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SOUVENIRS HISTORIQUES
De la préhistoire jusqu’à la fin du XXe siècle
ISBN : 978-2-9549169-1-0
Il n’y a pas de peuple sans passé. Il faut donc connaître l’histoire, car
elle est notre passé, indispensable pour notre présent et même pour notre
futur. En effet, l’histoire se répète et si nous connaissions bien les erreurs
dramatiques du passé, nous pourrions les éviter dans l’avenir.
***
PRÉAMBULE
LA PRÉHISTOIRE
Souvenirs africains
Adieu Afrique
La grande migration
Quelque part en Europe
Conséquences de la grande migration
Structure sociale
Évolution de la couleur de la peau
Diversification des langues
Mésopotamie-Ninive
Palestine-Jéricho
L’Égypte
Les îles de la mer Égée
La Crète
Les Cyclades
Thera (Santorin)
Naxos
Délos
Retour en Europe orientale
Les « Hongrois » retrouvés
Retour vers le Sud
La nouvelle Mésopotamie
Suse, capitale de l’Élam
Vallée de l’Indus, Mohenjo-Daro
La Chine
Samarcande
Le premier pays des Hongrois
Évènements des civilisations occidentales
Babylone
Le Nouvel Empire égyptien
Thèbes
La Nubie
La Palestine
Les premières civilisations américaines
Le temps des grands philosophes
Les grands pays de l’Asie
Les Scythes
La chute de l’Empire assyrien
L’Empire des Mèdes
La nouvelle Babylone
La naissance de l’Empire perse
Magna Hungaria
Les curiosités de l’Europe du Sud
Les origines de la culture grecque
Les origines de la culture romaine
Les conquérants celtes
La naissance d’un grand empire
L’empire d’Alexandre le Grand
Alexandrie et la dynastie Ptolémée
Les guerres puniques
Le Premier Empire chinois
La dynastie Han
L’Empire romain
L’ANTIQUITÉ II
À la recherche de Jésus
Les conséquences de ces évènements
L’établissement de la chrétienté dans l’Empire romain
Les prophètes, fondateurs de l’Église
L’âge d’or et la chute de l’Empire romain
L’empire des Parthes
La migration des barbares
Les envahisseurs huns
La culture des Indiens d’Amérique centrale
Épilogue
Analyse des civilisations antiques et du monothéisme
L’Atlantide, mythe ou réalité
Le regroupement des Hongrois dispersés
Questions sans réponse
LE MOYEN ÂGE
Introduction
L’origine de l’islam
Mahomet, fondateur de l’islam
La propagation de l’islam
L’empire des Khazars
Le royaume des Avars
Charlemagne
L’Empire byzantin
L’histoire des Hongrois
« Dieu des Hongrois »
Les métiers des Hongrois
La naissance de la nation hongroise
La conquête de la Hongrie
Fondation de l’État
Le temps des incursions
La maison royale Árpád
La sainte couronne, couronne de la Hongrie
Le roi saint István (Étienne)
Analyse des évènements
Le monde musulman
Les civilisations de l’Asie du Sud-Est
Les guerres de succession de la Hongrie
Saint László (Ladislas)
Le royaume de Hongrie durant les croisades
À la recherche des Hongrois de l’Est
Les voyages du frère Julianus
Les conséquences des voyages du frère Julianus
Béla IV, le nouveau fondateur de la Hongrie
L’invasion des Mongols et ses conséquences
La fin de la maison royale Árpád
Le temps des croisades
L’ordre des hospitaliers
L’ordre des templiers
L’ordre teutonique
Les hérétiques et l’Inquisition
Guillemette de Bohême
Les empires mongols
La fin de la domination mongole
Les origines de l’Empire ottoman
Les rois issus de mariages des filles de la maison Árpád
Les rois Anjou de Hongrie, issus de la famille Árpád
Károly Ier Robert
Lajos Ier le Grand
L’empereur Zsigmond
Les nouveaux rois de Hongrie
Mátyás Ier
Les grands royaumes européens du Moyen Âge
L’Angleterre
La France
La dynastie des rois capétiens
Les Capétiens directs
Les Capétiens-Valois
Les Capétiens-Valois-Orléans
La Pologne
L’Espagne
Les rois catholiques
La conquête de l’Amérique
L’empire inca
L’empire aztèque
Les conclusions concernant le Moyen Âge
L’ÈRE DE LA RENAISSANCE
L’ÉPOQUE MODERNE
LE MAGNIFIQUE ET L’ÉPOUVANTABLE
XXE SIÈCLE
SOUVENIRS AFRICAINS
Bien plus tard, il y a plus de six millions d’années, nous eûmes la chance
d’avoir comme chef un humanoïde exceptionnel, appelé Millenium
Ancestor. Il était très sage, beau et fier. Les femmes le regardaient avec envie
et admiration, et les hommes avec respect. Comme il était juste et conscient
de sa supériorité, il honorait régulièrement toutes les femmes de la tribu,
qu’elles fussent belles ou laides. Toutes les femmes avaient droit à ses
faveurs et d’estimer sa puissance. Mais aucun homme n’était jaloux de lui.
C’était le droit du plus fort, la loi de la nature et de la jungle. S’il profitait de
cette loi, il le faisait discrètement. Il copulait toujours caché sous les arbres, à
l’écart des yeux curieux et pervers, pas comme les jeunes mâles qui en
faisaient une véritable démonstration publique pour se valoriser.
Pour montrer sa supériorité, il se tenait déjà souvent debout sur deux pattes
et nous traitait de « singes », à cause de notre paresse et de notre tendance à
nous pencher toujours en avant. Il répétait sans cesse qu’il faut avoir de
l’ambition et tenir la tête haute pour regarder vers l’avenir. Le monde
appartient aux courageux et aux curieux qui ne se contentent pas du petit
confort et du repas quotidien. Sans effort, il n’y a pas d’avenir ! Sans lui,
nous mangerions encore de la banane avec des singes dans les arbres.
Suivant les conseils de Millenium Ancestor, les descendants de nos
ancêtres orientaux de la vallée du Rift se divisèrent en deux groupes distincts
qui cohabitèrent encore, mais évoluèrent tout à fait différemment durant les
millions d’années suivantes. Il est difficile d’expliquer pourquoi, mais il dut
se passer une sorte d’accident grave provoquant la dégénérescence ou le
blocage de l’évolution des descendants de l’une des deux branches, appelés
les Ardipithecus Ramidus ou « singes ». Ils ne se développaient que
physiquement, avec peu de cervelle. Je dois rappeler que leurs lointains
ancêtres, complexés et furieux de la décision « raciste » de Millenium
Ancestor, se vengèrent en le jetant de l’arbre lors d’un moment d’inattention,
durant sa sieste sacrée, juste devant la gueule d’un prédateur affamé qui n’en
fit qu’une bouchée, au grand désespoir de nos ancêtres qui le vénéraient. Ils
ramassèrent ses ossements et les cachèrent dans une grotte. Ils ne furent
retrouvés que six millions d’années plus tard. C’est lui notre plus ancien
ancêtre connu.
Nous connaissons aussi, depuis peu de temps, d’autres ancêtres, mais
beaucoup plus « jeunes ».
Certains anthropologues disent le contraire. Ils pensent que c’est plutôt
l’évolution étonnante et anormale de la race humaine dans un univers animal
que l’on doit considérer comme un accident génétique.
Les membres de l’autre branche, les Australopithecus, ancêtres des
« hommes », dont nous faisions partie, se développaient normalement. Le
poids de leur cervelle augmentait considérablement et ils devinrent beaucoup
plus intelligents que leurs cousins primitifs. Dans ces conditions, et surtout
depuis l’assassinat de Millenium Ancestor, il était difficilement imaginable,
voire impossible, de continuer à vivre ensemble. La situation devenait très
tendue entre les deux groupes. Les enfants jouaient encore ensemble et
singeaient les singes. Nos pauvres parents s’arrachaient les poils du crâne de
désespoir, car ils n’ignoraient pas la mauvaise influence des singes sur nous.
Nos lointains cousins, les singes, nous épiaient des arbres avec curiosité et
envie. Souvent, ils nous bombardaient avec toutes sortes de fruits qu’ils
trouvaient à portée de « main ». Quelquefois, ils nous jetaient même des noix
de coco sur la tête et cela nous faisait très mal. Furieux, nous organisions des
expéditions punitives contre eux et les chassions à jets de pierre. Ils
s’enfuyaient en hurlant. Quelquefois, un singe touché tombait de l’arbre.
C’est ainsi que nous découvrîmes notre arme à lancer. C’était très pratique,
car nous pouvions l’utiliser tout en courant. Nous devînmes redoutables. Il
fallait bien, car la vie était très dure sur la terre. Beaucoup d’animaux qui y
vivaient étaient féroces, armés d’énormes dents et de griffes. C’étaient de
gros carnivores et ils chassaient tout le temps pour se nourrir. Avec notre
petit gabarit et nos petites dents, sans armes, nous ne pouvions rien faire
contre eux.
Tant que nous vivions dans les arbres, nous ne mangions que des fruits et
des plantes, mais une fois par terre, nous goûtâmes à la chaire des animaux
tués. Et c’était vraiment bon. Avec l’expérience, nous découvrîmes qu’elle
nous nourrissait bien et nous donnait beaucoup plus de force que les
végétaux. De plus, nous ne passions plus tout notre temps à ramasser des
fruits et des plantes. Après une bonne chasse, nous avions de la viande pour
plusieurs jours. Nous devînmes donc omnivores. Au début, nous trouvions un
peu durs certains morceaux, mais avec le temps, nos dents devinrent fortes et
déchiquetaient tout.
Notre existence sur deux pattes nous libéra les mains et la consommation
de la viande nous donna de la force et du temps. Que fallait-il de plus pour
réussir dans la vie ? Nous ne pensions plus qu’à inventer des nouveautés.
Nous avons aussi le souvenir d’un de nos ancêtres de cette époque, appelé
Ardipithecus kadabba (le Grand Ancêtre), qui vivait en Éthiopie il y a 5
millions d’années. Il se distinguait très nettement des singes par ses grosses
dents. Il marchait sur deux pattes, tout en grimpant encore dans les arbres. On
peut dire qu’il était aussi l’un des premiers « hominidés » connus. Toutefois,
les dernières recherches viennent de montrer que Toumaî, notre plus ancien
ancêtre, vivait déjà il y a plus de 7 millions d’années dans les régions du
Tchad !
Mais reprenons notre histoire. Je disais que nous avions tout pour avancer
à grands pas dans notre évolution. Bien entendu, le confort nous était
indispensable. Et nous l’avions.
Au début, nous déchiquetions les animaux tués, mais souvent c’était très
difficile, surtout lorsqu’ils étaient grands. Leur peau était très dure. Faute de
dents et de griffes acérées, il nous fallait des outils tranchants pour les
déchiqueter. Nous trouvâmes des fragments de pierre tranchants. Plus tard,
nous découvrîmes que l’on pouvait aussi les fabriquer en cassant certaines
pierres lisses. Eurêka ! Nous avions découvert la fabrication des couteaux !
Nous avions aussi des massues, avec lesquelles nous pouvions abattre, par
surprise, certains animaux.
La fabrication de ces nouveaux outils était un très grand pas dans notre
histoire. C’est ainsi que nous, simples Australopithecus, nous devînmes
Australopithecus habilis ou plus exactement Homo habilis, puisque nous
avions dorénavant droit à l’appellation homo ou « homme ». En effet, la vraie
caractéristique de l’homme est bien la guerre moderne. Les animaux tuent par
nécessité, pour se nourrir, alors que l’homme tue par plaisir pervers !
Il faut rappeler pour information que, parallèlement aux Homo habilis, il se
développa une autre race humaine moins évoluée, appelée Australopithecus
robustus, qui était beaucoup plus primitive et qui s’est éteinte depuis
longtemps. Ces « hommes » étaient relativement petits, avec des bras longs et
le front plat, laissant peu de place pour le cerveau.
Le climat devenait de plus en plus sec et la nourriture de plus en plus rare.
Je ne sais pas si c’est vrai, mais certains disaient que c’était la punition du
Ciel !
Dans les savanes desséchées, les animaux devinrent rares et nous restâmes
souvent sans nourriture, sans parler de la cueillette, devenue pratiquement
impossible. Comme quelques millions d’années plus tôt, nous devions
prendre une grande décision : rester et mourir de faim ou tenter notre chance
ailleurs. Oui, mais où ? Existait-il un monde ailleurs aussi ? Il fallait le voir.
Nous décidâmes donc de partir à la recherche d’un Nouveau Monde meilleur.
Coincés entre l’océan et la vallée du Rift, nous ne pouvions aller que vers le
sud ou vers le nord. Un petit groupe choisit le sud, mais la grande majorité
préféra le nord. Nous nous séparâmes donc à jamais.
Le nom Homo habilis était la qualification de tous les hominidés
fabriquant des outils. L’homme qui partit vers le nord, plusieurs centaines de
milliers d’années plus tard, s’appelait Homo ergaster. Il était infatigable pour
les longues marches et il parcourut plusieurs centaines, voire milliers de
kilomètres, poursuivi par la sécheresse.
ADIEU AFRIQUE
***
Nous avancions très vite au début, car le climat sec persistait sur notre
trajet et nous ne trouvions guère plus de nourriture que dans notre pays
d’origine. Cependant, le long du fleuve Nil, nous découvrîmes des paysages
luxuriants et une fraction de notre groupe décida d’y rester. Toutefois, la
grande majorité pensait que, plus loin, le monde serait encore meilleur. Et
c’est ainsi que, plus lentement, nous poursuivîmes notre chemin. Quelques
centaines de milliers d’années plus tard, nous arrivâmes enfin dans notre
paradis terrestre, au Proche-Orient, au sud-est de l’Asie Mineure actuelle.
Je dois parler encore des monothéistes, selon lesquels s’y trouvait jadis
l’Éden biblique, c’est-à-dire le paradis terrestre où vécurent Adam et Ève, les
premiers hommes créés par Dieu. Leur histoire, ainsi que celle de l’humanité,
fut décrite durant 2 000 ans dans un livre appelé Bible. Selon la Bible, Dieu
créa le monde et l’humanité, avec Adam et Ève, plus de 5 000 ans avant notre
ère, donc il y a environ 7 000 ans. Adam et Ève furent chassés ensuite de
l’Éden à cause de leur péché originel (soi-disant parce qu’ils goûtèrent au
fruit de la connaissance de l’arbre interdit, mais comme le Dieu biblique était
très pudique, on pourrait penser plutôt qu’il les chassa après les avoir surpris
en train de forniquer en cachette dans les buissons). Puis, leur fils Caïn,
jaloux de son frère Abel, dont le sacrifice plut plus à Dieu que le sien, le tua.
Malgré toutes les punitions infligées, les hommes devinrent de plus en plus
méchants. Un jour, Dieu en eut assez et décida d’effacer l’homme de la terre
par un déluge, excepté Noé et sa famille. Il donna l’ordre à Noé de construire
un immense vaisseau (l’arche de Noé) pour y mettre à l’abri sa famille et un
couple de chaque espèce d’animaux. Dès que le vaisseau fut terminé, un
orage éclata et une pluie diluvienne tomba sur la terre durant quarante jours et
quarante nuits, après lesquels la terre entière fut recouverte d’eau. Puis la
pluie s’arrêta et l’eau commença à baisser. L’arche de Noé resta accrochée au
sommet du mont Ararat, au nord de l’ancien Éden biblique. C’est d’ici que la
descendance de Noé repartit. Cette punition ne servit à rien. En effet, la terre
était encore humide lorsque les péchés recommencèrent.
La récolte du raisin fut si abondante dans le jardin de Noé qu’il ne pouvait
pas tout manger. Il en fit donc du vin qu’il trouvait agréable à boire. Il se
soûla et s’endormit dénudé. Son deuxième fils, Cham, le vit ainsi et appela
ses frères. Sem et Japhet le couvrirent en détournant leurs yeux. Lorsque Noé
se réveilla, il maudit Cham et tous ses descendants à cause de son manque de
respect. Le pauvre Dieu dut constater les péchés des nouvelles générations,
après le déluge. Il dut recommencer les punitions, mais sans résultat.
L’homme est pécheur par définition. Mais il reste encore l’ultime punition,
l’Apocalypse, la fin du monde !
La Bible est pleine de punitions. Dieu aurait mieux fait de créer un homme
meilleur, puisqu’il le créa à son image ! Toutes les erreurs et contradictions
de la Bible sont pardonnables à ses rédacteurs. En effet, au commencement,
l’écriture n’existait pas encore et les épisodes de la Bible furent transmis de
bouche à oreille aux descendants. On peut retrouver également la plupart de
ces histoires, avec des noms différents, chez de nombreux peuples, dispersés
dans le monde entier.
Il existe cependant des documents écrits chez les Sumériens, chez les
Égyptiens et chez les Chinois, antérieurs à la rédaction de la Bible, mais ils ne
concernent que quelques épisodes de la vie quotidienne de l’époque.
Nous étions très heureux dans notre paradis terrestre et la plupart d’entre
nous y resta plus de 2 millions d’années. Tout y était facile. Nous n’avions
pas à nous fatiguer à découvrir de nouveaux outils modernes. Je peux dire
que durant ces 2 millions d’années nous devînmes très paresseux. Nous
n’évoluions que physiquement.
Au bout d’un million d’années, notre corps se redressa tellement que nous
devînmes Homo erectus, mais qui valait à peine plus que Homo habilis.
Toutefois, c’était une évolution considérable pour les scientifiques, puisque la
taille de l’homme avait beaucoup augmenté (passant de 120-150 cm à 160-
180 cm) et le volume de son cerveau avait presque doublé (passant de 600-
800 cm3 à 850-1 250 cm3).
C’était une période sans histoire qui ne mérite même pas que l’on en parle.
Puis, un jour, nous découvrîmes que ce fléau pouvait nous être utile (notre
grande cervelle nous permit de réfléchir !). Nous arrivâmes dans notre village
après une chasse fructueuse. Avant que nous puissions découper et partager
notre gibier déposé sous un arbre, un violent orage éclata et la foudre tomba
sur l’arbre. Tout le monde tremblait de peur dans sa hutte et regardait brûler
l’arbre et surtout notre gibier, en dessous. Une odeur dégoûtante de peau et de
poils brûlés flottait dans l’air, mais en même temps, nous sentions également
un parfum appétissant de viande rôtie. Nous sortîmes de notre hutte pour
examiner de près la source de ce parfum inconnu. Il émanait de notre gibier à
moitié carbonisé. Elle ne peut pas être mauvaise une chair qui sent si bon !
Nous avons donc gratté la partie brûlée de l’animal et goûté en dessous la
chair grillée. J’avoue honnêtement que, même dans nos meilleurs rêves, nous
n’aurions jamais pu imaginer un goût pareil ! Un délice, un vrai régal. La
viande tendre fondait dans notre bouche et, en la mastiquant, son jus
succulent dégoulinait le long de nos barbichettes. Nous avons appelé ensuite
nos amis qui tremblaient encore de peur, nous ayant vu « manger du feu ».
Mais lorsqu’ils virent qu’il n’y avait pas de danger, eux aussi, ils goûtèrent la
viande rôtie et la trouvèrent excellente. Nous n’avions plus peur de la foudre,
au contraire : nous l’attendions pour améliorer notre repas.
Mais nous l’attendions en vain. Elle tombait toujours loin, jamais plus sur
nos arbres. Il fallait donc trouver une solution pour avoir du feu chez nous.
Nous avons essayé de transporter du bois brûlant jusqu’au village, mais nous
l’avons vite jeté, car il brûlait nos mains. Nous découpâmes donc avec nos
haches une branche brûlée à moitié et, prise par le bout encore froid, la
transportâmes chez nous. Nous réussîmes ! Il suffisait maintenant de
l’alimenter avec des branches pour maintenir longtemps la combustion. Nous
pouvions observer et découvrir également les autres vertus du feu : il rôtissait
la viande, nous réchauffait et éloignait les animaux féroces qui rôdaient
autour de notre campement. On ne pouvait plus s’en passer.
Nous connaissions le feu, mais nous ne savions pas encore qu’il serait
indispensable dans la vie moderne. Il fallut attendre encore longtemps pour
pouvoir le maîtriser totalement et le mettre à notre service.
Chaque village avait son feu, que les gens maintenaient en activité et
c’était toujours un coup très dur lorsqu’il s’éteignait accidentellement. Ne
pouvant pas le transporter aisément, il nous empêchait de nous déplacer,
pourtant l’envie ne nous manquait pas. Certaines tribus trouvaient du feu
dans les cratères des volcans, mais il était extrêmement dangereux d’y aller.
Beaucoup plus tard, nous découvrîmes que, lors de la fabrication des
outils, certaines pierres faisaient des étincelles en les tapant l’une contre
l’autre. Il fallait trouver comment transformer cette étincelle en feu. C’était
possible avec des feuilles sèches, mais très laborieux. On pouvait faire aussi
du feu par frottement, qui était un procédé long, mais sûr.
LA GRANDE MIGRATION
Notre chemin n’était donc pas aussi droit qu’il y a 3 millions d’années, en
quittant notre berceau africain, probablement parce que nous n’étions pas
coincés dans un couloir étroit comme jadis. Nous étions aussi très libres et
très curieux, comme un animal libéré de sa cage qui court d’abord dans tous
les sens avant de choisir sa direction. Sans pouvoir fixer une direction
commune, nous nous séparâmes.
Mon groupe choisit la direction de l’ouest le long du lac Noir, mais
d’autres tribus continuèrent leur route vers le nord et vers l’est.
Je dois signaler ici qu’à cette époque, la mer Noire d’aujourd’hui n’était
qu’un immense lac d’eau douce qui ne devint une mer que 8 000 ans avant
notre ère. En effet, à cette époque, le réchauffement climatique fit fondre les
glaciers, faisant remonter ainsi d’une centaine de mètres le niveau des mers.
Ainsi, la Méditerranée remonta par les Dardanelles et se déversa dans le lac
Noir, le transformant en mer.
Cette augmentation du niveau des eaux était perceptible partout dans le
monde. Toutefois, l’humanité n’a aucun souvenir écrit de ce « déluge », sauf
quelques traces d’habitations englouties au bord du lac Noir, découvertes à la
fin du XXe siècle. Le fameux déluge dont parlaient les Sumériens et la Bible,
eut lieu 4 000 ans plus tard, après le dernier réchauffement de la terre.
Le temps restait toujours très froid. Dès que ce fut possible, nous
tournâmes donc vers le sud-ouest, le long du lac Noir. En peu de temps, nous
arrivâmes à l’embouchure d’un grand fleuve, le Danube. Nous suivîmes
longtemps ce fleuve vers le sud, mais il tournait ensuite vers le sud-ouest.
Nous trouvâmes magnifique cette région et estimâmes inutile de continuer
notre route. Nous y trouvions tout ce dont nous rêvions : fleuve poissonneux,
forêts riches en gibier. Nous y restâmes donc quelques milliers d’années.
Malgré cette richesse, notre envie de découvrir le monde devint irrésistible
et nous décidâmes de repartir, excepté quelques tribus qui préférèrent rester.
Cela devenait une habitude de perdre une partie de notre groupe après chaque
séjour prolongé.
Allant toujours vers l’ouest, beaucoup plus loin, nous rencontrâmes des
gens bizarres qui se disaient néandertaliens, bien qu’ils ne fussent pas
limités à la région de Neandertal, mais répartis partout en Europe. C’était une
race humaine très bizarre, tout à fait inconnue. Ils nous ressemblaient un peu,
mais ils étaient assez étranges. Ils étaient plutôt petits, avec un torse large et
épais. Leurs membres étaient relativement courts. Leur crâne était allongé
derrière, avec un front plat et fuyant et, au-dessus des yeux, l’os crânien
formait une sorte de bourrelet. Leur nez était large et plat. Ils étaient très
primitifs et parlaient assez difficilement, malgré leur boîte crânienne aussi
développée que la nôtre. Les échanges étaient donc difficiles avec eux. Ils ne
savaient même pas d’où ils venaient et depuis quand. Il est cependant certain
qu’ils vivaient en Europe depuis beaucoup plus longtemps que nous. Un autre
peuple que nous y trouvâmes, les Cro-Magnon, avouaient qu’ils étaient déjà
en Europe avant même leur arrivée. Les Néandertaliens restaient en tribus et
vivaient de la chasse et de la cueillette. Puis, sans qu’on sache pourquoi, ils
disparurent de la terre il y a une trentaine de milliers d’années.
Ils ne furent pas exterminés. Ils se mélangèrent avec des races plus
évoluées comme nous et les Cro-Magnon. Cependant, leurs gènes étant très
différents des nôtres, on peut supposer que les descendants bâtards étaient des
hybrides stériles, ce qui expliquerait l’extinction totale de leur race.
Les hommes Cro-Magnon que nous rencontrions sur notre chemin étaient
assez prétentieux puisque leur industrie d’outillage et d’armement était très
développée. Comme ils étaient très habiles et confectionnaient toutes sortes
d’objets fins (et souvent inutiles), ils se considéraient supérieurs aux autres et
se disaient Homo sapiens sapiens. Ils vivaient dans des grottes, mais comme
ils étaient prétentieux, ils ne se contentaient pas du confort habituel. Ils
peignaient sur les murs toutes sortes d’idioties : des animaux et des scènes de
chasse, où ils étaient toujours vainqueurs. Ils vantaient leur intelligence et
leur force. Ils taillaient dans la pierre non seulement des outils et des armes,
mais aussi des objets bizarres, inutiles, qu’ils appelaient « statues ».
Ils étaient mystiques. Ils enterraient leurs morts avec des objets personnels,
pensant qu’ils en auraient besoin dans « l’au-delà » ! Certaines tribus
alignaient d’énormes pierres pour des raisons « religieuses » que nous ne
comprenions pas du tout.
Les Néandertaliens les observaient de loin et les singeaient quelquefois,
sans savoir pourquoi.
Nous ne sympathisâmes pas avec ces Cro-Magnon. Ils nous snobèrent et
nous traitèrent de primitifs. Nous nous moquions d’eux, sans toutefois les
blesser dans leur orgueil, afin d’éviter qu’ils nous attaquent avec leurs armes
redoutables. L’Europe était assez grande pour pouvoir vivre loin d’eux.
Cette façon de vivre nous intéressait aussi. En plus des chiens, considérés
comme compagnons, nous domestiquâmes aussi des animaux utiles, des
rennes, qui nous fournissaient du lait, de la viande et des peaux, nécessaires
pour l’habillement et pour couvrir nos tentes. Nous créâmes ainsi une
nouvelle richesse qui changea notre mode de vie. Nous n’étions plus
tributaires des résultats des chasses pour manger. Il suffisait de puiser dans
notre « garde-manger » vivant. Nous nous déplacions peu, juste pour trouver
de nouveaux pâturages pour nos bêtes. Nous pûmes donc rester sur place et
vivre en villages.
À cette époque, avec nos cousins lointains, nos peuples occupaient déjà
tout le Nord de l’Asie, de l’Oural jusqu’à l’Extrême-Orient. Certains
s’aventurèrent jusqu’en Corée, même jusqu’au Japon, où ils pouvaient aller
encore à pied !
Ces peuples, isolés des autres habitants de la terre, commencèrent à
développer leurs langues spécifiques qui aujourd’hui font partie de la famille
des langues ouralo-altaïques, notre langue finno-ougrienne comprise.
La planète Terre fut donc ainsi colonisée. Les humains vivaient désormais
sur les cinq continents. Ils faisaient tous partie de la même espèce, ils
descendaient tous de la même petite population originelle et pourtant, ils se
différenciaient de plus en plus. Comment et pourquoi ?
