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et accidentalité
Patrick Mura Pascal Kintz
Imprimé en France
ISBN : 978-2-7598-0627-0
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous
pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d’une part,
que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées
à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but
d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement
de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette
représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contre-
façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
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Avant-propos
« Je l’ai dit, le haschish est impropre à l’action. »
Charles Baudelaire
Cet ouvrage fait suite au livre Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile
que nous avions publié en 1999. Depuis cette date, de nombreuses évolutions ont
eu lieu dans ce domaine, aussi bien dans le domaine législatif que dans ses aspects
scientifiques. En matière de sécurité routière, la France s’est dotée d’un arsenal
réglementaire très complet, permettant de sanctionner l’usage de stupéfiants chez
les conducteurs en autorisant des dépistages non seulement en cas d’accidents de la
voie publique mais également lorsque des éléments objectifs permettent de supposer
un usage de stupéfiants. L’évolution technologique a permis aux laboratoires de
disposer de méthodes analytiques de plus en plus performantes. Les connaissances
sur les métabolismes, les mécanismes d’action et les effets sur les consommateurs
ont aussi beaucoup progressé au cours de ces dix dernières années.
Si l’ouvrage précédent était exclusivement centré sur le problème de la conduite
automobile, il nous est apparu aujourd’hui nécessaire de traiter également des acci-
dents du travail liés à un usage de drogues. En 2008, 748 582 accidents du travail
ont été recensés en France dont 44 037 accidents avec arrêt de travail et 569 décès.
Compte tenu de l’importance de la prévalence de consommation de stupéfiants
dans la population générale, il est fortement probable que l’usage de drogues est
responsable d’un nombre non négligeable de ces accidents. Cette hypothèse est en
cohérence avec les résultats des études épidémiologiques effectuées ces dernières
années sur certaines populations de travailleurs. Cependant, en l’absence de légis-
lation spécifique, il est aujourd’hui impossible de disposer de données nationales.
Pourtant, comme dans le domaine de la sécurité routière, un usage de drogues,
qu’il s’agisse d’alcool ou de stupéfiants, est susceptible d’altérer fortement l’aptitude
à réaliser des actes complexes ce qui peut conduire à de graves conséquences pour
soi-même ou pour autrui.
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Au travers de tous les chapitres, en se basant sur des connaissances scientifiques éta-
blies et publiées, les auteurs ont voulu « tordre le cou » à toutes les inexactitudes, les
contre-vérités, les mensonges involontaires voire volontaires qui circulent ci et là.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons entrepris de coordonner ce nouvel
ouvrage, destiné aux professionnels mais également à tous ceux qui, de près ou de
loin, sont concernés par ce problème qui est devenu un sujet majeur d’inquiétude
dans notre société.
Patrick Mura et Pascal Kintz
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Introduction
Depuis la publication de : Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile,
coordonnée par le docteur P. Mura, plus de dix ans se sont écoulés. La même équipe
d’auteurs, complétée par d’autres auteurs a entrepris l’énorme travail d’élargir le
sujet et de le rassembler sous l’intitulé Drogues et accidentalité. En effet, il y a eu
depuis de nombreuses nouveautés tant sur le plan de la méthodologie analytique
que de l’épidémiologie ou de la législation.
Loin sont les travaux du médecin suédois E.M.P. Widmark (1922), du biochimiste
strasbourgeois M. Nicloux et du pharmacien nancéen H. Cordebard, ou encore
les travaux de pionniers tels que l’Autrichien G. Machata, l’Allemand M. Möller,
le Suédois W. Jones, le Suisse P.X. Iten, l’Écossais B. Logan émigré aux États-Unis
et bien d’autres encore. La célèbre formule de calcul de la consommation d’alcool
à partir de l’alcoolémie par Widmark a été publiée en 1932 ! Ce n’est qu’au cours
des années 1950 que les législations concernant l’alcool au volant ont été mises en
place dans la plupart des pays européens.
Entre-temps, de nombreuses autres substances à potentiel de pharmacodépendance
ont été proposées aux consommateurs intéressés. Très vite, surtout suite aux évé-
nements des années 1960, les jeunes se sont mis à consommer de la drogue et les
moins jeunes à consommer des médicaments psychotropes. Or il est bien connu
que le mésusage des psychotropes peut provoquer une diminution de la vigilance,
de l’état de conscience et des capacités de jugement, augmentant ainsi les risques
d’accidents, soit sur la route, soit lors du maniement de machines dangereuses.
En parallèle à cette évolution, les chercheurs ont développé une panoplie de
méthodes analytiques sophistiquées, telles que les méthodes de chromatographie
gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et surtout les méthodes de chroma-
tographie liquide à haute performance couplée à la spectrométrie de masse en
tandem, qui ont permis de dépister, d’identifier et de doser ces substances dans
les matrices biologiques classiques tels que sang, urines et organes (chez les per-
sonnes décédées).
Cette évolution n’a été possible que grâce aux efforts technologiques importants
des fabricants d’instruments de mesure de plus en plus sensibles, permettant aux
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Drogues et accidentalité
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Introduction
élevé de substances psychotropes, certains pays européens ont opté pour un système
de tolérance dite zéro – c’est-à-dire un simple dépistage de drogues dans le sang
est suffisant pour le constat d’une infraction – du moins pour les drogues les plus
fréquemment consommées. D’autres pays exigent un examen clinique approfondi
pour démontrer une incapacité de conduire par exemple, difficile à mettre en œuvre
sur le terrain.
Alors que, fut un temps, un consommateur occasionnel de boissons alcooliques
pouvait être sévèrement pénalisé, les consommateurs de cannabis voire d’héroïne ne
risquaient pas de poursuites judiciaires au volant, faute de réglementation adéquate.
Entre-temps, pour remédier à cette situation de nombreux pays européens dont la
France ont mis en place une législation répressive dans le but de réduire le nombre
de blessées et de tués sur la voie publique.
Par ailleurs la Commission européenne se propose actuellement d’établir un consen-
sus sur une façon harmonisée de procéder à l’amélioration de la sécurité routière
dans les États membres, en instituant des groupes de travail et des consortiums
d’études tout en finançant des projets de recherche multinationaux concernant le
problème de l’alcool, des médicaments et des drogues au volant.
Quand on sait qu’il y a toujours encore beaucoup de discussions dans les juri-
dictions et dans les milieux scientifiques au sujet de l’interprétation des résultats
l’alcoolémie, il ne faudra pas s’attendre à ce que les discussions et les contestations
en matière de drogue, sans parler de l’aspect de l’usage légitime des médicaments,
soient inexistants et que tous les problèmes – encore plus complexes que celui de
l’alcool – soient résolus. Ainsi il a y encore beaucoup de pain sur la planche.
N’hésitons pas à poursuivre les travaux de recherche commencés.
Professeur Robert Wennig
Président de International Association
of Forensic Toxicologits (TIAFT) de 1996 à 2002
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Sommaire
Chapitre 1 Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis ................. 13
1.1 Fonctions cérébrales mobilisées ................................................................................. 14
1.2 Principaux systèmes de neuromédiation desservant les fonctions
mobilisées ......................................................................................................................... 18
1.3 Principales drogues et accidentalité........................................................................... 20
1.4 Psychotoxicité du cannabis .......................................................................................... 22
1.5 Conséquences sur les compétences psycho-sensori-motrices mobilisées par
la conduite des véhicules ............................................................................................. 25
1.6 Documents de référence ............................................................................................... 29
Chapitre 12 Réponses aux questions les plus souvent posées ............................... 341
12.1 Questions posées par les non professionnels.......................................................... 341
12.2 Questions posées par les professionnels (magistrats, officiers de police
judiciaire, avocats, etc.) ................................................................................................. 344
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Aspects neurobiologiques
– Focalisation
Jean Costentin1
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sur le cannabis
Les méfaits de l’alcool sur la route ou sur certains lieux de travail sont connus
de longue date, en raison de l’ancienneté de ses abus et de sa diffusion dans
la population. Par contre, le développement plus récent d’autres toxicomanies
invite, de façon urgente, à mesurer leurs effets, à préciser leurs mécanismes, à
mesurer les risques qu’elles font encourir, afin d’en assurer la prévention et la
prohibition.
Parmi ces toxicomanies « nouvelles », ou plutôt récemment invasives, apparaît en
tout premier lieu le cannabis. « Surfant » sur des vagues idéologiques, sur l’ignorance,
sur l’indifférence, sur de « scandaleuses complaisances » [1], sur de tonitruantes
déclarations fallacieuses proférées par des personnalités « emblématiques » du spec-
tacle ou de la politique, ou par quelques scientifiques sous influence, cette drogue,
qui connaît une diffusion quasi pandémique, affecte très spécialement les jeunes de
notre pays. C’est ainsi, hélas, que parmi les vingt-sept états membres de l’Union
européenne, nos jeunes Français se trouvent en « pole position » pour sa consom-
mation [2]. Ces chiffres atterrants ont évidemment des prolongements en matière
d’accidents mortels de la route [3]. D’autres drogues sont en phase expansive, mais
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Drogues et accidentalité
1.1.1 Éveil
L’éveil est évidemment indispensable à la conduite. Cette assertion est déjà vraie
en dehors de toute consommation de drogue. La sédation, la somnolence, l’en-
dormissement sont la cause de nombreux accidents. Les recommandations d’arrêts
fréquents, systématiques au bout d’un certain temps ou au moins autant que de
besoin, des déjeuners légers, à faible charge en lipides, un habitacle plutôt frais, la
lutte contre la monotonie et le désintérêt visent à pallier la tendance naturelle à la
somnolence post-prandiale. La consommation de café ou d’autres boissons com-
portant de la caféine, constitue une aide appréciable. Aux États-Unis, la caféine est
proposée sous forme de gommes à mâcher (« Stay alert® ») ; en Suisse, elle est pré-
sente dans des savons pour la douche (« Shower shocks ») ; les cafés non décaféinés,
les Pepsi- et Coca-Cola ; le thé (où elle prend le nom de théine, le Guronsan®…sont
des sources de cette « bonne drogue » ; cet oxymore est amplement justifié [8].
L’éveil implique de façon particulière : la formation réticulée mésencéphalique
(avec ses neurones noradrénergiques et sérotonergiques), le système limbique, le
thalamus, le cortex. C’est au niveau de ce dernier que l’électroencéphalogramme
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
1.1.2 Attention
Si l’éveil est indispensable pour la conduite des engins mobiles, il est loin d’être
suffisant. Il doit être associé à l’attention. L’attention est cette capacité de faire le
vide, ou un vide relatif, dans un environnement qui nous bombarde de multiples
stimuli, de trop nombreuses informations. Parmi celles-ci, il convient d’en privilé-
gier certaines, celles qui ont un sens, qui sont pertinentes en ce qu’elles s’intègrent
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Drogues et accidentalité
dans la réflexion ou dans l’action entreprise. L’attention auditive, par exemple, est
un traitement de l’ensemble des sons qui, en plus de la musique émise par le poste
de radio et/ou de la conversation engagée, mettra en exergue un crissement de pneus
ou le son d’un klaxon. L’attention, c’est aussi, parmi la multitude des idées qui nous
assaillent, la capacité d’en privilégier une instantanément, car elle est congruente
aux événements qui se déroulent.
L’attention est, évidemment, intimement liée avec le temps de réaction ; quand
elle est soutenue, elle abrège ce temps de réaction alors que la distraction a pour
effet de l’allonger.
La focalisation d’attention doit évidemment choisir ses objets. Chez les psychotiques
schizophrènes, en relation avec l’hyperdopaminergie caractéristique de ces états, la
focalisation d’attention est dévoyée. Les systèmes de filtration striataux sont perturbés,
le patient donne une importance exagérée à des signaux mineurs, non pertinents et, à
partir de ceux-ci, effectue une construction mentale coupée de la réalité. C’est, stricto
sensu, le délire ; i.e. des interprétations coupées de la réalité ; qui s’apparente à une
sorte de rêve éveillé. Telle lumière rouge envahit le champ de la pensée ; elle déclen-
che alors une construction mentale erronée, empruntant par exemple à l’incendie, à
une explosion, à du sang, à une corrida… Délirer c’est, étymologiquement, sortir du
sillon ; sortir du sillon de la pensée normale, pour une pensée coupée de la réalité,
faite d’interprétations fallacieuses et inévitablement de comportements inadaptés.
Au cours de l’accès maniaque, qui est également en relation avec une hyperdopa-
minergie, la pensée, l’attention, sont diffuses, « cinématoscopiques, en trois dimen-
sions ». Alors, « qui trop embrasse mal étreint » ; et les réponses sont inadaptées et
les souvenirs s’en trouvent très perturbés.
Les expériences chez l’animal de lésions, les micro-injections localisées d’agents
pharmacologiques dans certaines structures cérébrales, les données de la patholo-
gie (en particulier les accidents vasculaires cérébraux aux conséquences focales), la
tomographie par émission de positons (TEP ; PETscan) qui mesure l’activation de
certaines régions du cortex par les niveaux d’attention visuels, auditifs, ont apporté
quelques éclaircissements dans cette physiologie si complexe de l’Homme neuronal
[11]. Il apparaît ainsi que le pulvinar, un noyau postérieur du thalamus, qui est en
relation avec les diverses aires du cortex visuel, joue un rôle important dans l’at-
tention visuelle sélective. Le GABA (acide gamma aminobutyrique, un médiateur
inhibiteur), ou les agents pharmacologiques qui miment son action (tel le musci-
mol) inhibent l’activité de neurones qui, à partir de cette structure, projettent sur
le cortex, et ce faisant perturbent l’attention, comme le fait la lésion du pulvinar.
D’autres structures sont impliquées dans d’autres types d’attention ; ainsi, le col-
liculus supérieur, le cortex pariétal postérieur… À propos de ce dernier, il faut
souligner que sa lésion unilatérale (à la suite d’un accident vasculaire) est à l’ori-
gine du « syndrome de négligence », dans lequel le sujet ignore les événements de
toute nature qui surviennent dans l’hémi-espace et l’hémicorps controlatéraux à
la lésion. Ce syndrome correspond à une incapacité d’orienter son attention. Des
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
considérer qu’on a le temps de doubler, qu’il ne peut arriver personne sur le côté au
croisement que l’on traverse, ou qu’il n’y aura personne en face quand on franchira la
bande jaune en haut de la côte… La transmission GABAergique joue un rôle impor-
tant sur le versant anxiolytique. Son activité est accrue de façon allostérique par des
benzodiazépines, qui pourraient agir en s’opposant à l’action de peptides endogènes
dérivés du DBI (diazepam binding inhibitor) et de fragments beaucoup plus courts
de celui-ci, tels l’octadécaneuropeptide (ODN), ou l’octapeptide, qui induisent des
effets anxiogènes, réversés par le flumazénil, l’antagoniste neutre des récepteurs cen-
traux des benzodiazépines [12]. La transmission sérotonergique intervient également
à cet égard. On sait que la stimulation des récepteurs 5HT1a (buspirone) développe
des effets anxiolytiques, et que l’administration d’inhibiteurs sélectifs de la recapture
de sérotonine (SSRI) est active dans les troubles anxieux généralisés (TAG). Le sys-
tème limbique, le circuit de Papez ont été longtemps considérés comme les centres
de gestion de nos émotions, d’autres schémas fonctionnels, qui ne les méconnaissent
pas pour autant, s’enrichissent d’autres structures, telle l’hippocampe.
Le contrôle inconscient de nos programmes moteurs, qui contribue de façon éminente
à notre habileté motrice, est assuré par le cervelet. Le cervelet ajuste en permanence
nos gestes pour assurer leur précision, pour les rendre conformes à ce qui est attendu
du programme moteur, pour assurer leur coordination. De fait, la lésion du cervelet
ou ses perturbations par certains toxiques (alcool, cannabis…) suppriment l’harmonie,
la précision des mouvements, qui deviennent décomposés, maladroits, approximatifs,
dysmétriques, imprécis. L’alcool agirait en produisant une libération d’adénosine qui
stimulerait ses récepteurs du type A1 [13]. Le cervelet comporte une très forte densité
des récepteurs CB1 dont les ligands endogènes sont les endocannabinoïdes.
L’équilibre, la coordination motrice, sont également régulés par le cervelet.
L’ivresse, les troubles délirants, les hallucinations (perceptions sans objet, erronées)
viendront évidemment perturber de façon majeure diverses fonctions requises pour la
conduite. Ces troubles délirants et hallucinatoires, s’ils peuvent être communément
la conséquence d’une psychose (schizophrénie), peuvent aussi émerger de la consom-
mation de drogues psychotomimétiques (L.S.D., amphétamines, cannabis,…).
1.2.1 Éveil
Dans l’éveil, s’illustre, de façon manifeste, la transmission noradrénergique, qui
opère par la stimulation de récepteurs α1 adrénergiques (rappelons que les agents
adrénolytiques α1 sont sédatifs). Cette stimulation α1 pourrait activer la transmis-
sion dopaminergique [14]. La transmission dopaminergique, quant à elle, opère
par la stimulation de récepteurs des types D1 et D2 qui agissent en une synergie
potentialisatrice [15].
La transmission histaminergique joue un rôle important, à partir pourtant de seu-
lement quelques centaines (au plus quelques milliers) de neurones, dont les somas
sont concentrés dans le tubercule mammillaire. Elle s’exprime par la stimulation de
récepteurs H1. Pour mesurer son importance il suffit de considérer le puissant effet
hypnogène des antihistaminiques H1 (antiallergiques) qui franchissent la barrière
hémato-encéphalique et, à l’opposé, les effets éveillants d’antagonistes des auto-
récepteurs H3, qui intensifient la transmission histaminergique (voir les travaux
majeurs du Pr. J.-C. Schwartz).
L’adénosine, dont les origines sont diverses (neuronale, extraneuronale), développe
des effets sédatifs/hypnotiques en stimulant ses récepteurs du type A2a. Le blocage
de ces récepteurs par les méthylxanthines, la caféine, la théophylline, la théobro-
mine, ainsi que la paraxanthine (métabolite de la caféine) développe des effets
éveillants, en s’opposant à l’action de l’adénosine.
La transmission cholinergique est au service de l’éveil, en stimulant des récepteurs
nicotiniques (on retrouve là les effets éveillants/stimulants du tabac et de sa nico-
tine) ; mais elle peut être aussi au service de la sédation quand elle stimule des
récepteurs muscariniques (ce qui explique que leur blocage par la scopolamine
débouche sur des effets stimulants).
La transmission GABAergique, dont l’intensité est accrue par diverses benzodiazé-
pines, est au service de la sédation ; certaines de ces benzodiazépines sont d’ailleurs
utilisées comme hypnotiques.
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
par de très hautes doses (4 g/kg) d’alcool [19]. Une souris soumise à ce haut niveau
d’alcoolémie, loin de rester sur le dos quand on la dispose ainsi, va rester sur ses
pattes et déambuler d’une marche hésitante et ataxique si elle est traitée par de la
caféine. Ainsi, le café permet au sujet ivre d’alcool, au lieu de dormir, de prendre
le volant, mais avec une incoordination et une ataxie qui le rendent dangereux.
Ceci mis à part, le café peut être taxé de « bonne drogue ». Nous avons commis
cet oxymore [20] afin de rappeler que la caféine répond à plusieurs des critères qui
qualifient une drogue, mais en soulignant simultanément qu’elle ne perturbe pas
le psychisme, qu’elle en accroît même les performances et qu’elle ne développe pas
de toxicité manifeste.
Les effets du tabac, et partant de la nicotine sur la conduite sont eux aussi positifs,
en stimulant l’éveil, la réactivité, le tonus psychique dans des limites raisonnables.
Cela ne doit pas faire oublier la grande toxicité du tabac, qui donne rendez-vous
à ses victimes après un long temps d’utilisation (supérieur ou égal à 20 ans). Rap-
pelons qu’un fumeur sur deux mourra d’une affection liée à cette consommation ;
cette drogue étant à l’origine de plus de 60 000 morts chaque année en France.
Le tableau 1.1 réunit les principales autres drogues connues pour affecter la conduite
automobile. Si leurs cibles élémentaires sont différentes, les systèmes aminergiques
qu’elles affectent sont parfois semblables.
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Drogues et accidentalité
La consommation par voie orale (des « space cakes » par exemple) est peu fréquente ;
le cannabis est essentiellement fumé (« joints », « pétards », pipe à eau).
La combustion concerne soit la plante elle-même : feuilles, bractées, courts frag-
ments de rameaux, fleurs ; les fleurs femelles sont plus riches en THC que les
fleurs mâles, surtout quand elles n’ont pas été fécondées (sans semence, c’est la
« sinsemilla » avec des taux extravagants de THC (parfois de l’ordre de 20 %).
La pipe à eau (« chicha, shilom, bang, bong… ») assure le barbotage des fumées
dans l’eau fraîche. Ceci permet à son utilisateur de ne pas limiter ses aspirations
à quelques dizaines de millilitres de fumées, au-delà desquels surviendrait un
échauffement de la cavité buccale et des voies respiratoires. Il peut, après une
expiration forcée, inhaler d’un seul trait tout le volume de sa capacité vitale, soit
près de quatre litres de fumées, qui inondent ses alvéoles pulmonaires déployées.
Le barbotage n’a pas retenu le THC (virtuellement insoluble dans l’eau), il a par
contre débarrassé les fumées des substances irritantes (qui sont très solubles dans
l’eau) ; elles ne déclencheront donc pas une toux qui abrégerait le séjour des
fumées dans l’espace alvéolaire. Le drogué peut donc rester en apnée inspiratoire
pendant une minute, voire davantage, laissant au THC tout le temps de passer
de la lumière alvéolaire dans le torrent circulatoire, en traversant la membrane
alvéolocapillaire. Cette ample inhalation de fumées privées d’oxygène (de par
la combustion) jointe à cette longue apnée, induisent une anoxie qui accroît la
fréquence des battements cardiaques et leur force. C’est donc avec une véhé-
mence redoublée que le sang est envoyé au cerveau, car près d’un quart du débit
cardiaque est destiné au cerveau.
De par sa lipophilie, le THC franchit aisément la barrière hémato-encéphalique.
Il se retrouve bientôt cheminant/diffusant dans le milieu extra cellulaire. Il peut
alors entrer en collision avec ses récepteurs CB1 (mais aussi CB2, que l’on croyait
absents de cerveau, mais que des techniques sensibles permettent désormais de
mettre en évidence dans divers structures cérébrales). Stimulant ces récepteurs asso-
ciés aux neurones, il modifie leur activité, et influe sur une multitude de fonctions
(tableau 1.1), à la mesure du caractère ubiquiste de ces récepteurs.
Ces effets aigus persistent aussi longtemps que le THC demeure en concentrations
élevées dans le milieu extracellulaire ; i.e. durant quelques heures ; tant qu’il n’en
a pas été soustrait par le jeu d’une dissolution dans les lipides de la bicouche des
membranes neuronales en particulier. Cette insertion dans les membranes pourrait
retentir sur la fonction de diverses cibles biologiques insérées dans celles-ci ; il s’agit
là d’un phénomène encore mal connu.
Ainsi, quand le THC disparaît du sang, c’est pour aller dans le cerveau ; et quand
il disparaît des espaces extracellulaires, c’est pour se dissoudre dans la bicouche
lipidique des membranes cellulaires.
Le stockage membranaire du THC va s’incrémenter, sans limite, à chaque consom-
mation. Mais une désorption, un relargage s’opèrent au très long cours, faisant alors
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Drogues et accidentalité
repasser le THC devant les récepteurs CB1 qui avaient été confrontés antérieure-
ment à de beaucoup plus fortes concentrations et dont, de ce fait, une beaucoup
plus forte proportion d’entre eux avaient été stimulés. Ce reflux à de faibles concen-
trations ne prolonge l’effet du cannabis que sur seulement quelques systèmes, ceux
pour lesquels existent des « récepteurs de réserve ».
Pour des doses élevées de THC et/ou en relation avec certaines prédispositions ou
vulnérabilité particulières peuvent émerger des troubles délirants [28] ; c’est-à-dire
une pensée coupée de la réalité qui s’apparente au rêve éveillé. Plus encore que
l’ivresse, cet état délirant est incompatible avec la conduite des véhicules.
Il en va de même des hallucinations, ces perceptions sans objet, erronées, qui peu-
vent, elles aussi, résulter, de la consommation de doses élevées de THC [29], ou de
prédispositions individuelles ou encore d’associations à d’autres drogues ainsi qu’à
d’autres agents psychotropes (en particulier des anticholinergiques muscariniques
d’action centrale, tels que les antidépresseurs tricycliques).
Le cannabis perturbe la mémoire de travail, la mémoire à court terme, la mémoire
opérationnelle. L’action instantanée se trouve coupée de ce qui l’a précédée tandis
qu’est altéré le sens de l’anticipation de ce qui devrait suivre. C’est l’oubli de tel
panneau qui annonce un virage sévère ou de tel autre qui signale un croisement ;
dès lors il n’y a plus de raison de ralentir sa vitesse.
Le THC s’oppose à la formation d’une mémoire à long terme à partir de cette
mémoire à court terme perturbée. Il aide à l’oubli des événements douloureux
ou ayant suscité la peur mais, ce faisant, il enlève à ceux-ci leurs vertus éducatives
[17, 30].
Le THC trouble l’élocution, le sujet recherche les mots, de là des barrages dans son
discours. Souvent il « saute du coq à l’âne », passant sans transition d’une action à
une autre, sans rapport avec la première. Le sujet est perturbé dans sa capacité de
choisir devant une alternative ; incapable aussi de choisir entre le pertinent et le
futile. Il présente une grande paresse intellectuelle [31].
Le cannabis altère le traitement de l’information, le panneau est vu, lu, mais il n’est
pas intégré, pas compris pour ce qu’il signifie.
Le cannabis modifie les fonctions exécutives.
Le THC altère le sens chronologique, modifie la perception du déroulement du
temps, il trouble de ce fait sa gestion.
Par son action cérébelleuse, il trouble la coordination des mouvements [25], leur
précision, leur caractère harmonieux, il induit une ataxie, une dysmétrie, des trou-
bles de l’équilibre [32].
Parfois, sous son influence, surgissent inopinément des crises d’angoisse aiguë ;
« panic attack », ou ailleurs une impulsivité, ou encore des raptus agressifs [33].
L’usage chronique peut être à l’origine d’un syndrome dépressif [34], derrière lequel
se profilent souvent des tentations suicidaires voire même des tentatives de suicide.
Un certain nombre d’accidents de la route inexpliqués pourraient peut-être trouver
là leur explication.
Insistons sur l’anosognosie très commune du fumeur de cannabis. Il apparaît sou-
vent incapable de percevoir les handicaps, troubles, altérations, qu’il s’inflige en
consommant cette drogue.
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
Pour des consommations identiques, les effets diffèrent d’un individu à l’autre,
selon que la rencontre avec le cannabis est peu fréquente ou au contraire qu’elle est
régulière. Des phénomènes de tolérance, d’accoutumance se développent en effet,
qui aboutissent à mieux (ou moins mal) supporter des doses qui étaient primitive-
ment à l’origine d’importantes perturbations comportementales. Ces phénomènes
de tolérance sont dissociés selon les fonctions considérées. Certains effets s’effacent
notablement, tandis que d’autres persistent [37].
L’action résolue engagée contre l’alcool, action facilitée par sa détection aisée, doit
s’appliquer avec la même rigueur vis-à-vis du cannabis ; d’autant que dans une
récente étude Française [39] l’association du cannabis à l’alcool, que l’on sait très
détériorante au volant, est trouvée chez 40 % des sujets impliqués dans des acci-
dents de la route, « positifs au cannabis ».
L’étude consacrée à la responsabilité du cannabis dans l’accidentalité routière,
réalisée par Mura et coll., en 2003 [40], a évidemment essuyé les critiques de
ceux qu’elle dérangeait. Elle apparait désormais, après extension et comparaison à
d’autres études pratiquées à l’étranger, comme princeps. Elle a eu l’énorme mérite
d’attirer l’attention, qui était alors délibérément occultée, sur les conséquences très
néfastes de cette drogue sur la route, dont sont mieux précisés chaque jour les
méfaits en ce domaine et en de nombreux autres [41].
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
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Drogues et accidentalité
[19] El Yacoubi M, Ledent C, Parmentier M, Costentin J, Vaugeois JM. Caffeine reduces hypnotic
effects of alcohol through adenosine A2a receptor blockade. Neuropharmacol. 2003 ; 45 :
977-985.
[20] Naassila M, Ledent C, Daoust M. Low ethanol sensitivity and increased ethanol consump-
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chomotor tests in relation to blood cannabinoids levels following oral administration of
30
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
31
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Jocelyne Arditti1, Alain Verstraete2, Erika Kuhlmann3
Aspects légaux
et réglementaires
2
en France et en Europe
33
Drogues et accidentalité
2.1.1.2 Stupéfiants
Aucune disposition relative à l’usage des stupéfiants au travail n’est abordée dans
le code du travail mais certains articles faisant appel aux obligations générales
en matière de santé et de sécurité peuvent servir de référence. Ainsi l’employeur
a une obligation de sécurité à l’égard des salariés et de protection de leur santé
(art. L.230-2), et les salariés doivent « prendre soin de leur santé et leur sécurité
ainsi que celles des autres personnes concernées du fait de leurs actes ou leurs
missions au travail » (art. L.230-3). Le médecin du travail peut avoir recours au
dépistage dans le cadre de la procédure d’aptitude à l’embauche et au travail ou
dans le cadre des examens complémentaires (art R.241-48 à 52), il peut aussi se
référer à la circulaire 90/13 au 9 juillet 1990 [6] du ministère chargé du Travail.
En effet « si rien ne justifie la mise en place d’un dépistage systématique », des cas
particuliers peuvent justifier un dépistage s’il peut constituer une garantie pour
autrui et si les postes de travail comportent de grandes exigences en matière de
sécurité et de maîtrise du comportement.
L’employeur a, de plus, à sa disposition des outils réglementaires pour prévenir les risques
liés aux consommations occasionnelles ou régulières de substances psychoactives :
› Le règlement intérieur (art. L.122-34) du code du travail dans le cadre des
mesures d’hygiène et de sécurité peut prévoir un dépistage biologique lors de la
visite d’embauche ou de la visite médicale périodique chez les salariés occupant
des postes particuliers définis avec les partenaires sociaux, sous la responsabilité
du médecin du travail soumis au secret médical.
› Les interdictions réglementaires de consommation de stupéfiants applicables à
l’ensemble de la population (loi n° 70-1320 du 31/12/70 [7] ; loi n° 2007-297
du 5 mars 2007 [8] ; art. L. 3421-1 du code de la Santé publique [9]).
› Le code de la route [10], la conduite sous stupéfiants est sanctionnée pénale-
ment (art. 221-6-1 du code pénal [11]). Le préfet peut soumettre à des analyses
ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques notamment salivaires et
capillaires, tout conducteur en infraction.
› Les arrêtés concernant le secteur des transports.
Ainsi l’addiction aux substances psychoactives, si elle reste une problématique déli-
cate, a fait l’objet de réflexions au niveau gouvernemental depuis 2004.
35
Drogues et accidentalité
Le plan gouvernemental 2004–2008 de lutte contre les drogues illicites incite déjà
à la responsabilisation des divers acteurs du monde du travail [12]. Un groupe de
réflexion s’est mis en place en mai 2005, à l’initiative du président de la MILDT
et a établi un rapport [13] présentant 27 recommandations regroupées sous
5 orientations :
› lever le déni en ce qui concerne les conduites addictives dans le monde du
travail,
› promouvoir une approche intégrée articulant les dimensions sanitaire, sécuri-
taire et réglementaire des conduites addictives,
› construire une politique de prévention,
› inclure le dépistage dans la politique globale de prévention selon des protocoles
formatés,
› traiter de façon particulière mais en interrelation la responsabilité de chacun
des acteurs : l’entreprise, le salarié, le médecin du travail.
Il est de plus proposé d’apporter des modifications au code du travail, au code
de la Santé publique et d’inclure dans le plan santé travail la problématique des
conduites addictives.
Enfin le plan gouvernemental d’addiction 2007–2011 dans la fiche n° 1-9 [14]
propose de promouvoir le dépistage des substances psychoactives dans le respect du
droit du travail, de la préservation de la vie privée et des droits personnels.
employés dans chaque aspect lié au travail, et l’article 6 exonère les employés de
la responsabilité pour le coût financier. L’article 11 déclare que les « employeurs
consulteront les employés et/ou leurs représentants et leur permettront de parti-
ciper aux discussions sur toutes les questions concernant la sûreté et la santé au
travail ». L’article 13 (d) déclare que les employés doivent immédiatement signaler,
à l’employeur et/ou aux travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de
protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, toute situation de travail
dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et
immédiat pour la sécurité et la santé.
La directive 95/46/EC de l’Union européenne sur la protection de données, arti-
cle 8 [15] énonce que le traitement des données personnelles liées à la santé est
interdit, bien qu’il y ait un certain nombre d’exceptions. Le groupe de travail de
l’article 29 a émis un avis sur le traitement des données personnelles dans le contexte
d’emploi qui adresse le traitement des données de santé dans un rapport d’emploi.
Les tests de drogue en milieu de travail seront effectués conformément aux principes
de protection de données comme fixé dans la directive 95/46/EC. Une consultation
en novembre 2002 par le directorat-général Emploi a identifié les tests de drogue
en milieu de travail comme un des secteurs d’activité à étudier prochainement
dans le domaine de la protection des données personnelles des employés. À la
lumière de ceci, la Commission a indiqué dans l’agenda social européen adopté
en février 2005 qu’elle lancera une initiative au sujet de la protection des données
personnelles des employés.
Finalement, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de décem-
bre 2000, qui adresse les établissements et les corps de l’union avec le respect dû au
principe de la subsidiarité et aux États membres quand ils mettent en application la
loi de l’Union européenne, contient l’article 7 (droit à la vie privée) et 8 (droit à la
protection des données personnelles). Des limitations de l’article 7 sont identiques à
celles autorisés pour l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les limitations ne peuvent être faites que « seulement si elles sont nécessaires et
rencontrent véritablement les objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou la
nécessité de protéger les droits et les libertés des autres » (art. 52 [15]).
Pour tous les pays européens, il existe différentes possibilités.
La Convention européenne des droits de l’homme et les directives de l’Union
européenne concernant la protection de données et la santé et sécurité au travail
semblent avoir été mises en application dans les lois de presque tous les pays. Il y a
ainsi un degré élevé d’harmonisation selon quelques principes de base. Les autorités
nationales de protection de données ont fait des déclarations claires sur les tests de
drogue en milieu de travail dans certains pays.
Il y a souvent un niveau qualifié de risque/réponse, cependant qualifié de différentes
manières : beaucoup de pays déclarent que le test de drogue peut avoir lieu quand il y a
un risque pour la santé, la sûreté ou la sécurité, ou quand il est « nécessaire », « propor-
tionné », « justifié » ou « raisonnable », ou quand il y a soupçon de prise de drogues.
37
Drogues et accidentalité
L’insistance sur les aspects de santé, plutôt que l’illégalité de la prise de drogues est
également un principe dans plusieurs pays : dans beaucoup de pays le médecin du
travail peut seulement informer l’employeur si un employé « est adapté au travail »,
plutôt que d’indiquer les résultats du test de drogue. Il y a des déclarations que le test
de drogue devrait faire partie d’une politique de santé globale et que le test de drogue
devrait tester si le sujet est sous influence (par opposition à la détection de toutes les
traces des drogues). L’employeur a un devoir légal de fournir un lieu de travail sûr.
