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C.F.O.A.D. « La Passerelle »
16D473/2
Année 2013/2014
Alex LAURENCE
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Les cours dispensés par le C.F.O.A.D. relèvent du présent article. Ils ne peuvent être ni reproduits ni
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Fascicule 2/3
Envoi 2/3
Master 1 DDL-FLE-SDL
Approche des champs du FLE, FLS, FLM – 16D473
RAPPEL
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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
Fascicule 2/3
SOMMAIRE
Présentation
Du français au FLE, FLS, FLM : a) évolutions dans l’enseignement et le statut de la
langue
b) Débats actuels et perspectives
III. RETOUR REFLEXIF SUR LES EVOLUTIONS EN FLM, FLE… et FLS (à suivre)
3.1. Synthèse de l’évolution d’une revue (Langue française) sur 30 ans
3.2. Une publication qui a fait date : Linguistique et enseignement du français
3.3. Quelques dictionnaires
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PRÉSENTATION
A. Du français au FLE, FLS, FLM : évolutions dans l’enseignement et le
statut de la langue
On a vu dans le fascicule 1 que le statut du français comme langue de la nation et
de la république était né d’un combat, celui d’un dialecte comme la France en
comptait beaucoup alors (il en reste encore une trentaine à l’époque de la révolution
française, selon l’historien Fernand Braudel), contre la langue dominante d’alors,
langue écrite, de prestige, de culture et de pouvoir, le latin. Une langue morte ?
N’oublions pas que ce fut la langue maternelle de Montaigne ; et que jusqu’à la fin du
XIXe siècle les thèses de doctorat dans les universités s’écrivaient en latin.
Dans ce fascicule, nous envisagerons les liens entre FLE, FLS et FLM, d’abord à
partir des situations linguistiques, puis des situations d’apprentissage et
d’enseignement et de leur analyse, cela depuis une quarantaine d’années.
Le partage entre FLE, FLS et FLM date de cette époque et il continue à évoluer.
Auparavant, la question n’était pas posée : le français ne pouvait être que langue
maternelle ou comme une langue maternelle ; et l’idéal de la maîtrise de la langue
(sous entendu : « française ») était celui-là, il fallait s’exprimer (et penser et être ?)
comme un natif. Alors, on peut considérer que les locuteurs natifs restent une
référence quant au français, ses usages, ses règles, mais ceux-ci ne sont plus
uniquement les Français cultivés : aujourd’hui, on accueille les variations à l’oral
comme à l’écrit, et on se fonde davantage sur la francophonie native que sur la
francophonie « hexagonale ». Le cadre européen commun de références pour les
langues a également contribué à détacher chaque langue de la nation ou des nations
qui la portent en installant le primat de l’individu dans un contexte désormais
plurilingue : dans les niveaux avancés (C1 et C2, utilisateurs indépendants) il n’est
très peu fait mention des natifs, et parler comme un locuteur natif n’apparaît plus
comme désirable. Il faut et il suffit qu’on soit capable de se débrouiller dans les
situations et les tâches qui sont les siennes.
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Pour ceux qui ne connaîtraient pas, consulter par exemple la Méthode de G. MAUGER, Langue et
civilisation françaises, éditée et rééditée depuis 1953, plus connue sous le nom de « Mauger bleu »,
car sa couverture est bleue… ce qui donne à penser sur le symbolisme utilisé : le bleu, couleur de la
démocratie, à l’origine couleur de Paris, contre le blanc royaliste et le rouge révolutionnaire. Ajoutons
que le bleu est la couleur la plus employée dans le monde depuis deux cents ans (cf. le jean !) comme
le montre M. PASTOUREAU dans Bleu, histoire d’une couleur.
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refermer sur eux-mêmes selon une logique patrimoniale, sans doute en réaction à la
mondialisation, et au motif de préserver les spécificités de l’éducation et de
l’enseignement vus comme prérogatives régaliennes (pour mémoire : elles font partie
en France du domaine de la loi, selon les articles 34 et 37 de la Constitution
actuellement en vigueur, datant de 1958, et révisée à plusieurs reprises).
On le constate d’une part dans les nouvelles mesures influençant la formation
des migrants depuis 2003 (cf. le point 4.3 de ce fascicule), qui débouchent
actuellement sur des tentatives de créer un corps de formateurs contrôlés par les
ministères gérant l’intégration des migrants, avec l’introduction du FLI (français
langue d’intégration… comme si l’apprentissage de toute langue là où elle se parle et
s’écrit ne servait pas l’intégration), qui suscite de nombreux débats et protestations
du côté des étudiants et enseignants en universités.
On le constate également avec les incertitudes et confusions nées du processus
de Bologne, destiné à créer un espace européen d’enseignement (pour en savoir plus,
voir : http://www.coe.int/t/dg4/highereducation/ehea2010/bolognapedestrians_fr.asp),
et qui se traduisent en particulier par l’élaboration des diplômes de master,
succédant aux diplômes de maîtrise et DEA –DESS. Ces masters sont tous
semestrialisés et leurs matières sont évaluées en crédits ECTS (European Credits
Transfer System), pour permettre la circulation des étudiants dans l’Union
européenne. Mais les défauts de ce système commencent à apparaître, en
particulier dans les domaines qui nous occupent : on évalue sans cesse ; les
diplômes de master sont peu lisibles, et souvent le FLE ou le FLS, ou le FLM sont
perdus dans une masse d’autres objectifs (de linguistique, en particulier), et les
étudiants ou les employeurs potentiels ont bien du mal à discerner la réalité des
formations suivies. D’où le risque d’une implosion des champs FLE-S-M, ou de leur
émiettement. Ceci nous amène directement aux niveaux supra-nationaux.
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En quoi ces situations concernent-elles le FLS ? Bien entendu quand l’une des
langues en cause est le français, et que le français n’est ni langue première, ni
langue étrangère, mais qu’il est utilisé pour les échanges sociaux, et/ou dans la
scolarisation, ou, en général l’enseignement.
On parle de bilinguisme plutôt pour les locuteurs que pour les groupes sociaux ou
les Etats. C’est souvent le cas pour les enfants issus de mariages mixtes ; il y a aussi
tous les cas où la langue première, parlée dans la famille, et avec laquelle l’enfant
s’est approprié le langage, est différente de la langue de scolarisation et d’usages
sociaux ordinaires (ou est complémentaire, cf. ci-dessous, la notion de diglossie).
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Mais le terme s’emploie aussi pour les pays. Voici la définition qu’en donne le
Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (Asdifle-Clé
international, J.-. Cuq dir., 2003) :
« On entend par bilinguisme la coexistence au sein d’une même personne ou société de
deux variétés linguistiques : on préfère parler de « variété », d’une part parce que « langue »
est un concept politique plutôt que linguistique (« un dialecte avec ses propres forces
armées ») et d’autre part parce que le changement linguistique s’opère de façon cumulative
sur les plans géographique, social, fonctionnel et diachronique (« les dégradés dialectaux »),
ce qui rend problématique la délimitation d’une « langue », et a fortiori, de deux. On peut
trouver des situations de bilinguisme où les deux variétés sont considérées comme des
langues indépendantes (souvent parce qu’elles ont été standardisées), où l’une des deux est
« langue », l’autre étant reléguée à une position inférieure (« dialecte », « patois », etc.) et où
ni l’une ni l’autre n’est langue standard. »
Enfin, il faut bien noter que les points de vue peuvent différer : ainsi, un pays peut
s’affirmer monolingue (une langue officielle et / ou nationale affirmée comme unique
et seule valable par les pouvoirs), alors que la population est, de fait, plurilingue, et
même que certaines disciplines du savoir ne sont pas toutes enseignées en langue
nationale. On approche là les effets des politiques linguistiques [cf. ci-dessous en
1.4. pour ce terme], en particulier dans des pays qui ont eu à vivre une colonisation.
Voir aussi :
HAGÈGE, Claude, L’enfant aux deux langues, éditions Odile Jacob, 1997.
BOUTET, Josiane, VERMÈS, Geneviève, France, pays multilingue, éditions
L’Harmattan, Paris, 1993 (et rééditions)
Notons bien qu’il est question ici uniquement des langues – avec, certes, leur
charge culturelle –, une formation aux langues, et pas encore d’éducation ni de
formation avec les langues (cf. présentation, point A.2)
Mais ces situations de bi-pluri-multilinguisme mettent parfois en présence des
langues selon un partage et des statuts différenciés : c’est la diglossie. Voyons cela.
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Et en effet, on s’aperçoit aujourd’hui qu’on ne peut ignorer les conflits ou, plus
fréquemment les représentations différenciées des langues en usage sur le même
territoire et/ou pour un même individu, Par exemple : lorsque j’ai eu à enquêter parmi
des Africains d’Afrique de l’Ouest, ceux-ci, lorsqu’ils devaient citer les langues qu’ils
maîtrisaient citaient (par exemple) le français, l’anglais, l’espagnol, mais pas le
bambara, ou le wolof - aucune langue africaine.
Pourquoi ? Taire ces langues ce peut être pour les protéger, éviter des
questions, ce peut être aussi parce qu’on ne les juge pas vraiment dignes d’être
nommées « langues », car non (ou peu) écrites, donc une représentation
affectivement forte et socialement dévalorisée. Car ces deux représentations
peuvent coexister chez une même personne ou un même groupe.
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du point de vue de l’apprenant, et pas du point de vue de celui qui sait déjà.
Nous allons voir les grandes catégories de situations d’apprentissage : celles liées
au type de public, à l’objet d’étude, à ses objectifs et à l’institution d’accueil ; celles
liées aux déterminants concrets de l’apprentissage (nouvelles technologies et
apprentissage en autonomie, totale ou partielle, enseignement à distance).
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L’objectif général est l’intégration des élèves étrangers dans le système éducatif français.
Les élèves de langue maternelle étrangère nouvellement arrivés en France et n’ayant jamais été
scolarisés reçoivent un enseignement adapté à leurs besoins dans des structures spécifiques.
Les élèves nouvellement arrivés en France et scolarisés antérieurement dans une langue autre que le
français reçoivent un enseignement du français qui s’ajoute aux enseignements dispensés dans les
classes où l’élève est inscrit après évaluation de ses acquis scolaires.
Ces cours regroupent les élèves concernés selon leur niveau de connaissance de la langue française.
Contenus et méthodes s’inspirent des didactiques du français langue maternelle et du français langue
étrangère.
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s’organisent les apprentissages par immersion, si vous allez là-bas, vous aurez
beaucoup à découvrir encore. De même, la Suisse et la Belgique ont des politiques
spécifiques pour les enfants arrivés dans le pays sans maîtrise de la langue de
l’école (ce sont des pays plurilingues, donc là, tout dépend du territoire concerné).
- Université
L’enseignement dans les établissements universitaires est encadré par la loi du
10 août 2007, dite loi Pécresse, qui vient remplacer la loi du 26 janvier 1984 sur les
universités, dite loi Savary. Ces lois sont consultables et téléchargeables sur le site
www.legifrance.gouv.fr, ou sur www.education.fr L’objectif des universités est de
formation initiale et continue, de transmission et d’élaboration de la recherche. Dans
ce cadre, le français (FLM) se retrouve dans plusieurs filières : à titre principal en
Lettres modernes et classiques, en sciences du langage ; à titre dérivé ou opératoire
dans les filières de communication, de formation aux métiers du journalisme… ainsi
qu’en tant que langue de scolarisation dans l’ensemble du dispositif, même si des
filières bilingues sont aujourd’hui encouragées, en partenariat avec des
établissements étrangers.
Le français en tant que langue maternelle est supposé maîtrisé par tous les
étudiants, y compris les étrangers : ceux-ci pour s’inscrire dans une université
française, doivent être titulaires du DALF – diplôme approfondi de langue française,
voir le site www.ciep.fr, ou être à ce niveau, attesté après un examen d’entrée à
l’université. Ce niveau requis est le B2 du Cadre européen commun de référence
(téléchargeable sur le site du Conseil de l’Europe, www.coe.int) ; il fonctionne
comme norme de référence. Cependant des cours de remise à niveau, de soutien ou
des cours à objectif spécifique peuvent être organisés en tant que de besoin pour les
étudiants étrangers des programmes d’échanges internationaux, pour les étudiants
ayant à produire un mémoire, un rapport de stage, une thèse. Cela dit, dans le cadre
des programmes d’échanges européens, les examens de langue française pour
s’inscrire en université française ne sont pas requis (mais le niveau l’est…).
On voit donc que la situation du français dans les universités est très variée. Si
on y ajoute les formations proposées dans les services universitaires de formation
continue, la variété s’accroît encore : elle va de la préparation du DAEU (diplôme
d‘accès aux études universitaires, succédané du baccalauréat, comportant une
option littéraire et une option scientifique) aux diplômes de 3e cycle.
On remarque que la question du partage FLE / FLM / FLS n’est pas posée en
tant que telle, sauf pour les diplômes de formation à ces types d’enseignement : la
langue de référence est supposée être le FLM (ou être parlée selon un niveau
équivalent).
- Des formations initiales à la formation continue
On a vu que la formation continue est une des missions des universités et qu’il
existe pour cela dans chacune d’elle un service commun de la formation continue : là
peuvent se préparer, outre les diplômes de premier, deuxième, troisième cycle
évoqués ci-dessus, des certifications en FLE (type DELF et DALF), et des cours
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explicitement dès le décret du 30 août 1985 (précisant les objectifs à atteindre en fin
de classe de 3e) : le français langue seconde apparaît comme « un des moyens de
faire face au problème de l’hétérogénéité des publics scolaires » et de les « faire
progresser dans l’acquisition de la langue et dans celle des contenus des
programmes des différentes disciplines ».
Il est précisé également dans le même texte, qu’en l’absence de méthodes
spécifiques au FLS, il est recommandé aux enseignants d’utiliser des méthodes de
FLE. Cette orientation est maintenue actuellement, comme vous pourrez le constater
à la lecture, dans les annexes, du document 2 (circulaire de 2002 concernant le
collège).