Les migrations avaient scindé la population d’humains et l’avaient
diversifiée aussi physiquement. Partant de la Mésopotamie, il y a quelques
dizaines de milliers d’années, tous les humains étaient encore égaux, parlaient
le même langage et avaient presque la même couleur de peau. Or, les
nouvelles conditions de vie avaient entraîné chez l’homme des changements
fondamentaux dans tous les domaines, en quelques milliers d’années.
Structure sociale
C’est ainsi qu’à la fin des grandes migrations qui débutèrent dans l’égalité
totale, nous arrivâmes à une nouvelle structure de société sédentarisée,
hiérarchisée, constituée de riches et de pauvres, jusqu’à l’esclavage !
Faudrait-il regretter les temps anciens ? Non, puisque c’était une étape
obligatoire pour évoluer vers les temps meilleurs. Et surtout, il ne faut pas
oublier que, durant cette période sédentaire, bien qu’injuste et impitoyable, la
population d’Europe se vit multiplier par plus de dix, passant à plusieurs
millions d’habitants !
Cette sélection naturelle durant des milliers, voire des dizaines de milliers
d’années, pourrait expliquer la couleur des populations des diverses régions
de la terre. Cette hypothèse est renforcée par la différence de teinte existant
aujourd’hui entre les Indiens de l’Amérique du Nord (clairs) et du Sud
(foncés), issus pourtant de la même origine, arrivés ensemble, il y a 20 000
ans sur le Nouveau Continent.
De même, on constate une grande différence de teinte entre les
Mélanésiens et les Polynésiens, pourtant de la même origine. Quelques
milliers de générations suffisent donc pour que l’homme s’adapte
parfaitement à son environnement et que sa peau prenne la teinte optimale de
sa région.
Cette petite explication est nécessaire pour expliquer autrement que dans la
Bible par la tour de Babel, l’origine de la diversification des langues qui s’est
produite durant la « grande migration ».
***
MÉSOPOTAMIE - NINIVE
Dans ces temps lointains, les Sémites, ainsi que leurs voisins, adoraient de
nombreuses idoles. Jéhovah donna l’ordre au prophète Jonas de les convertir
au monothéisme. Le pauvre Jonas, connaissant bien les habitudes et le
caractère coléreux des Sémites, eut très peur et se sauva de Ninive vers le
« bout du monde », que l’on situa à l’époque au-delà de la mer. Arrivé au
bord de la Méditerranée, il prit le premier bateau partant vers l’ouest. Mais il
connaissait mal Jéhovah en croyant pouvoir lui échapper si facilement. À
peine le port quitté, un violent orage éclata, mettant en péril le bateau et ses
occupants. Les matelots, connaissant bien la mer et les orages, comprirent
tout de suite qu’il ne pouvait s’agir que de la colère démesurée d’un dieu.
Comme Jonas était le seul étranger sur le bateau, lui seul pouvait en être
responsable. Tremblants de peur, ils le jetèrent dans l’eau afin de calmer la
mer. Mais Jéhovah ne lâcha pas si facilement Jonas. Son ordre devait être
exécuté ! À peine était-il tombé dans l’eau, qu’un énorme poisson arriva et
l’avala aussitôt. Il nagea ensuite jusqu’au bord de la mer avec Jonas dans sa
gueule, qu’il recracha sur la plage. Jonas comprit qu’il devait obéir à
Jéhovah. Rassemblant tout son courage, il retourna à Ninive pour prêcher
(sans beaucoup d’enthousiasme et avec des résultats mitigés) l’existence de
Jéhovah, dieu unique.
La vérité est qu’il pleuvait peu, mais la fonte brutale des neiges des
montagnes du Nord et la montée démesurée du niveau des mers, due au dégel
des glaciers du pôle Nord, provoquèrent l’inondation de la Mésopotamie. Ce
cataclysme était la conséquence du radoucissement brutal du climat au début
de la période interglaciaire, qui s’étala entre 4 000 et 2 000 ans avant notre
ère. Ce déluge ne détruisit pas le monde, mais recouvrit d’eau tout le sud de
la Mésopotamie, environ 3 500 ans avant notre ère. Son effet fut ressenti dans
le monde entier.
PALESTINE - JÉRICHO
Selon les légendes, la ville de Jéricho existait déjà 8 000 ans avant notre
ère.
C’était une belle ville, située à peine quelques kilomètres au nord de la mer
Morte, près d’une source abondante. Toute sa région était une énorme oasis.
C’était une valeur inestimable pour les caravanes, arrivées fatiguées et
assoiffées après la traversée du désert, qui auraient payé n’importe quel prix
pour avoir de l’eau potable.
La ville devint très riche, peut-être même trop riche. Des brigands attirés
par cette richesse arrivaient de tous côtés, pour la piller. La ville se défendait
en s’entourant de murs hauts, infranchissables. On ne pouvait y entrer que par
une porte immense, fermée la plupart du temps. À l’intérieur des murs, au
centre de la ville, s’élevait une tour en pierre très haute permettant d’observer
toute la région. Ainsi, les habitants avaient le temps de fermer la porte de leur
ville et de se préparer à se défendre dès que la garde signalait des
mouvements suspects aux environs.
Les immeubles des riches se trouvaient au centre de la ville, mais les cases
des pauvres à l’extérieur des murs, les terrains étant limités et très chers dans
la zone protégée. Toutefois, en cas d’attaque, tout le monde pouvait se
réfugier derrière les murs. On avait besoin de tout le monde pour défendre la
ville. Les cases étaient abandonnées aux pilleurs qui, n’y trouvant rien à
voler, y mettaient régulièrement le feu.
Les habitants vivaient d’agriculture et d’élevage, qui suffisaient pour
nourrir la population atteignant 3 000 à 4 000 individus déjà à cette époque.
Autour de l’oasis et le long du fleuve Jourdain, les terres étaient riches et
fertiles. L’élevage était aussi très rentable au pied des collines proches.
Bien entendu, comme à Ninive, les plus riches étaient les commerçants.
Déjà à cette époque, il était connu que l’on pouvait vivre du travail manuel,
mais ne pas s’enrichir.
Bien que très célèbre, Jéricho fut surtout connue à cause de sa grande tour
centrale en pierre, unique à cette époque.
Ce peuple égyptien adorait Ré, le dieu Soleil, sous toutes sortes de formes,
selon nécessité. Les différents dieux avaient souvent un corps humain avec
une tête d’animal, tel que Horus, dieu du ciel (imaginé avec une tête de
faucon pour pouvoir voler) et Anubis, dieu-juge des défunts (avec sa tête de
chacal, l’animal dévorant les cadavres). Osiris était le dieu de la production
et de la prospérité et Isis, sa sœur (et épouse aussi, car c’était presque
l’habitude chez les Égyptiens), la déesse de la fécondité. Leur fils Horus
d’Isis (ne pas confondre avec Horus, dieu du ciel !) était le représentant
terrestre des dieux. Les pharaons (rois de l’Égypte) étaient tous ses
« descendants », donc représentants des dieux. Ils étaient des êtres divins.
La gestion du pays était assurée par les prêtres.
On ne peut pas passer sous silence ici la légende d’Osiris, faisant partie de
la mythologie égyptienne. Seth, dieu de l’orage et de la mort, assassina par
jalousie son frère Osiris. Il découpa son corps en petits morceaux, puis les
jeta dans le Nil. Isis, leur sœur, repêcha tous les morceaux, reconstitua le
corps de son frère, puis le réanima. Elle remarqua alors qu’il manquait son
sexe, avalé par un poisson. Néanmoins, elle s’unit à lui et naquit de leur
union Horus. Osiris ressuscité resta aux cieux et devint le dieu de l’au-delà
des Égyptiens. Horus resta sur la terre et devint le premier roi des Égyptiens.
Tous les pharaons étaient ses descendants, donc ceux du dieu Osiris, qu’ils
rejoignaient après leur mort. Ils faisaient momifier leur corps afin qu’il restât
entier auprès de leur père reconstitué et réanimé par Isis.
Certains animaux comme le crocodile, l’hippopotame, le chat, etc., jouirent
d’une réputation divine.
Les Égyptiens étaient fervents croyants d’une vie après la mort. Anubis,
dieu à tête de chacal, les attendait avec sa grande balance pour les juger, en
mettant sur les deux plateaux leurs actes durant leur vie charnelle. Si les bons
actes pesaient plus que les mauvais, ils pouvaient monter au Ciel. Sinon,
c’était « l’enfer ». Comme la vie terrestre était courte et passagère, durant
toute leur existence, ils préparaient leur vie dans l’au-delà. Afin de pouvoir
emporter avec eux dans l’au-delà leurs corps intacts, les personnalités et les
gens riches les firent également transformer en momies.
Les gens simples de la ville étaient des artisans et des petits commerçants.
Les riches avaient des maisons en pierre, mais les pauvres faisaient eux-
mêmes leurs briques en glaise mélangée à la paille et séchée.
Les Égyptiens faisaient souvent la guerre à leurs voisins pour avoir des
esclaves (travailleurs gratuits) et des matériaux (or, argent, cuivre) qui
auraient coûté cher sur le marché international. Les pays vaincus étaient pillés
et, de plus, devaient payer encore longtemps des dommages de guerre. On
leur imposait le montant et la durée du paiement. S’ils ne pouvaient pas ou ne
voulaient pas payer, on emmenait la population en esclavage.
Ces guerres avaient aussi des raisons politiques. Les pays occupés
assuraient une large frontière à l’Égypte face aux tribus guerrières, venant de
plus en plus souvent de l’est. Cependant, les peuples frontaliers s’alliaient
quelquefois avec ces envahisseurs contre l’Égypte.
Si ces tribus guerrières sauvages étaient considérées comme primitives,
leur technique de guerre et leurs armes étaient supérieures à celles des
Égyptiens. Ils connaissaient déjà le bronze et les chevaux dressés.
Heureusement, les Égyptiens étaient mieux organisés pour leur résister. Ils
préféraient les combattre loin des frontières égyptiennes.
La Crète
En ces temps, les grands demi-dieux avaient déjà disparu. Pourtant jadis,
des titans, des cyclopes (géants forgerons n’ayant qu’un seul œil au milieu du
front), des satyres et d’autres créatures merveilleuses peuplaient ce monde
mystérieux.
Héra dit à Zeus que les dieux n’existent que tant qu’on les reconnaît et
qu’on les craint. Ils disparaissent dès qu’on les oublie !
Zeus naquit ici, dans une des grottes du mont Ida, mais il préférait
l’Olympe en Grèce, d’où il dirigea le monde. Minos, fils de Zeus et
d’Europe, fut fondateur de la Crète qu’il reçut en cadeau de son oncle,
Poséidon. Poséidon, comme tous les autres dieux, exigea des sacrifices
réguliers en son honneur. Une fois, Minos refusa de lui sacrifier un
magnifique taureau blanc et fut puni très sévèrement par son oncle pour sa
désobéissance (sa femme eut un enfant de son taureau préféré !). Mais je ne
parle pas ici de cette histoire décrite en détail dans la mythologie.
Les habitants de l’île, venus d’Asie Mineure, étaient des gens pacifiques
qui ne s’intéressaient qu’au commerce. Ils parcouraient la mer de l’Asie
jusqu’à l’Égypte et devinrent très riches. On ne connaissait pas encore le
compas et les matelots naviguaient à vue. Ils n’osaient donc pas s’éloigner
des côtes. La mer Égée était donc un lieu privilégié avec la multitude d’îles
des Cyclades, permettant de faire des escales fréquentes. D’ailleurs, chaque
commerçant avait une ou plusieurs résidences sur ces îles, devenues très
riches et très cosmopolites.
Sur l’île de Crète la vie était très différente de celle d’Égypte. Ici, il n’y
avait ni esclaves (les Égyptiens prétendent que chez eux non plus !), ni
guerre. Les commerçants, à cause de leurs voyages perpétuels, connaissaient
toutes les nouveautés du monde, les épices, les huiles parfumées, les objets en
bronze, les pierres précieuses et les entassaient sur leur île. Ces articles
arrivaient par des caravanes jusqu’à la mer où on les embarquait sur les
bateaux pour continuer leur voyage vers les pays lointains.
La spécialité des Crétois était des objets céramiques peints. Ils étaient
connus partout dans le monde. Petits et grands, ils représentaient chacun des
scènes empruntées à la mythologie ou à la vie courante. Ils faisaient aussi de
grands récipients simples (amphores) servant au stockage et au transport du
vin et de l’huile d’olive. Ils les faisaient coniques pour mieux les caler sur les
bateaux.
Les grandes villes étaient installées au bord de la mer. La capitale
s’appelait Cnossos et était construite au nord de l’île. Ses rues étaient pavées
et on y trouvait même des fontaines un peu partout. Ses grandes maisons
construites en pierre blanche, trouvée en grande quantité sur l’île, étaient très
confortables et luxueuses. À l’intérieur se trouvaient des cours sur lesquelles
ouvraient des chambres. Les murs des grandes pièces étaient richement
décorés de peintures. Tout était féerique.
À l’intérieur de l’île, recouvert de montagnes, les gens moins riches
produisaient du vin et de l’huile d’olive ou faisaient de l’élevage.
Les Cyclades
Thèra (Santorin)
Comme la plupart des îles des Cyclades, cette petite île ronde était un
ancien volcan émergeant de la mer. Ses habitants étaient tous des
commerçants.
Parmi ses villes, il faut citer Akrotiri, la plus ancienne et la plus typique de
l’époque (elle fut construite depuis plus de 3 000 ans avant notre ère !).
C’était une petite ville, mais avec de nombreuses maisons à étages. Ces
maisons étaient plus petites qu’à Cnossos et elles n’avaient pas de cours,
probablement à cause du manque de place. De toute façon, les gens riches ne
venaient ici que pour travailler.
Les rues, sinueuses et pentues, étaient pavées avec des écoulements pour
les eaux usées. Comme la ville avait été construite sur une petite colline, les
eaux pluviales lavaient bien les rues et emportaient toutes les saletés vers la
mer. La ville était donc exceptionnellement propre.
Je ne dois pas passer sous silence qu’à peine quelques siècles plus tard,
vers 1 600 avant notre ère, cette île magnifique a été détruite par une
explosion volcanique. Le centre de l’île disparut sous la mer. Certains
historiens assimilent cette catastrophe naturelle à la disparition de l’Atlantide.
Ce mythe est issu de l’imagination des hommes mais il est certain que les
effets de ce cataclysme furent terribles, notamment pour la Crète qui fut
dévastée par le raz de marée et recouverte de cendres. Ce raz de marée fut
ressenti même en Égypte.
Naxos
Naxos est la plus grande île des Cyclades. C’est une belle île verte
comparée aux autres. On y faisait de l’élevage et de l’agriculture. Sa capitale,
Naxos, était construite au bord de la mer et protégée par des remparts contre
les attaques des pirates, attirés par sa richesse.
Cette île présente peut d’intérêt historique, mais fait partie de la
mythologie.
Thésée, fils du roi d’Athènes, partit pour la Crète pour tuer dans son
labyrinthe le célèbre Minotaure, mi-homme mi-taureau, à qui on devait
sacrifier chaque année des jeunes gens. Dès son arrivée, Ariane, fille du roi
Minos tomba amoureuse de lui. Elle le prévint qu’il ne pourrait pas sortir du
labyrinthe sans son aide, même s’il tuait le Minotaure. Pour obtenir son aide,
il fallait qu’il l’épousât. Comme Ariane était une très belle fille, Thésée
accepta volontiers sa proposition. Ariane lui remit donc une grande bobine de
fil qu’il devait dérouler en avançant dans le labyrinthe pour retrouver ensuite
le chemin de retour.
Thésée tua le Minotaure et ressortit sans problème du labyrinthe. Il épousa
Ariane, puis les amoureux partirent en bateau. Ils firent l’amour durant tout le
trajet puis, arrivé à Naxos, Thésée débarqua Ariane et l’abandonna sur l’île.
En avait-il assez, en était-il fatigué ? Peu importe, il repartit seul. La pauvre
Ariane abandonnée pleura toutes les larmes de son corps, mais pas trop
longtemps. En effet, peu après, Dionysos (encore un fils hors mariage de
Zeus !) passa par là, attiré par les pleurs d’Ariane. C’était un bon vivant qui
aimait boire, manger et bien entendu séduire les belles femmes. Il ne
demandait pas mieux que de réconforter la pauvre femme abandonnée par
son amant. Si bien qu’Ariane oublia vite son Thésée, si peu viril et si mufle,
réalisant qu’elle était gagnante, puisque Dionysos était un vrai « pro » en
amour à côté de lui. Elle en fut si contente qu’elle fit construire un temple à la
gloire d’Apollon pour le remercier de son aide à l’endroit même où Thésée
l’avait abandonnée.
Les défenseurs de Thésée prétendent que Dionysos exigeait qu’il lui
abandonnât Ariane. On ne connaîtra jamais la vérité. Peu importe, puisqu’à la
fin de cette histoire tout le monde était content.
Ariane découvrit un joyeux luron bien viril en Dionysos (beaucoup plus
intéressant que le minable Thésée) qui était un demi-dieu en réalité et non
seulement en amour.
Dionysos trouva très agréable la compagnie de sa nouvelle amante,
affamée d’amour.
Thésée, débarrassé de son amoureuse exigeante et fatigante, retrouva sa
liberté, puis son pays, où il fut reçu en vrai héros vainqueur du Minotaure. Il
y a toutefois un point noir dans cette histoire idyllique. Thésée oublia la
promesse faite à son père Égée qu’en cas de victoire il hisserait une voile
blanche au mât de son bateau en arrivant. Égée, croyant son fils mort, se jeta
à la mer qui porte aujourd’hui son nom.
Délos
Délos est la plus petite île habitée des Cyclades. Jadis, cette île n’était
qu’un amas de pierres émergeant de la mer, où aucun navigateur ne s’arrêtait.
Mais plus tard, elle dut sa célébrité à son aspect hostile.
Selon la mythologie, Apollon, dieu préféré des Grecs, naquit sur cette île.
Comme d’habitude, une fois de plus, Zeus avait trompé sa femme Héra avec
une belle mortelle, appelée Léto, qui bien entendu tomba enceinte. Malgré la
banalité de la chose, Héra, devenue une vraie furie (on ne comprend pas
pourquoi), voulut tuer la pauvre Léto, lâchement abandonnée par son amant.
Celle-ci, apprenant le danger, s’enfuit en bateau du palais de Zeus pour
sauver sa peau et son enfant. Elle erra d’île en île sans pouvoir s’arrêter. Tout
le monde la chassait, craignant la colère d’Héra. Épuisée, elle arriva enfin sur
une petite île inhabitée et hostile. À peine eut-elle mis les pieds sur la terre
ferme, qu’elle accoucha sous un palmier, près d’un petit lac, d’une fille
qu’elle appela Artémis. Mais ses contractions continuaient, et elle mit au
monde, selon la légende avec l’aide d’Artémis, un magnifique garçon qu’elle
appela Apollon. Toujours selon la légende, Apollon naquit avec des armes à
la main et se redressa aussitôt.
Depuis, on appelle cette île l’île d’Apollon. Il n’est pas étonnant que par la
suite elle attirât les navigateurs voulant se mettre sous sa protection.
Cette rupture des tribus finno-ougriennes se produisit 2 000 ans avant notre
ère, juste à la fin de la période chaude, au début d’une nouvelle ère de
glaciation. Les pauvres Finnois ne pensaient pas encore au refroidissement du
climat de l’Europe du Nord. S’ils avaient su, ils auraient suivi les Hongrois.
Aujourd’hui, 4 000 ans après, ils regrettent encore leur mauvaise décision.
La nouvelle Mésopotamie
À son apogée, Suse faisait partie des plus riches villes de son époque, car
Élam était à l’origine de la métallurgie et était aussi puissant que son voisin,
Sumer. En effet, les monts Zagros étaient très riches en minerais de cuivre et
d’étain. Les Élamites en extrayaient des métaux et fabriquaient des outils et
des armes qu’ils vendaient à leurs voisins. Mais ils vendaient aussi des
minerais. À l’âge de bronze, Élam en était le fournisseur exclusif dans toute
la région jusqu’à l’Égypte. Plus tard, sa puissance fut écrasée par des armes
fabriquées et vendues par lui-même !
Sa richesse attirait la convoitise de ses voisins puissants et guerriers (on
peut bien dire que l’Élam vendait des armes pour se faire battre !). Il fut
dominé d’abord par Sumer, puis par Babylone. On utilisait donc en Élam
l’écriture sumérienne dès 3300 avant notre ère, puis les lois babyloniennes.
Les Élamites adoraient d’abord la déesse Kiririsha, puis vers 2000 avant
notre ère, les dieux Houmban (seigneur des cieux) et Shushinak (seigneur de
Suse). Le serpent était l’animal sacré de leurs prêtres.
De 2000 à 1600 avant notre ère, Élam, profitant de la faiblesse de la
Mésopotamie, obtint son indépendance et redevint une grande puissance.
Mais il n’abusait pas de sa puissance. Ses relations avec ses voisins restèrent
purement commerciales. Son commerce lui suffit pour être une grande
puissance durant des siècles, mais il devait prendre souvent les armes pour se
défendre contre la convoitise de ses voisins, notamment contre les seigneurs
babyloniens. Ce petit peuple élamite pouvait résister vaillamment aux
attaques répétées de ses voisins, mais pas aux nouveaux envahisseurs kassites
arrivés des plateaux des monts Zagros qui se déversèrent d’abord sur
Babylone, puis sur l’Élam, vers 1600 avant notre ère. Élam perdit sa
puissance et son indépendance. Toutefois, ses relations commerciales
restèrent toujours bonnes avec ses voisins et même l’arrivée des Kassites n’y
changea rien.
Plus de 4 000 ans avant notre ère, le peuple dravidien fonda Harappa, au
nord de la vallée de l’Indus, puis un peu plus tard, à quelques centaines de
kilomètres au sud, Mohenjo-Daro. Ces deux grandes villes étaient très
différentes des villes de l’époque. Elles s’étendaient sur un territoire
immense, pratiquement sans frontières. Seul le centre de la ville était fortifié.
On raconte qu’il y a longtemps, les trois grandes civilisations, Égypte,
Mésopotamie et Indus, rivalisaient en culture et en richesse. Toutes les trois
maîtrisaient leur propre écriture. Puis pour une raison encore inconnue (selon
certains, du fait du débordement soudain du fleuve Indus), la civilisation
mystérieuse de l’Indus disparut avec son écriture (jamais déchiffrée !) durant
plusieurs siècles, pour renaître ensuite sans écriture ! Les sages de la nouvelle
civilisation considéraient l’écriture avec mépris, car selon eux, le message
doit passer directement de la bouche du maître à l’oreille du disciple. Pour
eux, la parole authentique vibre, agit et contient tous les mystères du monde.
LA CHINE
Les seigneurs choisirent un roi parmi eux, dont le rôle était purement
religieux. Il devait assurer la liaison entre les vivants et les morts.
Les sacrifices humains étaient très fréquents, mais pour des demandes
mineures, on se contentait du sacrifice des animaux. En revanche, après la
mort du roi ou d’un grand seigneur, on enterrait les épouses, les serviteurs et
même quelques soldats avec lui pour le protéger dans sa nouvelle vie.
La nouvelle ville était gouvernée par un seigneur, désigné par le roi lui-
même, qui résidait à Anyang. Ce seigneur faisait souvent la guerre contre les
peuples barbares vivant au nord du pays. Ces guerres lui permettaient de tenir
à l’écart les hordes sauvages et surtout, de capturer des esclaves pour les
travaux et pour les sacrifices humains.
SAMARCANDE
On ne peut pas quitter cette région sans dire quelques mots de Samarcande,
point de rencontre des commerçants entre Asie et Europe, où la plupart des
échanges se faisaient.
Samarcande était une très vieille ville sombre, sans fenêtres vers
l’extérieur. Elle existait déjà à l’âge de pierre, mais elle ne pouvait pas
s’embellir et se moderniser à cause de la peur et de l’incertitude qu’elle
suscitait chez les voyageurs forcés d’y passer. Les immenses habitations en
pierre ne servaient qu’à les héberger durant leur bref séjour.
Les voleurs y cohabitaient avec les voyageurs. C’étaient de véritables
bandits qui se mêlaient à la foule pour repérer les victimes potentielles, qu’ils
dépouillaient ensuite et tuaient souvent, dès que l’occasion se présentait. Ils
bourdonnaient autour des commerçants comme des mouches, mais les plus
rusés passaient absolument inaperçus.
Les bandits, aussi nombreux que les voyageurs, pouvaient vivre ici, en
pleine ville, sans aucunes représailles, parmi quelques « personnalités
rangées » de fortune douteuse, qui possédaient toute la ville et qui louaient
très cher leurs services aux voyageurs. Ils assuraient aussi « l’ordre » à leur
façon, mais on peut supposer que la plupart des bandits, jamais molestés,
étaient leurs employés. Tout le monde était obligé d’accepter cette situation
abusive puisqu’il n’y avait pas d’autre solution et que c’était la première
étape après de longs voyages épuisants. Cette arnaque était bien calculée, car
on laissait quand même s’enrichir les voyageurs. On ne tue pas la poule aux
œufs d’or !
L’immense place principale, où les échanges de marchandises se
déroulaient, offrait un spectacle extraordinaire. Elle grouillait de monde
habillé de couleurs vives et de peaux de toutes les nuances. Chacun essayait
de se faire entendre en sa langue dans le brouhaha. C’était une véritable
« tour de Babel ». Et pourtant, les affaires avançaient et les commerçants
étaient satisfaits, tout en laissant pour la « ville » dix pour cent de leurs
bénéfices. Les voleurs étaient aussi satisfaits. En se mêlant à la foule, les
petits se remplissaient les poches sur place et les grands repéraient leurs
victimes à dépouiller plus tard, sur la route…
• L’Égypte était redevenue une grande puissance depuis sa victoire sur les
Hyksos. Mais elle devait se battre sans répit et sans grand succès contre les
Mitanniens, jusqu’à ce que le pharaon Thoutmosis IV épousât la fille du roi
du Mitanni et que les deux pays concluent une paix durable.
• Une nouvelle puissance naquit dans le monde égéen avec l’arrivée des
tribus « achéennes » dans les Balkans et sur les îles égéennes. Elle mit fin
définitivement à la puissance crétoise avec la destruction de Cnossos, mais
elle s’inspirait de sa civilisation. Les Achéens gardèrent les dieux et la culture
de la Crète.
BABYLONE
Cet immense empire était très difficile à gouverner. Pendant des siècles, les
pharaons furent en guerre permanente en Syrie et en Palestine contre les
Hittites et les Mitanniens.
Thèbes
La ville de Thèbes s’étendait entre les deux temples. Ses maisons en brique
étaient toutes basses, ce qui faisait ressortir encore la taille et la beauté des
temples. Mis à part la voie principale, les rues étaient relativement étroites, se
coupant presque géométriquement. Autour de la ville et à l’intérieur de
l’enceinte, se dressaient les maisons en pierre de taille des riches Égyptiens,
dont les jardins opulents exhalaient les senteurs suaves des plantes exotiques.
On trouvait tout à Thèbes. C’était le paradis des artisans et des marchands.
Beaucoup d’artisans travaillaient directement dans les rues. L’ordre y était
maintenu par des malabars nubiens, dont la seule apparence dissuadait déjà
les larcins. On s’y sentait vraiment en toute sécurité (je ne peux pas
m’empêcher de repenser à Samarcande et à la peur qui y régnait à cause des
voleurs et des assassins agissant en toute liberté).
Thèbes fut aussi la ville des arts et de la culture. On y trouvait des écoles
pour former des prêtres, des scribes, des savants et des artistes.
Jusqu’au déclin du Nouvel Empire, chaque pharaon participa au
développement et à l’embellissement de la ville, ou plus exactement des
temples de Karnak et de Louxor, puisqu’ils étaient les descendants directs des
dieux. Rien n’était trop beau ou trop grandiose pour ces temples.