Les pays varient considérablement dans l’accent sur les tests avant ou pendant
l’emploi. Le test de drogue est autorisé pour des demandeurs du travail dans quel-
ques pays dans certaines situations ; des changements de contrat pour inclure une
clause d’accord sur le test de drogue devraient être négociés avec les syndicats ou
les associations des employés ; les employés devraient donner leur consentement
éclairé préalable ; et dans quelques pays une clause contractuelle d’« accord » est
n’est pas considérée comme un consentement volontaire.
Sanctions
Quelques pays pénalisent spécifiquement le test de drogue injustifié par des amen-
des criminelles, comme infraction du respect de la vie privée des travailleurs ou
comme infraction du respect de la vie privée en général. Cependant, la directive de
l’Union européenne concernant la protection de données laisse la possibilité aux
États membres de définir toutes les sanctions pour l’infraction de la protection de
données.
2.1.3.1 Finlande
La loi sur la drogue en milieu de travail (759/2004) sections 7-8 permet les tests de
dépistage de drogue en milieu du travail, aux frais de l’employeur, chez les deman-
deurs d’emploi qui sont sélectionnés, ou chez les employés [16]. Les tests sont
permis dans certaines circonstances définies, où l’intoxication ou la dépendance
peut mettre en danger la vie, la santé, la sécurité nationale ou la sécurité routière,
la sécurité des données dans l’intérêt public, ou la confidentialité commerciale ou
professionnelle.
Le décret du Conseil d’État sur la bonne pratique des tests de drogue en milieu du
travail donne les détails des procédures. Des recommandations pour les laboratoires
38
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
ont été développées [17]. Elles sont en général conformes avec les recommandations
de la European Workplace Drug Testing Society.
La loi sur la médecine du travail exige que la nécessité des tests soit évaluée par un
professionnel de la santé, et non pas par l’employeur [18]. Seule une conclusion
générale sur la santé d’un employé (apte, apte avec restrictions, ou inapte) peut être
donnée à l’employeur. L’employeur est également obligé de préparer en coopération
avec les employés une ligne de conduite écrite complète de prévention en matière
d’alcool et de drogues dans l’entreprise.
Les tests doivent suivre la législation sur les droits des patients (785/1992) ; la
section 5 exige le consentement éclairé du patient, un employé ayant donc le droit
de refuser le test de dépistage.
2.1.3.2 Irlande
La section 13 de la loi de 2005 sur la sûreté, la santé et le bien-être au travail exige
des employés de ne pas être sous l’influence au travail, et de se soumettre aux tests
de drogue si c’est raisonnable. C’est une infraction, punissable par une amende ou
la prison (section 77). L’employeur peut demander au médecin de vérifier l’aptitude
médicale au travail des employés (section 23). Le médecin doit informer l’em-
ployeur de la décision, et l’employé de la raison de la décision. La section 8 oblige
l’employeur à fournir un lieu de travail sûr. Des règlements mettront en application
cette loi et définiront des détails.
En Irlande cette législation spécifique a été bien accueillie par toutes les parties
parce qu’elle apportait la clarté légale aux procédures qui étaient déjà communé-
ment pratiquées.
2.1.3.3 Norvège
Le fait d’être soumis à des examens médicaux (par exemple un test de drogue) est
une interférence sérieuse à l’intégrité personnelle de l’employé/du demandeur de
travail et devrait seulement être effectuée si elle est strictement nécessaire.
La loi n° 62 du 17 juin 2005 concernant l’environnement du travail, les heures
de travail et la protection d’emploi, section 9-4, déclare que l’employeur peut
seulement exiger des examens médicaux (par exemple des tests de drogue) confor-
mément à la loi ou à un règlement :
› pour les positions qui sont associées à un risque spécial ;
› quand l’employeur trouve nécessaire de protéger la vie ou la santé des employés
ou d’un tiers.
Ces dispositions s’appliquent par rapport aux employés et aux demandeurs d’emploi.
La section 9-4 est approfondie dans le sens que le consentement de l’employé ou
du demandeur de travail ne fournit pas de base juridique suffisante pour le test de
drogue. Le test de drogue doit également être conforme aux dispositions générales
de la section 9-1, qui déclare que toutes les mesures de contrôle doivent être objec-
tivement justifiées et pas un fardeau disproportionné pour l’employé.
39
Drogues et accidentalité
En outre la section 9-2 établit une obligation pour l’employeur de discuter des
mesures de contrôle avec les représentants élus des employés dès que possible et
de fournir les informations aux employés au sujet de certains aspects des mesures
de contrôle.
Ainsi une législation européenne unique concernant les conduites addictives en
milieu professionnel permettrait de mettre en application les mêmes procédures
au sein d’une société multinationale.
Les épreuves de dépistage sont effectuées [26] dans l’air alvéolaire expiré à l’aide
d’un éthylotest homologué [27]. Les éthylotests peuvent se présenter sous forme
de ballon à usage unique (catégorie A, norme NF X 20702) ou d’éthylotests élec-
troniques [28] réutilisables (catégorie B, norme NF X 20703, 20704).
Le dépistage ne peut établir qu’une présomption d’état alcoolique et doit être
confirmé par une méthode de confirmation.
Il y a deux méthodes de confirmation. Si le dépistage est positif (dépassement
probable du seuil légal : 0,25 mg/L d’air depuis 1995), l’état alcoolique devra être
confirmé dans les plus brefs délais, soit :
› Par l’analyse de l’air expiré, avec un éthylomètre agréé [29] et contrôlé depuis
moins d’un an. Après notification du résultat [30] le conducteur peut demander
une seconde mesure ; ce contrôle peut aussi être à l’initiative des autorités de
police ou judiciaires. La seconde mesure sera effectuée immédiatement après
vérification du bon fonctionnement du matériel.
› Au moyen d’analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques : recherche
de l’alcool dans un premier échantillon sanguin, un second échantillon est
effectué et conservé.
Le choix entre ces deux modes de confirmation [31] est réservé aux forces de l’ordre
en fonction de leurs moyens et des capacités physiques du conducteur ; l’intéressé
ne choisit pas. Les méthodes sont exclusives l’une de l’autre.
Un arrêté du 27/09/1972 prévoit les modalités et les sites des prélèvements
sanguins :
› Chez le vivant : deux tubes (30 mg de fluorure de sodium) où sont répartis au
moins 12 mL de sang prélevé par ponction veineuse par un médecin ou un
interne en médecine qui réalise aussi un examen clinique et remplit la fiche B ;
le désinfectant utilisé pour le prélèvement ne doit contenir ni alcool, ni éther,
ni formol.
› Chez un sujet décédé : deux flacons (merthionate de sodium à la concentration
de 1/5 000) contenant du sang recueilli par sondage des artères fémorales ou
sous-clavières.
Ces tubes seront protégés par des contenants fermés et identifiés, dotés d’un système
de fermeture permettent la pose d’un scellé [32].
Les méthodes officielles en vigueur pour le dosage de l’alcool dans le sang sont :
› la méthode de distillation/oxydo-réduction dite de Cordebard [33] (cotée B50) [34]
dont la technique est largement détaillée dans un arrêté du 30/11/1972 [35] ;
› la technique dite de « chromatographie en phase gazeuse » autorisée depuis un
arrêté du 6/03/1986 (cotée B120) [36].
Le résultat d’alcoolémie obtenu est mentionné sur la fiche C en précisant quelle
méthode officielle a été utilisée.
41
Drogues et accidentalité
TABLEAU 2.1 Seuils légaux d’alcool dans l’air expiré et dans le sang.
Année – Texte Taux légaux dans l’air expiré Taux légaux dans le sang
Loi du Seule la notion de taux
18/05/1965 anormalement élevé est avancée
Pas de taux légal précis
Loi du Alcoolémie ≥ 0,80 g/L →
09/07/1970 contravention
Alcoolémie ≥ 1,20 g/L → délit
Loi du Introduction d’un taux légal dans Suppression du double seuil
8/12/1983 l’air expiré
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Concentration ≥ 0,35 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,70 g/L
du 11/07/1994 expiré → contravention → contravention
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Concentration ≥ 0,25 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,50 g/L
du 29/08/1995 expiré → contravention → contravention
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Pour le conducteur de véhicule de transport en commun exclusivement
du 25/10/2004 Concentration ≥ 0,10 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,20 g/L
expiré → contravention → contravention
2.2.1.2 Stupéfiants
L’article L.235-1 du code de la route, issu de la loi du 18/06/1999 relative à la
sécurité routière (loi n° 99-505), a institué une recherche obligatoire des stupéfiants
chez tout conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation routière.
Ce texte a largement évolué en 2001 et 2003 ; la recherche des stupéfiants est main-
tenant élargie sans être systématisée, à tout conducteur ou accompagnateur d’élève-
conducteur : impliqué dans un accident corporel ou un accident quelconque [37],
auteur présumé d’infraction entraînant une suspension de permis ou d’une infrac-
tion relative à la vitesse ou au port de la ceinture ou du casque, à l’encontre duquel
il existe une raison plausible de soupçonner l’usage de stupéfiants [38].
42
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
L’arrêté du 5 septembre 2001 fixe les modalités de dépistage des stupéfiants et des
analyses et examens prévus par le décret n° 2001-751 (27/08/2001) ; ces opérations
sont réalisées de la façon suivante.
Le recueil de liquide biologique et le dépistage [39] sont réalisés par un docteur
en médecine (praticien hospitalier ou médecin de ville) ; les épreuves de dépistage
consistent à rechercher dans les urines (recueillies dans un flacon stérile de 10 mL,
sans additif et incassable) la présence d’un ou plusieurs produits stupéfiants (can-
nabis, amphétamines, cocaïne, opiacés).
Le dépistage est réalisé à l’aide de tests de dépistage [40] qui sont mis à disposition
du médecin par les forces de l’ordre.
En cas de résultat sanguin positif lors de la recherche et le dosage des produits stu-
péfiants, une recherche complémentaire est effectuée à partir du même prélèvement
sanguin afin de déterminer la présence dans le sang de médicaments psychoactifs
ayant des effets sur la capacité de conduire des véhicules ; la recherche dans le
sang des médicaments psychoactifs est effectuée en utilisant les techniques dites
de « chromatographie en phase liquide haute performance couplée à une barrette
de diodes » et de « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie
de masse ».
Le décret n° 2003-293 prévoit depuis le 31/03/2003 une modification du code de
la route concernant la recherche de médicaments psychoactifs :
› à l’article R.235-10, il est précisé que celle-ci ne doit plus être pratiquée dans
les conditions du texte initial de 1999, c’est-à-dire, après une analyse sanguine
ayant révélé la présence de produits stupéfiants ;
› l’article R.235-11 indique que la recherche de médicaments psychoactifs peut
être réalisée à la demande du conducteur.
L’ensemble des examens médicaux, cliniques et biologiques sont consignés sur les
fiches D et E ; précisons que la fiche E n’est pas renseignée en cas de décès. Les
résultats d’analyse sont mentionnés sur les fiches F.
Après analyse, le laboratoire ou l’expert conserve un des deux flacons en vue
d’une éventuelle contre-analyse ou contre-expertise qui peut être demandée par
le conducteur, au procureur de la République, au juge d’instruction ou au juge
de la juridiction de jugement ; dans ce cas, l’examen technique ou l’expertise sera
effectué par un autre laboratoire ou un autre expert répondant aux conditions
adéquates.
44
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
TABLEAU 2.2 Seuils minima de détection des stupéfiants avec des tests urinaires et salivaires.
TABLEAU 2.3 Limites analytiques dans le sang, le plasma ou le sérum comme convenu
ou proposé dans différents pays (toutes les concentrations en ng/mL, excepté
pour le Danemark et la Suède : ng/g).
Belgique
Allemagnea Danemark France Suède Suissed
(1999/2009)
Amphétamine 50 50/25 20 50 30 15 (22)b
MDMA 50 50/25 20 50 20 15 (22)
MDEA 50 50/– — 50 20 15 (22)
MDA — 20
MBDB 50/– 20 20
Cocaïne 50/25 20 50 20 15 (22)
Benzoylecgonine 150 50/25 — 50 20 —
Morphine (libre) 20 20/10 10 20 5 15 (22)
THC 1c 2/1 1 1 0,3 1.5 (2,2)
a
: Des seuils inférieurs ont été proposés, mais ils ne sont pas encore employés partout.
b
: Pour la Suisse également 15 ng/mL pour la méthamphétamine.
c
: Décision de la cour constitutionnelle fédérale du 21 décembre 2004 (1 BvR 2652/03).
d
: Les chiffres entre la parenthèses sont les seuils qui tiennent compte de l’incertitude de mesure.
MDMA : méthylène dioxyméthamphétamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxy-N-
éthylamphétamine ; MDA : méthylène-dioxy-amphétamine ; MBDB : N-méthyl-benzodioxazolyl-
butanamine ; THC : delta-9-tétrahydrocannabinol.
48
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
[16] Lamberg ME, Kangasperko R, Partinen R, Lillsunde P, Mukala K, Haavanlammi K. The Finnish
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[18] Lillsunde P, Mukala K, Partinen R, Lamberg M . Role of occupational health services in
workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 103-106.
[19] Article 11 – Lo i n° 54-439 relative au traitement des alcooliques dangereux pour autrui.
[20] Décret n° 55-807 relatif à la lutte contre l’alcoolisme.
[21] Voir revue réalisée par M. Deveaux. In : Mura P (coordinateur). Alcool, médicaments,
stupéfiants et conduite automobile. Collection option Bio, Elsevier, 1999 : 3-19.
[22] Article L.234-1 et suivants – Chapitre 4 – Titre 3 – Livre 2 – Partie législative du CDR et article
R.234-1 et suivants – Chapitre IV – Titre III – Livre II – Partie réglementaire du CDR.
[23] Décret 96-995 du 13/11/1996.
[24] Depuis le décret n° 55-807 du 18/06/1955.
[25] Loi n° 90-977.
[26] Loi n° 70-597 du 09/07/1970, généralisant le dépistage dans l’air expiré.
[27] Arrêté du 14/6/1972 : définition d’un cahier des charges concernant des appareils de
dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré.
[28] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983.
[29] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983.
[30] Décret n°86-71 du 15/01/1986.
[31] Arrêté du 27/09/197.
[32] Arrêtés du 27/09/1972.
[33] Décret du 21/06/1955 et circulaire du 5/12/1955.
[34] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice.
[35] Page 12408 du Journal officiel.
[36] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice.
[37] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2001-1062 du 15/11/2001 chapitre IV article 21.
[38] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2003-87 du 03/02/3008.
[39] Articles R.235-3 et R.235-4 du CDR.
[40] Article L.5133-7 du code de la Santé publique.
[41] Article R.235-6 du CDR.
[42] Article R.235-10 du CDR.
[43] Article R.235-9 du CDR.
[44] Article R.235-10 du CDR.
[45] Raes E, Verstraete AG. Usefulness of roadside urine drug screening in drivers suspected of
driving under the influence of drugs (DUID). J. Anal. Toxicol. 2005 ; 29(7) : 632-636.
49
Drogues et accidentalité
[46] Maes V, Samyn N, Willekens M, De Boeck G, Verstraete AG. Stupéfiants et conduite auto-
mobile – les actions réalisées en Belgique. Ann. Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 128-137.
[47] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in
blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.
[48] Ojaniemi KK, Lintonen TP, Impinen AO, Lillsunde PM, Ostamo AI. Trends in driving under
the influence of drugs : a register-based study of DUID suspects during 1977-2007. Accid.
Anal. Prev. 2009 ; 41(1) : 191-196.
[49] Moeller MR. Stupéfiants et conduite automobile – les actions réalisées en Allemagne. Ann.
Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 145-150.
[50] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in
blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.
50
Jean-Pierre Anger1, Sophie Fantoni-Quinton2, Michel Lhermitte3
3
Alcool éthylique (éthanol)
51
Drogues et accidentalité
52
Alcool éthylique (éthanol)
Le degré d’une boisson alcoolique indique le volume d’alcool pur contenu dans
100 volumes de boisson. Il doit être mentionné sur l’étiquette de la bouteille. En
prenant une densité de 0,8 pour l’alcool et en ne considérant que des verres de
tailles normalisées (servis dans un débit de boisson), chaque verre bu apporte une
masse d’éthanol très proche de 12 g.
3.3.1 Absorption
La principale voie de pénétration de l’éthanol dans l’organisme est la voie orale. Les
voies respiratoire et cutanée sont quantitativement négligeables en dehors de situations
accidentelles. Après ingestion, l’éthanol est absorbé au niveau de l’estomac (environ
53
Drogues et accidentalité
1,5
Éthanolémie (g/l)
1,0
0,5
0
2 3 4 0 15 6 7
Temps (heures)
Valeurs obtenues chez un homme ayant consommé 0,80 g d’alcool/Kg de poids corporel
avant ( ) ou après ( ) le petit déjeuner.
FIG. 3.1 Toxicocinétique d’absorption de l’éthanol à jeun ou après un repas
(d’après [15]).
3.3.2 Distribution
Après absorption, l’éthanol est distribué dans les différents compartiments très vas-
cularisés de l’organisme comme le cerveau, les poumons et le foie. Les concentra-
tions en alcool dans ces différents organes sont très rapidement équilibrées avec les
concentrations sanguines. En raison de son caractère hydrophile, l’alcool imprègne
l’organisme un peu comme l’eau imbibe une éponge. L’éthanol circule librement
dans le sang et les organes sans se lier aux protéines plasmatiques, sa solubilité dans
54
Alcool éthylique (éthanol)
H2O2 + Catalase
CoA-SH
GMP
+ PPi
Acides gras
Cyt P2E1 + O2 + NADPH + H+
Cholesterol
Porphyrines CH3-CO-S-CoA
Cycles de Krebs CO2 + H2O
Les ADH sont des enzymes ubiquitaires ayant de multiples substrats endogènes et
exogènes : elles catalysent l’oxydation de différents alcools (éthanol, glycérol, réti-
nol, alcools stéroïdes, etc.) en aldéhydes. Cinq classes d’ADH ont été caractérisées
sur la base de leurs propriétés structurales et cinétiques.
La voie de l’ADH est la plus importante, mais elle se trouve toutefois limitée par
la quantité disponible de NAD+ car le NADH+ formé doit être réoxydé. Bien que
théoriquement plusieurs voies métaboliques puissent l’assurer, la réoxydation du
NADH a lieu essentiellement dans la chaîne respiratoire mitochondriale. Or la
membrane mitochondriale est imperméable au NADH. Le problème est résolu grâce
au fonctionnement de la navette malate-aspartate où la malate-déshydrogénase joue
un rôle central. Cette enzyme réduit dans le cytoplasme l’oxaloacétate en malate,
réaction permettant l’oxydation du NADH en NAD. Le malate passe ensuite dans
la mitochondrie où il est oxydé en oxaloacétate tandis que le NAD est réduit en
NADH qui sera ensuite réoxydé au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale.
L’oxalo-acétate est alors transformé en aspartate qui repasse dans le cytoplasme
où il est à nouveau oxydé en oxalo-acétate dont la réduction en malate permet la
réoxydation du NADH en NAD.
56
Alcool éthylique (éthanol)
3.3.3.1.3 Catalase
La catalase est une hémoprotéine localisée dans les peroxysomes de la plupart des
tissus. Elle catalyse la réaction suivante :
CH3CH2OH + H2O2 → CH3CHO + 2H2O
La catalase est capable d’oxyder l’éthanol en présence de peroxyde d’hydrogène qui
est produit au cours de différentes réactions du métabolisme intermédiaire comme
la dégradation des bases puriques, lors de la transformation de l’hypoxanthine en
xanthine ou lors de l’oxydation des groupements thiols (-SH) de la cystéine en
glutathion.
L’acétaldéhyde est ensuite très rapidement oxydé dans la mitochondrie en acétate
par l’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH2) en présence de NAD. Cette enzyme
est polymorphe et il peut être inhibé par différents médicaments (disulfirame) pro-
voquant l’effet antabuse dû à l’accumulation brutale d’acétaldéhyde. Ce phénomène
de « flush » s’observe également chez certaines populations orientales déficientes en
isoenzymes de l’ALDH et possédant un variant rapide de l’ADH :
CH3CHO + NAD → CH3COOH + NADH + H+
L’acétaldéhyde peut se lier aux protéines enzymatiques ou microsomiales ou encore
former des adduits avec la dopamine et engendrer la formation de salsolinol, res-
ponsable de la dépendance à l’alcool.
L’acétate, produit d’oxydation de l’acétaldéhyde est oxydé en dioxyde de carbone et en
eau par les tissus périphériques (cœur, muscles et cerveau). L’acétate n’est pas un produit
inerte : il augmente le flux sanguin au niveau hépatique, déprime le système nerveux
central et perturbe divers processus métaboliques. Il est métabolisé en acétylcoenzyme
57
Drogues et accidentalité
FAEE synthétase
Dégâts tissulaires
3.3.4 Élimination
L’éthanol non métabolisé est éliminé par l’air expiré, la sueur et les urines. Une très
faible quantité (moins de 0,5 %) est éliminée sous forme d’éthylglucuronide (EtG)
et d’éthylsulfate (EtS), tous deux métabolites de phase II.
C’est sur l’élimination pulmonaire que repose l’estimation de l’alcoolémie à partir
des concentrations retrouvées dans l’air expiré. En effet, le rapport des concentrations
58
Alcool éthylique (éthanol)
en alcool dans le sang par rapport à l’air expiré permet d’estimer l’alcoolémie en g/L.
Il s’agit donc d’une approximation et en aucun cas une valeur de l’éthylomètre ne
doit être transformée en concentration sanguine ; il faut définitivement admettre
que dosage sanguin et mesure dans l’air expiré sont des modes d’expression diffé-
rents d’un état d’imprégnation alcoolique [13].
Par ailleurs la modélisation mathématique de la courbe d’alcoolémie permet de
considérer que la baisse d’alcoolémie se fait à une vitesse de 0,15 à 0,20 g/L par
heure mais qu’elle est soumise à de grandes variations individuelles.
moyenne, le sujet devenant plus sociable, plus loquace, plus confiant en lui-
même, avec diminution de l’inhibition. On note parallèlement une diminution
de l’attention, du jugement et du contrôle. Cette phase d’euphorie s’accompa-
gne d’une phase d’excitation avec instabilité émotionnelle, perte du jugement
critique, troubles de la mémoire et de la compréhension. Le sujet présente alors
une incoordination motrice, une diminution de réponse aux stimuli sensoriels,
avec augmentation du temps de réponse.
› En second lieu, une phase d’incoordination motrice. Chez le sujet non éthy-
lique chronique, cette phase apparaît à des concentrations de 1,5 à 4 g/L. Le
patient est désorienté et présente un début de confusion mentale. Il y a exacer-
bation des états émotionnels, des troubles sensoriels (diplopie, mydriase…) et
de la perception des couleurs, des formes, des dimensions et des mouvements.
Le seuil de perception de la douleur est augmenté. L’incoordination motrice est
franche, la démarche est ébrieuse, voire impossible et il en est de même pour la
station debout. La diminution de réponse aux stimuli sensoriels est marquée.
Le sujet présente des troubles de la conscience, de la somnolence à la stupeur.
Il peut vomir et devenir incontinent.
› Enfin, la phase comateuse. Cette phase intervient pour des concentrations en
éthanol qui sont le plus souvent supérieures à 3 g/L. Le sujet est inconscient,
comme anesthésié et présente une diminution ou abolition des réflexes, une
hypotension, une dépression respiratoire, une hypothermie et un relâchement des
sphincters. Le décès est possible en cas de survenue de complications respiratoires,
dont le risque est accru pour des concentrations égales ou supérieures à 5 g/L.
Le parallélisme entre l’état clinique et l’alcoolémie est surtout observable chez le sujet
non éthylique chronique. Celui-ci n’existe plus en cas de chronicité des prises où des
alcoolémies élevées (3 à 4 g/L) ne s’accompagnent pas de troubles de la vigilance.
3.6 Législation
L’alcool est une drogue légale dont la production, le commerce, la distribution et la
consommation sont réglementés en France depuis plusieurs siècles, principalement
depuis que ces boissons sont taxées par l’État. L’État s’est ensuite préoccupé de
l’ordre public en sanctionnant l’ivresse publique depuis 1873. La santé publique
et la lutte contre l’alcoolisme sont des préoccupations plus récentes, la première
manifestation en est l’interdiction en 1915 de la production d’absinthe, la « fée
verte » très prisée au xixe siècle notamment par les artistes comme Van Gogh,
Verlaine ou Toulouse-Lautrec mais dont la toxicité rendait fou. La publicité des
boissons alcoolisées est réglementée depuis 1941. L’État s’est ensuite préoccupé de
réglementer les débits de boisson, d’en limiter le nombre et de protéger les mineurs
avec le code des débits de boisson et de lutte contre l’alcoolisme, établi depuis 1954
et maintenant intégré dans le code de la Santé publique. Il a également limité le
nombre de bouilleurs de cru en abrogeant la transmission de ce droit. L’alcool au
volant est réprimé depuis 1965 et la consommation d’alcool sur les lieux de travail
est réglementée depuis 1973. La plupart des dispositions législatives sont dans le
code de la Santé publique, mais d’autres codes contiennent aussi des dispositions
législatives ou réglementaires relatives à l’alcool (code pénal, code du travail…).
62
Alcool éthylique (éthanol)
64
Alcool éthylique (éthanol)
La législation varie selon les pays de l’Union européenne. La législation sur l’alcool
au volant dans ces pays est reprise dans le tableau 3.2 ci-après [16].
65
Drogues et accidentalité
TABLEAU 3.2 Limites des taux d’alcool au volant dans les pays de l’Union européenne.
66
Alcool éthylique (éthanol)
3.7.2 Confirmation
Si le résultat du dépistage est positif (dépassement probable du seuil de 0,25 mg/L
d’air expiré), la confirmation de l’état alcoolique doit être effectuée dans les plus
brefs délais et peut se faire de deux façons :
› Dans l’air expiré, avec un éthylomètre agréé et contrôlé depuis moins d’un
an. Le résultat est immédiatement notifié au conducteur. Une seconde mesure
peut être effectuée, à la demande du conducteur ou des autorités de police
ou judiciaires, après vérification du bon fonctionnement de l’appareil. Il doit
s’écouler 15 min au moins entre les deux mesures. Il n’est pas prévu d’imprimer
directement le résultat qui est donc consigné par écrit dans le procès-verbal.
Ces mesures ne sont pas des expertises, mais permettent de savoir si l’individu
se trouve en phase montante ou descendante de son alcoolémie.
› Dans le sang : uniquement en cas d’impossibilité de souffler dans l’éthylomètre.
Les deux modes de vérification sont exclusifs l’un de l’autre. Après avoir effectué
l’examen clinique et rempli les fiches B et C : recherche de l’état alcoolique, le
médecin ou l’interne en médecine effectue le prélèvement sanguin par ponction
veineuse au pli du coude avec le matériel fourni par l’administration. Les forces de
l’ordre peuvent y assister. Le désinfectant ne peut être ni un alcool ni de l’éther :
c’est en général un ammonium quaternaire. Les flacons doivent contenir un conser-
vateur, du fluorure de sodium (30 mg pour 8 mL environ de sang prélevé) pour
empêcher la dégradation de l’éthanol dans l’échantillon. L’examen attentif des kits
de prélèvements fournis par les préfectures montre que ces dispositions ne sont pas
toujours respectées puisque d’autres conservateurs sont utilisés. Il faut prélever au
moins 15 mL de sang et les répartir entre les deux flacons, puis bien agiter après
fermeture. Les flacons sont identifiés et scellés par une bande de papier collant.
Le dosage sur le premier échantillon (accompagné de quatre exemplaires des fiches A :
vérifications concernant l’alcoolémie, B et C) est le plus souvent effectué par n’importe
quelle personne jugée techniquement compétente par le responsable du laboratoire. Il
peut bien sûr aussi être effectué par un biologiste expert inscrit sur la liste de la Cour
d’appel de la région. Seule une méthode officielle doit être utilisée et l’expert doit
d’ailleurs en faire obligatoirement mention sur la fiche C où est inscrit le résultat. La
cotation est de B50 pour la méthode chimique (dite de Cordebard) et de B120 pour
67
Drogues et accidentalité
68
Alcool éthylique (éthanol)
leur mesure est envisagée et autorisée par la loi. En fait les appareils actuels utilisent
un filtre à 9,4 μm pour supprimer l’influence de ces solvants. Le cahier des charges
auquel sont soumis les fabricants pour l’homologation de leurs éthylomètres est très
précis sur ce point. En réalité, la possibilité d’obtenir un taux faussement positif (>
0,25 mg/L d’air expiré) uniquement avec un solvant est quasiment impossible. La
seule éventualité est celle d’un individu qui aurait consommé juste ce qu’il faut d’al-
cool pour être au-dessous de la limité légale, mais ayant été exposé également à des
solvants… La réponse de l’appareil à ceux-ci ferait alors franchir la limite légale. Il
faut aussi envisager le cas de l’inhalation de produits industriels contenant plusieurs
entités chimiques volatiles, dont la somme des mesures ferait monter artificiellement
le taux d’alcool mesuré. Ces éventualités sont rares, mais il ne faut pas les négliger.
69
Drogues et accidentalité
mesures reste leur point faible, notamment en cas de présence de méthanol ou d’un
état d’acidocétose. C’est pour cette raison qu’elles n’ont aucune valeur légale.
70
Alcool éthylique (éthanol)
Formule de Widmarck
M=C×R×P
M représente la quantité d’éthanol ingéré en g.
C représente l’éthanolémie en g/L.
R est le rapport entre le pourcentage de l’alcool dans l’organisme et le pourcentage
de l’alcool dans le sang. Ce facteur de répartition R est estimé à 0,68 pour l’homme
et à 0,55 pour la femme.
P représente le poids du sujet en kg.
Pour estimer le nombre de verres bus, il suffira de diviser la quantité d’alcool estimée
par la quantité d’alcool contenue dans un verre de boisson alcoolique. On estime
qu’un verre du commerce contient environ 12 g d’alcool pur. La contenance de ces
verres est normalisée (bière : 250 mL ; vin : 120 mL ; apéritifs et vins cuits à 18° :
80 mL ; boissons distillées à 40° : 40 mL).
3.11 Conclusion
L’alcool représente un coût très lourd pour l’individu et pour la société. Comme
pour toutes les conduites de dépendance, les conséquences de la consommation
excessive d’alcool sont particulièrement graves tant sur le plan physiopathologique,
qu’au plan psychosocial. Si au cours de ce chapitre nous avons évoqué principa-
lement les risques à court terme dont l’ivresse, un état de désinhibition pouvant
être à l’origine d’accidents de la circulation, d’accidents du travail, de violences
publiques ou conjugales, il n’en demeure pas moins que la consommation régulière
d’alcool à long terme entraîne une dépendance qui se manifeste par une recherche
compulsive du produit. L’alcool consommé en excès pendant plusieurs années a des
effets redoutables sur l’organisme, notamment sur le foie et le système nerveux. Les
atteintes du foie provoquent des surcharges en lipides (stéatoses), des cirrhoses, des
hépatites alcooliques, et aggravent l’évolution des hépatites B et C. Les atteintes
du système nerveux diminuent l’activité des neurones et provoquent des troubles
cognitifs, des troubles de la mémoire, de la perception, une détérioration des capa-
cités d’élaboration, une désorganisation des mouvements, des états confusionnels.
En outre le contact du produit avec les voies aérodigestives supérieures entraîne
chez les gros consommateurs d’alcool un risque accru de cancers de la bouche, du
71
Drogues et accidentalité
72
Alcool éthylique (éthanol)
[16] Comité des experts de la sécurité routière. Groupe expertise alcool : Document consulté
sur le site : http ://www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/DPViesSauvees_
Continuons_cle2ecc11.pdf/ le 23 juin 2009.
[17] Deveaux M. Alcool éthylique. In : Kintz P (coordinateur). Toxicologie et Pharmacologie
Médicolégales. Paris : Elsevier 1998 : 111-126.
[18] Widmarck EMP. Principles and applications of medicolegal alcohol determination. Trans-
lated from original publication in German, by RC Baselt, 1932. Biomedical Publications,
1987 : 107-108.
73
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Patrick Mura1 et Véronique Dumestre-Toulet2
4
Cannabis
Introduction
En juin 2003, dans le sud-ouest de la France, un camion benne de collecte de
déchets ménagers se renverse dans un virage avec à son bord le chauffeur et deux
agents de collecte. Les agents de collecte sont légèrement blessés. Le chauffeur
présente un traumatisme thoracique et des lésions de compression aux tiers infé-
rieurs des deux jambes. L’enquête précise que le disque du chrono-tachygraphe
révèle une vitesse de 60 km/h à l’entrée du virage alors que la vitesse y est limi-
tée à 30 km/h. La recherche des stupéfiants dans le sang indique la présence de
cannabinoïdes avec un THC à 4 ng/mL et un THC-COOH à 57,8 ng/mL.
En juin 2008 dans l’Eure, un jeune conducteur de 22 ans décède dans une col-
lision après avoir traversé un terre plein central, heurté un autre véhicule et fait
des « tonneaux ». Ses quatre passagers de moins de 27 ans sont également tués. La
vitesse était en cause, mais pas seulement. Si le conducteur présentait une alcoolé-
mie inférieure à 0,5 g/L, le THC et ses métabolites étaient eux bien présents. Cinq
morts pour un « pétard » !
75
Drogues et accidentalité
En novembre 2008, sur une autoroute du pays Basque, un chauffeur de poids lourd
venant d’Espagne ne ralentit pas dans une zone de travaux et renverse sa remorque
qui contenait des billes de bois. Trois morts sont identifiés dans le véhicule tota-
lement écrasé qui arrivait en face. Les analyses sanguines du chauffeur révèlent la
présence de THC (1,2 ng/mL) et de THC-COOH (21 ng/mL). Le chauffeur a
déclaré aux enquêteurs pendant la garde à vue qu’il n’avait pas vu la signalisation
des travaux et le rétrécissement de chaussée.
En mars 2009, M. X, couvreur zingueur qui travaille sur un toit fait une chute acci-
dentelle d’une hauteur de 8 m et décède sur le coup. L’analyse du sang indique la
présence d’alcool et de cannabis (THC : 5,6 ng/mL ; THC COOH : 48 ng/mL). Il
avait bu et fumé deux heures avant l’accident.
Qu’il s’agisse de conduite à usage privé, de conduite à usage professionnel, ou
d’accidents du travail non liés à la conduite d’un véhicule, ces exemples sont hélas
devenus fréquents en France.
Le terme latin cannabis est dérivé du grec kannabis avec une racine assyrienne quanabu.
Cette plante originaire d’Asie centrale est connue depuis environ 5 000 ans avant notre
ère, et se serait diffusée au gré des migrations humaines vers l’Occident [1].
Aujourd’hui, le cannabis est le stupéfiant le plus utilisé et le plus disponible en
France. En 2005, plus de 12 millions de personnes (3/10) déclarent en avoir déjà
consommé et 1,2 million de consommateurs réguliers sont déclarés (plus de 10 fois
dans les 30 derniers jours) [1]. La France est le deuxième pays européen après
l’Espagne pour la consommation de cannabis.
