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Drogues

et accidentalité
Patrick Mura Pascal Kintz
Imprimé en France

ISBN : 978-2-7598-0627-0
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous
pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d’une part,
que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées
à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but
d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement
de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette
représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contre-
façon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

© EDP Sciences 2011


Préface
Le Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie se situe réso-
lument dans une logique d’action. Logique qui suppose, entre autres choses, de
se baser sur des données fiables pour ajuster au mieux les réponses aux besoins du
terrain.
C’est précisément dans cette perspective d’aide à la décision et d’action que s’inscrit
l’ouvrage des docteurs Kintz et Mura, biologistes toxicologues. Faisant appel à des
spécialistes et à des professionnels du domaine, celui-ci propose un état des lieux
synthétique et actualisé des données concernant les diverses drogues consommées
dans notre pays, notamment le cannabis. L’incidence de la consommation de pro-
duits sur les accidents de la route ou sur les accidents du travail dans le milieu
professionnel fait ainsi l’objet d’une analyse détaillée tant dans ses aspects cliniques
et biologiques que réglementaires. Surtout, cet ouvrage fait le point sur les tech-
niques actuelles des dépistages ainsi que sur les techniques des dosages sanguin et
urinaire plus poussés, outils forts utiles dans le cadre d’une démarche de soin, mais
également en matière de prévention des addictions, et d’application de la loi.
L’aspect concret de ce travail me semble particulièrement appréciable, tant il importe
aujourd’hui d’expliciter les moyens dont disposent les biologistes dans leurs prati-
ques quotidiennes et pour l’éclairage des politiques publiques.
C’est pourquoi, je tiens à saluer l’implication des Docteurs Kintz et Mura, ainsi
que celle de toutes les personnes ayant participé à cet ouvrage, dans le domaine
de la lutte contre les drogues, pour les nombreux travaux déjà conduits en toxi-
cologie et pour les contributions qu’ils pourront apporter, en tant que biologistes
toxicologues aux avancées dans les politiques de soin ou de prévention quant aux
conduites addictives.
Étienne Apaire
Président de la Mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie

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Avant-propos
« Je l’ai dit, le haschish est impropre à l’action. »
Charles Baudelaire

Cet ouvrage fait suite au livre Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile
que nous avions publié en 1999. Depuis cette date, de nombreuses évolutions ont
eu lieu dans ce domaine, aussi bien dans le domaine législatif que dans ses aspects
scientifiques. En matière de sécurité routière, la France s’est dotée d’un arsenal
réglementaire très complet, permettant de sanctionner l’usage de stupéfiants chez
les conducteurs en autorisant des dépistages non seulement en cas d’accidents de la
voie publique mais également lorsque des éléments objectifs permettent de supposer
un usage de stupéfiants. L’évolution technologique a permis aux laboratoires de
disposer de méthodes analytiques de plus en plus performantes. Les connaissances
sur les métabolismes, les mécanismes d’action et les effets sur les consommateurs
ont aussi beaucoup progressé au cours de ces dix dernières années.
Si l’ouvrage précédent était exclusivement centré sur le problème de la conduite
automobile, il nous est apparu aujourd’hui nécessaire de traiter également des acci-
dents du travail liés à un usage de drogues. En 2008, 748 582 accidents du travail
ont été recensés en France dont 44 037 accidents avec arrêt de travail et 569 décès.
Compte tenu de l’importance de la prévalence de consommation de stupéfiants
dans la population générale, il est fortement probable que l’usage de drogues est
responsable d’un nombre non négligeable de ces accidents. Cette hypothèse est en
cohérence avec les résultats des études épidémiologiques effectuées ces dernières
années sur certaines populations de travailleurs. Cependant, en l’absence de légis-
lation spécifique, il est aujourd’hui impossible de disposer de données nationales.
Pourtant, comme dans le domaine de la sécurité routière, un usage de drogues,
qu’il s’agisse d’alcool ou de stupéfiants, est susceptible d’altérer fortement l’aptitude
à réaliser des actes complexes ce qui peut conduire à de graves conséquences pour
soi-même ou pour autrui.

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Au travers de tous les chapitres, en se basant sur des connaissances scientifiques éta-
blies et publiées, les auteurs ont voulu « tordre le cou » à toutes les inexactitudes, les
contre-vérités, les mensonges involontaires voire volontaires qui circulent ci et là.
C’est pour toutes ces raisons que nous avons entrepris de coordonner ce nouvel
ouvrage, destiné aux professionnels mais également à tous ceux qui, de près ou de
loin, sont concernés par ce problème qui est devenu un sujet majeur d’inquiétude
dans notre société.
Patrick Mura et Pascal Kintz

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Introduction
Depuis la publication de : Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile,
coordonnée par le docteur P. Mura, plus de dix ans se sont écoulés. La même équipe
d’auteurs, complétée par d’autres auteurs a entrepris l’énorme travail d’élargir le
sujet et de le rassembler sous l’intitulé Drogues et accidentalité. En effet, il y a eu
depuis de nombreuses nouveautés tant sur le plan de la méthodologie analytique
que de l’épidémiologie ou de la législation.
Loin sont les travaux du médecin suédois E.M.P. Widmark (1922), du biochimiste
strasbourgeois M. Nicloux et du pharmacien nancéen H. Cordebard, ou encore
les travaux de pionniers tels que l’Autrichien G. Machata, l’Allemand M. Möller,
le Suédois W. Jones, le Suisse P.X. Iten, l’Écossais B. Logan émigré aux États-Unis
et bien d’autres encore. La célèbre formule de calcul de la consommation d’alcool
à partir de l’alcoolémie par Widmark a été publiée en 1932 ! Ce n’est qu’au cours
des années 1950 que les législations concernant l’alcool au volant ont été mises en
place dans la plupart des pays européens.
Entre-temps, de nombreuses autres substances à potentiel de pharmacodépendance
ont été proposées aux consommateurs intéressés. Très vite, surtout suite aux évé-
nements des années 1960, les jeunes se sont mis à consommer de la drogue et les
moins jeunes à consommer des médicaments psychotropes. Or il est bien connu
que le mésusage des psychotropes peut provoquer une diminution de la vigilance,
de l’état de conscience et des capacités de jugement, augmentant ainsi les risques
d’accidents, soit sur la route, soit lors du maniement de machines dangereuses.
En parallèle à cette évolution, les chercheurs ont développé une panoplie de
méthodes analytiques sophistiquées, telles que les méthodes de chromatographie
gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et surtout les méthodes de chroma-
tographie liquide à haute performance couplée à la spectrométrie de masse en
tandem, qui ont permis de dépister, d’identifier et de doser ces substances dans
les matrices biologiques classiques tels que sang, urines et organes (chez les per-
sonnes décédées).
Cette évolution n’a été possible que grâce aux efforts technologiques importants
des fabricants d’instruments de mesure de plus en plus sensibles, permettant aux

5
Drogues et accidentalité

toxicologues d’atteindre des limites de détection et des limites de quantification


considérablement plus basses, une nécessité pour les exigences médico-légales. Vu le
caractère invasif du prélèvement des échantillons biologiques classiques, des échan-
tillons biologiques dits alternatifs ou complémentaires tels que sueur, cheveux et
salive ont été introduits à partir des années 1980. Les cheveux par exemple per-
mettent aux experts de disposer d’un outil très performant pour documenter une
conduite addictive au long cours. Ces prélèvements sont non invasifs et aisés à
réaliser, sans atteinte à l’intimité des individus dans le cadre d’infractions dans un
but répressif ou dans un but de prévention ou de dissuasion.
Les participants à cet ouvrage ont très bien réussi à couvrir tous ces aspects, garan-
tissant la qualité requise à un tel exercice, car ils sont à la fois des chercheurs
chevronnés et des experts judiciaires de notoriété nationale et de réputation inter-
nationale. Ils peuvent ainsi mettre à profit leur expérience de la routine combinée
à leurs travaux de recherche et de développement.
Ces auteurs ne se limitent pas seulement au développement de méthodes d’analyse
appropriées, faisant également des études de métabolisme et de biodisponibilité
des drogues. Par ailleurs, ils participent à des études épidémiologiques nationales
et internationales.
Dans ce livre, les catégories suivantes ont été traitées : amphétamines et dérivés,
cannabis, cocaïne, opioïdes, alcool, et j’en passe.
L’originalité de cet ouvrage consiste à résumer par des spécialistes en la matière en
un seul ouvrage – qui fait l’état de la question – un grand nombre d’aspects concer-
nant l’influence de la drogue sur l’accidentalité. Ce livre étant rédigé en langue
française, il devrait permettre à nos jeunes francophones débutants d’avoir un accès
plus facile à cette matière aussi complexe que difficile à acquérir autrement que par
la lecture de nombreux articles dans des revues anglophones spécialisées.
Il ne se passe pas une semaine sans que l’on soit obligé d’observer l’apparition
de nouvelles substances sur le marché noir de la drogue. En effet, pour contour-
ner les restrictions législatives, les trafiquants de drogues ont synthétisé un nom-
bre impressionnant de drogues de confection impossible à dépister avec les tests
immunochimiques.
Comme le disait A.S. Curry, le célèbre toxicologue anglais décédé en 2007, les
toxicologues médicolégaux ne seront certainement jamais au chômage, car l’imagi-
nation des trafiquants de drogues et des criminels ne connaît pas de limites.
Les préparations végétales apparues récemment en Europe, connues sous le nom
de « spice » et qui étaient dopées par des agonistes synthétiques des récepteurs can-
nabinoïdes, en sont un exemple typique. De plus ces cannabinomimétiques de
synthèse présentent une puissance d’action psychotrope supérieure aux cannabi-
noïdes naturels.
Compte tenu du caractère ambigu des relations effets/doses ou concentrations san-
guines, voire de l’impossibilité d’établir des seuils d’incapacité et le nombre très

6
Introduction

élevé de substances psychotropes, certains pays européens ont opté pour un système
de tolérance dite zéro – c’est-à-dire un simple dépistage de drogues dans le sang
est suffisant pour le constat d’une infraction – du moins pour les drogues les plus
fréquemment consommées. D’autres pays exigent un examen clinique approfondi
pour démontrer une incapacité de conduire par exemple, difficile à mettre en œuvre
sur le terrain.
Alors que, fut un temps, un consommateur occasionnel de boissons alcooliques
pouvait être sévèrement pénalisé, les consommateurs de cannabis voire d’héroïne ne
risquaient pas de poursuites judiciaires au volant, faute de réglementation adéquate.
Entre-temps, pour remédier à cette situation de nombreux pays européens dont la
France ont mis en place une législation répressive dans le but de réduire le nombre
de blessées et de tués sur la voie publique.
Par ailleurs la Commission européenne se propose actuellement d’établir un consen-
sus sur une façon harmonisée de procéder à l’amélioration de la sécurité routière
dans les États membres, en instituant des groupes de travail et des consortiums
d’études tout en finançant des projets de recherche multinationaux concernant le
problème de l’alcool, des médicaments et des drogues au volant.
Quand on sait qu’il y a toujours encore beaucoup de discussions dans les juri-
dictions et dans les milieux scientifiques au sujet de l’interprétation des résultats
l’alcoolémie, il ne faudra pas s’attendre à ce que les discussions et les contestations
en matière de drogue, sans parler de l’aspect de l’usage légitime des médicaments,
soient inexistants et que tous les problèmes – encore plus complexes que celui de
l’alcool – soient résolus. Ainsi il a y encore beaucoup de pain sur la planche.
N’hésitons pas à poursuivre les travaux de recherche commencés.
Professeur Robert Wennig
Président de International Association
of Forensic Toxicologits (TIAFT) de 1996 à 2002

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Sommaire
Chapitre 1 „ Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis ................. 13
1.1 Fonctions cérébrales mobilisées ................................................................................. 14
1.2 Principaux systèmes de neuromédiation desservant les fonctions
mobilisées ......................................................................................................................... 18
1.3 Principales drogues et accidentalité........................................................................... 20
1.4 Psychotoxicité du cannabis .......................................................................................... 22
1.5 Conséquences sur les compétences psycho-sensori-motrices mobilisées par
la conduite des véhicules ............................................................................................. 25
1.6 Documents de référence ............................................................................................... 29

Chapitre 2 „ Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe ............... 33


2.1 Conduites addictives en milieu professionnel ....................................................... 33
2.2 Conduites addictives et conduite automobile ....................................................... 40
2.3 Documents de références.............................................................................................. 48

Chapitre 3 „ Alcool éthylique (éthanol) ......................................................................... 51


3.1 Boissons alcoolisées [2] ................................................................................................. 52
3.2 Consommation d’alcool en France ........................................................................... 53
3.3 Toxicocinétique de l’éthanol [7] ................................................................................ 53
3.4 Les biomarqueurs de la consommation d’alcool [6,14] ..................................... 59
3.5 Effets cliniques [15] ....................................................................................................... 59
3.6 Législation.......................................................................................................................... 62
3.7 Procédure actuelle de détermination de l’alcool dans l’organisme [2] ........ 67
3.8 Méthodes de mesures..................................................................................................... 68
3.9 Assurance de qualité ....................................................................................................... 70
3.10 Interprétation des résultats ........................................................................................... 71
3.11 Conclusion ........................................................................................................................ 71
3.12 Documents de référence .............................................................................................. 72
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Drogues et accidentalité

Chapitre 4 „ Cannabis .......................................................................................................... 75


4.1 Les produits....................................................................................................................... 77
4.2 Pharmacologie .................................................................................................................. 84
4.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral ................................................................. 86
4.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité ............................. 87
4.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 90
4.6 Conclusion ........................................................................................................................ 95
4.7 Documents de référence ............................................................................................... 96

Chapitre 5 „ Amphétamines et dérivés ........................................................................... 103


5.1 Produits ............................................................................................................................. 105
5.2 Devenir dans l’organisme ............................................................................................. 107
5.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral ................................................................. 111
5.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité ............................. 112
5.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 113
5.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales .................................................. 116
5.7 Conclusions....................................................................................................................... 119
5.8 Documents de référence ............................................................................................... 120

Chapitre 6 „ Héroïne, morphine et autres opioïdes ................................................... 127


6.1 Produits ............................................................................................................................. 127
6.2 Devenir des opioïdes dans l’organisme : pharmacocinétique, distribution
tissulaire, métabolisation, élimination...................................................................... 142
6.3 Mécanismes d’action des opioïdes au niveau cérébral ........................................ 148
6.4 Effets des opioïdes sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité...... 152
6.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 158
6.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales des opioïdes ....................... 168
6.7 Prévalence des opioïdes dans l’accidentalité ........................................................... 168
6.8 Conclusion ........................................................................................................................ 174
6.9 Documents de référence ............................................................................................... 176

Chapitre 7 „ Cocaïne et crack ............................................................................................ 183


7.1 Produits ............................................................................................................................. 183
7.2 Métabolisme...................................................................................................................... 188
7.3 Pharmacocinétique ......................................................................................................... 191
7.4 Effets ............................................................................................................................. 194
7.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 197
7.6 Conclusion ........................................................................................................................ 198
7.7 Documents de référence ............................................................................................... 199

Chapitre 8 „ Dépistage urinaire ........................................................................................ 203


8.1 Excrétion urinaire des xénobiotiques........................................................................ 204
8.2 Prélèvement urinaire ...................................................................................................... 205
8.3 Techniques immunologiques....................................................................................... 206
8.4 Interprétation.................................................................................................................... 221
8.5 Sources d’erreur ............................................................................................................... 222
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Sommaire

8.6 Conclusion ........................................................................................................................ 229


8.7 Documents de référence ............................................................................................... 229

Chapitre 9 „ Le dépistage salivaire ................................................................................... 235


9.1 Passage des drogues dans la salive.............................................................................. 236
9.2 Prélèvement ....................................................................................................................... 237
9.3 Conservation de la salive .............................................................................................. 238
9.4 Toxicocinétique des drogues dans la salive ............................................................. 238
9.5 Fenêtre de detection des drogues dans le fluide oral .......................................... 242
9.6 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines ou
plasmatiques .................................................................................................................... 243
9.7 Corrélation entre les concentrations salivaires et les effets des drogues........ 244
9.8 Méthodes de dépistage .................................................................................................. 246
9.9 Évaluation des tests salivaires de terrain .................................................................. 247
9.10 Méthodes de confirmation ........................................................................................... 250
9.11 Documents de référence ............................................................................................... 251

Chapitre 10 „ Dosages sanguins et urinaires ................................................................. 257


10.1 Cannabinoïdes.................................................................................................................. 258
10.2 Opiacés dans le sang et les urines.............................................................................. 269
10.3 Cocaïne et métabolites .................................................................................................. 280
10.4 Amphétamines dans le sang et les urines ................................................................ 311
10.5 Conclusion ........................................................................................................................ 320

Chapitre 11 „ Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base


pour la restitution du permis de conduire ............................................... 321
11.1 Incorporation des xénobiotiques dans les cheveux .............................................. 323
11.2 Prélèvement et analyse ................................................................................................... 324
11.3 Applications pratiques ................................................................................................... 332
11.4 Conclusion ........................................................................................................................ 334
11.5 Documents de référence ............................................................................................... 335

Chapitre 12 „ Réponses aux questions les plus souvent posées ............................... 341
12.1 Questions posées par les non professionnels.......................................................... 341
12.2 Questions posées par les professionnels (magistrats, officiers de police
judiciaire, avocats, etc.) ................................................................................................. 344

Index ............................................................................................................................................... 347

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Aspects neurobiologiques
– Focalisation
Jean Costentin1

1
sur le cannabis

Les méfaits de l’alcool sur la route ou sur certains lieux de travail sont connus
de longue date, en raison de l’ancienneté de ses abus et de sa diffusion dans
la population. Par contre, le développement plus récent d’autres toxicomanies
invite, de façon urgente, à mesurer leurs effets, à préciser leurs mécanismes, à
mesurer les risques qu’elles font encourir, afin d’en assurer la prévention et la
prohibition.
Parmi ces toxicomanies « nouvelles », ou plutôt récemment invasives, apparaît en
tout premier lieu le cannabis. « Surfant » sur des vagues idéologiques, sur l’ignorance,
sur l’indifférence, sur de « scandaleuses complaisances » [1], sur de tonitruantes
déclarations fallacieuses proférées par des personnalités « emblématiques » du spec-
tacle ou de la politique, ou par quelques scientifiques sous influence, cette drogue,
qui connaît une diffusion quasi pandémique, affecte très spécialement les jeunes de
notre pays. C’est ainsi, hélas, que parmi les vingt-sept états membres de l’Union
européenne, nos jeunes Français se trouvent en « pole position » pour sa consom-
mation [2]. Ces chiffres atterrants ont évidemment des prolongements en matière
d’accidents mortels de la route [3]. D’autres drogues sont en phase expansive, mais

1. Unité de Neuropsychopharmacologie, CNRS – Faculté de Médecine & Pharmacie de Rouen ;


Unité de Neurobiologie clinique, CHU Charles Nicolle – Rouen.

13
Drogues et accidentalité

atteignent des niveaux nettement moins élevés : l’héroïne, ses « médicaments de


substitution », la cocaïne, les amphétamines, l’ecstasy, la kétamine…
La toxicomanie ayant souvent pour corollaire « plus souvent et encore plus fort »,
les polytoxicomanies se développent. Parmi elles, l’association alcool-cannabis est
très fréquemment pratiquée. Plusieurs études montrent que le cannabis incite à la
consommation d’alcool [4, 5] ; or, sur la route, cette association est particulièrement
délétère, puisqu’elle multiplierait par 14 le risque d’avoir un accident mortel.
N’en déplaise aux prosélytes du cannabis et autres idéologues tonitruants, l’escalade
cannabis, cocaïne, héroïne est effective. Tous les héroïnomanes sont passés par le
cannabis et, avec un petit décalage temporel, l’expansion de l’héroïnomanie fait
suite dans notre pays à celle du cannabis [6, 7].
En schématisant les grandes fonctions psychiques qui sont mobilisées pour la
conduite des engins à deux ou quatre roues, ou à deux ailes…, nous mettrons en
scène les structures cérébrales qui les gèrent, les neuromédiateurs et récepteurs qui
les desservent ; nous préciserons les principales cibles biologiques affectées par les
drogues qui peuvent être impliquées dans l’accidentalité ; enfin, nous traiterons du
cannabis, à la mesure de sa responsabilité fréquente en cette matière.

1.1 Fonctions cérébrales mobilisées


Recensons tout d’abord les principales fonctions cérébrales mobilisées/requises pour
un fonctionnement psychique harmonieux, adapté aux contingences de la conduite
des engins à moteur.

1.1.1 Éveil
L’éveil est évidemment indispensable à la conduite. Cette assertion est déjà vraie
en dehors de toute consommation de drogue. La sédation, la somnolence, l’en-
dormissement sont la cause de nombreux accidents. Les recommandations d’arrêts
fréquents, systématiques au bout d’un certain temps ou au moins autant que de
besoin, des déjeuners légers, à faible charge en lipides, un habitacle plutôt frais, la
lutte contre la monotonie et le désintérêt visent à pallier la tendance naturelle à la
somnolence post-prandiale. La consommation de café ou d’autres boissons com-
portant de la caféine, constitue une aide appréciable. Aux États-Unis, la caféine est
proposée sous forme de gommes à mâcher (« Stay alert® ») ; en Suisse, elle est pré-
sente dans des savons pour la douche (« Shower shocks ») ; les cafés non décaféinés,
les Pepsi- et Coca-Cola ; le thé (où elle prend le nom de théine, le Guronsan®…sont
des sources de cette « bonne drogue » ; cet oxymore est amplement justifié [8].
L’éveil implique de façon particulière : la formation réticulée mésencéphalique
(avec ses neurones noradrénergiques et sérotonergiques), le système limbique, le
thalamus, le cortex. C’est au niveau de ce dernier que l’électroencéphalogramme

14
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

(EEG) enregistre des phénomènes électriques dont la fréquence et l’amplitude sont


caractéristiques des états de veille (rythmes α et β, de faible amplitude et de haute
fréquence) et de sommeil. Dans les différents stades du « sommeil lent » (par oppo-
sition au « sommeil paradoxal », qui est lui associé à l’activité de rêve) on évolue
du rythme θ, du stade 1, qui correspond au stade de sommeil léger, avec un tracé
EEG plus lent et avec des ondes plus amples que dans l’état de veille ; au sommeil
profond, du stade 4, qui est le sommeil vraiment réparateur, et qui se caractérise
par des ondes très amples, très larges, de faible fréquence (< 4 Hz).
L’assoupissement est associé, au niveau du tronc cérébral, à une réduction de la fré-
quence des décharges de neurones noradrénergiques, qui s’exprime par une moindre
stimulation de récepteurs α1 adrénergiques ; il comporte aussi une réduction de
l’activité électrique de neurones sérotonergiques, lesquels peuvent agir sur un ou
quelques-uns des 14 types de récepteurs de la sérotonine actuellement caractérisés.
Il est associé encore à une réduction d’activité de neurones cholinergiques, qui
agissent, eux, sur des récepteurs de type nicotinique et muscarinique. Ces deux
derniers types de récepteurs exercent sur le sommeil des effets opposés ; les récep-
teurs nicotiniques sont au service de l’éveil tandis que les récepteurs muscariniques
sont, au contraire, au service du sommeil. En fait un sous-ensemble de neurones
cholinergiques du tronc cérébral augmente sa fréquence de décharge lors de l’en-
dormissement, alors qu’il se « met en veilleuse » pendant l’éveil. Ce seraient ces
neurones qui opéreraient surtout en regard de récepteurs muscariniques.
Parmi les relais de ces systèmes qui régulent la veille et le sommeil, un rôle important
est dévolu à l’adénosine. Ce nucléoside, en stimulant des récepteurs du type A2a,
induit le sommeil. Ces récepteurs A2a agissent en diminuant l’activité de neurones
histaminergiques regroupés dans le tubercule mamillaire. Dès lors, les neurones
histaminergiques cessent de stimuler les récepteurs du type H1. Sur ces neurones
histaminergiques projettent, directement ou indirectement, des neurones originai-
res de l’hypothalamus latéral qui libèrent un neuropeptide, l’orexine/hypocrétine,
activateur de ces neurones histaminergiques.
Des neurones dopaminergiques influent également sur le sommeil, via la stimu-
lation simultanée de récepteurs des types D1 et D2, qui agissent à cet égard en
synergie [9]. L’intensification de la transmission dopaminergique associée à l’éveil
opère non seulement au niveau de la partie centrale (core) du noyau accumbens
mais aussi au niveau du tubercule olfactif [10].

1.1.2 Attention
Si l’éveil est indispensable pour la conduite des engins mobiles, il est loin d’être
suffisant. Il doit être associé à l’attention. L’attention est cette capacité de faire le
vide, ou un vide relatif, dans un environnement qui nous bombarde de multiples
stimuli, de trop nombreuses informations. Parmi celles-ci, il convient d’en privilé-
gier certaines, celles qui ont un sens, qui sont pertinentes en ce qu’elles s’intègrent

15
Drogues et accidentalité

dans la réflexion ou dans l’action entreprise. L’attention auditive, par exemple, est
un traitement de l’ensemble des sons qui, en plus de la musique émise par le poste
de radio et/ou de la conversation engagée, mettra en exergue un crissement de pneus
ou le son d’un klaxon. L’attention, c’est aussi, parmi la multitude des idées qui nous
assaillent, la capacité d’en privilégier une instantanément, car elle est congruente
aux événements qui se déroulent.
L’attention est, évidemment, intimement liée avec le temps de réaction ; quand
elle est soutenue, elle abrège ce temps de réaction alors que la distraction a pour
effet de l’allonger.
La focalisation d’attention doit évidemment choisir ses objets. Chez les psychotiques
schizophrènes, en relation avec l’hyperdopaminergie caractéristique de ces états, la
focalisation d’attention est dévoyée. Les systèmes de filtration striataux sont perturbés,
le patient donne une importance exagérée à des signaux mineurs, non pertinents et, à
partir de ceux-ci, effectue une construction mentale coupée de la réalité. C’est, stricto
sensu, le délire ; i.e. des interprétations coupées de la réalité ; qui s’apparente à une
sorte de rêve éveillé. Telle lumière rouge envahit le champ de la pensée ; elle déclen-
che alors une construction mentale erronée, empruntant par exemple à l’incendie, à
une explosion, à du sang, à une corrida… Délirer c’est, étymologiquement, sortir du
sillon ; sortir du sillon de la pensée normale, pour une pensée coupée de la réalité,
faite d’interprétations fallacieuses et inévitablement de comportements inadaptés.
Au cours de l’accès maniaque, qui est également en relation avec une hyperdopa-
minergie, la pensée, l’attention, sont diffuses, « cinématoscopiques, en trois dimen-
sions ». Alors, « qui trop embrasse mal étreint » ; et les réponses sont inadaptées et
les souvenirs s’en trouvent très perturbés.
Les expériences chez l’animal de lésions, les micro-injections localisées d’agents
pharmacologiques dans certaines structures cérébrales, les données de la patholo-
gie (en particulier les accidents vasculaires cérébraux aux conséquences focales), la
tomographie par émission de positons (TEP ; PETscan) qui mesure l’activation de
certaines régions du cortex par les niveaux d’attention visuels, auditifs, ont apporté
quelques éclaircissements dans cette physiologie si complexe de l’Homme neuronal
[11]. Il apparaît ainsi que le pulvinar, un noyau postérieur du thalamus, qui est en
relation avec les diverses aires du cortex visuel, joue un rôle important dans l’at-
tention visuelle sélective. Le GABA (acide gamma aminobutyrique, un médiateur
inhibiteur), ou les agents pharmacologiques qui miment son action (tel le musci-
mol) inhibent l’activité de neurones qui, à partir de cette structure, projettent sur
le cortex, et ce faisant perturbent l’attention, comme le fait la lésion du pulvinar.
D’autres structures sont impliquées dans d’autres types d’attention ; ainsi, le col-
liculus supérieur, le cortex pariétal postérieur… À propos de ce dernier, il faut
souligner que sa lésion unilatérale (à la suite d’un accident vasculaire) est à l’ori-
gine du « syndrome de négligence », dans lequel le sujet ignore les événements de
toute nature qui surviennent dans l’hémi-espace et l’hémicorps controlatéraux à
la lésion. Ce syndrome correspond à une incapacité d’orienter son attention. Des

16
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

modifications neurochimiques bilatérales produites par certains toxiques générali-


seront évidemment ce syndrome, qui sera alors bilatéral. Il existe cependant une
certaine asymétrie fonctionnelle ; le cortex pariétal gauche gérant l’hémi-espace
droit, tandis que le cortex pariétal droit gérerait à la fois l’hémi-espace droit et
l’hémi-espace gauche. Ce qui a son importance pour le neurologue n’en a pas pour
le toxicologue, puisque la drogue qui peut affecter cette structure agit de façon
diffuse et partant bilatérale.
Chaque action se situe dans un continuum ; en insistant, au risque de commettre
une « lapalissade », elle est dans la continuité de ce qui précède et elle anticipe,
d’une certaine façon, ce qui suivra. Ceci mobilise deux fonctions : la mémoire à
court terme et le sens de l’anticipation.

1.1.3 Mémoire à court terme


La mémoire à court terme est, avec la mémoire à long terme, un élément de la
mémoire déclarative, qui concerne des faits particuliers, des événements spécifiques.
La vision d’un feu clignotant rouge annonce une barrière de chemin de fer qui est
fermée ; si je n’y ai pas porté une attention sélective, si je ne l’ai pas interprétée
comme telle, si cette information n’a pas laissé de trace, je maintiens ma vitesse,
fonçant vers cette barrière abaissée et, peut-être, le convoi ferroviaire.
Cette mémoire à court terme doit son nom au fait qu’elle est très temporaire ; son
contenu est restreint. L’information est comme écrite avec une encre qui s’effacerait
en séchant. Pour qu’une information s’inscrive dans le registre de la mémoire à long
terme, de façon quasi indélébile, elle doit d’abord avoir été écrite dans celui de la
mémoire à court terme, puis faire l’objet du processus « de consolidation ».
À l’arrivée de l’étape parcourue, le sujet se souvient de certains éléments qu’il a
intégrés, mais il en a oublié une multitude d’autres. La distraction, l’absence d’af-
fects particuliers, ont facilité cette vidange. La « mémoire de travail », ou « working
memory », ou « mémoire opérationnelle » est un distinguo de la mémoire à court
terme. Elle est moins éligible à être transformée en mémoire à long terme. Ce
stockage, tout éphémère, pourrait s’opérer en des régions cérébrales assez différentes
selon la nature de l’information. L’hippocampe (avec l’intervention majeure dans
sa fonction de la transmission cholinergique, ainsi que celle des endocannabinoïdes
dont les récepteurs CB1 sont présents en abondance sur les terminaisons cholinergi-
ques), avec le cortex préfrontal (où opère en particulier la transmission dopaminer-
gique en regard de récepteurs de type D1), ainsi que le cortex intrapariétal latéral,
sont des structures très importantes à cet égard.

1.1.4 Sens de l’anticipation


Toute action est issue d’un compromis entre l’inhibition, qui incite à la prudence,
voire à l’abstention (peur paralysante) et la désinhibition qui valorise tous les aspects
positifs et relativise, voire occulte, les aspects négatifs. C’est cette désinhibition qui fait
17
Drogues et accidentalité

considérer qu’on a le temps de doubler, qu’il ne peut arriver personne sur le côté au
croisement que l’on traverse, ou qu’il n’y aura personne en face quand on franchira la
bande jaune en haut de la côte… La transmission GABAergique joue un rôle impor-
tant sur le versant anxiolytique. Son activité est accrue de façon allostérique par des
benzodiazépines, qui pourraient agir en s’opposant à l’action de peptides endogènes
dérivés du DBI (diazepam binding inhibitor) et de fragments beaucoup plus courts
de celui-ci, tels l’octadécaneuropeptide (ODN), ou l’octapeptide, qui induisent des
effets anxiogènes, réversés par le flumazénil, l’antagoniste neutre des récepteurs cen-
traux des benzodiazépines [12]. La transmission sérotonergique intervient également
à cet égard. On sait que la stimulation des récepteurs 5HT1a (buspirone) développe
des effets anxiolytiques, et que l’administration d’inhibiteurs sélectifs de la recapture
de sérotonine (SSRI) est active dans les troubles anxieux généralisés (TAG). Le sys-
tème limbique, le circuit de Papez ont été longtemps considérés comme les centres
de gestion de nos émotions, d’autres schémas fonctionnels, qui ne les méconnaissent
pas pour autant, s’enrichissent d’autres structures, telle l’hippocampe.
Le contrôle inconscient de nos programmes moteurs, qui contribue de façon éminente
à notre habileté motrice, est assuré par le cervelet. Le cervelet ajuste en permanence
nos gestes pour assurer leur précision, pour les rendre conformes à ce qui est attendu
du programme moteur, pour assurer leur coordination. De fait, la lésion du cervelet
ou ses perturbations par certains toxiques (alcool, cannabis…) suppriment l’harmonie,
la précision des mouvements, qui deviennent décomposés, maladroits, approximatifs,
dysmétriques, imprécis. L’alcool agirait en produisant une libération d’adénosine qui
stimulerait ses récepteurs du type A1 [13]. Le cervelet comporte une très forte densité
des récepteurs CB1 dont les ligands endogènes sont les endocannabinoïdes.
L’équilibre, la coordination motrice, sont également régulés par le cervelet.
L’ivresse, les troubles délirants, les hallucinations (perceptions sans objet, erronées)
viendront évidemment perturber de façon majeure diverses fonctions requises pour la
conduite. Ces troubles délirants et hallucinatoires, s’ils peuvent être communément
la conséquence d’une psychose (schizophrénie), peuvent aussi émerger de la consom-
mation de drogues psychotomimétiques (L.S.D., amphétamines, cannabis,…).

1.2 Principaux systèmes de neuromédiation


desservant les fonctions mobilisées
Dans le maquis des multiples substances (plus d’une centaine sont connues
comme telles) ayant accédé à la dignité de neuromédiateur et/ou de neuromo-
dulateur (monoxyde d’azote, quelques acides aminés, de nombreux peptides, des
monoamines, des dérivés d’acides gras polyinsaturés dont l’acide arachidonique en
particulier…), certaines d’entre elles émergent, soit qu’elles aient une importance
majeure, soit qu’on les connaisse mieux que d’autres, dans leurs relations avec telle
ou telle des fonctions mises en exergue.
18
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

1.2.1 Éveil
Dans l’éveil, s’illustre, de façon manifeste, la transmission noradrénergique, qui
opère par la stimulation de récepteurs α1 adrénergiques (rappelons que les agents
adrénolytiques α1 sont sédatifs). Cette stimulation α1 pourrait activer la transmis-
sion dopaminergique [14]. La transmission dopaminergique, quant à elle, opère
par la stimulation de récepteurs des types D1 et D2 qui agissent en une synergie
potentialisatrice [15].
La transmission histaminergique joue un rôle important, à partir pourtant de seu-
lement quelques centaines (au plus quelques milliers) de neurones, dont les somas
sont concentrés dans le tubercule mammillaire. Elle s’exprime par la stimulation de
récepteurs H1. Pour mesurer son importance il suffit de considérer le puissant effet
hypnogène des antihistaminiques H1 (antiallergiques) qui franchissent la barrière
hémato-encéphalique et, à l’opposé, les effets éveillants d’antagonistes des auto-
récepteurs H3, qui intensifient la transmission histaminergique (voir les travaux
majeurs du Pr. J.-C. Schwartz).
L’adénosine, dont les origines sont diverses (neuronale, extraneuronale), développe
des effets sédatifs/hypnotiques en stimulant ses récepteurs du type A2a. Le blocage
de ces récepteurs par les méthylxanthines, la caféine, la théophylline, la théobro-
mine, ainsi que la paraxanthine (métabolite de la caféine) développe des effets
éveillants, en s’opposant à l’action de l’adénosine.
La transmission cholinergique est au service de l’éveil, en stimulant des récepteurs
nicotiniques (on retrouve là les effets éveillants/stimulants du tabac et de sa nico-
tine) ; mais elle peut être aussi au service de la sédation quand elle stimule des
récepteurs muscariniques (ce qui explique que leur blocage par la scopolamine
débouche sur des effets stimulants).
La transmission GABAergique, dont l’intensité est accrue par diverses benzodiazé-
pines, est au service de la sédation ; certaines de ces benzodiazépines sont d’ailleurs
utilisées comme hypnotiques.

1.2.2 Mémoire opérationnelle


Diverses médiations influent sur la mémoire opérationnelle :
› La transmission dopaminergique, assurée par le système méso-cortical, agit par
la stimulation de récepteurs D1 [16].
› Le système cholinergique septo-hippocampique stimule des récepteurs musca-
riniques (on sait l’effet amnésiant des parasympatholytiques).
› Au niveau hippocampique, les transmissions glutamatergiques jouent un rôle
éminent, en stimulant des récepteurs ionotropiques du type NMDA.
› Au niveau hippocampique toujours, les endocannabinoïdes, dont les effets sont
caricaturés en intensité par le tétrahydrocannabinol en réduisant de façon très
importante la libération d’acétylcholine, ont un effet très négatif sur ce type
19
Drogues et accidentalité

de mémoire. Ils perturberaient en particulier les souvenirs douloureux/pénibles


[17] ; ces souvenirs sont peut-être les plus utiles pour éviter que les mêmes
causes ne produisent plus les mêmes méfaits.

1.2.3 Coordination motrice


La coordination motrice, outre le striatum et ses transmissions dopaminergiques
(récepteurs D1 et D2) ; cholinergiques (récepteurs muscariniques) ; GABAer-
giques (récepteurs GABAA) ; enképhalinergiques (récepteurs delta) ; glutamatergi-
ques (récepteurs NMDA)… fait intervenir de façon très importante le cervelet.
Au niveau de ce cervelet, la transmission endocannabinoïdergique joue un rôle
éminent, comme le suggère la forte densité des récepteurs CB1 dans cette structure.
Ils y sont associés principalement aux fibres parallèles et aux fibres grimpantes qui
opèrent la stimulation glutamatergique des cellules de Purkinje, ainsi qu’aux cellules
en panier et aux cellules étoilées qui opèrent la stimulation GABAergique de ces
mêmes cellules de Purkinje.
Les conséquences de la stimulation des récepteurs CB1 s’exprimeraient par une
inhibition de l’activité de l’enzyme de synthèse du monoxyde d’azote (NO),
la NO synthase. Le NO a pour effet d’activer la guanylatecyclase ; il accroît
ainsi le taux neuronal d’un second messager, le GMPcyclique. C’est ainsi que
les endocannabinoïdes (tels l’anandamide, le 2-arachidonoylglycérol (2AG),
le 2-arachidonoyl glycéryléther (noladineéther), la N-arachidonoyldopamine),
mais plus encore le THC, en inhibant la synthèse de NO et partant en faisant
chuter le taux de GMPc dans les cellules de Purkinje, seraient à l’origine d’une
ataxie. L’acétylcholine, en stimulant des récepteurs nicotiniques du sous type
α4β2, stimule au contraire l’activité NO synthase et pallie, en tout ou partie,
l’ataxie résultant de la stimulation des récepteurs CB1 [18]. Les rôles de ces
endocannabinoïdes au niveau cérébelleux paraissent encore plus complexes et
importants, depuis qu’a été caractérisée la présence des éléments caractéris-
tiques du système endocannabinoïde, tant au niveau des principaux noyaux
des afférences au cortex cérébelleux (l’olive inférieure), qu’au niveau de la voie
cérébelleuse efférente (les noyaux cérébelleux profonds).

1.3 Principales drogues et accidentalité


En matière d’accidentologie, nous laisserons de côté le tabac et le café. Ces deux
drogues, en effet, loin d’altérer la conduite automobile, tendraient plutôt à l’amé-
liorer. Les effets éveillants du café, et plus généralement des produits contenant de
la caféine, sont appréciés pour pallier la somnolence post-prandiale ou nocturne
qui peuvent être redoutables sur la voie publique. La caféine agit, ce faisant, en
bloquant les récepteurs A2a de l’adénosine. C’est par ce même mécanisme qu’elle
réverse expérimentalement chez le rongeur, le coma/l’anesthésie générale produite

20
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

par de très hautes doses (4 g/kg) d’alcool [19]. Une souris soumise à ce haut niveau
d’alcoolémie, loin de rester sur le dos quand on la dispose ainsi, va rester sur ses
pattes et déambuler d’une marche hésitante et ataxique si elle est traitée par de la
caféine. Ainsi, le café permet au sujet ivre d’alcool, au lieu de dormir, de prendre
le volant, mais avec une incoordination et une ataxie qui le rendent dangereux.
Ceci mis à part, le café peut être taxé de « bonne drogue ». Nous avons commis
cet oxymore [20] afin de rappeler que la caféine répond à plusieurs des critères qui
qualifient une drogue, mais en soulignant simultanément qu’elle ne perturbe pas
le psychisme, qu’elle en accroît même les performances et qu’elle ne développe pas
de toxicité manifeste.
Les effets du tabac, et partant de la nicotine sur la conduite sont eux aussi positifs,
en stimulant l’éveil, la réactivité, le tonus psychique dans des limites raisonnables.
Cela ne doit pas faire oublier la grande toxicité du tabac, qui donne rendez-vous
à ses victimes après un long temps d’utilisation (supérieur ou égal à 20 ans). Rap-
pelons qu’un fumeur sur deux mourra d’une affection liée à cette consommation ;
cette drogue étant à l’origine de plus de 60 000 morts chaque année en France.
Le tableau 1.1 réunit les principales autres drogues connues pour affecter la conduite
automobile. Si leurs cibles élémentaires sont différentes, les systèmes aminergiques
qu’elles affectent sont parfois semblables.

TABLEAU 1.1 Les principales drogues affectant la conduite et responsables d’accidents


de la circulation ou du travail.
Drogues Cibles Systèmes affectés
GABAergique
Alcool ?
Dopaminergique
GABAergique
Cholinergique
Cannabis – THC CB1-R
Glutamatergique
Dopaminergique
Transporteur neuronal
Amphétamine de la DA Dopaminergique
de la NAD Noradrénergique
Transporteur neuronal
de la DA Dopaminergique
Cocaïne
de la NAD Noradrénergique
de la 5HT Sérotonergique
μ-R Dopaminergique
Héroïne K-R Sérotonergique
δ-R
Transporteur neuronal
de la DA Dopaminergique
Phencyclidine
Récepteur NMDA
DA : dopamine ; GABA : acide gamma aminobutyrique ; 5HT : sérotonine ;
NAD : nicotinamide-adénine-dinucléotide ; NMDA : récepteur N-méthyl D-aspartate.

21
Drogues et accidentalité

Un commun dénominateur, qui fonde d’ailleurs leur statut de drogue, d’agent


toxicomanogène, réside dans l’intensification qu’elles produisent de la transmission
dopaminergique dans la partie « shell » du noyau accumbens (striatum ventral).
Mais au-delà de cette activité commune, des disparités mécanistiques apparaissent,
qui pourront influer sur les systèmes de transmission que l’on a vus impliqués dans
diverses fonctions requises pour la conduite des engins.
À défaut de pouvoir détailler chacune de ces drogues, nous avons choisi de porter
une attention particulière au cannabis, dont la diffusion récente a pris un tour
quasi pandémique, affectant avec une intensité particulièrement sévère les jeunes
Français [21].

1.4 Psychotoxicité du cannabis


Le principe actif psychotrope majeur du chanvre indien (cannabis) est le tétrahydro-
cannabinol (THC). Son action cérébrale se développe alors que les taux sanguins
peuvent être très faibles. Si à l’ivresse alcoolique correspondent des taux sanguins
exprimés en grammes par litre, aux effets stupéfiants de l’héroïne des taux exprimés
en milligrammes par litre, pour le THC ce sont des taux exprimés eux en micro-
grammes par litre de sang. Or la charge en THC des produits en circulation, qu’il
s’agisse de la plante elle-même, la marijuana (« herbe »), ou de sa résine, le haschich
(« shit ») n’ont cessé de croître au cours des dernières décennies.
Le nombre de consommateurs a littéralement explosé. On dénombre en France,
près d’un million et demi de sujets consommateurs réguliers de cannabis, i.e. qui
consomment au moins un joint tous les trois jours. Ceci caractérise un état de
dépendance car, de toutes les drogues, le THC est la seule à se stocker durablement
dans le cerveau et les masses grasses de l’organisme ; « un joint c’est une semaine
dans la tête » et plein de joints vous habitent un, voire même deux mois. Certes
ce n’est plus sur le mode des effets aigus correspondant à une ébriété, d’où peu-
vent émerger délires et hallucinations, mais de façon plus insidieuse, en affectant
certaines fonctions comme l’éveil, l’attention, le sens chronologique, la mémoire
à court terme, à partir de laquelle se forme la mémoire à long terme, le niveau de
l’appétit, l’attrait pour d’autres drogues… C’est dans le vivier de ce million et demi
de consommateurs réguliers que se recrutent les 500 000 individus qui fument
quotidiennement et communément de façon multiquotidienne.
On dénombre en France environ 200 000 cannabiculteurs. Ils se livrent à la culture
du chanvre en chambre, grâce aux matériaux et ingrédients qu’ils peuvent acqué-
rir en toute facilité dans les « grow shops » qui se sont multipliées sur le territoire
national, et grâce aux semences acquises sur le Net, livrées à domicile par La Poste,
sélectionnées pour la forte teneur en THC des plantes qu’elles génèreront. Quant
à la résine, du Maroc (le plus grand pourvoyeur de la France), d’Afghanistan ou
de Hollande, elle est obtenue à partie de plantes issues de sélections génétiques au
service d’une production importante de THC.
22
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

La consommation par voie orale (des « space cakes » par exemple) est peu fréquente ;
le cannabis est essentiellement fumé (« joints », « pétards », pipe à eau).
La combustion concerne soit la plante elle-même : feuilles, bractées, courts frag-
ments de rameaux, fleurs ; les fleurs femelles sont plus riches en THC que les
fleurs mâles, surtout quand elles n’ont pas été fécondées (sans semence, c’est la
« sinsemilla » avec des taux extravagants de THC (parfois de l’ordre de 20 %).
La pipe à eau (« chicha, shilom, bang, bong… ») assure le barbotage des fumées
dans l’eau fraîche. Ceci permet à son utilisateur de ne pas limiter ses aspirations
à quelques dizaines de millilitres de fumées, au-delà desquels surviendrait un
échauffement de la cavité buccale et des voies respiratoires. Il peut, après une
expiration forcée, inhaler d’un seul trait tout le volume de sa capacité vitale, soit
près de quatre litres de fumées, qui inondent ses alvéoles pulmonaires déployées.
Le barbotage n’a pas retenu le THC (virtuellement insoluble dans l’eau), il a par
contre débarrassé les fumées des substances irritantes (qui sont très solubles dans
l’eau) ; elles ne déclencheront donc pas une toux qui abrégerait le séjour des
fumées dans l’espace alvéolaire. Le drogué peut donc rester en apnée inspiratoire
pendant une minute, voire davantage, laissant au THC tout le temps de passer
de la lumière alvéolaire dans le torrent circulatoire, en traversant la membrane
alvéolocapillaire. Cette ample inhalation de fumées privées d’oxygène (de par
la combustion) jointe à cette longue apnée, induisent une anoxie qui accroît la
fréquence des battements cardiaques et leur force. C’est donc avec une véhé-
mence redoublée que le sang est envoyé au cerveau, car près d’un quart du débit
cardiaque est destiné au cerveau.
De par sa lipophilie, le THC franchit aisément la barrière hémato-encéphalique.
Il se retrouve bientôt cheminant/diffusant dans le milieu extra cellulaire. Il peut
alors entrer en collision avec ses récepteurs CB1 (mais aussi CB2, que l’on croyait
absents de cerveau, mais que des techniques sensibles permettent désormais de
mettre en évidence dans divers structures cérébrales). Stimulant ces récepteurs asso-
ciés aux neurones, il modifie leur activité, et influe sur une multitude de fonctions
(tableau 1.1), à la mesure du caractère ubiquiste de ces récepteurs.
Ces effets aigus persistent aussi longtemps que le THC demeure en concentrations
élevées dans le milieu extracellulaire ; i.e. durant quelques heures ; tant qu’il n’en
a pas été soustrait par le jeu d’une dissolution dans les lipides de la bicouche des
membranes neuronales en particulier. Cette insertion dans les membranes pourrait
retentir sur la fonction de diverses cibles biologiques insérées dans celles-ci ; il s’agit
là d’un phénomène encore mal connu.
Ainsi, quand le THC disparaît du sang, c’est pour aller dans le cerveau ; et quand
il disparaît des espaces extracellulaires, c’est pour se dissoudre dans la bicouche
lipidique des membranes cellulaires.
Le stockage membranaire du THC va s’incrémenter, sans limite, à chaque consom-
mation. Mais une désorption, un relargage s’opèrent au très long cours, faisant alors
23
Drogues et accidentalité

repasser le THC devant les récepteurs CB1 qui avaient été confrontés antérieure-
ment à de beaucoup plus fortes concentrations et dont, de ce fait, une beaucoup
plus forte proportion d’entre eux avaient été stimulés. Ce reflux à de faibles concen-
trations ne prolonge l’effet du cannabis que sur seulement quelques systèmes, ceux
pour lesquels existent des « récepteurs de réserve ».

L’exceptionnelle lipophilie du THC


Cette pharmacocinétique très particulière du THC est liée à son exceptionnelle lipo-
philie. Son log P est voisin de 7,5. Cela signifie que le THC, quand il se partage
entre une phase lipidique/apolaire/hydrophobe (tel le cerveau, organe très riche en
lipides) et une phase aqueuse/polaire/hydrophile (tel le plasma), choisit élective-
ment cette première. Ainsi, à l’équilibre, le THC est plus de dix millions de fois plus
concentré dans l’huile que dans l’eau (log 7 : 1 suivi de 7 zéros). « Le flux sanguin
apporte le THC au cerveau, mais le reflux ne le remporte pas. »

Rappelons maintenant le concept de « récepteurs de réserve ». Dans certains sys-


tèmes, au service de certaines fonctions, l’effet développé par le THC culmine
quand il occupe tous les récepteurs CB1 de la structure. C’est le cas par exemple
de l’ébriété. Dans d’autres systèmes, pour d’autres fonctions, l’effet développé par le
THC atteint son maximum alors que seulement une faible fraction des récepteurs
est stimulée. Tous les autres qui ne participent pas au développement de l’effet
correspondent aux « récepteurs de réserve ». Puisqu’il suffit d’occuper une faible
fraction de récepteurs CB1 pour obtenir l’effet maximum, il suffit d’une faible
concentration de THC pour ce faire ; une concentration de l’ordre de celle atteinte
par le THC qui se désorbe au long cours de ses « zones de pertes », représentées par
ce stockage dans les lipides membranaires ou adipocytaires.
Au niveau de l’hippocampe affluent des terminaisons de neurones cholinergiques
originaires du septum (neurones cholinergiques septo-hippocampiques, qui jouent
un rôle très important dans la mémoire, comme le montrent les altérations mnési-
ques de la maladie d’Alzheimer où ces neurones sont détruits) ; des récepteurs CB1
sont associés à ces terminaisons ; il suffit de stimuler un pour mille seulement de
ces récepteurs pour réduire l’intensité de la transmission cholinergique de plus de
50 %. C’est ainsi que, pendant plusieurs jours après la consommation d’un joint,
le trouble apporté à cette transmission cholinergique perturbera à un certain niveau
les capacités mnésiques.
Ces faibles concentrations résiduelles de THC (du fait de cette désorption) sont
infra-ébriantes mais, associées à de faibles concentrations d’alcool (inférieures au
niveau répréhensible de 0,50 g/L, elles pourraient perturber significativement la
faculté de conduire. Cette assertion est suggérée par une expérience que nous avons
réalisée avec l’épreuve du rotarod. Dans cette épreuve, une souris est disposée sur
24
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

un axe cylindrique à grand axe horizontal, situé à une vingtaine de centimètres au


dessus du plan de la paillasse ; cet axe est animé d’un mouvement circulaire uniforme
sur lui-même. La souris doit donc coordonner ses mouvements et les adapter à la
vitesse de rotation pour ne pas tomber. Plus de deux jours après l’administration
d’une dose élevée d’un agoniste direct des récepteurs CB1, le HU 232 (10 mg/kg),
alors que le reliquat de celui-ci ne perturbe pas l’épreuve, l’administration d’une
faible dose d’alcool (0,5 g/kg), intrinsèquement sans effet sur l’épreuve, conduit à
la chute des souris (G. Hague et coll., résultats non publiés).
Les interactions cannabis-alcool (qui étaient évidentes à tous, sauf à ceux qui s’arc-
boutent pour innocenter de principe le cannabis, comme pour n’être plus dérangés
dans leurs consommations), sont maintenant quantifiées. L’épreuve du rotarod montre
bien la synergie potentialisatrice qui émane de l’association du THC et de l’alcool.
L’étude SAM [3], Stupéfiants et Accidents Mortels de la route, estime que l’associa-
tion cannabis-alcool multiplie par 14 le risque d’un accident mortel. Ce chiffre parait
d’ailleurs minimisé car il prend pour seuil de positivité du THC la concentration d’un
nanogramme par millilitre de sang, or dans les six heures du décours d’une consom-
mation, le taux sanguin du THC peut être tombé en dessous de cette concentration
alors qu’il est encore notablement présent et à l’œuvre dans le cerveau [22].

1.5 Conséquences sur les compétences


psycho-sensori-motrices mobilisées
par la conduite des véhicules
Parmi les différents troubles suscités par la stimulation des récepteurs CB1 dans le
système nerveux central nous n’allons évoquer ici, sur un mode énumératif, que
ceux qui peuvent retentir de façon néfaste sur la conduite.
Notons tout d’abord les effets psycholeptiques, sédatifs ; cette diminution de l’éveil
pouvant confiner à une somnolence [23]. L’effet psycholeptique est potentialisé par
tous les autres agents psycholeptiques, dont en particulier l’alcool et les benzodiazé-
pines anxiolytiques (qui sont toujours à un certain degré sédatives) ; une potentia-
lisation de la catalepsie est également observée [24]. On rappellera opportunément
la longue demi-vie habituelle de ces benzodiazépines, ou plutôt de leur métabolite
pertinent (pour le diazépam cette demi-vie qui est d’environ 20 h chez le sujet de
vingt ans passe à 80 h chez le sujet de quatre-vingts ans).
Le cannabis perturbe l’attention [25, 26]. Celle-ci ne parvient plus à se focaliser
sur ce qui « fait sens », il n’est plus possible au sujet de faire le vide autour des élé-
ments importants, riches de signification. Il embrasse tout simultanément et donc
n’étreint rien de l’essentiel. Une hyper sensorialité, auditive et visuelle, contribue à
cette diffluence de l’attention, à cette distractibilité.
Le cannabis induit une ivresse, l’ébriété cannabique présente beaucoup d’analogie
avec l’ébriété alcoolique [27].
25
Drogues et accidentalité

Pour des doses élevées de THC et/ou en relation avec certaines prédispositions ou
vulnérabilité particulières peuvent émerger des troubles délirants [28] ; c’est-à-dire
une pensée coupée de la réalité qui s’apparente au rêve éveillé. Plus encore que
l’ivresse, cet état délirant est incompatible avec la conduite des véhicules.
Il en va de même des hallucinations, ces perceptions sans objet, erronées, qui peu-
vent, elles aussi, résulter, de la consommation de doses élevées de THC [29], ou de
prédispositions individuelles ou encore d’associations à d’autres drogues ainsi qu’à
d’autres agents psychotropes (en particulier des anticholinergiques muscariniques
d’action centrale, tels que les antidépresseurs tricycliques).
Le cannabis perturbe la mémoire de travail, la mémoire à court terme, la mémoire
opérationnelle. L’action instantanée se trouve coupée de ce qui l’a précédée tandis
qu’est altéré le sens de l’anticipation de ce qui devrait suivre. C’est l’oubli de tel
panneau qui annonce un virage sévère ou de tel autre qui signale un croisement ;
dès lors il n’y a plus de raison de ralentir sa vitesse.
Le THC s’oppose à la formation d’une mémoire à long terme à partir de cette
mémoire à court terme perturbée. Il aide à l’oubli des événements douloureux
ou ayant suscité la peur mais, ce faisant, il enlève à ceux-ci leurs vertus éducatives
[17, 30].
Le THC trouble l’élocution, le sujet recherche les mots, de là des barrages dans son
discours. Souvent il « saute du coq à l’âne », passant sans transition d’une action à
une autre, sans rapport avec la première. Le sujet est perturbé dans sa capacité de
choisir devant une alternative ; incapable aussi de choisir entre le pertinent et le
futile. Il présente une grande paresse intellectuelle [31].
Le cannabis altère le traitement de l’information, le panneau est vu, lu, mais il n’est
pas intégré, pas compris pour ce qu’il signifie.
Le cannabis modifie les fonctions exécutives.
Le THC altère le sens chronologique, modifie la perception du déroulement du
temps, il trouble de ce fait sa gestion.
Par son action cérébelleuse, il trouble la coordination des mouvements [25], leur
précision, leur caractère harmonieux, il induit une ataxie, une dysmétrie, des trou-
bles de l’équilibre [32].
Parfois, sous son influence, surgissent inopinément des crises d’angoisse aiguë ;
« panic attack », ou ailleurs une impulsivité, ou encore des raptus agressifs [33].
L’usage chronique peut être à l’origine d’un syndrome dépressif [34], derrière lequel
se profilent souvent des tentations suicidaires voire même des tentatives de suicide.
Un certain nombre d’accidents de la route inexpliqués pourraient peut-être trouver
là leur explication.
Insistons sur l’anosognosie très commune du fumeur de cannabis. Il apparaît sou-
vent incapable de percevoir les handicaps, troubles, altérations, qu’il s’inflige en
consommant cette drogue.
26
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

Une thèse ès science (Annick Ménétray, Université de Lausanne, 2004 ; sous la


direction du Pr. P. Mangin) a étudié les conséquences d’une prise orale de THC
(dronabinol = Marinol®) : sur la conduite automobile simulée, sur certaines éva-
luations cliniques et sur les taux sanguins du THC ainsi que de ses métabolites le
11-OH-THC et le dérivé carboxylique (-COOH). Cette prise orale a notablement
perturbé la conduite, dans ce qui est particulièrement sensible aux changements
à court terme de l’attention. Il est apparu une grande variabilité interindividuelle,
ainsi qu’un caractère dose-dépendant très manifeste. La disparition des effets ne
s’est effectuée qu’au bout de 24 h. Dans ces conditions très particulières et toute
expérimentale, d’un département clinique, ces volontaires sains (avant la consom-
mation de cannabis) manifestaient une conscience aiguisée de la diminution de leur
capacité à conduire. Mais qu’en eut-il été dans l’ambiance d’un milieu festif ? On a
envie de douter du maintien de cette prise de conscience quand on constate l’impor-
tance du nombre d’individus contrôlés positifs au cannabis alors qu’ils ont pris le
volant… L’auteur conclut qu’il convient d’adopter dans la conduite automobile une
« tolérance zéro » en ce qui concerne le cannabis au volant. Et d’ailleurs, comment
pourrait-on transiger avec l’usage d’une drogue illicite ; cela nous ramènerait aux
temps qui ont contribué à installer le désastre actuel, où le discours semi-officiel
qui prévalait alors prônait le « fumez peu ».
Une étude très récente [35], Roser a étudié l’effet du THC et d’extraits standardisés
du cannabis sur l’amplitude de l’onde électro-encéphalographique P300, qui est
générée par un stimulus auditif chez des volontaires sains. Cette onde a une ampli-
tude qui est en relation avec les ressources d’attention ainsi qu’avec la mémoire de
travail active. La réduction de son amplitude constitue une des caractéristiques de
la schizophrénie (quoiqu’elle puisse aussi s’observer dans la maladie d’Alzheimer
et l’alcoolisme). Sous l’influence du cannabis consommé en aigu, les sujets sains
étudiés présentent une diminution de l’onde P300, comme cela s’observe chez les
consommateurs chroniques de cette drogue, témoin de leurs perturbations cogniti-
ves, en relation avec leurs troubles de l’attention et de la mémoire. Cet effet néfaste
du cannabis n’est pas atténué par la présence de cannabidiol dans les extraits étudiés
(ce qui contraste avec un certain antagonisme décrit sur d’autres effets, souvent mis
en avant pour tenter de disculper le THC de certains de ses méfaits).
Plusieurs études se sont appliquées à relier les risques encourus aux concentrations
plasmatiques de THC. Une étude norvégienne [36] a été rendue possible par le
fait que dans ce pays, chez les conducteurs suspectés de conduire sous l’empire
du cannabis sont pratiqués, outre un prélèvement sanguin, un examen médical.
Sur 589 prélèvements comportant du THC comme seule drogue trouvée, l’exa-
men médical pratiqué a considéré que 54 % des conducteurs étaient cliniquement
« normaux ». Cela correspondait en moyenne à ceux ayant les taux de THC les
plus bas, ainsi les 46 % dont l’état clinique était jugé anormal avaient en moyenne
les taux de THC les plus élevés (1,9 vs. 2,5 ng/mL). Cette étude montre que les
individus ayant un taux de THC supérieur à 3 ng/mL ont donc un risque accru
d’être perçus comme cliniquement perturbés.
27
Drogues et accidentalité

Pour des consommations identiques, les effets diffèrent d’un individu à l’autre,
selon que la rencontre avec le cannabis est peu fréquente ou au contraire qu’elle est
régulière. Des phénomènes de tolérance, d’accoutumance se développent en effet,
qui aboutissent à mieux (ou moins mal) supporter des doses qui étaient primitive-
ment à l’origine d’importantes perturbations comportementales. Ces phénomènes
de tolérance sont dissociés selon les fonctions considérées. Certains effets s’effacent
notablement, tandis que d’autres persistent [37].

Les dangers comparés du cannabis et de l’alcool sur la route


Un exercice favori des « cannabinophiles » consiste, depuis longtemps déjà, à com-
parer les dangers sur la route du cannabis et de l’alcool. Cette grosse ficelle ne résiste
pourtant pas bien à l’analyse. Le fait que l’alcool soit responsable de 4 à 5 fois plus
de morts sur la route que le cannabis ne permet pas de dire, comme cela est trop
souvent fait, que l’alcool est 5 fois plus dangereux que le cannabis. Il convient en
effet de remarquer que le cannabis est fumé surtout par des conducteurs entre 18 et
25 ans (soit sur une période de 7 ans) tandis que l’alcool est bu par des conducteurs
de tous âges entre 18 et 78 ans (soit sur une période de 60 ans) ; i.e. sur une période
près de 8 fois plus longue, qui pourrait ainsi recruter non pas 5 mais 7 fois plus de
victimes, si ces deux drogues avaient une nocivité égale. De plus on a vu que, pour
des raisons pharmacocinétiques, l’étude SAM avait innocenté le cannabis quand
son taux sanguin était inférieur à 1 ng/mL, alors qu’il pouvait pourtant être encore
à l’œuvre dans le cerveau de celui qui avait fumé quelques heures plus tôt.
Une étude néo-zélandaise [38], qui ciblait la strate des sujets de 21 à 25 ans, a
constaté que le cannabis était plus fréquemment en cause que l’alcool dans les
accidents routiers dont elle explorait la cause.

L’action résolue engagée contre l’alcool, action facilitée par sa détection aisée, doit
s’appliquer avec la même rigueur vis-à-vis du cannabis ; d’autant que dans une
récente étude Française [39] l’association du cannabis à l’alcool, que l’on sait très
détériorante au volant, est trouvée chez 40 % des sujets impliqués dans des acci-
dents de la route, « positifs au cannabis ».
L’étude consacrée à la responsabilité du cannabis dans l’accidentalité routière,
réalisée par Mura et coll., en 2003 [40], a évidemment essuyé les critiques de
ceux qu’elle dérangeait. Elle apparait désormais, après extension et comparaison à
d’autres études pratiquées à l’étranger, comme princeps. Elle a eu l’énorme mérite
d’attirer l’attention, qui était alors délibérément occultée, sur les conséquences très
néfastes de cette drogue sur la route, dont sont mieux précisés chaque jour les
méfaits en ce domaine et en de nombreux autres [41].

28
Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

1.6 Documents de référence


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Drogues et accidentalité

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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis

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31
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Jocelyne Arditti1, Alain Verstraete2, Erika Kuhlmann3

Aspects légaux
et réglementaires
2
en France et en Europe

Les conséquences des comportements de consommation d’alcool et de stupéfiants


sont considérées comme un problème majeur de santé publique, en particulier de
santé au travail et de sécurité routière en France et en Europe.
Si les aspects réglementaires de la consommation d’alcool lors de conduite automo-
bile et au travail ont été définis dans les années 1950, il n’en est pas de même pour
les stupéfiants où l’importance du phénomène que représente leur consommation
n’a amené une réflexion et une législation qu’a partir des années 1990.
Ainsi, l’objet de ce travail est de présenter les dispositions légales et réglementaires
en milieu professionnel et lors de conduite sous l’influence de ces substances.

2.1 Conduites addictives en milieu professionnel


L’ampleur de la consommation de substances psychoactives dans la population géné-
rale a amené le monde du travail à prendre conscience de la réalité des addictions

1. Centre Anti-Poisons, Hôpital Salvator, Marseille, France.


2. Laboratoire de Biologie clinique, Hôpital universitaire de Pintelaan, Gent, Belgique.
3. Laboratoire de Police scientifique, Marseille, France.

33
Drogues et accidentalité

en entreprise et leurs conséquences en matière de santé et sécurité au travail. En


France, 85 % des DRH interrogées lors de l’enquête baromètre santé [1] estiment
que les risques liés aux addictions sont importants. En effet la consommation des ces
substances altérant la vigilance et les capacités sensorielles serait à l’origine de 15 à
20 % des accidents professionnels et des conflits au travail [2]. Le cadre juridique en
France et en Europe est complexe, rarement réglé directement par des lois nationales
ou supranationales, mais fondé sur des interprétations d’une combinaison de diverses
réglementations : code du travail, code de la route, règlement intérieur, déclaration
des droits de l’homme, arrêts du conseil d’État.

2.1.1 Législation en France


2.1.1.1 Alcool
Plusieurs dispositions du code du travail [3] abordent la question de la consom-
mation d’alcool au travail.
L’interdiction d’apporter de l’alcool dans l’entreprise et de laisser le salarié ivre sur
le lieu de travail est introduite par l’article 232-2 alinéas 1 et 2 : « il est interdit
à toute personne d’introduire ou de distribuer toutes boissons alcoolisées (sauf
vin, bière, cidre) »; « il est interdit à tout chef d’établissement de laisser entrer et
séjourner dans les établissements des personnes en état d’ivresse. »
L’incitation à la consommation d’eau est introduite par deux articles : « l’employeur
doit mettre à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche (art L.232-3), il
est tenu de mettre gratuitement à la disposition des salariés au moins une boisson
non alcoolisée en tenant compte de leur souhait (art. L.232-3-1). »
De même aucune convention collective ou contrat individuel de travail ne peut
comprendre des dispositions prévoyant, au titre d’avantages en nature, l’attribution
de boissons alcoolisées aux salariés (art. L.232 –3).
Au-delà des interdictions légales, le rôle du règlement intérieur est de délimiter le cadre
de consommation des boissons autorisées dans l’entreprise et de prévoir le dépistage
par éthylotest (loi du 8 décembre 1983). En effet le règlement intérieur est obligatoire
dans les entreprises d’au moins 20 salariés (art. L.22.34), des règles sont fixées par l’ar-
ticle L.122-35 et permettent à l’employeur d’y notifier l’interdiction ou la limitation
de la consommation de boissons alcoolisées et les conditions de dépistage.
Deux arrêts du conseil d’État en précisent les conditions : l’arrêt Corona du
1er février 1980 [4] qui mentionne que « l’éthylotest ne peut être pratiqué de
façon systématique sur l’ensemble du personnel, il est réservé à des conditions
de travail particulières (poste de sécurité) », l’arrêt RNUR [5] du 9 octobre 1987
qui prévoit que l’éthylotest doit avoir pour but de prévenir et faire cesser une
situation dangereuse, et non de permettre à l’employeur de constater une faute
disciplinaire. Il reste à signaler que ce contrôle est pratiqué par toute personne ou
organisme désigné par l’employeur (JO du 10/11/1997) et non par le médecin du
travail (JO 20/3/1990).
34
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

2.1.1.2 Stupéfiants
Aucune disposition relative à l’usage des stupéfiants au travail n’est abordée dans
le code du travail mais certains articles faisant appel aux obligations générales
en matière de santé et de sécurité peuvent servir de référence. Ainsi l’employeur
a une obligation de sécurité à l’égard des salariés et de protection de leur santé
(art. L.230-2), et les salariés doivent « prendre soin de leur santé et leur sécurité
ainsi que celles des autres personnes concernées du fait de leurs actes ou leurs
missions au travail » (art. L.230-3). Le médecin du travail peut avoir recours au
dépistage dans le cadre de la procédure d’aptitude à l’embauche et au travail ou
dans le cadre des examens complémentaires (art R.241-48 à 52), il peut aussi se
référer à la circulaire 90/13 au 9 juillet 1990 [6] du ministère chargé du Travail.
En effet « si rien ne justifie la mise en place d’un dépistage systématique », des cas
particuliers peuvent justifier un dépistage s’il peut constituer une garantie pour
autrui et si les postes de travail comportent de grandes exigences en matière de
sécurité et de maîtrise du comportement.
L’employeur a, de plus, à sa disposition des outils réglementaires pour prévenir les risques
liés aux consommations occasionnelles ou régulières de substances psychoactives :
› Le règlement intérieur (art. L.122-34) du code du travail dans le cadre des
mesures d’hygiène et de sécurité peut prévoir un dépistage biologique lors de la
visite d’embauche ou de la visite médicale périodique chez les salariés occupant
des postes particuliers définis avec les partenaires sociaux, sous la responsabilité
du médecin du travail soumis au secret médical.
› Les interdictions réglementaires de consommation de stupéfiants applicables à
l’ensemble de la population (loi n° 70-1320 du 31/12/70 [7] ; loi n° 2007-297
du 5 mars 2007 [8] ; art. L. 3421-1 du code de la Santé publique [9]).
› Le code de la route [10], la conduite sous stupéfiants est sanctionnée pénale-
ment (art. 221-6-1 du code pénal [11]). Le préfet peut soumettre à des analyses
ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques notamment salivaires et
capillaires, tout conducteur en infraction.
› Les arrêtés concernant le secteur des transports.

Arrêtés concernant le secteur des transports


Ferroviaire : arrêté du 27 janvier 2003 (JO 24 août 2003)
Aérien : arrêté du 27 janvier 2005 (JO 13 mars 2005)
arrêté du 4 septembre 2007 (JO 11 octobre 2007)
Terrestre : arrêté du 21 décembre 2005 (JO du 28 décembre 2005)

Ainsi l’addiction aux substances psychoactives, si elle reste une problématique déli-
cate, a fait l’objet de réflexions au niveau gouvernemental depuis 2004.
35
Drogues et accidentalité

Le plan gouvernemental 2004–2008 de lutte contre les drogues illicites incite déjà
à la responsabilisation des divers acteurs du monde du travail [12]. Un groupe de
réflexion s’est mis en place en mai 2005, à l’initiative du président de la MILDT
et a établi un rapport [13] présentant 27 recommandations regroupées sous
5 orientations :
› lever le déni en ce qui concerne les conduites addictives dans le monde du
travail,
› promouvoir une approche intégrée articulant les dimensions sanitaire, sécuri-
taire et réglementaire des conduites addictives,
› construire une politique de prévention,
› inclure le dépistage dans la politique globale de prévention selon des protocoles
formatés,
› traiter de façon particulière mais en interrelation la responsabilité de chacun
des acteurs : l’entreprise, le salarié, le médecin du travail.
Il est de plus proposé d’apporter des modifications au code du travail, au code
de la Santé publique et d’inclure dans le plan santé travail la problématique des
conduites addictives.
Enfin le plan gouvernemental d’addiction 2007–2011 dans la fiche n° 1-9 [14]
propose de promouvoir le dépistage des substances psychoactives dans le respect du
droit du travail, de la préservation de la vie privée et des droits personnels.

2.1.2 Législation en Europe


La Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1950 reprenant la décla-
ration universelle des droits de l’homme (art 12), garantit dans son article 8 que
toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de
sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exer-
cice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle
constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité
nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de
l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de
la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.
Deux actions judiciaires contre les tests de drogue en milieu de travail ont été
déclarées inadmissibles par la Cour européenne, basées sur des faits spécifiques de
ces cas : Wretlund vs. Suède (n°. de demande 46210/99) au sujet d’une femme
de ménage dans une centrale nucléaire, et Madsen vs. Danemark (n° de demande
58341/00) au sujet d’un employé d’une entreprise de bac.
Dans l’Union européenne, la directive européenne 89/391/CEE sur l’introduc-
tion des mesures pour encourager des améliorations de la sûreté et de la santé des
employés au travail s’applique à tous les secteurs d’activité, publics et privés (art. 2).
L’article 6 déclare que l’employeur a un devoir d’assurer la sûreté et la santé des
36
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

employés dans chaque aspect lié au travail, et l’article 6 exonère les employés de
la responsabilité pour le coût financier. L’article 11 déclare que les « employeurs
consulteront les employés et/ou leurs représentants et leur permettront de parti-
ciper aux discussions sur toutes les questions concernant la sûreté et la santé au
travail ». L’article 13 (d) déclare que les employés doivent immédiatement signaler,
à l’employeur et/ou aux travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de
protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, toute situation de travail
dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et
immédiat pour la sécurité et la santé.
La directive 95/46/EC de l’Union européenne sur la protection de données, arti-
cle 8 [15] énonce que le traitement des données personnelles liées à la santé est
interdit, bien qu’il y ait un certain nombre d’exceptions. Le groupe de travail de
l’article 29 a émis un avis sur le traitement des données personnelles dans le contexte
d’emploi qui adresse le traitement des données de santé dans un rapport d’emploi.
Les tests de drogue en milieu de travail seront effectués conformément aux principes
de protection de données comme fixé dans la directive 95/46/EC. Une consultation
en novembre 2002 par le directorat-général Emploi a identifié les tests de drogue
en milieu de travail comme un des secteurs d’activité à étudier prochainement
dans le domaine de la protection des données personnelles des employés. À la
lumière de ceci, la Commission a indiqué dans l’agenda social européen adopté
en février 2005 qu’elle lancera une initiative au sujet de la protection des données
personnelles des employés.
Finalement, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de décem-
bre 2000, qui adresse les établissements et les corps de l’union avec le respect dû au
principe de la subsidiarité et aux États membres quand ils mettent en application la
loi de l’Union européenne, contient l’article 7 (droit à la vie privée) et 8 (droit à la
protection des données personnelles). Des limitations de l’article 7 sont identiques à
celles autorisés pour l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les limitations ne peuvent être faites que « seulement si elles sont nécessaires et
rencontrent véritablement les objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou la
nécessité de protéger les droits et les libertés des autres » (art. 52 [15]).
Pour tous les pays européens, il existe différentes possibilités.
La Convention européenne des droits de l’homme et les directives de l’Union
européenne concernant la protection de données et la santé et sécurité au travail
semblent avoir été mises en application dans les lois de presque tous les pays. Il y a
ainsi un degré élevé d’harmonisation selon quelques principes de base. Les autorités
nationales de protection de données ont fait des déclarations claires sur les tests de
drogue en milieu de travail dans certains pays.
Il y a souvent un niveau qualifié de risque/réponse, cependant qualifié de différentes
manières : beaucoup de pays déclarent que le test de drogue peut avoir lieu quand il y a
un risque pour la santé, la sûreté ou la sécurité, ou quand il est « nécessaire », « propor-
tionné », « justifié » ou « raisonnable », ou quand il y a soupçon de prise de drogues.
37
Drogues et accidentalité

L’insistance sur les aspects de santé, plutôt que l’illégalité de la prise de drogues est
également un principe dans plusieurs pays : dans beaucoup de pays le médecin du
travail peut seulement informer l’employeur si un employé « est adapté au travail »,
plutôt que d’indiquer les résultats du test de drogue. Il y a des déclarations que le test
de drogue devrait faire partie d’une politique de santé globale et que le test de drogue
devrait tester si le sujet est sous influence (par opposition à la détection de toutes les
traces des drogues). L’employeur a un devoir légal de fournir un lieu de travail sûr.
Les pays varient considérablement dans l’accent sur les tests avant ou pendant
l’emploi. Le test de drogue est autorisé pour des demandeurs du travail dans quel-
ques pays dans certaines situations ; des changements de contrat pour inclure une
clause d’accord sur le test de drogue devraient être négociés avec les syndicats ou
les associations des employés ; les employés devraient donner leur consentement
éclairé préalable ; et dans quelques pays une clause contractuelle d’« accord » est
n’est pas considérée comme un consentement volontaire.

Sanctions
Quelques pays pénalisent spécifiquement le test de drogue injustifié par des amen-
des criminelles, comme infraction du respect de la vie privée des travailleurs ou
comme infraction du respect de la vie privée en général. Cependant, la directive de
l’Union européenne concernant la protection de données laisse la possibilité aux
États membres de définir toutes les sanctions pour l’infraction de la protection de
données.

2.1.3 Législations spécifiques des pays européens


autres que la France
Seules la Finlande (2003), l’Irlande (2005) et la Norvège (2005) ont une législation
spécifique qui abordent clairement et spécifiquement la question du dépistage des
drogues en milieu de travail.

2.1.3.1 Finlande
La loi sur la drogue en milieu de travail (759/2004) sections 7-8 permet les tests de
dépistage de drogue en milieu du travail, aux frais de l’employeur, chez les deman-
deurs d’emploi qui sont sélectionnés, ou chez les employés [16]. Les tests sont
permis dans certaines circonstances définies, où l’intoxication ou la dépendance
peut mettre en danger la vie, la santé, la sécurité nationale ou la sécurité routière,
la sécurité des données dans l’intérêt public, ou la confidentialité commerciale ou
professionnelle.
Le décret du Conseil d’État sur la bonne pratique des tests de drogue en milieu du
travail donne les détails des procédures. Des recommandations pour les laboratoires
38
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

ont été développées [17]. Elles sont en général conformes avec les recommandations
de la European Workplace Drug Testing Society.
La loi sur la médecine du travail exige que la nécessité des tests soit évaluée par un
professionnel de la santé, et non pas par l’employeur [18]. Seule une conclusion
générale sur la santé d’un employé (apte, apte avec restrictions, ou inapte) peut être
donnée à l’employeur. L’employeur est également obligé de préparer en coopération
avec les employés une ligne de conduite écrite complète de prévention en matière
d’alcool et de drogues dans l’entreprise.
Les tests doivent suivre la législation sur les droits des patients (785/1992) ; la
section 5 exige le consentement éclairé du patient, un employé ayant donc le droit
de refuser le test de dépistage.

2.1.3.2 Irlande
La section 13 de la loi de 2005 sur la sûreté, la santé et le bien-être au travail exige
des employés de ne pas être sous l’influence au travail, et de se soumettre aux tests
de drogue si c’est raisonnable. C’est une infraction, punissable par une amende ou
la prison (section 77). L’employeur peut demander au médecin de vérifier l’aptitude
médicale au travail des employés (section 23). Le médecin doit informer l’em-
ployeur de la décision, et l’employé de la raison de la décision. La section 8 oblige
l’employeur à fournir un lieu de travail sûr. Des règlements mettront en application
cette loi et définiront des détails.
En Irlande cette législation spécifique a été bien accueillie par toutes les parties
parce qu’elle apportait la clarté légale aux procédures qui étaient déjà communé-
ment pratiquées.

2.1.3.3 Norvège
Le fait d’être soumis à des examens médicaux (par exemple un test de drogue) est
une interférence sérieuse à l’intégrité personnelle de l’employé/du demandeur de
travail et devrait seulement être effectuée si elle est strictement nécessaire.
La loi n° 62 du 17 juin 2005 concernant l’environnement du travail, les heures
de travail et la protection d’emploi, section 9-4, déclare que l’employeur peut
seulement exiger des examens médicaux (par exemple des tests de drogue) confor-
mément à la loi ou à un règlement :
› pour les positions qui sont associées à un risque spécial ;
› quand l’employeur trouve nécessaire de protéger la vie ou la santé des employés
ou d’un tiers.
Ces dispositions s’appliquent par rapport aux employés et aux demandeurs d’emploi.
La section 9-4 est approfondie dans le sens que le consentement de l’employé ou
du demandeur de travail ne fournit pas de base juridique suffisante pour le test de
drogue. Le test de drogue doit également être conforme aux dispositions générales
de la section 9-1, qui déclare que toutes les mesures de contrôle doivent être objec-
tivement justifiées et pas un fardeau disproportionné pour l’employé.
39
Drogues et accidentalité

En outre la section 9-2 établit une obligation pour l’employeur de discuter des
mesures de contrôle avec les représentants élus des employés dès que possible et
de fournir les informations aux employés au sujet de certains aspects des mesures
de contrôle.
Ainsi une législation européenne unique concernant les conduites addictives en
milieu professionnel permettrait de mettre en application les mêmes procédures
au sein d’une société multinationale.

2.2 Conduites addictives et conduite automobile


La consommation d’alcool et/ou des stupéfiants est une cause importante de décès,
35 % des accidents mortels sont liés à une conduite automobile sous l’influence de
l’alcool et/ou de stupéfiants [2].
La législation en France et en Europe concernant l’alcool fait appel à une « loi per
se » ou analytique, interdisant de conduire si l’alcool ou les stupéfiants sont présents
dans le sang au-dessus d’un seuil défini. Pour les stupéfiants, il existe deux types
de législation, la législation per se et la législation de type conduite aux facultés
affaiblies (impairment legislation) pour laquelle l’analyse des stupéfiants dans les
liquides biologiques permet uniquement d’établir un lien avec la diminution des
facultés de conduite.

2.2.1 Législation en France


2.2.1.1 Alcool
Depuis la loi du 15/04/1954 [19] et le décret du 18/06/1955 [20] l’éventualité
d’un état d’ivresse des conducteurs est prise en compte dans la survenue d’un
accident mortel ou corporel de la circulation routière [21]. Ainsi, le code de
la route consacre plusieurs chapitres de sa partie législative et réglementaire, au
comportement du conducteur et notamment à la conduite sous l’influence de
l’alcool [22].
Les articles L.234-1 et suivants du code de la route instituent une recherche de
l’imprégnation alcoolique chez tout conducteur et – depuis 1996 [23] – l’accompa-
gnateur d’élève-conducteur impliqué dans un accident mortel ou corporel [24] ou
un accident quelconque, auteur présumé d’une des infractions relatives à la vitesse
des véhicules et au port de la ceinture de sécurité ou casque, soumis à un contrôle
préventif alors qu’il n’est responsable d’aucune infraction ou d’aucun accident.
Précisons que le contrôle préventif, ordonné par le procureur de la République, a
été institué par la loi n° 78-732 du 12/07/1978 article L.3 ; ce texte prévoyait que
les lieux et dates de ces contrôles seraient précisés par le parquet, ceci n’est plus le
cas depuis la loi du 31/10/1990 [25].
La procédure actuelle de la recherche d’un état alcoolique se fait en deux stades :
le dépistage puis la confirmation.
40
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

Les épreuves de dépistage sont effectuées [26] dans l’air alvéolaire expiré à l’aide
d’un éthylotest homologué [27]. Les éthylotests peuvent se présenter sous forme
de ballon à usage unique (catégorie A, norme NF X 20702) ou d’éthylotests élec-
troniques [28] réutilisables (catégorie B, norme NF X 20703, 20704).
Le dépistage ne peut établir qu’une présomption d’état alcoolique et doit être
confirmé par une méthode de confirmation.
Il y a deux méthodes de confirmation. Si le dépistage est positif (dépassement
probable du seuil légal : 0,25 mg/L d’air depuis 1995), l’état alcoolique devra être
confirmé dans les plus brefs délais, soit :
› Par l’analyse de l’air expiré, avec un éthylomètre agréé [29] et contrôlé depuis
moins d’un an. Après notification du résultat [30] le conducteur peut demander
une seconde mesure ; ce contrôle peut aussi être à l’initiative des autorités de
police ou judiciaires. La seconde mesure sera effectuée immédiatement après
vérification du bon fonctionnement du matériel.
› Au moyen d’analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques : recherche
de l’alcool dans un premier échantillon sanguin, un second échantillon est
effectué et conservé.
Le choix entre ces deux modes de confirmation [31] est réservé aux forces de l’ordre
en fonction de leurs moyens et des capacités physiques du conducteur ; l’intéressé
ne choisit pas. Les méthodes sont exclusives l’une de l’autre.
Un arrêté du 27/09/1972 prévoit les modalités et les sites des prélèvements
sanguins :
› Chez le vivant : deux tubes (30 mg de fluorure de sodium) où sont répartis au
moins 12 mL de sang prélevé par ponction veineuse par un médecin ou un
interne en médecine qui réalise aussi un examen clinique et remplit la fiche B ;
le désinfectant utilisé pour le prélèvement ne doit contenir ni alcool, ni éther,
ni formol.
› Chez un sujet décédé : deux flacons (merthionate de sodium à la concentration
de 1/5 000) contenant du sang recueilli par sondage des artères fémorales ou
sous-clavières.
Ces tubes seront protégés par des contenants fermés et identifiés, dotés d’un système
de fermeture permettent la pose d’un scellé [32].
Les méthodes officielles en vigueur pour le dosage de l’alcool dans le sang sont :
› la méthode de distillation/oxydo-réduction dite de Cordebard [33] (cotée B50) [34]
dont la technique est largement détaillée dans un arrêté du 30/11/1972 [35] ;
› la technique dite de « chromatographie en phase gazeuse » autorisée depuis un
arrêté du 6/03/1986 (cotée B120) [36].
Le résultat d’alcoolémie obtenu est mentionné sur la fiche C en précisant quelle
méthode officielle a été utilisée.
41
Drogues et accidentalité

La recherche de l’alcool dans le premier échantillon sanguin peut être confiée au


laboratoire d’un établissement relevant du service public ou à un biologiste-expert
inscrit sur une liste près d’une cour d’appel.
Le deuxième échantillon sera adressé à un autre biologiste-expert inscrit sur une
liste près d’une cour d’appel qui doit le conserver au moins 9 mois à 5 °C. L’analyse
éventuelle de cet échantillon devra impérativement être réalisée par chromatogra-
phie en phase gazeuse.
Sont présentés dans le tableau 2.1 les seuils légaux dans l’air expiré et dans le sang
et leur évolution depuis 1965.

TABLEAU 2.1 Seuils légaux d’alcool dans l’air expiré et dans le sang.

Année – Texte Taux légaux dans l’air expiré Taux légaux dans le sang
Loi du Seule la notion de taux
18/05/1965 anormalement élevé est avancée
Pas de taux légal précis
Loi du Alcoolémie ≥ 0,80 g/L →
09/07/1970 contravention
Alcoolémie ≥ 1,20 g/L → délit
Loi du Introduction d’un taux légal dans Suppression du double seuil
8/12/1983 l’air expiré
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Concentration ≥ 0,35 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,70 g/L
du 11/07/1994 expiré → contravention → contravention
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Concentration ≥ 0,25 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,50 g/L
du 29/08/1995 expiré → contravention → contravention
Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit
→ délit
Décret Pour le conducteur de véhicule de transport en commun exclusivement
du 25/10/2004 Concentration ≥ 0,10 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,20 g/L
expiré → contravention → contravention

2.2.1.2 Stupéfiants
L’article L.235-1 du code de la route, issu de la loi du 18/06/1999 relative à la
sécurité routière (loi n° 99-505), a institué une recherche obligatoire des stupéfiants
chez tout conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation routière.
Ce texte a largement évolué en 2001 et 2003 ; la recherche des stupéfiants est main-
tenant élargie sans être systématisée, à tout conducteur ou accompagnateur d’élève-
conducteur : impliqué dans un accident corporel ou un accident quelconque [37],
auteur présumé d’infraction entraînant une suspension de permis ou d’une infrac-
tion relative à la vitesse ou au port de la ceinture ou du casque, à l’encontre duquel
il existe une raison plausible de soupçonner l’usage de stupéfiants [38].
42
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

L’arrêté du 5 septembre 2001 fixe les modalités de dépistage des stupéfiants et des
analyses et examens prévus par le décret n° 2001-751 (27/08/2001) ; ces opérations
sont réalisées de la façon suivante.
Le recueil de liquide biologique et le dépistage [39] sont réalisés par un docteur
en médecine (praticien hospitalier ou médecin de ville) ; les épreuves de dépistage
consistent à rechercher dans les urines (recueillies dans un flacon stérile de 10 mL,
sans additif et incassable) la présence d’un ou plusieurs produits stupéfiants (can-
nabis, amphétamines, cocaïne, opiacés).
Le dépistage est réalisé à l’aide de tests de dépistage [40] qui sont mis à disposition
du médecin par les forces de l’ordre.

Seuils minima de dépistage des stupéfiants dans les urines


Les tests doivent respecter les seuils minima de détection suivants :
– 9-tétrahydrocannabinol : 50 ng/mL d’urine,
– amphétamines : 1 000 ng/mL d’urine,
– cocaïne : 300 ng/mL d’urine,
– opiacés : 300 ng/mL d’urine.

En cas de dépistage urinaire positif, de refus de se soumettre aux épreuves de


dépistage ou en cas d’impossibilité (état de santé, sujet décédé), un prélèvement
sanguin sera pratiqué :
› Chez le vivant : deux tubes sous vide (héparinate de lithium) contenant 10 mL
de sang prélevé par ponction veineuse.
› Chez un sujet décédé : deux flacons en verre (fluorure de sodium) contenant
10 mL de sang veineux périphérique (veine fémorale ou sous-clavière) ou de
sang intracardiaque.
Ces tubes et flacons seront protégés par des contenants dotés d’un système de
fermeture permettent la pose d’un scellé [41].
La recherche et le dosage des produits stupéfiants dans le sang [42] sont effectués
par [43] un laboratoire ayant déclaré au préfet respecter les conditions d’expérience
et d’équipements fixés, un expert inscrit sous une rubrique spéciale, en toxicologie,
sur la liste de la cour d’appel et, depuis le décret n° 2003-293 du 31/03/2003, un
laboratoire de police technique et scientifique.
Les personnes concernées doivent justifier de travaux et d’expérience dans les acti-
vités de toxicologie ou d’une pratique des analyses en toxicologie médico-légale
d’au moins cinq ans.
Les laboratoires d’analyses doivent disposer des installations, de l’appareillage,
du matériel, des produits nécessaires à la conservation des échantillons à –20 °C
43
Drogues et accidentalité

pendant au moins 12 mois et se soumettre au contrôle de qualité organisé par


l’Afssaps.
La recherche et le dosage des produits stupéfiants dans le sang s’effectuent en uti-
lisant la technique dite de « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse » [44] (cotée B800).

