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Université de Bourgogne

C.F.O.A.D. « La Passerelle »

Approche des champs du


FLE/FLS/FLM

16D473/2
Année 2013/2014

Alex LAURENCE

En vertu du code de la Propriété Intellectuelle – Art. L. 335-3 : Est également un délit de contrefaçon toute
reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation
des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.
(L. n°94-361 du 10 mai 1994, art.8) – Est également un délit de contrefaçon la violation de l’un des droits de
l’auteur d’un logiciel définis à l’article L. 122-6.
Les cours dispensés par le C.F.O.A.D. relèvent du présent article. Ils ne peuvent être ni reproduits ni
vendus sous quelques formes que ce soit sous peine de poursuite.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Fascicule 2/3
Envoi 2/3

Master 1 DDL-FLE-SDL
Approche des champs du FLE, FLS, FLM – 16D473

RAPPEL

Copies et dialogue : Les devoirs (facultatifs) sont à déposer sur la


plateforme pour le 15 janvier 2014.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

16 D 473 Approche des champs du F.L.E., F.L.S., F.L.M.


MASTER 1 FLE

Fascicule 2/3

SOMMAIRE

Présentation
Du français au FLE, FLS, FLM : a) évolutions dans l’enseignement et le statut de la
langue
b) Débats actuels et perspectives

I. SITUATIONS LINGUISTIQUES, SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT-


APPRENTISSAGE
1.1. Monolinguisme, bilinguisme et plurilinguisme, multilinguisme
1.2. Diglossie, partage fonctionnel entre langues et politiques linguistiques
1.3. Des situations linguistiques aux situations d’enseignement-apprentissage

II. SITUATIONS DIFFERENCIEES D’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE (FLE-S-


M)
2.1. Selon les publics, les institutions, les objectifs et l’objet d’étude
2.2. Selon les circonstances concrètes de l’apprentissage
2.3. Conséquences de cette variété de situations

III. RETOUR REFLEXIF SUR LES EVOLUTIONS EN FLM, FLE… et FLS (à suivre)
3.1. Synthèse de l’évolution d’une revue (Langue française) sur 30 ans
3.2. Une publication qui a fait date : Linguistique et enseignement du français
3.3. Quelques dictionnaires

IV. LA PRATIQUE : LES INTERACTIONS EN CLASSE DE LANGUE POUR LES


ALLOPHONES
4.1. Les phénomènes interactionnels
4.2. Les interactions en classe ordinaire (disciplines non linguistiques)

Synthèse intermédiaire et conclusion du fascicule 2/3

Annexes : textes et documents (articles, méthode)

Proposition de corrigé du devoir n° 1


Devoir 2 (facultatif) à envoyer à la correction
Bibliographie

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

PRÉSENTATION
A. Du français au FLE, FLS, FLM : évolutions dans l’enseignement et le
statut de la langue
On a vu dans le fascicule 1 que le statut du français comme langue de la nation et
de la république était né d’un combat, celui d’un dialecte comme la France en
comptait beaucoup alors (il en reste encore une trentaine à l’époque de la révolution
française, selon l’historien Fernand Braudel), contre la langue dominante d’alors,
langue écrite, de prestige, de culture et de pouvoir, le latin. Une langue morte ?
N’oublions pas que ce fut la langue maternelle de Montaigne ; et que jusqu’à la fin du
XIXe siècle les thèses de doctorat dans les universités s’écrivaient en latin.
Dans ce fascicule, nous envisagerons les liens entre FLE, FLS et FLM, d’abord à
partir des situations linguistiques, puis des situations d’apprentissage et
d’enseignement et de leur analyse, cela depuis une quarantaine d’années.

Le partage entre FLE, FLS et FLM date de cette époque et il continue à évoluer.
Auparavant, la question n’était pas posée : le français ne pouvait être que langue
maternelle ou comme une langue maternelle ; et l’idéal de la maîtrise de la langue
(sous entendu : « française ») était celui-là, il fallait s’exprimer (et penser et être ?)
comme un natif. Alors, on peut considérer que les locuteurs natifs restent une
référence quant au français, ses usages, ses règles, mais ceux-ci ne sont plus
uniquement les Français cultivés : aujourd’hui, on accueille les variations à l’oral
comme à l’écrit, et on se fonde davantage sur la francophonie native que sur la
francophonie « hexagonale ». Le cadre européen commun de références pour les
langues a également contribué à détacher chaque langue de la nation ou des nations
qui la portent en installant le primat de l’individu dans un contexte désormais
plurilingue : dans les niveaux avancés (C1 et C2, utilisateurs indépendants) il n’est
très peu fait mention des natifs, et parler comme un locuteur natif n’apparaît plus
comme désirable. Il faut et il suffit qu’on soit capable de se débrouiller dans les
situations et les tâches qui sont les siennes.

En outre, et de façon plus générale, la question des langues et du plurilinguisme


devient de plus en plus prégnante au niveau national comme aux niveaux européen
et mondial. En France, la Révolution française avait éradiqué les patois (langues de
la réaction, tandis que le français était langue des libertés et de la démocratie), qui
étaient encore une trentaine à l’époque selon l’historien Fernand Braudel. Mais
depuis la décentralisation politique et la reconnaissance des « langues régionales »
(années quatre-vingts), un mouvement inverse et porteur de contradictions se fait
jour :
- 1992, modification de l’article 2 de la Constitution française pour préciser que
« la langue de la république est la français », en réaction à la Charte européenne des
langues régionales, la même année.
- 1999-2001, publication du rapport de Bernard Cerquiglini (linguiste) sur Les
langues de la France (plus de soixante-dix !) et transformation en 2001, de la DGLF,

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Délégation générale à la langue française en DGLFLF, Délégation générale à la


langue française et aux langues de France. Ce rapport est disponible sur internet, à
l’adresse suivante :
http://www.dglf.culture.gouv.fr/lang-reg/rapport_cerquiglini/langues-france.html
Téléchargez-le et lisez-le, il vous sera utile pour votre réflexion et vos
connaissances.
- Depuis 2001 : CECRL, cadre européen commun de référence pour les
langues, puis portfolio élève et portfolio enseignant et tout récemment portfolio
autobiographique des expériences interculturelles (voir sur www.coe.int, site du
Conseil de l’Europe et aussi sur www.ecml.at, le site du Centre européen des
langues vivantes). Voici les liens utiles :
Pour le portfolio de formation des enseignants…
http://www.coe.int/T/DG4/Portfolio/documents/ELPguide_teacherstrainersf.pdf
Pour le portfolio européen des langues…
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/Source/Guidelines_FR.pdf
http://www.coe.int/T/DG4/Portfolio/?L=F&M=/main_pages/levelsf.html
Pour l’autobiographie des rencontres interculturelles…
http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/autobiogrweb_FR.asp
http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/default_FR.asp?
On verra en lisant ces pages, fort utiles, notamment pour les enseignants en
formation, que l’enjeu dans l’enseignement des langues (et des cultures) est d’une
part l’harmonisation des niveaux et des manières d’enseigner et d’apprendre, et
d’autre par l’ancrage dans la contextualisation, car il ne faudrait pas que
l’harmonisation soit source d’affadissement, de « monoculture » comme disait déjà
Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques (1957), c’est-à-dire le tout-anglais, plus
exactement mauvais anglais, un « globish », sans terreau culturel et humain.
Simultanément les modes d’apprentissage des langues se diversifient car les
publics se diversifient aussi (âges, statuts, institutions d’apprentissage voire auto-
apprentissage, etc.). En particulier, les auto-apprentissages et la formation tout au
long de la vie sont de plus en plus valorisés… et utiles. Cependant que, pour
certains locuteurs, les contraintes institutionnelles se font fortes, surtout dans le cas
des migrants, mais aussi dans les milieux professionnels où les exigences
augmentent (rapidité, rentabilité, en particulier). Ainsi, on peut également considérer
qu’il y a bien un plurilinguisme de riches et un plurilinguisme de pauvres : pour un
migrant riche, ou du moins relativement autonome, on parlera plutôt d’expatrié, voire
de stagiaire ou d’étudiant avancé, que de migrant !
Dans le fascicule I, nous avons abordé ce partage entre les trois champs FLE /
FLS / FLM d’un point de vue historique, nous allons maintenant nous intéresser à
ses aspects concrets, dans la et les sociétés et dans les classes de français. Après
tout, il est partout question d’enseignement et d’apprentissage du français (langue,
culture, manières de se comporter, culture scolaire, et parfois professionnelle), mais
dans des situations variées et pour des personnes elles aussi variées.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

On pourrait avoir tendance à croire que le FLM, de par sa légitimité ancestrale,


héritée de ses combats médiévaux de « langue vulgaire », de « dialectal », contre la
domination de la langue écrite (le latin), a été enseigné et vécu de façon uniforme, au
moins depuis la IIIe République ; et que, de même, le FLE l’a été à la façon du FLM,
sur les territoires des colonies et protectorats avant de conquérir une reconnaissance
relative… et que, heureusement, d’un coup de baguette magique, le FLS a surgi
dans les années soixante-dix pour prendre en compte des situations mieux
différenciées en France et hors de France. Or les choses sont plus complexes que
cela, comme elles le sont en général lorsqu’on s’intéresse un peu plus à autrui et un
peu moins à soi.
En réalité, si on regarde depuis un siècle, il y a eu des différences dans
l’enseignement du français (entre modes d’enseignement, entre publics…) à
l’intérieur de chaque champ, que ce soit « le » français devenu FLM à l’émergence
du FLE, le FLE ou le FLS (qui est en fait un FLE ciblé). Ainsi, on n’enseigne plus
aujourd’hui la littérature, la grammaire, l’orthographe comme on les enseignait avant
la seconde guerre mondiale ; et on ne les enseigne plus aux mêmes niveaux, ni aux
mêmes publics (le collège accueille aujourd’hui tous les adolescents). En FLE, nous
n’en sommes plus aux méthodes SGAV, structuro-globales audio-visuelles. Et le FLS
a profité des avancées didactiques des deux autres champs.
En outre, ce qui a changé, c’est la façon de voir les différences (entre publics,
objectifs, institutions, situations…), de les prendre en compte et de leur reconnaître
ou non un statut. On peut en effet considérer les publics, les objectifs, les institutions,
les situations d’apprentissage et d’enseignement soit à partir des ressemblances
entre eux et elles, soit à partir des différences :
1) si on part des ressemblances, on suppose de fait un modèle et celui-ci ne peut
être que celui de la langue maternelle, c’est pourquoi on a d’abord enseigné FLE et
FLS comme une LM 1; et cela devait évoluer, en phase historique avec la
décolonisation, les indépendances, et la création du FLE l’a permis.
2) Et si on part des différences, on peut considérer en eux-mêmes les lieux,
acteurs, institutions, publics, situations, et proposer des démarches didactiques
mieux adaptées ; mais le danger est d’enfermer les apprenants dans leurs
différences – on pourrait appeler cela le piège de l’identité.

B. Débats actuels et perspectives en 2012


(1) Au niveau national (en particulier : France)
On constate des tensions contradictoires, qui font plus ou moins débats… et
parfois dialogues de sourds :
- une tendance des pays et des langues, dont le français en France, à se

1
Pour ceux qui ne connaîtraient pas, consulter par exemple la Méthode de G. MAUGER, Langue et
civilisation françaises, éditée et rééditée depuis 1953, plus connue sous le nom de « Mauger bleu »,
car sa couverture est bleue… ce qui donne à penser sur le symbolisme utilisé : le bleu, couleur de la
démocratie, à l’origine couleur de Paris, contre le blanc royaliste et le rouge révolutionnaire. Ajoutons
que le bleu est la couleur la plus employée dans le monde depuis deux cents ans (cf. le jean !) comme
le montre M. PASTOUREAU dans Bleu, histoire d’une couleur.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

refermer sur eux-mêmes selon une logique patrimoniale, sans doute en réaction à la
mondialisation, et au motif de préserver les spécificités de l’éducation et de
l’enseignement vus comme prérogatives régaliennes (pour mémoire : elles font partie
en France du domaine de la loi, selon les articles 34 et 37 de la Constitution
actuellement en vigueur, datant de 1958, et révisée à plusieurs reprises).
On le constate d’une part dans les nouvelles mesures influençant la formation
des migrants depuis 2003 (cf. le point 4.3 de ce fascicule), qui débouchent
actuellement sur des tentatives de créer un corps de formateurs contrôlés par les
ministères gérant l’intégration des migrants, avec l’introduction du FLI (français
langue d’intégration… comme si l’apprentissage de toute langue là où elle se parle et
s’écrit ne servait pas l’intégration), qui suscite de nombreux débats et protestations
du côté des étudiants et enseignants en universités.
On le constate également avec les incertitudes et confusions nées du processus
de Bologne, destiné à créer un espace européen d’enseignement (pour en savoir plus,
voir : http://www.coe.int/t/dg4/highereducation/ehea2010/bolognapedestrians_fr.asp),
et qui se traduisent en particulier par l’élaboration des diplômes de master,
succédant aux diplômes de maîtrise et DEA –DESS. Ces masters sont tous
semestrialisés et leurs matières sont évaluées en crédits ECTS (European Credits
Transfer System), pour permettre la circulation des étudiants dans l’Union
européenne. Mais les défauts de ce système commencent à apparaître, en
particulier dans les domaines qui nous occupent : on évalue sans cesse ; les
diplômes de master sont peu lisibles, et souvent le FLE ou le FLS, ou le FLM sont
perdus dans une masse d’autres objectifs (de linguistique, en particulier), et les
étudiants ou les employeurs potentiels ont bien du mal à discerner la réalité des
formations suivies. D’où le risque d’une implosion des champs FLE-S-M, ou de leur
émiettement. Ceci nous amène directement aux niveaux supra-nationaux.

(2) Aux niveaux européen et mondial


- Il émerge depuis plusieurs années une tendance portée par l’Union
européenne – et, il faut bien le dire, les décideurs surtout, alors que les citoyens sont
encore partagés - en faveur de la promotion du plurilinguisme, dans lequel les
distinctions entre langue seconde et étrangère deviendraient mineures. Cette
tendance est actuellement en débats autour de la notion de plurilinguisme et plus
précisément de sa valorisation ou survalorisation à travers la notion « d’éducation
plurilingue et pluriculturelle » actuellement portée par le Conseil de l’Europe, dans la
droite ligne du Cadre européen de référence pour les langues ; cela aurait pour
conséquence de mettre en avant une « compétence plurilingue » assez floue pour le
moment (capacité à « se débrouiller » dans plusieurs langues), qui serait fondée
plutôt sur la capacité à communiquer efficacement que sur tel ou tel niveau de
maîtrise de chaque langue. Cette tendance trouve son expression avec la publication
de l’ouvrage de Bruno Maurer (sept. 2011) Enseignement des langues et
construction européenne (édition des archives contemporaines). D’ailleurs, la
valorisation du plurilinguisme n’est-elle pas, en dernière analyse, celle de la langue
maternelle + l’anglais pour tous ?

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

- et enfin, continue à se développer une tendance mondiale à la différenciation


accrue des langues entre langues internationales / langues nationales et/ou
culturelles / langues minoritaires… pour le plus grand bénéfice des grandes langues
internationales. On peut lire sur ce point les écrits de L.-J. Calvet, par exemple, La
guerre des langues et les politiques linguistiques (éd. Payot, 1987, passé en Livre de
proche, 1999).

C’est pourquoi nous distinguerons successivement :


- les situations sociolinguistiques de tel ou tel pays, telle ou telle zone, tel ou tel
groupe social ;
- le traitement didactique appliqué à ces situations, qualifiées alors de « situations
d’enseignement », « situation d’apprentissage », selon qu’on se place du point de
vue du professeur ou du point de vue de l’apprenant, et cela en FLE, FLS, FLM.
- Les évolutions du et en FLE, FLM, FLS (car c’est le FLE qui a contraint le FLM à
se définir ainsi, en cessant de se dire « le » français, et en prenant en compte la
réalité des locuteurs et apprenants ; le FLS s’est développé sur ces bases).

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

I. SITUATIONS SOCIOLINGUISTIQUES, SITUATIONS


D’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE

Les locuteurs arrivant en classe de français (ou en français : c’est-à-dire telle


discipline enseignée en français) sont issus d’une famille, d’un groupe, d’un pays ; ils
ont un passé, un vécu. Tout cela peut être désigné sous le vocable de situation
linguistique du locuteur, et en arrière-plan, de son groupe social et/ou national de
référence.
Il convient d’en dire quelques mots avant de nous consacrer aux situations
d’enseignement-apprentissage qui sont le cœur de ce fascicule pour deux raisons :
parce que cette situation ne peut être ignoré par l’enseignant ; et parce que celui-ci
doit bien faire la différence entre situation linguistique d’un pays, d’un groupe, d’un
locuteur et situation d’enseignement-apprentissage (dans le premier cas, il n’est pas
question de classe ni de didactique).
Rappelons déjà une donnée simple : il y a à l’heure actuelle plus de 6000 langues
en usage dans le monde (cf. Roland Breton, Géographie des langues, aux PUF, coll.
Que sais-je). Et il y a un peu moins de 200 pays adhérant à l’ONU. C’est donc
mathématique : le cas le plus fréquent n’est pas le monolinguisme, qu’il soit d’Etat
ou des locuteurs !
Parmi les situations linguistiques, on distingue le monolinguisme, le bilinguisme, le
plurilinguisme / multilinguisme. La terminologie est assez évolutive en ces domaines
(mais il faut pourtant bien nommer pour distinguer entre des situations), et elle se
complique du poids des représentations de chacun.

1.1. MONOLINGUISME, BILINGUISME, ET PLURILINGUISME, MULTILINGUISME


1. La France et les Français se pensent souvent comme monolingues :
l’enseignement depuis Jules Ferry (voire avant) a contribué à diffuser cette
représentation, et à placer en arrière-plan les langues locales (patois, devenus
langues régionales) ; de plus le français en France est, depuis la Révolution, la
langue de la liberté et de la démocratie. C’est pourquoi, la Constitution française de
1958, dit dans son article 2 (alinéa issu de la modification de 1992, après
l’élaboration de la Charte européenne des langues régionales), « La langue de la
république est le français », alors que cette donnée était implicite auparavant.
En réalité, si, en France, la langue première des citoyens est, à 96% le français
(enquête INSEE ; cf. site www.insee.fr), d’autres langues coexistent, qui sont
abordées et dont la présence est expliquée dans le rapport de Bernard Cerquiglini
(cf. ci-dessus).
Qu’est-ce qu’être monolingue ?
C’est ne pouvoir s’exprimer couramment que dans une seule langue, donc une
définition désormais bien moins valorisante que dans un passé proche (19e-20e
siècle), étant entendu qu’avant, le plurilinguisme était un fait ordinaire (les patois,
futures langues régionales) mais que seul le français était valorisé socialement
(scolairement il y avait aussi le latin).
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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Dans le même ordre d’idées, on pourrait aussi se demander ce qu’est être


francophone, car dans des pays dits francophones tous les locuteurs ne le sont pas.
Robert Chaudenson parlait même de « franco-aphones » pour désigner des
personnes qui baignent dans un univers francophone traversé d’autres langues
(comme en Afrique de l’ouest), comprennent quelques bribes, mais ne peuvent
s’exprimer en français.
Et une situation de monolinguisme ?
C’est une situation où une seule langue est parlée sur un territoire, dans un
groupe donné. Ce qui est, en réalité, le cas de très peu de pays (cf. ci-dessus).
En France, si le français est la langue officielle et la langue véhiculaire la plus
fréquemment utilisée, ce n’est pourtant pas la seule. On peut ajouter que, si le pays
est monolingue, les locuteurs peuvent être bilingues ou plurilingues (plus de deux
langues maîtrisées et utilisées). Les termes « monolingue », « monolinguisme »
peuvent s’appliquer aux Etats ou aux personnes.
Au sens strict, il faudrait différencier le plurilinguisme, qui est le fait des individus,
des locuteurs maîtrisant plus de deux langues, tandis que le multilinguisme serait à
attribuer aux groupes sociaux, aux états et autres entités politiques. En réalité, et de
plus en plus, les deux termes sont employés indifféremment pour l’un ou l’autre cas.
Voici ce que dit le Dictionnaire de didactique du FLES :
« On appelle plurilinguisme, la capacité d’un individu d’employer à bon escient plusieurs
variétés linguistiques, ce qui nécessité une forme spécifique de la compétence de
communication. Celle-ci consiste à gérer le répertoire linguistique en fonction d’un éventail
large de facteurs situationnels et culturels (domaines ; rôles ; statuts et identités des
participants ; actes, stratégies et genres ; modalités et canaux ; ton, finalités : intertextualité,
principes de la conversation et de l’implicite, etc.).
Le multilinguisme, quant à lui, est défini actuellement dans le TLFi (Trésor de la
langue française informatisé, CNRS-Inalf) comme l’« état d'un individu ou d'une
communauté linguistique qui utilise concurremment trois langues différentes ou davantage. Il
y a des degrés dans le multilinguisme, dans la mesure où la différence n'est pas toujours nette
en fait entre l'apprentissage « naturel » et l'apprentissage « scolaire » d'une langue par un
enfant « (DUCROT-TODOROV, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Le Seuil, coll.
Points, 1972).

En quoi ces situations concernent-elles le FLS ? Bien entendu quand l’une des
langues en cause est le français, et que le français n’est ni langue première, ni
langue étrangère, mais qu’il est utilisé pour les échanges sociaux, et/ou dans la
scolarisation, ou, en général l’enseignement.
On parle de bilinguisme plutôt pour les locuteurs que pour les groupes sociaux ou
les Etats. C’est souvent le cas pour les enfants issus de mariages mixtes ; il y a aussi
tous les cas où la langue première, parlée dans la famille, et avec laquelle l’enfant
s’est approprié le langage, est différente de la langue de scolarisation et d’usages
sociaux ordinaires (ou est complémentaire, cf. ci-dessous, la notion de diglossie).

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Mais le terme s’emploie aussi pour les pays. Voici la définition qu’en donne le
Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (Asdifle-Clé
international, J.-. Cuq dir., 2003) :
« On entend par bilinguisme la coexistence au sein d’une même personne ou société de
deux variétés linguistiques : on préfère parler de « variété », d’une part parce que « langue »
est un concept politique plutôt que linguistique (« un dialecte avec ses propres forces
armées ») et d’autre part parce que le changement linguistique s’opère de façon cumulative
sur les plans géographique, social, fonctionnel et diachronique (« les dégradés dialectaux »),
ce qui rend problématique la délimitation d’une « langue », et a fortiori, de deux. On peut
trouver des situations de bilinguisme où les deux variétés sont considérées comme des
langues indépendantes (souvent parce qu’elles ont été standardisées), où l’une des deux est
« langue », l’autre étant reléguée à une position inférieure (« dialecte », « patois », etc.) et où
ni l’une ni l’autre n’est langue standard. »
Enfin, il faut bien noter que les points de vue peuvent différer : ainsi, un pays peut
s’affirmer monolingue (une langue officielle et / ou nationale affirmée comme unique
et seule valable par les pouvoirs), alors que la population est, de fait, plurilingue, et
même que certaines disciplines du savoir ne sont pas toutes enseignées en langue
nationale. On approche là les effets des politiques linguistiques [cf. ci-dessous en
1.4. pour ce terme], en particulier dans des pays qui ont eu à vivre une colonisation.
 Voir aussi :
HAGÈGE, Claude, L’enfant aux deux langues, éditions Odile Jacob, 1997.
BOUTET, Josiane, VERMÈS, Geneviève, France, pays multilingue, éditions
L’Harmattan, Paris, 1993 (et rééditions)
Notons bien qu’il est question ici uniquement des langues – avec, certes, leur
charge culturelle –, une formation aux langues, et pas encore d’éducation ni de
formation avec les langues (cf. présentation, point A.2)
Mais ces situations de bi-pluri-multilinguisme mettent parfois en présence des
langues selon un partage et des statuts différenciés : c’est la diglossie. Voyons cela.

1.2. DIGLOSSIE, PARTAGE FONCTIONNEL ENTRE LANGUES, POLITIQUES


LINGUISTIQUES

1. Pour préciser la notion de bilinguisme : la diglossie.


Le Dictionnaire de didactique du FLES déjà cité explique que « pour parler des
phénomènes de contact de langues, le terme de bilinguisme a longtemps été le seul disponible.
Mais il présente l’inconvénient de ne pas pouvoir distinguer l’aspect individuel du phénomène
social. Pour éviter cette ambiguïté, la sociolinguistique américaine a développé le concept de
diglossie (Ferguson, 1959). L’idée majeure est celle d’une répartition relativement
harmonieuse et non conflictuelle des langues en situation de diglossie. Mais cette vision a vite
été jugée trop statique. Le concept de diglossie a donc évolué par une prise en compte des
aspects conflictuels opposant nécessairement deux langues en présence, dès lors qu’elles
n’ont pas le même statut dans la société et qu’elles occupent des positions inégalement
valorisées. »

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Et en effet, on s’aperçoit aujourd’hui qu’on ne peut ignorer les conflits ou, plus
fréquemment les représentations différenciées des langues en usage sur le même
territoire et/ou pour un même individu, Par exemple : lorsque j’ai eu à enquêter parmi
des Africains d’Afrique de l’Ouest, ceux-ci, lorsqu’ils devaient citer les langues qu’ils
maîtrisaient citaient (par exemple) le français, l’anglais, l’espagnol, mais pas le
bambara, ou le wolof - aucune langue africaine.
Pourquoi ? Taire ces langues ce peut être pour les protéger, éviter des
questions, ce peut être aussi parce qu’on ne les juge pas vraiment dignes d’être
nommées « langues », car non (ou peu) écrites, donc une représentation
affectivement forte et socialement dévalorisée. Car ces deux représentations
peuvent coexister chez une même personne ou un même groupe.