De tels chiffres donnent le vertige et il s’agit d’un véritable problème de société
puisque le coût social du cannabis en tenant compte de toutes les dépenses pour
la collectivité est estimé à 919 millions d’euros [1].
L’usage du cannabis est un facteur d’insécurité dans de nombreuses situations de la
vie, ayant entraîné la mise en place de nombreux travaux ou même de législations
spécifiques :
› Le cannabis est impliqué dans les accidents de la route. Plusieurs études mul-
ticentriques ont été réalisées depuis 10 ans [2–6] à l’origine de législations
spécifiques concernant la violence routière [7, 8].
› Le cannabis est impliqué dans de nombreux accidents du travail comme le
mentionnent des travaux et des publications récentes [9–12].
› Le cannabis est présent dans les affaires de soumission chimique selon les résultats
de l’enquête sur la soumission chimique menée par l’Afssaps de 2003 à 2005 [13],
ce qui n’est pas surprenant compte tenu de ses effets sur le psychisme [14].
› Le cannabis est présent dans de nombreux cas de décès (37,5 %) en relation
avec l’abus de médicaments et de substances selon l’étude DRAMES [15].
Dans ce chapitre, nous aborderons ces différents aspects et les données les plus
récentes issues de différentes études publiées et des travaux de la commission
76
Cannabis
Les hommes se révèlent être des consommateurs plus nombreux que les femmes
(4,3 % vs. 1,3 % chez les usagers réguliers) et l’usage diminue avec l’âge comme le
montre la figure 4.1. La consommation à l’adolescence est précoce et en augmen-
tation (12,8 % des jeunes de 13 ans et 49,5 % des jeunes de 17 ans ont expéri-
menté le cannabis au moins une fois). Par ailleurs, les usages sont plus importants
chez les moins de 20 ans actifs, en apprentissage ou formation alternée que les
élèves et étudiants. Il existe des variations importantes selon le milieu social et la
sociabilité [1].
Selon l’OCRTIS, le cannabis est le premier produit stupéfiant saisi en France (9 sai-
sies sur 10) ; 87 tonnes de cannabis (très majoritairement de la résine) ont été saisies
en 2005, vs. 51,6 tonnes en 1997. L’essentiel de la résine consommée en France
provient du Maroc, dont la surface cultivée était en 2006 de 76 400 hectares.
L’herbe est importée majoritairement de Belgique et des Pays-Bas.
77
Drogues et accidentalité
%
75 Hommes-vie
70
65 Femmes-vie
59
60 57
53 Hommes-année
55
50 48 Femmes-année
45 41
38 39 39
40
35 32 30 30
30 27
24 25 24
25 21
20 16 17
15
15 18 11 11
9
10 14 7 5 6
9 4 1
5 5
4 0
0
15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64
ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans
FIG. 4.1 Usages du cannabis aux cours de la vie et de l’année par sexe et par âge en 2005 [1].
Le chiffre d’affaires annuel en 2005 issu de la vente de cannabis est évalué, à partir
des données déclaratives, à 832 millions d’euros.
Le prix moyen d’un gramme de cannabis est aujourd’hui d’environ 4 euros, après
avoir baissé de 30 % au cours des dix dernières années. On constate également
une part importante de don de cannabis chez les adolescents (enquête ESCAPAD
2005).
Le nombre de consommateurs recourant à l’autoculture peut être estimé à
200 000.
En 2005, 90 905 usagers de cannabis ont été interpellés contre 66 577 en 1997
(soit + 36 %). Les usagers interpellés sont très majoritairement jeunes (23 ans en
moyenne avec 15 % de mineurs en 2001, beaucoup plus que pour les autres stupé-
fiants). Le devenir judiciaire des usagers est difficile à évaluer mais il semble y avoir
une hausse des alternatives aux poursuites, ayant représenté 80 % des procédures
en 2005 (rappel à la loi, injonction thérapeutique, classement avec orientation
sanitaire, composition pénale).
Les interpellations en France pour trafic de cannabis en 2005 ont été de 12 929
dont 98 % dans le cadre d’un trafic local ou usage/revente. Seulement 2 % des
interpellations concernent le trafic international qui reste très difficile à démanteler.
On observe une hiérarchie entre les sanctions judiciaires à l’encontre des trafiquants
donnant lieu à des peines d’emprisonnement pour les importations/exportations,
prison avec sursis et fortes amendes dans les cas d’offres/cessions.
78
Cannabis
4.1.1.2 En Europe
L’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a obtenu une
standardisation des protocoles de recueil des données dans les différents pays per-
mettant de dresser une cartographie. On estime à 3 millions le nombre d’usagers
quotidiens en 2003 en Europe. Le cannabis s’est diffusé massivement en Europe
occidentale depuis 1990. La France fait partie en 2003 et en 2005 des pays les
plus consommateurs avec 17 à 22 % d’usagers dans la population (adultes +
adolescents) au cours de l’année écoulée, juste après l’Espagne et avant le Royau-
me-Uni, la république Tchèque et Chypre. En ce qui concerne la population
adolescente (15–16 ans), la France arrive en tête avec 22 % pour un usage au
cours du dernier mois, alors que des pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni,
la République Tchèque, la Belgique et la Suisse annoncent une consommation
entre 16 et 21 %, et la Grèce, Roumanie, La Pologne et la Suède rapportent
des taux inférieurs à 5 %. Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie occupent une
position médiane.
4.1.2 Description
Le cannabis est une plante appartenant à l’ordre des urticales et à la famille des
cannabinacées (figure 4.2), décrit en 1758 par Linné sous le nom de Cannabis
sativa [1, 18, 19]. Les deux principales variétés sont Cannabis sativa variété
sativa (chanvre textile ou fibreux) et Cannabis sativa variété indica (chanvre
indien ou type « drogue »). Le chanvre textile est cultivé en Europe pour ses
fibres (tissus, cordages) et pour ses graines oléagineuses ou chènevis. Le chanvre
« Indien » pousse de façon endémique dans les régions tropicales ou subtropicales
mais est aussi cultivé pour sa production de « résine » riche en principes actifs
psychotropes.
Il s’agit d’une plante herbacée annuelle dont les plants peuvent atteindre de deux à
six mètres dans des conditions de culture idéale ainsi que pour le chanvre textile. Le
port est élégant et sa couleur est d’un vert très caractéristique. Les plants portent des
feuilles opposées à la base puis alternées, découpées en 5 à 7 folioles ou segments.
Les segments sont lancéolés, dentelés et disposés en éventail.
La plupart des variétés ont des plants mâles et femelles séparés, le plant mâle
étant plus petit et plus grêle. Les inflorescences femelles ou sommités fleuries
(groupement des fleurs sur la plante) se présentent en cymes compactes, mêlées de
bractées foliacées et sécrètent une « résine » sous forme de fins cristaux adhérents
aux fleurs et aux feuilles. Le plant femelle serait plus riche en résine que le plant
mâle. Le fruit ou graine (le chènevis) est un akène ovoïde qui ne contient pas de
principe actif.
La variété sinsemilla, obtenue à partir des plants femelles non pollinisés et dépourvus
de graines, produit davantage de résine.
79
Drogues et accidentalité
cannabis ???
cannabis sativa
Les cannabinoïdes présents dans la résine et dans les feuilles sont les substances
psychoactives spécifiques du cannabis. Parmi la soixantaine de cannabinoïdes pré-
sents dans le Cannabis sativa indica, on trouve essentiellement des terpénophénols,
parmi lesquels figure le delta-9-trans tétrahydrocannabinol (THC) qui constitue le
principal produit psychoactif chez l’homme.
Selon les conditions climatiques et les conditions de culture, la teneur en THC peut
varier de façon considérable. Ainsi, grâce à des techniques horticoles très poussées
(cultures sous serres, hydroponiques, conditions de températures et de luminosités
optimales), les Néerlandais arrivent à obtenir des variétés à très forte teneur en THC
(Nederwiet, super-skunk) [16, 17].
Le cannabis que l’on trouve en Europe vient essentiellement du Maroc et des Pays-
Bas (pour l’herbe essentiellement). Cependant les pays producteurs et exportateurs
dans le monde sont aussi l’Afghanistan, la Thaïlande, le Pakistan, le Népal, le
Liban, l’Afrique subsaharienne, la Colombie, la Jamaïque, le Mexique. Le marché
américain est alimenté par une production illicite très importante de certains États
de l’Ouest [1].
Plusieurs études ont été menées afin d’évaluer les concentrations en THC [20-23].
Il faut citer en particulier deux études menées sur les produits de saisies en France.
La première étude sur la période 1993/2000 rassemble 5 152 résultats d’analyse
et montre que, jusqu’en 1995, les deux tiers des échantillons d’herbe contenaient
moins de 5 % de THC, et la moitié des résines entre 5 et 10 % de THC [20].
Sur la période 1996-2000 commencent à apparaître des échantillons d’herbe et de
80
Cannabis
60
50
93 à 95
Échantillons %
40
96 à 98
30 99 et 2000
01 et 02
20
03 et 04
10
0
0-5 5-10 10-15 15-20 > 20
FIG. 4.3 Évolution des teneurs en THC dans les échantillons de résines entre 1993 et 2004.
Appellations du cannabis
Le cannabis disponible en France est désigné sous de multiples appellations [1, 19]
(sources SINTES et TREND) faisant référence :
– à l’origine géographique : afghan, marocain, africain, libanais, népalais… ;
– à la langue du pays d’origine : marijuana, haschich, h, hasch, haya ou aya, kif au
Maroc, zamal à la Réunion, kali en Guyane, zahref au Liban, grifa au Mexique ;
– à une variété spécifique ou à un mode de culture pour de l’herbe : skunk ou super
skunk, sinsemilla, ganja, haze, white widow ;
– à une qualité supérieure : pollen bombe, gras, spoutniz ou inférieure : tchernobyl
ou tcherno ;
– à une appellation argotique : beuh, beu, rebeu, (herbe), tosma (matos), techi,
teuch, toch, shit, merde, weed.
81
Drogues et accidentalité
82
Cannabis
CH3 CH3
9
8 OH OH
7 1
H3C H3C
H3C O C5H11
H3C O 3 C5H11
4
CH3 COOH
OH OH
H3C H3C
H2C C5H11 H3C O C5H11
HO
83
Drogues et accidentalité
4.2 Pharmacologie
Après inhalation, 15 à 50 % du THC présent dans la fumée sont absorbés et
passent dans le flux sanguin [24]. Les concentrations sanguines maximales (50 à
400 ng/mL) sont obtenues en 7 à 10 min après le début de l’inhalation [25, 26] et
sont dose-dépendantes. Très lipophile, le THC se distribue rapidement dans tous
les tissus riches en lipides dont le cerveau, et de manière persistante dans toutes
les zones cérébrales à forte densité de récepteurs [27]. Chez des sujets décédés et
pour lesquels une autopsie avait été pratiquée, il a été montré que le THC pou-
vait encore être présent dans le cerveau à des concentrations significatives voire
importantes alors qu’il n’était plus détectable dans le sang [28]. Les auteurs avaient
également révélé au niveau cérébral la présence de 11-OH-THC et de THC-
COOH. Le volume de distribution du THC dans l’organisme est de 4 à 14 L/kg
[29]. Cette fixation tissulaire importante est responsable d’une diminution rapide
des concentrations sanguines [30]. Des auteurs ont montré que 60 min après le
début de l’inhalation d’un « joint » contenant 1,75 % de THC, les concentrations
sanguines étaient inférieures à 10 ng/mL [31].
Cette forte lipophilie, l’existence d’un cycle entéro-hépatique et de la réabsorption
rénale se traduisent par des effets psychoactifs prolongés. Des auteurs [32] ont
étudié sur simulateurs de conduite les effets (erreurs de conduite) obtenus par la
consommation de « joints » dosés à 100, 200 ou 250 μg/kg de poids du sujet.
Ils ont indiqué l’existence d’effets dose-dépendants et d’une corrélation linéaire
significative pendant une durée de 2 à 7 h (selon les effets, le plus persistant étant
le suivi de trajectoire). Les concentrations sanguines en THC ne peuvent être
utilisées pour juger des altérations comportementales induites par une consom-
mation de cannabis. En effet, sur la base des travaux de Cocchetto et coll. [33],
Harder et coll. [34] ont comparé l’évolution dans le temps des concentrations
sanguines de THC et les effets psychiques ressentis par les sujets, après consom-
mation de « joints » contenant 1, 3 ou 9 mg de THC. Les résultats, illustrés par la
figure 4.5, montrent que les effets psychiques obtenus après consommation isolée
d’un joint contenant 9 mg de THC persistent pendant une durée d’environ 2 h,
tandis que la concentration en THC dans le sang est rapidement très faible et de
l’ordre du ng/mL au bout de 2 h. Les mêmes auteurs ont par ailleurs montré que
l’amplitude des effets était dépendante de la dose et de la concentration sanguine
maximale observée.
84
Cannabis
ng/ml
300
250
200
150
100
50
0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 2 2,4 2,8 3,2 heures
Des travaux récents [35, 36] ont montré que chez des consommateurs réguliers
et intensifs, le THC pouvait être encore présent dans le sang à des concentrations
tout à fait significatives après sept jours d’abstinence. Sur les 25 sujets inclus dans le
protocole, 9 d’entre eux avaient encore des concentrations supérieures à 1 ng/mL.
De telles observations remettent donc en cause le fait que la présence de THC dans
le sang indique obligatoirement une consommation récente.
Le THC subit, au niveau des microsomes hépatiques, un métabolisme oxydatif
conduisant aux composés suivants :
› le 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (11-OH-THC). Métabolite psychoactif, ses
concentrations sanguines sont de 4 à 20 ng/mL après 20 min et inférieures à 1 ng/
mL 4 h après le début de l’inhalation [25]. Lorsque le cannabis est consommé par
ingestion, la quasi-totalité du THC est hydroxylée (principalement en 11-OH-
THC) au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui se traduit dans le compartiment
sanguin par une concentration en 11-OH-THC supérieure à celle du THC.
› le 8β-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol, potentiellement psychoactif mais dont
la participation aux effets du cannabis est négligeable en raison de ses très faibles
concentrations et d’un métabolisme très rapide ;
› deux autres composés hydroxylés, dérivant des précédents et considérés comme
inactifs, ont été identifiés : le 8β,11-dihydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol et le
8α-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol ;
› le 11-nor-9-carboxy-Δ9-tétrahydrocannabinol (métabolite acide, THC-
COOH). Obtenu par oxydation du 11-OH-THC, il ne possède aucune activité
85
Drogues et accidentalité
pharmacologique. Cet acide commence à apparaître dans le sang dans les minu-
tes qui suivent l’inhalation. Au cours des étapes successives de distribution et
de métabolisme du THC, les concentrations en THC-COOH dans le sang
augmentent tandis que celles de THC décroissent.
L’élimination des cannabinoïdes se fait par différentes voies : digestive, rénale, sudo-
rale. Environ 15 à 30 % du THC sanguin sont éliminés dans les urines sous forme
de THC-COOH, et 30 à 65 % le sont par les selles sous forme de 11-OH-THC
et de THC-COOH. En raison de sa forte fixation tissulaire, l’élimination urinaire
est lente. Les demi-vies d’élimination sont très variables selon la dose et selon qu’il
s’agit de consommateurs occasionnels ou réguliers. Par exemple, dans le cas d’une
consommation peu importante mais répétée (un « joint » par jour contenant 1,75
ou 3,55 % de THC pendant 2 semaines), elles sont comprises entre 44 et 60 h
[37]. Chez de gros consommateurs réguliers, du THC-COOH peut être encore
présent dans les urines 27 jours après arrêt de la consommation [38]. Du THC
et du 11-OH-THC peuvent également être retrouvés après 24 jours d’abstinence
dans les urines de consommateurs réguliers et intensifs [39]. Selon les auteurs, ces
résultats indiquent clairement que la présence de THC et/ou de 11-OH-THC dans
les urines ne constitue pas une preuve d’usage récent.
Parmi les effets sur le psychisme pouvant être induits par un usage régulier de
cannabis, sont rapportés :
› Un syndrome amotivationnel, fréquemment observé. Le sujet se désintéresse
de tout, n’éprouve plus de plaisir. Il ne parvient plus à se concentrer sur une
activité et fait abstraction de son environnement quotidien ;
› Des syndromes de désorganisation de la pensée, psychotiformes, pouvant sur-
venir même chez des sujets sans antécédent psychiatrique ;
› Une augmentation du risque de développement ou d’aggravation de la schi-
zophrénie [43]. L’association schizophrénie et addiction au cannabis est relati-
vement fréquente, cette comorbidité allant jusqu’à 40 % dans certaines études
[49]. Un risque suicidaire augmenté a été rapporté chez les schizophrènes
consommateurs de cannabis [50].
89
Drogues et accidentalité
4.5.1.1 Urine
On y retrouve essentiellement le principal métabolite du THC, le THC-COOH,
métabolite inactif, en fortes concentrations et le 11-OH-THC, métabolite actif,
sous forme conjuguée (moins de 2 % de la dose initiale). Les inconvénients de ce
milieu sont nombreux et sont liés en premier lieu aux propriétés physicochimiques
de la molécule. En effet, en raison de la forte lipophilie du THC, celui-ci sera
libéré très lentement des tissus adipeux. Ainsi, après consommation de cannabis, le
THC-COOH sera encore présent jusqu’à 8 à 12 jours après la prise chez un fumeur
régulier et jusqu’à 3 semaines chez un gros consommateur. Un résultat positif dans
les urines ne permettra donc pas de distinguer une consommation récente d’une
consommation plus ancienne. Par ailleurs, même si le recueil urinaire est un pré-
lèvement non invasif, il n’est pas facile à effectuer, notamment en bord de route
car il nécessite des véhicules spécialement équipés. Les possibilités d’adultération
sont nombreuses et largement explicitées sur Internet où l’on peut trouver des sites
dédiés à ces pratiques [70, 71].
4.5.1.2 Salive
Récemment admise en France comme milieu de dépistage dans le cadre des contrô-
les routiers (décret 31/07/2008) [72], elle a été et est encore l’objet de nombreuses
études [73–75]. Les principaux avantages de la salive sont sa facilité de recueil
(prélèvement non invasif ), un recueil pouvant être réalisé devant témoin (peu
de risque d’adultération), on y retrouve la plupart des stupéfiants et elle reflète
bien mieux que l’urine la présence d’un composé dans le sang puisqu’elle contient
90
Cannabis
essentiellement les produits parents. Les cannabinoïdes ne sont pas excrétés dans
la salive [73] (chapitre 9) mais leur voie d’administration étant quasiment toujours
buccale, le THC est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à
la contamination par la fumée inhalée et à une séquestration buccodentaire. La
recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas d’une
exposition récente au cannabis. Les quantités de salive recueillies sont cependant
peu importantes rendant difficiles les confirmations chromatographiques et une
éventuelle contre-expertise.
4.5.1.3 Sang
Le sang constitue un milieu idéal pour la confirmation car il permet de doser le
THC, le 11-OH-THC et le THC-COOH et de différencier généralement, selon les
termes du législateur [8] les sujets « ayant fait usage de » de ceux « sous influence »
de cannabis. Il peut être utilisé comme milieu de dépistage [68] en laboratoire,
mais ne peut être utilisé pour un dépistage rapide sur le lieu d’un accident (ou un
contrôle préventif ) à cause du caractère invasif du prélèvement et de l’exploitation
analytique longue et nécessitant des appareillages spécifiques.
4.5.1.5 Sueur
Ce milieu biologique est peu utilisé car le THC éventuellement présent (résul-
tat d’une concentration par évaporations successives) peut être éliminé par simple
lavage.
Sa présence peut aussi résulter d’une exposition passive.
4.5.2 Dépistages
L’urine a été et reste encore le milieu de choix pour la plupart des contrôles routiers
(décret du 27 août 2001, loi violence routière 2003) [7, 8] mais aussi pour le suivi
91
Drogues et accidentalité
des salariés occupant des postes à risques dans les entreprises ayant mis en place
une politique de prévention et en l’attente d’une législation adaptée [11]. De plus,
les concentrations sont généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres
milieux biologiques.
Les tests immunochimiques conçus pour le dépistage urinaire représentent un
marché toujours croissant pour l’industrie du diagnostic. Il existe des tests non
instrumentaux dédiés au dépistage rapide (bord de route, lieu de travail…) dits
« savonnettes », de qualité variable et des tests nécessitant un équipement de labora-
toire se présentant sous la forme de trousse de réactifs adaptés à un automate (tests
EMIT, RIA, FPIA, CEDIA, ELISA, KIMS…) plus performants. Les caractéristi-
ques, avantages et inconvénients de ces tests sont développés dans le chapitre 8.
Les tests salivaires autorisés dans le cadre de la sécurité routière depuis le 30/07/2008
[72] sont très utilisés dans les dépistages de masse (contrôles préventifs) et après un
accident en remplacement de l’urine. Ils sont orientés vers le produit parent THC
qui, bien que n’étant pas excrété dans la salive, se retrouve dans la cavité buccale
puisque c’est la voie d’administration principale (voir ci-dessus et chapitre 9). Le
cannabis peut ainsi être dépisté alors que le sujet est encore sous l’influence du
produit. En France, c’est le Rapid STAT® qui a été choisi comme outil de dépis-
tage. Selon le fabricant, il permettrait de détecter 15 ng/mL de THC dans la salive.
Ce seuil de positivité est largement inférieur à celui qui est recommandé par la
SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) pour
le dépistage salivaire du cannabis, à savoir 4 ng/mL. Un tel manque de sensibilité
pourrait se traduire par un nombre important de résultats faussement négatifs.
Les tests immunochimiques de type ELISA réalisés au laboratoire autorisent aussi
les dépistages dans le sang [68] permettant une recherche en urgence, bien sûr
à confirmer par technique chromatographique ainsi que les dépistages dans les
cheveux [69], très pratiqués aux États-Unis en médecine du travail (Workplace drug
testing using hair samples) [79] pour le screening de masse des employés.
4.5.3 Confirmations
La mise en œuvre d’une technique de dépistage ayant conduit à un résultat positif
doit toujours être suivie d’une technique de confirmation. En effet, dans toute
technique immunologique, les anticorps présentent des réactivités croisées avec
des composés apparentés, et parfois même avec des composés de structure très
différente. De plus, et tout particulièrement avec le cannabis, il est indispensable
de préciser les concentrations présentes dans l’échantillon, pour une interprétation
correcte des résultats.
Bien qu’invasif, le sang est le seul milieu envisageable, permettant tout à la fois de
confirmer la présence de cannabinoïdes dans l’organisme et de relier les concen-
trations observées à une modification de la vigilance. Son prélèvement est toujours
réalisable, in vivo et post-mortem.
92
Cannabis
93
Drogues et accidentalité
cannabidiol. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg. La mesure
du THC-COOH métabolite, seule preuve du passage par la voie générale et qui
exclut tout risque de contamination externe par la fumée de cannabis est parfois
nécessaire. Ces techniques sont développées dans le chapitre 11.
Observations complémentaires
Une concentration élevée en THC (> 20 ng/mL) ne signifie pas que le sujet a inhalé
une forte dose. En revanche, cela signifie que le sujet a consommé très récem-
ment (dans les minutes qui ont précédé). Il n’y a aucune relation entre effet (sur la
conduite automobile) et concentration de THC dans le sang.
Une concentration très élevée en THC-COOH (> 50 ng/mL) indique le plus souvent
qu’il s’agit d’un consommateur régulier et important de cannabis.
4.6 Conclusion
En 1993, un écrivain dénommé Michka écrivait : « … il n’y a pas, dans toute la
littérature médicale accumulée depuis plus de 150 ans, un seul cas de décès impu-
table au cannabis. » [83]. Selon l’analyse réalisée en 2001 par M.B. Biecheler-Fretel
dans le cadre de l’expertise collective Inserm [17], « faute d’études épidémiologiques
fiables, il est aujourd’hui encore impossible d’affirmer l’existence d’un lien causal,
au sens d’une corrélation statistique solidement établie, entre l’usage du cannabis et
les accidents ». Et l’auteur d’ajouter que les sujets sous influence du cannabis pren-
draient moins de risque que les sujets témoins, notamment en termes de vitesse, de
dépassements et de distances de sécurité avec le véhicule les précédant.
La forte implication de l’usage du cannabis sur l’accidentalité est aujourd’hui peu
contestée, hormis par les farouches partisans d’une légalisation de cette substance qui
ne supportent pas l’idée que le « pétard » puisse avoir des effets néfastes, dans quelque
95
Drogues et accidentalité
domaine que ce soit. En effet, les résultats des études épidémiologiques, le nombre
de drames dans lesquels le cannabis est impliqué voire responsable, les nouvelles
connaissances sur la neurobiologie du cannabis, la mise en évidence de pathologies
psychiatriques lourdes de conséquences induites par un usage régulier, les modifica-
tions des pratiques de consommation tendant vers une recherche de la « défonce »,
traduisent une toxicité neurocomportementale des plus redoutables pour les sujets
ayant à réaliser des actes complexes, que ce soit en milieu professionnel ou lors de la
conduite d’un véhicule. C’est pourquoi comme de nombreux autres pays, la France
s’est dotée d’une législation spécifique dans le domaine de la sécurité routière, dont
la dernière composante a été l’introduction du dépistage salivaire. Parmi les mesures
prises lors du Comité Interministériel de la sécurité routière du 18 février 2010, les
frais des analyses sanguines qui confirment les tests salivaires positifs seront désormais
à la charge du contrevenant et non plus du ministère de la Justice. Une telle décision
devrait permettre de multiplier le nombre de contrôles réalisés au bord de la route.
Par ailleurs et malgré le vide juridique concernant les conduites addictives en milieu
professionnel, de plus en plus d’entreprises et de secteurs professionnels réalisent des
dépistages à l’embauche pour les personnes occupant des postes à risque pour eux-
mêmes ou pour autrui. Dans ce domaine, une législation s’impose aujourd’hui en
France à l’instar de ce qui est réalisé dans le domaine de la sécurité routière.
96
Cannabis
97
Drogues et accidentalité
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99
Drogues et accidentalité
100
Cannabis
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101
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Florian Klinzig1 et Marie-Hélène Ghysel Laporte2
Amphétamines
5
et dérivés
103
Drogues et accidentalité
Introduction
Après une hausse généralisée de la consommation dans les années 1990, on observe
désormais, à l’échelle européenne, une stabilisation voire une baisse modérée de la
consommation de produits de la famille des amphétamines. Cette constatation n’est
cependant pas applicable à tous les pays. La prévalence est également très variable
selon les tranches d’âges. En France, une augmentation de la consommation a été
observée ces dernières années chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette hausse
s’est répercutée sur les cas d’accidents mortels de la circulation routière chez les
jeunes conducteurs et impliquant un produit de la famille des amphétamines [1].
En Europe la prévalence de la consommation d’amphétamine varie de 0,1 % à
11,9 % dans la population générale (15 à 64 ans). En moyenne, 3,3 % des adultes
européens affirment avoir fait usage d’amphétamine au cours de leur vie. En France,
elle était estimée en 2005 à 1,4 %. Les pays qui affichent les chiffres les plus élevés
sont le Royaume-Uni, la Norvège et le Danemark.
L’usage de l’ecstasy est similaire. Environ 3 % des Européens ont fait usage d’ecstasy
au cours de leur vie (valeurs entre 0,3 et 7,3 % selon les pays). En France en 2005,
cette prévalence était évaluée à 2 % pour la tranche d’âge 15–64 ans. La prévalence
la plus élevée est rencontrée dans la tranche d’âge 15–24 ans [2, 3].
104
Amphétamines et dérivés
5.1 Produits
D’après le rapport de l’office central de répression du trafic de produits stupéfiants
(OCRTRIS), en 2007, l’ecstasy ou 4 méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA)
était la première drogue de synthèse faisant l’objet de trafic et de consommation.
En 2007, 1,4 millions de comprimés ont été saisis, dont la moitié serait destinée à
l’étranger. Les saisies étaient de 2 millions en 2002–2003 et de 800 000 en 2005. À
titre de comparaison, 13 000 doses de LSD ont été saisies au cours de l’année 2007.
Parmi les autres amphétaminiques, les saisies d’amphétamine s’élèvent à 307 kg, et
à 147 g pour la méthamphétamine.
Le Système de Traitement Uniformisé des Produits Stupéfiants (STUPS©) alimenté
par les 5 laboratoires de Police scientifique de l’Institut national de Police scientifi-
que, indique que le nombre total de dossiers d’amphétamine et dérivés est de 149
sur l’année 2007 et représente 6 % du nombre total de dossiers. Parmi ceux-ci, la
MDMA correspond à 77 % des cas traités, l’amphétamine à 20 % et la métham-
phétamine à moins de 1 %.
En 2007, dans STUPS© la mCPP a été retrouvée dans 47 % des gélules et
comprimés non stupéfiants, soit 25 dossiers. De rares cas isolés de mélange de
MDMA et de m-chlorophénylpipérazine (mCPP) ont été recensés (5 cas sur
149 en 2007 d’après STUPS© 2007) ainsi que l’utilisation de produits comme
la 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine (2-CB) [8].
Ces dérivés de l’amphétamine, que les Américains appellent Designer’s drugs (médica-
ments « bricolés »), ont des propriétés pharmacologiques différentes des hallucinogènes
(ne provoquant pas de vision, de dépersonnalisation…), mais génèrent un profond état
d’empathie vis-à-vis de soi-même et des autres. Ces molécules sont classées parmi les
entactogènes, terme créé en 1986 par David Nichols et Alexander Shulgin et signifiant
« qui facilite une prise de conscience du soi » et favorisant la communication, l’introspec-
tion, les contacts sociaux, l’empathie, la sensation de pouvoir s’exprimer librement [9].
La limite entre ces différentes classes n’est pas toujours aisée. Les transformations
chimiques de l’amphétamine sont multiples. Ainsi en 1981, Shulgin diffusait les
recettes de 179 drogues synthétiques de type phénéthylamines, dont certaines sont
encore en circulation.
Nous aborderons ici les dérivés d’amphétamines les plus couramment rencontrés
et classés comme stupéfiants. Tout d’abord les molécules emblématiques : l’amphé-
tamine et la méthamphétamine suivies de leurs dérivés les plus courants, MDMA
(ecstasy), MDA et MDEA, la 2C-B. Nous évoquerons également la mCPP qui,
bien que n’étant pas une amphétamine, est utilisée comme de l’ecstasy.
5.1.1 Amphétamine
L’amphétamine ou α-méthylphénéthylamine, chef de file de la famille des amphé-
taminiques et dérivée de la phényléthylamine, est inscrite au tableau des produits
105
Drogues et accidentalité
5.1.2 Méthamphétamine
Utilisée sous forme de chlorhydrate, la N-α-diméthylphénéthylamine ou
N-méthylamphétamine est également connue sous les appellations : désoxyéphé-
drine, ice, speed, yaba, crank, crystal, meth… C’est une substance inscrite au
tableau des produits stupéfiants.
La l-méthamphétamine a une action stimulante centrale cinq fois plus faible et une
action périphérique plus importante que la d-méthamphétamine [10].
5.1.3 MDMA
La MDMA ou 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine également connue sous les
dénominations ecstasy, Adam, XTC, « E », est inscrite au tableau des produits
stupéfiants et appartient à la classe des entactogènes.
Elle est disponible actuellement sous quatre formes : comprimés (le plus souvent
assortis d’un logo), gélules, poudre et depuis 2006 sous formes de cristaux (appelés
« cristal », différent du « crystal », nom donné à la méthamphétamine). Connue
comme la drogue à usage récréatif, elle est surtout utilisée au cours des soirées
« raves » à la dose de 50 à 150 mg.
En 2008, les consommateurs d’ecstasy trouveraient « ringard » la consommation
sous forme de comprimés et préféreraient la consommation de la poudre sniffée.
L’ecstasy demeure un produit relativement peu expérimenté en France (2 % chez
les 18-64 ans). Le niveau d’expérimentation est plus élevé (4 %) chez les 18-25 ans,
avec une proportion très importante dans le milieu festif techno [3].
L’ecstasy désigne essentiellement la MDMA, mais également de nombreux produits
dérivés ou apparentés (MDA, MDEA, MBDB, PMA, TMA, DOB, DOM, 2 CB,
2C-T-7, 4-MTA…) [9].
5.1.4 MDA
La MDA, α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ou 3,4-méthylènedioxy-α-
méthyl-β-phényléthylamine ou encore tenamphétamine est connue sous les noms :
love drug, love pill. C’est une substance inscrite au tableau des stupéfiants et appar-
tenant à la classe des entactogènes, pouvant être hallucinogène à forte dose.
La MDA est une substance retrouvée peu fréquemment dans les comprimés vendus
illicitement (dans environ 2 % des comprimés d’ecstasy vendus en France en 1996,
106
Amphétamines et dérivés
mais pas retrouvée en 2007). C’est surtout en tant que métabolite de la MDMA
ou de la MDEA qu’on la retrouve dans les liquides biologiques.
5.1.5 MDEA
La MDEA, N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine, également connue sous les
appellations MDE et Eve, appartient à la classe des entactogènes. Elle est classée
dans la liste des produits stupéfiants.
En France, en 1996, cette substance était retrouvée dans près de 20 % des compri-
més vendus sous l’appellation ECSTASY et dosée de 50 à 150 mg de principe actif.
Elle était parfois mélangée à la MDMA. C’est une substance dont l’utilisation est
en déclin. En 2007, aucune saisie de MDEA n’a été réalisée en France.
5.1.6 2C-B
Le 2C-B ou 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine est également connu sous les
appellations BDMPEA ; α-desméthyl DOB ; Nexus ; MFT ; Bromo ; DOBP. Depuis
le 15 juillet 2002, il est classé en France dans la liste des produits stupéfiants.
Les premières saisies de 2C-B datent de 1979 aux États-Unis où il a été trouvé
sous forme de gélules. En 1996, il a été mis en évidence aux Pays-Bas et en Suisse
où il se présentait soit sous forme de comprimés ronds à 50 mg soit en association
avec du MBDB [11].
Les premières saisies en Belgique et en France datent de 1997 [9].
5.1.7 mCPP
La mCPP de dénomination chimique 1-(3-chlorophényl) pipérazine ou
m-chlorophénylpipérazine appartient à la famille des pipérazines. En octobre 2008,
elle n’est pas classée au tableau des stupéfiants, alors que son analogue la BZP,
benzylpipérazine, l’est depuis le 5 mai 2008.
Elle a été identifiée pour la première fois en France en décembre 2004 dans des
comprimés vendus sous l’appellation ecstasy [12]. Plusieurs saisies ont eu lieu
depuis 2005. Cette substance n’est ni recherchée ni identifiée par les usagers qui
pensent consommer de la MDMA.
NH2 O COOH O
Ê Ê
N C
H O
Ì Amphétamine Ð Phénylacétone Acide benzoïque O
H
OH
Acide hippurique
NH2 NH2
HO
Noréphédrine 4 hydroxy-amphétamine puis
Sulfo et Glucuro conjugaison
FIG. 5.1 Voies métaboliques de l’amphétamine.