Seuils minima de dépistage des stupéfiants dans le sang


Les seuils minima de détection sont les suivants :
– 9-tétrahydrocannabinol : 1 ng/mL sang,
– amphétamines : 50 ng/mL sang,
– cocaïne : 50 ng/mL sang,
– opiacés : 20 ng/mL sang.

En cas de résultat sanguin positif lors de la recherche et le dosage des produits stu-
péfiants, une recherche complémentaire est effectuée à partir du même prélèvement
sanguin afin de déterminer la présence dans le sang de médicaments psychoactifs
ayant des effets sur la capacité de conduire des véhicules ; la recherche dans le
sang des médicaments psychoactifs est effectuée en utilisant les techniques dites
de « chromatographie en phase liquide haute performance couplée à une barrette
de diodes » et de « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie
de masse ».
Le décret n° 2003-293 prévoit depuis le 31/03/2003 une modification du code de
la route concernant la recherche de médicaments psychoactifs :
› à l’article R.235-10, il est précisé que celle-ci ne doit plus être pratiquée dans
les conditions du texte initial de 1999, c’est-à-dire, après une analyse sanguine
ayant révélé la présence de produits stupéfiants ;
› l’article R.235-11 indique que la recherche de médicaments psychoactifs peut
être réalisée à la demande du conducteur.
L’ensemble des examens médicaux, cliniques et biologiques sont consignés sur les
fiches D et E ; précisons que la fiche E n’est pas renseignée en cas de décès. Les
résultats d’analyse sont mentionnés sur les fiches F.
Après analyse, le laboratoire ou l’expert conserve un des deux flacons en vue
d’une éventuelle contre-analyse ou contre-expertise qui peut être demandée par
le conducteur, au procureur de la République, au juge d’instruction ou au juge
de la juridiction de jugement ; dans ce cas, l’examen technique ou l’expertise sera
effectué par un autre laboratoire ou un autre expert répondant aux conditions
adéquates.
44
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

Un arrêté du 24 juillet 2008 publié au Journal Officiel le 30 juillet 2008, vient


modifier de façon notable les dispositions de l’arrêté du 5 septembre 2001 qui
fixait les modalités de dépistage et d’analyse des stupéfiants prévus par le décret
n° 2001-751 (27/08/2001).
Les articles R.235-3 et R.235-4 du CDR prévoient à présent que les épreuves de
dépistage peuvent être réalisées à partir d’un recueil urinaire mais aussi salivaire.
En cas d’accident mortel, les épreuves de dépistage sont effectuées sur un prélève-
ment urinaire.
En cas d’accident corporel, lorsqu’il est impossible de réaliser un prélèvement uri-
naire, les épreuves de dépistage sont effectuées sur un prélèvement salivaire, recueilli
de la manière prévue dans la notice du test.
Les seuils minima de détection des tests utilisés sont présentés dans le tableau 2.2.

TABLEAU 2.2 Seuils minima de détection des stupéfiants avec des tests urinaires et salivaires.

Seuils minima de détection Seuils minima de détection


des tests urinaires des tests salivaires
Acide carboxylique du tétrahydrocannabinol
(9 THCCOOH) : 50 ng/mL 9 tétrahydrocannabinol (9 THC) : 15 ng/mL
Amphétamine : 1 000 ng/mL Amphétamine : 50 ng/mL
Méthamphétamine : 1 000 ng/mL Méthamphétamine : 50 ng/mL
Méthylène dioxyméthamphétamine Méthylène dioxyméthamphétamine
(MDMA) : 1 000 ng/mL (MDMA) : 50 ng/mL
Cocaïne ou benzoylecgonine : 300 ng/mL Cocaïne ou benzoylecgonine : 10 ng/mL
Morphine : 300 ng/mL Morphine : 10 ng/mL
6-monoacéthylmorphine : 10 ng/mL

Les seuils minima de détection restent inchangés pour la recherche et le dosage


des stupéfiants par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie
de masse, dans le milieu sanguin.
Une nouvelle fiche D, annexée au présent décret, remplace celle annexée à l’arrêté
du 5 septembre 2001 ; la nouvelle fiche D intègre la possibilité d’effectuer le dépis-
tage soit dans un prélèvement urinaire, soit salivaire.

2.2.2 Législation en Europe


Certains pays européens ont une législation per se en plus de la législation existante
de type conduite aux facultés affaiblies.
L’Allemagne a été le premier pays à avoir une loi per se : le paragraphe 24a de la loi
de trafic routier a été modifié en mars 1998, de sorte que toute personne condui-
sant un véhicule sous l’influence d’amphétamine, d’ecstasy, de MDEA (N-éthyl-
3,4-méthylènedioxy-N-éthylamphétamine), de cannabis, d’héroïne, de morphine,
45
Drogues et accidentalité

ou de cocaïne commet une infraction. Ceci ne s’applique pas si la substance est


présente suite à la prise d’un médicament prescrit pour une maladie spécifique.
La Cour constitutionnelle fédérale a décidé en 2004 d’abaisser le seuil pour le
delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) à 1 ng/mL. Les seuils sont mentionnés dans
le tableau 2.3.
En Belgique, une loi semblable a été adoptée en mars 1999. Un conducteur
peut être arrêté par la police et être invité à exécuter une batterie de tests stan-
dardisée pour détecter la consommation récente de drogue. Si ce test est positif,
un immuno-essai rapide est exécuté par la police sur un échantillon d’urine et si
celui-ci est positif, le sang est prélevé et envoyé à un laboratoire pour une analyse
par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CG-SM) [45,
46]. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3. En juillet 2009, le Parlement
a approuvé une nouvelle loi. Les tests salivaires peuvent désormais être utilisés
pour le dépistage. La confirmation se fait également dans la salive. Les seuils de
dépistage sont 10 ng/mL pour la morphine ou la 6-acétylmorphine, 20 ng/mL
pour la cocaïne et la benzoylecgonine, 25 ng/mL pour le THC et 50 ng/mL
pour l’amphétamine et la MDMA (3,4-méthylènedioxyméthylamphétamine).
Les seuils de confirmation dans la salive sont 5 ng/mL pour la morphine ou la
6-acétylmorphine, 10 ng/mL pour la cocaïne, la benzoylecgonine et le THC et
25 ng/mL pour l’amphétamine et la MDMA. S’il n’est pas possible d’obtenir
un échantillon salivaire, un échantillon sanguin est prélevé. Le seuils ont été
abaissés comparé à ceux de 1999 (tableau 2.3). Cette loi entre en vigueur en
octobre 2010.
La Suède a également introduit une loi per se en 1999. Il y existe une tolérance zéro
pour des narcotiques (y compris les benzodiazépines), sauf si les produits sont pris
sur ordonnance médicale, si la dose n’est pas trop élevée et si les facultés de conduite
ne sont pas affaiblies. La détection de la conduite sous l’influence est effectuée par
un examen de l’œil, suivi par d’autres examens s’il y a soupçon raisonnable. Si des
drogues sont trouvées dans le sang, le conducteur est également sanctionné pour
usage de drogue [47]. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3.
La Finlande a également introduit une législation per se en 2003. Les drogues
couvertes sont celles énumérées dans les conventions de l’ONU sur les narcotiques,
mais la loi n’est pas applicable si les drogues sont utilisées sur ordonnance médicale
[48].
En Suisse, depuis 2004, un conducteur est considéré incapable de conduire si son
sang contient du THC, de la morphine libre, de la cocaïne, de l’amphétamine,
de la méthamphétamine, de la MDEA ou de la MDMA. Les seuils sont basés sur
les résultats des contrôles de qualité, tenant compte d’une incertitude de mesure
de 30 %. Dans les cas spéciaux (par exemple consommation de plusieurs drogues,
symptômes de sevrage…) une expertise basée sur les « trois piliers » (observations
par la police, examen médical et résultats des analyses toxicologiques) est effectuée.
Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3.
46
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

Le Danemark a une législation per se depuis juin 2007. La détermination se fait


par l’analyse du principe actif des substances classées comme dangereuses pour la
sécurité routière dans un échantillon de sang. La liste contient 54 substances (liste
complète sur https ://www.retsinformation.dk/Forms/R0710.aspx?id=2671). Les
seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3.

TABLEAU 2.3 Limites analytiques dans le sang, le plasma ou le sérum comme convenu
ou proposé dans différents pays (toutes les concentrations en ng/mL, excepté
pour le Danemark et la Suède : ng/g).
Belgique
Allemagnea Danemark France Suède Suissed
(1999/2009)
Amphétamine 50 50/25 20 50 30 15 (22)b
MDMA 50 50/25 20 50 20 15 (22)
MDEA 50 50/– — 50 20 15 (22)
MDA — 20
MBDB 50/– 20 20
Cocaïne 50/25 20 50 20 15 (22)
Benzoylecgonine 150 50/25 — 50 20 —
Morphine (libre) 20 20/10 10 20 5 15 (22)
THC 1c 2/1 1 1 0,3 1.5 (2,2)
a
: Des seuils inférieurs ont été proposés, mais ils ne sont pas encore employés partout.
b
: Pour la Suisse également 15 ng/mL pour la méthamphétamine.
c
: Décision de la cour constitutionnelle fédérale du 21 décembre 2004 (1 BvR 2652/03).
d
: Les chiffres entre la parenthèses sont les seuils qui tiennent compte de l’incertitude de mesure.
MDMA : méthylène dioxyméthamphétamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxy-N-
éthylamphétamine ; MDA : méthylène-dioxy-amphétamine ; MBDB : N-méthyl-benzodioxazolyl-
butanamine ; THC : delta-9-tétrahydrocannabinol.

Les seuils analytiques de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de la


France, de la Suède et de la Suisse sont donnés dans le tableau 2.3. Il n’y a
aucun consensus sur les seuils analytiques entre les différents pays. Ce man-
que de consensus peut être partiellement attribué à l’utilisation de différentes
matrices biologiques (sérum en Allemagne, plasma en Belgique et sang total au
Danemark, en France, en Suède et en Suisse) et des différentes conséquences
qui suivent un résultat positif. Par exemple en Belgique il y a une sanction
pénale qui suit un résultat positif, alors qu’en Allemagne il y a une sanction
administrative.
L’efficacité des lois per se pour augmenter le nombre de poursuites a été déjà démon-
trée dans quelques pays.
En Allemagne le nombre de personnes suspectées de la conduite sous influence
des drogues a quintuplé entre 1997 à 1999 après une évolution constante pendant
plusieurs années. M. Moeller [49] attribue ceci au programme de formation des
policiers pour détecter les sujets qui conduisent sous influence des drogues, et à la
loi per se, entrée en vigueur en août 1998.
47
Drogues et accidentalité

En Finlande, jusqu’en 2002, il y avait une augmentation lente du nombre d’échan-


tillons envoyés au laboratoire national pour la détection des drogues dans le sang.
Depuis l’introduction de la législation per se en 2003 le nombre d’échantillons a
augmenté considérablement [48].
En Suède, juste après l’entrée en vigueur de la loi per se, le nombre de cas de
conduite sous influence des drogues a été décuplé. Néanmoins Jones [50] conclut
que la limite de la zéro-concentration de la Suède n’a pas réduit la conduite sous
influence des drogues ni découragé le contrevenant typique parce que le récidivisme
est élevé (40–50 %). Beaucoup de délinquants sont des éléments criminels avec
des condamnations précédentes pour conduite en état d’ivresse ou sous influence
de drogues et également pour d’autres infractions. L’éventail les drogues identifiées
dans des échantillons de sang provenant des suspects de conduite sous influence de
drogues n’a pas beaucoup changé depuis l’introduction de la loi en 1999.

2.3 Documents de références


[1] Beck F, Guibert P, Gautier A : Baromètre santé 2005 Saint Denis : Inpes, collection
Baromètre santé, 2007 : 414-444.
[2] Penneau-Fontbonne D, Dano C, Lacave-Oberti N, Guiho – Bailly MP, Dubré JY, Roquelaure Y.
Conduite addictives et milieu du travail. In : Reynaud M (coordinateur). Traité d’addictologie.
Flammarion : 164-174.
[3] Code du travail.
[4] Arrêt Corona. 14 février 1980 n° 06.361. Conseil d’État.
[5] Arrêt RNUR. 9 octobre 1987 n° 72-220. Conseil d’État.
[6] Circulaire n° 90/13 du 9 juillet 1990 relative au dépistage de la toxicomanie en
entreprises.
[7] Loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la
toxicomanie. Journal Officiel 2 janvier 1971.
[8] Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Journal Officiel
7 mars 2007.
[9] Code de la Santé publique.
[10] Code de la route.
[11] Code pénal
[12] Plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicite, le tabac et l’alcool.
[13] Conduites addictives et milieu professionnel : rapport établi dans le cadre du plan gou-
vernemental 2004- 2008 MILDT, 2006.
[14] Plan gouvernemental Addiction 2007-2011.
[15] Legal status of drug testing in the workplace. Document consulté sur le site http://eldd.
emcdda.europa.eu/html.cfm/index16901EN.html?nNodeID=16901&sLanguageISO=EN.
31-10-2006/ le 20 janvier 2009.

48
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe

[16] Lamberg ME, Kangasperko R, Partinen R, Lillsunde P, Mukala K, Haavanlammi K. The Finnish
legislation on workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 95-98.
[17] Lillsunde P, Haavanlammi K, Partinen R, Mukala K, Lamberg M . Finnish guidelines for
workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 99-102.
[18] Lillsunde P, Mukala K, Partinen R, Lamberg M . Role of occupational health services in
workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 103-106.
[19] Article 11 – Lo i n° 54-439 relative au traitement des alcooliques dangereux pour autrui.
[20] Décret n° 55-807 relatif à la lutte contre l’alcoolisme.
[21] Voir revue réalisée par M. Deveaux. In : Mura P (coordinateur). Alcool, médicaments,
stupéfiants et conduite automobile. Collection option Bio, Elsevier, 1999 : 3-19.
[22] Article L.234-1 et suivants – Chapitre 4 – Titre 3 – Livre 2 – Partie législative du CDR et article
R.234-1 et suivants – Chapitre IV – Titre III – Livre II – Partie réglementaire du CDR.
[23] Décret 96-995 du 13/11/1996.
[24] Depuis le décret n° 55-807 du 18/06/1955.
[25] Loi n° 90-977.
[26] Loi n° 70-597 du 09/07/1970, généralisant le dépistage dans l’air expiré.
[27] Arrêté du 14/6/1972 : définition d’un cahier des charges concernant des appareils de
dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré.
[28] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983.
[29] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983.
[30] Décret n°86-71 du 15/01/1986.
[31] Arrêté du 27/09/197.
[32] Arrêtés du 27/09/1972.
[33] Décret du 21/06/1955 et circulaire du 5/12/1955.
[34] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice.
[35] Page 12408 du Journal officiel.
[36] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice.
[37] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2001-1062 du 15/11/2001 chapitre IV article 21.
[38] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2003-87 du 03/02/3008.
[39] Articles R.235-3 et R.235-4 du CDR.
[40] Article L.5133-7 du code de la Santé publique.
[41] Article R.235-6 du CDR.
[42] Article R.235-10 du CDR.
[43] Article R.235-9 du CDR.
[44] Article R.235-10 du CDR.
[45] Raes E, Verstraete AG. Usefulness of roadside urine drug screening in drivers suspected of
driving under the influence of drugs (DUID). J. Anal. Toxicol. 2005 ; 29(7) : 632-636.

49
Drogues et accidentalité

[46] Maes V, Samyn N, Willekens M, De Boeck G, Verstraete AG. Stupéfiants et conduite auto-
mobile – les actions réalisées en Belgique. Ann. Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 128-137.
[47] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in
blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.
[48] Ojaniemi KK, Lintonen TP, Impinen AO, Lillsunde PM, Ostamo AI. Trends in driving under
the influence of drugs : a register-based study of DUID suspects during 1977-2007. Accid.
Anal. Prev. 2009 ; 41(1) : 191-196.
[49] Moeller MR. Stupéfiants et conduite automobile – les actions réalisées en Allemagne. Ann.
Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 145-150.
[50] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in
blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.

50
Jean-Pierre Anger1, Sophie Fantoni-Quinton2, Michel Lhermitte3

3
Alcool éthylique (éthanol)

L’alcool éthylique ou éthanol est un toxique typiquement humain très répandu


puisqu’il est le constituant normal de la quasi-totalité des boissons alcooliques chez
l’homme. Il est surtout consommé pour ses propriétés psychotropes anxiolytiques,
antidépressives et sédatives. L’alcool agit essentiellement sur le système nerveux
central : son action est de type anesthésique, mais, en raison de sa faible liposolu-
bilité, il n’agit comme tel qu’à très fortes doses et les différents stades de l’anesthésie
sont de ce fait, étalés dans le temps. C’est son action primitive euphorisante qui
est essentiellement recherchée mais bien souvent… dépassée. Si à cette phase, le
« poivrot » est sympathique, il devient par la suite plus ou moins dangereux dans ces
actes et c’est en cela que réside le danger de l’alcool. Bien que difficile à quantifier
exactement la consommation globale d’alcool diminue en France : elle est passée
de 20,4 à 13 litres d’alcool pur par habitant et par an de 1970 à 2006 chez les
adultes de 15 ans et plus [1]. Diverses études ont montré que le risque d’accident
automobile augmentait exponentiellement avec le degré d’imprégnation alcoolique
mais d’autres facteurs comme la conduite de nuit, la fatigue, la vitesse et l’usage de

1. UFR Médicales et Pharmaceutiques, Université de Rennes 1.


2. Laboratoire d’Études et de Recherches en Droit Social, Université Lille Nord.
3. Laboratoire de Toxicologie, Université Lille Nord.

51
Drogues et accidentalité

médicaments ou de stupéfiants peuvent également intervenir [2]. Selon l’INSERM,


en France, l’alcool serait responsable de 10 % à 20 % des accidents du travail, toutes
les catégories socioprofessionnelles étant touchées [3]. Dans la littérature interna-
tionale, les chiffres varient entre 10 et 25 % mais on manque de données récentes
et précises sur l’implication de l’alcool dans les accidents de travail [4]. Signalons
enfin que l’alcool en France est responsable de 45 000 décès par an (11 000 cancers,
9 000 cirrhoses, 2 500 alcoolo-dépendances et 22 000 décès indirects liés à des
troubles mentaux, cardiovasculaires et des accidents). Le coût social de l’alcoolisme
représente en France 17,4 milliards d’euros [5].

3.1 Boissons alcoolisées [2]


Il existe une distinction entre les boissons alcooliques et les boissons alcoolisées.
Les premières sont des boissons fermentées (vin, bière) et des boissons distillées
(cognac, whisky, eau-de-vie) contenant de l’alcool naturellement. Les secondes ne
contiennent pas naturellement et habituellement d’éthanol, mais celui-ci y a été
ajouté (vodka orange, whisky coca, café arrosé).

Cinq groupes de boissons alcoolisées


Le code des débits de boissons et de mesures contre l’alcoolisme classe les boissons
en cinq groupes.
Groupe 1 : boissons non alcooliques. Ce sont les boissons sans alcool (eaux, limo-
nades, infusions, lait, café, thé, etc.), jus de fruits ou de légumes non fermentés
ou ne comportant pas, à la suite d’un début de fermentation, de traces d’alcool
supérieures à 1 degré. Les bières sans alcool, certains panachés et certains cidres
en font partie.
Groupe 2 : boissons fermentées non distillées, à savoir vin, bière, cidre, poiré, hydro-
mel, vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, crème de cassis et jus
de fruit ou de légumes fermentés titrant de 1 à 3 degrés d’alcool.
Groupe 3 : autres vins doux naturels, apéritifs à base de vins, liqueurs de fraise, de
framboise, de cassis ou de cerise ne titrant pas plus de 18 degrés d’alcool.
Groupe 4 : rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés
ou fruits sans addition d’essence, liqueurs édulcorées par du sucre, du glucose ou
du miel (au moins 400 g/L pour les boissons anisées ou au moins 200 g/L pour les
autres liqueurs) et ne contenant pas plus de 0,5 g d’essence par litre.
Groupe 5 : toutes les autres boissons alcooliques (whisky, genièvre, gin, pastis,
vodka).

52
Alcool éthylique (éthanol)

Le degré d’une boisson alcoolique indique le volume d’alcool pur contenu dans
100 volumes de boisson. Il doit être mentionné sur l’étiquette de la bouteille. En
prenant une densité de 0,8 pour l’alcool et en ne considérant que des verres de
tailles normalisées (servis dans un débit de boisson), chaque verre bu apporte une
masse d’éthanol très proche de 12 g.

3.2 Consommation d’alcool en France


Après un accroissement après la guerre, on assiste aujourd’hui à une diminution
de la consommation globale d’alcool, de l’ordre de 40 %. La France occuperait
actuellement le 11e rang mondial en ce domaine.
L’alcool le plus consommé reste le vin (85 % des Français déclarent en avoir bu dans
l’année). La consommation quotidienne est majoritairement masculine (20,3 % des
hommes contre 7,3 % des femmes) et croît fortement avec l’âge, à partir de 35 ans
pour cerner près de 60 % des hommes de plus de 65 ans.
Les ivresses ponctuelles sont plutôt l’apanage des plus jeunes (17 ans) : c’est le « binge drin-
king » anglo-saxon (biture express) qui touche 56 % des garçons contre 36 % des filles.
Des disparités régionales de consommation ont été récemment mises en avant par
l’Institut national de prévention et d’éducation de la santé (INPES). Chez les jeunes,
la Bretagne est en tête pour la consommation, suivie de la Bourgogne et c’est l’Île de
France qui ferme le ban. À l’âge adulte, les régions où l’on boit le plus tous les jours
sont le Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon et le Nord-Pas-de-Calais [5].
D’autres statistiques indiquent que la part des dépenses consacrées à l’alcool par les
Français est de 8,9 % (en diminution, elle était de 12,4 % en 1961). Il y a 13,7 %
de Français qui déclarent avoir consommé de l’alcool tous les jours de l’année.
Enfin, si 58 % de la consommation d’éthanol en France est sous forme de vin,
30 % est de la bière, 7 % des alcools forts et 5 % du cidre [6].

3.3 Toxicocinétique de l’éthanol [7]


L’alcool éthylique CH3CH2OH est un composé aliphatique de faible poids molé-
culaire (46 g), légèrement soluble dans les lipides et complètement miscible à l’eau.
Grâce à ces propriétés, il se distribue rapidement dans tout l’organisme et peut fran-
chir d’importantes membranes biologiques comme la barrière hémato-encéphalique
pour agir ensuite sur un grand nombre d’organes et de processus biologiques.

3.3.1 Absorption
La principale voie de pénétration de l’éthanol dans l’organisme est la voie orale. Les
voies respiratoire et cutanée sont quantitativement négligeables en dehors de situations
accidentelles. Après ingestion, l’éthanol est absorbé au niveau de l’estomac (environ
53
Drogues et accidentalité

10 %) puis surtout immédiatement après le passage pylorique, au niveau du duodénum


et du jéjunum proximal (70 à 80 %), c’est-à-dire le début de l’intestin grêle. En raison
de ses propriétés à la fois hydrophiles et lipophiles, le passage de la barrière intestinale
est facile par simple diffusion. L’éthanol atteint ensuite le foie par la veine porte puis la
circulation générale. La cinétique d’apparition de l’alcool dans le sang se traduit par la
courbe d’alcoolémie qui représente graphiquement la quantité d’alcool (g/L) présente
dans le sang depuis l’absorption jusqu’à l’élimination complète (figure 3.1). Après la
prise d’alcool, le pic sanguin est atteint en moyenne en 45 à 60 min.

1,5
Éthanolémie (g/l)

1,0

0,5

0
2 3 4 0 15 6 7
Temps (heures)
Valeurs obtenues chez un homme ayant consommé 0,80 g d’alcool/Kg de poids corporel
avant ( ) ou après ( ) le petit déjeuner.
FIG. 3.1 Toxicocinétique d’absorption de l’éthanol à jeun ou après un repas
(d’après [15]).

Différents facteurs peuvent influencer l’absorption de l’éthanol à partir du tractus


gastro-intestinal. L’absorption est plus rapide si l’ingestion est unique, si la concen-
tration en éthanol dans la boisson se situe entre 15 et 30 degrés et si elle contient
du gaz carbonique (cas du champagne ou du whisky-soda). La présence d’aliments
dans l’estomac ralentit l’absorption de l’éthanol mais leur nature qu’il s’agisse de
graisses, de sucres ou de protéines importe peu. Le taux d’absorption est diminué
lorsque la vidange gastrique est retardée prolongeant ainsi le temps de séjour de
l’éthanol dans l’estomac en entraînant une augmentation plus lente de l’alcoolémie
et un pic sanguin plus faible chez les sujets non à jeun [8].

3.3.2 Distribution
Après absorption, l’éthanol est distribué dans les différents compartiments très vas-
cularisés de l’organisme comme le cerveau, les poumons et le foie. Les concentra-
tions en alcool dans ces différents organes sont très rapidement équilibrées avec les
concentrations sanguines. En raison de son caractère hydrophile, l’alcool imprègne
l’organisme un peu comme l’eau imbibe une éponge. L’éthanol circule librement
dans le sang et les organes sans se lier aux protéines plasmatiques, sa solubilité dans
54
Alcool éthylique (éthanol)

les graisses et les os est négligeable. Le volume de distribution est en moyenne de


0,5 L/kg chez la femme et de 0,6 L/kg chez l’homme. Du fait de son caractère
peu liposoluble, la distribution de l’éthanol est surtout liée au contenu hydrique
des différents organes et tissus. Le tissu adipeux n’en retient que 4 %. Ainsi, chez
le sujet obèse, une quantité identique d’alcool ingérée par unité de poids donne
une alcoolémie plus élevée que chez le sujet mince. Par ailleurs pendant la phase
d’absorption, le sang artériel contient plus d’alcool que le sang veineux. Le site
anatomique de prélèvement doit donc toujours être précisé. Le plasma et le sérum
contiennent 1,10 à 1,25 fois plus d’alcool que le sang total.
En raison de sa bonne diffusion, l’alcool franchit la barrière placentaire et les concen-
trations dans le liquide amniotique et chez le fœtus sont proches des concentrations
plasmatiques de la mère.

3.3.3 Métabolisme [7, 9–11]


L’essentiel du métabolisme de l’éthanol a lieu par oxydation au niveau du foie ; cepen-
dant d’autres tissus peuvent également participer comme le rein et le tractus gastro-
intestinal, mais pour une faible part. Le métabolisme hépatique élimine plus de 80 %
de l’alcool ingéré grâce à trois grandes étapes. Dans un premier temps, l’éthanol est
oxydé en acétaldéhyde dans le cytoplasme de l’hépatocyte ; dans un deuxième temps,
l’acétaldéhyde est transformé en acétate, essentiellement dans la mitochondrie, puis
dans un troisième temps, l’acétate produit dans le foie est libéré dans la circulation
sanguine et enfin oxydé lui-même par les tissus périphériques en dioxyde de carbone
(CO2), en acides gras et en eau (figure 3.2). La principale voie du métabolisme de
l’éthanol passe par l’enzyme appelée alcool déshydrogénase (ADH). Cependant des
voies alternatives de l’oxydation de l’alcool situées dans d’autres compartiments cel-
lulaires ont été décrites : la voie microsomiale qui fait intervenir plusieurs isoenzymes
du cytochrome P450 (les CYP2E1, 1A2 et 3A4) localisées dans le réticulum endo-
plasmique lisse de l’hépatocyte [10, 12] et une voie accessoire, celle de la catalase.
Le reste de l’alcool qui n’est pas métabolisé par le foie se retrouve dans l’air expiré,
dans l’urine et la sueur. À côté de ces trois voies principales, il existe également un
métabolisme non oxydatif de l’éthanol aboutissant à la formation d’esters éthyliques
d’acides gras (FAEE) et de phosphatidyléthanol, composés susceptibles de présenter
un intérêt comme biomarqueurs de l’imprégnation éthylique [7].

3.3.3.1 Voies oxydatives


3.3.3.1.1 Alcool déshydrogénase (ADH)
Les ADH catalysent l’oxydation de l’éthanol en présence de nicotinamide adénine
dinucléotide (NAD+) comme cofacteur suivant la réaction :
CH3CH2OH + NAD+ → CH3CHO + NADH+ + H+
L’ADH présente dans le cytosol de l’hépatocyte oxyde l’éthanol en acétaldéhyde,
sous-produit très réactif et toxique qui peut contribuer aux dégâts tissulaires et
55
Drogues et accidentalité

probablement aussi au processus addictif suite à la formation de salsolinol respon-


sable de la dépendance à l’alcool. Le pH optimal de cette réaction étant autour de
10,8, la réaction se fait donc essentiellement à 40 % au pH physiologique, 7,35.
Le NAD est réduit en NADH qui génère un environnement cytosolique fortement
réducteur qui fragilisera l’hépatocyte.

H2O2 + Catalase

NAD NADH+H+ NADH, H2O NADH, 2H+

CH3-CH2OH CH3-CHO CH3-COO–


ADH ALDH2
(cytosol) (Mitochondrie) GTP

CoA-SH
GMP
+ PPi

Acides gras
Cyt P2E1 + O2 + NADPH + H+
Cholesterol
Porphyrines CH3-CO-S-CoA
Cycles de Krebs CO2 + H2O

FIG. 3.2 Voies oxydatives du métabolisme de l’éthanol (d’après [7]).

Les ADH sont des enzymes ubiquitaires ayant de multiples substrats endogènes et
exogènes : elles catalysent l’oxydation de différents alcools (éthanol, glycérol, réti-
nol, alcools stéroïdes, etc.) en aldéhydes. Cinq classes d’ADH ont été caractérisées
sur la base de leurs propriétés structurales et cinétiques.
La voie de l’ADH est la plus importante, mais elle se trouve toutefois limitée par
la quantité disponible de NAD+ car le NADH+ formé doit être réoxydé. Bien que
théoriquement plusieurs voies métaboliques puissent l’assurer, la réoxydation du
NADH a lieu essentiellement dans la chaîne respiratoire mitochondriale. Or la
membrane mitochondriale est imperméable au NADH. Le problème est résolu grâce
au fonctionnement de la navette malate-aspartate où la malate-déshydrogénase joue
un rôle central. Cette enzyme réduit dans le cytoplasme l’oxaloacétate en malate,
réaction permettant l’oxydation du NADH en NAD. Le malate passe ensuite dans
la mitochondrie où il est oxydé en oxaloacétate tandis que le NAD est réduit en
NADH qui sera ensuite réoxydé au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale.
L’oxalo-acétate est alors transformé en aspartate qui repasse dans le cytoplasme
où il est à nouveau oxydé en oxalo-acétate dont la réduction en malate permet la
réoxydation du NADH en NAD.
56
Alcool éthylique (éthanol)

3.3.3.1.2 Cytochrome P 450


Les isoenzymes du cytochrome P 450 intervenant dans le métabolisme de l’éthanol
comprennent les CYP2E1, 1A2 et 3A4 qui sont principalement présents dans les
microsomes ou les vésicules du réseau de membranes intracellulaires présents à
l’intérieur de l’hépatocyte connus sous le nom de réticulum endoplasmique lisse
ou microsomial ethanol oxydizing system (MEOS). Elles contribuent à l’oxydation
de l’éthanol selon la réaction suivante [7] :
CH3CH2OH + NADPH+ + H+ + ‡O2 → CH3CHO + NADP+ + 2H2O
Le CYP2E1 est induit par la consommation chronique d’alcool et assume un rôle
important dans le métabolisme de l’éthanol en acétaldéhyde surtout lorsque la
concentration hépatocytaire en éthanol est élevée. Par ailleurs le CYP2E1 est éga-
lement présent dans d’autres tissus comme le cerveau où l’activité de l’ADH est
faible. Il produit aussi des espèces oxygénées très réactives (ROS) comme l’anion
superoxyde (O2°–), les radicaux hydroxyles (OH°), des peroxydes (H2O2) qui sont
responsables d’un stress oxydant à l’origine de la peroxydation des lipides mem-
branaires, de la dénaturation des protéines enzymatiques ou encore de mutations
de l’ADN nucléaire, le tout aboutissant à la mort cellulaire.

3.3.3.1.3 Catalase
La catalase est une hémoprotéine localisée dans les peroxysomes de la plupart des
tissus. Elle catalyse la réaction suivante :
CH3CH2OH + H2O2 → CH3CHO + 2H2O
La catalase est capable d’oxyder l’éthanol en présence de peroxyde d’hydrogène qui
est produit au cours de différentes réactions du métabolisme intermédiaire comme
la dégradation des bases puriques, lors de la transformation de l’hypoxanthine en
xanthine ou lors de l’oxydation des groupements thiols (-SH) de la cystéine en
glutathion.
L’acétaldéhyde est ensuite très rapidement oxydé dans la mitochondrie en acétate
par l’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH2) en présence de NAD. Cette enzyme
est polymorphe et il peut être inhibé par différents médicaments (disulfirame) pro-
voquant l’effet antabuse dû à l’accumulation brutale d’acétaldéhyde. Ce phénomène
de « flush » s’observe également chez certaines populations orientales déficientes en
isoenzymes de l’ALDH et possédant un variant rapide de l’ADH :
CH3CHO + NAD → CH3COOH + NADH + H+
L’acétaldéhyde peut se lier aux protéines enzymatiques ou microsomiales ou encore
former des adduits avec la dopamine et engendrer la formation de salsolinol, res-
ponsable de la dépendance à l’alcool.
L’acétate, produit d’oxydation de l’acétaldéhyde est oxydé en dioxyde de carbone et en
eau par les tissus périphériques (cœur, muscles et cerveau). L’acétate n’est pas un produit
inerte : il augmente le flux sanguin au niveau hépatique, déprime le système nerveux
central et perturbe divers processus métaboliques. Il est métabolisé en acétylcoenzyme
57
Drogues et accidentalité

A (CH3-CO-S-CoA) qui est impliqué dans la biosynthèse du cholestérol et des acides


gras au niveau des mitochondries des tissus périphériques et du cerveau.

3.3.3.2 Voies non oxydatives


Le métabolisme non oxydatif de l’éthanol est minime (figure 3.3), cependant les
composés qui en résultent peuvent avoir des incidences sur le plan pathologique
ou diagnostique. L’alcool réagit avec les acides gras à longue chaîne pour former
des esters éthyliques (FAEE) que l’on peut doser dans le sérum ou les cheveux
et qui constituent des biomarqueurs intéressants pour apprécier la consomma-
tion excessive d’éthanol car ils persistent longtemps après l’élimination de l’alcool.
L’autre voie non oxydative aboutit à la formation de phosphatidyl éthanol qui est
très faiblement métabolisé et peut s’accumuler à des concentrations détectables à
la suite d’une consommation chronique d’alcool.

FAEE synthétase
Dégâts tissulaires

Esters éthyliques d’acides gras (FAEEs)


Ethanol
Phosphatidyl éthanol

Perturbations des signaux


lipidiques membranaires
dépendant de la D phospholipase
D Phospholipase

FIG. 3.3 Voies non oxydatives du métabolisme de l’éthanol (d’après [7]).

Les voies oxydatives et non oxydatives du métabolisme de l’éthanol sont corrélées.


L’inhibition de l’oxydation de l’éthanol par des composés qui inhibent l’ADH,
le CYP2E1 et la catalase favorisent le métabolisme non oxydatif et accroissent la
production de FAEE dans le foie et le pancréas [7].

3.3.4 Élimination
L’éthanol non métabolisé est éliminé par l’air expiré, la sueur et les urines. Une très
faible quantité (moins de 0,5 %) est éliminée sous forme d’éthylglucuronide (EtG)
et d’éthylsulfate (EtS), tous deux métabolites de phase II.
C’est sur l’élimination pulmonaire que repose l’estimation de l’alcoolémie à partir
des concentrations retrouvées dans l’air expiré. En effet, le rapport des concentrations
58
Alcool éthylique (éthanol)

en alcool dans le sang par rapport à l’air expiré permet d’estimer l’alcoolémie en g/L.
Il s’agit donc d’une approximation et en aucun cas une valeur de l’éthylomètre ne
doit être transformée en concentration sanguine ; il faut définitivement admettre
que dosage sanguin et mesure dans l’air expiré sont des modes d’expression diffé-
rents d’un état d’imprégnation alcoolique [13].
Par ailleurs la modélisation mathématique de la courbe d’alcoolémie permet de
considérer que la baisse d’alcoolémie se fait à une vitesse de 0,15 à 0,20 g/L par
heure mais qu’elle est soumise à de grandes variations individuelles.

3.4 Les biomarqueurs de la consommation d’alcool [6,14]


Les problèmes liés à la consommation d’alcool sont parmi les plus importants en
addictologie et constituent un problème majeur en clinique. Plusieurs anomalies
biologiques peuvent être remarquées après consommation d’alcool et permettent
bien sûr de faire le diagnostic de l’éthylisme chronique mais aussi de surveiller les
sujets en cure de sevrage ou demandant la restitution de leur permis de conduire.
Aujourd’hui, on dispose de biomarqueurs directs comme le dosage de l’éthanol
dans le sang, le dosage de l’éthylglucuronide (EtG) ou de l’éthylsulfate (EtS) dans
le sang, l’urine ou les cheveux, le dosage des esters éthyliques d’acides gras (FAEE)
dans le sang ou les cheveux ou éventuellement le dosage du phosphatidyléthanol
dans le sang. Il est également possible de faire appel aux biomarqueurs indirects ou
marqueurs classiques de biochimie comme l’augmentation du volume globulaire
moyen (VGM), le dosage de la gamma glutamyl transférase (γ-GT), le dosage des
aminotransférases (ASAT et ALAT), marqueurs d’une souffrance hépatique et le
dosage de la transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) ou encore de la trans-
ferrine désialylée (SDT), marqueurs très sensibles pour repérer la rechute chez les
personnes alcoolo-dépendantes.

3.5 Effets cliniques [15]


3.5.1 Évolution de la symptomatologie
en fonction de l’alcoolémie
L’alcool est avant tout un dépresseur primaire et permanent du système nerveux
central, et la stimulation apparente qu’il provoque est due à la désinhibition de
certaines zones du cerveau, les mécanismes de contrôle inhibiteurs étant eux-mêmes
déprimés.
Classiquement l’intoxication éthylique se déroule en trois phases :
› En premier lieu, une phase d’excitation psychomotrice. Chez le sujet non
éthylique chronique, cette phase est observable à des concentrations de l’ordre
de 0,5 à 2 g/L. Cette phase est caractérisée par l’apparition d’une euphorie
59
Drogues et accidentalité

moyenne, le sujet devenant plus sociable, plus loquace, plus confiant en lui-
même, avec diminution de l’inhibition. On note parallèlement une diminution
de l’attention, du jugement et du contrôle. Cette phase d’euphorie s’accompa-
gne d’une phase d’excitation avec instabilité émotionnelle, perte du jugement
critique, troubles de la mémoire et de la compréhension. Le sujet présente alors
une incoordination motrice, une diminution de réponse aux stimuli sensoriels,
avec augmentation du temps de réponse.
› En second lieu, une phase d’incoordination motrice. Chez le sujet non éthy-
lique chronique, cette phase apparaît à des concentrations de 1,5 à 4 g/L. Le
patient est désorienté et présente un début de confusion mentale. Il y a exacer-
bation des états émotionnels, des troubles sensoriels (diplopie, mydriase…) et
de la perception des couleurs, des formes, des dimensions et des mouvements.
Le seuil de perception de la douleur est augmenté. L’incoordination motrice est
franche, la démarche est ébrieuse, voire impossible et il en est de même pour la
station debout. La diminution de réponse aux stimuli sensoriels est marquée.
Le sujet présente des troubles de la conscience, de la somnolence à la stupeur.
Il peut vomir et devenir incontinent.
› Enfin, la phase comateuse. Cette phase intervient pour des concentrations en
éthanol qui sont le plus souvent supérieures à 3 g/L. Le sujet est inconscient,
comme anesthésié et présente une diminution ou abolition des réflexes, une
hypotension, une dépression respiratoire, une hypothermie et un relâchement des
sphincters. Le décès est possible en cas de survenue de complications respiratoires,
dont le risque est accru pour des concentrations égales ou supérieures à 5 g/L.
Le parallélisme entre l’état clinique et l’alcoolémie est surtout observable chez le sujet
non éthylique chronique. Celui-ci n’existe plus en cas de chronicité des prises où des
alcoolémies élevées (3 à 4 g/L) ne s’accompagnent pas de troubles de la vigilance.

3.5.2 Effets sur l’aptitude à conduire un véhicule [2]


3.5.2.1 Effets sur la vision
On estime que 90 % des informations utiles à un automobiliste proviennent de
son système visuel : la qualité et la performance visuelles sont donc des atouts
primordiaux pour une bonne conduite.
Aux faibles alcoolémies (< 0,5 g/L) les performances visuelles sont moins affectées
par les modifications de la vision que par les modifications du fonctionnement
cérébral. De même que la motricité de tout l’organisme est affectée, on note des
modifications dans les mouvements oculaires : les mouvements de saccades et leur
temps de latence, le nystagmus et les mouvements de poursuite sont altérés. Dès
0,5 g/L, on peut être victime de diplopie et de strabisme.
Au-delà de 1 g/L, on observe des effets très nets et importants : baisse de plus de la
moitié de l’acuité visuelle dynamique, baisse de la sensibilité, de la persistance et de
la vitesse de réponse aux stimuli visuels. On constate également une diminution de
60
Alcool éthylique (éthanol)

l’adaptation aux contrastes de lumière et une moindre résistance à l’éblouissement.


Le seuil visuel de fusion critique est augmenté. La discrimination des couleurs est
diminuée.
D’autres altérations ont été observées, mais sont encore mal quantifiées : accommo-
dation, acuité visuelle statique, réflexes pupillaires. Un facteur de tolérance indivi-
duelle intervient indiscutablement dans les variations engendrées par l’alcool.

3.5.2.2 Effets sur le temps de réaction


Dans les années 1950, de nombreuses études ont montré les effets néfastes de l’al-
cool sur le temps de réaction. L’augmentation va de 5 % pour une alcoolémie de
0,12 g/L à 55 % pour une concentration de 1,8 g/L. Le temps moyen de réponse
à un danger passe de 2,5 à 3,2 s pour une alcoolémie de 0,5 g/L. Si les tests sont
multiparamétriques, on peut observer une augmentation de 200 % du temps de
réaction pour une alcoolémie de 1,1 g/L. Ces derniers tests sont mieux adaptés à
l’étude de la conduite automobile car, en situation réelle, le conducteur doit gérer
de nombreux paramètres simultanément : vitesse, position du véhicule, panneaux
de circulation, autres véhicules.

3.5.2.3 Alcool et insécurité routière [2, 16]


L’altération de l’aptitude à conduire un véhicule à moteur en France, sous l’in-
fluence de l’alcool, a fait l’objet de plusieurs rapports émanant de la gendarmerie
ou de comités d’experts de la sécurité routière.
Le premier effet de l’alcool est une augmentation de la distraction dès le taux de
0,2 g/L. Au-delà de 0,5 g/L, le temps de réaction, l’aptitude au repérage, la coor-
dination des manœuvres, la compréhension des informations et la capacité à les
traiter, les fonctions oculomotrices et toutes les autres performances psychomotrices
sont altérées. Les cyclomotoristes sont plus particulièrement affectés dès 0,6 g/L. Les
perturbations psychiques sont en fait les plus dangereuses, avec un affaiblissement
du jugement, du sens critique, de l’appréciation de ses limites et du contrôle de soi,
mais aussi avec la levée de l’inhibition corticale, l’agressivité, la colère et le goût du
risque. Toutes ces perturbations sont constantes à partir de 0,8 g/L. Il faut noter
également que si le sur risque d’accidents est de 2,7 pour une alcoolémie inférieure
à 0,5 g/L, il est doublé pour une alcoolémie comprise entre 0,5 et 0,8 g/L, mul-
tiplié par 5 pour une alcoolémie comprise entre 1,2 et 2 g/L et par 15 pour une
alcoolémie supérieure à 2 g/L.
Dans son rapport en 2007, le comité d’experts de la sécurité routière estime que la
France a connu depuis 2002 une très forte baisse, de l’ordre de 40 %, du nombre des
accidents et des tués. Mais ces progrès sont dus essentiellement à la forte baisse des
vitesses alors que l’on n’a observé aucun progrès spécifique attribuable à l’alcool au
cours de ces dernières années. La part des conducteurs dans les accidents mortels avec
une alcoolémie illégale (supérieure ou égale à 0,5 g/L) n’a guère varié, se maintenant
entre 16 % et 17 % depuis dix ans, alors que la consommation d’alcool en population
61
Drogues et accidentalité

générale a diminué de 11 % de 2001 à 2005. Le phénomène de l’accidentalité avec


l’alcool est caractérisé par un effet fortement multiplicateur : les conducteurs circulant
en état d’alcoolisation illégale sont plutôt rares de l’ordre de 1 à 2 %, alors même que
la composante alcool représente une part évitable de 25 % des accidents mortels. Ce
facteur se distingue donc fortement de la composante vitesse représentant un enjeu du
même ordre mais caractérisé par un taux élevé de dépassement des vitesses légales, de
l’ordre de 40 %. Les alcoolémies observées dans les accidents de la route en 2007 sont
majoritairement très au-dessus du taux légal : dans les accidents mortels, l’alcoolémie
moyenne des conducteurs impliqués avec l’alcool est de 1,8 g/L et plus de 80 % des
conducteurs sont au-dessus de 1,2 g/L. Par ailleurs, si l’alcool au volant est concentré
la nuit et le week-end, il n’est pas limité à l’alcool des jeunes mais concerne toutes les
tranches d’âges jusqu’à 65 ans [16].
En 2008, on a assisté à une baisse de l’accidentologie sur la route de 7,5 % par
rapport à l’année 2007. Le nombre des accidents corporels a baissé de 8,3 % et pour
la première fois, le nombre de blessés descend sous le seuil de 100 000. On note
également une baisse des vitesses moyennes, une hausse du port de la ceinture et une
amélioration de la sécurité pour toutes les classes d’âge, malgré une trop légère baisse
de la mortalité chez les usagers de deux-roues motorisés, particulièrement touchés
dans la tranche d’âge des 25 à 44 ans. La conduite sous l’emprise de l’alcool reste
la première cause de mortalité au volant. Et les jeunes entre 18 et 24 ans, princi-
pales victimes de la route, sont particulièrement touchés en 2008 : ils représentent
22,6 % des tués sur la route, contre 21,7 % en 2007 (source ONISR).

3.6 Législation
L’alcool est une drogue légale dont la production, le commerce, la distribution et la
consommation sont réglementés en France depuis plusieurs siècles, principalement
depuis que ces boissons sont taxées par l’État. L’État s’est ensuite préoccupé de
l’ordre public en sanctionnant l’ivresse publique depuis 1873. La santé publique
et la lutte contre l’alcoolisme sont des préoccupations plus récentes, la première
manifestation en est l’interdiction en 1915 de la production d’absinthe, la « fée
verte » très prisée au xixe siècle notamment par les artistes comme Van Gogh,
Verlaine ou Toulouse-Lautrec mais dont la toxicité rendait fou. La publicité des
boissons alcoolisées est réglementée depuis 1941. L’État s’est ensuite préoccupé de
réglementer les débits de boisson, d’en limiter le nombre et de protéger les mineurs
avec le code des débits de boisson et de lutte contre l’alcoolisme, établi depuis 1954
et maintenant intégré dans le code de la Santé publique. Il a également limité le
nombre de bouilleurs de cru en abrogeant la transmission de ce droit. L’alcool au
volant est réprimé depuis 1965 et la consommation d’alcool sur les lieux de travail
est réglementée depuis 1973. La plupart des dispositions législatives sont dans le
code de la Santé publique, mais d’autres codes contiennent aussi des dispositions
législatives ou réglementaires relatives à l’alcool (code pénal, code du travail…).
62
Alcool éthylique (éthanol)

3.6.1 Législation concernant la distribution de l’alcool


La fabrication et la vente de certaines boissons alcoolisées au-delà d’une certaine
teneur en alcool sont interdites. L’étiquetage doit mentionner un message à caractère
sanitaire (« abus dangereux pour la santé »). La distribution de boissons alcooliques
dans les distributeurs automatiques est interdite, y contrevenir est puni d’amende
et de prison en cas de récidive.

3.6.2 Législation concernant la publicité


des boissons alcoolisées
La loi Évin du 10 janvier 1991, transcrite dans le code de la Santé publique,
régit la publicité des boissons alcoolisées. La propagande et la publicité, directe ou
indirecte, en faveur des boissons alcoolisées sont interdites, elles sont néanmoins
autorisées dans un certain nombre de cas précis (foires, enseignes, catalogues et
presse spécialisés…) mais doivent alors indiquer que « l’abus d’alcool est dangereux
pour la santé ». Les opérations de parrainage sont interdites.

3.6.3 Législation des débits de boissons


Dans les débits de boissons (cafés, brasseries, restaurants, buvettes, etc.), la vente et la
consommation sont réglementées par attribution de licences. Seuls les établissements
titulaires de la licence de quatrième catégorie peuvent proposer l’ensemble des bois-
sons, « y compris celles du quatrième et du cinquième groupe » (voir ci-dessus).

3.6.4 Répression de l’ivresse publique


L’ivresse publique et manifeste, constatée dans un lieu public, est une contravention
de 2e classe passible d’une amende de 150 euros. La personne est conduite à ses frais
au poste de police, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison. Pour
les gérants de débits de boissons, servir à boire à une personne manifestement ivre
est une contravention de 4e classe passible d’une amende de 750 euros.

3.6.5 Protection des mineurs


Il est interdit de recevoir dans un débit de boissons des mineurs de moins de
16 ans non accompagnés. Il est interdit de proposer des boissons alcoolisées aux
mineurs de moins de 16 ans. Seuls les vins, bières et cidres peuvent être proposés
aux mineurs de 16 à 18 ans.

3.6.6 Alcool en entreprise


Responsable d’une augmentation de l’absentéisme, d’une baisse des performances
et du nombre d’accidents du travail, l’alcool est une préoccupation dans le milieu
63
Drogues et accidentalité

de travail et est réglementé par le code du travail et le code de la Santé publique.


Il faut noter que si un accident survient au temps et au lieu de travail alors que
le salarié est sous l’emprise de l’alcool, il ne perd pas pour autant sa qualification
d’accident de travail et l’employeur reste responsable, même sans avoir commis de
faute. Exception faite du vin, de la bière, du cidre, il est interdit à toute personne
d’introduire ou de distribuer, de laisser introduire ou de laisser distribuer sur les
lieux du travail des boissons alcooliques. Il est interdit de faire entrer ou séjourner
dans l’entreprise des personnes en état d’ivresse. L’employeur est tenu de mettre
à la disposition du personnel de l’eau potable et fraîche. Le règlement intérieur
peut limiter ou interdire toute consommation d’alcool (circulaire du 13 janvier
1969). Mais ce règlement intérieur ne peut contenir des restrictions aux libertés
individuelles que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et
proportionnées au but recherché.
Ainsi le recours à l’alcootest ne peut être systématique. Il n’est prévu que dans les
cas où l’imprégnation alcoolique du salarié constitue un danger pour lui-même ou
son environnement (manipulation de produits dangereux, utilisation de machines
dangereuses, conduite de véhicules, notamment lors du transport de personnes). Il
faut prévoir des modalités permettant une contre-expertise (seconde mesure…). Si
l’état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, il peut
alors constituer une faute grave justifiant un licenciement. Depuis 2002, l’employeur
ayant une obligation de sécurité de résultat en matière d’hygiène et de sécurité, il doit
évaluer les risques de son entreprise, y compris le risque alcool et, s’il en est besoin,
élaborer un plan de prévention pour lutter contre ce risque avec l’aide des salariés et
de leurs représentants, par la mise en œuvre d’information, formation, etc.

3.6.7 Répression de l’alcool au volant


La loi du 9 juillet 1970 instaure, pour la première fois en France, un taux légal
d’alcoolémie. Diverses lois vont ensuite renforcer les sanctions et les possibilités de
contrôle et abaisser le seuil d’alcoolémie tolérée : la loi du 12 juillet 1978 autorise
les contrôles d’alcoolémie, même en l’absence d’infractions ou d’accidents. Si le
dépistage est positif, le conducteur doit subir les vérifications médicales cliniques
et biologiques consignées dans les fiches A, B et C (2). La loi du 8 décembre 1983
fixe un seuil unique d’alcoolémie à 0,8 g/L de sang (ou, dans l’air expiré, un taux
égal à 0,4 mg/L). Tout conducteur ayant atteint ce taux peut être sanctionné par
une amende et/ou une peine de prison. La loi du 17 janvier 1986 prévoit le retrait
immédiat du permis de conduire pendant 72 h en cas de présomption d’ivresse. Le
permis peut être suspendu par le préfet pendant une durée de six mois. Dans les
années 1990, la réglementation revoit à la baisse le seuil de tolérance de l’alcool au
volant en faisant passer l’alcoolémie tolérée à 0,5 g/L de sang (ou 0,25 mg/L d’air
expiré) et en aggravant les sanctions. Le tableau 3.1 reprend les sanctions encourues
en fonction du taux d’alcoolémie et du contexte.

64
Alcool éthylique (éthanol)

TABLEAU 3.1 Sanctions encourues en cas d’alcoolémie au volant en France.

Taux (même en l’absence d’ivresse


Sanctions encourues
manifeste) et situation
Si > 0,2 g/L de sang pour = Infraction
les transports en commun
Si entre 0.5 et 0.8 g/L de sang Amende jusque 750 €
pour toutes les autres catégories Retrait de 6 points du permis de conduire (PC)
de véhicules Immobilisation du véhicule
± suspension du PC 3 ans maximum
Si > 0,8 g/L de sang = Délit
Amende jusque 4 500 €
Retrait de 6 points du permis de conduire (PC)
Peine de prison jusque 2 ans
Suspension ou retrait de PC
± Peines complémentaires (travaux d’intérêts généraux,
stage obligatoire…)
Si récidive dans les 5 ans qui Doublement des peines maximales précédemment
suivent l’expiration prévues
de la précédente peine
Si > 0,5 g/L de sang + Accident Jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 €
ayant entraîné une Incapacité d’amende
de travail > 3 mois
Si > 0,5 g/L de sang et homicide Jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 €
involontaire d’amende
Si refus de se soumettre 1 an d’emprisonnement
au contrôle 3 750 € d’amende

La législation varie selon les pays de l’Union européenne. La législation sur l’alcool
au volant dans ces pays est reprise dans le tableau 3.2 ci-après [16].

65
Drogues et accidentalité

TABLEAU 3.2 Limites des taux d’alcool au volant dans les pays de l’Union européenne.

Pays Taux en g/L et réglementation spécifique


Allemagne 0,5 (0 pour les jeunes conducteurs)
Autriche 0,5 depuis janvier 1998
0,1 depuis 1992 pour les chauffeurs novices, moins de 2 ans de permis, pour
l’ensemble des conducteurs de la moto aux conducteurs de poids lourds, ainsi
que les conducteurs de bus
0.1 depuis 1997 pour les conducteurs de poids lourd (> 7 tonnes) ainsi que les
conducteurs de tracteurs et de cyclomoteurs de moins de 20 ans
Belgique 0,5
Bulgarie 0,5
Chypre 0,5
Danemark 0,5 depuis le 1er mars 1998
Espagne 0,5 depuis 1998
0,3 depuis 1998 pour les novices (moins de deux ans de permis, les conducteurs
de : poids lourds (> 3,5 tonnes), d’autocars (> 9 places), de matières dangereuses,
de transports de scolaires et mineurs, d’ambulances et de taxis
Estonie 0,2
Finlande 0,5
France 0,5 (0,2 depuis le 25 octobre 2004 pour les conducteurs de transport en
commun
Grèce 0,5
Hongrie 0
Irlande 0,8
Italie 0,5 depuis le 22 juin 2002
Lettonie 0,5 (0,2 depuis 2004 pour les nouveaux conducteurs)
Lituanie 0,4
Luxembourg 0,8
Malte 0,8
Pays-Bas 0,5 (0,2 pour les jeunes conducteurs)
Pologne 0,2
Portugal 0,2 décidé en juin 2001, remis à 0,5 en décembre 2001
République 0
Tchèque
Roumanie 0
Royaume-Uni 0,8
Slovaquie 0
Slovénie 0,5
Suède 0,2

66
Alcool éthylique (éthanol)

3.7 Procédure actuelle de détermination


de l’alcool dans l’organisme [2]
3.7.1 Dépistage
Il est effectué dans l’air alvéolaire expiré au moyen d’un éthylotest de catégorie A (type
ballon, à usage unique) ou de catégorie B (électronique, utilisable plusieurs fois). Ces
appareils doivent être agréés. Il n’est alors établi qu’une présomption d’état alcoolique
qui doit impérativement être confirmée par une des méthodes décrites ci-après.

3.7.2 Confirmation
Si le résultat du dépistage est positif (dépassement probable du seuil de 0,25 mg/L
d’air expiré), la confirmation de l’état alcoolique doit être effectuée dans les plus
brefs délais et peut se faire de deux façons :
› Dans l’air expiré, avec un éthylomètre agréé et contrôlé depuis moins d’un
an. Le résultat est immédiatement notifié au conducteur. Une seconde mesure
peut être effectuée, à la demande du conducteur ou des autorités de police
ou judiciaires, après vérification du bon fonctionnement de l’appareil. Il doit
s’écouler 15 min au moins entre les deux mesures. Il n’est pas prévu d’imprimer
directement le résultat qui est donc consigné par écrit dans le procès-verbal.
Ces mesures ne sont pas des expertises, mais permettent de savoir si l’individu
se trouve en phase montante ou descendante de son alcoolémie.
› Dans le sang : uniquement en cas d’impossibilité de souffler dans l’éthylomètre.
Les deux modes de vérification sont exclusifs l’un de l’autre. Après avoir effectué
l’examen clinique et rempli les fiches B et C : recherche de l’état alcoolique, le
médecin ou l’interne en médecine effectue le prélèvement sanguin par ponction
veineuse au pli du coude avec le matériel fourni par l’administration. Les forces de
l’ordre peuvent y assister. Le désinfectant ne peut être ni un alcool ni de l’éther :
c’est en général un ammonium quaternaire. Les flacons doivent contenir un conser-
vateur, du fluorure de sodium (30 mg pour 8 mL environ de sang prélevé) pour
empêcher la dégradation de l’éthanol dans l’échantillon. L’examen attentif des kits
de prélèvements fournis par les préfectures montre que ces dispositions ne sont pas
toujours respectées puisque d’autres conservateurs sont utilisés. Il faut prélever au
moins 15 mL de sang et les répartir entre les deux flacons, puis bien agiter après
fermeture. Les flacons sont identifiés et scellés par une bande de papier collant.
Le dosage sur le premier échantillon (accompagné de quatre exemplaires des fiches A :
vérifications concernant l’alcoolémie, B et C) est le plus souvent effectué par n’importe
quelle personne jugée techniquement compétente par le responsable du laboratoire. Il
peut bien sûr aussi être effectué par un biologiste expert inscrit sur la liste de la Cour
d’appel de la région. Seule une méthode officielle doit être utilisée et l’expert doit
d’ailleurs en faire obligatoirement mention sur la fiche C où est inscrit le résultat. La
cotation est de B50 pour la méthode chimique (dite de Cordebard) et de B120 pour

67
Drogues et accidentalité

la méthode par chromatographie en phase gazeuse (CPG). Un exemplaire des fiches


est envoyé sous pli confidentiel au procureur, à la préfecture et à la Direction Dépar-
tementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS).
Le second échantillon sanguin, accompagné d’un exemplaire des fiches, est adressé
à un biologiste expert qui doit les conserver au moins neuf mois. Seul un expert
inscrit près d’une cour d’appel peut effectuer ce second dosage. Bien entendu, il
n’utilisera que la CPG. La contre-expertise peut être demandée par le parquet ou
le conducteur, dans les cinq jours qui suivent la notification du résultat.

3.8 Méthodes de mesures


3.8.1 Dépistage dans l’air
3.8.1.1 Éthylotests de catégorie A
Un tube réactif est associé à une poche souple d’une contenance de 1 L environ.
Les fonctions alcools réduisent le chrome de valence +6 (cristaux de chromate de
potassium imprégné d’acide sulfurique, de couleur jaune) en chrome de valence +3,
de couleur verte. Après 3 min, le changement de couleur s’opère sur une longueur
grossièrement proportionnelle à la concentration de l’alcool dans l’air expiré. Un
repère indique un dépassement probable du seuil de 0,25 mg/L d’air expiré. On
estime que la précision de cette mesure n’est que de l’ordre de 20 %.

3.8.1.2 Éthylotests de catégorie B


Ces appareils électroniques portables sont munis d’embouts à usage unique. L’affi-
chage numérique permet une lecture directe du taux, qui reste cependant indicative.
Grâce à un catalyseur, l’alcool est oxydé en acide acétique générant un courant
électrique (deux électrons par molécule d’éthanol) proportionnel à la concentration
d’alcool. L’acide acétique est ensuite dégradé en gaz carbonique et en eau. La mesure
dure environ 20 secondes.
Les deux types d’éthylotests donnent des réponses positives avec les autres alcools
légers (méthanol, isopropanol, n-propanol, n-butanol), l’acétate d’éthyle et l’acé-
taldéhyde, mais ces composés ne peuvent se trouver normalement dans l’air expiré
qu’à des taux extrêmement faibles et sont beaucoup plus toxiques que l’éthanol par
ingestion. En revanche, l’acétone, les hydrocarbures et la vapeur d’eau n’interfèrent
pas. Leur précision est de l’ordre de 5 %.

3.8.2 Dosage dans l’air expiré : éthylomètres


Ils utilisent la mesure de l’absorption d’un rayonnement infrarouge entre 3,30 et
3,50 μm (élongation des groupements méthyle). La mesure se fait à deux longueurs
d’onde : 3,39 et 3,48 μm pour éliminer les interférences dues à l’acétone (les rapports
d’absorption sont différents). Mais d’autres produits volatils peuvent produire des
interférences : 2-butanone, isopropanol, toluène, éther éthylique. La possibilité de

68
Alcool éthylique (éthanol)

leur mesure est envisagée et autorisée par la loi. En fait les appareils actuels utilisent
un filtre à 9,4 μm pour supprimer l’influence de ces solvants. Le cahier des charges
auquel sont soumis les fabricants pour l’homologation de leurs éthylomètres est très
précis sur ce point. En réalité, la possibilité d’obtenir un taux faussement positif (>
0,25 mg/L d’air expiré) uniquement avec un solvant est quasiment impossible. La
seule éventualité est celle d’un individu qui aurait consommé juste ce qu’il faut d’al-
cool pour être au-dessous de la limité légale, mais ayant été exposé également à des
solvants… La réponse de l’appareil à ceux-ci ferait alors franchir la limite légale. Il
faut aussi envisager le cas de l’inhalation de produits industriels contenant plusieurs
entités chimiques volatiles, dont la somme des mesures ferait monter artificiellement
le taux d’alcool mesuré. Ces éventualités sont rares, mais il ne faut pas les négliger.

3.8.3 Dosage dans le sang (méthodes officielles)


La méthode de dosage par distillation puis oxydation a été décrite au Journal Officiel
en 1955 puis détaillée en 1972 [2, 17]. L’alcool mais aussi d’autres substances volatiles
sont isolées par distillation avec une solution d’acide picrique. L’alcool présent dans le
distillat est oxydé par un mélange nitro-chromique. L’addition d’iodure de potassium
permet la libération d’iode dosé en retour par le thiosulfate de sodium. Le dosage
est effectué en double et il faut prendre la moyenne des deux résultats. La méthode
est bon marché. Elle est reproductible si elle est confiée à un opérateur entraîné mais
peu précise (5 %). Elle a le très gros inconvénient de ne pas être spécifique, dosant
en même temps toutes les substances volatiles réductrices présentes dans l’échantillon
(méthanol, formol, 1-propanol, 2-propanol, butanol, par exemple). Enfin, elle néces-
site 5 mL de sang, bien que l’on puisse effectuer le dosage sur 2,5 mL.
La CPG, officiellement utilisable depuis 1986, est la référence en ce domaine. Les
arrêtés d’application ne sont jamais parus, chaque analyste est libre d’utiliser le pro-
tocole de son choix. Les méthodes de l’alcool par CPG sont donc nombreuses. On
peut travailler avec des colonnes remplies type Porapack®Q, Carbopack®B ou C,
Carbowax®20M aussi bien qu’en colonnes capillaires. L’injection est soit manuelle,
directement après dilution de l’échantillon avec l’étalon interne, soit automatique
(espace de tête statique ou dynamique après addition d’un sel pour améliorer la
diffusion des substances volatiles dans le flacon). L’étalon interne est le plus souvent
le 2-propanol, mais il faut lui préférer le 1-propanol que l’on ne retrouve pas dans
le sang. La détection se fait par ionisation de flamme (FID).

3.8.4 Autres méthodes


Des méthodes enzymatiques sont parfois utilisées dans les laboratoires hospitaliers non
équipés de CPG. Le plus souvent automatisé, le dosage consiste en une transformation
de l’alcool éthylique en acétaldéhyde par l’ADH dont la coenzyme, le NAD se trouve
réduit en NADH mesuré par spectrophotométrie ultraviolette. Ces méthodes enzy-
matiques sont acceptables pour un usage hospitalier courant, mais la spécificité des

69
Drogues et accidentalité

mesures reste leur point faible, notamment en cas de présence de méthanol ou d’un
état d’acidocétose. C’est pour cette raison qu’elles n’ont aucune valeur légale.

3.8.5 Dosage dans l’humeur vitrée de l’œil (vitré)


Il est parfois impossible de prélever du sang sur un cadavre à la suite d’un grave acci-
dent. Dans ce cas, on peut faire appel au vitré et y doser l’alcool. Sturner en 1966
[12] fut le premier à démontrer qu’il existait une bonne corrélation entre les teneurs
en alcool du vitré et du sang. De très nombreuses études ont été menées depuis, dans
lesquelles le rapport moyen va de 0,90 à 1,38, le rapport théorique étant de 1,27 à
l’équilibre. Si le rapport est inférieur à 1, le décès serait survenu pendant la phase d’ab-
sorption d’alcool. On ne peut donc estimer qu’approximativement une alcoolémie à
partir de la concentration de l’alcool dans le vitré. Les avantages du dosage dans ce
prélèvement sont autres : même quand des soins de thanatopraxie ont été effectués,
on retrouve un rapport de 0,81. D’autre part, comme c’est un milieu très protégé
et peu sensible à la putréfaction et donc à la fermentation, l’alcool retrouvé dans le
vitré ne peut être que d’origine exogène. On peut donc supposer raisonnablement
que l’absence d’alcool dans le vitré avec une faible alcoolémie (< 0,3 g/L) signe une
production post-mortem d’éthanol. Au contraire, une alcoolémie supérieure à 0,5 g/L
a 99 % de chance d’être associée à la présence d’alcool dans le vitré [2].

3.9 Assurance de qualité


Pour les éthylomètres, les seuls points d’assurance de qualité sont la conformité
aux normes officielles, établies par un laboratoire indépendant, puis la vérification
annuelle et l’apposition d’une marque le précisant. Les appareils s’autocontrôlent
avant chaque analyse et en particulier avant la seconde mesure. La traçabilité des
résultats n’a pas été envisagée et rien n’est prévu officiellement pour la formation
des forces de l’ordre à l’utilisation de ces éthylomètres.
Pour les dosages sanguins, le guide de bonne exécution des analyses de biologie
médicale (GBEA) et les règles de l’expertise judiciaire s’appliquent. Après enregis-
trement des scellés, la description des flacons de sang (état, volume, identification,
correspondance avec les fiches A et B) est primordiale. Un exemplaire des fiches
B et C doit toujours être conservé. Lors des dosages, les contrôles internes per-
mettent une dérive de l’appareillage. La participation à un programme de contrôle
externe complétera la démarche d’assurance qualité. Celui organisé à l’initiative de
la Société française de toxicologie analytique (SFTA) et de la Compagnie Nationale
des Biologistes et Analystes Experts (CNBAE) a remporté un vif succès et a montré,
s’il en était besoin, la supériorité de la CPG sur les méthodes enzymatiques [2].

70
Alcool éthylique (éthanol)

3.10 Interprétation des résultats


La formule de Widmarck [18] permet théoriquement après détermination de
l’alcoolémie d’un sujet de remonter à la quantité d’alcool pur ingéré.

Formule de Widmarck
M=C×R×P
M représente la quantité d’éthanol ingéré en g.
C représente l’éthanolémie en g/L.
R est le rapport entre le pourcentage de l’alcool dans l’organisme et le pourcentage
de l’alcool dans le sang. Ce facteur de répartition R est estimé à 0,68 pour l’homme
et à 0,55 pour la femme.
P représente le poids du sujet en kg.

Pour estimer le nombre de verres bus, il suffira de diviser la quantité d’alcool estimée
par la quantité d’alcool contenue dans un verre de boisson alcoolique. On estime
qu’un verre du commerce contient environ 12 g d’alcool pur. La contenance de ces
verres est normalisée (bière : 250 mL ; vin : 120 mL ; apéritifs et vins cuits à 18° :
80 mL ; boissons distillées à 40° : 40 mL).

3.11 Conclusion
L’alcool représente un coût très lourd pour l’individu et pour la société. Comme
pour toutes les conduites de dépendance, les conséquences de la consommation
excessive d’alcool sont particulièrement graves tant sur le plan physiopathologique,
qu’au plan psychosocial. Si au cours de ce chapitre nous avons évoqué principa-
lement les risques à court terme dont l’ivresse, un état de désinhibition pouvant
être à l’origine d’accidents de la circulation, d’accidents du travail, de violences
publiques ou conjugales, il n’en demeure pas moins que la consommation régulière
d’alcool à long terme entraîne une dépendance qui se manifeste par une recherche
compulsive du produit. L’alcool consommé en excès pendant plusieurs années a des
effets redoutables sur l’organisme, notamment sur le foie et le système nerveux. Les
atteintes du foie provoquent des surcharges en lipides (stéatoses), des cirrhoses, des
hépatites alcooliques, et aggravent l’évolution des hépatites B et C. Les atteintes
du système nerveux diminuent l’activité des neurones et provoquent des troubles
cognitifs, des troubles de la mémoire, de la perception, une détérioration des capa-
cités d’élaboration, une désorganisation des mouvements, des états confusionnels.
En outre le contact du produit avec les voies aérodigestives supérieures entraîne
chez les gros consommateurs d’alcool un risque accru de cancers de la bouche, du

71
Drogues et accidentalité

pharynx, de l’œsophage et du larynx. Enfin l’alcool traversant la barrière placentaire,


on sait aujourd’hui que les femmes enceintes qui consomment régulièrement de
l’alcool prennent le risque de perturber le développement psychomoteur de leur
enfant. La prévention contre l’alcoolisme revêt donc une importance capitale et les
mesures prises notamment en matière de circulation routière incitent les buveurs
occasionnels ou excessifs à réfléchir avant de prendre le volant et aux conséquences
désastreuses de l’alcool pour leur propre santé.

3.12 Documents de référence


[1] Com-Ruelle L., Dourgnon P., Jusot F., Lengagne P. Les problèmes d’alcool en France. Ques-
tions d’économie de la santé. 2008 ; 129 : 1-6.
[2] Deveaux M. L’alcool. In : Mura P (coordinateur). Alcool, Médicaments, Stupéfiants et
Conduite Automobile. Paris : Elsevier 1999 : 3-19.
[3] Inserm. Alcool. Dommages sociaux. Abus et dépendance. Paris : Inserm, coll. Expertise
collective, 2003.
[4] Persechino B., Iavicoli S. Work and alcool abuse: the issues. G. Ital Med Lav Ergon. 2007 ;
29 (3 Suppl) : 510-513.
[5] Beck F., Legleye S., Le Nézet O., Spilka S., Atlas régional des consommations d’alcool 2005.
Données INPES/OFDT. Saint Denis : INPES, coll. Études santé territoires, 2008.
[6] Kintz P., Villain M., Mandel A., Cirimele V. Les marqueurs de l’éthylisme chronique. Focus
sur les approches immuno-chimiques. Ann. Toxicol. Anal. 2009 ; 21(1) : 21-25.
[7] Zakhary S. Overwiew : How alcohol is metabolized. Document consulté sur le site : http ://
pubs.niaaa.nih.gov/publications/arh294/245-255.htm/le 23 juin 2009.
[8] Lands W. A review of alcohol clearance in humans. Alcohol 1998 ; 15 : 147-160.
[9] Document consulté sur le site : http ://ist.inserm.fr/basisrapports/alcool_effets/alcool_
effets_ch1.pdf/ le 23 juin 2006.
[10] Salmela KS., Kessova IG., Tsvlorv IB., Lieber CS. Respectives roles of human cytochrome
P-4502E1, 1A2, and 3A4 in the hepatic microsomal ethanol oxidizing system. Alcohol Clin
Exp Res. 1998 ; 22 : 2125-2132.
[11] Silvain C., Chagneau-Derrode C. Métabolisme de l’éthanol. Document consulté sur le site :
http ://www.em-consulte.com/article/38598/ le 23 juin 2009.
[12] Sturner WQ., Coumbis RJ. The quantitation of ethyl alcohol in vitreous humor and blood
by gas chromatography. Am. J. Clin. Pathol. 1966 ; 46 : 349-351.
[13] Goullé JP., Lacroix C. Alcoolémie : aspects médico-légaux. Toxicorama 1999 ; 11(4) : 54-66.
[14] Lhermitte M., Klein A., Danel T. Les marqueurs biologiques de la consommation d’alcool.
Ann. Toxicol. Anal. 2002 ; 14(1) : 58-63.
[15] Lamiable D., Hoizey G., Marty H., Vistelle R. Intoxication aiguë à l’éthanol.Document
consulté sur le site : http ://www.em-consulte.com/article/23623/ le 23 juin 2009.

72
Alcool éthylique (éthanol)

[16] Comité des experts de la sécurité routière. Groupe expertise alcool : Document consulté
sur le site : http ://www.securiteroutiere.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/DPViesSauvees_
Continuons_cle2ecc11.pdf/ le 23 juin 2009.
[17] Deveaux M. Alcool éthylique. In : Kintz P (coordinateur). Toxicologie et Pharmacologie
Médicolégales. Paris : Elsevier 1998 : 111-126.
[18] Widmarck EMP. Principles and applications of medicolegal alcohol determination. Trans-
lated from original publication in German, by RC Baselt, 1932. Biomedical Publications,
1987 : 107-108.

73
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Patrick Mura1 et Véronique Dumestre-Toulet2

4
Cannabis

Introduction
En juin 2003, dans le sud-ouest de la France, un camion benne de collecte de
déchets ménagers se renverse dans un virage avec à son bord le chauffeur et deux
agents de collecte. Les agents de collecte sont légèrement blessés. Le chauffeur
présente un traumatisme thoracique et des lésions de compression aux tiers infé-
rieurs des deux jambes. L’enquête précise que le disque du chrono-tachygraphe
révèle une vitesse de 60 km/h à l’entrée du virage alors que la vitesse y est limi-
tée à 30 km/h. La recherche des stupéfiants dans le sang indique la présence de
cannabinoïdes avec un THC à 4 ng/mL et un THC-COOH à 57,8 ng/mL.
En juin 2008 dans l’Eure, un jeune conducteur de 22 ans décède dans une col-
lision après avoir traversé un terre plein central, heurté un autre véhicule et fait
des « tonneaux ». Ses quatre passagers de moins de 27 ans sont également tués. La
vitesse était en cause, mais pas seulement. Si le conducteur présentait une alcoolé-
mie inférieure à 0,5 g/L, le THC et ses métabolites étaient eux bien présents. Cinq
morts pour un « pétard » !

1. Laboratoire de Toxicologie et Pharmacocinétique, CHU de Poitiers.


2. Laboratoire Toxgen, Bordeaux.

75
Drogues et accidentalité

En novembre 2008, sur une autoroute du pays Basque, un chauffeur de poids lourd
venant d’Espagne ne ralentit pas dans une zone de travaux et renverse sa remorque
qui contenait des billes de bois. Trois morts sont identifiés dans le véhicule tota-
lement écrasé qui arrivait en face. Les analyses sanguines du chauffeur révèlent la
présence de THC (1,2 ng/mL) et de THC-COOH (21 ng/mL). Le chauffeur a
déclaré aux enquêteurs pendant la garde à vue qu’il n’avait pas vu la signalisation
des travaux et le rétrécissement de chaussée.
En mars 2009, M. X, couvreur zingueur qui travaille sur un toit fait une chute acci-
dentelle d’une hauteur de 8 m et décède sur le coup. L’analyse du sang indique la
présence d’alcool et de cannabis (THC : 5,6 ng/mL ; THC COOH : 48 ng/mL). Il
avait bu et fumé deux heures avant l’accident.
Qu’il s’agisse de conduite à usage privé, de conduite à usage professionnel, ou
d’accidents du travail non liés à la conduite d’un véhicule, ces exemples sont hélas
devenus fréquents en France.
Le terme latin cannabis est dérivé du grec kannabis avec une racine assyrienne quanabu.
Cette plante originaire d’Asie centrale est connue depuis environ 5 000 ans avant notre
ère, et se serait diffusée au gré des migrations humaines vers l’Occident [1].
Aujourd’hui, le cannabis est le stupéfiant le plus utilisé et le plus disponible en
France. En 2005, plus de 12 millions de personnes (3/10) déclarent en avoir déjà
consommé et 1,2 million de consommateurs réguliers sont déclarés (plus de 10 fois
dans les 30 derniers jours) [1]. La France est le deuxième pays européen après
l’Espagne pour la consommation de cannabis.
De tels chiffres donnent le vertige et il s’agit d’un véritable problème de société
puisque le coût social du cannabis en tenant compte de toutes les dépenses pour
la collectivité est estimé à 919 millions d’euros [1].
L’usage du cannabis est un facteur d’insécurité dans de nombreuses situations de la
vie, ayant entraîné la mise en place de nombreux travaux ou même de législations
spécifiques :
› Le cannabis est impliqué dans les accidents de la route. Plusieurs études mul-
ticentriques ont été réalisées depuis 10 ans [2–6] à l’origine de législations
spécifiques concernant la violence routière [7, 8].
› Le cannabis est impliqué dans de nombreux accidents du travail comme le
mentionnent des travaux et des publications récentes [9–12].
› Le cannabis est présent dans les affaires de soumission chimique selon les résultats
de l’enquête sur la soumission chimique menée par l’Afssaps de 2003 à 2005 [13],
ce qui n’est pas surprenant compte tenu de ses effets sur le psychisme [14].
› Le cannabis est présent dans de nombreux cas de décès (37,5 %) en relation
avec l’abus de médicaments et de substances selon l’étude DRAMES [15].
Dans ce chapitre, nous aborderons ces différents aspects et les données les plus
récentes issues de différentes études publiées et des travaux de la commission

76
Cannabis

« Drogues et conduites addictives » de la Société française de toxicologie analy-


tique (SFTA www.sfta.org).

4.1 Les produits


4.1.1 Prévalence en France et en Europe
4.1.1.1 En France
La prévalence de consommation de cannabis connaît depuis quelques années
une progression spectaculaire [16–18]. L’Observatoire français des toxicomanies
(OFDT) estime que parmi les 1,2 millions d’usagers réguliers, le nombre d’usagers
quotidiens est de 550 000 et que la part des consommateurs réguliers est en hausse,
étant passée de 3,8 à 5,9 % entre 2000 et 2005 [1]
Les enquêtes menées lors de la journée d’appel à la défense (ESCAPAD 2000 et
2005) ou ESPAD 2003 (European School Survey Project on Alcohol and Other
Drugs), le baromètre Santé 2005 de l’INPES (Institut national de prévention et
d’éducation pour la santé), les sources de l’Office central pour la Répression du
trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) permettent d’avoir des données relativement
précises.

Estimation du nombre de consommateurs de cannabis


en 2005 parmi les 12–75 ans
– Expérimentateurs : 12,4 millions
– Dont actuels : 3,9 millions
– Dont réguliers : 1,2 millions
– Dont quotidiens : 550 000

Les hommes se révèlent être des consommateurs plus nombreux que les femmes
(4,3 % vs. 1,3 % chez les usagers réguliers) et l’usage diminue avec l’âge comme le
montre la figure 4.1. La consommation à l’adolescence est précoce et en augmen-
tation (12,8 % des jeunes de 13 ans et 49,5 % des jeunes de 17 ans ont expéri-
menté le cannabis au moins une fois). Par ailleurs, les usages sont plus importants
chez les moins de 20 ans actifs, en apprentissage ou formation alternée que les
élèves et étudiants. Il existe des variations importantes selon le milieu social et la
sociabilité [1].
Selon l’OCRTIS, le cannabis est le premier produit stupéfiant saisi en France (9 sai-
sies sur 10) ; 87 tonnes de cannabis (très majoritairement de la résine) ont été saisies
en 2005, vs. 51,6 tonnes en 1997. L’essentiel de la résine consommée en France
provient du Maroc, dont la surface cultivée était en 2006 de 76 400 hectares.
L’herbe est importée majoritairement de Belgique et des Pays-Bas.

77
Drogues et accidentalité

%
75 Hommes-vie
70
65 Femmes-vie
59
60 57
53 Hommes-année
55
50 48 Femmes-année
45 41
38 39 39
40
35 32 30 30
30 27
24 25 24
25 21
20 16 17
15
15 18 11 11
9
10 14 7 5 6
9 4 1
5 5
4 0
0
15-19 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59 60-64
ans ans ans ans ans ans ans ans ans ans

FIG. 4.1 Usages du cannabis aux cours de la vie et de l’année par sexe et par âge en 2005 [1].

Le chiffre d’affaires annuel en 2005 issu de la vente de cannabis est évalué, à partir
des données déclaratives, à 832 millions d’euros.
Le prix moyen d’un gramme de cannabis est aujourd’hui d’environ 4 euros, après
avoir baissé de 30 % au cours des dix dernières années. On constate également
une part importante de don de cannabis chez les adolescents (enquête ESCAPAD
2005).
Le nombre de consommateurs recourant à l’autoculture peut être estimé à
200 000.
En 2005, 90 905 usagers de cannabis ont été interpellés contre 66 577 en 1997
(soit + 36 %). Les usagers interpellés sont très majoritairement jeunes (23 ans en
moyenne avec 15 % de mineurs en 2001, beaucoup plus que pour les autres stupé-
fiants). Le devenir judiciaire des usagers est difficile à évaluer mais il semble y avoir
une hausse des alternatives aux poursuites, ayant représenté 80 % des procédures
en 2005 (rappel à la loi, injonction thérapeutique, classement avec orientation
sanitaire, composition pénale).
Les interpellations en France pour trafic de cannabis en 2005 ont été de 12 929
dont 98 % dans le cadre d’un trafic local ou usage/revente. Seulement 2 % des
interpellations concernent le trafic international qui reste très difficile à démanteler.
On observe une hiérarchie entre les sanctions judiciaires à l’encontre des trafiquants
donnant lieu à des peines d’emprisonnement pour les importations/exportations,
prison avec sursis et fortes amendes dans les cas d’offres/cessions.

78
Cannabis

4.1.1.2 En Europe
L’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a obtenu une
standardisation des protocoles de recueil des données dans les différents pays per-
mettant de dresser une cartographie. On estime à 3 millions le nombre d’usagers
quotidiens en 2003 en Europe. Le cannabis s’est diffusé massivement en Europe
occidentale depuis 1990. La France fait partie en 2003 et en 2005 des pays les
plus consommateurs avec 17 à 22 % d’usagers dans la population (adultes +
adolescents) au cours de l’année écoulée, juste après l’Espagne et avant le Royau-
me-Uni, la république Tchèque et Chypre. En ce qui concerne la population
adolescente (15–16 ans), la France arrive en tête avec 22 % pour un usage au
cours du dernier mois, alors que des pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni,
la République Tchèque, la Belgique et la Suisse annoncent une consommation
entre 16 et 21 %, et la Grèce, Roumanie, La Pologne et la Suède rapportent
des taux inférieurs à 5 %. Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie occupent une
position médiane.

4.1.2 Description
Le cannabis est une plante appartenant à l’ordre des urticales et à la famille des
cannabinacées (figure 4.2), décrit en 1758 par Linné sous le nom de Cannabis
sativa [1, 18, 19]. Les deux principales variétés sont Cannabis sativa variété
sativa (chanvre textile ou fibreux) et Cannabis sativa variété indica (chanvre
indien ou type « drogue »). Le chanvre textile est cultivé en Europe pour ses
fibres (tissus, cordages) et pour ses graines oléagineuses ou chènevis. Le chanvre
« Indien » pousse de façon endémique dans les régions tropicales ou subtropicales
mais est aussi cultivé pour sa production de « résine » riche en principes actifs
psychotropes.
Il s’agit d’une plante herbacée annuelle dont les plants peuvent atteindre de deux à
six mètres dans des conditions de culture idéale ainsi que pour le chanvre textile. Le
port est élégant et sa couleur est d’un vert très caractéristique. Les plants portent des
feuilles opposées à la base puis alternées, découpées en 5 à 7 folioles ou segments.
Les segments sont lancéolés, dentelés et disposés en éventail.
La plupart des variétés ont des plants mâles et femelles séparés, le plant mâle
étant plus petit et plus grêle. Les inflorescences femelles ou sommités fleuries
(groupement des fleurs sur la plante) se présentent en cymes compactes, mêlées de
bractées foliacées et sécrètent une « résine » sous forme de fins cristaux adhérents
aux fleurs et aux feuilles. Le plant femelle serait plus riche en résine que le plant
mâle. Le fruit ou graine (le chènevis) est un akène ovoïde qui ne contient pas de
principe actif.
La variété sinsemilla, obtenue à partir des plants femelles non pollinisés et dépourvus
de graines, produit davantage de résine.

79
Drogues et accidentalité

cannabis ???

cannabis sativa

FIG. 4.2 Cannabis sativa (selon www.botanical.com).

Les cannabinoïdes présents dans la résine et dans les feuilles sont les substances
psychoactives spécifiques du cannabis. Parmi la soixantaine de cannabinoïdes pré-
sents dans le Cannabis sativa indica, on trouve essentiellement des terpénophénols,
parmi lesquels figure le delta-9-trans tétrahydrocannabinol (THC) qui constitue le
principal produit psychoactif chez l’homme.
Selon les conditions climatiques et les conditions de culture, la teneur en THC peut
varier de façon considérable. Ainsi, grâce à des techniques horticoles très poussées
(cultures sous serres, hydroponiques, conditions de températures et de luminosités
optimales), les Néerlandais arrivent à obtenir des variétés à très forte teneur en THC
(Nederwiet, super-skunk) [16, 17].
Le cannabis que l’on trouve en Europe vient essentiellement du Maroc et des Pays-
Bas (pour l’herbe essentiellement). Cependant les pays producteurs et exportateurs
dans le monde sont aussi l’Afghanistan, la Thaïlande, le Pakistan, le Népal, le
Liban, l’Afrique subsaharienne, la Colombie, la Jamaïque, le Mexique. Le marché
américain est alimenté par une production illicite très importante de certains États
de l’Ouest [1].
Plusieurs études ont été menées afin d’évaluer les concentrations en THC [20-23].
Il faut citer en particulier deux études menées sur les produits de saisies en France.
La première étude sur la période 1993/2000 rassemble 5 152 résultats d’analyse
et montre que, jusqu’en 1995, les deux tiers des échantillons d’herbe contenaient
moins de 5 % de THC, et la moitié des résines entre 5 et 10 % de THC [20].
Sur la période 1996-2000 commencent à apparaître des échantillons d’herbe et de

80
Cannabis

résines (10 % environ) fortement titrés en THC avec des teneurs de 10 à 20 %.


L’étude réalisée entre 2001 et 2004 [21] sur 3 322 échantillons montre en com-
paraison des résultats de l’étude précédente, que les teneurs en THC des résines se
recentrent dans la fourchette 10 à 15 % pour la résine. Ainsi la teneur moyenne n’a
cessé d’augmenter et a été multipliée par 2 en 10 ans (teneur moyenne des résines
en 1993-1996 : 4,3 % et en 2001-2004 : 8,84 %). Cette évolution des teneurs en
THC est illustrée par la figure 4.3. De tels produits n’ont donc plus grand chose en
commun, en terme de toxicité, avec le cannabis des années 1960 [21, 10].

60

50
93 à 95
Échantillons %

40
96 à 98
30 99 et 2000
01 et 02
20
03 et 04
10

0
0-5 5-10 10-15 15-20 > 20

THC % de matière sèche

FIG. 4.3 Évolution des teneurs en THC dans les échantillons de résines entre 1993 et 2004.

4.1.3 Mode de consommation

Appellations du cannabis
Le cannabis disponible en France est désigné sous de multiples appellations [1, 19]
(sources SINTES et TREND) faisant référence :
– à l’origine géographique : afghan, marocain, africain, libanais, népalais… ;
– à la langue du pays d’origine : marijuana, haschich, h, hasch, haya ou aya, kif au
Maroc, zamal à la Réunion, kali en Guyane, zahref au Liban, grifa au Mexique ;
– à une variété spécifique ou à un mode de culture pour de l’herbe : skunk ou super
skunk, sinsemilla, ganja, haze, white widow ;
– à une qualité supérieure : pollen bombe, gras, spoutniz ou inférieure : tchernobyl
ou tcherno ;
– à une appellation argotique : beuh, beu, rebeu, (herbe), tosma (matos), techi,
teuch, toch, shit, merde, weed.