On voit par là que le statut du français langue seconde est pour une part un statut
de seconde zone, lié à la remédiation, au rattrapage en vue de faire accéder les
élèves concernés aux activités et acquisitions du FLM, qui serait le vrai français, le
bon, le juste.
On voit aussi que ce public concerné par le FLS n’est pas, en soi, un public de
locuteurs non natifs ; il se définit plutôt par ses déficits actuels en matière de langue
française. Les élèves en situation d’échec peuvent être d’origine étrangère (ce qui
n’est pas synonyme de non-nationalité française) et vivre en France depuis
longtemps, mais pas forcément : il y a aussi toute une frange d’élèves en situation
d’échec, de marginalisation, situation en général (mais là encore, pas toujours)
renforcée par le milieu social. On comprend dès lors pourquoi Jean–Marc Defays
(op. c. supra) peut parler à propos du FLS de « français langue étrangère du
pauvre » (p. 32). Il met aussi l’accent sur la grande variété actuelle des situations de
français langue seconde.
La langue seconde
Le français langue seconde est, comme un moyen terme entre le français langue maternelle et le
français langue étrangère, un concept plus récent encore issu de circonstances historiques précises :
l’indépendance des colonies francophones où le français devait rester la langue des élites, malgré la
concurrence des langues nationales et des autres langues internationales, et continuer ainsi à exercer
une certaine influence dans ces pays. Mais français langue seconde a été utilisé depuis lors pour
désigner une multitude d’autres situations, plus variées les unes que les autres, qui n’ont comme point
commun que le fait que le français ne peut y être qualifié ni de langue maternelle, ni de langue
étrangère. Le français langue seconde couvre même maintenant des champs de recherche et
d’enseignement qui relevaient naguère soit du français langue étrangère (par exemple quand il a lieu
en immersion dans un pays francophone) soit du français langue maternelle (par exemple, pour les
personnes illettrées ou peu scolarisées pour qui la langue écrite ou le registre soutenu sont quasiment
des langues étrangères).
A cause de ce succès, dû évidemment à la diversification des conditions d’utilisation et
d’enseignement du français, français langue seconde est un concept fourre-tout qui brouille les
critères au lieu de les clarifier et il est devenu bien difficile d’en donner une définition positive qui
fasse l’unanimité. On peut seulement retenir la caractérisation selon laquelle les apprenants concernés
par le français langue seconde ont été ou sont exposés de manière significative à la langue avant ou
pendant son apprentissage, ce dont l’enseignant doit tenir compte en réactivant l’acquis ou en profitant
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de l’immersion. Les situations peuvent d’ailleurs évoluer très vite, par exemple en Afrique où le
français est passé en une génération d’un statut de langue quasi-maternelle à celui de langue seconde,
puis enfin à celui de langue étrangère, sans que les institutions aient eu le temps de s’adapter. Par
ailleurs, cette nomenclature tripartite est transcendée par d’autres critères qui permettraient d’autres
regroupements, par exemple celui du profil des apprenants (âge, scolarité…), des objectifs de
l’apprentissage (milieu scolaire, formation continue, loisirs…). A ce propos nous noterons qu’en
Belgique, le français langue seconde concerne plutôt le public défavorisé des immigrés déshérités, peu
scolarisés voire analphabètes, et non celui des cadres internationaux ou des étudiants étrangers, de
sorte qu’on l’a parfois appelé le « français langue étrangère du pauvre », car il bénéficie effectivement
de peu de moyens financiers et pédagogiques.
Le français langue étrangère et seconde, éd. Mardaga, Liège, 2003, pp. 31-32
Outre le cas cité ci-dessus, et depuis le début des années soixante dix (circulaire
du 13 janvier 1970, BO n° 5 du 29 janvier 1970), l’Éducation nationale organise
l’accueil et la prise en charge des élèves étrangers nouvellement arrivés en France.
À la même époque, ont été créées des structures d’accueil, de documentation et de
recherche, les CEFISEM (centres d’études, de formation et d’information sur la
scolarisation des enfants de migrants), devenus depuis cinq ans les CASNAV
(centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du
voyage), qui voient étendue aux enfants du voyage leur sphère de compétence.
Le texte actuellement en vigueur sur cet accueil des enfants dans le primaire et le
secondaire est la circulaire du 25 avril 2002, que vous trouverez (pour lecture
attentive) en annexe.
Le français langue seconde est vu là comme « un enseignement intensif du
français pour les élèves arrivés de l’étranger en France en cours de scolarisation » et
le français est entendu, pour ces élèves « comme langue de scolarisation et comme
langue de communication avec leur environnement ». Le fascicule conseillé ci-
dessous, d’où est extraite cette citation, « a pour objectif de tracer les contours de
cette autre pédagogie du français à l’intérieur du collège ».
Lectures conseillées en FLS
Le fascicule intitulé Le français langue seconde, CNDP (centre national de
documentation pédagogique), Paris, 2000, environ 5 euros. Il peut être commandé à
partir du site www.cndp.fr ou www.sceren.fr ou lu dans les CRDP.
In Les cahiers de l’ASDIFLE, 2003, n° 15, « Français et insertion » (actes des 31
et 32e rencontres), vous pouvez lire en particulier les articles de Michèle Verdelhan,
« Du FLE au FLS :et au français langue de scolarisation : des compétences
différentes » (p. 135 à 150) et de Régine Dautry, « Des formations à adapter » sur
les CASNAV (p. 117 à 122). http://asdifle.org
VERDEILHAN, Michelle, Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste,
P.U.F., Paris, 2002.
Il faut signaler aussi comme relevant du FLS l’apport du programme européen
« EVLANG » (éveil aux langues) destiné aux écoles maternelles et primaires dont
nous parlerons plus précisément dans le fascicule suivant : l’objectif est de faire
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prendre conscience aux élèves de la variété des langues employées dans leur pays,
et dans l’espace européen, l’objectif étant, à terme, que tout élève maîtrise trois
langues dont sa langue maternelle. Mais dans la pratique, on constate que, hormis
les régions où existe encore une langue minoritaire, comme l’occitan, le corse, le
breton…, dans la réalité, l’éveil aux langues est souvent un éveil à l’anglais, ce qui
est finalement contraire au but initial d’EVLANG. Cet éveil aux langues a été
popularisé en France notamment par Michel Candelier (voir par exemple :
http://books.google.com.cu/books?id=WaV8o5he5UUC), actuel promoteur du
CARAP, cadre de référence pour les approches plurilingues et pluriculturelles, censé
prolonger et préciser le CECR, cadre européen de référence pour les langues. Voir
par exemple : http://archive.ecml.at/conference/docs/abstract3.pdf
Enfin, en matière de FLS, on se saurait non plus passer sous silence la formation
continue des cadres venus en France en entreprises ou en institutions
internationales : citons par exemple, les cadres étrangers de l’OCDE, de l’ONU, de
l’UNESCO et de l’UE pour les organisations publiques ; et dans les entreprises
privées, l’usine Toyota à Valenciennes. Cette formation continue se fait en cours de
groupe ou en cours individuels de façon alternativement intensive, et extensive, elle
accompagne l’adaptation de la personne à la vie et au travail en France.
Une interrogation demeure, cependant : étant donné que le travail se déroule
autant en anglais qu’en français, on peut se demander là si on ne pourrait parler de
FLE… sauf que l’environnement social, et culturel de la vie quotidienne est irrigué
par le français.
A consulter sur le thème de l’éveil aux langues :
Les deux volumes parus en 2006 au CRDP de Bourgogne, sous la direction de
Michel CANDELIER et Brigitte KERVRAN, Observation réfléchie des langues, avec
des explications et des suggestions pour la classe en primaire (cycle 2, cycle 3).
Et tous les documents placés à l’onglet Language awareness sur le site du
Conseil de l’Europe, www.coe.int
Le français langue seconde a été aussi pratiqué dans les colonies françaises,
comme l’explique le document placé en annexe, un article de Gérard Vigner : étant
donné que la langue française était vue – à juste titre, et comme toute langue
supplémentaire – en tant que de moyen d’autonomie, il était souvent prescrit de
limiter son enseignement. C’est à la lumière de ces constats historiques que peuvent
s’entendre les propos cités ci-dessus de Jean-Marc Dufays sur le FLS, vu souvent,
dit-il, comme « français langue étrangère du pauvre ».
Mais il convient de ne pas être forcément défaitiste car la réflexion sur ces points
continue : voir par exemple dans les publications liées à la revue Le français dans le
monde, la revue Diagonales (par exemple le n° d’août 1997, consacré au FLS),
devenue en 2001 Francophonies du sud, dédiées majoritairement à l’Afrique.
www.fdlm.org (nombreux articles en ligne)
Ce français langue seconde est aujourd’hui enseigné par le biais d’associations ou
d’organismes culturels et d’insertion, ou encore d’organismes liés à l’ANPE (en vue
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marché…). Ces situations dans lesquelles l’objectif est que les apprenants parlent et
comprennent assez vite, font que la littérature, la grammaire, caractéristiques du
FLM, sont alors largement écartées.
Cf. ci-dessous, les analyses sur la revue Langue française, en particulier le n°
29, consacré à la formation des travailleurs migrants.
Il demeure par ailleurs les enseignements et apprentissages traditionnels de
langue et culture françaises, par choix, par goût personnels, dans des cours de
groupe ou des cours particuliers.
Hors de France, le FLE depuis les années soixante dix, s’est étendu. On le
repère au grand nombre d’apprenants, au nombre croissant de méthodes crées et
vendues sur des supports variés, et diversifié en des spécialisations de plus en plus
précises :
- dans l’enseignement primaire et secondaire…
On peut distinguer d’abord les pays qui n’ont pas de tradition francophone et
dans lesquels le français est une langue étrangère et une matière parmi d’autres, par
exemple en Chine, en Russie, en Europe de l’Est, aux Etats-Unis.
Et d’un autre côté, il y a les pays ex-colonies ou ex-protectorats, par exemple, au
Maghreb : tous ces pays pouvaient être reliés à des emplois et des apprentissages
de FLS, mais leur effort, une fois devenus indépendants, a consisté à bien marquer
que le français était une langue étrangère, que ce soit en situation scolaire ou
sociale, alors même qu’il était parlé et compris dans les rues et les bureaux. Citons
ainsi le cas de l’Algérie, qui dès les années soixante, puis soixante dix et quatre-
vingts considérait le français comme « une langue étrangère à vocation scientifique
et technique » tandis que l’arabe était vu et proclamé comme « la langue nationale »
(extraits d’Instructions officielles Éducation nationale de 1985).
- dans des formations intensives ou extensives en Alliance française, Instituts
français ou écoles diverses et formations professionnelles liées à des entreprises
françaises installées à l’étranger (par exemple, Renault en Espagne, à Valladolid et
Madrid), le FLE s’est déployé dans les domaines traditionnels, liés à la culture et aux
loisirs, mais aussi :
. en Français sur objectifs spécifiques (FOS), français des affaires, français du
tourisme, français scientifique et technique, français des relations internationales et
de la diplomatie ;
. en français précoce pour les enfants, depuis 1990 (1ers textes sur
l’apprentissage du français précoce, et début du développement de méthodes et
méthodologies) ;
. en soutien spécifique complémentaires aux cours obligatoires des collèges et
lycées.
On repère aussi le FLE dans les universités étrangères, en enseignement
intensif ou extensif avec des objectifs divers : soutien et amélioration des
compétences, conversation, littérature et culture, français de spécialité (droit,
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Le FLE, lui, se recentrerait sur une culture déclinée désormais de façon plus
large que les Arts et Lettres, une culture ouverte au droit, à l’économie, aux sciences
politiques, aux sciences et techniques en général, cependant que le FLM garde le
cap de ses missions fondamentales de transmission de valeurs, de culture et de bien
dire-lire-écrire.
Mais peut-on tenir cette affirmation, née de constats récurrents et d’observations
croisées, pour juste ? D’autant plus que le FLE, véritablement innovant pendant plus
de trente ans, est actuellement dépecé en sous-groupes variés qui n’ont souvent
comme légitimité que le souci de leurs promoteurs de s’assurer une visibilité : le
FOS, français sur objectifs spécifiques, le FLP, français langue professionnelle, lié à
la formation professionnelle des travailleurs d’origine étrangère, sans compter, peut-
être, le FLI, français langue d’intégration, évoqué en présentation de ce fascicule.
Cela étant dit, examinons maintenant les circonstances concrètes d’un
apprentissage de langue avec la culture qui l’accompagne.
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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
Cependant, les nouveaux outils sont toujours des outils, leur fonction n’est pas
magique, et leur seule possession ne suffit pas à en donner le mode d’emploi et la
maîtrise, lesquels ouvriraient sur une réussite aux multiples visages ; il faut
apprendre à s’en servir. En outre, la maîtrise de l’outil n’est pas la maîtrise de
l’activité qu’il permet. Ainsi, savoir manier souris et clavier d’ordinateur ne conduit
pas d’office à savoir s’orienter dans l’arborescence d’un Cd-Rom, avec les choix
qu’elle suppose. Plus même, le fonctionnement sur le mode essai / erreur mène,
passé le stade de l’exploration (du « surf »), à un enfermement labyrinthique. Et, si
« l’outil n’est réellement que dans le geste qui le rend techniquement efficace »
(André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, tome 2, « La mémoire et les rythmes »,
éditions Albin Michel, Paris, 1964), il faut voir ici que le geste comprend la
manipulation mais aussi les opérations mentales qui la guident. Et l’efficacité
technique est l’efficacité de l’opération visée : quand un apprenant manie un CD-
Rom de langue étrangère, est-ce pour le maniement lui-même, pour le survol du
document hypermédia interactif, ou pour apprendre quelque chose de plus ?