5.2.2 Méthamphétamine
Rapidement absorbée après administration orale, une dose unique donne un pic
plasmatique moyen 3,6 h après absorption. La demi-vie d’élimination plasmatique
est comprise entre 6 et 15 h [19]. La méthamphétamine se métabolise en amphé-
tamine et en 4-hydroxyméthamphétamine (figure 5.2).
108
Amphétamines et dérivés
H CH3
N
CH3
→
NH2
méthamphétamine amphétamine
Ì H
N
CH3
HO
4-hydroxyméthamphétamine
Dans des conditions habituelles, l’excrétion sous forme inchangée et l’excrétion sous
forme d’amphétamine sont respectivement de 43 % et de 4 à 7 % en 24 h mais
varient avec le pH. L’élimination urinaire augmente en milieu acide et est moins
intense en milieu alcalin [20].
La méthamphétamine peut être retrouvée dans l’urine pendant plus de 7 jours
[21].
5.2.3 MDMA
H O NH2
O N
CH3 → CH3
O
O CH3 MDA
Ì MDMA ↓
H H3CO NH2
H3CO N
CH3 Ê glucuro et sulfo CH3
conjugaison ←
CH3 HO
HO 4-hydroxy
4-hydroxy 3-méthoxy méthamphétamine : 3-méthoxyamphétamine : HMA
HMMA
Î Å ↓
H HO NH2
HO N
CH3
CH3
CH3 HO
HO
3,4-dihydroxy-méthamphétamine : HHMA 3,4-dihydroxyamphétamine : HHA
109
Drogues et accidentalité
5.2.4 MDA
Les informations concernant le métabolisme de la MDA sont rares. Chez l’animal,
la MDA se métabolise par O-désalkylation, désamination et conjugaison.
Chez l’homme, l’élimination urinaire sous forme inchangée est importante car une
concentration de plus de 160 μg/mL a été détectée chez un individu décédé, ainsi
qu’un taux urinaire de 131 μg/mL chez un enfant d’un an qui a survécu à une
surdose de MDA [10].
La MDA est également le métabolite de la MDMA ainsi que de la MDEA.
5.2.5 MDEA
À ce jour, aucune donnée pharmacocinétique de la MDEA dans le sang chez
l’homme n’a été publiée. Sa durée d’action semble être comprise entre 3 et 5 h.
La MDEA aurait le même schéma métabolique que la MDMA. L’hydrolyse de
l’urine permet de mettre en évidence des métabolites conjugués : la 4-hydroxy-
3-méthoxyéthylamphétamine (HME) qui est le principal métabolite, la 3,4-
dihydroxyéthylamphétamine (DHE) et la MDA. Ces trois métabolites sont présents
dans les urines pendant respectivement 7 ; 2,5 et 1,5 jours [24].
5.2.6 2-CB
Le métabolisme du 2C-B est peu connu. La voie métabolique principale passe par
une désamination oxydative du 2C-B en 2-(4-bromo-2,5-diméthoxyphényl)-éthanol
(BDMPE) et en acide 4-bromo-2,5-diméthoxyphénylacétique (BDMPAA) [25].
110
Amphétamines et dérivés
5.2.7 mCPP
Après administration par voie orale, la demie-vie d’élimination est de 4,2 h. La
voie métabolique principale conduit à la formation de l’hydroxy-mCPP et de ses
dérivés conjugués [26].
La mCPP est également un métabolite pharmacologiquement actif d’un antidé-
presseur, le trazodone [27, 28].
111
Drogues et accidentalité
rémanents. Les effets neurochimiques des molécules comme la MDMA sont très
marqués sur la libération de sérotonine (5HT) et moindres sur celles de la dopamine
et de la noradrénaline. Elle a 40 fois plus d’affinité pour le transporteur actif de la
sérotonine que pour celui de la dopamine. La MDMA possède une affinité élevée
pour les sites de recapture de la sérotonine, les récepteurs 5HT2 où elle exerce un
effet agoniste à ce niveau [29].
L’effet sérotoninergique indirect prédominant a un mécanisme similaire au méca-
nisme dopaminergique de l’amphétamine. La MDMA provoque une augmenta-
tion temporaire de la sérotonine dans la synapse par relargage et par inhibition de
sa recapture. Cette augmentation est suivie d’une diminution (maximale en 3 à
6 h) par inhibition de la tryptophane-hydroxylase indispensable à la synthèse de
la sérotonine. La MDMA induit la libération de 5HT en inversant les systèmes
de transport : elle stimule l’échange 5HT/MDMA dans les terminaisons sérotoni-
nergiques. Le taux cérébral de sérotonine et de son métabolite diminue [32, 33].
La situation redevient normale après 24 h, sauf en cas d’administrations répétées
[29, 34]. À cette chute du taux de sérotonine s’ajoute la diminution de l’activité de
l’enzyme responsable de sa synthèse : la tryptophane hydroxylase, avec un retour
à un taux normal plus long, ainsi qu’une diminution de la densité des sites de
recapture de la sérotonine. Ces processus aboutissent à long terme à une destruction
irréversible des terminaisons nerveuses sérotoninergiques du cortex, du striatum et
de l’hippocampe [35].
La libération de dopamine, quant à elle, responsable de l’effet psychostimulant, est
liée d’une part à l’inversion du système de transport, mais surtout par l’intermé-
diaire de la sérotonine, libérée par la MDMA, qui excite les neurones dopaminer-
giques adjacents [36].
Les autres molécules entactogènes ont des effets similaires, mais d’intensité diffé-
rente. La capacité de libération de la dopamine est variable selon les dérivés. La
MDA présente une activité plus importante que la MDMA, elle-même d’intensité
supérieure à la MBDB [37].
Ils peuvent provoquer les effets secondaires suivants : irritabilité, nervosité, insom-
nie, céphalées, akinésie, assèchement des muqueuses, perte d’appétit, sudation,
associés à une augmentation de la libido et de la compulsivité.
Un syndrome sérotoninergique et un syndrome malin des neuroleptiques peut être
observé, mais il est plus marqué avec les molécules entactogènes. Il se caractérise
par une hyperthermie, une rigidité musculaire, une mydriase, des troubles neu-
ropsychiatriques (confusion, panique, psychose, bruxisme, troubles du sommeil,
violences, idées suicidaires, délire…) et des troubles cardiovasculaires (hypertension
artérielle, tachycardie, troubles du rythme), des convulsions. Les effets peuvent se
compliquer en difficultés respiratoires, convulsions, arythmie, collapsus, sans lien
direct avec les doses ingérées [38, 39].
L’augmentation de la vigilance, l’amélioration du temps de réaction suggéreraient
que les amphétaminiques améliorent les facultés des conducteurs de véhicules.
Cependant, certains effets évoqués sont incompatibles avec une conduite automo-
bile sécurisante. L’effet euphorisant conduit à un comportement irrationnel et une
prise de risque accrue. La levée des inhibitions se manifeste par un comportement
agressif ou une indifférence. La fatigue engendrée par la diminution du sommeil
est responsable d’une diminution de l’attention et des facultés de contrôle. La
diminution de l’acuité visuelle générée par la mydriase augmente la sensibilité aux
éblouissements dus au soleil ou à l’éclairage des voitures en cas de conduite noc-
turne [36].
Les amphétamines entraînent par ailleurs une dépendance psychique. Lors d’un
sevrage, l’arrêt de consommation ou la période de descente provoque une sensation
de fatigue intense, de dépression. Le sevrage se traduit par des troubles de l’humeur
avec asthénie, troubles du sommeil, et engourdissement psychomoteur ayant pour
conséquence une diminution des facultés des conducteurs.
5.5.1 Immunoanalyse
De nombreux tests sont disponibles, applicables sur les liquides biologiques comme
l’urine ou la salive et utilisant des techniques radio-immunologiques (RIA), immunoen-
zymatiques, l’immunopolarisation de fluorescence, l’immunochromatographie…
113
Drogues et accidentalité
En France, la loi sur le dépistage des produits stupéfiants chez les conducteurs
impliqués dans un accident mortel a été mise en application le 1er octobre 2001.
Le dépistage, à partir d’un recueil urinaire, est réalisé au moyen de tests de dépistage
ayant un seuil de positivité de 1 000 ng/mL d’amphétamine, de méthamphétamine
et de MDMA.
Les modalités du dépistage salivaire des stupéfiants pratiqués sur les conducteurs
impliqués dans un accident mortel sont fixées dans l’arrêté du 24 juillet 2008. Le
seuil de positivité est fixé à 50 ng/mL pour l’amphétamine, la méthamphétamine
et la MDMA.
Les substances de structure chimique similaire, a fortiori les molécules de la famille
des amphétamines, sont également dépistées par ces techniques. Cependant il existe
des variations très importantes dans les positivités croisées des dérivés de l’amphéta-
mine. La réactivité croisée de la MDMA avec certains réactifs pour l’amphétamine
peut être faible, d’où le risque d’un résultat faussement négatif. Par contre elle
est généralement satisfaisante avec les réactifs utilisés pour le dépistage de l’am-
phétamine et de la méthamphétamine. Quant au 2 C-B, il n’est pas détecté par
immunoanalyse [40].
Les interférences analytiques sont nombreuses. L’étude de la spécificité des tests
d’immunoanalyse a montré l’existence de faux positifs notamment avec des amines
sympathomimétiques, des anorexigènes, des produits de putréfaction, ainsi que
des médicaments : labétalol, ranitidine, cafédrine, tranylcypromine, heptaminol,
benfluorex, cyamémazine [18, 41]. Il est également nécessaire de tenir compte des
produits qui se métabolisent en amphétamine : sélégiline, méthamphétamine.
Tout dépistage positif qu’il soit effectué sur un prélèvement urinaire ou salivaire fera
l’objet d’une confirmation dans le sang par une technique séparative avec détection
par spectrométrie de masse.
114
Amphétamines et dérivés
115
Drogues et accidentalité
correspondant à une consommation usuelle, seraient comprises entre 100 et 470 ng/
mL, alors que le risque toxique apparaîtrait dès 350 ng/mL. De plus, d’après les
différents cas décrits dans la littérature, des décès ont été observés dès 400 ng/mL,
soit à des concentrations retrouvées chez des consommateurs usuels (tableau 5.2).
TABLEAU 5.3 Exemples de concentrations sanguines mesurées dans plusieurs cas de décès.
117
Drogues et accidentalité
118
Amphétamines et dérivés
5.7 Conclusions
En 2005, en France, 3,1 % des conducteurs décédés étaient positifs aux amphéta-
mines et dérivés. La consommation de produits de la famille des amphétamines,
dont la prévalence est en hausse chez les adolescents et les jeunes adultes, constitue
un risque dans la survenue d’accidents routiers.
Par ses propriétés stimulantes, on pourrait penser que les amphétamines et dérivés
évitent l’endormissement et auraient un effet favorable sur la conduite automobile.
119
Drogues et accidentalité
120
Amphétamines et dérivés
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125
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Héroïne, morphine
Gilbert Pépin1 et Hélène Eysseric2
6
et autres opioïdes
6.1 Produits
Dans un souci de représentativité de la réalité des usages, certains opiacés ou
opioïdes stupéfiants, non représentatifs de l’accidentalité, ne seront pas abordés ici :
hydromorphone, codéthyline (= éthylmorphine), dextromethorphane, dihydroco-
déine, péthidine et nalbuphine.
127
Drogues et accidentalité
kg Héroïne Morphine
kg
1200 Opium
50
1000 (a)
40 (b)
800
30
600
400 20
200 10
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.1 (a) Saisies d’héroïne en France de 2003 à 2007 ; (b) Saisies de morphine et d’opium
en France de 2003 à 2007 (d’après [59]).
Nb Héroïne Morphine
7000 Nb Opium
6000 20
(a)
(b)
5000
15
4000
3000 10
2000
5
1000
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.2 (a) Interpellations pour usage simple d’héroïne en France de 2003 à 2007 ;
(b) Interpellations pour usage simple de morphine et d’opium en France de 2003
à 2007 (d’après [59]).
Nb Héroïne
Morphine
3500 Nb Opium
3000 (a) 12
2500 10 (b)
2000 8
1500 6
1000 4
500 2
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.3 (a) Interpellations pour trafic, revente et usage d’héroïne en France de 2003 à 2007 ;
(b) Interpellations pour trafic, revente et usage de morphine et d’opium en France de
2003 à 2007 (d’après [59]).
Usagers d’héroïne
30,00 %
25,00 %
20,00 %
15,00 %
10,00 %
5,00 %
0,00 %
13-15 16-17 18-20 21-25 26-30 31-35 36-40 > 41
ans ans ans ans ans ans ans ans
FIG. 6.4 Diagramme de répartition de l’âge des usagers d’héroïne (d’après [59]).
L’héroïne est à l’origine de la plus grande partie des coûts sanitaires et sociaux liés
à la drogue en Europe.
Dans la plupart des pays européens, entre 50 % et 80 % de toutes les demandes de
prise en charge médicale sont liées à la consommation d’opiacés. Sur la totalité des
24 pays, parmi les 378 000 demandes de traitement recensées en 2006, l’héroïne
était mentionnée comme drogue principale dans 47 % des cas pour lesquels la
drogue primaire était connue.
Environ 80 % des surdoses mortelles de stupéfiants sont liées à l’usage d’opiacés
et l’injection en intraveineuse de ces substances est l’un des principaux vecteurs de
diffusion des maladies infectieuses liées aux drogues. On estime que la consom-
mation de drogues est à l’origine de quelques 3 000 nouveaux cas de VIH chaque
année en Europe et différents pays rapportent que, généralement, plus de 40 % des
usagers pratiquant l’injection sont infectés par le virus de l’hépatite C.
L’année 2003 a marqué l’arrêt de la tendance à la baisse du nombre de décès dus à
la drogue rapportée en Europe, principalement en relation avec la consommation
130
Héroïne, morphine et autres opioïdes
d’opiacés, et entre 2003 et 2005 la plupart des États membres ont fait état d’une
augmentation.
Le nombre de nouvelles demandes de traitement de substitution concernant
l’héroïne en tant que drogue principale a augmenté dans environ la moitié des
pays ayant communiqué des données en 2006.
134
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’héroïne s’administre par voie intraveineuse le plus souvent car plus « efficace » et
plus économique, mais aussi par voie sous cutanée, ou par voie nasale « sniff » ou
en inhalation (appelée « chasser le dragon »).
La dénomination commune internationale de l’héroïne est : diacétylmorphine ou
diamorphine (C21H23NO5 = 369,4 g/mol).
Il existe deux types d’héroïnes commercialisées dans le monde par les
narcotrafiquants :
› l’héroïne dite « pure » (80 à 99 %) qui se présente sous la forme d’une
poudre blanche de chlorhydrate d’héroïne. Elle est connue sous le nom de
« Blanche ».
› l’héroïne « impure » ou héroïne brune surnommée « Brown Sugar » ou « Brown »,
qui se présente sous la forme d’une poudre beige ou brune. La plus consom-
mée en Europe est sous forme base ou souvent sous forme chlorhydrate peu
purifié.
Aux impuretés de l’héroïne provenant des laboratoires clandestins, s’ajoutent des
produits de coupage (sucres), adultérants (caféine, quinine), diluants (bicarbonate,
talc, plâtre) non dénués de toxicité, et des médicaments (aspirine, diazépam, para-
cétamol, phénobarbital).
135
Drogues et accidentalité
136
Héroïne, morphine et autres opioïdes
du prescripteur. Lorsque le patient est stabilisé, les contrôles urinaires sont réalisés
à l’occasion de chaque renouvellement semestriel de la prescription [31, 88].
La méthadone existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre blanche
cristalline inodore.
Sa dénomination commune internationale est : méthadone (C21H27NO, HCl =
345,9 g/mol).
137
Drogues et accidentalité
européenne en 2006 et être déjà disponible dans le nombreux pays européens, ceci
afin de limiter encore le risque de mésusage par injection.
La buprénorphine existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre cris-
talline blanche ou sensiblement blanche [56].
Sa dénomination commune internationale est : buprénorphine (C29H41NO4
= 467,6 g/mol).
138
Héroïne, morphine et autres opioïdes
139
Drogues et accidentalité
Comme les autres morphiniques, c’est un antalgique d’action centrale. Son action
est environ 10 fois plus faible que celle de la morphine, et un peu plus faible que
celle de la codéine.
Le dextropropoxyphène commercialisé comme principe actif non associé a été retiré
du marché en avril 2001 du fait de son usage détourné et d’un rapport bénéfice/
risque peu satisfaisant dans le traitement de la douleur. Il était disponible unique-
ment en association au paracétamol, ou associé au paracétamol et la caféine. Le
dictionnaire électronique Vidal 2008 [88] recensait 35 spécialités en comportant,
dont deux référents (Di-Antalvic® et Propofan®).
Depuis le 1er mars 2011, toutes les spécialités contenant du dextropropoxyphène
ont été retirées du marché.
Sa dénomination commune internationale est : dextropropoxyphène ou propoxy-
phène (C22H29NO2 = 339,5 g/mol).
140
Héroïne, morphine et autres opioïdes
› par voie transdermique (dans des cas de douleurs chroniques : patch Durogésic®
contenant 2,1 à 16,8 mg de fentanyl délivrant des doses de 12–100 μg/h pen-
dant 72 h) ;
› par voie buccale transmuqueuse (Actiq®, comprimé avec applicateur buccal)
pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients rece-
vant déjà un traitement de fond morphinique.
Le fentanyl et ses dérivés sont aussi consommés abusivement en intraveineuse par
les toxicomanes, car leurs effets cliniques sont proches de ceux de l’héroïne. En
effet, le « rush » est perçu comme étant proche de celui que procure l’héroïne. La
tolérance et la dépendance physique de ces produits sont aussi très proches de ceux
de l’héroïne. Le fentanyl et les analogues du fentanyl ont été vendus dans la rue
depuis le début des années 1980, surtout aux États-Unis, sous diverses appellations :
héroïne, héroïne synthétique, China white, Tango and Cash. En France comme
en Europe le phénomène est beaucoup plus rare et implique le plus souvent du
personnel médical, probablement de par la très faible accessibilité du produit, classé
stupéfiant et réservé à l’usage hospitalier.
Le fentanyl est le plus souvent présenté sous forme citrate à l’aspect de poudre
blanche cristalline.
Sa dénomination commune internationale est : fentanyl ou phentanyl
(C22H28N2O = 336,5 g/mol).
141
Drogues et accidentalité
6.2.1 Héroïne
La diacétylmorphine (héroïne) s’administre essentiellement par voie intraveineuse
(seringue à insuline) à raison de 2 à 20 mg d’héroïne pure par prise mais également
par « sniff » (voie nasale) ou même, de plus en plus, fumée pour éviter les risques
liés à l’injection intraveineuse (infection, transmission de maladies virales : hépatite
C et VIH). Quelle que soit la voie d’administration, nasale ou intramusculaire,
l’héroïne atteint son pic plasmatique en 5 min environ [79] en même temps que
son premier métabolite la 6-monoacétylmorphine (6-MAM). Elles traversent rapi-
dement la barrière hémato-encéphalique. La liposolubilité de l’héroïne, supérieure à
la morphine, lui confère une activité plus rapide et plus puissante et un large volume
de distribution de 25 L/kg. L’héroïne se dégrade en quelques minutes dans le sang
par une estérase en 6-MAM dont la demi-vie plasmatique est d’environ 20 min
avec des taux de l’ordre d’une dizaine de nanogrammes par litre. Sa métabolisation
se poursuit dans le foie [4] par une désacétylation de la 6-MAM en morphine dont
la demi-vie est plus longue : de 1,5 à 3 h et les taux plasmatiques atteints vont
de 10 à 500 ng/mL [68] voire plus pour des sujets tolérants. Tous les métabolites
subissent une glucuronoconjugaison plus ou moins importante.
La vitesse de dégradation de la diacétylmorphine dans le sang est telle qu’elle est très
rarement détectée dans les fluides biologiques et que seule la présence de 6-MAM
peut signer la prise d’héroïne. L’élimination est principalement urinaire : la 6-MAM
reste détectable pendant 7 h environ. La morphine libre est également éliminée dans
les premières heures, elle est détectable pendant 12 h mais ses dérivés conjugués
restent détectables dans les urines jusqu’à deux jours après la dernière prise [81].
100 ng/mL voire 500 ng/mL [68, 56]. Elle pénètre tous les organes (reins,
foie, poumons) sans s’y accumuler et traverse difficilement la barrière hémato-
encéphalique du fait de sa faible liposolubilité. Elle est métabolisée principa-
lement dans le foie par glucuronoconjugaison (54 à 74 %) produisant de la
morphine-6-glucuronide et de la morphine-3-glucuronide dans un ratio de 6:1,
sulfoconjugaison et oxydation. La morphine-6-glucuronide est un métabolite
environ 50 fois plus actif que la substance mère. La normorphine, obtenue par
déméthylation via le CYP3A4 est également un autre métabolite actif. L’élimina-
tion se fait essentiellement par voie urinaire (70 à 90 %) en 24 h en moyenne.
6.2.7 Dextropropoxyphène
Le dextropropoxyphène est administré par voie orale. Son absorption est rapide (moins
d’une heure), le pic plasmatique (0,17–0,37 μg/mL) étant obtenu en moyenne 2 h
après une dose unique de 130 mg par voie orale. Les concentrations plasmatiques en
145
Drogues et accidentalité
146
Héroïne, morphine et autres opioïdes
147
Drogues et accidentalité
Agonistes et antagonistes
L’activité agoniste se définit comme la compétition, sur les sites actifs des récep-
teurs, du produit face au ligand endogène. À ceci s’ajoute la notion de puissance
d’activité de forte (agoniste complet) à faible (agoniste partiel).
Les antagonistes purs sont caractérisés par :
– leur compétition totale à l’égard des agonistes (et partielle à l’égard des
agonistes-antagonistes) ;
– l’absence d’activité agoniste cliniquement décelable.
Les agonistes-antagonistes se caractérisent par leur action agoniste sur certains
récepteurs et antagonistes sur d’autres ; leur action est également fonction de la
dose administrée.
148
Héroïne, morphine et autres opioïdes
149
Drogues et accidentalité
Opiacés - Opioïdes
dépression du SNC
euphorie
troubles respiratoires
sensation de bien-être
baisse de l’état de
conscience
baisse des réflexes
Les récepteurs mu (μ) sont présents dans toutes les structures du cerveau et de la
moelle épinière impliquées dans l’analgésie morphinique et l’euphorie (sous-type
Mu1). Ils sont également présents dans le centre du tronc cérébral impliqué dans la
dépression respiratoire, les réactions émétiques, et l’abus compulsif de drogues (sous-
type Mu2). Les récepteurs mu ne sont pas ou peu retrouvés dans le cortex cérébral.
Ces récepteurs sont aussi dénommés OP3 ou MOR (morphine opioid receptors).
Les récepteurs kappa (κ) se situent principalement dans la glande basale, le cortex
cérébral, l’hypothalamus, l’épine dorsale de la moelle épinière. On pense qu’ils
150
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’héroïne possède une activité agoniste sur les récepteurs kappa et une activité plus
faible sur les récepteurs sigma. En 1996, son action préférentielle sur un autre récep-
teur est évoquée [69]. Son action sur les récepteurs mu est due à sa métabolisation
en morphine, leur agoniste de référence.
La morphine exerce une activité préférentielle sur les récepteurs mu et kappa, et une
activité plus faible sur les récepteurs sigma. Elle sert de référentiel à l’activité dite
« agoniste » dont les principaux effets sont : analgésie, sédation, myosis, euphorie,
dépression respiratoire.
La codéine a une activité agoniste 10 fois moindre que la morphine ; de même
que la pholcodine, elle agit en modifiant les propriétés convulsivantes et excitantes
de la moelle mais son affinité vis-à-vis des différents récepteurs est mal étudiée.
151
Drogues et accidentalité
La buprénorphine a une grande affinité envers les récepteurs mu et kappa, mais bien
moindre envers les récepteurs delta. Elle développe une activité agoniste partielle (ago-
niste ou antagoniste selon la dose) sur les récepteurs mu et une activité antagoniste sur
les récepteurs kappa. La buprénorphine possède une dissociation très lente vis-à-vis des
récepteurs morphiniques qui fait qu’une partie reste en place sur les récepteurs alors
que les concentrations plasmatiques sont devenues très basses. Cette propriété expli-
que la longue durée d’action de la molécule, le faible développement de la tolérance
et une période de sevrage courte et retardée, utile au traitement de substitution.
La méthadone est un agoniste qui agit préférentiellement sur les récepteurs mu.
Son pouvoir dépresseur des centres respiratoires semble plus marqué que celui de
la morphine, l’euphorie est faible et la dépendance forte. Son usage répété entraîne
également la diminution de production d’adrénaline, due à son action sur le sys-
tème endocrinien.
TABLEAU 6.4 Durée d’action des opiacés et opioïdes influant sur l’aptitude
à la conduite automobile ou l’exécution de taches requérant précision
et vigilance [4, 32, 81, 88].
Durée d’influence
sur la conduite de
Temps de demi-vie
Pic plasmatique machines après une
plasmatique
dose thérapeutique2
(ou usuelle)
Héroïne (diacétylmorphine) 4–6 min.
5 min. 3×4 h
Monoacétylmorphine 15–30 min.
Buprénorphine
1–2 h 2–5 h 8h
(cp sublingual)
Méthadone 4h 8–40 h 36–48 h
(moy. 15–25 h)
Morphine 1–1,5 h 1,5–3 h 2–6 h
forme LP1 2–4 h 8–12 h (voire 24 h)
Codéine 1–2 h 2–4 h 4-6 h
Oxycodone 1–2,5 h 4–6 h 8–12 h
Dextropropoxyphène 2h 8–24 h 4–8 h
Norpropoxyphène 4h 24–34 h
Fentanyl patch 24 h 13–22 h 72 h
Cp avec applicateur buccal 20–40 min 2–3 h (max 8 h)
Tramadol 2h 4,3–6,7 h 4–6 h
forme LP1 5h 12 h
Pholcodine 4–h 37 h 8–16 h
1
LP : à libération prolongée.
2
Chiffres à pondérer par des facteurs d’accoutumance et de sensibilité individuelle.
153
Drogues et accidentalité
Attention, danger :
Soyez prudent Soyez très prudent ne pas conduire
ne pas conduire ne pas conduire sans l’avis Pour la reprise de la conduite,
sans avoir lu la notice d’un professionnel de santé demandez l’avis d’un médecin
L’effet des opioïdes sur le système nerveux central (SNC) et le relâchement des
muscles lisses a une action particulièrement dommageable autant pour la conduite
automobile que pour les actions requérant attention et précision car ils induisent
une perte de l’attention, des réflexes, de la réalité et de la conscience du danger et
des obstacles.
6.4.1 Héroïne
6.4.1.1 Utilisation ponctuelle
À faibles doses, les effets sont :
› une action analgésique accompagnée de sédation, somnolence et sommeil et une
action dépressive des centres respiratoires pouvant conduire à des malaises ;
› une action psychodysleptique avec euphorie voire dysphorie et une élévation
du seuil de perception douloureuse de toute nature ;
› une hypotension et une bradycardie diminuant les performances du myocarde
sans modifier le débit ;
› une action toxicomanogène avec dépendance physique et psychique ainsi qu’un
myosis (rétrécissement de la pupille) peu dépendant de l’accoutumance, signa-
lant l’intoxication chronique et altérant la vision.
Les effets psychophysiologiques de l’héroïne sont identiques à ceux de la morphine
mais plus brutaux avec une dépression respiratoire plus marquée. On estime que
son action est trois fois plus forte que celle de la morphine.
À fortes doses, l’héroïne provoque des bouffées délirantes, hallucinatoires et des
phases d’excitation motrices parfois convulsives rendant extrêmement dangereuse
l’utilisation de machines dans la mesure où celle-ci est encore possible. Le risque
de surdose mortelle est important.
154
Héroïne, morphine et autres opioïdes
6.4.2 Méthadone
Si les propriétés euphorisantes de la méthadone sont peu marquées, son action dépressive
sur les centres respiratoires peut être à l’origine d’apnées ou de malaises. Lors de la mise
en place du traitement, un effet sédatif marqué (somnolence voire endormissement)
est régulièrement observé. La méthadone peut également provoquer l’apparition de
mouvements automatiques pouvant être associés aux variations de l’état de conscience.
D’autres effets, notamment des altérations de la perception visuelle peuvent se sura-
jouter. Toutes ces données neurocomportementales suggèrent, d’après Gaulier [38], un
risque de diminution de l’aptitude à la conduite automobile sous méthadone.
Les études expérimentales concernant les effets de la méthadone sur les fonctions
cognitives et psychomotrices ont fait l’objet d’une revue par Gaulier en 2003 [38]
dont les conclusions suggèrent que c’est essentiellement au cours du premier mois
de traitement que le patient devrait éviter de conduire. Les résultats des tests réalisés
chez des patients équilibrés sous traitement de maintenance ne montrent pas de
perturbation significative.
Il a été depuis confirmé que, même si les patients en thérapie de maintenance
par la méthadone montrent quelques déficits lors des tests destinés à évaluer les
fonctions requises pour la conduite (déficits non présents dans un groupe traité par
la buprénorphine), ceux-ci ne sont pas suffisants pour avoir un impact significatif
sur les résultats des tests. Le nombre d’accidents et les risques d’accident sont plus
élevés chez les consommateurs de drogues prises de manière illicite et en dehors
des programmes de traitement [74].
Enfin une étude très récente a montré qu’il n’existe pas de différence significative des
résultats de tests d’aptitude à la conduite chez des patients traités à long terme et
stabilisés à la méthadone ou à la buprénorphine au moment du pic de concentration
par rapport à celui où la concentration est d’ordre résiduelle [3].
En France, la méthadone est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de
niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.
155
Drogues et accidentalité
6.4.3 Buprénorphine
La buprénorphine entraîne une dépression respiratoire et un syndrome de sevrage
plus faible que la méthadone. Par contre son action analgésique à faible dose est
bien plus puissante. D’après Gaulier [38], tout comme avec la méthadone, les états
de sédation surviennent essentiellement en début de traitement. Lors d’association
à d’autres dépresseurs du SNC (en particulier benzodiazépines et éthanol) il existe
tout au long du traitement un risque important de sédation avec endormissement,
ce qui constitue un risque majeur lors de la conduite automobile.
Les études expérimentales sur les effets de la buprénorphine sur l’aptitude à la
conduite automobile sont peu nombreuses. Une étude a comparé de façon indi-
recte les résultats de tests obtenus chez 13 patients en substitution par la BHD à
ceux obtenus dans des conditions semblables pour des patients sous méthadone.
Les conclusions suggèrent que le traitement par la buprénorphine serait moins
défavorable que celui par la méthadone au niveau des performances psychomotrices
notamment en situation de stress [80].
Mais depuis, les travaux de Schindler [74] puis Baewert [3] n’ont pas montré de
supériorité réellement significative de la buprénorphine sur la méthadone concer-
nant les résultats de tests d’aptitude à la conduite. Il est systématiquement rappelé
qu’il est primordial de bien informer ces patients sur leur capacité à conduite.
En France, la buprénorphine est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de
niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.
6.4.4 Morphine
Le principal effet secondaire de la morphine ayant un effet direct sur l’accidentalité
est la dépression centrale entraînant sédation et altération de la vigilance. Le myosis
peut aussi être gênant pour l’accommodation visuelle, particulièrement de nuit.
6.4.6 Oxycodone
Comme tous les analgésiques agonistes des opiacés, l’augmentation des doses aug-
mente l’analgésie, à la différence des analgésiques mélangés agonistes/antagonistes
ou non opioïdes, où il y a une limite à l’effet analgésique avec l’augmentation des
doses. L’oxycodone n’a aucune dose maximum définie. Le plafond de l’efficacité
analgésique est imposé seulement par les effets secondaires, les plus sérieux pouvant
inclure la somnolence et la dépression respiratoire. Les effets indésirables sont très
proches de ceux de la morphine et son potentiel de pharmacodépendance est plus
élevé que celui de la codéine, ce qui explique son classement comme stupéfiant.
6.4.7 Dextropropoxyphène
Le dextropropoxyphène a une structure chimique proche de la méthadone. Il n’en-
gendre pas de dépendance aux doses usuelles et sur un traitement court. Néanmoins
en cas d’usage prolongé on voit fréquemment survenir une pharmacodépendance.
Les effets indésirables rapportés en rapport avec des risques d’accidentalité sont nau-
sées, vomissements, douleurs abdominales, céphalées, asthénie, euphorie, troubles
mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges.
6.4.8 Fentanyl
Les effets indésirables sont ceux des morphiniques dans leur ensemble mais beau-
coup plus puissants. En cas de toxicomanie, on peut retenir les mêmes effets indé-
sirables que pour l’héroïne, bien que les conséquences sociales soient en partie
différentes dans la mesure où l’héroïne s’achète « dans la rue » alors que le fentanyl
en France n’est disponible que dans les milieux hospitaliers. De ce fait, le nombre
d’usagers est beaucoup plus restreint.
Le fentanyl chlorhydrate sous forme de dispositifs transdermiques (patchs) a un
pictogramme de niveau 2, tandis que le fentanyl citrate sous forme de comprimés
avec applicateur buccal (transmuqueux), sous forme iontophorétique ou encore en
solutions injectables (anesthésie) a un pictogramme de niveau 3.
6.4.9 Tramadol
À l’instar de ce qui est signalé pour les opioïdes faibles, le tramadol est susceptible
d’entraîner des effets indésirables d’intensité très variable selon les individus et en
rapport avec des risques d’accidentalité tels que céphalées, asthénie, euphorie, trou-
bles mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges. Notons également
157
Drogues et accidentalité
6.5.1.1 Sang
Seul le sang permet valablement de corréler le degré d’imprégnation d’un individu
par un xénobiotique opiacé ou opioïde avec son comportement, car la présence
d’une molécule dans le sang implique sa présence au niveau cérébral.
Cependant, le seuil de concentration sanguine à partir duquel il y a altération des
capacités n’est pas facile à définir car il est très variable d’un individu à l’autre et,
de plus, il existe pour tous les psychotropes et en particulier pour les opiacés et les
opioïdes, un phénomène d’accoutumance qui, pour un même individu, modifie
ce seuil en fonction des habitudes de consommation. Ainsi l’unique seuil légal
définissable est le seuil analytique de positivité.
158
Héroïne, morphine et autres opioïdes
6.5.1.2 Urine
L’urine, constituée majoritairement d’eau, conserve un intérêt indéniable pour le
dépistage rapide d’une prise récente d’opiacés [89]. Elle offre l’avantage de fournir
un grand volume d’échantillon ainsi que des concentrations élevées d’analytes en
raison de l’effet concentrateur des reins. La durée de détection est environ quatre
fois supérieure à celle du sang que ce soit pour la 6-monoacétylmorphine ou la
morphine. Cependant, si ce milieu biologique est relativement aisé à recueillir, il
présente plusieurs inconvénients :
› il est adultérable aisément surtout par les populations de toxicomanes héroïnoma-
nes avertis, et substituable, son prélèvement nécessite donc des locaux adaptés ;
› pour les contrôles routiers, les forces de l’ordre ne sont pas toujours équipées
de véhicules pour recueillir ce liquide biologique qui doit être fait en présence
d’un médecin. De ce fait, pour des raisons purement matérielles, le prélèvement
salivaire lui est préféré ;
› l’analyse nécessite une très bonne connaissance des kits disponibles en particulier en
ce qui concerne la spécificité vis-à-vis des différents opioïdes (voir ci-dessous) ;
› l’interprétation quantitative des concentrations urinaires doit être prudente car
elle dépend de facteurs non maîtrisables comme la diurèse et de facteurs souvent
mal documentés comme la dose consommée et le délai exact entre le moment
de la consommation et celui du prélèvement urinaire.