Pour aller plus loin :


 Marie-Louise MOREAU (dir.), Sociolinguistique, Notions de base, éditions
Mardaga, Liège, 1997.
Remarque - Cet ouvrage est aujourd’hui hélas épuisé, mais vous pouvez en
retrouver de larges extraits sur le lien (à copier et placer dans votre barre de
navigation):
http://books.google.fr/books?id=rLG73PRRKd4C&printsec=frontcover&dq=concepts+de+soci
olinguistique&hl=fr&ei=A5nFTNHWH4aKlwe-
OAF&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CCwQ6AEwAA#v=onepage&q&f
=false

2. Les politiques linguistiques interviennent et influent sur les situations


linguistiques qu’on vient d’aborder. Selon le dictionnaire de didactique du FLES (J.-P.
Cuq dir., Clé inter/ Asdifle),
« une politique linguistique est l’ensemble des choix d’un État en matière de langue et
de culture. Elle tient à la définition d’objectifs généraux (statut, emploi et fonction des
langues, implication en matière d’éducation, de formation, d’information et de
communication, etc.). Indépendamment des processus décisionnels mis en œuvre, toute
politique doit se fonder sur une analyse aussi précise que possible des situations
(sociolinguistiques, sociopolitiques, socio-économiques et socioculturelles) et sur une
approche prospective de leur évolution.
La politique linguistique n’est pas à distinguer fondamentalement de la politique
proprement dite, sur laquelle pourrait s’appuyer une véritable politologie linguistique. Elle est
toujours du ressort des États à travers leurs institutions, officielles ou non. Le choix de la
langue est généralement lié de façon très étroite aux questions ayant trait à l’unité nationale,
en particulier dans les pays d’Afrique noire francophone anciennement sous tutelle française
(mais aussi belge, anglaise ou allemande). »
L’enseignement et l’apprentissage d’une langue ne peuvent donc être
indépendants des politiques linguistiques et éducatives décidées par les pouvoirs :
ainsi, tel ou tel âge pour l’entrée à l’école, l’école obligatoire ou non pour les filles,
telle ou/et telle langue enseignée, telle langue de scolarisation…, tous ces éléments
sont importants à connaître pour un enseignant. On voit ainsi combien il est

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

important de connaître la situation linguistique des personnes et des groupes, mais


aussi les décisions prises par les pouvoirs ; on voit aussi qu’il ne faut pas projeter
directement ces situations linguistiques sur les situations d’enseignement-
apprentissage.

1.3. DES SITUATIONS LINGUISTIQUES AUX SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT-


APPRENTISSAGE

Historiquement, les situations d’enseignement et d’apprentissage de la langue


française sont plus complexes que le partage, qui semble aujourd’hui acquis, entre
FLE, FLM, FLS, c’est-à-dire français langue étrangère, français langue maternelle
(en France et pays francophones au sens linguistique du terme) et français langue
seconde (langue des institutions, langue de scolarisation et d’enseignement) : Car il
n’y a pas forcément de correspondance directe entre tel lieu, telle situation politique,
tel type de public, et tel type d’enseignement.
En outre interviennent des politiques linguistiques et éducatives dans chaque pays
ou même des politiques de zones régionales (par exemple, dans l’Union
européenne), c’est-à-dire des choix budgétaires, des orientations de principe avec
des conséquences pédagogiques : ainsi une nation peut déclarer défendre et
promouvoir les langues locales… mais si elles ne sont pas enseignées et s’il n’y a
aucun budget en leur faveur, cette déclaration de principe reste lettre morte. Nous
devons donc toujours regarder l’existant, au passé comme au présent.
Prenons un exemple :
Bien que né et vivant en France, un élève du début du XXe siècle pouvait se
trouver en situation d’apprendre le français en tant que langue seconde, c’est-à-dire
de scolarisation, car il ne parlait pas ou peu le français en famille et avec ses amis
(par exemple, les petits Bretons ; et on peut lire le témoignage de Pierre Jakez-
Hélias, dans Le cheval d’orgueil, réédité en poche chez Plon, collection « Terres
humaines »). La comparaison peut-elle être étendue à aujourd’hui ? Certainement !
réfléchissez à vos rencontres, vos voyages…
Il faut cependant, et dans la grande majorité des cas, nuancer : si l’enfant, locuteur
natif en français, arrivant à l’école doit s’approprier la langue de l’école, un français
standard voire soutenu, avec ses règles de grammaire et de communication, et
aussi apprendre à passer à l’écrit (graphie, lecture, écriture), on ne peut néanmoins
pas parler en ce cas de FLS ; de même pour les situations d’illettrisme dans
lesquelles un locuteur natif francophone a « désappris » à lire et écrire après avoir
été scolarisé. Cependant, ces dernières situations nous éclairent sur un autre
problème, qui est le passage des pratiques familiales et familières de la langue aux
pratiques scolaires : la langue de l’école est spécifique, elle est centre autour de
l’écrit, elle s’appuie sur des normes pas toujours bien claires pour les jeunes élèves
(et même les moins jeunes ex-élèves).
En revanche, des méthodes FLS ou des outils de remédiations liés au FLS
peuvent être utilisés et le sont souvent avec profit dans les cas cités précédemment.
Pourquoi : tout simplement parce que la langue et des difficultés sont enfin abordés

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

du point de vue de l’apprenant, et pas du point de vue de celui qui sait déjà.
Nous allons voir les grandes catégories de situations d’apprentissage : celles liées
au type de public, à l’objet d’étude, à ses objectifs et à l’institution d’accueil ; celles
liées aux déterminants concrets de l’apprentissage (nouvelles technologies et
apprentissage en autonomie, totale ou partielle, enseignement à distance).

II – SITUATIONS DIFFÉRENCIÉEES D’ENSEIGNEMENT


– APPRENTISSAGE (FLE-S-M)

On peut définir pour commencer une situation d’enseignement-apprentissage à


l’aide des cinq paramètres suivants :
- le public visé ;
- l’institution ;
- l’objet d’enseignement ;
- les circonstances ;
- les objectifs de l’enseignement.
Il existe bien d’autres grilles d’analyses des situations d’enseignement-
apprentissage, plus précises, mais aussi plus compliquées ; cependant elles ne
permettent pas forcément de présenter clairement les principales situations et
génèrent des redondances, nous les laisserons donc de côté pour le moment. Mais
vous pouvez consulter, par exemple, la grille proposée par Jean-Marc DEFAYS, in
Le français langue étrangère et seconde (éditions Mardaga, 2003, Liège, p. 17) :
outre les paramètres ci-dessus, elle inclut aussi :
- l’enseignant,
- les méthodes,
- les supports.
En revanche, elle englobe l’institution dans les circonstances, ce qui n’est pas
toujours approprié, car l’institution peut peser d’un poids non négligeable.

2.1. DIFFÉRENCES SELON LES PUBLICS, LES INSTITUTIONS, L’OBJET D’ÉTUDE,


LES OBJECTIFS

1. Le FLM… et ses marges


- Ecole primaire, collège, lycée
La situation la plus ordinaire en France est l’enseignement-apprentissage du
français (langue, littérature, culture, valeurs) à des enfants et adolescents dans le
cadre de l’institution scolaire (école primaire, collège, lycée) avec des objectifs
linguistiques, culturels et éducatifs, et au-delà, éthiques.
Si on se penche sur les programmes des classes de collège, donc le FLM (réel
ou présumé), on s’aperçoit que l’objectif explicite est triple et varie peu à travers les
trente dernières années :
« pratique raisonnée de la langue »,

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

« formation d’une culture » (auteurs français, auteurs de l’Antiquité, quelques


auteurs étrangers),
« méthodes et pratiques »,
Cela pour les programmes et instructions de 1985. Aujourd’hui, après le « socle
commun de connaissances et compétences « (2006), les programmes et
instructions de 2008 pour le collège (B.O. du 28 août 2008, www.cndp.fr) applicables
à la rentrée 2009, mettent l’accent sur l’importance de la « formation d’une culture
commune », sur l’acquisition de « références culturelles communes » ainsi que sur
les savoirs et savoir-faire à l’écrit et à l’oral en production et en réception.
Le cas du FLS est mentionné comme suit :

L’objectif général est l’intégration des élèves étrangers dans le système éducatif français.
Les élèves de langue maternelle étrangère nouvellement arrivés en France et n’ayant jamais été
scolarisés reçoivent un enseignement adapté à leurs besoins dans des structures spécifiques.
Les élèves nouvellement arrivés en France et scolarisés antérieurement dans une langue autre que le
français reçoivent un enseignement du français qui s’ajoute aux enseignements dispensés dans les
classes où l’élève est inscrit après évaluation de ses acquis scolaires.
Ces cours regroupent les élèves concernés selon leur niveau de connaissance de la langue française.
Contenus et méthodes s’inspirent des didactiques du français langue maternelle et du français langue
étrangère.

NB – Les questions relatives à l’organisation de séquences pédagogiques, à l’évaluation, aux actions de


consolidation seront traitées dans des documents d’accompagnement. Un glossaire terminologique et des
suggestions de listes d’oeuvres y figureront également.

Remarque sur ce paragraphe consacré au FLS dans le système scolaire français:


Vous repérez l’évolution par rapport aux textes de 2002 (reproduits en annexe) sur
la scolarisation des enfants nouvellement arrivés en France sans maîtrise suffisante
du français et des apprentissages ; dans ce texte qui va s’appliquer en 2009, la
distinction entre élèves dits NSA (non scolarisés antérieurement) et élèves scolarisés
antérieurement. Vous notez aussi que le FLS n’est cité que dans le titre, ensuite, les
méthodes requises sont référées soit au FLM soit au FLE.
Nous voyons bien aussi que l’enseignement d’une langue peut être plus ou
moins chargé d’une mission éducative et culturelle, et que c’est le « plus » qui
domine en FLM dans l’enseignement primaire et secondaire. Les objectifs majeurs
sont d’éducation, de socialisation, de communication, de connaissance réfléchie de
la langue et de transmission-élaboration d’une culture commune, soit les objectifs
d’une discipline et de la langue de scolarisation, le français, mais aussi les objectifs
de l’École dans son ensemble.
Les aspects pédagogiques de réalisation de ces objectifs évoluent (et ce n’est
pas fini…) notamment en intégrant FLE et FLS. Nous verrons cela d’ici quelques
pages. En outre, la France n’est pas le seul pays à avoir intégré le FLS dans son
système scolaire : on peut voir au Québec et même dans tout le Canada comment

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

s’organisent les apprentissages par immersion, si vous allez là-bas, vous aurez
beaucoup à découvrir encore. De même, la Suisse et la Belgique ont des politiques
spécifiques pour les enfants arrivés dans le pays sans maîtrise de la langue de
l’école (ce sont des pays plurilingues, donc là, tout dépend du territoire concerné).
- Université
L’enseignement dans les établissements universitaires est encadré par la loi du
10 août 2007, dite loi Pécresse, qui vient remplacer la loi du 26 janvier 1984 sur les
universités, dite loi Savary. Ces lois sont consultables et téléchargeables sur le site
www.legifrance.gouv.fr, ou sur www.education.fr L’objectif des universités est de
formation initiale et continue, de transmission et d’élaboration de la recherche. Dans
ce cadre, le français (FLM) se retrouve dans plusieurs filières : à titre principal en
Lettres modernes et classiques, en sciences du langage ; à titre dérivé ou opératoire
dans les filières de communication, de formation aux métiers du journalisme… ainsi
qu’en tant que langue de scolarisation dans l’ensemble du dispositif, même si des
filières bilingues sont aujourd’hui encouragées, en partenariat avec des
établissements étrangers.
Le français en tant que langue maternelle est supposé maîtrisé par tous les
étudiants, y compris les étrangers : ceux-ci pour s’inscrire dans une université
française, doivent être titulaires du DALF – diplôme approfondi de langue française,
voir le site www.ciep.fr, ou être à ce niveau, attesté après un examen d’entrée à
l’université. Ce niveau requis est le B2 du Cadre européen commun de référence
(téléchargeable sur le site du Conseil de l’Europe, www.coe.int) ; il fonctionne
comme norme de référence. Cependant des cours de remise à niveau, de soutien ou
des cours à objectif spécifique peuvent être organisés en tant que de besoin pour les
étudiants étrangers des programmes d’échanges internationaux, pour les étudiants
ayant à produire un mémoire, un rapport de stage, une thèse. Cela dit, dans le cadre
des programmes d’échanges européens, les examens de langue française pour
s’inscrire en université française ne sont pas requis (mais le niveau l’est…).
On voit donc que la situation du français dans les universités est très variée. Si
on y ajoute les formations proposées dans les services universitaires de formation
continue, la variété s’accroît encore : elle va de la préparation du DAEU (diplôme
d‘accès aux études universitaires, succédané du baccalauréat, comportant une
option littéraire et une option scientifique) aux diplômes de 3e cycle.
On remarque que la question du partage FLE / FLM / FLS n’est pas posée en
tant que telle, sauf pour les diplômes de formation à ces types d’enseignement : la
langue de référence est supposée être le FLM (ou être parlée selon un niveau
équivalent).
- Des formations initiales à la formation continue
On a vu que la formation continue est une des missions des universités et qu’il
existe pour cela dans chacune d’elle un service commun de la formation continue : là
peuvent se préparer, outre les diplômes de premier, deuxième, troisième cycle
évoqués ci-dessus, des certifications en FLE (type DELF et DALF), et des cours

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

spécifiques peuvent être organisés s’il existe un public intéressé.


À cela s’ajoute la prise en compte des étudiants étrangers ne maîtrisant pas ou
pas suffisamment la langue française, ainsi que la culture écrite universitaire et les
savoir-faire liés à la discipline qu’ils veulent étudier. Pour désigner ces formations, on
parle tantôt de français de spécialité, tantôt de français sur objectifs spécifiques – et
parfois de FOU (sic), français sur objectifs universitaires, ce qui semble une
globalisation un peu rapide, étant donné qu’il y a bien des situations différentes dans
les profils d’étudiants et que, par ailleurs, il n’y a pas qu’en France qu’on enseigne
en français.
Au-delà de la formation continue, se situent tous les dispositifs de VAE,
validation des acquis de l’expérience, par lesquels chacun peut faire reconnaître et
valider dans un diplôme ou une partie de diplôme, ses acquis antérieur attestés et
présentés en un dossier (voir sur ce thème le site du Ministère du Travail,
www.travail.gouv.fr, ou le site de votre université). Cela suppose, là encore, des
compétences de rédaction et de présentation spécifiques en français, qui sont pour
partie scolaires et universitaires, mais aussi professionnelles : composer un dossier :
présenter son parcours, ses expériences, formuler ses acquis, développer son projet
de formation. C’est pourtant ce qui est de plus en plus fréquemment demandé dans
les sélections de master 2 ou d’écoles supérieures. On voit donc que l’enseignement
du français et son apprentissage de perfectionnement sont en évolution.
La formation continue est aussi le fait des entreprises, des administrations, donc
du secteur public hors enseignement et aussi du secteur privé : en matière de
français, les formations les plus demandées sont celles liées à l’écriture de
documents spécifiques (lettres, rapports, dossiers, notes de synthèse), la lecture
efficace, la prise de parole en public, en réunion, la prise de notes, la réalisation de
dossiers, mais aussi l’orthographe, la conduite de réunions, etc.
On voit ainsi combien la frontière entre FLM, FLS et FLE peut être parfois ténue ;
en particulier elle ne peut être calquée sur les institutions, comme on va le voir pour
le FLS, qui se produit aussi en contexte scolaire. Si l’objet d’étude est
majoritairement le FLM, cette affirmation ne peut être généralisée sans erreur.

2. Le FLS : un passage parfois obligé ou une revendication durable


Le FLS couvre trois grandes gammes de situation :
- d’une part les remédiations et adaptations liées à l’enseignement français et
du français en France pour les enfants d’origine étrangère ne maîtrisant pas ou trop
peu le français ;
- d’autre part, les situations d’enseignement (français langue de scolarisation)
issues de la colonisation française, notamment en Afrique de l’ouest et au Maghreb ;
- et enfin les situations politiques où le français coexiste depuis longtemps avec
d’autres langues et dont les locuteurs défendent le statut (Québec, Suisse,
Belgique).

Dans l’enseignement français, le terme de « français langue seconde » apparaît

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

explicitement dès le décret du 30 août 1985 (précisant les objectifs à atteindre en fin
de classe de 3e) : le français langue seconde apparaît comme « un des moyens de
faire face au problème de l’hétérogénéité des publics scolaires » et de les « faire
progresser dans l’acquisition de la langue et dans celle des contenus des
programmes des différentes disciplines ».
Il est précisé également dans le même texte, qu’en l’absence de méthodes
spécifiques au FLS, il est recommandé aux enseignants d’utiliser des méthodes de
FLE. Cette orientation est maintenue actuellement, comme vous pourrez le constater
à la lecture, dans les annexes, du document 2 (circulaire de 2002 concernant le
collège).
On voit par là que le statut du français langue seconde est pour une part un statut
de seconde zone, lié à la remédiation, au rattrapage en vue de faire accéder les
élèves concernés aux activités et acquisitions du FLM, qui serait le vrai français, le
bon, le juste.
On voit aussi que ce public concerné par le FLS n’est pas, en soi, un public de
locuteurs non natifs ; il se définit plutôt par ses déficits actuels en matière de langue
française. Les élèves en situation d’échec peuvent être d’origine étrangère (ce qui
n’est pas synonyme de non-nationalité française) et vivre en France depuis
longtemps, mais pas forcément : il y a aussi toute une frange d’élèves en situation
d’échec, de marginalisation, situation en général (mais là encore, pas toujours)
renforcée par le milieu social. On comprend dès lors pourquoi Jean–Marc Defays
(op. c. supra) peut parler à propos du FLS de « français langue étrangère du
pauvre » (p. 32). Il met aussi l’accent sur la grande variété actuelle des situations de
français langue seconde.

La langue seconde
Le français langue seconde est, comme un moyen terme entre le français langue maternelle et le
français langue étrangère, un concept plus récent encore issu de circonstances historiques précises :
l’indépendance des colonies francophones où le français devait rester la langue des élites, malgré la
concurrence des langues nationales et des autres langues internationales, et continuer ainsi à exercer
une certaine influence dans ces pays. Mais français langue seconde a été utilisé depuis lors pour
désigner une multitude d’autres situations, plus variées les unes que les autres, qui n’ont comme point
commun que le fait que le français ne peut y être qualifié ni de langue maternelle, ni de langue
étrangère. Le français langue seconde couvre même maintenant des champs de recherche et
d’enseignement qui relevaient naguère soit du français langue étrangère (par exemple quand il a lieu
en immersion dans un pays francophone) soit du français langue maternelle (par exemple, pour les
personnes illettrées ou peu scolarisées pour qui la langue écrite ou le registre soutenu sont quasiment
des langues étrangères).
A cause de ce succès, dû évidemment à la diversification des conditions d’utilisation et
d’enseignement du français, français langue seconde est un concept fourre-tout qui brouille les
critères au lieu de les clarifier et il est devenu bien difficile d’en donner une définition positive qui
fasse l’unanimité. On peut seulement retenir la caractérisation selon laquelle les apprenants concernés
par le français langue seconde ont été ou sont exposés de manière significative à la langue avant ou
pendant son apprentissage, ce dont l’enseignant doit tenir compte en réactivant l’acquis ou en profitant

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

de l’immersion. Les situations peuvent d’ailleurs évoluer très vite, par exemple en Afrique où le
français est passé en une génération d’un statut de langue quasi-maternelle à celui de langue seconde,
puis enfin à celui de langue étrangère, sans que les institutions aient eu le temps de s’adapter. Par
ailleurs, cette nomenclature tripartite est transcendée par d’autres critères qui permettraient d’autres
regroupements, par exemple celui du profil des apprenants (âge, scolarité…), des objectifs de
l’apprentissage (milieu scolaire, formation continue, loisirs…). A ce propos nous noterons qu’en
Belgique, le français langue seconde concerne plutôt le public défavorisé des immigrés déshérités, peu
scolarisés voire analphabètes, et non celui des cadres internationaux ou des étudiants étrangers, de
sorte qu’on l’a parfois appelé le « français langue étrangère du pauvre », car il bénéficie effectivement
de peu de moyens financiers et pédagogiques.
Le français langue étrangère et seconde, éd. Mardaga, Liège, 2003, pp. 31-32

Outre le cas cité ci-dessus, et depuis le début des années soixante dix (circulaire
du 13 janvier 1970, BO n° 5 du 29 janvier 1970), l’Éducation nationale organise
l’accueil et la prise en charge des élèves étrangers nouvellement arrivés en France.
À la même époque, ont été créées des structures d’accueil, de documentation et de
recherche, les CEFISEM (centres d’études, de formation et d’information sur la
scolarisation des enfants de migrants), devenus depuis cinq ans les CASNAV
(centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du
voyage), qui voient étendue aux enfants du voyage leur sphère de compétence.
Le texte actuellement en vigueur sur cet accueil des enfants dans le primaire et le
secondaire est la circulaire du 25 avril 2002, que vous trouverez (pour lecture
attentive) en annexe.
Le français langue seconde est vu là comme « un enseignement intensif du
français pour les élèves arrivés de l’étranger en France en cours de scolarisation » et
le français est entendu, pour ces élèves « comme langue de scolarisation et comme
langue de communication avec leur environnement ». Le fascicule conseillé ci-
dessous, d’où est extraite cette citation, « a pour objectif de tracer les contours de
cette autre pédagogie du français à l’intérieur du collège ».
 Lectures conseillées en FLS
Le fascicule intitulé Le français langue seconde, CNDP (centre national de
documentation pédagogique), Paris, 2000, environ 5 euros. Il peut être commandé à
partir du site www.cndp.fr ou www.sceren.fr ou lu dans les CRDP.
In Les cahiers de l’ASDIFLE, 2003, n° 15, « Français et insertion » (actes des 31
et 32e rencontres), vous pouvez lire en particulier les articles de Michèle Verdelhan,
« Du FLE au FLS :et au français langue de scolarisation : des compétences
différentes » (p. 135 à 150) et de Régine Dautry, « Des formations à adapter » sur
les CASNAV (p. 117 à 122). http://asdifle.org
VERDEILHAN, Michelle, Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste,
P.U.F., Paris, 2002.
Il faut signaler aussi comme relevant du FLS l’apport du programme européen
« EVLANG » (éveil aux langues) destiné aux écoles maternelles et primaires dont
nous parlerons plus précisément dans le fascicule suivant : l’objectif est de faire

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

prendre conscience aux élèves de la variété des langues employées dans leur pays,
et dans l’espace européen, l’objectif étant, à terme, que tout élève maîtrise trois
langues dont sa langue maternelle. Mais dans la pratique, on constate que, hormis
les régions où existe encore une langue minoritaire, comme l’occitan, le corse, le
breton…, dans la réalité, l’éveil aux langues est souvent un éveil à l’anglais, ce qui
est finalement contraire au but initial d’EVLANG. Cet éveil aux langues a été
popularisé en France notamment par Michel Candelier (voir par exemple :
http://books.google.com.cu/books?id=WaV8o5he5UUC), actuel promoteur du
CARAP, cadre de référence pour les approches plurilingues et pluriculturelles, censé
prolonger et préciser le CECR, cadre européen de référence pour les langues. Voir
par exemple : http://archive.ecml.at/conference/docs/abstract3.pdf
Enfin, en matière de FLS, on se saurait non plus passer sous silence la formation
continue des cadres venus en France en entreprises ou en institutions
internationales : citons par exemple, les cadres étrangers de l’OCDE, de l’ONU, de
l’UNESCO et de l’UE pour les organisations publiques ; et dans les entreprises
privées, l’usine Toyota à Valenciennes. Cette formation continue se fait en cours de
groupe ou en cours individuels de façon alternativement intensive, et extensive, elle
accompagne l’adaptation de la personne à la vie et au travail en France.
Une interrogation demeure, cependant : étant donné que le travail se déroule
autant en anglais qu’en français, on peut se demander là si on ne pourrait parler de
FLE… sauf que l’environnement social, et culturel de la vie quotidienne est irrigué
par le français.
 A consulter sur le thème de l’éveil aux langues :
Les deux volumes parus en 2006 au CRDP de Bourgogne, sous la direction de
Michel CANDELIER et Brigitte KERVRAN, Observation réfléchie des langues, avec
des explications et des suggestions pour la classe en primaire (cycle 2, cycle 3).
Et tous les documents placés à l’onglet Language awareness sur le site du
Conseil de l’Europe, www.coe.int
Le français langue seconde a été aussi pratiqué dans les colonies françaises,
comme l’explique le document placé en annexe, un article de Gérard Vigner : étant
donné que la langue française était vue – à juste titre, et comme toute langue
supplémentaire – en tant que de moyen d’autonomie, il était souvent prescrit de
limiter son enseignement. C’est à la lumière de ces constats historiques que peuvent
s’entendre les propos cités ci-dessus de Jean-Marc Dufays sur le FLS, vu souvent,
dit-il, comme « français langue étrangère du pauvre ».
Mais il convient de ne pas être forcément défaitiste car la réflexion sur ces points
continue : voir par exemple dans les publications liées à la revue Le français dans le
monde, la revue Diagonales (par exemple le n° d’août 1997, consacré au FLS),
devenue en 2001 Francophonies du sud, dédiées majoritairement à l’Afrique.
 www.fdlm.org (nombreux articles en ligne)
Ce français langue seconde est aujourd’hui enseigné par le biais d’associations ou
d’organismes culturels et d’insertion, ou encore d’organismes liés à l’ANPE (en vue

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

de remises à niveau), par exemple à destination des femmes immigrées, ou des


jeunes sans qualification ou de bas niveau de qualification.
Les AEFTI, associations pour l’enseignement et la formations des travailleurs
immigrés et de leurs familles, en sont un acteur majeur, sur lequel vous pourrez vous
informer plus précisément en allant sur le site www.aefti.fr et en consultant la revue
Savoirs et Formation. Ce réseau associatif travaille en liaison avec l’ANAEM, Agence
nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (née du rapprochement de
l’OMI, Office des migrations internationales, avec le SSAE, Service d’aide aux
émigrants).
Le réseau AEFTI propose des outils et une réflexion d’ensemble tout en
choisissant d’apporter une « valeur sociale ajoutée » (Jean Bellanger, in revue
Savoirs et Formation n° 59, juin 2005). Il existe depuis plus de trente ans et a ouvert
depuis trois ans une antenne au Maroc, pour participer à la lutte contre
l’analphabétisme, en partenariat avec l’UNESCO, les autorités marocaines, les
services culturels et instituts français du Maroc. Il s’investit dans la formation mais
aussi la formation des formateurs.
On voit ainsi que le FLS demeure lié au FLE, et ne saurait être réduit à une
période de purgatoire avant la pleine maîtrise du française, qui serait le FLM. En
réalité, ce français dit langue maternelle renvoie à une hypothétique maîtrise
complète de la langue au motif qu’on est locuteur natif ; or on le sait, tout est
question de culture, de scolarisation, de milieu social, et aussi de goût pour la
langue (et les langues).
Dans les pays francophones, le FLS est pratiqué de façon active, ouverte, et sans
que son statut soit dévalorisé (et/ou avec le souci militant de le revaloriser), en
particulier au Québec, mais aussi en Suisse, en Belgique. Alors qu’en France, les
élèves relevant pour partie du FLS sont des publics captifs, à la motivation variable
(surtout au niveau collège, durant l’adolescence), ailleurs ce sont souvent des
publics volontaires et motivés.
Si vous avez la curiosité de consulter les sites internet dédiés au français langue
seconde, vous verrez que les universités du Québec, et au-delà, canadiennes (dont
certaines, telle Sherbrooke, sont bilingues) se taillent la part du lion.