Thoutmosis III (élevé par Hatshepsout qu’il détestait à mort pour l’avoir
privé longtemps de pouvoir) fut considéré par les historiens comme le plus
grand pharaon de l’histoire égyptienne. Durant son règne d’un demi-siècle, il
dut mener dix-sept campagnes contre les Hittites et les Mitanniens. Il
consacra une grande partie du produit de ses conquêtes à l’embellissement de
Karnak. Il maria son fils, Thoutmosis IV à la fille du roi du Mitanni, pour
avoir enfin une paix partielle.
La Nubie
Après la deuxième cataracte, le Nil, serré entre les falaises des deux côtés,
devenait beaucoup plus étroit et rapide. Sur sa rive gauche, on pouvait
admirer de nombreux temples rupestres, plus particulièrement ceux
d’Armara, de Sedeinga et de Soleb. Chaque grand pharaon faisait tailler des
temples dans les falaises pour marquer sa grandeur et son admiration aux
dieux d’Égypte. C’était pratiquement un devoir. Les pharaons pensaient
qu’ils devaient être jugés dans leur éternité selon la majesté et le nombre de
leurs réalisations durant leur vie terrestre. Ils faisaient donc des guerres non
seulement pour défendre leur pays, mais surtout pour amasser de la fortune
qu’ils investissaient dans les constructions. Je ne sais pas comment ils étaient
jugés par les dieux, mais sûrement bien par les futures générations, car leurs
constructions restent éternelles.
Après la troisième cataracte, le Nil traversait une zone plate et désertique
jusqu’à Napata, capitale de la Nubie. C’était une petite ville très cosmopolite,
avec une population locale presque noire. Elle était marquée par la
domination égyptienne. Dans ses environs, on pouvait trouver de petites
pyramides pointues et de nombreux temples construits en pierre. Toutefois,
les Égyptiens n’imposaient pas leurs dieux à la population locale. Ils
respectaient aussi les dieux nubiens.
Sur la rive droite du Nil, face à Napata, se trouvait la mystérieuse
montagne rocheuse appelée Gebel Barkal, considérée comme un lieu saint
depuis toujours par la population locale, puis par les Égyptiens. Ces derniers
y érigèrent de magnifiques sanctuaires à la gloire du dieu Amon durant le
Nouvel Empire.
Napata était une ville très importante où s’échangeaient les marchandises
arrivées des quatre coins du monde. Le bois d’ébène, très apprécié en Égypte
et partout dans le monde, l’ivoire, l’or et les pierres précieuses arrivaient
d’Afrique noire par bateaux, descendant le Nil, voire par des caravanes
traversant le désert. Beaucoup d’esclaves noirs, très appréciés par les
Égyptiens du fait de leur force et de leur beauté, transitaient aussi par Napata.
Quelquefois, c’étaient des prisonniers de guerre, mais plus souvent ils étaient
vendus par leurs tribus d’origine vivant loin, au Sud, dans les forêts
tropicales. Malgré leur apparence cruelle et sauvage, ils étaient très paisibles
et obéissants.
La Nubie était gouvernée par un Nubien désigné par le pharaon, dont il
était le représentant. Il était chargé de maintenir l’ordre et de prélever les
impôts.
Puis la nouvelle de la mort de Ramsès III perturba l’ordre. Déjà sous son
règne, on sentait l’affaiblissement de l’empire égyptien, malgré ses quelques
victoires en Palestine. Le ver était dans le fruit. Il y avait trop de corruption,
trop de pouvoirs parallèles, trop de gaspillage.
Le gouverneur n’attendait que cette occasion pour déclarer l’indépendance
de la Nubie et se proclamer roi. Tout se passa dans le calme, sans effusion de
sang. L’Égypte était trop affaiblie et trop préoccupée par les attaques au nord
pour réagir.
Tout le monde attendait sagement l’évolution de la politique égyptienne
avec le nouveau pharaon.
La Palestine
Chavìn fut construit sur l’un des plateaux des Andes à 3 200 m d’altitude,
aux alentours de 1100 avant notre ère. Au début, durant plus d’un siècle, ce
n’était qu’une petite bourgade.
La plus extraordinaire réalisation était la pyramide tronquée, avec l’autel
des sacrifices à son sommet. De l’extérieur, elle ressemblait beaucoup aux
ziggourats de la Mésopotamie, mais son intérieur, avec ses grandes salles,
était plutôt comparable à celui des pyramides…
Ses environs étaient décorés avec des statues et des colonnes en granite.
Ces dernières comportaient des écritures cunéiformes indéchiffrables et des
images représentant le dieu local, mi-homme, mi-jaguar. On lui présentait
régulièrement sur l’autel des sacrifices humains.
Les habitants de la ville étaient trapus, avec des cheveux lisses très noirs.
Leur roi portait des bijoux en or. Leur langage était assez étrange, ne
ressemblant à aucune des langues connues. Ils pratiquaient la culture du maïs
et l’élevage des lamas. C’était une sorte de petit dromadaire sans bosse, avec
un long cou. Il tirait des charrues et portait de lourdes charges sur le dos. Ses
poils servaient à la confection de vêtements et de couvertures multicolores.
On buvait son lait et mangeait sa viande. Il était indispensable pour la
population.
La ville occupait toute l’île du fleuve, sur les rives duquel s’étendaient des
forêts et des pâturages. On y trouvait aussi de tas de petits villages dispersés,
où habitaient les cultivateurs. C’étaient eux qui nourrissaient la ville. Tout y
était la copie conforme du lointain Chavìn et de ses environs, les
constructions et le mode de vie. Les deux villes dataient de la même époque.
Quelques siècles plus tard, ces deux peuples disparurent de l’histoire avec
leur civilisation. On ne connaîtra peut-être jamais leur histoire, car on ne put
pas déchiffrer leur écriture et on ne connaît même pas leur langue. Ils ne
laissèrent derrière eux que les ruines de leurs magnifiques constructions. Ils
n’avaient pas d’empire puisqu’ils n’avaient pas de soldats et aujourd’hui, on
ne parle que de « la culture La Venta et Chavìn ».
Il est intéressant de signaler que tout le VIe siècle avant notre ère fut le
temps des grands philosophes, surtout en Asie, sans qu’ils se connussent la
plupart du temps. Leurs enseignements sont encore connus et certains
devinrent des religions.
Les Scythes
Un peu plus au sud du premier pays des Hongrois, entre l’Oural et la mer
d’Aral, apparut un peuple, les Scythes, qui fonda une nouvelle puissance,
l’empire des Scythes. C’étaient des cavaliers de la steppe qui, poussés par la
fièvre du pouvoir et de la domination, imposèrent leur suzeraineté aux
Mèdes, puis envahirent le Proche-Orient, en suivant le chemin de leurs
prédécesseurs de l’Est à travers le Caucase. Ils arrivèrent jusqu’en Égypte
après avoir écrasé la Palestine. Durant deux ou trois dizaines d’années, ils
semèrent la terreur et la peur sur leur passage puis, après quelques batailles
perdues, ils se retirèrent au nord du Caucase, entre les mers Noire et
Caspienne.
Selon la tradition des peuples voisins, le roi des Scythes était aussi un
descendant des dieux qu’il devait rejoindre après sa mort. Lors de son
enterrement, on devait lui assurer une vie « divine » dans l’au-delà. Ce peuple
nomade ne connaissait pas le secret de la construction des temples et des
monuments funéraires. On creusait donc une immense fosse au centre de
laquelle on déposait le corps du défunt avec ses armes et ses objets de valeur.
Ses femmes et ses serviteurs (tués) l’accompagnaient dans son dernier
voyage pour le servir éternellement. On tuait aussi cinquante soldats et
chevaux pour assurer sa défense. On refermait ensuite la fosse et on érigeait
une véritable colline au-dessus de la tombe.
Dans les autres tombes, on enterrait aussi avec le défunt ses armes et ses
objets de valeur, selon sa richesse.
Installés dans leur nouveau pays, les Scythes guerriers devinrent des
agriculteurs et éleveurs paisibles. Bientôt, ils devinrent les plus grands
producteurs de céréales qu’ils vendaient aux peuples voisins.
Jusqu’au début du VIIe siècle avant notre ère, toute la Mésopotamie faisait
partie de l’Empire assyrien. Mais les Assyriens ne se contentaient pas de leur
territoire. Ils écrasèrent Israël, l’Égypte et l’Élam, puis pillèrent régulièrement
le pays paisible des Mèdes. Seule la Palestine pouvait encore leur résister.
L’Empire devint immensément riche et aurait pu le rester, sans ses excès
de folie. En effet, sans aucune raison, les Assyriens détruisirent Babylone,
Thèbes et Suse, les plus belles villes de l’époque. Babylone se révolta,
profitant de l’éloignement de l’armée assyrienne, occupée par les pillages à
l’Est. Aidée par la Palestine et par les Mèdes persécutés, elle s’attaqua à la
petite armée d’occupation. Prises en tenaille sur trois côtés, les armées
assyriennes perdirent bataille sur bataille et, à la fin du VIIe siècle avant notre
ère, l’Empire assyrien cessa d’exister.
La nouvelle Babylone
Magna Hungaria
Il faut rappeler les deux grandes victoires grecques sur les Perses
« invincibles », qui dominaient le monde au début du Ve siècle avant notre
ère.
Les armées grecques unifiées, commandées par Miltiade, vainquirent les
Perses de Darius en 490 avant notre ère, à Marathon. La nouvelle de cette
victoire incroyable fut annoncée à Athènes par le messager Phidippidès, qui
courut la distance de 42,195 km séparant la ville du champ de bataille et
mourut d’épuisement à son arrivée. Aujourd’hui encore, on organise
régulièrement une « course de Marathon » de la même distance en sa
mémoire.
Après cette victoire, durant 10 ans, la paix régna entre les deux peuples,
puis Xerxès, le nouveau roi perse, envahit la Grèce et détruisit Athènes.
Cependant, à Salamine, Thémistocle vainquit par ruse la flotte perse, dix fois
plus nombreuse. Cette victoire grecque mit fin définitivement à l’hégémonie
perse en mer.
Rome fut fondée sur la péninsule italienne, dont le nord était occupé depuis
plus de 1 000 ans par les Étrusques. L’origine des Étrusques reste inconnue.
Ils n’avaient ni palais, ni villes. Ils vivaient dans des villages, formés de
grandes huttes, souvent rondes.
À titre de curiosité, il faut rappeler que, malgré leur vie primitive, ils
pratiquaient une métallurgie très développée. Ils fabriquaient des outils et
armes en bronze, puis en acier, en même temps que les autres peuples
« civilisés ». Leurs orfèvres étaient très habiles. Ils fabriquaient de
magnifiques bijoux en bronze et en or, et quelquefois des armes pour les
riches. Les motifs des décorations étaient influencés par des objets d’art
romains et grecs.
Ils pouvaient vivre longtemps en paix et commercer avec leurs voisins
puis, pris brusquement par la fièvre de la guerre, ils envahissaient et pillaient
les pays voisins. Après une « bonne guerre », comme si rien ne s’était passé,
ils retournaient dans leur pays pour vivre paisiblement.
Il fallut attendre encore deux siècles pour que le puissant Empire romain
arrêtât définitivement les invasions celtes. Fuyant les Romains, quelques
tribus passèrent de l’Espagne en Afrique du Nord, sans avoir rencontré
aucune résistance, jusqu’à Carthage, où ils s’assimilèrent à la population
locale. Certains devinrent des mercenaires, dont on retrouva des traces même
en Égypte.
Mais il ne faut pas cacher la vérité. Le prix de cette victoire fut très élevé.
La bataille fut atroce contre les éléphants dressés à se battre et seule la
présence héroïque et divine d’Alexandre le Grand empêcha ses soldats
épouvantés de fuir. Les éléphants arrachèrent avec leurs trompes les cavaliers
de leurs chevaux, les jetèrent au sol et écrasèrent tout ce qui se trouvait autour
d’eux. Il fallait couper les ligaments de leurs jambes pour les faire tomber et
les achever. C’était une action suicidaire. Alexandre sortit vainqueur de cette
bataille, mais perdit une grande partie de son armée. Les survivants étaient
moralement détruits. On peut donc comprendre, qu’ils ne voulaient pas
continuer leur guerre conquérante. Alexandre comprit leur état d’âme,
accepta d’arrêter sa conquête et de retourner à Babylone. Le retour de son
armée à travers les déserts fut aussi mortel que sa dernière bataille. Ses
soldats et ses chevaux mouraient de soif dans le désert. Alexandre montra
l’exemple à ses soldats, justifiant leur admiration. Il marchait à pied, avec
eux, et n’acceptait que la ration d’eau réglementaire.
Après la mort d’Alexandre, son empire fut partagé entre ses généraux. Ils
assassinèrent même sa femme Roxane et son fils, pour que personne ne
puisse réclamer sa part d’héritage.
Ptolémée II était le digne successeur de son père. Il était plus attiré par la
culture que par la guerre, qu’il ne faisait que par nécessité, bien qu’il fût aussi
un bon guerrier, gagnant toutes ses batailles. Son chef-d’œuvre fut la
bibliothèque d’Alexandrie, où se trouvaient tous les livres célèbres ou leurs
copies. Selon les mauvaises langues, lorsqu’Athènes souffrait de la famine,
Ptolémée II ne lui livrait de la nourriture que sous réserve qu’Athènes lui
prêtât tous ses livres pour les copier à Alexandrie. On y trouvait donc aussi
toute la littérature grecque.
C’est à lui que l’on doit aussi la traduction grecque de la Bible. Pour ce
faire, il invita à Alexandrie les 72 meilleurs savants des 12 tribus juives.
C’était un travail très difficile, non à cause de la langue et du volume des
textes, mais à cause de la mésentente entre les savants. En effet, chaque tribu
interprétait à sa façon les « paroles de la Bible ». Il était donc difficile de
s’entendre sur une version commune, acceptée par tout le monde. Ptolémée II
décida donc d’enfermer dans la bibliothèque les 72 savants juifs jusqu’à la fin
des travaux. Au bout de 6 mois, la traduction fut terminée. Grâce à cet effort,
on peut dire que la traduction grecque de la Bible est la plus fiable.
On peut dire que les deux Ptolémée firent renaître l’Égypte après une
longue décadence. Malheureusement, leurs descendants ne furent pas de
dignes successeurs. Les assassinats pour le pouvoir entre frères et sœurs
furent nombreux. Ce genre de crime n’était pas une exclusivité, mais en
Égypte, il devint systématique. Les rois Ptolémée se prenaient pour des
descendants des dieux égyptiens, puisqu’Alexandre le Grand les assimilait
aux dieux grecs. Ils vivaient selon les traditions des anciens pharaons et
épousaient souvent leurs sœurs. Toutefois, ils restaient grecs et mettaient en
position inférieure les Égyptiens vis-à-vis des colons grecs, installés très
nombreux dans le pays.
On ne peut pas passer sous silence le rôle joué par quelques épouses
(sœurs) des Ptolémée. Plusieurs Arsinoé, Bérénice et Cléopâtre se rendirent
célèbres par leur « divinité », par leur pouvoir ou par leur cruauté. Arsinoé II,
sœur et épouse de Ptolémée II, fut divinisée par le peuple. On l’identifia à Isis
et lui construisit plusieurs temples. La célèbre Cléopâtre VII fut le dernier
pharaon de la dynastie Ptolémée.
On juge sévèrement les 350 ans de pouvoir des Ptolémée et surtout de leurs
épouses, à cause de leur cruauté et de leur vie de débauche. Toutefois, on ne
doit pas oublier que cette période était pratiquement une renaissance des
civilisations égyptiennes et grecques en plein déclin.
Comme les anciens pharaons, les Ptolémée construisirent dans la vallée du
Nil des temples et des palais d’une richesse extraordinaire, où ils combinaient
les arts égyptiens et grecs. Toutes ces nouvelles constructions étaient
décorées avec de magnifiques statues et peintures grecques. Les deux styles
allaient si bien ensemble, comme si c’était un seul, depuis toujours. Il était
impensable de les dissocier. Je pense que nous devons remercier les Ptolémée
pour tout cela. Aussi bien matériellement que culturellement, ils attiraient et
aidaient les artistes grecs à s’établir en Égypte. Ce milieu culturel attira
ensuite les meilleurs savants du monde aussi.
La construction des temples avait lieu probablement plus pour des raisons
de sécurité que par croyance. N’oublions pas que le peuple égyptien très
croyant ne se révoltait jamais contre ses pharaons, même les plus cruels,
puisqu’ils étaient les fils des dieux. En construisant des temples, les Ptolémée
justifiaient leur divinité devant les Égyptiens qui, sans cela, n’auraient pas
supporté la domination grecque et le comportement méprisant des
colonisateurs. Grâce à ces temples, ils obtenaient aussi la collaboration des
prêtres égyptiens qui gardaient avec les Ptolémée leur ancien pouvoir et leur
richesse.
On peut se demander pourquoi les Grecs méprisaient les Égyptiens.
Pourquoi un tel sentiment de supériorité ? N’oublions pas que les Grecs
méprisaient depuis toujours tous les autres peuples, considérant qu’aucun ne
peut arriver à la cheville de la civilisation grecque. Tous ceux qui n’étaient
pas des Grecs étaient des « barbares ». Lorsque les premiers voyageurs grecs
parlaient de l’incroyable civilisation égyptienne, on admettait que cela
pouvait être une exception qui confirmait la règle. Cependant, dès qu’ils
arrivèrent victorieusement en Égypte, ils rendirent responsable de la
décadence le peuple égyptien, incapable, qui ne méritait donc aucun respect.
Les Carthaginois étaient plus habiles pour les batailles navales que les
Romains, mais très rapidement, ces derniers modifièrent le style de combat
classique en le transformant en lutte au corps à corps. Au lieu d’essayer de
couler les navires de l’ennemi en les harponnant, ils les attiraient contre eux
en y lançant des grappins, puis massacraient les marins mal armés pour ce
genre de batailles.
En 255, l’armée romaine débarqua en Afrique pour attaquer Carthage
directement sur ses terres. Toutefois, Carthage prépara bien sa défense avec
une énorme armée de mercenaires bien payés, qui écrasa les Romains et
tortura à mort leur chef, Regulus. Après sa victoire, durant 10 ans, Carthage
n’eut que quelques escarmouches en Sicile avec les Romains. Cependant,
Rome n’accepta pas sa défaite et prépara une nouvelle guerre. En 241, elle
chassa de la Sicile les Carthaginois et exigea une « indemnité » de guerre très
élevée, qui ruina Carthage pour de nombreuses années et l’empêcha de payer
des mercenaires. Rome lui prit même la Sardaigne, la privant ainsi de son
commerce méditerranéen.
En 221, avant notre ère, quelques années après la mort du général Barca,
on nomma Hannibal chef de l’armée carthaginoise. Cet homme de culture ne
pensait qu’à venger la défaite de son peuple.
J’ai décrit déjà la Chine il y a plus de 1 000 ans, durant la dynastie des
Shang qui lui permit de sortir de l’obscurantisme. Sous les Shang, la Chine
devint puissante, riche et civilisée, puis tomba dans la décadence.
Après les Shang, découpée en plusieurs régions, elle fut dominée par des
seigneurs. On pouvait comparer ces régions à des cités-États occidentales,
mais sans puissance. Bien entendu, dans ces conditions, la Chine était la proie
de ses voisins nomades, qui pouvaient la piller sans difficulté. Il n’y avait
plus de pouvoir central puissant pour leur résister. Cette situation instable
était un obstacle à toute possibilité d’évolution culturelle et économique. Je
peux rappeler pour l’exemple, que la Chine ne connut le fer qu’au Ve siècle
avant notre ère, alors qu’il était déjà connu depuis 1 000 ans en Mésopotamie.
Et la seule motivation de le connaître enfin, était seulement la nécessité de
disposer d’armes en fer contre les envahisseurs bien armés.
La Chine abandonnée et exploitée se réfugia dans le confucianisme pour
trouver un peu d’ordre et de moralité dans la vie. La philosophie de
Confucius devint une véritable religion.
Pendant que les autres seigneurs s’affaiblissaient en se battant entre eux
plus que contre les envahisseurs, le royaume Qin (ou Tsin) renforça de plus
en plus son pouvoir et construisit des murs tout autour de sa cité pour se
protéger. Enfin, Qin Shi Huangli vainquit ses voisins, unifia les royaumes,
centralisa le pouvoir et fonda le premier Empire chinois en 221 avant notre
ère. Le nom « Chine » provient de Qin ou de Tsin.
Après la mort de Qin Shi Huangli, son fils fut désigné comme successeur.
À cause de son très jeune âge, sa mère assura la régence avec l’aide
d’eunuques. Je dois rappeler que les eunuques étaient très respectés et
disposaient de statuts spéciaux. Inaptes à la vie sexuelle, on les prenait pour
des êtres à part, voire supérieurs, disposant de pouvoirs exceptionnels. Eux
seuls pouvaient circuler librement dans les zones masculines et féminines du
palais. Ils assuraient donc la liaison entre les femmes et l’empereur, dont ils
étaient les conseillers et les plus fidèles serviteurs. À cause de cet avantage,
ils étaient jalousés et haïs par les hauts fonctionnaires du palais. Dans ces
conditions, il était normal que l’empire perdît sa puissance après la mort de
Qin Shi Huangli, d’autant plus qu’à cause du jeune âge des futurs héritiers,
c’étaient souvent les eunuques haïs qui gouvernaient le pays avec les reines
mères.
La dynastie Han
L’EMPIRE ROMAIN
C’est à ce moment-là que le général Pompée, son ami, se fit remarquer par
ses campagnes militaires. Seul le richissime Crassus s’opposa à son pouvoir
au Sénat. Pompée n’insista pas. Il reprit ses campagnes victorieuses pour
augmenter sa popularité, en attendant son temps. Il rétablit l’ordre en
Méditerranée, puis écrasa la révolte des esclaves menés par Spartacus, en 71
avant notre ère. Il fit crucifier 6 000 esclaves en représailles. Après cette
victoire, on le nomma consul.
Je dois rappeler, sans vouloir diminuer ses succès militaires, qu’il était très
rusé et ambitieux. Il laissait se battre les autres généraux et il n’intervenait
dans la bataille que lorsque la victoire était sûre. Ainsi, il s’attribuait les
grandes victoires, oubliant les autres. On ne connaissait que son nom.
À son retour à Rome, il fut ovationné comme César et obtint, comme lui,
tous les titres et tout le pouvoir. Il ne s’en contenta pas. Comme fils du divin
César, il se fit appeler César Octave, puis en 27 avant notre ère, il prit le nom
d’Auguste, utilisé seulement pour les dieux. Mais l’immense empire ne
pouvait pas être gouverné selon la tradition républicaine, puisque tous les
grands généraux ne rêvaient que de pouvoir. C’est ainsi qu’une fois le
pouvoir centralisé par Octave, la République romaine devint l’Empire
romain, et le nom César symbolisa le titre de son empereur, admis à
l’unanimité.
Je dois reconnaître que, durant son long règne, jusqu’à sa mort en 14 après
notre ère, Octave resta un fidèle serviteur de Rome. Il réactualisa et modifia
les lois. Il mit fin aux guerres civiles et agrandit son empire, sauf vers l’est,
où il fut arrêté par les invincibles Parthes. Il consacra aussi beaucoup
d’énergie au développement de la culture et des arts de Rome. Il mérita,
indiscutablement, le titre d’Auguste.
Je dois noter que nous passâmes durant son règne de la période « avant
notre ère » à celle « après notre ère », ou « après Jésus-Christ » (ap. J.-
C.), qui commença avec la naissance de Jésus-Christ.
Empire romain sous le règne d’Octave
ANTIQUITÉ II
(Période après Jésus Christ)
Ainsi, les Romains prenaient comme point de départ pour leur calcul la
date de la fondation de leur empire qui, bien que sans certitude, était estimée
à 753 avant notre ère. La civilisation de l’Indus (presque disparue à cette
époque) donnait comme date 3002 à la naissance de Jésus. De même, pour les
Égyptiens et les Chinois, nous étions aux environs de l’an 3000. Ces peuples
calculaient le temps depuis le début leur histoire, donc depuis l’Antiquité. Les
Juifs, qui voulaient être les plus précis, prenaient pour point de départ la
« création du monde », calculée selon les données de la Bible (laquelle, étant
le livre de Dieu, ne pouvait pas se tromper). À la naissance de Jésus, ils
donnaient comme date 3761. Ils oubliaient, cependant, qu’avant la
découverte de l’écriture, les évènements décrits dans la Bible, transmis de
bouche à oreille, ne pouvaient pas donner de dates précises (sans parler de
l’ignorance de nos ancêtres préhistoriques vieux de plusieurs millions
d’années). Ce peuple « élu de Dieu » était persuadé de l’exactitude de toutes
les paroles de la Bible, même celle selon laquelle Dieu leur avait donné la
terre d’Israël !
Il existe aussi des calculs plus récents, d’origine religieuse ou historique.
On ne doit pas ignorer le calendrier bouddhiste qui commence avec la mort
de Bouddha, en 483 avant notre ère. De même, on doit rappeler le calendrier
musulman qui commence en 622 ap. J.-C., l’année de la fuite de Mahomet à
Médine.
On peut, enfin, citer l’éphémère calendrier républicain français qui entra en
vigueur en 1793.
À LA RECHERCHE DE JÉSUS
Mais qui était donc Jésus Christ, dont l’existence eut une telle influence
sur la suite de l’histoire de l’humanité et dont le nom sert de point de départ
pour les calculs de dates ?
Mais revenons à l’histoire de Jésus. Peu après la mort de Jean, Jésus arriva
parmi ses disciples. D’un jour à l’autre, il devint célèbre. Il prit avec lui
douze des anciens disciples de Jean (faisant penser aux douze tribus du
peuple juif) qui ne le quittèrent plus. Ils l’appelaient fils de Dieu, puisqu’il
faisait quelques miracles et que Jean aussi, l’avait appelé ainsi. Il disait qu’il
venait pour sauver le monde. Il prêchait le royaume de Dieu et la vie éternelle
après la résurrection.
Souvent, beaucoup de gens se réunissaient autour de lui pour l’écouter.
Une fois, une foule immense l’écouta toute la journée sans manger. Ses
disciples n’avaient que très peu de pain avec eux. Jésus en demanda un et
partagea avec la foule. Tout le monde put manger à sa fin et, à la fin de ce
repas, on ramassa plusieurs paniers de miettes.
Une histoire semblable se produisit aussi aux noces de Cana. Jésus
transforma l’eau en vin, qui commençait à manquer au milieu de la fête.
On parlait aussi beaucoup de la pêche miraculeuse au cours de laquelle ses
disciples attrapèrent une quantité phénoménale de poissons. On le vit aussi
marcher sur l’eau, guérir les malades, des lépreux et des aveugles. Son plus
grand miracle fut cependant de ressusciter Lazare, mort depuis plusieurs
jours.
Jésus attirait les enfants, les faibles et les persécutés. Il pardonnait aux
pécheurs, qu’il appelait brebis égarées. Il protégeait les pauvres et les
abandonnés. Mais il condamnait sévèrement les avares qui ne voulaient pas
aider les pauvres.
À peine deux ans après la mort de Jean-Baptiste (en 28), Jésus était déjà
très connu parmi les Juifs. Tout le monde connaissait ses miracles et ses
actions. Sa popularité déplaisait aux prêtres juifs, surtout lorsqu’il chassa les
marchands du temple de Jérusalem, de la maison de Dieu.
Les avis des trois partis divergeaient à son sujet. Les saducéens le jugeaient
trop révolutionnaire et le condamnaient très sévèrement. Certains pharisiens
l’approuvaient, sans toutefois admettre sa divinité. Paradoxalement, les
zélotes le défendaient et, en même temps, ils furent responsables de sa mort.
En effet, c’est eux qui l’appelaient roi des Juifs, qui devint, par la suite, la
principale accusation contre lui.