81
Drogues et accidentalité

Il peut-être consommé sous plusieurs formes [1, 16, 19].


L’herbe, encore appelée foin, chiendent, est un mélange de sommités fleuries et de
feuilles, séchées et hachées contenant souvent des graines dont la texture ressemble
à celle du thé. Son odeur est forte et caractéristique. Ces préparations sont destinées
à être fumées, soit pure (pétard) ou mélangées à du tabac (joint) dans du papier à
cigarette. Certains les fument également dans des pipes (pipes à kif, shilom) ou en
utilisant des narguilés ou chicha, pipes orientales à long tuyau communiquant avec
un flacon d’eau aromatisée que la fumée traverse avant d’être inhalée. Le bangh
indien ou bong est à l’origine une décoction aqueuse ou alcoolique d’herbe avec
du lait. Toutefois, ce terme désigne aujourd’hui en France une pipe à eau, souvent
fabriquée par l’usager avec une bouteille plastique et un tuyau en caoutchouc (bang)
et qui sert à consommer des douilles (quantité définie).
Il faut également citer l’autoculture ou culture de cannabis par un particulier en
plein air ou en intérieur (dite « en placard ») en recrudescence en France [1].
La résine (haschich) est une poudre brunâtre ou jaunâtre obtenue par battage et
tamisage des feuilles et des sommités florales sèches, puis compressée sous forme
de plaquettes ou savonnettes dont la taille et le poids peuvent être très variable
(100 à 250 g). Elles sont d’ordinaire vendues détaillées sous formes de barrettes
de 2 à 10 g enveloppées de papier aluminium ou de cellophane. La résine est
souvent mélangée (adultérée) à divers ingrédients comme du henné, du curry ou
encore de la terre, de la graisse, de la cire… Une adultération par des billes de
verre destinées à alourdir le poids du produit a été rapportée en 2007 en France
([1], source TREND). La résine est principalement utilisée pour confectionner
des joints en émiettant après chauffage une petite quantité dans du tabac, roulé
dans du papier à cigarette. Bien que le NIDA (National Institute of Drug Abuse)
définisse le joint standard comme contenant 9 mg de delta-9-THC, une étude
réalisée en France en 2005 estime qu’un joint moyen contient entre 20 à 50 mg de
THC correspondant à une dose absorbée par l’usager (selon la manière de fumer)
comprise entre 3,5 et 24 mg [1, 17].
La résine peut aussi être utilisée dans des compositions culinaires : « beurre de
Marrakech », « space-cake ».
L’huile de cannabis est un liquide visqueux, brun vert à noirâtre, d’odeur vireuse.
Elle résulte de l’extraction de la résine par de l’alcool à 90° suivie d’une exposition
au soleil pour évaporer l’alcool. L’huile contient environ 60 % de THC. Lorsqu’elle
est consommée telle quelle, elle possède des effets hallucinogènes. L’huile est utilisée
fumée ou ingérée, elle est cependant peu répandue en France.
Les graines de cannabis (chènevis) ne contiennent aucune substance psychoactive. Elles
sont généralement récupérées pour la semence ou destinées à alimenter les oiseaux. Quant
aux pailles, elles sont brûlées ou réincorporées dans le sol pour servir d’amendement.
Sous les appellations de Gorilla ou Sence, le spice est apparu en 2004 et s’est réel-
lement répandu en 2006 puis largement proposé à la vente en 2007 sur Internet.

82
Cannabis

Présenté comme un encens ou comme un mélange de plantes exotiques, vendu


sous forme de sachets de 3 g à un prix de 15 à 30 €, son aspect est très voisin
de l’herbe. En 2008, un laboratoire allemand y a identifié un cannabinoïde de
synthèse, le JWH-018. Peu de temps après, l’université de Fribourg a révélé la
présence d’un autre cannabinoïde de synthèse, le CP-47,497. Enfin, le labora-
toire des douanes aux États-Unis y a identifié du HU-210, un cannabinoïde de
synthèse aux effets psychoactifs extrêmement puissants. Après avoir été interdit
dans plusieurs autres pays, le spice a été inscrit sur la liste des stupéfiants en
février 2009.

4.1.4 Composition chimique


On distingue aujourd’hui plus de soixante cannabinoïdes naturels. Il s’agit de dérivés
phénoliques non azotés du benzopyranne. Parmi les cannabinoïdes présents dans la
plante (figure 4.4), on trouve principalement : le cannabidiol (CBD), le cannabinol
(CBN), le delta-9-transtétrahydrocannabinol (THC), le delta-8-transtétrahydrocanna-
binol et les acides delta-8 et delta-9-tétrahydrocannabinoliques. Ce dernier ne possède
pas d’effets psychodysleptiques mais il est transformé en THC lors de sa combustion,
lorsque la plante est fumée. La principale composante psychoactive du cannabis est le
THC, un psychodysleptique majeur, plus actif sous sa forme lévogyre [19].

CH3 CH3
9
8 OH OH
7 1

H3C H3C
H3C O C5H11
H3C O 3 C5H11
4

Delta-9-trans-tetrahydrocannabinol (THC) Cannabinol

CH3 COOH

OH OH

H3C H3C
H2C C5H11 H3C O C5H11
HO

Cannabidiol Acide 11-nor-delta-9-


tetrahydrocannabinol-carboxylique (THC-COOH)

FIG. 4.4 Structure chimique des principaux cannabinoïdes.

83
Drogues et accidentalité

À côté des cannabinoïdes, la fumée de cannabis contient de très nombreuses


autres substances (on en dénombre environ 460) : monoxyde de carbone, phénols,
acroléine, acétaldéhyde, toluène, chlorure de vinyle, crésols, cyanures, acétone,
ammoniaque, benzopyrène, benzanthracène, diméthylnitrosamine, méthyléthyl-
nitrosamine, etc. Cependant, nous limiterons notre propos aux cannabinoïdes,
composés responsables des effets psychotropes du cannabis.

4.2 Pharmacologie
Après inhalation, 15 à 50 % du THC présent dans la fumée sont absorbés et
passent dans le flux sanguin [24]. Les concentrations sanguines maximales (50 à
400 ng/mL) sont obtenues en 7 à 10 min après le début de l’inhalation [25, 26] et
sont dose-dépendantes. Très lipophile, le THC se distribue rapidement dans tous
les tissus riches en lipides dont le cerveau, et de manière persistante dans toutes
les zones cérébrales à forte densité de récepteurs [27]. Chez des sujets décédés et
pour lesquels une autopsie avait été pratiquée, il a été montré que le THC pou-
vait encore être présent dans le cerveau à des concentrations significatives voire
importantes alors qu’il n’était plus détectable dans le sang [28]. Les auteurs avaient
également révélé au niveau cérébral la présence de 11-OH-THC et de THC-
COOH. Le volume de distribution du THC dans l’organisme est de 4 à 14 L/kg
[29]. Cette fixation tissulaire importante est responsable d’une diminution rapide
des concentrations sanguines [30]. Des auteurs ont montré que 60 min après le
début de l’inhalation d’un « joint » contenant 1,75 % de THC, les concentrations
sanguines étaient inférieures à 10 ng/mL [31].
Cette forte lipophilie, l’existence d’un cycle entéro-hépatique et de la réabsorption
rénale se traduisent par des effets psychoactifs prolongés. Des auteurs [32] ont
étudié sur simulateurs de conduite les effets (erreurs de conduite) obtenus par la
consommation de « joints » dosés à 100, 200 ou 250 μg/kg de poids du sujet.
Ils ont indiqué l’existence d’effets dose-dépendants et d’une corrélation linéaire
significative pendant une durée de 2 à 7 h (selon les effets, le plus persistant étant
le suivi de trajectoire). Les concentrations sanguines en THC ne peuvent être
utilisées pour juger des altérations comportementales induites par une consom-
mation de cannabis. En effet, sur la base des travaux de Cocchetto et coll. [33],
Harder et coll. [34] ont comparé l’évolution dans le temps des concentrations
sanguines de THC et les effets psychiques ressentis par les sujets, après consom-
mation de « joints » contenant 1, 3 ou 9 mg de THC. Les résultats, illustrés par la
figure 4.5, montrent que les effets psychiques obtenus après consommation isolée
d’un joint contenant 9 mg de THC persistent pendant une durée d’environ 2 h,
tandis que la concentration en THC dans le sang est rapidement très faible et de
l’ordre du ng/mL au bout de 2 h. Les mêmes auteurs ont par ailleurs montré que
l’amplitude des effets était dépendante de la dose et de la concentration sanguine
maximale observée.

84
Cannabis

ng/ml
300

250

200

150

100

50

0
0 0,4 0,8 1,2 1,6 2 2,4 2,8 3,2 heures

FIG. 4.5 Concentrations en THC (triangles) et effets physiques et psychiques « ressentis »


par le sujet (carrés) en fonction du temps après inhalation de 9 mg de THC [33].

Des travaux récents [35, 36] ont montré que chez des consommateurs réguliers
et intensifs, le THC pouvait être encore présent dans le sang à des concentrations
tout à fait significatives après sept jours d’abstinence. Sur les 25 sujets inclus dans le
protocole, 9 d’entre eux avaient encore des concentrations supérieures à 1 ng/mL.
De telles observations remettent donc en cause le fait que la présence de THC dans
le sang indique obligatoirement une consommation récente.
Le THC subit, au niveau des microsomes hépatiques, un métabolisme oxydatif
conduisant aux composés suivants :
› le 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (11-OH-THC). Métabolite psychoactif, ses
concentrations sanguines sont de 4 à 20 ng/mL après 20 min et inférieures à 1 ng/
mL 4 h après le début de l’inhalation [25]. Lorsque le cannabis est consommé par
ingestion, la quasi-totalité du THC est hydroxylée (principalement en 11-OH-
THC) au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui se traduit dans le compartiment
sanguin par une concentration en 11-OH-THC supérieure à celle du THC.
› le 8β-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol, potentiellement psychoactif mais dont
la participation aux effets du cannabis est négligeable en raison de ses très faibles
concentrations et d’un métabolisme très rapide ;
› deux autres composés hydroxylés, dérivant des précédents et considérés comme
inactifs, ont été identifiés : le 8β,11-dihydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol et le
8α-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol ;
› le 11-nor-9-carboxy-Δ9-tétrahydrocannabinol (métabolite acide, THC-
COOH). Obtenu par oxydation du 11-OH-THC, il ne possède aucune activité

85
Drogues et accidentalité

pharmacologique. Cet acide commence à apparaître dans le sang dans les minu-
tes qui suivent l’inhalation. Au cours des étapes successives de distribution et
de métabolisme du THC, les concentrations en THC-COOH dans le sang
augmentent tandis que celles de THC décroissent.
L’élimination des cannabinoïdes se fait par différentes voies : digestive, rénale, sudo-
rale. Environ 15 à 30 % du THC sanguin sont éliminés dans les urines sous forme
de THC-COOH, et 30 à 65 % le sont par les selles sous forme de 11-OH-THC
et de THC-COOH. En raison de sa forte fixation tissulaire, l’élimination urinaire
est lente. Les demi-vies d’élimination sont très variables selon la dose et selon qu’il
s’agit de consommateurs occasionnels ou réguliers. Par exemple, dans le cas d’une
consommation peu importante mais répétée (un « joint » par jour contenant 1,75
ou 3,55 % de THC pendant 2 semaines), elles sont comprises entre 44 et 60 h
[37]. Chez de gros consommateurs réguliers, du THC-COOH peut être encore
présent dans les urines 27 jours après arrêt de la consommation [38]. Du THC
et du 11-OH-THC peuvent également être retrouvés après 24 jours d’abstinence
dans les urines de consommateurs réguliers et intensifs [39]. Selon les auteurs, ces
résultats indiquent clairement que la présence de THC et/ou de 11-OH-THC dans
les urines ne constitue pas une preuve d’usage récent.

4.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral


Les récepteurs et leurs localisations au niveau du cerveau sont désormais bien connus
[40, 41]. Les récepteurs CB1 sont des récepteurs membranaires interagissant avec
les protéines G, constitués de 473 acides aminés et comportant plusieurs sites de
glycosylation. Ils sont localisés principalement au niveau central dans les structures
suivantes : cortex frontal, cortex occipital, substance noire, cervelet, hippocampe. Des
concentrations bien moindres de récepteurs CB1 ont aussi été retrouvées au niveau
de l’utérus, des gonades, du cœur et de la rate. On n’en retrouve pas dans le bulbe, ce
qui explique l’absence de décès directement imputable à une surdose de cannabis.
Le récepteur CB2 est aussi un récepteur membranaire. Peu présent dans le système
nerveux central, on le retrouve surtout dans les éléments figurés du sang : lympho-
cytes B, lymphocytes T, monocytes « natural killers » (NK).
Les mécanismes impliqués dans la voie hédonique, concourant au sentiment de
plaisir procuré par ces produits, sont aujourd’hui bien documentés, aboutissant
notamment à une augmentation de la libération de dopamine au niveau du noyau
accumbens et de l’aire tegmentale ventrale. De même, les mécanismes responsables
des perturbations cognitives et motrices sont aujourd’hui bien décrits [42]. La
liaison des cannabinoïdes aux récepteurs CB1 entraîne une inhibition de l’adényl-
cyclase par l’intermédiaire de la protéine Gi et une activation des AMP kinases par
l’intermédiaire des sous-unités β8. Parallèlement, les cannabinoïdes modulent les
canaux potassiques dans l’hippocampe et les canaux calciques de type N dans le
ganglion cervical supérieur. Le ligand naturel de ces récepteurs est l’anandamide, un
86
Cannabis

dérivé naturel de l’acide arachidonique. L’anandamide possède une bonne affinité


pour les récepteurs CB1 et une affinité bien moindre pour les récepteurs CB2. Il
diminue l’activité de la cellule nerveuse. Ce neurotransmetteur n’est pas stocké par
les neurones mais réside dans leur membrane sous forme d’un précurseur phospho-
lipidique, dont il est libéré sous l’influence d’une phosphodiestérase de type D.
Cette large panoplie de mécanismes explique la dépendance au produit qui perturbe
la plupart des fonctions cognitives et motrices impliquées dans la conduite d’un
véhicule [43, 44].

4.4 Effets sur le psychisme et conséquences


sur l’accidentalité
4.4.1 Effets psychiques d’une consommation isolée (effets aigus)
Les effets aigus sur le psychisme sont représentés par :
› des modifications de la perception du temps et des distances [45] ;
› des perturbations sensorielles [46] représentées par une perception exacerbée
des sons et surtout des modifications de la vision associées à une mydriase, une
diplopie et un nystagmus ;
› une diminution de la vigilance [17] associée à une sédation pouvant aller jusqu’à
la somnolence, voire l’endormissement ;
› des troubles thymiques et dissociatifs avec euphorie, anxiété, agressivité, déper-
sonnalisation avec disparition des inhibitions et indifférence vis-à-vis de l’envi-
ronnement, une conscience accrue de soi ;
› des hallucinations et délires possibles notamment avec les nouveaux produits
pouvant être très concentrés en cannabinoïdes [20] ;
› une diminution des performances intellectuelles, motrices et cognitives ;
› des perturbations de la mémoire immédiate pouvant persister après plusieurs
jours, voire semaines d’abstinence [47] ;
› des crises d’angoisse aiguë, bien qu’exceptionnelles, au cours desquelles un véri-
table état de panique peut s’installer.

4.4.2 Effets psychiques d’une consommation régulière


(effets chroniques)
Une méta-analyse a été effectuée en s’appuyant sur les résultats de 35 études [48].
Chez les patients ayant consommé du cannabis, le risque de développer plus tard
dans leur vie une pathologie psychiatrique (odds ratio) était augmenté d’un facteur
1,41 (1,20–1,65). Cette augmentation du risque est dose-dépendante. Les sujets
ayant eu une consommation fréquente avaient deux fois plus de risque de déve-
lopper une pathologie psychiatrique que les sujets n’ayant jamais consommé de
cannabis (odds ratio 2,09 ; 1,54–2,84).
87
Drogues et accidentalité

Parmi les effets sur le psychisme pouvant être induits par un usage régulier de
cannabis, sont rapportés :
› Un syndrome amotivationnel, fréquemment observé. Le sujet se désintéresse
de tout, n’éprouve plus de plaisir. Il ne parvient plus à se concentrer sur une
activité et fait abstraction de son environnement quotidien ;
› Des syndromes de désorganisation de la pensée, psychotiformes, pouvant sur-
venir même chez des sujets sans antécédent psychiatrique ;
› Une augmentation du risque de développement ou d’aggravation de la schi-
zophrénie [43]. L’association schizophrénie et addiction au cannabis est relati-
vement fréquente, cette comorbidité allant jusqu’à 40 % dans certaines études
[49]. Un risque suicidaire augmenté a été rapporté chez les schizophrènes
consommateurs de cannabis [50].

4.4.3 Conséquences sur l’accidentalité


L’usage de cannabis est un facteur indéniable d’insécurité routière. Si quelques
auteurs émettaient encore il y a quelques années des doutes sur ce point, cela n’est
plus de mise aujourd’hui [51–54]. C’est aussi la raison pour laquelle de très nom-
breux pays ont mis en place une législation sur ce thème. Une étude longitudinale
réalisée en Nouvelle-Zélande a même rapporté que, pour certaines populations de
conducteurs, les risques liés à la conduite sous influence de cannabis peuvent être
aujourd’hui supérieurs à ceux de la conduite sous influence de l’alcool [55].
Cette influence néfaste sur les capacités à conduire un véhicule en toute sécurité a
été démontrée par des études sur simulateur de conduite [54, 56–58], les résultats de
tests comportementaux [59, 60] ainsi que par de nombreuses études cas-témoins.
Une vaste étude multicentrique française [4] a été la première à quantifier le ris-
que relatif d’accident associé à un usage récent de cannabis. L’analyse du sang de
900 conducteurs impliqués dans un accident corporel et de 900 sujets témoins a
montré des différences de prévalences très significatives entre les conducteurs et les
témoins. Chez les moins de 27 ans, le principe actif du cannabis était seul présent
chez 15,3 % des conducteurs vs. 6,7 % des témoins. Dans cette même tranche
d’âge, l’analyse statistique des résultats (calcul des odds ratios) a permis aux auteurs
de montrer que la fréquence des accidents était multipliée par 2,5 avec un usage
récent de cannabis, et par 4,6 avec l’association alcool-cannabis.
Une étude réalisée en Guadeloupe sur 94 conducteurs et 94 témoins de moins
de 30 ans et utilisant un protocole similaire a révélé un sur-risque de 2,7 pour le
cannabis.
Ces résultats ont été confirmés ensuite par une étude australienne effectuée sur
3 398 conducteurs décédés dans un accident de la voie publique, avec un sur-risque
de 2,7 pour le THC [62].
Dans le cadre de l’application de la loi Gayssot, a été organisée en France
du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 la recherche systématique d’une
88
Cannabis

consommation de stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans un accident


immédiatement mortel de la circulation routière. Cette étude (« étude SAM »)
[63] a porté sur 10 748 conducteurs impliqués dans 7 458 accidents et les dosages
sanguins ont été réalisés par 34 laboratoires ou experts. Le seuil de positivité retenu
pour le THC était de 1 ng/mL. Tous âges confondus, 7 % du nombre total des
conducteurs étaient positifs au cannabis. Toutes concentrations confondues, la
fraction d’accidents mortels attribuable à une positivité au cannabis est de l’ordre
de 2,5 % (intervalle de confiance à 95 % : 1,5–3,5). Les auteurs en concluent que
le risque de décès d’un conducteur est augmenté par sa positivité au cannabis. Ils
ajoutent par ailleurs que des taux de cannabis peu élevés agissent essentiellement
dans le sens d’une plus grande vulnérabilité des conducteurs face à la rencontre
d’un événement inattendu et que, pour des valeurs plus élevées, on retrouve la
même dégradation globale des capacités de conduite que celle qui conditionne
des pertes de contrôle.
Toutes ces études ont permis de mieux apprécier quantitativement le niveau de
risque induit par une consommation de cannabis. Mais la plupart d’entre elles ont
inclus également les conducteurs non décédés immédiatement. Or, en raison de la
décroissance très rapide des concentrations sanguines en THC et du délai parfois
long (3 h à 4 h 30 dans le cas de l’étude SAM), il existe un risque important de
sous estimation de l’implication du cannabis dans les accidents.
Des études de prévalence plus récentes ont évité cet écueil en n’incluant que les
sujets décédés immédiatement au cours de l’accident. L’analyse du sang de 2003
conducteurs de moins de 30 ans, décédés dans un accident de la voie publique
en France pendant la période du 1er janvier 2003 au 31 juillet 2004 a confirmé
que le cannabis était de loin le stupéfiant le plus fréquemment retrouvé [6].
En effet, 793 conducteurs (39,6 %) avaient fait usage de cannabis, le métabo-
lite acide du THC (THC-COOH) étant présent dans le sang. Par ailleurs, du
THC était retrouvé chez 579 d’entre eux (28,9 %). Dans 80,2 % de ces cas
positifs, le THC était le seul stupéfiant présent. Une étude similaire portant sur
les années 2005 et 2006, effectuée sur 908 échantillons sanguins provenant de
conducteurs décédés de moins de 30 ans, a montré que les prévalences concer-
nant le THC et l’éthanol étaient devenues semblables, étant respectivement de
27,6 et 30,2 % [64].
L’implication du cannabis dans la survenue d’accidents du travail a été rap-
portée [65–67] mais on dispose à l’heure actuelle de très peu de données au
plan épidémiologique. L’altération des performances cognitives et motrices,
les troubles de l’attention, de la mémoire immédiate et de la perception sen-
sorielle, le syndrome amotivationnel, sont autant d’éléments induits par une
consommation de cannabis qui peuvent expliquer un risque accru d’accidents
du travail.

89
Drogues et accidentalité

4.5 Aspects analytiques


4.5.1 Particularités et choix des milieux biologiques
Démontrer qu’une personne a consommé du cannabis est une chose aisée. Les
tests de dépistage autant dans l’urine (chapitre 8, Dépistage urinaire), dans la salive
depuis le décret du 31/07/2008 (chapitre 9, Dépistage salivaire) que dans le sang
ou les cheveux [67, 68] répondent à cette question.
Montrer que, au moment d’un fait (contrôle routier, accident, décès, etc.), l’in-
dividu est sous influence de cannabis et que son comportement est modifié est
beaucoup plus difficile. Les propriétés physicochimiques des cannabinoïdes et en
particulier la lipophilie et liposolubilité exceptionnelles du THC sont responsa-
bles d’une distribution non linéaire dans les tissus de l’organisme [27–30]. Les
nombreux travaux publiés ces dernières années permettent néanmoins de mieux
connaître la pharmacocinétique des produits et d’optimiser le choix du milieu pour
la mise en évidence des cannabinoïdes dans l’organisme qui dépendra bien sûr du
test à réaliser, dépistage ou confirmation.
Ce sujet est largement développé dans des chapitres spécifiques de cet ouvrage et
nous ne ferons ici que résumer les principaux avantages et inconvénients des diffé-
rents milieux biologiques potentiellement utilisables.

4.5.1.1 Urine
On y retrouve essentiellement le principal métabolite du THC, le THC-COOH,
métabolite inactif, en fortes concentrations et le 11-OH-THC, métabolite actif,
sous forme conjuguée (moins de 2 % de la dose initiale). Les inconvénients de ce
milieu sont nombreux et sont liés en premier lieu aux propriétés physicochimiques
de la molécule. En effet, en raison de la forte lipophilie du THC, celui-ci sera
libéré très lentement des tissus adipeux. Ainsi, après consommation de cannabis, le
THC-COOH sera encore présent jusqu’à 8 à 12 jours après la prise chez un fumeur
régulier et jusqu’à 3 semaines chez un gros consommateur. Un résultat positif dans
les urines ne permettra donc pas de distinguer une consommation récente d’une
consommation plus ancienne. Par ailleurs, même si le recueil urinaire est un pré-
lèvement non invasif, il n’est pas facile à effectuer, notamment en bord de route
car il nécessite des véhicules spécialement équipés. Les possibilités d’adultération
sont nombreuses et largement explicitées sur Internet où l’on peut trouver des sites
dédiés à ces pratiques [70, 71].

4.5.1.2 Salive
Récemment admise en France comme milieu de dépistage dans le cadre des contrô-
les routiers (décret 31/07/2008) [72], elle a été et est encore l’objet de nombreuses
études [73–75]. Les principaux avantages de la salive sont sa facilité de recueil
(prélèvement non invasif ), un recueil pouvant être réalisé devant témoin (peu
de risque d’adultération), on y retrouve la plupart des stupéfiants et elle reflète
bien mieux que l’urine la présence d’un composé dans le sang puisqu’elle contient

90
Cannabis

essentiellement les produits parents. Les cannabinoïdes ne sont pas excrétés dans
la salive [73] (chapitre 9) mais leur voie d’administration étant quasiment toujours
buccale, le THC est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à
la contamination par la fumée inhalée et à une séquestration buccodentaire. La
recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas d’une
exposition récente au cannabis. Les quantités de salive recueillies sont cependant
peu importantes rendant difficiles les confirmations chromatographiques et une
éventuelle contre-expertise.

4.5.1.3 Sang
Le sang constitue un milieu idéal pour la confirmation car il permet de doser le
THC, le 11-OH-THC et le THC-COOH et de différencier généralement, selon les
termes du législateur [8] les sujets « ayant fait usage de » de ceux « sous influence »
de cannabis. Il peut être utilisé comme milieu de dépistage [68] en laboratoire,
mais ne peut être utilisé pour un dépistage rapide sur le lieu d’un accident (ou un
contrôle préventif ) à cause du caractère invasif du prélèvement et de l’exploitation
analytique longue et nécessitant des appareillages spécifiques.

4.5.1.4 Cheveux et autres phanères


L’analyse des cheveux ne permet pas de mettre en évidence une consommation
datant de quelques heures, mais renseigne sur le vécu toxicomaniaque d’un individu.
Ainsi, les recherches de cannabinoïdes dans les cheveux soit en dépistage [69], soit
par analyse séquentielle (en coupant les cheveux en segments de 1 cm) [76, 77]
permettent de confirmer un usage régulier de cannabis (en cas de litige) et de véri-
fier que le sujet a arrêté de consommer dans le cadre de la restitution du permis de
conduire après suspension pour infraction à la législation [78] (chapitre 11).
Il est à noter que les méthodologies utilisables pour l’analyse des cheveux et autres
phanères ne sont réalisables que par des laboratoires spécialisés.

4.5.1.5 Sueur
Ce milieu biologique est peu utilisé car le THC éventuellement présent (résul-
tat d’une concentration par évaporations successives) peut être éliminé par simple
lavage.
Sa présence peut aussi résulter d’une exposition passive.

4.5.1.6 Air expiré


À la différence de l’alcool, le THC est un composé très lipophile et n’est donc pas
ou infiniment peu éliminé par voie pulmonaire.

4.5.2 Dépistages
L’urine a été et reste encore le milieu de choix pour la plupart des contrôles routiers
(décret du 27 août 2001, loi violence routière 2003) [7, 8] mais aussi pour le suivi

91
Drogues et accidentalité

des salariés occupant des postes à risques dans les entreprises ayant mis en place
une politique de prévention et en l’attente d’une législation adaptée [11]. De plus,
les concentrations sont généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres
milieux biologiques.
Les tests immunochimiques conçus pour le dépistage urinaire représentent un
marché toujours croissant pour l’industrie du diagnostic. Il existe des tests non
instrumentaux dédiés au dépistage rapide (bord de route, lieu de travail…) dits
« savonnettes », de qualité variable et des tests nécessitant un équipement de labora-
toire se présentant sous la forme de trousse de réactifs adaptés à un automate (tests
EMIT, RIA, FPIA, CEDIA, ELISA, KIMS…) plus performants. Les caractéristi-
ques, avantages et inconvénients de ces tests sont développés dans le chapitre 8.
Les tests salivaires autorisés dans le cadre de la sécurité routière depuis le 30/07/2008
[72] sont très utilisés dans les dépistages de masse (contrôles préventifs) et après un
accident en remplacement de l’urine. Ils sont orientés vers le produit parent THC
qui, bien que n’étant pas excrété dans la salive, se retrouve dans la cavité buccale
puisque c’est la voie d’administration principale (voir ci-dessus et chapitre 9). Le
cannabis peut ainsi être dépisté alors que le sujet est encore sous l’influence du
produit. En France, c’est le Rapid STAT® qui a été choisi comme outil de dépis-
tage. Selon le fabricant, il permettrait de détecter 15 ng/mL de THC dans la salive.
Ce seuil de positivité est largement inférieur à celui qui est recommandé par la
SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) pour
le dépistage salivaire du cannabis, à savoir 4 ng/mL. Un tel manque de sensibilité
pourrait se traduire par un nombre important de résultats faussement négatifs.
Les tests immunochimiques de type ELISA réalisés au laboratoire autorisent aussi
les dépistages dans le sang [68] permettant une recherche en urgence, bien sûr
à confirmer par technique chromatographique ainsi que les dépistages dans les
cheveux [69], très pratiqués aux États-Unis en médecine du travail (Workplace drug
testing using hair samples) [79] pour le screening de masse des employés.

4.5.3 Confirmations
La mise en œuvre d’une technique de dépistage ayant conduit à un résultat positif
doit toujours être suivie d’une technique de confirmation. En effet, dans toute
technique immunologique, les anticorps présentent des réactivités croisées avec
des composés apparentés, et parfois même avec des composés de structure très
différente. De plus, et tout particulièrement avec le cannabis, il est indispensable
de préciser les concentrations présentes dans l’échantillon, pour une interprétation
correcte des résultats.
Bien qu’invasif, le sang est le seul milieu envisageable, permettant tout à la fois de
confirmer la présence de cannabinoïdes dans l’organisme et de relier les concen-
trations observées à une modification de la vigilance. Son prélèvement est toujours
réalisable, in vivo et post-mortem.

92
Cannabis

Les techniques de confirmation font obligatoirement appel à des méthodes séparatives,


parmi lesquelles la chromatographie en phase liquide et la chromatographie en phase
gazeuse avec au minimum l’utilisation d’un couplage à la spectrométrie de masse.

4.5.3.1 Dosages sanguins


De nombreuses techniques sont publiées dont la technique recommandée par la
SFTA qui fait appel à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectromé-
trie de masse (CPG-SM) [80]. Cette technique permet une limite de quantification
inférieure au seuil minima de 1 ng/mL. D’autres techniques ont été décrites par
CPG-SM ainsi que par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectromé-
trie de masse tandem HPCPL-SM/SM) qui abaisse encore le seuil de détection.
Ces techniques nécessitent une dérivation avant l’analyse chromatographique pour
rendre les cannabinoïdes volatils. Des techniques par chromatographie en phase
liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem sont également décrites (HPC-
PL-SM/SM). Elles permettent d’éviter les étapes de dérivation mais présentent des
sensibilités inférieures aux techniques CPG en raison de particularités physico-
chimiques des cannabinoïdes. La préparation des échantillons sanguins fait appel
à des extractions par des mélanges de solvants, en phase liquide (LLE) ou encore
sur des colonnes garnies de phase solide (SPE).
Toutes ces techniques sont développées dans le chapitre 10.

4.5.3.2 Autres confirmations


4.5.3.2.1 Dosages urinaires
L’intérêt majeur du dosage des cannabinoïdes dans les urines est le dosage du
THC-COOH, métabolite inactif du THC, en confirmation d’un dépistage positif
par immunoanalyse. On peut également retrouver dans les urines le 11-OH-THC,
métabolite actif, qui témoigne de la prise par voie orale du cannabis (compositions
culinaires « beurre de Marrakech », « space-cake »). Ces aspects sont développés dans
le chapitre 10.

4.5.3.2.2 Dosages salivaires


La salive peut être extraite et analysée comme d’autres milieux biologiques. Cepen-
dant, les quantités de salive recueillies sont beaucoup plus faibles que le sang et
il faut pouvoir travailler sur quelques centaines de microlitres de salive, parfois
moins, permettant rarement une nouvelle analyse ou une contre-expertise. Plusieurs
techniques ont été développées pour la confirmation du dosage de THC dans la
salive, utilisant des détections en spectrométrie de masse tandem (CLHP-SM/SM
et CPG-SM/SM). Ces techniques sont développées dans le chapitre 9 ainsi que la
corrélation des concentrations salive/sang.

4.5.3.2.3 Dosages dans les phanères


L’analyse de confirmation se fait par chromatographie en phase gazeuse couplée à
la spectrométrie de masse et mesure simultanément le THC, le cannabinol et le

93
Drogues et accidentalité

cannabidiol. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg. La mesure
du THC-COOH métabolite, seule preuve du passage par la voie générale et qui
exclut tout risque de contamination externe par la fumée de cannabis est parfois
nécessaire. Ces techniques sont développées dans le chapitre 11.

4.5.4 Interprétation des résultats d’analyses


Elle est aujourd’hui bien documentée dans la littérature internationale mais reste
toujours délicate. Les techniques actuelles permettent de descendre aisément en
deçà du seuil minimum requis de 1 ng/mL pour le THC indiqué dans le décret du
27 août 2001 [7]. La demande des magistrats et des OPJ porte maintenant sur la
différenciation des sujets sous influence de cannabis au moment d’un fait ou d’un
accident, de ceux ayant fait usage du stupéfiant (délai entre l’exposition et l’acci-
dent). Cette approche est l’objet des modèles de Huestis et de Daldrup, présentés
dans le chapitre 10 et d’un consensus de la Société Française de Toxicologie Analyti-
que (SFTA) publié sur le site Internet (www.sfta.org/presentation/main/consensus/
interpretstups.htm) qui propose les interprétations suivantes pour le cannabis.

4.5.4.1 Cas n°1 – Présence de THC et de THC-COOH et éventuellement


de 11-OH-THC, quelles que soient les concentrations (> 0,2 ng/mL)
La présence de dérivés du cannabis dans le sang indique que le sujet a consommé
récemment du cannabis et qu’il était sous influence de ce produit au moment du
prélèvement (ou du décès). En effet, la présence de THC au niveau du sang indique
que du THC est présent au niveau du cerveau (cervelet, cortex frontal et occipital,
hippocampe, etc.).
Lorsque la concentration de THC est supérieure à celle du 11-OH-THC, cela
témoigne d’une consommation par inhalation. Lorsque la concentration de
11-OH-THC est supérieure à celle du THC, cela témoigne d’une consommation
par ingestion.

4.5.4.2 Cas n° 2 – présence de THC-COOH (concentration > 0,2 ng/mL)


et absence de THC et de 11-OH-THC
La présence de THC-COOH révèle une consommation de cannabis. L’absence
de THC et de 11-OH-THC indique que cette consommation a eu lieu plusieurs
heures avant le prélèvement (> 6–8 h).
En l’absence de THC et lorsque la concentration en THC-COOH est peu élevée
(inférieure à 20 ng/mL), il y a lieu de considérer que le sujet n’était plus sous
influence de cannabis au moment du prélèvement (ou du décès).
En l’absence de THC et lorsque la concentration en THC-COOH est élevée
(> 40 ng/mL), nous ne pouvons pas exclure le fait que le sujet était sous influence
de cannabis au moment du prélèvement. En effet, des études récentes ont montré
que le THC pouvait être encore présent dans le cerveau alors qu’il n’était plus
détectable dans le sang.
94
Cannabis

Observations complémentaires
Une concentration élevée en THC (> 20 ng/mL) ne signifie pas que le sujet a inhalé
une forte dose. En revanche, cela signifie que le sujet a consommé très récem-
ment (dans les minutes qui ont précédé). Il n’y a aucune relation entre effet (sur la
conduite automobile) et concentration de THC dans le sang.
Une concentration très élevée en THC-COOH (> 50 ng/mL) indique le plus souvent
qu’il s’agit d’un consommateur régulier et important de cannabis.

4.5.5 Conservation des échantillons


Les demandes de contre-expertises et les analyses à distance d’un même échantillon
sanguin conservé à – 20 °C selon les recommandations légales, par des laboratoires
utilisant pourtant les même techniques et soumis à des contrôles externes de qua-
lité comme celui de la SFTA ont mis en évidence des problèmes de stabilité des
cannabinoïdes. La commission « Conduites addictives » de la SFTA a ainsi réalisé
une étude [81] incluant 15 laboratoires français dans le but de tester différentes
conditions de conservation (contenant, température, additif ) sur 12 mois. Plus de
1 750 résultats ont été colligés et mettent en évidence que la meilleure conserva-
tion est obtenue dans des tubes en verre ou plastique contenant de l’héparinate
de lithium et à une température de + 4 °C. Il semble que la congélation à – 20 °C
diminue significativement les concentrations en THC. Ces résultats sont confir-
més par une étude complémentaire utilisant une technique HPCLP-SM/SM [82].
D’autres essais sur un nombre plus important d’échantillons de sang conservés à
+ 4 °C sont encore en cours.

4.6 Conclusion
En 1993, un écrivain dénommé Michka écrivait : « … il n’y a pas, dans toute la
littérature médicale accumulée depuis plus de 150 ans, un seul cas de décès impu-
table au cannabis. » [83]. Selon l’analyse réalisée en 2001 par M.B. Biecheler-Fretel
dans le cadre de l’expertise collective Inserm [17], « faute d’études épidémiologiques
fiables, il est aujourd’hui encore impossible d’affirmer l’existence d’un lien causal,
au sens d’une corrélation statistique solidement établie, entre l’usage du cannabis et
les accidents ». Et l’auteur d’ajouter que les sujets sous influence du cannabis pren-
draient moins de risque que les sujets témoins, notamment en termes de vitesse, de
dépassements et de distances de sécurité avec le véhicule les précédant.
La forte implication de l’usage du cannabis sur l’accidentalité est aujourd’hui peu
contestée, hormis par les farouches partisans d’une légalisation de cette substance qui
ne supportent pas l’idée que le « pétard » puisse avoir des effets néfastes, dans quelque
95
Drogues et accidentalité

domaine que ce soit. En effet, les résultats des études épidémiologiques, le nombre
de drames dans lesquels le cannabis est impliqué voire responsable, les nouvelles
connaissances sur la neurobiologie du cannabis, la mise en évidence de pathologies
psychiatriques lourdes de conséquences induites par un usage régulier, les modifica-
tions des pratiques de consommation tendant vers une recherche de la « défonce »,
traduisent une toxicité neurocomportementale des plus redoutables pour les sujets
ayant à réaliser des actes complexes, que ce soit en milieu professionnel ou lors de la
conduite d’un véhicule. C’est pourquoi comme de nombreux autres pays, la France
s’est dotée d’une législation spécifique dans le domaine de la sécurité routière, dont
la dernière composante a été l’introduction du dépistage salivaire. Parmi les mesures
prises lors du Comité Interministériel de la sécurité routière du 18 février 2010, les
frais des analyses sanguines qui confirment les tests salivaires positifs seront désormais
à la charge du contrevenant et non plus du ministère de la Justice. Une telle décision
devrait permettre de multiplier le nombre de contrôles réalisés au bord de la route.
Par ailleurs et malgré le vide juridique concernant les conduites addictives en milieu
professionnel, de plus en plus d’entreprises et de secteurs professionnels réalisent des
dépistages à l’embauche pour les personnes occupant des postes à risque pour eux-
mêmes ou pour autrui. Dans ce domaine, une législation s’impose aujourd’hui en
France à l’instar de ce qui est réalisé dans le domaine de la sécurité routière.

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conducteurs impliqués dans un accident mortel de la circulation routière, modifiant le

96
Cannabis

décret n° 2001-251 du 22 mars 2001 relatif à la partie réglementaire du code de la route


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[79] Kintz P (coordinateur). Analytical and Practical Aspects of Drug Testing in Hair : Chapter 15.
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de la SFTA à La Rochelle – 10 au 12 juin 2009. Ann. Toxicol. Anal. 2009 ; 21 : 99.
[83] Michka. Le cannabis est-il une drogue ? Genève : Georg eds., 1993.

101
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Florian Klinzig1 et Marie-Hélène Ghysel Laporte2

Amphétamines
5
et dérivés

Les amphétamines sont des produits synthétiques, stimulants du système nerveux


central, essentiellement utilisés de manière illicite par des toxicomanes lors de
consommations festives ou par des sportifs comme produit dopant ou comme
coupe-faim. L’accroissement du niveau de vigilance, des performances, l’augmen-
tation de la concentration, le sentiment de bien-être, d’euphorie, de confiance en
soi, la diminution de la sensation de fatigue allant jusqu’à la privation de sommeil,
sont des propriétés recherchées par les sujets dépendants, les sportifs, les étudiants
ou les conducteurs devant faire de longs trajets.
Leur utilisation en thérapeutique se limite au traitement des troubles déficitaires
de l’attention avec hyperactivité de l’enfant ou la narcolepsie ou cataplexie chez
l’adulte ou encore des syndromes dépressifs sévères chez le vieillard. Leurs pro-
priétés anorexigènes ont été mises à profit dans le traitement de l’obésité, mais
cet usage a fortement décru en raison des risques observés lors d’une utilisation
chronique.

1. Laboratoire de Police scientifique, Lille.


2. Laboratoire de Toxicologie de Police scientifique, Paris.

103
Drogues et accidentalité

Introduction
Après une hausse généralisée de la consommation dans les années 1990, on observe
désormais, à l’échelle européenne, une stabilisation voire une baisse modérée de la
consommation de produits de la famille des amphétamines. Cette constatation n’est
cependant pas applicable à tous les pays. La prévalence est également très variable
selon les tranches d’âges. En France, une augmentation de la consommation a été
observée ces dernières années chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette hausse
s’est répercutée sur les cas d’accidents mortels de la circulation routière chez les
jeunes conducteurs et impliquant un produit de la famille des amphétamines [1].
En Europe la prévalence de la consommation d’amphétamine varie de 0,1 % à
11,9 % dans la population générale (15 à 64 ans). En moyenne, 3,3 % des adultes
européens affirment avoir fait usage d’amphétamine au cours de leur vie. En France,
elle était estimée en 2005 à 1,4 %. Les pays qui affichent les chiffres les plus élevés
sont le Royaume-Uni, la Norvège et le Danemark.
L’usage de l’ecstasy est similaire. Environ 3 % des Européens ont fait usage d’ecstasy
au cours de leur vie (valeurs entre 0,3 et 7,3 % selon les pays). En France en 2005,
cette prévalence était évaluée à 2 % pour la tranche d’âge 15–64 ans. La prévalence
la plus élevée est rencontrée dans la tranche d’âge 15–24 ans [2, 3].

Amphétamines et conduite automobile


Une étude française réalisée en 2005 a établi la présence de dérivés de l’amphé-
tamine chez 3,1 % des conducteurs décédés dans un accident de la circulation rou-
tière. Parmi ces composés, le plus fréquemment rencontré est la MDMA associée à
son métabolite principal la MDA. Lors d’une étude identique réalisée sur la période
2000–2001, le pourcentage de conducteurs positifs pour les dérivés d’amphéta-
mine était plus faible : 1,4 %. Ces chiffres sont le reflet d’une récente hausse de
consommation de produits de type amphétaminiques constatée dans la population
française de moins de 30 ans [1, 4].
Des études similaires réalisées en Europe confirment la disparité de l’usage des
amphétaminiques selon les pays. En Suisse, lors d’une campagne de dépistage réali-
sée sur des conducteurs suspectés de conduite sous influence de produits stupéfiants
(dépistage urinaire positif) entre 2002 et 2003, les amphétaminiques représen-
taient 9 % des cas, dont 6 % de MDMA et 4 % d’amphétamine [5].
En Suède et en Belgique les amphétamines représentaient 50 à 60 % des stupé-
fiants identifiés chez des conducteurs impliqués dans un accident de la circulation
routière [6, 7].

104
Amphétamines et dérivés

5.1 Produits
D’après le rapport de l’office central de répression du trafic de produits stupéfiants
(OCRTRIS), en 2007, l’ecstasy ou 4 méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA)
était la première drogue de synthèse faisant l’objet de trafic et de consommation.
En 2007, 1,4 millions de comprimés ont été saisis, dont la moitié serait destinée à
l’étranger. Les saisies étaient de 2 millions en 2002–2003 et de 800 000 en 2005. À
titre de comparaison, 13 000 doses de LSD ont été saisies au cours de l’année 2007.
Parmi les autres amphétaminiques, les saisies d’amphétamine s’élèvent à 307 kg, et
à 147 g pour la méthamphétamine.
Le Système de Traitement Uniformisé des Produits Stupéfiants (STUPS©) alimenté
par les 5 laboratoires de Police scientifique de l’Institut national de Police scientifi-
que, indique que le nombre total de dossiers d’amphétamine et dérivés est de 149
sur l’année 2007 et représente 6 % du nombre total de dossiers. Parmi ceux-ci, la
MDMA correspond à 77 % des cas traités, l’amphétamine à 20 % et la métham-
phétamine à moins de 1 %.
En 2007, dans STUPS© la mCPP a été retrouvée dans 47 % des gélules et
comprimés non stupéfiants, soit 25 dossiers. De rares cas isolés de mélange de
MDMA et de m-chlorophénylpipérazine (mCPP) ont été recensés (5 cas sur
149 en 2007 d’après STUPS© 2007) ainsi que l’utilisation de produits comme
la 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine (2-CB) [8].
Ces dérivés de l’amphétamine, que les Américains appellent Designer’s drugs (médica-
ments « bricolés »), ont des propriétés pharmacologiques différentes des hallucinogènes
(ne provoquant pas de vision, de dépersonnalisation…), mais génèrent un profond état
d’empathie vis-à-vis de soi-même et des autres. Ces molécules sont classées parmi les
entactogènes, terme créé en 1986 par David Nichols et Alexander Shulgin et signifiant
« qui facilite une prise de conscience du soi » et favorisant la communication, l’introspec-
tion, les contacts sociaux, l’empathie, la sensation de pouvoir s’exprimer librement [9].
La limite entre ces différentes classes n’est pas toujours aisée. Les transformations
chimiques de l’amphétamine sont multiples. Ainsi en 1981, Shulgin diffusait les
recettes de 179 drogues synthétiques de type phénéthylamines, dont certaines sont
encore en circulation.
Nous aborderons ici les dérivés d’amphétamines les plus couramment rencontrés
et classés comme stupéfiants. Tout d’abord les molécules emblématiques : l’amphé-
tamine et la méthamphétamine suivies de leurs dérivés les plus courants, MDMA
(ecstasy), MDA et MDEA, la 2C-B. Nous évoquerons également la mCPP qui,
bien que n’étant pas une amphétamine, est utilisée comme de l’ecstasy.

5.1.1 Amphétamine
L’amphétamine ou α-méthylphénéthylamine, chef de file de la famille des amphé-
taminiques et dérivée de la phényléthylamine, est inscrite au tableau des produits

105
Drogues et accidentalité

stupéfiants. On la retrouve sous différentes dénominations comme benzédrine,


dexedrine, speed…
Elle est essentiellement présente dans les milieux festifs, disponible sous plusieurs
formes : les formes poudre (généralement appelée speed) la forme comprimé et
parfois sous forme de pâte ou de « cristal ».

5.1.2 Méthamphétamine
Utilisée sous forme de chlorhydrate, la N-α-diméthylphénéthylamine ou
N-méthylamphétamine est également connue sous les appellations : désoxyéphé-
drine, ice, speed, yaba, crank, crystal, meth… C’est une substance inscrite au
tableau des produits stupéfiants.
La l-méthamphétamine a une action stimulante centrale cinq fois plus faible et une
action périphérique plus importante que la d-méthamphétamine [10].

5.1.3 MDMA
La MDMA ou 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine également connue sous les
dénominations ecstasy, Adam, XTC, « E », est inscrite au tableau des produits
stupéfiants et appartient à la classe des entactogènes.
Elle est disponible actuellement sous quatre formes : comprimés (le plus souvent
assortis d’un logo), gélules, poudre et depuis 2006 sous formes de cristaux (appelés
« cristal », différent du « crystal », nom donné à la méthamphétamine). Connue
comme la drogue à usage récréatif, elle est surtout utilisée au cours des soirées
« raves » à la dose de 50 à 150 mg.
En 2008, les consommateurs d’ecstasy trouveraient « ringard » la consommation
sous forme de comprimés et préféreraient la consommation de la poudre sniffée.
L’ecstasy demeure un produit relativement peu expérimenté en France (2 % chez
les 18-64 ans). Le niveau d’expérimentation est plus élevé (4 %) chez les 18-25 ans,
avec une proportion très importante dans le milieu festif techno [3].
L’ecstasy désigne essentiellement la MDMA, mais également de nombreux produits
dérivés ou apparentés (MDA, MDEA, MBDB, PMA, TMA, DOB, DOM, 2 CB,
2C-T-7, 4-MTA…) [9].

5.1.4 MDA
La MDA, α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ou 3,4-méthylènedioxy-α-
méthyl-β-phényléthylamine ou encore tenamphétamine est connue sous les noms :
love drug, love pill. C’est une substance inscrite au tableau des stupéfiants et appar-
tenant à la classe des entactogènes, pouvant être hallucinogène à forte dose.
La MDA est une substance retrouvée peu fréquemment dans les comprimés vendus
illicitement (dans environ 2 % des comprimés d’ecstasy vendus en France en 1996,
106
Amphétamines et dérivés

mais pas retrouvée en 2007). C’est surtout en tant que métabolite de la MDMA
ou de la MDEA qu’on la retrouve dans les liquides biologiques.

5.1.5 MDEA
La MDEA, N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine, également connue sous les
appellations MDE et Eve, appartient à la classe des entactogènes. Elle est classée
dans la liste des produits stupéfiants.
En France, en 1996, cette substance était retrouvée dans près de 20 % des compri-
més vendus sous l’appellation ECSTASY et dosée de 50 à 150 mg de principe actif.
Elle était parfois mélangée à la MDMA. C’est une substance dont l’utilisation est
en déclin. En 2007, aucune saisie de MDEA n’a été réalisée en France.

5.1.6 2C-B
Le 2C-B ou 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine est également connu sous les
appellations BDMPEA ; α-desméthyl DOB ; Nexus ; MFT ; Bromo ; DOBP. Depuis
le 15 juillet 2002, il est classé en France dans la liste des produits stupéfiants.
Les premières saisies de 2C-B datent de 1979 aux États-Unis où il a été trouvé
sous forme de gélules. En 1996, il a été mis en évidence aux Pays-Bas et en Suisse
où il se présentait soit sous forme de comprimés ronds à 50 mg soit en association
avec du MBDB [11].
Les premières saisies en Belgique et en France datent de 1997 [9].

5.1.7 mCPP
La mCPP de dénomination chimique 1-(3-chlorophényl) pipérazine ou
m-chlorophénylpipérazine appartient à la famille des pipérazines. En octobre 2008,
elle n’est pas classée au tableau des stupéfiants, alors que son analogue la BZP,
benzylpipérazine, l’est depuis le 5 mai 2008.
Elle a été identifiée pour la première fois en France en décembre 2004 dans des
comprimés vendus sous l’appellation ecstasy [12]. Plusieurs saisies ont eu lieu
depuis 2005. Cette substance n’est ni recherchée ni identifiée par les usagers qui
pensent consommer de la MDMA.

5.2 Devenir dans l’organisme


5.2.1 Amphétamine
L’amphétamine est rapidement absorbée après administration orale. C’est une base
lipophile totalement absorbée au niveau intestinal après une administration orale
sous forme de sulfate. Son pic plasmatique apparaît alors en 2 à 4 h.
107
Drogues et accidentalité

La demi-vie d’élimination plasmatique est généralement comprise entre 8 et 13 h [13].


Cependant, en fonction de l’isomère (la demi-vie de la l-amphétamine serait 39 % plus
longue que la d-) et de l’acidification de l’urine, elle peut varier de 7 à 34 h [14].
L’élimination des amphétamines est essentiellement urinaire. L’amphétamine appa-
raît dans l’urine 20 min après administration et, dans des conditions normales, 20 à
30 % sont excrétés inchangés en 24 h. En milieu acide (pH 5,5-6,0), l’élimination
sous forme inchangée peut atteindre 74 % alors qu’elle peut être de 1 % en milieu
alcalin (pH 7,5-8,0), l’élimination se faisant alors majoritairement sous forme de
métabolites désaminés [15].
La durée de détection de l’amphétamine dans l’urine est d’environ 4 jours. Les
concentrations urinaires seraient environ 200 fois plus élevées que celles mesurées
dans le plasma, mais avec des variations importantes en fonction du pH [16].
Les voies métaboliques de l’amphétamine sont présentées sur la figure 5.1.
Dans des conditions normales, l’excrétion se fait à 30 % sous forme inchangée,
0,9 % en phénylacétone, 16 à 27 % en acide hippurique, 4 % en benzoylglucuro-
nide, 2 % en noréphédrine, 0,3 % en p-hydroxynoréphédrine conjuguée, 2 à 4 %
en p-hydroxyamphétamine conjuguée [17].

NH2 O COOH O

Ê Ê
N C
H O
Ì Amphétamine Ð Phénylacétone Acide benzoïque O
H
OH
Acide hippurique
NH2 NH2

HO
Noréphédrine 4 hydroxy-amphétamine puis
Sulfo et Glucuro conjugaison
FIG. 5.1 Voies métaboliques de l’amphétamine.

La présence urinaire d’amphétamine peut également provenir de molécules se méta-


bolisant en amphétamine comme la méthamphétamine ou la sélégiline (initiale-
ment transformée en méthamphétamine) [18].

5.2.2 Méthamphétamine
Rapidement absorbée après administration orale, une dose unique donne un pic
plasmatique moyen 3,6 h après absorption. La demi-vie d’élimination plasmatique
est comprise entre 6 et 15 h [19]. La méthamphétamine se métabolise en amphé-
tamine et en 4-hydroxyméthamphétamine (figure 5.2).

108
Amphétamines et dérivés

H CH3
N
CH3

NH2

méthamphétamine amphétamine
Ì H
N
CH3

HO
4-hydroxyméthamphétamine

FIG. 5.2 Métabolisation de la méthamphétamine.

Dans des conditions habituelles, l’excrétion sous forme inchangée et l’excrétion sous
forme d’amphétamine sont respectivement de 43 % et de 4 à 7 % en 24 h mais
varient avec le pH. L’élimination urinaire augmente en milieu acide et est moins
intense en milieu alcalin [20].
La méthamphétamine peut être retrouvée dans l’urine pendant plus de 7 jours
[21].

5.2.3 MDMA

H O NH2

O N
CH3 → CH3
O
O CH3 MDA

Ì MDMA ↓
H H3CO NH2
H3CO N
CH3 Ê glucuro et sulfo CH3
conjugaison ←
CH3 HO
HO 4-hydroxy
4-hydroxy 3-méthoxy méthamphétamine : 3-méthoxyamphétamine : HMA
HMMA
Î Å ↓
H HO NH2
HO N
CH3
CH3
CH3 HO
HO
3,4-dihydroxy-méthamphétamine : HHMA 3,4-dihydroxyamphétamine : HHA

Ê voies métaboliques majeures


→ voies métaboliques mineures

FIG. 5.3 Voies métaboliques de la MDMA.

109
Drogues et accidentalité

Après absorption orale, la MDMA est absorbée en 20 à 60 min par la muqueuse


intestinale. Le pic plasmatique de MDMA est atteint en 2 h, le pic de la méthylè-
nedioxyamphétamine : MDA, métabolite principal est atteint 6 h après ingestion.
La MDMA est encore détectée dans le sang 8 h après absorption, le pic urinaire
de MDMA est obtenu 21,5 h après absorption [9].
L’ensemble des dérivés méthylène-dioxy-, présenteraient deux voies métaboliques
principales : une déméthylènation et une N-déalkylation. La déméthylènation serait
catalysée par les cytochromes CYP2D1/6 ou CYP3A2/4 et CYP1A2. Parallèlement
à ces voies métaboliques peuvent se former d’autres métabolites qui seraient poten-
tiellement hépatotoxiques et neurotoxiques [22].
Huit métabolites de la MDMA sont retrouvés dans les urines : la MDA,
métabolite actif, la HMMA (4-hydroxy-3-méthoxyméthamphétamine) et la
HHMA (3,4-dihydroxyméthamphétamine) conjuguées sont les principaux [23]
(figure 5.3 : voir page précédente).
La MDMA est détectable dans les urines jusqu’à 72 h après absorption [9].

5.2.4 MDA
Les informations concernant le métabolisme de la MDA sont rares. Chez l’animal,
la MDA se métabolise par O-désalkylation, désamination et conjugaison.
Chez l’homme, l’élimination urinaire sous forme inchangée est importante car une
concentration de plus de 160 μg/mL a été détectée chez un individu décédé, ainsi
qu’un taux urinaire de 131 μg/mL chez un enfant d’un an qui a survécu à une
surdose de MDA [10].
La MDA est également le métabolite de la MDMA ainsi que de la MDEA.

5.2.5 MDEA
À ce jour, aucune donnée pharmacocinétique de la MDEA dans le sang chez
l’homme n’a été publiée. Sa durée d’action semble être comprise entre 3 et 5 h.
La MDEA aurait le même schéma métabolique que la MDMA. L’hydrolyse de
l’urine permet de mettre en évidence des métabolites conjugués : la 4-hydroxy-
3-méthoxyéthylamphétamine (HME) qui est le principal métabolite, la 3,4-
dihydroxyéthylamphétamine (DHE) et la MDA. Ces trois métabolites sont présents
dans les urines pendant respectivement 7 ; 2,5 et 1,5 jours [24].

5.2.6 2-CB
Le métabolisme du 2C-B est peu connu. La voie métabolique principale passe par
une désamination oxydative du 2C-B en 2-(4-bromo-2,5-diméthoxyphényl)-éthanol
(BDMPE) et en acide 4-bromo-2,5-diméthoxyphénylacétique (BDMPAA) [25].

110
Amphétamines et dérivés

5.2.7 mCPP
Après administration par voie orale, la demie-vie d’élimination est de 4,2 h. La
voie métabolique principale conduit à la formation de l’hydroxy-mCPP et de ses
dérivés conjugués [26].
La mCPP est également un métabolite pharmacologiquement actif d’un antidé-
presseur, le trazodone [27, 28].

5.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral


L‘ensemble des molécules décrites présente une action stimulante du système ner-
veux central.
L’amphétamine agit au niveau du système nerveux central (SNC) et périphérique
(fentes synaptiques, cortex et système limbique) par augmentation de la concentra-
tion et de la durée d’action des neurotransmetteurs catécholaminergiques : l’adré-
naline, la noradrénaline (dans l’hippocampe et le cortex frontal), la sérotonine à
forte dose (au niveau du noyau caudé) et surtout la dopamine (noyaux caudé) selon
plusieurs mécanismes.
Les mécanismes d’action impliqués seraient :
› une inversion du transport actif du recaptage présynaptique de la dopamine,
entraînant une excrétion active par échange avec l’amphétamine ;
› une inhibition compétitive du captage de la dopamine cytoplasmique dans les
vésicules présynaptiques ;
› une sortie passive de la dopamine hors des vésicules par augmentation du pH
intravésiculaire ;
› une possible inhibition de la monoamine oxydase du neurone présynaptique.
L’amphétamine est un agoniste dopaminergique indirect et non sélectif qui fait
varier les fonctions cognitives et motrices de l’homme sous forme d’activation psy-
chomotrice et de sensation d’euphorie [29].
La méthamphétamine provoque la libération de la dopamine dans la synapse dopa-
minergique des neurones du noyau caudé et pourrait en inhiber la recapture au
niveau synaptique [30]. La libération de noradrénaline des fibres sympathiques
post-ganglionnaires et l’inhibition de sa recapture sont responsables de son activité
sympathomimétique indirecte. Son action anorexigène résulte de la dépression du
centre de la faim au niveau hypothalamique.
De fortes doses de méthamphétamine provoqueraient la déplétion de dopamine
et de sérotonine au niveau du noyau caudé et de sérotonine au niveau de l’hippo-
campe [31].
Les entactogènes engendrent des effets neurochimiques à l’origine des effets psycho-
tropes fugaces recherchés par les usagers et des effets neurotoxiques plus ou moins

111
Drogues et accidentalité

rémanents. Les effets neurochimiques des molécules comme la MDMA sont très
marqués sur la libération de sérotonine (5HT) et moindres sur celles de la dopamine
et de la noradrénaline. Elle a 40 fois plus d’affinité pour le transporteur actif de la
sérotonine que pour celui de la dopamine. La MDMA possède une affinité élevée
pour les sites de recapture de la sérotonine, les récepteurs 5HT2 où elle exerce un
effet agoniste à ce niveau [29].
L’effet sérotoninergique indirect prédominant a un mécanisme similaire au méca-
nisme dopaminergique de l’amphétamine. La MDMA provoque une augmenta-
tion temporaire de la sérotonine dans la synapse par relargage et par inhibition de
sa recapture. Cette augmentation est suivie d’une diminution (maximale en 3 à
6 h) par inhibition de la tryptophane-hydroxylase indispensable à la synthèse de
la sérotonine. La MDMA induit la libération de 5HT en inversant les systèmes
de transport : elle stimule l’échange 5HT/MDMA dans les terminaisons sérotoni-
nergiques. Le taux cérébral de sérotonine et de son métabolite diminue [32, 33].
La situation redevient normale après 24 h, sauf en cas d’administrations répétées
[29, 34]. À cette chute du taux de sérotonine s’ajoute la diminution de l’activité de
l’enzyme responsable de sa synthèse : la tryptophane hydroxylase, avec un retour
à un taux normal plus long, ainsi qu’une diminution de la densité des sites de
recapture de la sérotonine. Ces processus aboutissent à long terme à une destruction
irréversible des terminaisons nerveuses sérotoninergiques du cortex, du striatum et
de l’hippocampe [35].
La libération de dopamine, quant à elle, responsable de l’effet psychostimulant, est
liée d’une part à l’inversion du système de transport, mais surtout par l’intermé-
diaire de la sérotonine, libérée par la MDMA, qui excite les neurones dopaminer-
giques adjacents [36].
Les autres molécules entactogènes ont des effets similaires, mais d’intensité diffé-
rente. La capacité de libération de la dopamine est variable selon les dérivés. La
MDA présente une activité plus importante que la MDMA, elle-même d’intensité
supérieure à la MBDB [37].

5.4 Effets sur le psychisme et conséquences


sur l’accidentalité
L’ensemble des molécules décrites induit une stimulation du système nerveux cen-
tral associée à des propriétés euphorisantes.
Les amphétamines et ses dérivés possèdent des propriétés noo-analeptiques qui se
manifestent par une augmentation des capacités mentales et physiques, l’absence
de sensation de fatigue, un sentiment de bien être, de l’euphorie, une confiance
en soi…
112
Amphétamines et dérivés

Ils peuvent provoquer les effets secondaires suivants : irritabilité, nervosité, insom-
nie, céphalées, akinésie, assèchement des muqueuses, perte d’appétit, sudation,
associés à une augmentation de la libido et de la compulsivité.
Un syndrome sérotoninergique et un syndrome malin des neuroleptiques peut être
observé, mais il est plus marqué avec les molécules entactogènes. Il se caractérise
par une hyperthermie, une rigidité musculaire, une mydriase, des troubles neu-
ropsychiatriques (confusion, panique, psychose, bruxisme, troubles du sommeil,
violences, idées suicidaires, délire…) et des troubles cardiovasculaires (hypertension
artérielle, tachycardie, troubles du rythme), des convulsions. Les effets peuvent se
compliquer en difficultés respiratoires, convulsions, arythmie, collapsus, sans lien
direct avec les doses ingérées [38, 39].
L’augmentation de la vigilance, l’amélioration du temps de réaction suggéreraient
que les amphétaminiques améliorent les facultés des conducteurs de véhicules.
Cependant, certains effets évoqués sont incompatibles avec une conduite automo-
bile sécurisante. L’effet euphorisant conduit à un comportement irrationnel et une
prise de risque accrue. La levée des inhibitions se manifeste par un comportement
agressif ou une indifférence. La fatigue engendrée par la diminution du sommeil
est responsable d’une diminution de l’attention et des facultés de contrôle. La
diminution de l’acuité visuelle générée par la mydriase augmente la sensibilité aux
éblouissements dus au soleil ou à l’éclairage des voitures en cas de conduite noc-
turne [36].
Les amphétamines entraînent par ailleurs une dépendance psychique. Lors d’un
sevrage, l’arrêt de consommation ou la période de descente provoque une sensation
de fatigue intense, de dépression. Le sevrage se traduit par des troubles de l’humeur
avec asthénie, troubles du sommeil, et engourdissement psychomoteur ayant pour
conséquence une diminution des facultés des conducteurs.

5.5 Aspects analytiques


L’analyse de l’amphétamine et de ses dérivés dans les matrices biologiques peut faire
intervenir différentes techniques ; un dépistage urinaire ou salivaire peut être réalisé
par immunoanalyse ; l’identification et le dosage des substances peut être réalisé dans
toute matrice biologique par des techniques séparatives de chromatographie en phase
liquide ou gazeuse couplées à des détecteurs appropriés (masse, ultra-violet…).

5.5.1 Immunoanalyse
De nombreux tests sont disponibles, applicables sur les liquides biologiques comme
l’urine ou la salive et utilisant des techniques radio-immunologiques (RIA), immunoen-
zymatiques, l’immunopolarisation de fluorescence, l’immunochromatographie…
113
Drogues et accidentalité

En France, la loi sur le dépistage des produits stupéfiants chez les conducteurs
impliqués dans un accident mortel a été mise en application le 1er octobre 2001.
Le dépistage, à partir d’un recueil urinaire, est réalisé au moyen de tests de dépistage
ayant un seuil de positivité de 1 000 ng/mL d’amphétamine, de méthamphétamine
et de MDMA.
Les modalités du dépistage salivaire des stupéfiants pratiqués sur les conducteurs
impliqués dans un accident mortel sont fixées dans l’arrêté du 24 juillet 2008. Le
seuil de positivité est fixé à 50 ng/mL pour l’amphétamine, la méthamphétamine
et la MDMA.
Les substances de structure chimique similaire, a fortiori les molécules de la famille
des amphétamines, sont également dépistées par ces techniques. Cependant il existe
des variations très importantes dans les positivités croisées des dérivés de l’amphéta-
mine. La réactivité croisée de la MDMA avec certains réactifs pour l’amphétamine
peut être faible, d’où le risque d’un résultat faussement négatif. Par contre elle
est généralement satisfaisante avec les réactifs utilisés pour le dépistage de l’am-
phétamine et de la méthamphétamine. Quant au 2 C-B, il n’est pas détecté par
immunoanalyse [40].
Les interférences analytiques sont nombreuses. L’étude de la spécificité des tests
d’immunoanalyse a montré l’existence de faux positifs notamment avec des amines
sympathomimétiques, des anorexigènes, des produits de putréfaction, ainsi que
des médicaments : labétalol, ranitidine, cafédrine, tranylcypromine, heptaminol,
benfluorex, cyamémazine [18, 41]. Il est également nécessaire de tenir compte des
produits qui se métabolisent en amphétamine : sélégiline, méthamphétamine.
Tout dépistage positif qu’il soit effectué sur un prélèvement urinaire ou salivaire fera
l’objet d’une confirmation dans le sang par une technique séparative avec détection
par spectrométrie de masse.

5.5.2 Techniques séparatives


Certaines méthodes de dosage des amphétamines conservent un intérêt historique :
la chromatographie sur couche mince (CCM), technique non spécifique (limite
de détection de 1 000 ng/mL) et nécessitant une confirmation par une technique
d’identification (CPG-SM) ; la spectrophotométrie UV (limite de quantification de
20 ng/mL) ; la fluorescence (limite de détection de 250 ng/mL) ; la spectroscopie
infrarouge… [42, 43].
Les méthodes décrites pour l’identification et le dosage des amphétamines dans les
matrices biologiques sont extrêmement nombreuses. La séparation peut s’effectuer
par chromatographie en phase gazeuse (CPG) ou en chromatographie liquide haute
performance en phase liquide (CLHP). La séparation par CPG peut être associée
à différents détecteurs : détecteur à ionisation de flamme (FID) [44], thermo-
ionique (NPD) [45], infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) [46], mais plus

114
Amphétamines et dérivés

classiquement par spectrométrie de masse (SM). La plupart des techniques publiées


utilisent une dérivation en présence d’étalons deutérés, préalable à l’injection en
CPG-SM Les agents dérivant utilisés sont nombreux, notamment l’anhydride
heptafluorobutyrique, l’anhydride trifluoroacétique, l’anhydride pentafluoropro-
pionique, l’anhydride acétique [9, 43].
L’utilisation d’agents de dérivation chiral comme le 2S, 4R)-N-heptafluorobutoy-
loxyprolyl chloride peut être utilisé pour l’analyse des énantiomères de l’amphéta-
mine par CPG-SM-NICI [47].
Des techniques couplant la CPG à la spectrométrie de masse en tandem (SM/SM)
ont également été décrites [48,49].
Comme la CPG, la CLHP permet également la séparation des substances de type
amphétamines. Elle peut être couplée à différents détecteurs (UV, barrette de
diodes, fluorimétrie) [42, 43, 50, 51]. Néanmoins la sensibilité ainsi que la spéci-
ficité des détections UV restent faibles. La limite de détection par UV à 250 nm est
30 ng/mL et 100 ng/mL par barrette de diodes [52]. Le couplage chromatographie
liquide/spectrométrie de masse (CLHP-SM), permet d’atteindre, après dérivation,
des limites de détection d’environ 5 ng/mL pour l’amphétamine équivalents à
ceux obtenus en CPG-SM [52, 53]. L’UltraPLC-SM puis l’UPLC-SM/SM ont
également été décrites [54].
Une méthode de dosage simultané de substances stupéfiantes par CPL-SM/SM
après déprotéinisation acide et extraction-purification en ligne a été décrite [55].
Les techniques de type CLHP-SM/SM permettent la détection et le dosage de
molécules à l’état de traces, notamment dans les cheveux. Des limites de quanti-
fication sont d’environ 15 pg/mg de cheveux pour l’amphétamine et inférieures à
5 pg/mg pour les entactogènes. Dans le sang et l’urine, les limites de quantification
sont inférieures à 0,1 ng/mL [56, 57].
L’analyse par techniques séparatives nécessite la plupart du temps, une préparation
des échantillons.
L’hydrolyse de l’urine n’est pas nécessaire si seule la détection des molécules libres est
recherchée. En revanche, pour la détection de métabolites hydroxylés et méthoxylés,
le clivage des conjugués est indispensable [15, 58]. L’hydrolyse acide ou enzy-
matique par Escherichia coli et Helix pomatia a été évaluée pour la détection des
métabolites urinaires de la MDMA dans les urines [59].
Une étape d’isolation et de concentration des amphétaminiques présents dans le
liquide biologique est nécessaire. Les techniques d’extraction sont variées, liquide/
liquide en milieu alcalin, en phase solide (SPE), micro-extraction en phase solide
(SPME) ou par Head-Space (HS) associé à la SPME ou à une micro-extraction en
phase liquide (LME) [60-63].
En 1996, la commission « Stupéfiants et conduite automobile » de la Société
française de toxicologie analytique (SFTA) avait réalisé une synthèse de diverses

115
Drogues et accidentalité

techniques de dosage pour proposer une technique de consensus standardisée et


optimisée. La séparation et la détection est réalisée par CPG-SM. La limite de détec-
tion est de 1 ng/mL pour l’amphétamine, et 2 ng/mL pour la méthamphétamine.
La limite de quantification est de 10 ng/mL [64].

5.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales


Les concentrations en amphétamines et dérivés, mesurées notamment au niveau
sanguin sont difficiles à interpréter. Le lien entre les concentrations sanguines et les
effets cliniques observés sur le consommateur d’amphétamines n’est pas établi. De
plus, les signes d’intoxication ne sont pas obligatoirement dose dépendants [58].
Les concentrations mesurées au pic plasmatique après administration contrôlée de
doses d’amphétamine ou dérivés sont un reflet des concentrations « usuelles » mesu-
rées chez des individus consommateurs occasionnels ou chroniques (tableau 5.1).

TABLEAU 5.1 Concentrations sanguines mesurées au pic plasmatique.

Dose administrée Concentration au pic Référence


par voie orale plasmatique
Amphétamine Consommateur occasionnel
10 mg 35 ng/mL [71]
30 mg 111 ng/mL [13]
Consommateur chronique
160 mg (voie IV) 590 ng/mL [72]
1 g par jour (voie orale) 2000 à 3000 ng/mL [73]
Méthamphétamine 0,125 mg/kg 20 ng/mL [19]
10 mg 30 ng/mL [74]
MDMA 50 mg 106 ng/mL de MDMA [75]
28 ng/mL de MDA
1,5 mg/kg 331 ng/mL de MDMA [75]
15 ng/mL de MDA
MDA 1 mg/kg 8,4 ± 2,1 ng/mL [76]
1,6 mg/kg 13,8 ± 3,8 ng/mL
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDMA : 3,4-éthylènedioxyméthamphétamine.

La susceptibilité individuelle et le phénomène de tolérance pharmacologique du


sujet (sujet non habitué ou sujet consommateur chronique) sont également des fac-
teurs influençant le risque toxique. Par ailleurs, comme c’est le cas pour la MDMA,
le décès est peu lié à la dose ingérée. Des décès sont survenus à une concentration
de 420 ng/mL alors qu’une concentration de 7 000 ng/mL n’a pas mis en jeu le
pronostic vital [65].
Il existe un chevauchement entre les concentrations usuelles et les concentrations
toxiques voire létales. Pour la MDMA et selon les auteurs, les concentrations
116
Amphétamines et dérivés

correspondant à une consommation usuelle, seraient comprises entre 100 et 470 ng/
mL, alors que le risque toxique apparaîtrait dès 350 ng/mL. De plus, d’après les
différents cas décrits dans la littérature, des décès ont été observés dès 400 ng/mL,
soit à des concentrations retrouvées chez des consommateurs usuels (tableau 5.2).

TABLEAU 5.2 Concentrations sanguines usuelles,


toxiques et létales pour la MDMA et l’amphétamine.
Concentrations Concentrations
en MDMA (ng/mL) en amphétamine (ng/mL) Réfé-
rence
Usuel Toxique Létal Usuel Toxique Létal
110 à 470 7 000 600 à 3 700 80 à 110 20 500 à 4 000 [10]
130 à 330 110 à 4 300 < 100 200 à 3 000 > 500 [77]
100 à 350 350 à 50 430 à 18 500 20 à 100 200 1 500 à 41 000 [78]
< 350 500 et 6 500 600 20 à 150 200 500 [79]
100 à 350 350 à 500 > 400 20 à 100 200 500 à 1 000 [80]
100 à 350 350 à 500 400 à 800 20 à 150 200 500 à 1 000 [81]
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

Des exemples de concentrations mesurées dans le sang post-mortem lors de cas de


décès figurent dans les tableaux 5.3 et 5.4.

TABLEAU 5.3 Exemples de concentrations sanguines mesurées dans plusieurs cas de décès.

Nombre de cas Concentration (ng/mL) Référence


Amphétamine 23 cas 30 à 11 000
Méthamphétamine 6 cas 10 à 390
MDMA 51 cas 60 à 84 000 [65]
MDA 46 cas 10 à 3 800
MDEA 1 cas 4 600
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphéta-
mine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

TABLEAU 5.4 Concentrations maximales dans le sang post-mortem


après ingestion de doses usuelles.
Dose (mg) Concentrations sanguines (ng/mL) Référence
Amphétamine 10-100 200
Méthamphétamine 50-2000 200
MDMA 50-250 300 [82]
MDA 50-250 400
MDEA 50-200 500
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ;
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

117
Drogues et accidentalité

Il convient d’interpréter les concentrations sanguines post-mortem avec pré-


caution en raison de l’existence de phénomènes de redistribution ayant pour
conséquence une augmentation des concentrations sanguines après la mort
[66-68].
L’utilisation d’une matrice alternative comme le cheveu peut aider à l’interprétation
et différencier l’usage unique d’une consommation chronique. Des exemples de
concentrations mesurées dans les cheveux figurent dans le tableau 5.5.

TABLEAU 5.5 Concentrations en amphétamines et dérivés mesurées dans les cheveux.

Concentration (ng/mg) Référence


Amphétamine 0,88 [83]
0,1 à 4,8 [84]
Méthamphétamine 10,14 [83]
MDMA 8,87 [83]
0,1 à 8,3 [84]
MDMA de 8,74 à 15,51 et MDA 0,17 [85]
0,022 [56] (soumission chimique)
MDA 1,30 [83]
0,05 à 0,89 [84]
MDEA 0,84 [83]
0,12 à 15 [84]
MBDB 0,21 à 1,3 [84]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MBDB : N-méthyl-benzodioxazolyl-butanamine ;
MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

De fortes variations de concentrations sanguines sont également observées chez


les conducteurs de véhicules dépistés positifs pour les dérivés d’amphétamines
(tableau 5.6). Des concentrations sanguines particulièrement élevées en amphé-
tamine (comprises entre 5 000 et 17 000 ng/mL) ont été mesurées chez des
conducteurs interpellés pour conduite sous influence de produits stupéfiants.
En dehors des fortes variations interindividuelles des concentrations, les signes
cliniques observés se limitaient à des yeux larmoyants et injectés, des troubles de
l’élocution, une logorrhée, de l’agitation, une démarche titubante associés à une
dilatation des pupilles. Aucun signe d’intoxication sévère n’était observé [69].
La salive, utilisée pour les dépistages notamment lors de contrôles routiers, est un
milieu de choix pour la détection d’une prise récente d’amphétamine. Le ratio
concentration salivaire/plasmatique est nettement en faveur de la salive pour l’en-
semble des dérivés amphétaminiques (ratio salive/plasma de 2,8 pour l’amphéta-
mine, de 4 pour la méthamphétamine) [70].
Les concentrations salivaires en amphétaminiques figurent dans le tableau 5.7.

118
Amphétamines et dérivés

TABLEAU 5.6 Concentrations sanguines mesurées chez des conducteurs


de véhicules suspectés de conduite sous influence de stupéfiant.
Concentration (ng/mL) Référence
Amphétamine 10 à 2300 [65]
Médiane à 850 (valeur extrême 11 900) [86]
Méthamphétamine 10 à 30 [65]
340 [86]
MDMA 10 à 4 000 [65]
Médiane 230 (valeur extrême 3 500) [86]
MDA 10 à 1 200 [65]
MDEA 10 à 440 [65]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ;
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

TABLEAU 5.7 Concentrations salivaires en amphétamines et dérivés.

Dose administrée par voie Concentration salivaire (ng/


Référence
orale (mg) mL)
Amphétamine 40 à 60 ng/mL [87]

Méthamphétamine Cmax : 25 à 312 [88]


10
Après 24 h : 18,8 ± 18,0
20 Cmax : 75,3 à 321,7
Cmax methamphetamine : 25 [89]
10 à 313
Cmax amphétamine : 6 à 12
Cmax methamphetamine : 75
20 et 322
Cmax amphétamine : 8 à 20
MDMA Cmax : 1 729 à 6 511 [90]
Après 24 h : 126,2
75 50 à 6 982 [91]
75 Cmax : 271 à 2 159 [89]
100 Cmax : 1 563 à 5 187
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.

5.7 Conclusions
En 2005, en France, 3,1 % des conducteurs décédés étaient positifs aux amphéta-
mines et dérivés. La consommation de produits de la famille des amphétamines,
dont la prévalence est en hausse chez les adolescents et les jeunes adultes, constitue
un risque dans la survenue d’accidents routiers.
Par ses propriétés stimulantes, on pourrait penser que les amphétamines et dérivés
évitent l’endormissement et auraient un effet favorable sur la conduite automobile.
119
Drogues et accidentalité

Cependant, ces effets psychostimulants induisent une surestimation des capacités


du conducteur et une prise de risques accrue. Les effets secondaires tels que l’agres-
sivité et la diminution de l’acuité visuelle peuvent également affecter les aptitudes
nécessaires à la conduite automobile.

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125
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Héroïne, morphine
Gilbert Pépin1 et Hélène Eysseric2

6
et autres opioïdes

6.1 Produits
Dans un souci de représentativité de la réalité des usages, certains opiacés ou
opioïdes stupéfiants, non représentatifs de l’accidentalité, ne seront pas abordés ici :
hydromorphone, codéthyline (= éthylmorphine), dextromethorphane, dihydroco-
déine, péthidine et nalbuphine.

6.1.1 Prévalences de consommation en France et en Europe


6.1.1.1 Opiacés illicites : héroïne, morphine, opium
En matière d’opiacés, l’héroïne est le produit principal, objet de trafic. L’héroïne
consommée en Europe provient principalement de l’Afghanistan, qui reste le pre-
mier fournisseur mondial d’opium illicite, suivi par le Myanmar (ex Birmanie) et
le Mexique. La production afghane d’opium en 2007 est estimée à 8 200 tonnes
sur les 8 870 tonnes produites mondialement. La production potentielle totale
d’héroïne a ainsi atteint le niveau record de 733 tonnes en 2007.

1. Laboratoire Toxlab, Paris.


2. CHU de Grenoble, Pharmacologie-Toxicologie.

127
Drogues et accidentalité

La France avait assisté de 1994 à 1999 à une diminution significative du nombre


des héroïnomanes, et même des consommateurs occasionnels d’héroïne, et ceci
pour trois raisons :
› la crainte de contaminations par des maladies virales graves (VIH, hépatites
diverses, etc.) auxquelles la seringue est associée ;
› la présence sur le marché de produits stupéfiants plus attractifs, plus disponi-
bles, moins chers et à risques moindres en terme de contamination, tels que
cocaïne ou ecstasy ;
› le développement à grande échelle des traitements de substitution comme le
Subutex® (buprénorphine) et la Méthadone chlorhydrate® (méthadone).
Ceci s’est traduit par une diminution des overdoses dans le même temps d’un
facteur 10.
Toutefois, ces dernières années, il semble que la disponibilité de l’héroïne aug-
mente de nouveau et que son prix diminue bien que son accessibilité soit moins
facile que pour les autres stupéfiants car sa distribution passe par des réseaux
« confidentiels ».
Ainsi les chiffres fournis par l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic
illicite des stupéfiants) [59] nous apprennent que les saisies d’héroïne ont augmenté
de 52 % entre 2003 et 2007 (545 kg contre 1 035 kg). En regard, les saisies de
morphine et d’opium en 2007 sont beaucoup plus faibles (respectivement 7,7 kg
et 12,7 kg) (figure 6.1).

kg Héroïne Morphine
kg
1200 Opium
50
1000 (a)
40 (b)
800
30
600
400 20

200 10
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007

FIG. 6.1 (a) Saisies d’héroïne en France de 2003 à 2007 ; (b) Saisies de morphine et d’opium
en France de 2003 à 2007 (d’après [59]).

Si l’héroïne est produite à 90 % en Afghanistan, ce sont la Turquie, les Pays-Bas, et


dans une moindre mesure la Belgique, qui assurent le transit et le stockage d’une
grande partie de l’héroïne destinée au marché français.
Des organisations criminelles actives (turques et albanaises) disposent de relais logistiques
en France, notamment pour alimenter le marché britannique. En effet, près de 45 % de
l’héroïne saisie en France était destinée au marché du Royaume-Uni en 2007.
128
Héroïne, morphine et autres opioïdes

L’activisme de ces réseaux, associé à la reprise importante de la production d’héroïne


en Afghanistan, font craindre une hausse de l’offre et donc de l’usage en France.
Les interpellations pour usage simple d’héroïne sont en hausse constante depuis
2003. En regard, les interpellations pour usage de morphine illicite et d’opium sont
très faibles (figure 6.2).

Nb Héroïne Morphine
7000 Nb Opium
6000 20
(a)
(b)
5000
15
4000
3000 10
2000
5
1000
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007

FIG. 6.2 (a) Interpellations pour usage simple d’héroïne en France de 2003 à 2007 ;
(b) Interpellations pour usage simple de morphine et d’opium en France de 2003
à 2007 (d’après [59]).

Pour rappel, durant la période 1990–1993, le nombre d’interpellations d’usagers


d’héroïne en France oscillait entre 10 000 et 15 000.
Les interpellations d’usagers sont largement concentrées dans les régions du Nord/
Pas-de-Calais, d’Alsace/Lorraine et d’Île-de-France qui représentent plus de 55,73 %
des interpellations d’usagers en 2007.
Les interpellations pour trafic, revente et usage d’héroïne en France sont également
en hausse, plus particulièrement en 2007. En regard, les interpellations pour trafic,
revente et usage de morphine illicite et d’opium sont très faibles et ne montrent
pas d’évolution dans un sens particulier (figure 6.3).
Le vieillissement des usagers se confirme depuis 1997. L’âge moyen de l’usager
d’héroïne en 2007 est de 29,55 ans. Cette moyenne d’âge d’usagers d’héroïne
se traduit par la présence massive de la tranche d’âges de 21 à 35 ans (figure 6.4).
En France, l’usage est majoritairement masculin (85,82 %) et français (92,73 %).
Les catégories socioprofessionnelles touchées sont en premier lieu les « sans profes-
sion déclarée » (56,18 %), puis les ouvriers (29,73 %), les employés (7,42 %), les
étudiants-lycéens (3,25 %), les cadres et professions libérales (1,46 %), enfin les
artisans et commerçants (1,23 %).
Selon l’OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies), l’Union
européenne et la Norvège comptent selon les estimations, de 1,3 à 1,7 million
d’usagers problématiques d’opiacés, soit entre 4 et 5 cas pour mille dans la popu-
lation des personnes âgées de 15 à 64 ans [23].
129
Drogues et accidentalité

Nb Héroïne
Morphine
3500 Nb Opium
3000 (a) 12
2500 10 (b)
2000 8
1500 6
1000 4
500 2
0 0
2003 2004 2005 2006 2007 2003 2004 2005 2006 2007

FIG. 6.3 (a) Interpellations pour trafic, revente et usage d’héroïne en France de 2003 à 2007 ;
(b) Interpellations pour trafic, revente et usage de morphine et d’opium en France de
2003 à 2007 (d’après [59]).

Usagers d’héroïne
30,00 %
25,00 %
20,00 %
15,00 %
10,00 %
5,00 %
0,00 %
13-15 16-17 18-20 21-25 26-30 31-35 36-40 > 41
ans ans ans ans ans ans ans ans

FIG. 6.4 Diagramme de répartition de l’âge des usagers d’héroïne (d’après [59]).

L’héroïne est à l’origine de la plus grande partie des coûts sanitaires et sociaux liés
à la drogue en Europe.
Dans la plupart des pays européens, entre 50 % et 80 % de toutes les demandes de
prise en charge médicale sont liées à la consommation d’opiacés. Sur la totalité des
24 pays, parmi les 378 000 demandes de traitement recensées en 2006, l’héroïne
était mentionnée comme drogue principale dans 47 % des cas pour lesquels la
drogue primaire était connue.
Environ 80 % des surdoses mortelles de stupéfiants sont liées à l’usage d’opiacés
et l’injection en intraveineuse de ces substances est l’un des principaux vecteurs de
diffusion des maladies infectieuses liées aux drogues. On estime que la consom-
mation de drogues est à l’origine de quelques 3 000 nouveaux cas de VIH chaque
année en Europe et différents pays rapportent que, généralement, plus de 40 % des
usagers pratiquant l’injection sont infectés par le virus de l’hépatite C.
L’année 2003 a marqué l’arrêt de la tendance à la baisse du nombre de décès dus à
la drogue rapportée en Europe, principalement en relation avec la consommation
130
Héroïne, morphine et autres opioïdes

d’opiacés, et entre 2003 et 2005 la plupart des États membres ont fait état d’une
augmentation.
Le nombre de nouvelles demandes de traitement de substitution concernant
l’héroïne en tant que drogue principale a augmenté dans environ la moitié des
pays ayant communiqué des données en 2006.

6.1.1.2 Opiacés et opioïdes de prescription médicale


Les opiacés et opioïdes sont prescrits essentiellement lors de traitement des dépen-
dances majeures aux opiacés ou contre la douleur.

6.1.1.2.1 Traitements de substitution pour les dépendances majeures aux opiacés


Pour le traitement de la dépendance à l’héroïne, il s’agit de méthadone, de bupré-
norphine, parfois de morphine ou, beaucoup plus rarement et seulement dans
quelques pays européens, de diamorphine (héroïne).
En France, actuellement, 60 à 70 % des usagers d’héroïne seraient sous traitement
de substitution. En 2005, le nombre moyen de personnes prenant de la bupré-
norphine haut dosage (BHD) un jour donné était estimé entre 75 800 et 87 500,
tandis que celui des personnes prenant de la méthadone se situait entre 14 000 et
20 000. La prépondérance de la BHD au plan quantitatif, bien que toujours mas-
sive, tend de plus en plus à s’amenuiser au profit de la méthadone [22]. Ainsi selon
les données de l’assurance maladie communiquées par la Commission nationale
des stupéfiants et des psychotropes [20] le nombre total de bénéficiaires ayant
des remboursements de BHD est passé de 79 662 en 2004 à 99 043 au cours du
deuxième semestre 2008, soit une évolution de +24,3 % en 4 ans. Le nombre
total de bénéficiaires ayant des remboursements de méthadone est passé de 10 802
en 2004 à 25 517 au cours du deuxième semestre 2008, soit une évolution de
+ 155 % en 4 ans.
Le taux d’expérimentation à 17 ans en France en 2005 du Subutex® est estimé à
0,5 % (0,7 % pour l’héroïne) [28].
Au niveau européen, des traitements de substitution aux opiacés sont actuelle-
ment disponibles dans tous les États membres de l’UE, en Croatie et en Nor-
vège, et environ 600 000 usagers d’opiacés en bénéficient chaque année. Si la
méthadone orale reste la principale substance utilisée dans les traitements de
substitution en Europe, le recours à la buprénorphine devient de plus en plus
fréquent [23].
L’EMCDDA (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction) publie
en ligne [23] les chiffres concernant la prévalence d’usage d’opiacés ou opioïdes, des
nouveaux demandeurs de traitement de substitution en 2006 (tableau 6.1).
Certains pays signalent une forte proportion de demande de traitement de substi-
tution concernant les opiacés autres que l’héroïne. L’usage abusif de buprénorphine
est mentionné comme raison principale pour suivre un traitement par 40 % des
patients finlandais et environ 8 % des patients français.
131
Drogues et accidentalité

Notons également que la prescription d’héroïne médicale (diamorphine) comme


option thérapeutique pour les consommateurs d’opiacés chroniques résistant au trai-
tement est disponible dans plusieurs pays, notamment aux Pays-Bas (815 patients
en 2006), au Royaume-Uni (400 patients), en Allemagne et au Danemark.