3. Le FLE : un succès ambigu ; évolutions et perspectives


Comme les travaux du Conseil de l’Europe nous le montrent, le FLE s’est installé
massivement en France avec la nécessité de former les publics migrants : les
hommes adultes venus travailler en France, leur femme, puis leurs enfants. Les
situations sont donc d’une part des situations de formation pour adultes travailleurs
et/ou en besoin d’insertion sociale, et d’autre part des formations d’intégration à la
scolarisation en France et en français pour les enfants.
Les formations pour adultes sont liées au monde du travail et d’ailleurs les cours
sont parfois donnés sur le lieu de travail. Aux tout débuts, on parle d’alphabétisation
des travailleurs migrants. La langue enseignée est une langue en emploi, centrée
autour de la vie quotidienne dans et hors le travail (par exemple : à la poste, au
20
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

marché…). Ces situations dans lesquelles l’objectif est que les apprenants parlent et
comprennent assez vite, font que la littérature, la grammaire, caractéristiques du
FLM, sont alors largement écartées.
Cf. ci-dessous, les analyses sur la revue Langue française, en particulier le n°
29, consacré à la formation des travailleurs migrants.
Il demeure par ailleurs les enseignements et apprentissages traditionnels de
langue et culture françaises, par choix, par goût personnels, dans des cours de
groupe ou des cours particuliers.
Hors de France, le FLE depuis les années soixante dix, s’est étendu. On le
repère au grand nombre d’apprenants, au nombre croissant de méthodes crées et
vendues sur des supports variés, et diversifié en des spécialisations de plus en plus
précises :
- dans l’enseignement primaire et secondaire…
On peut distinguer d’abord les pays qui n’ont pas de tradition francophone et
dans lesquels le français est une langue étrangère et une matière parmi d’autres, par
exemple en Chine, en Russie, en Europe de l’Est, aux Etats-Unis.
Et d’un autre côté, il y a les pays ex-colonies ou ex-protectorats, par exemple, au
Maghreb : tous ces pays pouvaient être reliés à des emplois et des apprentissages
de FLS, mais leur effort, une fois devenus indépendants, a consisté à bien marquer
que le français était une langue étrangère, que ce soit en situation scolaire ou
sociale, alors même qu’il était parlé et compris dans les rues et les bureaux. Citons
ainsi le cas de l’Algérie, qui dès les années soixante, puis soixante dix et quatre-
vingts considérait le français comme « une langue étrangère à vocation scientifique
et technique » tandis que l’arabe était vu et proclamé comme « la langue nationale »
(extraits d’Instructions officielles Éducation nationale de 1985).
- dans des formations intensives ou extensives en Alliance française, Instituts
français ou écoles diverses et formations professionnelles liées à des entreprises
françaises installées à l’étranger (par exemple, Renault en Espagne, à Valladolid et
Madrid), le FLE s’est déployé dans les domaines traditionnels, liés à la culture et aux
loisirs, mais aussi :
. en Français sur objectifs spécifiques (FOS), français des affaires, français du
tourisme, français scientifique et technique, français des relations internationales et
de la diplomatie ;
. en français précoce pour les enfants, depuis 1990 (1ers textes sur
l’apprentissage du français précoce, et début du développement de méthodes et
méthodologies) ;
. en soutien spécifique complémentaires aux cours obligatoires des collèges et
lycées.
On repère aussi le FLE dans les universités étrangères, en enseignement
intensif ou extensif avec des objectifs divers : soutien et amélioration des
compétences, conversation, littérature et culture, français de spécialité (droit,

21
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

économie, finances, médecine…) lié à telles ou telles études.


Il semble donc qu’entre FLE et FLS se développe un partage des rôles et des
terrains : le FLS assumerait plutôt ce qui est de l’ordre de la remédiation scolaire et
de l’aide sociale (France y compris DOM et TOM, Belgique, Suisse, le cas du
Québec étant plus large que cela), un « français du pauvre » à usage d’aide sociale
qui serait assumé pour partie par les associations spécialistes (comme les AEFTI) et
pour partie par le système scolaire auquel cela permettrait une élasticité marginale
de l’enseignement du FLM, lui évitant les remises en cause d’ensemble. Comme si le
FLS n’était pas d’abord du FLE ; mais justement, en le reliant au FLM, l’institution
écarte la question de la reconnaissance du FLE.

Le FLE, lui, se recentrerait sur une culture déclinée désormais de façon plus
large que les Arts et Lettres, une culture ouverte au droit, à l’économie, aux sciences
politiques, aux sciences et techniques en général, cependant que le FLM garde le
cap de ses missions fondamentales de transmission de valeurs, de culture et de bien
dire-lire-écrire.
Mais peut-on tenir cette affirmation, née de constats récurrents et d’observations
croisées, pour juste ? D’autant plus que le FLE, véritablement innovant pendant plus
de trente ans, est actuellement dépecé en sous-groupes variés qui n’ont souvent
comme légitimité que le souci de leurs promoteurs de s’assurer une visibilité : le
FOS, français sur objectifs spécifiques, le FLP, français langue professionnelle, lié à
la formation professionnelle des travailleurs d’origine étrangère, sans compter, peut-
être, le FLI, français langue d’intégration, évoqué en présentation de ce fascicule.
Cela étant dit, examinons maintenant les circonstances concrètes d’un
apprentissage de langue avec la culture qui l’accompagne.

2.2. DIFFERENCES SELON LES CIRCONSTANCES CONCRÈTES DE L’APPRENTISSAGE


1. Nouvelles technologies : vers des situations individualisées
d’apprentissage

On notera que ces situations se produisent essentiellement en FLE, et parfois


pour des activités complémentaires telles que les remédiations en FLM en primaire
et au collège (dictée, lecture, écriture…). Et le FLS ? Il semble là que l’apprenant soit
très rarement placé en autonomie devant des outils multimédias : est-ce le besoin
d’une relation directe et sécurisante avec l’enseignant, compte tenu des passages
culturels à effectuer, ou tout simplement que cet enseignement reste traditionnel ? Il
est difficile de trancher, car ces causes semblent toutes valides. Les nouvelles
technologies ont fait émerger des situations d’apprentissage inédites, ou jusqu’alors
marginales : une autonomie plus grande de l’apprenant (mais l’autonomie doit
s’apprendre et il faut « apprendre à apprendre ») ; des rôles diversifiés pour les
enseignants, non plus seulement maîtres, mais aussi animateurs, concepteurs,
évaluateurs, personnes-ressources.

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Cependant, les nouveaux outils sont toujours des outils, leur fonction n’est pas
magique, et leur seule possession ne suffit pas à en donner le mode d’emploi et la
maîtrise, lesquels ouvriraient sur une réussite aux multiples visages ; il faut
apprendre à s’en servir. En outre, la maîtrise de l’outil n’est pas la maîtrise de
l’activité qu’il permet. Ainsi, savoir manier souris et clavier d’ordinateur ne conduit
pas d’office à savoir s’orienter dans l’arborescence d’un Cd-Rom, avec les choix
qu’elle suppose. Plus même, le fonctionnement sur le mode essai / erreur mène,
passé le stade de l’exploration (du « surf »), à un enfermement labyrinthique. Et, si
« l’outil n’est réellement que dans le geste qui le rend techniquement efficace »
(André Leroi-Gourhan, Le geste et la parole, tome 2, « La mémoire et les rythmes »,
éditions Albin Michel, Paris, 1964), il faut voir ici que le geste comprend la
manipulation mais aussi les opérations mentales qui la guident. Et l’efficacité
technique est l’efficacité de l’opération visée : quand un apprenant manie un CD-
Rom de langue étrangère, est-ce pour le maniement lui-même, pour le survol du
document hypermédia interactif, ou pour apprendre quelque chose de plus ?
Il est utile de poser la question et de distinguer les différentes activités liées à
l’outil informatique, en particulier pour les enseignants. Chacune doit trouver sa
place dans le temps d’un apprentissage : apprendre à manier l’outil et le support CD-
Rom va permettre ensuite de parcourir le CD-Rom en question pour en comprendre
l’organisation, et enfin de choisir une tâche. Mais il est illusoire et dangereux de
confondre maîtrise de l’outil et capacité à choisir un parcours, une ou des activités
d’apprentissage, après un regard d’ensemble sur le programme proposé. En fait, ce
qui est demandé, à l’apprenant comme à l’enseignant (éventuellement responsable
de centre de ressources multimédia en langues), est très différent des
comportements scolaires et sociaux habituellement attendus. De là les flottements et
incertitudes à partir d’un modèle scolaire traditionnel modelé par l’école, et malgré
les formes différenciées d’enseignement et d’apprentissage introduites massivement
depuis quelques dizaines d’années.
Par ailleurs, « L’outil multimédia découple encore un peu plus apprentissage
d’une langue et institution. Le marché économique prend place à côté de l’institution
ou des institutions de formation, initiale et continue » (colloque université Lille-3 /
CREDIF, 21-23 mars 1996, actes publiés dans les Cahiers de la MSH Lille-3). Or
l’enseignement en présence et en groupe autour d’un maître est depuis plusieurs
siècles la forme canonique de l’enseignement. Cet enseignement est extensif et se
déroule à l’intérieur d’un calendrier marqué de rites plus ou moins liés à la vie
spirituelle et socio-économique ; il s’exerce aussi autour d’exercices et de pratiques
collectives ou individuelles que l’élève, en général, n’a pas choisis.
L’apprentissage avec le multimédia est vu au départ, par les apprenants mais
aussi par les apprentis-professeurs, comme ludique ; mais très vite il révèle ses
zones d’ombre : « cela peut bloquer », et alors à qui s’adresser ? «J’aime pas le prof’
ne sera plus une excuse », « il n’y a plus de prof’ pour nous aiguillonner » ; et
l’apprenant découvre que se confronter à l’auto-contrainte nécessaire est plus

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

difficile que supporter la contrainte externe ; enfin, le professeur est bien utile pour
faire durer la motivation, qui, sans lui, s’épuise très vite.
Rappelons que l’enseignement dispensé individuellement, par un précepteur,
était le fait de familles aisées et fait encore partie des choix d’un certain nombre de
familles, mais les pédagogues s’accordent à dire aujourd’hui qu’il méconnaît ou
sous-estime la fonction de socialisation de l’école. Les situations d’apprentissage en
autonomie dans lesquelles intervient l’outil multimédia ont à compter avec cet
aspect-là. Entre ces deux modèles, se trouve aujourd’hui placé celui des centres de
ressources multimédia : l’apprenant potentiel qui fréquente un tel centre a cependant
des demandes et des attentes très variées, depuis la prise en charge totale par un
enseignant, jusqu’à la liberté de choix des objectifs, méthodes, rythmes de travail
dans telle ou telle langue, l’enseignant étant alors un aide à la technique et à la
documentation, un guide, parfois un évaluateur.

Autre rappel : l’enseignement intensif s’est développé en France après la Seconde


Guerre mondiale, il se pratique essentiellement en FLE, même si, vous le verrez
dans les documents à lire en annexe sur le FLS, son enseignement en contexte
scolaire st parfois qualifié d’intensif en classes d’adaptation : en réalité, il s’agit d’une
dizaine d’heures par semaine sur un ou deux ans. On peut également relier
l’enseignement intensif au développement de la formation continue à partir de 1971.

A consulter pour aller plus loin :


BARBOT, M.-J., Stratégies des auto-apprenants et Multimédias in Les Cahiers de
l’ASDIFLE, n° 9, 1997, consacré au thème du multimédia et de l’enseignement du
FLE.
« Les approches non conventionnelles en didactique des langues », Les Cahiers
de l’ASDIFLE, n° 19, 2007.

2. Enseignement à distance : généralisé et sur mesure


L’enseignement à distance existe depuis une cinquantaine d’années en France
soit Radio-Sorbonne ou le Centre national d’enseignement à distance, ou encore les
centres universitaires de télé-enseignement. Comme en témoigne, par exemple, La
Lettre du CNED (www.cned.fr), la difficulté souvent mise en avant par les élèves ou
anciens élèves est celle de l’autonomie : que ce soit dans la motivation, dans
l’organisation du travail et des lectures ou encore dans la relation à l’enseignant-
correcteur. Et tous témoignent de l’importance de la relation, voire du lien avec
l’enseignant, qu’ils soient en formation initiale ou continue.
Même si les cours du soir, destinés à la formation et à la promotion sociale,
existaient déjà (en particulier depuis la loi de 1934 sur le titre d’ingénieur), la
formation continue en présentiel et à distance s’est développée en France à partir de
la loi Defferre d’août 1971. Elle a été auréolée du mythe de la seconde chance pour
les déçus ou malchanceux de l’École, mais en réalité, elle s’organise d’une part
autour de la mise à niveau des salariés selon le profil de leur poste, d’autre part en

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

termes de gratification pour les plus « méritants » : cette terminologie est tombée en
désuétude, et on parle plutôt d’apprentissage tout au long de la vie, de seconde
chance, en référence aux travaux anglo-saxons, canadiens et québécois sur le life
long learning, qui sont par exemple repris pour partie dans la revue Travail et Emploi,
dont certains articles sont accessibles sur internet :
http://www.travail-solidarite.gouv.fr/publications/Revue_Travail-et-Emploi/pdf/100_3026.pdf
Cependant, certains des ressorts de la relation pédagogique traditionnelle sont
toujours à l’œuvre, par exemple : la référence au maître, le besoin d’être reconnu et
gratifié, le besoin d’être guidé, rassuré à l’intérieur d’un parcours et d’objectifs
explicités. Sur ces points, le développement de l’enseignement à distance, en
situation professionnelle et/ou universitaire allié aux ressources des nouvelles
technologies (informatique, internet, multimédia) permettent de développer des
apprentissages « sur mesure » (tel et tel module, telle matière en rattrapage) et une
relation plus individualisée aux enseignants.
Il y a donc une infinité de parcours possibles et de profils d‘étudiants. La question
de savoir s’ils relèvent du FLE, du FLS ou du FLM ne peut guère être tranchée
facilement sauf pour les cas « monochromes », ainsi peut-on les désigner faute de
mieux.

3. Enseignement aux migrants


Dans toute l’Europe, l’immigration officielle a cessé depuis 1974 ; depuis, ne
sont intervenus « que » des regroupements familiaux et des régularisations après
coup au gré des choix et besoins politiques. Ainsi sont nés les deux grands publics
migrants : les enfants et les adultes ; et parmi les adultes ceux qui relèvent de
l’alphabétisation (ils n’ont jamais été scolarisés) et/ou de la lutte contre l’illettrisme,
cela parfois au gré des possibilités locales de formation (voir le site www.anlci.fr) et
ceux qui relèvent du FLE. C’est à ce moment-là, les années soixante-dix, que se
sont systématisés et développés les efforts institutionnels et locaux d’intégration par
la langue pour les enfants, mais aussi les adultes (cf. ci-dessus, les AEFTI, et autres
structures associatives) ; sans doute parce que, au-delà du grand nombre, il y a eu
tout d’un coup la conscience que le mythe du retour au pays à la retraite n’était
justement… qu’un mythe. On peut lire sur ce point la revue Hommes et migrations,
consultable sur internet, en accès par les mots-clés et au lien suivant :
http://www.hommes-et-migrations.fr/
Nous sommes actuellement dans une phase où la langue prend une importance
forte, il se veut aussi la langue de l’intégration, entre assimilation et
communautarisme. Mais cela ne va pas sans mal, et nous y reviendrons en partie IV.
Nous voyons aussi se développer actuellement un mouvement inverse à celui qui
avait prévalu depuis 1974 : les migrants ne sont plus des familles dans le cadre du
« regroupement familial » mais des travailleurs, plus ou moins spécialisés. Et cela,
sans parler des immigrants en situation irrégulière, pour lesquelles la situation est
beaucoup plus tendue, tant pour les causes de leur départ (immigration économique,
fuite hors d’un pays en guerre, etc.), que pour les circonstances de leur arrivée

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

clandestine avec les risques qu’elle comporte. Mais que ces risques soient pris
quand même en dit long sur la situation géopolitique mondiale. L’immigration, les flux
migratoires sont en train de devenir un phénomène planétaire, tout comme la
question des langues pour l’intégration des migrants.
► Ci-dessus : présentation ; et ci-dessous, point 4.3.

2.3. CONSÉQUENCES DE CETTE VARIÉTÉ DES SITUATIONS D’ENSEIGNEMENT-


APPRENTISSAGE

Ces conséquences sont multiples : une reconnaissance (sélective et ambiguë) du


FLE puis du FLS, l’évolution de la formation des enseignants, l’autonomie des
apprenants, et des politiques linguistiques d’accompagnement de l’intégration des
migrants.
L’enseignant apparaît aujourd’hui comme un passeur, un accompagnateur
d’apprentissage, et pas seulement un spécialiste d’une discipline. Cela se retrouve
dans les attributions des maîtres de l’école primaire, devenus professeurs d’école.
De même, dans l’enseignement des langues, ce n’est pas seulement au spécialiste,
parfois aussi traducteur, que s’adresse l’apprenant, mais également à l’être humain
capable de le guider dans cette traversée des mots et des choses. Le fait que
l’enseignement ait été pour partie disjoint de l’institution École (et/ou soit voulu
comme tel par certains, à leur profit), tant par les nouveaux dispositifs de formation
que par les nouveaux outils d’aide aux apprentissages ne change guère cette
donnée, semble-t-il. Ou alors, il faut le vouloir, le décider, le construire.
Pour cela, un autre que soi est également nécessaire : de maître d’école, il va se
muer en aide et évaluateur, voire animateur. Cela ne signifie pas qu’il fasse moins
autorité, mais plutôt qu’il tire ses références aussi d’ailleurs que de sa discipline
d’origine, parce qu’il a assumé l’ensemble des questions liées à l’apprentissage
d’une langue – et qu’il continue à se former en permanence.

Car la question de sa formation, initiale et continue, se pose : outre sa discipline, il


a besoin d’une culture générale forte ; et aussi d’une connaissance de soi et de
l’intimité humaine vécue, acceptée, réfléchie, réconciliée avec les cultures et les
textes.
Telle est, par exemple, l’ambition de la formation de Mention F.L.E. de Licence,
puis de la Maîtrise FLE, devenue Master 1 dans la réforme LMD. Ces formations
existent depuis un décret de 1983 (en même temps d’ailleurs que le DELF et le
DALF, diplômes officiels de langue française qui peuvent être passés partout dans
le monde et dont le second dispense les étudiants étrangers de l’examen d’entrée
dans les universités françaises).
Elles ont été créées après le rapport au ministre de l’Éducation nationale de
l’orientaliste Jacques Berque sur «la scolarisation des enfants de migrants » (1982)
et sur la base des travaux de la commission Auba.

Plus récemment, des certifications officielles ont été créées en français langue

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

étrangère et français langue seconde pour les enseignants du primaire et du


secondaire titulaires ou stagiaires déjà en poste et spécialisées majoritairement en
FLM : l’arrêté du 23 décembre 2003 « relatif aux conditions d’attribution aux
personnels enseignants des premier et second degré relevant du ministre chargé de
l’éducation d’une certification complémentaire dans certains secteurs
disciplinaires » (J.O. du 6 janvier 2004, p. 418, accessible depuis le site
www.legifrance.gouv.fr) : l’examen est organisé au niveau académique, c’est une
épreuve orale consistant en un exposé du candidat suivi d’une entretien avec le jury.
À noter
Il n’existe (toujours) pas de CAPES de FLE/S, comme il existe un CAPES de
Lettres modernes et un de Lettres classiques. De même, il y a une agrégation de
grammaire, une agrégation de Lettres modernes et une agrégation de Lettres
classiques.
Du côté des enseignants, dont le métier et l’identité professionnelle ont une
généalogie culturelle et institutionnelle fort longue, il y a parfois vis-à-vis du
multimédia, d’internet, des universités virtuelles, la crainte d’une concurrence, qui
serait forcément défavorable pour eux. En effet, les outils multimédia viennent du
monde extérieur, ils ont pour eux la séduction de l’image, de la facilité, de la
modernité. De même, l’enseignement à distance installe un véritable partenariat
entre chacun des partenaires, ce qui peut déstabiliser certains maîtres.
Les élèves et étudiants peuvent ne pas travailler, bien ou mal s’organiser, et il leur
faut apprendre à communiquer, à dire leurs demandes, leurs doutes, leurs besoins,
sans agressivité mais avec précision et dans le souci de la relation vraie, ce qui
nécessite une véritable élaboration.
Les enseignants sont la figure visible de l’institution, la plus proche, la première, et
donc ils subissent et aussi se font reprocher ses rigidités, ses contraintes, tant par
les apprenants que par la société ; ainsi, autour de l’éducation et de la formation, des
espoirs et des craintes se font jour : peut-être les enseignants arriveront-ils enfin à
mieux suivre les étudiants, à leur faire passer les savoirs et savoir-faire
indispensables. Ou alors, feront-ils partie de la prochaine charrette ou, plus
médiocrement, verront-ils encore leur prestige et leur valeur frappés de dévaluation
sociale et économique ? C’est un grand débat, dans lequel il ne faudrait mettre au
crédit ou au débit des enseignants ce qui relève des choix de la société toute entière.
Les enseignants, en tout cas, sont nombreux à se poser des questions, comme en
témoignait l’affluence à l’atelier « les enseignants et le multimédia » et la richesse
des débats lors du colloque Lille3 / CREDIF déjà cité.
Or, l’erreur serait, pour l’enseignant de s’enfermer mentalement dans un duel, le
monde extérieur contre l’école, en oubliant le troisième terme du débat, qui est
l’apprenant. Qui apprend ? C’est l’apprenant. Mais qui rend l’apprentissage des
langues nécessaire, souhaitable, enviable, utile ? C’est l’environnement. Ainsi doit
être recomposée la coordination entre apprentissage / apprenant / enseignant /
enseignement. Et on pourrait en dire autant de l’apprenant : il lui faut, lui aussi, se
placer dans une relation triadique et non duelle.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

L’élève, désormais désigné comme apprenant, est déjà au cœur des méthodes
de langues dites communicatives depuis les années quatre-vingts. Il y est saisi en
temps qu’individu, c’est-à-dire distingué de sa culture, dans le même temps qu’est
affirmée l’importance de cette dernière : par exemple, les méthodes 2 font entrer des
patronymes divers, nés hors d’Europe et quelques figures individuelles qui s’y
rattachent, sans aborder leur ancrage géographique et historique, ni les
caractéristiques de telle ou telle culture étrangère. Ce n’est pas là l’objet principal de
la méthode, certes ; mais ces données, ainsi qu’une bibliographie, pourraient être
inclues dans le livre de l’enseignant.
Il apparaît à travers cet exemple combien les méthodes (sur le marché du FLE,
puis du FLS) ont tenté de répondre à tous les besoins et de se conformer à toutes
les évolutions théoriques ; mais si une méthode peut contribuer à la formation de
l’enseignant, l’aider dans la classe, elle ne peut faire fonction d’enseignant, ou, en
auto-formation, de regard enseignant sur l’apprentissage. Robert Galisson le dit en
1995, «à enseignant nouveau, outils nouveaux », au-delà « du manuel » et du « prêt
à enseigner » 3. Cela dit, saisir l’apprenant en tant qu’individu, c’est déjà penser, agir
selon le modèle occidental actuellement dominant, même si cet individu est nommé
Paco et non François, Leïla et non Claire ou Luce.
Dès lors, l’autoformation, censée être facilitée par les nouvelles technologies, et
par l’enseignement à distance, retrouve un statut d’apprentissage actif ou de
participation active de l’apprenant à son apprentissage – ici le pléonasme n’est pas
loin.
Il est question ici de l’apprenant tel qu’il est, a été formé et éduqué, et où il est, fut,
sera, ce qui n’est pas forcément identique : les évolutions, les changements sont
possibles.
Rappel
Le thème de l’autonomie de l’apprenant a été introduit en France par les travaux
du Conseil de l’Europe (Henri Holec, 1980), mais, bien que nuancé par l’apport d’une
réflexion sur les contextes scolaires (Louis Porcher, 1980), il a connu un vrai succès,
dans lequel la terminologie n’est sans doute pas pour rien. Si Louis Porcher
expliquait que « chaque apprenant, quel qu’il soit [c’est l’auteur qui souligne]
entretient un certain rapport actif avec ce qu’il apprend, ou, simplement, avec
l’enseignement qu’il reçoit », et parlait d’ « autonomisation progressive » 4, nombre
de pédagogues s’engouffraient, avec quelques illusions, dans la voie ouverte par
Henri Holec, en renouant avec la pédagogie active telle que préconisée par Freinet
dès les années 1920.