Il est utile de poser la question et de distinguer les différentes activités liées à
l’outil informatique, en particulier pour les enseignants. Chacune doit trouver sa
place dans le temps d’un apprentissage : apprendre à manier l’outil et le support CD-
Rom va permettre ensuite de parcourir le CD-Rom en question pour en comprendre
l’organisation, et enfin de choisir une tâche. Mais il est illusoire et dangereux de
confondre maîtrise de l’outil et capacité à choisir un parcours, une ou des activités
d’apprentissage, après un regard d’ensemble sur le programme proposé. En fait, ce
qui est demandé, à l’apprenant comme à l’enseignant (éventuellement responsable
de centre de ressources multimédia en langues), est très différent des
comportements scolaires et sociaux habituellement attendus. De là les flottements et
incertitudes à partir d’un modèle scolaire traditionnel modelé par l’école, et malgré
les formes différenciées d’enseignement et d’apprentissage introduites massivement
depuis quelques dizaines d’années.
Par ailleurs, « L’outil multimédia découple encore un peu plus apprentissage
d’une langue et institution. Le marché économique prend place à côté de l’institution
ou des institutions de formation, initiale et continue » (colloque université Lille-3 /
CREDIF, 21-23 mars 1996, actes publiés dans les Cahiers de la MSH Lille-3). Or
l’enseignement en présence et en groupe autour d’un maître est depuis plusieurs
siècles la forme canonique de l’enseignement. Cet enseignement est extensif et se
déroule à l’intérieur d’un calendrier marqué de rites plus ou moins liés à la vie
spirituelle et socio-économique ; il s’exerce aussi autour d’exercices et de pratiques
collectives ou individuelles que l’élève, en général, n’a pas choisis.
L’apprentissage avec le multimédia est vu au départ, par les apprenants mais
aussi par les apprentis-professeurs, comme ludique ; mais très vite il révèle ses
zones d’ombre : « cela peut bloquer », et alors à qui s’adresser ? «J’aime pas le prof’
ne sera plus une excuse », « il n’y a plus de prof’ pour nous aiguillonner » ; et
l’apprenant découvre que se confronter à l’auto-contrainte nécessaire est plus
23
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
difficile que supporter la contrainte externe ; enfin, le professeur est bien utile pour
faire durer la motivation, qui, sans lui, s’épuise très vite.
Rappelons que l’enseignement dispensé individuellement, par un précepteur,
était le fait de familles aisées et fait encore partie des choix d’un certain nombre de
familles, mais les pédagogues s’accordent à dire aujourd’hui qu’il méconnaît ou
sous-estime la fonction de socialisation de l’école. Les situations d’apprentissage en
autonomie dans lesquelles intervient l’outil multimédia ont à compter avec cet
aspect-là. Entre ces deux modèles, se trouve aujourd’hui placé celui des centres de
ressources multimédia : l’apprenant potentiel qui fréquente un tel centre a cependant
des demandes et des attentes très variées, depuis la prise en charge totale par un
enseignant, jusqu’à la liberté de choix des objectifs, méthodes, rythmes de travail
dans telle ou telle langue, l’enseignant étant alors un aide à la technique et à la
documentation, un guide, parfois un évaluateur.
24
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
termes de gratification pour les plus « méritants » : cette terminologie est tombée en
désuétude, et on parle plutôt d’apprentissage tout au long de la vie, de seconde
chance, en référence aux travaux anglo-saxons, canadiens et québécois sur le life
long learning, qui sont par exemple repris pour partie dans la revue Travail et Emploi,
dont certains articles sont accessibles sur internet :
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/100_3026.pdf
Cependant, certains des ressorts de la relation pédagogique traditionnelle sont
toujours à l’œuvre, par exemple : la référence au maître, le besoin d’être reconnu et
gratifié, le besoin d’être guidé, rassuré à l’intérieur d’un parcours et d’objectifs
explicités. Sur ces points, le développement de l’enseignement à distance, en
situation professionnelle et/ou universitaire allié aux ressources des nouvelles
technologies (informatique, internet, multimédia) permettent de développer des
apprentissages « sur mesure » (tel et tel module, telle matière en rattrapage) et une
relation plus individualisée aux enseignants.
Il y a donc une infinité de parcours possibles et de profils d‘étudiants. La question
de savoir s’ils relèvent du FLE, du FLS ou du FLM ne peut guère être tranchée
facilement sauf pour les cas « monochromes », ainsi peut-on les désigner faute de
mieux.
25
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
clandestine avec les risques qu’elle comporte. Mais que ces risques soient pris
quand même en dit long sur la situation géopolitique mondiale. L’immigration, les flux
migratoires sont en train de devenir un phénomène planétaire, tout comme la
question des langues pour l’intégration des migrants.
► Ci-dessus : présentation ; et ci-dessous, point 4.3.
Plus récemment, des certifications officielles ont été créées en français langue
26
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
27
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
L’élève, désormais désigné comme apprenant, est déjà au cœur des méthodes
de langues dites communicatives depuis les années quatre-vingts. Il y est saisi en
temps qu’individu, c’est-à-dire distingué de sa culture, dans le même temps qu’est
affirmée l’importance de cette dernière : par exemple, les méthodes 2 font entrer des
patronymes divers, nés hors d’Europe et quelques figures individuelles qui s’y
rattachent, sans aborder leur ancrage géographique et historique, ni les
caractéristiques de telle ou telle culture étrangère. Ce n’est pas là l’objet principal de
la méthode, certes ; mais ces données, ainsi qu’une bibliographie, pourraient être
inclues dans le livre de l’enseignant.
Il apparaît à travers cet exemple combien les méthodes (sur le marché du FLE,
puis du FLS) ont tenté de répondre à tous les besoins et de se conformer à toutes
les évolutions théoriques ; mais si une méthode peut contribuer à la formation de
l’enseignant, l’aider dans la classe, elle ne peut faire fonction d’enseignant, ou, en
auto-formation, de regard enseignant sur l’apprentissage. Robert Galisson le dit en
1995, «à enseignant nouveau, outils nouveaux », au-delà « du manuel » et du « prêt
à enseigner » 3. Cela dit, saisir l’apprenant en tant qu’individu, c’est déjà penser, agir
selon le modèle occidental actuellement dominant, même si cet individu est nommé
Paco et non François, Leïla et non Claire ou Luce.
Dès lors, l’autoformation, censée être facilitée par les nouvelles technologies, et
par l’enseignement à distance, retrouve un statut d’apprentissage actif ou de
participation active de l’apprenant à son apprentissage – ici le pléonasme n’est pas
loin.
Il est question ici de l’apprenant tel qu’il est, a été formé et éduqué, et où il est, fut,
sera, ce qui n’est pas forcément identique : les évolutions, les changements sont
possibles.
Rappel
Le thème de l’autonomie de l’apprenant a été introduit en France par les travaux
du Conseil de l’Europe (Henri Holec, 1980), mais, bien que nuancé par l’apport d’une
réflexion sur les contextes scolaires (Louis Porcher, 1980), il a connu un vrai succès,
dans lequel la terminologie n’est sans doute pas pour rien. Si Louis Porcher
expliquait que « chaque apprenant, quel qu’il soit [c’est l’auteur qui souligne]
entretient un certain rapport actif avec ce qu’il apprend, ou, simplement, avec
l’enseignement qu’il reçoit », et parlait d’ « autonomisation progressive » 4, nombre
de pédagogues s’engouffraient, avec quelques illusions, dans la voie ouverte par
Henri Holec, en renouant avec la pédagogie active telle que préconisée par Freinet
dès les années 1920.
2
Trois exemples : le premier Sans Frontières (Didier, Paris, 1987), Cadences (Hatier / Didier, 1996),
Le nouvel Espaces (Hachette, Paris, 1999).
3
GALISSON, Robert, A enseignant nouveau, outils nouveaux, in « Méthodes et méthodologies », Le
Français dans le monde – Recherches et Applications, n° spécial, janvier 1995. p. 70-78.
4
PORCHER, Louis, Interrogations sur les besoins langagiers en contextes scolaires, Conseil de
l’Europe, Strasbourg, 1980 (citations extraites de la page 7).
HOLEC, Henri, Autonomie et apprentissage des langues étrangères, Conseil de l’Europe,
Strasbourg, 1980.
28
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
La création du terme « illettrisme » date des années soixante dix, elle est le fait de
l’association caritative ATD-Quart monde et du désormais célèbre abbé Pierre, et a
été employée à la place d’analphabétisme jugé trop dévalorisant (« dans
analphabète, il y a ‘bête’ », disait-on alors). En plus, aujourd’hui on considère qu’un
analphabète est quelqu’un qui n’a jamais été scolarisé tandis qu’un illettré a
désappris à lire, ou a appris à lire dans une autre langue que le français.
Depuis lors, et une fois passé le choc du constat de l’existence du phénomène
dans un pays riche, le nôtre, et cela malgré plusieurs générations d’alphabétisation
de la population française depuis les lois Jules Ferry de 1882, son succès est allé
croissant : à partir du début des années quatre-vingts le terme entre dans le
vocabulaire et les préoccupations politiques avec en particulier le rapport au Premier
ministre de Véronique Espérandieu intitulé «Des illettrés en France » (1984). A la
suite de ce rapport, sera créé le GPLI, groupe permanent de lutte contre l’illettrisme.
Aujourd’hui, le GPLI est devenu l’ANLCI, Agence nationale de lutte contre
l’illettrisme, et le terme illettrisme a fait son entrée dans les textes officiels de 2002
sur l’enseignement primaire : celui-ci doit prévenir l’illettrisme et déceler dès les
premières années les enfants susceptibles de se retrouver en échec langagier. Ces
5
BARBOT, M.J., Stratégies des auto-apprenants et Multimédias in Les Cahiers de l’ASDIFLE, n° 9,
1997, page 48.
6
Le terme « compétence » est ici entendu comme « potentialité à (faire, dire, organiser…etc.) »,
Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, éditions Nathan, Paris, 1996, page 182.
29
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
enfants ne sont pas forcément ceux d’origine étrangère. On retrouve donc là une
situation où se nouent, voire s’entrechoquent inextricablement le FLM, le FLE et le
FLS : la lutte contre l’illettrisme, comme le FLS aurait-elle à réparer les insuffisances
de l’enseignement du et en FLM ? Nous aurons à en reparler.
Dès à présent, voici la définition de l’illettrisme donnée par l’ANLCI dans son
Cadre national référence (2003) :
« l’illettrisme qualifie la situation De personnes de plus de 16 ans qui, bien
qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant
sur des situations de leur vie quotidienne, et /ou ne parviennent pas à écrire pour
transmettre des informations simples. » (Cadre national de référence, p. 72).
Pour en savoir plus
www.anlci.gouv.fr ou ANLCI, 1 place de l’École, BP 782, 69348 LYON cedex 07.
LAHIRE, Bernard, L’invention de l’illettrisme, éditions La Découverte, Paris, 1999.
À noter que des méthodes de lecture, d’écriture pour les illettrés ont été conçues et
développées depuis les années quatre vingt ; inspirées du FLE, elles sont en général
publiées chez l’éditeur Retz. Voir aussi la méthode de lecture publiée par l’éditeur
Hachette en partenariat avec la Croix-Rouge.
30
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
La revue Langue française, créée à la fin des années soixante (1969), dans
laquelle ont écrit nombre de linguistes, peut servir, si on la regarde
rétrospectivement, de révélateur aux évolutions qui se sont produites depuis cette
époque. Alors même que son titre, plutôt classique, semblait évoquer une revue de
grammairiens et linguistes centrés sur la langue « pour elle-même et en elle-même »
(Saussure), donc un objet qui s’apparente au FLM, en tout cas pour lequel la
question des locuteurs n’est pas posée, et qui est examinée de l’extérieur, ses
auteurs ont souvent ouvert des voies fructueuses vers le FLE et le FLS, comme on
va le voir à travers quelques exemples scandant les trente cinq années passées.
- Dès les premiers numéros, et après la recension des grands thèmes de la
linguistique (n° 1, la syntaxe, n° 2, le lexique, n° 3 la stylistique, n° 4, la sémantique,
n° 5, linguistique et pédagogie) l’interrogation sur la langue française et ses modes
d’existence différents se fait jour : le n° 6 est centré sur « l’apprentissage du français
langue maternelle » (mai 1970), tandis que le n° 8 se focalise sur « l’apprentissage
du français langue étrangère » (décembre 1970).
- En février 1972, le n° 13 a pour titre « le français à l’école élémentaire ». Émile
Genouvrier s’y interroge sur quelle langue parler à l’école, et quelle(s) norme(s) faire
prévaloir sans pour autant négliger l’usage. Car ce qu’on appelle la norme (y compris
dans la grande enquête socio-linguistique que fut le « français fondamental ») repose
sur « une sur-représentation des catégories sociales considérées traditionnellement
comme détentrices du bon usage » (p. 41). Il conviendrait donc, ajoute-t-il, que « si la
norme contrôle l’usage, celui-ci à son tour contrôle la norme » (p. 45).
Hélène Romian, elle, fait des remarques sur les évolutions pédagogiques
nécessaires dans l’enseignement du français, à centrer non plus seulement sur la
langue mais aussi sur l’enfant : « il semble donc que le rôle de l’école, décisif entre 0
et 7 ans pour l’acquisition des structures verbales et mentales fondamentales, ne le
soit pas moins entre 7 et 11 ans, et d’autant plus décisif que le milieu socio-
économique et socio-culturel de l’enfant est plus pauvre » (p. 133). Elle distingue
pour finir trois types de pédagogie : « une pédagogie I, d’ordre utilitariste, centrée
sur la discipline à enseigner, sur les modèles intellectuels… », « une pédagogie II,
d’ordre pragmatiste, dérivant des besoins naturels de l’enfant, son élan vital, ses
facultés créatrices, sa volonté de puissance sur les choses.. », et « une pédagogie
III, d’ordre scientifique, conçue et construite dans un effort de saisie dialectique des
composantes spécifiques de la culture, des fonctions et des lois de fonctionnement
de la langue, et de l’enfant, ses milieux de vie, les lois de son développement, de sa
formation, de ses apprentissages ». La vie de la classe compose entre ces trois
pédagogies.