TABLEAU 6.1 Prévalence d’usage d’opiacés ou opioïdes de+s nouveaux


demandeurs de traitement de substitution en 2006 en Europe (d’après [23]).
Méthadone Autres Opioïdes Total patients
Héroïne
Pays (sans prescription) opioïdes total aux opioïdes
(%)
(%) (%) (%) (%)
Bulgarie 97,4 0,4 97,7 1 298
République Tchèque 19,0 0,4 6,1 25,4 2 077
Danemark 13,8 27,5 1,7 43,0 2 333
Irlande 60,2 2,1 1,5 63,8 3 369
Grèce1 87,2 0,1 0,5 87,8 4 257
Espagne2 36,8 1,6 0,9 39,3 19 812
France 32,6 1,2 7,5 41,2 15 448
Italie 55,7 0,3 0,7 56,7 27 097
Chypre 55,9 0,2 0,8 56,8 300
Lettonie3 31,3 0,2 8,1 39,6 539
Luxembourg 76,9 2,9 79,8 302
Hongrie 11,3 0,3 3,3 15,0 2 322
Malta 76,0 76,0 576
Pays-Bas 18,2 3,1 1,1 22,3 2 146
Autriche 71,0 3,1 16,0 65,8 2 858
Roumanie 67,9 0,2 1,5 69,5 938
Slovaquie 43,5 0,6 2,9 47,0 906
Finlande 2,0 1,0 40,0 45,0 1 119
Suède 18,7 0,3 5,4 24,4 1 696
Royaume-Uni4 87,9 7,5 4,6 65,2 77 580
Turquie 40,6 0,2 1,0 41,8 1 192
Total 47,8 2,8 5,5 52,5 168 163
1
‘Speedball’ est inclus dans la catégorie « autres substances ».
2
Données 2005.
3
Données pour primo traitement.
4
Données collectées du 01/04/2005 au 31/03/2006.

6.1.1.2.2 Traitements de la douleur


La classification du traitement de la douleur par l’OMS comporte trois paliers
(1983). La prescription d’opiacés et d’opioïdes intervient dans une large part aux
paliers 2 et 3.
L’utilisation de la morphine par voie orale (sulfate) dans le traitement symptoma-
tique de douleurs chroniques cancéreuses et surtout non cancéreuses (sans qu’il y
ait apparition de phénomènes d’accoutumance) explique que la consommation
132
Héroïne, morphine et autres opioïdes

de morphine en France a été multipliée par 12 entre 1983 et 1996. La technique


appelée « rotation » des opioïdes, en particulier l’utilisation de l’hydromorphone,
en cas d’échec de la morphine et en respectant les échelles de conversion, a été un
progrès. La morphine à libération prolongée sous forme de comprimés ou de gélules
est de plus en plus souvent utilisée.

Classification du traitement de la douleur par l’OMS


Palier 1. Analgésiques non morphiniques : paracétamol, aspirine et AINS (anti-
inflammatoires non stéroïdiens).
Palier 2. Agonistes morphiniques faibles et partiels. En pratique, ce sont des asso-
ciations entre analgésiques du niveau 1 et analgésiques morphiniques faibles :
dextropropoxyphène et codéine. On y ajoute aussi la buprénorphine, la nalbuphine
et le tramadol.
Palier 3. Agonistes morphiniques forts tels morphine, fentanyl ou oxycodone ; cer-
tains distinguant le niveau 3a quand l’administration est orale ou dermique et 3b
quand elle est parentérale ou intrathécale.

La prévalence de prescription d’opiacés et opioïdes en Europe est peu ou pas


documentée.
Selon les chiffres publiés par l’Afssaps de ventes de médicaments aux officines
et hôpitaux en France en 2007 [18], il apparaît que dans les 50 spécialités les
plus prescrites, quatre sont des antalgiques opiacés ou opioïdes. Il s’agit d’Ixprim®
(12e rang, tramadol et paracétamol), Lamaline® (22e rang, opium, caféine, para-
cétamol), Di-Antalvic® (29e rang, dextropropoxyphène, paracétamol), Dialgirex®
(46e rang, dextropropoxyphène, paracétamol).
Le Propofan® (dextropropoxyphène, paracétamol, caféine) qui était au 31e rang
en 2006 n’est plus dans les 50 premiers médicaments prescrits en 2007. Entre
2006 et 2007 la prescription de Di-Antalvic® a chuté au profit de celle d’Ixprim®
[18, 19], et ce médicament a été retiré du marché le 1er mars 2011.
Une étude américaine récente de 10 922 échantillons d’urine recueillis durant l’an-
née 2006 parmi des patients traités pour des douleurs chroniques (31 cliniques de
6 États des États Unis) révèle pour les opioïdes les prévalences suivantes : fentanyl
4,2 % ; méthadone 11,1 % ; opiacés 82,4 % et dextropropoxyphène 3,5 %. Ces
prévalences sont exprimées en pourcentage d’urines positives (confirmées par chro-
matographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM)) par
famille de substances. Il est à souligner que parmi les opiacés, d’après cette étude,
les Américains utilisent de façon prépondérante les « hydro-opiacés » (hydrocodone,
hydromorphone et dihydrocodéine) et les « oxy-opiacés » (oxycodone et oxymor-
phone), la morphine et la codéine étant beaucoup moins prescrites [16].
133
Drogues et accidentalité

6.1.1.3 Opiacés libres de prescription ou à dose exonérée


Pour tous les composés très largement distribués comme antitussifs soit environ
soixante spécialités inscrites au Vidal 2008 [88], à base de codéine, pholcodine
ou codéthyline par exemple, et pour lesquelles il est indiqué : « l’attention est
attirée notamment chez les conducteurs de véhicules sur les risques de som-
nolence attachés à l’emploi du médicament », on assiste à une consommation
stabilisée.
Les cas de conducteurs positifs aux antitussifs sur Paris et la région parisienne sont
très rares à l’heure actuelle.

6.1.2 Description, modes de consommation,


composition chimique
Les opiacés naturels regroupent l’ensemble des dérivés de l’opium extraits du
Pavot, soit environ une quarantaine d’alcaloïdes répartis en deux groupes princi-
paux dans l’opium brut :
› les phénanthrènes : morphine (10 à 20 %), codéine (0,5 %), thébaïne
(0,2 %) ;
› les isoquinoléines : papavérine (0,4 à 1 %), noscapine (0,2 à 0,5 %), narcéine
(< 0,2 %), landanosine (< 0,2 %).
Les opiacés d’hémisynthèse ont pour base le noyau morphinique : héroïne, phol-
codine, oxycodone.
Les opiacés de synthèse totale (plus communément appelés opioïdes), d’action
agoniste ou agoniste partielle aux opiacés, sont utilisés comme :
› produits de substitution : buprénorphine, méthadone ;
› antalgiques d’action centrale : dextropropoxyphène, tramadol, codéine, mor-
phine, buprénorphine, fentanyl.

6.1.2.1 Héroïne [56, 60, 81]


L’héroïne est un opiacé hémisynthétique (qui n’existe donc pas à l’état naturel)
utilisé pour ses effets stupéfiants. Les effets psychophysiologiques de l’héroïne sont
ceux de la morphine mais plus brutaux, avec une note d’impulsivité particulière
au moment du sevrage et une angoisse respiratoire plus violente. On estime
ainsi que, à poids égal, l’héroïne est trois fois plus active que la morphine. C’est
vrai du flash comme de la période qui s’ensuit, le « voyage », pendant lequel
l’utilisateur se sent calme et détendu. Si la dose absorbée n’est pas trop élevée,
il peut aller, venir et parler de façon décontractée. Il navigue dans un monde
sans problème. À plus forte dose, il peut glisser dans un état de somnolence,
d’apathie et d’engourdissement de l’esprit. Au-delà d’une dose « normale », il
peut atteindre l’inconscience puis, en cas de surdose franche ou d’association,
sombrer dans le coma et décéder par suite d’un arrêt cardiorespiratoire, et ce dès
la première injection.

134
Héroïne, morphine et autres opioïdes

L’héroïne s’administre par voie intraveineuse le plus souvent car plus « efficace » et
plus économique, mais aussi par voie sous cutanée, ou par voie nasale « sniff » ou
en inhalation (appelée « chasser le dragon »).
La dénomination commune internationale de l’héroïne est : diacétylmorphine ou
diamorphine (C21H23NO5 = 369,4 g/mol).
Il existe deux types d’héroïnes commercialisées dans le monde par les
narcotrafiquants :
› l’héroïne dite « pure » (80 à 99 %) qui se présente sous la forme d’une
poudre blanche de chlorhydrate d’héroïne. Elle est connue sous le nom de
« Blanche ».
› l’héroïne « impure » ou héroïne brune surnommée « Brown Sugar » ou « Brown »,
qui se présente sous la forme d’une poudre beige ou brune. La plus consom-
mée en Europe est sous forme base ou souvent sous forme chlorhydrate peu
purifié.
Aux impuretés de l’héroïne provenant des laboratoires clandestins, s’ajoutent des
produits de coupage (sucres), adultérants (caféine, quinine), diluants (bicarbonate,
talc, plâtre) non dénués de toxicité, et des médicaments (aspirine, diazépam, para-
cétamol, phénobarbital).

Impuretés les plus fréquentes dans l’héroïne


– Monoacétylmorphine : produits de dégradation de l’héroïne
– Morphine : produits de dégradation de l’héroïne
– Acétylcodéine : impureté de synthèse
– Papavérine : alcaloïdes de l’opium (impuretés)
– Noscapine : alcaloïdes de l’opium (impuretés)
– Méconine : alcaloïdes de l’opium (impuretés)
– Paracétamol : produits de coupage les plus fréquents
– Caféine : produits de coupage les plus fréquents

6.1.2.2 Méthadone [4, 56, 60, 76]


La méthadone est le plus ancien dérivé synthétique de l’opium. Cet analgésique
aussi puissant que la morphine a été mis au point pendant la seconde guerre mon-
diale par les Allemands. La méthadone est non seulement un agoniste mu puissant
mais son mélange racémique des isomères d et l-méthadone peut bloquer à la fois
les récepteurs N-méthyl D-aspartate (NMDA) et la recapture des monoamines.
La forme l (lévo ou R) possède une affinité pour le récepteur mu 10 fois plus
grande que la forme d (dextro ou S). C’est à partir de 1963 que les premières
expérimentations de la méthadone utilisée comme produit de substitution appa-
raissent à l’hôpital Lexington (Londres). En effet les signes et les symptômes de

135
Drogues et accidentalité

sevrage survenant après un arrêt brutal de méthadone se développent à la fois plus


lentement et sont moins intenses qu’avec la morphine. La tolérance et la dépen-
dance physique se développant plus lentement, la méthadone est un médicament
particulièrement intéressant pour le traitement substitutif des héroïnomanes. Ses
propriétés euphorisantes sont plus faibles que celle de la morphine, en revanche,
son pouvoir dépresseur sur les centres respiratoires est plus élevé.
À l’origine, la prescription de la méthadone s’est exclusivement effectuée au sein
de centres spécialisés de soins aux toxicomanes. En France, la prescription des trai-
tements de substitution à la méthadone par des médecins de ville a été autorisée
en 1995, en relais de traitements initiés par un centre spécialisé de soins aux toxi-
comanes. Depuis 2002, tout médecin hospitalier et tout médecin travaillant dans
une unité de consultations et de soins ambulatoires en milieu carcéral peut initier
un traitement par la méthadone.
La méthadone est inscrite sur la liste des stupéfiants et peut être prescrite pour
14 jours. La délivrance est fractionnée par périodes de 7 jours, sauf mention
contraire expresse du prescripteur.
N’existant à l’origine que sous forme sirop pour éviter son mésusage (tentative
d’injection, usages illicites), la méthadone existe en France depuis septembre 2007
également sous forme de gélules à 1, 5, 10, 20 et 40 mg. Cette forme est réservée
aux patients préalablement traités par la forme sirop depuis au moins un an et
stabilisés notamment au plan médical et sur les conduites addictives.
En début de traitement, la quantité administrée quotidiennement est de 20 à 30 mg
et est fonction du niveau de dépendance physique à l’héroïne. Elle est augmen-
tée progressivement jusqu’à 40 à 60 mg en une à deux semaines en fonction de
la réponse clinique. La dose d’entretien est obtenue par augmentation de 10 mg
par semaine et se situe généralement entre 60 et 100 mg/jour. Pour les sujets très
dépendants, des doses supérieures allant jusqu’à 200 mg/jour, peuvent être néces-
saires. Des doses de 100 mg/jour administrées à un sujet naïf peuvent entraîner
le décès. L’utilisation chronique de la méthadone conduit à une dépendance de
type morphinique. Les symptômes sont similaires bien que moins intenses mais
également plus prolongés.
À noter qu’en France, la prescription de méthadone implique normalement que
le patient se soumette à des analyses urinaires périodiques de contrôle d’usage de
stupéfiants illicites. Une première analyse urinaire vérifie la réalité de la pharma-
codépendance et l’absence de prise de méthadone. Ce contrôle urinaire permet de
s’assurer qu’un même patient ne bénéficie pas de deux suivis parallèles avec prescrip-
tion de méthadone. Dans le cadre du suivi du traitement, les analyses urinaires sont
ensuite pratiquées une à deux fois par semaine pendant les trois premiers mois de
prescription, puis deux fois par mois à l’issue de cette première phase. Les contrôles
portent sur la méthadone, les opiacés naturels et/ou de synthèse, l’alcool, la cocaïne,
l’amphétamine, les dérivés amphétaminiques, le cannabis, le LSD. La recherche et le
dosage des produits listés ne sont pas systématiques mais sont effectués sur demande

136
Héroïne, morphine et autres opioïdes

du prescripteur. Lorsque le patient est stabilisé, les contrôles urinaires sont réalisés
à l’occasion de chaque renouvellement semestriel de la prescription [31, 88].
La méthadone existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre blanche
cristalline inodore.
Sa dénomination commune internationale est : méthadone (C21H27NO, HCl =
345,9 g/mol).

6.1.2.3 Buprénorphine [56, 60, 63]


Découverte par John W. Lewis et Alan Cowan au début des années 1970, la bupré-
norphine est une molécule de synthèse dérivée de la thébaïne, un des alcaloïdes
naturels de l’opium. Elle a une puissante activité analgésique.
La buprénorphine développe une activité dite agoniste partielle (c’est-à-dire agoniste
ou antagoniste selon la dose limitant ses effets dépresseurs cardiorespiratoires).
Faisant le constat que l’accès aux traitements de substitution dans les centres spé-
cialisés était insuffisant par rapport aux besoins, une offre thérapeutique, parallèle
à la méthadone, s’appuyant sur la Buprénorphine Haut Dosage (BHD ; Subutex®
d’abord, suivi de la mise sur le marché d’autres spécialités génériques en 2006) a été
instaurée à partir de 1996. La posologie initiale est de 0,8 à 4 mg/jour en une prise.
La posologie d’entretien est adaptée individuellement à chaque patient en moyenne
à 8 mg/jour sans dépasser 16 mg/jour. Les modalités d’initiation et de prescription
sont plus souples que celles de la méthadone : médicament pouvant être prescrit par
tout médecin, sans condition particulière d’exercice, pour une durée maximale de 28
jours sans renouvellement, délivrance fractionnée en périodes de 7 jours sauf men-
tion contraire expresse du prescripteur. Cette large accessibilité de la BHD constitue
une spécificité française. Aucun contrôle urinaire n’est exigé dans le cadre de cette
prescription à la différence de ce qui est obligatoire pour celle de la méthadone.
Parallèlement, des conséquences indésirables rapportées pour la BHD ont été obser-
vées. Essentiellement liés au cadre de prescription souple, les mésusages de BHD
(injection du produit, usage abusif ou hors protocole, phénomènes de trafic plus
ou moins organisés) ne concerneraient qu’une petite part des usagers, l’immense
majorité y recourant dans un cadre thérapeutique. En France, 150 cas de décès
impliquant la buprénorphine ont été décrits entre 1996 et 2002 ; l’usage par voie
intraveineuse concomitant à une prise de benzodiazépines et/ou de neuroleptiques
constituant alors un facteur de risque majeur [52, 53, 83]. Depuis 2004, des mesures
ont été prises par l’assurance maladie pour limiter ce phénomène. Plus récemment,
afin de renforcer l’encadrement de la prescription et de la délivrance de soins ou
traitements susceptibles de faire l’objet de mésusage, un arrêté ministériel a imposé
l’inscription du nom du pharmacien désigné par le patient sur l’ordonnance et, en
cas de mésusage, l’établissement d’un protocole de soins entre le médecin traitant,
le médecin conseil de la caisse d’assurance maladie et le patient. Courant 2009,
une nouvelle spécialité (Suboxone®) contenant l’association de buprénorphine et
de naloxone devrait apparaître sur le marché français après avoir obtenue l’AMM

137
Drogues et accidentalité

européenne en 2006 et être déjà disponible dans le nombreux pays européens, ceci
afin de limiter encore le risque de mésusage par injection.
La buprénorphine existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre cris-
talline blanche ou sensiblement blanche [56].
Sa dénomination commune internationale est : buprénorphine (C29H41NO4
= 467,6 g/mol).

6.1.2.4 Morphine [56, 60, 81]


La morphine est, outre le principal métabolite (produit de dégradation dans l’orga-
nisme) de l’héroïne, un analgésique prescrit presque exclusivement pour soulager les
douleurs intenses et/ou rebelles notamment d’origine néoplasique. Son usage peut
également être illicite (trafic de médicaments). Cependant à ce jour les toxicomanes
à la morphine sont rares.
Son administration peut se faire par voie orale sous forme de sulfate de morphine
à libération immédiate (solution buvable unidose Oramorph®, gélules Actiskénan®,
comprimés Sévrédol®) ou à libération prolongée (comprimés Moscontin®, gélules
Skénan® LP ou Kapanol® LP) ou par voie injectable ; le chlorhydrate et le sulfate
de morphine en solution peuvent alors être administrés par voie sous-cutanée,
intramusculaire et intraveineuse dans le cadre d’unités de soins [88].
Le chlorhydrate de morphine peut être administré par injection intraveineuse par
le personnel médical d’urgence suite à un accident grave, ce qui peut compliquer
l’interprétation des résultats en cas d’analyse de contrôle. Il est également décrit un
usage dévié d’injection de contenu de gélules ou par broyage de comprimés.
Les doses autorisées par la Pharmacopée française de 30 mg par prise soit 60 mg/
jour, sont facilement dépassées dans le cadre d’une prescription de Moscontin® ou
de Skénan® à 60 et 100 mg deux fois par jour ou plus, en cas de douleurs persis-
tantes ou d’accoutumance à la morphine.
Toutes les spécialités à base de morphine sont inscrites sur la liste des stupéfiants.
La morphine existe sous forme de quatre sels : acétate, chlorhydrate, sulfate et
tartrate. Le sel de sulfate étant le plus fréquent a l’aspect de poudre cristalline
blanche ou incolore.
Sa dénomination commune internationale est : morphine (C17H19NO3, H2O
= 303,4 g/mol).

6.1.2.5 Codéine [4, 56, 60, 81]


La codéine est un antitussif et un analgésique beaucoup moins fort que la morphine.
Elle est employée comme analgésique central en association avec des antalgiques
périphériques (aspirine, paracétamol) qui complètent son action mais aussi comme
sédatif de la toux en association avec des expectorants. Elle se trouve sous forme
sulfate ou phosphate dans des sirops, des comprimés et des suppositoires.

138
Héroïne, morphine et autres opioïdes

Le dictionnaire Vidal de 2008 [88] présente environ 22 spécialités et quelques géné-


riques contenant de la codéine et dont certaines (Néo-codion® surtout), délivrées
sans ordonnance, sont parfois utilisées à doses massives par des toxicomanes en
manque d’héroïne ou par d’autres individus dans le seul but de se « droguer ».
La codéine est administrée par doses uniques de 10 à 50 mg par voie orale ou
rectale, soit des doses journalières de 20 à 160 mg en général.
Jusqu’à 30 mg de codéine par comprimé, la délivrance se fait sans ordonnance
(dose exonérée). Pour les comprimés dosés à 50 mg, une ordonnance est nécessaire
(Liste I des substances vénéneuses).
La codéine est un antalgique narcotique se trouvant naturellement dans l’opium
duquel elle a été isolée en 1832. Elle est produite commercialement par O-méthy-
lation de la morphine beaucoup plus abondante dans le pavot [4].
La codéine existe essentiellement sous forme de sels chlorhydrate et phosphate à
l’aspect de petits cristaux incolores ou poudre blanche cristalline.
Sa dénomination commune internationale est : codéine ou méthylmorphine
(C18H21NO3, H2O = 317,4 g/mol).

6.1.2.6 Oxycodone [4, 60]


L’oxycodone est un analgésique opiacé semi-synthétique utilisé comme analgésique
contre les douleurs moyennes à sévères, les douleurs chroniques et les douleurs liées
au cancer et à d’autres affections débilitantes et terminales. On l’utilise lorsque
d’autres antalgiques de niveau plus faible ne sont pas efficaces ou lorsque le patient
a des effets secondaires intolérables à de tels médicaments. Il est inscrit sur la liste
des stupéfiants.
Neuf spécialités sont inscrites au Vidal 2008 [88], dont des gélules, des comprimés
à libération prolongée et une solution injectable par voie intraveineuse ou sous-
cutanée.
Lorsqu’ils sont utilisés de façon illicite, les comprimés peuvent être avalés, broyés
puis ingérés, reniflés ou dissous dans de l’eau et injectés (ouvrant ainsi la voie à
une multitude de problèmes de santé liés à l’utilisation de drogues injectables).
L’oxycodone est inscrite sur la liste des stupéfiants.
L’oxycodone existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre blanche
cristalline.
C’est un composé chimiquement proche de la codéine.
Sa dénomination commune internationale est : oxycodone ou dihydrone
(C21H21NO4 = 315,3 g/mol).

6.1.2.7 Dextropropoxyphène [56, 60, 81]


Le dextropropoxyphène est un opioïde de synthèse agoniste-antagoniste dérivé de
la méthadone.

139
Drogues et accidentalité

Comme les autres morphiniques, c’est un antalgique d’action centrale. Son action
est environ 10 fois plus faible que celle de la morphine, et un peu plus faible que
celle de la codéine.
Le dextropropoxyphène commercialisé comme principe actif non associé a été retiré
du marché en avril 2001 du fait de son usage détourné et d’un rapport bénéfice/
risque peu satisfaisant dans le traitement de la douleur. Il était disponible unique-
ment en association au paracétamol, ou associé au paracétamol et la caféine. Le
dictionnaire électronique Vidal 2008 [88] recensait 35 spécialités en comportant,
dont deux référents (Di-Antalvic® et Propofan®).
Depuis le 1er mars 2011, toutes les spécialités contenant du dextropropoxyphène
ont été retirées du marché.
Sa dénomination commune internationale est : dextropropoxyphène ou propoxy-
phène (C22H29NO2 = 339,5 g/mol).

6.1.2.8 Fentanyl [4, 56, 60, 62, 81]


Le fentanyl est un analgésique central de type morphinomimétique. Le Dr Paul
Janssen est à l’origine de sa synthèse en 1960.
La forte liposolubilité du fentanyl explique sa bonne pénétration dans le système
nerveux central. Le fentanyl a 17 fois plus d’affinité que la morphine pour les
récepteurs opioïdes mu pour une puissance analgésique 100 fois supérieure.
Le fentanyl, utilisé en clinique depuis 1963, est un médicament majeur dans la
médication pré anesthésique (50 à 100 mg par injection intramusculaire 45 min
avant l’induction anesthésique) ainsi que pour l’anesthésie chirurgicale brève, soit
comme complément des anesthésiques généraux, soit comme inducteur ou pour
le maintien de l’effet anesthésique. Il peut aussi être utilisé comme simple analgé-
sique en dispositifs transdermiques notamment. Il existe 21 spécialités inscrites au
dictionnaire Vidal 2008 [88].
Le fentanyl est le plus souvent administré :
› par voie intraveineuse à des fins d’analgésie ; la phase d’instauration des effets
est rapide mais la durée d’action est courte après une administration par voie
intraveineuse, l’analgésie débute à la trentième seconde, devient maximale à la
troisième minute et persiste environ 20 à 30 min ;
› par voie intramusculaire, l’action débute en 10 min environ et dure 2 h.
Cette voie est utilisée en prémédication, en maintien anesthésique, et pour les
analgésies postopératoires.
Plus rarement, le fentanyl peut aussi être administré :
› par voie péridurale (chez la femme enceinte pendant le travail et après
l’opération) ;
› par voie transdermique iontophorétique pour le traitement des douleurs pos-
topératoires aiguës (Ionsys®) ;

140
Héroïne, morphine et autres opioïdes

› par voie transdermique (dans des cas de douleurs chroniques : patch Durogésic®
contenant 2,1 à 16,8 mg de fentanyl délivrant des doses de 12–100 μg/h pen-
dant 72 h) ;
› par voie buccale transmuqueuse (Actiq®, comprimé avec applicateur buccal)
pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients rece-
vant déjà un traitement de fond morphinique.
Le fentanyl et ses dérivés sont aussi consommés abusivement en intraveineuse par
les toxicomanes, car leurs effets cliniques sont proches de ceux de l’héroïne. En
effet, le « rush » est perçu comme étant proche de celui que procure l’héroïne. La
tolérance et la dépendance physique de ces produits sont aussi très proches de ceux
de l’héroïne. Le fentanyl et les analogues du fentanyl ont été vendus dans la rue
depuis le début des années 1980, surtout aux États-Unis, sous diverses appellations :
héroïne, héroïne synthétique, China white, Tango and Cash. En France comme
en Europe le phénomène est beaucoup plus rare et implique le plus souvent du
personnel médical, probablement de par la très faible accessibilité du produit, classé
stupéfiant et réservé à l’usage hospitalier.
Le fentanyl est le plus souvent présenté sous forme citrate à l’aspect de poudre
blanche cristalline.
Sa dénomination commune internationale est : fentanyl ou phentanyl
(C22H28N2O = 336,5 g/mol).

6.1.2.9 Tramadol [56, 60]


Le tramadol est une molécule de synthèse 4-phényl-pipéridine présentant une ana-
logie de structure avec la codéine. C’est un analgésique d’action centrale, agoniste
faible des récepteurs mu. Son affinité pour les récepteurs mu serait 6 000 fois plus
faible que celle de la morphine et équivalente à celle du dextrométhorphane. Il
possède également une activité monoaminergique centrale par inhibition de la
recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, responsable de la majeure partie
de son action antalgique mais qui conduit à contre-indiquer ce médicament en
cas d’antécédent d’épilepsie ou en association avec des médicaments susceptibles
d’abaisser le seuil convulsif. Le taux de production de son métabolite O-desmé-
thyl-tramadol, est contrôlé de manière analogue à la codéine, par le CYP2D6 qui
présente par rapport à la molécule mère, une plus forte affinité pour les récepteurs
opioïdes.
Le tramadol est un antalgique de palier 2 uniquement disponible sur prescription.
Soixante trois spécialités et nombre de génériques sont répertoriés dans le Vidal
2008 [88]. Il est réservé au traitement des douleurs modérées à intenses. Bien
que son mode d’action mixte, opioïde et monoaminergique, conduise à l’utiliser
avec prudence en cas de risques de convulsions, ce médicament pourrait être
utile dans le traitement des douleurs atypiques, comme la douleur chronique
neuropathique. La posologie par unité de prise est de 50 à 100 mg sans dépasser
400 mg/jour.

141
Drogues et accidentalité

Il a l’aspect d’une poudre blanche cristalline, inodore et amère.


Sa dénomination commune internationale est : tramadol (C16H25NO2 = 263,4 g/
mol).

6.1.2.10 Pholcodine [4, 56, 60]


La pholcodine est un antitussif d’action centrale dont la structure chimique obtenue
par hémisynthèse est proche de la codéthyline. C’est un dérivé morphinique entraînant
une dépression des centres respiratoires plus faible que celle induite par la codéine.
La pholcodine est utilisée uniquement pour son action de dépresseur des centres
respiratoires. Vingt-sept spécialités antitussives en contenant sont inscrites au dic-
tionnaire Vidal 2008 [88] (sirops, pâtes, suppositoires). Elle est utilisée seule ou
associée à d’autres antitussifs, des antihistaminiques, des décongestionnants ORL,
des antispasmodiques, des expectorants… La posologie quotidienne est de 10 à
60 mg chez l’adulte sans dépasser 90 mg.
Sa dénomination commune internationale est : pholcodine ou morpholyléthylmor-
phine (C23H30N2O4, H2O = 416,5 g/mol).

6.2 Devenir des opioïdes dans l’organisme :


pharmacocinétique, distribution tissulaire,
métabolisation, élimination
Les caractéristiques pharmacocinétiques de chaque opioïde sont essentielles à
connaître car elles ont des implications à la fois cliniques [14, 55, 70] et analyti-
ques [10].
D’un point de vue clinique, deux caractéristiques sont importantes à souligner :
› de nombreux opioïdes sont métabolisés via les isoenzymes des cytochromes
P450 ; certains opioïdes (codéine, tramadol, oxycodone) via le cytochrome
P450 2D6 (CYP2D6) soumis à un fort polymorphisme génétique et d’autres
(buprénorphine, méthadone, fentanyl, tramadol) via le cytochrome P450 3A4
(CYP3A4) entraînant alors des risques d’interactions ;
› métabolites formés participent très fréquemment à l’activité voire la toxicité
les
de la substance en cause ; ainsi par exemple, l’action de la codéine dépend hau-
tement de sa biotransformation en morphine (via le CYP2D6) ; un cas d’intoxi-
cation chez un métaboliseur ultra-rapide a ainsi été décrit [37]. La morphine
elle-même est métabolisée en morphine-6-glucuronide active et susceptible de
s’accumuler en cas d’insuffisance rénale ; d’autres opioïdes comme l’oxycodone
ont des métabolites actifs.
D’un point de vue analytique, certains opiacés ayant la même structure phénan-
thrène de base (héroïne, morphine, codéine) ont des métabolites communs ;
seule une bonne connaissance du schéma métabolique de chacun de ces opiacés
permet ensuite au toxicologue analyste de proposer une interprétation des résultats
142
Héroïne, morphine et autres opioïdes

d’analyses toxicologiques. Ceder, par exemple, propose d’utiliser le ratio sanguin


morphine sur codéine comme « bio-marqueur » pour distinguer parmi les conduc-
teurs, un consommateur d’héroïne d’un usager de codéine [10].

6.2.1 Héroïne
La diacétylmorphine (héroïne) s’administre essentiellement par voie intraveineuse
(seringue à insuline) à raison de 2 à 20 mg d’héroïne pure par prise mais également
par « sniff » (voie nasale) ou même, de plus en plus, fumée pour éviter les risques
liés à l’injection intraveineuse (infection, transmission de maladies virales : hépatite
C et VIH). Quelle que soit la voie d’administration, nasale ou intramusculaire,
l’héroïne atteint son pic plasmatique en 5 min environ [79] en même temps que
son premier métabolite la 6-monoacétylmorphine (6-MAM). Elles traversent rapi-
dement la barrière hémato-encéphalique. La liposolubilité de l’héroïne, supérieure à
la morphine, lui confère une activité plus rapide et plus puissante et un large volume
de distribution de 25 L/kg. L’héroïne se dégrade en quelques minutes dans le sang
par une estérase en 6-MAM dont la demi-vie plasmatique est d’environ 20 min
avec des taux de l’ordre d’une dizaine de nanogrammes par litre. Sa métabolisation
se poursuit dans le foie [4] par une désacétylation de la 6-MAM en morphine dont
la demi-vie est plus longue : de 1,5 à 3 h et les taux plasmatiques atteints vont
de 10 à 500 ng/mL [68] voire plus pour des sujets tolérants. Tous les métabolites
subissent une glucuronoconjugaison plus ou moins importante.
La vitesse de dégradation de la diacétylmorphine dans le sang est telle qu’elle est très
rarement détectée dans les fluides biologiques et que seule la présence de 6-MAM
peut signer la prise d’héroïne. L’élimination est principalement urinaire : la 6-MAM
reste détectable pendant 7 h environ. La morphine libre est également éliminée dans
les premières heures, elle est détectable pendant 12 h mais ses dérivés conjugués
restent détectables dans les urines jusqu’à deux jours après la dernière prise [81].

6.2.2 Méthadone [1, 4, 31]


Du fait de son caractère liposoluble, la méthadone administrée par voie orale est
bien absorbée par le tube digestif. Elle subit un effet de premier passage hépatique.
Après administration orale (sirop ou gélules), son pic plasmatique est atteint en 4 h
et oscille de 0,57 à 1,06 μg/mL pour un traitement quotidien de 100–200 mg.
La méthadone se lie à l’albumine et aux autres protéines plasmatiques et tissulaires,
ce qui peut expliquer ses effets cumulatifs et sa lente vitesse d’élimination (son taux
de fixation aux protéines plasmatiques est de 60 % à 90 %). Les concentrations
tissulaires en méthadone (poumon, foie, rein) sont supérieures à la concentration
plasmatique. Elle diffuse à travers le placenta et est excrétée dans le lait. Sa demi-
vie plasmatique est de 12 à 18 h (moyenne 15 h) après une administration orale
unique. Des variations de concentrations plasmatiques interindividuelles sont obser-
vées chez les sujets toxicomanes. Pour des patients recevant 100 ou 120 mg/jour de
143
Drogues et accidentalité

méthadone, la demi-vie plasmatique du produit est de 13 à 47 h (moyenne 25 h).


Son volume de distribution est de 4–5 L/kg.
Son métabolisme est soumis à une forte variabilité interindividuelle expliquée notam-
ment par l’intervention de plusieurs isoformes des cytochromes P450. La méthadone
est métabolisée principalement par le CYP3A4 et secondairement par le CYP2D6 ;
celui-ci métabolisant préférentiellement la forme l (R) tandis que le CYP3A4 et le
CYP1B2 métabolisent les deux énantiomères [84]. La méthadone est métabolisée
dans le foie par mono et di-N-déméthylation et cyclisation conduisant d’une part
au 2-éthylidène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine (EDDP, métabolite primaire
inactif de la méthadone) et d’autre part au 2-éthyl-5-méthyl-3,3-diphénylpyrro-
lidine (EMDP, métabolite secondaire). La méthadone est également métabolisée
par hydroxylation en méthadol, suivie d’une N-déméthylation en norméthadol. La
méthadone, l’EDDP et l’EMDP subissent également une hydroxylation suivie d’une
glucuroconjugaison. Les métabolites majeurs de la méthadone sont inactifs.
La méthadone est excrétée par filtration glomérulaire puis subit une réabsorption
rénale. Sa clairance rénale diminue avec l’augmentation du pH urinaire. L’excrétion
urinaire est dose-dépendante et représente la voie principale d’élimination (60 à
80 %). Après l’administration d’une dose unique de méthadone, 20 % sont excrétés
dans les urines sous forme inchangée et 13 % sous forme métabolisée. 20 à 40 %
de la dose initiale sont également excrétés dans les fèces sous forme métabolisée via
la bile. La méthadone peut être trouvée dans la sueur et la salive.

6.2.3 Buprénorphine [31, 62, 88]


L’administration de buprénorphine par voie orale est inappropriée, car la molécule
subit une N-désalkylation et une glycuroconjugaison dans l’intestin grêle et dans le
foie par un important effet de premier passage. Administrée par voie sublinguale,
elle atteint son pic plasmatique en 90 min et possède une longue phase d’absorption.
Les taux plasmatiques sont de 1 à 5 ng/mL. Elle possède une demi-vie d’élimina-
tion faible de 2 à 5 h compensée par une forte fixation tissulaire, et un volume de
distribution de 2,5 L/kg. L’administration intraveineuse illicite existe par broyage,
dissolution et filtration des comprimés avec une action beaucoup plus forte et
rapide. Elle est métabolisée dans le foie via le CYP3A4 en norbuprénorphine active
(ou N-désalkylbuprénorphine) et en métabolites glucuronoconjugués quasi inactifs.
Son élimination est essentiellement biliaire (80 %) et faiblement urinaire (20 %).

6.2.4 Morphine [4, 88]


Son absorption peut se faire par voie orale ou intraveineuse en usage dévié par
broyage de comprimés. Par voir orale, sa biodisponibilité est de 30 % par rap-
port à la voie intraveineuse. Après absorption, la morphine est liée aux protéines
plasmatiques dans la proportion de 30 %. Son volume de distribution est de 2
à 5 L/kg et son pic plasmatique est atteint en 1 à 1,5 h pour des taux de 10 à
144
Héroïne, morphine et autres opioïdes

100 ng/mL voire 500 ng/mL [68, 56]. Elle pénètre tous les organes (reins,
foie, poumons) sans s’y accumuler et traverse difficilement la barrière hémato-
encéphalique du fait de sa faible liposolubilité. Elle est métabolisée principa-
lement dans le foie par glucuronoconjugaison (54 à 74 %) produisant de la
morphine-6-glucuronide et de la morphine-3-glucuronide dans un ratio de 6:1,
sulfoconjugaison et oxydation. La morphine-6-glucuronide est un métabolite
environ 50 fois plus actif que la substance mère. La normorphine, obtenue par
déméthylation via le CYP3A4 est également un autre métabolite actif. L’élimina-
tion se fait essentiellement par voie urinaire (70 à 90 %) en 24 h en moyenne.

6.2.5 Codéine [4, 81]


La codéine est un hypnotique faible et un antalgique antitussif moins toxicomanogène
et moins actif que la morphine. Elle est habituellement administrée aux doses de 15 à
60 mg par prise avec un pic plasmatique atteint en 1 à 2 h, une demi-vie plasmatique
de 2 à 4 h et un volume de distribution de 3,5 L/kg [81,88]. Les concentrations thé-
rapeutiques vont de 10 à 200 ng/mL [32]. La codéine se métabolise en norcodéine
et en morphine (environ 10 % en 6 à 8 h). Cette biotransformation en morphine
se fait au niveau du foie via le CYP2D6 soumis à un polymorphisme génétique. Un
cas d’intoxication à la morphine provoqué par le seul usage de codéine chez un sujet
« métaboliseur ultra-rapide » a été décrit [37]. Son élimination est urinaire [81].

6.2.6 Oxycodone [31, 81, 88]


L’oxycodone est généralement administrée par voie orale. La biodisponibilité abso-
lue de l’oxycodone varie de 60 à 80 %. L’effet de premier passage hépatique est
faible. La demi-vie d’élimination est en moyenne de 4 à 5 h, et l’état d’équilibre
est atteint en environ 24 h. Les concentrations plasmatiques sont généralement
comprises entre 10 et 100 ng/mL. Le volume de distribution est compris entre 1,8
et 3,7 L/kg. La libération d’oxycodone par les comprimés à libération prolongée a
deux phases, une phase initiale rapide, suivie d’une libération contrôlée qui déter-
mine la durée d’action sur 12 h. L’oxycodone est métabolisée via le CYP2D6 par N-
et O-déméthylation en noroxycodone et en oxymorphone ; l’oxymorphone possède
une activité antalgique, mais les faibles concentrations plasmatiques retrouvées ne
sont pas considérées comme contribuant à l’activité pharmacologique de l’oxyco-
done. Le chlorhydrate d’oxycodone et son principal métabolite, la noroxycodone,
sont éliminés par voie urinaire sous forme libre et conjuguée. Trente-trois à 60 %
de la dose sont éliminés dans les urines de 24 h.

6.2.7 Dextropropoxyphène
Le dextropropoxyphène est administré par voie orale. Son absorption est rapide (moins
d’une heure), le pic plasmatique (0,17–0,37 μg/mL) étant obtenu en moyenne 2 h
après une dose unique de 130 mg par voie orale. Les concentrations plasmatiques en
145
Drogues et accidentalité

dextropropoxyphène sont dose-dépendantes de façon linéaire mais variables selon les


individus. Le norpropoxyphène, son principal métabolite, atteint son pic plasmatique
en 2,5 h environ [43]. Les concentrations plasmatiques restent faibles (60–200 ng/
mL pour des administrations allant jusqu’à 195 mg), avec un temps de demi-vie plas-
matique assez long : dextropropoxyphène : t½ = 13 h (2–26 h) ; norpropoxyphène :
t½ = 36 h (16–48 h) et un volume de distribution de 16 L/kg.
Le dextropropoxyphène est métabolisé au niveau hépatique et intestinal. La méta-
bolisation consiste en une N-déméthylation conduisant au métabolite principal, le
norpropoxyphène qui est lui-même actif et potentiellement toxique notamment au
niveau cardiaque [84]. Lors d’administrations répétées, le norpropoxyphène, atteint
des concentrations plasmatiques bien plus élevées que celles du dextropropoxy-
phène. De la même façon les concentrations en dextropropoxyphène lors d’usage
chronique sont jusqu’à cinq fois plus élevées qu’après prise de doses uniques [90].
L’élimination se fait principalement par excrétion rénale, 60 à 70 % de la dose sont
éliminés dans les urines en 5 jours environ, sous forme de norpropoxyphène. Elle
est essentiellement directe et dans une moindre mesure, par conjugaison. Dans le
même temps, 18 % de la dose est éliminé dans les selles.

6.2.8 Fentanyl [4, 31, 56, 88]


Le fentanyl est une substance très lipophile, facilement résorbé par toutes les voies. Les
paramètres pharmacocinétiques sont variables selon la forme d’administration.
Après application d’un système transdermique (patch), le fentanyl est délivré de façon
continue au niveau systémique pendant 72 h. Les concentrations plasmatiques aug-
mentent progressivement et atteignent un plateau entre 24 et 72 h. Les concentrations
thérapeutiques vont de 0,6 à 3,8 ng/mL. Après retrait du dispositif transdermique, les
concentrations plasmatiques diminuent progressivement (d’environ 50 % en 17 h).
Après administration par voie buccale transmuqueuse (application d’un comprimé
contre la face interne de la joue pendant 15 min), 25 % de la dose sont rapidement
absorbés par la muqueuse buccale et le reste de la dose (soit 75 %) est dégluti et
lentement absorbé au niveau gastro-intestinal. Des Cmax atteintes en 20 à 40 min
sont décrites entre 0.39 et 2.51 ng/mL pour 200 μg à 1600 μg par voie buccale
transmuqueuse.
Après administration intraveineuse chirurgicale, les concentrations maximales atteintes
sont comprises entre 11 et 18 ng/mL. En chirurgie cardiaque elles peuvent atteindre
100 ng/mL. Lors d’administration intraveineuse hors de tout contexte de soin,
seules des concentrations post-mortem sont rapportées ; elles sont comprises entre 3
et 28 ng/mL (moyenne : 8,3 ng/mL). La décroissance des concentrations plasmatiques
du fentanyl est triphasique. Les deux premières phases sont extrêmement courtes. Elles
correspondent à la diffusion du médicament dans le sang et les tissus très vascularisés.
En 5 min, le taux chute à 10 % du pic puis la décroissance est plus lente (diffusion
dans un compartiment plus profond). Son volume de distribution est de 3–8 L/kg.

146
Héroïne, morphine et autres opioïdes

Notons que l’administration de fortes doses répétées crée une accumulation du


produit avec un risque de redistribution. Le fentanyl est rapidement métabolisé,
principalement par N-désalkylation oxydative via le CYP3A4 hépatique en nor-
fentanyl inactif et par oxydation en hydroxyfentanyl. Lors de l’administration de
fentanyl par voie buccale transmuqueuse, il est signalé que l’usage concomitant de
médicaments inhibiteurs du CYP3A4 (macrolides, antifongiques azolés, inhibiteurs
de protéase) nécessite des précautions d’emploi pour éviter un risque de surdosage
par diminution du métabolisme hépatique du fentanyl [88].
Jusqu’à 85 % du fentanyl sont éliminés par voie urinaire sur une période de
3–4 jours, dont 0,4 à 6 % de fentanyl sous forme inchangée et 26 à 55 % sous
forme de norfentanyl.

6.2.9 Tramadol [31, 88]


Après administration orale, le tramadol est rapidement absorbé avec une biodis-
ponibilité décrite de 70 à 90 %. Après administration de 100 mg de ce médica-
ment, des concentrations plasmatiques maximales (Cmax) de 141 ± 40 ng/mL sont
atteintes au bout de 4,9 h. Une Cmax de 260 ± 62 ng/mL est atteinte 4,8 h après
l’administration de 200 mg de ce médicament LP.
La liaison aux protéines plasmatiques est de 20 %, et le volume de distribution
est important (3 à 4 L/kg). La demi-vie d’élimination est comprise entre 5 et 7 h
chez le volontaire sain ce qui nécessite de répéter l’administration toutes les 4 à
6 h pour obtenir un effet antalgique continu.
Une grande part du tramadol est métabolisée (90 %), principalement au niveau
du foie par N- et O-déméthylation puis conjugaison avec l’acide glucuronique. Le
O-desméthyltramadol est un métabolite actif qui possède un effet analgésique plus
important que le tramadol. Il est biosynthétisé au niveau du foie via le CYP2D6
soumis à un polymorphisme génétique. Ceci indique que selon son propre génotype,
chaque individu métabolisera plus ou moins rapidement tous les substrats spécifiques
de ce cytochrome et présentera un profil selon le cas, de « métaboliseur lent » à « méta-
boliseur ultra rapide ». Sa demi-vie d’élimination (6 volontaires sains) est de 7,9 h
(extrêmes de 5,4 à 9,6 h) et approximativement identique à celle du tramadol.
La concentration de O-desméthyltramadol (M1) présente une proportion, par rap-
port à celle de tramadol, très variable selon les auteurs : 25 à 33 % du tramadol
selon certains, mais beaucoup plus élevée pour d’autres [40] qui décrit parfois même
des concentrations de M1 supérieures à celles du tramadol.
Le N-desméthyltramadol (M2) est un autre métabolite du tramadol mais qui est
inactif. Sa biosynthèse est également catalysée par les cytochromes P450 (CYP2B6
et CYP3A4).
L’inhibition de l’un ou des deux cytochromes CYP3A4 et CYP2D6 participant à
la biotransformation du tramadol peut modifier la concentration plasmatique du

147
Drogues et accidentalité

tramadol ou de l’un de ses métabolites actifs. À ce jour, aucune interaction clini-


quement significative n’a été révélée.
Le tramadol et ses métabolites sont presque totalement excrétés par voie rénale
(95 %). Le reste est éliminé dans les fèces.
La pharmacocinétique du tramadol n’est que très peu modifiée par l’âge du patient ;
chez le sujet âgé de plus de 75 ans, la demi-vie est légèrement augmentée.
Chez l’insuffisant rénal, la clairance du tramadol est diminuée parallèlement à la
clairance de la créatinine ; la demi-vie est en moyenne de 12 h.
Chez l’insuffisant hépatique, la clairance du tramadol est diminuée en fonction de
la sévérité de l’insuffisance hépatique.

6.2.10 Pholcodine [4]


Administrée par voie orale, la pholcodine est résorbée plus lentement que la codéine ;
son absorption est quasi totale (88 %) et indépendante de la dose. Après administra-
tion d’une dose orale de 20 à 60 mg, elle atteint son pic plasmatique en 4 à 8 h et
possède une demi-vie plasmatique très longue de 35 à 75 h. Elle possède un volume
de distribution de 30 à 40 L/kg. Les taux thérapeutiques pour des doses orales de
20 à 60 mg vont de 8,9 ng/mL à 80 ng/mL. Elle subit un métabolisme hépatique
et une élimination urinaire très lente qui permet de la détecter de 11 à 20 jours.

6.3 Mécanismes d’action des opioïdes au niveau cérébral


Les opiacés naturels tels la morphine et la codéine, et les opiacés d’hémisynthèse
comme l’héroïne ont une action agoniste opioïde pur. Les autres dérivés de syn-
thèse dénommés opioïdes ont soit une action agoniste opioïde pur, soit une action
agoniste-antagoniste opioïde (voir tableau 6.2, page 147).

Agonistes et antagonistes
L’activité agoniste se définit comme la compétition, sur les sites actifs des récep-
teurs, du produit face au ligand endogène. À ceci s’ajoute la notion de puissance
d’activité de forte (agoniste complet) à faible (agoniste partiel).
Les antagonistes purs sont caractérisés par :
– leur compétition totale à l’égard des agonistes (et partielle à l’égard des
agonistes-antagonistes) ;
– l’absence d’activité agoniste cliniquement décelable.
Les agonistes-antagonistes se caractérisent par leur action agoniste sur certains
récepteurs et antagonistes sur d’autres ; leur action est également fonction de la
dose administrée.

148
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.2 Opiacés et opioïdes [4, 56, 81].

Opiacés naturels Morphine Agonistes


Codéine
Opiacés Héroïne Agonistes
semi-synthétiques Codéthyline
Pholcodine
Oxycodone
Opioïdes Buprénorphine Agoniste-antagoniste
semi-synthétiques Naloxone (antidote) Antagoniste
Opioïdes synthétiques Méthadone Agoniste
Dextropropoxyphène Agoniste (+ possible action
sur d’autres récepteurs)
Tramadol Agoniste
Fentanyl Agoniste

6.3.1 Neuropeptides, ligands endogènes


L’action de l’héroïne, et plus généralement des opiacés et des opioïdes, se focalise
essentiellement sur les centres de la douleur : la sensation de douleur est causée par
l’activation de fibres de petit diamètre des nerfs périphériques. Ces neurones noci-
ceptifs (réceptifs à la douleur) ont leur origine dans les tissus périphériques tels que la
peau, les muscles et les viscères abdominaux. Ils répondent à des stimuli thermiques,
mécaniques ou chimiques. Leurs terminaisons synaptiques sont situées dans l’épine
dorsale de la moelle épinière et libèrent un neuropeptide appelé substance P, norma-
lement régulé dans l’organisme par les peptides opioïdes endogènes (nouveau terme
qui tend à remplacer l’ancienne dénomination endomorphines). L’action analgési-
que des opiacés s’exerce par compétition directe avec les endorphines en inhibant la
libération présynaptique de ce neuropeptide, bouleversant le fragile équilibre naturel
cérébral. L’information de la douleur est ensuite relayée au cerveau, au thalamus ainsi
qu’au système limbique où les récepteurs opiacés sont nombreux.

6.3.2 Récepteurs, mode d’action


Il existe quatre types de récepteurs morphiniques (figure 6.5) : mu, kappa, sigma et
delta, caractérisés selon leurs affinités relatives aux agonistes ou antagonistes opiacés
(tableau 6.3). Il apparaît que tous les récepteurs opiacés appartiennent à une même
famille de récepteurs protéiniques couplés à la guanine appelés « protéines-G ». Le
gène qui commande leur synthèse et l’ARN messager les codant sont, par contre,
spécifiques à chacun. La liaison d’opiacés ou d’endorphines aux protéines-G inhibe
l’action de l’adénylate cyclase réduisant ainsi l’activité générale de la synapse par

149
Drogues et accidentalité

augmentation de la conductance du potassium et réduction de celle du calcium


dont les effets, responsables de la dépression centrale, sont :
› présynaptiques : diminution de la libération de neurotransmetteur ;
› post-synaptiques : diminution du flux de transmission de la cellule nerveuse.

Opiacés - Opioïdes

récepteurs mu, kappa, sigma


protéine - G

inhibition de l’adénylate cyclase


augmentation de la conductance de potassium
diminution de la conductance de calcium

réduction de l’activité générale de la synapse


diminution des flux nerveux pré et post synaptiques

moelle épinière cerveau

analgésie modification de la perception


objective de la douleur

dépression du SNC
euphorie
troubles respiratoires
sensation de bien-être
baisse de l’état de
conscience
baisse des réflexes

FIG. 6.5 Mode d’action des opiacés d’après [64].

Les récepteurs mu (μ) sont présents dans toutes les structures du cerveau et de la
moelle épinière impliquées dans l’analgésie morphinique et l’euphorie (sous-type
Mu1). Ils sont également présents dans le centre du tronc cérébral impliqué dans la
dépression respiratoire, les réactions émétiques, et l’abus compulsif de drogues (sous-
type Mu2). Les récepteurs mu ne sont pas ou peu retrouvés dans le cortex cérébral.
Ces récepteurs sont aussi dénommés OP3 ou MOR (morphine opioid receptors).
Les récepteurs kappa (κ) se situent principalement dans la glande basale, le cortex
cérébral, l’hypothalamus, l’épine dorsale de la moelle épinière. On pense qu’ils

150
Héroïne, morphine et autres opioïdes

diminuent le largage de dopamine. Ils sont impliqués dans l’analgésie, la dyspho-


rie, et les effets psychotomimétiques (hallucinogènes). Ces récepteurs sont aussi
dénommés OP2 ou KOR (kappa opioid receptors).
Les récepteurs delta (δ) sont situés dans la moelle épinière, le cerveau mais aussi le
système limbique. Leur étude reste partielle mais il semble qu’ils soient impliqués
dans l’analgésie et une réponse émotionnelle aux opiacés. Ces récepteurs sont aussi
dénommés OP1 ou DOR (delta opioid receptors).
Les récepteurs sigma (σ) ne sont pas localisés précisément mais leur action agoniste
serait impliquée notamment dans les hallucinations. Pour certains, ils ne seraient
plus considérés comme des récepteurs opioïdes mais plutôt comme les sites d’ac-
tions de la phencyclidine et de ses analogues [84].

TABLEAU 6.3 Les récepteurs opioïdes [82, 84].

Ligands Effets pouvant entraîner une


Récepteur Référence
endogènes perte de vigilance
Mu (μ) Enképhalines Morphine, Analgésie
β – endorphines Agoniste Sédation
Myosis
Euphorie
Dépression respiratoire
Kappa (κ) Dynorphine Kétocyclazocine, Analgésie
Agoniste-antagoniste Sédation
Myosis
Dysphorie
Dépression respiratoire faible
Delta (δ) Enképhalines Delta-alanine-delta- Analgésie
leucine-enképhaline Réponse émotionnelle
Agoniste
Sigma (σ) N-allylnormétazocine, Dysphorie
Agoniste Hallucinations
Stimulation vasomotrice

L’héroïne possède une activité agoniste sur les récepteurs kappa et une activité plus
faible sur les récepteurs sigma. En 1996, son action préférentielle sur un autre récep-
teur est évoquée [69]. Son action sur les récepteurs mu est due à sa métabolisation
en morphine, leur agoniste de référence.
La morphine exerce une activité préférentielle sur les récepteurs mu et kappa, et une
activité plus faible sur les récepteurs sigma. Elle sert de référentiel à l’activité dite
« agoniste » dont les principaux effets sont : analgésie, sédation, myosis, euphorie,
dépression respiratoire.
La codéine a une activité agoniste 10 fois moindre que la morphine ; de même
que la pholcodine, elle agit en modifiant les propriétés convulsivantes et excitantes
de la moelle mais son affinité vis-à-vis des différents récepteurs est mal étudiée.

151
Drogues et accidentalité

La buprénorphine a une grande affinité envers les récepteurs mu et kappa, mais bien
moindre envers les récepteurs delta. Elle développe une activité agoniste partielle (ago-
niste ou antagoniste selon la dose) sur les récepteurs mu et une activité antagoniste sur
les récepteurs kappa. La buprénorphine possède une dissociation très lente vis-à-vis des
récepteurs morphiniques qui fait qu’une partie reste en place sur les récepteurs alors
que les concentrations plasmatiques sont devenues très basses. Cette propriété expli-
que la longue durée d’action de la molécule, le faible développement de la tolérance
et une période de sevrage courte et retardée, utile au traitement de substitution.
La méthadone est un agoniste qui agit préférentiellement sur les récepteurs mu.
Son pouvoir dépresseur des centres respiratoires semble plus marqué que celui de
la morphine, l’euphorie est faible et la dépendance forte. Son usage répété entraîne
également la diminution de production d’adrénaline, due à son action sur le sys-
tème endocrinien.

6.4 Effets des opioïdes sur le psychisme


et conséquences sur l’accidentalité
Les opioïdes interagissent avec plusieurs neuromédiateurs endogènes : les endomor-
phines (enképhalines, dynorphines, bêta-endorphines), la dopamine et la noradré-
naline. Les neurotransmetteurs et les neuropeptides spécifiquement localisés dans
les parties fonctionnelles du cerveau se contrôlent mutuellement par un mécanisme
de rétroaction censé maintenir un état d’équilibre.
L’utilisation d’héroïne modifie considérablement cet équilibre nécessaire à l’adapta-
tion du comportement à l’environnement et au contexte immédiat par l’établisse-
ment de nouveaux schémas biochimiques codés dans la mémoire et irréversibles.
Les opioïdes atteignent deux cibles majeures : le néocortex, centre cognitif respon-
sable du comportement stéréotypé, et le paléocortex, centre limbique responsable
du plaisir et de la récompense. Ils instaurent de ce fait une attitude dépendante du
produit et de la dose et donc totalement détachée de la réalité non seulement de la
conduite et des responsabilités qu’elle nécessite, mais également sociale entraînant
des comportements à risques à la fois pour l’usager et son entourage.
Les opioïdes inhibent sélectivement de nombreuses activités neuronales induites par
des stimuli excitateurs, soit de façon directe : facilitation de la circulation transmem-
branaire du potassium et inhibition de celle du calcium ; soit de façon indirecte :
blocage de la libération des neurotransmetteurs. La diminution de l’activité générale
de la synapse fait que l’information arrive au cerveau non seulement « en retard »
mais considérablement amoindrie voire déformée et les réactions sont également
diminuées. Ce mécanisme d’action explique les difficultés d’appréciation et de réac-
tion d’un individu sous influence d’opiacés même à doses thérapeutiques.
D’une manière générale, le tableau 6.4 rappelle la durée d’action approximative des
principaux opiacés et opioïdes.
152
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.4 Durée d’action des opiacés et opioïdes influant sur l’aptitude
à la conduite automobile ou l’exécution de taches requérant précision
et vigilance [4, 32, 81, 88].
Durée d’influence
sur la conduite de
Temps de demi-vie
Pic plasmatique machines après une
plasmatique
dose thérapeutique2
(ou usuelle)
Héroïne (diacétylmorphine) 4–6 min.
5 min. 3×4 h
Monoacétylmorphine 15–30 min.
Buprénorphine
1–2 h 2–5 h 8h
(cp sublingual)
Méthadone 4h 8–40 h 36–48 h
(moy. 15–25 h)
Morphine 1–1,5 h 1,5–3 h 2–6 h
forme LP1 2–4 h 8–12 h (voire 24 h)
Codéine 1–2 h 2–4 h 4-6 h
Oxycodone 1–2,5 h 4–6 h 8–12 h
Dextropropoxyphène 2h 8–24 h 4–8 h
Norpropoxyphène 4h 24–34 h
Fentanyl patch 24 h 13–22 h 72 h
Cp avec applicateur buccal 20–40 min 2–3 h (max 8 h)
Tramadol 2h 4,3–6,7 h 4–6 h
forme LP1 5h 12 h
Pholcodine 4–h 37 h 8–16 h
1
LP : à libération prolongée.
2
Chiffres à pondérer par des facteurs d’accoutumance et de sensibilité individuelle.

La différence entre la durée d’action et la durée de détection sanguine est due


à plusieurs facteurs dont, principalement, l’affinité aux récepteurs, l’intensité des
effets analgésiques et psychodysleptiques, la sensibilité des méthodes de détection,
la détection de métabolites.
Néanmoins selon Schindler et coll. [74] il est devenu évident que les fonctions
cognitives et psychomotrices sont peu touchées chez les patients recevant des poso-
logies stables d’opiacés pendant des périodes prolongées, soulignant le phénomène
de tolérance. Ceci ne s’applique donc pas lors des adaptations de posologie.
Il a également été suggéré que, même si les patients en thérapie de maintenance
par la méthadone montrent quelques déficits lors des tests destinés à évaluer les
fonctions requises pour la conduite, ces déficits ne sont pas suffisants pour avoir
un impact notable sur les résultats des tests. Par contre, les taux d’accidents et de
risques d’accident sont plus élevés chez les consommateurs de drogues prises de
manière illicite et en dehors des programmes de traitement [74].

153
Drogues et accidentalité

La conduite automobile après consommation de stupéfiants illicites est interdite


par le code de la route en France.
L’Afssaps a demandé aux industriels du médicament d’apposer des pictogrammes
sur les emballages signalant aux usagers si la prise du médicament nécessite, lors de
la conduite d’un véhicule, de simples précautions d’emploi, l’avis d’un professionnel
de santé, ou encore s’il est totalement déconseillé de prendre le volant. Les trois
pictogrammes sont les suivants [21] :

Attention, danger :
Soyez prudent Soyez très prudent ne pas conduire
ne pas conduire ne pas conduire sans l’avis Pour la reprise de la conduite,
sans avoir lu la notice d’un professionnel de santé demandez l’avis d’un médecin

FIG. 6.6 Pictogrammes de dangers sur les emballages de médicaments.

L’effet des opioïdes sur le système nerveux central (SNC) et le relâchement des
muscles lisses a une action particulièrement dommageable autant pour la conduite
automobile que pour les actions requérant attention et précision car ils induisent
une perte de l’attention, des réflexes, de la réalité et de la conscience du danger et
des obstacles.

6.4.1 Héroïne
6.4.1.1 Utilisation ponctuelle
À faibles doses, les effets sont :
› une action analgésique accompagnée de sédation, somnolence et sommeil et une
action dépressive des centres respiratoires pouvant conduire à des malaises ;
› une action psychodysleptique avec euphorie voire dysphorie et une élévation
du seuil de perception douloureuse de toute nature ;
› une hypotension et une bradycardie diminuant les performances du myocarde
sans modifier le débit ;
› une action toxicomanogène avec dépendance physique et psychique ainsi qu’un
myosis (rétrécissement de la pupille) peu dépendant de l’accoutumance, signa-
lant l’intoxication chronique et altérant la vision.
Les effets psychophysiologiques de l’héroïne sont identiques à ceux de la morphine
mais plus brutaux avec une dépression respiratoire plus marquée. On estime que
son action est trois fois plus forte que celle de la morphine.
À fortes doses, l’héroïne provoque des bouffées délirantes, hallucinatoires et des
phases d’excitation motrices parfois convulsives rendant extrêmement dangereuse
l’utilisation de machines dans la mesure où celle-ci est encore possible. Le risque
de surdose mortelle est important.

154
Héroïne, morphine et autres opioïdes

6.4.1.2 Utilisation chronique


Une utilisation chronique peut provoquer, outre des troubles physiques importants,
des troubles psychosomatiques particulièrement marqués chez les toxicomanes sous
l’effet de la drogue :
› une perturbation continue du psychisme avec réactions paranoïaques ;
› de grandes variations de l’état de conscience ;
› des comportements asociaux, agressifs, dépressifs voir même suicidaires.
En dehors des effets psychiques directs dus à la consommation, la dépendance vis-
à-vis du produit et la nécessité de renouveler fréquemment les prises peut entraîner
des réactions agressives et incohérentes lorsque survient le manque induisant un
comportement particulièrement instable voire agressif.

6.4.2 Méthadone
Si les propriétés euphorisantes de la méthadone sont peu marquées, son action dépressive
sur les centres respiratoires peut être à l’origine d’apnées ou de malaises. Lors de la mise
en place du traitement, un effet sédatif marqué (somnolence voire endormissement)
est régulièrement observé. La méthadone peut également provoquer l’apparition de
mouvements automatiques pouvant être associés aux variations de l’état de conscience.
D’autres effets, notamment des altérations de la perception visuelle peuvent se sura-
jouter. Toutes ces données neurocomportementales suggèrent, d’après Gaulier [38], un
risque de diminution de l’aptitude à la conduite automobile sous méthadone.
Les études expérimentales concernant les effets de la méthadone sur les fonctions
cognitives et psychomotrices ont fait l’objet d’une revue par Gaulier en 2003 [38]
dont les conclusions suggèrent que c’est essentiellement au cours du premier mois
de traitement que le patient devrait éviter de conduire. Les résultats des tests réalisés
chez des patients équilibrés sous traitement de maintenance ne montrent pas de
perturbation significative.
Il a été depuis confirmé que, même si les patients en thérapie de maintenance
par la méthadone montrent quelques déficits lors des tests destinés à évaluer les
fonctions requises pour la conduite (déficits non présents dans un groupe traité par
la buprénorphine), ceux-ci ne sont pas suffisants pour avoir un impact significatif
sur les résultats des tests. Le nombre d’accidents et les risques d’accident sont plus
élevés chez les consommateurs de drogues prises de manière illicite et en dehors
des programmes de traitement [74].
Enfin une étude très récente a montré qu’il n’existe pas de différence significative des
résultats de tests d’aptitude à la conduite chez des patients traités à long terme et
stabilisés à la méthadone ou à la buprénorphine au moment du pic de concentration
par rapport à celui où la concentration est d’ordre résiduelle [3].
En France, la méthadone est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de
niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.

155
Drogues et accidentalité

En Norvège les patients intégrés dans un programme de maintenance par méthadone


sont autorisés à conduire si trois conditions sont remplies : être stabilisé à une dose fixe
depuis au moins une période de six mois, être déclaré apte à la conduite par leur médecin
traitant et ne pas consommer d’autres substances psychoactives licites ou illicites [5].

6.4.3 Buprénorphine
La buprénorphine entraîne une dépression respiratoire et un syndrome de sevrage
plus faible que la méthadone. Par contre son action analgésique à faible dose est
bien plus puissante. D’après Gaulier [38], tout comme avec la méthadone, les états
de sédation surviennent essentiellement en début de traitement. Lors d’association
à d’autres dépresseurs du SNC (en particulier benzodiazépines et éthanol) il existe
tout au long du traitement un risque important de sédation avec endormissement,
ce qui constitue un risque majeur lors de la conduite automobile.
Les études expérimentales sur les effets de la buprénorphine sur l’aptitude à la
conduite automobile sont peu nombreuses. Une étude a comparé de façon indi-
recte les résultats de tests obtenus chez 13 patients en substitution par la BHD à
ceux obtenus dans des conditions semblables pour des patients sous méthadone.
Les conclusions suggèrent que le traitement par la buprénorphine serait moins
défavorable que celui par la méthadone au niveau des performances psychomotrices
notamment en situation de stress [80].
Mais depuis, les travaux de Schindler [74] puis Baewert [3] n’ont pas montré de
supériorité réellement significative de la buprénorphine sur la méthadone concer-
nant les résultats de tests d’aptitude à la conduite. Il est systématiquement rappelé
qu’il est primordial de bien informer ces patients sur leur capacité à conduite.
En France, la buprénorphine est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de
niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.

6.4.4 Morphine
Le principal effet secondaire de la morphine ayant un effet direct sur l’accidentalité
est la dépression centrale entraînant sédation et altération de la vigilance. Le myosis
peut aussi être gênant pour l’accommodation visuelle, particulièrement de nuit.

6.4.5 Codéine, pholcodine


Les effets indésirables de la codéine sont comparables aux autres opiacés mais plus
modérés. La pholcodine, dérivée de la codéine, possède une action psychodyslep-
tique encore plus faible.
On peut estimer que leur influence sur la conduite automobile est dans l’ensemble
assez faible à doses thérapeutiques et maximale au pic plasmatique.
Leur association à l’alcool entraîne une forte majoration des effets dépresseurs et
sédatifs, d’où une dangerosité accrue.
156
Héroïne, morphine et autres opioïdes

La codéine à la dose de codéine-base inférieure à 20 mg par unité de prise possède


un pictogramme de niveau 1 tandis que la codéine à la dose de codéine-base supé-
rieure ou égale à 20 mg par unité de prise possède un pictogramme de niveau 2,
depuis mars 2009 [21].

6.4.6 Oxycodone
Comme tous les analgésiques agonistes des opiacés, l’augmentation des doses aug-
mente l’analgésie, à la différence des analgésiques mélangés agonistes/antagonistes
ou non opioïdes, où il y a une limite à l’effet analgésique avec l’augmentation des
doses. L’oxycodone n’a aucune dose maximum définie. Le plafond de l’efficacité
analgésique est imposé seulement par les effets secondaires, les plus sérieux pouvant
inclure la somnolence et la dépression respiratoire. Les effets indésirables sont très
proches de ceux de la morphine et son potentiel de pharmacodépendance est plus
élevé que celui de la codéine, ce qui explique son classement comme stupéfiant.

6.4.7 Dextropropoxyphène
Le dextropropoxyphène a une structure chimique proche de la méthadone. Il n’en-
gendre pas de dépendance aux doses usuelles et sur un traitement court. Néanmoins
en cas d’usage prolongé on voit fréquemment survenir une pharmacodépendance.
Les effets indésirables rapportés en rapport avec des risques d’accidentalité sont nau-
sées, vomissements, douleurs abdominales, céphalées, asthénie, euphorie, troubles
mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges.

6.4.8 Fentanyl
Les effets indésirables sont ceux des morphiniques dans leur ensemble mais beau-
coup plus puissants. En cas de toxicomanie, on peut retenir les mêmes effets indé-
sirables que pour l’héroïne, bien que les conséquences sociales soient en partie
différentes dans la mesure où l’héroïne s’achète « dans la rue » alors que le fentanyl
en France n’est disponible que dans les milieux hospitaliers. De ce fait, le nombre
d’usagers est beaucoup plus restreint.
Le fentanyl chlorhydrate sous forme de dispositifs transdermiques (patchs) a un
pictogramme de niveau 2, tandis que le fentanyl citrate sous forme de comprimés
avec applicateur buccal (transmuqueux), sous forme iontophorétique ou encore en
solutions injectables (anesthésie) a un pictogramme de niveau 3.

6.4.9 Tramadol
À l’instar de ce qui est signalé pour les opioïdes faibles, le tramadol est susceptible
d’entraîner des effets indésirables d’intensité très variable selon les individus et en
rapport avec des risques d’accidentalité tels que céphalées, asthénie, euphorie, trou-
bles mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges. Notons également
157
Drogues et accidentalité

le risque de survenue d’épilepsie par abaissement du seuil épileptogène. Pour toutes


ces raisons, le tramadol a été classé à un risque de niveau 1 [31].

6.5 Aspects analytiques


Le choix du milieu biologique analysé et la technique analytique dépendent de
l’objectif recherché.
Il est fonction de la législation en vigueur pour la conduite automobile, conduite
« sous influence ou après usage » et, dans le cadre du travail, du règlement intérieur
de l’entreprise encadré par le code du travail et le médecin du travail. Il s’agit de
savoir si l’objectif est de déterminer si l’individu est sous l’influence d’un opioïde à
un moment donné ou s’il consomme occasionnellement un stupéfiant opioïde, ou
encore s’il s’agit d’apporter une aide au diagnostic d’une « toxicomanie ».
Dans le cadre de la recherche des opioïdes, le choix du milieu biologique peut
également être conditionné par la nécessité de déterminer avec certitude le toxique
incriminé. Par exemple, selon le délai écoulé entre la prise et les prélèvements, le
cheveu peut parfois être le seul milieu permettant de différencier une prise d’héroïne
d’une prise de morphine.

6.5.1 Quels milieux biologiques utiliser ?


Les différentes matrices utilisées sont répertoriées dans le tableau 6.5.

6.5.1.1 Sang
Seul le sang permet valablement de corréler le degré d’imprégnation d’un individu
par un xénobiotique opiacé ou opioïde avec son comportement, car la présence
d’une molécule dans le sang implique sa présence au niveau cérébral.
Cependant, le seuil de concentration sanguine à partir duquel il y a altération des
capacités n’est pas facile à définir car il est très variable d’un individu à l’autre et,
de plus, il existe pour tous les psychotropes et en particulier pour les opiacés et les
opioïdes, un phénomène d’accoutumance qui, pour un même individu, modifie
ce seuil en fonction des habitudes de consommation. Ainsi l’unique seuil légal
définissable est le seuil analytique de positivité.

158
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.5 Comparaison des principaux avantages et inconvénients


des différents milieux biologiques.
Milieux Avantages Inconvénients/difficultés
Sang Corrélation/imprégnation Tenir compte du phénomène d’accoutumance
récente +++ Identification/dosage long (extraction)
et coûteux
Fenêtre de détection inférieure à 24 h en
moyenne et encore plus courte pour certains
opiacés
Recueil invasif et nécessitant du personnel
qualifié
Urine Échantillon en volume important Pas de corrélation/imprégnation récente
avec analytes à des concentrations Adultérable aisément
élevées Problème de recueil (locaux adaptés)
Fenêtre de détection de quelques jours
Fenêtre de détection de quelques inférieure à celle des cheveux (pour recherche
jours supérieure à celle du sang usage chronique, abstinence…)

Dépistage rapide par Immunochimie : Attention à la spécificité


immunochimie +++ en particulier pour opiacés et opioïdes (faux
négatifs possibles si kits mal connus)
Salive Corrélation/imprégnation Échantillon en quantité faible avec analytes à
récente ++ des concentrations faibles (nécessite technique
Recueil plus simple d’identification très sensible)
que sang et urine
Dépistage rapide par Immunochimie : Attention à la spécificité
immunochimie en particulier pour opiacés et opioïdes (faux
négatifs possibles si kits mal connus)
Cheveux Fenêtre de détection large Corrélation/imprégnation très récente (< 5-7
(pour recherche usage chronique, jours) impossible
abstinence…) Échantillon en quantité faible avec analytes à
Permet d’estimer l’intensité des concentrations faibles (nécessite technique
de la consommation d’identification très sensible)

Recueil non invasif et sans danger Prélèvement disgracieux pour le patient

Rappelons que le temps de demi-vie de l’héroïne est de quelques minutes, sa durée


de détection dans le sang de 5 min, que la 6-monoacétylmorphine, son principal
métabolite, a une demi-vie de 20 min environ et est détectable pendant 1 à 2 h dans
le sang et que leur métabolite principal, la morphine, qui elle est stable, possède
une demi-vie de 1,5 à 3 h et reste détectable 6 à 12 h dans le sang.
Précisons cependant que la prise de codéine aboutit également à la présence de
morphine, mais que le rapport sanguin morphine/codéine permet de différencier
une prise d’héroïne d’une prise de codéine [10].
D’un point de vue analytique, le sang est un milieu biologique complexe dont
l’analyse est délicate même pour la phase de dépistage notamment par techni-
que immunochimique. Comme l’a récemment rappelé Goullé [41], l’usage de
159
Drogues et accidentalité

l’immunoanalyse en toxicologie judiciaire peut s’avérer utile à l’expert analyste


comme méthode de dépistage et d’orientation mais doit obligatoirement être
validé par une technique de confirmation. L’emploi de l’immunoanalyse pour
le criblage des stupéfiants dans le sang total nécessite des tests exempts de faux
négatifs. D’après son expérience sur plusieurs milliers d’échantillons sanguins
analysés à la fois par immunoanalyse et par CPG-SM, il n’a pas noté de faux
négatifs pour la famille des opiacés. Dès 1990, les techniques de dépistage des
stupéfiants basées sur la FPIA (kinetic interaction of microparticles in solution) ou
l’EMIT (enzyme multiplied immunoassay technique) ont fait l’objet d’étude sur le
sang total [6]. Certains tests ELISA (enzyme linked immunosorbent assay) ont fait
l’objet d’évaluation pour le dépistage dans le sang des stupéfiants et particuliè-
rement de celui des opiacés [48]. Plus récemment, Grassin et coll. ont testé le
dépistage de quatre classes de stupéfiants dans le sang total laqué par l’analyseur
Evidence Investigator®. Concernant les opiacés, la spécificité de cette méthode
a été trouvée de 100 % et la sensibilité de 93,5 % [42]. Pépin a comparé quant
à lui le screening des stupéfiants dans le sang total par immunochimie avec les
méthodes de référence [65].
Néanmoins, le sang est essentiellement destiné à une analyse de confirmation a
fortiori quantitative, pour permettre d’apprécier au mieux le degré d’imprégnation
d’un individu. Celle-ci doit être basée sur une technique chromatographique sépa-
rative par CPG-SM ou SM/SM ou CLHP-SM/SM en fonction des concentrations
attendues, comme cela est détaillé dans le chapitre 10.

6.5.1.2 Urine
L’urine, constituée majoritairement d’eau, conserve un intérêt indéniable pour le
dépistage rapide d’une prise récente d’opiacés [89]. Elle offre l’avantage de fournir
un grand volume d’échantillon ainsi que des concentrations élevées d’analytes en
raison de l’effet concentrateur des reins. La durée de détection est environ quatre
fois supérieure à celle du sang que ce soit pour la 6-monoacétylmorphine ou la
morphine. Cependant, si ce milieu biologique est relativement aisé à recueillir, il
présente plusieurs inconvénients :
› il est adultérable aisément surtout par les populations de toxicomanes héroïnoma-
nes avertis, et substituable, son prélèvement nécessite donc des locaux adaptés ;
› pour les contrôles routiers, les forces de l’ordre ne sont pas toujours équipées
de véhicules pour recueillir ce liquide biologique qui doit être fait en présence
d’un médecin. De ce fait, pour des raisons purement matérielles, le prélèvement
salivaire lui est préféré ;
› l’analyse nécessite une très bonne connaissance des kits disponibles en particulier en
ce qui concerne la spécificité vis-à-vis des différents opioïdes (voir ci-dessous) ;
› l’interprétation quantitative des concentrations urinaires doit être prudente car
elle dépend de facteurs non maîtrisables comme la diurèse et de facteurs souvent
mal documentés comme la dose consommée et le délai exact entre le moment
de la consommation et celui du prélèvement urinaire.
160
Héroïne, morphine et autres opioïdes

L’analyse d’urine révèle une consommation dans les 1 à 3 jours environ précédant
le prélèvement (pour plus de détails se référer au tableau 6.7), mais ne renseigne
pas formellement sur l’incapacité d’un individu à exécuter une tâche à un moment
donné, contrairement à l’analyse sanguine.

6.5.1.3 Salive
L’analyse de la salive est la plus récente technique dont les médias et les organisateurs
des contrôles louent les mérites pour le dépistage des drogues. Après l’Australie et la Fin-
lande, ces tests de dépistage salivaires sont désormais intégrés également en France dans
la procédure officielle de dépistage de la conduite sous influence de stupéfiants [25].
Non seulement il est plus facile et moins intrusif de prélever de la salive que de l’urine ;
mais la salive étant prélevée sous contrôle visuel du personnel médical ou des enquêteurs,
elle est difficile à substituer ou adultérer. De plus contrairement à l’analyse d’urine ou
de cheveux, les résultats salivaires indiquent si la drogue a été consommée récemment
et donc renseignent sur l’état d’imprégnation du sujet au moment du prélèvement.
Des travaux ont mis en évidence que, dans la salive, quelle que soit la voie d’admi-
nistration (intraveineuse, inhalée, sniffée) la détection de l’héroïne par CPG-SM
était possible pendant 1 h environ, la 6-monoacétylmorphine pendant 1 à 4 h et
la morphine pendant 12 h. La codéine se détecte pendant 9 à 12 h après prise de
phosphate de codéine par voie orale à la dose de 60 mg [50, 51].
Néanmoins, à l’heure actuelle, les kits de dépistage salivaires le plus souvent uti-
lisés ne détectent pas la méthadone ni la buprénorphine, ni les autres opioïdes de
moindre occurrence (tramadol, dextropropoxyphène, fentanyl).
Par ailleurs, des progrès dans le développement de ces tests salivaires sont encore à
réaliser car leur fiabilité est à améliorer. Une revue des différents tests actuellement
disponibles sur le marché a été publiée tout récemment par Verstraete et Labat
[87]. Ils relatent notamment les résultats de l’étude européenne Rosita-2 entre
2003 et 2005 qui indique une sensibilité pour les opiacés variant selon les tests de
51 à 100 % et une spécificité toujours supérieure à 85 % quel que soit le kit. Le
test actuellement utilisé en France est le Rapid-Stat® de la société Mavand dont le
seuil de positivité pour les opiacés indiqué à 25 ng/mL [27] n’atteint pas le seuil de
10 ng/mL en morphine et 6-MAM recommandé dans l’arrêté du 24 juillet 2008
instaurant le dépistage par test salivaire en France [25].
Le faible volume de salive pouvant être récolté limite son utilisation, soit à du dépistage,
soit à des techniques d’identification et de dosage particulièrement sensibles. Dans ce
dernier cas, des concentrations anormalement élevées dans un prélèvement salivaire
peuvent être observées et sont alors le signe d’une prise très récente et reflètent davantage
la présence du toxique encore dans la bouche que son excrétion par la salive [89].

6.5.1.4 Sueur
Bien que les opiacés et leurs métabolites passent rapidement dans la sueur [49], ce
milieu semble inutilisable dans le cadre de la mise en évidence de conducteurs ou
161
Drogues et accidentalité

de travailleurs sous influence d’opiacés, car son recueil est difficile et aléatoire dans
des délais courts. De plus, les résultats seront fonction de l’hygiène des individus.

6.5.1.5 Cheveu
Un des principaux avantages de l’analyse capillaire est de permettre d’identifier
la molécule mère incriminée et pas seulement ses métabolites parfois peu spéci-
fiques. Elle est également utile pour déterminer l’antériorité et l’intensité d’une
consommation.
D’une façon générale, et à l’instar des États-Unis, certains préconisent l’analyse
capillaire car cette méthode permet de détecter dans les cheveux d’un individu des
traces de la drogue qu’il a consommée plusieurs mois ou même plusieurs années
auparavant, selon la longueur de l’échantillon de cheveux ou de poils, ce qui permet
d’établir le profil de consommation d’un individu.
Le cheveu est très utilisé dans le cadre judiciaire pour différencier le dealer du toxi-
comane et de ce fait une corrélation a été établie entre les concentrations capillaires
et les quantités d’héroïne absorbées [61].
L’analyse capillaire permettant de différencier une prise ponctuelle d’une prise
répétée est particulièrement utile lors d’un suivi pour la restitution du permis de
conduire ou dans le cadre d’une période probatoire ou d’une embauche ou sur un
salarié en poste à risque.
Ce milieu ne permet pas d’apprécier la conduite ou le travail sous influence à un
instant donné puisque le délai entre la prise et le passage dans les phanères est de
plusieurs jours (2 à 5 jours) pour tous types d’opiacés.
La recherche de l’ensemble des opiacés et opioïdes les plus courants dans les cheveux
nécessite obligatoirement des techniques d’analyse très sensibles et spécifiques.

6.5.2 Quelles techniques utiliser ?


Une proposition de démarche est schématisée dans le tableau 6.6.

TABLEAU 6.6 Proposition de démarche analytique.

Selon Imprégnation/
Usage chronique
objectifs faits récents
Dépistage Immunochimie sur Immunochimie sur urine (fenêtre de détection
urine ou salive, voire
de quelques jours) ou cheveux (fenêtre de détection
le sang dépendant de la longueur de la mèche)
Spectrométrie de masse ou immunochimie sur
cheveux (fenêtre de détection de quelques semaines
à quelques mois)
Confirmation Spectrométrie de masse Spectrométrie de masse quel que soit le milieu
sur sang ou salive biologique (urine, cheveux)

162
Héroïne, morphine et autres opioïdes

6.5.2.1 Le dépistage
Le dépistage des drogues s’effectue le plus souvent en France par l’analyse immu-
nochimique que ce soit par des tests rapides au bord de la route ou en santé au
travail [58, 71] ou par des techniques de dépistage largement présentes dans les
laboratoires en phase liquide (EMIT, CEDIA, FPIA…) ou en phase solide (ELISA).
Ces tests, destinés tout d’abord à l’analyse des urines, ont été développés pour
reconnaître les métabolites urinaires plus que les principes actifs.
En ce qui concerne plus spécifiquement les opioïdes, les différents tests actuellement
disponibles sur le marché sont présentés ci-dessous selon les produits.
Comme nous l’avons déjà évoqué, l’usage des ces tests immunochimiques de dépis-
tage urinaire des stupéfiants s’est élargi progressivement à d’autres matrices comme
le sang, puis la salive et les phanères. Cette évolution délicate a nécessité des adap-
tations, par exemple des anticorps plus ciblés sur les produits parents que les méta-
bolites, et nécessite encore des améliorations selon la matrice concernée.
Les dérivés de l’opium peuvent être dépistés dans l’urine jusqu’à 72 h après un
usage, tandis que d’autres opiacés comme la pholcodine peuvent être dépistés dans
l’urine pendant plus d’une semaine (tableau 6.7).

TABLEAU 6.7 Délais moyens de détection des opiacés et opioïdes


dans le sang et l’urine [4,11,81,79,88]
Durée de détection Durée de détection Durée de détection
sanguine* (approx.) salivaire* (approx.) urinaire* (approx.)
Héroïne < 5–10 min métabolisée
Monoacétylmorphine 1–2 h 7h
8–12 h
Morphine 6–12 h 12–48 h
Codéine 8h 24–48 h
Oxycodone 8h nr 24 h
Pholcodine 48–72 h nr 11–20 j
Dextropropoxyphène + 20 h
8–48 h nr
norpropoxyphène (NPX) 72 h pour le NPX
Fentanyl + norfentanyl
24–58 h nr 72 h
(patch)
Buprénorphine (cp.) 4–6 h nr 20–25 h
Méthadone 24–48 h nr 72 h
Tramadol 12–24 h nr 72 h
* Dépend des seuils analytiques.

Un test immunochimique salivaire positif en opiacés peut indiquer une consomma-


tion récente jusqu’à 12 h (morphine et codéine) avant le moment du recueil de la
salive. Bien sûr ce temps n’est qu’une indication et dépend de la dose, de l’individu,
des limites de détection du test et ainsi illustre principalement que la fenêtre de
détection dans la salive est plus courte que dans l’urine [34].

163
Drogues et accidentalité

Les seuils minima de détection des opiacés par les tests de dépistage sont définis
dans le cadre de la conduite automobile à 300 ng/mL d’urine pour la morphine et
à 10 ng/mL de salive pour la morphine et la 6-monoacétylmorphine [25].
Les États-Unis et le Royaume-Uni utilisent très largement et depuis de nombreuses
années les dépistages immunochimiques capillaires, notamment dans le cadre de la
médecine du travail, avec confirmation par spectrométrie de masse [7, 8, 73, 85, 86].
Enfin certains laboratoires français utilisent des tests ELISA en routine pour le
dépistage des stupéfiants dans les cheveux depuis plusieurs années [13].
L’analyse capillaire nécessite néanmoins un savoir faire, une expérience certaine et
l’utilisation obligatoire de seuils de positivité reconnus internationalement par la
communauté scientifique.

6.5.2.1.1 Héroïne, morphine


De nombreux tests de recherche des opiacés par technique immunochimique sont
disponibles sur le marché. Ils sont basés sur les principes EMIT, CEDIA (cloned
enzyme donor immunoassay), FPIA, KIMS (kinetic interaction of microparticles in
solution), ELISA. Selon le kit, l’anticorps est dirigé contre la morphine ou contre la
6-MAM (pour une recherche spécifique d’usage d’héroïne). Les performances du
kit MAM de la société Microgenics ont été testées par plusieurs équipes [9, 39].
Concernant les kits opiacés, les pourcentages de réactions croisées avec les différentes
molécules sont toujours à vérifier, car ils varient avec chacun des kits disponibles.
Il est primordial de souligner que les kits opiacés ne sont pas adaptés pour détecter
les opioïdes tels que la buprénorphine, la méthadone, le tramadol, le fentanyl, et le
dextropropoxyphène. La plupart des techniques sont proposées pour l’analyse sur
urines mais de nombreuses adaptations sont possibles sur d’autres matrices telles que
le sang total, le sérum, le plasma, le sang post-mortem, la salive, les cheveux. Selon les
tests et les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 5 à 2000 ng/mL.
Pour les cheveux le seuil proposé est de 0,2 ng/mg pour la morphine ou la 6-MAM
selon les dernières recommandations internationales [30], et est à 0,5 ng/mg depuis
2004 pour la Société française de toxicologie analytique (SFTA) [29].

6.5.2.1.2 Pholcodine, codéine


La pholcodine, libre de prescription, croise très bien avec l’anticorps dirigé contre
la morphine utilisé dans les kits opiacés ce qui permet de la dépister aisément, sans
toutefois pouvoir l’identifier, d’où la nécessité d’une technique de confirmation en
cas de dépistage positif.
La codéine se métabolise partiellement en morphine et de plus croise également
très bien avec l’anticorps dirigé contre la morphine utilisé dans les kits opiacés ce
qui permet aussi de la dépister aisément avec les kits opiacés.

6.5.2.1.3 Méthadone
De nombreux tests de recherche de la méthadone par technique immunochimique
sont disponibles sur le marché. Ils sont basés sur les principes EMIT, CEDIA,

164
Héroïne, morphine et autres opioïdes

FPIA, KIMS, ELISA. Selon le kit, l’anticorps est dirigé contre l’EDDP (2-éthyli-
dène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine) ou contre la méthadone (pour éviter
les risques de falsification). Il existe très peu de réaction croisée entre les deux, or
d’après Cone [16] le métabolite est retrouvé plus souvent au niveau urinaire que le
produit parent, l’utilisation d’un anticorps dirigé contre l’EDDP semble donc plus
adéquate pour le dépistage de la consommation de méthadone dans les urines. La
plupart des techniques sont proposées pour l’analyse sur urines mais de nombreuses
adaptations sont possibles sur d’autres matrices telles que le sang total, le sérum, le
plasma, le sang post-mortem [47], la salive [15], les cheveux [17]. Selon les tests et
les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 5 à 300 ng/mL sauf pour
les cheveux ou le seuil proposé est de 200 pg/mg pour la méthadone [1].
Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la quétiapine, les
métabolites du vérapamil, la cyamémazine, la lévomépromazine, l’alimémazine, la
diphenhydramine et la doxylamine peuvent interférer avec les tests immunochimi-
ques de la méthadone.