2
Trois exemples : le premier Sans Frontières (Didier, Paris, 1987), Cadences (Hatier / Didier, 1996),
Le nouvel Espaces (Hachette, Paris, 1999).
3
GALISSON, Robert, A enseignant nouveau, outils nouveaux, in « Méthodes et méthodologies », Le
Français dans le monde – Recherches et Applications, n° spécial, janvier 1995. p. 70-78.
4
PORCHER, Louis, Interrogations sur les besoins langagiers en contextes scolaires, Conseil de
l’Europe, Strasbourg, 1980 (citations extraites de la page 7).
HOLEC, Henri, Autonomie et apprentissage des langues étrangères, Conseil de l’Europe,
Strasbourg, 1980.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Depuis quelques années, les nouvelles technologies contraignent à une réflexion


renouvelée sur l’apprentissage et les apprenants, une réflexion ancrée dans le
concret des matériels proposés : ainsi, après Monique Linard (1992), Marie-José
Barbot (1997) note que l’enjeu est de « conduire l’apprenant à s’emparer de la
responsabilité des opérations de l’apprentissage… [car] la technologie est neutre,
c’est la fonction du dispositif au sein duquel sont utilisés les multimédias de fournir à
l’apprenant la garantie de développer sa compétence à apprendre » 5.
Un apprentissage de langue pris en charge par l’apprenant lui-même se déroule à
l’intérieur d’un dispositif de formation, c’est-à-dire d’un ensemble de moyens disposé
conformément à un ou des objectifs, ici, du point de vue de l’apprenant, il s’agit
d’apprendre à apprendre (et parfois, en amont, de se rendre compte de la nécessité
de cette compétence 6 prime) et d’apprendre une langue vivante. L’apprenant peut
se trouver placé dans les différentes formes d’enseignement / apprentissage
évoquées plus haut. Dans tous les cas, il y a relation avec tel contexte, tel modèle
d’apprentissage et telle figure de l’enseignant : par exemple, nombre d’Asiatiques
(mais pas tous) privilégieront le travail de la mémoire pour apprendre et verront
l’enseignant comme référence en cas de doute et comme évaluateur. Ainsi, alors
que les nouvelles technologies se répandent sur la planète en rétrécissant les
distances et en croisant les cultures, Il convient de tenir compte de l’apprenant, de sa
situation, voire de son style d’apprentissage (d’origine / souhaité).

Des situations transversales : FLM, FLE, FLS ? Le cas de l’illettrisme

La création du terme « illettrisme » date des années soixante dix, elle est le fait de
l’association caritative ATD-Quart monde et du désormais célèbre abbé Pierre, et a
été employée à la place d’analphabétisme jugé trop dévalorisant (« dans
analphabète, il y a ‘bête’ », disait-on alors). En plus, aujourd’hui on considère qu’un
analphabète est quelqu’un qui n’a jamais été scolarisé tandis qu’un illettré a
désappris à lire, ou a appris à lire dans une autre langue que le français.
Depuis lors, et une fois passé le choc du constat de l’existence du phénomène
dans un pays riche, le nôtre, et cela malgré plusieurs générations d’alphabétisation
de la population française depuis les lois Jules Ferry de 1882, son succès est allé
croissant : à partir du début des années quatre-vingts le terme entre dans le
vocabulaire et les préoccupations politiques avec en particulier le rapport au Premier
ministre de Véronique Espérandieu intitulé «Des illettrés en France » (1984). A la
suite de ce rapport, sera créé le GPLI, groupe permanent de lutte contre l’illettrisme.
Aujourd’hui, le GPLI est devenu l’ANLCI, Agence nationale de lutte contre
l’illettrisme, et le terme illettrisme a fait son entrée dans les textes officiels de 2002
sur l’enseignement primaire : celui-ci doit prévenir l’illettrisme et déceler dès les
premières années les enfants susceptibles de se retrouver en échec langagier. Ces
5
BARBOT, M.J., Stratégies des auto-apprenants et Multimédias in Les Cahiers de l’ASDIFLE, n° 9,
1997, page 48.
6
Le terme « compétence » est ici entendu comme « potentialité à (faire, dire, organiser…etc.) »,
Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation, éditions Nathan, Paris, 1996, page 182.

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enfants ne sont pas forcément ceux d’origine étrangère. On retrouve donc là une
situation où se nouent, voire s’entrechoquent inextricablement le FLM, le FLE et le
FLS : la lutte contre l’illettrisme, comme le FLS aurait-elle à réparer les insuffisances
de l’enseignement du et en FLM ? Nous aurons à en reparler.
Dès à présent, voici la définition de l’illettrisme donnée par l’ANLCI dans son
Cadre national référence (2003) :
« l’illettrisme qualifie la situation De personnes de plus de 16 ans qui, bien
qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant
sur des situations de leur vie quotidienne, et /ou ne parviennent pas à écrire pour
transmettre des informations simples. » (Cadre national de référence, p. 72).
 Pour en savoir plus
www.anlci.gouv.fr ou ANLCI, 1 place de l’École, BP 782, 69348 LYON cedex 07.
LAHIRE, Bernard, L’invention de l’illettrisme, éditions La Découverte, Paris, 1999.

À noter que des méthodes de lecture, d’écriture pour les illettrés ont été conçues et
développées depuis les années quatre vingt ; inspirées du FLE, elles sont en général
publiées chez l’éditeur Retz. Voir aussi la méthode de lecture publiée par l’éditeur
Hachette en partenariat avec la Croix-Rouge.

III. LES EVOLUTIONS EN FLM, FLE… ET FLS (A SUIVRE)


Le but des synthèses de revues et publications qui vous sont présentées ici est
de vous permettre d’avoir un peu de recul historique, en évitant de croire que tout a
été inventé à partir de 2000 (peut-être 1990, allez…) et qu’avant, c’était la
Préhistoire ! (quand même, vous êtes nés au XXe siècle, non ?) Cela ne veut pas
dire que vous n’avez plus besoin de lire ces revues, mais ces synthèses vous en
donnent un aperçu, pour vous permettre de situer vos réflexions, vos questions, vos
lectures. Il s’agit donc de bases indispensables, mais qui sont parfois difficilement
accessibles, à cause de l’éloignement des bibliothèques pour les uns, le travail
salarié, les situations diverses pour les autres. Considérez ces pages plutôt comme
un stock de savoirs, à utiliser de façon libre, selon vos interrogations et vos besoins
de compréhension.
Le mode d’emploi
Vous pouvez lire cela de façon active, crayon en main (mieux que le fluo
surligneur) afin de reformuler vos remarques et déductions quand aux évolutions
dans les grands domaines de l’enseignement et de l’apprentissage. En fin de lecture,
vous trouverez une super-synthèse signalée en grisé… mais elle n’est utile qu’à qui
a déjà lu, elle n’évite pas de lire (désolée… apprendre et comprendre sont
indispensables, et ce n’est pas seulement s’informer et surfer).

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3.1. SYNTHESE DE L’EVOLUTION D’UNE REVUE (LANGUE FRANÇAISE) SUR 30 ANS

La revue Langue française, créée à la fin des années soixante (1969), dans
laquelle ont écrit nombre de linguistes, peut servir, si on la regarde
rétrospectivement, de révélateur aux évolutions qui se sont produites depuis cette
époque. Alors même que son titre, plutôt classique, semblait évoquer une revue de
grammairiens et linguistes centrés sur la langue « pour elle-même et en elle-même »
(Saussure), donc un objet qui s’apparente au FLM, en tout cas pour lequel la
question des locuteurs n’est pas posée, et qui est examinée de l’extérieur, ses
auteurs ont souvent ouvert des voies fructueuses vers le FLE et le FLS, comme on
va le voir à travers quelques exemples scandant les trente cinq années passées.
- Dès les premiers numéros, et après la recension des grands thèmes de la
linguistique (n° 1, la syntaxe, n° 2, le lexique, n° 3 la stylistique, n° 4, la sémantique,
n° 5, linguistique et pédagogie) l’interrogation sur la langue française et ses modes
d’existence différents se fait jour : le n° 6 est centré sur « l’apprentissage du français
langue maternelle » (mai 1970), tandis que le n° 8 se focalise sur « l’apprentissage
du français langue étrangère » (décembre 1970).
- En février 1972, le n° 13 a pour titre « le français à l’école élémentaire ». Émile
Genouvrier s’y interroge sur quelle langue parler à l’école, et quelle(s) norme(s) faire
prévaloir sans pour autant négliger l’usage. Car ce qu’on appelle la norme (y compris
dans la grande enquête socio-linguistique que fut le « français fondamental ») repose
sur « une sur-représentation des catégories sociales considérées traditionnellement
comme détentrices du bon usage » (p. 41). Il conviendrait donc, ajoute-t-il, que « si la
norme contrôle l’usage, celui-ci à son tour contrôle la norme » (p. 45).
Hélène Romian, elle, fait des remarques sur les évolutions pédagogiques
nécessaires dans l’enseignement du français, à centrer non plus seulement sur la
langue mais aussi sur l’enfant : « il semble donc que le rôle de l’école, décisif entre 0
et 7 ans pour l’acquisition des structures verbales et mentales fondamentales, ne le
soit pas moins entre 7 et 11 ans, et d’autant plus décisif que le milieu socio-
économique et socio-culturel de l’enfant est plus pauvre » (p. 133). Elle distingue
pour finir trois types de pédagogie : « une pédagogie I, d’ordre utilitariste, centrée
sur la discipline à enseigner, sur les modèles intellectuels… », « une pédagogie II,
d’ordre pragmatiste, dérivant des besoins naturels de l’enfant, son élan vital, ses
facultés créatrices, sa volonté de puissance sur les choses.. », et « une pédagogie
III, d’ordre scientifique, conçue et construite dans un effort de saisie dialectique des
composantes spécifiques de la culture, des fonctions et des lois de fonctionnement
de la langue, et de l’enfant, ses milieux de vie, les lois de son développement, de sa
formation, de ses apprentissages ». La vie de la classe compose entre ces trois
pédagogies.
- En février 1976, le n° 29 s’intitule « l’apprentissage du français par les
travailleurs immigrés ». On y parle majoritairement d’alphabétisation et pas encore
d’illettrisme ; le socio-linguiste Bernard Gardin, qui dirige ce numéro, écrit qu’il s’agit
de « partir du discours de l’apprenant, qui seul peut définir les contenus, les

31
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

orientations et les finalités – et ce discours est celui d’un adulte » (p. 12). Un autre
auteur, Christine de Heredia, explique qu’il est important de s’intéresser au(x)
rapports aux langues maternelles dans la migration, à la suite des travaux
américains de sociolinguistique (Fishman, par ex.), notamment à partir de deux
concepts-clés : celui de « communauté linguistique » et celui de « fidélité envers sa
langue » (p. 32). Enfin, est abordé le problème des enfants de travailleurs migrants à
l’école française en France (article de Michelle Berthoz-Proux, sur la base des
chiffres fournis par le BELC - centre de documentation pour la formation des
travailleurs migrants), car des classes d’initiation pour enfants étrangers existent déjà
à l’école élémentaire (circulaire du 13 janvier 1970, B0 n° 5 du 29 janvier 1970), mais
elles sont peu nombreuses, et de plus, elles ont tendance à placer les enfants
étrangers à part. Dans la même réflexion, l’auteur remarque que, à l’école, « les
enfants français, théoriquement francophones, issus des catégories socio-culturelles
les moins favorisées, échouent eux aussi dans des proportions considérables ».
Voilà qui annonce le FLS…
- En mai 1982, le n° 54, « langue maternelle et communauté linguistique »,
dirigé par Émile Genouvrier et Nicole Gueunier, définit son approche, selon ces
auteurs, comme structurée autour de l’opposition mais aussi des liens entre « langue
maternelle/langue étrangère » (p.5) après avoir bien noté que le syntagme « langue
maternelle » ne doit pas « être pris au pied de la lettre » (citation du linguiste Otto
Jespersen, 1922). Fragilisation du FLM face à la montée du FLE, peut-être, et
renouvellement des interrogations : « La langue maternelle, part maudite de la
linguistique ? » s’interroge Jean-Didier Urbain (p. 7 à 28).
- Rappelons pour mémoire que c’est l’époque de la signature des décrets
instituant les filières de FLE dans les universités, et que, depuis plusieurs années
déjà sont délivrés des diplômes fléchés FLE, tels que des maîtrises et des DEA de
Lettres ou Sciences du langage –option FLE.
- Émile Genouvrier relate les résultats d’une enquête autour de l’expression
« langue maternelle » chez les Français locuteurs natifs en français : la plupart disent
n’y avoir jamais réfléchi ; ils n’associent ni n’opposent LM à langue nationale ou à
LE ; ils ont une conscience diffuse de son rôle fondateur, mais sont également
sensibles au mal-parler, le leur, souvent. En fait, conclut l’auteur, une langue « n’est
maternelle que par ce qu’elle structure en nous et qui nous échappe constamment »
(p. 67). Façon d’intégrer le culturel et le symbolique dans la langue…
- En mai 1989, le n° 82 titre « vers une didactique du français ? », sous la direction
de Robert Galisson et Eddy Roulet. Franck Marchand (p. 67 à 81) y recherche les
facteurs de différenciation et les possibles proximités entre FLE et FLS : l’état de
l’enseignement du FLM et la situation d’enseignement-apprentissage en FLM sont
vus comme des spécificités, cependant que la constitution de la discipline
« didactique », en FLM comme en FLE, par les problèmes analogues affrontés,
permet des rapprochements.
On a vu plus haut qu’aujourd’hui les différences citées sont beaucoup moins
absolues, qu’entre situations d’enseignement-apprentissage, les frontières sont

32
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

poreuses, et cela se matérialise par l’émergence du FLS. C’est ce que note déjà
Eddy Roulet : « il ne fait aucun doute qu’une observation systématique des pratiques
d’enseignement/apprentissage… dans les classes de langue maternelle et de langue
étrangère, et en particulier dans les situations mixtes dues à la présence d’immigrés,
ne mette en évidence l’importance des transversalités entre DLM et DLE et la
nécessité d’une approche intégrée », approche intégrée défendue aussi par Robert
Galisson.
Christian Puren (p. 8 à 19) éclaire l’histoire de l’enseignement scolaire des
langues vivantes et la naissance d’une didactique, ouvrant par là des possibilités de
comparaison. Dans une perspective historique également, Daniel Coste compare la
DLE depuis le XIXe siècle et la DFLE à partir de 1950 : en FLE se note la présence
d’intérêts économiques, d’une volonté politique, mais aussi la revendication de
scientificité, indispensable pour asseoir le domaine du FLE ; cependant, la
professionnalisation en cours des intervenants en FLE est différente de celle des
enseignants de LE.
Super-synthèse : la revue Langue française, quelle évolution ?
Ainsi, une revue a accompagné, et parfois suscité, anticipé l’émergence et la
constitution du FLE et du FLS et leur positionnement par rapport au FLM, cependant
que les professionnels de ce dernier domaine se voyaient conviés à réinterroger leur
champ propre. Dès 1970, les linguistes et grammairiens se focalisent sur l’apprentissage
du FLM, puis du FLE. De même l’enseignement scolaire est ré-intérrogé, l’accueil des
migrants est abordé et les travaux sociologiques et linguistiques des Américains sont
introduits en France. En 1989, la réflexion autour d’une ou de didactique(s) FLE et FLS
d’une part, FLM d’autre part se déploie largement.

Dans le fascicule 3/3, nous nous intéresserons à d’autres revues, notamment les
Études de Linguistique Appliquée, ainsi que d’autres publications liées au FLM, au
FLE, et aussi au FLS, telles que Le français dans le monde, Diagonales,
Francophonies du sud, Repères, DFLM, etc.
Voyons maintenant, à travers l’exemple d’un ouvrage novateur en son temps, et
loin d’être démodé, les apports et anticipations dont les linguistes ont fait preuve
depuis les années soixante dix.

3.2. UNE PUBLICATION QUI A FAIT DATE : LINGUISTIQUE ET ENSEIGNEMENT DU


FRANÇAIS (1970)

Pour la super-synthèse : voir les titres et sous-titres, l’enseignement et le réel social


extérieur, la formation des enseignants, la prise en compte de l’apprenant…mais
c’est mieux de tout lire ensuite)
Les deux auteurs, Émile Genouvrier et Jean Peytard, auxquels s’adjoint Jean-
Claude Chevalier pour la préface, relient linguistique et enseignement du français
sans inféoder l’un à l’autre, et en s’intéressant d’une part aux élèves, d’autre part aux
variations de la langue, notamment ordre oral / ordre scriptural. Tout cela était une
innovation et une ouverture qu’on mesure mieux avec le recul.
33
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

En outre, ces auteurs posent des problèmes encore actuels de façon concise et
en termes clairs, problèmes tous reliés au partage FLM / FLE / FLS.
Listons ces problèmes :

- Les rapports entre l’enseignement et le réel extérieur


« Si l’éloquente protestation de Célestin Freinet a été un moment important du débat
pédagogique contemporain, s’il fallait que quelqu’un vînt pour rappeler que l’école est
faite pour l’enfant et non l’inverse, s’il fallait que quelqu’un jetât à la face des tenants
d’une école impérialiste le grand défi de la création, de la liberté et du bonheur, on
s’inquiète lorsque cette grande voix, de contestation, devient parole dominante. Quel
est le rôle d’une école transparente à la vie ? […] C’est à Bachelard que j’emprunte la
réponse: en résumé, dans l’enseignement élémentaire, les expériences trop vives, trop
imagées, sont des centres de faux intérêt. On ne saurait trop conseiller au professeur
d’aller sans cesse de la table d’expérience au tableau noir pour extraire aussi vite que
possible l’abstrait du concret»(p. 3).
Voilà ce que dit J.-C. Chevalier et l’on entend déjà là l’importance de poser des
mots, de la réflexion sur toute expérience vécue, qui en elle-même n’est pas facteur
d’éducation. D’où aujourd’hui, l’accent mis, en FLS comme en FLE ou FLM, sur
l’importance de l’écrit personnel, du débat, et du regard réflexif sur la langue.

- La formation théorique et pratique des enseignants à la classe


En matière de pédagogie du français langue maternelle, les auteurs calent
l’enseignement sur « une réflexion sur la notion même de langue et […] l’analyse de
la situation linguistique où tout individu est, malgré lui, engagé » (p. 8), ce qui est,
dès 1970, une énorme ouverture au FLE et FLS et aux différentes situations que
nous avons examinées plus haut. Les dimensions de littérature et de transmission
non réfléchie de la norme et du bon usage sont en revanche estompées : s’il
convient de les connaître, elles ne sauraient être transmises telles quelles, en un
bloc insécable ; mais il convient d’en montrer les dessous, les procédés, les façons
de faire.
En outre, dans certaines « régions » de la langue (l’oral, par ex.), la correction ne
règne pas forcément. Oral et écrit sont pourtant considérés à égalité, comme faisant
partie de la communication, relevant d’analyses grammaticales spécifiques, et
ouvrant vers des compétences distinctes.
Mais attention, les savoirs de l’enseignant ne sont pas « à transmettre tels quels à
l’enseigné » (p. 22). C’est pourquoi tout l’ouvrage est structuré de manière à
distinguer et relier ce qui est de l’ordre du savoir, ce qui est exemples et exercices et
ce qui est de l’ordre de la réflexion pédagogique. En d’autres termes, linguistique et
didactique ne sont pas disjoints, mais systématiquement coordonnées : on le
remarque dans la pédagogie de la grammaire, la pédagogie de l’oral, du lexique, du
style. En annexe, des documents, des exercices de grammaire, des exemples de
progressions pédagogiques sont proposés. Il n’en va pas toujours de même
aujourd’hui dans tous les ouvrages de ce type….

34
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

- La prise en compte de l’apprenant et la prise en compte de la théorie


Le ou les contextes socio-culturels et pédagogiques (p. 182-185) dans lesquels
se trouvent les apprenants sont abordés et corrélés avec les phases de
l’apprentissage du français, lequel devrait permettre l’élaboration de nouveaux
rapports sociaux par la progression de chaque élève. La prise en compte de ces
différences concrètes, jointe à celle des étapes de l’acquisition du langage / de la
langue maternelle permet de préciser le rôle du maître, « expliquer le sens et l’usage
des mots, enrichir le lexique de l’élève » (p. 185).
Pour ce qui est des « niveaux de langue », constatés dans et hors l’école, ils sont
définis comme de façon plus productive comme appartenant tantôt à « l’ordre oral »
(la langue parlée), tantôt à « l’ordre scriptural » (la langue écrite) ; on constate aussi
un niveau médian, dite langue standard, et une langue soutenue, avec en plus la
terminologie technique et les métalangages scientifiques : ces analyses sont utilisées
encore aujourd’hui.
Terminons en disant que les Instructions officielles ne sont pas oubliées, mais
mises en coordination avec les situations, les enseignants, les apprenants, les
apports théoriques. Pour chaque cas, grammaire, écrit, oral, lexique, style, les
Instructions officielles sont relues et expliquées dans leur cohérence et leur évolution
entre les années 20 et les années 70. Tout cela fait de cet ouvrage une mine d’idées
et d’informations, un de ceux qui a ouvert la voie aux travaux actuels en FLM, FLE et
FLS.
Complétons notre vue des parcours effectués en FLM, FLE et FLS depuis les
années soixante dix avec quelques dictionnaires.

3.3. QUELQUES DICTIONNAIRES


1. L’émergence du FLE et les transformations induites : les années 70
La parution du Dictionnaire de Didactique des langues, sous la direction de Daniel
Coste et Robert Galisson marque une évolution nette des perspectives adoptées par
les dictionnaires alphabétiques de français (le français « tout court ») :
- la langue maternelle n’est pas définie en tant que telle, mais elle apparaît soit
comme « langue un » soit en opposition à « langue étrangère » ou à « langue
seconde » ;
- on constate aussi que la langue dite « seconde » est dite « pédagogiquement
non justifiée ».
Et la langue dite « un » (ou : une) n’est pas notée comme relevant de l’acquisition
(définie par ailleurs) mais de l’apprentissage. Et enfin, on remarquera que les
complexités dues aux aspects politiques, culturels et/ou identitaires sont placées en
arrière-plan.

35
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Dictionnaire de didactique des langues (Galisson, Coste, dir.), édition Hachette, coll. F, Paris, 1976, et
rééd. 1982 : article « un » (p. 576), article « étrangère » (p. 198), article « seconde » (p. 478)

Un adj num.
Langue 1, 2, 3 : numérotage des langues suivant leur ordre d’apprentissage par un individu ou une
population d’élèves. Ainsi, pour un Finlandais de langue maternelle suédoise, qui apprend
successivement le finnois, langue seconde, l’anglais, 1ère langue étrangère, l’allemand, 2e langue
étrangère et le français, 3e langue étrangère, on dira que le suédois est langue 1 (L1), le finnois L2,
l’anglais L3, l’allemand L4 et le français L5. Du point de vue de l’enseignement, ce simple
numérotage présente l’intérêt de ne pas faire entrer en considération les concepts de langue étrangère
ou de langue seconde, tels qu’ils peuvent être définis par le statut officiel des langues dans le pays de
l’élève.
 Seconde, Étrangère, Source

Étrangère adj.
Langue étrangère : malgré la routine, (on ne parlait que de langues vivantes et de langues mortes) et
parfois la tradition colonialiste (la langue du colonisateur n’était pas considérée comme étrangère), la
distinction entre langue maternelle et langue étrangère, indispensable pour évoquer les procédures
spécifiques d’apprentissage, a fini par s’imposer. On admet maintenant que l’apprentissage en milieu
scolaire de toute langue autre que L1 relève de la pédagogie d’une langue non maternelle ou
« étrangère », quel que soit le statut officiel de cette langue dans la communauté où vit l’élève.
 Langue, Seconde, Un, Source

Seconde adj.
Langue seconde : expression pédagogiquement non justifiée, mais qui introduit une nuance utile par
rapport à « langue étrangère » pour les pays où le multilinguisme est officiel (Canada, Suisse,
Belgique,…), où dans lesquels une « langue non maternelle » bénéficie d’un statut privilégié (le
français dans les pays d’Afrique francophone).
 Langue, Étrangère, Un, Source

Comparons avec Le Petit Larousse : à l’article « LANGUE » il définit la langue


maternelle comme « première langue apprise par l’enfant au contact de son
environnement immédiat», la langue mère, la langue vivante, la langue morte, la
langue verte, la langue formelle, la langue de bois. Mais pas la langue étrangère ni
la langue seconde.