160
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’analyse d’urine révèle une consommation dans les 1 à 3 jours environ précédant
le prélèvement (pour plus de détails se référer au tableau 6.7), mais ne renseigne
pas formellement sur l’incapacité d’un individu à exécuter une tâche à un moment
donné, contrairement à l’analyse sanguine.
6.5.1.3 Salive
L’analyse de la salive est la plus récente technique dont les médias et les organisateurs
des contrôles louent les mérites pour le dépistage des drogues. Après l’Australie et la Fin-
lande, ces tests de dépistage salivaires sont désormais intégrés également en France dans
la procédure officielle de dépistage de la conduite sous influence de stupéfiants [25].
Non seulement il est plus facile et moins intrusif de prélever de la salive que de l’urine ;
mais la salive étant prélevée sous contrôle visuel du personnel médical ou des enquêteurs,
elle est difficile à substituer ou adultérer. De plus contrairement à l’analyse d’urine ou
de cheveux, les résultats salivaires indiquent si la drogue a été consommée récemment
et donc renseignent sur l’état d’imprégnation du sujet au moment du prélèvement.
Des travaux ont mis en évidence que, dans la salive, quelle que soit la voie d’admi-
nistration (intraveineuse, inhalée, sniffée) la détection de l’héroïne par CPG-SM
était possible pendant 1 h environ, la 6-monoacétylmorphine pendant 1 à 4 h et
la morphine pendant 12 h. La codéine se détecte pendant 9 à 12 h après prise de
phosphate de codéine par voie orale à la dose de 60 mg [50, 51].
Néanmoins, à l’heure actuelle, les kits de dépistage salivaires le plus souvent uti-
lisés ne détectent pas la méthadone ni la buprénorphine, ni les autres opioïdes de
moindre occurrence (tramadol, dextropropoxyphène, fentanyl).
Par ailleurs, des progrès dans le développement de ces tests salivaires sont encore à
réaliser car leur fiabilité est à améliorer. Une revue des différents tests actuellement
disponibles sur le marché a été publiée tout récemment par Verstraete et Labat
[87]. Ils relatent notamment les résultats de l’étude européenne Rosita-2 entre
2003 et 2005 qui indique une sensibilité pour les opiacés variant selon les tests de
51 à 100 % et une spécificité toujours supérieure à 85 % quel que soit le kit. Le
test actuellement utilisé en France est le Rapid-Stat® de la société Mavand dont le
seuil de positivité pour les opiacés indiqué à 25 ng/mL [27] n’atteint pas le seuil de
10 ng/mL en morphine et 6-MAM recommandé dans l’arrêté du 24 juillet 2008
instaurant le dépistage par test salivaire en France [25].
Le faible volume de salive pouvant être récolté limite son utilisation, soit à du dépistage,
soit à des techniques d’identification et de dosage particulièrement sensibles. Dans ce
dernier cas, des concentrations anormalement élevées dans un prélèvement salivaire
peuvent être observées et sont alors le signe d’une prise très récente et reflètent davantage
la présence du toxique encore dans la bouche que son excrétion par la salive [89].
6.5.1.4 Sueur
Bien que les opiacés et leurs métabolites passent rapidement dans la sueur [49], ce
milieu semble inutilisable dans le cadre de la mise en évidence de conducteurs ou
161
Drogues et accidentalité
de travailleurs sous influence d’opiacés, car son recueil est difficile et aléatoire dans
des délais courts. De plus, les résultats seront fonction de l’hygiène des individus.
6.5.1.5 Cheveu
Un des principaux avantages de l’analyse capillaire est de permettre d’identifier
la molécule mère incriminée et pas seulement ses métabolites parfois peu spéci-
fiques. Elle est également utile pour déterminer l’antériorité et l’intensité d’une
consommation.
D’une façon générale, et à l’instar des États-Unis, certains préconisent l’analyse
capillaire car cette méthode permet de détecter dans les cheveux d’un individu des
traces de la drogue qu’il a consommée plusieurs mois ou même plusieurs années
auparavant, selon la longueur de l’échantillon de cheveux ou de poils, ce qui permet
d’établir le profil de consommation d’un individu.
Le cheveu est très utilisé dans le cadre judiciaire pour différencier le dealer du toxi-
comane et de ce fait une corrélation a été établie entre les concentrations capillaires
et les quantités d’héroïne absorbées [61].
L’analyse capillaire permettant de différencier une prise ponctuelle d’une prise
répétée est particulièrement utile lors d’un suivi pour la restitution du permis de
conduire ou dans le cadre d’une période probatoire ou d’une embauche ou sur un
salarié en poste à risque.
Ce milieu ne permet pas d’apprécier la conduite ou le travail sous influence à un
instant donné puisque le délai entre la prise et le passage dans les phanères est de
plusieurs jours (2 à 5 jours) pour tous types d’opiacés.
La recherche de l’ensemble des opiacés et opioïdes les plus courants dans les cheveux
nécessite obligatoirement des techniques d’analyse très sensibles et spécifiques.
Selon Imprégnation/
Usage chronique
objectifs faits récents
Dépistage Immunochimie sur Immunochimie sur urine (fenêtre de détection
urine ou salive, voire
de quelques jours) ou cheveux (fenêtre de détection
le sang dépendant de la longueur de la mèche)
Spectrométrie de masse ou immunochimie sur
cheveux (fenêtre de détection de quelques semaines
à quelques mois)
Confirmation Spectrométrie de masse Spectrométrie de masse quel que soit le milieu
sur sang ou salive biologique (urine, cheveux)
162
Héroïne, morphine et autres opioïdes
6.5.2.1 Le dépistage
Le dépistage des drogues s’effectue le plus souvent en France par l’analyse immu-
nochimique que ce soit par des tests rapides au bord de la route ou en santé au
travail [58, 71] ou par des techniques de dépistage largement présentes dans les
laboratoires en phase liquide (EMIT, CEDIA, FPIA…) ou en phase solide (ELISA).
Ces tests, destinés tout d’abord à l’analyse des urines, ont été développés pour
reconnaître les métabolites urinaires plus que les principes actifs.
En ce qui concerne plus spécifiquement les opioïdes, les différents tests actuellement
disponibles sur le marché sont présentés ci-dessous selon les produits.
Comme nous l’avons déjà évoqué, l’usage des ces tests immunochimiques de dépis-
tage urinaire des stupéfiants s’est élargi progressivement à d’autres matrices comme
le sang, puis la salive et les phanères. Cette évolution délicate a nécessité des adap-
tations, par exemple des anticorps plus ciblés sur les produits parents que les méta-
bolites, et nécessite encore des améliorations selon la matrice concernée.
Les dérivés de l’opium peuvent être dépistés dans l’urine jusqu’à 72 h après un
usage, tandis que d’autres opiacés comme la pholcodine peuvent être dépistés dans
l’urine pendant plus d’une semaine (tableau 6.7).
163
Drogues et accidentalité
Les seuils minima de détection des opiacés par les tests de dépistage sont définis
dans le cadre de la conduite automobile à 300 ng/mL d’urine pour la morphine et
à 10 ng/mL de salive pour la morphine et la 6-monoacétylmorphine [25].
Les États-Unis et le Royaume-Uni utilisent très largement et depuis de nombreuses
années les dépistages immunochimiques capillaires, notamment dans le cadre de la
médecine du travail, avec confirmation par spectrométrie de masse [7, 8, 73, 85, 86].
Enfin certains laboratoires français utilisent des tests ELISA en routine pour le
dépistage des stupéfiants dans les cheveux depuis plusieurs années [13].
L’analyse capillaire nécessite néanmoins un savoir faire, une expérience certaine et
l’utilisation obligatoire de seuils de positivité reconnus internationalement par la
communauté scientifique.
6.5.2.1.3 Méthadone
De nombreux tests de recherche de la méthadone par technique immunochimique
sont disponibles sur le marché. Ils sont basés sur les principes EMIT, CEDIA,
164
Héroïne, morphine et autres opioïdes
FPIA, KIMS, ELISA. Selon le kit, l’anticorps est dirigé contre l’EDDP (2-éthyli-
dène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine) ou contre la méthadone (pour éviter
les risques de falsification). Il existe très peu de réaction croisée entre les deux, or
d’après Cone [16] le métabolite est retrouvé plus souvent au niveau urinaire que le
produit parent, l’utilisation d’un anticorps dirigé contre l’EDDP semble donc plus
adéquate pour le dépistage de la consommation de méthadone dans les urines. La
plupart des techniques sont proposées pour l’analyse sur urines mais de nombreuses
adaptations sont possibles sur d’autres matrices telles que le sang total, le sérum, le
plasma, le sang post-mortem [47], la salive [15], les cheveux [17]. Selon les tests et
les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 5 à 300 ng/mL sauf pour
les cheveux ou le seuil proposé est de 200 pg/mg pour la méthadone [1].
Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la quétiapine, les
métabolites du vérapamil, la cyamémazine, la lévomépromazine, l’alimémazine, la
diphenhydramine et la doxylamine peuvent interférer avec les tests immunochimi-
ques de la méthadone.
6.5.2.1.4 Buprénorphine
Les tests de recherche de la buprénorphine par technique immunochimique sont
moins nombreux sur le marché sans doute parce que les analyses de contrôle ne
sont pas obligatoires dans les programmes de substitution à la buprénorphine à
la différence de ceux à la méthadone. Il existe à l’heure actuelle deux types de
méthodes basées sur les principes CEDIA ou ELISA. L’anticorps est dirigé contre la
buprénorphine et le pourcentage de croisement avec la norbuprénorphine est varia-
ble selon sa concentration et le kit utilisé. Il peut exister des faux positifs surtout si
le seuil de positivité est fixé à une valeur trop basse [1]. Là encore, de nombreuses
validations sur d’autres types de matrices que les urines ont été décrites telles que
le sang et les cheveux [12] ou encore la salive [15]. Selon les tests et les matrices
biologiques, les seuils de positivité varient de 0,5 à 20 ng/mL sauf pour les cheveux
ou le seuil proposé est de 10 pg/mg pour la méthadone [1].
Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la dihydrocodéine et
le tramadol peuvent interférer avec le kit CEDIA de la buprénorphine.
6.5.2.1.5 Dextropropoxyphène
Il existe quelques tests de recherche du dextropropoxyphène basés sur les principes
CEDIA ou EMIT, le kit FPIA de la société Abbott n’étant plus commercialisé depuis
2008. L’anticorps utilisé dans ces tests est dirigé contre le dextropropoxyphène. D’après
la revue faite par Alvarez [1], le taux de croisement avec le métabolite principal, le
norpropoxyphène est variable selon le kit et parfois selon la concentration. Or l’étude
de Cone et coll. [16], portant sur 538 urines de patients sous traitement par dextro-
propoxyphène, a montré que 50,4 % des urines contenaient du norpropoxyphène seul,
9,9 % contenaient le propoxyphène seul et 39,9 % contenaient les deux composés. Il
est donc important que l’anticorps utilisé reconnaisse le mieux possible le métabolite.
Ces tests sont utilisés essentiellement pour les urines, avec un seuil de positivité courant
165
Drogues et accidentalité
à 300 ng/mL. Ils ont été utilisés pour le dépistage dans les cheveux par Moore [57].
Deux types de substances semblent croiser avec certains tests utilisés pour la recherche
du dextropropoxyphène, la diphénydramine [75] et les dérivés tricycliques [66].
Seuils de positivité
La CPG-SM est applicable et des seuils de positivité ont été définis par consensus de
sociétés savantes :
– Le consensus de la SFTA validé en 2004 pour l’analyse des cheveux dans la res-
titution du permis de conduire propose un seuil de 0,5 ng/mg de cheveux pour
tous les opiacés (codéine, morphine, 6-MAM, codéthyline et pholcodine) à partir
d’une prise d’essai de 30 mg de cheveux [29].
– La Society of Hair Testing (SoHT) recommande quant à elle des limites de quanti-
fication inférieures ou égales à 0,2 ng/mg, quel que soit l’opiacé (6-MAM, mor-
phine, codéine) [30].
Concernant la salive, compte tenu des faibles concentrations ne dépassant pas les
100 ng/mL et des faibles volumes disponibles (1 à 2 mL maximum et le plus
166
Héroïne, morphine et autres opioïdes
souvent 0,5 mL), il est préférable d’utiliser des techniques telles que la CPG-SM/
SM ou la CLHP-SM/SM qui sont plus adaptées pour la confirmation dans ce
milieu [72]. En 2007, Simonin et coll. [78] ont proposé une technique de dosage
dans la salive de 4 classes de stupéfiants par CLHP/SM/SM pour laquelle la limite
de quantification est de 1 ng/mL pour les opiacés.
167
Drogues et accidentalité
168
Héroïne, morphine et autres opioïdes
169
Drogues et accidentalité
170
Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.9 Dix-sept cas d’accidents ou malaises sur la voie publique ou dans une voiture
suite à une prise d’héroïne coupée à l’alprazolam.
Heure
N° Âge Emploi Conducteur Commentaires
des faits
1 41 Technicien oui 12 h Réveillé à l’hôpital sans souvenirs,
traitement méthadone
2 43 Sans oui ? Réveillé à l’hôpital, blessures mains et visage
3 48 Agent oui 15 h Injection IV dans sa voiture puis déséquilibre
d’entretien et plus de souvenirs. Réveillé aux urgences
4 29 Employé oui 15 h 30 Injection IV dans voiture, puis endormi
après travail et réveillé aux urgences de l’hôpital
5 49 Non précisé non, ? Avec un ami, sniff d’héroïne dans véhicule
son ami puis alors qu’ils roulaient ont été interpellés
puis conduits à l’hôpital
Son ami, conducteur n’était pas très bien
6 44 Non précisé oui 11 h à Sniff d’héroïne dans véhicule puis ne se
11 h 30 souvient de rien, ne sait pas si accident ou
pas, réveillé à l’hôpital
7 39 Aide oui 15 h Injection IV d’héroïne, accident voiture,
soignant son ami hospitalisé en soins intensifs.
Traitement Subutex ®
8 41 Cadre oui 16 h Sniff d’héroïne vers 16 h dans voiture puis
aucun souvenir jusqu’au lendemain 15 h
à l’hôpital
9 29 Artisan oui, 13 h 05 Avec ami, a sniffé de l’héroïne dans le véhi-
véhicule cule, a conduit son ami à l’arrêt de bus,
d’entreprise puis s’est endormi sur la nationale et se
réveille aux urgences le lendemain à 14 h
10 42 Agent oui 18 h Injection IV d’héroïne, a repris le volant
commercial puis plus de souvenirs. Accident de circula-
tion. Réveil à l’hôpital
11 51 Non précisé oui Sniff d’héroïne dans véhicule avec son ami,
ensuite plus de souvenirs, réveillé à l’hôpital
12 h
12 35 Jardinier non (avec S’est réveillé à 4 h à l’hôpital
sujet 11)
13 47 Employé oui 13 h Allé en voiture pour achat héroïne, rentré
chez lui consommer en sniff, repart
travailler en voiture, malaise en chemin.
A heurté panneau de signalisation. Réveillé
à l’hôpital. Traitement Subutex ®
14 41 Chauffeur- oui 19 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, puis
livreur trou noir. Réveillé à l’hôpital
15 41 Sans non (avec 17 h Injection IV d’héroïne dans la rue, malaise
sujet 16) sur la voie publique, réveillé à l’hôpital
16 45 Sans oui 10 h Prise d’héroïne dans sa voiture, puis trou
noir. Réveillé à l’hôpital. Traitement
Subutex ®
17 41 Sans oui 15 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, pas
de souvenir de la suite, réveillé à l’hôpital
171
Drogues et accidentalité
62 % 6-MAM urine
___________________________
médiane (2,5 et 97,5 percentiles)
30 ng/g (5 et 230)
20 ng/g (5 et 592)
8 ng/g (5 et 104)
[10]
pour lesquels dans le sang : – signe la prise d’héroïne
– 42 % ratio morphine/codéine = 1 à 66
(médiane 6,0) – ancienne prise d’héroïne
– 8,5 % morphine et codéine < LOQ – impossible de conclure sans urine
– 49,5 % morphine seule détectée
173
Drogues et accidentalité
Les cas publiés mettant en cause les produits de substitution aux opiacés tels que
la méthadone ou la buprénorphine sont rares.
Le jour de Noël 1998, un conducteur de 34 ans est arrêté en état d’ivresse mani-
feste ; les résultats de l’analyse sanguine montrent une alcoolémie négative mais la
présence de méthadone associée à une benzodiazépine à concentration thérapeu-
tique. L’examen clinique le décrit comme ayant un souffle insuffisant pour l’alcoo-
test, titubant arrogant, agressif, le regard anormal, les explications incohérentes et
répétitives [63].
Gaulier et coll. ont rapporté le cas d’un accident de la voie publique en août 2001
[38]. Le véhicule d’un conducteur d’une trentaine d’année vient de percuter un
rocher après une sortie de route inexpliquée. Le conducteur gravement blessé est
évacué vers le centre hospitalier le plus proche où, dès son arrivée, des prélève-
ments biologiques à visée d’expertise toxicologique sont pratiqués compte tenu de
la découverte de seringues et d’une cuillère dans le véhicule. L’éthanolémie est nulle,
de même que les recherches de produits stupéfiants, mais il est relevé dans le sang
la présence de buprénorphine (1,2 ng/mL) et de norbuprénorphine (2,5 ng/mL)
ainsi que du métabolite acide du THC (0,67 ng/mL). De la buprénorphine était
également retrouvée dans les seringues et la cuillère.
Dans le cadre des traitements de substitution par méthadone et buprénorphine, les
principaux facteurs à prendre en compte pour estimer les capacités d’un individu
à mener sa tache sont d’abord le délai depuis la mise en place du traitement, car
les perturbations sur les performances sont particulièrement marquées le premier
mois de traitement, puis l’éventuelle association à d’autres substances psychotropes
due à une potentialisation des effets délétères.
6.8 Conclusion
Ainsi que le laisse prévoir le mode d’action des opiacés sur les récepteurs du système
nerveux central, la prise d’héroïne, de morphine ou d’opiacés licites, de substitution
(buprénorphine, méthadone) ou même d’opiacés antitussifs libres de prescription,
modifie significativement le comportement et les capacités réactives de l’individu.
À ce jour, seule la technique de CPG-SM préconisée par la SFTA dans le sang
ou d’autres techniques utilisant la spectrométrie de masse ou de masse tandem,
permettent de différencier la prise d’opiacés illicites des opiacés consommés sous
contrôle médical ou libres de prescription.
Les travaux publiés concernant la durée d’action des opiacés corrèlent approxima-
tivement la durée de détection sanguine et montrent que l’urine, où la persistance
des opiacés est beaucoup plus longue, ne peut être un milieu scientifiquement
utilisable pour mettre en évidence la preuve d’une consommation sur le lieu de
travail ou d’une conduite sous influence et peuvent en fait ne révéler finalement
que l’usage de stupéfiant illicite.
174
Héroïne, morphine et autres opioïdes
Le législateur a bien précisé que l’infraction qui est commise dans le cadre des
contrôles des conducteurs au volant consiste en « a fait usage de stupéfiant » et non
pas « était sous l’influence de stupéfiant ».
La Cour de cassation en 2008 a d’ailleurs clairement confirmé qu’il s’agissait bien
d’un simple usage par le conducteur et non pas d’une altération de ses capacités à
conduire le véhicule par suite des effets délétères des stupéfiants sur le cerveau.
Les textes du code de la route prévoient l’obligation du dépistage des stupéfiants
lors d’accident de la voie publique (mortel ou non) ou de suspicion d’infraction à
la législation des stupéfiants (ILS). Ce dépistage peut aussi avoir lieu lors de simples
contrôles routiers. La législation prévoit également que ces dépistages soient confir-
més par une analyse sanguine par la méthode de référence qu’est la chromatographie
couplée à la spectrométrie de masse.
De ce fait, pour les opiacés, l’identification précise de la molécule est bien sûr
primordiale.
En ce qui concerne la médecine du travail, la problématique est plus complexe
puisqu’il s’agit de différencier un usage occasionnel d’une toxicomanie avérée ou
d’une consommation abusive, ainsi que de prendre en compte à la fois le respect
de la vie privée en dehors de l’entreprise, la responsabilité de l’employeur et la
sécurité dans l’entreprise.
Certains auteurs recommandent de n’avoir recours à ces tests que dans les cas
où la consommation de drogues ou l’incapacité qui en résulte menace la sécu-
rité du public (conducteur de véhicules de transports publics), voire des collègues
de travail ou bien parfois lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que le
dépistage des drogues va entraîner une amélioration de la qualité du travail abou-
tissant à une meilleure sécurité d’emploi des produits (cas des chaînes de montage
automobile).
Afin de déterminer les capacités de l’individu à l’entrée sur un poste de travail à ris-
que, un dépistage salivaire impromptu serait plus approprié qu’une analyse urinaire
programmée à l’avance (parfois plusieurs semaines) pour un jour donné. L’analyse
capillaire non falsifiable, permettant de connaître les habitudes de consommation
de stupéfiants du travailleur, sera plus difficile à mettre en place dans le contexte
d’un examen fait à la demande exclusive du médecin du travail tel que cela est le
cas en France.
En France, le dépistage de l’usage des stupéfiants sur le lieu de travail est une pratique
relativement récente. Les préfectures la pratiquent pour la délivrance du permis de
conduire ou de son renouvellement en matière de transport routier et de personnes.
Pour les personnels des transports (terrestres, maritimes ou aériens, de marchandises
ou de voyageurs), exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport (liste
fixée en Conseil d’État), la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de
la délinquance, prévoit un renforcement des contrôles et, en cas d’usage de stupéfiants
dans l’exercice de leurs fonctions, une aggravation des sanctions. Ces dispositions
175
Drogues et accidentalité
176
Héroïne, morphine et autres opioïdes
177
Drogues et accidentalité
jopdf/common/jo_pdf.jsp ? numJO=0&dateJO=20080730&numTexte=44&pageDebut=1
2225&pageFin=12227/ le 6 mai 2009.
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[31] Documents consultés sur le site http://www.theriaque.org/InfoMedicaments/home.cfm/,
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181
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Jean-Pierre Anger1, Jean-Claude Alvarez2,
Gilbert Pépin3, Patrick Mura4
7
Cocaïne et crack
7.1 Produits
7.1.1 Culture du cocaïer et fabrication de la cocaïne
Isolée pour la première fois en 1859 par Albert Niemann, la cocaïne est produite à
partir des feuilles d’un arbuste tropical, le cocaïer cultivé dans les Andes depuis plus de
5 000 ans. Cet arbuste pousse naturellement sur les flancs orientaux chauds et humides
des reliefs montagneux (entre 300 et 2 000 m) de l’Amérique du Sud (Bolivie, Colombie
et Pérou). Sur les 200 espèces recensées en Amérique du Sud, seules trois sont particuliè-
rement riches en alcaloïdes dérivés de l’ecgonine (elles contiennent entre 0,2 et 1,8 % de
cocaïne) : Erythroxylum coca, Erythroxylum novogranatense et Erythroxylum truxillense.
Le cocaïer est un arbuste mesurant entre 0,5 et 2 m de hauteur. Ses feuilles ont une
forme ovale, son tronc est couvert d’une écorce rugueuse de couleur rougeâtre, ses
fleurs présentent chacune cinq pétales libres et égaux et son fruit est une drupe de
type ovoïde de couleur rouge foncé (figure 7.1)
183
Drogues et accidentalité
Les feuilles, récoltées à la main, sont mises immédiatement à sécher sur une surface
sèche afin d’éviter qu’elles ne moisissent et perdent une partie de leur principe actif.
Il faut de 300 à 500 kg de feuilles séchées pour obtenir 1 kg de cocaïne.
Les feuilles sont mélangées à une base forte comme la chaux ou le carbonate de
potassium. Après plusieurs jours de macération, les alcaloïdes sont extraits du
mélange par addition d’un solvant organique (kérosène). Après élimination des
feuilles, l’addition d’acide sulfurique à la phase organique permet l’extraction des
alcaloïdes les plus alcalins qui, précipités par l’ammoniaque, conduisent à la pâte de
184
Cocaïne et crack
CH3
N
COOCH3
OCOC6H3
H
Cocaïne
FIG. 7.2 Molécule de cocaïne.
Le crack est apparu dans les Antilles françaises au milieu des années 1980. C’est
le produit de précipitation à chaud du chlorhydrate de cocaïne traité par une base
(bicarbonate de sodium ou ammoniaque). Le produit obtenu se présente sous l’aspect
d’une « galette » solide qui est ensuite débitée en petits morceaux durs et blanchâtres.
Ces « rochers » ou « cailloux » constituent la forme retrouvée à la vente. Le crack
sera inhalé après avoir été pulvérisé et chauffé. Le bruit obtenu lors du chauffage lui
donne son nom. Le crack est une forme de cocaïne titrant environ 80 %.
La cocaïne n’est plus inscrite à la Pharmacopée française. À ce jour, la culture, la
détention et la consommation de cocaïne sont interdites en France. La cocaïne est
inscrite sur la liste des stupéfiants depuis 1925.
violent de s’extraire de la réalité. Le crack est fumé au moyen d’une « pipe » le plus
souvent improvisée, comme par exemple une canette en métal percée de trous
d’aiguille. La canette contenant les morceaux de crack est chauffée au moyen d’un
briquet ou d’une bougie et la fumée émise est alors inhalée.
7.2 Métabolisme
La cocaïne (ou méthylbenzoylecgonine) est un ester d’acide benzoïque et d’un
amino-alcool, l’ecgonineméthylester. La molécule présente une région hydrophobe,
comprenant le noyau benzène, et une région hydrophile, contenant la partie amine
et une seconde fonction méthylester (partie ecgonine de la molécule). La cocaïne
est soumise à un fort métabolisme dans l’organisme (figure 7.3).
norcocaéthylène
ecgonine
+ Ethanol EE E
CEH2 + Ethanol Hydrolyse norBZE
COCAÉTHYLÈNE spontanée
CEH1
EME
CEH1 + Hydrolyse p-OH-BZE
Ethanol spontanée et BZE m-OH-BZE
CEH2 + CEH1
cholinestérases
hépatiques COCAÏNE
AEEE
AEM
Anhydroecgonine
FIG. 7.3 Métabolisme de la cocaïne.
La demi-vie de la cocaïne est relativement courte, comprise entre 0,5 et 1,5 h, mais
pouvant aller parfois jusqu’à 4 h en fonction des habitudes de consommation (la
demi-vie est allongée chez les utilisateurs chroniques vs. les usagers naïfs). Dans des
conditions optimales de conservation, la cocaïne va persister dans le sang environ
3 à 8 h, et jusqu’à 24 h dans les urines. Ces délais sont souvent prolongés chez les
consommateurs chroniques. La cocaïne diffuse dans tous les tissus de l’organisme
et traverse la barrière hémato-encéphalique. À doses importantes et répétées, elle
188
Cocaïne et crack
189
Drogues et accidentalité
190
Cocaïne et crack
7.3 Pharmacocinétique
Des problèmes évidents d’éthique ne permettent pas d’étudier correctement les
cinétiques de la cocaïne réellement utilisée par les consommateurs, notamment
lors d’usage chronique important de la drogue. Les différentes études publiées ont
en effet été menées le plus souvent chez des volontaires sains avec des doses admi-
nistrées comprises entre 20 et 50 mg par différentes voies d’administration, alors
que les consommateurs chroniques utilisent des doses de 150 à 250 mg quatre à
six fois par jour, correspondant à des doses journalières de l’ordre du gramme. La
pharmacocinétique chez les vrais consommateurs chroniques reste donc relative-
ment peu étudiée.
191
Drogues et accidentalité
192
Cocaïne et crack
193
Drogues et accidentalité
7.4 Effets
La cocaïne est un psychostimulant puissant dont les effets dépendent cependant de
la dose et du mode d’administration.
Sur le plan psychologique, elle provoque une euphorie immédiate, un sentiment de
puissance intellectuelle et physique et une indifférence à la douleur et à la fatigue.
Elle supprime la timidité et donne l’illusion d’une aisance relationnelle, le sentiment
de briller en société, d’être séduisant et « performant ». Elle désinhibe et elle peut
stimuler le désir sexuel mais aussi l’inhiber chez les consommateurs réguliers [21].
À l’issue de ces effets qui peuvent durer jusqu’à deux heures suivant les doses, le
cocaïnomane retrouve une capacité physique relativement normale mais la descente
rend agressif. Pour le crack, ces effets sont généralement plus intenses car le produit
arrive plus vite au cerveau (le poumon étant un organe très vascularisé), mais ils
sont plus brefs (15 à 30 min).
D’une façon générale, la consommation de cocaïne se traduit sur le plan physiolo-
gique par une tachycardie, une dilatation des pupilles, une hypertension artérielle,
des sueurs avec frissons, des nausées suivies éventuellement de vomissements sur un
fond d’agitation psychomotrice avec parfois confusion mentale. La tolérance et la
dépendance s’installent progressivement, mais une cure peut résoudre la dépendance
physique plus rapidement que chez les consommateurs d’héroïne [22]. Suivant la
cadence des prises, c’est après plusieurs mois de consommation que la dépendance
physique s’installe. Les cas d’overdose sont moins fréquents qu’avec l’héroïne, mais
peuvent se produire et sont en augmentation [23].
194
Cocaïne et crack
195
Drogues et accidentalité
lutter contre cette souffrance, certains consommateurs peuvent être tentés de se procu-
rer au plus vite de nouvelles doses. D’autres les pallieront en consommant également de
l’héroïne ou des médicaments psychotropes (benzodiazépines, antidépresseurs, etc.).
196
Cocaïne et crack
Tels qu’on les a exposés plus haut les effets de la consommation de cocaïne indui-
sent d’une façon générale une surestimation des capacités du conducteur (euphorie,
confiance en soi, sentiment d’omnipotence, sensation de plaisir intense, course à la
performance, dépassements hasardeux, etc.). Tous ces facteurs entraînent une prise de
risque accrue, responsable de vitesse excessive, d’agressivité au volant, de faux senti-
ment de confiance, parfois d’inattention au décours de la phase euphorique, de perte
de coordination et aussi du fait de la dilatation des pupilles, une mauvaise adaptation
à une lumière vive lors d’un croisement au cours d’une conduite de nuit.
L’usage régulier de cocaïne peut entraîner chez le consommateur une grande ins-
tabilité caractérielle (dysphorie) avec délire d’interprétation à forme paranoïde,
agressivité vis-à-vis des autres conducteurs, attaques de panique, hallucinations,
etc., associés à des troubles de la vigilance et de la concentration qui se révèlent en
fait peu propices à une conduite sereine.
À l’heure actuelle et contrairement à l’alcool, la relation dose-effet pour la cocaïne
et autres stupéfiants n’est pas documentée mais, quoiqu’il en soit, vu le caractère
illicite de cette drogue, aucune valeur limite légale ne peut être proposée. Seuls
des tests de dépistage salivaire ou urinaire sont possibles sur la route et, en cas de
positivité, ils requièrent une prise de sang pour confirmation d’une conduite sous
influence. Le délit est constitué dès lors que la présence de stupéfiants dans le sang
est confirmée par analyse spécifique.
197
Drogues et accidentalité
plus élevée [29]. En revanche, les concentrations sanguines en BZE sont 1,2 à 10 fois
supérieures aux concentrations salivaires. Cependant, compte tenu d’une demi-vie très
courte pour la cocaïne (1 h environ) alors que celle de la BZE est beaucoup plus longue
(environ 6 h), la plupart des tests salivaires commercialisés sont conçus pour rechercher
la présence de BZE. Il en est ainsi pour le Rapid Stat®, actuellement utilisé en France
dans le cadre de la sécurité routière. Selon les caractéristiques fournies par le fabricant,
le seuil de positivité du Rapid Stat® est de 10 ng de BZE par mL de salive.
7.6 Conclusion
Jusqu’au début des années 1980, la cocaïne était considérée comme une « drogue
douce », un simple euphorisant sans danger. Puis des études ont permis de montrer
que cette substance possédait en réalité un potentiel addictif très important, une
toxicité somatique et psychique des plus dangereuses pour soi-même et pour autrui.
Ses effets délétères sur l’aptitude à conduire un véhicule sont désormais bien établis.
L’usage de cocaïne provoque une surestimation des capacités des conducteurs avec
une agitation psychomotrice intense. Il en résulte une conduite à risque malgré
la présence de troubles visuels et auditifs. Si le nombre d’accidents du travail liés
à un usage de cocaïne est à ce jour mal estimé, toutes les études révèlent que le
nombre d’accidents de la route induits par une consommation de cocaïne est en
augmentation et se situerait en deuxième position après le cannabis.
198
Cocaïne et crack
199
Drogues et accidentalité
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200
Cocaïne et crack
201
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Vincent Cirimele1, Anne-Laure Pelissier-Alicot2
8
Dépistage urinaire
Depuis une décennie, le dépistage urinaire des conduites addictives s’est généra-
lisé dans différents secteurs de la société, en médecine du travail, en toxicologie
hospitalière, lors du suivi biologique des patients sous traitement de substitution
aux opiacés, ou encore en toxicologie judiciaire, dans le cadre de la conduite auto-
mobile, de la recherche des causes de la mort et du dopage. Ce dépistage porte
le plus souvent sur les principales familles de stupéfiants, opiacés, amphétamines,
cannabinoïdes, cocaïne et dérivés, mais toutes les substances psychoactives peuvent
être concernées.
Le dépistage urinaire permet d’une part de privilégier un prélèvement biologique
non traumatisant et simple à réaliser en terme de recueil, et d’autre part de disposer
d’une technique facile à utiliser, transposable aisément et automatisable. Cette adé-
quation théorique se heurte cependant à de nombreuses contraintes analytiques et
pratiques qui limitent le champ d’application du dépistage urinaire. Les méthodes
immunologiques utilisent toute la reconnaissance épitopique spécifique de la molé-
cule à doser ou du chef de file de la famille à rechercher. En effet, ces techniques
impliquent l’utilisation d’immunoglobulines (anticorps) réagissant par liaison à la
203
Drogues et accidentalité
204
Dépistage urinaire
généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres milieux biologiques, et
leur fenêtre de détection plus longue. Cette fenêtre de détection dépend des carac-
téristiques pharmacocinétiques de la molécule, de la dose et de la voie d’absorption,
du caractère ponctuel ou répété de l’exposition, des variations interindividuelles du
métabolisme, du pH et de la concentration urinaires, et naturellement de la limite
de détection de la technique analytique utilisée [2, 3]. Des facteurs pathologiques à
l’origine d’une dilution ou d’une concentration urinaire sont également susceptibles
d’interférer sur les réactions immunologiques. Les fenêtres de détection urinaires
communément admises par des techniques immunologiques sont données dans le
tableau 8.1 [4, 5].