6.5.2.1.4 Buprénorphine
Les tests de recherche de la buprénorphine par technique immunochimique sont
moins nombreux sur le marché sans doute parce que les analyses de contrôle ne
sont pas obligatoires dans les programmes de substitution à la buprénorphine à
la différence de ceux à la méthadone. Il existe à l’heure actuelle deux types de
méthodes basées sur les principes CEDIA ou ELISA. L’anticorps est dirigé contre la
buprénorphine et le pourcentage de croisement avec la norbuprénorphine est varia-
ble selon sa concentration et le kit utilisé. Il peut exister des faux positifs surtout si
le seuil de positivité est fixé à une valeur trop basse [1]. Là encore, de nombreuses
validations sur d’autres types de matrices que les urines ont été décrites telles que
le sang et les cheveux [12] ou encore la salive [15]. Selon les tests et les matrices
biologiques, les seuils de positivité varient de 0,5 à 20 ng/mL sauf pour les cheveux
ou le seuil proposé est de 10 pg/mg pour la méthadone [1].
Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la dihydrocodéine et
le tramadol peuvent interférer avec le kit CEDIA de la buprénorphine.

6.5.2.1.5 Dextropropoxyphène
Il existe quelques tests de recherche du dextropropoxyphène basés sur les principes
CEDIA ou EMIT, le kit FPIA de la société Abbott n’étant plus commercialisé depuis
2008. L’anticorps utilisé dans ces tests est dirigé contre le dextropropoxyphène. D’après
la revue faite par Alvarez [1], le taux de croisement avec le métabolite principal, le
norpropoxyphène est variable selon le kit et parfois selon la concentration. Or l’étude
de Cone et coll. [16], portant sur 538 urines de patients sous traitement par dextro-
propoxyphène, a montré que 50,4 % des urines contenaient du norpropoxyphène seul,
9,9 % contenaient le propoxyphène seul et 39,9 % contenaient les deux composés. Il
est donc important que l’anticorps utilisé reconnaisse le mieux possible le métabolite.
Ces tests sont utilisés essentiellement pour les urines, avec un seuil de positivité courant

165
Drogues et accidentalité

à 300 ng/mL. Ils ont été utilisés pour le dépistage dans les cheveux par Moore [57].
Deux types de substances semblent croiser avec certains tests utilisés pour la recherche
du dextropropoxyphène, la diphénydramine [75] et les dérivés tricycliques [66].

6.5.2.1.6 Tramadol, oxycodone, hydromorphone, fentanyl


Pour ces molécules, seuls des kits basés sur le principe ELISA sont actuellement
disponibles sur le marché des tests de dépistage.

6.5.2.2 Les méthodes de confirmation


Le dépistage des opiacés doit toujours et obligatoirement être suivi, en cas de positivité,
d’une analyse de confirmation. En effet de nombreux opiacés sont libres de prescription
notamment des antalgiques légers (codéine à moins de 20 mg associée au paracétamol)
mais aussi des antitussifs (codéine, pholcodine). Ces derniers ne sont pas des opiacés illi-
cites mais peuvent néanmoins altérer les capacités à réaliser certaines tâches, la conduite
de machines ou la manipulation de certains appareils par exemple. Comme indiqué
ci-dessus, un pictogramme attirant l’attention du consommateur sur les risques de som-
nolence relatif à leur emploi, en particulier pour la conduite de machines, est clairement
appliqué sur les emballages. Leur emploi n’est cependant pas interdit par la loi.
La méthode de référence à l’heure actuelle pour la confirmation et l’identification
est la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM). Elle
s’applique au sang pour lequel le seuil minimum de détection des opiacés est défini
à 20 ng/mL en morphine dans le cadre de la conduite automobile [25].
L’analyse de confirmation par CPG-SM dans l’urine peut également être employée.
Néanmoins, si l’on tient compte du fait que plusieurs opiacés sont métabolisés
en morphine, il est aisé de comprendre que cette détermination dans l’urine peut
poser des problèmes d’interprétation outre les limites de ce milieu déjà évoquées
auparavant. L’analyse du sang reste donc indispensable en confirmation.

Seuils de positivité
La CPG-SM est applicable et des seuils de positivité ont été définis par consensus de
sociétés savantes :
– Le consensus de la SFTA validé en 2004 pour l’analyse des cheveux dans la res-
titution du permis de conduire propose un seuil de 0,5 ng/mg de cheveux pour
tous les opiacés (codéine, morphine, 6-MAM, codéthyline et pholcodine) à partir
d’une prise d’essai de 30 mg de cheveux [29].
– La Society of Hair Testing (SoHT) recommande quant à elle des limites de quanti-
fication inférieures ou égales à 0,2 ng/mg, quel que soit l’opiacé (6-MAM, mor-
phine, codéine) [30].

Concernant la salive, compte tenu des faibles concentrations ne dépassant pas les
100 ng/mL et des faibles volumes disponibles (1 à 2 mL maximum et le plus
166
Héroïne, morphine et autres opioïdes

souvent 0,5 mL), il est préférable d’utiliser des techniques telles que la CPG-SM/
SM ou la CLHP-SM/SM qui sont plus adaptées pour la confirmation dans ce
milieu [72]. En 2007, Simonin et coll. [78] ont proposé une technique de dosage
dans la salive de 4 classes de stupéfiants par CLHP/SM/SM pour laquelle la limite
de quantification est de 1 ng/mL pour les opiacés.

Le cas particulier des patients sous traitement de substitution


Les médecins en charge de patients toxicomanes, auxquels est prescrit un traitement
de substitution aux opiacés, se doivent de connaître et d’informer leurs patients, des
risques encourus et des conditions dans lesquelles se fait le « dépistage de conduite
automobile après usage de stupéfiants ».
En cas de vérification concernant les stupéfiants, les dérivés opiacés font partie des
quatre familles de stupéfiants couramment recherchés :
– À la phase de dépistage urinaire (ou salivaire depuis juillet 2008) : les tests fournis
aux forces de l’ordre ne sont pas adaptés pour la recherche de buprénorphine et
de méthadone. En effet, la recherche des produits de substitution n’est prévue
en France par aucun texte du code de la route. La recherche d’opiacés est ciblée
sur la morphine (et métabolite de l’héroïne pour la salive) qui sera positive en
cas d’usage de morphine, codéine, héroïne, codéthyline, pholcodine, et dihydro-
codéine principalement. Ainsi, l’usage strict de buprénorphine ou de méthadone
n’entraîne pas de positivité du dépistage.
– Si le dépistage est positif ou impossible à réaliser (conducteur blessé ou décédé), il
est obligatoirement réalisé un prélèvement sanguin dans lequel seront recherchés
par technique spécifique pour la famille des opiacés : morphine, codéine, métabo-
lite de l’héroïne, codéthyline, pholcodine et dihydrocodéine. Ainsi, là encore, un
usager strict de buprénorphine ou de méthadone sera négatif pour la recherche
des opiacés cités ci-dessus.
Néanmoins, il faut enfin savoir que, en complément de la vérification des stupé-
fiants, il est parfois spécifiquement mais rarement demandé, au stade de la confir-
mation sanguine, une recherche des médicaments psychoactifs, pouvant inclure la
méthadone ou la buprénorphine.
Cette demande est alors mentionnée dans la mission rédigée par les autorités
requérantes. Il est précisé dans le code de la route que la recherche de médica-
ments psychoactifs ayant des effets sur la capacité de conduire des véhicules peut
être effectuée à la demande du conducteur. Néanmoins, nous constatons que cette
demande est presque toujours initiée par les services de police.
Dans ce cas, un usager de buprénorphine ou de méthadone pourra présenter un
résultat d’analyse positive puisque ces principes actifs font partie des médicaments
psychoactifs pouvant être recherchés.

167
Drogues et accidentalité

Concernant l’analyse capillaire, un certain nombre d’opiacés étant licites et les


quantités de cheveux qu’il est envisageable de prélever étant limitées, nous pré-
conisons une analyse spécifique directe, plutôt qu’un dépistage immunochimique
préalable. Bien sûr cela dépend surtout des quantités disponibles et du nombre de
cas total à dépister, car les cas positifs aux opiacés sont tout de même relativement
rares dans l’entreprise et sur les routes. Certains préconisent cependant l’immuno-
chimie pour le dépistage capillaire [13, 67].
Compte tenu du nombre grandissant de dépistages réalisés (urine, sang, salive,
cheveux), les méthodes de confirmation telles que la CLHP-SM/SM et la « fast »
-CLHP-SM/SM et l’UPCPL-SM/SM (ultra performance chromatographie liquide)
devraient avoir une réelle place dans les laboratoires car elles permettent une ana-
lyse à la fois sensible, spécifique et rapide ; les questions sur la robustesse de ces
méthodes tendant à s’amenuiser avec les innovations techniques des constructeurs,
particulièrement au niveau des sources d’ionisation et des fréquences d’acquisition.
Dans cette optique, Lacroix et coll. ont récemment publié [54] une méthode de
quantification des opiacés, cocaïniques et amphétaminiques par CLHP-SM/SM
après préparation en ligne de l’échantillon. Celle-ci est très prometteuse car elle
permet un dosage rapide et simultané de plusieurs familles de stupéfiants parmi
lesquels se trouvent de nombreux opioïdes et leurs glucuroconjugés.

6.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques,


létales des opioïdes
Le tableau 6.8 (voir page 167) rappelle les concentrations thérapeutiques, toxiques
et létales des principaux opiacés et opioïdes.

6.7 Prévalence des opioïdes dans l’accidentalité


Tous les opiacés et opioïdes sont concernés par les risques d’accidentalité car leur
usage peut être à l’origine de modifications importantes du comportement, de la
vigilance et des capacités de réaction, notamment face à une situation imprévue.

168
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.8 Concentrations sanguines d’usage ou thérapeutiques,


toxiques et létales (d’après [4, 11, 32, 33, 35, 36, 56, 77, 79, 88]).
Concentrations Concentrations Concentrations
thérapeutiques toxiques létales
ou usuelles (ng/mL) (ng/mL) (ng/mL)
Héroïne / / /
Monoacétylmorphine
– IV héroïne 200 mg 4 000 (à 1 min) ? ?
– sniff héroïne 12 mg 14
Morphine
– IV héroïne 5 mg 35 ? 50–3000
– i.v. héroïne 200 mg 580 (moy. 430)
– sniff héroïne 12 mg 20 ?
Morphine 10–120 150 (sans ass. 200–2300
(500 hosp.) respiratoire) (moy. 700)
Codéine 10–200 > 300 1 600
Oxycodone 20–50 > 200 > 600
Pholcodine 10–80 200 470
Dextropropoxyphène 100–750 > 1 000 1 000–17 000
Norpropoxyphène 100–1 500
Fentanyl (patch) 0,3–3,8 2–20
(selon dosage patch)
Buprénorphine 1–8 ? 1,1–29
(selon dosage cp) (selon la voie d’ad-
ministration et
l’association)
Méthadone 100–300 200 (sujet naïf ) 200 (sujet naïf )
200–750 (usager 750 (usager chronique) 1 000
chronique)
Tramadol 10-250 800 1 000

6.7.1 Donnés internes


Nos données statistiques montrent que les cas d’accident consécutifs à la prise
d’opiacés sont relativement peu fréquents.
De 2003 à 2008, le laboratoire Toxlab a observé une prévalence des opiacés de
4,45 % dans les analyses de sang de conducteurs impliqués dans un accident de
la voie publique. Sur ces 4,45 % positifs aux opiacés, il faut retenir que seulement
4,5 % (soit 0,2 % du total) sont positifs avec certitude à l’héroïne et 5,97 % (soit
0,27 % du total) sont positifs à la codéine.
Il en résulte donc que 89,5 % (soit 3,98 % du total des conducteurs impliqués dans
un accident de la voie publique) sont positifs uniquement à la morphine dans le sang.

169
Drogues et accidentalité

Ceci pose un problème d’interprétation car, selon la qualité et la quantité d’héroïne


consommée, il se peut que seule de la morphine soit détectable dans le sang passé
un certain délai. Néanmoins, lorsqu’une prescription de morphine a lieu par suite de
l’accident, l’information est généralement mentionnée sur les fiches B et C et/ou E.
Les concentrations mesurées sont le plus souvent d’ordre thérapeutique : 95,8 %
des concentrations de morphine seule sont inférieures à 100 ng/mL dont 7,8 %
inférieures à 10 ng/mL.
Nous avons, dans de très rares cas, mesuré des concentrations « mortelles » de mor-
phine chez des individus pour lesquels il s’est avéré que la prise de sang pour recherche
de stupéfiants avait été effectuée juste après et dans la même veine que celle ayant
servi à l’administration de morphine suite aux blessures causées par l’accident.
Au CHU de Grenoble, la prévalence des opiacés dans le sang de conducteurs
impliqués dans un accident de la voie publique oscille entre 1,9 et 5,9 % (période
2003–2007). Dans 92,8 % des cas, c’est de la morphine qui est retrouvée à concen-
tration d’ordre thérapeutique (96 %) concordant avec une notion d’administration
dans le cadre de la prise en charge d’urgence du conducteur ou à concentration
toxique (4 %) avec notion de toxicomanie. Dans les cas où de la morphine n’a pas
été retrouvée, de la codéine a été mise en évidence (7,2 %)
Fin janvier 2009, une série de surdoses d’héroïne a été observée en région pari-
sienne, notamment dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise. Il
s’agissait d’une héroïne ayant provoqué des pertes de conscience brutales. En effet
elle était coupée avec de l’alprazolam fortement titré, benzodiazépine principe actif
du Xanax®. Un tel mélange est évidemment dangereux, car il majore la dépression
centrale induite par l’opiacé et peut même conduire au décès.
Sur les cas recensés parus dans la presse, une seule personne serait décédée dans cette
série d’overdoses. Néanmoins, les données de l’enquête de police (voir tableau 6.9,
page 169) montrent que, sur les 44 victimes recensées, au moins 15 personnes
s’étaient administré de l’héroïne frelatée dans leur voiture très peu de temps après
l’achat, pensant reprendre le volant, et pour certaines, avant de se rendre à leur
travail.
Sur ces 15 personnes, 5 au moins ont effectivement repris le volant et ont été
victimes ou ont occasionné des accidents de la route, les autres en étant empê-
chées par une perte de conscience. Sur ces 5 personnes ayant repris le volant
juste après avoir consommé l’héroïne « frelatée », 4 étaient sur le trajet de leur
travail dont 2 avaient consommé pendant leur pause déjeuner et retournaient
travailler.
Pour pouvoir conduire ou essayer de conduire, il est très vraisemblable que ces
personnes étaient accoutumées à la prise régulière d’héroïne ou d’opiacés en général,
toute personne « novice » à la prise d’héroïne étant incapable de prendre le volant
quelques minutes après une injection intraveineuse.

170
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.9 Dix-sept cas d’accidents ou malaises sur la voie publique ou dans une voiture
suite à une prise d’héroïne coupée à l’alprazolam.
Heure
N° Âge Emploi Conducteur Commentaires
des faits
1 41 Technicien oui 12 h Réveillé à l’hôpital sans souvenirs,
traitement méthadone
2 43 Sans oui ? Réveillé à l’hôpital, blessures mains et visage
3 48 Agent oui 15 h Injection IV dans sa voiture puis déséquilibre
d’entretien et plus de souvenirs. Réveillé aux urgences
4 29 Employé oui 15 h 30 Injection IV dans voiture, puis endormi
après travail et réveillé aux urgences de l’hôpital
5 49 Non précisé non, ? Avec un ami, sniff d’héroïne dans véhicule
son ami puis alors qu’ils roulaient ont été interpellés
puis conduits à l’hôpital
Son ami, conducteur n’était pas très bien
6 44 Non précisé oui 11 h à Sniff d’héroïne dans véhicule puis ne se
11 h 30 souvient de rien, ne sait pas si accident ou
pas, réveillé à l’hôpital
7 39 Aide oui 15 h Injection IV d’héroïne, accident voiture,
soignant son ami hospitalisé en soins intensifs.
Traitement Subutex ®
8 41 Cadre oui 16 h Sniff d’héroïne vers 16 h dans voiture puis
aucun souvenir jusqu’au lendemain 15 h
à l’hôpital
9 29 Artisan oui, 13 h 05 Avec ami, a sniffé de l’héroïne dans le véhi-
véhicule cule, a conduit son ami à l’arrêt de bus,
d’entreprise puis s’est endormi sur la nationale et se
réveille aux urgences le lendemain à 14 h
10 42 Agent oui 18 h Injection IV d’héroïne, a repris le volant
commercial puis plus de souvenirs. Accident de circula-
tion. Réveil à l’hôpital
11 51 Non précisé oui Sniff d’héroïne dans véhicule avec son ami,
ensuite plus de souvenirs, réveillé à l’hôpital
12 h
12 35 Jardinier non (avec S’est réveillé à 4 h à l’hôpital
sujet 11)
13 47 Employé oui 13 h Allé en voiture pour achat héroïne, rentré
chez lui consommer en sniff, repart
travailler en voiture, malaise en chemin.
A heurté panneau de signalisation. Réveillé
à l’hôpital. Traitement Subutex ®
14 41 Chauffeur- oui 19 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, puis
livreur trou noir. Réveillé à l’hôpital
15 41 Sans non (avec 17 h Injection IV d’héroïne dans la rue, malaise
sujet 16) sur la voie publique, réveillé à l’hôpital
16 45 Sans oui 10 h Prise d’héroïne dans sa voiture, puis trou
noir. Réveillé à l’hôpital. Traitement
Subutex ®
17 41 Sans oui 15 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, pas
de souvenir de la suite, réveillé à l’hôpital

171
Drogues et accidentalité

6.7.2 Données de la littérature scientifique


Les données de la littérature scientifique européenne sur la conduite sous influence
d’opiacés sont rapportées dans le tableau 6.10.

TABLEAU 6.10 Prévalence des opiacés et opioïdes impliqués dans la conduite


sous influence de drogues en Europe.
Période Nombre de cas (Duid) Prévalence
2002-2003 440 9 % opiacés
7 % morphine libre

1992-1997 4 896 7,9 % codéine


2,7 % dextropropoxyphène

1998-1999 9 013 7 % 6monoacétylmorphine dans l’urine


(85 % d’hommes)
dont :
– 13 % QI de sang
– 94 % positifs en morphine dans le sang
– 6 % négatifs en morphine dans le sang

2000 3 808 cas positifs 10 % morphine


6 % codéine
2 % dextropropoxyphène
________ ______________ ___________________________
1992-2000 1 221 cas positifs
opiacés sang et/ou urine morphine (n = 979
(339 sang et urines ; codéine (n = 784)
882 sang seul) 6-MAM (n = 43)

62 % 6-MAM urine

675 cas positifs opiacés 2,3 % 6-MAM dans le sang


sang
2000 - 2006 55 000 échantillons de 666 (1,2 %) positif en méthadone
sang de conducteurs
(Norvège)

2004-2005 14 811 11 % morphine


8,0 % codéine
1,5 % méthadone
0,5 % propoxyphène
DUID : Driving Under the Influence of Drugs, conduite sous influence de drogues. QI : quantité
insuffisante. THC : tétrahydrocannabinol. 6-MAM : 6-monoacétylmorphine.
172
Héroïne, morphine et autres opioïdes

TABLEAU 6.10 Suite.

Concentrations Commentaires Référence


Cette prévalence des opiacés est
médiane 10 ng/mL (1-110 ng/mL) identique à celle des amphétamines,
inférieure à celle de la cocaïne (13 %) [2]
et nettement inférieure à celle du
cannabis (59 %).
Dans 71 % des cas, des
benzodiazépines étaient aussi [45]
présentes.
LD = 16 ng/mL Dans 83 % des cas présence d’autres
psychotropes.
Âge médian 32 ans.
78 % avaient déjà été arrêtés dans [44]
les 15 ans précédant pour conduite
en état d’ivresse ou sous influence de
drogues.

___________________________
médiane (2,5 et 97,5 percentiles)
30 ng/g (5 et 230)
20 ng/g (5 et 592)
8 ng/g (5 et 104)
[10]
pour lesquels dans le sang : – signe la prise d’héroïne
– 42 % ratio morphine/codéine = 1 à 66
(médiane 6,0) – ancienne prise d’héroïne
– 8,5 % morphine et codéine < LOQ – impossible de conclure sans urine
– 49,5 % morphine seule détectée

– dont 11 avec méthadone seule :


conc. moy. 0,46 mg/L (0,19-0,65)
– 655 avec méthadone associée : Avec
conc. moy. 0,28 mg/L (0,06-0,24) Benzodiazépines : 90 % [5]
Amphétamines : 189 cas
THC : 191 cas
Morphine : 163 cas
Morphine seule dans 42,2 % des cas
avec présence de morphine
[46]

173
Drogues et accidentalité

Les cas publiés mettant en cause les produits de substitution aux opiacés tels que
la méthadone ou la buprénorphine sont rares.
Le jour de Noël 1998, un conducteur de 34 ans est arrêté en état d’ivresse mani-
feste ; les résultats de l’analyse sanguine montrent une alcoolémie négative mais la
présence de méthadone associée à une benzodiazépine à concentration thérapeu-
tique. L’examen clinique le décrit comme ayant un souffle insuffisant pour l’alcoo-
test, titubant arrogant, agressif, le regard anormal, les explications incohérentes et
répétitives [63].
Gaulier et coll. ont rapporté le cas d’un accident de la voie publique en août 2001
[38]. Le véhicule d’un conducteur d’une trentaine d’année vient de percuter un
rocher après une sortie de route inexpliquée. Le conducteur gravement blessé est
évacué vers le centre hospitalier le plus proche où, dès son arrivée, des prélève-
ments biologiques à visée d’expertise toxicologique sont pratiqués compte tenu de
la découverte de seringues et d’une cuillère dans le véhicule. L’éthanolémie est nulle,
de même que les recherches de produits stupéfiants, mais il est relevé dans le sang
la présence de buprénorphine (1,2 ng/mL) et de norbuprénorphine (2,5 ng/mL)
ainsi que du métabolite acide du THC (0,67 ng/mL). De la buprénorphine était
également retrouvée dans les seringues et la cuillère.
Dans le cadre des traitements de substitution par méthadone et buprénorphine, les
principaux facteurs à prendre en compte pour estimer les capacités d’un individu
à mener sa tache sont d’abord le délai depuis la mise en place du traitement, car
les perturbations sur les performances sont particulièrement marquées le premier
mois de traitement, puis l’éventuelle association à d’autres substances psychotropes
due à une potentialisation des effets délétères.

6.8 Conclusion
Ainsi que le laisse prévoir le mode d’action des opiacés sur les récepteurs du système
nerveux central, la prise d’héroïne, de morphine ou d’opiacés licites, de substitution
(buprénorphine, méthadone) ou même d’opiacés antitussifs libres de prescription,
modifie significativement le comportement et les capacités réactives de l’individu.
À ce jour, seule la technique de CPG-SM préconisée par la SFTA dans le sang
ou d’autres techniques utilisant la spectrométrie de masse ou de masse tandem,
permettent de différencier la prise d’opiacés illicites des opiacés consommés sous
contrôle médical ou libres de prescription.
Les travaux publiés concernant la durée d’action des opiacés corrèlent approxima-
tivement la durée de détection sanguine et montrent que l’urine, où la persistance
des opiacés est beaucoup plus longue, ne peut être un milieu scientifiquement
utilisable pour mettre en évidence la preuve d’une consommation sur le lieu de
travail ou d’une conduite sous influence et peuvent en fait ne révéler finalement
que l’usage de stupéfiant illicite.

174
Héroïne, morphine et autres opioïdes

Le législateur a bien précisé que l’infraction qui est commise dans le cadre des
contrôles des conducteurs au volant consiste en « a fait usage de stupéfiant » et non
pas « était sous l’influence de stupéfiant ».
La Cour de cassation en 2008 a d’ailleurs clairement confirmé qu’il s’agissait bien
d’un simple usage par le conducteur et non pas d’une altération de ses capacités à
conduire le véhicule par suite des effets délétères des stupéfiants sur le cerveau.
Les textes du code de la route prévoient l’obligation du dépistage des stupéfiants
lors d’accident de la voie publique (mortel ou non) ou de suspicion d’infraction à
la législation des stupéfiants (ILS). Ce dépistage peut aussi avoir lieu lors de simples
contrôles routiers. La législation prévoit également que ces dépistages soient confir-
més par une analyse sanguine par la méthode de référence qu’est la chromatographie
couplée à la spectrométrie de masse.
De ce fait, pour les opiacés, l’identification précise de la molécule est bien sûr
primordiale.
En ce qui concerne la médecine du travail, la problématique est plus complexe
puisqu’il s’agit de différencier un usage occasionnel d’une toxicomanie avérée ou
d’une consommation abusive, ainsi que de prendre en compte à la fois le respect
de la vie privée en dehors de l’entreprise, la responsabilité de l’employeur et la
sécurité dans l’entreprise.
Certains auteurs recommandent de n’avoir recours à ces tests que dans les cas
où la consommation de drogues ou l’incapacité qui en résulte menace la sécu-
rité du public (conducteur de véhicules de transports publics), voire des collègues
de travail ou bien parfois lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que le
dépistage des drogues va entraîner une amélioration de la qualité du travail abou-
tissant à une meilleure sécurité d’emploi des produits (cas des chaînes de montage
automobile).
Afin de déterminer les capacités de l’individu à l’entrée sur un poste de travail à ris-
que, un dépistage salivaire impromptu serait plus approprié qu’une analyse urinaire
programmée à l’avance (parfois plusieurs semaines) pour un jour donné. L’analyse
capillaire non falsifiable, permettant de connaître les habitudes de consommation
de stupéfiants du travailleur, sera plus difficile à mettre en place dans le contexte
d’un examen fait à la demande exclusive du médecin du travail tel que cela est le
cas en France.
En France, le dépistage de l’usage des stupéfiants sur le lieu de travail est une pratique
relativement récente. Les préfectures la pratiquent pour la délivrance du permis de
conduire ou de son renouvellement en matière de transport routier et de personnes.
Pour les personnels des transports (terrestres, maritimes ou aériens, de marchandises
ou de voyageurs), exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport (liste
fixée en Conseil d’État), la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de
la délinquance, prévoit un renforcement des contrôles et, en cas d’usage de stupéfiants
dans l’exercice de leurs fonctions, une aggravation des sanctions. Ces dispositions

175
Drogues et accidentalité

s’appliquent également aux personnes chargées d’une mission de service public ou


dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions (art. 48) [26].
Selon le Département du Travail des États-Unis, les salariés qui font une consom-
mation abusive de drogues et d’alcool sont impliqués dans la moitié environ des
accidents du travail. De plus l’Institut national de la santé signale que 44 % d’en-
tre eux ont vendu des stupéfiants à d’autres employés et que 18 % ont volé leurs
collègues pour financer leur consommation [24].
Selon une étude réalisée en 2004 auprès d’employeurs britanniques [24], les deux
tiers environ des dirigeants interrogés ont déclaré souhaiter que le gouvernement
introduise une législation sur le dépistage de l’usage des drogues en entreprise, pour
autant qu’elle permette de maintenir un équilibre entre le droit de l’employeur de
recruter des employés qui ne consomment pas des substances illicites et le droit du
salarié au respect de sa vie privée.

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181
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Jean-Pierre Anger1, Jean-Claude Alvarez2,
Gilbert Pépin3, Patrick Mura4

7
Cocaïne et crack

7.1 Produits
7.1.1 Culture du cocaïer et fabrication de la cocaïne
Isolée pour la première fois en 1859 par Albert Niemann, la cocaïne est produite à
partir des feuilles d’un arbuste tropical, le cocaïer cultivé dans les Andes depuis plus de
5 000 ans. Cet arbuste pousse naturellement sur les flancs orientaux chauds et humides
des reliefs montagneux (entre 300 et 2 000 m) de l’Amérique du Sud (Bolivie, Colombie
et Pérou). Sur les 200 espèces recensées en Amérique du Sud, seules trois sont particuliè-
rement riches en alcaloïdes dérivés de l’ecgonine (elles contiennent entre 0,2 et 1,8 % de
cocaïne) : Erythroxylum coca, Erythroxylum novogranatense et Erythroxylum truxillense.
Le cocaïer est un arbuste mesurant entre 0,5 et 2 m de hauteur. Ses feuilles ont une
forme ovale, son tronc est couvert d’une écorce rugueuse de couleur rougeâtre, ses
fleurs présentent chacune cinq pétales libres et égaux et son fruit est une drupe de
type ovoïde de couleur rouge foncé (figure 7.1)

1. UFR Médicales et Pharmaceutiques, Université de Rennes 1.


2. Centre hospitalier universitaire de Garches.
3. Laboratoire Toxlab, Paris.
4. Centre Hospitalier Universitaire, 86021, Poitiers.

183
Drogues et accidentalité

FIG. 7.1 Cocaïer.

Les feuilles, récoltées à la main, sont mises immédiatement à sécher sur une surface
sèche afin d’éviter qu’elles ne moisissent et perdent une partie de leur principe actif.
Il faut de 300 à 500 kg de feuilles séchées pour obtenir 1 kg de cocaïne.
Les feuilles sont mélangées à une base forte comme la chaux ou le carbonate de
potassium. Après plusieurs jours de macération, les alcaloïdes sont extraits du
mélange par addition d’un solvant organique (kérosène). Après élimination des
feuilles, l’addition d’acide sulfurique à la phase organique permet l’extraction des
alcaloïdes les plus alcalins qui, précipités par l’ammoniaque, conduisent à la pâte de
184
Cocaïne et crack

cocaïne ou cocaïne base très impure dénommée « la pasta », de couleur jaunâtre à


brunâtre. Le traitement de la « pasta » par le permanganate de potassium en milieu
sulfurique, oxyde certaines impuretés qui sont éliminées par raffinage à l’éther ou
l’acétone conduisant au « free-basing » : mélange de cocaïne base et de sulfate de
cocaïne qui se présente sous forme de cristaux incolores ou d’une poudre blanche
cristalline de goût amer, sans odeur caractéristique [1].
La cocaïne base (2β-carbométhoxy-3β-benzoxytropane) est l’ester méthylique de la
benzoylecgonine. Elle renferme de nombreux résidus de solvants organiques et est
très inflammable, donc très difficilement consommable ; une étape de purification
supplémentaire est donc nécessaire. Après dissolution dans l’acétone et addition d’acide
chlorhydrique, puis d’alcool absolu, la cocaïne base est précipitée sous forme de cris-
taux blancs légèrement amers : le chlorhydrate de cocaïne (chlorure de méthylben-
zoylecgonine) ou « neige » qui représente la forme de consommation la plus courante
(figure 7.2). Cette poudre blanche qui titre entre 85 et 95 % de chlorhydrate de cocaïne
sera coupée avec d’autres substances (acide borique, sels, sucres, etc.), avant d’être com-
mercialisée. Elle sera utilisée par voie intranasale (sniff) et rarement en intraveineuse.

CH3
N
COOCH3
OCOC6H3
H

Cocaïne
FIG. 7.2 Molécule de cocaïne.

Le crack est apparu dans les Antilles françaises au milieu des années 1980. C’est
le produit de précipitation à chaud du chlorhydrate de cocaïne traité par une base
(bicarbonate de sodium ou ammoniaque). Le produit obtenu se présente sous l’aspect
d’une « galette » solide qui est ensuite débitée en petits morceaux durs et blanchâtres.
Ces « rochers » ou « cailloux » constituent la forme retrouvée à la vente. Le crack
sera inhalé après avoir été pulvérisé et chauffé. Le bruit obtenu lors du chauffage lui
donne son nom. Le crack est une forme de cocaïne titrant environ 80 %.
La cocaïne n’est plus inscrite à la Pharmacopée française. À ce jour, la culture, la
détention et la consommation de cocaïne sont interdites en France. La cocaïne est
inscrite sur la liste des stupéfiants depuis 1925.

7.1.2 Production et trafic de la cocaïne dans le monde


et en Europe
En 2009, la culture du cocaïer dans les Andes s’est traduite par une production
potentielle totale de 845 T de chlorhydrate de cocaïne pur dont 51 % en Colombie,
36 % au Pérou et 13 % en Bolivie. On estime que la production globale de cocaïne
185
Drogues et accidentalité

a chuté de 15 % par rapport à 2008, principalement en raison d’une baisse de


la production colombienne où de nombreux laboratoires de fabrication ont été
démantelés. Les informations disponibles laissent à penser que le trafic de cocaïne
se poursuit vers l’Europe par différents itinéraires [2] (Observatoire européen des
drogues et des toxicomanies – OEDT, 2008). Les expéditions de cocaïne transitent
par les pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale (Argentine, Brésil, Équateur,
Mexique et Venezuela) avant d’arriver en Europe. Les Caraïbes sont aussi fréquem-
ment utilisées pour les transbordements de la drogue vers l’Europe. Sur ces itiné-
raires, la cocaïne est introduite clandestinement sur les vols commerciaux à l’aide
de passeurs (mules) ou par voie maritime. Ces dernières années, un autre itinéraire
passant par l’Afrique de l’Ouest a été identifié. À partir de cette région, la cocaïne
est souvent expédiée en Europe grâce à des navires de pêche ou de plaisance bien
qu’un trafic par voie aérienne ou par route via l’Afrique du Nord ait également été
rapporté (Europol, 2007). D’autres pays de transit ont également été mentionnés :
il s’agit de l’Afrique du Sud, de la Russie et également de certains pays d’Europe
Centrale et Orientale où le nombre de saisies s’est accru passant d’environ 412 cas
en 2002 à 1065 cas en 2007. La Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, Les Pays-
Bas, le Portugal et le Royaume-Uni ont été mentionnés comme des pays de transit
importants des envois de cocaïne au sein de l’Europe (OEDT, 2009).

7.1.3 Saisies et interpellations dans le monde et en Europe


La cocaïne est la drogue qui fait l’objet du trafic le plus intense dans le monde après
le cannabis. En 2007, les saisies de cocaïne à l’échelle mondiale sont restées stables
à environ 700 tonnes. L’Amérique du Sud est la région du monde qui intercepte les
plus grandes quantités de la drogue (45 % des saisies totales), suivie par l’Amérique
du Nord (28 %) et l’Europe occidentale et centrale (11 %) (ONUDC, 2009).
En Europe, le nombre de saisies de cocaïne est en augmentation constante depuis
vingt ans et plus particulièrement depuis 2003. En 2007, le nombre de saisies de
cocaïne a augmenté passant à 92 000 cas, alors que la quantité totale interceptée
a baissé passant de 121 tonnes en 2006 à 77 tonnes en 2007, en raison de saisies
moins importantes au Portugal, en Espagne et en France.
En ce qui concerne les statistiques en France, on a enregistré un total de 48 tonnes
de cocaïne saisie en 2008. Longtemps réservée à une sphère réduite de consom-
mateurs (jet-set), la cocaïne a pénétré désormais en profondeur l’ensemble des
couches de la société française. Les interpellations pour usage concernent toutes
les catégories professionnelles et atteignent, en 2008 un nouveau record avec 4 430
interpellations, soit une hausse de 10 % par rapport à 2007 et 65 % par rapport
à 2002 (OSIRIS, 2008, [28]).
En ce qui concerne le crack, le trafic en France concerne des quantités faibles mais
en constante augmentation depuis le début des années 1990. En 2004 et 2005, les
saisies de crack en France ont été respectivement de 17,9 et 10,7 kg. En fait l’usage
et le trafic de cette drogue concerne surtout les Antilles françaises (Guadeloupe,
186
Cocaïne et crack

Martinique et Guyane, proches des sources d’approvisionnement de la cocaïne)


ainsi que certains quartiers à Paris.

7.1.4 Pureté et prix de la cocaïne en Europe et en France


La pureté moyenne de la cocaïne saisie en Europe depuis ces trois dernières années
est comprise entre 25 et 55 %. Entre 2001 et 2006, le prix de la cocaïne vendue
dans la rue a baissé. En 2007, il oscillait entre 44 et 88 euros le gramme dans la
plupart des pays européens.
En France, les produits de coupage les plus fréquemment retrouvés sont des substan-
ces médicamenteuses comme le lévamisole, la phénacétine, le diltiazem, la caféine,
l’hydroxyzine, la lidocaïne et la procaïne. Il faut y ajouter des diluants comme les
sucres (mannitol, lactose et glucose) et des adjuvants d’origine minérale (acide
borique, carbonates alcalins et talc) (OSIRIS, 2008, [28]).

7.1.5 Prévalence et modes de consommation de la cocaïne


en Europe et en France
Globalement bien que la consommation varie fortement d’un pays à l’autre, la
cocaïne reste la deuxième drogue illicite en Europe après le cannabis. On estime à
quelque 13 millions le nombre d’Européens qui en ont consommé au moins une
fois dans leur vie, soit une moyenne de 4 % des adultes âgés entre 15 et 64 ans. En
2005, la cocaïne comptait en Europe 3,5 millions d’usagers, soit 1 % de l’ensemble
de la population adulte. Dans l’ensemble, la consommation de cocaïne semble se
concentrer dans quelques pays et plus particulièrement au Danemark, en Espagne,
en Italie, en Irlande et au Royaume-Uni, alors que dans les autres pays européens,
la consommation de la drogue reste relativement faible.
En France, en 2005, l’âge moyen du consommateur est de 29 ans : elle représente
près de 50 % du total des interpellations d’usagers de cocaïne, mais une nouvelle
tranche d’âge d’usagers de plus de 41 ans croît régulièrement depuis.
Les principales raisons de la consommation sont liées à la pression sociale pour éviter
son exclusion d’un groupe, ou la recherche d’effets spécifiques (perte de fatigue,
stimulation intellectuelle, etc.) ou enfin appartenir au monde « branché ». La plu-
part du temps, la cocaïne est absorbée par voie nasale, prisée ou sniffée après avoir
réduit la drogue en poudre fine, l’avoir divisée en courtes lignes (rails) et reniflée
alternativement dans chaque narine au moyen d’une paille. L’utilisateur occasionnel
consomme 1 à 2 lignes de 40 à 80 mg, mais la dose quotidienne habituelle pour un
toxicomane peut aller de 4 à 6 lignes. La cocaïne peut également être consommée en
application gingivale, injectée par voie intraveineuse ou encore par voie vaginale.
Moins cher que la cocaïne, le crack est la drogue des pauvres, souvent vendue à une
population de marginaux. Le crack provoque des comportements de consommation
souvent très éloignés de ceux de la cocaïne. Loin d’être une drogue recherchée pour
ses vertus « récréatives » le temps d’une soirée, le crack répond surtout à un besoin
187
Drogues et accidentalité

violent de s’extraire de la réalité. Le crack est fumé au moyen d’une « pipe » le plus
souvent improvisée, comme par exemple une canette en métal percée de trous
d’aiguille. La canette contenant les morceaux de crack est chauffée au moyen d’un
briquet ou d’une bougie et la fumée émise est alors inhalée.

7.2 Métabolisme
La cocaïne (ou méthylbenzoylecgonine) est un ester d’acide benzoïque et d’un
amino-alcool, l’ecgonineméthylester. La molécule présente une région hydrophobe,
comprenant le noyau benzène, et une région hydrophile, contenant la partie amine
et une seconde fonction méthylester (partie ecgonine de la molécule). La cocaïne
est soumise à un fort métabolisme dans l’organisme (figure 7.3).

norcocaéthylène
ecgonine
+ Ethanol EE E
CEH2 + Ethanol Hydrolyse norBZE
COCAÉTHYLÈNE spontanée
CEH1
EME
CEH1 + Hydrolyse p-OH-BZE
Ethanol spontanée et BZE m-OH-BZE
CEH2 + CEH1
cholinestérases
hépatiques COCAÏNE

CYP P 450 m-OH-cocaïne


Oxydation
3A4 Voie fumée hépatique p-OH-cocaïne
Voie fumée +
Norcocaïne éthanol

AEEE
AEM

Anhydroecgonine
FIG. 7.3 Métabolisme de la cocaïne.

La demi-vie de la cocaïne est relativement courte, comprise entre 0,5 et 1,5 h, mais
pouvant aller parfois jusqu’à 4 h en fonction des habitudes de consommation (la
demi-vie est allongée chez les utilisateurs chroniques vs. les usagers naïfs). Dans des
conditions optimales de conservation, la cocaïne va persister dans le sang environ
3 à 8 h, et jusqu’à 24 h dans les urines. Ces délais sont souvent prolongés chez les
consommateurs chroniques. La cocaïne diffuse dans tous les tissus de l’organisme
et traverse la barrière hémato-encéphalique. À doses importantes et répétées, elle

188
Cocaïne et crack

est probablement accumulée dans le système nerveux central. Le volume de distri-


bution est important, reflet de la forte diffusion de la molécule dans l’organisme,
de l’ordre de 1 à 3 L/kg.
In vitro et in vivo, la fonction méthylester de la partie ecgonine de la cocaïne est
rapidement et spontanément hydrolysable à pH physiologique ou basique pour
former la benzoylecgonine (BZE). Cette voie chimique a longtemps été considérée
comme la seule source de formation de la benzoylecgonine. On sait aujourd’hui
qu’il existe également une voie enzymatique, par l’intermédiaire des carboxyles-
térases hépatiques de type 1 [3]. La BZE est inactive. Sa demi-vie d’élimination
plasmatique est comprise entre 4 et 7 h. On la retrouve classiquement jusqu’à 24 h
dans le sang et entre 40 et 60 h dans les urines. Par ailleurs, la BZE est, quelle que
soit la voie d’administration utilisée, le métabolite majoritaire retrouvé au niveau
sanguin et urinaire. Compte tenu de sa longue persistance dans l’organisme et de
sa forte concentration, elle est utilisée comme le marqueur d’une prise de cocaïne.
Contrairement à la cocaïne, la BZE ne passe ni la barrière hémato-encéphalique,
ni le placenta. La BZE retrouvée chez le fœtus et au niveau cérébral provient donc
toujours d’une synthèse in situ.
La cocaïne peut également subir une hydrolyse enzymatique sur l’autre fonction
ester par les butyrylcholinestérases plasmatiques ou par les carboxylestérases hépa-
tiques de type 2 [4] pour être transformée en ecgonineméthylester (EME). La trans-
formation plasmatique par les estérases peut être évitée in vitro par l’utilisation d’un
inhibiteur enzymatique des cholinestérases comme le fluorure de sodium. L’EME
est un métabolite inactif, et bien que retrouvé systématiquement à concentration
plus faible que celle de la BZE, il est également considéré comme un métabo-
lite majeur. Comme pour la BZE, il semble que ce métabolite puisse également
apparaître spontanément in vitro à partir de la cocaïne dans des urines alcalines,
notamment lors d’une mauvaise conservation [5]. Sa demi-vie plasmatique est
intermédiaire entre celle de la cocaïne et celle de la BZE, entre 3,5 et 5,5 h. La
BZE et l’EME vont ensuite se métaboliser en ecgonine, qui apparaît donc tardi-
vement mais semble persister longtemps (jusqu’à 98 h) dans les urines quelle que
soit la voie d’administration utilisée [6].
De nombreux métabolites mineurs ont également été identifiés : la cocaïne peut
être N-déméthylée au niveau hépatique par les cytochromes P450 3A4 pour for-
mer la norcocaïne ou nCOC [7]. Ce métabolite actif, même s’il ne représente
généralement qu’une faible proportion de la dose ingérée (de l’ordre de 5 à 6 %
environ), est important car il serait impliqué dans la toxicité de la cocaïne, en
particulier dans l’apparition des fibroses observées sur le muscle cardiaque et au
niveau hépatique chez les utilisateurs chroniques. Sa demi-vie plasmatique est de
l’ordre de 1 à 2 h.
Lorsque la cocaïne est absorbée simultanément à de l’éthanol, la demi-vie de la
cocaïne est prolongée puisque l’alcool diminue l’activité des carboxylestérases hépa-
tiques de type 1 et 2 [8]. Il va par ailleurs se former un métabolite caractéristique

189
Drogues et accidentalité

de cette association, le cocaéthylène. Il est synthétisé au niveau hépatique par trans-


estérification d’un groupement éthyl sur la cocaïne par le biais de carboxylestérases
hépatiques de type 1 identiques à celles transformant la cocaïne en BZE [3]. Ce
métabolite a une demi-vie plasmatique plus longue que celle de la cocaïne elle-
même, entre 2,5 et 6 h, due en partie à un plus grand volume de distribution. Il
est relativement peu polaire et, passant très bien la barrière hémato-encéphalique,
semble avoir des propriétés centrales similaires à celles de la cocaïne. Il participerait
également aux effets tachycardisants induits par la cocaïne [9]. Il est ensuite trans-
formé lui-même en benzoylecgonine également par les carboxylestérases hépatiques
de type 1 et en ecgonine éthylester (EEE) par les carboxylestérases hépatiques de
type 2 si l’éthanol est toujours présent [10]. L’EEE semble pouvoir être formé éga-
lement à partir de l’EME en présence d’éthanol par trans-estérification. Une faible
partie du cocaéthylène est déméthylé pour former le norcocaéthylène.
Lorsque la cocaïne est fumée (voie pulmonaire), la pyrolyse de cette cocaïne va conduire
à la formation d’un métabolite caractéristique d’une prise de cocaïne par voie inhalée,
l’anhydroecgonineméthylester ou AEME, également appelé méthylecgonidine. La
présence de ce métabolite dans le sang, mais surtout dans l’urine, où il est retrouvé
à plus forte concentration et plus longuement, permet donc d’affirmer une prise de
« crack ». Sa demi-vie plasmatique est de l’ordre de 1 à 2 h. Lors d’une association
de « crack » et d’alcool, un métabolite mineur, l’anhydroecgonineéthylester (AEEE,
également appelé éthylecgonidine) est également retrouvé à plus faible concentration
encore. Sa demi-vie semble toutefois plus longue, de l’ordre de 4 à 5 h. Ces deux
derniers métabolites se transforment ensuite en anhydroecgonine (ou ecgonidine).
La cocaïne peut enfin être directement oxydée par les microsomes hépatiques pour
former la m-hydroxycocaïne (m-OH-COC), dont la demi-vie est relativement lon-
gue, entre 3 et 4 h et la p- hydroxycocaïne (p-OH-COC) à demi-vie plus courte,
entre 1 et 2 h. Ces deux métabolites ne semblent pas être présents chez tous les
consommateurs, et leurs concentrations sont toujours très faibles aussi bien dans le
sang que dans les urines. Ces deux métabolites sembleraient présenter une certaine
activité au niveau du système nerveux central.
La BZE peut également être oxydée en m-hydroxybenzoylecgonine (m-OH-BE),
p-hydroxybenzoylecgonine (p-OH-BE) ou déméthylée en norbenzoylecgonine ou
nBZE [11]. La mise en évidence de ces métabolites mineurs est, pour certains
auteurs, la preuve d’une ingestion de cocaïne et non d’une contamination externe
puisqu’ils ne peuvent pas être produits spontanément in vitro contrairement à la
BZE et à l’EME [5]. Par ailleurs, la m-OH-BE est pour certains auteurs le méta-
bolite identifié ayant la plus longue demi-vie, de l’ordre de 7 à 9 h, ce qui en
ferait le composé le plus longtemps retrouvé dans le sang et les urines, même après
disparition des métabolites majeurs [12].
L’ordre de grandeur des concentrations sanguines de ces quelques composés semble
suivre le classement suivant : BZE > EME > cocaïne > nBZE et p-OH-BE > nCOC
> p-OH-COC > m-OH-BE > m-OH-COC [13].

190
Cocaïne et crack

7.3 Pharmacocinétique
Des problèmes évidents d’éthique ne permettent pas d’étudier correctement les
cinétiques de la cocaïne réellement utilisée par les consommateurs, notamment
lors d’usage chronique important de la drogue. Les différentes études publiées ont
en effet été menées le plus souvent chez des volontaires sains avec des doses admi-
nistrées comprises entre 20 et 50 mg par différentes voies d’administration, alors
que les consommateurs chroniques utilisent des doses de 150 à 250 mg quatre à
six fois par jour, correspondant à des doses journalières de l’ordre du gramme. La
pharmacocinétique chez les vrais consommateurs chroniques reste donc relative-
ment peu étudiée.

7.3.1 Administration par voie intraveineuse


C’est du point de vue pharmacologique la voie de référence. Les effets pharmaco-
dynamiques par cette voie sont très rapides, quasi immédiats. Le modèle retenu le
plus souvent pour étudier la cinétique de la cocaïne administrée par voie intravei-
neuse est un modèle à deux compartiments, avec une élimination d’ordre 1. C’est
également la voie qui entraîne pour une même dose la plus forte concentration
sanguine maximale (Cmax). La Cmax est dose dépendante. Elle est toujours atteinte
très rapidement (Tmax), entre 1 et 5 min après l’injection. La BZE apparaît rapi-
dement, après environ 10 à 15 min, et son pic plasmatique se situe entre 1 et 3 h.
La concentration de l’EME semble faible par cette voie, inférieure à 5 % selon
différentes études [14, 15].
L’administration à 6 sujets d’une dose unique de 25 mg a montré une Cmax
moyenne de 230 ng/mL avec une forte variabilité, puisque les valeurs étaient com-
prises entre 97 et 349 ng/mL, obtenue pour un Tmax inférieur à 3 min. La BZE
était maximale après 2 h (1,1–2,64 h) et présentait des valeurs de l’ordre de 110 ng/
mL (60-165 ng/mL). La demi-vie plasmatique moyenne de la cocaïne était de 1,5 h
(0,39–3,44 h) et celle de la BZE de 5,8 h (4–8,4 h) [14].
Après administration répétée à 10 sujets de deux doses IV de 16 mg séparées par
14 minutes, on observe des Cmax moyennes en cocaïne de l’ordre de 230 ng/mL
(130–340 ng/mL) avec un Tmax égal à 4 min après la seconde prise, alors que deux
doses répétées de 32 mg ont montré des Cmax moyennes de l’ordre de 470 ng/mL
(290–740 ng/mL) et un Tmax identique. La demi-vie plasmatique moyenne de la
cocaïne dans cette étude est de 0,65 h (0,43–1,5 h) [15].

7.3.2 Administration par voie fumée ou inhalée


C’est la voie qui se rapproche le plus de la voie intraveineuse. Les effets pharma-
codynamiques sont également quasi immédiats avec cette voie [16]. La biodispo-
nibilité absolue par voie fumée est de l’ordre de 60 %. Ainsi, une dose de 42 mg
administrée par voie fumée donne des concentrations plasmatiques en cocaïne et

191
Drogues et accidentalité

des paramètres pharmacocinétiques similaires (Cmax et Tmax) à l’administration


intraveineuse de 25 mg de cocaïne [14]. La cinétique de la BZE est également
similaire à celle obtenue avec la voie intraveineuse.
Avec une dose de 42 mg administrée à 6 sujets, on observe une Cmax moyenne
de 227 ng/mL (56-345 ng/mL) avec un Tmax de l’ordre de 3 min. La Cmax de
la BZE est de 86 ng/mL (46-168 ng/mL) correspondant à un Tmax de 1,84 h
(1,27–2,52 h). Les demi-vies de ces deux composés sont respectivement de 1,36 h
(0,28–3,14 h) et de 5,4 h (3,70–7,02 h).
De la même manière, l’étude de Isenschmid et coll. [15] lors d’administrations
répétées de cocaïne montre une bioéquivalence entre l’administration de 25 et
50 mg sous forme fumée avec l’administration de 16 et 32 mg par voie intravei-
neuse. Ainsi, après administration répétée à 10 sujets de deux doses fumées de
25 mg séparées par 14 min, on observe des Cmax moyennes en cocaïne de l’ordre
de 210 ng/mL (80 à 360 ng/mL) avec un Tmax à 4 min après la seconde prise,
alors que deux doses répétées de 50 mg donnent des Cmax moyennes de l’ordre
de 380 ng/mL (200 à 600 ng/mL) et un Tmax toujours de 4 min. La demi-vie
plasmatique moyenne de la cocaïne est de 0,65 h (0,46 à 1,3 h) [15]. Dans cette
même étude, la succession de six doses de 50 mg administrées par voie fumée en
70 min chez trois patients a montré une Cmax moyenne de cocaïne de 890 ng/mL,
avec des valeurs extrêmes comprises entre 690 et 1 200 ng/mL, correspondant à des
concentrations parfois retrouvées chez des personnes décédées. Cette succession de
doses très rapprochées est pourtant le type même d’administration utilisée par les
consommateurs chroniques de « crack ».
Concernant la contamination passive à la fumée ou aux vapeurs de cocaïne, une
étude a été réalisée en 1995 par Cone et coll. [17] : six volontaires non consomma-
teurs de cocaïne ont été exposés durant 1 heure dans une petite pièce à la vapeur
de 100 à 200 mg de cocaïne chauffée à 200 °C. Le sang prélevé à la fin de l’expo-
sition était négatif en cocaïne et métabolites. Les urines prélevées durant 24 h ont
montré des concentrations de BZE comprises entre 22 et 123 ng/mL, donc toutes
négatives en cas de dépistage au seuil recommandé de 300 ng/mL. La quantité ainsi
ingérée a été évaluée à 0,25 mg. Ces six mêmes volontaires ont ensuite reçu 1 mg
de cocaïne en IV, et 4 d’entre eux ont présenté des urines avec des concentrations
en BZE supérieures à 300 ng/mL. Dans un second temps, l’analyse des urines du
personnel médical soumis durant 4 h à la présence de fumeurs de crack consom-
mant plusieurs doses de cocaïne à 12,5, 25 et 50 mg dans le cadre d’une étude a
montré des concentrations urinaires en BZE n’excédant pas 6 ng/mL. Cette étude
a donc permis de montrer que la quantité de cocaïne nécessaire pour rendre un
dépistage urinaire positif est de l’ordre de 1 mg (par voie IV) et que l’exposition
passive à la fumée de cocaïne n’entraîne l’absorption que de très faibles quantités de
cocaïne, insuffisantes pour rendre positif un dépistage urinaire au seuil de positivité
actuellement utilisé.

192
Cocaïne et crack

7.3.3 Administration par voie nasale (« sniffée »)


Les effets pharmacodynamiques apparaissent plus tardivement et sont moins
importants que ceux observés avec les deux voies précédentes. Par ailleurs, les Cmax
obtenues par cette voie sont nettement plus faibles que celles obtenues avec la voie
IV ou fumée pour des doses identiques, avec des Tmax nettement plus longs. Par
contre, la biodisponibilité absolue de la voie est bonne, de l’ordre de 85 %.
L’administration à 6 sujets d’une dose unique de 32 mg par cette voie a montré
une Cmax moyenne de 63 ng/mL (40 et 88 ng/mL), avec un Tmax de 37 min
(23–51 min). La BZE était maximale après 3,44 h (2,94–3,81 h) et présentait
des valeurs de l’ordre de 129 ng/mL (94-158 ng/mL). La demi-vie plasmatique
moyenne de la cocaïne était de 3,40 h (2,52–4,70 h) et celle de la BZE de 3,55 h
(2,57–5,10 h) [14]. Dans cette étude, la dose de 32 mg de cocaïne donne une aire
sous la courbe similaire à celle obtenue avec l’administration de 25 mg par IV, mais
avec une Cmax significativement plus faible et un Tmax significativement plus long.
L’administration de doses plus importantes, de l’ordre de 2 mg/kg (correspondant
à une dose de 140 mg chez un sujet de 70 kg), entraîne des Cmax moyennes de
370 ng/mL avec une très forte variabilité puisque ces concentrations sont comprises
entre 131 et 1 012 ng/mL chez les 10 patients de l’étude [18]. Cette variabilité
pourrait être liée à l’état des muqueuses nasales lié à l’antériorité de la consomma-
tion de cocaïne. En effet, la cocaïne entraîne une vasoconstriction des vaisseaux
nasaux à l’origine ainsi d’une diminution de sa propre absorption.

7.3.4 Administration par voie orale


La cocaïne peut être absorbée par masticage des feuilles de coca ou par l’absorption
de thé à base de feuilles de coca, qui contiennent généralement environ 0,5 % de
cocaïne. La dose administrée ainsi est donc relativement faible, évaluée à 50–75 mg,
mais suffisante pour rendre positif un dépistage urinaire. Ce type de consommation
est toutefois peu utilisé en France. La Cmax est atteinte après environ 1 heure,
mais il existe un important effet de premier passage hépatique limitant la biodis-
ponibilité de cette voie. L’absorption orale ou gastro-intestinale peut également être
accidentelle chez les « body-packers », qui sont des dealers transportant de nombreux
petits paquets de cocaïne après les avoir avalés. En cas de rupture de ces paquets,
la cocaïne va être libérée massivement et absorbée, pouvant entraîner des concen-
trations sériques très élevées [19] parfois à l’origine du décès.

7.3.5 Autres voies d’administration


Il existe un certain nombre d’autres voies d’administration, anecdotiques, et peu
utilisées en particulier dans les problèmes d’accidentologie. On peut citer l’admi-
nistration par voie transcutanée, sous-cutanée [20] et par voie transplacentaire.

193
Drogues et accidentalité

7.4 Effets
La cocaïne est un psychostimulant puissant dont les effets dépendent cependant de
la dose et du mode d’administration.
Sur le plan psychologique, elle provoque une euphorie immédiate, un sentiment de
puissance intellectuelle et physique et une indifférence à la douleur et à la fatigue.
Elle supprime la timidité et donne l’illusion d’une aisance relationnelle, le sentiment
de briller en société, d’être séduisant et « performant ». Elle désinhibe et elle peut
stimuler le désir sexuel mais aussi l’inhiber chez les consommateurs réguliers [21].
À l’issue de ces effets qui peuvent durer jusqu’à deux heures suivant les doses, le
cocaïnomane retrouve une capacité physique relativement normale mais la descente
rend agressif. Pour le crack, ces effets sont généralement plus intenses car le produit
arrive plus vite au cerveau (le poumon étant un organe très vascularisé), mais ils
sont plus brefs (15 à 30 min).
D’une façon générale, la consommation de cocaïne se traduit sur le plan physiolo-
gique par une tachycardie, une dilatation des pupilles, une hypertension artérielle,
des sueurs avec frissons, des nausées suivies éventuellement de vomissements sur un
fond d’agitation psychomotrice avec parfois confusion mentale. La tolérance et la
dépendance s’installent progressivement, mais une cure peut résoudre la dépendance
physique plus rapidement que chez les consommateurs d’héroïne [22]. Suivant la
cadence des prises, c’est après plusieurs mois de consommation que la dépendance
physique s’installe. Les cas d’overdose sont moins fréquents qu’avec l’héroïne, mais
peuvent se produire et sont en augmentation [23].

7.4.1 Mécanisme d’action


Depuis les années 1990 divers travaux expérimentaux ont permis de mieux com-
prendre les effets neuropharmacologiques des drogues sur le cerveau. En ce qui
concerne la cocaïne, on peut globalement résumer l’essentiel de ses actions :
› elle inhibe la re-capture présynaptique des amines biogènes, notamment la
dopamine, ce qui induit un accroissement de la neurotransmission au niveau
des voies dopaminergiques du SNC dans le circuit neuronal du plaisir ;
› elle bloque les canaux sodiques membranaires, d’où ses effets anesthésiants.
Pour comprendre le mécanisme d’action de la cocaïne, il est nécessaire de se repré-
senter la synapse, point de jonction entre les cellules nerveuses (neurones). Au sein
de cette synapse, le signal nerveux est transmis par des molécules appelées neuro-
transmetteurs. La cocaïne exerce son action sur le fonctionnement des cellules du
cerveau productrices de dopamine (DA) et accessoirement d’adrénaline (A) et de
noradrénaline (NA).
Normalement la DA est libérée par la cellule nerveuse en amont et traverse la
synapse pour aller se fixer sur des récepteurs spécifiques sur la cellule en aval. La
durée et l’intensité de la stimulation sont conditionnées par des mécanismes de

194
Cocaïne et crack

recapture et de destruction de la dopamine. La cocaïne inhibe la recapture de


la dopamine au niveau de la fente synaptique en bloquant le transporteur de la
dopamine (TDA) présent dans la membrane des terminaisons axonales dopaminer-
giques. Ce faisant, elle augmente transitoirement la concentration de la dopamine
dans la fente synaptique et notamment au niveau de la voie mésolimbique comme
toutes les substances psychoactives induisant une dépendance. La cocaïne agit ainsi
en tant qu’agoniste dopaminergique.
Dans le cerveau, la dopamine est rare. Ce neuromédiateur est le moyen de
communication d’un petit nombre de neurones (0,3 % des cellules du cerveau)
situés dans l’aire tegmentale ventrale du mésencéphale et le noyau accumbens
(centre du plaisir) logé dans le striatum ventral du cerveau limbique (amygdale),
siège des émotions. C’est pour cette raison que la dopamine est souvent appelée
la molécule du plaisir et que sa libération constituerait une sorte de baromètre
de l’humeur.
Le cerveau va s’habituer à cette sensation de plaisir, les synapses vont s’accoutumer
à ces taux excessivement élevés de neuromédiateurs dans la fente présynaptique et
l’individu consommant régulièrement de la cocaïne va subir, en cas de sevrage, des
crises de manque parfois graves.

7.4.2 Effets physiologiques et comportementaux [24]


7.4.2.1 Effets recherchés
La cocaïne fait ressentir une hyperstimulation aussi bien physique que psychique et
sensorielle : un sentiment de confiance en soi, de toute-puissance, de compétence
intellectuelle accrue, d’un regain de facilité pour les relations sociales, d’hypervi-
gilance, accompagnés d’une certaine indifférence à la douleur, à la fatigue et à la
faim. La cocaïne peut également provoquer de légères déformations des sensations
auditives, visuelles et tactiles. Lors de la consommation de cocaïne, les effets eupho-
risants et de plaisir intense (flash ou rush) sont quasiment immédiats. L’intensité et
la durée des effets sont fonction de la quantité et de la façon dont la cocaïne a été
consommée. Selon le mode de consommation, les effets peuvent durer de 15 min
(shoot) à 2 h (sniff).

7.4.2.2 Effets indésirables


Les effets recherchés consécutifs à la prise de cocaïne sont accompagnés d’une
dilatation des pupilles, de fortes sueurs, de l’accélération de la respiration et, fré-
quemment, de tremblements liés à la montée des catécholamines. La température
corporelle et la pression artérielle augmentent, les battements du cœur s’accélèrent.
L’augmentation de l’activité psychique entraîne également des insomnies. Tous ces
risques sont accrus en cas de consommation importante et répétée.
Lorsque les effets euphorisants de la cocaïne se dissipent survient la « descente ». Elle
est accompagnée de fatigue, frissons, crampes musculaires, anxiété et dépression. Pour

195
Drogues et accidentalité

lutter contre cette souffrance, certains consommateurs peuvent être tentés de se procu-
rer au plus vite de nouvelles doses. D’autres les pallieront en consommant également de
l’héroïne ou des médicaments psychotropes (benzodiazépines, antidépresseurs, etc.).

7.4.2.3 Dangers d’une consommation abusive et répétée


Une consommation répétée de cocaïne peut très vite entraîner une tolérance puis
une forte dépendance psychologique. Les sentiments euphoriques des premières
prises font place à la fatigue et à la dépression, ce qui incite les consommateurs à
les renouveler. Cette dépendance peut favoriser des actes sociaux telles l’entrée dans
la marginalité et la délinquance.
Dès les premières prises, un déficit de l’attention et des troubles de la mémoire peu-
vent se manifester. À plus long terme, la consommation régulière et prolongée de
cocaïne est très toxique pour le cœur (risques d’infarctus du myocarde), les artères et
le cerveau (crises d’épilepsie, infarctus cérébraux, tremblements des mains proches
de ceux observés dans la maladie de Parkinson) ; elle peut également provoquer des
nécroses des muqueuses sur lesquelles la drogue est déposée (en particulier au niveau
de la cloison nasale où elle peut entraîner des inflammations et des perforations).
Des troubles respiratoires (asthme), du foie et des reins sont également possibles.
Une autre conséquence caractéristique est l’apparition de comportements de
méfiance, ou de paranoïa, qui survient sous forme de crises, lors de consommation
continue et/ou de fortes doses. Du fait de la levée de l’inhibition et du sentiment
de toute puissance induits par la cocaïne, ces crises sont parfois associées à un
comportement agressif, voire violent.
Un surdosage de cocaïne peut entraîner une détresse, voire un arrêt cardiaque,
notamment lors des injections. Chez la femme enceinte, la consommation de
cocaïne peut entraîner un accouchement prématuré, un retard du développement
du fœtus, des malformations, des fausses couches.
Lorsque les outils nécessaires à la consommation sont partagés par plusieurs person-
nes, il peut y avoir des transmissions du virus du sida et des virus des hépatites par
les seringues, les cuillers, les cotons, les pailles. Des associations de réduction des
risques distribuent du matériel d’injection stérile, certaines distribuent également
des pailles à usage unique et personnel. Enfin la possession, la consommation et la
vente de la cocaïne étant illégales, elles entraînent pour l’usager et son entourage
des risques sociaux liés aux contacts avec les circuits illicites.

7.4.2.4 Effets sur la conduite automobile [1, 25]


La conduite automobile exige de l’attention, un bon jugement, des sens aiguisés, des
prises de décisions, des réactions physiques et bien sûr, la capacité de coordonner
toutes ces fonctions. Les personnes qui conduisent sous l’influence de n’importe
quelle drogue modifiant le comportement ou l’humeur peuvent constituer un dan-
ger au volant d’un véhicule ou aux commandes d’une machine complexe, en milieu
professionnel.

196
Cocaïne et crack

Tels qu’on les a exposés plus haut les effets de la consommation de cocaïne indui-
sent d’une façon générale une surestimation des capacités du conducteur (euphorie,
confiance en soi, sentiment d’omnipotence, sensation de plaisir intense, course à la
performance, dépassements hasardeux, etc.). Tous ces facteurs entraînent une prise de
risque accrue, responsable de vitesse excessive, d’agressivité au volant, de faux senti-
ment de confiance, parfois d’inattention au décours de la phase euphorique, de perte
de coordination et aussi du fait de la dilatation des pupilles, une mauvaise adaptation
à une lumière vive lors d’un croisement au cours d’une conduite de nuit.
L’usage régulier de cocaïne peut entraîner chez le consommateur une grande ins-
tabilité caractérielle (dysphorie) avec délire d’interprétation à forme paranoïde,
agressivité vis-à-vis des autres conducteurs, attaques de panique, hallucinations,
etc., associés à des troubles de la vigilance et de la concentration qui se révèlent en
fait peu propices à une conduite sereine.
À l’heure actuelle et contrairement à l’alcool, la relation dose-effet pour la cocaïne
et autres stupéfiants n’est pas documentée mais, quoiqu’il en soit, vu le caractère
illicite de cette drogue, aucune valeur limite légale ne peut être proposée. Seuls
des tests de dépistage salivaire ou urinaire sont possibles sur la route et, en cas de
positivité, ils requièrent une prise de sang pour confirmation d’une conduite sous
influence. Le délit est constitué dès lors que la présence de stupéfiants dans le sang
est confirmée par analyse spécifique.

7.5 Aspects analytiques


La recherche et le dosage de la cocaïne ayant été très largement développés dans le
chapitre 10 spécifiquement dédié à cette thématique, nous nous attacherons ici à
en exposer les principales données.

7.5.1 Dépistage urinaire


De très nombreux dispositifs utilisant des bandelettes réactives sont commercialisés
et la plupart d’entre eux sont considérés comme plutôt fiables [26–28] en ce qui
concerne la cocaïne. Fonctionnant sur le principe de l’immunochromatographie,
les anticorps sont en réalité dirigés contre la benzoylecgonine (BZE), le métabolite
principal de la cocaïne. Ces tests urinaires permettent ainsi de dépister un usage de
cocaïne ayant eu lieu dans les 2 à 4 jours précédents.

7.5.2 Dépistage salivaire


La cocaïne et son métabolite majoritaire, la BZE, sont excrétés du compartiment
sanguin vers la salive. Le ratio de concentrations sang/salive est très variable selon les
individus et dépendant essentiellement du pH salivaire. La concentration en cocaïne
dans la salive est supérieure à celle observée dans le sang, pouvant être jusqu’à 8 fois

197
Drogues et accidentalité

plus élevée [29]. En revanche, les concentrations sanguines en BZE sont 1,2 à 10 fois
supérieures aux concentrations salivaires. Cependant, compte tenu d’une demi-vie très
courte pour la cocaïne (1 h environ) alors que celle de la BZE est beaucoup plus longue
(environ 6 h), la plupart des tests salivaires commercialisés sont conçus pour rechercher
la présence de BZE. Il en est ainsi pour le Rapid Stat®, actuellement utilisé en France
dans le cadre de la sécurité routière. Selon les caractéristiques fournies par le fabricant,
le seuil de positivité du Rapid Stat® est de 10 ng de BZE par mL de salive.

7.5.3 Dosage sanguin


Les technologies les plus appropriées sont la chromatographie gazeuse couplée à la
spectrométrie de masse (CPG-SM) [30] et la chromatographie liquide couplée à la
spectrométrie de masse en tandem (CPL-SM/SM) [31]. Ces méthodes permettent
d’identifier formellement et de doser la cocaïne et ses métabolites.
Bien que des études épidémiologiques réalisées en France aient montré que l’usage de
cocaïne chez les conducteurs était en hausse ces dernières années [32], le nombre de
conducteurs positifs à la cocaïne n’était pas suffisant pour illustrer le niveau de concen-
tration en cocaïne et/ou en BZE pouvant être observé dans le sang des conducteurs.
Une étude suédoise [33] réalisée sur la période 2000–2004 a permis d’analyser les
valeurs observées dans le sang de 795 conducteurs chez lesquels un usage de cocaïne
avait été confirmé (parmi 26 567 conducteurs soumis au dépistage soit 3 %).
Dans 574 cas, la concentration en cocaïne était inférieure à la limite de quantifica-
tion (20 ng/mL) tandis que la BZE y était retrouvée à une concentration moyenne
de 190 ng/mL (la plus élevée étant de 1 300 ng/mL).
Dans 221 cas, la cocaïne et la BZE étaient présentes dans le sang à des concentra-
tions moyennes de 76 ng/mL et 859 ng/mL, respectivement. Les concentrations
en BZE étaient toujours supérieures à celles de la cocaïne, avec un rapport moyen
BZE/cocaïne égal à 14,2 (variant entre 1 et 55).

7.6 Conclusion
Jusqu’au début des années 1980, la cocaïne était considérée comme une « drogue
douce », un simple euphorisant sans danger. Puis des études ont permis de montrer
que cette substance possédait en réalité un potentiel addictif très important, une
toxicité somatique et psychique des plus dangereuses pour soi-même et pour autrui.
Ses effets délétères sur l’aptitude à conduire un véhicule sont désormais bien établis.
L’usage de cocaïne provoque une surestimation des capacités des conducteurs avec
une agitation psychomotrice intense. Il en résulte une conduite à risque malgré
la présence de troubles visuels et auditifs. Si le nombre d’accidents du travail liés
à un usage de cocaïne est à ce jour mal estimé, toutes les études révèlent que le
nombre d’accidents de la route induits par une consommation de cocaïne est en
augmentation et se situerait en deuxième position après le cannabis.
198
Cocaïne et crack

7.7 Documents de référence


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200
Cocaïne et crack

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201
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Vincent Cirimele1, Anne-Laure Pelissier-Alicot2

8
Dépistage urinaire

Depuis une décennie, le dépistage urinaire des conduites addictives s’est généra-
lisé dans différents secteurs de la société, en médecine du travail, en toxicologie
hospitalière, lors du suivi biologique des patients sous traitement de substitution
aux opiacés, ou encore en toxicologie judiciaire, dans le cadre de la conduite auto-
mobile, de la recherche des causes de la mort et du dopage. Ce dépistage porte
le plus souvent sur les principales familles de stupéfiants, opiacés, amphétamines,
cannabinoïdes, cocaïne et dérivés, mais toutes les substances psychoactives peuvent
être concernées.
Le dépistage urinaire permet d’une part de privilégier un prélèvement biologique
non traumatisant et simple à réaliser en terme de recueil, et d’autre part de disposer
d’une technique facile à utiliser, transposable aisément et automatisable. Cette adé-
quation théorique se heurte cependant à de nombreuses contraintes analytiques et
pratiques qui limitent le champ d’application du dépistage urinaire. Les méthodes
immunologiques utilisent toute la reconnaissance épitopique spécifique de la molé-
cule à doser ou du chef de file de la famille à rechercher. En effet, ces techniques
impliquent l’utilisation d’immunoglobulines (anticorps) réagissant par liaison à la

1. Laboratoire ChemTox, Illkirch.


2. Service de Médecine Légale, Faculté de Médecine de Marseille.

203
Drogues et accidentalité

substance ciblée ou son métabolite (antigène, Ag) et sont particulièrement sensi-


bles à la présence de très faibles quantités d’antigènes. Par contre, la méthodologie
utilisée peut être très différente tant pour la nature des anticorps (Ac) utilisés que
pour le choix du mode de séparation et de révélation du complexe Ag-Ac et du
type de signal généré. Une bonne connaissance des caractéristiques de ces tests est
nécessaire pour les utiliser efficacement.

8.1 Excrétion urinaire des xénobiotiques


L’excrétion urinaire représente la principale voie d’élimination des xénobiotiques.
Les molécules-mères et leurs métabolites, circulant dans le plasma sous forme libre
ou liée, parviennent aux néphrons par les artères rénales. Le processus d’élimina-
tion urinaire est complexe et comprend trois mécanismes essentiels : la filtration
glomérulaire, la sécrétion tubulaire et la réabsorption tubulaire [1].
La filtration glomérulaire est un processus de diffusion passive, selon un gradient de
concentration, de molécules au travers des pores de la membrane glomérulaire. Ces
derniers, d’un diamètre de 70 nm, peuvent filtrer des molécules d’un poids inférieur
à 65 000 daltons. De ce fait, ce processus concerne essentiellement les molécules
hydrosolubles circulant sous forme libre, car le poids des protéines plasmatiques
empêche les molécules circulant sous forme liée de traverser ces pores.
La sécrétion tubulaire est un phénomène actif qui se déroule au niveau du tube
contourné proximal. Il existe deux systèmes de transport, l’un destiné aux acides
faibles (acide salicylique, dérivés glucurono- et sulfo-conjugués), l’autre aux bases
faibles (quinines, ammoniums quaternaires). Comme tout transport actif, ce phé-
nomène nécessite de l’énergie, peut fonctionner contre un gradient de concentra-
tion et fait l’objet de phénomènes de compétition soit entre xénobiotiques, soit
entre xénobiotiques et produits endogènes. À côté de ce mécanisme actif, certains
toxiques peuvent être excrétés par diffusion passive à travers les tubules rénaux. Le
pH urinaire étant légèrement acide, ce mécanisme concerne essentiellement des
bases faibles. Il est toutefois négligeable par rapport au phénomène précédent.
La réabsorption tubulaire est un mécanisme de transfert passif localisé dans le tube
contourné distal et le tube collecteur. L’urine, préalablement concentrée, présente
un pH variant de 4,5 à 7,8 en fonction du segment. Ceci va favoriser la réabsorption
sous forme non ionisée des acides faibles puis des bases faibles. Il existe également
des mécanismes de réabsorption active au niveau du tube contourné proximal.
L’urine terminale comprend 95 % d’eau, des sels minéraux, des composés orga-
niques dont la créatinine, métabolite terminal de la créatine utilisé pour appré-
cier la fonction rénale de l’individu, et éventuellement des xénobiotiques et leurs
métabolites.
En règle générale, la concentration du ou des métabolite(s) urinaire(s) est large-
ment supérieure à celle de la molécule-mère. D’autre part, ces concentrations sont

204
Dépistage urinaire

généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres milieux biologiques, et
leur fenêtre de détection plus longue. Cette fenêtre de détection dépend des carac-
téristiques pharmacocinétiques de la molécule, de la dose et de la voie d’absorption,
du caractère ponctuel ou répété de l’exposition, des variations interindividuelles du
métabolisme, du pH et de la concentration urinaires, et naturellement de la limite
de détection de la technique analytique utilisée [2, 3]. Des facteurs pathologiques à
l’origine d’une dilution ou d’une concentration urinaire sont également susceptibles
d’interférer sur les réactions immunologiques. Les fenêtres de détection urinaires
communément admises par des techniques immunologiques sont données dans le
tableau 8.1 [4, 5].

TABLEAU 8.1 Durée de détection des molécules dans les urines

Molécules/classes
Durée de détection
de molécules
Amphétamines 3 à 5 jours suivant la molécule
Cannabis 1 à 3 jours chez l’usager occasionnel,
plusieurs semaines chez l’usager régulier
Cocaïne 2 à 3 jours
Opiacés 8 à 24 h
Buprénorphine 1 semaine
Méthadone 1 semaine
LSD 1 à 2 jours
Benzodiazépines Quelques heures à quelques semaines suivant la molécule
Antidépresseurs 3 à 6 jours
Éthanol 7 à 12 h
Ethylglucuronide 3 à 4 jours

8.2 Prélèvement urinaire


Les urines sont prélevées de préférence dans des flacons en verre à usage unique, sans
conservateur, afin d’éviter les phénomènes d’adsorption des molécules recherchées
sur les parois et les phénomènes de relargage des constituants du contenant. Le
prélèvement doit être conservé au froid jusqu’à l’analyse. Celle-ci doit être effectuée
le plus rapidement possible, la stabilité in vitro des molécules dans l’urine étant
variable [6, 7].
Le prélèvement urinaire est un acte non invasif qui ne nécessite aucune compétence
technique particulière. Par contre, une véritable chaîne de qualité doit être mise en
place pour assurer l’intégrité et la sécurité du prélèvement depuis le recueil de l’urine
jusqu’à son analyse dans un laboratoire spécialisé. La SAMHSA a émis à ce sujet,
dans la dernière version du Mandatory Guidelines for Federal Workplace Drug Testing
[8], une série de recommandations très précises (voir ci-dessous). Ceci amène natu-
rellement à envisager les limites du prélèvement urinaire qui sont essentiellement

205
Drogues et accidentalité

représentées par la nécessité de disposer de locaux adaptés permettant de respecter


de l’intimité de l’individu tout en assurant la fiabilité du prélèvement.

8.3 Techniques immunologiques

Tests immunochimiques
Deux grands types de tests immunochimiques doivent être distingués :
– ceux dits non instrumentaux, dédiés au dépistage sur le site de recueil (tests
Triage®, Multiscreencup®, Drugwipe®, Frontline®, Accusign®, Roche TesTcup®,
Ontrak®, QuickScreen®, Syva® Rapid Test, Rapid Drug Screen®, TesTstik®, etc.),
– ceux nécessitant un environnement de laboratoire : tests EMIT (enzyme-mul-
tiplied immunoassay technique), RIA (radio immunoassay), FPIA (fluorescence
polarization immunoassay), CEDIA (cloned enzyme donor immunoassay), ELISA
(enzyme linked immunosorbent assay), KIMS (kinetic interaction of microparticles
in solution).

Cette hétérogénéité des techniques explique les similitudes et les différences observées
dans le dépistage ou le dosage de substances psychoactives au sein d’une matrice biolo-
gique comme l’urine. Ces différents aspects nécessitent d’identifier clairement les inci-
dences du choix d’une technique d’immunoanalyse en milieu urinaire sur le résultat.
Le marché des outils de dépistages est en pleine expansion, et régulièrement de nou-
veaux kits apparaissent. Tous les dispositifs de diagnostic in vitro mis sur le marché
sont soumis à une réglementation européenne, la directive 98/79 CE (1998) ayant
introduit une obligation de marquage CE. Les seuils de positivité, utilisés par les
biologistes du monde entier, sont généralement ceux de la SAMHSA (Substance
Abuse and Mental Health Services Administration) aux États-Unis ou ceux recom-
mandés pour l’EWDTS (European Workplace Drug Testing Society) en Europe [9].

8.3.1 Tests immunochimiques non instrumentaux


Il s’agit de tests rapides permettant de faire le diagnostic en dehors d’un laboratoire,
sur le lieu du travail, au bord des routes ou dans un cabinet de consultation d’un
médecin par exemple. La qualité de ces tests est très variable alors que les critères
importants pour leur éventuelle utilisation dans le cadre de la sécurité routière sont
fiabilité, rapidité, facilité d’emploi et possibilité de lecture directe du résultat. Ces
dernières années, différentes études, dont ROSITA et ROSITA-2 (road-side testing
assessment), menées dans plusieurs pays de la communauté européenne, ont permis
d’évaluer leur application sur le terrain [10].

206
Dépistage urinaire

Ces tests sont essentiellement de trois types :


› ceux nécessitant une immersion partielle d’une languette ou d’une carte
(figure 8.1) ;
› ceux nécessitant l’utilisation d’une pipette pour l’introduction de quelques
gouttes d’échantillon (figure 8.2) ;
› ceux ayant un réservoir (figure 8.3).

FIG. 8.2 Test nécessitant l’utilisation


FIG. 8.1 Test nécessitant une immersion d’une pipette pour l’introduction
partielle d’une languette ou de quelques gouttes d’échantillon
d’une carte. dans le système de dépistage.

FIG. 8.3 Test urinaire avec réservoir.

Le volume requis d’échantillon est donc très différent et varie de quelques gouttes,
comme pour le système Triage®, à plusieurs dizaines de millilitres pour le système
Multiscreencup®, en passant par ceux nécessitant une immersion partielle d’une
languette ou d’une carte comme le Drugwipe® ou le Frontline®. Ces différents tests
proposent des seuils de positivité, des sélectivités et des performances différentes,
207
Drogues et accidentalité

avec pour certains d’entre eux la possibilité de détecter les adultérations. Leur faible
encombrement et leur simplicité d’utilisation autorisent donc les tests en dehors
des laboratoires.
Le principe du test Frontline® (Boehringer Mannheim GmbH, Allemagne) est
identique pour les quatre classes de stupéfiants (cannabis, cocaïne, opiacés et
amphétamines) et repose sur la technique d’immunochromatographie. Le test est
constitué d’un support où se succèdent différents compartiments adsorbants. La
première zone absorbante de polyester est immergée pendant 3 à 5 s dans l’échan-
tillon afin de prélever par capillarité une quantité suffisante et reproductible d’urine
et sert de réservoir pour la migration vers les autres étapes du test. Le support est
alors placé horizontalement pendant toute la durée du test. Lors du passage de
l’urine (durée variant de 20 à 40 s), les analytes ciblés réagissent avec le conjugué
(anticorps marqués) réparti de façon homogène dans une deuxième zone absorbante
de polyester.
L’excès de conjugué hydrosoluble est totalement élué par l’échantillon et éliminé
par passage dans une troisième zone de capture constituée d’un agent de liaison
immobilisé (matrice cellulosique de streptavidine et de polyhapten). Le complexe
analyte – anticorps marqué migre alors vers la quatrième zone d’absorbant cel-
lulosique pour y être détecté. Si la concentration d’analyte ciblé est faible dans
l’échantillon, la majorité des anticorps ne vont pas se lier et vont être disponibles
pour lier l’analogue (polyhapten) immobilisé dans la zone de capture. Seule une
petite quantité du complexe formé entre analyte-conjugué atteindra la zone de
détection. Au contraire, si l’analyte est présent à forte concentration dans l’urine,
la grande majorité des sites d’anticorps seront occupés et le conjugué ne liera pas
le polyhapten présent dans la zone de capture, laissant ainsi le conjugué migrer
vers la zone de détection. La concentration d’analyte ciblé dans l’échantillon est
donc proportionnelle à l’intensité du complexe analyte-conjugué marqué ayant
atteint la zone de détection. La réaction colorée, obtenue après 2 min seulement
et stable pendant 10 min, peut alors être comparée visuellement à une échelle de
coloration fournie. Si la coloration est absente ou sur les tons « abricot », le test
est négatif, si une ou deux bandes intensément colorées apparaissent, le test est
positif. Les seuils de positivité sont de 50 ng/mL pour le cannabis (> 200 ng/
mL si 2 bandes colorées), 300 ng/mL pour la benzoylecgonine (> 3 000 ng/mL
si 2 bandes colorées) et 200 ng/mL pour les opiacés (> 1 000 ng/mL si 2 bandes
colorées). Dans une évaluation multicentrique effectuée par Wenning et coll. [82],
le test Frontline® avait été comparé aux immunodosages instrumentaux FPIA et
EMIT avec analyse des résultats divergents par CPG-SM. Pour le dépistage du
cannabis dans les urines d’origine clinique ou médicolégale, la sensibilité du test
était supérieure ou égale à 97 % vs. la FPIA (n = 399) et l’EMIT (n = 755). Pour
la cocaïne, la sensibilité était de 100 % dans les deux cas alors que la spécificité
n’était que de 91 % de par l’existence d’interférences par les métabolites de la
méthadone et de la clozapine. Cette spécificité était bien meilleure lorsque le
dépistage était appliqué aux échantillons d’un programme de substitution par la
208
Dépistage urinaire

méthadone. Pour les opiacés, la sensibilité et la spécificité du test Frontline® étaient


supérieures ou égales à 99 % par comparaison aux immunodosages de routine. Sur
1 200 échantillons, seules six urines (0,5 %) n’ont pu être détectées positives par
le test. Il avait été conclu que le test Frontline® permettait un dépistable rapide
et fiable pour ces trois familles de stupéfiants. Pour les amphétamines, la même
équipe [11] rapportait une étude similaire sur 658 échantillons urinaires d’origine
clinique et médicolégale. La sensibilité du test (avec un seuil de positivité à 300 ng/
mL) était de 93 % et la spécificité de 98 %. Un petit nombre d’échantillons étaient
dépistés négatifs pour des concentrations d’amphétamine comprises entre 300 et
1 000 ng/mL.
Le premier test urinaire Triage® pour les drogues du fabricant Biosite® Inc. a été
introduit en 1992, puis sont arrivés ceux dédiés aux antidépresseurs tricycliques.
Le système comprend trois composants de base : les dispositifs de diagnostic où
sont déposées les quelques gouttes d’échantillon, le lecteur (fluorimètre portable)
et son logiciel associé. Le système repose sur des réactions de dosage immunolo-
gique synchronisées dans des zones prédéterminées sur la longueur du dispositif.
Le processus commence dès que l’échantillon est introduit dans le port prévu à
cet effet, lequel filtre les particules. La chambre réactionnelle contient des anti-
corps ou des antigènes colorés par fluorescence, qui se lient aux analytes et/ou
aux molécules marquées. À mesure que l’échantillon s’écoule dans le dispositif,
il rencontre des zones où l’analyte peut se lier aux anticorps spécifiques. Le
lecteur détecte l’analyte marqué et lié dans chaque zone de dosage en excitant
le marqueur avec un laser et en détectant le signal fluorescent. La quantité de
signal fluorescent peut être alors mesurée, permettant l’évaluation quantitative de
l’analyte ciblé. Des résultats qualitatifs sont obtenus en environ 15 min, affichés
comme positif « POS », négatif « NEG » ou en valeurs quantitatives et impri-
mables, éliminant ainsi l’interprétation parfois délicate des lignes. Les drogues
illicites détectées par les Triage® Drugs of Abuse Panel et Triage® TOX Drug
Screen incluent la cocaïne, les opiacés, le tétrahydrocannabinol, la phencyclidine
et les dérivés amphétaminiques, tout en faisant la distinction entre amphétami-
nes et méthamphétamines. Les médicaments pouvant être testés par le Triage®
Drugs of Abuse Panel sont les barbituriques (Gardénal®), les benzodiazépines
(Valium®, Librium®, Halcion®), la méthadone, le propoxyphène (Darvon®) et les
antidépresseurs tricycliques (Elavil®, Tofranil®). L’évaluation du système Triage®
pour les stupéfiants (amphétamines, opiacés, tétrahydrocannabinol et métabolite
de la cocaïne, la benzoyecgonine) dans les urines comparée au système EMIT,
avec confirmation des résultats discordants par CPG-SM, a permis aux auteurs
[12] d’observer des résultats similaires entre les deux tests pour 93 et 100 % de
résultats pour les échantillons positifs (n = 606). Pour les échantillons négatifs
(n = 325), les tests donnaient des résultats concordants dans 95 à 100 % des cas.
Pour le test amphétamines, 19 des 27 résultats discordants, positifs par EMIT et
négatifs pour le système Triage®, ont révélé des concentrations en amphétamine
et méthamphétamine inférieures à 1 000 ng/mL par CPG-SM. Pour le THC,
209
Drogues et accidentalité

6 urines négatives par le système Triage® et positives par EMIT contenaient


le métabolite urinaire du THC (THC-COOH) à des concentrations supérieu-
res à 15 ng/mL. Néanmoins, les auteurs concluaient que pour la majorité des
échantillons, le système Triage® produisait des résultats identiques aux systèmes
instrumentaux d’immunoanalyse commercialisés. Le test Triage® a été éprouvé
par Moriya et Hashimoto [13] sur 27 urines post-mortem obtenues lors de
72 autopsies. Parmi ces 27 urines, 9 étaient positives pour le test amphétamine,
3 pour les benzodiazépines, 3 pour les barbituriques, 2 pour les opiacés et un
pour les antidépresseurs tricycliques (TCA). Parmi les 9 échantillons positifs pour
les amphétamines, seuls 3 contenaient de la méthamphétamine (concentrations
variant de 7,95 à 44,9 mg/L) et 6 ne n’en contenaient pas, mais la phénéthy-
lamine, une amine de putréfaction, était présente à des concentrations variant
de 0,52 to 14,3 mg/L. Les résultats faussement positifs n’étaient observés sur le
système Triage® que pour le test amphétamines. Contrairement à l’étude précé-
dente, il n’avait pas été observé de faux négatifs pour les 8 classes de substances
recherchées (phencyclidine, benzodiazépines, opiacés, métabolite de la cocaïne,
cannabinoïdes, amphétamines, barbituriques et antidépresseurs tricycliques).
Comme pour bien d’autres systèmes d’immunoanalyse, le système Triage® n’était
donc pas apte à discriminer entre amphétamines et bases de putréfaction dans
des échantillons urinaires de modérément à fortement putréfiés.
Il existe un grand nombre de tests commerciaux pour le dépistage « sur le ter-
rain » (on-site) de substances psychoactives dans les urines, et applicables dans le
cadre de la conduite automobile ou de la médecine du travail. Plusieurs études
ont permis de comparer leurs performances. Buchan et coll. [14] en ont évalué
quatre, dont le Triage® mais aussi AccuSign® (figure 8.4), Roche TesTcup®
et Ontrak®. De décembre 1995 à mars 1996, 303 prélèvements urinaires ont
été effectués par les forces de police suite à la suspicion d’une conduite sous
influence. La sensibilité des différents tests était comprise entre 82,9 et 100 %
pour le cannabis, 82,5 et 100 % pour la cocaïne et était de 100 % pour les
opiacés. Leur spécificité était comprise entre 94,0 et 99,7 % pour le cannabis,
97,4 et 98 % pour la cocaïne et entre 99,7 et 100 % pour les opiacés. Si la
sensibilité reste le paramètre le plus important pour un test de dépistage, la
simplicité d’emploi n’en est pas un des moindres avec une préférence des forces
de l’ordre pour les tests AccuSign® et TesTcup®. L’étude réalisée par Peace et
coll. [15] avait pour objectif d’évaluer quatre différents tests immunologiques
par compétition pour le dépistage qualitatif de stupéfiants (amphétamine, ben-
zoylecgonine, 11-nor-9-carboxy – Δ9-tétrahydrocannabinol, opiacés et phency-
clidine) dans les urines dont le Triage® Drugs of Abuse Pane plus TCA, mais
aussi le QuickScreen™ Pro-Multi Drug Screening (figure 8.5), le Syva® Rapid
Test d.a.u.™ 5 et d.a.u.™ 2, et le Rapid Drug Screen™ (figure 8.6). Les tests
Triage® et Rapid Drug Screen™ permettaient de réaliser en parallèle la recher-
che simultanée de benzodiazépines et de barbituriques, contrairement aux tests
QuickScreen® et Syva® Rapid Test.
210
Dépistage urinaire

FIG. 8.4 Test Accusign.