2. Les décennies 1990 et 2000 : le FLS installé entre FLE et FLM


Nous ne reviendrons pas sur les définitions du FLS et du FLE données par le
Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (J.P. CUQ, dir.),
puisqu’elles sont abordées dans le fascicule 1/3 de ce cours.
Mais constatons que :
- à la lettre « F », figurent les articles « français », « français de spécialité »,
français fondamental », « français général », « français langue seconde », « français
sur objectifs spécifiques » ;
- à la lettre « L », figurent les articles « langage », « langue », « langue cible »,
« langue de départ », « langue de référence », « langue de scolarisation », « langue
dominante », « langue étrangère », « langue maternelle », « langue minoritaire »,
« langue nationale », « langue officielle », « langue partenaire », « langue

36
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

première », « langue privilégiée », « langue source », « langue standard », « langue


véhiculaire », « langue vernaculaire », « langues et cultures d’origine », « langues et
cultures régionales », « langue voisine » et même « lingua franca ».
On voit là combien le domaine de l’enseignement-apprentissage des langues
s’est complexifié. De plus, il assume aujourd’hui les aspects sociaux, économiques,
politiques, de relations internationales et anthropologiques investis par les langues.
Le domaine des langues (et cultures) apparaît de plus en plus comme un champ
riche en croisements et contacts : non seulement les dimensions assumées par
l’enseignement des langues sont devenues plus complexes (et/ ou on les voit
désormais dans toutes leurs dimensions), mais encore les aspects de langue et
culture propres à des spécialités diverses sont désormais mises en évidence (par
exemple, le management interculturel, du titre de l’ouvrage précurseur de l’américain
Edward Hall, ou les aspects psycholinguistiques des langues minoritaires).
L’installation du FLS comme objet d’étude autonome participe de ce développement.
La langue seconde est même reconnue du français « tout court », hérité du FLM
pour la légitimité, comme on peut le voir à l’article LANGUE de la dernière édition du
Grand Robert :
« LANGUE SECONDE : langue maîtrisée après la langue maternelle, mis dont
l’apprentissage est requis dans une partie de la communauté concernée (à la
différence de la langue étrangère, apprise par choix individuel et par décision
didactique). »
(2001, volume IV, p. 668). L’évolution semble donc vers l’ouverture – en tout cas
dans les dictionnaires, car les pratiques ne confirment pas forcément ce mouvement.
Super-synthèse : regardez bien l’évolution de la notion de langue et ses
conséquences sur l’enseignement, de même que l’émergence du FLS, liée à la prise
de conscience de situations d’enseignement et de vie spécifiques.

IV. LA PRATIQUE : LES INTERACTIONS EN CLASSE DE LANGUE


POUR LES ALLOPHONES
La classe de langue est le lieu institutionnel où les élèves sont guidés dans
l’appropriation d’une L2. La communication dans cet espace prend des formes
particulières et spécifiques bien à elle. Certains phénomènes interactionnels
caractérisent les interactions en classe de langue.
Le discours de l’enseignant à contenus multiples, fait l’objet d’un échange
communicatif avec les élèves. C’est en situation interactive, entre les élèves et
l’enseignant, que différents phénomènes interactionnels ou différentes activités
métalinguisco-discursives sont susceptibles de se produire dans la communication
didactique. Ici nous citerons certains de ses phénomènes qui sont souvent visibles
en classe de CLIN conditionnés par le FLS et/ou le FLE :

37
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

4.1 Phénomènes interactionnels

La bifocalisation
Cette notion a été proposée et définie dans le cadre de la communication didactique
exolingue par P. Bangé de la manière suivante : « Focalisation centrale de l’attention
sur l’objet thématique de la communication ; focalisation périphérique sur l’éventuelle
apparition de problèmes dans la réalisation de la coordination des activités de
communication » (1992 : 56).
Cette bifocalisation, toujours d’après P. Bangé se manifeste dans le principe de
compréhension et de production. Dans la CLIN, l’enseignant applique ce principe
sur la base de l’intercompréhension et de la sollicitation des élèves. Un élève se
trouve devant un problème quelconque, son attention se porte sur la nature même
de la communication et simultanément, il centre son attention sur les mots qu’il ne
comprend pas à des degrés divers. L’enseignant met en œuvre différentes stratégies
(didactisation) pour aider l’élève en difficulté. Quand chacun des deux remplit sa
fonction dans la communication, le principe de compréhension et de production
s’installe et le phénomène de bifocalisation est alors déclenché.
Pour ce qui est de la compréhension, elle repose sur l’hypothèse faite par chacun
des participants « (a) que le locuteur respecte le principe de coopération (c’est-à-
dire qu’il fait un énoncé sensé et pertinent dans la situation ; (b) que le locuteur
récepteur suppose que le locuteur respecte le principe de coopération » (op.cit : 57).
En validant ces hypothèses par leur comportement, les deux interactants arriveront à
co- construire un véritable sens. Cela peut influencer, par exemple, le comportement
du locuteur fort 7 (N), qui peut désautomatiser des opérations de décodage, et faire
des inférences sur ce que le locuteur faible (LNN) a voulu décoder / comprendre.
Pour ce qui est de la production, la bifocalisation entraîne une utilisation du registre
du foreigner talk (xénolecte chez le locuteur fort, à partir de ce qu’il croit que le
locuteur faible doit pouvoir décoder. P. Bangé fait remarquer que, dans le registre
particulier, le locuteur fort n’anticipe pas uniquement sur des problèmes de décodage
du locuteur faible, il simplifie également l’emploi des règles d’inférence que le
locuteur faible aura à utiliser pour l’interprétation.
La séquence potentiellement acquisitionnelle (SPA)
Cette notion a été introduite en 1987 par B. Py, M. Matthey et J.-F. de Pietro. La
notion, encore peu stabilisée à l’époque est définie comme un ensemble de tours de
parole avec un début et une fin, au cours duquel il y a une tension acquisitionnelle
chez l’apprenant et une volonté d’aide de l’enseignant.
La notion est reprise par B. Py (1989) qui explique qu’une SPA s’articule sur deux
mouvements complémentaires « un mouvement d’autostructuration, par lequel
l’apprenant enchaîne de son propre chef deux ou plusieurs énoncés, chacun
constituant une étape dans la formulation d’un message et un mouvement
d’hétérostructuration, par lequel le natif intervient dans le déroulement du premier
mouvement de manière à le prolonger ou à le réorienter vers une norme linguistique
qu’il considère comme acceptable » (B. Py, 1990 : 83).

7
P. Bangé utilise les termes de locuteur natif (LN), et de locuteur non natif (LNN). Ici nous utilisons
les termes de locuteur fort pour LN et le locuteur faible pour LNN aux termes de P. Bangé afin d’éviter
de possibles ambiguïtés.

38
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Le mouvement d’autosructuration est présent, selon B. Py, dans les auto-


reformulations que fait l’apprenant. Ce dernier enchaîne des hybrides ou des unités
de la L2, cela dans le but de pallier les obstacles qu’il y rencontre.
Le mouvement d’hétéro-structuration se fait dans le but d’aider, guider, contrôler une
interprétation. Il émane souvent du locuteur fort. Cependant, dans une situation
didactique, je dirai que ce mouvement ne provient pas uniquement de l’enseignant
mais aussi des pairs qui sont en interaction avec l’apprenant en question. Comme
c’est souvent le cas dans une CLIN, le public est hétérogène, il y a donc des
disparités dans le niveau de compétence en L2. Il se peut qu’un élève aide un autre
élève en difficulté parce qu’il a les capacités linguistiques et communicatives pour le
faire.
Lorsque le locuteur faible sollicite l’aide du locuteur fort et que celui-ci s’engage dans
une démarche d’étayage, il y a comme un accord entre les deux interactants. Cet
accord plus ou moins explicite est défini par J.-F. de Pietro et al (op.cit) comme un
contrat didactique. Il met le locuteur fort dans la position de transmettre ses
connaissances linguistiques ou autres, et le locuteur faible est censé prendre en
compte les connaissances que le locuteur fort lui transmet. Rappelons que la notion
d’étayage est entendue par J. S. Bruner comme « un système de support fourni par
l’adulte à travers le discours, ou la communication plus généralement […] à travers
lequel l’adulte restreint la complexité de la tâche permettant à l’enfant de résoudre
des problèmes qu’il ne peut accomplir tout seul » (1983 : 288)
Toujours selon J. S. Bruner, dans la démarche d’étayage, le locuteur fort ne donne
pas souvent ou pas tout de suite, les formes que le locuteur faible cherche (surtout
en situation didactique), ou ce qu’il fournit ne correspond pas a priori à la demande
du locuteur faible.
Il revient donc au locuteur fort de mettre en place un dispositif qui lui permet d’étayer
les productions du locuteur faible. Il est important de signaler que les deux notions
sont intimement liées à celle de SPA. En d’autres termes, la notion de contrat
didactique et celle d’étayage sont des éléments constituants d’une SPA. A la
naissance d’une SPA dans une interaction, elles fonctionnent comme des règles
invisibles pour réguler la production de l’élève.

La séquence analytique
Le phénomène de séquence analytique est décrit par U. Dausendschön-Gay et U.
Krafft (1992), comme une méthode qui a pour fonction de gérer un problème
d’intercompréhension dans une situation de communication difficile. C’est un
phénomène imprévisible dans le sens où « l’achèvement interactif, la reformulation
avec des variantes structurelles, le procédé d’explication, ou le schéma de la
réparation interactive […] se construisent dans l’interaction, là où les interactants en
ont besoin » (1992 : 139).
Une séquence analytique est composée de quatre mouvements ; le premier est
appelé « mouvement initial » et peut être une question ou une prise de position. Le
deuxième est appelé « demande de bis 8 », il s’agit d’une demande de répétition de
l’énoncé précédent. Elle peut se traduire par l’incapacité de répondre au mouvement
initial. Le troisième est appelé « bis » et est la reformulation du mouvement initial ; le
quatrième est appelé « réponse ».
C’est à travers le troisième mouvement qu’il y a un travail d’expansion pour créer des
conditions favorables au déclenchement du quatrième mouvement. U.

8
Bis est la traduction française de « return » qui indique une deuxième version du mouvement initial.

39
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Dausendschön-Gay et U. Krafft (op.cit) ont dressé une liste de techniques


d’expansion, qui sont mises en œuvre par le locuteur fort pour débloquer
l’incompréhension : l’amplification du signifiant qui consiste à développer un mot ou
un groupe de mots incompréhensibles pour l’interlocuteur ; la concrétisation qui
correspond à des énoncés qui rendent les propos plus clairs et moins abstraits ;
l’exemplification qui correspond à des exemples donnés à l’interlocuteur ;
l’explication qui consiste à faire comprendre nettement les propos et ceci de manière
développée ; l’explicitation qui correspond à des énoncés suffisamment clairs et
précis pour l’interlocuteur.

La double énonciation
A. Trévise (1979) a caractérisé la spécificité de l’énonciation didactique à l’aide de la
notion de double énonciation. Dans la communication en classe de langue, il existe
une complexité énonciative que l’on retrouve dans les échanges entre l’enseignant et
l’apprenant. L’énonciation didactique est dédoublée, L. Gajo et L. Mondada (2000)
expliquent ce dédoublement en terme de « double réseau énonciatif » (cité in M.
Gambra Giné, 2003 : 94) : le réseau linguistique et le réseau métalinguistique. La
double énonciation s’inscrit dans ces deux réseaux : une énonciation qui se réfère
aux rôles propres de la tâche, et une autre qui renvoie au pôle enseignant - élève.
Pour A. Trévise, la présence de deux énonciations se résume comme suit :
« l’assertion doit passer par un énonciateur différent, simulateur du sujet énonciateur
véritable, et même lorsque l’on évite le jeu de rôles, et que l’on demande à l’étudiant
de raconter quelque chose à partir de son moi, ici maintenant propre, il n’en reste
pas moins que les caractéristiques du sujet énonciateur premier, véritable, en classe,
parlant ou écrivant à un enseignant, même si elles sont implicites, demeurent
derrière le sujet, qui fait comme si la situation était réelle» (1979 : 45).
Il y a donc deux dimensions dans cette double énonciation. La première englobe
l’enseignant ou l’apprenant, comme le vrai énonciateur, et la deuxième englobe
quelqu’un d’imaginé ou simulé, comme un deuxième énonciateur fictif.

La polyphonie
Cette notion appartient fondamentalement à un champ de recherche bien précis qui
est la linguistique textuelle. Elle a été développée par M. Bakhtine. Celui-ci a
constaté que dans une œuvre littéraire il existe le caractère inachevable du dialogue
polyphonique : « tout grand écrivain participe à un tel dialogue ; il y participe par son
œuvre comme l’une des parties de ce dialogue ; eux-mêmes ne créent pas de
romans polyphoniques. Leurs répliques dans ce dialogue ont une forme
monologique, chacun d’eux a son monde à lui, les autres participants du dialogue,
avec leur monde à eux, restent hors de l’œuvre. Chacun se produit avec son monde
personnel et avec son mot personnel direct. Mais le prosateur, et tout
particulièrement, le romancier, se heurte au problème du mot personnel. Ce mot ne
saurait être simplement son mot à lui (venant du je) » (1979 : 372-373).
Dans le cadre de ce module, ce sont les apports de F. Cicurel qui retiennent notre
attention. Elle définit la polyphonie en classe de la manière suivante « la position
d’altérité ne s’établit pas seulement selon la fonction professeur ou apprenant, il y a
aussi un autre imaginaire, constitué par le locuteur natif potentiel dont on veut
s’approprier le parler qui « intervient » dans les discours de la classe sous la forme
d’énoncés entendus, répétés, commentés, simulés, s’insérant dans les discours des
interactants, et leur donnant une dimension polyphonique » (1993 : 93).

40
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

D’après F. Cicurel, « l’autre », pour l’enseignant, ce sont les apprenants. Mais cette
représentation se révèle fausse quand l’interaction se met en place car lorsqu’il
s’adresse à tous les apprenants, il attend une réponse de l’un d’entre eux.
Pour les apprenants, chaque apprenant est un « autre » avec qui il co-apprend.
Cette dimension psychologique et fictionnelle, à savoir que dans le discours
didactique, il y a un passage d’une identité réelle à une identité imaginaire, poussera
l’élève à comprendre, que dans une classe de langue il est à la fois le « même » et «
l’autre ».
« Le dynamisme énonciatif provient précisément de cette habileté à conduire un
discours par rapport à la place énonciative que l’autre tient et par rapport au statut-
métalinguistique, fictionnel, prescriptif-des énoncés » (F. Cicurel, 1996 : 91).
Dans la communication didactique l’élève peut être l’autre lorsqu’il s’agit d’une mise
en situation fictionnelle créée par l’enseignant, mais l’élève reste le même lorsqu’il
s’agit de sa propre identité. En d’autres mots, l’élève peut camper plusieurs rôles de
par les énoncés de l’enseignant et de par ses propres énoncés dans l’interaction.

La décontextualisation/ recontextualisation
Les notions de décontextualisation et de recontextualisation développées par L. Gajo
(1996) sont liées aux notions de polyphonie, de bifocalisation et de double
énonciation.
La décontextualisation est l’opération qui mène l’apprenant au niveau
métalinguistique du discours scolaire. C’est le fait de créer un nouveau contexte
dans l’énonciation avec d’autres unités de langue. Il faut entendre « contextes » ici
en tant que contextes énonciatifs.
Quant à la recontextualisation, c’est l’emploi d’une unité dans un nouveau contexte.
En situation de classe la recontextualisation est très délicate parce que l’élève peut
être soumis à l’évaluation de l’enseignant, et cette évaluation peut privilégier la
recontextualisation d’autres unités de langue. (L. Gajo, 1996)

L’input intelligible
Beaucoup de chercheurs ont travaillé sur les notions de « input » et « output », tels
E. Hatch en 1978, R. Ellis en 1994, C. Gallaway et B.J Richard en 1994. Tous ces
travaux avancent l’idée que l’input fourni au locuteur faible lors d’un échange
communicatif, doit être intelligible. Nous passerons sur les problèmes de
terminologie que relève S. Gass en 1988, en parlant de « comprehended input »,
plutôt que de « comprehensible input », pour nous intéresser à la suggestion de S.
Smith (1986) (cité dans R. Ellis, 1994), à propos de l’input intelligible. Il y voit une
double pertinence :
« - l’input peut aider l’apprenant à interpréter le sens (donc à comprendre)
- l’input peut aider l’apprenant à progresser dans son interlangue (donc à acquérir) »
(cité dans L. Gajo et L. Mondada, 2000 : 132).
Cette double pertinence est importante à nos yeux, car dans le cadre de
l’enseignement / apprentissage, l’enseignant est constamment en train de rendre
l’input intelligible pour, entre autres, les deux raisons citées ci-dessus.

L’output intelligible
Tout comme l’input doit être intelligible, l’output doit l’être aussi, selon l’hypothèse
développée par M. Swain (1985). Il est, pour l’enseignant, un moyen de donner un
feedback ou un retour à l’élève, (ou une évaluation dans notre modèle, cf. 3.4.2). Le

41
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

plus important dans l’output intelligible, c’est que l’élève reproduise quelque chose
qui montre qu’il s’est approprié « l’objet d’acquisition pour le réutiliser, le
transformer, le bricoler dans d’autres co-textes (environnement discursifs,
syntaxiques par exemple et dans d’autres contextes » (L. Gajo et L. Mondada,
2000 : 170).
C’est l’enseignant qui doit mettre en place les conditions nécessaires pour que
l’output soit bien co-textualisé et contextualisé. Il peut y avoir des contraintes pour
les élèves de co-textualiser et contexualiser l’output. Nous en relèverons deux : les
contraintes syntaxiques et les contraintes d’emploi (conditions d’emploi). Dans ce
sens, ce qui va attester qu’il y a eu appropriation/ acquisition ou pas, c’est le fait de
réutiliser les objets acquis à bon escient, c’est-à-dire de pouvoir les ajuster aux
différents contextes.
En passant en revue chaque phénomène interactionnel potentiellement présent dans
la communication didactique, nous avons essayé de mettre en avant les différentes
situations interactives, qui engagent l’apprenant et l’enseignant dans l’échange
verbal. Ces phénomènes dotés d’un caractère discursif encadrent les activités
métalinguistiques de l’enseignant et de l’apprenant dans la perspective d’une
acquisition / appropriation d’une L2. A notre avis, ces phénomènes donnent la
mesure de la particularité de la communication didactique.
Cet ensemble de phénomènes interactionnels relève du traitement de la langue en
termes de lexique et de syntaxe entre l’enseignant et les élèves. Nous dirons
volontiers que si ces activités ne se produisent pas en CLIN, cette classe perd tout
son sens aux yeux du ministère de l’Éducation nationale qu’il est demandé aux
enseignants qui sont chargés de cours dans ces classes de s’inspirer de ce qui se
passe en maternelle pour arriver à atteindre les objectifs d’apprentissage. A leurs
collègues de l’école maternelle, on rappelle que « dans toutes les circonstances,
l’enseignante ou l’enseignant veille à ce que ses propos soient explicites et
compréhensibles afin de rendre efficaces les efforts des enfants qui doivent
distinguer parmi ses mots ceux qui sont utiles. Il attire l’attention des élèves sur des
formes particulières, en mettant en évidence la justesse des mots et des tournures,
en reformulant des phrases malhabiles avec une insistance marquée sur les
variations introduites ou quelques expansions des propos émis, en sollicitant avec
tact une correction. Il est vigilant sur la qualité de la prononciation, l’enrichissement
lexical, la complexité et la pertinence des constructions. C’est dans le cadre d’un
travail plus large sur le langage et son adaptation aux situations de communication
qu’il peut intégrer un travail sur la langue et sa syntaxe » (B.O HS, 1998 : 5).
Cet extrait du texte officiel explique exactement ce qui se passe lors des
phénomènes interactionnels en situation de communication didactique. Il est clair et
net que les interactions qui ont lieu en CLIN ont un seul but : travailler la langue pour
se l’approprier le plus vite possible.

4.2 Les interactions en classe ordinaire (disciplines non linguistiques)


Contrairement à ce que se passe en CLIN, les interactions qui ont lieu en classe
ordinaire n’ont pas pour but de se focaliser sur le code, du moins pour les ENAF. La
langue (le français) est considéré comme langue d’enseignement/ d’apprentissage.
L’objectif des interactions est d’abord d’aider les élèves à construire des
connaissances disciplinaires en français. Donc, les discours disciplinaires en classe
ordinaire ont leurs particularités lexicales selon les disciplines enseignées, leurs
structures syntaxiques, leurs caractéristiques énonciatives, leurs organisations
textuelles (J-L. Chiss, 2005). Ce sont également des discours qui comportent des

42
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

énoncés à forte densité informative dont le taux de redondance est faible (V. Spaëth,
2008). Dans cet espace, il se peut fort bien que les ENAF s’approprient la L2 parce
qu’ils sont en immersion totale, mais les interactions seront plus caractéristiques des
discours disciplinaires que des discours métalinguistiques. On est plus dans un type
d’interaction où l’enseignant amène les élèves à construire un concept en L2. G.
Vigner, 1990, a caractérisé, ce que lui, il appelle le discours scientifique 9, de la
manière suivante : « le discours scientifique se caractérise donc par l’utilisation d’un
langage objectivé (il ne s’agit pas comme en littérature de désigner des sensations
liées au vécu propre d’un individu, mais des objets identiquement structurés et
organisés), en relation à une activité de conceptualisation, ce qui explique sa très
forte densité » (1990 : 26-27), mais il précise que ce type de discours a un double
rôle, il est à la fois représentationnel et communicationnel : l’élève doit construire un
objet scientifique mais il doit aussi communiquer avec autrui. Il y a donc deux visées
dans ce type de communication : Pour les ENAF, dans un premier temps, il s’agit de
s’approprier les concepts de la discipline en question et, dans un second temps,
s’approprier une sorte de « grammaire disciplinaire » ce qui leur permettra de
raisonner en utilisant ce langage spécifique avec l’enseignant et leurs pairs. Il est
bien entendu que ces élèves doivent construire progressivement des représentations
d’objets au lieu de travailler sur la langue. C’est dans cette vision que les échanges
dans les classes ordinaires peuvent prendre une dimension méta-disciplinaire mais
les ENAF ont besoin de maîtriser la langue pour construire un objet scientifique /
disciplinaire. A. Vérin (2003) n’a pas oublié d’évoquer cet aspect dans son article sur
les apprentissages disciplinaires. Elle souligne que la maîtrise de la langue ne
renvoie pas uniquement à la maîtrise des formes linguistiques mais c’est aussi une
question de combiner ces dernières avec la maîtrise du discours scientifique.
Nous n’analyserons et ne porterons pas de jugement sur l’efficacité d’une
transversalité disciplinaire venant de la CLIN vers les classes ordinaires mais la
logique des choses appelle une remarque générale : dans les interactions
disciplinaires, il est visible que l’on demande aux élèves à la fois de s’appuyer sur les
formes linguistiques acquises en CLIN pour s’approprier des connaissances
disciplinaires en L2 et de les dépasser. Chose qui nous paraît difficile pour eux s’il
n’y a pas d’interaction au niveau de la pédagogie et de la didactique entre les deux
classes.
Que le contexte varie ou pas, la communication didactique en CLIN ou en classe
ordinaire laisse très peu de place à une communication « ordinaire 10 ». Comme je l’ai
déjà pointé plus haut au cours du chapitre « espaces d’appropriation », lorsqu’il y a
des tentatives de communication « ordinaire », elles sont considérées comme des
moments de dispersion par l’enseignant. Dans tous les cas, il faut se rendre à
l’évidence que la finalité qui est visée dans la communication didactique est celle
d’appropriation : s’approprier la L2 et s’approprier les connaissances disciplinaires en
L2.
D’un point de vue interactionnel, la relation qui existe dans l’interaction entre
professeur et élèves est inégalitaire. Par son statut institutionnel l’enseignant occupe

9
Nous utilisons le terme discours disciplinaire à celui de discours scientifique pour la simple et bonne
raison que ce lexique renvoie mieux à l’image scolaire.
10
Nous avons choisi d’employer le terme « ordinaire » à celui de « naturel » pour parler de la
communication non didactique parce que, selon moi, les échanges en classe sont naturels dans la
mesure où les élèves produisent un discours qui est compatible à un schéma interactif spécifique.
Autrement dit, c’est un discours attendu qui rentre dans ce cadre interactif-là. Par contre, il n’est pas
ordinaire dans le sens où il n’est pas conforme à la normalité d’une communication réelle.

43
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

la position haute et les élèves la position basse mais lorsque la communication


didactique bat son plein les places interactionnelles sont remises en jeu et les
taxèmes11 (C. Kerbrat-Orecchioni, 1992) rentrent en scène. Néanmoins, l’enseignant
reste celui qui structure l’interaction et qui gère le cadre interactif (P. Bangé, 1992).
En d’autres termes, l’enseignant reste le chef de la communication. C’est la raison
pour laquelle les interactions ordinaires sont quasiment inexistantes dans la
communication didactique.