Molécules/classes
Durée de détection
de molécules
Amphétamines 3 à 5 jours suivant la molécule
Cannabis 1 à 3 jours chez l’usager occasionnel,
plusieurs semaines chez l’usager régulier
Cocaïne 2 à 3 jours
Opiacés 8 à 24 h
Buprénorphine 1 semaine
Méthadone 1 semaine
LSD 1 à 2 jours
Benzodiazépines Quelques heures à quelques semaines suivant la molécule
Antidépresseurs 3 à 6 jours
Éthanol 7 à 12 h
Ethylglucuronide 3 à 4 jours
205
Drogues et accidentalité
Tests immunochimiques
Deux grands types de tests immunochimiques doivent être distingués :
– ceux dits non instrumentaux, dédiés au dépistage sur le site de recueil (tests
Triage®, Multiscreencup®, Drugwipe®, Frontline®, Accusign®, Roche TesTcup®,
Ontrak®, QuickScreen®, Syva® Rapid Test, Rapid Drug Screen®, TesTstik®, etc.),
– ceux nécessitant un environnement de laboratoire : tests EMIT (enzyme-mul-
tiplied immunoassay technique), RIA (radio immunoassay), FPIA (fluorescence
polarization immunoassay), CEDIA (cloned enzyme donor immunoassay), ELISA
(enzyme linked immunosorbent assay), KIMS (kinetic interaction of microparticles
in solution).
Cette hétérogénéité des techniques explique les similitudes et les différences observées
dans le dépistage ou le dosage de substances psychoactives au sein d’une matrice biolo-
gique comme l’urine. Ces différents aspects nécessitent d’identifier clairement les inci-
dences du choix d’une technique d’immunoanalyse en milieu urinaire sur le résultat.
Le marché des outils de dépistages est en pleine expansion, et régulièrement de nou-
veaux kits apparaissent. Tous les dispositifs de diagnostic in vitro mis sur le marché
sont soumis à une réglementation européenne, la directive 98/79 CE (1998) ayant
introduit une obligation de marquage CE. Les seuils de positivité, utilisés par les
biologistes du monde entier, sont généralement ceux de la SAMHSA (Substance
Abuse and Mental Health Services Administration) aux États-Unis ou ceux recom-
mandés pour l’EWDTS (European Workplace Drug Testing Society) en Europe [9].
206
Dépistage urinaire
Le volume requis d’échantillon est donc très différent et varie de quelques gouttes,
comme pour le système Triage®, à plusieurs dizaines de millilitres pour le système
Multiscreencup®, en passant par ceux nécessitant une immersion partielle d’une
languette ou d’une carte comme le Drugwipe® ou le Frontline®. Ces différents tests
proposent des seuils de positivité, des sélectivités et des performances différentes,
207
Drogues et accidentalité
avec pour certains d’entre eux la possibilité de détecter les adultérations. Leur faible
encombrement et leur simplicité d’utilisation autorisent donc les tests en dehors
des laboratoires.
Le principe du test Frontline® (Boehringer Mannheim GmbH, Allemagne) est
identique pour les quatre classes de stupéfiants (cannabis, cocaïne, opiacés et
amphétamines) et repose sur la technique d’immunochromatographie. Le test est
constitué d’un support où se succèdent différents compartiments adsorbants. La
première zone absorbante de polyester est immergée pendant 3 à 5 s dans l’échan-
tillon afin de prélever par capillarité une quantité suffisante et reproductible d’urine
et sert de réservoir pour la migration vers les autres étapes du test. Le support est
alors placé horizontalement pendant toute la durée du test. Lors du passage de
l’urine (durée variant de 20 à 40 s), les analytes ciblés réagissent avec le conjugué
(anticorps marqués) réparti de façon homogène dans une deuxième zone absorbante
de polyester.
L’excès de conjugué hydrosoluble est totalement élué par l’échantillon et éliminé
par passage dans une troisième zone de capture constituée d’un agent de liaison
immobilisé (matrice cellulosique de streptavidine et de polyhapten). Le complexe
analyte – anticorps marqué migre alors vers la quatrième zone d’absorbant cel-
lulosique pour y être détecté. Si la concentration d’analyte ciblé est faible dans
l’échantillon, la majorité des anticorps ne vont pas se lier et vont être disponibles
pour lier l’analogue (polyhapten) immobilisé dans la zone de capture. Seule une
petite quantité du complexe formé entre analyte-conjugué atteindra la zone de
détection. Au contraire, si l’analyte est présent à forte concentration dans l’urine,
la grande majorité des sites d’anticorps seront occupés et le conjugué ne liera pas
le polyhapten présent dans la zone de capture, laissant ainsi le conjugué migrer
vers la zone de détection. La concentration d’analyte ciblé dans l’échantillon est
donc proportionnelle à l’intensité du complexe analyte-conjugué marqué ayant
atteint la zone de détection. La réaction colorée, obtenue après 2 min seulement
et stable pendant 10 min, peut alors être comparée visuellement à une échelle de
coloration fournie. Si la coloration est absente ou sur les tons « abricot », le test
est négatif, si une ou deux bandes intensément colorées apparaissent, le test est
positif. Les seuils de positivité sont de 50 ng/mL pour le cannabis (> 200 ng/
mL si 2 bandes colorées), 300 ng/mL pour la benzoylecgonine (> 3 000 ng/mL
si 2 bandes colorées) et 200 ng/mL pour les opiacés (> 1 000 ng/mL si 2 bandes
colorées). Dans une évaluation multicentrique effectuée par Wenning et coll. [82],
le test Frontline® avait été comparé aux immunodosages instrumentaux FPIA et
EMIT avec analyse des résultats divergents par CPG-SM. Pour le dépistage du
cannabis dans les urines d’origine clinique ou médicolégale, la sensibilité du test
était supérieure ou égale à 97 % vs. la FPIA (n = 399) et l’EMIT (n = 755). Pour
la cocaïne, la sensibilité était de 100 % dans les deux cas alors que la spécificité
n’était que de 91 % de par l’existence d’interférences par les métabolites de la
méthadone et de la clozapine. Cette spécificité était bien meilleure lorsque le
dépistage était appliqué aux échantillons d’un programme de substitution par la
208
Dépistage urinaire
FIG. 8.7 Test Ontrack TesTcup-5. FIG. 8.8 Test Ontrack TesTstik.
213
Drogues et accidentalité
217
Drogues et accidentalité
Cette détermination peut être conduite selon deux approches, la technique « sand-
wich » ou la technique par compétition. Pour la technique « sandwich » (figure 8.11),
un anticorps de la substance recherchée a été attaché de façon covalente à un support
solide, en général le fond d’un puits d’une microplaque en polystyrène ou poly-
chlorure de vinyle (PVC). Après dépôt de l’échantillon, si la substance recherchée
est présente, elle ira se fixer à l’anticorps. Cet anticorps, dit de capture, se lie à une
partie de la substance. Le conjugué enzymatique (une enzyme attachée à un deuxième
anticorps spécifique d’une deuxième partie de la molécule) est alors additionnée en
excès au milieu réactionnel. Si la substance est présente dans l’urine, elle se liera à ce
second anticorps dit anticorps de détection. De la vient le terme « méthode sand-
wich » puisque la substance est encadrée par deux anticorps. Après lavage des puits
pour éliminer tout excès de produit n’ayant pas réagi, le substrat de l’enzyme est
additionné. Si l’enzyme complexé à l’anticorps de détection s’est lié au fond du puits
par l’intermédiaire de la substance (présente dans l’échantillon), se produit alors le
développement de la couleur. Dans cette approche, la coloration est proportionnelle
à la concentration de la molécule dans l’échantillon (figure 8.11).
Pour le procédé par compétition, l’anticorps spécifique est aussi lié de façon cova-
lente au fond des puits de la microplaque. Après dépôt de l’échantillon et du
conjugué enzymatique, la substance native contenue dans l’urine et le conjugué
entrent en compétition pour l’anticorps immobilisé. Si la substance est absente,
une grande quantité de conjugué se liera aux anticorps et inversement, pour des
quantités croissante de substance dans l’urine, des quantités décroissantes de conju-
gué se lieront aux anticorps. Après la période d’incubation, le milieu réactionnel est
éliminé par lavage avant l’étape finale de révélation par le substrat chromogénique.
Dans ce cas, et contrairement à la méthode « sandwich », si l’analyte est présent
dans l’urine, le conjugué enzymatique ne pourra se lier aux anticorps et sera éliminé
lors de l’étape de lavage, ne pouvant ainsi pas générer la coloration lors de l’ajout de
substrat. Pour des concentrations croissantes de substances, des quantités de moins
en moins importantes de conjugués se lieront aux anticorps et donc des intensités
de moins en moins fortes seront observées (figure 8.12).
218
Dépistage urinaire
Pour les deux approches, il est essentiel que l’activité enzymatique ne soit pas affectée
par son immobilisation sur le support solide par le biais de l’anticorps. Les enzymes
couramment utilisées sont des phosphatases alcalines, ou des peroxydases de rai-
fort. Les phosphatases alcalines peuvent être utilisées pour hydrolyser le p-nitrophé-
nylphosphate en p-nitrophénol de couleur jaune, alors que les peroxydases peuvent
être utilisées pour cliver le 3,3’, 5,5’-tétraméthyl benzidine base, l’acide 2,2’-azo-bis
(3-éthylbenzthiazoline-6-sulfonique) ou l’o-phénylènediamine pour produire respec-
tivement une coloration bleue, verte ou orange. Les deux techniques permettent de
réaliser une « semi quantification ». En principe, elle est réalisée en mesurant l’absor-
bance (densité optique) à une longueur d’onde spécifique de la solution contenue dans
les puits de la microplaque ELISA après ajout du substrat de l’enzyme et révélation de
la coloration. Pour cela, la microplaque est calibrée avec des concentrations connues
de substance ciblée en parallèle à l’utilisation de contrôles positifs et négatifs.
220
Dépistage urinaire
Sensibilité et spécificité
La sensibilité et la spécificité sont définies par les équations suivantes :
Sensibilité = (VP × 100)/(VP + FN)
Spécificité = (VN × 100)/(VN + FP)
Avec :
VP : vrais positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépis-
tage et confirmé positif lors de l’analyse de confirmation.
VN : vrais négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de
dépistage et confirmé négatif lors de l’analyse de confirmation.
FP : faux positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépis-
tage et déterminé comme étant négatif lors de l’analyse de confirmation.
FN : faux négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de dépis-
tage et retrouvé positif lors de l’analyse de confirmation.
Seuils de positivité
Les seuils de positivité généralement proposés pour les immunotests urinaires sont
de l’ordre de :
– 300 à 1000 ng/mL pour les amphétamines ;
– 300 ng/mL pour la benzoylecgonine, métabolite de la cocaïne ;
– 300 ng/mL pour les benzodiazépines ;
– 300 ng/mL pour la méthadone ;
– 200 à 300 ng/mL pour les barbituriques ;
– 300 ng/mL pour la morphine ;
– 20 à 100 ng/mL pour le métabolite du cannabis, le THC-COOH ;
– 25 à 75 ng/mL pour la phencyclidine.
8.4 Interprétation
L’interprétation d’un dépistage urinaire se doit de rester prudente. Une bonne
connaissance des performances du test en matière de sensibilité, spécificité et réac-
tions croisées est essentielle pour éviter des erreurs d’interprétation [26]. Celle-ci
est principalement qualitative, car en l’absence de données sur la clairance rénale
de l’individu, il est impossible d’extrapoler la concentration sanguine de ce dernier,
et donc d’évaluer les effets cliniques qui pourraient en découler. Il faut d’autre part
221
Drogues et accidentalité
tenir compte du fait que les tests immunologiques sont dédiés soit à des molécules
isolées, soit à des classes de molécules, et peuvent alors reconnaître indifféremment
des médicaments et des stupéfiants appartenant à cette même classe. Ce phénomène
soulève des difficultés d’interprétation lors de la recherche ciblée d’une exposition à
des stupéfiants. Le cas des amphétamines et des opiacés est à ce titre particulièrement
probant. Il convient enfin de garder à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif est uni-
quement l’indicateur d’une exposition récente, généralement de l’ordre de 2 à 4 jours,
et ne présume en rien d’une exposition répétée ou chronique dont la mise en évidence
nécessite l’utilisation d’autres matrices biologiques telles que le cheveu [27].
D’un point de vue pratique, les constructeurs fixent des seuils de positivité, ou
cut-offs, au-delà desquels les résultats sont considérés comme positifs (voir ci-des-
sus). Ces seuils ne peuvent pas être modifiés avec les tests non instrumentaux, alors
qu’il est possible de les adapter, en fonction des performances attendues en termes
de sensibilité et de spécificité, avec les tests instrumentaux. Fraser et Zamecnik [28]
ont ainsi proposé d’abaisser le cut-off des différentes molécules et de leur métaboli-
tes pour limiter le risque de faux négatif par dilution de l’échantillon.
négatifs pour les stupéfiants précédemment cités, mais aussi des faux positifs pour
le PCP [41]. En KIMS, on observe également des faux positifs pour le PCP et les
amphétamines, et des faux négatifs pour le cannabis [41]. Par contre, la présence
de glutaraldéhyde n’affecte pas le dosage en CPG-SM [34].
La papaïne est apparue plus récemment sur le marché des produits adultérants. La
papaïne est une protéase obtenue par purification du latex de la papaye [42]. Elle
entre dans la composition de solutions pour attendrir la viande (Lawry’s® Adolph’s
Meat Tenderizer), elle est donc facilement accessible sur Internet à faible coût.
Burrows et coll. [42] ont testé en FPIA l’adjonction des concentrations croissantes
de papaïne (0,5 ; 1, 5 et 10 mg/mL) sur la détection de différentes concentrations
de THC-COOH (25 ; 75 ; 100 ; 250 et 500 ng/mL) dans des urines de pH varia-
bles (4,5 ; 6,2 et 8,0) à 0, 24 et 72 heures. Les résultats montrent une corrélation
directe entre la concentration en papaïne, le pH, le temps écoulé et la diminu-
tion de la concentration en THC-COOH dans les échantillons testés. Par contre,
l’adjonction de papaïne est sans effet sur la détection des autres molécules testées,
amphétamines, cocaïne, benzodiazépines, barbituriques, opiacés et phencyclidine.
Seul le nordiazépam présente également une diminution de concentration, mais
dans une moindre mesure que le THC-COOH. Les confirmations en CPG-SM
pour le THC-COOH et en CPLHP-UV pour le nordiazépam montrent une dimi-
nution d’environ 66 % pour le THC-COOH et 24 % pour le nordiazépam dans
les échantillons contenant de la papaïne. Le mécanisme évoqué est celui d’une inte-
raction entre la papaïne et le THC-COOH ou le nordiazépam, plutôt que d’une
interférence analytique. Larson et coll. [43] décrivent également une diminution de
la concentration de THC-COOH après adjonction de papaïne en EMIT, mais pas
en KIMS. Enfin, l’adjonction de papaïne ne perturbe aucun des tests d’adultération
recommandés par la SAMSHA (pH, gravité, osmolalité, créatinine etc.) rendant
très difficile la détection de cette adultération.
Les produits domestiques peuvent également être utilisés pour l’adultération. L’eau de
javel, notamment, est un adultérant extrêmement efficace. Les mécanismes évoqués
seraient :
› une oxydation du NADH qui diminuerait l’absorbance des tests immunologi-
ques jusqu’à 340 nm ;
› et une diminution du pH urinaire.
De très faibles concentrations suffisent à provoquer des faux négatifs. La détection
du cannabis est très perturbée avec tous les tests immunologiques testés (RIA, EIA,
FPIA, CEDIA, EMIT II). En CEDIA, l’ajout d’eau de javel provoque également
des faux négatifs pour les amphétamines, les barbituriques, la cocaïne, les opia-
cés et le PCP [44]. Avec l’EIA, l’eau de javel provoque des faux négatifs pour les
barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne et les opiacés [45]. La recherche du
THC-COOH en CPG-SM est également très perturbée [46]. Par contre, l’ajout
de javel provoque une augmentation du taux de PCP et donc de faux positifs en
EMIT II [40]. Le vinaigre s’avère également très efficace. Il produit des faux négatifs
224
Dépistage urinaire
trop stricte. Les dispositifs sont multiples, des réservoirs « artisanaux » cousus dans
les sous-vêtements à des préservatifs dissimulés dans l’anus délivrant l’urine par un
tuyau fixé le long du périnée [51]. Des procédés plus sophistiqués sont disponibles
sur Internet, tel que le Whizzinator, pénis artificiel fourni avec de l’urine déshydra-
tée, ou l’Urinator, constitué d’un réservoir maintenu à température constante par
un module électronique, et relié à une canule placée près de l’urètre [51].
desquels le risque de dilution doit être évoqué, ont été proposés : 300 mg/L [58],
250 mg/L [59] et 200 mg/L pour la SAMHSA [60]. Récemment, Arndt [61] a
souligné le fait que la créatininurie est significativement plus faible chez les femmes
que chez les hommes du fait d’une masse musculaire généralement inférieure, et
qu’il serait donc utile d’envisager des cut-offs différents suivant le sexe. Quoi qu’il
en soit, une créatininurie inférieure à 50 mg/L indique que l’échantillon ne contient
pas de l’urine humaine [60].
La mesure du pH, normalement compris entre 4,5 et 8, est également un élé-
ment d’orientation. Tout pH inférieur à 3 ou supérieur à 11 doit faire suspecter
une adultération [57]. La gravité doit être normalement comprise entre 1,010 et
1,025). Tout résultat inférieur à 1,002 ou supérieur à 1,020 doit également faire
rechercher une adultération [60]. Les adultérants les plus courants (nitrites, PCC,
glutaraldéhyde, etc.) doivent également être recherchés. En pratique, des tests de
détection rapide sont disponibles pour effectuer sur site ces premières mesures.
Citons notamment Intect® 7 (Bioscan Screening System Inc.) et AdultaCheck® 6
(Sciteck Diagnostics, Inc.) qui permettent de mesurer le pH, la gravité, la créati-
nine, et de détecter la présence de nitrites, PCC et glutaraldéhyde [62], et, pour
les plus récents, AdultaCheck® 10, qui ajoute aux performances d’Adultachek® 6
la recherche des oxydants et dérivés halogénés [30]. Ces résultats devront naturel-
lement être validés au laboratoire par des techniques de confirmation.
L’acheminement et la prise en charge de l’échantillon au laboratoire devront égale-
ment respecter une chaîne stricte de qualité, l’ensemble de ces procédures visant à
limiter au maximum les erreurs pré-analytiques [63].
Parmi les plus connues, citons celle entre le cannabis et l’acide niflumique, observée
sur des techniques immunochromatographiques type Triage® 8 et DakoRapide®
[65] ainsi que sur les tests Syva® RapidTest d.a.u.® et la trousse Roche® sur Cobas
Integra® [66], alors qu’aucune interférence n’est notée en FPIA ou sur les kits
EMIT II® de Dade Behring [65,66]. L’efavirenz (Sustiva®), antiviral de la famille
des inhibiteurs de la transcriptase inverse, est également connu pour induire quel-
ques rares résultats faux positifs avec le cannabis en EMIT II® [67]. Les quinolones
induisent pour leur part des faux positifs pour les opiacés avec différentes techniques
de dépistage : la lévofloxacine et l’ofloxacine avec les trousses Abbott pour Axsym®,
CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, la pefloxacine avec les techniques
CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, l’enoxacine avec les techniques
CEDIA® et EMIT II®, la lomefloxacine, la moxifloxacine, la ciprofloxacine et la
norfloxacine avec Roche Online Assays® [68]. Des faux positifs pour la méthadone
ont été décrits avec la quétiapine [69], la cyamémazine et la lévopromazine [70]
sur le test Roche Diagnostics ONLINE DAT® II. La quétiapine provoque égale-
ment des faux positifs pour les antidépresseurs tricycliques avec le Syva® RapidTest
d.a.u.® et Biosite Triage® 8 [71]. Le fentanyl induit des faux positifs pour le LSD
en Syva® EMIT II® et CEDIA® [72], la venlafaxine et son dérivé déméthylé pour
le PCP avec le Syva® RapidTest d.a.u.® 9 [73]. La liste des molécules induisant des
faux positifs pour les amphétamines est longue. Hormis les amines de putréfaction
qui provoquent des faux positifs sur des échantillons post-mortem, de nombreuses
molécules sont susceptibles de provoquer des réactions croisées avec les urines chez
le sujet vivant. Le bupropion provoque ainsi des faux positifs pour les amphétami-
nes et le LSD avec CEDIA® [74], la benzathine avec le kit Syva® Emit I® polyclonal
amphétamines/méthamphétamines, mais pas avec le kit Emit II® monoclonal, et
en FPIA [75]. La prométhazine induit des faux positifs avec le test monoclonal
EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphetamine, mais pas avec l’EMIT II® Plus
Amphetamine, le TesTcard® 9 amphetamine et le Triage® Metamphetamine [76],
la ranitidine avec le kit Emit II® monoclonal [77], la mébévérine en FPIA [78],
le buflomedil avec le test monoclonal EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphe-
tamine [79]. La pseudoéphédrine contenue dans les décongestionnants des voies
aériennes est susceptible de provoquer des faux positifs en FPIA avec des seuils de
positivité à 300 ng/mL, mais pas pour des valeurs plus élevées [80]. Elle provoque
également des faux positifs avec le test EMIT d.a.u.® polyclonal, mais pas avec le
monoclonal [81]. Enfin, de nombreuses molécules entrant dans la composition
de divers médicaments peuvent engendrer des faux positifs avec différentes tech-
niques [82]. La fréquence de ces faux positifs et les enjeux potentiels pour l’indi-
vidu concerné nécessitent naturellement d’analyser tout échantillon positif par une
technique dite de confirmation. Les méthodes chromatographiques, idéalement
couplées à la spectrométrie de masse, sont recommandées pour la confirmation
des échantillons positifs.
228
Dépistage urinaire
8.6 Conclusion
Le dépistage urinaire, largement utilisé pour rechercher une éventuelle exposition
à une substance psychoactive, est une procédure plus complexe qu’il n’y paraît du
fait de la multiplicité des techniques disponibles, de la nécessité de mettre en place
des procédures complexes pour éviter toute falsification du prélèvement, et de bien
connaître les performances du test utilisé afin d’éviter toute interprétation par excès.
Gardons enfin à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif n’indique qu’une exposition
récente, mais ne permet en aucun cas de différencier un usage occasionnel d’un
usage répété ou chronique.
229
Drogues et accidentalité
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Drogues et accidentalité
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0037.
234
Alain Verstraete1
9
Le dépistage salivaire
Depuis une dizaine d’années, les scientifiques, les responsables politiques, les indus-
triels et les forces de police s’intéressent au dépistage rapide des drogues dans la
salive, surtout pour le contrôle des conducteurs. Si les premières générations de tests
manquaient de fiabilité, la situation s’améliore progressivement. Différents États et
pays comme la France, la Belgique et cinq États australiens ont une législation qui
prévoit l’usage de tests salivaires (voir chapitre 2).
Ce chapitre abordera la physiologie de la salive et de la présence de drogues dans
la salive, le prélèvement et la conservation de l’échantillon, les données sur les
concentrations et la cinétique des différentes drogues dans la salive, les fenêtres de
détection, la corrélation entre les concentrations salivaires des drogues et les effets,
les méthodes analytiques de dépistage et de confirmation et enfin les différents types
de tests salivaires et les études sur leur fiabilité.
235
Drogues et accidentalité
236
Le dépistage salivaire
9.2 Prélèvement
Le prélèvement de salive est considéré comme non invasif et peut être effectué sous contrôle
visuel par des officiers de police bien formés, pour réduire les risques d’adultération.
En pratique, un échantillon de salive peut être collecté en crachant dans un récipient,
en balayant la cavité orale avec un coton-tige ou en stimulant la production salivaire
avec des bonbons acides, des cristaux d’acide citrique, ou en mastiquant un matériau
inerte tel que le Teflon. Tenant compte du fait que la concentration des drogues dans
la salive est susceptible de diminuer parallèlement à l’accroissement du flux salivaire,
il pourrait être intéressant de collecter la salive non stimulée. D’autre part, une assez
forte réticence peut être observée chez un bon nombre d’individus envers l’action
de cracher. Certains individus produisent plus de mousse que la quantité de liquide
nécessaire à l’analyse. De plus, un flux salivaire réduit peut être observé suite à la
consommation d’amphétamines, de cannabis et de certains antidépresseurs.
La salive « stimulée » a été utilisée dans beaucoup d’études contrôlées et certains outils
spécifiques ont même été mis au point pour en faciliter le prélèvement et pour obtenir
un échantillon de salive plus propre et plus facile à analyser. Langel et coll. [3] ont
comparé 10 systèmes différents pour obtenir du fluide oral. Les résultats de leur étude
sont résumés dans le tableau 9.1. Le seul système qui présentait un rendement de plus
de 80 % pour toutes les molécules testées est le StatSure™ Saliva•Sampler™. C’est ce
moyen qui a été choisi pour la grande étude épidémiologique DRUID.
237
Drogues et accidentalité
TABLEAU 9.1 Pourcentage de produit extrait de la salive par les différents systèmes
de collecte de salive (n = 6) [3].
Amphétamine Cocaïne Morphine THC Éthanol
Quantisal 90* 82* 83* 56 90
Statsure 89* 86 88 85* 80
Cozart 75 76 81 76 99
Intercept 103* 97* 92 38 95
Greiner 86 98 98 74* 96
OraCol 69* 35* 82 < 12 91
Salivette 52 33 35 < 12 106
OraTube 78 87 77 48 91
Salicule 98 97 100 46* 97
Tube en plastic 102 102* 100 75 100
* Molécules pour lesquelles la concentration était de moins de 80 % après 28 jours à –18 °C (sauf
Greiner : 4 °C ; non étudié pour l’éthanol).
238
Le dépistage salivaire
9.4.1 Amphétamines
Les taux salivaires d’amphétamine et de méthamphétamine après administration
unique par la voie orale, intraveineuse ou fumée, sont au moins 3 à 10 fois supé-
rieurs aux taux plasmatiques. Le délai pendant lequel ces molécules peuvent être
détectées dans ce milieu peut atteindre deux jours lorsque des méthodes analyti-
ques sensibles (limite de quantification d’au moins 10 ng/mL) sont utilisées. Il est
fonction du pH urinaire et du pH salivaire. Après administration orale de 100 mg
de chlorhydrate de N-méthyl-benzodioxazolyl-butanamine (MBDB) à un sujet,
la molécule est détectable dans la salive jusqu’à la dix-septième heure (limite de
détection de 2 ng/mL). La concentration de la substance mère reste supérieure à
celle de son métabolite (BDB). La durée de détection salivaire est très certainement
favorisée par une structure liposoluble aminée [5].
Un test positif pour l’amphétamine (sans méthamphétamine) indique l’usage d’am-
phétamine, mais il faut exclure la possibilité que l’amphétamine soit présente par
la métabolisation d’un médicament.
À l’heure actuelle, aucune étude n’a été publiée sur le risque d’un test positif suite
à la fumée passive, mais cela semble peu probable.
9.4.2 Benzodiazépines
Les concentrations salivaires ne dépassent que très rarement quelques ng/mL et
elles ne sont parfois pas supérieures à quelques pg/mL. Ceci est expliqué par la
forte liaison des benzodiazépines aux protéines du sang. La détection des ben-
zodiazépines dans la salive implique donc l’utilisation de techniques analytiques
très sensibles. Une étude effectuée sur un groupe de volontaires soumis à une
consommation chronique de diazépam, dans le cadre de la conduite automobile, a
permis de montrer que la concentration salivaire de diazépam et de N-desméthyl-
diazépam varie de 1,2 à 23,0 ng/mL. Une bonne corrélation a été observée entre
239
Drogues et accidentalité
9.4.3 Cannabinoïdes
Les cannabinoïdes ne sont pas ou très peu excrétés dans la salive, mais leur voie
d’administration étant quasiment toujours buccale, le Δ9-tétrahydrocannabinol
(THC) est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à la conta-
mination due à la fumée inhalée. Dans la demi-heure suivant l’inhalation, des
concentrations salivaires de THC supérieures à 100 ng/mL peuvent être mesurées.
Pendant les premières heures, les concentrations salivaires sont plus élevées que les
concentrations plasmatiques. Le THC reste détectable durant 3 à 6 h en moyenne
par la plupart des méthodes analytiques (limite de quantification de 1 à 20 ng/mL).
La recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas
d’une exposition récente au cannabis.
Le métabolite THC-COOH a été détecté à des concentrations très basses
(10–142 pg/mL) dans 21 échantillons [8]. Plus tard, une méthode par CPG-
CPG-SM a été publiée, qui a une a limite de quantification de 2 pg/mL de
THC-COOH [9].
9.4.4 Cocaïne
De nombreuses publications ont décrit l’excrétion de la cocaïne et de ses méta-
bolites dans la salive. La cocaïne est toujours l’analyte prédominant identifié et
les rapports S/P mesurés sont supérieurs à 1. L’étude la plus complète concernant
l’excrétion de la cocaïne dans la salive a été publiée en 1997 par l’équipe de Cone
[10]. La cocaïne peut être détectée dans la salive durant une période comprise
entre 4 et 12 h après une administration unique de drogue par voie intraveineuse,
intranasale (sniffée) ou par inhalation (fumée). La contamination de la cavité
buccale après la consommation sous forme sniffée ou fumée est variable mais
significative durant les deux premières heures consécutives à l’administration. De
l’anhydroecgonine méthylester (AEME) est détecté pendant une brève période
dans la salive lorsque la drogue est fumée. Cette substance peut donc être utilisée
comme marqueur en cas de consommation récente de crack [11]. Les concentra-
tions de benzoylecgonine (BE) et d’ecgonine méthylester (EME) sont très faibles
par rapport à la concentration de cocaïne et restent en dessous de 100 ng/mL.
Des méthodes analytiques suffisamment sensibles ayant une limite de détection
de 5 à 10 ng/mL permettent de détecter les métabolites qui apparaissent un peu
plus tard dans la salive.
240
Le dépistage salivaire
9.4.5 Opiacés
L’héroïne peut être détectée dans la salive après une administration unique par
injection intraveineuse, inhalation (fumée) ou par la voie intranasale (sniffée). Après
injection intraveineuse, l’héroïne est détectable pendant moins d’une heure dans la
salive, la 6-AM (6-acétylmorphine) pendant 1 à 4 h et la morphine pendant 12 h.
Après administration par cigarette, les concentrations maximales d’héroïne et de
6-AM et les rapports salive/sang au cours des premières heures sont beaucoup plus
élevées. L’héroïne est détectable de 2 à 24 h, la 6-AM pendant 1 à 4 h [12, 13].
Comme pour la cocaïne, la contamination de la cavité buccale après une consom-
mation par inhalation d’héroïne base est à l’origine des valeurs élevées du rapport
salive/sang.
La codéine est détectable dans la salive durant une période de 9 à 12 h après admi-
nistration orale de 60 mg de phosphate de codéine (limite de détection – LDD :
5 ng/mL). les rapports salive/plasma sont supérieurs à 1 [14].
241
Drogues et accidentalité
Cone et Huestis [6] ont proposé les règles suivantes pour l’interprétation des résul-
tats des opiacés dans le fluide oral :
– test positif pour l’héroïne, la 6-acétylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ;
– test positif pour la 6-acetylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ;
– test positif pour la 6-acetylmorphine (seule) : usage d’héroïne, compatible avec
une usage très récent ;
– test positif pour la morphine (seule) : usage d’héroïne ou de morphine, ou inges-
tion de grains de pavots une heure avant le prélèvement ;
– test positif pour la morphine et la codéine, concentration codéine » concentration
morphine : usage de codéine ;
– test positif pour la morphine et la codéine, concentration morphine ≥ concentra-
tion codéine : usage possible d’héroïne ou de morphine ; la présence de codéine
peut être expliquée par l’impureté de l’héroïne ou par l’usage secondaire en com-
binaison avec l’héroïne, mais généralement en basse concentration. Une autre
explication est l’ingestion de grains de pavots une heure avant le prélèvement.
242
Le dépistage salivaire
243
Drogues et accidentalité
-1
-2
-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
LOG (THC sang)
FIG. 9.1 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines (échelle
logarithmique) du THC dans l’étude ROSITA-2 (n = 286, r2 = 0,205).
245
Drogues et accidentalité
246
Le dépistage salivaire
247
Drogues et accidentalité
Nombre de tests
Test ne donnant pas de Total %
résultat
Cozart RapiScan 0 40 0
Securetec Drugwipe 50 1 364 4
American Biomedica Oralstat 3 52 6
Dräger DrugTest 52 592 9
Varian Oralab 61 234 26
Lifepoint Impact 14 44 32
Branan Oratect II 20 53 38
Sun Oraline 15 38 39
Ultimed Salivascreen 33 70 47
Branan Oratect 87 118 74
Total 335 2 605 13
Laloup et coll. ont trouvé une sensibilité et une exactitude de respectivement 49,5 %
en 55,0 % pour le dépistade du THC par le Dräger DrugTest® [44]. Cirimele et
coll. [34] ont observé que 9 échantillons avec des concentrations de THC entre
3 et 265 ng/mL donnaient un résultat positif avec le OraLine ive s.a.t., alors que
4 échantillons contenant entre 1 et 13 ng/mL donnaient un résultat négatif. Il y
avait aussi un faux positif. Le test était positif pendant 1,5 à 2 h après avoir fumé
une cigarette contenant 25 mg de THC. Pour la détection des amphétamines, le
Cozart® RapiScan System [29] avait une sensibilité, spécificité et exactitude de res-
pectivement 96,6 %, 96,8 % et 96,8 % en utilisant un seuil de dépistage de 45 ng/
mL pour le RapiScan et un seuil de confirmation de 45 ng/mL par CPG-SM. Une
évaluation du Drugwipe 5 [41] trouvait des sensibilités, spécificités et exactitudes
entre 92 en 100 % pour les amphétamines et les opiacés. Pour les benzodiazépines
les valeurs variaient entre 74 et 85 %. Pour le cannabis, elles étaient de respecti-
vement 52,2 %, 91,2 % en 85,1 % et pour la cocaïne 50 %, 99,3 % et 98,6 %.
Kintz et coll. [45] ont démontré que le Cozart DDSV pouvait détecter le cannabis
pendant 2 à 3 h après le dernier usage.
248
Le dépistage salivaire
TABLEAU 9.5 Nombre de tests effectués, prévalence, nombre de vrais positifs et négatifs,
de faux positifs et négatifs, sensibilité, spécificité et exactitude des différents tests
salivaires pour la détection des amphétamines, benzodiazépines, cannabinoïdes,
cocaïne et opiacés, comparé à une méthode de référence (CPG-SM) dans la salive
prélevée par le système Intercept.