FIG. 8.5 Test QuickScreen™


Pro-Multi Drug
Screening. FIG. 8.6 Test Rapid Drug Screen.

Plus de 200 échantillons d’urine contenant des concentrations d’analytes supérieu-


res ou proches des seuils de positivité ont été testés, dont 199 ont été confirmés par
211
Drogues et accidentalité

CPG-SM avec au moins 17 échantillons positifs pour chaque famille dépistée. Le


calcul de la spécificité et de la sensibilité des tests sélectionnés a permis de démon-
trer que le système Triage® conduisait aux résultats les plus fiables aussi bien dans
des urines réelles que dans des urines surchargées. Le système était aussi le moins
gourmand en volume d’échantillon et le plus simple d’interprétation puisqu’il était
le seul à faire apparaître une bande colorée en cas de positivité. De plus, le test
Triage® était aussi le plus fiable et le plus reproductible des outils de dépistage des
stupéfiants hors laboratoire. Une étude plus récente de Crouch et coll. [16] portait
sur les cinq tests urinaires suivants : AccuSign®, Rapid Drug Screen®, TesTcup-5®
(figure 8.7), TesTstik® (figure 8.8), et Triage® pour le dépistage des 4 familles de
stupéfiants. Approximativement un tiers des sujets (36 %) étaient positifs au moins
pour une drogue. Sur 800 échantillons, le taux de faux négatifs pour chaque test
était inférieur à 1 % quel que soit le stupéfiant considéré. Pour le cannabis, la ben-
zoylecgonine et les opiacés, tous les tests avaient au maximum 0,25 % de résultats
faussement positifs. Pour les amphétamines, ce taux était toujours resté inférieur ou
égal à 1,75 %. Le taux de faux positifs approchait 4 % pour les amphétamines et
était supérieur ou égal à 2,25 % pour les opiacés. Cinquante à 90 % des résultats
positifs pour les amphétamines contenaient de la MDMA. Un pourcentage équi-
valent pour les échantillons positifs pour les opiacés contenait de l’hydromorphone
ou de l’hydrocodone. Les résultats étaient donc favorables à l’utilisation de ces
tests pour le dépistage sur le terrain et lors d’investigations sur la conduite sous
influence. Très récemment, Moody et coll. [17] ont été amenés à comparer deux
tests, le Instant-View® Test Card (figure 8.9), et le OnTrak TesTcup® Pro 5, pour
le dépistage des stupéfiants et des benzodiazépines dans les urines, tout d’abord sur
des échantillons surchargés (0 à 175 % du seuil de positivité) puis sur d’autres urines
provenant d’une étude clinique. Les précisions respectives des tests Instant-View®
Test Card et le OnTrak TesTcup® Pro 5 étaient respectivement de 74,3 et 87,1 %
pour les amphétamines, 82,1 et 90,7 pour la benzoylecgonine, 88,6 et 90,7 % pour
les benzodiazépines, 83,6 et 94,3 % pour la morphine, 82,1 et 87,9 % pour les
cannabinoïdes, et finalement 82,1 et 90,1 % toute classe confondue. Contrairement
à la version dédiée au terrain, la version instrumentale de laboratoire avec réactifs
en ligne a montré de meilleures performances. Pour l’étude clinique, les précisions
respectives des tests Instant-View® Test Card et OnTrak TesTcup® Pro 5 étaient de
95,8 et 91,7 % pour les amphétamines, 100 et 100 % pour la benzoylecgonine, 96,7
et 96,5 % pour les benzodiazépines, 98,8 et 99,2 % pour les opiacés, 94,4 et 95,0 %
pour les cannabinoïdes, et finalement 97,1 et 96,5 % toute classe confondue. Ceci
révéla que l’Instant-View® Test Card avait une faible réactivité croisée (faux néga-
tifs) pour les échantillons contenant de l’amphétamine seule et de l’oxycodone. Le
OnTrak TesTcup® avait une faible réactivité croisée pour les échantillons contenant
de l’amphétamine seule et de l’oxycodone et/ou de l’hydromorphone. En résumé,
les auteurs concluaient que le test Instant-View® Test Card était moins précis que
le OnTrak TesTcup® aux valeurs proches du seuil de positivité, mais qu’en situation
réelle sur des échantillons cliniques, les performances étaient comparables.
212
Dépistage urinaire

FIG. 8.7 Test Ontrack TesTcup-5. FIG. 8.8 Test Ontrack TesTstik.

FIG. 8.9 Test Instant-View Test Card.

8.3.2 Tests immunochimiques instrumentaux


Ces tests sont réalisés en laboratoire sur des automates multiparamétriques comme
par exemple les systèmes EMIT, RIA, FPIA, CEDIA, ELISA ou KIMS. Les immu-
nodosages peuvent être de deux types : les systèmes impliquant une réaction enzy-
matique (système compétitif ou non compétitif ) et ceux exploitant la différence de
rotation de la lumière d’un fluorophore libre.

8.3.2.1 Test EMIT


La technique EMIT a été introduite en 1972 par Rubenstein et coll. [18]. Dans
le système impliquant une compétition à la liaison, son principe est basé sur la
compétition entre la substance ciblée dans l’échantillon et son analogue marqué
avec un enzyme (glucose-6-phosphate déshydrogénase) pour les sites de liaison à
l’anticorps. Pour cela, quatre composants sont nécessaires : l’analyte d’intérêt, les
anticorps spécifiques de cette analyte, une enzyme conjuguée et son substrat (forme
oxydée de nicotinamide dinucléotide ou NAD+).

213
Drogues et accidentalité

Une quantité d’anticorps spécifique de l’analyte et de conjugué enzymatique actif


sont additionnés à l’échantillon. Si la substance est présence dans l’urine, elle entre
en compétition avec le conjugué pour le nombre limité de sites spécifiques d’anti-
corps. Lorsque le conjugué enzymatique est lié à l’anticorps, l’enzyme est rendue
inactive et tout conjugué enzymatique ne liant pas l’anticorps reste actif. Après ajout
du substrat, et si l’enzyme est restée active, cette dernière va convertir le NAD+ en
NADH, produisant ainsi une augmentation d’absorbance à 340 nm. Ainsi, pour
une concentration croissante de substances dans l’échantillon, un plus grand nom-
bre de sites d’anticorps sera bloqué laissant ainsi plus de conjugué enzymatique libre
sous sa forme active pour convertir la coenzyme et induire la réaction colorée.
Dans le système non compétitif, la substance cible réagit avec un excès d’anticorps
marqués pour former un complexe lui-même marqué (chromophore). Si la subs-
tance recherchée est présente dans l’échantillon, elle va se lier aux anticorps. Une
quantité connue de conjugué enzymatique est alors additionnée au milieu et va
prendre place sur les sites d’anticorps restés libres. Comme pour le système par
compétition, seul le conjugué enzymatique non lié garde son activité pour la conver-
sion responsable de la réaction colorée. Cette conversion est donc indicative de la
quantité de conjugué enzymatique libre et donc de la quantité de substance dans
l’urine, puisque le conjugué enzymatique a été additionné en quantité connue.
Que ce soit pour le mode compétitif comme pour le mode non compétitif, la quan-
tification de la substance recherchée dans l’urine nécessite une calibration, celle-ci
étant réalisée par une cinétique d’absorbance pour des solutions contenant des
quantités connues de substance cible et de conjugué enzymatique. Cette technique
permet aussi bien le dépistage des stupéfiants que le suivi des traitements théra-
peutiques, sans préparation préalable de l’échantillon. Les quantités d’échantillons
requises sont alors très faibles (10 à 50 μL).

8.3.2.2 Test RIA


Berson et Yalow ont introduit la RIA dans les années 1950 [19]. Ce test peut aussi
être conduit sous deux modes : en phase homogène (en solution) ou en phase
hétérogène (phase solide).
En phase homogène, la RIA est assez similaire au système compétitif de l’EMIT,
excepté qu’un radio-isotope (125I) émettant un rayonnement gamma est utilisé à la
place de l’enzyme. Ce test est certainement l’un des plus sensibles et spécifiques parmi
les méthodes d’immunoanalyse. Il s’agit d’un test en phase liquide homogène impli-
quant une compétition à la liaison et utilisé pour rechercher des traces de substances
ou de leurs métabolites, mais aussi des enzymes, des hormones et des anabolisants
stéroïdiens dans les fluides biologiques. Pour cela, quatre composants sont néces-
saires, l’échantillon, l’analogue radiomarqué de la substance recherchée, l’anticorps
spécifique de la substance recherchée et un moyen de mesurer de façon quantita-
tive les émissions radioactives. Pour le test, l’échantillon est mélangé à une quantité
connue de l’analogue radiomarqué avant introduction de l’anticorps spécifique de la
214
Dépistage urinaire

substance ciblée. La substance recherchée dans l’échantillon et son analogue entrent


en compétition pour un nombre limité de sites d’anticorps. Le complexe antigène-
anticorps ainsi formé est précipité, lavé pour éliminer le milieu réactionnel, puis
dissous avant lecture par un scintillateur. La substance et son analogue radiomarqué
ayant la même affinité pour l’anticorps, ils vont se lier à l’anticorps avec les mêmes
propriétés. Si l’échantillon est négatif, une quantité maximale d’analogue radiomar-
qué va se lier à l’anticorps et la mesure de radioactivité sera de valeur élevée et inverse-
ment si la substance est présente dans l’échantillon. La réponse du compteur sera donc
inversement proportionnelle à la concentration de la substance dans l’échantillon.
Pour la RIA en phase solide, l’échantillon et l’analogue marqué à l’iode 125
entrent en compétition pour les sites d’anticorps immobilisés sur une surface
comme la paroi d’un tube de polypropylène dans lequel ils ont été introduits.
Après une période d’incubation, le milieu réactionnel est lavé pour éliminer tout
excès de réactif pour ne laisser en place que la fraction de radioactivité ayant réagit
avec les anticorps et l’éventuelle substance ciblée dans l’échantillon. À nouveau,
la lecture par un compteur gamma et sa quantification permettent de déterminer
la concentration de la substance dans l’échantillon. Cette approche est plus fré-
quemment utilisée que la version en phase homogène liquide. La quantification
est réalisée par comparaison de la réactivité mesurée vis-à-vis d’une courbe de
calibration.

8.3.2.3 Test FPIA


Ce test est basé sur le phénomène de polarisation de fluorescence, décrit pour la
première fois par Engwall et Perlmann [20]. La polarisation de fluorescence consiste
à exciter une molécule fluorescente (fluorophore) à une longueur d’onde appropriée
pour qu’elle émette à une longue d’onde supérieure. Si la longueur d’onde d’excita-
tion est dans un plan de polarisation, et si le fluorophore reste immobile pendant cet
état d’excitation, alors la lumière émise sera de forte intensité et dans le même plan
de polarisation. Au contraire, si le fluorophore est mobile, la lumière fluorescente
sera émise dans un ou plusieurs plans de polarisation différents de celui initial et
surtout avec une intensité bien plus basse. La déviation d’intensité de la fluorescence
émise par rapport au plan de polarisation initial (longueur d’onde d’excitation)
dépendra donc de la mobilité de la molécule marquée. Pour les petites molécules
comme les médicaments ou les stupéfiants, leur mobilité sera importante et la fluo-
rescence émise sera donc de faible intensité dans le plan de polarisation utilisé pour
l’excitation. On parle alors de fluorescence émise dépolarisée. Pour des molécules de
plus haut poids moléculaire, la mobilité de la molécule marquée sera moindre et la
fluorescence émise sera de forte intensité et dans le même plan de polarisation que
celui utilisé pendant la phase d’excitation. On parle alors de fluorescence polarisée.
Ce type de test est plus performant pour la détection de molécules de faible poids
moléculaire comme les stupéfiants ou les médicaments contrairement à celles de
haut poids moléculaire comme les protéines, puisque la liaison de grosses molécules
aux anticorps produit une très faible modification de la capacité de mouvement
215
Drogues et accidentalité

rotationnel du complexe formé et donc un très faible changement de polarisation


de la lumière émise contrairement aux petites molécules.
Le test FPIA est un immunodosage en phase liquide homogène utilisé pour la
détection rapide de traces de médicaments, stupéfiants et leurs métabolites mais
aussi d’enzymes, d’hormones et d’anabolisants stéroïdiens dans les fluides bio-
logiques. Pour la réalisation du test, l’échantillon est mélangé avec une quantité
connue de l’analogue fluorescent avant ajout de l’anticorps spécifique au milieu
réactionnel. L’éventuelle substance présente dans l’échantillon et son analogue
fluorescent vont entrer en compétition pour le même anticorps pour lequel ils
présentent obligatoirement une affinité équivalente. Si l’échantillon ne renferme
pas la substance ciblée, un maximum d’analogue fluorescent liera l’anticorps et
l’intensité de la fluorescence émise sera intense et dans le même plan de polarisation
que la longueur d’onde d’excitation. Au contraire, si l’échantillon est positif pour
la substance recherchée, moins d’analogue fluorescent se liera à l’anticorps et la
lumière fluorescente émise sera dépolarisée. Plus la concentration de la substance
dans l’échantillon sera importante et moins le complexe anticorps antigène sera
marqué et plus la fluorescence émise sera dépolarisée. Puisque seul le complexe
analogue fluorescent-anticorps permet le signal le plus intense dans le même plan
de polarisation, il n’est pas nécessaire d’éliminer par lavage la fraction non liée de
l’analogue marqué après la période d’incubation, ce qui représente un avantage
non négligeable par rapport à la technique RIA, par exemple. La quantification, à
nouveau, est réalisée vis-à-vis d’une courbe de calibration préparée par mesure de
polarisation de fluorescence pour des concentrations croissantes d’analogue marqué
en présence d’anticorps.

8.3.2.4 Test CEDIA


La technique CEDIA a été mise au point dans les années 1980 [21] et repose sur
la reconstitution (ou complémentation) d’un enzyme qui peut alors générer une
coloration en présence de la substance recherchée et de son substrat. Le principe de
la méthode s’appuie sur l’utilisation de deux peptides obtenus par division de l’en-
zyme β-galactosidase d’E. coli, un polypeptide de différentes tailles. Le fragment le
plus grand, dénommé « élément accepteur » représente 95 % de la taille du peptide
complet. Le petit fragment ou « élément donneur » représente donc les 5 % restant
de la séquence. Lorsque ces deux parties sont mises en contact, elles peuvent se
combiner en chaînes intactes de l’enzyme qui, en s’agrégeant, forment un tétramère
ayant l’activité enzymatique. Pour le test, il est nécessaire que le fragment « don-
neur » de l’enzyme soit conjugué avec la substance ciblée par le test, et que cette
conjugaison n’affecte pas la complémentation vis-à-vis du fragment « accepteur »,
c’est-à-dire que le fragment « accepteur » doit être apte à lier indifféremment le
fragment « donneur » ou sa forme conjuguée à la substance ciblée. Il s’agit d’un test
par compétition réalisé en phase liquide homogène pour la détection et la quan-
tification de substances de faible poids moléculaire ciblées de type médicaments,
stupéfiants, hormones, vitamines et de leurs métabolites.
216
Dépistage urinaire

Pour ce test, plusieurs composantes sont nécessaires :


› le ligand conjugué (substance attachée au fragment peptidique donneur de la
β-galactosidase ;
› le fragment polypeptidique accepteur de la β-galactosidase ;
› un anticorps spécifique de la substance recherchée ;
› un substrat incolore mais qui lors de son hydrolyse par l’enzyme libère une
coloration ;
› un spectrophotomètre pour la mesure quantitative de l’intensité de
coloration.
Ce test implique l’apport de plusieurs réactifs en 2 ou 3 étapes. Quelle que soit la
façon de faire, l’échantillon et le conjugué « enzyme donneuse » entrent en compé-
tition avec l’anticorps spécifique, et de ce fait, la quantité de conjugué liant l’anti-
corps sera d’autant moins importante que la substance ciblée sera en concentrations
importantes dans l’échantillon. Après quelques minutes d’incubation, le substrat et
le fragment « accepteur » sont ajoutés, ce dernier allant complémenter les conjugués
qui non pas trouvé place sur les anticorps et la forme active de β-galactosidase
alors générée va hydrolyser le substrat pour en libérer sa fraction colorante. Non
seulement l’intensité de coloration mais aussi sa cinétique sont augmentées et de
façon proportionnelle à la quantité de substance dans l’échantillon. La concentra-
tion est donc calculée par mesure de la vitesse de coloration à partir de gammes
de calibration préétablies.

8.3.2.5 Test ELISA


Les premiers tests ELISA ont été développés dans les années 1970 [22]. Il s’agit
d’un test réalisé en phase hétérogène, typiquement utilisé pour la détection rapide
de macromolécules de type protéines, antigènes ou anticorps, à des concentrations
de l’ordre du pg/mL. Néanmoins, cette méthode a trouvé de nombreuses autres
applications pour le dépistage de petites molécules dans le sang, les urines ou les
cheveux [23, 24] (figure 8.10).

FIG. 8.10 Test ELISA (IDS Corp.)

217
Drogues et accidentalité

Cette détermination peut être conduite selon deux approches, la technique « sand-
wich » ou la technique par compétition. Pour la technique « sandwich » (figure 8.11),
un anticorps de la substance recherchée a été attaché de façon covalente à un support
solide, en général le fond d’un puits d’une microplaque en polystyrène ou poly-
chlorure de vinyle (PVC). Après dépôt de l’échantillon, si la substance recherchée
est présente, elle ira se fixer à l’anticorps. Cet anticorps, dit de capture, se lie à une
partie de la substance. Le conjugué enzymatique (une enzyme attachée à un deuxième
anticorps spécifique d’une deuxième partie de la molécule) est alors additionnée en
excès au milieu réactionnel. Si la substance est présente dans l’urine, elle se liera à ce
second anticorps dit anticorps de détection. De la vient le terme « méthode sand-
wich » puisque la substance est encadrée par deux anticorps. Après lavage des puits
pour éliminer tout excès de produit n’ayant pas réagi, le substrat de l’enzyme est
additionné. Si l’enzyme complexé à l’anticorps de détection s’est lié au fond du puits
par l’intermédiaire de la substance (présente dans l’échantillon), se produit alors le
développement de la couleur. Dans cette approche, la coloration est proportionnelle
à la concentration de la molécule dans l’échantillon (figure 8.11).

(1) (2) (3) (4) (5)

FIG. 8.11 Schéma réactionnel de test ELISA.

Pour le procédé par compétition, l’anticorps spécifique est aussi lié de façon cova-
lente au fond des puits de la microplaque. Après dépôt de l’échantillon et du
conjugué enzymatique, la substance native contenue dans l’urine et le conjugué
entrent en compétition pour l’anticorps immobilisé. Si la substance est absente,
une grande quantité de conjugué se liera aux anticorps et inversement, pour des
quantités croissante de substance dans l’urine, des quantités décroissantes de conju-
gué se lieront aux anticorps. Après la période d’incubation, le milieu réactionnel est
éliminé par lavage avant l’étape finale de révélation par le substrat chromogénique.
Dans ce cas, et contrairement à la méthode « sandwich », si l’analyte est présent
dans l’urine, le conjugué enzymatique ne pourra se lier aux anticorps et sera éliminé
lors de l’étape de lavage, ne pouvant ainsi pas générer la coloration lors de l’ajout de
substrat. Pour des concentrations croissantes de substances, des quantités de moins
en moins importantes de conjugués se lieront aux anticorps et donc des intensités
de moins en moins fortes seront observées (figure 8.12).
218
Dépistage urinaire

FIG. 8.12 Étape de révélation de la coloration


pour test ELISA de type compétitif.

Pour les deux approches, il est essentiel que l’activité enzymatique ne soit pas affectée
par son immobilisation sur le support solide par le biais de l’anticorps. Les enzymes
couramment utilisées sont des phosphatases alcalines, ou des peroxydases de rai-
fort. Les phosphatases alcalines peuvent être utilisées pour hydrolyser le p-nitrophé-
nylphosphate en p-nitrophénol de couleur jaune, alors que les peroxydases peuvent
être utilisées pour cliver le 3,3’, 5,5’-tétraméthyl benzidine base, l’acide 2,2’-azo-bis
(3-éthylbenzthiazoline-6-sulfonique) ou l’o-phénylènediamine pour produire respec-
tivement une coloration bleue, verte ou orange. Les deux techniques permettent de
réaliser une « semi quantification ». En principe, elle est réalisée en mesurant l’absor-
bance (densité optique) à une longueur d’onde spécifique de la solution contenue dans
les puits de la microplaque ELISA après ajout du substrat de l’enzyme et révélation de
la coloration. Pour cela, la microplaque est calibrée avec des concentrations connues
de substance ciblée en parallèle à l’utilisation de contrôles positifs et négatifs.

8.3.2.6 Test KIMS


Ce test, plus récent, est fondé sur l’interaction cinétique de microparticules en
solutions dont on mesure les variations du signal lumineux [25]. Pour cela, les
anticorps sont fixés à des microparticules en solution et le conjugué enzyma-
tique est en réalité obtenu par fixation de la substance ciblée sur un support
solide « multivalence ». Si la substance recherchée n’est pas présente dans l’échan-
tillon, les anticorps libres vont se fixer sur les conjugués microparticule-molé-
cule, donnant lieu ainsi à la formation d’amas de particules. Comme la réaction
d’agrégation a lieu lorsque la molécule recherchée n’est pas présente, la variation
de la densité optique (absorbance) augmente. Au contraire, si l’échantillon d’urine
testé contient la molécule recherchée, cette dernière entre en compétition avec
219
Drogues et accidentalité

le dérivé de la molécule lié à la microparticule pour les anticorps libres, inhi-


bant ainsi la formation d’un réseau de particules (agrégat). Lorsque la molécule
recherchée est présente, l’augmentation de l’absorbance diminue proportionnel-
lement à la concentration de la molécule dans l’échantillon. La concentration
est déterminée en fonction de la valeur obtenue pour une concentration seuil
connue d’analyte.
Paramètres de validation des tests immunologiques
Les paramètres essentiels à définir pour les immunotests sont la sensibilité,
le seuil de positivité, la spécificité, la réactivité croisée et les interférences
potentielles.
La sensibilité est représentée par la plus petite concentration de l’analyte qui peut
être détectée de façon fiable et reproductible dans les conditions analytiques utili-
sées. La spécificité décrit la capacité d’un anticorps à produire une réponse mesura-
ble et reproductible uniquement pour la substance d’intérêt. Le seuil de positivité,
en général proposé par le fabricant, est évalué et optimisé par le suivi de la sensibilité
et de la spécificité du test par comparaison des résultats obtenus avec ceux d’une
méthode séparative dite de confirmation.
La réactivité croisée est la mesure de la réponse de l’anticorps pour les substan-
ces autres que la molécule ciblée. Elle est approchée différemment s’il s’agit d’un
immunotest par compétition ou non. Pour les tests par compétition comme la
RIA ou la FPIA, la réactivité croisée peut être définie comme la concentration de
substance pour laquelle un signal de 50 % est généré en absence de l’analyte ciblé.
Cette valeur est également exprimée en pourcentage de la concentration en analyte
permettant la même perte de signal. Pour EMIT et CEDIA, la réactivité croisée est
définie comme la concentration de substance croissant avec le test avec un signal
correspondant à 50 % du signal obtenu par l’unique présence de l’analyte ciblé.
Cette valeur est exprimée en pourcentage de la concentration en analyte produisant
la même perte de signal.
L’interférence peut être considérée comme tout autre facteur pouvant introduire un
biais dans le résultat de l’immunotest autre que la réponse induite par la présence
de la substance ciblée.
Il peut s’agir de la modification de la concentration finale en analyte ciblé, de
l’altération des caractéristiques de liaison de l’anticorps, de l’élimination incom-
plète et insuffisante du milieu réactionnel ou de la présence de substance(s),
autre que l’analyte ciblé, générant un signal par l’immunotest. Notons qu’un
certain nombre d’auteurs incluent les réactions croisées parmi les interférences
analytiques.

220
Dépistage urinaire

Sensibilité et spécificité
La sensibilité et la spécificité sont définies par les équations suivantes :
Sensibilité = (VP × 100)/(VP + FN)
Spécificité = (VN × 100)/(VN + FP)
Avec :
VP : vrais positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépis-
tage et confirmé positif lors de l’analyse de confirmation.
VN : vrais négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de
dépistage et confirmé négatif lors de l’analyse de confirmation.
FP : faux positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépis-
tage et déterminé comme étant négatif lors de l’analyse de confirmation.
FN : faux négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de dépis-
tage et retrouvé positif lors de l’analyse de confirmation.

Seuils de positivité
Les seuils de positivité généralement proposés pour les immunotests urinaires sont
de l’ordre de :
– 300 à 1000 ng/mL pour les amphétamines ;
– 300 ng/mL pour la benzoylecgonine, métabolite de la cocaïne ;
– 300 ng/mL pour les benzodiazépines ;
– 300 ng/mL pour la méthadone ;
– 200 à 300 ng/mL pour les barbituriques ;
– 300 ng/mL pour la morphine ;
– 20 à 100 ng/mL pour le métabolite du cannabis, le THC-COOH ;
– 25 à 75 ng/mL pour la phencyclidine.

8.4 Interprétation
L’interprétation d’un dépistage urinaire se doit de rester prudente. Une bonne
connaissance des performances du test en matière de sensibilité, spécificité et réac-
tions croisées est essentielle pour éviter des erreurs d’interprétation [26]. Celle-ci
est principalement qualitative, car en l’absence de données sur la clairance rénale
de l’individu, il est impossible d’extrapoler la concentration sanguine de ce dernier,
et donc d’évaluer les effets cliniques qui pourraient en découler. Il faut d’autre part
221
Drogues et accidentalité

tenir compte du fait que les tests immunologiques sont dédiés soit à des molécules
isolées, soit à des classes de molécules, et peuvent alors reconnaître indifféremment
des médicaments et des stupéfiants appartenant à cette même classe. Ce phénomène
soulève des difficultés d’interprétation lors de la recherche ciblée d’une exposition à
des stupéfiants. Le cas des amphétamines et des opiacés est à ce titre particulièrement
probant. Il convient enfin de garder à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif est uni-
quement l’indicateur d’une exposition récente, généralement de l’ordre de 2 à 4 jours,
et ne présume en rien d’une exposition répétée ou chronique dont la mise en évidence
nécessite l’utilisation d’autres matrices biologiques telles que le cheveu [27].
D’un point de vue pratique, les constructeurs fixent des seuils de positivité, ou
cut-offs, au-delà desquels les résultats sont considérés comme positifs (voir ci-des-
sus). Ces seuils ne peuvent pas être modifiés avec les tests non instrumentaux, alors
qu’il est possible de les adapter, en fonction des performances attendues en termes
de sensibilité et de spécificité, avec les tests instrumentaux. Fraser et Zamecnik [28]
ont ainsi proposé d’abaisser le cut-off des différentes molécules et de leur métaboli-
tes pour limiter le risque de faux négatif par dilution de l’échantillon.

8.5 Sources d’erreur


8.5.1 Période pré-analytique
La falsification du prélèvement représente la principale source d’erreur pré-analyti-
que. Ce phénomène est très largement facilité par la vente sur Internet de produits
adultérants et la mise en ligne de protocoles visant à faciliter l’utilisation de ces pro-
duits. La falsification peut avoir lieu in vivo, avant la réalisation du prélèvement, ou
in vitro, après émission de l’urine. Différents procédés sont couramment utilisés.
La dilution consiste à augmenter artificiellement la diurèse pour diluer le stupé-
fiant à une concentration potentiellement inférieure au seuil de détection du test
de dépistage. Ce résultat peut être obtenu en absorbant de grandes quantités de
liquides, éventuellement à l’aide de tisanes en vente libre (Natural Klean Herbal
Tea, Golden Seal root) ou de diurétiques tels que l’hydrochlorothiazide [29]. Les
auteurs ont ainsi démontré que cette technique permettait de négativer le dépistage
du THC-COOH et de la benzoylecgonine en FPIA et EMIT. La dilution d’un
prélèvement est suspectée devant une créatinine urinaire basse (voir ci-après).
L’adultération consiste à ajouter, après émission de l’urine, une molécule suscep-
tible d’interférer avec la réaction immunologique du test de dépistage ou de modi-
fier la structure chimique du métabolite recherché [30]. Quelques-uns perturbent
également la confirmation en CPG-MS. En règle générale, les adultérants sont
aisément accessibles sur Internet, faciles à utiliser et peu onéreux. De nombreux
adultérants peuvent être utilisés.
Les nitrites, et notamment le nitrite de potassium (Klear®) et le nitrite de sodium
(Whizzies®), sont rapidement solubles et indétectables visuellement dans l’urine [31].
222
Dépistage urinaire

Leur présence dans le prélèvement urinaire provoquerait une oxydation du THC-


COOH et du THC-COOHd3, perturbant ainsi le dépistage immunologique. Ceci
a été clairement démontré avec le kit Syva® EMIT d.a.u. et Abuscreen® Online,
ainsi qu’avec des tests sur site tels que le Roche® Ontrak Teststik [31]. La confir-
mation en CPG-SM est également perturbée. Lewis et coll. [32] ont démontré
que l’adjonction de nitrites dans une urine contenant du THC-COOH provoque
la formation d’un composé nitroso-THC-COOH instable, et que cette réaction
est d’autant plus intense que le pH urinaire est acide et le temps d’exposition long
[32, 33]. Ce phénomène serait atténué par l’alcalinisation de l’urine. L’adjonction
de nitrites doit être évoquée devant la positivité d’un test rapide de détection des
principaux adultérants sur site (voir ci-dessous), mais aussi sur la diminution de
la concentration, voire la disparition du standard deutéré en CPG-SM. L’identifi-
cation des nitrites au laboratoire pour confirmer l’adultération ne soulève pas de
difficulté particulière par les techniques chromatographiques usuelles.
Le pyridinium chlorochromate ou PCC (Urine Luck®, Klear II®, LL-418®, Sweet
Pea’s Spoiler®) agirait de manière comparable aux nitrites. L’ajout de PCC pro-
duit des faux négatifs pour le cannabis et les opiacés sur l’ensemble des méthodes
immunologiques testées (Syva EMIT II, Roche Abuscreen Online). Pour les autres
classes de molécules, les résultats sont variables selon les méthodes testées [34]. En
CPG-SM, la présence de PCC diminue la détection des opiacés et du cannabis. De
même que pour les nitrites, une diminution significative des standards deutérés des
opiacés ou du cannabis lors de l’analyse par CPG-SM doit attirer l’attention. La
présence de PCC peut être suspectée devant un pH urinaire anormalement bas ainsi
qu’une couleur orangée de l’urine, et mise en évidence par des tests rapides sur site
de dépistage des oxydants qui provoquent un virage coloré [34]. La confirmation
sera effectuée au laboratoire par le dosage du pyridinium en CPG-SM [35].
L’association peroxyde + peroxydase (Stealth®), vendue sous forme de vials séparés à
mélanger à l’urine lors du prélèvement [36], provoque également des réactions d’oxy-
dation qui affectent essentiellement la détection du cannabis et des opiacés. Selon
Cody et Valtier [37] et Cody et coll. [38], l’ajout de Stealth provoque des faux négatifs
pour le THC-COOH et le LSD en CEDIA. La détection de la benzoylecgnonine,
des barbituriques, du PCP et des amphétamines n’est pas perturbée. Pour les opia-
cés, les résultats sont dose-dépendants : on observe des faux négatifs pour de faibles
concentrations d’opiacés, des résultats positifs pour des concentrations plus élevées.
Comme les autres oxydants, Stealth diminue la détection des opiacés en CPG-SM.
Le glutaraldéhyde (Clean-X®, UrinAid®) agirait en diminuant la densité optique de
la réaction en deçà de celle observée pour les vrais négatifs [39]. Pourtant, les résul-
tats sont loin d’être univoques et dépendent des molécules et des techniques. En
EMIT II, l’ajout de glutaraldéhyde à 0,75 % dans un échantillon d’urine négative
le dépistage du cannabis, et l’ajout d’une même solution titrée à 2 % négative le
dépistage du cannabis, des opiacés, de la cocaïne et des amphétamines [39]. Des
résultats comparables ont été trouvés en EIA [40]. En FPIA, on observe des faux
223
Drogues et accidentalité

négatifs pour les stupéfiants précédemment cités, mais aussi des faux positifs pour
le PCP [41]. En KIMS, on observe également des faux positifs pour le PCP et les
amphétamines, et des faux négatifs pour le cannabis [41]. Par contre, la présence
de glutaraldéhyde n’affecte pas le dosage en CPG-SM [34].
La papaïne est apparue plus récemment sur le marché des produits adultérants. La
papaïne est une protéase obtenue par purification du latex de la papaye [42]. Elle
entre dans la composition de solutions pour attendrir la viande (Lawry’s® Adolph’s
Meat Tenderizer), elle est donc facilement accessible sur Internet à faible coût.
Burrows et coll. [42] ont testé en FPIA l’adjonction des concentrations croissantes
de papaïne (0,5 ; 1, 5 et 10 mg/mL) sur la détection de différentes concentrations
de THC-COOH (25 ; 75 ; 100 ; 250 et 500 ng/mL) dans des urines de pH varia-
bles (4,5 ; 6,2 et 8,0) à 0, 24 et 72 heures. Les résultats montrent une corrélation
directe entre la concentration en papaïne, le pH, le temps écoulé et la diminu-
tion de la concentration en THC-COOH dans les échantillons testés. Par contre,
l’adjonction de papaïne est sans effet sur la détection des autres molécules testées,
amphétamines, cocaïne, benzodiazépines, barbituriques, opiacés et phencyclidine.
Seul le nordiazépam présente également une diminution de concentration, mais
dans une moindre mesure que le THC-COOH. Les confirmations en CPG-SM
pour le THC-COOH et en CPLHP-UV pour le nordiazépam montrent une dimi-
nution d’environ 66 % pour le THC-COOH et 24 % pour le nordiazépam dans
les échantillons contenant de la papaïne. Le mécanisme évoqué est celui d’une inte-
raction entre la papaïne et le THC-COOH ou le nordiazépam, plutôt que d’une
interférence analytique. Larson et coll. [43] décrivent également une diminution de
la concentration de THC-COOH après adjonction de papaïne en EMIT, mais pas
en KIMS. Enfin, l’adjonction de papaïne ne perturbe aucun des tests d’adultération
recommandés par la SAMSHA (pH, gravité, osmolalité, créatinine etc.) rendant
très difficile la détection de cette adultération.
Les produits domestiques peuvent également être utilisés pour l’adultération. L’eau de
javel, notamment, est un adultérant extrêmement efficace. Les mécanismes évoqués
seraient :
› une oxydation du NADH qui diminuerait l’absorbance des tests immunologi-
ques jusqu’à 340 nm ;
› et une diminution du pH urinaire.
De très faibles concentrations suffisent à provoquer des faux négatifs. La détection
du cannabis est très perturbée avec tous les tests immunologiques testés (RIA, EIA,
FPIA, CEDIA, EMIT II). En CEDIA, l’ajout d’eau de javel provoque également
des faux négatifs pour les amphétamines, les barbituriques, la cocaïne, les opia-
cés et le PCP [44]. Avec l’EIA, l’eau de javel provoque des faux négatifs pour les
barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne et les opiacés [45]. La recherche du
THC-COOH en CPG-SM est également très perturbée [46]. Par contre, l’ajout
de javel provoque une augmentation du taux de PCP et donc de faux positifs en
EMIT II [40]. Le vinaigre s’avère également très efficace. Il produit des faux négatifs
224
Dépistage urinaire

pour le THC-COOH en FPIA [47], EIA [45] et EMIT II [40]. Le mécanisme


d’action serait une baisse du pH urinaire. L’ammoniaque (réfrigérants, produits
nettoyants, fertilisants) provoque des faux négatifs avec les cocaïniques et le PCP en
EMIT II [40]. La soude caustique (Destop®) est également un adultérant puissant.
En EIA, l’adjonction de soude caustique peut provoquer des faux négatifs pour les
amphétamines, les barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne et les opiacés. Le
taux de soude caustique à ajouter pour négativer un prélèvement dépend naturelle-
ment de la molécule mais aussi de sa concentration. Les mécanismes évoqués seraient
une oxydation du NADH, qui catalyse normalement la réaction, diminuant ainsi
l’absorbance des tests immunologiques jusqu’à 340 nm. Une augmentation du pH
urinaire, affectant la solubilité de la molécule à tester, serait également en cause [45].
Les savons et détergents contiennent également des molécules susceptibles de per-
turber le dépistage immunologique de nombreux xénobiotiques. L’ajout de liquide
vaisselle dans l’urine provoque des faux négatifs en CEDIA pour les amphétamines,
les barbituriques, la cocaïne, le PCP et le THC [44]. Le savon pour les mains provo-
que également des faux négatifs pour la cocaïne en RIA [48], pour les barbituriques,
les benzodiazépines et le THC en EIA [45], pour le THC et la méthaqualone en
EMIT [49]. En FPIA, l’adjonction de savon liquide pour les mains provoque des
faux négatifs pour le THC et la cocaïne, et des faux positifs pour les barbituriques
et les amphétamines [48]. De même, certains liquides vaisselle provoqueraient des
faux positifs pour les amphétamines, les barbituriques et les benzodiazépines en
FPIA et des benzodiazépines en RIA [50]. Le mécanisme d’adultération combine
trois actions : modification du pH, modification de la force ionique, formation
d’un complexe insoluble avec la drogue à dépister [51]. Il convient de noter que
ces savons modifient l’aspect de l’urine qui devient trouble. La densité peut être
également légèrement modifiée [52]. L’ammoniaque, présent dans de nombreux
produits ménagers, fertilisants et réfrigérants, provoque des faux négatifs pour la
benzoylecgnonine et le PCP en EMIT II à des concentrations de 25, 33 et 50 %
[40]. Le chlorure de sodium produit à forte dose (250 g/L) des faux négatifs pour
les amphétamines, les barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne, les opiacés et
le PCP en EMIT [34, 45, 50] ; une concentration de 10 % inhibe la détection du
THC en FPIA [47].
Plus rarement, l’adultération des urines peut être obtenue in vivo par absorption
de molécules qui modifient les caractéristiques physico-chimiques de l’urine [52].
L’acide salicylique, par l’intermédiaire de l’un de ses métabolites, l’acide salicyluri-
que, provoque ainsi des faux négatifs en EMIT et EMIT II pour la cocaïne, amphé-
tamines, barbituriques, benzodiazépines, opiacés, PCP, THC-COOH [53,54]. Le
chlorure de benzalkonium contenu dans certains collyres provoque des faux négatifs
pour les cannabinoïdes avec le CEDIA [43], l’EMIT [55], la FPIA [47], et l’EIA
[45]. L’ibuprofène, enfin, provoquerait des faux négatifs en CPG-SM avec le THC-
COOH [56].
La substitution par des urines « propres » demeure le moyen le plus sûr d’échapper
à un dépistage positif à condition que le recueil ne soit pas contrôlé de manière
225
Drogues et accidentalité

trop stricte. Les dispositifs sont multiples, des réservoirs « artisanaux » cousus dans
les sous-vêtements à des préservatifs dissimulés dans l’anus délivrant l’urine par un
tuyau fixé le long du périnée [51]. Des procédés plus sophistiqués sont disponibles
sur Internet, tel que le Whizzinator, pénis artificiel fourni avec de l’urine déshydra-
tée, ou l’Urinator, constitué d’un réservoir maintenu à température constante par
un module électronique, et relié à une canule placée près de l’urètre [51].

8.5.2 Prévention et dépistage d’une adultération


Un certain nombre de mesures doivent être respectées pour limiter le risque de
falsification et assurer l’intégrité et l’authenticité du prélèvement depuis le site où
il a été effectué jusqu’au laboratoire. Les recommandations les plus précises à ce
jour sont celles de la SAMHSA dans la dernière version du Mandatory Guidelines
for Federal Workplace Drug Testing de 2004 [8].
Le recueil est une étape particulièrement importante de cette procédure. La per-
sonne chargée du recueil doit être correctement formée pour superviser la réalisation
des prélèvements. Un certain nombre de mesures visant à s’assurer de la compétence
et de l’impartialité du préleveur sont à respecter. Le site de prélèvement fait égale-
ment l’objet de nombreuses précautions. Il doit être équipé de toilettes de manière
à respecter l’intimité du donneur le temps du prélèvement. Si le site de prélèvement
est équipé d’un point d’eau, celui-ci ne doit pas se trouver à l’intérieur des toilet-
tes de manière à éviter tout risque de dilution du prélèvement. L’adjonction d’un
agent bleuissant dans les toilettes ainsi que dans l’eau de rinçage peut être utile
pour détecter une éventuelle dilution. Le donneur ne doit pas accéder aux toilettes
muni d’effets personnels superflus. Il doit également vider ses poches et se laver les
mains devant le responsable du prélèvement. Il s’isole ensuite afin de réaliser le pré-
lèvement. L’urine est collectée dans des pots stériles d’une contenance minimale de
30 mL. Si le prélèvement est plus abondant, un second flacon de 15 mL minimum
peut être fourni. Si le prélèvement est de plus faible volume, il est conseillé de faire
boire le donneur jusqu’à obtention d’un nouveau prélèvement de 30 mL.
Un certain nombre d’observations doivent être faites immédiatement, sur le site
de prélèvement, afin de détecter toute tentative d’adultération. Ces observations
portent sur la température, la couleur, l’aspect, le pH et la densité du prélèvement.
La couleur de l’urine doit être notée. Normalement jaune clair ou transparente,
elle peut être plus sombre si elle est prélevée lors de la première miction du matin.
Une couleur trop claire, trop foncée ou franchement anormale (orangée) doit être
relevée, de même qu’un aspect « mousseux ». La température doit être mesurée très
rapidement. Elle est normalement comprise entre 32 et 38 °C dans les 4 min qui
suivent le prélèvement, et supérieure à 33 °C au bout de 15 min [57]. Une tem-
pérature inférieure à ces chiffres doit faire évoquer une substitution [5]. Dans ce
cas, un second prélèvement sous observation directe du préleveur est recommandé.
La créatininurie doit également être mesurée le plus précocement possible pour
dépister une tentative de dilution. Différents cut-offs pour la créatitinurie, en deçà
226
Dépistage urinaire

desquels le risque de dilution doit être évoqué, ont été proposés : 300 mg/L [58],
250 mg/L [59] et 200 mg/L pour la SAMHSA [60]. Récemment, Arndt [61] a
souligné le fait que la créatininurie est significativement plus faible chez les femmes
que chez les hommes du fait d’une masse musculaire généralement inférieure, et
qu’il serait donc utile d’envisager des cut-offs différents suivant le sexe. Quoi qu’il
en soit, une créatininurie inférieure à 50 mg/L indique que l’échantillon ne contient
pas de l’urine humaine [60].
La mesure du pH, normalement compris entre 4,5 et 8, est également un élé-
ment d’orientation. Tout pH inférieur à 3 ou supérieur à 11 doit faire suspecter
une adultération [57]. La gravité doit être normalement comprise entre 1,010 et
1,025). Tout résultat inférieur à 1,002 ou supérieur à 1,020 doit également faire
rechercher une adultération [60]. Les adultérants les plus courants (nitrites, PCC,
glutaraldéhyde, etc.) doivent également être recherchés. En pratique, des tests de
détection rapide sont disponibles pour effectuer sur site ces premières mesures.
Citons notamment Intect® 7 (Bioscan Screening System Inc.) et AdultaCheck® 6
(Sciteck Diagnostics, Inc.) qui permettent de mesurer le pH, la gravité, la créati-
nine, et de détecter la présence de nitrites, PCC et glutaraldéhyde [62], et, pour
les plus récents, AdultaCheck® 10, qui ajoute aux performances d’Adultachek® 6
la recherche des oxydants et dérivés halogénés [30]. Ces résultats devront naturel-
lement être validés au laboratoire par des techniques de confirmation.
L’acheminement et la prise en charge de l’échantillon au laboratoire devront égale-
ment respecter une chaîne stricte de qualité, l’ensemble de ces procédures visant à
limiter au maximum les erreurs pré-analytiques [63].

8.5.3 Périodes analytique et post-analytique


Les erreurs analytiques classiques sont actuellement correctement maîtrisées dans la
majorité des laboratoires par une validation correcte des méthodes, par l’utilisation de
contrôles internes ainsi que par la participation à des programmes externes de contrôle
de la qualité. Avec les systèmes automatisés, une erreur fréquente mais aujourd’hui bien
maîtrisée par la plupart des constructeurs est la contamination inter-échantillons.
La principale source d’erreur en immunoanalyse, bien connue des biologistes,
demeure le faux positif par réaction croisée entre la molécule à rechercher et une
autre molécule. Il peut s’agir de composés endogènes (acétone, bilirubine, créati-
nine, glucose) ou exogènes (médicaments, drogues d’abus), sous forme de molécule
mère ou de métabolite, de structure chimique apparentée ou complètement diffé-
rente [64]. Ces réactions croisées dépendent également de la technique utilisée et du
seuil de positivité fixé par le constructeur, l’une des solutions souvent utilisée pour
contourner ce problème consistant précisément à augmenter le seuil de positivité de
la technique lorsque cela s’avère possible, notamment avec les tests instrumentaux.
Les constructeurs testent classiquement la réactivité croisée d’un grand nombre de
composés endogènes et exogènes usuels, mais de nouvelles réactions croisées sont
régulièrement décrites dans la littérature.
227
Drogues et accidentalité

Parmi les plus connues, citons celle entre le cannabis et l’acide niflumique, observée
sur des techniques immunochromatographiques type Triage® 8 et DakoRapide®
[65] ainsi que sur les tests Syva® RapidTest d.a.u.® et la trousse Roche® sur Cobas
Integra® [66], alors qu’aucune interférence n’est notée en FPIA ou sur les kits
EMIT II® de Dade Behring [65,66]. L’efavirenz (Sustiva®), antiviral de la famille
des inhibiteurs de la transcriptase inverse, est également connu pour induire quel-
ques rares résultats faux positifs avec le cannabis en EMIT II® [67]. Les quinolones
induisent pour leur part des faux positifs pour les opiacés avec différentes techniques
de dépistage : la lévofloxacine et l’ofloxacine avec les trousses Abbott pour Axsym®,
CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, la pefloxacine avec les techniques
CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, l’enoxacine avec les techniques
CEDIA® et EMIT II®, la lomefloxacine, la moxifloxacine, la ciprofloxacine et la
norfloxacine avec Roche Online Assays® [68]. Des faux positifs pour la méthadone
ont été décrits avec la quétiapine [69], la cyamémazine et la lévopromazine [70]
sur le test Roche Diagnostics ONLINE DAT® II. La quétiapine provoque égale-
ment des faux positifs pour les antidépresseurs tricycliques avec le Syva® RapidTest
d.a.u.® et Biosite Triage® 8 [71]. Le fentanyl induit des faux positifs pour le LSD
en Syva® EMIT II® et CEDIA® [72], la venlafaxine et son dérivé déméthylé pour
le PCP avec le Syva® RapidTest d.a.u.® 9 [73]. La liste des molécules induisant des
faux positifs pour les amphétamines est longue. Hormis les amines de putréfaction
qui provoquent des faux positifs sur des échantillons post-mortem, de nombreuses
molécules sont susceptibles de provoquer des réactions croisées avec les urines chez
le sujet vivant. Le bupropion provoque ainsi des faux positifs pour les amphétami-
nes et le LSD avec CEDIA® [74], la benzathine avec le kit Syva® Emit I® polyclonal
amphétamines/méthamphétamines, mais pas avec le kit Emit II® monoclonal, et
en FPIA [75]. La prométhazine induit des faux positifs avec le test monoclonal
EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphetamine, mais pas avec l’EMIT II® Plus
Amphetamine, le TesTcard® 9 amphetamine et le Triage® Metamphetamine [76],
la ranitidine avec le kit Emit II® monoclonal [77], la mébévérine en FPIA [78],
le buflomedil avec le test monoclonal EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphe-
tamine [79]. La pseudoéphédrine contenue dans les décongestionnants des voies
aériennes est susceptible de provoquer des faux positifs en FPIA avec des seuils de
positivité à 300 ng/mL, mais pas pour des valeurs plus élevées [80]. Elle provoque
également des faux positifs avec le test EMIT d.a.u.® polyclonal, mais pas avec le
monoclonal [81]. Enfin, de nombreuses molécules entrant dans la composition
de divers médicaments peuvent engendrer des faux positifs avec différentes tech-
niques [82]. La fréquence de ces faux positifs et les enjeux potentiels pour l’indi-
vidu concerné nécessitent naturellement d’analyser tout échantillon positif par une
technique dite de confirmation. Les méthodes chromatographiques, idéalement
couplées à la spectrométrie de masse, sont recommandées pour la confirmation
des échantillons positifs.

228
Dépistage urinaire

En période post-analytique, il faut veiller à congeler immédiatement le reste de


l’échantillon afin d’éviter toute dégradation des molécules au cas où une confirma-
tion s’avèrerait nécessaire.

8.6 Conclusion
Le dépistage urinaire, largement utilisé pour rechercher une éventuelle exposition
à une substance psychoactive, est une procédure plus complexe qu’il n’y paraît du
fait de la multiplicité des techniques disponibles, de la nécessité de mettre en place
des procédures complexes pour éviter toute falsification du prélèvement, et de bien
connaître les performances du test utilisé afin d’éviter toute interprétation par excès.
Gardons enfin à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif n’indique qu’une exposition
récente, mais ne permet en aucun cas de différencier un usage occasionnel d’un
usage répété ou chronique.

8.7 Documents de référence


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0037.

234
Alain Verstraete1

9
Le dépistage salivaire

Depuis une dizaine d’années, les scientifiques, les responsables politiques, les indus-
triels et les forces de police s’intéressent au dépistage rapide des drogues dans la
salive, surtout pour le contrôle des conducteurs. Si les premières générations de tests
manquaient de fiabilité, la situation s’améliore progressivement. Différents États et
pays comme la France, la Belgique et cinq États australiens ont une législation qui
prévoit l’usage de tests salivaires (voir chapitre 2).
Ce chapitre abordera la physiologie de la salive et de la présence de drogues dans
la salive, le prélèvement et la conservation de l’échantillon, les données sur les
concentrations et la cinétique des différentes drogues dans la salive, les fenêtres de
détection, la corrélation entre les concentrations salivaires des drogues et les effets,
les méthodes analytiques de dépistage et de confirmation et enfin les différents types
de tests salivaires et les études sur leur fiabilité.

1. Laboratoire de biologie clinique, Hôpital universitaire, Département de biologie clinique,


microbiologie et immunologie, Faculté de Médecine, Université de Gand, Belgique.

235
Drogues et accidentalité

9.1 Passage des drogues dans la salive


9.1.1 Physiologie de la salive
Dans la littérature, l’on rencontre de plus en plus le terme de fluide oral au lieu
de la salive. Ceci parce que le liquide qui est utilisé pour les tests est plus que de
la salive proprement dite. La salive mixte, la matrice la plus aisément accessible
et la plus utilisée pour l’analyse des drogues, est constituée principalement des
sécrétions des glandes sous-maxillaires (65 %), parotides (23 %) et sublinguales
(4 %). Le débit salivaire total est de 500 à 1 500 mL par jour, ou entre 0 et
6 mL par minute. Au repos [1], ce sont surtout les glandes sous-maxillaires et
sublinguales qui produisent la salive, qui est alors très visqueuse et riche en
protéines, et le pH est de 7,0. Dans des conditions de stimulation, c’est surtout
la glande parotide qui produit la salive, et le bicarbonate est l’agent tampon le
plus important.
D’autres sources de fluide oral sont le sulcus créviculaire gingival et entre 450 et
750 glandes salivaires mineures [1].
La formation de la salive primaire a lieu au niveau des extrémités des canaux
excréteurs des glandes salivaires principales. Au fur et à mesure qu’elle parcourt
le système des canaux, la salive devient de plus en plus hypotonique. L’osmolarité
salivaire, toujours inférieure à celle du plasma, s’élève avec l’accroissement du débit
salivaire, ce qui s’accompagne généralement d’une augmentation du pH, qui tend
alors à approcher le pH plasmatique ou même à le dépasser (pH de 7,8). Le pH
salivaire au repos est de 6,8.
La salive mixte est composée à 99 % d’eau. Elle contient également des sels miné-
raux et des protéines telles que des mucines (lipoprotéines ayant un rôle de lubri-
fication) et des enzymes de digestion.
Les concentrations en électrolytes et le volume de salive sont influencés par le
moment dans la journée (rythme circadien) et les stimulus divers. La formation
de la salive est stimulée par le goût et les odeurs, la stimulation mécanique
(mastication), la douleur, les changements hormonaux de la grossesse, l’agres-
sion et les médicaments sympaticomimétiques et parasympaticomimétiques.
Inversement, les changements hormonaux dus à la ménopause, le stress, les
médicaments anti-adrénergiques et anticholinergiques diminuent la production
de salive.
Donc le volume et la composition de la salive peuvent changer au cours de la
journée. En conséquence, la concentration des composants salivaires dépendra de
la coopération du sujet, de sa condition psychologique (par exemple s’il est fâché
ou s’il a peur), de ses caractéristiques personnelles (héréditaires et hygiène de la
bouche), de l’utilisation de médicaments, de la méthode de collecte de l’échantillon
(y compris la durée et le type de stimulation) et de l’heure. Ceci est une différence
majeure avec le sang, où les concentrations varient moins [1].

236
Le dépistage salivaire

9.1.2 Mécanismes d’excrétion salivaire


Bien que les glandes salivaires soient hautement vascularisées, la sécrétion salivaire pri-
maire n’est pas un ultrafiltrat. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le
passage des drogues dans la salive. Les plus petites molécules, comme l’éthanol, filtrent
librement à travers les membranes par les pores. Un mécanisme de transport actif a
été suggéré pour certains médicaments telles que la pénicilline, le métoprolol et le
méthotrexate. La plupart des médicaments semblent entrer dans la salive par un sim-
ple mécanisme de diffusion passive dépendant de leurs propriétés physicochimiques
(pKa, liposolubilité, poids moléculaire et configuration spatiale), de leur liaison aux
protéines plasmatiques ainsi que des pH plasmatique et salivaire. Les médicaments
lipophiles et faiblement ionisés passent donc aisément la barrière entre le plasma et
la salive, la concentration salivaire étant le reflet de la concentration plasmatique de
la molécule sous forme libre. Pour des drogues faiblement basiques, la concentration
salivaire est fortement liée au pH de la salive. Pour les drogues ayant un pKa proche
du pH de la salive, un faible changement de pH induit un changement important
du degré d’ionisation reflété par le rapport salive/plasma (S/P). Ceci est peut-être la
raison pour laquelle les rapports S/P déterminés expérimentalement sont différents
des valeurs théoriques calculées à partir des équations de Henderson-Hasselbach [2].
En effet, les protocoles de recueil salivaire sont très variables selon les études.

9.2 Prélèvement
Le prélèvement de salive est considéré comme non invasif et peut être effectué sous contrôle
visuel par des officiers de police bien formés, pour réduire les risques d’adultération.
En pratique, un échantillon de salive peut être collecté en crachant dans un récipient,
en balayant la cavité orale avec un coton-tige ou en stimulant la production salivaire
avec des bonbons acides, des cristaux d’acide citrique, ou en mastiquant un matériau
inerte tel que le Teflon. Tenant compte du fait que la concentration des drogues dans
la salive est susceptible de diminuer parallèlement à l’accroissement du flux salivaire,
il pourrait être intéressant de collecter la salive non stimulée. D’autre part, une assez
forte réticence peut être observée chez un bon nombre d’individus envers l’action
de cracher. Certains individus produisent plus de mousse que la quantité de liquide
nécessaire à l’analyse. De plus, un flux salivaire réduit peut être observé suite à la
consommation d’amphétamines, de cannabis et de certains antidépresseurs.
La salive « stimulée » a été utilisée dans beaucoup d’études contrôlées et certains outils
spécifiques ont même été mis au point pour en faciliter le prélèvement et pour obtenir
un échantillon de salive plus propre et plus facile à analyser. Langel et coll. [3] ont
comparé 10 systèmes différents pour obtenir du fluide oral. Les résultats de leur étude
sont résumés dans le tableau 9.1. Le seul système qui présentait un rendement de plus
de 80 % pour toutes les molécules testées est le StatSure™ Saliva•Sampler™. C’est ce
moyen qui a été choisi pour la grande étude épidémiologique DRUID.

237
Drogues et accidentalité

TABLEAU 9.1 Pourcentage de produit extrait de la salive par les différents systèmes
de collecte de salive (n = 6) [3].
Amphétamine Cocaïne Morphine THC Éthanol
Quantisal 90* 82* 83* 56 90
Statsure 89* 86 88 85* 80
Cozart 75 76 81 76 99
Intercept 103* 97* 92 38 95
Greiner 86 98 98 74* 96
OraCol 69* 35* 82 < 12 91
Salivette 52 33 35 < 12 106
OraTube 78 87 77 48 91
Salicule 98 97 100 46* 97
Tube en plastic 102 102* 100 75 100
* Molécules pour lesquelles la concentration était de moins de 80 % après 28 jours à –18 °C (sauf
Greiner : 4 °C ; non étudié pour l’éthanol).

9.3 Conservation de la salive


Les échantillons doivent de préférence être centrifugés afin d’éliminer les parti-
cules. Cependant, ceci peut influencer la concentration du THC (Δ9-tétrahydro-
cannabinol) [4]. Ils doivent être conservés à –20 °C afin d’assurer une stabilité
optimale des analytes ; il est intéressant de remarquer que l’action de congeler et
de dégeler l’échantillon en abaisse la viscosité. La collection et la conservation se
fait en général dans des tubes en plastique. Dans certaines études impliquant la
recherche de cocaïne et d’héroïne, une solution de 5 % de fluorure de sodium a
été ajoutée aux tubes de collection en polypropylène. La cocaïne présente dans la
salive, conservée dans un récipient en plastique en l’absence d’additifs, est stable
pendant au moins une semaine à 4 °C. L’emploi d’acide citrique ou de friandises
acides augmente la stabilité. La stabilité des cannabinoïdes dans la salive n’a pas
été étudiée systématiquement ; l’usage de récipients en verre silylé de même que
l’ajout de fluorure de sodium ont été rapportées. La stabilité a aussi été étudiée
par Langel et coll. [3] pour les 10 systèmes d’échantillonnage étudiés. Les molé-
cules pour lesquelles la concentration était de moins de 80 % après 28 jours sont
mentionnées dans le tableau 9.1.

9.4 Toxicocinétique des drogues dans la salive


Une des caractéristiques est que les molécules mères sont retrouvées dans le fluide
oral, plutôt que les métabolites. La cinétique est parallèle à la cinétique des dro-
gues dans le plasma ou le sang, bien que le rapport sang/fluide oral ne soit pas
constant.

238
Le dépistage salivaire

9.4.1 Amphétamines
Les taux salivaires d’amphétamine et de méthamphétamine après administration
unique par la voie orale, intraveineuse ou fumée, sont au moins 3 à 10 fois supé-
rieurs aux taux plasmatiques. Le délai pendant lequel ces molécules peuvent être
détectées dans ce milieu peut atteindre deux jours lorsque des méthodes analyti-
ques sensibles (limite de quantification d’au moins 10 ng/mL) sont utilisées. Il est
fonction du pH urinaire et du pH salivaire. Après administration orale de 100 mg
de chlorhydrate de N-méthyl-benzodioxazolyl-butanamine (MBDB) à un sujet,
la molécule est détectable dans la salive jusqu’à la dix-septième heure (limite de
détection de 2 ng/mL). La concentration de la substance mère reste supérieure à
celle de son métabolite (BDB). La durée de détection salivaire est très certainement
favorisée par une structure liposoluble aminée [5].
Un test positif pour l’amphétamine (sans méthamphétamine) indique l’usage d’am-
phétamine, mais il faut exclure la possibilité que l’amphétamine soit présente par
la métabolisation d’un médicament.

Métabolisation des médicaments


Les médicaments suivants sont métabolisés en l’amphétamine ou méthamphé-
tamine : amfétaminil (amphétamine seule), benzphétamine (amphétamine et
méthamphétamine), clobenzorex (amphétamine seule), diméthylamphétamine
(amphétamine et méthamphétamine), éthylamphétamine (amphétamine seule),
famprofazone (amphétamine et méthamphétamine), fencamine (amphétamine
et méthamphétamine), fénéthylline (amphétamine seule), fenproporex (amphéta-
mine seule), furfénorex (amphétamine et méthamphétamine), méfénorex (amphé-
tamine seule), mésocarb (amphétamine seule), prénylamine (amphétamine seule)
et sélégiline (amphétamine et méthamphétamine)[6].

À l’heure actuelle, aucune étude n’a été publiée sur le risque d’un test positif suite
à la fumée passive, mais cela semble peu probable.

9.4.2 Benzodiazépines
Les concentrations salivaires ne dépassent que très rarement quelques ng/mL et
elles ne sont parfois pas supérieures à quelques pg/mL. Ceci est expliqué par la
forte liaison des benzodiazépines aux protéines du sang. La détection des ben-
zodiazépines dans la salive implique donc l’utilisation de techniques analytiques
très sensibles. Une étude effectuée sur un groupe de volontaires soumis à une
consommation chronique de diazépam, dans le cadre de la conduite automobile, a
permis de montrer que la concentration salivaire de diazépam et de N-desméthyl-
diazépam varie de 1,2 à 23,0 ng/mL. Une bonne corrélation a été observée entre

239
Drogues et accidentalité

la concentration salivaire et plasmatique ; aucune corrélation avec une diminution


de performance n’a pu être établie [7]. Le diazépam peut être détecté pendant 2 à
50 h dans le fluide oral.

9.4.3 Cannabinoïdes
Les cannabinoïdes ne sont pas ou très peu excrétés dans la salive, mais leur voie
d’administration étant quasiment toujours buccale, le Δ9-tétrahydrocannabinol
(THC) est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à la conta-
mination due à la fumée inhalée. Dans la demi-heure suivant l’inhalation, des
concentrations salivaires de THC supérieures à 100 ng/mL peuvent être mesurées.
Pendant les premières heures, les concentrations salivaires sont plus élevées que les
concentrations plasmatiques. Le THC reste détectable durant 3 à 6 h en moyenne
par la plupart des méthodes analytiques (limite de quantification de 1 à 20 ng/mL).
La recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas
d’une exposition récente au cannabis.
Le métabolite THC-COOH a été détecté à des concentrations très basses
(10–142 pg/mL) dans 21 échantillons [8]. Plus tard, une méthode par CPG-
CPG-SM a été publiée, qui a une a limite de quantification de 2 pg/mL de
THC-COOH [9].

9.4.4 Cocaïne
De nombreuses publications ont décrit l’excrétion de la cocaïne et de ses méta-
bolites dans la salive. La cocaïne est toujours l’analyte prédominant identifié et
les rapports S/P mesurés sont supérieurs à 1. L’étude la plus complète concernant
l’excrétion de la cocaïne dans la salive a été publiée en 1997 par l’équipe de Cone
[10]. La cocaïne peut être détectée dans la salive durant une période comprise
entre 4 et 12 h après une administration unique de drogue par voie intraveineuse,
intranasale (sniffée) ou par inhalation (fumée). La contamination de la cavité
buccale après la consommation sous forme sniffée ou fumée est variable mais
significative durant les deux premières heures consécutives à l’administration. De
l’anhydroecgonine méthylester (AEME) est détecté pendant une brève période
dans la salive lorsque la drogue est fumée. Cette substance peut donc être utilisée
comme marqueur en cas de consommation récente de crack [11]. Les concentra-
tions de benzoylecgonine (BE) et d’ecgonine méthylester (EME) sont très faibles
par rapport à la concentration de cocaïne et restent en dessous de 100 ng/mL.
Des méthodes analytiques suffisamment sensibles ayant une limite de détection
de 5 à 10 ng/mL permettent de détecter les métabolites qui apparaissent un peu
plus tard dans la salive.

240
Le dépistage salivaire

Interprétation des résultats pour la cocaïne


Cone et Huestis [6] ont proposé les règles suivantes pour l’interprétation des résul-
tats de la détection de la cocaïne dans le fluide oral :
– test positif pour la cocaïne, pas de benzoylecgonine : usage très récent de cocaïne
(< 8 h) ;
– test positif pour la cocaïne et la benzoylecgonine : concentration cocaïne > ben-
zoylecgonine : usage de cocaïne probablement 2–8 h avant la prise de l’échan-
tillon ;
– test positif pour la cocaïne et la benzoylecgonine : concentration cocaïne < ben-
zoylecgonine : usage de cocaïne 12 h auparavant pour les utilisateurs occasionnels
et jusqu’à 48 h auparavant pour les usagers quotidiens ;
– test positif pour la benzoylecgonine, pas de cocaïne : usage probable de cocaïne
48 h auparavant pour les utilisateurs occasionnels et 48–96 h auparavant pour
les usagers quotidiens.

9.4.5 Opiacés
L’héroïne peut être détectée dans la salive après une administration unique par
injection intraveineuse, inhalation (fumée) ou par la voie intranasale (sniffée). Après
injection intraveineuse, l’héroïne est détectable pendant moins d’une heure dans la
salive, la 6-AM (6-acétylmorphine) pendant 1 à 4 h et la morphine pendant 12 h.
Après administration par cigarette, les concentrations maximales d’héroïne et de
6-AM et les rapports salive/sang au cours des premières heures sont beaucoup plus
élevées. L’héroïne est détectable de 2 à 24 h, la 6-AM pendant 1 à 4 h [12, 13].
Comme pour la cocaïne, la contamination de la cavité buccale après une consom-
mation par inhalation d’héroïne base est à l’origine des valeurs élevées du rapport
salive/sang.
La codéine est détectable dans la salive durant une période de 9 à 12 h après admi-
nistration orale de 60 mg de phosphate de codéine (limite de détection – LDD :
5 ng/mL). les rapports salive/plasma sont supérieurs à 1 [14].

241
Drogues et accidentalité

Interprétation des résultats pour la cocaïne

Cone et Huestis [6] ont proposé les règles suivantes pour l’interprétation des résul-
tats des opiacés dans le fluide oral :
– test positif pour l’héroïne, la 6-acétylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ;
– test positif pour la 6-acetylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ;
– test positif pour la 6-acetylmorphine (seule) : usage d’héroïne, compatible avec
une usage très récent ;
– test positif pour la morphine (seule) : usage d’héroïne ou de morphine, ou inges-
tion de grains de pavots une heure avant le prélèvement ;
– test positif pour la morphine et la codéine, concentration codéine » concentration
morphine : usage de codéine ;
– test positif pour la morphine et la codéine, concentration morphine ≥ concentra-
tion codéine : usage possible d’héroïne ou de morphine ; la présence de codéine
peut être expliquée par l’impureté de l’héroïne ou par l’usage secondaire en com-
binaison avec l’héroïne, mais généralement en basse concentration. Une autre
explication est l’ingestion de grains de pavots une heure avant le prélèvement.

9.5 Fenêtre de detection des drogues


dans le fluide oral
Dans la salive, l’amphétamine peut être détectée pendant 20 à 50 h (LDD : 10 ng/
mL)[15]. Vingt-quatre heures après l’administration de 100 mg de MDMA chez
8 sujets, la concentration était de 13,5 (déviation standard – DS : 18,6) ng/mL
dans le sang et de 126,2 (DS : 101,8) ng/mL dans la salive. Niedbala et coll. ont
mesuré les concentrations salivaires du THC après administration orale ou fumée
de marihuana. Les LDD étaient respectivement de 1 ng/mL et 0,5 ng/mL pour
l’ELISA et la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de
masse en tandem (CPG-SM/SM). Toutes les analyses étaient positives jusqu’à 15 h
(extrêmes : 1–24 par ELISA et 13 h (1–24) par CPG-SM/SM. Les fenêtres de
détection (dernier échantillon positif ) étaient de 31 h (1–72) par ELISA et 34 h
(1–72) par CPG-SM/SM [16, 17], mais les sujets n’étaient surveillés que pendant
les 8 premières heures et une nouvelle prise de cannabis après 8 h ne peut être
exclue. Dans la salive, on peut détecter la cocaïne pendant 5 à 12 h après une dose
unique. En utilisant des méthodes capables de détecter 1 ng/mL, on peut également
détecter la benzoylecgonine pendant 12 à 24 h. Chez les utilisateurs chroniques, la
fenêtre de détection peut atteindre 10 jours (LDD 0,5 ng/mL). Dans la salive, la
6-acétylmorphine est détectable (LDD 1 ng/mL) pendant 0,5 à 8 h et la morphine
pendant 12 à 24 h [18]. Samyn et coll. ont détecté le flunitrazépam et le 7-amino-
flunitrazépam dans la salive après administration d’un milligramme de Rohypnol®.

242
Le dépistage salivaire

La durée de détection (LDD 50 pg/mL pour le flunitrazépam, 100 pg/mL pour


le 7-aminoflunitrazépam) ne dépassait pas 6 h (19). Les fenêtres de détection des
différentes drogues dans le fluide oral sont résumées dans le tableau 9.2 [20].

TABLEAU 9.2 Fenêtres de détection des drogues dans la salive [20].

Dose (mg) Limite de Fenêtre de détection


Drogue Analyte
Voie détection (ng/mL) (heures)
Amphétamine PO Amphétamine 10 20–50
MDMA 100/PO MDMA 126 24
Cannabis 20–25/FU THC 0,5 34
Cocaïne 25–42 IV/ Cocaïne 1 5–12
IN/FU Benzoylecgonine 1 12–24
Héroïne 20/IV 6-Acétylmorphine 1 0,5–8
Morphine 20/IM Morphine 1 12–24
PO : prise orale ; FU : fumée ; : intraveineuse ; IN, intranasale ; IM : intramusculaire.
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine.

9.6 Corrélation entre les concentrations


salivaires et sanguines ou plasmatiques
Les concentrations salivaires de nombreuses substances seraient corrélées aux
concentrations plasmatiques. Dans la majorité des publications disponibles, il appa-
raît cependant que les cinétiques salivaires des xénobiotiques diffèrent notablement
des cinétiques sanguines, ce qui implique que la valeur diagnostique de la salive
doit être étudiée séparément pour chaque analyte.
La durée des effets pharmacologiques de la cocaïne est équivalente ou légèrement
inférieure au temps de détection de la cocaïne dans le plasma et la salive. Bien
que la corrélation entre la concentration salivaire et les effets pharmacologiques ne
puisse pas toujours être établie, suite à une contamination de la cavité buccale ou
à la stimulation du flux salivaire, la présence de cocaïne dans la salive peut raison-
nablement être associée à un usage récent.
Des études récentes [21] ont montré que la corrélation entre les concentrations sali-
vaires et sanguines n’est pas bonne pour beaucoup de molécules et qu’il existe une
grande variation dans les rapports salive/sang. La figure 9.1 montre la corrélation
pour les concentrations de THC mesurées dans l’étude ROSITA-2. Le tableau 9.3
montre quelques rapports salive/sang décrits dans la littérature.

243
Drogues et accidentalité

LOG (THC fluide oral) 3

-1

-2
-1.0 -0.5 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
LOG (THC sang)
FIG. 9.1 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines (échelle
logarithmique) du THC dans l’étude ROSITA-2 (n = 286, r2 = 0,205).

9.7 Corrélation entre les concentrations salivaires


et les effets des drogues
Dans plusieurs études, on a cherché s’il existe une corrélation entre la concentration
des drogues dans la salive et leurs effets pharmacologiques.
Pour des amphétamines, aucune corrélation n’a été démontrée jusqu’ici. Pour le canna-
bis, une corrélation significative a été observée entre les concentrations moyennes (mais
pas les valeurs individuelles) dans la salive et le fait de sentir les effets de la drogue, le
Digit Symbol Substitution Test et la fréquence cardiaque. Menkes et coll. ont trouvé
une corrélation significative entre le logarithme de la concentration en THC dans la
salive et la fréquence cardiaque ou les effets subjectifs. La corrélation entre le logarithme
de la concentration en THC et l’intoxication était significative chez les différents sujets
[22]. Ramaekers et coll. [23] ont démontré une relation linéaire faible entre l’affaiblis-
sement des performances et la concentration de THC dans le fluide oral et le sérum :
pour la tâche « critical tracking » p > 0,05, r = − 0,18 et pour la tâche « Tower of Lon-
don » p = 0,006, r = − 0,35. Pour la cocaïne, un corrélation significative a été trouvée
entre les concentrations de cocaïne dans la salive et les effets subjectifs de la drogue,
les effets psychotomimétiques et la fréquence cardiaque (24). Cone et coll. (10) ont
également prouvé que la durée des effets pharmacologiques (diamètre de la pupille,
fréquence cardiaque, effet subjectif de la drogue) était généralement la même ou plus
courte que la période de détection de la cocaïne dans la salive à un seuil de 25 ng/
mL. Pour la morphine, une relation dose-effets a été trouvée entre les concentrations
salivaires de morphine et les dimensions de la pupille ou le comportement [25].
Une étude qui a comparé, chez des conducteurs suspectés de conduite sous l’in-
fluence des drogues, les résultats quantitatifs dans le fluide oral aux résultats
correspondants dans le sang a indiqué que la valeur prédictive positive du fluide
244
Le dépistage salivaire

oral était 98, 92 et 90 % respectivement pour les amphétamines, la cocaïne et le


cannabis [26]. En outre, les résultats du projet européen ROSITA ont indiqué que
pour la plupart des drogues, la corrélation avec le sang est meilleure pour le fluide
oral que pour l’urine.

TABLEAU 9.3 Rapports fluide oral/plasma ou oral/sang* pour différentes


drogues dans lalittérature (d’après [21]).
Type de drogue Fluide oral/plasma ou oral/sang*
Alcool (éthanol) 1,08 (1,06–1,09)*
Amphetamine 2,8
6,6–20,2
15,3 (2,6–210)
13,4 (0,5–182,1)
Benzoylecgonine 0,4 (0,3–0,5)
0,6–1,3
0,9 (0,2–10,6)
Codéine 3,7 (±0,3)
4,0 (±0,5)
7,5–43,7
9,6 (0,8–39,0)
Cocaïne 0,5
3
8,7 (3,8–13,2)
15–36
21,8 (3,8–119,4)
Diazépam 0,01–0,02
0,02 (0,01- 0,15)
Héroïne IV : 0–1,9*
fumée : 0–784*
MDMA 6,4–18,1
0,8–22,4
1,0–16,5
5,6 (0,9–88,2)
Méthadone 0,5 (±0,1)
1,3
1,5–1,7
0,6–7,2
Morphine 4,0–154,2
IV : 0–1,8*
fumée : 0–29*
2,3 (0,8–5,7)
THC 0,2–3,1
1,2 (±0,6)
46,2 (±27,0) (dose : 18,2 ± 2,8 mg) ; 35,8
(±20,3) (dose : 36,5 ± 5,6 mg)
15,4 (0,01– 568,9)
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.
IV : intraveineuse.

245
Drogues et accidentalité

9.8 Méthodes de dépistage


Ces dernières années, des immuno-essais spécifiques pour la détection des drogues
dans le fluide oral ont été développés. L’utilisation de tests urinaires n’est pas recom-
mandée car :
› la salive contient généralement les drogues parentes alors que les urines contien-
nent les métabolites de ces dernières ;
› les concentrations présentes dans la salive sont beaucoup plus faibles que celles
observées dans les urines.
Certains auteurs ont essayé d’utiliser les tests urinaires pour la détection des drogues
dans la salive, mais sans grand succès. En effet, la salive, plus visqueuse, cause des
problèmes lors de l’utilisation d’un test urinaire. Généralement, les anticorps utilisés
dans les immuno-essais pour rechercher la présence des drogues dans les urines pos-
sèdent une affinité élevée envers les métabolites urinaires principaux de ces mêmes
drogues. La spécificité de ces anticorps pour la molécule mère est souvent beaucoup
plus faible.
Pour le dépistage, il existe trois techniques : les tests ELISA, les tests homogènes
qui peuvent être adaptés sur un automate de chimie et les tests rapides. Les ELISA
sont commercialisés par entre autres Orasure (Bethlehem, PA, États-Unis), IDS (St.
Joseph, MI, États-Unis), Neogen (Lansing, MI, États-Unis) et Cozart (Abingdon,
Royaume-Uni).
La firme Roche développe actuellement des immuno-essais de dépistage de dro-
gues dans la salive avec la technique KIMS (kinetic interaction of microparticles in
solution). Ils étaient annoncés pour 2010.
Les tests rapides, utilisables au bord de la route ont surtout été développés ces dix
dernières années. Certaines considérations pratiques doivent être retenues concer-
nant le dépistage des conducteurs sous l’emprise de stupéfiants. Tout comme dans
le cas de l’alcool au volant, des contrôles systématiques, simples, non invasifs et
fournissant un résultat quasi immédiat doivent pouvoir être effectués par des offi-
ciers de police ne disposant que d’une formation scientifique minimale. Il existe
une demande pour des tests de dépistage pouvant être effectués sur le site même
du prélèvement de l’échantillon.
Il y a 25 ans, en 1984, Rodgers et coll. [27] ont développé un test rapide pour la
détection du cannabis dans la salive. La limite de détection était de 10 ng/mL pour
le THC-COOH. L’anticorps avait une réactivité croisée pour le THC, et le test
était positif pendant 2 à 2,5 h après avoir fumé un joint de cannabis.
Les premiers tests rapides de détection de drogues dans la salive disponibles sur
le marché ont été le Securetec Drugwipe® [14, 28] et le Cozart® RapiScan [29].
L’encadré donne un aperçu des tests rapides qui sont actuellement disponibles. La
plupart des tests utilisent un immuno-essai à flux latéral.

246
Le dépistage salivaire

Tests de détection des drogues dans la salive disponibles


fin 2009 (Sites Internet visités le 18 mars 2009).
Biosensor Applications Biosens® (www.biosensor.se)
Branan Oratect® III (www.brananmedical.com)
Cozart® DDS (www.cozart.biz)
Draeger DrugTest® 5000 (www.draeger.com)
Envitec Smartclip® (www.envitec.com)
Innovacon OrAlert® (www.innovaconinc.com)
Mavand RapidSTAT® (www.mavand.de)
Ultimed SalivaScreen® (www.ultimed.org)
Securetec Drugwipe® 5 + (www.securetec.net)
Sun Oraline® (www.sunbiomed.com)
Varian OraLab® (www.varianinc.com)

9.9 Évaluation des tests salivaires de terrain


Différents auteurs ont testé la fiabilité des tests salivaires [28–42]. L’étude euro-
péenne ROSITA-2 a évalué les tests salivaires [21] entre 2003 et 2005. Beaucoup
de tests n’étaient pas au point et fonctionnaient mal. Le tableau 9.4 résume le
pourcentage de tests qui ne produisaient pas de résultat en raison de mauvais fonc-
tionnements : salive trop visqueuse ou problèmes de lecture électronique. Seul
deux tests fonctionnaient dans plus de 95 % des cas : le Cozart® RapiScan et le
Securetec Drugwipe®. Le tableau 9.5 décrit les résultats analytiques des différents
tests, comparés à une méthode de référence (CPG-SM) dans la salive. Les résultats
sont difficiles à comparer en raison des nombres différents de tests effectués et des
différences de prévalence dans la population étudiée. La sensibilité varie selon le
test utilisé entre 40 et 83 % pour les amphétamines, 33 et 69 % pour les benzo-
diazépines, 0 et 74 % pour le cannabis, 0 et 97 % pour la cocaïne et 51 et 100 %
pour les opiacés. La spécificité est toujours supérieure à 80 % sauf pour le cannabis
sur le Cozart® RapiScan. L’exactitude est de plus de 95 % pour seulement 9 des
36 évaluations (4 tests détectent 4 types de drogues, 4 en détectent 5). Walsh note
une amélioration des tests rapides qui est une raison d’optimisme pour les déve-
loppements futurs [43].

247
Drogues et accidentalité

TABLEAU 9.4 Nombre et pourcentage de tests ne donnant pas


de résultat dans l’étude ROSITA-2

Nombre de tests
Test ne donnant pas de Total %
résultat
Cozart RapiScan 0 40 0
Securetec Drugwipe 50 1 364 4
American Biomedica Oralstat 3 52 6
Dräger DrugTest 52 592 9
Varian Oralab 61 234 26
Lifepoint Impact 14 44 32
Branan Oratect II 20 53 38
Sun Oraline 15 38 39
Ultimed Salivascreen 33 70 47
Branan Oratect 87 118 74
Total 335 2 605 13

Laloup et coll. ont trouvé une sensibilité et une exactitude de respectivement 49,5 %
en 55,0 % pour le dépistade du THC par le Dräger DrugTest® [44]. Cirimele et
coll. [34] ont observé que 9 échantillons avec des concentrations de THC entre
3 et 265 ng/mL donnaient un résultat positif avec le OraLine ive s.a.t., alors que
4 échantillons contenant entre 1 et 13 ng/mL donnaient un résultat négatif. Il y
avait aussi un faux positif. Le test était positif pendant 1,5 à 2 h après avoir fumé
une cigarette contenant 25 mg de THC. Pour la détection des amphétamines, le
Cozart® RapiScan System [29] avait une sensibilité, spécificité et exactitude de res-
pectivement 96,6 %, 96,8 % et 96,8 % en utilisant un seuil de dépistage de 45 ng/
mL pour le RapiScan et un seuil de confirmation de 45 ng/mL par CPG-SM. Une
évaluation du Drugwipe 5 [41] trouvait des sensibilités, spécificités et exactitudes
entre 92 en 100 % pour les amphétamines et les opiacés. Pour les benzodiazépines
les valeurs variaient entre 74 et 85 %. Pour le cannabis, elles étaient de respecti-
vement 52,2 %, 91,2 % en 85,1 % et pour la cocaïne 50 %, 99,3 % et 98,6 %.
Kintz et coll. [45] ont démontré que le Cozart DDSV pouvait détecter le cannabis
pendant 2 à 3 h après le dernier usage.

248
Le dépistage salivaire

TABLEAU 9.5 Nombre de tests effectués, prévalence, nombre de vrais positifs et négatifs,
de faux positifs et négatifs, sensibilité, spécificité et exactitude des différents tests
salivaires pour la détection des amphétamines, benzodiazépines, cannabinoïdes,
cocaïne et opiacés, comparé à une méthode de référence (CPG-SM) dans la salive
prélevée par le système Intercept.

Total Préval (%) VP VN FP FN Sensib. (%) Spécif. (%) Exact. (%)

Amphétamines
Drugwipe 726 33,7 204 463 18 41 83,3 96,3 91,9
OraLab 187 1,6 2 181 3 1 66,7 98,4 97,9
OraLine 22 31,8 5 15 0 2 71,4 100,0 90,9
OralStat 44 54,5 19 19 1 5 79,2 95,0 86,4
Oratect 29 13,8 3 25 0 1 75,0 100,0 96,6
RapiScan 40 12,5 2 28 7 3 40,0 80,0 75,0
SalivaScreen 37 24,3 7 28 0 2 77,8 100,0 94,6
Drugtest 583 7,7 29 491 47 16 64,4 91,3 89,2
Benzodiazépines
Total 242 31,8 51 147 18 26 66,2 89,1 81,8
Drugwipe 165 41,2 47 86 11 21 69,1 88,7 80,6
RapiScan 40 15,0 2 29 5 4 33,3 85,3 77,5
SalivaScreen 37 8,1 2 32 2 1 66,7 94,1 91,9
Cannabis
Drugwipe 722 31,2 76 457 40 149 33,8 92,0 73,8
OraLab 170 13,5 17 146 1 6 73,9 99,3 95,9
OraLine 22 18,2 1 18 0 3 25,0 100,0 86,4
OralStat 44 61,4 8 16 1 19 29,6 94,1 54,5
Oratect 29 17,2 0 22 2 5 0,0 91,7 75,9
RapiScan 44 45,5 13 14 6 7 65,0 70,0 67,5
SalivaScreen 37 48,6 6 17 2 12 33,3 89,5 62,2
Drugtest 591 46,5 155 284 32 120 56,4 89,9 74,3
Cocaïne
Drugwipe 725 15,4 77 590 23 35 68,8 96,2 92,0
OraLab 187 19,3 35 146 5 1 97,2 96,7 96,8
OraLine 24 4,2 0 19 2 1 0,0 90,5 86,4
OralStat 44 9,1 2 38 2 2 50,0 95,0 90,9
Oratect 29 24,1 3 22 0 4 42,9 100,0 86,2
RapiScan 40 22,5 6 29 2 3 66,7 93,5 87,5
SalivaScreen 37 32,4 9 25 0 3 75,0 100,0 91,9
Drugtest 583 23,5 114 437 45 23 83,2 90,7 89,0
Opiacés
Drugwipe 725 9,5 35 640 16 34 50,7 97,6 93,1
OraLab 187 3,7 7 180 0 0 100,0 100,0 100,0
OraLine 22 68,2 13 6 1 2 86,7 85,7 86,4
OralStat 44 0,0 0 42 2 0 / 95,5 95,5
Oratect 29 20,7 5 23 0 1 83,3 100,0 96,6
RapiScan 40 15,0 4 34 0 2 66,7 100,0 95,0
SalivaScreen 37 16,2 4 30 1 2 66,7 96,8 91,9
Drugtest 583 3,3 10 561 0 9 52,6 100,0 98,4

249
Drogues et accidentalité

9.10 Méthodes de confirmation


La salive peut être extraite et analysée comme d’autres milieux physiologiques tels que
le sang. En général, la salive présente moins d’interférences de composés endogènes
que le sang et les urines. Il est cependant impératif de valider, avant d’effectuer toute
analyse réelle, les procédures analytiques avec de la salive non contaminée et avec de
la salive volontairement contaminée, qualitativement et quantitativement, à l’aide des
standards analytiques de drogues. Les capacités analytiques requises pour effectuer
une analyse de salive sont comparables à celles requises pour la recherche de drogues
dans le sang. Cependant, les échantillons de salive sont généralement beaucoup moins
volumineux que les échantillons sanguins et la probabilité de pouvoir répéter les
analyses est donc plus faible. Une prudence toute particulière doit être observée en ce
qui concerne l’emploi des méthodes de confirmation désignées pour d’autres matrices
tenant compte du fait que les valeurs des seuils analytiques peuvent être différentes
pour la salive. Pour l’instant, il n’y a pas de consensus sur l’emploi de valeurs seuils
pour la confirmation des drogues illicites dans la salive. Différents seuils ont été pro-
posés, entre autres dans les législations françaises et belges (voir chapitre 2), dans les
guidelines australiens [46] et européens (proposés, voir www.ewdts.org) et dans les
recommandations de Talloires [47]. Ils sont résumés dans les tableaux 9.6 et 9.7.

TABLEAU 9.6 Comparaison des seuils (en ng/mL) du test de dépistage


dans les recommandations australiennes, SAMHSA
dans l’arrêté du 24 juillet 2008 (France) et dans la législation belge.
Standards SAMHSA Arrêté Législation
Substance
Australia [46] [54] 24/07/08 belge
Opiacés 50 40 10 10
Amphétamines 50 50 50 50
THC 25 4 15 25
Cocaïne et métabolites 50 20 10 20
SAMHSA : Substance Abuse and Mental Health Services Administration.
THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.

TABLEAU 9.7 Comparaison des seuils (μg/L) de confirmation de différentes drogues


dans le fluide oral recommandés par différentes sources.
Législation Standards Proposition Talloires
belge Australia [46] SAMHSA [54] [47]
Amphétamine 25 25 50 20
Méthamphétamine – 25 50 20
MDMA 25 25 50 20
THC 10 10 2 2
Cocaïne 10 25 8 10
Benzoylecgonine 10 25 8 10
6-Acétylmorphine 5 10 4 5
Morphine 5 25 40 20
SAMHSA : Substance Abuse and Mental Health Services Administration.
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.

250
Le dépistage salivaire

Différentes revues des méthodes analytiques récentes utilisées pour la quantification


des substances psychotropes dans la salive ont été publiées [48]. Récemment des
méthodes de criblage large, qui permettent de détecter la plupart des principales
drogues avec une seule procédure, ont été publiées [49–53]. Quelques caractéristi-
ques de ces méthodes sont résumées dans le tableau 9.8.