- En février 1976, le n° 29 s’intitule « l’apprentissage du français par les
travailleurs immigrés ». On y parle majoritairement d’alphabétisation et pas encore
d’illettrisme ; le socio-linguiste Bernard Gardin, qui dirige ce numéro, écrit qu’il s’agit
de « partir du discours de l’apprenant, qui seul peut définir les contenus, les
31
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
orientations et les finalités – et ce discours est celui d’un adulte » (p. 12). Un autre
auteur, Christine de Heredia, explique qu’il est important de s’intéresser au(x)
rapports aux langues maternelles dans la migration, à la suite des travaux
américains de sociolinguistique (Fishman, par ex.), notamment à partir de deux
concepts-clés : celui de « communauté linguistique » et celui de « fidélité envers sa
langue » (p. 32). Enfin, est abordé le problème des enfants de travailleurs migrants à
l’école française en France (article de Michelle Berthoz-Proux, sur la base des
chiffres fournis par le BELC - centre de documentation pour la formation des
travailleurs migrants), car des classes d’initiation pour enfants étrangers existent déjà
à l’école élémentaire (circulaire du 13 janvier 1970, B0 n° 5 du 29 janvier 1970), mais
elles sont peu nombreuses, et de plus, elles ont tendance à placer les enfants
étrangers à part. Dans la même réflexion, l’auteur remarque que, à l’école, « les
enfants français, théoriquement francophones, issus des catégories socio-culturelles
les moins favorisées, échouent eux aussi dans des proportions considérables ».
Voilà qui annonce le FLS…
- En mai 1982, le n° 54, « langue maternelle et communauté linguistique »,
dirigé par Émile Genouvrier et Nicole Gueunier, définit son approche, selon ces
auteurs, comme structurée autour de l’opposition mais aussi des liens entre « langue
maternelle/langue étrangère » (p.5) après avoir bien noté que le syntagme « langue
maternelle » ne doit pas « être pris au pied de la lettre » (citation du linguiste Otto
Jespersen, 1922). Fragilisation du FLM face à la montée du FLE, peut-être, et
renouvellement des interrogations : « La langue maternelle, part maudite de la
linguistique ? » s’interroge Jean-Didier Urbain (p. 7 à 28).
- Rappelons pour mémoire que c’est l’époque de la signature des décrets
instituant les filières de FLE dans les universités, et que, depuis plusieurs années
déjà sont délivrés des diplômes fléchés FLE, tels que des maîtrises et des DEA de
Lettres ou Sciences du langage –option FLE.
- Émile Genouvrier relate les résultats d’une enquête autour de l’expression
« langue maternelle » chez les Français locuteurs natifs en français : la plupart disent
n’y avoir jamais réfléchi ; ils n’associent ni n’opposent LM à langue nationale ou à
LE ; ils ont une conscience diffuse de son rôle fondateur, mais sont également
sensibles au mal-parler, le leur, souvent. En fait, conclut l’auteur, une langue « n’est
maternelle que par ce qu’elle structure en nous et qui nous échappe constamment »
(p. 67). Façon d’intégrer le culturel et le symbolique dans la langue…
- En mai 1989, le n° 82 titre « vers une didactique du français ? », sous la direction
de Robert Galisson et Eddy Roulet. Franck Marchand (p. 67 à 81) y recherche les
facteurs de différenciation et les possibles proximités entre FLE et FLS : l’état de
l’enseignement du FLM et la situation d’enseignement-apprentissage en FLM sont
vus comme des spécificités, cependant que la constitution de la discipline
« didactique », en FLM comme en FLE, par les problèmes analogues affrontés,
permet des rapprochements.
On a vu plus haut qu’aujourd’hui les différences citées sont beaucoup moins
absolues, qu’entre situations d’enseignement-apprentissage, les frontières sont
32
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
poreuses, et cela se matérialise par l’émergence du FLS. C’est ce que note déjà
Eddy Roulet : « il ne fait aucun doute qu’une observation systématique des pratiques
d’enseignement/apprentissage… dans les classes de langue maternelle et de langue
étrangère, et en particulier dans les situations mixtes dues à la présence d’immigrés,
ne mette en évidence l’importance des transversalités entre DLM et DLE et la
nécessité d’une approche intégrée », approche intégrée défendue aussi par Robert
Galisson.
Christian Puren (p. 8 à 19) éclaire l’histoire de l’enseignement scolaire des
langues vivantes et la naissance d’une didactique, ouvrant par là des possibilités de
comparaison. Dans une perspective historique également, Daniel Coste compare la
DLE depuis le XIXe siècle et la DFLE à partir de 1950 : en FLE se note la présence
d’intérêts économiques, d’une volonté politique, mais aussi la revendication de
scientificité, indispensable pour asseoir le domaine du FLE ; cependant, la
professionnalisation en cours des intervenants en FLE est différente de celle des
enseignants de LE.
Super-synthèse : la revue Langue française, quelle évolution ?
Ainsi, une revue a accompagné, et parfois suscité, anticipé l’émergence et la
constitution du FLE et du FLS et leur positionnement par rapport au FLM, cependant
que les professionnels de ce dernier domaine se voyaient conviés à réinterroger leur
champ propre. Dès 1970, les linguistes et grammairiens se focalisent sur l’apprentissage
du FLM, puis du FLE. De même l’enseignement scolaire est ré-intérrogé, l’accueil des
migrants est abordé et les travaux sociologiques et linguistiques des Américains sont
introduits en France. En 1989, la réflexion autour d’une ou de didactique(s) FLE et FLS
d’une part, FLM d’autre part se déploie largement.
Dans le fascicule 3/3, nous nous intéresserons à d’autres revues, notamment les
Études de Linguistique Appliquée, ainsi que d’autres publications liées au FLM, au
FLE, et aussi au FLS, telles que Le français dans le monde, Diagonales,
Francophonies du sud, Repères, DFLM, etc.
Voyons maintenant, à travers l’exemple d’un ouvrage novateur en son temps, et
loin d’être démodé, les apports et anticipations dont les linguistes ont fait preuve
depuis les années soixante dix.
En outre, ces auteurs posent des problèmes encore actuels de façon concise et
en termes clairs, problèmes tous reliés au partage FLM / FLE / FLS.
Listons ces problèmes :
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35
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Dictionnaire de didactique des langues (Galisson, Coste, dir.), édition Hachette, coll. F, Paris, 1976, et
rééd. 1982 : article « un » (p. 576), article « étrangère » (p. 198), article « seconde » (p. 478)
Un adj num.
Langue 1, 2, 3 : numérotage des langues suivant leur ordre d’apprentissage par un individu ou une
population d’élèves. Ainsi, pour un Finlandais de langue maternelle suédoise, qui apprend
successivement le finnois, langue seconde, l’anglais, 1ère langue étrangère, l’allemand, 2e langue
étrangère et le français, 3e langue étrangère, on dira que le suédois est langue 1 (L1), le finnois L2,
l’anglais L3, l’allemand L4 et le français L5. Du point de vue de l’enseignement, ce simple
numérotage présente l’intérêt de ne pas faire entrer en considération les concepts de langue étrangère
ou de langue seconde, tels qu’ils peuvent être définis par le statut officiel des langues dans le pays de
l’élève.
Seconde, Étrangère, Source
Étrangère adj.
Langue étrangère : malgré la routine, (on ne parlait que de langues vivantes et de langues mortes) et
parfois la tradition colonialiste (la langue du colonisateur n’était pas considérée comme étrangère), la
distinction entre langue maternelle et langue étrangère, indispensable pour évoquer les procédures
spécifiques d’apprentissage, a fini par s’imposer. On admet maintenant que l’apprentissage en milieu
scolaire de toute langue autre que L1 relève de la pédagogie d’une langue non maternelle ou
« étrangère », quel que soit le statut officiel de cette langue dans la communauté où vit l’élève.
Langue, Seconde, Un, Source
Seconde adj.
Langue seconde : expression pédagogiquement non justifiée, mais qui introduit une nuance utile par
rapport à « langue étrangère » pour les pays où le multilinguisme est officiel (Canada, Suisse,
Belgique,…), où dans lesquels une « langue non maternelle » bénéficie d’un statut privilégié (le
français dans les pays d’Afrique francophone).
Langue, Étrangère, Un, Source
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La bifocalisation
Cette notion a été proposée et définie dans le cadre de la communication didactique
exolingue par P. Bangé de la manière suivante : « Focalisation centrale de l’attention
sur l’objet thématique de la communication ; focalisation périphérique sur l’éventuelle
apparition de problèmes dans la réalisation de la coordination des activités de
communication » (1992 : 56).
Cette bifocalisation, toujours d’après P. Bangé se manifeste dans le principe de
compréhension et de production. Dans la CLIN, l’enseignant applique ce principe
sur la base de l’intercompréhension et de la sollicitation des élèves. Un élève se
trouve devant un problème quelconque, son attention se porte sur la nature même
de la communication et simultanément, il centre son attention sur les mots qu’il ne
comprend pas à des degrés divers. L’enseignant met en œuvre différentes stratégies
(didactisation) pour aider l’élève en difficulté. Quand chacun des deux remplit sa
fonction dans la communication, le principe de compréhension et de production
s’installe et le phénomène de bifocalisation est alors déclenché.
Pour ce qui est de la compréhension, elle repose sur l’hypothèse faite par chacun
des participants « (a) que le locuteur respecte le principe de coopération (c’est-à-
dire qu’il fait un énoncé sensé et pertinent dans la situation ; (b) que le locuteur
récepteur suppose que le locuteur respecte le principe de coopération » (op.cit : 57).
En validant ces hypothèses par leur comportement, les deux interactants arriveront à
co- construire un véritable sens. Cela peut influencer, par exemple, le comportement
du locuteur fort 7 (N), qui peut désautomatiser des opérations de décodage, et faire
des inférences sur ce que le locuteur faible (LNN) a voulu décoder / comprendre.
Pour ce qui est de la production, la bifocalisation entraîne une utilisation du registre
du foreigner talk (xénolecte chez le locuteur fort, à partir de ce qu’il croit que le
locuteur faible doit pouvoir décoder. P. Bangé fait remarquer que, dans le registre
particulier, le locuteur fort n’anticipe pas uniquement sur des problèmes de décodage
du locuteur faible, il simplifie également l’emploi des règles d’inférence que le
locuteur faible aura à utiliser pour l’interprétation.
La séquence potentiellement acquisitionnelle (SPA)
Cette notion a été introduite en 1987 par B. Py, M. Matthey et J.-F. de Pietro. La
notion, encore peu stabilisée à l’époque est définie comme un ensemble de tours de
parole avec un début et une fin, au cours duquel il y a une tension acquisitionnelle
chez l’apprenant et une volonté d’aide de l’enseignant.
La notion est reprise par B. Py (1989) qui explique qu’une SPA s’articule sur deux
mouvements complémentaires « un mouvement d’autostructuration, par lequel
l’apprenant enchaîne de son propre chef deux ou plusieurs énoncés, chacun
constituant une étape dans la formulation d’un message et un mouvement
d’hétérostructuration, par lequel le natif intervient dans le déroulement du premier
mouvement de manière à le prolonger ou à le réorienter vers une norme linguistique
qu’il considère comme acceptable » (B. Py, 1990 : 83).
7
P. Bangé utilise les termes de locuteur natif (LN), et de locuteur non natif (LNN). Ici nous utilisons
les termes de locuteur fort pour LN et le locuteur faible pour LNN aux termes de P. Bangé afin d’éviter
de possibles ambiguïtés.
38
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La séquence analytique
Le phénomène de séquence analytique est décrit par U. Dausendschön-Gay et U.
Krafft (1992), comme une méthode qui a pour fonction de gérer un problème
d’intercompréhension dans une situation de communication difficile. C’est un
phénomène imprévisible dans le sens où « l’achèvement interactif, la reformulation
avec des variantes structurelles, le procédé d’explication, ou le schéma de la
réparation interactive […] se construisent dans l’interaction, là où les interactants en
ont besoin » (1992 : 139).
Une séquence analytique est composée de quatre mouvements ; le premier est
appelé « mouvement initial » et peut être une question ou une prise de position. Le
deuxième est appelé « demande de bis 8 », il s’agit d’une demande de répétition de
l’énoncé précédent. Elle peut se traduire par l’incapacité de répondre au mouvement
initial. Le troisième est appelé « bis » et est la reformulation du mouvement initial ; le
quatrième est appelé « réponse ».
C’est à travers le troisième mouvement qu’il y a un travail d’expansion pour créer des
conditions favorables au déclenchement du quatrième mouvement. U.
8
Bis est la traduction française de « return » qui indique une deuxième version du mouvement initial.
39
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La double énonciation
A. Trévise (1979) a caractérisé la spécificité de l’énonciation didactique à l’aide de la
notion de double énonciation. Dans la communication en classe de langue, il existe
une complexité énonciative que l’on retrouve dans les échanges entre l’enseignant et
l’apprenant. L’énonciation didactique est dédoublée, L. Gajo et L. Mondada (2000)
expliquent ce dédoublement en terme de « double réseau énonciatif » (cité in M.
Gambra Giné, 2003 : 94) : le réseau linguistique et le réseau métalinguistique. La
double énonciation s’inscrit dans ces deux réseaux : une énonciation qui se réfère
aux rôles propres de la tâche, et une autre qui renvoie au pôle enseignant - élève.