Amphétamines
Drugwipe 726 33,7 204 463 18 41 83,3 96,3 91,9
OraLab 187 1,6 2 181 3 1 66,7 98,4 97,9
OraLine 22 31,8 5 15 0 2 71,4 100,0 90,9
OralStat 44 54,5 19 19 1 5 79,2 95,0 86,4
Oratect 29 13,8 3 25 0 1 75,0 100,0 96,6
RapiScan 40 12,5 2 28 7 3 40,0 80,0 75,0
SalivaScreen 37 24,3 7 28 0 2 77,8 100,0 94,6
Drugtest 583 7,7 29 491 47 16 64,4 91,3 89,2
Benzodiazépines
Total 242 31,8 51 147 18 26 66,2 89,1 81,8
Drugwipe 165 41,2 47 86 11 21 69,1 88,7 80,6
RapiScan 40 15,0 2 29 5 4 33,3 85,3 77,5
SalivaScreen 37 8,1 2 32 2 1 66,7 94,1 91,9
Cannabis
Drugwipe 722 31,2 76 457 40 149 33,8 92,0 73,8
OraLab 170 13,5 17 146 1 6 73,9 99,3 95,9
OraLine 22 18,2 1 18 0 3 25,0 100,0 86,4
OralStat 44 61,4 8 16 1 19 29,6 94,1 54,5
Oratect 29 17,2 0 22 2 5 0,0 91,7 75,9
RapiScan 44 45,5 13 14 6 7 65,0 70,0 67,5
SalivaScreen 37 48,6 6 17 2 12 33,3 89,5 62,2
Drugtest 591 46,5 155 284 32 120 56,4 89,9 74,3
Cocaïne
Drugwipe 725 15,4 77 590 23 35 68,8 96,2 92,0
OraLab 187 19,3 35 146 5 1 97,2 96,7 96,8
OraLine 24 4,2 0 19 2 1 0,0 90,5 86,4
OralStat 44 9,1 2 38 2 2 50,0 95,0 90,9
Oratect 29 24,1 3 22 0 4 42,9 100,0 86,2
RapiScan 40 22,5 6 29 2 3 66,7 93,5 87,5
SalivaScreen 37 32,4 9 25 0 3 75,0 100,0 91,9
Drugtest 583 23,5 114 437 45 23 83,2 90,7 89,0
Opiacés
Drugwipe 725 9,5 35 640 16 34 50,7 97,6 93,1
OraLab 187 3,7 7 180 0 0 100,0 100,0 100,0
OraLine 22 68,2 13 6 1 2 86,7 85,7 86,4
OralStat 44 0,0 0 42 2 0 / 95,5 95,5
Oratect 29 20,7 5 23 0 1 83,3 100,0 96,6
RapiScan 40 15,0 4 34 0 2 66,7 100,0 95,0
SalivaScreen 37 16,2 4 30 1 2 66,7 96,8 91,9
Drugtest 583 3,3 10 561 0 9 52,6 100,0 98,4
249
Drogues et accidentalité
250
Le dépistage salivaire
251
Drogues et accidentalité
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254
Le dépistage salivaire
255
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
E. Saussereau, J.-P. Goullé, C. Lacroix, I. Ricordel
Dosages sanguins
10
et urinaires
Introduction
Dès 1996, la Société française de toxicologie analytique (SFTA) proposait aux pouvoirs
publics les modalités de recherche et de dosage des substances psychotropes licites ou
illicites chez les conducteurs impliqués dans un accident de la circulation [1]. Quatre
familles de drogues doivent être recherchées : amphétamines, cannabinoïdes, cocaïne
et opiacés. Il s’agit d’un dépistage urinaire suivi en cas de positivité par une confirma-
tion et une quantification obligatoires dans le sang. Dans ce cadre, des méthodes de
dosage ont été recommandées, comportant une exigence de spécificité avec au mini-
mum l’utilisation d’un couplage chromatographie en phase gazeuse – spectrométrie
de masse (CPG-SM) [2–4]. Depuis cette date, la SFTA propose un contrôle externe
de qualité pour le dosage sanguin de ces quatre familles [5]. Elle organise également
un contrôle externe de qualité du dosage des drogues dans les urines.
Ce n’est qu’à partir du 1er octobre 2001 et la loi Gayssot que ces propositions ont été
reprises par le législateur (voir le chapitre Législations en France et à l’étranger). La
loi Gayssot, ses décrets et arrêtés d’application avaient prévu pendant une période de
2 ans, du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 une « étude épidémiologique » ren-
dant obligatoire la recherche des médicaments psychoactifs en cas de positivité des
stupéfiants dans le sang. Cette disposition n’a pas été reconduite ultérieurement.
257
Drogues et accidentalité
10.1 Cannabinoïdes
10.1.1 Technique recommandée par la SFTA (CPG-SM)
pour l’analyse sanguine
La SFTA a recommandé une technique validée faisant appel à la chromatographie
en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [4]. Pour ces dosages, les can-
nabinoïdes ayant tendance à s’adsorber sur le verre, toute la verrerie doit impérative-
ment être silanisée. Il existe de la verrerie jetable, à un coût raisonnable, permettant
d’éviter ce traitement fastidieux. Nous ne décrivons que les grandes lignes de cette
technique dont les lecteurs pourront retrouver le détail dans la publication originale
[4]. À 1 mL de sang on ajoute 20 ng de chaque étalon interne trideutéré. On peut
ou non ajouter 1 mL d’eau pour préparations injectables. L’échantillon obtenu est
acidifié par 200 μL d’acide acétique à 10 %. L’extraction solvant est effectuée par
5 mL d’un mélange de solvants hexane/acétate d’éthyle (9:1, v/v). L’addition de
200 μL d’alcool isoamylique est facultative à ce stade. Après évaporation, le résidu
sec est soumis à une dérivation. Dans la technique originale celle-ci fait appel
à 200 μL d’hydroxyde de tétraméthylammonium-diméthyl-sulfoxyde (TMAH-
DMSO) et de 50 μL d’iodure de méthane. La réaction est bloquée par 200 μL
d’acide chlorhydrique 0,1 N. L’extraction est réalisée par 1 mL d’isooctane que l’on
évapore. Le résidu sec est repris par 25 μL d’isooctane. Une dérivation plus classique
peut être effectuée avec le bis-silyl-trifluoro-acétamide (BSTFA). Deux microlitres
sont finalement injectés dans le système chromatographique. Les ions qualifiants et
258
Dosages sanguins et urinaires
261
Drogues et accidentalité
262
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.5 Dosage des cannabinoïdes dans le sang et le plasma par CPL-SM/SM
LOQ (ng/mL)
Répétabilité Fidélité
Réf. Technique Extraction 11-OH- THC-
THC (%) interméd. (%)
THC COOH
[19] CPL-APCI-SM/SM LLE 0,5 5,2 1,0 5,7–17,3 14,5–19,8
[27] CPL-APCI-SM/SM SPE 0,2 0,2 0,2 1,3–10,5 1,9–15,5
[28] CPL-ESI-SM/SM SPE 0,8 0,8 4,3 1,4–7,6 3,3–7,7
[29] CPL-ESI-SM/SM SPE 0,5 5,0 5,0 3,9–6,3 4,2–9,8
[21] UPCPL-ESI-SM/SM SPE 0,05 0,1 0,2 3,3–6,9 6,3–9,9
LOQ : limite de quantification.
CPL : chromatographie en phase liquide. UPCPL : chromatographie en phase liquide ultre performante.
APCI : ionisation chimique à pression atmosphérique. ESI : electrospray. SM/SM : spectrométrie de
masse tandem.
LLE : extraction en phase liquide. LES : extraction en phase solide.
THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-
9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
263
Drogues et accidentalité
doses de THC inhalé équivalentes aux précédentes sont détectables pendant une
période moyenne de quatre à six heures au seuil de 0,5 ng/mL dans le plasma. Ces
derniers auteurs ont également mesuré une durée de détection du 11-OH-THC
de 4 à 6 h au seuil de 0,3 ng/mL. Pour le métabolite inactif, le THC-COOH, la
durée moyenne de détection constatée dans le sang par Huestis et coll. est comprise
entre 3,5 et 6,3 jours.
Une autre question est fréquemment posée aux experts judiciaires, à laquelle il est
également difficile de répondre concerne l’influence éventuelle du cannabis sur un
sujet à l’occasion d’un accident de la circulation : « Au moment des faits, le sujet
était-il sous l’influence du cannabis ? » Afin de tenter d’établir l’impact éventuel du
cannabis lors d’un événement donné, divers modèles ont été proposés pour évaluer,
soit le temps écoulé entre la consommation et le prélèvement sanguin [34], soit
l’établissement d’un facteur d’influence du cannabis [35]. En ce qui concerne le
calcul du temps écoulé entre la consommation de cannabis et le prélèvement san-
guin, les modèles de Huestis sont proposés. Le modèle I est fondé sur la concentra-
tion de THC dans le plasma et le modèle II fait appel au rapport de concentrations
du THC et du THC-COOH. Ils ont été établis à partir de données expérimentales
après l’administration contrôlée de cannabis à des volontaires sains. Ces modèles
ne sont utilisables que pour des concentrations plasmatiques de THC supérieures
à 2 ng/mL. Le modèle I a pour équation log (T) = −0,698 × log ([THC]) + 0,687
et le modèle II répond à la formule suivante :
log (T) = 0, 576 × (log [THC-COOH]/[THC]) – 0, 176
où T représente le temps écoulé en heure depuis l’usage de la marijuana. Les concen-
trations en THC et THC-COOH sont exprimées en nanogrammes par millilitre.
Si le modèle I est bien adapté à une consommation par inhalation chez un fumeur
fréquent, le modèle II fournit une meilleure prédiction pour une exposition, soit par
voie respiratoire, soit par voie digestive. Daldrup [35] a proposé le calcul du facteur
d’influence au cannabis (cannabis influence factor ou CIF) à partir des concentra-
tions molaires (en mol/L) de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH selon la
formule suivante :
CIF = [THC] + ([11-OH-THC]/[THC-COOH]) × 0,01
(les masses molaires de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH étant res-
pectivement 314,5, 330,5 et 344,5 g/mol). L’application du CIF est toutefois
limitée à une fenêtre de 30 à 90 min entre l’infraction ou le délit et le prélèvement
sanguin. À partir d’une enquête menée sur le terrain concernant des sujets ayant
consommé uniquement du cannabis et pour lesquels des erreurs de conduite ou
des comportements inappropriés ont été relevés, en particulier le maintien de
la position latérale du véhicule, Daldrup indique qu’un CIF supérieur ou égal
à dix est révélateur d’une diminution certaine de la capacité à conduire due à la
consommation de cannabis [35]. Selon cet auteur, un CIF de dix serait compa-
rable en termes d’effets sur la conduite automobile à une alcoolémie de 1,10 g/
kg [35].
264
Dosages sanguins et urinaires
265
Drogues et accidentalité
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Dosages sanguins et urinaires
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Drogues et accidentalité
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Drogues et accidentalité
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Dosages sanguins et urinaires
271
Drogues et accidentalité
Préparation
Références Composés Matrice Colonne analytique Détection
échantillon
Morphine
SPE (Oasis Betasil silica (50 mm
[25] M6G Plasma ESI-SM/SM
HLB) × 3,0 mm, 5 μm)
M3G
Héroine
6-MAM RP Zorbax Bonus
SPE (MCX
[26] Morphine Plasma (150 mm × 4,6 mm, ESI-SM/SM
Oasis)
M6G 5 μm)
M3G
Codéine
C12 Max-RP
Morphine
[27] Plasma SPE (C18 ec) (150 mm × 2 mm, ESI-SM/SM
M6G
4 μm)
M3G
Morphine
Codéine SPE (Strata Synergi Fusion RP
[28] Urine ESI-SM/SM
M3G X-C) (75 mm × 2,0 mm)
M6G
Morphine
Codéine Sang Synergy Polar RP
SPE (Bond
[29] M3G (post- (150 mm × 2 mm, ESI-SM/SM
Elut C18)
M6G mortem) 4 μm)
6-MAM
Altech Rocket
Morphine Platinum, EPS C18
[30] Urine SPE ESI-SM
Codéine (30 mm × 2,1 mm,
1,5 μm)
Morphine
M3G Sérum Extraction en Atlantis C18
[32] M6G Plasma ligne 150 mm × 2,1 mm, ESI-SM/SM
Codéine Urine (Oasis HLB) 3 μm)
6-MAM
Morphine
M3G Luna C18
Dilution
[34] M6G Urine (100 mm × 2,0 mm, ESI-SM/SM
(eau)
Codéine 3 μm)
6-MAM
Dilution
M3G Acquity UPCPL
(tampon
M6G BEH Shield
[36] Urine acétate UPCPL-SM/SM
Codéine (50 mM × 2,1 mm,
ammonium
6-MAM 1,7 μm)
20 mM)
MCX : Mixed Cation Exchange. SPE : extraction en phase solide.
ESI : electrospray. SIM : mode d’ions sélectionn. SM : spectrométrie de masse.
après une extraction de type SPE sur une colonne oasis MCX, a été développée
par Rifflet et coll. [39]. Cette méthode analytique permet par l’utilisation de la
technique UPCPL, des temps d’analyse courts (10 min) et une sensibilité élevée
(LOQ < 1 ng/mL). Ces méthodes UPCPL-SM/SM permettent l’analyse de pou-
dre contenant de l’héroïne et l’identification des impuretés de préparation de la
drogue.
274
Dosages sanguins et urinaires
CH3O
CH3COO
O H
O
NCH3
NCH3
HO O-déméthylation
codéine CH3COO
HO diacétylmorphine
O-méthylation (héroïne)
N-déméthylation O H hydrolyse
NCH3 HO
CH3O
HO
hydrolyse
morphine
O
O H
NCH3
NH N-déméthylation
CH3COO
HO
HO 6-monoacétylmorphine
norcodéine (6-MAM)
glucuroconjugués O H
(morphine-3-glucuronide, NH
morphine-6-glucuronide)
HO
nomorphine
FIG. 10.1 Métabolisme des principaux opiacés : morphine, codéine, diacétylmorphine (héroïne).
275
Drogues et accidentalité
276
Dosages sanguins et urinaires
277
Drogues et accidentalité
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100 mg de fluorure de sodium pour 10 mL [4].
Alfazil et coll. pallient cette fragilité particulière de la cocaïne et de ses métabo-
lites in vitro en recueillant 100 μl de prélèvement sur des papiers filtres adaptés
(Guthrie card 903) et séchés durant une nuit à la température du laboratoire
[5]. Au moment de l’emploi, les spots de sang ou d’urine sont extraits par soni-
cation en milieu tampon pendant une heure et traités par extraction en phase
solide (EPS). Les auteurs affirment un rendement d’extraction supérieur à 80 %
et, en un mois, aucune perte n’est constatée à température ambiante, à 4 °C et
à –20 °C [5].
pentyl-ecgonine est extraite avec l’acétate d’éthyle, évaporée à sec à 25 °C sous azote,
reprise par acétone pour être injectée.
Rapportée par Jones et coll. [4], l’expérience de la Suède dont la loi implique la
tolérance zéro en matière de drogue depuis le 1er juillet 1999 et qui a eu pour
conséquence de multiplier par 10 le nombre de sangs soumis à analyse, mérite d’être
soulignée. Il s’agit des résultats de 26 567 prélèvements, analysés en 5 ans dans le
cadre de l’accidentologie, pour lesquels 795 ont été détectés positifs en coc et/ou
métabolites. Ces auteurs recommandent également une méthode CPG-SM. L’ex-
traction est pratiquée sur l’échantillon de sang déprotéinisé par l’acétone (3 mL pour
1 mL de sang), évaporé et repris en tampon phosphate, déposé sur colonne Bondelut
activée à l’acide HCl 0,1 M et au méthanol. Le solvant d’extraction est un mélange
dichloro-méthane/isopropanol (80/20) à 2 % d’ammoniaque, La dérivation utilise
le mélange PFPA/PFPOH (2/1) incubé à 60 °C pendant 15 minutes. Après eva-
poration sous azote, le résidu sec est repris par l’acétate d’étyle (100 μL), évaporé à
sec à nouveau puis repris par 50 μL d’acétate de butyle dont 1 μL est injecté après
15 min de repos. La colonne utilisée est de type HP5MS de 30 m, di 0,25 mm et
épaisseur de film 0,25 μm. La température du four est programmée de 130 °C (1
min) à 240 °C (50 °C/min) puis jusqu’à 280 °C (20°/min). le chromatogramme
dure 33 min, la LOQ est de 20 ng/mL et la linéarité de 20 à 2000 ng/mL.
Enfin la méthode décrite en 2006 par Cordona et coll. [16] paraît innovante en ce
qu’elle passe par la réalisation des chlorhydrates de tous les composés, au moyen
d’un générateur de vapeur d’acide chlorhydrique et qu’elle démontre à propos du
crack fumé, la faiblesse diagnostique de la présence d’anhydroecgonine méthyl ester
(aeme). Les auteurs prouvent en effet sa formation à partir de la cocaine dans l’inlet
du CPG en proportion inverse de la concentration (de 2,1 % à 52 % entre 6 400
et 25 ng/mL). Par ailleurs, Cordona et coll. déterminent 11 molécules : coc, bze,
norbenzoylecgonine (nbze), ncoc, ec, eme, m-OH-bze, aeme, ce, norcocaéthylène
(nce), ecgonine éthylester (eee), dans le sang (déprotéinisé à froid (–20 °C)) par
l’acétonitrile, l’urine et le muscle. Les extraits sont obtenus par EPS (en tampon
phosphate à pH 6,0, sur cartouche Bondelut certify. Les limites de quantification
(LOQ) sont inférieures à 2 ng/mL pour 7 molécules, tandis que pour nbze, ec,
m-OH-bze, et aeme, elles sont respectivement de 25, 800, 50, et 13 ng/mL.
LL
chloroforme : isopropanol : BSTFA 72,5 62,0 60,2 _
n-heptane (50 : 17 : 33 vv)
Depuis 1996 l’amélioration des moyens analytiques permet avec ces méthodes des lod
et loq plus faibles
LL
Dichloro-éthane/isopropa-
nol _ _ _ _ _
(80/20) à 2 % d’ammo-
niaque
LL pH 8,9 BSTFA
44 42 93 _
CHCL3/isopropanol 90/10 80° 0 min
284
Dosages sanguins et urinaires
CP SIL
[6]
8 CB
4 8 6 _ _ _ _ _ 20–2000 SFTA
chrom-
*
pack
CP SIL
[6]
8 CB
5 5 8 _ _ _ _ _ 20–2000 SFTA
chrom-
*
pack
_ _ _ _ 5 5 10 _ _ _ [64]
HP5MS ;
CP Sil
1,7 5,0 3,5 _ _ _ _ _ 0–500 [8]*
5 CB
DB5MS
Type
1 4 1 16 (ec) 10 20 25 50 (ec) 10–2000 [9]*
HP5MS
285
Drogues et accidentalité
286
Dosages sanguins et urinaires
IdI _ _ _ _ _
[4]
IdQ _ _ _ _ _
IdI 85,274 _ _ _ _
[8]
IdQ 85,274 _ _ _ _
IdI 185,348 168,238,255 171,258 _ _
[9]
IdQ 185 168 171 _ _
IdI 85 _ _ 196 199
[7]
IdQ 85 _ _ _ _
IdI 185,317,348 300,314,463 _ 196,212,272 199,275,320
[16]
IdQ 185 300 _ 196 199
IdI 185,317,348 300,314,463 _ 196,212,272 199,275,320
[15]
IdQ 185 300 _ 196 199
[24] 1994 _ x x x _ x _ _
(?) (50pl) (?) (50pl) (?) (25pl) (?) (25pl)
[25] 1995 _ x x _
(12,5ur) (12,5ur) (5ur) (5ur)
[26] 1996 _ x _ 1,0 5,0 5,0 _ _
[27] 1996 _ x _ (60) (180) (80) (230) (35) (100) _ (90) (260)
[28] 1996 _ x x _ x _ _
[31] 1997 x _ _ x _ x _ _
[32] 2000 _ x x (?) (25) (?) (25) (?) (25) _ (?) (50)
[33] 2002 _ x _ 5,0 10,0 10,0 _ _
288
Dosages sanguins et urinaires
nce
ce (LOD)
(LOD)
Réf. (LOQ) Étalon interne Mode extraction
(LOQ)
(μg/mL)
(μg/mL)
v _ _ Lidocaïne EPS
LL (CHCl3/Dichlorométhane)
[24] _ _ Benzoctamine
/EPS ; NARC 2
(?) (50pl) (?) (50pl) 2LL (plasma)
[25] _
(12,5ur) (12,5ur) LL + EPS C18 (ur)
[26] 2,5 5,0 _ _
[27] _ _ Tropocaïne EPS Bondelut certify
2’méthyl bze et
[28] x _ EPS
2’ méthyl cocaïne
LL tp borateM pH 9,0chloroforme/
[29] 2,5 (4bf ) _ 3 isobutyl- 1-butylxantine
éthanol (87,5/12,5)
[30] 12,9 _ Buvacaïne LL (CHCl3) Soerensen pH6,0
2’méthyl bze et
[31] x _ EPS bondelut certify
2’ méthyl cocaïne
[32] _ _ Buvacaïne _
[33] _ _ _ _
EPS Bondelut certify cond
[22] 10,0 _ _ CH3OH et PO4 pH6,0 élution
CHCl3-isopropanol
289
Drogues et accidentalité
Isocrat
SupelcosilABZ + phase
[30] 1997 _ CH3OH-acétonitrile-50 mM
inverse 250 mmx2,1mm di
NH4PO4H2 (5 :7 : 63).
[31] 1997 _ _ _
2 colonnes en série C8
AcétoCN/eau HPLC/ac
[32] 2000 5 μm spher et cyanopropyl _
trifluoroacétique (28 : 72 : 0.1)
5 μm
Tp PO4 pH 6,9 acétoCN/
[33] 2002 phase inverse C18 225
CH3OH
Binaire gradient : 22 min
Xterra RP8 250/4,6 mm A 10-50/B90-50
[22] 2006 233
di 5 μm B Tp PO4 0,02 M pH 6,53 A
acétoCN
290
Dosages sanguins et urinaires
[26] _ _ _ _ _
[33]
coc (70)
Méthode incluant opiacés et
[22] 20 2,55–3,75 100–10 000 bze (60)
méthadone
ce (90)
291
Drogues et accidentalité
292
Dosages sanguins et urinaires
au 1/100e) [36, 41–43]. Lacroix et coll. obtiennent des LOQ de 0,7, 0,6, 0,5
et 0,4 respectivement pour la coc, la bze, les p et m-OH-bze, et la ce [42]. La
disponibilité de l’UPCPL (chromatographie liquide ultra performance) améliore
la résolution et la durée de l’analyse [38]. Le choix des colonnes et des phases
mobiles (tampons formiates/acétonitrile ; acide formique/méthanol ; acétate/acé-
tonitrile/méthanol… à pH entre 2,8 et 4,0) varie selon les auteurs et dépend des
métabolites visés (tableau 10.11) notamment quand l’ecgonine est considérée,
ce qui est une tendance. La polarité des molécules concernées, bien que très dif-
férente si l’on considère la cocaïne par rapport à ses métabolites beaucoup plus
polaires, ne nécessite pas de source d’ionisation de type photo-ionique (APPI),
jamais relatée dans ce cas. Les sources ESI (80 %) et APCI (20 %) sont les plus
fréquentes (tableau 10.11).
Enfin, bien que plutôt réservées à d’autres matrices (salive, cheveux), quelques
auteurs ont mis au point des techniques aux performances similaires voire supé-
rieures en CPL-ESI-QTOF-SM permettant des LOQ de 0,5 à 1,0 ng/mL, appli-
quées au sang et à l’urine [39, 45] voire de 0,25 ng/mL pour la bze et 0,16 ng/
mL pour la coc, selon Sellers et Kowalski [46] grâce à l’emploi d’une colonne
AllureTM PFP Propyl pentafluorophényl propyl de 30 × 2,1 mm et d’un gradient
acétonitrile/formiate d’ammonium 5 mM à pH 3,0 passant des proportions 80 :
20 à 20 : 80 en 5 min (Restek Product, non publié). Ce nouveau type de couplage,
quadripôle-temps de vol, offre une très grande résolution et permet l’identifica-
tion des molécules grâce à leur masse exacte (tableau 10.12).
293
Drogues et accidentalité
Rendt
Automa- Mode
Réf. Milieux Technique Extraction d’extrac
tisation chromato-liquide
(%)
LL acétoCN/
plasma,
1999 CPL-ESI- CHCl3/isopropa- 85 HCOOH/
sang ot, Non
[34] SM/SM nol 95/5 à 115 HCOONH4
urine
tp NH4 pH9,0 80/20 à 50/50
CPL-AP-
1999 Déprotéinisation
plasma CI-SM/ Non _ _
[35] par acétoCN
SM
Fast gradient
2,1 min : tp aq
CPL- + pH4,00 90 %/
Micropla-
2000 ESI-SM/ acétoCN10 %
urine Filtrat direct ques 96 _
[39] SM 0,51 min- > tp
puits
150 °C aq pH 4,0 10 %/
acétoCN 90 % en
1 min laissé 1 min
CPL-AP-
2001 Centrifugation 80,3 méthanol/ac formi-
Plasma CI-SM/ Non
[46] ac pH4,0 + EPS à 93,4 que 0,1M
SM
Gradient
A = ammonium
Ultracentrif
2001 CPL-ESI- 41 20 mM B = acé-
Plasma EPS bondelut cer- Non
[3] SM/SM à 92 toCN/méthanol
tify et SCX (ec)
1/1 : 99/1 : 2 min
20/80 12 min
UPCPL- Micropla- Extraction on
2001 Centrifugation 97
urine ESI-SM/ ques 96 line Fast gradient
[38] unique à 113
SM puits 3,5 min
CPL-AP-
2003
urine CI-SM/ Injection directe Non 26 min
[37]
SM
Gradient sol A
ammonium
formiate (pH 4.0)
2005 CPL-ESI- et sol B érum
Plasma EPS MCX oasis Non #100 %
[48] SM/SM itrile.15 min 25 °C
97 % A à 20 %
en 11 min
(B qs 100 %)
Rapide
2007 CPL-ESI-
Urine EPS HLB Oasis Trace _
[49] SM/SM
Station
294
Dosages sanguins et urinaires
Phase inverse
2000 (<2,5) (<2,5)
C8 50 × 2,0 _ _ _ _ _ 3–1 000
[39] (#3) (#3)
(diam) × 5 μm
ODS-3
Inerstil
2001
(Metachem (?) 2,5 (?) 2,5 _ _ _ _ _ 2,5–750
[46]
Tec) 100 ×
2 mm 5 μm
Zorbax
Eclipse XDB-
2001 (4,1) (2,8) (3,5) (4,4)
C8 narrow- _ _ 5–1 000
[3] (14,4) (10) (12,3) (15,1)
bore 150 ×
2,1mm 5 μm
2001
0,5 2 _ _ 0,5 _ _ 7,5–1 000
[38]
2003
Phase inverse 10 à 100 _ _ 10–10 000
[37]
Phase inverse
Zorbax Bo-
nus 150 ×
2005
4,6 ; 5 μm 5 5 5 _ _ _ _ _ 5–500
[48]
(precol ph
inv 10 ×
3 mm
2007 0,009
_ _ _ _ _ _ _ _
[49] à 2,9
295
Drogues et accidentalité
3,1-7,1 (coc)
1999
1,5-3,0 (bze) 304/182,2 290/168,2
[34]
3,7-7,1 (ce)
1999
de 2,5 à 650 ng/mL 304/182 290/168 290/168
[35]
1,1 -5,9 (bze) 304,2/182,0 290,2/168,2
2000
1,7-8,4 (coc) 304,2/105,0 290,2/105,2
[39]
0,62-6,9 IJ 304,2/82,1 290,2/77,2
2001
0,9-6,2 304/182 290/168
[46]
2,6 (coc)
2001 1,39 (bze)
304/181,9 289,9/168
[3] 2,62 (eme)
1,79 (ec)
2001
<10 %
[38]
2003
[37]
2005
<14 % 304,1/182,0 290,1/136,0 290,2/82,1
[48]
2007
[49]
296
Dosages sanguins et urinaires
m et p
norbze eme ec ce aeme
Ohbze
Appliquée à la pharmaco-
200/182
cinétique chez le rat
Transitions soulignées
pour la quantification
200,2/182,1 186,2/168,1
297
Drogues et accidentalité
Gradient :
5 % A et 95 % B
Déprotéinisa- jusqà 60 % B en 10
2007 Sang tot CPL- + tion acide min A = ac formique
Non x
[50] et urine ESI-SM/SM EPS Spec 0,05 %/ eau/5 %
MP1 Ansys acétoCN B = ac
formique 0,05 %/
eau/100 % acétoCN
A = CH3COOH1 %
B = acétCN 2 min
2008 CPL- + EPS automa-
Urine LL manuelle x A puis 30 % B en 4
[43] ESI-SM/SM tisée
min ; retour
à 100 % A en 4 min
EPS
Hysphere Gradient
2008 CPL- +
Urine En ligne MM anion x Ac formique/
[41] ESI-SM/SM
sorbent auto- acétoCN
matisée
Gradient
EPS hysphere 100 % sol A (0,1 %
MM anion ac formique/eau) 3
totalement min ; 98 % 4 min,
2008 Sang CPL- +
En ligne automa- x 2 % sol B (0,1 % ac
[36] total ESI-SM/SM
tisée Spark formique/acétoCN)
Holland 10 % A 90 % B : 1
Symbiosis min 40 puis 100 % A
jusqu’à 10 min
Gradient
Déprotéi-
EPS tota- Sol A = formiate
nisation
Plasma lement NH4 20 mM pH 2,8
ac sulfo-
2008 sérum CPL- + automatisée Sol B = acétoCN
salicylique x
[42] sang tot ESI-SM/SM oasis HLB 20 +0,2 % ac formique
extraction,
urines × 2,1 mm ; 8 à 95 % sol B
purification/
25 μm en 6,5 min
copolymère
durée tot : 16 min
298
Dosages sanguins et urinaires
Phase inverse
0,1–4 000
2007 Zorbax SB C18 (3) (2) (2) (1) (2)
std 1–2000
[50] 2,1/30 mm à (8) (8) (8) (5) (7)
sgt
30 °C
Gemini C6-Phenyl
2008 (3–23)
(50 × 3.00-mm 7–1 000
[41] (7–69)
i.d., 5 μm)
hysphere MM
2008 Gemini C6-Phényl (3) (7) (12) (16) (5) LOQ à
[36] 50 × 3,0 mm ; (8) (20) (36) (47) (15) 500
5 μm
299
300
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.11D Paramètres des méthodes HPCPL-SM/SM.
2008 290,1/168,0
<2,6 IE < 4,8 % ID – – – 276,1/154,0 306,1/168,0 _ _ _
[43] 290,1/105,0
Fast gradient
60 % sol A
Microbio-
= formiate
trap 500 MS 5-10 000 −1 à +2
Plasma Fast NH4100mM : Allure basix 0,75 (eme)
2000 20x2mm Extraction (eme) (eme)
sérum CPL/+ESI/ ac formique 30 × 2,1 mm 0,5 5 0,58 304,2/182,2 304,2/182,2
[44] (α 1 glycoprot en ligne 0,5-10 000 −0,5
urine SM-SM TOF 50 mM 40 % sol × 5 μm (coc)
ac/polymère (coc) à 4 (coc)
B = acétoCN 60 :
hydrophile
acétone 40
1,21 à 3,2 min
Gradient
Extraction en
A : acétNH4 Xterra MS S 18
2004 CPL/+ESI/ EPS C8 ligne et IDA
Sang 5 mM 80/métha- 100 × 2,1 mm 1 1 10-10 000 304,2/182,2 290,0/168,0
[45] SM-SM TOF isolute (intelligence
nol 10/AcétCN 10 3,5 μm 40 °C
artificielle)
B (20/40/40)
Gradient
Solutés
A = acétoCN AllureTM PFP
2008 dans CPL/+ESI/
Par inhalation en cigarette ou pipe (crack), les données cinétiques sont proches de
celles de la voie veineuse en raison d’une forte biodisponibilité (environ 60 %). La
plus facile, donc plus fréquente répétition des prises par cette voie, tend à réduire
le Tmax, à maintenir des Cmax plus longtemps et à allonger les demi-vies appa-
rentes des métabolites. Lors de ce type d’usage, on détecte, outre les métabolites
précédemment cités, l’anhydroecgonine méthyle ester (aeme ou méthylecgonidine).
Des teneurs plus importantes de cocaïne que par les voies nasale, veineuse ou res-
piratoire, parfois létales (jusqu’à 30 μg/mL), peuvent s’observer lors du transport
incorpore de cette drogue quand il y a rupture des contenants.
La drogue peut également pénétrer par voie percutanée entraînant générale-
ment de faibles teneurs dans le sang mais parfois significatives dans l’urine. Enfin
Kolbrich et coll. [53] montrent que, par voie sous-cutanée, 18 sujets recevant 75 et
150 mg/70 kg, présentent rapidement dans le sang (moins de 5 min) de la cocaïne
mais à une faible teneur, le pic atteignant en 30 à 40 min respectivement pour les
deux doses 231,3 ± 18,4 ng/mL et 639,1 ± 56,8 ng/mL. Ils notent un métabolisme
rapide : bze et eme sont les premiers détectés, 5 à 15 min après l’administration, et
atteignent leur pic en 2 à 4 h. Tous les autres métabolites sont détectés également
(norcoc, m et p-OH-coc et m et p-OH-bze) à faible concentration) pendant 32 h
(LOQ : 2,5 ng/mL).
Alors qu’en France Mura et coll. ne relèvent parmi 900 conducteurs accidentés
qu’un seul contrôle positif en cocaïne en 2003 [54], la même année, Cone et
coll. [55] s’étonnaient que très peu de travaux concernaient les modèles d’excré-
tion des métabolites urinaires en fonction des voies d’administration de la cocaïne
alors qu’elle constituait la deuxième drogue détectée aux États-Unis dans leurs
programmes tests. Ces auteurs étudient 6 sujets recevant des doses équipotentes de
cocaïne par voies nasale (IN), intraveineuse (IV) et respiratoire (fum). Ils suivent
l’élimination au moins 3 jours et observent que les Cmax sont dans l’ordre bze >
eme > coc > bne (benzoylnorecgonine) # p-OH-bze > mOH-bze > m-OH-coc >
Ncoc > p-OHcoc. Les demi-vies d’élimination sont plus courtes sous forme fumée,
intermédiaire en IV et plus longue en IN. Le métabolite dont la demi-vie est la
plus longue est le m-OH-bze (7 à 9 h) et la cocaïne possède la plus courte : 2 à 4 h
(l’ecgonine n’était pas déterminée dans cette étude, sa demi-vie est de 9,3 ±1,3 h
[60]). Le délai pour la dernière urine positive est de 48 h pour la cocaïne en IV (cut-
off CPG-SM 40 ng/mL). En Hollande, entre 1995 et 1998, sur 11 458 contrôles
d’alcoolémies et drogues opérés sur des conducteurs, 361 (3,1 %) sont positifs en
cocaïne et ou métabolites [55], résultats voisins de ceux de Jones et coll. en Suède :
3 % sur 26 567 analyses de sang [4].