SYNTHESE INTERMEDIAIRE :
LECTURE DES DOCUMENTS EN ANNEXE ET PERSPECTIVES

Nous n’avons, bien sûr, pas fini le panorama des évolutions, des convergences et
divergences entre FLE, FLM et FLS. Dès à présent, comparez les documents 5, 6 et
7, extraits de l’ouvrage Didactique du français : état d’une discipline (J. L. Chiss, J.
David, Y. Reuter, éditions Nathan) : ils présentent les modèles FLE de Robert
Galisson et de Michel Dabène (années 70 à 90) d’une part, un modèle FLM d’Hélène
Romian (FLM, années 70), d’autre part), un modèle FLM influencé par la psychologie
des apprentissages. Cela constitue une propédeutique aux approches des concepts
et notions des différents champs FLE, FLS, FLM dans le prochain fascicule.

Dans ce prochain fascicule, nous continuerons notre lecture sélective des revues
du champ FLE, FLM et FLS, en relation avec les publications récentes. Nous
reviendrons aussi sur les activités en FLE, FLM, FLS, en France et dans les pays
francophones. Nous verrons l’évolution de quelques concepts et quelques exemples
de méthodes FLS, le FLE leur servant de base, en lien avec le FLM.

11
L’auteur introduit ce terme pour désigner le jeu de rapport de place dans les interactions.

44
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

ANNEXE - Documents complémentaires

Document 1 : texte officiel actuel les classes d’accueil en France

ORGANISATION
DE LA SCOLARITÉ
DES ÉLÈVES NOUVELLEMENT ARRIVÉS EN FRANCE
SANS MAÎTRISE SUFFISANTE DE LA LANGUE FRANÇAISE OU
DES APPRENTISSAGES
C. n° 2002-100 du 25-4-2002
NOR : MENE0201119C
RLR : 515-0
MEN - DESCO

Texte adressé aux rectrices et aux recteurs d’académie; aux inspectrices et aux inspecteurs d’académie, directrices et
directeurs des services départementaux de l’éducation nationale
L’école est un lieu déterminant pour l’intégration sociale, culturelle et à terme
professionnelle des enfants et des adolescents nouvellement arrivés en France. Leur
réussite scolaire liée à la maîtrise de la langue française est un facteur essentiel de cette
intégration; en assurer les meilleures conditions est un devoir de la République et de son
école. Au delà des enseignants qui dispensent dans les classes d’accueil, les premiers
enseignements nécessaires à cette intégration, la scolarisation des nouveaux arrivants
concerne l’ensemble des équipes éducatives.
Dès les années soixante-dix, des mesures ont été prises, pour accueillir et scolariser ces
élèves. Elles se sont traduites par la création de structures d’accueil à l’école, au collège et
dans les lycées d’enseignement général ou technologique et les lycées professionnels. Ces
structures scolarisent de façon temporaire les seuls élèves nouvellement arrivés en France
pour lesquels la maîtrise insuffisante de la langue française ou des apprentissages scolaires
ne permet pas de tirer profit immédiatement de tous les enseignements des classes du
cursus ordinaire.
Ces dernières années, des données nouvelles (arrivées plus nombreuses de jeunes souvent
plus âgés que par le passé, et peu ou pas scolarisés antérieurement) ont nécessité de
renforcer les moyens liés à la scolarisation ainsi que les actions d’intégration qui
accompagnent et facilitent celle-ci.
La présente circulaire a pour objet de réaffirmer les principes mis en œuvre par l’école et de
répondre aux nouveaux besoins et aux nécessaires évolutions du dispositif d’accueil et de
scolarisation.
Elle complète la circulaire n° 2002-063 du 20 mars 2002 qui précise les modalités de
l’inscription et de la scolarisation des élèves de nationalité étrangère. Elle se substitue aux
deux circulaires de 1986 : la circulaire n° 86-120 sur l’accueil et l’intégration des élèves
étrangers dans les écoles, collèges et lycées d’une part, la circulaire n° 86-119 sur
l’apprentissage du français pour les enfants étrangers nouvellement arrivés en France
d’autre part.

1 - ACCUEIL
L’obligation d’accueil dans les établissements scolaires s’applique de la même façon pour
les élèves nouvellement arrivés en France et pour les autres élèves. Elle relève du droit
commun et de l’obligation scolaire. Les modalités d’inscription et de scolarisation pour les
élèves de nationalité étrangère sont fixées par la circulaire n° 2002-063 du 20 mars 2002.
Il convient ici de préciser ce qui pour les élèves nouvellement arrivés en France et leur
famille peut faire l’objet d’un accueil spécifique dans l’objectif d’aider à leur rapide intégration
dans un cursus de réussite comportant une véritable qualification professionnelle.
1.1 Accueil des élèves
Dans chaque académie, une circulaire et des instructions départementales préciseront à
chaque rentrée les modalités d’intervention concertée des différents acteurs des dispositifs
d’accueil et de scolarisation.
Là où l’éducation nationale met en place des cellules d’accueil, l’ensemble du système

45
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

éducatif doit pouvoir contribuer à leur fonctionnement : personnels des écoles, des
établissements secondaires, des inspections académiques, des équipes de circonscriptions,
des centres académiques pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du
voyage - CASNAV (voir circulaire n° 2002-102 du 25 avril 2002, page 21) ou des centres
d’information et d’orientation (CIO).
Dans les écoles, collèges ou lycées, l’accueil des nouveaux arrivants requiert une attention
particulière. Il convient notamment de faciliter la connaissance, pour ces élèves et leur
famille, des règles de fonctionnement de l’établissement scolaire dans lequel ils sont
affectés. On sera particulièrement vigilant, dans les premiers jours, à bien clarifier ce qui
concerne les horaires, la demi-pension, les possibilités d’accès à différents services et les
fonctions des différents professionnels de l’école ou de l’établissement.
Des documents de présentation de l’établissement en langue première, accompagnés de
leur traduction en français, peuvent être bienvenus.
On pourra également utiliser les documents vidéos de l’office national d’information sur les
enseignements et les professions (ONISEP).

1.2 Information des parents


Des actions devront aider à l’accompagnement par les parents de la scolarisation de leurs
enfants en leur permettant d’acquérir une bonne compréhension du système éducatif si cela
s’avère nécessaire.
Dans le souci de faciliter pour les familles les démarches afférentes à l’accueil et à
l’affectation de leur(s) enfant(s) dans un établissement scolaire, on veillera à établir à leur
intention un document d’information explicitant les procédures d’inscription et indiquant,
autant que faire se peut, les personnes responsables de l’accueil, de l’évaluation linguistique
et scolaire et les responsables de l’affectation, ainsi que les lieux et les adresses précises,
heures et jours d’ouverture auxquels ces personnes peuvent être jointes. Ce document peut
être réalisé en partenariat avec les collectivités territoriales.
Dans le cadre du regroupement familial, les procédures de pré-accueil et d’accueil organisé
par l’office des migrations internationales (OMI) constituent une première occasion pour les
familles, de prendre connaissance des services de l’État, de leurs règles et de leur
fonctionnement. Il est donc important que conformément à la convention- cadre du 7 mars
2001 co-signée par le ministère de l’éducation nationale, le ministère de l’emploi et de la
solidarité, et le fonds d’action sociale, les services de l’éducation nationale soient présents
dans les comités de pilotage des plans départementaux d’accueil et lors des séances
collectives de pré-accueil.
L’éducation nationale pourra diffuser l’information et, le cas échéant, participer à la
réalisation d’actions en lien avec des associations ou d’autres organismes de l’État (en
premier lieu, le fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les
discriminations - FASILD) visant à renforcer chez les parents, la connaissance de la langue
française et de la société d’accueil.
Dans cette intention, il est vivement souhaitable de disposer, dans un premier temps, de
documents en langue d’origine présentant le système éducatif, comme le précise la
convention cadre précitée qui prévoit la possibilité de recourir à des services de traduction et
d’interprétariat chaque fois que nécessaire.
Enfin rappelons que les parents de nationalité étrangère bénéficient des mêmes droits que
les parents français (droit de vote et éligibilité aux élections de représentants de parents
d’élèves dans les conseils d’école et d’administration des établissements secondaires).

2 - SCOLARISATION : ÉVALUATION, AFFECTATION, CLASSES SPÉCIFIQUES


Pour garantir une bonne scolarisation des jeunes arrivants, deux principes doivent guider le
travail mené :
- faciliter l’adaptation de ces jeunes au système français d’éducation en développant des
aides adaptées à leur arrivée;
- assurer dès que possible l’intégration dans le cursus ordinaire.
2.1 L’évaluation des acquis à l’arrivée
Tout élève nouvellement arrivé en France doit pouvoir bénéficier d’une évaluation qui mette
en évidence :
- ses savoir-faire en langue française, pour déterminer s’il est un débutant complet ou s’il
maîtrise des éléments du français parlé ou écrit;
- ses compétences scolaires construites dans sa langue de scolarisation antérieure et son
degré de familiarité avec l’écrit scolaire (on pourra s’appuyer en particulier sur des exercices
en langue première de scolarisation);
- ses savoirs d’expérience dans différents domaines, ainsi que ses intérêts, qui peuvent
constituer des points d’appui pédagogiques importants.
Il est indispensable en effet de connaître, pour ces élèves, leur degré de familiarisation avec
l’écrit quelque soit le système d’écriture et leur degré de maîtrise dans certaines disciplines
(mathématiques par exemple...). Les résultats de ces évaluations permettront d’élaborer les

46
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

réponses pédagogiques les mieux adaptées au profil de chacun d’entre eux. Une certaine
souplesse s’impose en matière d’appréciation des années de retard, en regard des
compétences mises en jeu et des efforts consentis. Un retard d’un an, voire de deux ans,
chez certains élèves ne constitue pas un obstacle dans un cursus de scolarisation longue.
Dans le premier degré
À l’école élémentaire, c’est dans le cadre du cycle correspondant à la classe d’âge de
l’écolier arrivant que cette évaluation doit être menée, avec le concours du maître de la
classe d’initiation, s’il y en une dans le groupe scolaire, l’aide du CASNAV et, si besoin, celle
du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
Dans le second degré
En fonction du nombre d’élèves à accueillir dans un même espace en général urbanisé, les
centres de formation et d’information seront mobilisés, soit de manière déconcentrée, soit au
sein de cellules d’accueil qui peuvent être mises en place dans les inspections académiques.
Les CASNAV doivent apporter leur contribution active à ces cellules d’accueil tant par leur
présence effective que comme centres de ressources susceptibles de mettre à disposition
des outils d’évaluation adaptés. Pour les élèves de plus de 16 ans, les cellules d’accueil
peuvent en outre faire appel aux coordonnateurs des missions générales d’insertion.
L’équipe chargée de cette évaluation devra transmettre les résultats aux enseignants qui
auront à les accueillir. L’affectation devra tenir compte, d’une part, du profil scolaire de
l’élève établi par les évaluations et, d’autre part, des possibilités d’accueil adaptées, à une
distance raisonnable du domicile. Le délai entre la date d’inscription de l’élève auprès des
services de l’Éducation nationale et son affectation effective dans un établissement ne doit
pas excéder un mois.
2.2 L’affectation des élèves et le fonctionnement des classes spécifiques
Dans le premier degré
Les élèves nouvellement arrivés sont inscrits obligatoirement dans les classes ordinaires de
l’école maternelle ou élémentaire. Les élèves du CP au CM2 sont regroupés en classe
d’initiation (CLIN) pour un enseignement de français langue seconde, quotidiennement et
pour un temps variable (et révisable dans la durée) en fonction de leurs besoins. L’objectif
est qu’ils puissent au plus vite suivre l’intégralité des enseignements dans une classe du
cursus ordinaire. Pour des élèves peu ou non scolarisés antérieurement et arrivant à l’âge
d’intégrer le cycle III, un maintien plus long en classe d’initiation, allant jusqu’à une année
supplémentaire, peut cependant être envisagé; un suivi durable et personnalisé s’impose si
l’on veut éviter un désinvestissement progressif de ces élèves dans les apprentissages.
En fin de séjour en classe d’initiation, les acquisitions des élèves doivent être évaluées par
l’équipe enseignante. Ces évaluations aident à préciser les champs de compétences les
mieux maîtrisés et ceux pour lesquels un suivi et un soutien spécifiques sont encore
nécessaires.
Les modalités d’accueil et de suivi de ces élèves doivent figurer dans le projet d’école.
S’il est justifié que l’enseignant de CLIN n’ait pas plus de 15 élèves en même temps dans la
classe, il est également clair que, sur une année scolaire, le nombre d’écoliers qui
bénéficient de l’enseignement donné en CLIN peut être supérieur; en effet, le temps de
scolarisation en classe ordinaire doit constituer une part importante du temps passé par ces
élèves à l’école et, progressivement, la part la plus importante jusqu’à devenir exclusive.
L’enseignant de CLIN peut en outre reprendre pour des aides ponctuelles des élèves qui
avaient précédemment bénéficié d’un enseignement d’initiation et qui ont besoin d’une aide
complémentaire à celle apportée dans la classe ordinaire. Les effectifs de ces cours ne
figurent pas spécifiquement dans les différents états de recouvrement des effectifs scolaires
puisque l’inscription “administrative” est opérée dans la classe du cursus ordinaire.
En milieu urbain peu dense ou milieu rural, l’enseignant d’initiation ne saurait être implanté
dans un seul groupe scolaire. Les inspecteurs d’académie estimeront, en fonction d’une
analyse des besoins, la meilleure manière d’apporter un soutien linguistique aux élèves
nouvellement arrivés, en faible nombre et scolarisés dans plusieurs écoles. Ils préciseront
dans une lettre de mission adressée aux enseignants de CLIN leur champ d’intervention.
Dans le second degré
Il convient de distinguer deux types de classes d’accueil en fonction des niveaux scolaires
des élèves nouvellement arrivés. Certains n’ont pas été scolarisés dans le pays d’origine.
Pour ceux-là, on distinguera dans un périmètre urbain défini, chaque fois que les effectifs
concernés le justifieront, les classes d’accueil pour élèves non scolarisés antérieurement
(CLA-NSA) des classes d’accueil ordinaires (CLA). C’est sur la base de l’évaluation
effectuée à l’arrivée de l’élève que son affectation sera décidée.
L’implantation de ces classes doit répondre aux besoins constatés; on évitera d’implanter
deux ou plusieurs classes d’accueil dans le même établissement. On fera également en

47
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

sorte que des classes d’accueil ne soient pas systématiquement ouvertes dans les réseaux
d’éducation prioritaire.
Les classes d’accueil pour élèves non scolarisés antérieurement (CLA-NSA) permettent aux
élèves très peu ou pas du tout scolarisés avant leur arrivée en France et ayant l’âge de
fréquenter le collège d’apprendre le français et d’acquérir les connaissances de base
correspondant au cycle III de l’école élémentaire.
Quand cela est possible, on regroupera ces élèves auprès d’un enseignant qui les aidera
dans un premier temps à acquérir la maîtrise du français dans ses usages fondamentaux.
Dans un second temps, on se consacrera à l’enseignement des bases de l’écrit, en lecture et
en écriture.
L’effectif de ces classes ne doit pas dépasser quinze élèves, sauf cas exceptionnel.
Il convient néanmoins d’intégrer ces élèves dans les classes ordinaires lors des cours où la
maîtrise du français écrit n’est pas fondamentale (EPS, musique, arts plastiques...), et cela
pour favoriser plus concrètement leur intégration dans l’établissement scolaire. Ils doivent
également pouvoir participer, avec leurs camarades, à toutes les activités scolaires.
Les nouveaux arrivants âgés de plus de 16 ans, ne relevant donc pas de l’obligation scolaire,
peuvent néanmoins être accueillis dans le cadre de la mission générale d’insertion de
l’éducation nationale (MGIEN) qui travaille à la qualification et la préparation à l’insertion
professionnelle et sociale des élèves de plus de 16 ans. Ainsi des cycles d’insertion
préprofessionnels spécialisés en français langue étrangère et en alphabétisation (CIPPA
FLE-ALPHA) peuvent être mis en place pour les jeunes peu ou pas scolarisés dans leur
pays d’origine.
Enfin, on veillera à ce que soit mis en place un projet professionnel individualisé qui permette
à chaque jeune d’accéder, par la découverte des filières professionnelles existantes à une
formation répondant à ses aspirations personnelles et à ses capacités du moment.
Les classes d’accueil pour élèves normalement scolarisés antérieurement (CLA) dispensent
un enseignement adapté au niveau des élèves en fonction des évaluations menées à
l’arrivée des élèves.
On veillera à ce qu’ils soient inscrits dans les classes ordinaires correspondant à leur niveau
scolaire sans dépasser un écart d’âge de plus de deux ans avec l’âge de référence
correspondant à ces classes; ils doivent bénéficier d’emblée d’une part importante de
l’enseignement proposé en classe ordinaire, a fortiori dans les disciplines où leurs
compétences sont avérées (langue vivante, mathématiques…).
Un emploi du temps individualisé doit leur permettre de suivre, le plus souvent possible,
l’enseignement proposé en classe ordinaire. Au total, l’horaire scolaire doit être identique à
celui des autres élèves inscrits dans les mêmes niveaux.
L’effectif des classes d’accueil doit être comparable à celui des classes du cursus ordinaire
de l’établissement dans lequel elles sont implantées; toutefois leur fonctionnement souple en
structure ouverte doit permettre aux enseignants de n’avoir pas plus de 15 élèves en charge
à la fois.
Les liaisons entre collèges et lycées ou lycées professionnels doivent être encouragées par
la mise en réseau des établissements du second degré recevant ces jeunes.
Les lycées professionnels doivent mettre en place des dispositifs afin de répondre aux
besoins particuliers des élèves nouveaux arrivants qu’ils scolarisent, leur permettre
l’acquisition rapide de la langue française et garantir à chacun d’entre eux une scolarisation
réussie menant à un diplôme qualifiant.
Les projets des classes d’accueil sont partie prenante du projet d’établissement qui définit
par ailleurs les conditions d’intégration des nouveaux arrivants dans les classes ordinaires.
Dans le cas où la dispersion des élèves ne permet pas leur regroupement en classe
d’accueil, des enseignements spécifiques de français sont mis en place, prenant appui sur
les acquisitions des élèves et les contenus de formation dispensés antérieurement. Des
groupes de soutien pourront ainsi être constitués, sur le modèle de ce qui est prévu pour la
constitution de groupes de remédiation pour les élèves en difficulté scolaire. En règle
générale, les dispositifs qui concilient un accompagnement linguistique adapté et l’intégration
optimale des élèves dans les classes ordinaire sont à encourager.
L’enseignement en classe d’initiation et en classe d’accueil
L’objectif essentiel est la maîtrise du français envisagé comme langue de scolarisation. À ce
titre, les finalités ordinairement retenues dans les démarches d’apprentissage du français
langue étrangère ne sont pas forcément celles qui doivent l’être ici, même si un certain
nombre de techniques d’apprentissage peuvent être utilement transposées. Pour cela on
adoptera l’approche développée dans la méthodologie du français langue seconde (voir la
brochure Le français langue seconde, DESCO/CNDP).
L’enseignement du français comme langue de scolarisation ne saurait être réalisé par le seul
maître de la classe d’initiation ou par le seul professeur de français de la classe d’accueil :
c’est la responsabilité de toute l’équipe enseignante. Aussi il est recommandé que le
programme de travail de la classe d’initiation et de la classe d’accueil ne comprenne pas
moins de douze heures de français, mais aussi des heures spécifiques dans les principales
disciplines, afin de permettre aux élèves de s’approprier le langage des consignes scolaires
relatives à chacune des disciplines, langage qui ne saurait être enseigné indépendamment
d’une pratique de la discipline elle même.
48
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

On veillera à dispenser aux élèves concernés, dès leur arrivée, un enseignement en langue
vivante étrangère pour leur permettre de poursuivre une scolarité conforme à leurs aptitudes
et à leurs acquis. On encouragera pour ces élèves la poursuite de l’étude de leur première
langue de scolarisation comme langue vivante I ou II en classe ordinaire, ou dans le cadre
des enseignements des langues et cultures d‘origine. Dans le second degré, tout élève peut
bénéficier d’une inscription au centre national d’enseignement à distance (CNED) prise en
charge par l’établissement, si cette langue n’est pas enseignée dans l’établissement ou dans
un établissement voisin.
Les bulletins et les livrets de compétences adressés aux élèves et aux familles seront ceux
en usage dans l’école et l’établissement. On soulignera particulièrement les progrès
accomplis et on s’attachera à valider les acquis.
2.3 Suivi des élèves nouvellement arrivés après leur passage en CLIN ou CLA
Un élève accueilli dans une classe d‘initiation ou une classe d’accueil peut intégrer une
classe du cursus ordinaire quand il a acquis une maîtrise suffisante du français, à l’oral et à
l’écrit, qu’il a été suffisamment familiarisé avec les conditions de fonctionnement et les règles
de vie de l’école ou de l’établissement. On veillera cependant à ce qu’un soutien puisse
continuer à lui être dispensé, pour compléter sa formation en français et pour procéder
ponctuellement à d’éventuelles autres remédiations.
Pour assurer un suivi personnalisé de ces élèves, des contacts réguliers doivent être établis
entre l’enseignant de la classe d’accueil et les enseignants des classes ordinaires de
l’établissement de rattachement, quand celui-ci est différent de l’établissement où se trouve
la classe d’accueil.
Un livret scolaire précisément renseigné, qui présente par exemple la validation des
compétences acquises en français en s’appuyant sur le portfolio des langues réalisé par le
conseil de l’Europe, peut constituer un bon support pour la communication entre enseignants
afin qu’ils assurent la continuité des apprentissages en prenant en compte les difficultés liées
à la langue qui peuvent subsister.
Dans le second degré, les chefs d’établissements, les professeurs principaux et les
conseillers d’orientation psychologues seront particulièrement attentifs aux situations de ces
jeunes au regard des procédures habituelles d’orientation. Ils veilleront en particulier à ce
qu’aucune voie ne leur soit fermée sur le seul argument de la maîtrise de la langue française
et à ce que les structures spécialisées ne leur soient pas proposées du seul fait de leur
passé ou de leur niveau scolaires. Ils aideront en particulier les plus âgés et les moins bien
scolarisés antérieurement à définir un projet de formation adapté.
3 - LES ENSEIGNANTS DES CLASSES SPÉCIFIQUES
Affectation
Les classes d’initiation ou d’accueil seront confiées de préférence à des enseignants
volontaires.
En ce qui concerne les enseignants de français des classes d’accueil, il est vivement
souhaitable qu’ils puissent être nommés dans le cadre des postes à exigences particulières
de type II ou mieux encore de type III. Outre leur expérience d’enseignement auprès des
élèves non francophones, ils verront ainsi reconnus des diplômes universitaires de français
langue étrangère ou de français langue seconde, ou leur participation à des stages de
formation dans ces domaines, ou encore plusieurs de ces caractéristiques.
Dès l’année scolaire 2002-2003, à titre expérimental dans quelques académies, les
professeurs stagiaires de lycée et collège auront la possibilité de faire valider une
certification supplémentaire “français langue seconde” destinée à reconnaître au plan
national l’aptitude à enseigner dans ces structures.
Cette certification s’appuiera sur :
- des acquis universitaires en français langue seconde ou français langue étrangère;
- une formation pédagogique et didactique complémentaire acquise et validée en 2ème
année d’IUFM.
Le jury de validation réuni sous la responsabilité du recteur devrait être indépendant du jury
de titularisation ordinaire.
Formation
Une fois en poste, les enseignants, surtout à leurs débuts dans ces classes spécifiques,
feront l’objet d’un suivi particulier de la part des équipes de circonscription pour le premier
degré et des inspecteurs responsables de la discipline dans le second degré en liaison
étroite avec les équipes des CASNAV. En particulier, si les enseignants affectés dans les
classes spécifiques ne disposent pas a priori des compétences nécessaires à ce type
d’enseignement, les recteurs et les inspecteurs d’académie, directeurs des services
départementaux de l’éducation nationale doivent veiller le plus rapidement possible à leur
permettre d’acquérir des éléments de formation indispensables et à leur procurer un suivi
pédagogique, en s’appuyant sur le savoir-faire des CASNAV en la matière.

49
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Service
Il convient de favoriser, pour les enseignants des classes d’initiation, une pratique
pédagogique avec les élèves des classes ordinaires, ce qui est notamment possible dans le
cadre d’échanges de services ou de décloisonnements entre classes. De même, dans le
second degré, la pratique de l’enseignement dans les classes ordinaires du collège ou de
lycée constitue un atout essentiel pour les enseignants des classes d’accueil. Ainsi, les
enseignants peuvent mieux évaluer les exigences des classes du cursus ordinaire que leurs
élèves doivent à terme intégrer.