Pour A. Trévise, la présence de deux énonciations se résume comme suit :
« l’assertion doit passer par un énonciateur différent, simulateur du sujet énonciateur
véritable, et même lorsque l’on évite le jeu de rôles, et que l’on demande à l’étudiant
de raconter quelque chose à partir de son moi, ici maintenant propre, il n’en reste
pas moins que les caractéristiques du sujet énonciateur premier, véritable, en classe,
parlant ou écrivant à un enseignant, même si elles sont implicites, demeurent
derrière le sujet, qui fait comme si la situation était réelle» (1979 : 45).
Il y a donc deux dimensions dans cette double énonciation. La première englobe
l’enseignant ou l’apprenant, comme le vrai énonciateur, et la deuxième englobe
quelqu’un d’imaginé ou simulé, comme un deuxième énonciateur fictif.
La polyphonie
Cette notion appartient fondamentalement à un champ de recherche bien précis qui
est la linguistique textuelle. Elle a été développée par M. Bakhtine. Celui-ci a
constaté que dans une œuvre littéraire il existe le caractère inachevable du dialogue
polyphonique : « tout grand écrivain participe à un tel dialogue ; il y participe par son
œuvre comme l’une des parties de ce dialogue ; eux-mêmes ne créent pas de
romans polyphoniques. Leurs répliques dans ce dialogue ont une forme
monologique, chacun d’eux a son monde à lui, les autres participants du dialogue,
avec leur monde à eux, restent hors de l’œuvre. Chacun se produit avec son monde
personnel et avec son mot personnel direct. Mais le prosateur, et tout
particulièrement, le romancier, se heurte au problème du mot personnel. Ce mot ne
saurait être simplement son mot à lui (venant du je) » (1979 : 372-373).
Dans le cadre de ce module, ce sont les apports de F. Cicurel qui retiennent notre
attention. Elle définit la polyphonie en classe de la manière suivante « la position
d’altérité ne s’établit pas seulement selon la fonction professeur ou apprenant, il y a
aussi un autre imaginaire, constitué par le locuteur natif potentiel dont on veut
s’approprier le parler qui « intervient » dans les discours de la classe sous la forme
d’énoncés entendus, répétés, commentés, simulés, s’insérant dans les discours des
interactants, et leur donnant une dimension polyphonique » (1993 : 93).
40
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
D’après F. Cicurel, « l’autre », pour l’enseignant, ce sont les apprenants. Mais cette
représentation se révèle fausse quand l’interaction se met en place car lorsqu’il
s’adresse à tous les apprenants, il attend une réponse de l’un d’entre eux.
Pour les apprenants, chaque apprenant est un « autre » avec qui il co-apprend.
Cette dimension psychologique et fictionnelle, à savoir que dans le discours
didactique, il y a un passage d’une identité réelle à une identité imaginaire, poussera
l’élève à comprendre, que dans une classe de langue il est à la fois le « même » et «
l’autre ».
« Le dynamisme énonciatif provient précisément de cette habileté à conduire un
discours par rapport à la place énonciative que l’autre tient et par rapport au statut-
métalinguistique, fictionnel, prescriptif-des énoncés » (F. Cicurel, 1996 : 91).
Dans la communication didactique l’élève peut être l’autre lorsqu’il s’agit d’une mise
en situation fictionnelle créée par l’enseignant, mais l’élève reste le même lorsqu’il
s’agit de sa propre identité. En d’autres mots, l’élève peut camper plusieurs rôles de
par les énoncés de l’enseignant et de par ses propres énoncés dans l’interaction.
La décontextualisation/ recontextualisation
Les notions de décontextualisation et de recontextualisation développées par L. Gajo
(1996) sont liées aux notions de polyphonie, de bifocalisation et de double
énonciation.
La décontextualisation est l’opération qui mène l’apprenant au niveau
métalinguistique du discours scolaire. C’est le fait de créer un nouveau contexte
dans l’énonciation avec d’autres unités de langue. Il faut entendre « contextes » ici
en tant que contextes énonciatifs.
Quant à la recontextualisation, c’est l’emploi d’une unité dans un nouveau contexte.
En situation de classe la recontextualisation est très délicate parce que l’élève peut
être soumis à l’évaluation de l’enseignant, et cette évaluation peut privilégier la
recontextualisation d’autres unités de langue. (L. Gajo, 1996)
L’input intelligible
Beaucoup de chercheurs ont travaillé sur les notions de « input » et « output », tels
E. Hatch en 1978, R. Ellis en 1994, C. Gallaway et B.J Richard en 1994. Tous ces
travaux avancent l’idée que l’input fourni au locuteur faible lors d’un échange
communicatif, doit être intelligible. Nous passerons sur les problèmes de
terminologie que relève S. Gass en 1988, en parlant de « comprehended input »,
plutôt que de « comprehensible input », pour nous intéresser à la suggestion de S.
Smith (1986) (cité dans R. Ellis, 1994), à propos de l’input intelligible. Il y voit une
double pertinence :
« - l’input peut aider l’apprenant à interpréter le sens (donc à comprendre)
- l’input peut aider l’apprenant à progresser dans son interlangue (donc à acquérir) »
(cité dans L. Gajo et L. Mondada, 2000 : 132).
Cette double pertinence est importante à nos yeux, car dans le cadre de
l’enseignement / apprentissage, l’enseignant est constamment en train de rendre
l’input intelligible pour, entre autres, les deux raisons citées ci-dessus.
L’output intelligible
Tout comme l’input doit être intelligible, l’output doit l’être aussi, selon l’hypothèse
développée par M. Swain (1985). Il est, pour l’enseignant, un moyen de donner un
feedback ou un retour à l’élève, (ou une évaluation dans notre modèle, cf. 3.4.2). Le
41
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
plus important dans l’output intelligible, c’est que l’élève reproduise quelque chose
qui montre qu’il s’est approprié « l’objet d’acquisition pour le réutiliser, le
transformer, le bricoler dans d’autres co-textes (environnement discursifs,
syntaxiques par exemple et dans d’autres contextes » (L. Gajo et L. Mondada,
2000 : 170).
C’est l’enseignant qui doit mettre en place les conditions nécessaires pour que
l’output soit bien co-textualisé et contextualisé. Il peut y avoir des contraintes pour
les élèves de co-textualiser et contexualiser l’output. Nous en relèverons deux : les
contraintes syntaxiques et les contraintes d’emploi (conditions d’emploi). Dans ce
sens, ce qui va attester qu’il y a eu appropriation/ acquisition ou pas, c’est le fait de
réutiliser les objets acquis à bon escient, c’est-à-dire de pouvoir les ajuster aux
différents contextes.
En passant en revue chaque phénomène interactionnel potentiellement présent dans
la communication didactique, nous avons essayé de mettre en avant les différentes
situations interactives, qui engagent l’apprenant et l’enseignant dans l’échange
verbal. Ces phénomènes dotés d’un caractère discursif encadrent les activités
métalinguistiques de l’enseignant et de l’apprenant dans la perspective d’une
acquisition / appropriation d’une L2. A notre avis, ces phénomènes donnent la
mesure de la particularité de la communication didactique.
Cet ensemble de phénomènes interactionnels relève du traitement de la langue en
termes de lexique et de syntaxe entre l’enseignant et les élèves. Nous dirons
volontiers que si ces activités ne se produisent pas en CLIN, cette classe perd tout
son sens aux yeux du ministère de l’Éducation nationale qu’il est demandé aux
enseignants qui sont chargés de cours dans ces classes de s’inspirer de ce qui se
passe en maternelle pour arriver à atteindre les objectifs d’apprentissage. A leurs
collègues de l’école maternelle, on rappelle que « dans toutes les circonstances,
l’enseignante ou l’enseignant veille à ce que ses propos soient explicites et
compréhensibles afin de rendre efficaces les efforts des enfants qui doivent
distinguer parmi ses mots ceux qui sont utiles. Il attire l’attention des élèves sur des
formes particulières, en mettant en évidence la justesse des mots et des tournures,
en reformulant des phrases malhabiles avec une insistance marquée sur les
variations introduites ou quelques expansions des propos émis, en sollicitant avec
tact une correction. Il est vigilant sur la qualité de la prononciation, l’enrichissement
lexical, la complexité et la pertinence des constructions. C’est dans le cadre d’un
travail plus large sur le langage et son adaptation aux situations de communication
qu’il peut intégrer un travail sur la langue et sa syntaxe » (B.O HS, 1998 : 5).
Cet extrait du texte officiel explique exactement ce qui se passe lors des
phénomènes interactionnels en situation de communication didactique. Il est clair et
net que les interactions qui ont lieu en CLIN ont un seul but : travailler la langue pour
se l’approprier le plus vite possible.
42
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
énoncés à forte densité informative dont le taux de redondance est faible (V. Spaëth,
2008). Dans cet espace, il se peut fort bien que les ENAF s’approprient la L2 parce
qu’ils sont en immersion totale, mais les interactions seront plus caractéristiques des
discours disciplinaires que des discours métalinguistiques. On est plus dans un type
d’interaction où l’enseignant amène les élèves à construire un concept en L2. G.
Vigner, 1990, a caractérisé, ce que lui, il appelle le discours scientifique 9, de la
manière suivante : « le discours scientifique se caractérise donc par l’utilisation d’un
langage objectivé (il ne s’agit pas comme en littérature de désigner des sensations
liées au vécu propre d’un individu, mais des objets identiquement structurés et
organisés), en relation à une activité de conceptualisation, ce qui explique sa très
forte densité » (1990 : 26-27), mais il précise que ce type de discours a un double
rôle, il est à la fois représentationnel et communicationnel : l’élève doit construire un
objet scientifique mais il doit aussi communiquer avec autrui. Il y a donc deux visées
dans ce type de communication : Pour les ENAF, dans un premier temps, il s’agit de
s’approprier les concepts de la discipline en question et, dans un second temps,
s’approprier une sorte de « grammaire disciplinaire » ce qui leur permettra de
raisonner en utilisant ce langage spécifique avec l’enseignant et leurs pairs. Il est
bien entendu que ces élèves doivent construire progressivement des représentations
d’objets au lieu de travailler sur la langue. C’est dans cette vision que les échanges
dans les classes ordinaires peuvent prendre une dimension méta-disciplinaire mais
les ENAF ont besoin de maîtriser la langue pour construire un objet scientifique /
disciplinaire. A. Vérin (2003) n’a pas oublié d’évoquer cet aspect dans son article sur
les apprentissages disciplinaires. Elle souligne que la maîtrise de la langue ne
renvoie pas uniquement à la maîtrise des formes linguistiques mais c’est aussi une
question de combiner ces dernières avec la maîtrise du discours scientifique.
Nous n’analyserons et ne porterons pas de jugement sur l’efficacité d’une
transversalité disciplinaire venant de la CLIN vers les classes ordinaires mais la
logique des choses appelle une remarque générale : dans les interactions
disciplinaires, il est visible que l’on demande aux élèves à la fois de s’appuyer sur les
formes linguistiques acquises en CLIN pour s’approprier des connaissances
disciplinaires en L2 et de les dépasser. Chose qui nous paraît difficile pour eux s’il
n’y a pas d’interaction au niveau de la pédagogie et de la didactique entre les deux
classes.
Que le contexte varie ou pas, la communication didactique en CLIN ou en classe
ordinaire laisse très peu de place à une communication « ordinaire 10 ». Comme je l’ai
déjà pointé plus haut au cours du chapitre « espaces d’appropriation », lorsqu’il y a
des tentatives de communication « ordinaire », elles sont considérées comme des
moments de dispersion par l’enseignant. Dans tous les cas, il faut se rendre à
l’évidence que la finalité qui est visée dans la communication didactique est celle
d’appropriation : s’approprier la L2 et s’approprier les connaissances disciplinaires en
L2.
D’un point de vue interactionnel, la relation qui existe dans l’interaction entre
professeur et élèves est inégalitaire. Par son statut institutionnel l’enseignant occupe
9
Nous utilisons le terme discours disciplinaire à celui de discours scientifique pour la simple et bonne
raison que ce lexique renvoie mieux à l’image scolaire.
10
Nous avons choisi d’employer le terme « ordinaire » à celui de « naturel » pour parler de la
communication non didactique parce que, selon moi, les échanges en classe sont naturels dans la
mesure où les élèves produisent un discours qui est compatible à un schéma interactif spécifique.
Autrement dit, c’est un discours attendu qui rentre dans ce cadre interactif-là. Par contre, il n’est pas
ordinaire dans le sens où il n’est pas conforme à la normalité d’une communication réelle.
43
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
SYNTHESE INTERMEDIAIRE :
LECTURE DES DOCUMENTS EN ANNEXE ET PERSPECTIVES
Nous n’avons, bien sûr, pas fini le panorama des évolutions, des convergences et
divergences entre FLE, FLM et FLS. Dès à présent, comparez les documents 5, 6 et
7, extraits de l’ouvrage Didactique du français : état d’une discipline (J. L. Chiss, J.
David, Y. Reuter, éditions Nathan) : ils présentent les modèles FLE de Robert
Galisson et de Michel Dabène (années 70 à 90) d’une part, un modèle FLM d’Hélène
Romian (FLM, années 70), d’autre part), un modèle FLM influencé par la psychologie
des apprentissages. Cela constitue une propédeutique aux approches des concepts
et notions des différents champs FLE, FLS, FLM dans le prochain fascicule.
Dans ce prochain fascicule, nous continuerons notre lecture sélective des revues
du champ FLE, FLM et FLS, en relation avec les publications récentes. Nous
reviendrons aussi sur les activités en FLE, FLM, FLS, en France et dans les pays
francophones. Nous verrons l’évolution de quelques concepts et quelques exemples
de méthodes FLS, le FLE leur servant de base, en lien avec le FLM.
11
L’auteur introduit ce terme pour désigner le jeu de rapport de place dans les interactions.