Il convient également de considérer, pour juger de la signification d’une teneur en
cocaïne ou de l’un de ses métabolites, le caractère potentiellement chronique de l’usage
car la cocaïne se stocke dans les tissus riches en lipides d’où elle s’élimine progres-
sivement entraînant des toxicocinétiques irrégulières qui incrémentent celle d’une
nouvelle prise en rendant son interprétation délicate. Preston et coll. montrent chez
18 sujets consommateurs chroniques sevrés et isolés pendant 14 jours dans une unité
303
Drogues et accidentalité
304
Dosages sanguins et urinaires
305
Drogues et accidentalité
10.3.9 Conclusion
L’analyste dispose aujourd’hui d’un ensemble de moyens efficaces, rapides, précis
et fiables d’analyse de la cocaïne et de ses métabolites. La CPG-SM demeure une
technique de choix. Il conviendrait d’établir un consensus sur la place que doivent
prendre dans l’avenir dans le cadre de l’accidentologie, les méthodes ayant recours
à la CPL-SM/SM et la CPL/TOF-SM ainsi que sur l’intérêt de l’ecgonine dont la
stabilité constitue un critère favorable dans l’estimation d’une imprégnation cocaï-
nique, notamment quand le délai entre l’observation du conducteur et la prise de
sang ou la collecte d’urine s’allongent.
Dans le cadre de l’accidentologie, pour nécessaire qu’elle soit pour authentifier
la consommation récente ou moins récente de la drogue, la teneur du sang ou
de l’urine en cocaïne et métabolites ne peut donc pas être, à elle seule, le reflet
de l’influence exercée par la drogue sur le conducteur d’un véhicule. Les effets
sur la fonction cardiovasculaire et sur le système nerveux peuvent entraîner des
conséquences cliniques ou comportementales indépendantes des concentrations
déterminées. L’hyperplasie cardiovasculaire induite par la toxicité chronique peut,
dans certains cas, se traduire par la rupture ou la perforation vasculaire mais aussi
par l’infarctus. De même les troubles de la conduction peuvent aboutir à l’aryth-
mie voire à l’arrêt cardiaque. Ces signes sont de survenue aléatoire et non corrélés
nécessairement à l’usage récent de drogue et par conséquent peuvent être contem-
porains de très faibles teneurs. Il en est de même des signes de psychose paranoïde
ou des convulsions, autant d’événements qui peuvent être responsables d’écarts ou
d’accidents de conduite.
Une revue des méthodes utilisées pour le sang entre 2002 et 2007 due à Kraemer
et Paul peut être utilement consultée [64].
306
Dosages sanguins et urinaires
307
Drogues et accidentalité
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311
312
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.13 Méthodes analytiques de chromatographie en phase gazeuse.
Après extraction par le diéthyloxyde en milieu basique, les amphétamines sont déri-
vées par l’anhydride heptafluorobutyrique (HFBA). L’extrait est purifié par lavages
successifs avec de l’eau désionisée puis avec une solution ammoniacale à 4 %. La
séparation est effectuée sur une colonne capillaire apolaire ; le mode d’ionisation est
l’impact électronique (EI). Il n’existe pas d’interférence avec les principales autres
amines sympathomimétiques (éphédrine, pseudo-éphédrine…). La dérivation des
amines primaires et secondaires est importante pour l’analyse chromatographique,
la sensibilité et la reproductibilité. Peters et coll. utilisent également le HFBA
comme agent dérivant mais après une extraction en phase solide [2]. Kankaanpaä
et coll. réalisent l’extraction et la dérivation en une seule étape [3]. Le réactif d’ex-
traction-dérivation contient du toluène, de l’HFBA et les étalons internes deutérés.
Ce réactif est ajouté au sang alcalinisé ou à l’échantillon d’urine.
Dans la méthode décrite par Pirnay et coll., une hydrolyse des urines est effectuée avant
les étapes d’extraction de type SPE et de dérivation (HFBA) [4]. Dans la méthode
CPG-SM de Frison et coll., après une extraction alcaline des urines sur colonne
d’extraction Extrelut et une dérivation avec le 2,2,2-trichloroéthylchloroformate, la
séparation chromatographique s’effectue sur une colonne capillaire polaire et permet
l’identification et la quantification simultanées de nombreuses substances amphétami-
niques et dérivés [5]. Nischida et coll. dérivent par le propylchloroformate l’amphéta-
mine et la méthamphétamine après extraction sur une colonne Extrelut [6]. Enfin, les
énantiomères S- (+) et R- (−) de l’amphétamine et de la méthamphétamine peuvent
être séparés à l’aide de phases stationnaires chirales, ou par formation de diastéréo-iso-
mères avec un agent chiral ; la phase stationnaire étant, dans ce dernier cas, non chirale.
Dans la méthode de Peters et coll., les diastéréoisomères sont synthétisés à partir du (S)-
(−)-heptafluorobutyrylchloride [(S)-HFBPCL], après une extraction de type SPE sur
une colonne d’extraction de type « mode mixte » [7]. Le mode d’ionisation est l’ioni-
sation chimique négative (NICI) en raison des propriétés électronégatives du dérivant.
Pour éviter la volatilisation de l’amphétamine lors de l’évaporation du solvant, Leis et
coll. ajoutent le dérivant directement dans la solution d’extraction (n-hexane) après une
extraction liquide-liquide [8]. Ces dernières années, les techniques de chromatographie
liquide couplée à la spectrométrie de masse (CPL-SM) se sont rapidement développées
dans le domaine de la toxicologie clinique et médicolégale [9] (tableau 10.14).
Différents types d’interface SM sont utilisés en routine ; les deux types d’inter-
face majoritairement employés en routine sont l’ionisation par électrospray (ESI),
et l’APCI (atmosphéric-pressure chemical ioniation) [9]. Le mode d’ionisation par
spray ultrasonique est peu utilisé [10]. Ce dernier mode d’ionisation n’utilisant ni
chauffage (thermospray), ni champ électrique, permet une ionisation « douce »,
intéressante pour des substances de faible polarisabilité et peu thermostables. Les
techniques CPL-SM permettent de réduire considérablement la phase pré-analyti-
que, en supprimant la phase de dérivation. La combinaison de deux spectromètres
de masse ou masse tandem (SM/SM), permet un gain de sensibilité et de sélecti-
vité, après une séparation chromatographique sur une colonne C18. Un des avan-
tages majeurs des techniques CPL-SM/SM en comparaison avec la CPL-SM, est la
313
Drogues et accidentalité
Préparation Colonne
Réf. Composés Matrice Détection
échantillon analytique
Extraction
Amphétamine liquide-liquide Hypersil BDS Ionisation par
[10] MDMA Sang (K2CO3, pH 9,5 ; C18 (100 mm spray sonique
MDA hexane/acétate × 5,1 mm, 3 μm) - SM
d’éthyle)
Amphétamine
Méthamphétamine Hypersil BDS
Déprotéinisation
[11] MDMA Plasma C18 (100 mm ESI-SM/SM
(méthanol)
MDEA × 2,1 mm, 3 μm)
MDA
Amphétamine
Méthamphétamine
Uptisphere ODB
MDA Sang
[12] Toxitube A C18 (150 mm ESI-SM/SM
MDMA Urine
× 2,1 mm, 5 μm)
MDEA
MBDB
Amphétamine
Méthamphétamine Atlantis Intelli-
MDA Extraction gent Speed
[13] Urine ESI-SM/SM
MDMA liquide-liquide (20 mm
MDEA × 2,1 mm, 3 μm)
MBDB
Extraction liquide-
liquide MetaSil basic
Amphétamine
[14] Plasma (NH4OH), (100 mm APCI-SM/SM
Méthamphétamine
butylchloride/ × 2 mm, 3 μm
ACN
Amphétamine X-terra
Méthamphétamine SPE (50 mm × 3 mm,
[15] Urine APCI-SM/SM
MDMA (Oasis HLB) 2,5 μm)
MDEA
Amphétamine Symmetry Schield
Méthamphétamine RP 18
Extraction en ligne ESI-SM/SM
[18] MDA Urine (50 mm
(Oasis HLB) (ion-trap)
MDMA × 2,1 mm,
MDEA 3,5 μm)
314
Dosages sanguins et urinaires
Préparation Colonne
Réf. Composés Matrice Détection
échantillon analytique
Amphétamine
Méthamphétamine
Sérum, Atlantis C18
MDA Extraction en ligne
[19] Plasma, (100 mm ESI-SM/SM
MDMA (Oasis HLB)
Urine × 2,1 mm, 3 μm)
MDEA
MBDB
Amphétamine
Luna C18
Méthamphétamine
[20] Urine Dilution (eau) (100 mm ESI-SM/SM
MDA
× 2,0 mm, 3 μm)
MDMA
Amphétamine
Zorbax SB
Méthamphétamine
C18 Rapid
MDA
[21] Urine Dilution solution APCI-SM/SM
MDMA
(30 mm
MDEA
×2,1 mm)
MBDB
ACN (acétonitrile), SPE (extraction en phase solide).
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine (ou « ecstasy »). MDA : méthylène-dioxy-
amphétamine. MBDB : N-métyl-1- (3,4-méthylènedioxyphén-2-butanamine. MDEA : méthylène-
dioxy-éthamphétamine. MBDB : N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine.
HFBA (anhydride heptafluorobutyrique), HFBPCl ((S)- (-)-heptafluorobutyrylpropyl), SPE
(extraction en phase solide).
NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionnés.
SM : spectrométrie de masse.
chromatographique sur une colonne C18 Acquity UPCPL à un débit de 0,6 mL/
min, la limite de quantification est de 0,1 ng/mL [23].
317
Drogues et accidentalité
318
Dosages sanguins et urinaires
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Drogues et accidentalité
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10.5 Conclusion
La mauvaise corrélation entre la concentration sanguine de certaines drogues
comme le THC et les effets montre que les seuils de danger sont impossibles à
fixer. Par ailleurs, ceci équivaudrait à en tolérer l’usage. C’est la raison pour laquelle
la réglementation dans ce domaine a fixé en 2001 un seuil analytique. Depuis cette
date, des progrès analytiques déterminants ont été réalisés, aussi nous réitérons notre
proposition d’abaisser les seuils de détection sanguins imposés par la loi dans le
cadre de la sécurité routière [46] aux concentrations suivantes :
› 0,5 ng/mL au lieu de 1,0 ng/mL pour le THC,
› 10 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour la cocaïne,
› 5 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour les amphétamines,
› 5 ng/mL au lieu de 20 ng/mL pour les opiacés.
320
Cheveu : mise en évidence
des conduites addictives
Pascal Kintz, Marion Villain1
Introduction
Depuis 1986 et l’Executive Order du Président américain Reagan, la lutte contre
la toxicomanie s’est intensifiée, tant dans le monde du travail que sur la route.
En France, la prise de conscience collective des ravages des stupéfiants au volant
est récente et certains avancent le chiffre de 1 000 à 1 500 tués par an dans des
circonstances où la vigilance est très perturbée par des substances psychoactives.
À l’opposé de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni, pays scandinaves), la
France ne pratique que de façon très limitée le dépistage des conduites addictives
en entreprise. Le criblage à l’embauche n’est pas d’actualité dans notre pays.
Dès le début des contrôles, l’urine a été choisie comme milieu de dépistage, le sang
étant réservé aux confirmations et donc aux expertises judiciaires. En effet, seule la
détermination dans le sang des xénobiotiques peut démontrer que le sujet est sous
influence. La salive (fluide oral), autorisée récemment comme milieu de dépistage
initial sur les routes, pourrait être une alternative satisfaisante aux examens san-
guins. Les fenêtres de détection dans ces trois milieux sont de l’ordre de 12 à 48 h,
parfois plus comme pour le cannabis urinaire [1].
321
Drogues et accidentalité
322
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
323
Drogues et accidentalité
Le prélèvement doit mentionner le nom du sujet, son âge, la couleur de ses cheveux,
leur longueur, les éventuels traitements médicaux et/ou cosmétiques, le nom du
préleveur et la date du prélèvement.
De très nombreuses procédures analytiques ont été publiées dans la littérature inter-
nationale. Elles font soit appel à un dépistage immuno-chimique, essentiellement
par ELISA ou RIA, suivi d’une confirmation des positifs par chromatographie ou
directement par chromatographie.
Les méthodes suivantes ont été mises en place par X-Pertise Consulting.
325
Drogues et accidentalité
Les étapes suivantes suivent les préconisations du fabricant. Après addition du conjugué
enzymatique et incubation (30 min à température ambiante), les puits sont lavés trois
fois pour éliminer toute substance non liée avant l’étape finale de révélation par le subs-
trat. L’intensité de coloration, mesurée avec un lecteur de microplaques à 650 nm, est
inversement proportionnelle à la quantité de stupéfiants présente dans l’échantillon.
Un blanc, un calibrateur bas et un calibrateur haut suivent entièrement la procédure.
Les positifs sont confirmés par CPG-SM après évaporation du méthanol et extrac-
tion spécifique [22].
Opiacés-cocaine [23]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Préparation
Découpage aux ciseaux en fragments < 1 mm
Solubilisation
50 mg de poudre de cheveux
+ 1 mL 0,1 M HCl
+ 200 ng de standards internes deutérés
Incubation 16 h à 56 °C.
Extraction
Homogénat + 10 mL de dichlorométhane/isopropanol/n-heptane (50/17/33, v/v)
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm
Purification de la phase organique (5 mL 0,2 M HCl), puis retour alcalin (1 mL NaOH
1 M + 2 mL tampon phosphate pH 8,4 dans 5 mL de dichlorométhane)
Recueil de la phase organique et évaporation à sec
Dérivation
Extrait sec + 30 μl BSTFA + 1 % TMCS
Incubation pendant 30 min à 70 °C
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg.
326
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
327
Drogues et accidentalité
Amphétamines [24]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Solubilisation
50 mg de cheveux
+ 1 mL 1 M NaOH
+ 200 ng de standards internes deutérés
Incubation pendant 10 min à 95 °C
Extraction
Homogénat + 5 mL acétate d’éthyle
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 RPM
Recueil de la phase organique, addition de 20 μL de méthanol/HCl (99/1) et éva-
poration à sec
Dérivation
Extrait sec + 150 μL d’acétate d’éthyle/HFBA (1:2, v/v)
Incubation pendant 30 min à 60 °C
Évaporation à sec et reconstitution dans l’acétate d’éthyle
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,2 ng/mg pour
toutes les molécules à l’exclusion de la MDA à 0,5 ng/mg.
Dans certaines circonstances, l’expert peut être amené à vouloir exclure tout risque
de contamination externe par le cannabis. Le THC, tout comme le cannabinol et le
cannabidiol sont présents dans la fumée. Il convient alors de mesurer un métabolite,
preuve unique d’un passage par la voie générale. Le THC-COOH, métabolite acide,
est très mal incorporé dans les cheveux et les concentrations fixées sont de l’ordre de
quelques pg/mg. L’emploi de la spectrométrie de masse en tandem apparaît ici comme
indispensable.
328
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
Cannabis [25]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Solubilisation
50 mg de cheveux
+ 1 mL 1 M NaOH
+ 200 ng de THC deutéré
Incubation pendant 10 min à 95 °C.
Extraction
Homogénat + 5 mL de n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v)
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm
Recueil de la phase organique et évaporation à sec
Reconstitution dans le cyclohexane
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse et mesure simultanément le THC, le cannabinol et le cannabi-
diol. Les limites de quantification ont été validées à 0,05 ng/mg.
Le THC-COOH est extrait en milieu acide après hydrolyse alcaline par le mélange
n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v), puis dérivé par PFPA + PFP-OH. La transition
m/z 602 en m/z 513 et 474, en mode ionisation chimique négative, sur un sys-
tème Waters Quattro Micro autorise une limite de quantification à 0,5 pg/mg. La
figure 11.3 est un chromatogramme représentatif d’une concentration de 1,9 pg/mg
de THC-COOH.
329
Drogues et accidentalité
08-03271508mg-FL250pq
080813 Paste MRM of 4 Channels Cl-
100 7.01 622.5 > 495.3
498 2.88e4
Area
0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 622.5 > 386.3
100 3.56e4
619
Area
0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 619.5 > 382.3
100 1.17e4
182
Area
0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 619.5 > 383.3
100 1.35e4
230
Area
0 Time
6.20 6.30 6.40 6.50 6.60 6.70 6.80 6.90 7.00 7.10 7.20 7.30 7.40 7.50 7.60 7.70 7.80 7.90
(6 ng d’éthyl glucuronide-d5). Les extraits sont purifiés par SPE sur cartouche Oasis
MAX (Waters). La phase organique d’élution (méthanol-acide formique 2 %) est
évaporée à sec et le résidu repris par 200 μL d’acétonitrile-tampon formiate.
L’analyse de ces échantillons est réalisée par CPL-SM/SM sur un système Quantum
Ultra (Thermo Fischer). Dix microlitres sont injectés (pompe Accela) et l’élution est
réalisée sur une colonne ACQUITY BEH HILIC (2,1 ×100 mm) avec un gradient
acétonitrile/tampon formiate pH 3,0. La détection est réalisée par spectrométrie de
masse tandem, avec une interface de type électrospray en mode négatif. L’acquisition
est réalisée en mode MRM (multiple reaction monitoring). La limite de quantifica-
tion est < 5 pg/mg et le laboratoire utilise un seuil de positivité (discriminant buveur
social de buveur excessif ) à 30 pg/mg. La figure 11.4 est un chromatogramme
représentatif d’une concentration de 75 pg/mg d’éthyl glucuronide.
Genesis 08127-07
60
40
20
081127-07
60
40
7.00
20
7.08
5.38 5.78 5.97 6.41 6.78 7.24 7.49 8.20 8.33 8.96 9.27
5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 8.0 8.5 9.0
Time (min)
331
Drogues et accidentalité
Ces contrôles sont répétés plusieurs fois par an et permettent toujours d’améliorer
les procédures analytiques.
Cette matrice offre certains avantages pour les dépistages en entreprise. Le prélève-
ment est non invasif, stable dans le temps et il est toujours possible de prélever à
distance un second échantillon identique. De plus, l’analyse des cheveux de candi-
dats à l’embauche permet de connaître leur profil addictif. Néanmoins, la période
de temps couverte par le dépistage dépend de la longueur de l’échantillon capillaire
prélevé (chaque cm représente environ un mois de pousse). Pour les urines, une
période d’abstinence de quelques jours est généralement suffisante pour influencer
fondamentalement les résultats des tests. Enfin, l’analyse des cheveux permet aux
employés de démonter l’arrêt de consommation de substances psychoactives.
Kintz a proposé des histogrammes de concentrations retrouvées dans les cheveux
pour interpréter les résultats des analyses quantitatives [31]. Cela permet de classer
les individus en petits, moyens ou gros consommateurs, permettant d’évaluer gros-
sièrement leur consommation et surtout d’adapter au mieux leur prise en charge
thérapeutique. En fait, il apparaît que chaque laboratoire, sur la base de ses propres
études de population, devrait déterminer ses propres valeurs seuil en fonction de
son pays d’origine, du but des analyses, des substances cibles recherchées et de la
méthode analytique employée. L’interprétation liée à l’application d’une valeur seuil
pour la cocaïne peut être affinée dans certains cas par la détection de la norcocaïne
ou du cocaéthylène, formé au niveau hépatique lors de la consommation concomi-
tante de cocaïne et d’alcool éthylique. Un rapport benzoylecgonine/cocaïne > 0,05
est en faveur d’une consommation active de cocaïne. Un rapport de concentration
6-acétylmorphine/morphine supérieur à 1,3 est recommandé par la SoHT comme
indicatif d’une consommation active d’héroïne [21].
L’introduction récente en France des programmes de substitution à l’héroïne
(méthadone, buprénorphine) a naturellement conduit à la mise en place de suivis
analytiques des toxicomanes. Idéalement, la prise en charge des toxicomanes est
conditionnée par l’absence de consommation concomitante de stupéfiants. Cette
surveillance devrait se faire par analyses urinaires, comme pour la méthadone, deux
333
Drogues et accidentalité
fois par semaine (tout au moins pendant les 3 premiers mois). Ce suivi coûte cher et
s’avère dans la pratique peu efficace, car il se limite au simple résultat de « présence
ou absence » de famille de stupéfiants, sans identification ni quantification du pro-
duit. Réalisée une fois tous les 3 mois, l’analyse des cheveux présente de nombreux
avantages financiers et pratiques (prélèvement facile à contrôler, à conserver) par
rapport à l’analyse urinaire. L’analyse segmentaire des cheveux permet également
d’établir le profil addictif d’un individu, les éventuelles modifications de consom-
mation. En outre, l’analyse de cheveux permet d’établir le niveau de consommation
des différents produits (faible, moyen ou important) par rapport à des centaines de
cas semblables, ce qui est très utile pour ajuster les posologies des médicaments. Le
médecin aura alors une mesure biologique du niveau de l’intoxication et donc de
la dépendance à l’héroïne et pourra ainsi prescrire le traitement de substitution sur
une base scientifique, complémentaire de l’examen clinique.
Dans le cadre de la loi relative à la conduite sous influence de substances ou plantes
classées comme stupéfiants définitivement adoptée le 23 janvier 2003, il est prévu,
en cas de conduite d’un véhicule en ayant fait usage de stupéfiant, une suspension
ou une annulation du permis de conduire.
Le décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière et modifiant
le code de procédure pénale et le code de la route, stipule dans son article 6 : « Le
préfet soumet à des analyses ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques,
notamment salivaires et capillaires. »
Un contrôle urinaire ne peut pas trouver sa place dans une telle situation. En
effet, l’interprétation d’un résultat négatif peut être très différente : soit l’individu
ne consomme plus de produit stupéfiant, soit il s’est abstenu d’en consommer
3 ou 4 jours avant l’analyse, les fenêtres de détection urinaires de stupéfiants étant
connues de tous via Internet. Seule une analyse de cheveux, milieu cumulatif, et qui
permet de mettre en évidence une exposition unique à 35 mg de cocaïne ou 60 mg
de codéine sur 3 mois, peut documenter de façon fiable les conduites addictives.
Ces examens à partir de cheveux sont couramment pratiqués en Allemagne et en
Italie. La comparaison d’une analyse simultanée d’urine et de cheveux du même
individu a montré que les cheveux permettaient une bien meilleure identification
des consommateurs.
La Société française de toxicologie analytique a publié en décembre 2004 un
consensus sur la restitution du permis de conduire qui est intégralement reproduit
en fin de ce chapitre.
11.4 Conclusion
La demande sans cesse croissante d’expertises judiciaires sur cheveux a naturelle-
ment conduit à standardiser de façon très rigoureuse l’ensemble de la procédure,
du prélèvement à l’interprétation des résultats. Cela implique une chaîne de qualité
identique à celle mise en place pour les urines. Chaque laboratoire pratiquant des
334
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
335
Drogues et accidentalité
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337
Drogues et accidentalité
338
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
339
Drogues et accidentalité
340
Réponses aux questions
Patrick Mura1
12
les plus souvent posées
L’auteur a rapporté dans ce chapitre les questions les plus souvent posées par les
forces de l’ordre, les magistrats, les avocats, mais également par les consommateurs
ou les familles. Les réponses apportées pourront être parfois jugées succintes, mais
le lecteur trouvera une argumentation plus avancée dans les différents chapitres de
cet ouvrage.
341
Drogues et accidentalité
2. J’ai pris du sirop contre la toux : vais-je être positif aux opiacés ?
S’il s’agit d’un dépistage urinaire ou salivaire, la réponse est oui. En effet, la plupart
des sirops ou comprimés contre la toux contiennent des substances appartenant à
la famille des opiacés (codéine, codéthylline, pholcodine, etc.), qui se transforment
en morphine dans l’organisme. Or, c’est précisément la morphine que détectent les
tests de dépistage salivaire ou urinaire.
Mais heureusement, le dépistage n’est qu’un élément orientant vers la prise de sang.
Or l’analyse sanguine utilise des techniques qui permettent de faire la différence
entre les différents produits.
3. Je suis positif au cannabis mais je n’ai pas fumé. En revanche, j’étais en contact
de gens qui fumaient des joints.
C’est le problème de l’enfumage passif. En réalité il s’agit d’un faux débat. Les dépis-
tages qu’ils soient salivaires ou urinaires conduisent à un résultat positif lorsque la
concentration dans les urines ou la salive est supérieure à une certaine valeur (seuil
de positivité). Des études ont montré que, même dans des cas extrêmes, ce seuil
n’était jamais atteint dans le cas d’un enfumage passif. Il n’y a donc aucun risque
d’être positif au cannabis par le simple fait de l’enfumage passif.
4. Est-il vrai que le cannabis est aujourd’hui 20 fois plus concentré que dans les
années 1960 ?
Effectivement, on trouve sur le marché clandestin des échantillons de cannabis
(herbe ou résine) beaucoup plus concentrés qu’avant, et surtout dans les variétés
provenant des Pays-Bas. Il ne s’agit pas d’un facteur 20 mais de 2 à 3, ce qui est
déjà considérable. En effet, avec des teneurs en THC quelquefois supérieures voire
largement supérieures à 10 %, non seulement les effets sont renforcés mais en
apparaissent alors de nouveaux dont une composante hallucinogène.
5. Pourquoi sanctionner l’usage de stupéfiants chez les conducteurs et pas les
médicaments ?
La question mérite d’être posée. Il est vrai que certains conducteurs ayant des
traitements lourds avec des tranquillisants, des anxiolytiques ou des antidépres-
seurs sont de véritables dangers publics sur la route. De nombreux experts se sont
penchés sur cette problématique et ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Dans le
cas de certaines pathologies, le conducteur sera moins dangereux sous traitement
que sans. Par ailleurs tout est, comme bien souvent, une question de dose. C’est
pourquoi il serait notamment utile que les médecins étant amenés à prescrire des
traitements par neuroleptiques à fortes doses demandent à ces patients de s’abs-
tenir de conduire un véhicule. Bon nombre de médicaments présentent sur leur
emballage un pictogramme indiquant que la prise de ce médicament peut avoir des
conséquences néfastes sur l’aptitude à conduire, mais cela semble être peu efficace.
Une chose cependant mériterait d’être sanctionnée : le mésusage de médicaments.
Cela concerne le non-respect des prescriptions médicales (dépassement des doses
prescrites) mais également la prise de neuroleptiques hors prescription médicale.
342
Réponses aux questions les plus souvent posées
prendre un avion dont le pilote est « accro » à l’ecstasy ? Les postes à risque pour autrui
ne sont pas toujours aussi évidents. Ainsi, qui accepterait de conduire un poids lourd
dont les pièces de freinage auraient été contrôlées par une personne sous influence de
stupéfiants ? Nous pourrions multiplier ces exemples à l’infini.
10. Je prends du subutex ou de la méthadone. Si je suis soumis à un dépistage
de stupéfiants en tant que conducteur, serai-je positif aux opiacés ?
Non. Les tests de dépistage, urinaires ou salivaires, sont dirigés vers la morphine. Le
subutex et la méthadone ne conduisent pas dans l’organisme à la formation de mor-
phine et leurs principes actifs (respectivement la buprénorphine et la méthadone)
ne sont pas détectés par ces tests. Le dépistage des opiacés sera donc négatif.
également présent au niveau du cerveau et y exerce ses effets ; on peut alors affirmer
qu’il est sous influence de cannabis. En revanche dans le cas présent, il n’est pas
possible d’affirmer que le sujet est sous influence mais il n’est pas non plus possible
d’en exclure l’éventualité. En effet, des travaux ont montré que le THC pouvait
encore être présent de manière significative dans le cerveau alors qu’il n’était plus
à des concentrations détectables dans le sang. Au regard de la loi sur la sécurité
routière, cette incertitude n’a cependant pas de conséquence puisque la loi précise
que doit être sanctionné tout conducteur « ayant fait usage de » stupéfiant.
4. Une analyse de sang ou d’urine permet-elle de s’assurer que le sujet ne
consomme plus de stupéfiants, pour la restitution de son permis de conduire ?
Non. Une absence de stupéfiants dans le sang indique seulement que le sujet n’a pas
fait usage de stupéfiants dans les 24 h précédentes. Une absence de stupéfiants dans
les urines indique une absence de consommation dans les 2 à 4 derniers jours s’il s’agit
de cocaïne, d’amphétamines, d’opiacés ou même de cannabis s’il s’agit d’un consom-
mateur occasionnel. Seule l’analyse des cheveux permettra de confirmer que le sujet
n’a pas consommé à nouveau des stupéfiants depuis le moment de la suspension de
son permis de conduire. C’est pourquoi cette disposition est prévue par les textes
réglementaires (décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière).
5. Un conducteur est responsable d’un accident. Le prélèvement sanguin est
effectué 2 h après. L’analyse sanguine révèle une concentration en THC égale à
1,9 ng/mL. Quelle était la concentration en THC au moment de l’accident ?
La cinétique d’élimination sanguine du THC n’étant pas du tout linéaire, il n’est
pas possible de répondre à cette question.
6. Deux déterminations successives de l’imprégnation alcoolique effectuées
à l’aide d’un éthylomètre permettent-elles d’estimer la valeur de l’alcoolémie
2 h avant la première mesure ?
Oui. La vitesse d’élimination de l’alcool dans le sang est généralement comprise
entre 0,15 et 0,20 g/L/h mais peut être beaucoup plus rapide dans le cas de consom-
mateurs abusifs. Deux déterminations successives à une heure d’intervalle permet-
tent d’estimer la vitesse d’élimination du sujet et donc la valeur de l’alcoolémie
2 heures avant le moment de la première mesure.
7. Une détermination de l’imprégnation alcoolique par éthylomètre suivie d’une
détermination de l’alcoolémie par analyse sanguine permettent-elles d’estimer la
valeur de l’alcoolémie 2 h avant le moment de la première mesure ?
Non. L’éthylomètre mesure la concentration en éthanol dans l’air expiré (en mg
d’éthanol par litre d’air expiré). Il est généralement admis que l’estimation de
l’alcoolémie à partir du résultat de la teneur en alcool dans l’air expiré se fasse en
considérant que le rapport des concentrations en alcool entre le sang et l’air expiré
est de 2 000. En multipliant par 2 la valeur de l’alcool dans l’air expiré, on obtient
ainsi l’alcoolémie en g/L. En réalité et selon toutes les études scientifiques effectuées
dans ce domaine, le rapport réel est variable selon les individus et généralement
345
Drogues et accidentalité
plus élevé que le rapport considéré comme légal (2 000). Ainsi selon l’étude de
Gainsford et collaborateurs (Journal of Forensic Science, 2006 ; 51 : 173-178)
effectuée sur 21 582 conducteurs sur lesquels ils ont parallèlement analysé le sang
et l’air expiré, le rapport moyen est 19 à 26 % supérieur au rapport légal (2 000) ;
il varie donc selon les individus entre 2 380 et 2 520. Jones et coll., dans une étude
contrôlée effectuée sur 130 volontaires, ont décrit un rapport de 2 407 ± 213. Ce
même auteur annonce que cette différence entre le rapport utilisé dans la législation
(2 000) et le rapport réel des sujets donne un avantage aux suspects qui sont détec-
tés par l’air expiré par rapport à ceux qui ont directement une prise de sang.
8. Après un dépistage urinaire ou salivaire positif à un de stupéfiants, la confirma-
tion par l’analyse sanguine se révèle être négative. Est-ce possible et pourquoi ?
Oui, cela est possible et pour de multiples raisons. Tout d’abord parce que les tests
de dépistage, quel que soit le dispositif, ne sont jamais fiables à 100 %. À côté des
erreurs possibles d’utilisation, ils peuvent fournir des résultats faussement positifs.
Par exemple, une prise de médicament contenant de l’éphédrine ou de la pseu-
do-éphédrine peut conduire à une réaction positive avec le dépistage urinaire des
amphétamines. Le Nifluril® ou les médicaments contenant de l’ibuprofène peuvent
positiver les tests de dépistage du cannabis. Enfin, une autre raison réside dans le
délai écoulé entre le moment du dépistage et celui du prélèvement sanguin.
9. Une contre-expertise demandée plusieurs mois après la première expertise
révèle l’absence de THC alors que ce dernier était présent dans les résultats de
l’expertise initiale. Quelles peuvent en être les raisons ?
La raison principale réside dans le fait que le THC est peu stable. Une étude récente
a montré que dans les conditions de conservation du sang préconisées par la loi
(à une température de –20 °C), le THC pouvait avoir complètement disparu au
bout de quelques mois. Le THC-COOH en revanche montre une bien meilleure
stabilité dans le temps.
10. Dans le cadre de la sécurité routière, la recherche de stupéfiants concerne le
cannabis, les amphétamines, la cocaïne et les opiacés. Existe-t-il d’autres stupé-
fiants susceptibles d’altérer l’aptitude à conduire un véhicule ?
Oui, de très nombreuses autres substances utilisées à des fins toxicomaniaques pertur-
bent les fonctions cognitives et motrices, présentant ainsi un réel danger dans le cadre
de la sécurité routière. Les enquêtes organisées et publiées par la MILDT et l’OFDT
et en particulier les enquêtes ESCAPAD montrent que les champignons hallucino-
gènes et le sniffage de solvants occupent une part non négligeable dans les pratiques
addictives en France. Bien que beaucoup moins fréquent, existent aussi des usages de
LSD, de GHB ainsi que de plantes comme le datura. Par ailleurs grâce à Internet, il
est aujourd’hui facile de se procurer des drogues « exotiques », aux effets pouvant être
dévastateurs, comme la mescaline (provenant du Peyotl), l’iboga, le yagé ou le cohoba
(plantes hallucinogènes provenant d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Sud).
En cas de suspicion de la prise d’une de ces drogues, il est possible d’en effectuer
la recherche en le demandant spécifiquement à l’expert.
346
Index
A Antidépresseur 342
Accoutumance 28, 158 Anxiolytique 342
Acétaldéhyde 55 APCI 273
6-acétylmorphine 46, 269 ASAT 59
ADH 56
Adrénaline 194 B
Adultération des urines 222 Bangh 82
Air alvéolaire 67 Benzodiazépine 239
Air expiré 67, 91 Benzoylecgonine 46, 185, 189, 280
ALAT 59 Beuh 81
Alcool 21, 34, 40 Blanche 135
Alcool déshydrogénase 55 Body-packers 193
Alcoolémie 41
Brown Sugar 135
Alcool en entreprise 63
Buprénorphine 131, 137, 144, 156,
Alcool éthylique 51
344
Aminotransférase 59
Amphétamine 21, 46, 103, 105, 239, 311
Analyse segmentaire 332 C
Anandamide 86 Caillou 185
Anhydroecgonineméthylester 190 Cannabidiol 83
347
Drogues et accidentalité
348
Index
349
Drogues et accidentalité
RIA 214 T
ROSITA 206, 245 Tango 141
ROSITA-2 247 Temps de réaction 61
Rush 141 Test immunochimique 206
Test salivaire 45-46, 92, 235, 343
S Test urinaire 45
Salive 90, 118, 159, 161 Tétrahydrocannabinol 22
Salive mixte 236 THC 21-22, 75
Salive primaire 236 Thébaïne 134
Sang 91 Tolérance 28, 196
Schizophrénie 88 Traitement de substitution 131, 167
Sensibilité 220 Tramadol 141, 147, 157
Seuil analytique 47 Tranquillisant 342
Seuil de positivité 207 Transferrine désialylée 59
Seuil légal 42, 343
Simulateur de conduite 84 U
Sinsemilla 79 UPCPL 273
Skunk 81 Urine 90, 160
Sniffage de solvants 346
Space-cake 82
Spécificité 220
V
Spectrométrie de masse 93 Vision 60
Speed 106 Vitré 70
Spice 82
Subutex 344 Y
Sueur 91, 161 Yagé 346
350