4 - LE PILOTAGE DU DISPOSITIF D’ACCUEIL ET DE SCOLARISATION DES ÉLÈVES


NOUVELLEMENT ARRIVÉS
Le suivi académique de la population concernée doit d’abord avoir pour objectif la bonne
adaptation du réseau des classes à la réalité des migrations et des habitations des nouveaux
arrivants. Il doit aussi permettre de veiller à ce que les jeunes concernés soient bien intégrés
rapidement dans les classes ordinaires.
La mise en place de tableaux de bord départementaux et académiques peut être réalisée
grâce à une collaboration effective des services des inspections académiques, des rectorats
et des CASNAV, en liens étroits avec les écoles et établissements qui accueillent ces élèves.
Ces tableaux de bord gagneront à faire l’objet d’une actualisation trimestrielle.
Cette information en continu permet de prendre en compte l’évolution des besoins au
moment de l’élaboration de la carte scolaire, ou de répondre avec souplesse à ceux qui
pourraient se révéler en cours d’année.
Cette bonne connaissance de la situation doit permettre aussi d’assurer le suivi des
enseignants qui débutent dans les classes spécifiques, d’aider les enseignants qui
accueillent directement dans leurs classes des élèves nouvellement arrivés parce qu’ils sont
en petit nombre dans un secteur scolaire et aussi d’apporter un soutien aux équipes
pédagogiques qui intègrent dans les classes ordinaires des élèves venant des classes
spécifiques.
Elle facilite l’analyse des besoins en formation des équipes pédagogiques. Les plans de
formation académiques doivent ainsi pouvoir proposer des solutions spécifiques de
formation dans les départements où les classes d’initiation (CLIN) et les classes d’accueil
(CLA) sont peu nombreuses. Outre les formations sur sites adaptées aux besoins des
équipes des établissements ou les stages départementaux, il est souhaitable que le plan
académique de formation propose des actions de formation communes aux enseignants
concernés des différents départements de l’académie, enseignants du premier et du second
degré pouvant à cette occasion travailler ensemble.
Le suivi national doit permettre de bien connaître l’évolution des arrivées sur tout le territoire
afin d’aider à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques académiques. Cette enquête
sera diffusée par la direction de la programmation et du développement (DPD) auprès des
responsables académiques.
Enfin, le Centre national de documentation pédagogique (CNDP) et son département Ville-
École-Intégration (VEI), en lien avec les services de la direction de l’enseignement scolaire
(DESCO), assurera un recensement et une diffusion circonstanciée des documents et outils
pédagogiques de nature à enrichir et éclairer les pratiques.
Pour le ministre de l’éducation nationale
et par délégation,
Le directeur de l’enseignement scolaire
Jean-Paul de GAUDEMAR

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Document 2 : un rappel des contextes et de l’histoire…

LE FRANÇAIS DES COLONIES ET DES INDÉPENDANCES :


Pour une histoire du français langue seconde

Gérard VIGNER
(in Revue Le français dans le monde - Recherches et Applications, janvier 1998, p. 96 à 102)

Le français enseigné comme langue seconde, au sens où on l'entend aujourd'hui


(1) en France, recouvre pour l'essentiel tout ce qui fut associé à un moment ou à un
autre aux politiques de diffusion d'enseignement de la langue française dans l'empire
colonial français et en ce sens relève d'une problématique historique
fondamentalement différente de celle du français langue étrangère.
L'histoire du français enseigné comme langue seconde est encore à écrire, non
pas que l'on manque d'études spécifiques et très fouillées souvent à son sujet (cf.
par exemple D. Bouche, A. Léon), mais parce que l'on manque encore de
perspectives d'ensemble qui donnent cohérence à un objet de connaissance encore
peu ou mal élaboré. Le plus souvent en effet la question est abordée au détour de
chapitres ou d'ouvrages consacrés à l'histoire des politiques ou des institutions
coloniales (O. Bouche 1991, J. Thobié, G. Meynier 1991) (2), voire intégrée dans
l'histoire de l'institution éducative proprement dite (P. Désalmand 1983, A. Léon
1991) (3). À d'autres moments, certains linguistes et pédagogues contemporains, au
moment des indépendances notamment, et à partir le plus souvent de sources de
seconde main, et selon des problématiques très marquées par les débats politiques
du moment, rendent compte de la situation du français l'époque coloniale, en des
termes qui à l'épreuve des faits se révèlent souvent inappropriés. Ajoutons encore
que certaines aires géographiques sont encore mal couvertes (l'Océanie,
l'Indochine), certaines époques mal connues (XVIIe et XVIIIe siècles), certains
domaines spécifiques peu ou pas étudiés.
Constituer le français langue seconde en objet de connaissance historique
présuppose quelque part une cohérence qui permette de regrouper sous une même
étiquette des faits qui relèvent d’aires, d’époques et d’institutions très largement
distinctes. Il y a donc toujours quelque risque à vouloir rassembler rétrospectivement
une matière aussi variée en un cadre unificateur d'analyse. En même temps, le souci
de rendre les évènements intelligibles oblige, au-delà de la variété des situations, à
repérer tout à la fois les variables majeures, les constantes, par rapport à une
entreprise d'ensemble, la colonisation, qui était animée par une logique partagée en
matière de politique et de diffusion du français dans ses territoires d'outre-mer.
Une telle étude ne présente d'autre intérêt ici que de poser quelques repères qui
permettront différentiellement de marquer l'originalité ou les particularités de la
diffusion et de l'enseignement du français au travers de l'appareil colonial. On pourra
ainsi mieux apprécier à terme le retentissement des conditions d'existence de cette
politique et de sa mise en œuvre sur la configuration de l'objet même. La difficulté
toujours attestée de définir le français langue seconde, aujourd'hui encore, trouve
aussi son origine dans la genèse et dans les métamorphoses d'un objet longuement
modelé par une histoire complexe.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Quelques aspects sur la diffusion et l’enseignement du français dans les


colonies
La diffusion et l'enseignement du français dans les colonies vont s'organiser selon
des modalités tout à fait différentes qui tiennent au mode même de constitution du
domaine colonial de la France.
L'essentiel de l'effort va se concentrer sur une période plus courte, environ un
siècle et demi, c'est-à-dire ce qui correspond à la construction du second empire
colonial. En effet, par le traité de Paris du 30 mai 1814, l'Angleterre restitue à la
France un certain nombre de possessions (Antilles, Guyane, île Bourbon -
aujourd'hui île de la Réunion -, les cinq comptoirs de l'Inde, les comptoirs du Sénégal
en Afrique), mais conserve l'île Maurice, Tobago et Sainte-Lucie, et marque de la
sorte le terme initial d'une nouvelle expansion qui connaîtra sa phase la plus active à
la fin du XIXe siècle (conquête de l'Afrique noire, de Madagascar, de l'Indochine). Le
terme final en sera l'accès aux indépendances qui s'étalera de 1954, avec
l'indépendance des territoires de la péninsule indochinoise, à 1962 avec
l'indépendance de l'Algérie.
La diffusion du français dans la période antérieure sera d’abord directement liée à
la présence de colons et d'immigrants français, mais avec des phénomènes de
transfert et d'appropriation locales au contact des populations d'esclaves qui
donneront lieu à l'émergence des créoles (R. Chaudenson 1995) (4). Très tôt,
l'autorité royale marque d’ailleurs son hostilité à la mise en place d'une institution
scolaire dans les colonies, même à destination des colons. La lettre du ministre de la
Marine, Jérôme de Pontchartrain, adressée à M. de Machault, gouverneur des îles
françaises d’Amérique est sur ce point très claire : “ Le Roi ne permet pas aux
Jésuites d’établir un collège. Les belles lettres aussi bien que la procédure ne
conviennent pas dans les colonies où il ne faut ni philosophes ni orateurs, mais des
habitants uniquement appliqués aux soins et à la culture de leur terre et il suffit,
pourvu qu’ils en soient bien instruits, des principes de la religion ” (26 décembre
1703, citée par A. Lucrèce, 1981 p. 31) (5). Le refus ne pouvait qu'être encore plus
net à l'égard des esclaves: “ L'instruction est capable de donner aux nègres ici une
ouverture qui peut les conduire à d'autres connaissances, à une espèce de
raisonnement. La sûreté des Blancs, moins nombreux, entourés sur les habitations
par ces gens-là, livrés à eux exige qu'on les tienne dans une forte ignorance.” (lettre
du marquis de Fénelon, gouverneur de la Martinique au ministre des colonies, 11
avril 1764, ibid. p. 32). Cette réserve se maintiendra encore au début du XIXe siècle,
où l'on redoute tout autant l'“esprit colon”, c'est-à-dire le désir d'autonomie, que le
risque d'émancipation des esclaves. En 1816 encore, il est encore interdit d'ouvrir
des collèges dans les colonies. On préfère accorder des bourses d'Ëtat pour les
créoles de l'île de Bourbon et des Antilles. L'internationalisation du français par le
moyen des colonies au début du XIX" siècle est encore très peu développée.
Le domaine colonial est loin de constituer un ensemble homogène, que ce soit au
plan historique, on distingue les “ vieilles colonies” (Antilles, Guyane, Bourbon), des
territoires qui vont progressivement s'agréger au domaine tout au long du XIXe
siècle, ou au plan administratif. Lorsque le dispositif sera stabilisé au début du XXe
siècle, plusieurs ministères à Paris se répartiront la gestion de l'empire : le ministère
de l'Intérieur s'occupera de l'Algérie, le ministère des Affaires étrangères s'occupera
de la Tunisie et du Maroc, qui sont des protectorats, le ministère des Colonies créé
par la loi du 28 mars 1894 s'occupera de l'Afrique noire, de Madagascar et de
l'Indochine. Chacune, de ces administrations mettra ainsi en œuvre des politiques de
scolarisation et de diffusion du français qui seront loin d'être identiques.

52
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Le souci de diffuser un enseignement, et notamment un enseignement du


français, aux populations indigènes, comme aux enfants des colons, va pendant
longtemps se limiter à l'école primaire. La mise en place d'un enseignement
secondaire ne s'opèrera que très lentement, dans les vieilles colonies d'abord (1818,
fondation à la Réunion de ce qui sera le futur lycée Leconte-de-Lisle), puis dans les
territoires nouvellement conquis, création d'un lycée à Alger en 1835, prise en charge
en 1886 du collège Sadiki à Tunis par la direction de l'Instruction publique, 1903
création des écoles primaires supérieures en AOF, 1908 ouverture du premier lycée
à Madagascar, 1911 transformation à Pnomh-Penh d'un collège en établissement
secondaire, ouverture des lycées Chasseloup-Laubat à Saigon, Yersin à Dalat,
Albert Sarraut à Hanoi. Mais avec des effectifs au départ très limités, et. selon des
programmes généralement proches ou identiques à ceux de la métropole. En fait, il
reviendra à l'école primaire d'effectuer l’essentiel du travail d’alphabétisation et
d’enseignement du français auprès des élèves indigènes, avec des débats
nombreux, intenses, des recherches de solutions qui mettront plus d’un siècle à
s’organiser.
Pour ces raisons, la variété des situations et réseaux d'apprentissage sera
beaucoup plus limitée (même s'il faut tenir compte aussi du rôle que l'armée
coloniale sera amenée à jouer en ce domaine (voir G. Kahn 1990) (6), plus
directement administrée et dépendante des politiques mises en œuvre à la même
époque en métropole. Ce trait, longtemps maintenu, intervient encore dans le profil
actuel du français langue seconde. On n'oubliera pas cependant qu'en 1835 encore,
seul un tiers des départements français parlent exclusivement le français (voir K.
Lodge 1997) (7). La France n'est donc pas encore un pays majoritairement
francophone (8). Elle ne le deviendra complètement qu'au lendemain de la Première
Guerre mondiale, L'effort qu'elle peut donc conduire dans les colonies ne saurait être
différent de ce qu'il est en métropole, c'est-à-dire fort limité, avec tous les
ajustements et décalages correspondants.
L'enseignement dans les colonies, jusqu'au début du XXe siècle, sera pour
l'essentiel l'affaire des missions religieuses, qui sont habitées plus par le souci
d'évangéliser les populations que par celui de les franciser. Le catéchisme y est
enseigné dans les langues locales. L'autorité coloniale, peu soucieuse au début de
s'engager directement dans la mise en œuvre de politiques éducatives, signera des
conventions par lesquelles elle confie à des missions le soin d'instruire les
populations (par exemple en 1838, convention signée avec les Frères de l'Instruction
chrétienne de Ploërmel pour leur confier l'instruction publique à la Martinique et en
Guyane, en 1841 au Sénégal. En Côte-d'Ivoire, cette tâche sera confiée à la Société
des Missions africaines de Lyon. Les Sœurs Saint-Joseph de Cluny seront aussi très
actives en direction des filles. On les trouve au Sénégal, dans les Antilles. De ce fait
les politiques linguistiques scolaires des missions seront beaucoup plus ouvertes à
l'égard des langues locales (moins cependant dans les missions catholiques que
dans les missions protestantes). La politique de laïcisation des écoles, qu'un vote de
la Chambre des députés du 22 janvier 1903 veut imposer aux colonies, aura pour
effet de les faire passer sous la tutelle de "administration, avec un engagement plus
marqué en direction d'un enseignement de la langue française.
Toutefois, il serait erroné de croire que les colons eux-mêmes aient été favorables
d'emblée à un enseignement du français aux indigènes. Apprendre notre langue aux
indigènes, c'est leur permettre : “de lire tous les journaux dans lesquels le
gouvernement et les hauts fonctionnaires sont attaqués chaque jour avec la dernière
violence, c'est mettre à leur portée des romans que nous laissons traîner et dans

53
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

lesquels ils puiseront une idée singulière de la moralité de la race éducatrice, c'est
éveiller dans leur âme des aspirations que nous ne pouvons ni ne voulons satisfaire,
c’est détruire les conceptions morales appropriées à leur mentalité sans les
remplacer par les nôtres qu’ils sont incapables de saisir, c’est trop souvent faire des
déclassés dangereux, c’est toujours donner à l’indigène qui sait les deux langues
une supériorité certaine sur le Français qui n’en sait qu’une.” (9) Réserves
traditionnelles des classes dominantes à l'égard d'une entreprise qui risquerait
d'émanciper à terme les populations indigènes. Le débat n'était pas loin d'être
différent en métropole au moment de l'instauration de l'obligation scolaire par Jules
Ferry. Le souci d'assimiler par l'école et par un enseignement du français sera au
départ le fait de l'autorité administrative, se faisant ainsi l'écho des directives
données par l'autorité politique à Paris, plus que de la société européenne coloniale.
Le compromis le plus fréquemment trouvé a consisté à instaurer une filière
éducative indigène propre, avec son cursus, ses diplômes, en cherchant à éviter
l'accès des élèves ainsi formés au système métropolitain. Ainsi s'explique la mise en
place du dispositif scolaire en Afrique noire (décret 24 novembre 1903, étendu à
l'AEF en 1911, en Indochine et en Algérie, où coexisteront des filières indigènes et
des filières européennes). L’enseignement du français s'inscrivait donc dans une
visée de scolarisation restreinte. Et une revendication constante des élites locales et
des populations sera d'accéder à la filière européenne présente aussi en ce temps-là
dans les colonies. L’image d'un enseignement exclusivement consacré à la langue
française ou dispensé dans cette seule langue est celle qui prévaut le plus
généralement. Elle est exacte s'agissant de l'Algérie et de l'Afrique noire. Pour ce
dernier cas, le débat portera longtemps sur" les mérites comparés de la méthode de
traduction, dont Jean Dard au Sénégal fut un des initiateurs (11) et de la méthode
directe. Ainsi l'arrêté du 21 juillet 1921 pris par le commissaire de la République
Carde; au Cameroun est très clair dans sa conclusion: “ La langue française sera la
seule employée. La méthode de traduction ne permet que des progrès lents, la
mémoire y joue un rôle principal, de plus l'enfant n'arrive jamais à penser dans la
langue étudiée et encore moins à s'en servir dans les conversations. C'est donc à
l'emploi de la méthode directe qu'il faut recourir. ” (12)
Mais ailleurs, elle demande à être nuancée. L'enseignement de la langue arabe
est maintenu en Tunisie, au Maroc. À Madagascar, Gallieni maintient l'enseignement
du malgache dans les écoles du 1er degré. En 1931 encore, les maîtres indigènes y
dispensent 10 heures de français et un enseignement en langues de la région de 17
heures. En Indochine, les autorités coloniales, dès la mise en place d'un système
d'enseignement, prévoient pour les trois premières années du cycle élémentaire un
enseignement en vietnamien, l'enseignement du français étant facultatif (arrêté du 18
septembre 1924). Le français intervient dans le cycle suivant, de trois ans, appelé
cycle primaire.
De ce rapide panorama, dégageons quelques traits communs.
La France ne développera un appareil d’instruction dans ces colonies qu’avec une
certaine réticence. L’enseignement secondaire y est peu développé, l'enseignement
supérieur n'apparaîtra véritablement qu'après 1945. Le français ne sera limité de la
sorte qu'auprès d'une frange limitée de la population indigène. Cette politique
changera après 1945, quand l'empire se transforme en Union française et que face à
des mouvements politiques de plus en plus revendicatifs en matière d'autonomie,
voire d'indépendance, la France s'efforce de les contenir par une politique
d'assimilation qui passe par une scolarisation de plus en plus largement ouverte aux
enfants de populations indigènes (34000 élèves marocains scolarisés en 1944,

54
16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

225000 en 1953, Y. Knibielher 1993) (13).


La France n'a pas développé de colonies de peuplement, à l'exception du Québec
et de la Louisiane aux XVIIe et XVIIIe siècles et de l'Algérie aux XIXe et XXe siècles.
L'effectif des populations européennes y est partout très limité. L'enseignement du
français pour l'essentiel va donc s'adresser à des populations non européennes,
relevant de cultures radicalement distinctes, ce qui ne manquera pas de poser de
nombreux problèmes d'organisation et de pédagogie qui réclameront des solutions
originales, même si l'essentiel des références sont prises dans l'école française. Cela
explique pourquoi la francophonie, aujourd'hui encore et à l'exception du Québec, est
le fait de pays à populations non européennes (distincte en cela de l'aire espagnole
et de l'aire anglophone qui comprennent de nombreux pays à populations d'origine
européenne).
Cet enseignement du français est indissociable d'une politique qui ne saurait,
initialement au moins, être qualifiée d'assimilatrice, étant donné le faible nombre
d'élèves scolarisés (on compte 730000 écoliers indigènes dans l'ensemble des
écoles officielles de l'empire en 1931, auxquels il faudrait ajouter les élèves
scolarisés dans les 20 000 écoles catholiques, 2045000 en 1945, D. Bouche, op. cit.,
p. 273), mais plutôt soucieuse de légitimation d'une entreprise, la colonisation,
fondée sur la diffusion de valeurs universelles que la France prétendait incarner. G.
Hardy, un des organisateurs de l'enseignement en AOF, publia d'ailleurs, en 1917,
un ouvrage au titre significatif, Une conquête morale: l'enseignement en AOF, Colin
éd. (14). Enseignement à forte charge idéologique, soucieux de diffuser avant tout
des valeurs, plus que de participer directement à la mise en valeur des territoires
selon l'expression d'alors (15), légitimant une subordination mais éveillant en même
temps un désir irrépressible d'émancipation, enseignement à dimension plus
politique que soucieux de développer des compétences professionnelles ou
techniques.
Le FL2 se situe donc dans une logique de diffusion tout à fait différente de celle du
FLE. Il s'agit en effet d'une entreprise d'implantation d'une langue dans des territoires
étrangers aux fins d'en assurer, partiellement ou en totalité, l'appropriation par les
populations. La difficulté, constamment, fut de maintenir l’unité d’une langue et d’une
culture, dans des environnements très variés, dont on ne pouvait ignorer ni
l'existence, ni l'incidence sur les apprentissages. Dans chacun des territoires des
politiques particulières furent mises en œuvre par des responsables éducatifs placés
sous l'autorité des gouverneurs, on peut citer ici le nom de Georges Hardy, ou
d'Albert Charton, des programmes de français ont été mis au point, des manuels
adaptés furent publiés, en Indochine, en Afrique noire, en Afrique du Nord (16), au
total une entreprise considérable, complexe, qui demande à être mieux étudiée (17)
et appréciée dans cette logique de diffusion trans-nationale, par opposition à
l'internationalisation du français comme langue étrangère. Même si l'expression
n'existait pas encore, le débat sur ce que pourrait être une pédagogie du français
adaptée à de tels contextes était permanent. Il ne s'agissait pas d'enseigner une
langue étrangère, mais tout le monde était conscient qu'on ne pouvait l'enseigner
non plus comme une langue maternelle. L'empirisme des pédagogues, leur savoir-
faire furent constamment sollicités. Il reste à décrire;' analyser ces pratiques
pédagogiques. Enfin, il resterait à établir les variables différentielles par lesquelles la
politique coloniale française de diffusion de la langue se distingue de celle des
Britanniques; des Espagnols ou des Portugais dans leurs empires respectifs. On ne
négligera pas non plus l'Allemagne qui jusqu'en 1914, dans ses colonies d'Afrique,
engagea une politique éducative et linguistique active qui par certains côtés n'était

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

pas sans rappeler celle de la France à la même époque. De même que les politiques
de reconversion linguistique extrêmement rapides, conduites dans des colonies
comme le Cameroun, territoire allemand qui vit le système éducatif passer en 5 ans,
de 1916 à 1921, de l'allemand au français ou de l'allemand à l'anglais dans le
Cameroun britannique. Comme on peut le constater, un champ de recherches
considérable, auquel il faudrait ajouter aussi la Syrie et le Liban où durant la période
des mandats fut prolongée la politique déjà engagée par l'Œuvre des écoles d'Orient,
fondée en 1856. La Mission laïque y intervint aussi de façon particulièrement active.
La francophonie d'aujourd'hui puise un certain nombre de ses traits les plus
caractéristiques dans cette histoire. Mieux connaître cette dernière peut aussi
constituer un enjeu essentiel.
Références bibliographiques
CHABCHOUB A (1993) “La politique scolaire française en Afrique du Nord (1883-1930)- exemple de
la Tunisie”, ISCHE XV/, Lisbonne.
CHERVEL A. (1992): L'enseignement du français à l'école primaire. Textes officiels. Tome 1:
1791.1879, éd.INRP/Economica.
Notes
1. Expression qui au Canada et en Suisse recouvre des statuts et situations d’apprentissages différents.
2. BOUCHE D. (1991) : Histoire de la colonisation française. II - Flux et reflux (1815-1962), Paris, Fayard.
TOBIE J., MEYNIE G. (1991), Histoire de la France coloniale. II - L’apogée (1871-1931), Armand Colin, coll.
Agora.
3. DESALMAND P. (1983), Histoire de l’éducation en Côte d’Ivoire, t. 1, Abidjan, ed. Ceda.
LEON A. (1991), Colonisation, enseignement et éducation. Etude historique et comparative, Paris, L’Harmattan.
4. CHAUDENSON R. (1995), Les créoles, Paris,PUF , coll. Que sais-je.
5. LUCRECE A. (1981), Civilités et énergumènes. De l’enseignement aux Antilles, Paris, éd. caribéennes,
L’Harmattan.
6. KAHN G, (1990); “Un manuel pour l'enseignement du français aux militaires indigènes ”, 1927 in; Le français
dans le monde Recherches et applications(Publics spécifiques et communication spécialisée).
7. LODGE R, A. (trad) (1997): Le français, Histoire d'un dialecte devenu langue, Paris, Fayard.
8. Les quelques extraits de rapports d'inspecteurs établis en 1877 sur les écoles primaires en France sont de ce
point de vue-là significatifs; “(Cantal) La plupart des élèves, en arrivant à l'école, ne connaissent que le patois; et
les maîtres ont beaucoup à faire avant d'obtenir l'usage exclusif du français. ” ; ,,(École normale de Nice) La
langue française est la partie pour laquelle on éprouve le plus de difficultés, ces jeunes gens pensent en patois et
parlent leur langage primitif toutes les fois qu'ils le peuvent.” ln A. Chervel, 1992, p. 312314. En fait, par bien des
aspects les politiques linguistiques en faveur du français dans les colonies ne feront que prolonger celles mises
en œuvre .dans le territoire de la métropole auprès des populations d’élèves allophones.
9. Déclaration d'Arthur Girault, théoricien de la législation coloniale, cité par J. Thobie, 1991, p.328.
10. Quotidien publié en Tunisie, cité par A. Chabchoub, 1993.
11. VIGNER G. (1994): .Aux origines de l'enseignement du français en Afrique occidentale, Documents, 13, 55-61.
12. VIGNER G. (1988), Histoire de l’enseignement du français au Cameroun, Documents, 2, 12-14.
13. KNIBIELHER Y. (1993): “L'enseignement au Maroc pendant le protectorat français ” (1912-1956)
“ Les enfants du peuple ”, ISCHE XV, Lisbonne, mulig.
14. BOUCHE D. (1982): “Quatorze millions de français dans la fédération de l'Afrique occidentale française”
Revue Française d'Histoire d'Outre-Mer, T. XIX, 255, 97-113.
15. L'expérience de l'école rurale en AOF mérite cependant d'être connue. BOUCHE D.(1980): “L'école rurale en
Afrique occidentale française de 1903 à 1956”, in D.N. Baker and P.J.
Harrigan ed. The making of frenchmen:current directions in the history in France, 1679-1979.
16. Voir LEON A, op. cit. et ACHOUR C. (1989): .Un cas d'adaptation dans l'enseignement colonial en Algérie ”,
Documents, 4,1417.
17. SPAËTH V.(1996) :La formation du français langue étrangère : le paradigme africain et ses enjeux, de la
colonisation (1880-1900) aux indépendances (depuis 1960). Thèse de doctorat, université de Paris-III.

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

Document 3 : la certification rectorale en FLS


(ouverte aux enseignants titulaires en système français)

J.O n° 4 du 6 janvier 2004 page 418


texte n° 32
Décrets, arrêtés, circulaires
Textes généraux
Ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche

Arrêté du 23 décembre 2003 relatif aux conditions d'attribution aux personnels enseignants des premier
et second degrés relevant du ministre chargé de l'éducation d'une certification complémentaire dans
certains secteurs disciplinaires
NOR: MENP0302665A
Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche,
Vu le code de l'éducation ;
Vu le décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs agrégés de
l'enseignement du second degré ;
Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 modifié relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;
Vu le décret n° 80-627 du 4 août 1980 modifié relatif au statut particulier des professeurs d'éducation
physique et sportive ;
Vu le décret n° 90-680 du 1er août 1990 modifié relatif au statut particulier des professeurs des écoles ;
Vu le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 modifié relatif au statut particulier des professeurs de lycée
professionnel,
Arrête :
Article 1

Les personnels enseignants des premier et second degrés, titulaires ou stagiaires, relevant du ministre
chargé de l'éducation, peuvent se voir délivrer, dans les conditions prévues par le présent arrêté, une
certification complémentaire dans les secteurs disciplinaires énumérés à l'article 2 ci-dessous.