44
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
ORGANISATION
DE LA SCOLARITÉ
DES ÉLÈVES NOUVELLEMENT ARRIVÉS EN FRANCE
SANS MAÎTRISE SUFFISANTE DE LA LANGUE FRANÇAISE OU
DES APPRENTISSAGES
C. n° 2002-100 du 25-4-2002
NOR : MENE0201119C
RLR : 515-0
MEN - DESCO
Texte adressé aux rectrices et aux recteurs d’académie; aux inspectrices et aux inspecteurs d’académie, directrices et
directeurs des services départementaux de l’éducation nationale
L’école est un lieu déterminant pour l’intégration sociale, culturelle et à terme
professionnelle des enfants et des adolescents nouvellement arrivés en France. Leur
réussite scolaire liée à la maîtrise de la langue française est un facteur essentiel de cette
intégration; en assurer les meilleures conditions est un devoir de la République et de son
école. Au delà des enseignants qui dispensent dans les classes d’accueil, les premiers
enseignements nécessaires à cette intégration, la scolarisation des nouveaux arrivants
concerne l’ensemble des équipes éducatives.
Dès les années soixante-dix, des mesures ont été prises, pour accueillir et scolariser ces
élèves. Elles se sont traduites par la création de structures d’accueil à l’école, au collège et
dans les lycées d’enseignement général ou technologique et les lycées professionnels. Ces
structures scolarisent de façon temporaire les seuls élèves nouvellement arrivés en France
pour lesquels la maîtrise insuffisante de la langue française ou des apprentissages scolaires
ne permet pas de tirer profit immédiatement de tous les enseignements des classes du
cursus ordinaire.
Ces dernières années, des données nouvelles (arrivées plus nombreuses de jeunes souvent
plus âgés que par le passé, et peu ou pas scolarisés antérieurement) ont nécessité de
renforcer les moyens liés à la scolarisation ainsi que les actions d’intégration qui
accompagnent et facilitent celle-ci.
La présente circulaire a pour objet de réaffirmer les principes mis en œuvre par l’école et de
répondre aux nouveaux besoins et aux nécessaires évolutions du dispositif d’accueil et de
scolarisation.
Elle complète la circulaire n° 2002-063 du 20 mars 2002 qui précise les modalités de
l’inscription et de la scolarisation des élèves de nationalité étrangère. Elle se substitue aux
deux circulaires de 1986 : la circulaire n° 86-120 sur l’accueil et l’intégration des élèves
étrangers dans les écoles, collèges et lycées d’une part, la circulaire n° 86-119 sur
l’apprentissage du français pour les enfants étrangers nouvellement arrivés en France
d’autre part.
1 - ACCUEIL
L’obligation d’accueil dans les établissements scolaires s’applique de la même façon pour
les élèves nouvellement arrivés en France et pour les autres élèves. Elle relève du droit
commun et de l’obligation scolaire. Les modalités d’inscription et de scolarisation pour les
élèves de nationalité étrangère sont fixées par la circulaire n° 2002-063 du 20 mars 2002.
Il convient ici de préciser ce qui pour les élèves nouvellement arrivés en France et leur
famille peut faire l’objet d’un accueil spécifique dans l’objectif d’aider à leur rapide intégration
dans un cursus de réussite comportant une véritable qualification professionnelle.
1.1 Accueil des élèves
Dans chaque académie, une circulaire et des instructions départementales préciseront à
chaque rentrée les modalités d’intervention concertée des différents acteurs des dispositifs
d’accueil et de scolarisation.
Là où l’éducation nationale met en place des cellules d’accueil, l’ensemble du système
45
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
éducatif doit pouvoir contribuer à leur fonctionnement : personnels des écoles, des
établissements secondaires, des inspections académiques, des équipes de circonscriptions,
des centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du
voyage - CASNAV (voir circulaire n° 2002-102 du 25 avril 2002, page 21) ou des centres
d’information et d’orientation (CIO).
Dans les écoles, collèges ou lycées, l’accueil des nouveaux arrivants requiert une attention
particulière. Il convient notamment de faciliter la connaissance, pour ces élèves et leur
famille, des règles de fonctionnement de l’établissement scolaire dans lequel ils sont
affectés. On sera particulièrement vigilant, dans les premiers jours, à bien clarifier ce qui
concerne les horaires, la demi-pension, les possibilités d’accès à différents services et les
fonctions des différents professionnels de l’école ou de l’établissement.
Des documents de présentation de l’établissement en langue première, accompagnés de
leur traduction en français, peuvent être bienvenus.
On pourra également utiliser les documents vidéos de l’office national d’information sur les
enseignements et les professions (ONISEP).
46
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
réponses pédagogiques les mieux adaptées au profil de chacun d’entre eux. Une certaine
souplesse s’impose en matière d’appréciation des années de retard, en regard des
compétences mises en jeu et des efforts consentis. Un retard d’un an, voire de deux ans,
chez certains élèves ne constitue pas un obstacle dans un cursus de scolarisation longue.
Dans le premier degré
À l’école élémentaire, c’est dans le cadre du cycle correspondant à la classe d’âge de
l’écolier arrivant que cette évaluation doit être menée, avec le concours du maître de la
classe d’initiation, s’il y en une dans le groupe scolaire, l’aide du CASNAV et, si besoin, celle
du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Dans le second degré
En fonction du nombre d’élèves à accueillir dans un même espace en général urbanisé, les
centres de formation et d’information seront mobilisés, soit de manière déconcentrée, soit au
sein de cellules d’accueil qui peuvent être mises en place dans les inspections académiques.
Les CASNAV doivent apporter leur contribution active à ces cellules d’accueil tant par leur
présence effective que comme centres de ressources susceptibles de mettre à disposition
des outils d’évaluation adaptés. Pour les élèves de plus de 16 ans, les cellules d’accueil
peuvent en outre faire appel aux coordonnateurs des missions générales d’insertion.
L’équipe chargée de cette évaluation devra transmettre les résultats aux enseignants qui
auront à les accueillir. L’affectation devra tenir compte, d’une part, du profil scolaire de
l’élève établi par les évaluations et, d’autre part, des possibilités d’accueil adaptées, à une
distance raisonnable du domicile. Le délai entre la date d’inscription de l’élève auprès des
services de l’Éducation nationale et son affectation effective dans un établissement ne doit
pas excéder un mois.
2.2 L’affectation des élèves et le fonctionnement des classes spécifiques
Dans le premier degré
Les élèves nouvellement arrivés sont inscrits obligatoirement dans les classes ordinaires de
l’école maternelle ou élémentaire. Les élèves du CP au CM2 sont regroupés en classe
d’initiation (CLIN) pour un enseignement de français langue seconde, quotidiennement et
pour un temps variable (et révisable dans la durée) en fonction de leurs besoins. L’objectif
est qu’ils puissent au plus vite suivre l’intégralité des enseignements dans une classe du
cursus ordinaire. Pour des élèves peu ou non scolarisés antérieurement et arrivant à l’âge
d’intégrer le cycle III, un maintien plus long en classe d’initiation, allant jusqu’à une année
supplémentaire, peut cependant être envisagé; un suivi durable et personnalisé s’impose si
l’on veut éviter un désinvestissement progressif de ces élèves dans les apprentissages.
En fin de séjour en classe d’initiation, les acquisitions des élèves doivent être évaluées par
l’équipe enseignante. Ces évaluations aident à préciser les champs de compétences les
mieux maîtrisés et ceux pour lesquels un suivi et un soutien spécifiques sont encore
nécessaires.
Les modalités d’accueil et de suivi de ces élèves doivent figurer dans le projet d’école.
S’il est justifié que l’enseignant de CLIN n’ait pas plus de 15 élèves en même temps dans la
classe, il est également clair que, sur une année scolaire, le nombre d’écoliers qui
bénéficient de l’enseignement donné en CLIN peut être supérieur; en effet, le temps de
scolarisation en classe ordinaire doit constituer une part importante du temps passé par ces
élèves à l’école et, progressivement, la part la plus importante jusqu’à devenir exclusive.
L’enseignant de CLIN peut en outre reprendre pour des aides ponctuelles des élèves qui
avaient précédemment bénéficié d’un enseignement d’initiation et qui ont besoin d’une aide
complémentaire à celle apportée dans la classe ordinaire. Les effectifs de ces cours ne
figurent pas spécifiquement dans les différents états de recouvrement des effectifs scolaires
puisque l’inscription “administrative” est opérée dans la classe du cursus ordinaire.
En milieu urbain peu dense ou milieu rural, l’enseignant d’initiation ne saurait être implanté
dans un seul groupe scolaire. Les inspecteurs d’académie estimeront, en fonction d’une
analyse des besoins, la meilleure manière d’apporter un soutien linguistique aux élèves
nouvellement arrivés, en faible nombre et scolarisés dans plusieurs écoles. Ils préciseront
dans une lettre de mission adressée aux enseignants de CLIN leur champ d’intervention.
Dans le second degré
Il convient de distinguer deux types de classes d’accueil en fonction des niveaux scolaires
des élèves nouvellement arrivés. Certains n’ont pas été scolarisés dans le pays d’origine.
Pour ceux-là, on distinguera dans un périmètre urbain défini, chaque fois que les effectifs
concernés le justifieront, les classes d’accueil pour élèves non scolarisés antérieurement
(CLA-NSA) des classes d’accueil ordinaires (CLA). C’est sur la base de l’évaluation
effectuée à l’arrivée de l’élève que son affectation sera décidée.
L’implantation de ces classes doit répondre aux besoins constatés; on évitera d’implanter
deux ou plusieurs classes d’accueil dans le même établissement. On fera également en
47
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
sorte que des classes d’accueil ne soient pas systématiquement ouvertes dans les réseaux
d’éducation prioritaire.
Les classes d’accueil pour élèves non scolarisés antérieurement (CLA-NSA) permettent aux
élèves très peu ou pas du tout scolarisés avant leur arrivée en France et ayant l’âge de
fréquenter le collège d’apprendre le français et d’acquérir les connaissances de base
correspondant au cycle III de l’école élémentaire.
Quand cela est possible, on regroupera ces élèves auprès d’un enseignant qui les aidera
dans un premier temps à acquérir la maîtrise du français dans ses usages fondamentaux.
Dans un second temps, on se consacrera à l’enseignement des bases de l’écrit, en lecture et
en écriture.
L’effectif de ces classes ne doit pas dépasser quinze élèves, sauf cas exceptionnel.
Il convient néanmoins d’intégrer ces élèves dans les classes ordinaires lors des cours où la
maîtrise du français écrit n’est pas fondamentale (EPS, musique, arts plastiques...), et cela
pour favoriser plus concrètement leur intégration dans l’établissement scolaire. Ils doivent
également pouvoir participer, avec leurs camarades, à toutes les activités scolaires.
Les nouveaux arrivants âgés de plus de 16 ans, ne relevant donc pas de l’obligation scolaire,
peuvent néanmoins être accueillis dans le cadre de la mission générale d’insertion de
l’éducation nationale (MGIEN) qui travaille à la qualification et la préparation à l’insertion
professionnelle et sociale des élèves de plus de 16 ans. Ainsi des cycles d’insertion
préprofessionnels spécialisés en français langue étrangère et en alphabétisation (CIPPA
FLE-ALPHA) peuvent être mis en place pour les jeunes peu ou pas scolarisés dans leur
pays d’origine.
Enfin, on veillera à ce que soit mis en place un projet professionnel individualisé qui permette
à chaque jeune d’accéder, par la découverte des filières professionnelles existantes à une
formation répondant à ses aspirations personnelles et à ses capacités du moment.
Les classes d’accueil pour élèves normalement scolarisés antérieurement (CLA) dispensent
un enseignement adapté au niveau des élèves en fonction des évaluations menées à
l’arrivée des élèves.
On veillera à ce qu’ils soient inscrits dans les classes ordinaires correspondant à leur niveau
scolaire sans dépasser un écart d’âge de plus de deux ans avec l’âge de référence
correspondant à ces classes; ils doivent bénéficier d’emblée d’une part importante de
l’enseignement proposé en classe ordinaire, a fortiori dans les disciplines où leurs
compétences sont avérées (langue vivante, mathématiques…).
Un emploi du temps individualisé doit leur permettre de suivre, le plus souvent possible,
l’enseignement proposé en classe ordinaire. Au total, l’horaire scolaire doit être identique à
celui des autres élèves inscrits dans les mêmes niveaux.
L’effectif des classes d’accueil doit être comparable à celui des classes du cursus ordinaire
de l’établissement dans lequel elles sont implantées; toutefois leur fonctionnement souple en
structure ouverte doit permettre aux enseignants de n’avoir pas plus de 15 élèves en charge
à la fois.
Les liaisons entre collèges et lycées ou lycées professionnels doivent être encouragées par
la mise en réseau des établissements du second degré recevant ces jeunes.
Les lycées professionnels doivent mettre en place des dispositifs afin de répondre aux
besoins particuliers des élèves nouveaux arrivants qu’ils scolarisent, leur permettre
l’acquisition rapide de la langue française et garantir à chacun d’entre eux une scolarisation
réussie menant à un diplôme qualifiant.
Les projets des classes d’accueil sont partie prenante du projet d’établissement qui définit
par ailleurs les conditions d’intégration des nouveaux arrivants dans les classes ordinaires.
Dans le cas où la dispersion des élèves ne permet pas leur regroupement en classe
d’accueil, des enseignements spécifiques de français sont mis en place, prenant appui sur
les acquisitions des élèves et les contenus de formation dispensés antérieurement. Des
groupes de soutien pourront ainsi être constitués, sur le modèle de ce qui est prévu pour la
constitution de groupes de remédiation pour les élèves en difficulté scolaire. En règle
générale, les dispositifs qui concilient un accompagnement linguistique adapté et l’intégration
optimale des élèves dans les classes ordinaire sont à encourager.