TABLEAU 9.8 Caractéristiques de 5 méthodes de criblage large pour la détection


des drogues dans le fluide oral par chromatographie liquide couplée
à la spectrométrie de masse en tandem.
Oiestad Simonin Concheiro Badawi Simoes
[49] [53] [52] [50] [51]
Volume d’échantillon 500 1000 1000 200 600
(μL)/prélèvement Intercept Intercept Statsure Statsure Statsure
Extraction Liquide, acé- Liquide, Phase Phase solide, Liquide,
tate d’éthyle/ dichloro- solide, Bond Elut Toxitube A
heptane méthane, Oasis HLB Certify
isopropanol,
n-heptane
Durée de la séparation 8,5 26 12 20 12
(minutes)
Nombre de substances 32 12 23 29 24
quantifiées
Limites de quantification (μg/L)
Amphétamine 6,8 20,0 0,5 0,5 0,8
Benzoylecgonine 7,2 1,0 0,5 0,5 2,6
Cocaïne 0,78 1,0 0,5 1,0 1,6
MDMA 3,9 1,0 0,5 0,5 3,7
6-Acétylmorphine 0,82 1,0 0,5 0,5 1,4
Morphine 7,1 1,0 0,5 0,5 1,2
Codéine 6,5 1,0 0,5 0,5 1,1
THC 0,16 2,0 0,5 0,5 1,1
Diazépam 0,41 — 0,5 0,5 1,2
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.

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255
7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
E. Saussereau, J.-P. Goullé, C. Lacroix, I. Ricordel

Dosages sanguins
10
et urinaires

Introduction
Dès 1996, la Société française de toxicologie analytique (SFTA) proposait aux pouvoirs
publics les modalités de recherche et de dosage des substances psychotropes licites ou
illicites chez les conducteurs impliqués dans un accident de la circulation [1]. Quatre
familles de drogues doivent être recherchées : amphétamines, cannabinoïdes, cocaïne
et opiacés. Il s’agit d’un dépistage urinaire suivi en cas de positivité par une confirma-
tion et une quantification obligatoires dans le sang. Dans ce cadre, des méthodes de
dosage ont été recommandées, comportant une exigence de spécificité avec au mini-
mum l’utilisation d’un couplage chromatographie en phase gazeuse – spectrométrie
de masse (CPG-SM) [2–4]. Depuis cette date, la SFTA propose un contrôle externe
de qualité pour le dosage sanguin de ces quatre familles [5]. Elle organise également
un contrôle externe de qualité du dosage des drogues dans les urines.
Ce n’est qu’à partir du 1er octobre 2001 et la loi Gayssot que ces propositions ont été
reprises par le législateur (voir le chapitre Législations en France et à l’étranger). La
loi Gayssot, ses décrets et arrêtés d’application avaient prévu pendant une période de
2 ans, du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 une « étude épidémiologique » ren-
dant obligatoire la recherche des médicaments psychoactifs en cas de positivité des
stupéfiants dans le sang. Cette disposition n’a pas été reconduite ultérieurement.

257
Drogues et accidentalité

Modalités de recueil pour la recherche


et le dosage des drogues
Les prélèvements et les recherches sont effectués chez les conducteurs impliqués
dans un accident de la circulation, auteurs d’une infraction ou susceptibles de
conduire sous l’influence d’un produit stupéfiant. En ce qui concerne les conduc-
teurs vivants, dans un premier temps, pour l’alcool, l’examen de comportement
est réalisé par un officier de police judiciaire (fiche A), puis l’examen clinique par
un médecin (fiches B et C), enfin l’évolution de l’état d’imprégnation alcoolique fait
appel aux méthodes habituelles que sont l’éthylotest, l’éthylomètre et/ou la prise
de sang. Dans un second temps, pour les drogues, un dépistage urinaire ou salivaire
est pratiqué (fiche D). Il donne lieu, en cas de positivité à un examen clinique dont
les items sont différents du précédent (fiche E) et à une prise de sang (2 fois 10 mL
sur héparinate de lithium). Pour les conducteurs décédés, le prélèvement sanguin
est effectué directement, dans les mêmes conditions, par le médecin. Il s’agit d’un
recueil sur fluorure de sodium qui permet à la fois de doser l’alcoolémie et les
stupéfiants. Les résultats de l’alcoolémie sont reportés sur les fiches B et C par le
biologiste expert ou par le biologiste hospitalier, pour les drogues, la fiche F est
remplie par le toxicologue expert.

10.1 Cannabinoïdes
10.1.1 Technique recommandée par la SFTA (CPG-SM)
pour l’analyse sanguine
La SFTA a recommandé une technique validée faisant appel à la chromatographie
en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [4]. Pour ces dosages, les can-
nabinoïdes ayant tendance à s’adsorber sur le verre, toute la verrerie doit impérative-
ment être silanisée. Il existe de la verrerie jetable, à un coût raisonnable, permettant
d’éviter ce traitement fastidieux. Nous ne décrivons que les grandes lignes de cette
technique dont les lecteurs pourront retrouver le détail dans la publication originale
[4]. À 1 mL de sang on ajoute 20 ng de chaque étalon interne trideutéré. On peut
ou non ajouter 1 mL d’eau pour préparations injectables. L’échantillon obtenu est
acidifié par 200 μL d’acide acétique à 10 %. L’extraction solvant est effectuée par
5 mL d’un mélange de solvants hexane/acétate d’éthyle (9:1, v/v). L’addition de
200 μL d’alcool isoamylique est facultative à ce stade. Après évaporation, le résidu
sec est soumis à une dérivation. Dans la technique originale celle-ci fait appel
à 200 μL d’hydroxyde de tétraméthylammonium-diméthyl-sulfoxyde (TMAH-
DMSO) et de 50 μL d’iodure de méthane. La réaction est bloquée par 200 μL
d’acide chlorhydrique 0,1 N. L’extraction est réalisée par 1 mL d’isooctane que l’on
évapore. Le résidu sec est repris par 25 μL d’isooctane. Une dérivation plus classique
peut être effectuée avec le bis-silyl-trifluoro-acétamide (BSTFA). Deux microlitres
sont finalement injectés dans le système chromatographique. Les ions qualifiants et
258
Dosages sanguins et urinaires

quantifiants sont indiqués dans le tableau 10.1. Les performances de la technique


sont données dans le tableau 10.2.

TABLEAU 10.1 Ions qualifiants et quantifiants pour la recherche


des cannabinoïdes dans le sang.
Ions (m/z) Ions (m/z) avec d’autres
Molécule
après dérivation [2–5] modes de dérivation
Δ9-THC 285, 313, 328 315, 371, 386
Δ9-THC-COOH 313, 357, 372 371, 473, 488
11-OH - Δ 9-THC 313, 314, 358 371, 459, 474

TABLEAU 10.2 Performances de la CPG-SM pour la recherche


de cannnabinoïdes dans le sang.
Linéarité Coefficient de Limite de %
Composés
(ng/mL) corrélation détection (ng/mL) d’extraction
THC 1–20 0,998 0,4 93,1
THC-COOH 0,5–40 0,999 0,2 91,4
THC : tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.

10.1.2 Technique par chromatographie en phase gazeuse couplée


à la spectrométrie de masse tandem (CPG-SM/SM)
L’emploi de la CPG-SM/SM permet d’améliorer à la fois la spécificité ainsi que
les limites de détection et de quantification tout en réduisant la prise d’essai. Les
performances indiquées dans la technique recommandée par la SFTA [4] et figu-
rant dans le tableau 10.2 ont été établies avec une prise d’essai de 2 mL. Avec cette
méthode, la limite minimale de détection sanguine imposée par la loi, de 1 ng/mL
pour le THC n’est pas toujours respectée, en raison d’effets de matrice qui sont
parfois constatés. Aussi, nous avons adapté la technique recommandée par la SFTA
à la CPG-SM/SM [6].
Les dosages sont effectués sur une CPG-SM/SM triple quadripôle Varian (CP-3800
couplé au triple quadripôle 1200 MS/MS). Les cannabinoïdes du plasma et du
sang total sont extraits par deux méthodes différentes : soit en phase liquide (LLE),
soit en phase solide (SPE). Ces préparations sont comparées et font l’objet d’une
validation à plusieurs niveaux de concentrations en cannabinoïdes. La principale
modification de la technique SFTA porte sur la prise d’essai qui est réduite à 1 mL.
L’extraction LLE est réalisée à l’aide d’un mélange hexane/acétate d’éthyle. La SPE
utilise des colonnes de silice apolaire C18 (Bond Elut, Varian). Les extraits obtenus
sont silylés avec du BSTFA (N, O-bis-triméthylsilyl-trifluoroacetamide) puis injec-
tés dans la CPG-SM/SM.
Les performances sont données dans le tableau 10.3.
Les équations des droites de régression reliant les concentrations mesurées aux
concentrations obtenues sont satisfaisantes (r 2 > 0,99 pour la LLE et la SPE). Les
259
Drogues et accidentalité

mesures de THC et de 11-OH-THC sont répétables et reproductibles avec les


deux modes d’extraction puisque les coefficients de variation (CV) sont inférieurs
à 12 % (n = 10), y compris pour la plus faible concentration (1 ng/mL). En
revanche, le THC-COOH montre des CV beaucoup plus importants, compris
entre 11 et 29 %, pour cette même concentration. La CPG-SM/SM est utilisée en
routine depuis 2004 dans notre laboratoire. Dans un certain nombre de cas, elle
montre une nette supériorité sur la CPG-SM où des effets de matrice sont par-
fois observés. Sur le sang total, la LLE, même si elle est d’exécution plus longue,
constitue la méthode de choix. Pour le plasma, la SPE s’avère être une alternative
très intéressante. L’emploi de la CPG-SM/SM permet, tout en réduisant la prise
d’essai, d’améliorer de manière sensible les performances de la technique de dosage
des cannabinoïdes sanguins recommandée par la SFTA.

TABLEAU 10.3 Performances de la CPG-SM/SM pour la recherche de cannnabinoïdes


dans le sang (résultats en ng/mL).
LLE SPE
Limite de Limite de Limite de Limite de
détection quantification détection quantification
THC 0,09 0,21 0,20 0,29
11-OH-THC 0,03 0,06 0,11 0,19
THC-1OOH 0,13 0,19 0,68 1,30
THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH :
11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
LLE : extraction en phase liquide. SPE : extraction en phase solide.

10.1.3 Autres méthodes par chromatographie en phase


gazeuse couplée à la spectrométrie de masse
10.1.3.1 Appliquées au sang, au plasma et aux urines
De nombreuses techniques par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse ont été publiées pour réaliser le dosage des cannabinoïdes dans
le sang total ou le plasma au cours des huit dernières années. Après une extraction
en phase liquide ou en phase solide, les cannabinoïdes sont rendus volatils par
dérivation puis séparés par chromatographie.
La chromatographie fait appel soit à la CPG-SM classique soit à la CPG-SM/SM (ion-
trap), ou à des variantes : chromatographie rapide ou fast-CPG (F-CPG), chromatogra-
phie bidimensionnelle (2D-CPG). Le mode final de lecture utilise l’impact électronique
(EI) ou l’ionisation chimique négative (NCI) ou positive (PCI). Le tableau 10.4 résume
les principales caractéristiques de ces techniques. Celle décrite par Nadulski et coll. [7]
permet de quantifier également le cannabidiol (CBD) et le cannabinol (CBN). Très
récemment, Lott et coll. [8] ont proposé une méthode de référence par dilution isoto-
pique pour la quantification du THC dans le sérum. La précision de cette technique est
telle que pour des concentrations de 1 et 2,4 ng/mL, l’erreur de mesure est inférieure
à 2 % pour deux écarts-type (intervalle de confiance à 95 %).
260
Dosages sanguins et urinaires

10.1.3.2 Appliquées à l’urine


L’intérêt majeur du dosage des cannabinoïdes dans les urines est le dosage du
THC-COOH, métabolite inactif du THC, le plus souvent dans le cadre de la
confirmation d’un dépistage positif par immunoanalyse. Cet examen comporte une
hydrolyse préalable, enzymatique par la b-glucuronidase ou/et alcaline. L’extraction
est réalisée en phase liquide ou solide puis l’extrait obtenu est silylé. De Cock
et coll. [9] proposent une technique adaptée au dopage après extraction liquide-
liquide, linéaire pour des concentrations de THC-COOH comprises entre 10 et
100 ng/mL (LOD = 1,0 ng/mL – LOQ = 1,7 ng/mL). Plus récemment, Abraham
et coll. [10] ont mis au point le dosage simultané du THC, du 11-OH-THC et
du THC-COOH urinaire après une double hydrolyse, enzymatique puis alcaline
et silylation par le BSTFA. La gamme de calibration est linéaire de 2,5 à 300 ng/
mL. Le rendement d’extraction est compris entre 57 % et 79,7 %. La répétabilité
et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 7,4 %. Jamerson et coll. [11] ont déve-
loppé une méthode de F-CPG après extraction en phase solide du THC-COOH,
permettant un gain de temps de 40 %. La linéarité est comprise entre 3,8 et 1 500
ng/mL. La répétabilité et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 5,5 %. Une
procédure de dosage du THC-COOH urinaire (applicable au sang et aux cheveux)
après hydrolyse alcaline, extraction liquide-liquide puis silylation par le BSTFA et
quantification par CPG-SM/SM a également été publiée [12]. La mesure en mode
d’ions sélectionnés (SIM) permet d’améliorer considérablement la sensibilité.

TABLEAU 10.4 Dosage des cannabinoïdes dans le sang


et le plasma par CPG-SM.

Dériv. LOQ (ng/mL)


Fidélité
Réf. Technique Extract. 11-OH- THC- Répétab.
THC interméd.
THC COOH
[13] CPG-EI-SM/SM SPE TMS 0,25* 0,5* 2,5* 4,2 % à 10,4 %
[14] CPG-EI-SM LLE PFPA 0,5* – – 3,1–5,2 % 6,4–9,5 %
[15] CPG-PCI-SM SPE – 0,5* 0,5 1,0 1,2–12,2 % 1,4–12,2 %
[7] CPG-EI-SM SPE TMS 0,15* à 0,29* – –
[16] F-CPG-NCI-SM LLE TFAA 0,5 0,5 2,5 Inférieures à 12 %
[17] 2D-CPG-EI-SM SPE TMS 10 – 1,0 – < 7,7 %
[18] 2D-CPG-EI-SM SPE TMS 0,125 0,25 0,125 Inférieures à 14,1 %
* LOD (ng/mL).
LOD : limite de détection. LOQ : limite de quantification.
CPG : chromatographie en phase gazeuse. F-CPG : chromatographie rapide ou fast-CPG. 2D-CPG :
chromatographie bidimensionnelle.
EI : impact électronique. NCI : ionisation chimique négative. PCI : ionisation chimique positive. SIM :
mode d’ions sélectionnés. LLE : extraction en phase liquide. SPE : extraction en phase solide.
THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-
9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.

261
Drogues et accidentalité

10.1.4 Méthodes par chromatographie en phase liquide


couplée à la spectrométrie de masse tandem
La CPG-SM demeure à l’heure actuelle la méthode de choix pour quantifier les
cannabinoïdes dans les milieux biologiques. C’est à l’aide de cette méthode d’ana-
lyse que les dosages THC et de ses métabolites sont réalisés dans la plupart des
laboratoires. En effet, les dérivés du cannabis sont chimiquement très apolaires
et se prêtent assez mal à l’analyse par chromatographie en phase liquide. Cepen-
dant, le développement de la chromatographie en phase liquide, en particulier en
mode tandem (CPL-SM/SM) et de l’ultra performance chromatographie liquide
(UPCPL) sont à l’origine de quelques publications récentes. L’intérêt majeur de
la chromatographie en phase liquide réside dans le fait que l’étape de dérivation
n’est pas nécessaire. Mais la source d’ionisation classiquement utilisée en toxico-
logie est une source de type electrospray (ESI) dont le rendement d’ionisation
est mauvais pour les cannabinoïdes. De meilleurs résultats sont obtenus avec une
source d’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI), qui permet une
ionisation de molécules plus apolaires ; ce qui implique de changer la source ou de
disposer d’un appareil dédié pour ces dosages. Avec une source APCI, l’intensité
du signal obtenu pour le THC par exemple est multiplié par dix par rapport à une
source ESI [19]. Le prérequis pour la confirmation par CPL-SM/SM des dérivés
du cannabis est la séparation chromatographique, l’utilisation d’au moins deux
transitions SM/SM et de définir des ratios pour leurs intensités relatives [20].

10.1.4.1 Application au sang, au plasma et aux urines


Comme le montre le tableau 10.5, hormis les résultats obtenus par Jamey et coll.
[21] par UPCPL-ESI-SM/SM, les performances du dosage des cannabinoïdes dans
le sang et le plasma par les méthodes de chromatographie liquide couplées à la
spectrométrie de masse tandem sont nettement inférieures à celles de la chromato-
graphie en phase gazeuse. Récemment, plusieurs techniques ont été décrites pour
quantifier dans les milieux biologiques le précurseur du THC, l’acide tétrahydro-
cannabinolique [22], le THC-glucuronide [23] dans l’urine, le THC-COOH [24]
ou le THC-COOH et son glucuronide [25] dans l’urine. L’UPCPL-ESI-SM/SM a
également été appliquée avec succès au dosage du THC-COOH dans l’urine [26].
Les performances obtenues sont bonnes dans une gamme de concentration étendue
(2 à 1 000 ng/mL), la répétabilité et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 5 %
et la cadence analytique s’élève à 14 échantillons par heure.

10.1.4.2 Préparation de l’échantillon


En plus des deux modes classiques de préparation manuelle des échantillons (LLE
et SPE), il est possible d’automatiser cette étape. Récemment Fu et Lewis [30] ont
développé une méthode d’extraction en phase liquide automatisée pour le dosage
du THC-COOH urinaire. Outre une cadence de préparation de 15 échantillons
par heure, elle permet une économie de solvants.

262
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.5 Dosage des cannabinoïdes dans le sang et le plasma par CPL-SM/SM
LOQ (ng/mL)
Répétabilité Fidélité
Réf. Technique Extraction 11-OH- THC-
THC (%) interméd. (%)
THC COOH
[19] CPL-APCI-SM/SM LLE 0,5 5,2 1,0 5,7–17,3 14,5–19,8
[27] CPL-APCI-SM/SM SPE 0,2 0,2 0,2 1,3–10,5 1,9–15,5
[28] CPL-ESI-SM/SM SPE 0,8 0,8 4,3 1,4–7,6 3,3–7,7
[29] CPL-ESI-SM/SM SPE 0,5 5,0 5,0 3,9–6,3 4,2–9,8
[21] UPCPL-ESI-SM/SM SPE 0,05 0,1 0,2 3,3–6,9 6,3–9,9
LOQ : limite de quantification.
CPL : chromatographie en phase liquide. UPCPL : chromatographie en phase liquide ultre performante.
APCI : ionisation chimique à pression atmosphérique. ESI : electrospray. SM/SM : spectrométrie de
masse tandem.
LLE : extraction en phase liquide. LES : extraction en phase solide.
THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-
9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.

10.1.5 Interprétation des dosages des cannabinoïdes


sanguins et urinaires
En ce qui concerne les stupéfiants dans le sang, les articles 10 et 11 des arrêtés
des 4 et 5 septembre 2001 précisent que le dosage du THC dans le sang doit se
faire obligatoirement par CPG-SM en respectant le seuil minima de détection de
1 ng/mL. Conformément à la proposition faite en 1996 par la SFTA [1], c’est un
seuil analytique minimal qui a été fixé par l’arrêté. S’agissant d’un produit stupé-
fiant illicite, la notion de concentration sanguine légalement tolérable n’avait bien
entendu pas de sens. Il est, à l’heure actuelle, impossible de définir précisément un
seuil pharmacologique, donnant pour le THC la concentration sanguine minimale
ayant un effet sur les capacités à conduire.
Le dosage des cannabinoïdes dans le sang est réalisé dans diverses circonstances :
médicolégales (sécurité routière, sécurité au travail, dans un contexte criminel) ou
médicales. Si les concentrations sanguines initiales de THC sont très importantes,
en particulier au début de la phase d’inhalation pour atteindre un pic en quelques
minutes, leur décroissance plasmatique est également très rapide, puis plus lente,
décrivant un profil multiphasique [31]. Compte tenu de cette pharmacocinétique
particulière, l’interprétation des concentrations sanguines de THC est difficile.
Cependant, il s’agit d’une question qui est souvent posée aux experts judiciaires.
La concentration maximale en THC varie en fonction de la teneur en principe
actif à laquelle le sujet est exposé. Selon Huestis et coll. [32], les concentrations
en THC 3 à 4 h après inhalation sont comprises entre 1 et 4 ng/mL chez des
consommateurs occasionnels. Au seuil de 0,5 ng/mL de THC, la durée moyenne
de détection plasmatique est respectivement de 7,2 et de 12,5 h après consomma-
tion de joints contenant 16 mg et 34 mg de THC. Pour Kauert et coll. [33], des

263
Drogues et accidentalité

doses de THC inhalé équivalentes aux précédentes sont détectables pendant une
période moyenne de quatre à six heures au seuil de 0,5 ng/mL dans le plasma. Ces
derniers auteurs ont également mesuré une durée de détection du 11-OH-THC
de 4 à 6 h au seuil de 0,3 ng/mL. Pour le métabolite inactif, le THC-COOH, la
durée moyenne de détection constatée dans le sang par Huestis et coll. est comprise
entre 3,5 et 6,3 jours.
Une autre question est fréquemment posée aux experts judiciaires, à laquelle il est
également difficile de répondre concerne l’influence éventuelle du cannabis sur un
sujet à l’occasion d’un accident de la circulation : « Au moment des faits, le sujet
était-il sous l’influence du cannabis ? » Afin de tenter d’établir l’impact éventuel du
cannabis lors d’un événement donné, divers modèles ont été proposés pour évaluer,
soit le temps écoulé entre la consommation et le prélèvement sanguin [34], soit
l’établissement d’un facteur d’influence du cannabis [35]. En ce qui concerne le
calcul du temps écoulé entre la consommation de cannabis et le prélèvement san-
guin, les modèles de Huestis sont proposés. Le modèle I est fondé sur la concentra-
tion de THC dans le plasma et le modèle II fait appel au rapport de concentrations
du THC et du THC-COOH. Ils ont été établis à partir de données expérimentales
après l’administration contrôlée de cannabis à des volontaires sains. Ces modèles
ne sont utilisables que pour des concentrations plasmatiques de THC supérieures
à 2 ng/mL. Le modèle I a pour équation log (T) = −0,698 × log ([THC]) + 0,687
et le modèle II répond à la formule suivante :
log (T) = 0, 576 × (log [THC-COOH]/[THC]) – 0, 176
où T représente le temps écoulé en heure depuis l’usage de la marijuana. Les concen-
trations en THC et THC-COOH sont exprimées en nanogrammes par millilitre.
Si le modèle I est bien adapté à une consommation par inhalation chez un fumeur
fréquent, le modèle II fournit une meilleure prédiction pour une exposition, soit par
voie respiratoire, soit par voie digestive. Daldrup [35] a proposé le calcul du facteur
d’influence au cannabis (cannabis influence factor ou CIF) à partir des concentra-
tions molaires (en mol/L) de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH selon la
formule suivante :
CIF = [THC] + ([11-OH-THC]/[THC-COOH]) × 0,01
(les masses molaires de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH étant res-
pectivement 314,5, 330,5 et 344,5 g/mol). L’application du CIF est toutefois
limitée à une fenêtre de 30 à 90 min entre l’infraction ou le délit et le prélèvement
sanguin. À partir d’une enquête menée sur le terrain concernant des sujets ayant
consommé uniquement du cannabis et pour lesquels des erreurs de conduite ou
des comportements inappropriés ont été relevés, en particulier le maintien de
la position latérale du véhicule, Daldrup indique qu’un CIF supérieur ou égal
à dix est révélateur d’une diminution certaine de la capacité à conduire due à la
consommation de cannabis [35]. Selon cet auteur, un CIF de dix serait compa-
rable en termes d’effets sur la conduite automobile à une alcoolémie de 1,10 g/
kg [35].
264
Dosages sanguins et urinaires

En ce qui concerne l’interprétation des dosages urinaires par CPG-SM, Huestis


et coll. [36] ont montré qu’au seuil de 15 ng/mL de THC-COOH, la durée de
détection urinaire est en moyenne de 34 h chez 6 sujets ayant fumé un joint
contenant 1,75 % de THC. Elle est en moyenne de 89 h, soit près de 4 jours,
pour une teneur en THC de 3,55 %. Pour Smith-Kielland et coll. [37], à la
concentration de 10,3 ng/mL, elle est respectivement de 5,3 jours et de 22,4 jours
chez des consommateurs occasionnels et chez des consommateurs réguliers. Reiter
et coll. [38] utilisant un seuil de THC-COOH urinaire de 10 ng/mL, chez 52
volontaires admis dans un centre d’addictologie, constatent que la durée moyenne
de détection est de 4,9 jours, avec un maximum de 18 jours.
La pharmacocinétique du THC, qui est très particulière, doit être prise en
compte pour l’interprétation des résultats. En effet, contrairement à l’éthanol,
substance pour laquelle le dosage sanguin reflète bien l’imprégnation tissulaire
en raison d’une distribution homogène dans l’organisme (le volume de distri-
bution de l’éthanol est voisin de 0,7 L/kg) ; le THC connaît une répartition
très inhomogène dans l’organisme. La longue persistance du principe actif dans
les graisses a été prouvée. La conséquence majeure de cette pharmacocinétique
particulière se traduit par des effets psychoactifs prolongés, des effets ébrieux,
des troubles de la vigilance, des perturbations de la concentration pendant une
durée de plusieurs heures après arrêt de la consommation. Après inhalation de
« joints » dosés à 100, 200 ou 250 μg/kg de masse corporelle, il a été montré
sur simulateur de conduite des effets délétères pendant une durée de 2 à 7 h
ainsi qu’une corrélation linéaire significative avec les concentrations sanguines
de THC [39].
D’autres travaux ont également mis en évidence que les effets psychiques ressen-
tis après la consommation isolée d’un joint contenant 9 mg de THC persistent
pendant une durée de plus de 2 h, alors que dans le même temps, la concentra-
tion en THC dans le sang est rapidement très faible, de l’ordre de 1 ng/mL [32,
40]. Si une altération de la capacité à conduire a été observée jusque 24 h après
l’administration de cannabis, les effets persistent généralement au minimum 4 h
après inhalation et au 6 h après ingestion en fonction de la quantité de principe
actif à laquelle le sujet a été exposé [41]. Les concentrations maximales de THC
mesurées dans le sang précèdent toujours les effets cliniques induits par la drogue
et conduisent à des effets retardés entre l’action pharmacologique et la concentra-
tion sanguine en principes actifs [42]. Une telle discordance amène la plupart des
études à conclure qu’il n’y a pas de relation significative entre les concentrations
dans le sang et les effets [43, 44]. Celle-ci a trouvé une explication scientifique
récente : il reste encore du THC dans le cerveau alors que ce principe actif n’est
plus détectable dans le sang [45].

265
Drogues et accidentalité

10.1.6 Documents de référence


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10.2 Opiacés dans le sang et les urines


Le terme « opiacés » regroupe trois types de substances : les analgésiques et les narco-
tiques utilisés dans le traitement de la douleur, comme la morphine (alcaloïde naturel
extrait de l’opium), les antitussifs comme la codéïne faiblement analgésique, et illicite
comme l’héroïne, produit hémisynthétique. L’héroïne est responsable de l’une des
plus graves toxicomanies actuelles ; 1 % environ de la population française de 15 à
19 ans aurait consommé de l’héroïne au moins une fois dans sa vie. Les opiacés exer-
cent une action analgésique sédative entraînant somnolence et sommeil, induisant
simultanément une perte d’attention, des réflexes, de la réalité et de la conscience du
danger et des obstacles. L’héroïne et la codéine ont en commun un même métabolite
final : la morphine, elle-même utilisée en thérapeutique. Restent donc les métabolites
intermédiaires pour caractériser, dans le sang et les urines, la présence d’opiacés licites
ou illicites. Ainsi l’héroïne se transforme rapidement en 6-acétylmorphine (6-MAM)
dont la demi-vie est de quelques minutes puis ultérieurement en morphine. La
6-MAM se retrouve surtout dans les urines, et très peu dans le sang.

10.2.1 Méthodes d’analyse


L’analyse quantitative des opiacés tels que la morphine, la codéine, l’héroïne, ainsi
que leurs métabolites, présente différentes applications : intoxication aiguë, contrôle
et surveillance d’un usage illicite, domaine médicolégal (accident corporel ou mortel

269
Drogues et accidentalité

de la circulation). Le dosage des principaux opiacés peut-être réalisé par différentes


techniques analytiques, en particulier la chromatographie en phase gazeuse couplée
à la spectrométrie de masse (CPG-SM), la chromatographie en phase liquide cou-
plée à spectrométrie de masse (CPL-SM) ou masse tandem (CPL-SM/SM). Depuis
une dizaine d’années, plusieurs méthodes de dosage en CPG-SM ont été décrites
[1–6] (tableau 10.6). La Société française de toxicologie analytique (SFTA) en
recommande deux dans le sang total [7]. La première méthode utilise une extraction
liquide-liquide, faisant intervenir trois étapes de purification, respectivement à un
pH de 8,4 ; 1,0 et 8,4. Dans la seconde méthode, l’extraction en phase solide, avec
rétention des opiacés à un pH de 8,6 se fait à l’aide d’une colonne HLB. L’élution
des analytes est réalisée avec du méthanol. Une dérivation préalable de certaines
molécules par le N, O-bis-triméthylsilylfluoroacétamide (BSTFA) est nécessaire
avant l’étape chromatographique sur colonne capillaire apolaire. La détection s’ef-
fectue par spectrométrie de masse avec ionisation par impact électronique et la
quantification à l’aide d’étalons internes deutérés. Les différentes techniques d’ex-
traction développées sont l’extraction liquide-liquide, pouvant être longue et fasti-
dieuse [8], l’extraction en phase solide (SPE) utilisant généralement des colonnes de
type « mode mixte » (double greffage : échanges d’ions et chaînes carbonées hydro-
phobes). Pour augmenter le rendement d’extraction, il est possible de remplacer les
colonnes d’extraction individuelles par des plaques 96 puits et d’automatiser cette
phase d’extraction [9, 10]. Des techniques d’immuno-extraction ont également été
développées [11]. Enfin, une technique de purification-extraction en ligne a été
décrite par Bentgson et coll. [12].
Dans de nombreuses techniques de CPG-SM, le mode d’ionisation est l’impact
électronique [1–6, 8]. D’autres techniques font appel à l’ionisation chimique néga-
tive (NICI) qui permet d’obtenir une sensibilité et une spécificité supérieures à cel-
les obtenues avec l’ionisation par impact électronique ou chimique positive (PICI)
[13, 14]. Toutefois, les applications médicolégales de ce mode de détection (SM-
NICI) sont limitées. La chromatographie liquide haute performance (HPCPL)
permet de séparer, sans prétraitement (dérivation, hydrolyse…), les molécules
hydrophiles et hydrophobes issues du métabolisme de l’héroïne et/ou de la mor-
phine (tableau 10.7).

270
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.6 Méthodes analytiques de chromatographie en phase gazeuse.


Préparation Colonne
Références Composés Matrice Détection
échantillon analytique
SPE (mode mixte),
Morphine
[1] Sang dérivation (acide HP 1 (15 m) EI-SM, SIM
6-MAM
trifluoroacétique)
Déprotéinisation
(méthanol)
Codéine HP-1MS (30 m
Dérivation
[2] Morphine Sang × 0,25 mm, EI-SM, SIM
(hydroxylamine, SPE,
6-MAM 0,25 μm)
silylation - BSTFA +
1 % TMCS)
Morphine SPE, dérivation HP-5 (30 m
[3] 6-MAM Sang (BSTFA + 1 % × 0,25 mm, EI-SM, SIM
Codéine TMCS) 0,25 μm)
Déprotéinisation DB-5 (30 m
[4, 5] Morphine Sang (ACN), SPE, × 0,25 mm, EI-SM, SIM
dérivation (MSTFA) 0,25 μm)
Codéine Sang SPE (Bond Elute), HP-Ultra-1
[6] Morphine (post- dérivation (BSTFA + (12 m × 0,2 mm, EI-SM, SIM
6-MAM mortem) 1 % TMCS) 0,33 μm)
DB-5MS (15 m
M6G NICI-SM,
[12] Plasma SPE (C18) × 0,25 mm,
M3G SIM
0,25 μm)
HP-Ultra-1 NICI-SM,
[13] Morphine Plasma SPE (C18)
(7 m × 0,2 mm) SIM
ACN : acétonitrile. BSTFA : N, 0-bis- (triméthylsilyl)-trifluoroacétamide. MSTFA : N-méthyl-N-
triméthylsilylfluoroacétamide. TMCS : triméthylchlorosilane. SPE : extraction en phase solide.
NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionn.
SM : spectrométrie de masse.

TABLEAU 10.7 Méthodes analytiques de chromatographie en phase liquide


Préparation
Références Composés Matrice Colonne analytique Détection
échantillon
Morphine Atlantis DC18
96-puits SPE
[8] M6G Plasma (150 mm × 2,1 mm, ESI-SM, SIM
(MCX)
M3G 5 μm)
Morphine
Betasil silica (50 mm
[9] M6G Plasma SPE (C18) ESI-SM/SM
× 3,0 mm, 5 μm)
M3G
Morphine Symmetry C18
[14] M6G Sérum SPE (C18 ec) (150 mm × 4,9 mm, UVD (210 nm)
M3G 5 μm)
Morphine
Cp-Spher C8
[15] M6G Sérum SPE (C6) UVD (210 nm)
(250 mm × 4,6 mm)
M3G

271
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.7 Suite.

Préparation
Références Composés Matrice Colonne analytique Détection
échantillon
Morphine
SPE (Oasis Betasil silica (50 mm
[25] M6G Plasma ESI-SM/SM
HLB) × 3,0 mm, 5 μm)
M3G
Héroine
6-MAM RP Zorbax Bonus
SPE (MCX
[26] Morphine Plasma (150 mm × 4,6 mm, ESI-SM/SM
Oasis)
M6G 5 μm)
M3G
Codéine
C12 Max-RP
Morphine
[27] Plasma SPE (C18 ec) (150 mm × 2 mm, ESI-SM/SM
M6G
4 μm)
M3G
Morphine
Codéine SPE (Strata Synergi Fusion RP
[28] Urine ESI-SM/SM
M3G X-C) (75 mm × 2,0 mm)
M6G
Morphine
Codéine Sang Synergy Polar RP
SPE (Bond
[29] M3G (post- (150 mm × 2 mm, ESI-SM/SM
Elut C18)
M6G mortem) 4 μm)
6-MAM
Altech Rocket
Morphine Platinum, EPS C18
[30] Urine SPE ESI-SM
Codéine (30 mm × 2,1 mm,
1,5 μm)
Morphine
M3G Sérum Extraction en Atlantis C18
[32] M6G Plasma ligne 150 mm × 2,1 mm, ESI-SM/SM
Codéine Urine (Oasis HLB) 3 μm)
6-MAM
Morphine
M3G Luna C18
Dilution
[34] M6G Urine (100 mm × 2,0 mm, ESI-SM/SM
(eau)
Codéine 3 μm)
6-MAM
Dilution
M3G Acquity UPCPL
(tampon
M6G BEH Shield
[36] Urine acétate UPCPL-SM/SM
Codéine (50 mM × 2,1 mm,
ammonium
6-MAM 1,7 μm)
20 mM)
MCX : Mixed Cation Exchange. SPE : extraction en phase solide.
ESI : electrospray. SIM : mode d’ions sélectionn. SM : spectrométrie de masse.

La détection peut s’effectuer par spectrométrie d’absorption en ultraviolet (UV) avec


ou sans barrette de diode [15, 16]. Toutefois, ces méthodes HPCPL-UV ne permettent
pas d’obtenir les mêmes performances que les techniques de CPG-SM (sélectivité-
272
Dosages sanguins et urinaires

sensibilité) pour des applications cliniques et médicolégales. Le couplage de la chro-


matographie liquide à la spectrométrie de masse (CPL-SM) offre de meilleures per-
formances que la détection en UV. La CPL-SM est devenue un complément idéal à
la méthode de référence actuelle, la CPG-SM, particulièrement pour la détection et la
quantification des substances présentes à de faibles concentrations dans les échantillons
biologiques, comme c’est le cas pour les opiacés [9, 17–19]. Ces techniques CPL-SM
couplées à différentes interfaces au niveau du spectromètre de masse, permettent une
analyse quantitative simultanée de plusieurs opiacés de nature chimique différente.
Les sources d’ionisation les plus utilisées sont les sources à pression atmosphérique de
type electrospray (ESI) et d’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI). La
première application de l’APCI au dosage des opiacés en CPL-SM a été réalisée dans
les urines [20]. L’analyse chromatographique en phase inverse sur une colonne C18,
est précédée d’une extraction de type SPE sur une colonne C18 Sep-Pak. D’autres
méthodes de dosage CPL-SM-APCI ont été développées dans le sang, le plasma et
les urines, incluant la 6-acétylmorphine et la codéine, ainsi que son métabolite glu-
curoconjugué [21–23]. L’ionisation par electrospray a été développée pour une étude
pharmacocinétique de la morphine chez l’homme [24]. L’extraction de l’échantillon
sérique s’effectue en phase solide avec une colonne de type « éthyl ». La codéine est
utilisée comme étalon interne et la séparation chromatographique est réalisée avec un
gradient eau-méthanol. La sensibilité de cette méthode est cependant limitée. Ces
techniques CPL-SM-ESI s’appliquent également aux urines [18]. Le développement
de la spectrométrie de masse en tandem a permis d’augmenter significativement la
sensibilité des méthodes HPCPL. En 1998, Zheng et coll. ont développé une méthode
CPL-SM/SM avec une sensibilité 5 à 20 fois supérieure à celle des techniques CPL-
SM précédemment décrites [25]. Depuis de nombreuses techniques CPL-SM/SM ont
été développées [10, 12, 26–28]. La CPL-SM/SM est devenue un outil analytique
offrant par sa spécificité et sa sensibilité une alternative à la CPG-SM pour l’identifi-
cation et la quantification des opiacés dans le sang et les urines.
La majorité des méthodes CPL-SM/SM décrites sont précédées d’une extraction
en phase solide (SPE) [27, 29–31], ou moins fréquemment, liquide-liquide [32].
Certaines méthodes CPL-SM/SM utilisant une étape d’extraction-purification en
ligne de l’échantillon, précédée ou non d’une déprotéinisation, ont été récemment
développées pour le dosage des opiacés dans le sang et les urines [12, 33, 34]. Ces
méthodes « on-line » ont l’avantage d’être simples et rapides, avec une sensibilité
et une spécificité très satisfaisantes. Enfin, dans les méthodes décrites par Gus-
tavsson et coll. [35] et Edinboro et coll. [36] l’échantillon urinaire étant injecté
directement dans le système chromatographique sans étape d’extraction préalable.
Le couplage de l’UPCPL avec la spectrométrie de masse tandem, offrant une
forte sensibilité et spécificité, permet ainsi l’injection directe d’urines, diluées ou
non, sans prétraitement analytique telle qu’une hydrolyse par exemple [37, 38].
D’autre part, les effets de matrices qui interfèrent en CPL-SM/SM, en particulier
la suppression d’ions lors de l’injection directe des échantillons biologiques, sont
plus restreints en UPCPL-SM/SM. Dans le sang, une méthode UPCPL-SM/SM,
273
Drogues et accidentalité

après une extraction de type SPE sur une colonne oasis MCX, a été développée
par Rifflet et coll. [39]. Cette méthode analytique permet par l’utilisation de la
technique UPCPL, des temps d’analyse courts (10 min) et une sensibilité élevée
(LOQ < 1 ng/mL). Ces méthodes UPCPL-SM/SM permettent l’analyse de pou-
dre contenant de l’héroïne et l’identification des impuretés de préparation de la
drogue.

10.2.2 Interprétation des résultats


Comme cela a été mentionné pour le cannabis, le dosage des opiacés, dans le cadre
des infractions à la législation sur les stupéfiants doit se faire obligatoirement par
CPG-SM en respectant le seuil minimum de 20 ng/mL [40]. Toutefois, en raison
de variabilités interindividuelles concernant les effets des opiacés et leur métabo-
lisme, ainsi qu’en raison du phénomène de tolérance, il est difficile de définir un
seuil pharmacologique donnant pour chaque opiacé, la concentration sanguine
ayant un effet sur les capacités à conduire. La famille des opiacés présente la
particularité de comprendre des substances licites et illicites. Dans le traitement
de la douleur, sont utilisés les morphiniques analgésiques majeurs (morphine,
hydromorphore, oxycodone) et mineurs (codéine, dihydrocodéine). La codéine
a également des propriétés antitussives ainsi que la pholcodine et la codéthyline.
L’héroïne ou diacétylmorphine est le seul opiacé hémisynthétique. Les substances
opiacées ayant des propriétés sédatives et pouvant induire des sensations verti-
gineuses, une confusion, ou plus rarement des myoclonies, peuvent altérer la
vigilance et par conséquent rendre dangereuse la conduite d’un véhicule. D’autre
part, l’effet sédatif et la toxicité des analgésiques morphiniques sont majorés par
la consommation d’alcool éthylique.
Généralement, les effets analgésiques de la morphine sont bien corrélés aux
concentrations plasmatiques [41]. La morphine-3-glucuronide, à des concen-
trations relativement élevées, pourrait être à l’origine d’un effet hyperalgésique
associé à son accumulation dans l’organisme [42]. La morphine-6-glucuronide
est un métabolite actif qui potentialise les effets analgésiques de la morphine
[42]. Les propriétés analgésiques de la codéine correspondent approximative-
ment à 50 % du potentiel analgésique de la morphine. Les propriétés analgési-
ques de la codéine sont associées à sa métabolisation en morphine. La codéine est
également métabolisée en codéine-6-glucuronide, métabolite actif [42]. Déter-
miner si un conducteur à consommé de l’héroïne ou un médicament opiacé
sur prescription médicale (morphine, codéine) peut être difficile, l’héroïne (ou
diacétylmorphine) et la codéine se métabolisant en morphine [43, 44]. De
plus, l’acétylcodéine, une impureté de préparation de l’héroïne, se métabolise
en codéine par déacétylation [43]. L’héroïne introduite dans le sang subit rapi-
dement un phénomène d’hydrolyse (figure 10.1), sa demi-vie sanguine n’est
que de 3 à 9 min.

274
Dosages sanguins et urinaires

CH3O
CH3COO

O H
O
NCH3
NCH3
HO O-déméthylation
codéine CH3COO
HO diacétylmorphine
O-méthylation (héroïne)

N-déméthylation O H hydrolyse
NCH3 HO
CH3O
HO
hydrolyse
morphine
O
O H
NCH3
NH N-déméthylation
CH3COO
HO
HO 6-monoacétylmorphine
norcodéine (6-MAM)

glucuroconjugués O H
(morphine-3-glucuronide, NH
morphine-6-glucuronide)
HO
nomorphine
FIG. 10.1 Métabolisme des principaux opiacés : morphine, codéine, diacétylmorphine (héroïne).

Par désacétylation, l’héroïne ou diacétylmorphine, se transforme en 6-acétylmor-


phine (6-MAM), métabolite spécifique dont la demi-vie est brève, de 10 à 20 min.
La fenêtre de détection de la 6-MAM dans le sang est approximativement de 1
à 2 h après administration [43]. La 6-MAM est métabolisée secondairement en
morphine, d’une demi-vie de 2 à 3 h. La morphine suit alors son propre métabo-
lisme, subissant essentiellement une glucuroconjugaison (morphine-3-glucuronide
et morphine-6-glucuronide). Environ 5 % de la morphine est métabolisée en nor-
morphine par déméthylation. La formation de codéine, dont la demi-vie de 2,5
à 3 h, est infime et réversible (figure 10.1). Par voie nasale, l’administration de
6 mg d’héroïne permet d’observer une concentration plasmatique de 16 ng/mL
environ 0,08 h après absorption ; les concentrations de 6-MAM et de morphine
sont respectivement de 14 ng/mL 0,08 à 0,17 h après l’administration et de 19
ng/mL 0,08 à 1,5 h après l’administration [45]. Les demi-vies de l’héroïne, de la
6-MAM et de la morphine sont respectivement de 0,07, 0,22 et 2,8 h. Cette même
dose administrée par voie intraveineuse (IV) met en évidence, deux minutes après
l’administration, les concentrations sanguines suivantes : 141 ng/mL d’héroïne,
151 ng/mL de 6-MAM, et 44 ng/mL de morphine. Pour une dose de 70 mg
administrée par voie IV, 45 % de cette dose sont éliminés dans les 40 h sous forme
de morphine libre (4,2 %), de morphine glucuroconjuguée (38,3 %), de 6-MAM

275
Drogues et accidentalité

(1,3 %), et moins de 0,1 % sous forme d’héroïne. La concentration maximale de


morphine totale dans les urines est de 116 μg/mL entre 5,6 et 8,6 h après adminis-
tration. La présence de 6-MAM dans les urines est une preuve incontestable d’une
consommation d’héroïne et permet de confirmer cette consommation pendant 2 à
8 h suivant l’administration de la drogue [43, 44, 46]. La fenêtre de détection de
la 6-MAM dans le sang et les urines, dépend de la dose administrée [43]. L’héroïne
ne se retrouvant pratiquement que sous forme de morphine, le diagnostic analyti-
que d’une consommation se fait plus facilement dans les urines émises pendant les
premières heures suivant l’administration, que dans les autres milieux biologiques.
Chez les conducteurs ayant consommé de l’héroïne, les analyses sanguines confir-
meront l’administration de cette substance stupéfiante seulement chez 2,3 % des
sujets (présence de 6-acétylmorphine) [43]. En revanche, les analyses des urines
permettent de confirmer une consommation d’héroïne chez 62 % des sujets [43].
Hormis la présence de 6-acétylmorphine, un second critère, toutefois non suffi-
sant, peut être intéressant chez les conducteur positifs pour les opiacés affirmant
une administration de codéine sur prescription médicale, et non une consom-
mation illicite d’héroïne. Il s’agit du rapport des concentrations de la morphine
libre et de la codéine (rapport morphine/codéine) dans le plasma. En effet, le
rapport des concentrations de la morphine libre dans le plasma et le sang total est
proche de l’unité. D’autre part, les études pharmacocinétiques de la codéine met-
tent en évidence un rapport morphine/codéine dans le plasma inférieur à un ;
ce rapport étant constant après l’administration. Ainsi, un rapport morphine/
codéine supérieur à un dans le plasma est un faveur d’une consommation d’hé-
roïne et non d’une administration de codéine [43]. Toutefois, l’interprétation
de ce rapport morphine/codéine peut être délicate lorsque le sujet a consommé
de la morphine et de la codéine ou de l’héroïne et de la codéine. Le critère
diagnostique, nécessaire et suffisant, d’une consommation d’héroïne est donc
la présence de 6-MAM, dont la fenêtre de détection est de 10–20 min dans le
sang et jusqu’à plusieurs heures dans les urines. La présence, dans le sang et/
ou les urines, d’autres impuretés de préparation de l’héroïne telles que la nosca-
pine et la papavérine permet de s’orienter vers une consommation d’héroïne ; la
présence de ces substances n’étant pas suffisante pour affirmer l’administration
d’héroïne [47].

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10.3 Cocaïne et métabolites


10.3.1 Recommandations préalables pour les analyses
dans le sang et l’urine
10.3.1.1 Pour le sang
Plus que pour beaucoup d’analytes, il faut veiller à la conservation adéquate et au
respect des consignes de prélèvement notamment sous conservateur (le fluorure
de sodium (2 %) est prévu par le législateur, le mélange fluorure oxalate est éga-
lement efficace pour réduire l’action des estérases responsables de la dégradation
de la cocaïne (coc)). Il faut savoir que la cocaïne disparaît in vitro à température
ambiante à la vitesse de 50 % en 5 ou 6 h. A 4 °C, la perte reste conséquente
(25 à 30 % en 48 h) [1]. L’étude de Skopp G. et coll., en 2001, confirmant ces
données, indique que la dégradation de la cocaine (coc) et de ses métabolites,
croît avec la température (4, 20 et 40 °C) et la durée de conservation (15 jours)
selon une cinétique du premier ordre et que, par contre, l’ecgonine (ec) est stable
à 4 et 20 °C et ne perd que 20 % de sa teneur à 40 °C en 15 jours. L’hydrolyse
stœchiométrique de la cocaïne en benzoylecgonine (bze) faible (< 12 %) et
surtout ecgonine méthylester (eme), très importante dès le premier jour, est par
ailleurs plus rapide dans le plasma que dans le sang total [2–3].
C’est pourquoi, quand l’analyse est retardée en plus de l’addition du fluorure, il
est recommandé d’ajuster le pH du milieu à 5 pour éviter l’hydrolyse en bze et de
conserver l’échantillon à −15 °C. La transformation de la cocaïne dans ces condi-
tions est négligeable pendant 6 mois.

10.3.1.2 Pour l’urine


Le risque d’hydrolyse est plus important que dans le sang. L’ajustement du pH à
5 s’impose dès le prélèvement. La présence d’un réducteur est souhaitable (acide
ascorbique). La conservation à –20 °C est recommandée. En 2008, Jones A.W.
280
Dosages sanguins et urinaires

et coll. indiquent que, dans ce cadre, l’urine doit également contenir si possible,
100 mg de fluorure de sodium pour 10 mL [4].
Alfazil et coll. pallient cette fragilité particulière de la cocaïne et de ses métabo-
lites in vitro en recueillant 100 μl de prélèvement sur des papiers filtres adaptés
(Guthrie card 903) et séchés durant une nuit à la température du laboratoire
[5]. Au moment de l’emploi, les spots de sang ou d’urine sont extraits par soni-
cation en milieu tampon pendant une heure et traités par extraction en phase
solide (EPS). Les auteurs affirment un rendement d’extraction supérieur à 80 %
et, en un mois, aucune perte n’est constatée à température ambiante, à 4 °C et
à –20 °C [5].

10.3.2 Technique recommandée par la SFTA (CPG-SM)


De très nombreuses publications proposent des méthodes de chromatographie
en phase gazeuse couplées à la spectrométrie de masse. La plupart regroupent
plusieurs familles de toxiques [6–14]. La SFTA a recommandé en 1996 pour
l’identification et le dosage de la cocaïne, de la benzoylecgonine et de la méthy-
lecgonine-ester, une technique validée faisant appel à la chromatographie en phase
gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [6]. Elle intègre par ailleurs codéine,
morphine et 6-mono-acétylmorphine. Elle recourt à deux modes d’extraction des
analytes, l’un liquide/liquide (L/L), l’autre en phase solide. Le premier fait appel à
10 mL de mélange solvant organique chloroforme : isopropanol : n-heptane (50 :
17 : 33 vv) sur 1 mL de sang total (chargé par 2 μL d’étalons internes deutérés)
en tampon phosphate à pH 8,4. Les toxiques sont extraits de la phase organique
par 5 mL d’acide chlorhydrique 0,2 N et extraits à nouveau par 5 mL de chloro-
forme après neutralisation de la phase acide par 1 mL d’hydroxyde de sodium N
et 1 mL de tampon phosphate à pH 8,4. Le second mode recommande l’emploi
de 1 mL de sang total (chargé par 20 μL d’étalons internes deutérés) dilué au demi
et tamponné par 2 mL de bicarbonate 0,2 M, hydrométhanolique (90/10, v/v) à
pH 8,6. 3,5 mL de cette préparation sont déposés sur la phase solide d’extraction ;
celle-ci est de type C18 conditionnée par 4 mL de méthanol suivis de 2 mL du
tampon bicarbonate à pH 8,6. Après lavage par deux fois 1 mL d’eau et 1 mL de
méthanol à 10 %, l’élution des analytes est obtenue avec 500 μL de méthanol.
Dans les deux cas, le résidu sec d’évaporation est dérivé par 20 μL de BSTFA
(N, O-bis-triméthylsilyl-trifluoroacétamide) et 1 μL est injecté dans la colonne.
Les conditions chromatographiques proposées sont : colonne de type CP SIL 8
CB chrompack, 25 m, diamètre interne (di) 0,25 mm et de 25 μm d’épaisseur ;
injection en mode splitless à 280 °C ; programmation de température du four,
50 °C (2 min) puis croissance de 15 °C/min jusqu’à 310 °C, maintenue 4 min ;
détecteur à 300 °C. Dans ces conditions, le temps chromatographique total est
de 24 min et les temps de rétention relatifs à la codéine deutérée sont : coc =
0,92 ; bze = 0,94 ; eme = 0,67. Les ions qualifiants et quantifiants sont indiqués
dans le tableau 10.8.
281
Drogues et accidentalité

10.3.3 Autres méthodes en CPG-SM


Parmi les nombreuses autres méthodes proposées certaines diffèrent par des points de
détail touchant au choix d’étalon internes, aux conditions de températures chromato-
graphiques, au mode d’ionisation en impact électronique (EI) ou ionisation chimique
(CI) et aux variantes des techniques d’extraction ou à leur mode d’automatisation [15],
ou selon le détecteur, quadripôle pour la majorité ou trappe d’ions [7]. D’autres s’en dis-
tinguent plus sensiblement. Celles citées ci-dessous sont données à titre d’exemples.
En 2007, une équipe espagnole (Contreras et coll.) a validé une technique qui ne
diffère que par la dérivation des analytes ; elle recourt à un mélange d’anhydride
pentafluoropropionique et d’hexafluoroisopropanol [14].
Crouch et coll. utilisent une technique d’extraction et de chromatographie proche
mais ils dérivent au moyen de N-méthyl-N-t-butyldiméthylsilyltrifluoroacétamide
(MTBSTFA) et font appel à une ionisation chimique au moyen de méthane et
d’ammoniac comme gaz réactants. Ils ajoutent le cocaéthylène (ce) et la norcocaïne
(ncoc) au panel analysé [12].
Da Matta Chasin et coll. proposent une technique voisine. L’agent de dérivation
est le également le MTBSTFA appliqué au sang total déprotéinisé avec ZnSO4
(5 %). L’extrait est obtenu en EPS sur cartouche Bondelut certify (C8) activée
par méthanol et tampon phosphate à pH 6,0, puis lavée à l’eau (6 mL), à l’acide
HCl 0,1 M (3 mL) et au méthanol (9 mL). L’éluat est obtenu avec un mélange
chlorure de méthylène/isopropanol (80/20) à 2 % d’ammoniaque. Les conditions
chromatographiques sont proches des précédentes (colonne DB5MS, four à 70 °C
1 min puis croissance de 15 °C/min jusqu’à 280 °C, température maintenue 6 min,
le manifold étant à 220 °C). L’analyse est terminée en impact électronique sur une
trappe ionique en mode MRC (automatic magnum reaction control).
Paul et coll. utilisent en 2005, une technique CPG-SM qu’ils appliquent au sang et
à l’urine. Ils détectent la coc, le ce et 13 métabolites de la cocaïne. Les 15 molécules
sont extraites à partir de 3 mL de sang ou d’urine à pH 5,5 par EPS (Clean-Thru
et ct zcdau020L) [9]. L’ecgonine n’est pas retenue à ce pH et reste dans la partie
aqueuse en sortie de colonne. L’élution est réalisée avec du mélange chlorure de
méthylène/méthanol/ammoniaque c (9/1/0,2). L’éluat est partagé en 2 parties : A
(divisé lui-même en A1 et A2) et B. 3 injections distinctes sont pratiquées. A1 est
repris par 60 μl acétone pour la détermination de la coc, non dérivée. A2 est réservé
à la bze et aux méta et para-hydroxy benzoylecgonine (m-OH-bze et p-OH-bze)
dérivées par 50 μL de mélange de diméthylformamide et diméthylformamide-di-
propylacétal. Pour les autres métabolites, la solution B, évaporée à sec, est dérivée
par 50 μL du mélange penta-fluoropropanol (PFPOH) et anhydride pentafluoro-
propionique (pfpa), chauffée à 50 °C pendant 15 min puis séchée à nouveau sous
N2 à 25 °C et dissous dans 50 μL d’acétonitrile ; l’éluat aqueux contenant l’ecgo-
nine est ajusté à pH 2–3 et extrait sur une autre colonne de la même manière puis
dérivée avec du 1-iodopentane. La solution est lavée à l’acide sulfurique 0,15 M
et à l’acétate d’éthyle puis portée à pH 9,5 avec un tampon carbonate 1,5 M. La
282
Dosages sanguins et urinaires

pentyl-ecgonine est extraite avec l’acétate d’éthyle, évaporée à sec à 25 °C sous azote,
reprise par acétone pour être injectée.
Rapportée par Jones et coll. [4], l’expérience de la Suède dont la loi implique la
tolérance zéro en matière de drogue depuis le 1er juillet 1999 et qui a eu pour
conséquence de multiplier par 10 le nombre de sangs soumis à analyse, mérite d’être
soulignée. Il s’agit des résultats de 26 567 prélèvements, analysés en 5 ans dans le
cadre de l’accidentologie, pour lesquels 795 ont été détectés positifs en coc et/ou
métabolites. Ces auteurs recommandent également une méthode CPG-SM. L’ex-
traction est pratiquée sur l’échantillon de sang déprotéinisé par l’acétone (3 mL pour
1 mL de sang), évaporé et repris en tampon phosphate, déposé sur colonne Bondelut
activée à l’acide HCl 0,1 M et au méthanol. Le solvant d’extraction est un mélange
dichloro-méthane/isopropanol (80/20) à 2 % d’ammoniaque, La dérivation utilise
le mélange PFPA/PFPOH (2/1) incubé à 60 °C pendant 15 minutes. Après eva-
poration sous azote, le résidu sec est repris par l’acétate d’étyle (100 μL), évaporé à
sec à nouveau puis repris par 50 μL d’acétate de butyle dont 1 μL est injecté après
15 min de repos. La colonne utilisée est de type HP5MS de 30 m, di 0,25 mm et
épaisseur de film 0,25 μm. La température du four est programmée de 130 °C (1
min) à 240 °C (50 °C/min) puis jusqu’à 280 °C (20°/min). le chromatogramme
dure 33 min, la LOQ est de 20 ng/mL et la linéarité de 20 à 2000 ng/mL.
Enfin la méthode décrite en 2006 par Cordona et coll. [16] paraît innovante en ce
qu’elle passe par la réalisation des chlorhydrates de tous les composés, au moyen
d’un générateur de vapeur d’acide chlorhydrique et qu’elle démontre à propos du
crack fumé, la faiblesse diagnostique de la présence d’anhydroecgonine méthyl ester
(aeme). Les auteurs prouvent en effet sa formation à partir de la cocaine dans l’inlet
du CPG en proportion inverse de la concentration (de 2,1 % à 52 % entre 6 400
et 25 ng/mL). Par ailleurs, Cordona et coll. déterminent 11 molécules : coc, bze,
norbenzoylecgonine (nbze), ncoc, ec, eme, m-OH-bze, aeme, ce, norcocaéthylène
(nce), ecgonine éthylester (eee), dans le sang (déprotéinisé à froid (–20 °C)) par
l’acétonitrile, l’urine et le muscle. Les extraits sont obtenus par EPS (en tampon
phosphate à pH 6,0, sur cartouche Bondelut certify. Les limites de quantification
(LOQ) sont inférieures à 2 ng/mL pour 7 molécules, tandis que pour nbze, ec,
m-OH-bze, et aeme, elles sont respectivement de 25, 800, 50, et 13 ng/mL.

10.3.4 Méthodes CPG-SM appliquées à l’urine


La majorité des techniques décrites ci-dessus, mises au point pour le sang, voire pour le
sang et l’urine [9, 16], sont applicables ou adaptables aux urines après validation.
Yonamine et coll. proposent une méthode rapide par micro-extraction sur fibres
de 100 μm de polydiméthylsiloxane (SPME) introduites directement dans l’urine
alcalinisée par un tampon carbonate/bicarbonate (2/1) sous agitation magnétique
pendant 20 min. La suite des opérations est comparable à celles des techniques
préalables. La LOQ est de 5 ng/mL pour l’ensemble des analytes [17]. Les variantes
de quelques unes des méthodes publiées figurent aux tableaux 10.8 et 10.9.
283
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.8 Variantes des principales méthodes CPG-SM.

Rendements d’extraction (%)


Mode
Dérivation
extraction coc bze eme ec ou ce

LL
chloroforme : isopropanol : BSTFA 72,5 62,0 60,2 _
n-heptane (50 : 17 : 33 vv)

SPE (C18) BSTFA 86,7 88,4 57,5 _

Depuis 1996 l’amélioration des moyens analytiques permet avec ces méthodes des lod
et loq plus faibles
LL
Dichloro-éthane/isopropa-
nol _ _ _ _ _
(80/20) à 2 % d’ammo-
niaque

LL pH 8,9 BSTFA
44 42 93 _
CHCL3/isopropanol 90/10 80° 0 min

Coc 60 μl acétone (A1)


EPS Clean-thrue ; ctzc-
non dérivée
dau020l
Bze, m et p OHbze
Cl2CH2/méthanol/ammo-
DMF + DMFdpa > 83 > 83 > 83 49 (ec)
niaque (9/1/0,2) partagé
Ecgonine : Iodopentane
en 2 A (divisé en A1 et
Autres
A2) et B
(PFPA/PFPOH)
Ce
EPS Bondelut certify MTBSTFA 60-75 60-70 40-68
60-78
EPS MTBSTFA > 80 > 80 > 80 > 80 ce

EPS Bondelut certify PFPA/PFPOH 54 93 42 65 (ce)

EPS Bondelut certify PFPA/PFP 70 °C 0,7 ± 0,1


62 ± 4 58 ± 2 43 ± 1
automatiséRapid-trace 20 min 68 ± 5

*Quadripôle, **Trappe ionique.

284
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.8 Suite.

LOD (ng/mL) LOQ (ng/mL)


Échelle
ec ec de quanti- Colonne Réf.
coc bze eme coc bze eme
ou ce ou ce fication

CP SIL
[6]
8 CB
4 8 6 _ _ _ _ _ 20–2000 SFTA
chrom-
*
pack
CP SIL
[6]
8 CB
5 5 8 _ _ _ _ _ 20–2000 SFTA
chrom-
*
pack
_ _ _ _ 5 5 10 _ _ _ [64]

_ _ _ _ 20 20 20 _ 20–2000 HP5MS [4]*

HP5MS ;
CP Sil
1,7 5,0 3,5 _ _ _ _ _ 0–500 [8]*
5 CB
DB5MS

Type
1 4 1 16 (ec) 10 20 25 50 (ec) 10–2000 [9]*
HP5MS

25 50 50 Ce 25 50 100 100 Ce 50 50–3500 DB5MS [7]**


_ _ _ _ _ _ _ _ 2,5–2000 DB5MS [12]*
silice
2 (ce) 800 1–800
greffée /
2 2 2 640 2 2 2 (ec) 1–6400 [16]*
méthylsi-
(ec) 2 (ce) (ec)
loxane
HP-ultra
1 100 %
12,5
25 (ec) méthyl
(ec)
0,78 0,78 1,56 0,78 0,78 1,56 0,78 0,78–3200 siloxane [15]*
0,78
(ce) (12 m
(ce)
× 0,2 di
0,33 μm)

285
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.9 Monitoring des ions selon différentes méthodes CPG-S.

coc coc d3 bze bze d3 eme


IdI 82,182,303 185 82,240,361 243 82,96,271
IdQ 182 185 240 243 96
182,198, 300,316
IdI 185 303 _
303 421
IdQ 182 185 300 303 _
777,82,83 77,82,83 82,83,85
94,96,105 94,96,105 96,97,99
IdI 306,185 243,364
182,185,198 240,243,256 182,240
272,303,306 361,364 271,274
IdQ 303,182 306,185 240,361 243,364 82,271
IdI 182, 272, 303 185,306 210,272,331 213, 331 182,314,345
IdQ 182 185 210 213 182
IdI 182 185 282 285 82
IdQ 182 185 282 285 82
IdI 272,182,303 275,185,306 300,316,421 303,319,424 182,314,345
IdQ 182 185 300 303 182
IdI 82,182,303 85,185,306 300,316,421 303,319,424 182,314,345
IdQ 182 185 300 303 182

IdI : ions d’identification, IdQ : ions de quantification.

10.3.5 Techniques par chromatographie en phase gazeuse


couplée à la spectrométrie de masse en tandem
(CPG-SM/SM)
La CPG-SM/SM qui permet une spécificité et une sensibilité plus grande, n’est
pas utilisée pour la recherche et le dosage de la cocaïne dans le sang (plasma ou
sang total) ou l’urine. Les teneurs mesurées sont relativement importantes et les
performances de la CPG-SM sont suffisantes. De telles techniques ont cependant
été mises au point pour d’autres matrices (salive [18] et cheveux [19–21]) et leur
application au sang et à l’urine sont possibles. Les limites de détection (LOD) et
LOQ sont respectivement pour la coc et le ce : 0,1 et 2 ng/mL ; pour les autres
métabolites 0,5 à 5 ng/mL. Ces techniques ont laissé place à la CPL/SM et la
CPL-SM/SM dont les applications se multiplient cette dernière décennie.

286
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.9 Suite.

eme d3 Ecgonine Ecgonine d3 ce Ce d3 Ref


IdI 99 _ _ 82,196,317 85,199
[6, 64]
IdQ 99 _ _ 196 199

IdI _ _ _ _ _
[4]
IdQ _ _ _ _ _

IdI 85,274 _ _ _ _
[8]

IdQ 85,274 _ _ _ _
IdI 185,348 168,238,255 171,258 _ _
[9]
IdQ 185 168 171 _ _
IdI 85 _ _ 196 199
[7]
IdQ 85 _ _ _ _
IdI 185,317,348 300,314,463 _ 196,212,272 199,275,320
[16]
IdQ 185 300 _ 196 199
IdI 185,317,348 300,314,463 _ 196,212,272 199,275,320
[15]
IdQ 185 300 _ 196 199

10.3.6 Méthodes par chromatographie en phase liquide couplée


à la spectrophotométrie d’absorption moléculaire dans
l’ultraviolet [22–33] appliquées au sang et/ou à l’urine
Depuis le début des années 1990 alors que la CPG-SM est largement plus utilisée pour
la recherche et le dosage des drogues, de nombreux auteurs se sont tournés, notamment
pour la cocaïne et ses métabolites, vers la chromatographie liquide haute performance
(haute pression) couplée à un détecteur à barrette de diodes. Le sang (total ou plasma)
et l’urine sont autant concernés. Pour des raisons de simplicité d’emploi et d’opportunité
de moyens, ces techniques ont donné lieu à des publications jusqu’en 2006 [22].
Comme pour les méthodes de CPG-SM, d’autres familles de toxiques sont recher-
chées simultanément et par suite quantifiées. Les techniques d’extraction sont en
mode liquide/liquide ou EPS. Toutes ces méthodes permettent la détection et les
dosages de coc, ncoc, bze, nbze, ce et nce mais peu d’entre elles s’attaquent à
l’eme qui n’est pas détectable en l’état par absorptiométrie UV. Certains auteurs la
287
Drogues et accidentalité

dérivent en para fluoro-eme au moyen de para-fluorobenzoyle (100 μL dans 1 mL


de benzène et 200 μL de pyridine pendant 1 heure au bain marie à 85 °C [27,
32]). La dérivation n’est cependant pas à l’avantage de la technique, précisément
revendiquée pour sa simplicité, la CPG-SM nécessitant dans tous les cas, hormis
pour la cocaïne elle-même, une dérivation. Par ailleurs, la différence de polarité
importante de la coc, bze et ce par rapport aux autres métabolites, conduit souvent
l’analyste à deux traitements distincts. C’est par exemple : l’extraction liquide/
liquide (chloroforme/dichloro-méthane) suivie d’une EPS pour l’urine [24] pour
le plasma [25] ou la succession de deux extractions liquide/liquide différentes pour

TABLEAU 10.10A Paramètres comparés des techniques HPCPL couplées


à la spectrométrie d’absorption UV.
coc ncoc bze nbze eme
Sang pl ou (LOD) (LOD) (LOD) (LOD) (LOD)
Réf. Année ur
total sér (LOQ) (LOQ) (LOQ (LOQ) (LOQ)
(μg/mL) (μg/mL) (μg/mL) (μg/mL) (μg/mL)
v 1990 x x x x (35) x (35) x (18) x (18) _

[24] 1994 _ x x x _ x _ _
(?) (50pl) (?) (50pl) (?) (25pl) (?) (25pl)
[25] 1995 _ x x _
(12,5ur) (12,5ur) (5ur) (5ur)
[26] 1996 _ x _ 1,0 5,0 5,0 _ _
[27] 1996 _ x _ (60) (180) (80) (230) (35) (100) _ (90) (260)

[28] 1996 _ x x _ x _ _

[29] 1997 _ x _ 2,5 (4bf ) 2,5 (4bf ) 2,5 (4bf ) _ _

[30] 1997 _ x _ 24,0 15,0 20,0 _ _

[31] 1997 x _ _ x _ x _ _

[32] 2000 _ x x (?) (25) (?) (25) (?) (25) _ (?) (50)
[33] 2002 _ x _ 5,0 10,0 10,0 _ _

[22] 2006 _ x _ 10,0 _ 10,0 _ _

288
Dosages sanguins et urinaires

l’urine [25]. D’autres réalisent une chromatographie en deux temps ou à l’aide de


colonnes de natures diverses en série : injections séparées sur colonnes C8 et C18
[25], ou C18 et silice greffée par groupements cyanopropyl [27] ou l’association de
colonnes supelcosil ABZ et une phase inverse désactivée [30] ou encore 2 colonnes
en série C8 et silice greffée aux groupements cyanopropyle [32]. L’intérêt de la
HPCPL est resté limité dans ce cadre tant que la spectrométrie de masse n’a pas
pu lui être associée efficacement. Quelques exemples d’application figurent aux
tableaux 10.10A et 10.10B.

TABLEAU 10.10A Suite.

nce
ce (LOD)
(LOD)
Réf. (LOQ) Étalon interne Mode extraction
(LOQ)
(μg/mL)
(μg/mL)
v _ _ Lidocaïne EPS
LL (CHCl3/Dichlorométhane)
[24] _ _ Benzoctamine
/EPS ; NARC 2
(?) (50pl) (?) (50pl) 2LL (plasma)
[25] _
(12,5ur) (12,5ur) LL + EPS C18 (ur)
[26] 2,5 5,0 _ _
[27] _ _ Tropocaïne EPS Bondelut certify
2’méthyl bze et
[28] x _ EPS
2’ méthyl cocaïne
LL tp borateM pH 9,0chloroforme/
[29] 2,5 (4bf ) _ 3 isobutyl- 1-butylxantine
éthanol (87,5/12,5)
[30] 12,9 _ Buvacaïne LL (CHCl3) Soerensen pH6,0
2’méthyl bze et
[31] x _ EPS bondelut certify
2’ méthyl cocaïne
[32] _ _ Buvacaïne _
[33] _ _ _ _
EPS Bondelut certify cond
[22] 10,0 _ _ CH3OH et PO4 pH6,0 élution
CHCl3-isopropanol

289
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.10B Paramètres chromatographiques comparés des techniques HPCPL


couplées à la spectrométrie d’absorption UV.
Détection
Réf. Année Colonne Phase mobile
UV (nm)

Phase inverse : Isocrat acétonitrile 6 %/PO4


[23] 1990 233
octadécyl silice pH2,1

Phase inverse SGX CN 233 Isocrat PO4 pH3,5 0,1M/


[24] 1994
Separon 150x3 mm et 276 triéthylamine
C8 (coc ncoc, ce, nce) C18
[25] 1995 23 _
(autres)
Bin
[26] 1996 C18 _ Tp PO4 pH 6,0/acétonitrile/
méthanol
Isocrat Ac citrique (0,05 M/
Nucleosil C18 (coc, bze,
PO4HNa2 0,1M pH3,0 ; 4 :1)
[27] 1996 ncoc) avec précol C8 235
18 %/acétCN ; triéthylamine
silice gr cyano-propyl (eme)
0,3 %
[28] 1996 _ _ _
Isocrat CH3OH-acétocn
Phase inverse 25,8 mM ; Tp ac Na, pH 2.2
[29] 1997 235
C18 di 2,1 mm + tetrabutylammonium phosphate
1,29*10-4 M (12.5 :10 : 77.5)

Isocrat
SupelcosilABZ + phase
[30] 1997 _ CH3OH-acétonitrile-50 mM
inverse 250 mmx2,1mm di
NH4PO4H2 (5 :7 : 63).

[31] 1997 _ _ _
2 colonnes en série C8
AcétoCN/eau HPLC/ac
[32] 2000 5 μm spher et cyanopropyl _
trifluoroacétique (28 : 72 : 0.1)
5 μm
Tp PO4 pH 6,9 acétoCN/
[33] 2002 phase inverse C18 225
CH3OH
Binaire gradient : 22 min
Xterra RP8 250/4,6 mm A 10-50/B90-50
[22] 2006 233
di 5 μm B Tp PO4 0,02 M pH 6,53 A
acétoCN

290
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.10B Suite.

Injec Répétab Rendement


Réf. Linéarité Observations
(μl) CV % extraction %
86 coc
91 bze
[23] 80,0 3,5–7,0 35–2 260 _
85 ncoc
92 nbze
64-78 bze
[24] _ 20–6 000 Ultra filtrat 22 μm
42-101 coc
25–1 000 (pl)
[25] _ 12,0–18 _ _
5–250 (ur)

[26] _ _ _ _ _

Coc (86) Eme dérivé en fluorococaïne


bze (87) 2e sol pour eme
[27] 100 2–8 % 300–5 000
norcoc (83) PO4H2NapH3,0/acétoCN
ec (78) 30 %
< 0,5 % d’hydrolyse de coc
[28] _ _ _ _
et ce en bze
coc 76-83
norcoc 69-73
[29] 50,0 1,22–6,1 200–1 000 _
bze (75-81)
norbze (39-41)
coc 56,6
norcoc 78,6
Stable 24 h ds la phase
[30] 35,0 3–9,9 25–5 000 bze (61,1)
mobile
norbze (76,4)
buvacaïne (67)
[31] _ <4,9 25–5 000 _ Valable pour sangs dégradés
Eme dérivé en
[32] _ _ 25–2000 _
p-fluorococaïne

[33]

coc (70)
Méthode incluant opiacés et
[22] 20 2,55–3,75 100–10 000 bze (60)
méthadone
ce (90)

291
Drogues et accidentalité

10.3.7 Méthodes par chromatographie en phase liquide


couplée à la spectrophotométrie de masse [34, 35–36]
appliquées au sang et ou à l’urine
La CPG-SM reste encore la méthode la plus employée pour le dosage de la
cocaïne et de ses métabolites. Toutefois, les analystes ont de plus en plus recours
à l’HPCPL/SM notamment en raison du possible prétraitement en ligne des
échantillons analysés et du fait que la dérivation des composés n’est pas néces-
saire mais aussi grâce à l’évolution et la vulgarisation des nouveaux couplages
CPL/triple quadripôle dits « en tandem ». En 1999, Cailleux et coll. proposent
une méthode applicable aux milieux biologiques humains (plasma, sang total
et urine) pour les opiacés, la cocaïne et ses dérivés. Ils utilisent une extraction
liquide/liquide préalable à partir de seulement 250 μL de liquide biologique
chargé en étalons internes deutérés eme-d3 et bze-d3. Le milieu, alcalinisé à pH
9,0 par 100 μL de tampon ammoniacal, est extrait par le mélange chloroforme/
isopropanol (95/5 vv).
L’extrait sec est repris par 100 μL d’acétonitrile (acétoCN)/eau (5/1) et l’analyse
CPL/ESI/SM-SM est réalisée à partir de 20 μL d’injectat. La séparation chroma-
tographique requiert une colonne Spherisorb 5 RP 8S de 10 cm × di 2,1 mm,
tapissée d’un film de phase de 5 μm. La phase mobile est un mélange eau/acéto-
nitrile contenant 0,1 % de d’acide formique et du formiate d’ammonium 2 mM.
Le gradient eau/acétonitrile est de 50/50 au niveau de l’élution de la cocaïne.
Le mode d’ionisation electrospray (ESI) produit des ions parents positifs (MH+)
sélectionnés (MSQ1), fragmentés en ions fils (MSQ2), monitorés dans (MSQ3).
Ces auteurs obtiennent des limites de quantification de l’ordre de 5 ng/mL pour
la coc, la bze, l’eme, et la ce. Les différentes méthodes publiées depuis, varient
par le mode de purification des échantillons analysés. Certains auteurs ont été
tentés par l’injection directe [37], ou après simple centrifugation ou filtration en
particulier pour l’urine [38, 39].
Le phénomène de suppression lié à la présence de composés moins volatils affec-
tant l’évaporation de la phase mobile et en conséquence, entraînant la perte des
molécules d’intérêt qui n’arrivent pas au détecteur, est la survenue aléatoire. Ce
phénomène peut réduire artificiellement la sensibilité et augmenter le seuil de
détection [40]. Il implique donc, au contraire de l’injection directe, de réduire au
maximum ce risque en purifiant et en injectant des quantités faibles d’analytes à
doser donc en soignant particulièrement l’extraction. Les choix sont l’extraction
liquide/liquide [38], l’EPS [56, 57] voire la succession de 2 EPS distinctes avec
des colonnes de nature différentes, par exemple C8 non polaire pour la cocaïne
et la bze suivie d’une silice greffée de groupes benzène sulfonate (SCX) échan-
geurs cationiques pour extraire l’ecgonine [3] ou d’extraction LL suivie d’EPS
[59]. L’automatisation complète de l’analyse grâce à la préparation en ligne des
échantillons (PLE) conduit à des méthodes fiables simples, rapides et reproduc-
tibles pour des teneurs faibles en analytes dans des volumes réduits (urine diluée

292
Dosages sanguins et urinaires

au 1/100e) [36, 41–43]. Lacroix et coll. obtiennent des LOQ de 0,7, 0,6, 0,5
et 0,4 respectivement pour la coc, la bze, les p et m-OH-bze, et la ce [42]. La
disponibilité de l’UPCPL (chromatographie liquide ultra performance) améliore
la résolution et la durée de l’analyse [38]. Le choix des colonnes et des phases
mobiles (tampons formiates/acétonitrile ; acide formique/méthanol ; acétate/acé-
tonitrile/méthanol… à pH entre 2,8 et 4,0) varie selon les auteurs et dépend des
métabolites visés (tableau 10.11) notamment quand l’ecgonine est considérée,
ce qui est une tendance. La polarité des molécules concernées, bien que très dif-
férente si l’on considère la cocaïne par rapport à ses métabolites beaucoup plus
polaires, ne nécessite pas de source d’ionisation de type photo-ionique (APPI),
jamais relatée dans ce cas. Les sources ESI (80 %) et APCI (20 %) sont les plus
fréquentes (tableau 10.11).
Enfin, bien que plutôt réservées à d’autres matrices (salive, cheveux), quelques
auteurs ont mis au point des techniques aux performances similaires voire supé-
rieures en CPL-ESI-QTOF-SM permettant des LOQ de 0,5 à 1,0 ng/mL, appli-
quées au sang et à l’urine [39, 45] voire de 0,25 ng/mL pour la bze et 0,16 ng/
mL pour la coc, selon Sellers et Kowalski [46] grâce à l’emploi d’une colonne
AllureTM PFP Propyl pentafluorophényl propyl de 30 × 2,1 mm et d’un gradient
acétonitrile/formiate d’ammonium 5 mM à pH 3,0 passant des proportions 80 :
20 à 20 : 80 en 5 min (Restek Product, non publié). Ce nouveau type de couplage,
quadripôle-temps de vol, offre une très grande résolution et permet l’identifica-
tion des molécules grâce à leur masse exacte (tableau 10.12).

293
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.11A Paramètres des méthodes HPCPL-SM/SM.

Rendt
Automa- Mode
Réf. Milieux Technique Extraction d’extrac
tisation chromato-liquide
(%)

LL acétoCN/
plasma,
1999 CPL-ESI- CHCl3/isopropa- 85 HCOOH/
sang ot, Non
[34] SM/SM nol 95/5 à 115 HCOONH4
urine
tp NH4 pH9,0 80/20 à 50/50
CPL-AP-
1999 Déprotéinisation
plasma CI-SM/ Non _ _
[35] par acétoCN
SM
Fast gradient
2,1 min : tp aq
CPL- + pH4,00 90 %/
Micropla-
2000 ESI-SM/ acétoCN10 %
urine Filtrat direct ques 96 _
[39] SM 0,51 min- > tp
puits
150 °C aq pH 4,0 10 %/
acétoCN 90 % en
1 min laissé 1 min

CPL-AP-
2001 Centrifugation 80,3 méthanol/ac formi-
Plasma CI-SM/ Non
[46] ac pH4,0 + EPS à 93,4 que 0,1M
SM

Gradient
A = ammonium
Ultracentrif
2001 CPL-ESI- 41 20 mM B = acé-
Plasma EPS bondelut cer- Non
[3] SM/SM à 92 toCN/méthanol
tify et SCX (ec)
1/1 : 99/1 : 2 min
20/80 12 min
UPCPL- Micropla- Extraction on
2001 Centrifugation 97
urine ESI-SM/ ques 96 line Fast gradient
[38] unique à 113
SM puits 3,5 min
CPL-AP-
2003
urine CI-SM/ Injection directe Non 26 min
[37]
SM
Gradient sol A
ammonium
formiate (pH 4.0)
2005 CPL-ESI- et sol B érum
Plasma EPS MCX oasis Non #100 %
[48] SM/SM itrile.15 min 25 °C
97 % A à 20 %
en 11 min
(B qs 100 %)
Rapide
2007 CPL-ESI-
Urine EPS HLB Oasis Trace _
[49] SM/SM
Station

294
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.11A Suite.

LOD (ng/mL) LOQ (ng/mL)


Colonne m Domaine
Réf. et p
coc ncoc bze nbze eme ec ce de linéarité
OH-
bze
Spherisorb
1999 5RP 8S 100 (?)
(?) 5 (?) 5 _ _ (?) 5 _ 0–1 000
[34] × 2,1 mm 5
5 μm
2–1 000
1999
_ (?) 2 (?) 2 (?) 2 _ _ (?) 5 _ _ 5-1 000
[35]
(eme)

Phase inverse
2000 (<2,5) (<2,5)
C8 50 × 2,0 _ _ _ _ _ 3–1 000
[39] (#3) (#3)
(diam) × 5 μm

ODS-3
Inerstil
2001
(Metachem (?) 2,5 (?) 2,5 _ _ _ _ _ 2,5–750
[46]
Tec) 100 ×
2 mm 5 μm
Zorbax
Eclipse XDB-
2001 (4,1) (2,8) (3,5) (4,4)
C8 narrow- _ _ 5–1 000
[3] (14,4) (10) (12,3) (15,1)
bore 150 ×
2,1mm 5 μm

2001
0,5 2 _ _ 0,5 _ _ 7,5–1 000
[38]

2003
Phase inverse 10 à 100 _ _ 10–10 000
[37]

Phase inverse
Zorbax Bo-
nus 150 ×
2005
4,6 ; 5 μm 5 5 5 _ _ _ _ _ 5–500
[48]
(precol ph
inv 10 ×
3 mm

2007 0,009
_ _ _ _ _ _ _ _
[49] à 2,9

295
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.11B Paramètres des méthodes HPCPL-SM/SM.

Exactitude Réaction sélectionnée/transition m/z


Réf. Répétabilité Biais
ANNOVA
coc ncoc bze

3,1-7,1 (coc)
1999
1,5-3,0 (bze) 304/182,2 290/168,2
[34]
3,7-7,1 (ce)
1999
de 2,5 à 650 ng/mL 304/182 290/168 290/168
[35]
1,1 -5,9 (bze) 304,2/182,0 290,2/168,2
2000
1,7-8,4 (coc) 304,2/105,0 290,2/105,2
[39]
0,62-6,9 IJ 304,2/82,1 290,2/77,2
2001
0,9-6,2 304/182 290/168
[46]
2,6 (coc)
2001 1,39 (bze)
304/181,9 289,9/168
[3] 2,62 (eme)
1,79 (ec)
2001
<10 %
[38]
2003
[37]
2005
<14 % 304,1/182,0 290,1/136,0 290,2/82,1
[48]

2007
[49]

296
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.11B Suite.

Réaction sélectionnée/transition m/z Observations

m et p
norbze eme ec ce aeme
Ohbze

200/182,2 318/196,2 /122,2 Autres molécules opiacées

Appliquée à la pharmaco-
200/182
cinétique chez le rat

Transitions soulignées
pour la quantification

200,2/182,1 186,2/168,1

Autres molécules opiacées


et méthadone simultanées
Autres molécules opiacées
et méthadone simultanées
Autres molécules
opiacées et métha-
done… (30 molécules
simultanées)

297
Drogues et accidentalité

TABLEAU 10.11C Paramètres des méthodes HPCPL-SM/SM.

Automa- Rendt Mode


Réf. Milieux Technique Extraction
tisation d’extrac chromato-liquide

Gradient :
5 % A et 95 % B
Déprotéinisa- jusqà 60 % B en 10
2007 Sang tot CPL- + tion acide min A = ac formique
Non x
[50] et urine ESI-SM/SM EPS Spec 0,05 %/ eau/5 %
MP1 Ansys acétoCN B = ac
formique 0,05 %/
eau/100 % acétoCN
A = CH3COOH1 %
B = acétCN 2 min
2008 CPL- + EPS automa-
Urine LL manuelle x A puis 30 % B en 4
[43] ESI-SM/SM tisée
min ; retour
à 100 % A en 4 min
EPS
Hysphere Gradient
2008 CPL- +
Urine En ligne MM anion x Ac formique/
[41] ESI-SM/SM
sorbent auto- acétoCN
matisée
Gradient
EPS hysphere 100 % sol A (0,1 %
MM anion ac formique/eau) 3
totalement min ; 98 % 4 min,
2008 Sang CPL- +
En ligne automa- x 2 % sol B (0,1 % ac
[36] total ESI-SM/SM
tisée Spark formique/acétoCN)
Holland 10 % A 90 % B : 1
Symbiosis min 40 puis 100 % A
jusqu’à 10 min
Gradient
Déprotéi-
EPS tota- Sol A = formiate
nisation
Plasma lement NH4 20 mM pH 2,8
ac sulfo-
2008 sérum CPL- + automatisée Sol B = acétoCN
salicylique x
[42] sang tot ESI-SM/SM oasis HLB 20 +0,2 % ac formique
extraction,
urines × 2,1 mm ; 8 à 95 % sol B
purification/
25 μm en 6,5 min
copolymère
durée tot : 16 min

298
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.11C Suite.

Colonne LOD (ng/mL) LOQ (ng/mL)


m et p Domaine
Réf.
coc ncoc bze nbze OH- eme ec ce de linéarité
bze

Phase inverse
0,1–4 000
2007 Zorbax SB C18 (3) (2) (2) (1) (2)
std 1–2000
[50] 2,1/30 mm à (8) (8) (8) (5) (7)
sgt
30 °C

Xterra C8 150 × 1,2–10


4,6 mmx 5 μm 000 (bze,
2008 (1,2) (1,2) (1,2)
précédée de Xterra x x m et
[43] (1,2) (5) (1,2)
C8 10 × 4,6 mm p-OH-bze)
C8MS 5 μm 5–10 000

Gemini C6-Phenyl
2008 (3–23)
(50 × 3.00-mm 7–1 000
[41] (7–69)
i.d., 5 μm)

hysphere MM
2008 Gemini C6-Phényl (3) (7) (12) (16) (5) LOQ à
[36] 50 × 3,0 mm ; (8) (20) (36) (47) (15) 500
5 μm

en ligne avec HLB


2008 Phase inverse C18
0,7 0,6 0,5 0,4 2,5 à 200
[42] Atlantis 150 × 2,1
× 3μm 45 °C

299
300

Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.11D Paramètres des méthodes HPCPL-SM/SM.

Exactitude Réaction sélectionnée/transition m/z


Réf. Répétabilité biais m et p Observations
ANNOVA coc ncoc bze norbze eme ec ce aeme
Ohbze

2007 <10 % IE (sg) < 12 % 304,0/182,0 290,0/168,0 290,0/168,0 200,0/81,9 318,0/196,0


_ _ _ _
[50] ID (sg) < 15 IE (urin) 304,0/81,8 290,0/135,9 290,0/104,9 200,0/182,0 318,0/81,8

2008 290,1/168,0
<2,6 IE < 4,8 % ID – – – 276,1/154,0 306,1/168,0 _ _ _
[43] 290,1/105,0

2008 2 transitions par composés et rapport de


<9 –
[41] pic pour identif et dos/EI d3

2008 – 6,96 à 2,80 304,0/182,0 290,0/168,0 200,0/182 186/168 318,0/196,0


3,69 à 8,13 – _ _
[36] pour 50 ng/mL 304,0/82 290,0/105 200,0/82,0 186/82 318,0/82

IE 3,3 à 4,0 (coc)


2,7 à 3,1 (bze)
3,8 à 5,3 (eme) 3,3 à-2,8 (coc) Autres molécules
2008 2,3 à 3,6 (ce) 1 à 2,7 (bze) opiacés, amphétami-
304,3/182,2 – 290,3/168,2 _ _ 200,3/182,3 _ 318,1/196,2
[42] IJ 3,3 à 4,0 (coc) -1 à 6,8 (eme) nes, buprénorphine et
2,7 à 3,1 (bze) -1 à 0,9 (ce) norbuprénorphine
3,8 à 5,3 (eme)
2,3 à 3,6 (ce)
TABLEAU 10.12 Paramètres des méthodes CPL-SM-TOF.

