tout le « drame psychologique »
morphologie pour résoudre des problèmes sociaux, doit apprendre à relier les deux
paramètres.
photographie est riche de quelques oeuvres qui vont l’engager dans une voie moins
niveau, l’artiste joue sur l’ambivalence : son portrait apparaît où on attendrait celui
d’une femme ou encore à une place qu’on croirait réservée à un criminel. Duchamp
brouille les identités sexuelle et sociale. Le personnage fictif Rrose Sélavy à qui l’artiste
a donné ses propres traits, est chargé d’en manifester l’ambivalence. Il y a sans doute
thèse maintes fois développées par Duchamp à propos de l’oeuvre d’art elle-même :
dans les ready made, c’est l’espace consacré du musée qui fait l’oeuvre. Le même principe
5
sémiotique fait que le contexte du flacon de parfum induit la femme et celui de l’affiche
marquée par le « wanted » induit le criminel. Mieux encore, et ici nous franchissons un
position de valoir la récompense promise. De ce fait, l’artiste qui se livre à ces jeux fait
propre portrait avec les valeurs « femme » et « criminel ». Ce faisant, il fait glisser son
auto-portrait vers une complexité que son statut de photographie exclut a priori. Rrose
Or ce qui caractérise ces deux images est qu’elle appartiennent, par leur genre, à
l’espace public. Affiche et publicité ne relèvent pas d’abord de la sphère privée mais du
domaine public des images. En proposant son auto-portrait dans un tel cadre, Duchamp
Christ ou, à partir de la Renaissance à celle des modèles gréco-latins, l’art contemporain
installe une médiation nouvelle, propre au régine que Habermas a désigné comme la
« sphère publique ».
la « sphère publique » dominée par l’ordre de la publicité et l’ordre public policier dont
l’art et confirme l’irréductibilité du sujet aux catégories que le social tente de lui
imposer. Andy Warhol est sans doute un des artistes qui mettra en oeuvre de la
manière la plus conséquente la socialisation du portrait. Marilyn (1964), Mao Tse Dong,
autant de figures que leur portrait esthétisé arrache à leur singularité érotique ou
6
politique pour les faire rentrer dans l’ordre de la consommation esthétique, dans l’ordre
de l’image. (Iconographie) Quelle est dès lors la portée critique de ces oeuvres? Pour
Warhol, comme pour tous les artistes du pop’art, la question se pose et la réponse reste
potentiel critique de la dénonciation, si tant est que celle-ci ait été à l’origine de la
Urs Lüthi a bien montré ces ambivalences. En produisant une série d’auto-
Larry Rivers ou Giacometti. Le sujet « Urs Lüthi », pourtant présent dans ces six auto-
portraits, disparaît. Ce qui l’absorbe et le dissout, c’est le style. C’est lui qui menace le
fonctionnement du marché de l’art, est sans doute le symptôme de leur tentative, peut-
artistique elle-même.
Urs Lüthi proposera donc une galerie d’auto-portraits dans lesquels le corps
photographié est lui-même changeant bien que toujours reconnaissable à travers ses
métamorphoses. Le style n’est peut-être pas totalement absent, mais il tend à s’effacer
7
devant les avatars du sujet représenté. C’est lui qui doit captiver le regard, c’est lui qui
Rien ne permettra que se recompose une totalité, la suite des clichés est en droit infinie,
aussi longtemps que le souffle de la vie animera ce corps. Cette infinité des
images par lesquelles, en une icône, l’ensemble du processus est condensé. La pose, la
posture et le décor ouvrent sur l’infini difforme du sujet, monstre à lui-même saisi par
la photographie.
Iconographie
Magritte et al. Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt. Collage paru dans La
8
in Crimes contre les moeurs Paris Alcan 1887