L’enseignement en classe d’initiation et en classe d’accueil
L’objectif essentiel est la maîtrise du français envisagé comme langue de scolarisation. À ce
titre, les finalités ordinairement retenues dans les démarches d’apprentissage du français
langue étrangère ne sont pas forcément celles qui doivent l’être ici, même si un certain
nombre de techniques d’apprentissage peuvent être utilement transposées. Pour cela on
adoptera l’approche développée dans la méthodologie du français langue seconde (voir la
brochure Le français langue seconde, DESCO/CNDP).
L’enseignement du français comme langue de scolarisation ne saurait être réalisé par le seul
maître de la classe d’initiation ou par le seul professeur de français de la classe d’accueil :
c’est la responsabilité de toute l’équipe enseignante. Aussi il est recommandé que le
programme de travail de la classe d’initiation et de la classe d’accueil ne comprenne pas
moins de douze heures de français, mais aussi des heures spécifiques dans les principales
disciplines, afin de permettre aux élèves de s’approprier le langage des consignes scolaires
relatives à chacune des disciplines, langage qui ne saurait être enseigné indépendamment
d’une pratique de la discipline elle même.
48
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
On veillera à dispenser aux élèves concernés, dès leur arrivée, un enseignement en langue
vivante étrangère pour leur permettre de poursuivre une scolarité conforme à leurs aptitudes
et à leurs acquis. On encouragera pour ces élèves la poursuite de l’étude de leur première
langue de scolarisation comme langue vivante I ou II en classe ordinaire, ou dans le cadre
des enseignements des langues et cultures d‘origine. Dans le second degré, tout élève peut
bénéficier d’une inscription au centre national d’enseignement à distance (CNED) prise en
charge par l’établissement, si cette langue n’est pas enseignée dans l’établissement ou dans
un établissement voisin.
Les bulletins et les livrets de compétences adressés aux élèves et aux familles seront ceux
en usage dans l’école et l’établissement. On soulignera particulièrement les progrès
accomplis et on s’attachera à valider les acquis.
2.3 Suivi des élèves nouvellement arrivés après leur passage en CLIN ou CLA
Un élève accueilli dans une classe d‘initiation ou une classe d’accueil peut intégrer une
classe du cursus ordinaire quand il a acquis une maîtrise suffisante du français, à l’oral et à
l’écrit, qu’il a été suffisamment familiarisé avec les conditions de fonctionnement et les règles
de vie de l’école ou de l’établissement. On veillera cependant à ce qu’un soutien puisse
continuer à lui être dispensé, pour compléter sa formation en français et pour procéder
ponctuellement à d’éventuelles autres remédiations.
Pour assurer un suivi personnalisé de ces élèves, des contacts réguliers doivent être établis
entre l’enseignant de la classe d’accueil et les enseignants des classes ordinaires de
l’établissement de rattachement, quand celui-ci est différent de l’établissement où se trouve
la classe d’accueil.
Un livret scolaire précisément renseigné, qui présente par exemple la validation des
compétences acquises en français en s’appuyant sur le portfolio des langues réalisé par le
conseil de l’Europe, peut constituer un bon support pour la communication entre enseignants
afin qu’ils assurent la continuité des apprentissages en prenant en compte les difficultés liées
à la langue qui peuvent subsister.
Dans le second degré, les chefs d’établissements, les professeurs principaux et les
conseillers d’orientation psychologues seront particulièrement attentifs aux situations de ces
jeunes au regard des procédures habituelles d’orientation. Ils veilleront en particulier à ce
qu’aucune voie ne leur soit fermée sur le seul argument de la maîtrise de la langue française
et à ce que les structures spécialisées ne leur soient pas proposées du seul fait de leur
passé ou de leur niveau scolaires. Ils aideront en particulier les plus âgés et les moins bien
scolarisés antérieurement à définir un projet de formation adapté.
3 - LES ENSEIGNANTS DES CLASSES SPÉCIFIQUES
Affectation
Les classes d’initiation ou d’accueil seront confiées de préférence à des enseignants
volontaires.
En ce qui concerne les enseignants de français des classes d’accueil, il est vivement
souhaitable qu’ils puissent être nommés dans le cadre des postes à exigences particulières
de type II ou mieux encore de type III. Outre leur expérience d’enseignement auprès des
élèves non francophones, ils verront ainsi reconnus des diplômes universitaires de français
langue étrangère ou de français langue seconde, ou leur participation à des stages de
formation dans ces domaines, ou encore plusieurs de ces caractéristiques.
Dès l’année scolaire 2002-2003, à titre expérimental dans quelques académies, les
professeurs stagiaires de lycée et collège auront la possibilité de faire valider une
certification supplémentaire “français langue seconde” destinée à reconnaître au plan
national l’aptitude à enseigner dans ces structures.
Cette certification s’appuiera sur :
- des acquis universitaires en français langue seconde ou français langue étrangère;
- une formation pédagogique et didactique complémentaire acquise et validée en 2ème
année d’IUFM.
Le jury de validation réuni sous la responsabilité du recteur devrait être indépendant du jury
de titularisation ordinaire.
Formation
Une fois en poste, les enseignants, surtout à leurs débuts dans ces classes spécifiques,
feront l’objet d’un suivi particulier de la part des équipes de circonscription pour le premier
degré et des inspecteurs responsables de la discipline dans le second degré en liaison
étroite avec les équipes des CASNAV. En particulier, si les enseignants affectés dans les
classes spécifiques ne disposent pas a priori des compétences nécessaires à ce type
d’enseignement, les recteurs et les inspecteurs d’académie, directeurs des services
départementaux de l’éducation nationale doivent veiller le plus rapidement possible à leur
permettre d’acquérir des éléments de formation indispensables et à leur procurer un suivi
pédagogique, en s’appuyant sur le savoir-faire des CASNAV en la matière.
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Service
Il convient de favoriser, pour les enseignants des classes d’initiation, une pratique
pédagogique avec les élèves des classes ordinaires, ce qui est notamment possible dans le
cadre d’échanges de services ou de décloisonnements entre classes. De même, dans le
second degré, la pratique de l’enseignement dans les classes ordinaires du collège ou de
lycée constitue un atout essentiel pour les enseignants des classes d’accueil. Ainsi, les
enseignants peuvent mieux évaluer les exigences des classes du cursus ordinaire que leurs
élèves doivent à terme intégrer.
50
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Gérard VIGNER
(in Revue Le français dans le monde - Recherches et Applications, janvier 1998, p. 96 à 102)
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lesquels ils puiseront une idée singulière de la moralité de la race éducatrice, c'est
éveiller dans leur âme des aspirations que nous ne pouvons ni ne voulons satisfaire,
c’est détruire les conceptions morales appropriées à leur mentalité sans les
remplacer par les nôtres qu’ils sont incapables de saisir, c’est trop souvent faire des
déclassés dangereux, c’est toujours donner à l’indigène qui sait les deux langues
une supériorité certaine sur le Français qui n’en sait qu’une.” (9) Réserves
traditionnelles des classes dominantes à l'égard d'une entreprise qui risquerait
d'émanciper à terme les populations indigènes. Le débat n'était pas loin d'être
différent en métropole au moment de l'instauration de l'obligation scolaire par Jules
Ferry. Le souci d'assimiler par l'école et par un enseignement du français sera au
départ le fait de l'autorité administrative, se faisant ainsi l'écho des directives
données par l'autorité politique à Paris, plus que de la société européenne coloniale.
Le compromis le plus fréquemment trouvé a consisté à instaurer une filière
éducative indigène propre, avec son cursus, ses diplômes, en cherchant à éviter
l'accès des élèves ainsi formés au système métropolitain. Ainsi s'explique la mise en
place du dispositif scolaire en Afrique noire (décret 24 novembre 1903, étendu à
l'AEF en 1911, en Indochine et en Algérie, où coexisteront des filières indigènes et
des filières européennes). L’enseignement du français s'inscrivait donc dans une
visée de scolarisation restreinte. Et une revendication constante des élites locales et
des populations sera d'accéder à la filière européenne présente aussi en ce temps-là
dans les colonies. L’image d'un enseignement exclusivement consacré à la langue
française ou dispensé dans cette seule langue est celle qui prévaut le plus
généralement. Elle est exacte s'agissant de l'Algérie et de l'Afrique noire. Pour ce
dernier cas, le débat portera longtemps sur" les mérites comparés de la méthode de
traduction, dont Jean Dard au Sénégal fut un des initiateurs (11) et de la méthode
directe. Ainsi l'arrêté du 21 juillet 1921 pris par le commissaire de la République
Carde; au Cameroun est très clair dans sa conclusion: “ La langue française sera la
seule employée. La méthode de traduction ne permet que des progrès lents, la
mémoire y joue un rôle principal, de plus l'enfant n'arrive jamais à penser dans la
langue étudiée et encore moins à s'en servir dans les conversations. C'est donc à
l'emploi de la méthode directe qu'il faut recourir. ” (12)
Mais ailleurs, elle demande à être nuancée. L'enseignement de la langue arabe
est maintenu en Tunisie, au Maroc. À Madagascar, Gallieni maintient l'enseignement
du malgache dans les écoles du 1er degré. En 1931 encore, les maîtres indigènes y
dispensent 10 heures de français et un enseignement en langues de la région de 17
heures. En Indochine, les autorités coloniales, dès la mise en place d'un système
d'enseignement, prévoient pour les trois premières années du cycle élémentaire un
enseignement en vietnamien, l'enseignement du français étant facultatif (arrêté du 18
septembre 1924). Le français intervient dans le cycle suivant, de trois ans, appelé
cycle primaire.
De ce rapide panorama, dégageons quelques traits communs.
La France ne développera un appareil d’instruction dans ces colonies qu’avec une
certaine réticence. L’enseignement secondaire y est peu développé, l'enseignement
supérieur n'apparaîtra véritablement qu'après 1945. Le français ne sera limité de la
sorte qu'auprès d'une frange limitée de la population indigène. Cette politique
changera après 1945, quand l'empire se transforme en Union française et que face à
des mouvements politiques de plus en plus revendicatifs en matière d'autonomie,
voire d'indépendance, la France s'efforce de les contenir par une politique
d'assimilation qui passe par une scolarisation de plus en plus largement ouverte aux
enfants de populations indigènes (34000 élèves marocains scolarisés en 1944,
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pas sans rappeler celle de la France à la même époque. De même que les politiques
de reconversion linguistique extrêmement rapides, conduites dans des colonies
comme le Cameroun, territoire allemand qui vit le système éducatif passer en 5 ans,
de 1916 à 1921, de l'allemand au français ou de l'allemand à l'anglais dans le
Cameroun britannique. Comme on peut le constater, un champ de recherches
considérable, auquel il faudrait ajouter aussi la Syrie et le Liban où durant la période
des mandats fut prolongée la politique déjà engagée par l'Œuvre des écoles d'Orient,
fondée en 1856. La Mission laïque y intervint aussi de façon particulièrement active.
La francophonie d'aujourd'hui puise un certain nombre de ses traits les plus
caractéristiques dans cette histoire. Mieux connaître cette dernière peut aussi
constituer un enjeu essentiel.
Références bibliographiques
CHABCHOUB A (1993) “La politique scolaire française en Afrique du Nord (1883-1930)- exemple de
la Tunisie”, ISCHE XV/, Lisbonne.
CHERVEL A. (1992): L'enseignement du français à l'école primaire. Textes officiels. Tome 1:
1791.1879, éd.INRP/Economica.
Notes
1. Expression qui au Canada et en Suisse recouvre des statuts et situations d’apprentissages différents.
2. BOUCHE D. (1991) : Histoire de la colonisation française. II - Flux et reflux (1815-1962), Paris, Fayard.
TOBIE J., MEYNIE G. (1991), Histoire de la France coloniale. II - L’apogée (1871-1931), Armand Colin, coll.
Agora.
3. DESALMAND P. (1983), Histoire de l’éducation en Côte d’Ivoire, t. 1, Abidjan, ed. Ceda.
LEON A. (1991), Colonisation, enseignement et éducation. Etude historique et comparative, Paris, L’Harmattan.
4. CHAUDENSON R. (1995), Les créoles, Paris,PUF , coll. Que sais-je.
5. LUCRECE A. (1981), Civilités et énergumènes. De l’enseignement aux Antilles, Paris, éd. caribéennes,
L’Harmattan.
6. KAHN G, (1990); “Un manuel pour l'enseignement du français aux militaires indigènes ”, 1927 in; Le français
dans le monde Recherches et applications(Publics spécifiques et communication spécialisée).
7. LODGE R, A. (trad) (1997): Le français, Histoire d'un dialecte devenu langue, Paris, Fayard.
8. Les quelques extraits de rapports d'inspecteurs établis en 1877 sur les écoles primaires en France sont de ce
point de vue-là significatifs; “(Cantal) La plupart des élèves, en arrivant à l'école, ne connaissent que le patois; et
les maîtres ont beaucoup à faire avant d'obtenir l'usage exclusif du français. ” ; ,,(École normale de Nice) La
langue française est la partie pour laquelle on éprouve le plus de difficultés, ces jeunes gens pensent en patois et
parlent leur langage primitif toutes les fois qu'ils le peuvent.” ln A. Chervel, 1992, p. 312314. En fait, par bien des
aspects les politiques linguistiques en faveur du français dans les colonies ne feront que prolonger celles mises
en œuvre .dans le territoire de la métropole auprès des populations d’élèves allophones.
9. Déclaration d'Arthur Girault, théoricien de la législation coloniale, cité par J. Thobie, 1991, p.328.
10. Quotidien publié en Tunisie, cité par A. Chabchoub, 1993.
11. VIGNER G. (1994): .Aux origines de l'enseignement du français en Afrique occidentale, Documents, 13, 55-61.
12. VIGNER G. (1988), Histoire de l’enseignement du français au Cameroun, Documents, 2, 12-14.
13. KNIBIELHER Y. (1993): “L'enseignement au Maroc pendant le protectorat français ” (1912-1956)
“ Les enfants du peuple ”, ISCHE XV, Lisbonne, mulig.