Les prêtres demandèrent à Pilate son arrestation pour incitation à la révolte,
dans l’intérêt de l’ordre et de la religion. Ils mirent ainsi fin à ses activités.
Jésus se trouvait au mont des Oliviers, avec ses disciples, lorsque les
soldats arrivèrent pour l’arrêter. Comme ils ne le connaissaient pas, un de ses
disciples, Judas le traître, l’embrassa pour le faire connaître aux soldats. Les
autres disciples dirent qu’il le fit pour de l’argent. Judas regretta plus tard sa
trahison et se suicida.
On accusa Jésus de se dire fils de Dieu et roi des Juifs. Or, c’étaient les
zélotes qui l’appelaient ainsi. Le premier « titre » était un blasphème et le
deuxième un crime contre l’ordre gouvernemental. Pilate proposa la grâce,
mais les prêtres exigèrent la peine de mort. Comme il ne voulait pas
contredire les prêtres, il condamna Jésus à la crucifixion.
Les disciples se cachaient de peur d’être persécutés. Mais plus tard, ils
annoncèrent que Jésus était ressuscité et leur avait montré ses blessures. Il
leur avait dit de se disperser dans le monde et de prêcher, comme lui, le
royaume de Dieu et la vie éternelle après la résurrection. Il confia la direction
de son Église à Pierre, qui devint ainsi le premier chef (pape) de la chrétienté.
Si vraiment il n’existe qu’un seul dieu, mais que chaque religion l’imagine
et l’adore à sa façon, cela ne veut pas dire qu’il est le dieu des chrétiens ou
des juifs, et les autres se trompent. Pourquoi ne serait-il pas le dieu de tous les
peuples ? Comment ose-t-on prétendre avec certitude qu’il faut l’adorer selon
les rites juifs ou chrétiens ? C’est injurieux pour les autres peuples et pour les
autres religions monothéistes. N’oublions pas que les plus grands peuples
civilisés de l’Antiquité avaient plusieurs dieux, mais ils ne les avaient pas
imposés aux autres peuples. Dans l’Empire romain (comme en Égypte, en
Chine et chez les Grecs), on laissait adorer librement tous les dieux de tous
les peuples. On ne persécutait personne pour cela. On ne les traitait pas de
païens ou d’infidèles les autres. On ne se moquait même pas d’eux. Il fallut
que les chrétiens arrivent pour perturber cet ordre en annonçant qu’eux seuls
détenaient la vérité et que leur dieu seul était le vrai !
Jésus avait une sorte de magnétisme sur ses disciples et sur tous ceux qui
l’écoutaient. Tout le monde le suivait aveuglément. Il ne disait que la vérité.
Le monde aurait été différent, si on l’avait écouté. Tout ce qu’il disait était
logique et juste. D’autres sages et prophètes l’avaient déjà dit avant lui, mais
dans des circonstances différentes. Il nous disait de nous aimer, de croire en
Dieu, de l’aimer et de l’adorer (je dirais plutôt respecter). Mais il ne dit
jamais comment on devait adorer Dieu ! Ce fut l’invention de ses
disciples.
Toutes les religions monothéistes adorent et vénèrent leur dieu unique à
leur façon. Dieu étant le même, c’est donc la seule différence entre les
religions qui les pousse à s’entre-tuer. Ce serait si simple de reconnaître et de
vénérer Dieu et de vivre honnêtement, dans l’amour, dans le respect d’autrui,
sans méchanceté, sans haine. Dieu serait tout à fait satisfait et n’aurait pas
puni si souvent son peuple juif, non plus.
Jésus avait confié son Église à Simon, un de ses disciples, en lui disant :
Tu es Pierre, la roche, sur laquelle je bâtis mon Église.
Peu de temps après sa mort, Jésus apparut à Saul, soldat romain d’origine
juive, persécuteur des chrétiens et le convertit au christianisme. Celui-ci prit
le nom de Paul et devint le plus fervent missionnaire. Jacques le tolérait
difficilement, puisqu’il ne restait pas parmi les Juifs et recrutait les nouveaux
chrétiens parmi tous les peuples. Il disait que l’origine ne compte pas et que
la seule condition pour devenir chrétien et ressusciter après la mort, est d’être
baptisé. Comme missionnaire, il parcourut l’Empire romain (Asie Mineure,
Grèce, Espagne, Rome, etc.) et prêcha les enseignements de Jésus en
s’adressant à tous les peuples des pays de l’Orient de l’Empire romain, sans
exception. Il n’était ni un chef, ni un organisateur, mais il avait un pouvoir
magnétique pour attirer de nombreux nouveaux fidèles à sa religion.
Lors de sa première mission (45-49), il parcourut l’Anatolie et l’île de
Chypre, où tout le monde le suivit. Il alla ensuite à Jérusalem où Jacques et
ses fidèles le reçurent très froidement, puisqu’il ne convertissait pas
seulement les Juifs, mais aussi les païens. Il n’y resta pas longtemps, jugeant
malsain le climat de la communauté chrétienne, dont les membres,
pourtant peu nombreux, se scindaient déjà en plusieurs sectes. Il ne
devait pas s’entendre, non plus, avec le triumvirat de Jacques. Il reprit donc
ses prêches en dehors d’Israël.
Les voyages de saint Paul
Le nombre de ses disciples augmenta très vite dans le monde, tandis que
ceux de Jacques et de Pierre restaient limités à Jérusalem. On peut dire donc
que Paul fut le véritable fondateur du christianisme.
Entre 50 et 58, il parcourut plusieurs fois l’Anatolie et la Grèce, où il
retrouva sur son chemin les missionnaires de Jacques qui critiquaient
ouvertement ses méthodes. Ils étaient très dynamiques et excellents
organisateurs. Ils arrivèrent jusqu’à Rome. Petit à petit, ils réalisèrent que le
christianisme attirait surtout les pauvres et que Paul avait raison d’accepter
tout le monde. Ils l’invitèrent donc à Rome, où ils avaient besoin de lui. Paul
accepta leur invitation, mais auparavant, il voulait repasser à Jérusalem. Il y
fut reçu avec beaucoup d’hostilité par Jacques et ses disciples, qui le
menacèrent. L’autorité locale dut le protéger contre les agressions
personnelles en l’arrêtant comme agitateur. Il fut emprisonné à Sidon, où il
exigea d’être jugé à Rome, puisqu’il était citoyen romain. En 62, il fut donc
transporté à Rome comme prisonnier, mais où il put vivre librement dans la
communauté chrétienne jusqu’à son procès.
***
Dans mes pages précédentes, j’ai souvent employé le mot prophète, sans
définition. On peut donc se demander ce que ce mot signifie. On le trouve
dans la traduction grecque de la Bible, où il est utilisé pour désigner les
hommes choisis par Dieu, chargés de missions sur la Terre, à ne pas
confondre avec les anges, êtres célestes qui ne sont envoyés sur la terre
qu’exceptionnellement. Leur rôle est de transmettre aux hommes les
messages de Dieu. Selon l’importance de leur mission, on peut distinguer de
« grands prophètes » (Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Daniel) et de « petits » (Joël,
Jonas, Habacuc, Zacharie, etc.). Je n’ai pas l’intention de parler d’eux. Je ne
parle ici que des plus grands, des fondateurs de religion(s) monothéiste(s). La
Bible les désigne différemment, mais je reste fidèle à la définition du mot et
je les appelle donc prophètes, puisqu’ils furent élus de Dieu pour exécuter
leur mission.
Dieu aurait pu en choisir un seul pour fonder l’Église monothéiste puisque,
par définition, on ne peut en avoir qu’une seule. Mais il devait estimer que,
périodiquement, il fallait rénover son Église avec l’aide des prophètes, afin de
l’adapter à l’évolution des hommes et à leur façon de vivre (il devait penser à
Jonas qu’il choisit bien avant Abraham et peut-être encore trop tôt, pour
effectuer cette même tâche, mais avec peu de succès).
Six siècles après Jésus, Mahomet fonda l’Islam, religion monothéiste qui
convenait bien aux habitudes des nomades arabes, tout en restant ouverte à
tous les autres peuples. Mahomet reconnut la Bible et considéra Jésus comme
un prophète.
Je ne veux pas parler ici de l’histoire bien connue de Rome, trop longue et
trop connue. Il faut cependant rappeler quelques évènements importants
avant sa chute, qui mit officiellement fin à l’Antiquité.
La mort d’Octave n’affaiblit pas Rome, forte et bien organisée par cet
empereur exceptionnel.
Son successeur, Tibère Claude, fut digne du titre d’Auguste qu’il prit en
accédant au pouvoir. Malgré les complots et les assassinats dans son
entourage, il renforça son pouvoir et son empire qui ne cessait pas de grandir.
Son successeur, Caligula, tenait aussi au titre d’Auguste, mais ne le
méritait pas. Le pouvoir lui monta à la tête et seule sa cruauté le rendit
célèbre. On dit qu’il nomma consul son cheval pour montrer son mépris ! En
peu de temps, il perdit la confiance de son entourage. Le Sénat et même le
peuple le détestaient. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été assassiné après
quatre années de règne.
Claude lui succéda sur le trône. C’était un vieux militaire très aimé et
apprécié, mais qui n’avait aucune expérience du pouvoir et de la gestion de
l’immense empire. Toutefois, il savait choisir ses conseillers pour l’aider.
Rapidement, il mit de l’ordre dans son empire et il arriva même à mettre fin
aux émeutes et guerres civiles habituelles. Il dépensait beaucoup d’énergie (et
d’argent) pour embellir Rome et pour renforcer ses frontières. Il ne chercha
pas à agrandir, mais à consolider son empire. Après sa mort, son fils
Britannicus devait lui succéder, mais sa deuxième femme, Agrippine, mit sur
le trône son fils Néron âgé de 16 ans, issu de son premier mariage, avec l’aide
de l’armée et de ses amis.
Néron
Trajan fut un très grand chef militaire. Durant ses 20 années de règne (98-
117), les frontières de l’Empire romain dépassèrent toutes les précédentes. Il
rattacha à Rome l’Arménie, la Mésopotamie, l’Arabie et la Dacie. Il fut aussi
un bon gestionnaire et un grand bâtisseur qui aimait l’art. Il fit construire à
Rome le monument en souvenir de la victoire de Dacie.
Hadrien
Dèce, durant son court règne (249-251), se rendit célèbre par la persécution
officielle des chrétiens, que son successeur, Valérien, poursuivit assidûment.
Malgré ses « empereurs soldats », Rome perdit le Nord de l’Europe et la rive
gauche du Danube.
Constantin
Théodose
Vers la fin de l’Antiquité, durant plus d’un siècle, l’Empire romain sur son
déclin devint le passage libre des peuples déplacés de leurs pays. Comme je
le disais déjà au sujet des Celtes, durant l’Antiquité, de nombreuses tribus
germaniques migrèrent de l’Europe du Nord vers le Sud, mais elles
s’arrêtèrent aux frontières de l’Empire romain. Les Goths, les plus
nombreux, s’installèrent en Ukraine orientale et y fondèrent leur royaume,
tandis que les Francs, Alamans et Vandales dispersés, restèrent plus à
l’ouest. Mis à part quelques escarmouches et pillages occasionnels, on peut
dire qu’ils vivaient en paix et commerçaient avec les Romains, qui les
appelaient « barbares », n’étant ni Grecs, ni Romains.
Au début du IVe siècle, les Goths se séparèrent en deux grands groupes
géographiques. Les Goths de l’Est, appelés Ostrogoths, restèrent en Ukraine,
alors que ceux de l’Ouest, appelés Wisigoths, s’infiltraient dans les Balkans,
avec l’autorisation de l’empereur romain. Ils y adoptèrent le christianisme.
Cette paix relative fut perturbée par l’arrivée des Huns en Europe, chassés
d’Asie centrale par les Chinois. En effet, elle déclencha la migration vers
l’Occident des peuples établis sur leur passage. On peut parler d’une réaction
en chaîne, d’un « mouvement de domino », où chaque peuple poussait de
plus en plus loin son voisin occidental.
Les Ostrogoths furent les premières grandes victimes des Huns, qui les
écrasèrent en 374, ouvrant ainsi la voie vers l’Occident. Comme la plupart
des peuples vaincus, les Ostrogoths s’allièrent aux Huns et les suivirent
jusqu’au bassin des Carpates, en Pannonie, qui devint le siège de leur
immense territoire. Les Huns organisaient de là leurs raids vers l’ouest et vers
l’est, dont je parlerai plus loin.
Les Wisigoths prirent possession des Balkans puis, après plusieurs années
de pillage, remontèrent vers l’Italie du Nord, où ils s’installèrent. Leur roi
Alaric voulut négocier une cohabitation pacifique avec l’empereur Honorius,
mais devant le refus de ce dernier, il envahit et pilla Rome en 410, sans
toutefois détruire la ville. Craignant l’attaque des Huns, les Wisigoths
repartirent le plus loin possible vers l’ouest avec leur butin et fondèrent leur
royaume dans le Sud-Ouest de la France. C’était le premier royaume
germanique sur le territoire de l’Empire romain. Athaulf, successeur du roi
Alaric (mort après le sac de Rome), épousa la fille de l’ancien empereur
romain et fit de son peuple un fidèle allié de l’Empire pour plusieurs
générations. Cependant, un siècle plus tard, sous la pression des Francs, les
Wisigoths durent quitter leur royaume et s’installer en Espagne.
Migration des barbares
Poussés par les Huns, les Vandales, suivis de quelques tribus alamanes et
suèves, traversèrent et pillèrent toute l’Europe jusqu’à l’Espagne, où ils
s’établirent en 409. Ils partagèrent et pillèrent en toute tranquillité, durant une
dizaine d’années, ce pays faisant partie de l’Empire romain. Rome envoya
contre eux les Wisigoths, ses puissants alliés qui, en très peu de temps, les
exterminèrent ou les chassèrent d’Espagne. Les rescapés traversèrent le
détroit de Gibraltar et s’installèrent en Afrique du Nord, faisant partie de
l’Empire romain, mais mal protégée, à cause de son éloignement. Les
Vandales ne rencontrèrent presqu’aucune résistance. Les autorités romaines
leur abandonnèrent l’ouest de l’Afrique du Nord, mais leur roi Genséric ne
s’en contenta pas. Petit à petit, il prit possession des colonies romaines. En
439, il prit Carthage, que les Vandales gardèrent ensuite durant un siècle. On
doit noter que, contrairement à leurs habitudes destructrices européennes, qui
les rendaient tristement célèbres, dans les colonies africaines, ils conservaient
tous les vestiges et coutumes romains. C’était leur nouveau pays qu’ils
appréciaient beaucoup.
Les Chinois parlèrent la première fois des Huns au IIe siècle avant notre
ère. Ces cavaliers exceptionnels envahissaient et pillaient régulièrement le
Nord de la Chine, sans y rencontrer aucune résistance, puis se retiraient hors
des frontières. Il faut dire que l’armée chinoise arrivait toujours trop tard et
que les Huns avaient largement le temps de partir avec leur butin facile. Ils
étaient célèbres par leur agilité et par leur rapidité. Leurs incursions
fréquentes durèrent jusqu’à la prise du pouvoir de Wendi, dont la première
action fut le renforcement des frontières.
Wendi renforça d’abord la muraille de Chine, puis forma des cavaliers
rapides, selon l’exemple des Huns, qu’il installa aux frontières du nord. En
peu de temps, ces cavaliers chinois (très nombreux) arrivèrent à faire face aux
Huns, voire à les poursuivre hors des frontières. Les Huns préféraient donc
les pillages plus faciles, ailleurs. Deux siècles plus tard, ils durent même fuir
vers l’ouest, chassant devant eux les Scythes, les Allains, puis les Goths qui,
à leur tour, poussèrent les tribus plus faibles. Petit à petit, ils s’installèrent au
sud de l’Oural, entre les mers d’Aral et Caspienne. Ils purent y entrer en
contact avec des Hongrois déjà installés. Une grande partie des Huns (appelés
Huns blancs) descendirent vers le sud et s’installèrent à Bactriane, d’où ils
partirent piller régulièrement, durant 2 siècles, les pays voisins, jusqu’au
Gange. Les autres allèrent vers l’ouest et fondèrent un immense empire qui,
au IVe siècle, s’étendait de la mer d’Aral jusqu’à l’Europe centrale. On dit que
quelques tribus hongroises les suivirent jusqu’au bassin des Carpates et s’y
installèrent. Ce seraient les « premiers fondateurs » de la Hongrie. Les Huns
devinrent très célèbres à la fin du IVe siècle en battant les Allains, puis les
Goths et en soumettant l’Empire d’Occident au paiement de lourds tributs. Le
siège de leur empire se trouvait en Pannonie, près du Danube. Ils organisaient
de là leurs raids vers l’ouest et vers l’est.
Attila fut leur chef le plus célèbre. Durant son règne de 20 ans, l’Empire
des Huns s’étendit de l’Oural jusqu’au Rhin. Il entretenait de bonnes relations
avec les Romains qui le respectaient et le craignaient. Il faut savoir qu’Attila
était très cultivé, parlant plusieurs langues, ayant été élevé à la cour de
l’empereur romain. C’était une tradition entre les rois d’envoyer leurs fils
chez les voisins pour parfaire leur éducation. Durant longtemps, ce fut une
garantie de paix entre les empires des Huns et des Romains.
Attila avait déjà 40 ans à la mort de son père Mundzuk, en 434. Il partagea
d’abord le pouvoir avec son frère, jusqu’à la mort de ce dernier, puis régna
seul sur son immense empire, dans son palais, au bord du Tisza, vers la ville
de Szeged actuelle. Chaque année, il organisait des raids vers l’Europe
occidentale, dont le seul but était la prise de butin. Ses principales victimes
étaient les Goths et les tribus germaines qu’il terrorisait. Son nom figure dans
les légendes germaines, où on l’appelait « le fléau de dieu ». Des « témoins
oculaires » dirent aussi que, durant les raids, les cavaliers huns ne s’arrêtaient
même pas pour manger. Tout en chevauchant, ils taillaient un morceau de la
cuisse de leurs chevaux et le mangeaient cru. En réalité, ces cavaliers
mettaient souvent quelques gros morceaux de viande crue sous leur selle pour
l’attendrir et en mangeaient occasionnellement sans s’arrêter.
Après la mort d’Attila, ses trois fils se battirent entre eux pour le pouvoir,
en perdant tout. Ellak et Dengizik moururent et Irnik, le plus jeune, dut fuir
avec son armée vers l’est. Ils s’établirent au Caucase, au nord de l’Arménie,
en Lévédie, où ils auraient fusionné avec des tribus hongroises. Peut-être, est-
ce la raison pour laquelle certains disent que les Huns étaient des frères des
Hongrois.
Selon les historiens byzantins, Irnik devint roi des Bulgares. Mais que
devinrent les très nombreux Huns de l’Empire ? Ils disparurent de l’histoire !
La seule explication possible est que c’était un peuple très hétérogène, formé
de nombreuses tribus d’origine commune ou très proche (y compris quelques
tribus hongroises), partageant le même goût de la guerre, qui adorait et
suivait aveuglement son chef. Son chef disparu, le peuple cessa d’exister en
se dispersant et fusionnant avec des peuples voisins. Attila mort, ses fils, trop
faibles, étaient incapables de se faire obéir comme leur père. Cependant, il ne
faut pas oublier non plus que tous les peuples européens écrasés et pillés
durant des décennies, commençaient à s’organiser pour se défendre. Attila
même perdit une bataille en 451 contre une coalition bien organisée.
Il est intéressant de remarquer que l’Empire des Huns et l’empire des Huns
blancs en Inde disparurent simultanément, sans laisser de trace.
Avant de quitter l’Antiquité, je dois dire encore quelques mots des trois
grands peuples d’Amérique centrale qui connurent en même temps leur âge
d’or. Ces trois peuples pacifiques, descendants probables des Olmèques,
avaient la même religion, le même style de constructions et les mêmes
coutumes, malgré leur isolement. Ils avaient peur cependant de l’influence
des peuples voisins et tenaient à leur indépendance.
ÉPILOGUE
L’Antiquité, la plus longue période de l’histoire écrite, se termina avec la
chute de l’Empire romain d’Occident en 476. Pourquoi a-t-on choisi la date
de cet évènement ? C’est aussi inexplicable pour moi que le choix de la date
de naissance de Jésus pour le tournant de notre ère. Quelqu’un décida ainsi,
puis tout le monde le suivit.
C’était une période extraordinaire. En 5 000 ans à peine, l’homme de l’âge
de pierre devint savant et artiste. Son évolution fut très rapide. Sortant des
grottes et des cabanes, il construisit de magnifiques palais et des monuments
avec des connaissances et techniques inexplicables. Il immortalisa ses
souvenirs et son histoire par diverses écritures inventées, souvent très
difficiles, voire impossibles à déchiffrer. Sa vie aurait pu être magnifique, s’il
n’avait pas gaspillé son énergie parallèlement à la modernisation des armes
aussi. Mais il n’aurait pas été « l’homme ». Durant l’histoire de l’humanité,
on ne connaît que très peu de peuples qui ne pensaient pas à la guerre.
Bien qu’il n’en reste aujourd’hui que peu de traces et seulement des
descriptions grecques, on ne peut pas quitter l’Antiquité sans citer les « sept
merveilles du monde », sélectionnées au IIIe siècle par Philon, savant
byzantin, parmi les chefs d’œuvres babyloniens, égyptiens, grecs et romains.
***
Je ne veux pas reparler ici de détails déjà développés dans les chapitres
précédents, mais je ne peux pas quitter l’Antiquité sans parler de l’Atlantide,
l’un des plus grands mystères de l’histoire. Bien que son existence
hypothétique remontât à la préhistoire, on n’en parla que dans l’Antiquité. Il
n’y a aucune preuve de son existence, mais de son inexistence non plus. Dans
ce livre, je parle surtout de souvenirs historiques, d’évènements vécus. Mais
comme j’ai aussi parlé de la mythologie et de la Bible, je peux parler
également de l’Atlantide.
Je dois rappeler aussi dans cette conclusion que les tribus hongroises
dispersées dans le monde depuis la préhistoire se retrouvèrent enfin à
nouveau à la fin de l’Antiquité, pour former un grand peuple.
Trois siècles plus tard, un vieux prêtre égyptien parla à Solon des écrits
trouvés (!), racontant l’histoire et la disparition de l’Atlantide. On ne saura
jamais ce qu’il raconta exactement, car il fallut attendre encore un siècle pour
que Platon, philosophe grec, écrivit son histoire telle qu’il l’entendit des
descendants des élèves de Solon, de Timée et de Critias. Donc, l’origine
décrite de l’Atlantide fut l’œuvre de Platon. Les autres œuvres, très
imaginaires, sont sans intérêt.
Il faut aussi se méfier de la description de Platon. Étant philosophe,
l’existence de l’Atlantide et sa structure sociale étaient pour lui un bon sujet
de discussion avec ses élèves. Il imaginait que, dans un État aussi développé,
disposant d’une très grande culture et de connaissances scientifiques très
avancées, tous les problèmes sociaux et politiques devaient être résolus. Avec
ses élèves il imagina toutes les possibilités, se disant que les meilleures
étaient sûrement appliquées en Atlantide. À partir de ces hypothèses, il
décrivit la structure et la vie imaginée des Atlantes. Il parla même de sa
structure parfaite, avec des voies parallèles et des constructions idéales, pour
loger confortablement plus de 20 millions d’habitants. Selon lui, l’Atlantide
s’étendait sur trois îles énormes. Les sciences atteignirent là le sommet de
leur perfection, inégalable à jamais dans nos civilisations. Les Atlantes,
descendants privilégiés des dieux, connaissaient des matériaux et des métaux
que nous ne connaîtrons jamais. Poséidon, leur ancêtre, leur avait donné des
connaissances surhumaines. Toujours selon Platon, les Atlantes étaient des
hommes blonds de grande taille, avec un nez aquilin et des cheveux roux.
Leurs rois habitaient dans des palais extraordinaires, au centre des villes
principales. Ces demi-dieux parcoururent le monde autour d’Atlantide et y
établirent des colonies. Les civilisations de l’Antiquité seraient issues de ces
anciennes colonies, plusieurs milliers d’années plus tard. On cita même la
ville de « Saïs » du delta du Nil, comme ancienne colonie atlante, dont la
déesse protectrice s’appelait Neith, devenue Athéna chez les Grecs. Leurs
dieux mêmes seraient d’anciens Atlantes. Tout était parfait chez les Atlantes,
selon Platon. Mais je voudrais bien connaître le récit exact du prêtre égyptien
pour pouvoir éliminer les inventions de Platon et ne garder que la réalité.
Selon les calculs de Platon, basés sur le récit égyptien, l’Atlantide disparut
9 000 ans avant notre ère au fond de l’océan, après une catastrophe
naturelle qui pouvait être une éruption volcanique, un raz de marée ou la
chute d’une météorite. Cela devait être la punition des dieux qui contrôlaient
tous les éléments de la nature. Comment aurait pu disparaître autrement ce
monde habité par des demi-dieux ? Platon pensait qu’après des milliers
d’années de vie paisible, les Atlantes voulaient détruire « les empires
d’Orient » moins civilisés, y compris les îles grecques protégées par les
dieux. En quelque sorte, c’était une confrontation entre les dieux protecteurs
des mondes. Toutefois, dans son raisonnement, il y a une très grande erreur
chronologique, puisqu’à cette époque, il n’existait encore aucune civilisation
comparable autour de la Méditerranée. Ces civilisations n’apparurent que
6 000 ans plus tard, en Mésopotamie, en Égypte et dans la vallée de l’Indus !
Oublions donc la punition des dieux.
Je dois signaler que les Indiens parlaient aussi des continents engloutis.
Les Mayas situaient dans l’océan Pacifique un continent appelé Mû, disparu
après une éruption volcanique. Bien plus tard, les Aztèques parlèrent
d’Aztlan, engloutie dans l’océan Atlantique. D’après son nom, il serait
logique de situer l’Atlantide dans l’océan Atlantique. Toutefois, on la situa
aussi un peu partout : aux Açores, aux Bahamas et même dans la mer du
Nord. Selon les récits du prêtre égyptien, l’Atlantide était un continent ou un
archipel entouré de terres lointaines. Ces terres pouvaient être l’Europe et
l’Afrique à l’est, le Groenland au nord et les continents américains à l’ouest.
Qui ne rêva jamais d’un paradis terrestre, surtout si son existence peut
paraître possible ? Avec un peu de fantaisie, tout est possible. Personne ne
retrouva jamais les documents du prêtre égyptien, mais j’y crois. L’Atlantide
peut avoir existé, puisque les écrits égyptiens avaient toujours un fond de
vérité, même si cette vérité était déformée quelquefois selon l’intérêt des
scribes. Mais dans l’histoire de l’Atlantide, je ne vois aucun intérêt de fraude.
J’ai failli oublier le récit d’Hérodote, mon historien préféré. Il parla aussi
de l’Atlantide, quelques dizaines d’années avant Platon. Il devait avoir les
mêmes sources, les élèves de Solon. Toutefois, il la situa aux alentours des
montagnes Atlas, mais cela me paraît peu probable. En effet, dans cette
région, on trouva de nombreux vestiges préhistoriques. On aurait dû y trouver
donc des traces des Atlantes aussi, s’ils avaient vécu dans cette région.
La Bible fait aussi allusion aux « demi-dieux », fruit des rapports sexuels
entre des dieux et des femmes terrestres. C’est une question délicate puisqu’il
n’existe qu’un seul dieu selon ce même livre ! Cependant, moi, je peux me
permettre d’analyser les idées fantastiques et logiques concernant l’existence
éventuelle de l’Atlantide. Étaient-ce les créations du dieu biblique, les anges,
qui n’auraient pas pu résister aux charmes de nos femmes préhistoriques ?