Article 2

Les secteurs disciplinaires prévus à l'article 1er ci-dessus, qui peuvent comprendre des options, sont
fixés comme suit :
Arts : option cinéma et audiovisuel ou danse ou histoire des arts ou théâtre ;
Enseignement en langue étrangère dans une discipline non linguistique ;
Français : seconde langue.

Article 3

La certification complémentaire définie à l'article 1er ci-dessus est délivrée, à la suite d'un examen, par
le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le candidat effectue le stage prévu à l'article 6 du
décret n° 72-580 du 4 juillet 1972 susvisé, aux articles 6 et 11 du décret n° 72-581 du 4 juillet 1972
susvisé, aux articles 10 et 17-4 du décret du 1er août 1990 susvisé, à l'article 5-1 du décret du 4 août
1980 susvisé et à l'article 10 du décret du 6 novembre 1992 susvisé, et par le recteur de l'académie
dans le ressort de laquelle le candidat exerce pour les enseignants titulaires.

Article 4

L'examen est constitué d'une épreuve orale, jugée par un jury institué au niveau académique pour
chacun des secteurs disciplinaires. Le jury, nommé par le recteur d'académie, comprend, outre au
moins un inspecteur d'académie-inspecteur pédagogique régional, président, des membres choisis
parmi les inspecteurs de l'éducation nationale, les corps de personnels enseignants et les
enseignants-chercheurs. Des personnes n'appartenant pas aux corps précédemment cités peuvent,
en tant que de besoin, être choisies en raison de leurs compétences particulières.

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Article 5

L'épreuve, d'une durée de trente minutes maximum, débute par un exposé du candidat, pendant une
durée de dix minutes maximum, prenant appui sur sa formation universitaire ou professionnelle, reçue
dans une université, dans un institut universitaire de formation des maîtres ou dans un autre lieu de
formation dans le secteur disciplinaire et, le cas échéant, dans l'option correspondant à la certification
complémentaire choisie. Le candidat peut également faire état de son expérience et de ses pratiques
personnelles, dans le domaine de l'enseignement ou dans un autre domaine, notamment à l'occasion
de stages, d'échanges, de travaux ou de réalisations effectués à titre professionnel ou personnel.

Cet exposé est suivi d'un entretien avec le jury, d'une durée de vingt minutes maximum, dont l'objet
est d'apprécier les connaissances du candidat concernant les contenus d'enseignement, les
programmes et les principes essentiels touchant à l'organisation du secteur disciplinaire et, le cas
échéant, à l'option correspondant à la certification complémentaire choisie, et d'estimer ses capacités
de conception et d'implication dans la mise en oeuvre, au sein d'une école ou d'un établissement
scolaire du second degré, d'enseignements ou d'activités en rapport avec ce secteur. Le jury tient
compte du niveau d'enseignement (primaire ou secondaire) dans lequel le candidat a vocation à
intervenir.

Article 6

L'examen comporte une session annuelle dont la date est fixée par le recteur d'académie.
L'inscription est effectuée auprès du recteur d'académie habilité à délivrer la certification
complémentaire dans les conditions fixées à l'article 3 du présent arrêté.
Plusieurs recteurs d'académie peuvent, s'ils le souhaitent, mettre en place une organisation commune
de l'examen pour les académies considérées. Dans ce cas, l'organisation matérielle de l'épreuve et la
nomination du jury font l'objet de décisions conjointes des recteurs concernés. Le jury établit pour
chaque académie concernée la liste des candidats admis.

Article 7

Sont déclarés admis les candidats ayant obtenu une note égale ou supérieure à 10 à l'épreuve, notée
sur 20.
Le recteur d'académie compétent dans les conditions fixées à l'article 3 du présent arrêté délivre la
certification complémentaire, qui fait mention du secteur disciplinaire et, le cas échéant, de l'option.
Toutefois, ne peuvent se voir délivrer la certification complémentaire les personnels enseignant
stagiaires dont le stage n'a pas été jugé satisfaisant ou qui n'ont pas été admis à l'examen de
qualification professionnelle ou au certificat d'aptitude au professorat de lycée professionnel ou qui
n'ont pas obtenu le diplôme professionnel de professeur des écoles dans les conditions prévues par le
statut du corps pour lequel ils ont été recrutés.
Les personnels enseignants stagiaires autorisés à accomplir une seconde année de stage conservent
pendant cette année le bénéfice de l'admission à l'examen. A l'issue de cette période, la certification
complémentaire leur est délivrée sous réserve des dispositions du précédent alinéa du présent article.

Article 8

Le directeur des personnels enseignants est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié
au Journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le 23 décembre 2003. Pour le ministre et par délégation :

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Document 4 : extrait d’une méthode de FLS pour le collège

Cet extrait d’une unité de la méthode Entrée en matière, qui s’organise d’abord en
trois parcours FLE (prise de contact avec le milieu scolaire et premiers
apprentissages) de 4 unités chacun ; puis en trois parcours FLS (la page ci-après est
extraite de l’un d’entre eux), et du dernier parcours dit, de FLM, parce qu’il est
destiné à assurer la jonction avec la langue de l’école au quotidien.

Vous pourrez voir les dimensions liées à la scolarisation (langue et culture), ainsi que
les dimensions personnelles à chaque élève. L’élève doit apprendre bien plus que la
langue !
Vous pourrez aussi vous interroger sur cette méthode dans une classe.

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CORRIGÉ du DEVOIR n° 1

Proposition de corrigé pour le devoir facultatif 1 (Sujet N°1)

Le texte qui nous a été soumis est un texte empreint d’émotion, c’est celui d’une
adulte qui se retourne et considère son passé d’élève. Une fracture sociale sépare
l’agrégée de Lettres devenue écrivain à succès de la petite élève de milieu modeste,
c’est pourquoi ce regard rétrospectif est doublement intéressant, premièrement
comme tout regard rétrospectif vers l’enfance, et deuxièmement, comme aide à la
compréhension du passage effectué entre deux milieux sociaux. « J’ai conservé mes
rédactions d’élève », dit A. Ernaux dans le titre de son article (paru dans Les Cahiers
pédagogiques, n° 363, avril 1998), c’est dire que la période a dû être sensible et
singulière pour elle. C’est ce sur quoi nous reviendrons d’abord, pour répondre à la
première question posée, avant de développer une interrogation sur le rapport à
l’écrit personnel, interrogation ouvrant sur les pratiques d’écrit à l’école primaire et
l’impact éventuel des méthodes de FLE sur ces pratiques.

RAPPEL : 1. Vous lirez et analyserez le texte suivant : contexte, situation, idées


essentielles… Il est extrait d’un article de l’écrivain Annie Ernaux, »J’ai conservé mes
rédactions d’élève », dans Les Cahiers pédagogiques, n° 363, avril 1998.

1. Contexte, situation, idées essentielles du texte d’A. Ernaux


L’auteur relit ses rédactions d’élève de collège et constate qu’il n’y a rien d’elle et de
sa vie sociale réelle dans ces textes, en général bien notés. La petite élève de la fin
des années cinquante a en effet vite compris qu’elle devait intégrer et suivre le
« code scolaire » pour réussir, et ce code scolaire installe les élèves dans une sorte
de vie-modèle qui n’est pas la leur. Dans son cas, ses parents tenaient un petit
commerce d’épicerie-café dans un bourg de Normandie et vivaient modestement, de
même que leurs enfants. Le langage oral de tous les jours était bien distinct de
l’écrit : l’écrit devait être soutenu (« je fis », l’imparfait du subjonctif, cf. texte), tandis
que l’oral ne s’écrivait pas, comme l’auteur le précise en note, avec la circonstance
de cette découverte.

Après la relecture de ces rédactions, le constat de l’auteur (§ 1) est sans appel, « le


‘je’ que j’emploie n’est pas le mien ». Effectivement, c’est celui requis par l’École, un
français soutenu, référé de fait à un milieu social quelque peu détaché des
contingences matérielles. On pense ici au « ludus », le jeu des Latins, terme
employé pour désigner aussi le travail intellectuel, car il est clair que le choix de
l’École est d’ouvrir les élèves au travail intellectuel en les détachant de leur milieu
quotidien : «Sans arrêt, je m’irréalise dans des pratiques et des décors qui
appartiennent à un monde social dont, plus même que la légitimité, l’exemplarité
m’est attestée par les textes scolaires, les romans et les magazines féminins », dit
l’auteur en une sorte de sociologie née de l’expérience intime. Voilà un paradoxe,

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dans lequel l’élève s’efface en tant qu’individu socialement situé(s) pour se


transformer en un être exemplaire tel qu’on peut en contempler dans les manuels
scolaires, ce qui n’est pas, à ce stade, surprenant, mais aussi dans les romans et
magazines féminins. Ainsi, la société paraît-elle en accord avec l’École, elle diffuse
des modèles convergents, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. On peut dire que
l’ambition de formation de tous quel que soit leur origine est louable, mais la
réalisation n’est-elle pas source de blessures pour les enfants qui sont soumis à ce
régime ?

À cette question, Annie Ernaux répond : non. Elle est donc amenée dans la suite du
texte (§ 2) à nuancer ses propos premiers sur sa « vraie vie » « rigoureusement
absente » de ces rédactions, sur le « je » qui n’est pas le sien. Essayons de
comprendre pourquoi. L’auteur explique : « Cet acharnement à se nier, poursuivi
avec constance pendant toute la scolarité et, sans doute, en toute inconscience, je
l’analyse maintenant comme une nécessité ». Cette nécessité est celle d’une
protection, voire de la conscience de l’impossibilité du contact entre les deux
mondes, comme entre l’oral et l’écrit. Cela ne veut pas dire que ses parents ne
savent pas lire et écrire, mais que ces pratiques ne sont pas le centre de leur vie,
que leur cœur est ailleurs. Ce vécu est « indicible », à la fois « objet de censure »
(par le système scolaire comme par la société) et « impossible à formuler » ; la
cuisine où elle fait ses devoirs du soir est « indigne d’être donnée à lire », car la
petite élève a une claire conscience de qui sont les destinataires, l’enseignant et les
autres élèves (cf. « la toile cirée », contre « la lourde table de bois cirée », où le
même terme, « cirée » renvoie à deux réalités opposées). Il serait donc aussi
question de l’image de soi, comme famille et comme individu appartenant à un milieu
populaire. Alors, faut-il se renier pour réussir scolairement ? Oui, c’est une façon de
ne pas « donner prise ». Mais à condition que ce ne soit pas durable, il faut revenir
sur ce passé pour le comprendre et le recomposer. L’auteur mesure ainsi durant ses
relectures que le conformisme scolaire et social va croissant au fil des années,
« Plus les années passent et plus s’aiguise le sens de ce qu’il convient de dire ou de
ne pas dire ». Ces pratiques réflexives (comme on dit aujourd’hui) sont donc
essentielles.

Cela permet à l’auteur de développer (§ 3) une autre idée essentielle, « Les mots et
les choses dans la première expérience du monde – et rien ne me fera départir de
cette certitude, pour ainsi dire vécue – ne font qu’un ». On comprend alors très
intimement que nous sommes tous et toutes tissés de langage, et que le langage
premier, cette langue familiale qui est la véritable langue maternelle, inaugurale, joue
un rôle extrêmement important, bien plus que ne le disent… les livres ; et que
changer ce langage premier, c’est également transformer les personnes qui l’ont
peuplé car c’est « un langage presque corporel, qui ne s’écrit pas ». On comprend
aussi, au passage (si on s’intéresse à l’enseignement et aux apprentissages) d’où
peuvent provenir les difficultés de certains enfants : si « les mots et les choses ne

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

font qu’un » lorsqu’on est enfant, il n’est pas simple du tout de quitter les mots de la
famille, « les mots dans lesquels les événements et les êtres sont perçus », pour
aborder les mots étranges et étrangers de la langue de l’école, ceux qu’on dit lire et
écrire et qui ne se prononcent pas de la même façon (« moman » / maman, cela
commence par là).

RAPPEL : 2. Puis vous réfléchirez sur ce texte afin d’expliquer ensuite :


a) Quelle a été votre relation personnelle à l’écrit en classe (comme Annie Ernaux,
autrement ?)

2. Mon rapport à l’écrit


Cette question amène chacun à revenir sur la façon dont il ou elle est entré dans
l’écrit, et même sur avant cette entrée, sur la façon dont l’écrit était présent ou pas,
sous des formes diverses, et plus ou moins considéré. Les quelques grandes lignes
(à titre indicatif) que vous pouvez développer sont :

-les lieux de l’écrit dans votre maison d’enfance : écrits utilitaires (boîtes, sachets
divers, prospectus…), écrits récréatifs (programme de télévision, livres d’enfants),
livres essentiels (livres d’enfants, aussi, livres d’adultes, dictionnaires, etc.) et les
mettre en rapport avec vos sentiments, vos réactions, vos peurs, etc.

-Les modes d’apprentissage : il est plus facile d’arriver à l’école en ayant déjà une
expérience de l’écrit et une expérience positive qui vous dit que l’écrit ne vous enlève
rien, car l’oral familier, on peut se le stocker à l’abri dans les poèmes, les chansons,
les souvenirs ; tandis que si le choc oral-écrit se produit dans le cadre scolaire, qui
viendra vous prolonger les histoires racontées le soir quand vous en avez besoin ?

-Les modalités de l’écrit ? Non, pas seulement les pratiques scolaires, avec
l’orthographe, la grammaire, la rédaction et la dissertation, et même les mémoires de
master, la lecture d’articles ; mais aussi ce qu’on aime dans l’écrit, ce dans quoi on
réussit, écrire des chansons, traduire, ou autre.

RAPPEL : b) En quoi les méthodes de FLE ont-elles pu, selon vous, faire évoluer les
pratiques d’écrit en classes d’école primaire de langue maternelle

3. Les pratiques d’écrit à l’école primaire et l’impact du FLE


On peut se demander si les pratiques d’écrit décrites par Annie Ernaux sont encore
de mise dans les écoles et les collèges. Sans doute pas, ou du moins, pas telles
quelles. En une cinquante d’années, il y a eu reconnaissance des langues locales, et
aussi reconnaissance des variations linguistiques : c’est dans la décennie 1950 qu’a
démarrée la grande enquête sociolinguistique dite « le Français fondamental » dont
le but était de recenser les pratiques d’oral réelles des Français. Et à partir de là, il y
a eu une conscience du fait que la norme n’est pas unique, outre la norme socio-
scolaire, il y a prise en compte des normes orales, distinctes de celles de l’écrit.

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Pour ce qui est de l’impact du FLE dans les pratiques d’écrit scolaires, on notera que
l’enquête linguistique évoquée ci-dessus a été menée par des linguistes fondateurs
du FLE et donc que les conclusions de cette enquête se sont retrouvées dans
l’histoire des méthodes et méthodologies (pour en savoir plus, on peut consulter le
site www.christianpuren.com, sur lequel on trouvera en téléchargement libre
l’ouvrage de l’auteur sur l’histoire des méthodologies, et d’autres articles utiles).

Ainsi, outre la prise de conscience de la variété des normes, l’impact du FLE et de


ses méthodes a été la revalorisation de l’oral, qui est devenu une pratique de classe
à part entière (et pas seulement pour répondre aux questions du maître). De plus,
notons que la réflexion sur la langue et sur la didactique du FLE a fait apparaître des
questions qui n’étaient auparavant posées que pour des publics étrangers : par
exemple, la bonne segmentation de la chaîne parlée, l’identification des mots, qu’on
croyait acquis en FLM ? ne le sont pas forcément. Enfin, le FLE a contribué à
« casser » la leçon au sens traditionnel du terme, au profit de séances organisées en
séquences didactiques.
Il faut encore ajouter que le nombre des enseignants de FLM également formés en
FLE a crû depuis les années quatre-vingts et avec lui une sensibilité plus vive aux
phénomènes de langue non familière, grâce à des réflexes et pratiques acquis en
FLE. Cela se révèle bien nécessaire lorsque l’écrit est en concurrence avec les
images, l’internet (où, croient certains, on pourrait écrire n’importe comment et être
compris…)

Pour conclure, ce texte d’Annie Ernaux nous fait réfléchir à des aspects essentiels de
ce qu’est apprendre et enseigner, notamment en système scolaire, et peut nous
aider à meiux comprendre les difficultés vécues par certains élèves

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Proposition de corrigé pour le devoir facultatif 1 (Sujet N°2)


Ce devoir est évidemment personnel. Le corrigé n’est donc qu’un ensemble
d’indications.
1 - Quelle a été votre langue première, celle dans laquelle vous avez accédé au
langage ?
Vous aviez à revenir sur vos acquis et votre parcours. Ce pouvait être…
- « Le français a été ma langue maternelle, j’ai toujours baigné dans le français et il
me semble que je n’ai rien à dire ». Pourtant, après un peu de réflexion, vous vous
rendiez compte qu’il y avait à dire sur vos apprentissages : le passage à l’écrit, par
exemple, lecture et écriture ; ou la littérature (appréciée ou pas), etc.
- « Ma première langue est le créole, mais aussi l’anglais, et je ne sais pas décider
laquelle est ma langue de référence. En fait, à la maison, nous parlions… notre
langue, dans laquelle le créole et l’anglais se nouaient de façon fluide, évidente,
harmonieuse. Et la première langue étrangère été pour moi… la langue de l’école :
j’en savais à la fois trop et trop peu, en français comme en anglais, et je me sentais
toujours à côté. Il m’a fallu beaucoup de temps pour équilibrer mes savoirs, et j’en ai
gardé une complicité avec les « mauvais » élèves, ceux qui viennent d’ailleurs… »
Ou d’autres choses encore – à vous.
2 - Est-elle encore celle qui vous sert le plus dans la vie courante ?
Là, vous pouviez mentionner les étapes du parcours qui vous a fait ce que vous
êtes : par exemple, un séjour long hors de France durant lequel vous avez été
immergé dans telle langue.
Puis vous en veniez à parler du présent : ce « présent » est coloré de vos
expériences passées. Par exemple, on ne voit plus le français de la même façon, on
ne l’entend et on ne l’écrit plus pareil qu’avant. La formation professionnelle des
enseignants de FLE les mène ainsi dans la vie quotidienne à se poser la question de
la langue maternelle de telle ou telle personne rencontrée (ce n’est pas forcément le
français !)
3 – Quelles autres langues avez-vous apprises par la suite ? Et comment s’est
déroulé cet apprentissage ?
Pour cette question, vous aviez à revenir sur vos divers apprentissages de langue :
en situation scolaire, mais aussi « sur le tas » durant des voyages, ou en auto-
apprentissage. Le but de cette question était de vous mener à vous interroger sur
« comment on apprend ». Ainsi, vous vous rendiez plus apte à comprendre des
apprenants divers, et vous pouviez vous questionner sur « comment on enseigne…
pour que les apprenants apprennent ». Les réponses à ces questions ne vont pas de
soi : ce n’est pas parce qu’on a préparé une belle leçon qu’on enseigne
bien (disons : que ça se passe bien en classe, ce qui n’est pas forcément pareil), ni
que tel, tel et tel apprenant apprend. Vous voyez, la question est complexe… et elle
accompagne le métier d’enseignant.
4 – Quels modes de rapport à la langue préférez-vous (écrit, oral, lecture,
écriture, etc.) ? Pourquoi, selon vous ?
Là, il s’agissait d’expliquer vos goûts, en revenant sur leur formation -une réflexion
que vous aviez peut-être déjà faite, ou pas – et sur leur utilité maintenant. Il s’agit en
effet de voir comment vous allez utiliser vos savoirs, vos goûts, pour être le meilleur
possible face à des apprenants. Ainsi, même si vous n’aimez pas lire, vous devez
pouvoir comprendre ceux de vos apprenants qui aiment (et le contraire aussi).

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DEVOIR n° 2 (FACULTATIF) À ENVOYER À LA CORRECTION SUR


LA PLATEFORME

Sujet

Vous trouverez ci-après l’extrait d’une interaction dans une CLIN entre les élèves et
l’enseignant.
Lisez cet extrait, puis commentez-le en montrant notamment ce qui en fait sa
spécificité par rapport aux phénomènes interactionnels décrits dans la partie 4 de ce
fascicule.
Ici, la convention de transcription pour vous aider à interpréter l’extrait ci-dessous :
- 1, 2, 3, etc : tours de paroles 1, 2, 3, etc ;
- A1, A2, A3 etc : apprenant 1, apprenant 2, apprenant 3, etc ;
- TA : tous les apprenants ;
- E : enseignant ;
- ↑ : intonation montante ;
- ↓ : intonation descendante ;
- = : pause courte ;
- = = : pause moyenne ;
- = = = : pause longue ;
- xxx : suite de syllabes incompréhensibles ;
- (Gras) : éléments para / non- verbaux observés.

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DOCUMENT

Extrait N° 4 : peur as-tu ?


Enregistrement : jeudi 29 mars 2007
Heure : 15 : 45 – 16 : 45
Situation : L’enseignant fait faire un exercice sur la forme interrogative en français. Le but
de l’exercice est d’apprendre aux élèves à inverser le verbe et le pronom sujet dans une
question. La tâche à réaliser est de transformer les questions avec « est-ce que » en questions
avec inversion du verbe et le pronom sujet.
1. E : est-ce que tu as peur ↑
2. Ali : non
3. E : est-ce = que = tu = as = peur ↑ (il écrit la phrase au tableau)
4. A1 : on enlève est-ce que
5. E : alors on enlève est-ce que = = Selma ↑ tu regardes parce que quand tu devras faire
l’exercice ↑ tu vas être perdue ↓
6. Mad : peur as- tu ↑
7. E : le verbe c’est quoi ↑
8. TA : xxxx
9. E : on enlève est-ce que
10. Mad : peur as-tu ↑
11. E : pourquoi tu mets peur en premier ↑ est-ce qu’aux billes = = j’en ai = = est-ce que j’ai mis
↑ aux billes joues tu ↑
12. Mad : non
13. E : non = alors
14. Mad : as peur – tu ↑
15. E : non
16. Mad : as- tu peur ↑
17. E : voilà = le verbe c’est as = avoir = as = ensuite le sujet = = as – tu peur ↑ (il écrit la
bonne réponse au tableau)

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16D473 / 2 : A. LAURENCE - Approche des champs du FLE, FLS, FLM

BIBLIOGRAPHIE : auteurs cités et recommandés

Ouvrages

CHISS, Jean-Louis, DAVID, Jacques, REUTER, Yves, Didactique du français : état


d’une discipline, éditions Nathan, Paris, 1993.
CUQ, Jean-Pierre, Le français langue seconde, éditions Hachette, coll. « F », 1993.
DEFAYS, Jean-Marc, Le français langue étrangère et seconde, éditions Mardaga,
Liège, 2003.
MOREAU, Marie-Louise (dir.), Sociolinguistique, notions de base, éditions Mardaga,
Liège, 1997 et rééd. (ou : extraits sur google.books)
VERDEILHAN, Michelle, Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste,
P.U.F., Paris, 2002.
Quelques articles
BANGE, P. (1992), « A propos de la communication et de l’apprentissage en L2,
notamment dans ses formes institutionnelles ». Acquisition et Interaction en Langue
Etrangère (AILE), 1, 53-85.
CICUREL, F. (1993), « Marques et traces de la position de l’autre dans les discours
d’enseignement des langues », Les Carnets du Cediscor, 2, 93-104.
DABENE, L. (1984), « Communication et métacommunication dans la classe de langue
étrangère », Interactions. Les échanges langagiers en classe de langue. Grenoble : ELLUG,
129-138.
GAJO, L. (1996), « Décontexualisation et recontextualisation scolaire et non scolaire d’une
langue seconde ». Revue de phonétique appliquée, 121, 311-324.
KRAFFT, U. & DAUSENDSCHÖN- GAY, U. (1992), « La séquence analytique », Bulletin
CILA, 57, 137-157.
(de) PIETRO, J.-F., MATTHEY, M. & PY, B. (1989), « Acquisition et contrat didactique:
les séquences potentiellement acquisitionnelles de la conversation exolingue », dans WEIL,
D. & FUGIER, H. (éds) : Actes du 3e colloque régional de linguistique. Strasbourg, 28-29
avril 1988. Strasbourg : Université des sciences humaines et Université Louis Pasteur, 99-124

Revues et publications officielles


Le français langue seconde, CNDP (centre national de documentation
pédagogique), Paris, 2000, environ 5 euros. Il peut être commandé à partir du site
www.cndp.fr ou www.sceren.fr
Les Cahiers de l’ASDIFLE, 2003, n° 15, « Français et insertion » (actes des 31 et
e
32 rencontres), et n° 9, 1997, « Multimédia et enseignement du FLE ».
htpp://asdifle.org
Le Français dans le monde Recherches et Applications, janvier 1998, « Histoire
de la diffusion et de l’enseignement du français dans le monde », éditions Hachette.
www.fdlm.org
Langue française, éditions Larousse, 17 rue du Montparnasse, 75006, Paris.
Savoirs et formation, www.aefti.fr

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