Exactitude Réaction sélectionnée/


Automa- Mode LOQ (ng/mL) Répéta-
Réf. Milieux Technique Extraction Colonne Linéarité Biais transition m/z
tisation chromato-liquide bilité
ANNOVA

coc bze eme coc bze eme

Fast gradient
60 % sol A
Microbio-
= formiate
trap 500 MS 5-10 000 −1 à +2
Plasma Fast NH4100mM : Allure basix 0,75 (eme)
2000 20x2mm Extraction (eme) (eme)
sérum CPL/+ESI/ ac formique 30 × 2,1 mm 0,5 5 0,58 304,2/182,2 304,2/182,2
[44] (α 1 glycoprot en ligne 0,5-10 000 −0,5
urine SM-SM TOF 50 mM 40 % sol × 5 μm (coc)
ac/polymère (coc) à 4 (coc)
B = acétoCN 60 :
hydrophile
acétone 40
1,21 à 3,2 min

Gradient
Extraction en
A : acétNH4 Xterra MS S 18
2004 CPL/+ESI/ EPS C8 ligne et IDA
Sang 5 mM 80/métha- 100 × 2,1 mm 1 1 10-10 000 304,2/182,2 290,0/168,0
[45] SM-SM TOF isolute (intelligence
nol 10/AcétCN 10 3,5 μm 40 °C
artificielle)
B (20/40/40)

Gradient
Solutés
A = acétoCN AllureTM PFP
2008 dans CPL/+ESI/

Dosages sanguins et urinaires


– – B : formiateNH4 30 × 2,1 × 0,16 0,25 0-250 304,2/182,2 290,0/168,0
[46] phase SM-SM TOF
T0 A = 80-B 20 5 μm
mobile
T5 A = 20-B = 80
301
Drogues et accidentalité

10.3.8 Interprétation des dosages de cocaïne et métabolites


sanguins et urinaires
Les arrêtés des 4 et 5 septembre 2001 indiquent la teneur de 25 ng/mL de cocaïne
dans le sang comme seuil de performance minimale en CPG-SM pour la recherche
d’une conduite sous l’emprise de cette drogue en France. L’interprétation d’une
concentration urinaire et/ou sanguine doit tenir compte de plusieurs critères notam-
ment pour éclairer les magistrats sur la difficulté de répondre à leur interrogation
concernant l’influence potentielle de la cocaïne sur la conduite.
Le premier critère tient au processus de dégradation métabolique de la cocaïne
dans l’organisme, le second est inhérent à son devenir in vitro. Dans les deux cas
la cocaïne se transforme en benzoylecgonine. De plus, dans le sang post-mortem, la
cocaïne peut se transformer en bze et/ou eme [4].
Par ailleurs, à l’opposé, certains produits sont susceptibles d’altérer les processus
naturels de dégradation in vivo comme par exemple, la présence d’amitriptyline ou
de procaïnamide qui inhibe la butyrylcholinestérase plasmatique impliquée dans
la transformation de la cocaïne ou du cocaéthylène en leurs métabolites. Dans un
tel cas, potentiellement fréquent, puisque ces thérapeutiques sont éventuellement
prescrites lors d’abus de cocaïne, la cocaïne voit sa demi-vie croître.
Un autre élément doit être pris en compte en cas de résultats obtenus sur du sang de
cadavre ; la redistribution post-mortem (nécrotoxicocinétique). Dans ce cas, le lieu de
ponction influe sur la teneur présente. Celle-ci a tendance à décroître au niveau de
la veine sous-clavière et croître dans le sang cardiaque, aortique ou fémoral [51].
Certains auteurs proposent des corrections de résultats prenant en compte les
concentrations relatives de coc et eme, le délai avant analyse et les conditions de
conservation [52].
De plus la voie d’administration influence très sensiblement la vitesse d’épuration
sanguine.
Par voie orale, la concentration sanguine maximale (Cmax) de cocaïne qui est
atteinte en 1 h (Tmax), est très inférieure à celle que procure une même dose par
voie nasale (insufflée). Par cette dernière voie, le pic est atteint en 45 min, se main-
tient 30 min et ne décroît que lentement. La demi-vie de la cocaïne étant d’environ
0,5 à 1 h. La bze, son premier métabolite apparaît rapidement dans le sang (en
moins de 30 min) et est à Cmax en 3 à 4 h. En revanche, l’eme reste inférieure à
10 ng jusqu’à 12 h après la prise.
Par voie intraveineuse, la Cmax, toujours supérieure à celle observée par les deux
modes précédents, est atteinte quasi immédiatement (moins de 10 min), les effets
débutant 2 à 5 min après l’injection. La demi-vie biologique de la cocaïne varie
généralement entre 35 et 90 min. Dans ce cas, la bze est quantifiable en CPG-SM
après 15 à 30 min alors que sa Cmax est notée 1 à 4 h après l’injection et sa demi-
vie entre 2 et 6,5 h. La bze est uniquement éliminée par l’urine (35 à 42 h). L’EME
reste faible (< 5 %).
302
Dosages sanguins et urinaires

Par inhalation en cigarette ou pipe (crack), les données cinétiques sont proches de
celles de la voie veineuse en raison d’une forte biodisponibilité (environ 60 %). La
plus facile, donc plus fréquente répétition des prises par cette voie, tend à réduire
le Tmax, à maintenir des Cmax plus longtemps et à allonger les demi-vies appa-
rentes des métabolites. Lors de ce type d’usage, on détecte, outre les métabolites
précédemment cités, l’anhydroecgonine méthyle ester (aeme ou méthylecgonidine).
Des teneurs plus importantes de cocaïne que par les voies nasale, veineuse ou res-
piratoire, parfois létales (jusqu’à 30 μg/mL), peuvent s’observer lors du transport
incorpore de cette drogue quand il y a rupture des contenants.
La drogue peut également pénétrer par voie percutanée entraînant générale-
ment de faibles teneurs dans le sang mais parfois significatives dans l’urine. Enfin
Kolbrich et coll. [53] montrent que, par voie sous-cutanée, 18 sujets recevant 75 et
150 mg/70 kg, présentent rapidement dans le sang (moins de 5 min) de la cocaïne
mais à une faible teneur, le pic atteignant en 30 à 40 min respectivement pour les
deux doses 231,3 ± 18,4 ng/mL et 639,1 ± 56,8 ng/mL. Ils notent un métabolisme
rapide : bze et eme sont les premiers détectés, 5 à 15 min après l’administration, et
atteignent leur pic en 2 à 4 h. Tous les autres métabolites sont détectés également
(norcoc, m et p-OH-coc et m et p-OH-bze) à faible concentration) pendant 32 h
(LOQ : 2,5 ng/mL).
Alors qu’en France Mura et coll. ne relèvent parmi 900 conducteurs accidentés
qu’un seul contrôle positif en cocaïne en 2003 [54], la même année, Cone et
coll. [55] s’étonnaient que très peu de travaux concernaient les modèles d’excré-
tion des métabolites urinaires en fonction des voies d’administration de la cocaïne
alors qu’elle constituait la deuxième drogue détectée aux États-Unis dans leurs
programmes tests. Ces auteurs étudient 6 sujets recevant des doses équipotentes de
cocaïne par voies nasale (IN), intraveineuse (IV) et respiratoire (fum). Ils suivent
l’élimination au moins 3 jours et observent que les Cmax sont dans l’ordre bze >
eme > coc > bne (benzoylnorecgonine) # p-OH-bze > mOH-bze > m-OH-coc >
Ncoc > p-OHcoc. Les demi-vies d’élimination sont plus courtes sous forme fumée,
intermédiaire en IV et plus longue en IN. Le métabolite dont la demi-vie est la
plus longue est le m-OH-bze (7 à 9 h) et la cocaïne possède la plus courte : 2 à 4 h
(l’ecgonine n’était pas déterminée dans cette étude, sa demi-vie est de 9,3 ±1,3 h
[60]). Le délai pour la dernière urine positive est de 48 h pour la cocaïne en IV (cut-
off CPG-SM 40 ng/mL). En Hollande, entre 1995 et 1998, sur 11 458 contrôles
d’alcoolémies et drogues opérés sur des conducteurs, 361 (3,1 %) sont positifs en
cocaïne et ou métabolites [55], résultats voisins de ceux de Jones et coll. en Suède :
3 % sur 26 567 analyses de sang [4].
Il convient également de considérer, pour juger de la signification d’une teneur en
cocaïne ou de l’un de ses métabolites, le caractère potentiellement chronique de l’usage
car la cocaïne se stocke dans les tissus riches en lipides d’où elle s’élimine progres-
sivement entraînant des toxicocinétiques irrégulières qui incrémentent celle d’une
nouvelle prise en rendant son interprétation délicate. Preston et coll. montrent chez
18 sujets consommateurs chroniques sevrés et isolés pendant 14 jours dans une unité
303
Drogues et accidentalité

de recherche contrôlée, que l’élimination urinaire des métabolites, exprimée en « bze


équivalents » détectés par FPIA (cut-off 300 ng/mL), est fortement allongée après
l’arrêt de consommation [57]. La décroissance de la bze (normalisée par la créatinine)
par rapport à la teneur de la première miction est en moyenne de 56 % à 24 h, 6 %
à 48 h et 5 % à 72 h. 69 % des urines ont été détectées positives après avoir été néga-
tives et les durées moyennes pour obtenir un échantillon négatif est de 54,8 ± 20,7 h
(20–100 h), tandis que le dernier échantillon positif intervient 81 ± 34 h (34–162 h)
après la première miction. Ces sujets pouvaient ils être considérés sous l’emprise de la
drogue après plusieurs jours d’abstinence ? Il n’est pas possible de trancher.
Les effets toxiques de la cocaïne se manifestent sensiblement entre 0,25 et 5 μg/mL.
La mort n’est généralement pas observée pour des teneurs inférieures à 1 μg/mL.
Elle est rare et la qualité de la cocaïne influe sur l’importance du risque ; Ragoucy-
Sengler [1] rapporte que selon certains auteurs les teneurs moyennes retrouvées
post-mortem chez des fumeurs de crack ou de free base sont très inférieures à celles
décrites pour des décès chez des consommateurs de chlorhydrate de cocaïne (teneur
moyenne 0,3 μg/mL vs. 3,5 μg/mL).
Inférieur à 1, le rapport coc/bze indique le caractère récent de la prise de cocaïne. Il
peut être considéré que si la coc sanguine n’est pas détectable en CPG-SM alors que la
concentration en bze est significative, la prise est antérieure d’au moins 8 h et si la bze
est encore détectable 24 h plus tard, la prise était vraisemblablement importante.
L’interprétation de la concentration en coc au niveau des seuils de détection est
délicate, en particulier si l’on ne peut exclure le caractère chronique possible de
l’usage pour les raisons évoquées ci-dessus.
Selon de nombreux auteurs, à l’instar de Jones et coll. [4], il ne peut être tenu
compte que de la concentration sanguine pour interpréter et corréler une teneur à
des effets pharmacologiques sur un individu sous l’emprise de la coc.
Les avis des toxicologues sont partagés quand il s’agit de corréler les teneurs à
l’importance des signes de toxicité. Pour Cone [58], un certain nombre de signes
évoluent linéairement avec la teneur : diamètre de la pupille, débit cardiaque, pres-
sion systolique et diastolique, quelle que soit la voie d’administration.
Dans l’étude de Jone et coll., le grand nombre d’observations permet d’ordonner
certains résultats : 795 résultats positifs constituent 3 % des prélèvements réalisés
chez des conducteurs appréhendés par la police. Cette positivité concerne la présence
de coc et/ou de bze. Dans plus de 96 % des cas, elle concerne des hommes dont
l’âge moyen est de 28,3 ± 7,1 ans. Dans 574 cas (72,2 %), la coc est en-dessous de
la LOQ alors que la bze est en moyenne de 190 ng/mL (médiane 120 ng/mL ; max
1,3 μg/mL). La coc et la bze sont présentes ensemble dans 221 cas pour lesquels la
coc moyenne est de 76 ng/mL (médiane 50) et la bze 859 ng/mL (médiane : 700).
Toutefois, même devant ce grand nombre d’observations, l’interprétation est délicate
car seulement 61 échantillons ne contenaient aucune autre drogue que la cocaïne ou
ses métabolites. Parmi ceux-là effectivement, les auteurs observent les signes attendus

304
Dosages sanguins et urinaires

de l’intoxication assez bien corrélés à l’importance de la teneur (pupilles dilatées,


yeux glacés et injectés de sang, agitation, difficultés à rester assis, discours incohérent,
accélération du pouls, et conduite rapide, ondulante, ignorant les feux…). Les études
hollandaises, suisses et danoises donnent des résultats voisins [55, 58].
Une étude récente de Huestis et coll. en 2007 [60], tend à confirmer ce parallélisme
des signes d’intoxication avec les teneurs urinaires des métabolites. D’autres auteurs
dénient un quelconque lien entre survenue d’effets cardiovasculaires et teneur en
coc du sang [61, 62].
L’interprétation des teneurs urinaires n’est donc pas plus facile. La cocaïne dans
l’urine est à son taux maximum entre 1 et 4 h après une prise, quelle que soit la
dose. La bze et l’eme sont à concentration maximum en 6 ±4 h et dans l’expérience
de Huestis et coll., ces métabolites principaux ont été détectables respectivement de
31 à 106 h et de 31 à 164 h après des prises inhalées parfaitement contrôlées de 10 à
40 mg de cocaïne (Cmax comprises entre 6 et 12 μg/mL, en général supérieures pour
la bze). Les métabolites y sont donc détectables plus longtemps que dans le sang (1 à
7 jours par CPG-SM) et leur teneur est parallèle à la dose absorbée. Les métabolites
accessibles sont par ailleurs plus nombreux et permettent de détecter encore plus
longtemps la consommation. C’est en particulier le cas de l’ecgonine. Les techniques
HPCPL couplées à la spectrométrie de masse en tandem, ont permis de descendre
de manière fiable à la détermination de teneurs faibles rendant ce paramètre plus
utile. Huestis et coll. font remarquer que si l’ecgonine intervient tardivement dans le
métabolisme de la cocaïne, sa présence est détectable très précocement dans l’urine
mais à très faible dose, en revanche elle est détectable longtemps et sa teneur croît
et dépasse celles des autres métabolites mineurs (Tmax = 4,6 à 12,9 h). Ces mêmes
auteurs signalent également l’intérêt des para et méta-hydroxy-benzoylecgonine qui
sont à faible concentration dans l’urine mais qui ne se forment pas in vitro [60].
Ambre avait proposé, dès 1991, un modèle de cinétique urinaire de la bze per-
mettant l’estimation de la cocaïne administrée à partir des teneurs en métabolites
[63]. La précision des méthodes actuelles d’analyse devrait améliorer la pertinence
de ces modèles.

Une considération particulière : Le cocaéthylène


Ce métabolite relève de la synthèse hépatique réalisée en présence de cocaïne et
d’éthanol. Il témoigne de l’absorption simultanée, ou à peu de distance, de la cocaïne
et de boissons alcoolisées constituant un marqueur fidèle de cette pratique. Plus toxi-
que que la cocaïne, il bloque les canaux sodiques, diminue la réponse musculaire aux
stimuli calciques aggravant les troubles de la conduction (inotrope négatif) occasionnés
par la cocaïne et sa toxicité neurologique [4]. La présence de ce composé complique la
signification d’une teneur même faible de cocaïne ou de ses métabolites [56].

305
Drogues et accidentalité

10.3.9 Conclusion
L’analyste dispose aujourd’hui d’un ensemble de moyens efficaces, rapides, précis
et fiables d’analyse de la cocaïne et de ses métabolites. La CPG-SM demeure une
technique de choix. Il conviendrait d’établir un consensus sur la place que doivent
prendre dans l’avenir dans le cadre de l’accidentologie, les méthodes ayant recours
à la CPL-SM/SM et la CPL/TOF-SM ainsi que sur l’intérêt de l’ecgonine dont la
stabilité constitue un critère favorable dans l’estimation d’une imprégnation cocaï-
nique, notamment quand le délai entre l’observation du conducteur et la prise de
sang ou la collecte d’urine s’allongent.
Dans le cadre de l’accidentologie, pour nécessaire qu’elle soit pour authentifier
la consommation récente ou moins récente de la drogue, la teneur du sang ou
de l’urine en cocaïne et métabolites ne peut donc pas être, à elle seule, le reflet
de l’influence exercée par la drogue sur le conducteur d’un véhicule. Les effets
sur la fonction cardiovasculaire et sur le système nerveux peuvent entraîner des
conséquences cliniques ou comportementales indépendantes des concentrations
déterminées. L’hyperplasie cardiovasculaire induite par la toxicité chronique peut,
dans certains cas, se traduire par la rupture ou la perforation vasculaire mais aussi
par l’infarctus. De même les troubles de la conduction peuvent aboutir à l’aryth-
mie voire à l’arrêt cardiaque. Ces signes sont de survenue aléatoire et non corrélés
nécessairement à l’usage récent de drogue et par conséquent peuvent être contem-
porains de très faibles teneurs. Il en est de même des signes de psychose paranoïde
ou des convulsions, autant d’événements qui peuvent être responsables d’écarts ou
d’accidents de conduite.
Une revue des méthodes utilisées pour le sang entre 2002 et 2007 due à Kraemer
et Paul peut être utilement consultée [64].

10.3.10 Documents de référence


[1] Ragoucy Senger C. In : Kintz P (coordinateur) Cocaïne in Toxicology et pharmacology médi-
colégales. Paris : Elsevier, Option Bio, 1998 : 431-463.
[2] Skopp G, Klingmann A, Pötch L, Mattern R. In vitro stability of cocaine in whole blood and
plasma including ecgonine as a target analyte. Ther. Drug Monit. 2001 ; 23 (2) : 174-181.
[3] Klingmann A, Skopp G, Aderjan R. Analysis of cocaine, benzoylecgonine, ecogonine methyl
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10.4 Amphétamines dans le sang et les urines


La famille des amphétamines, qui regroupe pas moins d’une vingtaine de pro-
duits différents, mais d’action physiologique voisine, est en constante évolution.
L’amphétamine ou (R, S)-1-phényl-2-propaneamine, est le chef de file de cette
classe de produits stimulants du système nerveux central à laquelle appartient
également la méthamphétamine ou (R, S)-N-méthyl-1-phényl-2-propaneamine.
De nombreuses molécules appartenant à la famille des amphétamines ont des
effets cliniques similaires. Les substances les plus connues et utilisées sont la
méthylène-dioxy-méthamphétamine (MDMA ou « ecstasy »), la méthylène-
dioxy-éthamphétamine (MDEA), moins fréquemment la N-méthyl-1 (3,4-mé-
thylène-dioxy-phényl)-2-butamine (MBDB). La MDMA et la MDEA ont un
métabolite commun, la méthylène-dioxy-amphétamine (MDA). L’amphétamine
est un puissant stimulant du système nerveux central. Outre ses effets sympa-
thomimétiques indirects, elle entraîne une stimulation corticale probablement
par l’intermédiaire de la substance réticulée médullaire, mettant en jeu les voies
dopaminergiques. L’amphétamine diminue la sensation de fatigue, le sommeil
et l’appétit, certaines amphétamines dont la MDMA ont également des effets
hallucinogènes.

10.4.1 Méthodes d’analyse


Le dosage de ces substances peut-être réalisé par chromatographie en phase gazeuse
couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) (tableau 10.13). La méthode
recommandée par la Société française de toxicologie analytique (SFTA) permet
l’identification et le dosage dans le sang de l’amphétamine, la méthamphétamine,
MDA, MDMA, MDEA et MBDB, utilisant un analogue deutéré de chaque analyte
comme étalon interne [1].

311
312

Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.13 Méthodes analytiques de chromatographie en phase gazeuse.

Réf. Composés Matrice Préparation échantillon Colonne analytique Détection


Amphétamine
Méthamphétamine
SPE (mode mixte) HP-5 MS (30 m × 0,25 mm,
[2] MDMA Plasma EI-SM, SIM
Dérivation (HFBA) 0,25 μm)
MDA
MDEA
Amphétamine
Méthamphétamine EI-SM, full scan (screening),
Sang, Extraction/dérivation DB-5 MS (30 m × 0,32 mm,
[3] MDMA SIM
Sérum (NaHCO3/KOH ; toluène ; HFBA) 1 μm)
MDA (Quantification)
MDEA
Extrelut (tampon borate, pH 10,5 ;
Amphétamine HP-5 MS (30 m × 0,25 mm,
[6] Sang acétate d’éthyle), EI-SM, SIM
Méthamphétamine 0,25 μm)
dérivation en ligne
Amphétamine
Méthamphétamine
Plasma, SPE (mode mixte) HP-5 MS (30 m × 0,25 mm,
[7] MDMA NICI-SM, SIM
Sérum Dérivation ((S)-HFBPCl) 0,25 μm)
MDA
MDEA
Extraction liquide-liquide
SGE-BPX5 (15 m × 0,25 mm,
[8] Amphétamine Plasma (NaOH, n-hexane) NICI-SM, SIM
0,25 μm)
Dérivation ((S)-HFBPCI)
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine (ou « ecstasy »). MDA : méthylène-dioxy-amphétamine.
MDEA : méthylène-dioxy-éthamphétamine.
MBDB : N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine.
HFBA (anhydride heptafluorobutyrique), HFBPCl ((S)- (-)-heptafluorobutyrylpropyl), SPE (extraction en phase solide).
NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique.
SIM : mode d’ions sélectionnés. SM : spectrométrie de masse.
Dosages sanguins et urinaires

Après extraction par le diéthyloxyde en milieu basique, les amphétamines sont déri-
vées par l’anhydride heptafluorobutyrique (HFBA). L’extrait est purifié par lavages
successifs avec de l’eau désionisée puis avec une solution ammoniacale à 4 %. La
séparation est effectuée sur une colonne capillaire apolaire ; le mode d’ionisation est
l’impact électronique (EI). Il n’existe pas d’interférence avec les principales autres
amines sympathomimétiques (éphédrine, pseudo-éphédrine…). La dérivation des
amines primaires et secondaires est importante pour l’analyse chromatographique,
la sensibilité et la reproductibilité. Peters et coll. utilisent également le HFBA
comme agent dérivant mais après une extraction en phase solide [2]. Kankaanpaä
et coll. réalisent l’extraction et la dérivation en une seule étape [3]. Le réactif d’ex-
traction-dérivation contient du toluène, de l’HFBA et les étalons internes deutérés.
Ce réactif est ajouté au sang alcalinisé ou à l’échantillon d’urine.
Dans la méthode décrite par Pirnay et coll., une hydrolyse des urines est effectuée avant
les étapes d’extraction de type SPE et de dérivation (HFBA) [4]. Dans la méthode
CPG-SM de Frison et coll., après une extraction alcaline des urines sur colonne
d’extraction Extrelut et une dérivation avec le 2,2,2-trichloroéthylchloroformate, la
séparation chromatographique s’effectue sur une colonne capillaire polaire et permet
l’identification et la quantification simultanées de nombreuses substances amphétami-
niques et dérivés [5]. Nischida et coll. dérivent par le propylchloroformate l’amphéta-
mine et la méthamphétamine après extraction sur une colonne Extrelut [6]. Enfin, les
énantiomères S- (+) et R- (−) de l’amphétamine et de la méthamphétamine peuvent
être séparés à l’aide de phases stationnaires chirales, ou par formation de diastéréo-iso-
mères avec un agent chiral ; la phase stationnaire étant, dans ce dernier cas, non chirale.
Dans la méthode de Peters et coll., les diastéréoisomères sont synthétisés à partir du (S)-
(−)-heptafluorobutyrylchloride [(S)-HFBPCL], après une extraction de type SPE sur
une colonne d’extraction de type « mode mixte » [7]. Le mode d’ionisation est l’ioni-
sation chimique négative (NICI) en raison des propriétés électronégatives du dérivant.
Pour éviter la volatilisation de l’amphétamine lors de l’évaporation du solvant, Leis et
coll. ajoutent le dérivant directement dans la solution d’extraction (n-hexane) après une
extraction liquide-liquide [8]. Ces dernières années, les techniques de chromatographie
liquide couplée à la spectrométrie de masse (CPL-SM) se sont rapidement développées
dans le domaine de la toxicologie clinique et médicolégale [9] (tableau 10.14).
Différents types d’interface SM sont utilisés en routine ; les deux types d’inter-
face majoritairement employés en routine sont l’ionisation par électrospray (ESI),
et l’APCI (atmosphéric-pressure chemical ioniation) [9]. Le mode d’ionisation par
spray ultrasonique est peu utilisé [10]. Ce dernier mode d’ionisation n’utilisant ni
chauffage (thermospray), ni champ électrique, permet une ionisation « douce »,
intéressante pour des substances de faible polarisabilité et peu thermostables. Les
techniques CPL-SM permettent de réduire considérablement la phase pré-analyti-
que, en supprimant la phase de dérivation. La combinaison de deux spectromètres
de masse ou masse tandem (SM/SM), permet un gain de sensibilité et de sélecti-
vité, après une séparation chromatographique sur une colonne C18. Un des avan-
tages majeurs des techniques CPL-SM/SM en comparaison avec la CPL-SM, est la

313
Drogues et accidentalité

possibilité de réduire le temps d’analyse. En ce qui concerne la phase pré-analytique,


une simple déprotéinisation avec une solution méthanolique contenant l’étalon
interne, peut être suffisante [11] ; les limites de quantification étant satisfaisantes
(0,5 à 2 ng/mL) pour le dosage des amphétamines dans le cadre médicolégal. Ces
limites de quantification sont inférieures à 0,5 ng/mL après une extraction liquide-
liquide du sang ou des urines et une détection par électrospray (ESI) [12, 13] ou
de type APCI [14].

TABLEAU 10.14 Méthodes analytiques de chromatographie en phase liquide.

Préparation Colonne
Réf. Composés Matrice Détection
échantillon analytique
Extraction
Amphétamine liquide-liquide Hypersil BDS Ionisation par
[10] MDMA Sang (K2CO3, pH 9,5 ; C18 (100 mm spray sonique
MDA hexane/acétate × 5,1 mm, 3 μm) - SM
d’éthyle)
Amphétamine
Méthamphétamine Hypersil BDS
Déprotéinisation
[11] MDMA Plasma C18 (100 mm ESI-SM/SM
(méthanol)
MDEA × 2,1 mm, 3 μm)
MDA
Amphétamine
Méthamphétamine
Uptisphere ODB
MDA Sang
[12] Toxitube A C18 (150 mm ESI-SM/SM
MDMA Urine
× 2,1 mm, 5 μm)
MDEA
MBDB
Amphétamine
Méthamphétamine Atlantis Intelli-
MDA Extraction gent Speed
[13] Urine ESI-SM/SM
MDMA liquide-liquide (20 mm
MDEA × 2,1 mm, 3 μm)
MBDB
Extraction liquide-
liquide MetaSil basic
Amphétamine
[14] Plasma (NH4OH), (100 mm APCI-SM/SM
Méthamphétamine
butylchloride/ × 2 mm, 3 μm
ACN
Amphétamine X-terra
Méthamphétamine SPE (50 mm × 3 mm,
[15] Urine APCI-SM/SM
MDMA (Oasis HLB) 2,5 μm)
MDEA
Amphétamine Symmetry Schield
Méthamphétamine RP 18
Extraction en ligne ESI-SM/SM
[18] MDA Urine (50 mm
(Oasis HLB) (ion-trap)
MDMA × 2,1 mm,
MDEA 3,5 μm)

314
Dosages sanguins et urinaires

TABLEAU 10.14 Suite.

Préparation Colonne
Réf. Composés Matrice Détection
échantillon analytique
Amphétamine
Méthamphétamine
Sérum, Atlantis C18
MDA Extraction en ligne
[19] Plasma, (100 mm ESI-SM/SM
MDMA (Oasis HLB)
Urine × 2,1 mm, 3 μm)
MDEA
MBDB
Amphétamine
Luna C18
Méthamphétamine
[20] Urine Dilution (eau) (100 mm ESI-SM/SM
MDA
× 2,0 mm, 3 μm)
MDMA
Amphétamine
Zorbax SB
Méthamphétamine
C18 Rapid
MDA
[21] Urine Dilution solution APCI-SM/SM
MDMA
(30 mm
MDEA
×2,1 mm)
MBDB
ACN (acétonitrile), SPE (extraction en phase solide).
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine (ou « ecstasy »). MDA : méthylène-dioxy-
amphétamine. MBDB : N-métyl-1- (3,4-méthylènedioxyphén-2-butanamine. MDEA : méthylène-
dioxy-éthamphétamine. MBDB : N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine.
HFBA (anhydride heptafluorobutyrique), HFBPCl ((S)- (-)-heptafluorobutyrylpropyl), SPE
(extraction en phase solide).
NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionnés.
SM : spectrométrie de masse.

Avec une extraction en phase solide ou SPE, permettant de purifier et préconcentrer


les analytes, les limites de détection sont inférieures à 0,1 ng/mL [15]. L’extraction
de type SPE peut être réalisée en ligne (« on-line SPE ») sur colonnes échangeuses de
cation [16] ou échangeuse d’anion de type MAX (mixed anion exchange) [17]. Dans
la méthode de Wu et coll., l’extraction en ligne s’effectue une colonne d’extraction
de type HLB à partir de 10 mL d’urine ; 5 mL d’urine étant préalablement dépro-
téinisés avec de l’acide trifluoroacétique [18]. Les limites de quantification varient
de 4,4 à 9,1 ng/mL. Lacroix et coll. utilisent également une colonne d’extraction
Oasis HLB, rincée initialement par une solution ammoniacale à 0,2 % pendant
la phase d’extraction [19]. L’extraction en ligne est précédée d’une dilution de
l’échantillon (sérum, plasma ou sang total) au 1/10e et d’une déprotéinisation avec
de l’acide sulfosalicylique. La limite de quantification des six amphétamines analy-
sées avec cette dernière méthode est de 1 ng/mL. L’injection directe d’urine diluée
peut être utilisée, mais une perte de sensibilité est cependant observée [20, 21]. Les
techniques de chromatographie liquide ultra-performante (UPCPL) couplées à la
spectrométrie de masse (UPCPL-SM) permettent d’obtenir un gain de sensibilité
et de résolution, ainsi qu’une diminution importante du temps de chromatogra-
phie qui peut être inférieure à 5 min [22–24]. À partir de 1 mL de sang total,
extrait sur une colonne Oasis mixte échangeuse de cation (MCX), et une séparation
315
Drogues et accidentalité

chromatographique sur une colonne C18 Acquity UPCPL à un débit de 0,6 mL/
min, la limite de quantification est de 0,1 ng/mL [23].

10.4.2 Interprétation des résultats


La famille des amphétamines regroupe de nombreuses molécules différentes dont
les amphétaminiques (amphétamine et méthamphétamine) et les substances dites
entactogènes ou dérivés amphétaminiques (MDA, MDMA, MDEA, MBDB…). Il
existe deux isomères de l’amphétamine, l’isomère lévogyre « l » ayant une demi-vie
plus longue que l’isomère dextrogyre « d ». L’amphétamine présente divers noms
de rue tels que « Speed, Dict Pills, Fast balls… ». En ce qui concerne la métham-
phétamine, l’isomère d est 5 fois plus stimulant que l’isomère l, alors que l’action
périphérique de l’isomère l est plus importante ; le produit connu sous l’appellation
« ice » est une d-méthamphétamine recristallisée. L’amphétamine et la méthamphé-
tamine augmentent l’activité neuromusculaire, suspendent le sommeil, diminuent
l’appétit et stimulent l’activité intellectuelle. Les substances entactogènes, appelées
également « designer drugs » (drogue de synthèse optimisées), sont utilisées le plus
souvent au cours de rave parties. Approximativement 1 % des Français (18–44 ans)
les auraient expérimentés au moins une fois. Les entactogènes les plus utilisés déri-
vent de la 3,4 méthylène-dioxy-amphétamine (ou MDA) dont l’isomère R (-) est
plus hallucinogène et plus sérotoninergique que l’isomère S (-) qui, lui, est plus psy-
chostimulant. Les entactogènes dérivant de la MDA, les plus fréquemment mis en
évidence sont : (±) 3,4 méthylène-dioxy-méthamphétamine (MDMA ou ecstasy),
(±) 3,4 méthylène-dioxy-éthamphétamine (MDEA) et N-métyl-1-(3,4-méthylène-
dioxyphén-2-butanamine (MBDB). Ces dérivés amphétaminiques entactogènes
diminuent les inhibitions psychiques et favorisent l’expression des émotions ; les
effets hallucinogènes n’apparaissant qu’à des doses suffisamment élevées.
Les effets physiques et psychiques des amphétamines sont fortement liés aux
concentrations sanguines selon un modèle comparable à celui de l’alcool éthylique
[25]. Les substances amphétaminiques et entactogènes provoquent une tachycar-
die, une hypertension, une hyperthermie parfois sévère, des nausées. Les troubles
visuels et l’ataxie induits par la consommation de ces produits altèrent la conduite
automobile ; la prise de risque étant augmentée et les réflexes diminués [26–28].
Dans le cadre de la législation sur les stupéfiants, établir un lien entre les concen-
trations dans le sang et les effets pharmacologiques susceptibles d’être délétères sur
la capacité de conduire un véhicule, nécessiterait de prendre en compte l’existence
d’énantiomères. Les énantiomères S- (+) étant 5 à 10 fois plus actifs que les énan-
tiomères R- (−) [29–32].
La toxicocinétique des amphétamines et de leurs énantiomères est différente d’une
molécule à une autre ; peu de données concernant les concentrations plasmati-
ques des énantiomères ont été publiées [7, 33]. Après administration d’une dose
de 10 mg de d-amphétamine chez un adulte de 66 kg, le pic plasmatique est de
35 ng/mL 2 h après l’administration ; la demi-vie est de 11 à 13 h. La demi-vie de
316
Dosages sanguins et urinaires

l’isomère lévogyre est supérieure d’environ 39 % [25]. L’amphétamine est éliminée


totalement en plusieurs jours ; 30 % sont éliminés sous forme inchangée dans les
urines des 24 premières heures, jusqu’à 70 % lors de l’acidification des urines et
seulement 1 % lors de leur alcalinisation. Les concentrations urinaires varient de
0,6 à 12 μg/mL, 12 h après administration d’une dose de 10 mg chez un sujet
jeune, et diminuent avec une demi-vie urinaire de 12 h. Un sujet consommant
fréquemment une dose de 30 mg, présente des concentrations de 1,1 à 18 μg/
mL ; lors d’une utilisation abusive, les concentrations peuvent être de l’ordre de 10
à 100 μg/mL. En ce qui concerne la méthamphétamine, une dose de 0,125 mg/
kg administrée chez 6 adultes permet d’observer des concentrations sanguines de
l’ordre de 20 ng/mL, 3,6 h après administration, avec une demi-vie de 10 heures
(6–15 h) [25].
La méthamphétamine est métabolisée en amphétamine après une N-déméthyla-
tion. Après administration de méthamphétamine par voie orale, plus de 20 % de la
dose sont éliminées en 24 heures dans les urines ; l’excrétion se prolonge pendant
plus de 7 jours [34]. Environ 40 % sont éliminés sous forme inchangée dans les
urines, et 4 à 7 % sous forme d’amphétamine. La fraction de méthamphétamine
éliminée sous forme inchangée peut être supérieure à 70 % lors de l’acidification
des urines, et seulement de 2 % lors de leur alcalinisation. Après administration de
10 mg de méthamphétamine, des concentrations urinaires de l’ordre de 0,5 à 4 μg/
mL sont observées dans les 24 h, jusqu’à 7 μg/mL pour une dose de 30 mg. Après
l’administration d’une dose de 50 mg d’ecstasy ou MDMA, le pic plasmatique est
de l’ordre de 100 ng/mL deux heures après absorption ; le pic plasmatique de son
métabolite, la MDA est de 28 ng/mL, 4 h après administration [25]. Pour une dose
de 100 à 125 mg, 26 % de la MDMA sont éliminés sous forme inchangée dans
les urines, et 1 % sous forme MDA. Pour une dose de 105 mg chez un sujet de
70 kg, la concentration urinaire de MDMA est supérieure à 17 μg/mL, la concen-
tration de la MDA est généralement inférieure à 3 μg/mL. En ce qui concerne la
MDEA, pour une dose de 140 mg, une concentration plasmatique de 260 ng/mL
est observée 2 h après administration. La majeure partie de la dose est éliminée dans
les urines dans les 32 h ; 19 % sous forme de MDEA, 28 % sous forme de MDA
[25]. L’élimination urinaire de la MBDB et de ses métabolites, libres et conjugués,
peut être totale en 36 h. En raison des cinétiques très variables des amphétamines
et de leurs énantiomères, ainsi que des variations des propriétés pharmacologiques
de ces derniers, des études toxicocinétiques plus approfondies sont nécessaires pour
établir des seuils analytiques pour chaque molécule.

317
Drogues et accidentalité

10.4.3 Documents de référence


[1] Marquet P, Lachâtre G, Kintz P, Pépin G, Deveaux M. Identification et dosage des principales
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Drogues et accidentalité

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10.5 Conclusion
La mauvaise corrélation entre la concentration sanguine de certaines drogues
comme le THC et les effets montre que les seuils de danger sont impossibles à
fixer. Par ailleurs, ceci équivaudrait à en tolérer l’usage. C’est la raison pour laquelle
la réglementation dans ce domaine a fixé en 2001 un seuil analytique. Depuis cette
date, des progrès analytiques déterminants ont été réalisés, aussi nous réitérons notre
proposition d’abaisser les seuils de détection sanguins imposés par la loi dans le
cadre de la sécurité routière [46] aux concentrations suivantes :
› 0,5 ng/mL au lieu de 1,0 ng/mL pour le THC,
› 10 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour la cocaïne,
› 5 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour les amphétamines,
› 5 ng/mL au lieu de 20 ng/mL pour les opiacés.

320
Cheveu : mise en évidence
des conduites addictives
Pascal Kintz, Marion Villain1

et base pour la restitution


11
du permis de conduire

Introduction
Depuis 1986 et l’Executive Order du Président américain Reagan, la lutte contre
la toxicomanie s’est intensifiée, tant dans le monde du travail que sur la route.
En France, la prise de conscience collective des ravages des stupéfiants au volant
est récente et certains avancent le chiffre de 1 000 à 1 500 tués par an dans des
circonstances où la vigilance est très perturbée par des substances psychoactives.
À l’opposé de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni, pays scandinaves), la
France ne pratique que de façon très limitée le dépistage des conduites addictives
en entreprise. Le criblage à l’embauche n’est pas d’actualité dans notre pays.
Dès le début des contrôles, l’urine a été choisie comme milieu de dépistage, le sang
étant réservé aux confirmations et donc aux expertises judiciaires. En effet, seule la
détermination dans le sang des xénobiotiques peut démontrer que le sujet est sous
influence. La salive (fluide oral), autorisée récemment comme milieu de dépistage
initial sur les routes, pourrait être une alternative satisfaisante aux examens san-
guins. Les fenêtres de détection dans ces trois milieux sont de l’ordre de 12 à 48 h,
parfois plus comme pour le cannabis urinaire [1].

1. X-Pertise Consulting, Oberhausbergen.

321
Drogues et accidentalité

Ce délai a pu être complètement modifié par l’introduction du cheveu dans l’arsenal


analytique. Ce tissu possède la propriété unique d’être le marqueur des expositions
répétées ou chroniques, permettant en outre d’établir le profil de consommation
à long terme et son évolution. Dans la pratique, l’analyse urinaire et l’analyse des
cheveux s’avèrent plutôt complémentaires, les urines permettant de caractériser
un usage ponctuel et les cheveux une exposition répétée [2, 3]. Le tableau 11.1
reprend les caractéristiques propres à chaque milieu dans le cadre du contrôle d’une
conduite addictive.

TABLEAU 11.1 Comparaison des urines et des cheveux.

Paramètres Urines Cheveux


Reconnu par la justice Oui Oui
Dépistage complet Oui Oui
Techniques analytiques Immunochimie, GLC/SM ELISA, GLC/SM
Fenêtre de détection 2–5 jours Plusieurs mois
Adultération Possible Très difficile
Recueil Invasif Non invasif
Conservation +4 °C ou –20 °C Température ambiante
Analyte majeur Métabolites Substance mère
Recueil à distance d’un 2e Non Oui
échantillon identique
Type de mesure Incrémentale Cumulative
Risque de faux négatifs Élevé Faible
Risque de faux positifs Théoriquement nul Théoriquement nul

La décennie écoulée a confirmé l’intérêt majeur des cheveux comme marqueurs


d’exposition chronique aux xénobiotiques. À présent, les applications de ces inves-
tigations débordent du champ purement judiciaire [4–7] dans lequel elles avaient
jusqu’alors été confinées (infraction à la législation sur les stupéfiants, empoisonne-
ment chronique, dopage, soumission chimique, conduite addictive…), et s’impo-
sent dans un nombre croissant de disciplines cliniques, comme le suivi des sujets
dépendants ou l’exposition in utero [8].
Dans le cadre de la restitution du permis de conduire, l’Allemagne [9–11] et l’Italie
[12–14] utilisent depuis plusieurs années le cheveu pour faire la distinction entre
consommateurs de stupéfiants et sujets sevrés. Les travaux publiés montrent tous
que les analyses de cheveux permettent une meilleure identification que les analyses
urinaires des consommateurs récidivistes (effet discriminant) et que le nombre de
positifs diminue chaque année (effet éducatif ).
Ainsi, ce chapitre se propose de résumer les connaissances de l’analyse toxicologique
à partir des cheveux et d’évaluer ses applications potentielles dans la caractérisation
d’une conduite addictive.

322
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

11.1 Incorporation des xénobiotiques dans les cheveux


Les poils sont des structures kératinisées propres aux mammifères, produites au niveau
d’une invagination de l’épithélium épidermique, le follicule pilosébacé. Chacun de ces
follicules représente une unité anatomique, constituée du poil proprement dit avec
son bulbe pilaire, sa racine et sa tige, du follicule, d’une glande sébacée et d’un muscle
horripilateur. L’Homme adulte possède environ 5 millions de follicules pileux, dont
un million, au niveau du scalp, donnent naissance aux cheveux. Une première poussée
de poils a lieu vers le 5–6e mois de la vie fœtale : c’est le lanugo. La composition des
poils est relativement variable : eau (4–13 %), protéines (85–93 %), lipides (1–3 %)
et minéraux (0,2–0,8 %).
Les poils se développent puis chutent de façon individuelle et cyclique, selon 3 pha-
ses : phase de croissance ou anagène (4 à 8 ans), phase de transition ou catagène
(2 semaines) et phase de repos ou télogène (3 mois). À un instant donné, environ
85 % des cheveux sont en phase anagène. On considère généralement que les che-
veux au niveau du vertex poussent de 0,44 mm/j, soit environ 1 cm/mois, avec des
variations allant de 0,7 à 1,5 cm/mois.
Le mécanisme généralement proposé pour l’incorporation des xénobiotiques dans les
cheveux consiste en une diffusion interne des substances du sang vers les cellules en
croissance des bulbes pileux et une diffusion externe à partir des secrétions sudorales
ou sébacées, mais aussi des éventuels contaminants de l’environnement [15, 16].
En fusionnant pour former le cheveu, les cellules en croissance piègeraient les substan-
ces dans la structure kératinisée. Les cinétiques d’incorporation sont dépendantes des
liaisons du xénobiotique incorporé à la mélanine, un pigment des cheveux. Il semble
qu’il existe une différence quantitative d’incorporation suivant la couleur des cheveux,
c’est-à-dire en fonction du degré d’oxydation de la mélanine. Les cheveux foncés, pré-
sentant un degré d’oxydation plus important de la mélanine, concentrent ou retiennent
plus fortement les drogues que les cheveux clairs, à doses ingérées équivalentes. Cette
observation n’est pas sans poser des problèmes d’équité, puisqu’il est admis par la com-
munauté scientifique qu’à dose administrée équivalente, les concentrations mesurées
dans les cheveux noirs sont plus importantes que dans les cheveux blonds [17].
Les traitements cosmétiques peuvent affecter les analyses. Il a été observé une nette
diminution du contenu en xénobiotiques dans les mèches de cheveux décolorés par
rapport aux cheveux de couleur naturelle de la même personne. Cette diminution est
de l’ordre de 60 à 70 % pour la cocaïne et ses métabolites et de 70 à 90 % pour les
opiacés [18]. Par définition, tout traitement cosmétique (coloration, décoloration, per-
manente, lissage…) va affecter à la baisse les concentrations des molécules incorporées
[19]. Dans le cas de concentrations faibles, proches du seuil de positivité, il est possible
alors de rendre un résultat négatif. Ainsi, il convient de noter lors du recueil des cheveux
tout traitement cosmétique et de prélever, en cas d’altération visible, d’autres poils.
Les substances mères sont présentes dans les cheveux ou poils à des concentrations
plus élevées que celles de leurs métabolites, alors que dans les urines les rapports

323
Drogues et accidentalité

sont généralement inversés. De ce fait, les cheveux permettent de discriminer deux


substances qui auraient les mêmes métabolites.
La fixation des xénobiotiques dans les cheveux pourrait également s’effectuer par le
biais de l’environnement atmosphérique et concerne plus particulièrement les substan-
ces à l’état de particules en suspension. Ainsi, les substances fumées, comme le canna-
bis, le crack, ou même l’héroïne peuvent se déposer sur toute la longueur du cheveu.
Les substances déposées sur les cheveux par voie passive seraient moins bien liées à la
matrice, ce qui a conduit les toxicologues à développer des méthodes de décontamina-
tion des échantillons. Elles consistent en des lavages, soit par une solution aqueuse, soit
par un solvant organique, soit par les deux successivement, pendant différents temps
d’incubation et à différentes températures. Des cinétiques de lavage et l’analyse des
solutions de décontamination ont révélé que les contaminants étaient très vite éliminés
(après deux lavages) et qu’ensuite, d’autres lavages n’avaient plus aucun effet.
L’incorporation se faisant dans tous les poils, si les cheveux ne peuvent être prélevés
ou sont manquants, d’autres poils conviennent également comme les poils pubiens,
de la poitrine ou axillaires. Ces poils sont particulièrement recommandés lorsque
les cheveux sont teints ou décolorés.
La stabilité des xénobiotiques une fois incorporés dans les cheveux semble tout à fait
exceptionnelle. Il a ainsi été possible d’identifier de la cocaïne dans les cheveux de
momies péruviennes, vieilles de plusieurs centaines d’années, prouvant à nouveau
l’utilisation de cet alcaloïde par les habitants des Andes.

11.2 Prélèvement et analyse


Dès 1997 [20], la Society of Hair Testing (SoHT) a publié des recommandations
sur l’analyse des cheveux. Ce document était complété en 2003 [21].
Le lieu de prélèvement (et plus tard de stockage) ne doit pas être contaminé par
des saisis de stupéfiants. La personne qui prélève (biologiste, policier, gendarme…)
ne doit pas être en contact avec des stupéfiants.
Les cheveux sont généralement prélevés en vertex postérieur (figure 11.1). Une
mèche de 80 cheveux (diamètre d’un crayon à papier) est suffisante pour un criblage
des quatre familles de stupéfiants. Une seconde mèche devra être prélevée si une
analyse complémentaire pour l’éthyl glucuronide (marqueur spécifique de l’éthanol)
est demandée ou si une analyse segmentaire s’avère nécessaire. Dans le cadre des
expertises judiciaires, il convient de réaliser le prélèvement en double. Les mèches
doivent être prélevées le plus près possible du cuir chevelu, coupées aux ciseaux (ne
pas arracher) et orientées racine-extrémité au moyen d’une cordelette, fixée 1 cm
au-dessus du niveau de la racine. La conservation est aisée ; elle s’effectue en tube
sec, dans un kit de collection (figure 11.2) ou dans une enveloppe, à température
ambiante. Il est donc plus facile de conserver des cheveux que des urines (+ 4 °C
ou –20 °C).
324
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

Le prélèvement doit mentionner le nom du sujet, son âge, la couleur de ses cheveux,
leur longueur, les éventuels traitements médicaux et/ou cosmétiques, le nom du
préleveur et la date du prélèvement.
De très nombreuses procédures analytiques ont été publiées dans la littérature inter-
nationale. Elles font soit appel à un dépistage immuno-chimique, essentiellement
par ELISA ou RIA, suivi d’une confirmation des positifs par chromatographie ou
directement par chromatographie.
Les méthodes suivantes ont été mises en place par X-Pertise Consulting.

11.2.1 Approche ELISA et confirmation des positifs


Le test ELISA One-Step d’IDS est un dosage immunologique en phase solide conçu pour
détecter la présence de stupéfiants dans les milieux biologiques. Chaque échantillon de
cheveux est tout d’abord décontaminé par 2 bains successifs de dichlorométhane (5 mL,
2 min) puis découpés en fragments < 1 mm de longueur. Après homogénéisation,
50 mg d’échantillon sont incubés dans 1 mL de méthanol, 16 h à 40 °C ou 2 h au
bain ultrasons. Cent microlitres de méthanol sont prélevés après centrifugation (15 min/
3 000 rpm) puis évaporés à sec. Le résidu est repris par 100 μL du mélange « diluant
échantillons et standards » fourni dans le kit. Vingt microlitres sont ensuite déposés dans
un puits dont le fond est recouvert d’anticorps à forte affinité pour le stupéfiant ciblé.

FIG. 11.1 Prélèvement de cheveux.

325
Drogues et accidentalité

Les étapes suivantes suivent les préconisations du fabricant. Après addition du conjugué
enzymatique et incubation (30 min à température ambiante), les puits sont lavés trois
fois pour éliminer toute substance non liée avant l’étape finale de révélation par le subs-
trat. L’intensité de coloration, mesurée avec un lecteur de microplaques à 650 nm, est
inversement proportionnelle à la quantité de stupéfiants présente dans l’échantillon.
Un blanc, un calibrateur bas et un calibrateur haut suivent entièrement la procédure.
Les positifs sont confirmés par CPG-SM après évaporation du méthanol et extrac-
tion spécifique [22].

11.2.2 Approche directe en chromatographie

Opiacés-cocaine [23]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Préparation
Découpage aux ciseaux en fragments < 1 mm
Solubilisation
50 mg de poudre de cheveux
+ 1 mL 0,1 M HCl
+ 200 ng de standards internes deutérés
Incubation 16 h à 56 °C.
Extraction
Homogénat + 10 mL de dichlorométhane/isopropanol/n-heptane (50/17/33, v/v)
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm
Purification de la phase organique (5 mL 0,2 M HCl), puis retour alcalin (1 mL NaOH
1 M + 2 mL tampon phosphate pH 8,4 dans 5 mL de dichlorométhane)
Recueil de la phase organique et évaporation à sec
Dérivation
Extrait sec + 30 μl BSTFA + 1 % TMCS
Incubation pendant 30 min à 70 °C
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg.

326
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

FIG. 11.2 Kit de prélèvement de cheveux et mèche individualisée.

327
Drogues et accidentalité

Amphétamines [24]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Solubilisation
50 mg de cheveux
+ 1 mL 1 M NaOH
+ 200 ng de standards internes deutérés
Incubation pendant 10 min à 95 °C
Extraction
Homogénat + 5 mL acétate d’éthyle
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 RPM
Recueil de la phase organique, addition de 20 μL de méthanol/HCl (99/1) et éva-
poration à sec
Dérivation
Extrait sec + 150 μL d’acétate d’éthyle/HFBA (1:2, v/v)
Incubation pendant 30 min à 60 °C
Évaporation à sec et reconstitution dans l’acétate d’éthyle
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,2 ng/mg pour
toutes les molécules à l’exclusion de la MDA à 0,5 ng/mg.

Dans certaines circonstances, l’expert peut être amené à vouloir exclure tout risque
de contamination externe par le cannabis. Le THC, tout comme le cannabinol et le
cannabidiol sont présents dans la fumée. Il convient alors de mesurer un métabolite,
preuve unique d’un passage par la voie générale. Le THC-COOH, métabolite acide,
est très mal incorporé dans les cheveux et les concentrations fixées sont de l’ordre de
quelques pg/mg. L’emploi de la spectrométrie de masse en tandem apparaît ici comme
indispensable.

328
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

Cannabis [25]
Décontamination
Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
– séchage par papier absorbant
– second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min
Solubilisation
50 mg de cheveux
+ 1 mL 1 M NaOH
+ 200 ng de THC deutéré
Incubation pendant 10 min à 95 °C.
Extraction
Homogénat + 5 mL de n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v)
Agitation, 20 min à 95 cycles/min
Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm
Recueil de la phase organique et évaporation à sec
Reconstitution dans le cyclohexane
L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spec-
trométrie de masse et mesure simultanément le THC, le cannabinol et le cannabi-
diol. Les limites de quantification ont été validées à 0,05 ng/mg.

Le THC-COOH est extrait en milieu acide après hydrolyse alcaline par le mélange
n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v), puis dérivé par PFPA + PFP-OH. La transition
m/z 602 en m/z 513 et 474, en mode ionisation chimique négative, sur un sys-
tème Waters Quattro Micro autorise une limite de quantification à 0,5 pg/mg. La
figure 11.3 est un chromatogramme représentatif d’une concentration de 1,9 pg/mg
de THC-COOH.

329
Drogues et accidentalité

08-03271508mg-FL250pq
080813 Paste MRM of 4 Channels Cl-
100 7.01 622.5 > 495.3
498 2.88e4
Area

0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 622.5 > 386.3
100 3.56e4
619
Area

0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 619.5 > 382.3
100 1.17e4
182
Area

0
080813-08 Sm (SG, 1x2) MRM of 4 Channels Cl-
7.01 619.5 > 383.3
100 1.35e4
230
Area

0 Time
6.20 6.30 6.40 6.50 6.60 6.70 6.80 6.90 7.00 7.10 7.20 7.30 7.40 7.50 7.60 7.70 7.80 7.90

FIG. 11.3 Chromatogramme obtenu par chromatographie en phase gazeuse couplée


à la spectrométrie de masse en tandem à partir d’une mèche de cheveux
d’un consommateur de cannabis. La concentration en THC-COOH est de 1,9 pg/mg.

11.2.3 Cas particulier de l’éthanol


Après administration, l’éthanol est essentiellement métabolisé par le foie (90–95 %),
les reins (0,5–2 %), les poumons (0,5–6 %) et la peau (0,5 %) pour donner de l’eau
et du gaz carbonique. Une très faible quantité d’éthanol (moins de 0,5 %) peut être
éliminée sous forme d’éthyl glucuronide, un métabolite de phase II [26].
Contrairement aux marqueurs sanguins classiques (VGM, γGT), l’éthyl glucuro-
nide est un marqueur spécifique de l’éthanol. En effet, ce produit direct de transfor-
mation n’est pas inductible par les médicaments (qui peuvent augmenter les γGT)
et n’est pas fonction de l’état pathologique du sujet (malade hépatique, diabétique,
cancéreux…). Il n’y a pas de grande variabilité biologique individuelle dans la for-
mation de l’éthyl glucuronide.
Il est désormais admis par la communauté scientifique internationale que la pré-
sence d’éthyl glucuronide (au-delà de 30 pg/mg) dans les cheveux démontre la
consommation excessive d’éthanol, en particulier pour une quantité supérieure à
60 g par jour. Une simple mèche de cheveux, orientée, permet donc d’établir le
profil addictif à la boisson alcoolisée d’un individu [27].
Chaque échantillon [28] est décontaminé par deux bains successifs de 2 min aux
ultrasons avec du dichlorométhane et du méthanol et un rinçage au dichloromé-
thane. Il est ensuite coupé en fragments < 1 mm. Les segments (30 mg) sont ensuite
incubés 2 h au bain à ultrasons dans 2 mL d’eau en présence d’un étalon interne
330
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

(6 ng d’éthyl glucuronide-d5). Les extraits sont purifiés par SPE sur cartouche Oasis
MAX (Waters). La phase organique d’élution (méthanol-acide formique 2 %) est
évaporée à sec et le résidu repris par 200 μL d’acétonitrile-tampon formiate.
L’analyse de ces échantillons est réalisée par CPL-SM/SM sur un système Quantum
Ultra (Thermo Fischer). Dix microlitres sont injectés (pompe Accela) et l’élution est
réalisée sur une colonne ACQUITY BEH HILIC (2,1 ×100 mm) avec un gradient
acétonitrile/tampon formiate pH 3,0. La détection est réalisée par spectrométrie de
masse tandem, avec une interface de type électrospray en mode négatif. L’acquisition
est réalisée en mode MRM (multiple reaction monitoring). La limite de quantifica-
tion est < 5 pg/mg et le laboratoire utilise un seuil de positivité (discriminant buveur
social de buveur excessif ) à 30 pg/mg. La figure 11.4 est un chromatogramme
représentatif d’une concentration de 75 pg/mg d’éthyl glucuronide.

RT: 5.20 - 9.30 SM: 5G


RT: 6.89 NL: 2.69E3
100 AA: 11223 TICF: - c ESI
sid=10.00 SRM ms2
221,.130@cid16.00
80 [75.050-75.150] MS
Relative Abundance

Genesis 08127-07
60

40

20

RT: 6.91 NL: 5.62E3


MA: 26789 TICF: - c ESI
100 sid=10.00 SRM ms2
226.130@cid16.00
80 [75.050-75.150] MS
Relative Abundance

081127-07
60

40
7.00
20
7.08
5.38 5.78 5.97 6.41 6.78 7.24 7.49 8.20 8.33 8.96 9.27
5.5 6.0 6.5 7.0 7.5 8.0 8.5 9.0
Time (min)

FIG. 11.4 Chromatogramme obtenu par chromatographie en phase liquide couplée


à la spectrométrie de masse en tandem à partir d’une mèche de cheveux
d’un buveur excessif d’éthanol. La concentration en éthylglucuronide est de 75 pg/mg.

L’acceptation scientifique de l’analyse toxicologique à partir d’échantillons de che-


veux est corrélée à la performance des laboratoires pratiquants de telles investiga-
tions. Les laboratoires doivent être capables d’identifier les xénobiotiques présents
dans les cheveux et d’en mesurer précisément les concentrations. Développés à
partir de 1992 par le National Institute of Standards and Technologies (États-Unis),
les contrôles récents ont été essentiellement proposés par la Society of Hair Testing
[29] ou par la Société française de toxicologie analytique [30].

331
Drogues et accidentalité

Ces contrôles sont répétés plusieurs fois par an et permettent toujours d’améliorer
les procédures analytiques.

11.3 Applications pratiques


Que ce soit aux États-Unis, en Allemagne ou en France, l’expertise toxicologique
à partir des cheveux est désormais reconnue par les tribunaux.
La Society of Hair Testing [21] a publié des concentrations cibles pour les princi-
paux stupéfiants dans les cheveux (tableau 11.2).

TABLEAU 11.2 Seuils de positivité recommandés par la SoHT


et concentrations attendues dans les cheveux.
Stupéfiants Seuils de positivité Concentrations attendues
Héroïne 0,2 ng/mg de 6-acétylmorphine 0,5–100 ng/mg,
en général < 15 ng/mg
Cocaïne 0,5 ng/mg de cocaïne 0,5–100 ng/mg,
et 0.05 ng/mg de benzoylecgonine en général < 50 ng/mg,
et/ou de cocaéthylène > 300 ng/mg est possible (crack)
Amphétamine, 0,2 ng/mg pour chaque composé 0,5–50 ng/mg
MDMA
Cannabis 0,1 ng/mg de THC THC : 0,05–10 ng/mg,
0,2 pg/mg de THC-COOH en général < 3 ng/mg
THC-COOH : 0,2–20 pg/mg,
en général < 5 pg/mg
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol. THC-COOH :
11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.

Les cheveux en croissance (environ 85 % de la quantité totale) incorporent les subs-


tances présentes dans le sang et la sueur et peuvent ainsi représenter le calendrier
rétrospectif de la consommation chronique d’un xénobiotique. Il est ainsi possible
d’établir un seuil quantitatif de consommation. Les cheveux poussent d’environ
1 cm par mois et leur analyse cm par cm, de la racine (exposition la plus récente)
vers la pointe (exposition la plus ancienne dans le temps) permet de tracer l’his-
torique de la consommation dans le temps (diminution, augmentation, absence
de variation). La figure 11.5 représente l’évolution favorable de la consommation
d’héroïne d’un sujet suivi pour pharmacodépendance.
Aujourd’hui, l’analyse segmentaire est un outil indispensable pour la justice et le corps
médical afin de suivre l’évolution d’une toxicomanie ou la substitution par d’autres pro-
duits. Néanmoins, les résultats quantitatifs, quels qu’ils soient, doivent être interprétés
avec beaucoup de rigueur et de précautions. En effet, bien que l’analyse segmentaire
des cheveux présente des avantages par rapport aux analyses traditionnelles dans le sang
et les urines (calendrier rétrospectif, fenêtre de détection, évolution de la consomma-
tion…), la croissance des cheveux n’est pas continue ni homogène et des phénomènes
de migration à l’intérieur du cheveu peuvent affecter les concentrations.
332
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

concentration en 6-AM (ng/mg)


60
50
40
30
20
10
0
1 2 3 4 5 6
segments en cm de la racine vers la pointe

FIG. 11.5 Profil de consommation d’héroïne (par


l’intermédiaire du suivi de la 6-acétylmorphine,
le marqueur spécifique), démontrant une réduction
massive dans la période la plus récente.

Cette matrice offre certains avantages pour les dépistages en entreprise. Le prélève-
ment est non invasif, stable dans le temps et il est toujours possible de prélever à
distance un second échantillon identique. De plus, l’analyse des cheveux de candi-
dats à l’embauche permet de connaître leur profil addictif. Néanmoins, la période
de temps couverte par le dépistage dépend de la longueur de l’échantillon capillaire
prélevé (chaque cm représente environ un mois de pousse). Pour les urines, une
période d’abstinence de quelques jours est généralement suffisante pour influencer
fondamentalement les résultats des tests. Enfin, l’analyse des cheveux permet aux
employés de démonter l’arrêt de consommation de substances psychoactives.
Kintz a proposé des histogrammes de concentrations retrouvées dans les cheveux
pour interpréter les résultats des analyses quantitatives [31]. Cela permet de classer
les individus en petits, moyens ou gros consommateurs, permettant d’évaluer gros-
sièrement leur consommation et surtout d’adapter au mieux leur prise en charge
thérapeutique. En fait, il apparaît que chaque laboratoire, sur la base de ses propres
études de population, devrait déterminer ses propres valeurs seuil en fonction de
son pays d’origine, du but des analyses, des substances cibles recherchées et de la
méthode analytique employée. L’interprétation liée à l’application d’une valeur seuil
pour la cocaïne peut être affinée dans certains cas par la détection de la norcocaïne
ou du cocaéthylène, formé au niveau hépatique lors de la consommation concomi-
tante de cocaïne et d’alcool éthylique. Un rapport benzoylecgonine/cocaïne > 0,05
est en faveur d’une consommation active de cocaïne. Un rapport de concentration
6-acétylmorphine/morphine supérieur à 1,3 est recommandé par la SoHT comme
indicatif d’une consommation active d’héroïne [21].
L’introduction récente en France des programmes de substitution à l’héroïne
(méthadone, buprénorphine) a naturellement conduit à la mise en place de suivis
analytiques des toxicomanes. Idéalement, la prise en charge des toxicomanes est
conditionnée par l’absence de consommation concomitante de stupéfiants. Cette
surveillance devrait se faire par analyses urinaires, comme pour la méthadone, deux
333
Drogues et accidentalité

fois par semaine (tout au moins pendant les 3 premiers mois). Ce suivi coûte cher et
s’avère dans la pratique peu efficace, car il se limite au simple résultat de « présence
ou absence » de famille de stupéfiants, sans identification ni quantification du pro-
duit. Réalisée une fois tous les 3 mois, l’analyse des cheveux présente de nombreux
avantages financiers et pratiques (prélèvement facile à contrôler, à conserver) par
rapport à l’analyse urinaire. L’analyse segmentaire des cheveux permet également
d’établir le profil addictif d’un individu, les éventuelles modifications de consom-
mation. En outre, l’analyse de cheveux permet d’établir le niveau de consommation
des différents produits (faible, moyen ou important) par rapport à des centaines de
cas semblables, ce qui est très utile pour ajuster les posologies des médicaments. Le
médecin aura alors une mesure biologique du niveau de l’intoxication et donc de
la dépendance à l’héroïne et pourra ainsi prescrire le traitement de substitution sur
une base scientifique, complémentaire de l’examen clinique.
Dans le cadre de la loi relative à la conduite sous influence de substances ou plantes
classées comme stupéfiants définitivement adoptée le 23 janvier 2003, il est prévu,
en cas de conduite d’un véhicule en ayant fait usage de stupéfiant, une suspension
ou une annulation du permis de conduire.
Le décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière et modifiant
le code de procédure pénale et le code de la route, stipule dans son article 6 : « Le
préfet soumet à des analyses ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques,
notamment salivaires et capillaires. »
Un contrôle urinaire ne peut pas trouver sa place dans une telle situation. En
effet, l’interprétation d’un résultat négatif peut être très différente : soit l’individu
ne consomme plus de produit stupéfiant, soit il s’est abstenu d’en consommer
3 ou 4 jours avant l’analyse, les fenêtres de détection urinaires de stupéfiants étant
connues de tous via Internet. Seule une analyse de cheveux, milieu cumulatif, et qui
permet de mettre en évidence une exposition unique à 35 mg de cocaïne ou 60 mg
de codéine sur 3 mois, peut documenter de façon fiable les conduites addictives.
Ces examens à partir de cheveux sont couramment pratiqués en Allemagne et en
Italie. La comparaison d’une analyse simultanée d’urine et de cheveux du même
individu a montré que les cheveux permettaient une bien meilleure identification
des consommateurs.
La Société française de toxicologie analytique a publié en décembre 2004 un
consensus sur la restitution du permis de conduire qui est intégralement reproduit
en fin de ce chapitre.

11.4 Conclusion
La demande sans cesse croissante d’expertises judiciaires sur cheveux a naturelle-
ment conduit à standardiser de façon très rigoureuse l’ensemble de la procédure,
du prélèvement à l’interprétation des résultats. Cela implique une chaîne de qualité
identique à celle mise en place pour les urines. Chaque laboratoire pratiquant des
334
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

analyses à partir d’échantillons de cheveux doit avoir une méthodologie complè-


tement validée.
À partir d’une harmonisation rigoureuse de la méthode de prélèvement et de la
technique d’analyse, l’application des cheveux dans la lutte contre la criminalité
routière en matière de stupéfiants devrait être reconnue.
La restitution du permis de conduire à un sujet reconnu comme ayant conduit sous
l’influence d’un stupéfiant devrait obligatoirement s’accompagner d’une analyse de
cheveux afin de vérifier son abstinence. Seule cette approche permet de démontrer
un sevrage au long cours [32].

11.5 Documents de référence


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[28] Kintz P, Villain M, Vallet E, Etter M, Cirimele V. Ethyl glucuronide : unusual distribution
between head hair and pubic hair. Forensic Sci. Int. 2008 ; 176 : 87-90.
[29] Sachs H. Quality control by the society of hair testing. Forensic Sci. Int. 1997 ; 84 : 145-150.
[30] Deveaux M, Kintz P, Goullé JP, Bessard J, Pépin G, Gosset D. The hair analysis proficiency
testing program of the French Society of Analytical Toxicology. Forensic Sci. Int. 2000 ;
107 : 389-394.

336
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

[31] Kintz P, Mangin P. What constitutes a positive result in hair analysis : proposal for the
establishment of cut-off values. Forensic Sci. Int. 1995 ; 70 : 3-11.
[32] Wurst FM, Yegles M, Alling C, Aradottir S, Dierkes J, Wiesbeck GA, Halter CC, Pragst F,
Auwaerter V. Measurment of direct ethanol metabolites in a case of a former driving under
the influence (DUI) of alcohol offender, now claiming abstinence. Int. J. Legal Med. 2008 ;
122 : 235-239.

337
Drogues et accidentalité

Restitution du permis de conduire

338
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire

339
Drogues et accidentalité

340
Réponses aux questions
Patrick Mura1

12
les plus souvent posées

L’auteur a rapporté dans ce chapitre les questions les plus souvent posées par les
forces de l’ordre, les magistrats, les avocats, mais également par les consommateurs
ou les familles. Les réponses apportées pourront être parfois jugées succintes, mais
le lecteur trouvera une argumentation plus avancée dans les différents chapitres de
cet ouvrage.

12.1 Questions posées par les non professionnels


1. Pendant combien de temps est-on positif dans les urines ?
Cela dépend de la substance, de la dose et de la fréquence de consommation.
Concernant la cocaïne, l’héroïne et les amphétamines, les urines restent positives
pendant 2 à 4 jours en moyenne. Concernant le cannabis, s’il s’agit d’une consom-
mation peu importante et irrégulière les urines resteront positives pendant quel-
ques jours. En revanche dans le cas d’une consommation importante et régulière
(plusieurs « joints » par semaine), le cannabis pourra être détecté pendant plusieurs
semaines voire un mois.

1. Service de Toxicologie et Pharmacocinétique, Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers.

341
Drogues et accidentalité

2. J’ai pris du sirop contre la toux : vais-je être positif aux opiacés ?
S’il s’agit d’un dépistage urinaire ou salivaire, la réponse est oui. En effet, la plupart
des sirops ou comprimés contre la toux contiennent des substances appartenant à
la famille des opiacés (codéine, codéthylline, pholcodine, etc.), qui se transforment
en morphine dans l’organisme. Or, c’est précisément la morphine que détectent les
tests de dépistage salivaire ou urinaire.
Mais heureusement, le dépistage n’est qu’un élément orientant vers la prise de sang.
Or l’analyse sanguine utilise des techniques qui permettent de faire la différence
entre les différents produits.
3. Je suis positif au cannabis mais je n’ai pas fumé. En revanche, j’étais en contact
de gens qui fumaient des joints.
C’est le problème de l’enfumage passif. En réalité il s’agit d’un faux débat. Les dépis-
tages qu’ils soient salivaires ou urinaires conduisent à un résultat positif lorsque la
concentration dans les urines ou la salive est supérieure à une certaine valeur (seuil
de positivité). Des études ont montré que, même dans des cas extrêmes, ce seuil
n’était jamais atteint dans le cas d’un enfumage passif. Il n’y a donc aucun risque
d’être positif au cannabis par le simple fait de l’enfumage passif.
4. Est-il vrai que le cannabis est aujourd’hui 20 fois plus concentré que dans les
années 1960 ?
Effectivement, on trouve sur le marché clandestin des échantillons de cannabis
(herbe ou résine) beaucoup plus concentrés qu’avant, et surtout dans les variétés
provenant des Pays-Bas. Il ne s’agit pas d’un facteur 20 mais de 2 à 3, ce qui est
déjà considérable. En effet, avec des teneurs en THC quelquefois supérieures voire
largement supérieures à 10 %, non seulement les effets sont renforcés mais en
apparaissent alors de nouveaux dont une composante hallucinogène.
5. Pourquoi sanctionner l’usage de stupéfiants chez les conducteurs et pas les
médicaments ?
La question mérite d’être posée. Il est vrai que certains conducteurs ayant des
traitements lourds avec des tranquillisants, des anxiolytiques ou des antidépres-
seurs sont de véritables dangers publics sur la route. De nombreux experts se sont
penchés sur cette problématique et ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Dans le
cas de certaines pathologies, le conducteur sera moins dangereux sous traitement
que sans. Par ailleurs tout est, comme bien souvent, une question de dose. C’est
pourquoi il serait notamment utile que les médecins étant amenés à prescrire des
traitements par neuroleptiques à fortes doses demandent à ces patients de s’abs-
tenir de conduire un véhicule. Bon nombre de médicaments présentent sur leur
emballage un pictogramme indiquant que la prise de ce médicament peut avoir des
conséquences néfastes sur l’aptitude à conduire, mais cela semble être peu efficace.
Une chose cependant mériterait d’être sanctionnée : le mésusage de médicaments.
Cela concerne le non-respect des prescriptions médicales (dépassement des doses
prescrites) mais également la prise de neuroleptiques hors prescription médicale.
342
Réponses aux questions les plus souvent posées

6. Le dépistage salivaire, est-ce que ça marche ?


La salive est un milieu biologique très intéressant pour le dépistage des stupéfiants
au bord des routes, car il est pratique et ne requiert pas la présence d’un médecin
sur place. En ce début de 2011, si les performances des tests salivaires mis sur le
marché au niveau international semblent être plutôt bons pour les opiacés, les
amphétamines et la cocaïne, des progrès importants restent encore à faire concer-
nant le cannabis du fait d’un manque de sensibilité pour cette substance. Il n’en
demeure pas moins vrai qu’en raison de son côté pratique, le nombre de dépistages
pouvant être réalisé est beaucoup plus important qu’il ne pouvait l’être avec les tests
urinaires. Cet avantage compense largement les insuffisances de performances.
7. Pour l’alcool, il existe un seuil légal (0,5 g/L) : pourquoi pas avec le cannabis ?
Tout d’abord pour des raisons logiques : comment annoncer un seuil légal pour des
produits dont l’usage est actuellement illégal ? Pourquoi la question est-elle sou-
vent posée avec le cannabis et pas avec la cocaïne ou d’autres stupéfiants ? Ensuite
parce que les caractéristiques toxicocinétiques du cannabis ne le permettent pas.
Tous les travaux ont montré en effet qu’au moment même où les concentrations
en principe actif sont devenues très faibles, les effets sont à leur apogée. Cela est
dû au fait que le THC quitte rapidement le sang pour aller imprégner le cerveau
et y exercer ses effets.
8. Certains disent que quand on roule sous cannabis, on est plus « cool » donc
moins dangereux. C’est vrai ?
Non ! Cette affirmation est à bannir car contraire à tout bon sens scientifique.
Certes, après usage de cannabis le conducteur n’est pas dans l’état d’excitation que
nous pouvons observer après usage de cocaïne ou d’amphétamine. En revanche,
la sédation consécutive peut très vite se transformer en véritable léthargie. L’en-
dormissement au volant pour cause de cannabis est une des causes d’accident les
plus fréquemment observées et des plus meurtrières lorsque le véhicule se déporte
brusquement sur la voie de gauche alors qu’un véhicule arrive en sens inverse. De
plus, l’altération des fonctions cognitives et motrices liée à l’usage du cannabis se
traduit par une désinhibition, une diminution des réflexes et des troubles de la
vision, autant de facteurs accidentogènes.
9. Le dépistage de stupéfiants en milieu professionnel n’est-il pas une atteinte
aux libertés individuelles ?
Non, dans la mesure où l’usage de stupéfiants est susceptible d’induire, dans le cadre
d’une activité professionnelle, un risque pour autrui. En effet, la présence de salariés
en état d’ébriété alcoolique ou sous l’emprise de stupéfiants sur le lieu de travail
peut mettre en danger la santé et la sécurité des salariés, à la fois pour eux-mêmes et
pour leur entourage. L’altération de la vigilance, la modification de la perception du
risque, une prise de risque accrue peuvent être à l’origine d’accidents du travail.
Qui accepterait de subir une opération chirurgicale, sachant que le chirurgien ou l’anes-
thésiste vient de fumer un « joint » ou sniffer une « ligne de coke » ? Qui accepterait de
343
Drogues et accidentalité

prendre un avion dont le pilote est « accro » à l’ecstasy ? Les postes à risque pour autrui
ne sont pas toujours aussi évidents. Ainsi, qui accepterait de conduire un poids lourd
dont les pièces de freinage auraient été contrôlées par une personne sous influence de
stupéfiants ? Nous pourrions multiplier ces exemples à l’infini.
10. Je prends du subutex ou de la méthadone. Si je suis soumis à un dépistage
de stupéfiants en tant que conducteur, serai-je positif aux opiacés ?
Non. Les tests de dépistage, urinaires ou salivaires, sont dirigés vers la morphine. Le
subutex et la méthadone ne conduisent pas dans l’organisme à la formation de mor-
phine et leurs principes actifs (respectivement la buprénorphine et la méthadone)
ne sont pas détectés par ces tests. Le dépistage des opiacés sera donc négatif.

12.2 Questions posées par les professionnels (magistrats,


officiers de police judiciaire, avocats, etc.)
1. Pendant combien de temps est-on sous influence de stupéfiants ?
Cela dépend des individus, de la dose et de la fréquence de consommation. Pour les
morphiniques comme l’héroïne, la cocaïne ou les amphétamines, les effets durent
en moyenne entre 2 et 6 à 8 h. Pour le cannabis, compte tenu du fait qu’il reste
longtemps imprégné dans l’organisme, cela peut durer beaucoup plus s’il s’agit d’un
consommateur régulier et important.
2. L’arrêté du 24 juillet 2008 (J.O. du 30 juillet 2008) précise les seuils minima
de détection dans les urines, la salive et le sang pour les quatre familles de stupé-
fiants. À quoi correspondent ces seuils ?
Il ne s’agit pas bien entendu de seuils de dangerosité. Il s’agit des seuils analytiques
devant être au minimum atteints soit par les outils de dépistage urinaire ou salivaire
soit par les laboratoires réalisant les analyses sanguines. Prenons les exemples du
dépistage salivaire et du dosage sanguin du cannabis. L’arrêté précise pour le dépis-
tage salivaire un seuil minima de détection de 15 ng de THC par millilitre de salive.
Cela signifie qu’un outil de dépistage salivaire détectant 4 ng/mL est utilisable (sans
modification d’arrêté) alors qu’un test ne détectant que des concentrations supérieu-
res à 20 ou 30 ng/mL ne serait pas considéré comme utilisable. En ce qui concerne
l’analyse sanguine, le seuil précisé par l’arrêté est de 1 ng de THC par millilitre de
sang. Cela signifie que tous les laboratoires réalisant de tels dosages sont « invités » à
atteindre cette limite de détection, mais aussi que les laboratoires, si leur compétence
analytique le permet, peuvent rendre un résultat inférieur à 1 ng/mL.
3. Que signifient les résultats suivants d’une analyse sanguine pour recherche de
cannabis : absence de THC et de 11-OH-THC et THC-COOH = 2,6 ng/mL ?
La présence de THC-COOH témoigne d’un usage de cannabis. L’absence de THC
et de 11-OH-THC, principes actifs, indique qu’il s’agit d’une consommation datant
de plusieurs heures. Lorsque le THC est présent dans le sang, cela implique qu’il est
344
Réponses aux questions les plus souvent posées

également présent au niveau du cerveau et y exerce ses effets ; on peut alors affirmer
qu’il est sous influence de cannabis. En revanche dans le cas présent, il n’est pas
possible d’affirmer que le sujet est sous influence mais il n’est pas non plus possible
d’en exclure l’éventualité. En effet, des travaux ont montré que le THC pouvait
encore être présent de manière significative dans le cerveau alors qu’il n’était plus
à des concentrations détectables dans le sang. Au regard de la loi sur la sécurité
routière, cette incertitude n’a cependant pas de conséquence puisque la loi précise
que doit être sanctionné tout conducteur « ayant fait usage de » stupéfiant.
4. Une analyse de sang ou d’urine permet-elle de s’assurer que le sujet ne
consomme plus de stupéfiants, pour la restitution de son permis de conduire ?
Non. Une absence de stupéfiants dans le sang indique seulement que le sujet n’a pas
fait usage de stupéfiants dans les 24 h précédentes. Une absence de stupéfiants dans
les urines indique une absence de consommation dans les 2 à 4 derniers jours s’il s’agit
de cocaïne, d’amphétamines, d’opiacés ou même de cannabis s’il s’agit d’un consom-
mateur occasionnel. Seule l’analyse des cheveux permettra de confirmer que le sujet
n’a pas consommé à nouveau des stupéfiants depuis le moment de la suspension de
son permis de conduire. C’est pourquoi cette disposition est prévue par les textes
réglementaires (décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière).
5. Un conducteur est responsable d’un accident. Le prélèvement sanguin est
effectué 2 h après. L’analyse sanguine révèle une concentration en THC égale à
1,9 ng/mL. Quelle était la concentration en THC au moment de l’accident ?
La cinétique d’élimination sanguine du THC n’étant pas du tout linéaire, il n’est
pas possible de répondre à cette question.
6. Deux déterminations successives de l’imprégnation alcoolique effectuées
à l’aide d’un éthylomètre permettent-elles d’estimer la valeur de l’alcoolémie
2 h avant la première mesure ?
Oui. La vitesse d’élimination de l’alcool dans le sang est généralement comprise
entre 0,15 et 0,20 g/L/h mais peut être beaucoup plus rapide dans le cas de consom-
mateurs abusifs. Deux déterminations successives à une heure d’intervalle permet-
tent d’estimer la vitesse d’élimination du sujet et donc la valeur de l’alcoolémie
2 heures avant le moment de la première mesure.
7. Une détermination de l’imprégnation alcoolique par éthylomètre suivie d’une
détermination de l’alcoolémie par analyse sanguine permettent-elles d’estimer la
valeur de l’alcoolémie 2 h avant le moment de la première mesure ?
Non. L’éthylomètre mesure la concentration en éthanol dans l’air expiré (en mg
d’éthanol par litre d’air expiré). Il est généralement admis que l’estimation de
l’alcoolémie à partir du résultat de la teneur en alcool dans l’air expiré se fasse en
considérant que le rapport des concentrations en alcool entre le sang et l’air expiré
est de 2 000. En multipliant par 2 la valeur de l’alcool dans l’air expiré, on obtient
ainsi l’alcoolémie en g/L. En réalité et selon toutes les études scientifiques effectuées
dans ce domaine, le rapport réel est variable selon les individus et généralement
345
Drogues et accidentalité

plus élevé que le rapport considéré comme légal (2 000). Ainsi selon l’étude de
Gainsford et collaborateurs (Journal of Forensic Science, 2006 ; 51 : 173-178)
effectuée sur 21 582 conducteurs sur lesquels ils ont parallèlement analysé le sang
et l’air expiré, le rapport moyen est 19 à 26 % supérieur au rapport légal (2 000) ;
il varie donc selon les individus entre 2 380 et 2 520. Jones et coll., dans une étude
contrôlée effectuée sur 130 volontaires, ont décrit un rapport de 2 407 ± 213. Ce
même auteur annonce que cette différence entre le rapport utilisé dans la législation
(2 000) et le rapport réel des sujets donne un avantage aux suspects qui sont détec-
tés par l’air expiré par rapport à ceux qui ont directement une prise de sang.
8. Après un dépistage urinaire ou salivaire positif à un de stupéfiants, la confirma-
tion par l’analyse sanguine se révèle être négative. Est-ce possible et pourquoi ?
Oui, cela est possible et pour de multiples raisons. Tout d’abord parce que les tests
de dépistage, quel que soit le dispositif, ne sont jamais fiables à 100 %. À côté des
erreurs possibles d’utilisation, ils peuvent fournir des résultats faussement positifs.
Par exemple, une prise de médicament contenant de l’éphédrine ou de la pseu-
do-éphédrine peut conduire à une réaction positive avec le dépistage urinaire des
amphétamines. Le Nifluril® ou les médicaments contenant de l’ibuprofène peuvent
positiver les tests de dépistage du cannabis. Enfin, une autre raison réside dans le
délai écoulé entre le moment du dépistage et celui du prélèvement sanguin.
9. Une contre-expertise demandée plusieurs mois après la première expertise
révèle l’absence de THC alors que ce dernier était présent dans les résultats de
l’expertise initiale. Quelles peuvent en être les raisons ?
La raison principale réside dans le fait que le THC est peu stable. Une étude récente
a montré que dans les conditions de conservation du sang préconisées par la loi
(à une température de –20 °C), le THC pouvait avoir complètement disparu au
bout de quelques mois. Le THC-COOH en revanche montre une bien meilleure
stabilité dans le temps.
10. Dans le cadre de la sécurité routière, la recherche de stupéfiants concerne le
cannabis, les amphétamines, la cocaïne et les opiacés. Existe-t-il d’autres stupé-
fiants susceptibles d’altérer l’aptitude à conduire un véhicule ?
Oui, de très nombreuses autres substances utilisées à des fins toxicomaniaques pertur-
bent les fonctions cognitives et motrices, présentant ainsi un réel danger dans le cadre
de la sécurité routière. Les enquêtes organisées et publiées par la MILDT et l’OFDT
et en particulier les enquêtes ESCAPAD montrent que les champignons hallucino-
gènes et le sniffage de solvants occupent une part non négligeable dans les pratiques
addictives en France. Bien que beaucoup moins fréquent, existent aussi des usages de
LSD, de GHB ainsi que de plantes comme le datura. Par ailleurs grâce à Internet, il
est aujourd’hui facile de se procurer des drogues « exotiques », aux effets pouvant être
dévastateurs, comme la mescaline (provenant du Peyotl), l’iboga, le yagé ou le cohoba
(plantes hallucinogènes provenant d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Sud).
En cas de suspicion de la prise d’une de ces drogues, il est possible d’en effectuer
la recherche en le demandant spécifiquement à l’expert.
346
Index

A Antidépresseur 342
Accoutumance 28, 158 Anxiolytique 342
Acétaldéhyde 55 APCI 273
6-acétylmorphine 46, 269 ASAT 59
ADH 56
Adrénaline 194 B
Adultération des urines 222 Bangh 82
Air alvéolaire 67 Benzodiazépine 239
Air expiré 67, 91 Benzoylecgonine 46, 185, 189, 280
ALAT 59 Beuh 81
Alcool 21, 34, 40 Blanche 135
Alcool déshydrogénase 55 Body-packers 193
Alcoolémie 41
Brown Sugar 135
Alcool en entreprise 63
Buprénorphine 131, 137, 144, 156,
Alcool éthylique 51
344
Aminotransférase 59
Amphétamine 21, 46, 103, 105, 239, 311
Analyse segmentaire 332 C
Anandamide 86 Caillou 185
Anhydroecgonineméthylester 190 Cannabidiol 83
347
Drogues et accidentalité

Cannabinoïde 75, 83, 240, 258 E


Cannabinol 83 Ecgonine éthylester 190
Cannabis 21, 22, 75 Ecgonine méthylester 189, 280
Cannabis influence factor 264 Ecstasy 106-107, 311
Cash 141 EDDP 144
Catalase 57 ELISA 160, 217, 325
2C-B 105, 107 EMDP 144
CDT 59 EMIT 160, 213
CEDIA 216 Endocannabinoïde 17, 19
Cervelet 18 Endorphine 149
Champignon hallucinogène 346 Enfumage passif 342
Cheveu 91, 158-159, 162, 321 Entactogène 111
China white 141 Ester éthylique 58
Chlorhydrate de cocaïne 185 Ester éthylique d’acides gras 55, 59
m-chlorophénylpipérazine 105 Éthanol 51
Chromatographie en phase gazeuse Éthyl glucuronide 58-59, 324, 330
93 Éthylomètre 41, 67-68, 345
CIF 264 Éthylotest 34, 67
Cocaéthylène 190, 305 Éthylsulfate 58-59
Cocaïer 183 Eve 107
Cocaïne 21, 46, 183, 240, 280 Excrétion salivaire 237
Codéine 134, 138, 145, 156, 269
Codéthyline 134
Cohoba 346 F
Concentration salivaire 243 Faux négatif 222
Confirmation 166 Faux positif 227
Contre-expertise 68 Fenêtre de détection 205
Contrôle interne 227 Fentanyl 134, 140, 146, 157
CPG-SM 258, 270 Fluide oral 236
CPG-SM/SM 259 FPIA 160, 215
CPL-SM/SM 262, 270 Free-basing 185
Crack 183 Fumée de cannabis 84
Crystal 106
Cut-offs 222
CYP3A4 144
G
Cytochrome P 450 57 GABA 16
Cytochrome P450 142 Gamma glutamyl transférase 59
GHB 346
D
Datura 346 H
Dépendance 113 Haschich 81
Dépistage 35, 163 Herbe 82
Dépistage salivaire 197, 235, 343 Héroïne 21, 127, 154, 269
Dépistage urinaire 197, 203 Hippocampe 17
Diacétylmorphine 135 HPCPL/SM 292
Diamorphine 132 Huile 82
Dopamine 112, 194 Humeur vitrée 70

348
Index

Hydromorphone 133 Morphine-6-glucuronide 142, 145


m-hydroxybenzoylecgonine 190 Morpholyléthylmorphine 142
p-hydroxybenzoylecgonine 190
m-hydroxycocaïne 190 N
11-hydroxy-tétrahydrocannabinol 85 Neuroleptique 342
Neuromédiation 18
I Neurone cholinergique 15
Iboga 346 Neurone dopaminergique 15
Immunoanalyse 113, 160 Neurone histaminergique 15
Immunochromatographie 208 Neurone sérotonergique 15
Interprétation des résultats 71, 94, 274, Neuropeptide 149
302, 305, 316 Nicotine 21
Noradrénaline 194
K Norbenzoylecgonine 190
Kif 81 Norcocaéthylène 190
KIMS 164, 219 Norcocaïne 189
Noroxycodone 145
Noscapine 134
L
Législation 34, 38, 40, 45, 62 O
Liberté individuelle 343
Love drug 106 Opiacé 127, 241, 269-270
LSD 136, 346 Opioïde 127
Opium 127
Oxycodone 139, 145, 157
M
Oxymorphone 145
Marijuana 81
MBDB 311 P
mCPP 105, 107
MDA 106 Papavérine 134
MDEA 105, 107, 311 Pasta 185
MDMA 46, 106, 311 Phanère 91
Médecin du travail 35 Phencyclidine 21
Médicament 342 Pholcodine 134, 142, 148, 156
Médicament psychoactif 44 Phosphatidyl éthanol 55, 58
Mémoire à court terme 17 Pictogramme 154
Mémoire opérationnelle 19 Poil 323
Mescaline 346 Produit de coupage 135, 187
Mésusage 342
Méthadol 144 R
Méthadone 131, 135, 143, 155, 344 Réactivité croisée 220
Méthamphétamine 105, 311 Récepteur CB1 23-24, 86
Méthylecgonidine 190 Récepteur CB2 86
Méthylecgonine-ester 281 Récepteur morphinique 149
6-monoacétylmorphine 143 Récepteur muscarinique 19
Morphine 46, 127, 138, 144, 156, Résine 82
269 Restitution du permis de conduire 321,
Morphine-3-glucuronide 145 338

349
Drogues et accidentalité

RIA 214 T
ROSITA 206, 245 Tango 141
ROSITA-2 247 Temps de réaction 61
Rush 141 Test immunochimique 206
Test salivaire 45-46, 92, 235, 343
S Test urinaire 45
Salive 90, 118, 159, 161 Tétrahydrocannabinol 22
Salive mixte 236 THC 21-22, 75
Salive primaire 236 Thébaïne 134
Sang 91 Tolérance 28, 196
Schizophrénie 88 Traitement de substitution 131, 167
Sensibilité 220 Tramadol 141, 147, 157
Seuil analytique 47 Tranquillisant 342
Seuil de positivité 207 Transferrine désialylée 59
Seuil légal 42, 343
Simulateur de conduite 84 U
Sinsemilla 79 UPCPL 273
Skunk 81 Urine 90, 160
Sniffage de solvants 346
Space-cake 82
Spécificité 220
V
Spectrométrie de masse 93 Vision 60
Speed 106 Vitré 70
Spice 82
Subutex 344 Y
Sueur 91, 161 Yagé 346

350

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