Comment notre dieu si pudique pouvait-il fermer les yeux devant une telle
débauche, lui qui fut si sévère avec Adam ? Ses anges auraient dû montrer
une vie exemplaire ! S’ils n’étaient pas ses fils, existait-il plusieurs dieux,
contrairement à notre croyance monothéiste ? Étaient-ce les dieux de la
mythologie grecque ? Qui les avait créés ? D’où venaient-ils, comment
arrivèrent-ils sur notre Terre ? Sont-ils tombés du ciel ou venus d’une autre
planète ?
Depuis les Açores, vers le sud, à égale distance entre l’Afrique et les
Amériques, la profondeur de l’océan est limitée à quelques centaines de
mètres, sur plusieurs milliers de kilomètres. On peut imaginer aisément ici
l’Atlantide engloutie. Cependant, cette profondeur est encore trop grande
pour pouvoir l’expliquer avec la remontée du niveau des eaux au cours des
périodes de réchauffement de la Terre (maximum 120 m !) ou par une grande
éruption volcanique.
Un énorme glissement terrestre est imaginable, mais ce phénomène
n’aurait pas pu faire disparaître l’Atlantide en quelques heures et beaucoup de
ses habitants auraient pu se sauver pour repeupler les terres lointaines.
La chute d’une grande météorite aurait pu détruire l’Atlantide en quelques
minutes, sans laisser le temps à ses habitants de se sauver. Seuls quelques
voyageurs éloignés au moment de la catastrophe auraient pu survivre sur des
terres lointaines.
Au VIe siècle avant notre ère, les Hongrois unifiés dans leur premier pays,
déjà trop nombreux pour pouvoir y rester, se déplacèrent vers l’ouest, où ils
fondèrent leur nouveau pays, Magna Hungaria, entre l’Oural et la Volga. Ils
y restèrent durant 1 000 ans puis, poussés par des peuples se déplaçant de
l’est vers l’ouest, eux aussi, ils partirent vers l’ouest. Plus tard, ils s’arrêtèrent
au nord du Caucase, en Lévédie, où ils restèrent près de 2 siècles. Ils purent y
rencontrer d’autres tribus hongroises arrivées de la Perse.
Je dois dire quelques mots des peuples célèbres côtoyés durant leur
errance, des Scythes, des Huns, des Avares, des Khazars, etc. qui eurent
une grande influence sur les Hongrois. Certains n’étaient que des voisins,
d’autres des « cousins » plus ou moins éloignés. Ils appartenaient tous à la
même famille de langues ouralo-altaïque, facilitant l’entente dans la
cohabitation. Souvent, les Hongrois minoritaires étaient sous leur domination,
mais ils survécurent à tous ces peuples, même aux puissants Scythes, Huns et
Khazars, qui disparurent ensuite de l’histoire. Certains furent même absorbés
par les Hongrois. Depuis l’Oural, les Hongrois suivirent souvent le même
chemin qu’eux, jusqu’au bassin des Carpates, où ils s’établirent plus tard
définitivement.
INTRODUCTION
J’ai déjà parlé des Wisigoths, qui envahirent Rome en 410, sans toutefois
y rester. Puis arrivèrent les Ostrogoths, qui mirent fin à l’empire
définitivement en 476.
Entre les deux, les Vandales aussi envahirent Rome en 455, mais sans s’y
installer. Ils poursuivirent leur chemin jusqu’à l’Afrique du Nord. Arrivèrent
ensuite les Lombards qui s’installèrent dans la plaine du Pô en 568, chassant
les Goths. Presque en même temps, les Avars s’installèrent dans le bassin des
Carpates, après avoir chassé les Gépides. Après eux, il fallut attendre plus de
2 siècles pour voir arriver les Normands, les Vikings et les Varègues.
L’Italie fut occupée par les Ostrogoths durant des dizaines d’années. Ils
furent chassés en 553 par Justinien, empereur de l’Empire romain d’Orient
(appelé Byzance) qui voulait rétablir le grand Empire romain du passé. Il
reprit même le territoire des Vandales en Afrique du Nord en 554.
L’ORIGINE DE L’ISLAM
Les bases et les règles de l’islam sont définies dans le Coran, livre dicté
par Dieu à Mahomet, que l’on peut interpréter de différentes manières. Les
savants (ulémas) et les guides de l’islam (muezzins) assuraient la formation et
la pratique de l’islam chez les adeptes. L’islam impose à ses fidèles cinq
prières quotidiennes et certaines privations annuelles de trente jours
(ramadan).
Avant de parler de la propagation de l’islam, je dois dire quelques mots sur
son origine.
La propagation de l’islam
La dynastie des Omeyyades fut renversée en 750 et remplacée par celle des
Abbassides, dont Bagdad devint la capitale. Le règne des Abbassides dura
plusieurs siècles. L’islam gagna encore du terrain en Asie centrale, où les
Turcs, chassés par l’empire chinois, devinrent tous musulmans (ceci posa des
problèmes plus tard, car les Turcs aussi voulaient prendre le pouvoir). Au
nord toutefois, Byzance, aidée par les Khazars, résista à l’islam.
La culture des Abbassides fut aussi célèbre que leur puissance. Leurs
savants et artistes devinrent mondialement connus. Nous devons aussi à leurs
historiens une bonne connaissance de l’histoire du Moyen Âge.
Je devrais parler ici brièvement de la naissance et de la propagation de
l’islam, juste pour le faire connaître et pour montrer son importance dans
l’histoire. Mais plus loin, j’aurai encore souvent l’occasion d’en parler en
détail.
À la fin du VIe siècle, l’empire turc d’Asie centrale éclata en deux parties.
La partie orientale tomba sous la domination chinoise, mais la partie
occidentale, encore puissante, qui s’étalait vers l’ouest, absorba ou prit sous
sa domination les peuples de son immense territoire. Les Khazars aussi furent
ses vassaux durant quelque temps. Cependant, ce territoire était trop grand et
trop hétérogène pour pouvoir être gouverné longtemps sous cette forme.
Profitant de son affaiblissement, Kouvrat, chef des tribus bulgares, proposa
une coalition aux tribus hongroises et hunniques, se libérant ainsi de la
domination turque. Selon certains historiens, Kouvrat fut le dernier chef de la
dynastie des Huns, descendant direct d’Attila. Durant ses dizaines d’années
de règne, Kouvrat se battit souvent contre les Arabes qui envahissaient le
Caucase.
Après la mort de Kouvrat en 670, son royaume fut partagé entre ses fils qui
ne pouvaient pas garder sa cohésion et sa puissance. Les Khazars profitèrent
de l’occasion pour prendre le pouvoir, tout en laissant l’égalité et
l’indépendance des peuples de leur immense territoire, assurant ainsi la paix
interne. L’empire des Khazars devint très puissant, pouvant résister à toutes
les attaques venant de l’est ou du sud. On peut dire que l’Europe leur doit sa
chrétienté, car sans l’aide des Khazars, Byzance n’aurait pas pu empêcher
l’invasion musulmane.
Dans la deuxième moitié du VIIe siècle, trois grandes puissances se
partageaient le sud-est de l’Europe : les Byzantins chrétiens, les Omeyyades
musulmans et les Khazars, qui tolérèrent toutes les croyances sur leur
territoire. Byzance propageait pacifiquement le christianisme chez ses
voisins, sans toutefois obtenir de résultats chez les Khazars qui, pourtant,
furent ses alliés fidèles contre les musulmans. Les chrétiens et les musulmans
se battaient pour leurs religions, alors que les Khazars défendaient
l’indépendance de leur territoire. Le khagan des Khazars avait bien compris
qu’en optant pour l’une ou l’autre religion, il perdrait automatiquement son
indépendance. En effet, Byzance (Constantinople) était le centre de la
chrétienté orientale, dont le chef religieux était l’empereur, et Bagdad, celui
de l’islam, dirigé par le calife. Le khagan aurait été le vassal volontaire de
l’un ou de l’autre, malgré sa puissance.
Dans son empire hétérogène, toutes les tribus étaient égales et
indépendantes, libres de choisir et de pratiquer n’importe quelle religion. Le
khagan n’imposait que le pouvoir central, qui protégeait toutes les tribus de
son territoire, dirigées par leurs propres chefs. Ces tribus étaient dispersées,
sans former d’État ou de nation homogène.
Les Khazars vivaient selon les coutumes des peuples d’Asie, mais ils
étaient aussi influencés par la culture byzantine. Ils bâtirent des villes avec
des bâtiments luxueux, en pierre et en brique, à l’aide des architectes
byzantins, mais où ils n’habitaient qu’en hiver. En été, seuls les chrétiens, les
juifs et les musulmans (commerçants, artisans) restaient en ville. Les Khazars
préféraient vivre dans les steppes, sous les tentes, près de leurs dieux de la
nature. Leur célèbre capitale, Sarkel, fut construite au coude du Don.
Ils appelaient khagan leur chef. En réalité, ils avaient toujours deux
khagans. Le Grand Khagan était leur chef suprême, vénéré comme un dieu.
Seuls les hauts dignitaires étaient autorisés à entrer dans sa chambre, pieds
nus et tête baissée. Il devait avoir officiellement 25 épouses, gardées chacune
par un eunuque personnel. Il quittait rarement son palais, mais toujours
accompagné par un cortège grandiose. Il était le juge suprême, il gérait les
affaires de son empire et organisait son armée. Il avait un pouvoir illimité. Il
conduisait son armée en cas de guerre. Aucun soldat ne pouvait reculer sur le
champ de bataille, sous peine de mort. Même sa famille devait être punie.
Cependant, son règne ne pouvait pas dépasser 40 années. S’il ne mourait pas
avant, on devait le tuer. C’était la tradition des Khazars, que d’autres peuples
d’Asie pratiquaient également.
Le deuxième était appelé simplement khagan ou khagan-beh. Il devait
s’occuper des affaires courantes de l’empire et en informer tous les jours le
Grand Khagan.
Je dois dire aussi quelques mots des Hongrois qui, après la mort de
Kouvrat et l’éclatement de l’État de la coalition des tribus, vécurent dispersés
dans l’immense empire. On peut dire qu’ils furent les meilleurs alliés des
Khazars, qu’ils protégèrent contre les envahisseurs du nord et de l’est. À cette
époque, on ne pouvait pas parler de nation hongroise puisqu’il existait peu de
liens entre les tribus dispersées. Les historiens de l’époque ne parlaient même
pas des Hongrois ou des Magyars puisqu’ils les confondaient avec des Turcs.
Selon certains, ce fut le Grand Khagan même qui les réunit et les installa au
nord-ouest de l’empire au début du IXe siècle, contre les attaques des
Varègues. Il leur proposa même d’élire un khagan parmi eux, accepté par
toutes les tribus. Mais j’en parlerai plus tard en détail.
L’origine des Avars est peu connue. Selon certains historiens ils avaient un
immense empire au nord de la Chine, appelé Jouan-Jouan, confédération de
peuples turcs. Au Ve siècle, leur territoire s’étendait de la Corée jusqu’à la
mer Caspienne. Les Turcs d’Orient faisant partie de l’empire se révoltèrent
contre les Avars en 552 et les chassèrent de leur territoire.
En quelques années, les Avars arrivèrent jusqu’en Europe. Au début, ils
errèrent dans les steppes, faisant régner la peur chez les peuples voisins, puis
ils proposèrent leur alliance à Byzance contre une rente annuelle. Byzance
accepta volontiers de payer pour assurer ses frontières du nord et pour
bénéficier occasionnellement de l’aide militaire des cavaliers avars
redoutables. Ses arrières assurés, Justinien pouvait partir tranquillement à la
reconquête de l’Empire romain. Il reprit d’abord Rome aux Goths, puis
l’Afrique du Nord. En quelques années, Byzance atteignit son âge d’or.
Justinien fit construire la merveilleuse basilique Sainte-Sophie de
Constantinople, qui comptait un million d’habitants. Les Avars, profitant de
la neutralité de leurs grands voisins, pouvaient piller tranquillement les
peuples européens. Cette alliance fut respectée jusqu’à la mort de Justinien en
565. Byzance payait chaque année 100 000 pièces d’or aux Avars qui, en
contrepartie, la protégeaient contre toute attaque de ses voisins.
Comme leurs prédécesseurs les Huns, les Avars choisirent aussi la plaine
entre le Danube et le Tisza comme centre de leur royaume. Baïan, comme
Attila, faisait régner la terreur dans toute l’Europe. On le craignait et le
haïssait, alors qu’on admirait Attila, tout en le craignant. Attila pilla toute
l’Europe jusqu’à l’océan, mais Baïan devait se contenter du nord et de l’est,
car à l’ouest, l’union des États chrétiens lui résistait et le sud était sous
domination byzantine.
Malgré cette contrainte, les Avars amassèrent une immense fortune avec
les pillages des peuples voisins, à laquelle s’ajoutaient les 100 000 pièces
d’or du tribut annuel versé durant 40 ans par Byzance. Cependant, ils ne
laissèrent aucun vestige artistique après leur disparition, mis à part quelques
bijoux trouvés dans les tombes, mais qui pouvaient provenir de leurs pillages.
Nous verrons plus loin pourquoi.
CHARLEMAGNE
J’ai déjà parlé de la fondation du royaume des Francs qui resta une grande
puissance en Europe durant des siècles. De son histoire, avant Charlemagne,
je ne cite donc qu’un seul évènement important, la victoire de leur maire du
palais, Charles Martel, contre les Arabes à Poitiers en 732. Cette victoire
fut vitale pour l’Europe chrétienne, puisqu’elle écarta définitivement
l’avancement de l’islam en repoussant les Arabes jusqu’à l’Espagne. Les
maires du palais régnaient alors véritablement sur le royaume franc à la place
des rois mérovingiens en pleine décadence.
Son successeur, Pépin le Bref, se fit élire roi à la place du dernier roi
mérovingien, fonda la dynastie des carolingiens et continua à renforcer son
royaume qui, selon la tradition des Francs, fut partagé entre ses deux fils
après sa mort en 768. Les deux héritiers, fils de Berthe au grand pied,
Carloman et Charles, se détestaient, compliquant ainsi l’entente entre les
deux États. Heureusement, la mort de Carloman en 771 mit fin aux hostilités
et permit à Charles de rester le seul roi.
Charles ne perdit pas son temps et, dès 772, lança la guerre contre les
Saxons. En 773, il courut à l’aide du pape Hadrien, menacé par les Lombards.
Toutes ses guerres furent couronnées de succès et les vaincus se convertirent
au catholicisme. En 781, il fit cadeau de l’Aquitaine et de la Lombardie à ses
fils Louis et Charles « le bossu ». En 788, il rattacha la Bavière à son
royaume, en représailles contre son alliance avec les Avars. Il entreprit
ensuite une longue guerre contre les Avars, marquée par trois grandes
victoires en 791, en 795 et en 796, sans toutefois envahir le bassin des
Carpates. Après la dernière défaite, le royaume avar cessa d’exister. Charles
installa des Bavarois en Pannonie, mais laissa la partie orientale de l’ex-
royaume aux Avars, qui y vécurent en principautés, jusqu’en 822. Plus tard,
on l’accusa d’avoir pillé le riche royaume avar. Mais à cette époque, le
pillage était une chose naturelle. N’oublions pas que le trésor des Avars était
aussi le fruit des pillages des peuples voisins.
À la fin du VIIIe siècle, Charles dut se battre durant 4 ans contre les Saxons
révoltés. Après sa victoire finale, il les dispersa dans son royaume pour avoir
la paix.
On pourrait énumérer longtemps ses victoires et ses conquêtes, mais elles
n’étaient pas les seules explications de sa célébrité et de sa grandeur. Il fut
aussi un politicien habile et intelligent. Il préférait les négociations à la
guerre, qu’il n’entreprit qu’en cas de nécessité. Il aurait pu se nommer
empereur, mais il préféra plutôt que le peuple et le pape lui proposent.
Après une révolte, le pape Léon III dut fuir Rome, cherchant asile chez
Charles. Au lieu d’une armée, celui-ci envoya une délégation pacifique pour
s’expliquer avec le peuple de Rome. Puis lorsqu’à son tour il arriva à Rome,
la foule le salua comme un dieu et demanda son couronnement en
« empereur auguste ». Le pape exauça la volonté du peuple en le
couronnant empereur de Rome le jour de Noël de l’an 800 et l’appelant
Charlemagne.
On peut dire qu’il faisait même le « travail » du pape. Il s’occupait aussi de
la gestion des affaires de l’Église et rendait justice. Il rendit obligatoires le
prêche systématique et l’éducation religieuse des enfants. On peut l’appeler
fondateur de l’école. Pourtant, dans sa jeunesse, il ne savait même pas écrire !
Peut-être est-ce ce qui l’a motivé à diffuser la culture.
Il régnait avec sagesse sur son empire. Il réactualisa les anciennes lois et en
créa de nouvelles. Il contacta l’impératrice Irène de Byzance et, selon
certains, il fut même question de mariage pour réunir les deux empires et
rétablir ainsi le grand Empire romain du passé. C’est peu probable, puisque
tous les deux tenaient à garder leur pouvoir et qu’il y avait aussi l’opposition
des deux religions chrétiennes. Ni le pape de Rome soutenu par
Charlemagne, ni le patriarche de Constantinople sous la tutelle d’Irène,
n’auraient accepté, sans parler des deux populations très croyantes.
Involontairement, il blessa même Irène.
À cette époque, Byzance avait déjà perdu ses colonies du Sud, y compris
Jérusalem, le berceau du christianisme, qui faisait partie du califat de Bagdad.
L’islam ne persécutait pas les chrétiens, mais les traitait avec mépris. Le
patriarche de Jérusalem demanda l’aide de Charlemagne qui conclut un acte
d’amitié avec le calife Haroun al-Rachid, qui lui confia même la gestion des
problèmes de la Terre sainte. Irène ne put jamais s’entendre avec le calife qui
lui ravit ses colonies.
Charlemagne fut aussi un grand et bel homme. On pourrait écrire des livres
sur ses conquêtes féminines qu’il ne cacha pas. On ne connaît pas le nombre
de ses maîtresses et de ses enfants. Officiellement, il avait 4 femmes, que
l’Église « ignora » et lui pardonna, puisqu’elle lui devait tout. La monogamie
obligatoire était la loi de l’Église et pas celle de Dieu. Or, l’empereur était la
loi !
Vers la fin de son long règne, il convoqua son fils Louis pour l’initier à la
gestion de l’empire. Après sa mort en 814, Louis lui succéda sur le trône.
Trois siècles plus tard, l’Église le béatifia. Il est intéressant de noter que
l’empereur et l’impératrice de la fin du VIIIe siècle furent tous les deux
canonisés. Si Charlemagne le méritait, ce n’était nullement le cas d’Irène !
L’EMPIRE BYZANTIN
Je dois parler aussi de Byzance que l’on ne peut pas séparer de l’histoire
des Hongrois. Les premières relations furent établies dans le cadre de
l’empire des Khazars. Avec le temps, ces relations devinrent amicales, voire
familiales. Les Hongrois et les Byzantins furent très rarement des alliés, mais
il n’y eut jamais de conflit sérieux entre eux, mis à part quelques histoires de
tribut sans importance, que Byzance avait l’habitude d’avoir avec ses voisins
« protecteurs ». Byzance, immensément riche, payait assez facilement ses
voisins directs pour obtenir leur aide militaire ou pour avoir la paix.
Il est important de signaler qu’une partie de l’histoire des Hongrois
précédant leur installation dans le bassin des Carpates, fut rédigée par des
historiens byzantins, même si ces derniers les appelaient « Turcs », en les
confondant avec les peuples voisins. À cette époque, il n’y avait pas de traces
écrites par des historiens hongrois.
Dans les chapitres précédents sur l’Antiquité, j’ai déjà décrit le peu
d’informations que j’avais trouvées sur les Hongrois de l’époque. Ici, je ne
parlerai donc que des évènements du Moyen Âge.
Les Hongrois devinrent très nombreux au début du Moyen Âge, mais ils
vivaient en tribus dispersées entre les mers Noire et d’Aral. À cette époque,
on ne pouvait pas parler encore de « nation hongroise », puisqu’ils n’avaient
pas de chef commun, rassemblant l’ensemble des tribus en un seul État. Sur
certains territoires, les tribus hongroises étaient majoritaires par rapport aux
autres populations. C’était le cas du premier pays des Hongrois au sud-est
de l’Oural, de Magna Hungaria au sud-ouest de l’Oural, de Bactriane au
nord de l’Inde, puis de la Lévédie au Caucase. Périodiquement, ils étaient
déplacés, de préférence vers l’ouest, par de grandes invasions venant d’Asie
centrale. Comme ils vivaient très dispersés, toutes les tribus ne subirent pas le
même sort et ne partirent pas ensemble, dans la même direction. Certaines
restèrent même sur place. De nombreuses tribus arrivèrent ainsi sur le
territoire des Khazars et quelques tribus continuèrent leur chemin jusqu’au
bassin des Carpates, plusieurs siècles avant la grande conquête. On suppose
que quelques tribus hongroises y arrivèrent avec des Huns, d’autres avec des
Avars, mais il est possible qu’elles soient arrivées encore plus tôt. On ne peut
pas savoir avec certitude. En revanche, il est connu que depuis le début du
VIIe siècle, les Avars accueillaient dans leur royaume toutes sortes de peuples
venant de l’est, y compris des Hongrois. La plupart de ces peuples étaient
assimilés avec le temps, mais pas les Hongrois, qui gardèrent leurs coutumes
et leur autonomie.
Les orfèvres décoraient les armes, les selles, les vêtements et fabriquaient
aussi des bijoux.
Le travail des artisans du cuir était très important. On peut supposer que
c’étaient les mêmes qui préparaient et transformaient les peaux des bêtes. Ils
en faisaient des ceintures, des rênes, des chaussures, des boucliers, des
vêtements de guerre, des étuis, etc.
La confection des tissus et des habits était le rôle des femmes. Toutes les
femmes savaient tisser et coudre. Elles s’occupaient aussi des animaux et de
la récolte.
Les Hongrois utilisaient peu de poterie, lourde et fragile, peu pratique pour
les fréquents déplacements.
Les Hongrois savaient aussi préparer des aliments séchés, viandes et
légumes, légers et peu encombrants, que les guerriers portaient dans leurs
sacs. En les diluant avec de l’eau chaude, ils avaient toujours de la nourriture
à leur portée.
Ne disposant pas de traces écrites par des Hongrois, il faut être prudent
concernant les descriptions des peuples voisins.
Selon certains historiens, la nation hongroise naquit au IXe siècle, à la
demande du khagan qui, pour mieux sécuriser ses frontières, décida de réunir
en un seul peuple les tribus hongroises dispersées sur le territoire de l’empire
des Khazars. Afin de leur prouver son amitié et sa générosité, il donna en
épouse une princesse khazar à Lévédias (Levéd), un des plus grands chefs de
tribu, et lui proposa de s’installer avec l’ensemble des tribus hongroises sur
un territoire situé entre les fleuves Dniepr et Dniestr, appelé Etelköz (lieu
entre les fleuves) où il serait leur roi. Lévédias aurait refusé poliment, lui
proposant à sa place Álmos, ou son fils Árpád, plus dignes d’un tel honneur.
1. Le chef suprême des Hongrois devra être toujours choisi parmi les
descendants d’Álmos et de son fils Árpád, tant qu’il y en aura.
2. Aucun chef ne pourra être exclu du partage des biens amassés.
3. Les chefs ayant participé à l’élection d’Álmos et leurs descendants ne
pourront jamais être exclus du conseil d’État.
4. Celui, ou son descendant, qui ne respecterait pas sa fidélité au chef
suprême, jurée par le serment de sang, ou comploterait contre lui, devra
payer son infidélité de son sang.
5. Álmos et ses descendants devront être maudits à jamais en cas de
trahison du serment.
Álmos devint vite célèbre par son courage et sa sagesse lors des batailles,
au côté de son père Ügyek. D’ailleurs, encore très jeune, son père le nomma
gouverneur de Kiev, qu’il venait d’occuper et de renforcer de remparts.
Álmos eut donc l’occasion de connaître tôt le pouvoir et prouver ses qualités
de chef. Avec son armée, il faisait des raids des deux côtés des Carpates
contre les Slaves, les Varègues et les Bulgares. D’ailleurs, pour s’en
débarrasser, les Russes soumis l’encouragèrent vivement à envahir le bassin
des Carpates, célèbre pour sa richesse, affaibli depuis la chute des Avars. Il
paraît que quelques tribus hongroises s’y installèrent dès 862. C’étaient des
avant-gardes de la conquête de la Hongrie quelques années plus tard. Peu de
temps après, le jeune Árpád remplaça son père à la tête de l’armée et se battit
régulièrement contre les Moraves, au nord des Carpates. Encouragé par les
succès d’Árpád, quelques années avant sa mort, le vieil Álmos lui céda le
pouvoir et lui confia la réalisation de son vieux rêve de conquérir le bassin
des Carpates. Il considérait que c’était la terre de ses aïeuls, puisqu’il était
descendant de Kouvrat, arrière-petit-fils d’Attila. Il avait donc droit à la terre
d’Attila.
La conquête de la Hongrie
Comme je le disais plus haut, Árpád fit alliance en 881 avec Svatopluk, roi
morave, contre les Francs et les affaiblit avec plusieurs années de guerre. Dix
ans plus tard, le roi Arnulf des Francs demanda son aide contre les Moraves,
qui le menaçaient à l’ouest. C’était l’occasion d’affaiblir Svatopluk, à son
tour. En 894, Svatopluk proposa à Árpád une nouvelle alliance, mais sa mort
subite fit éclater son royaume. En même temps, Levente battit les Bulgares
avec son allié Léon le Sage. Les accès du bassin des Carpates devinrent libres
au nord-est et au sud-est.
Árpád y entra au nord-est, par le col de Verecke, avec la majorité de son
peuple. Plus au sud, entrèrent en Transylvanie les autres tribus hongroises,
menées probablement par Levente, accompagnées par les trois tribus
fugitives des Khazars, appelées Kabars. En 895, année de la mort d’Álmos,
tout le pays était occupé par les Hongrois, mise à part la Pannonie des Francs.
Après la mort d’Arnulf en 889, les Hongrois prirent également possession de
la Pannonie.
Quelques tribus bulgares résistèrent encore le long de la rivière Tisza, mais
finalement, elles furent chassées.
Le pays fut partagé équitablement entre les chefs de tribus, y compris les
Kabars. Le centre, avec les alentours du Danube, revint à Árpád. Les trois
tribus kabares s’installèrent en Transylvanie. Toutes les tribus disposaient des
mêmes droits et des mêmes parts de butin. Selon certains historiens, dans leur
nouveau pays, les chefs de tribus renouvelèrent leur alliance de sang, avec la
participation des trois tribus kabars, et levèrent Árpád sur un bouclier. Árpád
devint ainsi le premier chef suprême de toute la Hongrie, et non seulement
des Hongrois. Probablement pour cette raison, on parle de la « maison
Árpád » et pas de celle d’Álmos, premier chef suprême des Hongrois.
Les langues hongroise et kabare devinrent les deux langues officielles du
pays, où plusieurs autres langues étaient également parlées.
Fondation de l’État
Árpád organisait et gérait bien son nouveau pays, dont les frontières
naturelles facilitaient la défense. Il devait se battre souvent contre des peuples
chassés ou vassaux, mais il n’avait jamais de problèmes internes avec les
autres tribus, disposant d’une grande liberté.
La coutume du double pouvoir des peuples d’Asie existait aussi chez les
Hongrois. Le chef des armées portait le titre de « gyula », alors que le
« kende » s’occupait de la gestion du pays. On appelait aussi « kende » le
principal mage. Mais quels étaient le titre et le pouvoir d’Árpád ?
Peu importe qui était Árpád : kende, gyula, les deux ou chef suprême.
Dans notre histoire, il reste le fondateur de la Hongrie.