14. BOUCHE D. (1982): “Quatorze millions de français dans la fédération de l'Afrique occidentale française”
Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, T. XIX, 255, 97-113.
15. L'expérience de l'école rurale en AOF mérite cependant d'être connue. BOUCHE D.(1980): “L'école rurale en
Afrique occidentale française de 1903 à 1956”, in D.N. Baker and P.J.
Harrigan ed. The making of frenchmen:current directions in the history in France, 1679-1979.
16. Voir LEON A, op. cit. et ACHOUR C. (1989): .Un cas d'adaptation dans l'enseignement colonial en Algérie ”,
Documents, 4,1417.
17. SPAËTH V.(1996) :La formation du français langue étrangère : le paradigme africain et ses enjeux, de la
colonisation (1880-1900) aux indépendances (depuis 1960). Thèse de doctorat, université de Paris-III.
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Arrêté du 23 décembre 2003 relatif aux conditions d'attribution aux personnels enseignants des premier
et second degrés relevant du ministre chargé de l'éducation d'une certification complémentaire dans
certains secteurs disciplinaires
NOR: MENP0302665A
Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche,
Vu le code de l'éducation ;
Vu le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs agrégés de
l'enseignement du second degré ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;
Vu le décret n° 80-627 du 4 août 1980 modifié relatif au statut particulier des professeurs d'éducation
physique et sportive ;
Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
Vu le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 modifié relatif au statut particulier des professeurs de lycée
professionnel,
Arrête :
Article 1
Les personnels enseignants des premier et second degrés, titulaires ou stagiaires, relevant du ministre
chargé de l'éducation, peuvent se voir délivrer, dans les conditions prévues par le présent arrêté, une
certification complémentaire dans les secteurs disciplinaires énumérés à l'article 2 ci-dessous.
Article 2
Les secteurs disciplinaires prévus à l'article 1er ci-dessus, qui peuvent comprendre des options, sont
fixés comme suit :
Arts : option cinéma et audiovisuel ou danse ou histoire des arts ou théâtre ;
Enseignement en langue étrangère dans une discipline non linguistique ;
Français : seconde langue.
Article 3
La certification complémentaire définie à l'article 1er ci-dessus est délivrée, à la suite d'un examen, par
le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le candidat effectue le stage prévu à l'article 6 du
décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 susvisé, aux articles 6 et 11 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972
susvisé, aux articles 10 et 17-4 du décret du 1er août 1990 susvisé, à l'article 5-1 du décret du 4 août
1980 susvisé et à l'article 10 du décret du 6 novembre 1992 susvisé, et par le recteur de l'académie
dans le ressort de laquelle le candidat exerce pour les enseignants titulaires.
Article 4
L'examen est constitué d'une épreuve orale, jugée par un jury institué au niveau académique pour
chacun des secteurs disciplinaires. Le jury, nommé par le recteur d'académie, comprend, outre au
moins un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional, président, des membres choisis
parmi les inspecteurs de l'éducation nationale, les corps de personnels enseignants et les
enseignants-chercheurs. Des personnes n'appartenant pas aux corps précédemment cités peuvent,
en tant que de besoin, être choisies en raison de leurs compétences particulières.
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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM
Article 5
L'épreuve, d'une durée de trente minutes maximum, débute par un exposé du candidat, pendant une
durée de dix minutes maximum, prenant appui sur sa formation universitaire ou professionnelle, reçue
dans une université, dans un institut universitaire de formation des maîtres ou dans un autre lieu de
formation dans le secteur disciplinaire et, le cas échéant, dans l'option correspondant à la certification
complémentaire choisie. Le candidat peut également faire état de son expérience et de ses pratiques
personnelles, dans le domaine de l'enseignement ou dans un autre domaine, notamment à l'occasion
de stages, d'échanges, de travaux ou de réalisations effectués à titre professionnel ou personnel.
Cet exposé est suivi d'un entretien avec le jury, d'une durée de vingt minutes maximum, dont l'objet
est d'apprécier les connaissances du candidat concernant les contenus d'enseignement, les
programmes et les principes essentiels touchant à l'organisation du secteur disciplinaire et, le cas
échéant, à l'option correspondant à la certification complémentaire choisie, et d'estimer ses capacités
de conception et d'implication dans la mise en oeuvre, au sein d'une école ou d'un établissement
scolaire du second degré, d'enseignements ou d'activités en rapport avec ce secteur. Le jury tient
compte du niveau d'enseignement (primaire ou secondaire) dans lequel le candidat a vocation à
intervenir.
Article 6
L'examen comporte une session annuelle dont la date est fixée par le recteur d'académie.
L'inscription est effectuée auprès du recteur d'académie habilité à délivrer la certification
complémentaire dans les conditions fixées à l'article 3 du présent arrêté.
Plusieurs recteurs d'académie peuvent, s'ils le souhaitent, mettre en place une organisation commune
de l'examen pour les académies considérées. Dans ce cas, l'organisation matérielle de l'épreuve et la
nomination du jury font l'objet de décisions conjointes des recteurs concernés. Le jury établit pour
chaque académie concernée la liste des candidats admis.
Article 7
Sont déclarés admis les candidats ayant obtenu une note égale ou supérieure à 10 à l'épreuve, notée
sur 20.
Le recteur d'académie compétent dans les conditions fixées à l'article 3 du présent arrêté délivre la
certification complémentaire, qui fait mention du secteur disciplinaire et, le cas échéant, de l'option.
Toutefois, ne peuvent se voir délivrer la certification complémentaire les personnels enseignant
stagiaires dont le stage n'a pas été jugé satisfaisant ou qui n'ont pas été admis à l'examen de
qualification professionnelle ou au certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel ou qui
n'ont pas obtenu le diplôme professionnel de professeur des écoles dans les conditions prévues par le
statut du corps pour lequel ils ont été recrutés.
Les personnels enseignants stagiaires autorisés à accomplir une seconde année de stage conservent
pendant cette année le bénéfice de l'admission à l'examen. A l'issue de cette période, la certification
complémentaire leur est délivrée sous réserve des dispositions du précédent alinéa du présent article.
Article 8
Le directeur des personnels enseignants est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié
au Journal officiel de la République française.
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Cet extrait d’une unité de la méthode Entrée en matière, qui s’organise d’abord en
trois parcours FLE (prise de contact avec le milieu scolaire et premiers
apprentissages) de 4 unités chacun ; puis en trois parcours FLS (la page ci-après est
extraite de l’un d’entre eux), et du dernier parcours dit, de FLM, parce qu’il est
destiné à assurer la jonction avec la langue de l’école au quotidien.
Vous pourrez voir les dimensions liées à la scolarisation (langue et culture), ainsi que
les dimensions personnelles à chaque élève. L’élève doit apprendre bien plus que la
langue !
Vous pourrez aussi vous interroger sur cette méthode dans une classe.
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CORRIGÉ du DEVOIR n° 1
Le texte qui nous a été soumis est un texte empreint d’émotion, c’est celui d’une
adulte qui se retourne et considère son passé d’élève. Une fracture sociale sépare
l’agrégée de Lettres devenue écrivain à succès de la petite élève de milieu modeste,
c’est pourquoi ce regard rétrospectif est doublement intéressant, premièrement
comme tout regard rétrospectif vers l’enfance, et deuxièmement, comme aide à la
compréhension du passage effectué entre deux milieux sociaux. « J’ai conservé mes
rédactions d’élève », dit A. Ernaux dans le titre de son article (paru dans Les Cahiers
pédagogiques, n° 363, avril 1998), c’est dire que la période a dû être sensible et
singulière pour elle. C’est ce sur quoi nous reviendrons d’abord, pour répondre à la
première question posée, avant de développer une interrogation sur le rapport à
l’écrit personnel, interrogation ouvrant sur les pratiques d’écrit à l’école primaire et
l’impact éventuel des méthodes de FLE sur ces pratiques.
61
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À cette question, Annie Ernaux répond : non. Elle est donc amenée dans la suite du
texte (§ 2) à nuancer ses propos premiers sur sa « vraie vie » « rigoureusement
absente » de ces rédactions, sur le « je » qui n’est pas le sien. Essayons de
comprendre pourquoi. L’auteur explique : « Cet acharnement à se nier, poursuivi
avec constance pendant toute la scolarité et, sans doute, en toute inconscience, je
l’analyse maintenant comme une nécessité ». Cette nécessité est celle d’une
protection, voire de la conscience de l’impossibilité du contact entre les deux
mondes, comme entre l’oral et l’écrit. Cela ne veut pas dire que ses parents ne
savent pas lire et écrire, mais que ces pratiques ne sont pas le centre de leur vie,
que leur cœur est ailleurs. Ce vécu est « indicible », à la fois « objet de censure »
(par le système scolaire comme par la société) et « impossible à formuler » ; la
cuisine où elle fait ses devoirs du soir est « indigne d’être donnée à lire », car la
petite élève a une claire conscience de qui sont les destinataires, l’enseignant et les
autres élèves (cf. « la toile cirée », contre « la lourde table de bois cirée », où le
même terme, « cirée » renvoie à deux réalités opposées). Il serait donc aussi
question de l’image de soi, comme famille et comme individu appartenant à un milieu
populaire. Alors, faut-il se renier pour réussir scolairement ? Oui, c’est une façon de
ne pas « donner prise ». Mais à condition que ce ne soit pas durable, il faut revenir
sur ce passé pour le comprendre et le recomposer. L’auteur mesure ainsi durant ses
relectures que le conformisme scolaire et social va croissant au fil des années,
« Plus les années passent et plus s’aiguise le sens de ce qu’il convient de dire ou de
ne pas dire ». Ces pratiques réflexives (comme on dit aujourd’hui) sont donc
essentielles.
Cela permet à l’auteur de développer (§ 3) une autre idée essentielle, « Les mots et
les choses dans la première expérience du monde – et rien ne me fera départir de
cette certitude, pour ainsi dire vécue – ne font qu’un ». On comprend alors très
intimement que nous sommes tous et toutes tissés de langage, et que le langage
premier, cette langue familiale qui est la véritable langue maternelle, inaugurale, joue
un rôle extrêmement important, bien plus que ne le disent… les livres ; et que
changer ce langage premier, c’est également transformer les personnes qui l’ont
peuplé car c’est « un langage presque corporel, qui ne s’écrit pas ». On comprend
aussi, au passage (si on s’intéresse à l’enseignement et aux apprentissages) d’où
peuvent provenir les difficultés de certains enfants : si « les mots et les choses ne
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font qu’un » lorsqu’on est enfant, il n’est pas simple du tout de quitter les mots de la
famille, « les mots dans lesquels les événements et les êtres sont perçus », pour
aborder les mots étranges et étrangers de la langue de l’école, ceux qu’on dit lire et
écrire et qui ne se prononcent pas de la même façon (« moman » / maman, cela
commence par là).
-les lieux de l’écrit dans votre maison d’enfance : écrits utilitaires (boîtes, sachets
divers, prospectus…), écrits récréatifs (programme de télévision, livres d’enfants),
livres essentiels (livres d’enfants, aussi, livres d’adultes, dictionnaires, etc.) et les
mettre en rapport avec vos sentiments, vos réactions, vos peurs, etc.
-Les modes d’apprentissage : il est plus facile d’arriver à l’école en ayant déjà une
expérience de l’écrit et une expérience positive qui vous dit que l’écrit ne vous enlève
rien, car l’oral familier, on peut se le stocker à l’abri dans les poèmes, les chansons,
les souvenirs ; tandis que si le choc oral-écrit se produit dans le cadre scolaire, qui
viendra vous prolonger les histoires racontées le soir quand vous en avez besoin ?
-Les modalités de l’écrit ? Non, pas seulement les pratiques scolaires, avec
l’orthographe, la grammaire, la rédaction et la dissertation, et même les mémoires de
master, la lecture d’articles ; mais aussi ce qu’on aime dans l’écrit, ce dans quoi on
réussit, écrire des chansons, traduire, ou autre.
RAPPEL : b) En quoi les méthodes de FLE ont-elles pu, selon vous, faire évoluer les
pratiques d’écrit en classes d’école primaire de langue maternelle
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Pour ce qui est de l’impact du FLE dans les pratiques d’écrit scolaires, on notera que
l’enquête linguistique évoquée ci-dessus a été menée par des linguistes fondateurs
du FLE et donc que les conclusions de cette enquête se sont retrouvées dans
l’histoire des méthodes et méthodologies (pour en savoir plus, on peut consulter le
site www.christianpuren.com, sur lequel on trouvera en téléchargement libre
l’ouvrage de l’auteur sur l’histoire des méthodologies, et d’autres articles utiles).
Pour conclure, ce texte d’Annie Ernaux nous fait réfléchir à des aspects essentiels de
ce qu’est apprendre et enseigner, notamment en système scolaire, et peut nous
aider à meiux comprendre les difficultés vécues par certains élèves
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Sujet
Vous trouverez ci-après l’extrait d’une interaction dans une CLIN entre les élèves et
l’enseignant.
Lisez cet extrait, puis commentez-le en montrant notamment ce qui en fait sa
spécificité par rapport aux phénomènes interactionnels décrits dans la partie 4 de ce
fascicule.
Ici, la convention de transcription pour vous aider à interpréter l’extrait ci-dessous :
- 1, 2, 3, etc : tours de paroles 1, 2, 3, etc ;
- A1, A2, A3 etc : apprenant 1, apprenant 2, apprenant 3, etc ;
- TA : tous les apprenants ;
- E : enseignant ;
- ↑ : intonation montante ;
- ↓ : intonation descendante ;
- = : pause courte ;
- = = : pause moyenne ;
- = = = : pause longue ;
- xxx : suite de syllabes incompréhensibles ;
- (Gras) : éléments para / non- verbaux observés.
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DOCUMENT
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Ouvrages
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