Les 10 chefs de tribus disposaient librement de leurs armées et des terres
reçues. Seulement, en cas de guerre, ils devaient s’unir sous les ordres
d’Árpád. Habitués à leur vie de guerriers, ils faisaient régulièrement des raids
et des pillages chez les peuples voisins, puis de plus en plus loin. Ces raids
avaient aussi quelques avantages politiques. Certains peuples s’allièrent aux
Hongrois pour avoir la paix.
Árpád ne s’occupait que de la gestion de son pays. On peut donc supposer
qu’il nomma un gyula à la tête des armées. Les anciens peuples du bassin des
Carpates devinrent les vassaux des Hongrois (et des Khazars), tout en
disposant des mêmes droits que leurs maîtres. À la mort d’Árpád, en 907, la
Hongrie était déjà une grande puissance. Cependant, on pouvait craindre
l’éclatement de ce jeune pays à la mort de son chef, comme chez les Goths,
les Huns et les Avars. Mais Árpád laissa à son successeur un pays bien
structuré, bien organisé. Quelques chefs de tribus abusaient souvent de leur
pouvoir, mais tout le monde respecta l’alliance de sang. Ils acceptèrent pour
chef suprême Zoltan (Zsolt), le jeune fils d’Árpád, et lui obéirent. On peut
noter que ses quatre autres fils moururent avant leur père.
Zsolt, élu très jeune, fut un chef suprême très faible, mais son mariage
avec la fille du chef de tribu Marot lui assura une alliance stable et
sécurisante. Durant son long règne de 40 ans (907-947), il n’eut aucune
influence sur les chefs de tribus, qu’il laissait agir librement. Profitant de leur
autonomie et de leurs armées, ils passaient leur temps à piller les peuples
voisins. C’était l’époque des incursions. Les cavaliers hongrois rapides
rencontraient peu de résistance sur les territoires pillés. Avant qu’une armée
nombreuse eût le temps de s’organiser contre eux, ils étaient déjà loin avec
leur butin. Ils ne rentraient dans leur pays que chargés de trésors. Il était
évident qu’un jour, les peuples d’Europe réussiraient à leur opposer une
armée puissante, leur infligeant une défaite fatale, comme aux Huns, puis aux
Avars, qui disparurent ainsi de l’histoire. D’autant plus qu’ils prenaient les
Hongrois pour leurs descendants. Il est vrai qu’ils agissaient de la même
façon. Ils pillaient et tuaient partout où ils passaient. Cependant, certains
historiens hongrois chauvins les appelaient « les chevaliers de la justice »,
dont le seul but était la récupération de l’immense trésor volé par
Charlemagne à leurs ancêtres avars, puis dispersé dans toute l’Europe. Parmi
ce trésor, ils cherchaient surtout la « couronne des Avars », sans laquelle ils
ne pouvaient pas avoir de roi !
Géza (972-997) devint le nouveau chef suprême après la mort de son père.
Il fit tout pour vivre en paix avec ses voisins. Il était même trop généreux
avec eux pour obtenir leur confiance et pour prouver que les Hongrois
n’étaient pas des païens sauvages, au centre de l’Europe catholique et
civilisée.
Il interdit les incursions, déclenchant ainsi l’hostilité de plusieurs chefs de
tribus privés des « revenus » faciles. Ces derniers considéraient même illégale
la nomination de Géza, puisqu’il existait d’autres descendants d’Árpád plus
âgés. Mais Géza réussit à calmer les révoltés et renforça même son pouvoir.
Bien qu’Otton n’eût aucune hostilité pour la Hongrie depuis des années, Géza
lui proposa de conclure une paix officielle. Il lui demanda même d’envoyer
des missionnaires pour convertir les Hongrois au catholicisme. Otton, ayant
été couronné par le pape en 962 « empereur du Saint Empire romain
germanique », était le chef de l’Église catholique, supérieur hiérarchique du
pape.
Géza fit des donations généreuses aux missionnaires zélés qui arrivaient en
masse en Hongrie et obtinrent beaucoup de résultats, tandis qu’à l’est, le
christianisme byzantin se développait lentement. Géza s’aperçut qu’il donnait
trop d’avantages aux missionnaires, car petit à petit, la Transdanubie fut
peuplée par leurs familles. Afin de limiter cette immigration allemande, il
demanda à Adalbert, évêque de Prague, d’envoyer aussi des missionnaires
moraves en Hongrie. Malheureusement, Géza et Adalbert moururent en 997,
avant de renverser la tendance.
Géza eut trois filles et un garçon, Vajk, de sa première femme Sarolta,
morte prématurément. Sa deuxième femme était d’origine polonaise.
Vajk (*975), fils de Géza, fut élevé par sa belle-mère et sous l’influence
germanique. Il était cultivé, pieux, mais germanophile et influençable. À son
baptême, il prit le nom d’István. Il épousa Giselle, fille du prince bavarois,
dont la famille et les amis s’installèrent en Hongrie, avec leurs chevaliers, sur
les terres de la Transdanubie offertes par István, peuplées bientôt
exclusivement d’Allemands.
Les conditions du mariage d’István eurent des explications contradictoires.
Jusqu’à l’an 1000, la Hongrie fut gouvernée par des « chefs suprêmes » ne
disposant pas de couronne. Selon « l’alliance de sang » des tribus
conquérantes, tous les chefs suprêmes de la Hongrie, appelés rois par la suite,
devaient être choisis parmi les descendants d’Árpád, jusqu’à leur extinction
définitive.
Le premier roi hongrois fut István. Sa couronne, offerte par le pape
Sylvestre II, était également le symbole de la chrétienté. Beaucoup de
mystères enveloppent l’histoire de cette couronne, qui méritent quelques
explications.
Selon certains historiens, les Avars l’avaient amenée avec eux au bassin
des Carpates, sans jamais l’utiliser. Leur dernier khagan l’aurait offerte à
Charlemagne, ou ce dernier la prit avec tous les trésors avars. Charlemagne
aurait été couronné en 800 avec cette couronne. Plus tard, Otton III la trouva
dans la tombe de Charlemagne et l’offrit au pape Sylvestre II, qui en fit
cadeau à István de Hongrie. On raconta aussi qu’elle avait appartenu à Attila,
qui ne se fit jamais couronner et, qu’après sa mort, son fils Csaba, se sauvant,
la cacha à Byzance où il se réfugia. Les Avars ou les Byzantins la trouvèrent.
C’est ainsi qu’elle arriva plus tard en Europe centrale.
Après la mort de son père Géza, il devint en 997 le sixième chef suprême
des Hongrois, solidement installés dans le bassin des Carpates et même au-
delà. Tous les peuples voisins reconnaissaient sa légitimité et sa puissance
militaire. Son père, Géza, pratiquait encore la politique de tolérance orientale,
en autorisant toutes les croyances monothéistes dans son pays. Malgré sa
conversion au catholicisme, il ne l’imposa à personne. D’ailleurs, sa femme
Sarolta appartenait au christianisme byzantin, comme beaucoup d’habitants
de l’Est de la Hongrie mais la plupart de chefs de tribus restèrent fidèles à
l’ancienne croyance monothéiste des Hongrois. Cette tolérance assurait la
paix entre tous les habitants de la Hongrie. Selon les « mauvaises langues »,
Géza pratiquait sans complexe aussi bien la religion catholique que celle de
ses ancêtres, mais personne ne lui en voulut.
István se heurta à la résistance des païens et il fit donc appel à l’aide des
Allemands, qui arrivaient en masse déjà depuis son mariage avec Giselle. Il
faut reconnaître, cependant, que même si son pays était sous l’influence des
missionnaires et chevaliers allemands, István garda son indépendance vis-à-
vis du pape et de l’empereur du Saint Empire romain germanique. Pourtant,
ce dernier considérait qu’étant le chef de l’Église catholique et le supérieur
hiérarchique du pape, la Hongrie catholique devrait faire partie de son
empire. Afin de montrer sa puissance et son indépendance, István nomma lui-
même ses évêques et ne toléra aucune ingérence de la part de l’Église et de
l’empereur.
Après trois années de règne, en tant que fondateur d’un État chrétien et
indépendant, il demanda au pape une couronne qu’il obtint aussitôt,
accompagnée du titre de « roi apostolique ».
Il fut couronné roi de Hongrie le jour de Noël de l’an 1000, par l’évêque
d’Esztergom, sa ville royale, avec la reconnaissance du pape et de l’empereur
du Saint Empire romain germanique, dont il restait indépendant.
Il consacra ensuite toute son énergie à l’organisation et à la puissance de
son royaume. Il fit appel aux savants et artisans étrangers, puisqu’à l’époque
de la conquête, ne pouvant pas se déplacer facilement avec tous leurs outils,
la plupart des artisans hongrois étaient en Khazarie, lointaine.
Royaume de saint István
On peut reprocher au vieux roi d’avoir toléré les crimes et les violences
autour de lui, touchant même sa famille, sans réagir énergiquement contre les
criminels proches de lui. La conversion cruelle au catholicisme de son peuple
était aussi indigne du « saint homme » qu’il était.
Les « anti-István » l’accusent d’avoir trahi « l’alliance de sang », ayant
demandé l’aide des étrangers contre les siens, fils des chefs conquérants.
Cette trahison devait le rendre maudit, avec tous les descendants de la maison
Árpád. Mais les autres trahirent également leur serment en refusant de lui
obéir. À qui la faute ? Qui étaient les coupables ?
Les Hongrois, ayant vécu dispersés, mais en paix, depuis des milliers
d’années, à peine réunis et installés dans leur nouveau pays, commencèrent à
s’entretuer et se révolter contre leur premier roi.
***
Au sujet des religions, je dois dire quelques mots de l’islam aussi, dont la
propagation spectaculaire bouleversa l’histoire et inquiéta beaucoup le monde
chrétien.
LE MONDE MUSULMAN
Comme je l’ai dit déjà dans mon exposé au début du Moyen Âge, la
puissance de l’islam débuta avec la dynastie des Omeyyades chiites, laquelle
réunit les Arabes de l’Asie Mineure et de l’Afrique du Nord. Plus tard, les
Abbassides sunnites prirent le pouvoir et continuèrent leur expansion en Asie,
vers le nord et vers le sud. Haroun Al-Rachid fut leur plus grand calife, rendu
célèbre par sa culture, par sa politique habile, par ses succès militaires et
également par sa cruauté. On dit aussi qu’il fut immortalisé par certains
contes des Mille et une nuits, à cause de sa vie érotique et cruelle. C’est lui
qui accorda à Charlemagne la « clé » et la gestion de Jérusalem, et provoqua
aussi la rupture avec l’Égypte et son indépendance. Les musulmans chiites de
la lointaine Espagne rompirent aussi les relations avec les Abbassides et
restèrent indépendants de Bagdad.
***
Je ne peux pas quitter l’Asie musulmane sans dire quelques mots des
civilisations du Sud-Est asiatique, si différentes et en plein essor au tournant
du millénaire. Si loin de l’Europe et de ses guerres religieuses, avec ses
magnifiques monuments, l’Asie du Sud-Est mérite un petit détour.
LES CIVILISATIONS DE L’ASIE DU SUD-EST
Je ne peux pas passer sous silence la période « après István », dont les
Hongrois ne peuvent pas être fiers. Comme je l’ai dit plus haut, après la mort
d’István, durant des dizaines d’années, il n’y eut que des intrigues, des
trahisons, des cruautés et des guerres fratricides en Hongrie. En effet, son fils
unique, Imre étant mort avant son père, le choix de son successeur déclencha
des hostilités entre les candidats potentiels. Vazul, successeur désigné par
István, fut écarté du trône par l’entourage allemand de Giselle (épouse
d’István). Les trois fils de Vazul, András, Béla et Levente, craignant le sort
de leur père, s’enfuirent à Byzance.
Aba Samuel, mari d’une autre sœur d’István, fut élu roi par la noblesse
hongroise en 1041. On l’appelait « l’usurpateur », puisque Péter, bien que
chassé, était encore roi couronné de Hongrie. Malgré sa popularité au début
de son règne, due à sa politique d’indépendance et à ses succès militaires, la
noblesse hongroise lésée par ses décisions et blessée par son orgueil,
complota contre lui. Il en fit exécuter une cinquantaine en 1044, attirant
même la colère du pape qui l’excommunia. Beaucoup d’autres se sauvèrent
de Hongrie, se mettant sous la protection d’Henri III, qui refusa de les livrer à
Aba Samuel. Ce dernier attaqua le Saint Empire romain germanique, mais
après quelques succès, il fut battu par Henri III qui rétablit Péter sur le trône.
La Hongrie devint vassale de l’Empire germanique avec l’accord de Péter.
Les Hongrois se révoltèrent contre la domination allemande, arrêtèrent Péter
et lui crevèrent les yeux en 1046. Ils firent revenir de Byzance les trois fils de
Vazul, András, Béla et Levente. L’évêque Gellért, qui refusa de couronner
l’usurpateur Aba Samuel, alla à leur rencontre au bord du Danube. Son
cortège fut attaqué par les païens hongrois qui le jetèrent du mont (portant
aujourd’hui son nom) dans le Danube.
András Ier (André, fils aîné de Vazul), élu roi en 1046, rétablit les lois
d’István et l’ordre en Hongrie. Levente (resté païen) mourut en 1047. Avec
l’aide de son frère Béla, András libéra la Hongrie de la domination allemande
et écrasa la révolte des païens hongrois. L’entente était parfaite entre les deux
frères. Béla était un grand guerrier et toutes les victoires hongroises étaient
dues à ses qualités militaires. András lui offrit un tiers de la Hongrie pour
partager le pouvoir. Après la naissance de son fils Salamon, son héritier,
András soupçonna Béla d’avoir des prétentions au trône. Il l’accusa de
complot. La guerre éclata entre les deux frères et se termina avec la victoire
de Béla et la mort d’András, en 1060, aidé pourtant par le Allemands.
Béla Ier (fils de Vazul, *1016, 1060-1063), très populaire, fut élu roi à
l’unanimité en 1060. Son gouvernement fut loyal et modéré. Il diminua les
charges qui pesaient sur les pauvres. On lui reprocha, cependant, une
« certaine faiblesse » pour les païens. Il est vrai qu’il ne les persécutait pas
tant qu’ils se tenaient tranquilles, mais après leur révolte, il les écrasa sans
pitié. Il aurait pu être un très grand roi, mais il mourut accidentellement en
1063. Le plancher de la salle de réunion où il préparait sa future campagne de
guerre s’effondra sous le poids de son trône, provoquant sa chute mortelle. Il
laissa trois fils, Géza, László et Lambert, qui auraient pu prétendre au trône.
Cependant, ils y renoncèrent en faveur de leur jeune cousin Salamon, fils
d’András.
Salamon (fils d’András Ier, *1052), encore enfant, fut couronné roi en
1063. Il était le protégé d’Henri IV, empereur germanique, qui le ramena en
Hongrie avec une puissante armée allemande très mal vue par les Hongrois.
Son histoire est floue et contradictoire, selon les sources. Certaines le traitent
de héros, d’autres de traître anti-hongrois.
Au début de son règne, Géza et László, ses cousins princiers, l’aidaient
régulièrement dans ses guerres contre les envahisseurs coumans. Mais le
jeune roi influençable faisait plus confiance au comploteur Vid et à ses amis,
qu’à ses cousins. Se sentant en danger, les princes Géza, Ladislas et Lambert
se retirèrent en Pologne, où ils aidèrent victorieusement les Polonais dans
leur guerre contre les Russes. Entre temps, le Nord de la Hongrie se révolta
contre Salamon. Afin de rétablir l’ordre et la paix sans intervention
allemande, l’évêque de Györ rappela Géza et László en Hongrie, leur
demandant de se réconcilier avec Salamon. En contrepartie, ce dernier
reconnut leurs titres de prince héritier. Il était temps de renforcer l’armée, car
la Hongrie était attaquée par les Tchèques au nord et par les Coumans à l’est.
Après la victoire finale en 1067 sur les Coumans, les Petchenègues,
encouragés par Byzance, attaquèrent la Hongrie au sud. La victoire écrasante
de 1068, attribuée à Géza et à Ladislas, apporta aux Hongrois un butin
inestimable, que Salamon voulut garder pour lui seul. Mais après de longues
négociations, il en céda une petite partie à ses cousins victorieux. Cet incident
fit renaître la méfiance entre le roi et les princes qui se séparèrent. Leur
opposition fut aggravée par la mésentente entre Henri IV, empereur
germanique et le pape Grégoire VII. Salamon soutenait Henri IV, montrant
clairement sa politique germanophile, alors que les trois princes allèrent au
secours du pape, représentant de la chrétienté. L’armée des princes écrasa
celle de Salamon, aidé par les Allemands dans la bataille de Mogyoród, en
1074. Salamon, chassé de son trône, se réfugia à Bratislava.
Géza Ier (fils aîné de Béla Ier, *1040, 1074-1077) fut élu roi de Hongrie en
1074. Il ne voulut pas accepter le trône, puisque que l’ancien roi couronné
était encore vivant ! Mais il céda aux demandes du pape et sous la menace
des Allemands, appelés à l’aide par Salamon. Durant son règne, il rétablit
l’ordre dans son pays, mais vécut toujours sous la menace allemande,
maintenue en permanence par les sollicitations de Salamon. Il chargea donc
son frère László de tenir encerclé Salamon dans son château de Bratislava,
afin d’éviter qu’il se rallie à l’armée d’Henri IV. Il fut trahi par le pape
Grégoire VII qui, dans ses correspondances, l’appela « prince » et lui
demanda le rétablissement de Salamon sur le trône. Il était sur le point de
céder, lorsqu’il mourut accidentellement en 1077.
László Ier (fils de Béla Ier, *1040, 1077-1095) fut couronné roi de Hongrie
en 1077, à l’unanimité de la noblesse et du peuple, après la mort prématurée
de son frère. Ce grand homme (aussi par sa taille) était célèbre depuis sa
jeunesse pour son courage, ses victoires, sa loyauté, sa justesse et sa grande
foi chrétienne. Dans les batailles, on ne voyait que lui, avec sa haute stature
(plus de 2 m), attirant tous les ennemis. Grâce à sa force surhumaine et à son
courage, les têtes d’ennemis « roulaient autour de lui, comme des
citrouilles ». Il était invincible, protégé de Dieu. Il réorganisa le pays déchiré
par les guerres fratricides. Il imposa des lois sévères contre le vol et la
criminalité. Il fit donation au clergé d’immenses propriétés et lui accorda des
revenus réguliers, dîmes peu populaires représentant 10 % des récoltes. Il
agrandit la Hongrie en y rattachant la Croatie (entre autres) et renforça ses
frontières de tous les côtés. Malgré les complots permanents de Salamon, il le
laissa vivre en liberté à Bratislava.
L’empereur Henri IV, appelé par Salamon, attaqua plusieurs fois la
Hongrie, mais toujours sans succès, puis conclut la paix avec László, en
1081. Ne pouvant plus compter sur son grand ami, Salamon essaya de
comploter ensuite avec les opposants païens de László en Hongrie même.
Pour avoir enfin la tranquillité, László le fit enfermer dans la tour du château
de Visegrád, qui porte encore son nom. Selon les légendes, il fut libéré en
1083, à la demande d’un pieux ermite, pour les cérémonies de canonisation
de saint István. Cette même année furent aussi canonisés Imre, le fils de saint
István et l’évêque martyr Gellért.
Une fois libéré, Salamon utilisa tout son temps et toute son énergie à
obtenir l’aide des ennemis voisins païens, pour récupérer son trône. Rien ne
l’arrêta. Afin d’obtenir son aide contre les Hongrois, il épousa la fille du khan
des Coumans. L’attaque des Coumans fut écrasée par László en 1085.
Salamon essaya ensuite de réunir les Coumans et les Petchenègues pour
attaquer la Hongrie au sud, mais il fut battu par l’armée byzantine avant
même l’intervention de László. Après cette bataille, il disparut de l’histoire. Il
mourut probablement durant la bataille. Mais, comme on ne retrouva jamais
son corps, on crut le voir longtemps, déguisé, un peu partout dans le pays,
mais sans preuve tangible. Inconsciemment, ses complots avec les
Allemands, les Coumans et les Petchenègues pour récupérer son trône à
n’importe quel prix, ne servirent qu’à augmenter le prestige et la popularité
de László, qui en sortait toujours grandi avec ses victoires transformées
souvent en miracles. De nombreuses légendes populaires racontent ses
exploits. Celles concernant ses exploits contre les Coumans, souvent
miraculeux, furent innombrables.
On disait qu’il était l’envoyé de Dieu pour sauver la Hongrie et que Dieu le
protégeait en lui accordant même des miracles. J’en citerai, ci-après,
quelques-uns parmi les plus célèbres.
Un jour, isolé de son armée, il fut surpris dans les montagnes par des
centaines de guerriers coumans lui barrant la route. Lorsqu’il leva ses bras au
ciel pour implorer l’aide de Dieu, une faille immense s’ouvrit entre lui et les
Coumans, les empêchant de l’atteindre.
Après une bataille victorieuse, ses soldats occupés à ramasser les trésors et
pièces d’or abandonnés par les Coumans, renoncèrent à leur poursuite. Or,
László voulait vaincre définitivement ses ennemis. Il fit transformer par sa
prière tous les trésors en pierres et mottes de terre. Ses soldats reprirent leurs
armes et exterminèrent tous les ennemis.
Dans les montagnes sans rivière, il fit jaillir une abondante chute d’eau des
roches avec son épée, pour désaltérer ses soldats épuisés.
Même son cheval faisait partie de ses miracles. Sans attendre les ordres de
son maître, il se jetait sur les ennemis en les mordant et les écrasant. Il en
tuait autant que son maître. On raconte qu’en le voyant arriver sur son célèbre
cheval, ses ennemis se sauvaient.
Préoccupés par les problèmes internes et externes, mis à part András II, les
rois hongrois ne participèrent pas activement aux croisades, mais ils devaient
assurer et gérer les passages des armées européennes le long du Danube, à
travers la Hongrie. Sans entrer dans les détails, je les passe en revue
chronologique, afin de rappeler leurs noms.
Les juifs installés dans les grandes villes pouvaient vivre en communauté,
selon leurs lois, mais sous la surveillance de l’évêque hongrois. Ils pouvaient
acheter des terres, mais ne pouvaient pas avoir de serviteurs hongrois et ne
pouvaient pas épouser de chrétiens. On ne les baptisait pas.
Géza II (fils de Béla II, *1130, 1141-1162), encore enfant, fut couronné en
1141. Sous la tutelle de sa mère et de son oncle Belos, il poursuivit la
politique de son père. Il resta fidèle au pape qu’il soutenait. Il dut se battre
aussi contre Boris, qui n’abandonna pas l’idée d’accéder au trône de Hongrie.
Il demanda même l’aide militaire des princes tchèque et autrichien contre
Géza. L’aide lui fut refusée, mais il obtint leur autorisation de recruter des
mercenaires en Autriche. Boris attaqua le nord de la Hongrie et prit le château
de Bratislava en 1146. L’armée hongroise menée par Belos et le jeune Géza
reprit Bratislava et, en représailles, elle attaqua le prince Henri d’Autriche
qu’elle poursuivit jusqu’à Vienne. On doit reconnaître les mérites de Belos,
dont la tutelle et l’aide permirent à Géza de devenir un grand roi. Et la
Hongrie de cette époque avait bien besoin d’un grand roi.
Géza craignait les représailles de l’empereur Conrad III, beau-frère d’Henri
d’Autriche, mais l’empereur avait besoin de son aide pour traverser la
Hongrie avec l’armée de la deuxième croisade.
Manuel, empereur byzantin, petit-fils de saint László (fils de sa fille Irène
et de l’empereur Jean), voulait étendre son pouvoir sur la Hongrie. Il
soutenait donc l’armée de Boris contre Géza. Mais ce dernier repoussa
l’armée de coalition de Boris et de Manuel.
István, frère cadet de Géza, ne se contentait plus de son titre de prince et
visait aussi le trône. Il demanda le soutien de Frédéric Barberousse
(successeur de Conrad III) que ce dernier refusa, ayant eu besoin de l’aide de
Géza. István se retira à Byzance pour comploter avec Manuel contre son
frère. Mais l’armée de Géza resta toujours victorieuse. Plus tard, le prince
László, l’autre frère de Géza, se retira aussi à Byzance.
Géza mourut jeune, en 1162, laissant son trône à son jeune fils, István.
István III (Étienne, fils de Géza II, *1147, 1162-1172) fut couronné en
1162, à l’âge de 14 ans, mais une partie de la noblesse hongroise préférait
mettre sur le trône László II, frère de Géza. István III se réfugia en Allemagne
avec sa mère. Après 6 mois de règne, László II (fils de Béla II, *1131)
mourut. Son frère, István IV (fils de Béla II, *1133) qui visait le trône depuis
longtemps, fut enfin élu roi de Hongrie en 1163. Son règne ne dura que
quelques mois. István III reprit son trône à l’impopulaire István IV avec
l’aide du vieux Belos et de la noblesse hongroise. Il dut entrer souvent en
guerre contre István IV (mort en 1165) et contre Manuel, empereur byzantin,
auquel il reprit la Dalmatie.
L’empereur Manuel ayant constaté l’impopularité d’István IV, changea de
politique pour essayer de s’emparer de la Hongrie. Il s’occupa
personnellement de l’éducation du prince Béla, frère cadet d’István III, élevé
à Byzance. Béla épousa la belle-sœur de l’empereur Manuel, ayant une bonne
éducation occidentale. Jusqu’à la naissance tardive du fils de Manuel, le
jeune Béla était considéré comme l’héritier du trône de l’empire byzantin.
István III mourut jeune, en 1172.
Béla III (fils de Géza II, *1148, 1172-1192) fut couronné en 1172. Par ses
liens familiaux, la Hongrie se rapprocha donc de Byzance, tout en gardant
son indépendance. Malgré la bonne entente entre Byzance et la Hongrie,
Béla III resta fidèle au pape. Il n’avait pas besoin de choisir entre Rome et
Byzance. En effet, depuis la défaite de l’armée byzantine face aux Turcs
musulmans, un siècle plus tôt, et la perte des lieux saints, la tension avait
baissé entre les chrétientés occidentale et orientale et les armées des croisades
passaient par Constantinople.
Certains reprochèrent à Béla III son amitié avec l’empereur Manuel et
l’accusèrent (à tort) de l’empoisonnement de son frère. Il fallut l’intervention
du pape pour faire accepter son couronnement. Toutefois, la grande majorité
des Hongrois était contente d’avoir un roi fort, intelligent et de grande
éducation, après István III.
Ayant connu les fréquentes guerres stériles de son tuteur Manuel, Béla III
préférait régler les problèmes de voisinage avec diplomatie ou par la
dissuasion par la seule présence de son armée puissante. Malgré les attaques
de Venise, il put garder la Croatie et la Dalmatie. Il conquit même la Galicie.
Après la mort de Manuel, le tuteur de l’enfant empereur prit le pouvoir à
Byzance, en persécutant les chrétiens latins « non orthodoxes ». Ces derniers
demandèrent l’asile en Hongrie et de l’aide. Béla III battit régulièrement
l’armée byzantine et occupa les régions frontalières. Ces guerres durèrent
jusqu’à la mort de l’usurpateur, tué par les Byzantins après qu’il eût assassiné
le jeune empereur et sa mère.
Béla III fut un très grand roi. Durant son règne la Hongrie devint grande et
riche, avec un pouvoir centralisé puissant. Le commerce se développa et,
grâce à l’argent perçu par son système de douane et de taxes sur les
marchandises vendues en Hongrie, Béla III fit développer un réseau routier
moderne. Il modernisa l’administration, dirigée par la Chancellerie royale. On
construisit des châteaux riches et luxueux. Chaque département avait son
château et devait assurer au roi une armée en cas de guerre. Après son
mariage avec Marguerite Capet, sœur de Philippe Auguste, il devint l’un des
souverains les plus riches d’Europe. Tout le monde l’écoutait et le respectait.
Saint László fut canonisé à sa demande en 1192.
Imre (fils de Béla III, *1174, 1196-1204) fut couronné en 1196. Il avait
toutes les qualités pour gouverner son grand royaume, solidement établi par
son père. Cependant, il ne put pas profiter de sa situation favorable, à cause
de son frère András, qui se sentait lésé et humilié de voir son aîné gouverner
seul. Sous prétexte de préparer la croisade, András organisa une armée de
mercenaires pour attaquer son frère. Son armée écrasa celle d’Imre en 1197 et
András prit le pouvoir en Slavonie, en Dalmatie et en Croatie
Malgré les menaces d’excommunication du pape contre les comploteurs,
András trouvait toujours de l’aide parmi les Hongrois et dans les pays
voisins. En 1199, il attaqua Imre près du lac Balaton, mais le roi, bien
organisé, écrasa son armée. András, vaincu, se réfugia en Autriche pour
préparer une nouvelle attaque. Cependant, le pape réussit à réconcilier les
deux frères. András reçut le titre de prince pour se tenir tranquille.
Imre, se croyant en paix, décida de participer en croisade. Mais son projet
fut perturbé par les révoltes des hérétiques de ses territoires du sud. Son
intervention armée, encouragée par le pape, lui permit de régler le problème.
Mais bientôt, il dut secourir ses alliés en Serbie.
Entre temps, une armée de croisés du comte des Flandres débarqua dans
les Balkans. N’ayant pas payé ses frais de transport et de ravitaillement au
doge de Venise, ce dernier lui demanda en contrepartie d’occuper en sa
faveur les territoires dalmates appartenant au royaume de Hongrie. Imre les
récupéra en 1204, mais réalisa, que pour la plupart des croisés, le véritable
but était le pouvoir. En effet, l’armée des croisés devant passer par
Constantinople, profita de sa puissance militaire pour piller la ville et pour
transformer Byzance en empire latin dépendant de Rome. Imre n’abandonna
pourtant pas son projet de croisade et, afin de pouvoir y participer
personnellement, il demanda à l’évêque d’Esztergom de couronner son fils de
5 ans, László, roi de Hongrie. Cette décision et ses succès militaires rendirent
furieux et jaloux András, qui organisa un nouveau complot contre Imre.
Cependant, Imre mourut avant l’ultime bataille.
László III (Ladislas, fils d’Imre, *1199), enfant de 5 ans fut couronné en
1204. Toutefois, la noblesse hongroise ne voulait pas d’enfant roi et, selon la
tradition ancestrale, préférait voir sur le trône András, le frère d’Imre. La
veuve d’Imre se réfugia en Autriche avec László III, qui y mourut l’année
suivante, à l’âge de 6 ans.
András II (André, fils de Béla III, *1175, 1205-1235) fut enfin couronné
en 1205. Cet homme ambitieux régna durant 30 ans. Il se disait roi de Serbie,
de Dalmatie et de Croatie. Il se lança dans la croisade et faillit même devenir
empereur byzantin. Mais avec ses maladresses et sa mauvaise politique, il
gâcha tout. La situation en Hongrie ne cessa de se détériorer. L’aristocratie
hongroise devenait de plus en plus forte et indépendante, au détriment du
pouvoir royal. Les impôts élevés, les douanes, les mines et le fermage de la
monnaie suscitèrent un mécontentement général. Quelques aristocrates
révoltés assassinèrent même sa femme Gertrude. Afin de calmer le
mécontentement, il concéda une charte, en 1222, appelée Bulle d’Or, par
laquelle il interdit la possession des terres hongroises par des étrangers,
exonéra d’impôts la petite noblesse et promit de la défendre contre
l’aristocratie.
Un grand parti byzantin souhaitait donner le trône de l’empereur à
András II et lui demanda de venir à Constantinople. András II voulait y aller
avec une puissante armée et demanda au pape de lui confier les croisés. Le
pape le lui accorda, mais voyant l’ambition réelle d’András II et son peu
d’enthousiasme pour la guerre sainte, il nomma Pierre Courtenay empereur
de Byzance. L’épouse de ce dernier arriva par bateau à Constantinople, alors
que son mari avait été tué au cours d’une bataille sur le chemin. András II
pouvait donc espérer encore. Cependant, au lieu de passer par les Balkans
avec ses croisés pour arriver aux lieux saints, il choisit la route de la mer.
Arrivé sur place, il n’attaqua pas Jérusalem, mais passa son temps à piller la
région afin d’éviter les pertes et de disposer d’une grande armée au sud, avant
de remonter vers Constantinople. Le pape ne lui pardonna pas son inefficacité
à la tête des croisés et il nomma Robert Courtenay empereur de Byzance à la
place d’András II.
Durant tout son règne, il se battit à l’est pour conserver son autorité sur la
Galicie. Il nomma roi de Galicie son fils Kálmán, encore enfant, qui en fut
chassé. Petit à petit, il perdit aussi les régions du sud des Balkans, confiées à
son fils aîné, Béla. Plus tard, ces régions furent regagnées par ses fils Béla et
Kálmán. Il était jaloux des succès militaires de ses fils dans les Balkans. Il
mourut en 1235, à l’âge de 60 ans, quelques mois après son troisième
mariage, laissant derrière lui un pays sans autorité royale.
Il ne laissa aucun souvenir historique derrière lui qui mériterait d’être cité,
mis à part sa Bulle d’Or. On peut cependant supposer qu’il était d’accord
avec son fils Béla IV pour autoriser et aider le voyage des missionnaires
dominicains partant à la recherche des Hongrois restés à l’Est. Il devait
penser qu’en cas de succès dans leur conversion au catholicisme, il aurait une
excellente réputation dans l’Europe chrétienne. Son fils, Béla IV, espérait
probablement les ramener dans le bassin des Carpates et faire ainsi de son
royaume la plus grande puissance d’Europe.
Le frère Julianus, également très cultivé (il fit ses études à l’Université de
Bologne), demanda l’autorisation de sa hiérarchie et du nouveau roi, Béla IV,
de repartir sur la route du frère Otto pour évangéliser les lointains cousins.
Comme son prédécesseur, il partit vers l’est avec trois autres dominicains, en
1235.
Après un long voyage pénible sur terre et mer, ils arrivèrent à
l’embouchure de la Volga.
Les populations des régions traversées connaissaient plusieurs tribus
nomades hongroises, dispersées entre les mers Noire et Caspienne, mais
personne n’avait entendu parler d’une Grande Hongrie orientale, celle citée
par le frère Otto. Comme, selon Anonymus, les Hongrois avaient vécu dans
le Caucase avant de se disperser en Eurasie, Julianus voulut suivre leur
chemin supposé. On peut également rappeler que, avant leur départ vers la
conquête de la Hongrie, les Hongrois occupaient déjà cette région appelée
jadis Dentia (Dentumogérie).
Tout le monde connaissait aussi des tribus hongroises vivant un peu plus
au sud, aux environs de la ville de Madjar, qui portait leur nom déformé.
Certains disaient que, loin au nord, près de la Grande Bulgarie, les Hongrois
étaient très nombreux. C’étaient eux, dont devait parler Otto.
Au printemps 1236, ayant perdu ses compagnons, Julianus repartit avec
une caravane vers le nord. Il y retrouva enfin le pays des Hongrois de l’Est,
situé entre la Volga et les monts Oural. Leurs voisins étaient des Bulgares au
sud et des Mongols (Tartares) à l’est. Ils parlaient une langue hongroise très
pure et n’eurent donc aucun problème à comprendre Julianus. Ils furent
heureux d’apprendre que c’était un Hongrois chrétien venant de la Hongrie
lointaine. Ils vivaient comme les anciens Hongrois. Ils adoraient un seul dieu,
mais sous différentes formes selon les circonstances. Ils croyaient en « l’au-
delà » et, en honneur de leurs aïeuls, un feu brûlait en permanence dans leur
camp. Leurs voisins les prenaient pour des « adorateurs du feu ». Ils vivaient
de l’élevage. Ils avaient parfois des escarmouches avec leurs voisins tartares,
mais bons guerriers, ils en sortaient souvent vainqueurs.
Les Mongols estimaient beaucoup les guerriers hongrois. Associés, ils
pillaient souvent ensemble les pays voisins.
Un jour, un émissaire mongol dévoila à Julianus leur projet d’envahir
l’Europe et d’écraser tous les peuples qui oseraient leur résister. Informé de
ce projet inquiétant et sachant que, seul, il ne pourrait pas convertir ce grand
peuple, Julianus décida de rentrer immédiatement en Hongrie pour prévenir
Béla IV et le pape…
Cependant, il ne put convaincre ni Béla IV, ni Grégoire IX du danger
menaçant.
Le pape Grégoire IX avait déjà été informé par ses émissaires de l’arrivée
des Mongols, mais il ne croyait pas au danger. Au contraire. Comme les
Mongols avaient écrasé les Perses faisant partie de l’empire des musulmans
seldjoukides, le pape les appelait « descendants du roi David » qui, selon les
légendes, s’uniraient avec les chrétiens pour reprendre la Terre sainte.
Comme preuve de leur bonne volonté, il parlait des missionnaires chrétiens
libres dans l’empire lointain des Mongols.
On doit rappeler aussi que des tribus hongroises dispersées dans le Caucase
fondèrent également un royaume chrétien, vers la fin du Moyen Âge. Si tous
ces Hongrois de l’Est avaient été réunis dans le bassin des Carpates, ils
seraient restés très forts et indépendants.
Bientôt, les Mongols écrasèrent les Russes et les Coumans. Ces derniers,
protégés par Béla IV, cherchèrent refuge en Hongrie. Certains dirent que les
Mongols ravageaient la Hongrie par vengeance, à cause de son accueil des
Coumans qu’ils voulaient exterminer. D’autres disaient que le seul but de
l’invasion des Mongols était l’extermination des Hongrois, leurs anciens
ennemis historiques. Peu importe pourquoi, mais ils arrivèrent très vite en
Hongrie et, malheureusement, Béla IV sous-estima leur puissance, malgré les
avertissements du frère Julianus. Il pensait pouvoir les arrêter avec son armée
royale, aidée par les Coumans. Il faut signaler que la présence de trop
nombreux Coumans en Hongrie déclencha la colère de la grande noblesse (et
même du peuple) contre le roi, qui les aida et les autorisa à s’installer.
Béla IV était trop hésitant pour attaquer les Mongols qui avançaient sans
rencontrer beaucoup de résistance. Il attendit de l’aide, mais en vain.
Le pays affaibli, ravagé par les Mongols, fut attaqué de tous les côtés. Les
Serbes entrèrent en Dalmatie, le doge de Venise attaqua la Croatie et
Frédéric, prince d’Autriche, le Nord-Ouest de la Hongrie. Cependant,
Béla IV, ayant retrouvé sa puissance militaire, put remettre de l’ordre aussi
sur ses frontières. Il pouvait craindre aussi les exigences de l’empereur
Frédéric II, mais ayant été excommunié, ce dernier avait d’autres soucis que
d’attaquer la Hongrie. En revanche, les Mongols restaient toujours
menaçants. Béla IV les battit en Galicie, avec l’aide des Polonais, mais
devant l’arrivée d’une nouvelle armée, seule la diplomatie de Béla IV permit
d’éviter une nouvelle guerre dangereuse. Il occupa ensuite une partie de
l’Autriche et entra en guerre avec la Moravie, mais l’intervention du pape mit
fin aux hostilités.
Il eut ensuite quelques problèmes avec son fils István, de plus en plus
exigeant, mais le vieux roi lui accorda le royaume de Dalmatie, rétablissant
ainsi la paix entre père et fils.
Il mourut en 1270, laissant derrière lui un grand royaume, puissant et riche,
malgré l’invasion et le ravage des Mongols, qui auraient pu rayer la Hongrie
de la carte de l’Europe
András III (André, fils du frère de Béla IV, *1265, 1290-1301) fut
couronné en 1290. Il avait été élevé à Venise, puis retenu en Autriche.
Ramené de Vienne par la noblesse hongroise, on peut dire qu’il fut élu roi à
l’unanimité. Il jura de rétablir l’ordre en Hongrie et de reprendre les
territoires perdus durant le règne de son prédécesseur.
Il réunit le Parlement et choisit ses conseillers dans l’entourage des
puissants barons et évêques. Il parcourut ensuite tout le pays pour se faire
connaître et pour mieux connaître les problèmes de la population.
Il demanda ensuite au prince Albert de restituer à la Hongrie les territoires
et châteaux annexés à l’Autriche durant le règne de László IV. Devant le
refus d’Albert, il déclara la guerre à l’Autriche. À cette occasion, pour la
première fois depuis Béla IV, barons, évêques et le pays entier soutinrent le
roi avec leurs armées. Cette immense armée arriva jusqu’à Vienne en
rencontrant peu de résistance. András III obtint satisfaction et signa la paix
avec l’Autriche.
Les rois de la dynastie Árpád furent au pouvoir durant 3 siècles. Sous leur
règne, la Hongrie connut des périodes glorieuses, des guerres de succession et
même l’écrasement total par les Mongols. Malgré les intrigues et les
trahisons des prétendants au trône et des usurpateurs, grâce à quelques grands
rois, les Hongrois prirent racine définitivement dans le bassin des Carpates.
Ces grands rois luttaient avec armes et diplomatie contre les ennemis internes
et externes, pour s’imposer dans un environnement hostile.
Après András III, mis à part quelques exceptions, tous les autres rois de
Hongrie furent des étrangers issus, toutefois, de la famille Árpád, par des
mariages des sœurs et des filles.
Certains de ces rois disposèrent de plusieurs royaumes et furent même
empereurs du Saint Empire romain germanique. Toutefois, ils agirent
toujours dans l’intérêt de la Hongrie.
On peut citer parmi eux le nom de Lajos (Louis) le Grand, qui serait le
premier roi hongrois couronné par la célèbre Sainte Couronne. Durant son
règne, la Hongrie connut son expansion géographique maximale. Ses
« frontières étaient arrosées par trois mers ».
Le début du XIe siècle fut marqué par la « grande terreur » provoquée par
les visions apocalyptiques de saint Jean, prévues pour cette époque. Tout le
monde craignait l’arrivée de l’Antéchrist libéré de ses chaînes. Le monde
chrétien tremblait de peur en vue de l’affrontement terrestre des puissances
surnaturelles, entraînant la fin du monde.
Mais l’Apocalypse annoncée par saint Jean n’arriva pas sous la forme
décrite. Toutefois, la vie des pauvres devint insoutenable. L’Église put éviter
leur révolte en promettant le bonheur éternel au ciel, à tous ceux qui
souffraient sur la terre. Elle profita aussi de la peur de l’Antéchrist pour
éliminer « ses adeptes » et pour jeter les hérétiques sur des bûchers. Ce fut
aussi le départ en masse de pèlerins vers Jérusalem, où le Christ devait
renaître.
Le danger de l’Apocalypse oublié ne régla pas les problèmes du monde
chrétien, dont l’islam devint le plus grand ennemi. Durant des siècles, de
nombreux pèlerins visitèrent en toute liberté les lieux saints de Palestine. En
800, les califes abbassides concédèrent même à Charlemagne la tutelle
morale des lieux saints. Lorsque les musulmans les récupérèrent, ils y
autorisèrent les pèlerinages. En 1009, le calife El-Hakim ouvrit les hostilités
avec la persécution des pèlerins et fit détruit le Saint-Sépulcre. Toutefois,
malgré les risques, les pèlerinages continuèrent. En 1078, les Seldjoukides
s’emparèrent de Jérusalem et mirent fin aux pèlerinages.
Cette autorisation ne satisfit pas le pape, Innocent III, qui lança une
quatrième croisade en 1202. Mais les échecs précédents avaient démotivé
les donateurs et l’organisation manquait d’argent pour financer les frais.
L’objectif de cette croisade fut détourné et transformé en pillages des terres
chrétiennes. Les croisés n’ayant pas payé les frais de transport maritime à
Venise, les Vénitiens débarquèrent aux Balkans pour récupérer leur argent
par le pillage de la ville de Zara. Les croisés pillèrent aussi les Balkans et les
territoires byzantins puis, arrivés à Constantinople, ils l’attaquèrent et mirent
à sac la ville en 1204. Byzance devint un empire latin, dépendant de Rome,
mais les lieux saints restèrent entre les mains des musulmans.
Vingt ans plus tard, en 1221, une cinquième croisade échoua aussi.
On pourrait parler aussi de la croisade des enfants, qui fut une escroquerie
monstrueuse. Des « illuminés » entraînèrent des enfants de toute l’Europe,
petits et grands, sans armes et sans nourriture, vers les lieux saints, en leur
disant que la pureté de leur âme suffirait pour triompher au nom du Christ. Ils
moururent sur le chemin, de faim ou assassinés. Les seuls survivants furent
vendus en esclavage aux musulmans.
À son origine, cet ordre religieux était voué à l’hospitalité et aux soins des
voyageurs et des pèlerins. Au début des croisades, l’ordre des hospitaliers
créa plusieurs hôpitaux en Orient, notamment à Jérusalem, les hôpitaux
Saint-Lazare pour les lépreux et Saint-Jean pour les pèlerins. Compte tenu de
l’état de guerre permanent, cet ordre devint aussi un ordre militaire. Après la
chute de Jérusalem en 1187, l’ordre se retira à Saint-Jean-d’Acre jusqu’en
1291 puis, après la chute de ce dernier bastion de la chrétienté, il s’installa
d’abord à Chypre, puis à Rhodes, où il fonda un État autonome. Après la
dissolution des templiers en 1314, il récupéra une partie de leurs possessions
et devint immensément riche. Durant des siècles, ce petit État résista aux
attaques des Turcs, mais en 1522, Soliman II s’en empara. L’ordre des
hospitaliers quitta donc Rhodes et s’installa définitivement à Malte, dont
Charles Quint lui fit cadeau, en 1530. Avec ses quelques milliers d’habitants
armés et avec sa flotte puissante, Malte, État indépendant, devint le bastion
imprenable de l’Europe contre les Turcs.
Cet ordre, devenu militaire, continua toutefois ses actions humanitaires.
L’ordre des templiers fut fondé en 1119 à Jérusalem par Hughes de Payns
et par sept autres chevaliers, compagnons de Godefroi de Bouillon. Leur
mission consistait à protéger les pèlerins et notamment les chemins
conduisant des côtes de Syrie à Jérusalem. Ils étaient installés au palais du roi
de Jérusalem, construit à l’emplacement de l’ancien temple de Salomon, d’où
leur nom de « chevaliers du temple » ou « templiers ». Leur nombre
augmenta rapidement et l’ordre devint une organisation structurée ayant des
installations en Europe, notamment à Paris. L’ordre était dirigé par un
« grand maître », élu par les chevaliers, et divisé en quatre classes :
chevaliers, frères lais, chapelains et prêtres. Les chevaliers portaient des
capes blanches avec une croix rouge. Fervents défenseurs du christianisme,
ils participèrent à toutes les guerres des chrétiens contre les musulmans et
même contre les Mongols.
En quelques décennies, ils furent plus de 15 000, formant la première
armée permanente du Moyen Âge. Leur puissance économique provenait de
leurs possessions territoriales, de dons généreux et surtout de leur activité
bancaire. Cette dernière était un privilège exceptionnel accordé aux
templiers par le pape. Ils devinrent les banquiers des papes, des princes et des
particuliers. Les templiers mettaient leur richesse au service de nobles causes,
telles que le rachat des chrétiens captifs et la construction d’ouvrages
fortifiés.
Leur puissance et leur richesse engendrèrent cependant la jalousie des
souverains et du pape. Après la perte des lieux saints et des États latins
d’Asie Mineure, le pape voulut fusionner les templiers avec l’ordre des
hospitaliers, très localisé, facile à contrôler. Jacques de Molay, le grand
maître de l’ordre, s’y opposa en 1306, attirant la colère de la plupart des
souverains, notamment de Philippe IV le Bel, roi de France. Ce dernier fit
arrêter en 1307 tous les templiers vivant en France, en les accusant d’hérésie,
de blasphème et de débauche, et confisqua leurs biens. Sous la torture,
plusieurs avouèrent « tous les crimes ».
En 1310, au concile de Sens, on condamna 54 templiers au bûcher. Mais
Philippe le Bel voulait exterminer l’ordre des templiers partout. Sous sa
pression, le pape dissolut l’ordre des templiers en 1312. Jacques de Molay et
ses compagnons ayant refusé de reconnaître leurs « crimes » furent brûlés
vifs. Avant de mourir, Jacques de Molay assigna le pape et Philippe le Bel
devant le tribunal de Dieu.
Il faut rappeler cependant que l’ordre garda ses biens en Aragon et au
Portugal, où ses successeurs prirent le nom d’« ordre du Christ ».
L’ordre teutonique
L’ordre teutonique naquit en 1198, plusieurs années après les deux autres
ordres religieux. Il fut créé par des commerçants allemands lors du siège
d’Acre. Il était ouvert à toutes les nationalités, mais en pratique, tous ses
membres étaient des moines allemands. Sa structure, ses rites et même son
uniforme étaient les mêmes que ceux des templiers. Leur chef, élu à vie,
s’appelait aussi « grand maître ». Son siège était à Venise. Après la chute
d’Acre en 1291, l’ordre teutonique se retira en Pologne et s’occupa de la
christianisation de la Prusse païenne. Son siège fut transféré à Marienburg,
puis à Königsberg (Kaliningrad), d’où partaient ses armées contre les
Prussiens et les Polonais. Après plusieurs batailles perdues, le territoire de
l’ordre perdit sa grandeur et son indépendance en 1466, et devint une
principauté soumise au roi de Pologne. C’était une petite cité-État en
Pologne.
En même temps que des croisades, nous devons parler aussi de la création
et du fonctionnement de l’Inquisition. Dès le début du XIe siècle, l’Église
lança la guerre contre les hérétiques, ses « ennemis internes ». En général,
c’étaient des catholiques qui voulaient pratiquer leur religion autrement que
les papistes.
Leurs premières manifestations furent antérieures aux croisades, mais elles
étaient groupées dans des régions bien distinctes, où l’armée pouvait les
écraser. Le vrai danger commença avec la dispersion des hérétiques dans
toute l’Europe.
On l’appelait ainsi, car elle était la fille du roi de Bohême, Premislas Ier et
de Constance de Hongrie. Son véritable nom était Blazena Vilemina. Elle
prétendait être l’envoyée de Dieu, représenté par le Saint-Esprit, apparu dans
le corps d’une femme, pour éviter le sort du Christ, tué par les hommes.
« Guillemette présentait son être femme sur le même plan que celui de
l’homme Jésus-Christ, comme un signe divin du salut. Elle affirmait la
nécessité de l’incarnation de Dieu dans l’homme et dans la femme, afin
que le salut apporté par le Christ fût réellement universel. » Cette nouvelle
considération de la femme, jugée par l’Église responsable du « péché
originel », était une pure hérésie. Toutefois, Guillemette ne fut pas molestée
par les inquisiteurs durant sa longue vie : ils devaient se sentir désarmés
devant un cas si extraordinaire. Elle reçut même le soutien des cisterciens de
l’abbaye de Chiaravelle, où les Milanais la vénéraient comme une sainte. Elle
avait de nombreux disciples, surtout des femmes, qui l’écoutaient prêcher,
comme si elle était réellement le Christ. Hommes et femmes la consultaient
pour lui demander conseil et réconfort.
Après sa mort en 1281, elle fut enterrée dans son abbaye. Ses disciples se
regroupèrent autour de la sœur Maifreda da Pirovano, qui communiait avec
l’hostie et célébrait la messe au nom de Guillemette.
La propagation des enseignements de Guillemette restant limitée à sa
région, l’Inquisition eut enfin le courage de s’attaquer à ses disciples. En
1300, elle les arrêta tous et les envoya au bûcher, y compris le corps déterré
de Guillemette, afin de purifier la terre de cette nouvelle forme d’hérésie.
Un nouvel empire fut établi, réunissant les pays mongols. Leur chef,
Temudjin, fut proclamé khan en 1196, sous le nom de Gengis Khan.
Cependant, il devait encore partager le pouvoir avec un autre élu des tribus
turco-mongoles, Jamuqa. Après plusieurs batailles contre son rival, il le tua et
soumit à son pouvoir toutes les tribus rebelles. Il devint khagan (chef
suprême) de toutes les tribus turco-mongoles. Durant son règne, de 1206 à
1227, bien secondé par ses fils, son empire occupa une bonne moitié de
l’Asie. Le nord de la Chine et Pékin étaient aussi sous son pouvoir. Il
s’abstint toutefois de s’attaquer au reste de la Chine, encore très puissante. Il
poursuivit plutôt l’extension de son empire vers le sud, en occupant les
territoires iraniens, et vers l’ouest, en chassant les tribus turques et coumanes
(turcs mongolisés) refusant de le reconnaître pour leur souverain. Au nord,
une grande partie de la Sibérie passa également sous la domination des
Mongols. La capitale fortifiée de son empire fut Karakorum, une
magnifique ville, avec son immense palais, où siégeait Ogoday, le grand
khan, successeur du célèbre Gengis Khan. Mille cavaliers pouvaient franchir
ensemble la grande porte du palais, mais à l’intérieur, ils devaient ramper à
genou devant le grand khan. Les Mongols toléraient toutes les religions dans
leur pays (il paraît qu’il y avait même des chrétiens), mais exigeaient que tout
le monde adore leur grand khan.
Gengis Khan eut le grand mérite d’unifier et de sédentariser les peuples
mongols, malgré leur habitude de la vie nomade. Il confia les différentes
parties de son territoire à ses fils, avec beaucoup d’autonomie, évitant ainsi
les mécontentements et jalousies.
Ogoday, son fils, fut élu khagan en 1227, après la mort de Gengis Khan. Il
poursuivit activement et avec succès la politique expansionniste de son père.
En quelques années, ses armées occupèrent la Corée, la Chine, la Perse,
l’Asie Mineure, l’Asie centrale et l’Europe centrale, y compris les
principautés russes (voir plan ci-après). Rien ne pouvait leur résister. Durant
son règne, l’Empire mongol atteignit son apogée. Une partie de son armée,
dirigée par son neveu Batu Khan, petit-fils de Gengis Khan, ravagea la
Hongrie et assiégea Vienne. On disait que Batu Khan poursuivait vers l’ouest
les Coumans, ses ennemis héréditaires, qui refusaient de se soumettre à son
autorité. Il y a une part de vérité. En effet, les Coumans faisaient partie des
tribus turques révoltées, jadis plus puissantes que les Mongols et qui
préféraient la fuite à la soumission. Il fallait donc les exterminer pour
l’exemple !
L’Europe fut sauvée par la mort d’Ogoday, en 1241. En effet, Batu Khan
se retira à Karakorum pour poser sa candidature de nouveau khagan. En son
absence, l’Europe put organiser sa défense.
L’immense Empire mongol était divisé en khanats, dirigés chacun par les
fils et les descendants de Gengis Khan, qui reconnaissaient tous la
souveraineté du khagan. C’est ce qui donna sa puissance incontestable à
l’empire. Ses successeurs, les khagans Güyük (†1248), puis Mönke (†1259)
consolidèrent leur pouvoir et réussirent à maintenir l’unité de l’empire. Les
Mongols occupèrent toute la Chine, éliminèrent les Ismaéliens du Moyen-
Orient et occupèrent Bagdad en 1258.
L’empire des Mongols au XIIIe siècle
L’Empire mongol devint finalement trop vaste pour être gouvernable par
un pouvoir central. Les khanats prenaient de plus en plus d’indépendance et
ne reconnaissaient plus le khagan. Vers 1260, l’Empire mongol devint une
fédération de khanats indépendants :
– à l’ouest, le Kiptchak ou Horde d’Or, fondé jadis par Batu Khan ;
– au centre, le Djaghataï, territoire des ex khagans ;
– au sud, la Perse ou les Ilkhans, de la Horde Blanche à Kazakhstan ;
– à l’est, la Chine, où Qubilai fonda la dynastie Yuan.
Les Mongols sédentarisés perdirent leur puissance militaire. Ils étaient faits
pour les conquêtes, sans lesquelles ils prenaient les coutumes et les croyances
des pays occupés pour perdre ensuite leur identité. La Chine devint
bouddhiste et les autres khanats, musulmans, voire chrétiens.
Il n’y avait plus d’entraide chez les Mongols. Les khanats devinrent rivaux,
voire ennemis, avant de disparaître.
L’empire de Tamerlan
La Horde d’Or subit des pressions russes et perdit Kiev. Elle fut conquise
ensuite par la Horde Blanche de l’est, puis saccagée par la horde de
Tamerlan. On peut dire qu’elle cessa d’exister.
Après sa mort en 1326, son fils Orkhan continua ses conquêtes vers
l’ouest pour posséder une large bande maritime, bien située face aux
territoires européens de Byzance. Ses successeurs continuèrent sa politique
expansionniste. En quelques dizaines d’années, les Ottomans occupèrent
presque toute l’Anatolie. Les Ottomans, guerriers musulmans, avaient pour
objectif, en plus du pouvoir, l’islamisation du « monde ». Ils commencèrent à
débarquer en Europe dès 1353.
Bayezid Ier, son fils, dit « la foudre », annexa à son État tous les émirats
d’Anatolie. Occupant déjà une partie des Balkans, il amena ses armées
jusqu’aux frontières de la Hongrie, dont le roi Sigismond demanda au pape
d’organiser une croisade contre les Turcs. Les croisés furent écrasés par
l’armée de Bayezid en septembre 1396. Dès lors, les Turcs furent considérés
comme invincibles, tout au moins par les Européens !
***
En 1300, avant la mort d’András III, les partisans des Anjou invitèrent en
Hongrie l’enfant Károly Robert (*1288, fils de Maria, sœur de László IV et
femme du roi de Naples). Le temps qu’il arrive en Hongrie, András III était
mort. La Sainte Couronne, obligatoire pour le couronnement du roi, était
gardée par la noblesse « anti Anjou » qui ne la céda pas. Károly Robert fut
couronné illégalement avec une nouvelle couronne.
Venceslas (1301-1305), aussi jeune que son rival Károly, s’installa à Buda.
Il prit le nom hongrois de László pour se faire accepter par les Hongrois.
Cependant, le pape soutenait Károly Robert et exigeait la démission de
Venceslas. La haute noblesse se rangea aux côtés du pape, d’autant plus que
le comportement du jeune Venceslas était indigne d’un roi hongrois. Sentant
la menace, Venceslas II, roi de Bohême, ramena son fils à Prague, avec la
Sainte Couronne hongroise ! « Propriétaire » de la Sainte Couronne, symbole
du royaume, Venceslas restait officiellement roi de Hongrie. La noblesse
hongroise exigea la restitution de la couronne et, devant le refus de Venceslas
II, les Hongrois, soutenus par Albert, roi Habsbourg, attaquèrent les
Tchèques. Venceslas II mourut à la bataille. Son fils, devenu roi de Bohême
sous le nom de Venceslas III, renonça au trône de Hongrie, mais pour se
venger, il offrit la Sainte Couronne à Otto, prince de Bavière, petit-fils de
Béla IV, héritier légal du trône hongrois.
Lajos passait son peu de temps de repos dans son palais de Visegrád, en
organisant des tournois de chevaliers, sa distraction préférée. Comme dans la
Rome antique avec les jeux du cirque, à Visegrád, les tournois amusaient la
population. En Europe occidentale, au début de la Renaissance, ces tournois
n’étaient plus à la mode.
Comme je l’ai dit déjà plus haut, selon certains historiens, Lajos fut le
premier roi de Hongrie couronné par la Sainte Couronne, offerte à András III
par l’empereur de Byzance. Ses prédécesseurs ne portaient que ses imitations.
Mais saura-t-on jamais quelle est la vérité ?
Mária, sa jeune fille (*1370), lui succéda sur le trône en 1382. Sa mère
Élisabeth régna à sa place, agissant contre toutes les volontés de feu son mari.
Elle refusa le mariage promis avec Zsigmond et lui chercha un mari en
France. Elle fit couronner reine de Pologne sa fille Hedwige, puis la maria
avec Jagellon, duc de Lituanie, qui devint ainsi roi de Pologne sous le nom de
Ladislas. À la demande d’Élisabeth (condition du mariage), il se convertit au
catholicisme avec son peuple lituanien. Sous son règne, la Pologne devint une
grande puissance européenne.
Les problèmes autour du trône furent suspendus par une nouvelle attaque
des Turcs, avec le nouveau sultan Bayezid II. Le pape organisa une croisade
contre lui avec la participation de tous les pays chrétiens d’Europe, dont la
force était supérieure à celle des musulmans. Zsigmond avait l’habitude de se
battre contre les Turcs et avait toutes les chances de les vaincre avec l’armée
européenne. Mais, sûrs de la victoire, les généraux français sans expérience
demandèrent au pape le commandement de la croisade. Ils subirent une
écrasante défaite en 1396, à la bataille de Nicopolis. La défaite fut attribuée à
Zsigmond qui réussit à se sauver en bateau. Heureusement pour l’Europe,
Bayezid II s’intéressait plus à la prise de Constantinople qu’à l’Occident et
partit vers l’est après sa victoire.
Cette défaite compliqua encore plus la situation de Zsigmond. La Hongrie
devint la terre des complots contre le roi. Il devait lutter pour conserver son
trône. Il extermina sans pitié ses adversaires, confisqua leurs biens et
récompensa généreusement ses fidèles partisans avec des donations. Ses
adversaires réussirent à l’arrêter, mais son frère, l’empereur Venceslas, le
libéra et l’amena avec lui en Bohême. Profitant de l’impopularité de
Venceslas dans son pays, Zsigmond se fit nommer gouverneur de Bohême. Il
fit même arrêter son frère et le mit sous la garde du prince Albert d’Autriche.
Quelle belle récompense pour son aide !
Je dois rappeler que ses successeurs sur le trône de Hongrie n’avaient plus
de sang Árpád. On pouvait trouver encore en Europe des descendants des
filles de la famille Árpád, mais la haute noblesse hongroise préférait choisir
ses rois parmi les souverains des pays voisins.
Les candidats ne manquaient pas. Certains prirent le trône avec l’aide de la
noblesse, jamais unanime, d’autres par la force. Pendant que les prétendants
se battaient entre eux pour le pouvoir, les nouvelles attaques turques
devinrent de plus en plus menaçantes aux frontières de la Hongrie.
Les nouveaux rois de Hongrie
Sa femme étant morte jeune sans lui avoir donné d’héritier. Frédéric III
voulut profiter de cette situation pour essayer d’obtenir amicalement ce qu’il
ne pouvait pas avoir par la force. Il proposa en 1463 à Mátyás de « l’adopter
comme fils » et de lui rendre la Sainte Couronne. En contrepartie, Mátyás
devait lui promettre qu’après sa mort, la couronne de Hongrie reviendrait aux
descendants de Frédéric. Mátyás accepta ces conditions. Dès qu’il reçut la
Sainte Couronne, il se fit couronner selon les traditions hongroises et jura de
respecter les lois hongroises, y compris les droits de succession au trône.
La paix ne pouvait pas durer longtemps. Mátyás, très catholique, ne
voulant pas accepter l’amitié entre Podébrad et les hussites, déclara la guerre
à la Bohême. Ses campagnes n’eurent que des succès partiels. Cependant, la
ligue catholique tchèque le prit pour défenseur de l’Église catholique et lui
offrit la couronne tchèque en 1469. Or, l’opposition offrit le même trône
tchèque à Ladislas, roi de Pologne catholique. Si le pape finançait ses guerres
contre les hussites hérétiques, il ne pouvait pas le soutenir financièrement
contre un roi catholique. Dans l’armée de Mátyás, il n’y avait que des
mercenaires qui lui coûtaient très cher. Il devait faire face aux dépenses de
guerre par ses propres moyens. Il augmenta donc les impôts, déclenchant le
mécontentement, surtout en Transylvanie. Il écrasa les révoltes, mais ses
problèmes d’argent persistèrent.
Il tenta sa chance chez les voisins, en demandant en mariage la fille de
Frédéric d’Autriche, espérant une dot confortable. Sa demande fut refusée.
En rentrant en Hongrie, un nouveau complot l’attendait. Les mécontents
proposèrent son trône à Casimir, fils de Ladislas Ier, roi de Hongrie, mort à
Varna lors de la bataille contre les Turcs. Il écrasa le complot. La chance lui
revint. Il envahit la Moravie et la Silésie. Casimir et son fils Ladislas lui
proposèrent la paix.
Après ces évènements, il put profiter d’une longue période de paix qui ne
fut perturbée que par quelques attaques turques sans danger et sans succès.
Constatant la puissance de l’armée de Mátyás, les Turcs préféraient
contourner la Hongrie par les Balkans pour attaquer l’Autriche. Venise,
possédant les côtes dalmates, conclut la paix avec les Turcs en leur laissant le
passage.
Sans entrer dans les détails de leur histoire, je parlerai brièvement des
principaux évènements des grands royaumes européens du Moyen Âge,
parmi lesquels on ne peut pas encore citer l’Allemagne et l’Italie, qui
restèrent longtemps des agglomérats de principautés affiliées (ou non) au
Saint Empire romain germanique.
La Russie n’existait pas encore au Moyen Âge. Les principautés de
Novgorod, de Kiev, puis de Moscou restèrent sous domination mongole
jusqu’à la fin du XVe siècle.
Les pays scandinaves marquèrent l’histoire de l’Europe par les invasions
des Vikings, des Normands et des Varègues, sans toutefois établir un grand
royaume durable. Les Danois occupèrent longtemps l’Angleterre et une
grande partie de la Scandinavie, et les Suédois, le nord de l’Europe de l’Est.
Durant plus d’un siècle, les Danois, les Norvégiens et les Suédois formèrent
même un grand royaume réuni, mais sans suite.
L’Angleterre
Henri VII (*1457, 1485-1509) fut élu roi d’Angleterre après sa victoire à
Boswort, où fut tué le dernier York, Richard III. Il mit fin à la guerre des
Deux-Roses. Il fonda la dynastie des Tudor et restaura l’autorité royale.
La France
Eudes (*860, 888-898) fut élu roi de France grâce à sa victoire à la bataille
de Paris contre les Normands. Jusqu’à sa mort, il dut se battre contre
Charles III (893-923) et partager le trône avec lui, à partir de 893. Robert
Ier (de la famille capétienne) fut élu roi de France en 923 à Reims, puis tué
l’année suivante en combattant Charles III. Ce dernier fut vaincu la même
année par Hugues le Grand, puis emprisonné. Il mourut 6 ans plus tard.
Louis IV d’Outremer (*921, 936-954), fils de Charles III, fut élu roi
grâce à l’appui de Hugues le Grand, comte de Paris et duc de France, fils de
Robert Ier, vainqueur de son père, qu’il battit en 948. Après de nombreuses
batailles, il rallia les Normands.
Le roi n’était guère accessible aux avis des barons de son entourage,
confidents plus que conseillers. Mais les religieux, dominicains et
franciscains étaient nombreux autour de lui et exercèrent une influence
croissante sur son comportement et sur sa politique.
Les actions les plus spectaculaires furent celles qu’il mena pour mettre un
terme aux conflits qui venaient de déchirer la France : conquête du Midi
languedocien par les croisés septentrionaux, lutte des Capétiens contre les
Plantagenêt. Après une ultime révolte du comte de Toulouse, Raymond VII,
ce fut, avec le traité de Lorris (1243), la soumission définitive de la France
méridionale et la confirmation de l’organisation nouvelle du Languedoc. Une
dernière tentative du roi d’Angleterre et de ses fidèles échoua en 1242 à
Taillebourg et à Saintes. Bien qu’ayant l’avantage, Louis IX préféra une paix
qui satisfaisait son sens de la justice et ménageait le pieux Henri III qu’il
estimait. Au traité de Paris (1258-1259), il rendit à ce dernier une partie des
terres (du Limousin et du Quercy à la Saintonge) dont il n’était pas assuré
que la conquête ait été légitimement fondée. Par de telles concessions,
auxquelles les barons de son entourage s’opposèrent en vain, Saint Louis
pensait avoir assuré la paix, la fidélité de son royal vassal et l’appartenance
définitive à la couronne de France de l’essentiel de l’héritage des
Plantagenêt : Normandie, Anjou, Touraine, Maine et Poitou.
• En 1307, Philippe le Bel fit arrêter tous les templiers de France, sous des
accusations infamantes (sodomie, sacrilège, idolâtrie), pour des motifs qui ne
sont pas clairs, sinon pour récupérer leur trésor, et les fit jeter en prison. Il prit
possession de la tour du Temple où se trouvaient leur trésor et leurs livres de
comptes. Les 140 templiers de Paris subirent les pires tortures de la part des
inquisiteurs dominicains. Philippe dut harceler le pape pour obtenir
finalement la suppression de l’ordre dans toute la chrétienté par le concile de
Vienne, en 1312. Le pape Clément V, faible, obéissant à Philippe le Bel, fit
dissoudre l’ordre. En 1314, le maître Jacques de Molay et le commandeur de
Normandie furent brûlés vifs sur l’île aux Juifs.
Charles VII (*1403, 1422-1461), déshérité par son père et déclaré bâtard
(traité de Troyes, 1420), prit cependant le titre de roi à la mort de Charles VI,
mais il ne fut vraiment reconnu qu’après le sacre. Jusque-là, l’usage courant
de la cour ne lui accordait que le titre de dauphin.
Son histoire est très étrange. Si l’on fait le bilan de son règne de près de 40
ans, on peut dire qu’il fut un grand roi. Cependant, sans Jeanne d’Arc, peut-
être n’aurait-il rien fait ! En effet, au début de son règne, les Anglais
occupaient la moitié de la France et l’autre moitié était instable.
Les Capétiens-Valois-Orléans
La Pologne
Bien que l’on ne puisse pas la comparer aux autres grands royaumes
européens et qu’elle n’ait eu aucune influence sur l’histoire de la grande
Europe, il faut parler de la Pologne qui, après quelques siècles d’existence,
connut aussi son âge d’or vers la fin du Moyen Âge et qui, après sa chute,
réussit à survivre jusqu’à nos jours.
L’Espagne
Quelques dizaines d’années plus tard, incités par le pape, les États
chrétiens réunis attaquèrent l’émirat et occupèrent progressivement
l’Espagne, mais avec l’aide des Berbères almoravides, les musulmans les
battirent et reprirent leurs territoires. Toutefois, les États du nord restèrent
chrétiens.
Dès le XIe siècle, toute une série de rois « Alphonse » se succédèrent en
Castille et en Aragon, qui luttèrent sans cesse pour la survie de leur pays. Une
première réunification provisoire des États chrétiens eut lieu en 1109
lorsqu’Alphonse Ier d’Aragon et de Navarre épousa la fille d’Alphonse VI,
roi de Castille.
Les États chrétiens ne cessaient de se battre contre les musulmans et, en
1270, réussirent à réduire l’occupation arabe au royaume de Grenade, au sud
de l’Espagne.
En quelques dizaines d’années, à partir de 1282, le royaume d’Aragon-
Catalogne domina la Méditerranée occidentale (Sicile, Sardaigne et duché
d’Athènes), tandis que celui de Castille-León occupa tout le centre de
l’Espagne. On peut noter qu’Alphonse X le Sage, roi de Castille, fut aussi
empereur du Saint Empire romain germanique de 1267 à 1272. Il renforça la
chrétienté en Espagne et rétablit l’université de Salamanque.
Le XIVe siècle fut une période noire de l’histoire de l’Espagne. Les
rébellions, les luttes pour le pouvoir, la peste noire, les pogroms et les
conversions forcées affaiblirent considérablement les royaumes chrétiens.
La conquête de l’Amérique
***
Je ne peux pas quitter le Moyen Âge sans dire quelques mots des deux
grands empires américains de l’époque, totalement disparus après l’arrivée
des conquistadors, dont seules les ruines laissent imaginer la richesse.
L’EMPIRE INCA
Lorsqu’on parle des Incas, on pense au peuple indien qui peupla durant
près de 3 000 ans la partie occidentale de l’Amérique du Sud, entre l’océan
Pacifique et les forêts amazoniennes. Ce peuple civilisé atteignit son âge d’or
à la fin de notre Moyen Âge européen. À cette époque, il occupait tous les
territoires le long des Andes. Or « Inca » était le titre et le nom du roi de ce
grand peuple conquérant.
L’origine des Incas est peu connue. C’étaient des tribus indiennes vivant
dans les Andes qui, petit à petit, envahirent les cités États haut perchées dans
les montagnes et y fondèrent leur empire.
Leur structure sociale était comparable à celle des Égyptiens. « Inca », le
roi absolu du peuple, était le fils du Soleil. Il devait épouser sa sœur afin
d’assurer la pureté du sang royal. Personne ne devait lever les yeux devant
lui. Il était le maître absolu. L’empire était géré par la noblesse et par le
clergé, issus probablement de la famille royale, puisque les membres de la
classe inférieure ne pouvaient pas y accéder. Le peuple cultivait les terres,
confectionnait les articles artisanaux, construisait des édifices et formait
l’armée, en cas de guerre.
On cultivait du maïs, des pommes de terre, des haricots, du coton et du
piment. Les femmes tissaient, cousaient et s’occupaient de l’éducation des
enfants. On peut noter que, malgré la culture évoluée des Incas, leurs arts très
simples ne pouvaient pas concurrencer ceux des autres peuples indiens
soumis. Les Incas pratiquaient une écriture primitive que l’on ne put pas
déchiffrer.
L’EMPIRE AZTÈQUE
Comme je l’ai dit déjà plus haut, le Moyen Âge est la plus sombre période
de l’histoire de l’humanité. Il débuta avec la chute de Rome (576) et se
termina avec celle de Byzance (1453). Durant cette période, plusieurs grandes
puissances disparurent, mais d’autres naquirent.
C’était au nom de Dieu que l’on exterminait les hérétiques dans le monde
chrétien et qu’on se battait contre l’islam. Les deux religions monothéistes, la
chrétienté et l’islam, voulaient dominer le monde. Ces guerres de religion,
caractéristiques principales du Moyen Âge, furent sans limite. Elles ne se
cantonnèrent pas à l’affrontement des chrétiens et des musulmans, mais se
poursuivirent à l’intérieur même de chaque religion contre les
« déviationnistes » ou les sectes qui s’écartaient du dogme officiel, par une
interprétation différente de la Bible ou du Coran. Toute l’énergie et la
richesse des hommes étaient consacrée à la religion et à la guerre. Il était
donc normal que l’on négligeât la culture et les nouvelles connaissances. Je
suis peut-être un peu sévère, mais je ne peux pas m’empêcher de comparer le
peu de résultats des 10 siècles du Moyen Âge, avec ceux des quelques siècles
des différentes civilisations de l’Antiquité.
Les riches seigneurs n’étaient plus des mécènes de la culture. Ils
dépensaient leur fortune à la guerre. Les artistes ne pouvaient valoriser leurs
dons qu’au service de la religion, dans la construction des églises et des
mosquées. Les cathédrales et mosquées furent les seuls monuments
historiques du Moyen Âge.
Elle commença vers la fin du XIVe siècle en Italie, à Florence, à l’abri des
guerres perpétuelles. L’aristocratie et la bourgeoisie aisée éprouvaient le
besoin de la beauté dans leur environnement. Cette Renaissance concerna
tous les arts : peinture, sculpture, architecture, littérature et musique. Les
précurseurs de la Renaissance en Italie furent les écrivains F. Petrarca
(1304-1374) et G. Boccaccio (1313-1375).
Les premières grandes manifestations de l’art renaissant concernèrent
l’architecture et la peinture. On construisit des palais somptueux et, dans les
peintures religieuses, les fonds dorés ou sombres furent remplacés par des
images naturelles, aussi belles que les personnages principaux. Cette nouvelle
tendance s’implanta ensuite rapidement à Venise, encore plus riche que
Florence, puis à Rome et à Milan.
La diffusion rapide des arts de la Renaissance fut initiée par Battista
Alberti (1404-1472), célèbre humaniste et architecte florentin, qui passait
plus de temps à Venise que dans sa ville natale. Il fit lui-même les plans des
édifices à décorer. En Italie, quelques grands mécènes dépensèrent des
fortunes pour ces arts. Parmi les plus généreux, on peut citer Laurent de
Médicis, puis les papes Nicolas V et Pie II.
À Rome eut lieu un double éveil, celui des arts et de la grandeur des papes
qui, après le déclin dû à l’exode papal à Avignon, avaient bien besoin de
redorer leur blason. Quelques violences assombrirent cependant la
propagation naturelle des arts italiens. Lors des campagnes militaires de
Charles VIII, en 1494, et de Louis XII, en 1499, les compagnons du roi
ramenèrent avec eux en France de nombreux artistes italiens et des objets
d’art. Ce pillage fut une grande perte pour l’Italie, mais le butin artistique
éveilla l’intérêt de l’aristocratie française à la renaissance des arts.
La nouvelle mode fut lancée. Les artistes de tous les coins d’Europe
arrivèrent à Florence, à Rome et à Venise pour s’initier aux arts de la
Renaissance dans les grandes écoles. Ils diffusèrent ensuite cette nouvelle
tendance au retour dans leur pays.
On peut rappeler que la Hongrie fut l’un des premiers pays à s’imprégner
des arts de la Renaissance, suivant l’exemple de l’Italie. En effet, son roi
Mátyás Corvin (fils de Jean Hunyadi, vainqueur des Turcs à Belgrade en
1456), très cultivé, fit appel aux artistes italiens pour la décoration de son
château de Visegrád et pour la création de sa célèbre bibliothèque Corvin,
dans la deuxième moitié du XVe siècle. La plupart de ces artistes, peu connus,
s’installèrent définitivement en Hongrie. Malheureusement, peu de temps
après la mort du roi Mátyás, sa bibliothèque fut pillée, puis les Turcs
envahirent la Hongrie, mettant fin au développement de la Renaissance.
On peut citer dans l’ordre chronologique les plus grands artistes italiens de
la première période de la Renaissance :
Les Médicis firent une immense fortune grâce à leur activité bancaire. Ils
géraient également la fortune du Vatican, établissant ainsi des relations
privilégiées avec la papauté.
Amis des arts, les Médicis furent parmi les premiers mécènes des artistes
de la Renaissance. Parmi leurs protégés, on peut citer Michel-Ange qui, dès
son enfance, fut élevé par Laurent de Médicis, dit Laurent le Magnifique.
Ce dernier régna sur Florence jusqu’en 1494, mais fut chassé avec toute sa
famille par les Florentins, qui se révoltèrent contre le luxe et le relâchement.
Après ces évènements, Michel-Ange quitta Florence pour Rome, mais 3 ans
plus tard, y revint pour réaliser la statue de David.
Après la mort de Léon X, son cousin Jules de Médicis fut nommé pape
sous le nom de Clément VII (1523-34). Fidèle aux traditions des Médicis,
Clément VII vivait aussi dans un luxe démesuré. Maladroit en politique,
comme son cousin Léon X, il soutint François Ier contre Charles Quint dans
leur lutte pour le pouvoir en Europe. Charles Quint prit donc position contre
le pape et soutint les émeutes au sein des États pontificaux. En 1526, Rome
fut envahie par une armée de coalition menée par Charles Quint. Les
Autrichiens, les Espagnols, la famille Colonna (adversaire vénitien des
Médicis) et même les États protestants allemands y participèrent. La ville fut
pillée, brulée, massacrée. Le prestige et l’autorité de la papauté furent
gravement atteints. Le pape quitta son palais par des souterrains secrets pour
se réfugier au château Saint-Ange, où il resta enfermé durant plusieurs mois.
Il conclut ensuite un traité de paix avec Charles Quint, en 1527. Charles
Quint dut accorder quelques concessions sous la pression des États de
l’Europe catholique qui ne voulaient pas toucher à l’autorité du chef de
l’Église, mais par sa victoire, il réussit à renforcer la prédominance espagnole
sur l’Italie. En 1530, le pape le couronna empereur du Saint Empire romain
germanique, titre qu’il possédait déjà depuis 1519 !
On peut se demander comment un empereur aussi catholique que Charles
Quint put participer au « sac de Rome » et tolérer le viol et le massacre de
toute la population, à cause de sa mésentente avec le pape, sinon pour
montrer sa puissance. Il est vrai qu’il ne pardonna jamais au pape son soutien
à François Ier, son adversaire éternel, qu’il dut combattre durant tout son
règne.
Avec les guerres internes, Clément VII faillit à son devoir principal :
organiser la défense de l’Europe catholique contre la menace turque qui
s’installait progressivement dans les Balkans, puis en Hongrie. Au lieu de
soutenir François Ier, il aurait dû essayer de le réconcilier avec Charles
Quint, afin que ces deux seigneurs puissants, très catholiques, unissent
leurs armées contre la menace des Turcs.
Il aurait pu éviter ainsi le « sac de Rome » en 1526 et peut-être même
la défaite hongroise face aux Turcs à Mohács, la même année ! Il peut
être donc rendu responsable de ces deux tragédies européennes. La
défaite hongroise à Mohács en 1526 face aux Turcs fut une double
tragédie. La Hongrie cessa d’exister en tant que puissance européenne
protectrice de l’Europe catholique contre l’islam. La menace turque
s’installa en Europe pour 150 ans.
Le bilan global de la politique des Médicis fut donc très négatif au niveau
européen. Seuls les arts en tirèrent bénéfice. Les Médicis auraient dû se
contenter de gérer leur fortune et d’aider les arts !
L’ÉPOQUE MODERNE
L’Angleterre
Henri VIII (Tudor, *1491, 1509-1547) fut célèbre pour son caractère
autoritaire et violent. Il fut roi très jeune et se maria très tôt. N’ayant pas eu
de fils de sa jeune femme, il demanda l’accord du pape pour divorcer et se
remarier. Après la réponse négative du pape Clément VII, il abandonna sa
femme et, en 1534, il rompit avec l’Église catholique de Rome, puis se
nomma chef de l’Église anglicane. Il persécuta les catholiques et les
protestants de son royaume. Il confisqua les biens de l’Église catholique et
nomma lui-même les évêques anglicans.
Les relations entre Londres et Rome furent définitivement rompues.
Après son premier divorce, il se remaria encore cinq fois. Il fit décapiter
deux de ses femmes pour « infidélité ». Plus tard, on l’appela aussi « prince
barbe bleue », en faisant référence au héros des contes de Perrault.
Après sa mort, son fils Édouard, encore enfant, le suivit sur le trône
d’Angleterre, puis ses deux filles Marie et Élisabeth.
Marie Ire (Tudor, *1516, 1533-1558) prit le pouvoir par la force après la
mort de son jeune frère. Elle fut reine d’Angleterre et d’Irlande. On l’appela
aussi Marie la sanglante, à cause de sa cruauté. Elle persécuta et envoya au
bûcher les protestants et les anglicans après son mariage avec le catholique
Philippe II d’Espagne, en 1554. Elle entraîna son pays dans une guerre contre
la France.
Élisabeth Ire (Tudor, *1533, 1558-1603) fut une reine très énergique et
autoritaire. Elle renforça le pouvoir du gouvernement. Elle rattacha l’Irlande
à l’Angleterre et évita la guerre des religions.
Elle rétablit l’Église anglicane et, par décret, en fit une religion d’État.
Pour cela, elle se heurta à l’opposition des puritains qu’elle pourchassa et des
catholiques, soutenus par sa cousine, Marie Stuart, reine d’Écosse, qu’elle
fit décapiter lors de son exil en Angleterre. Cette exécution déclencha les
hostilités avec l’Espagne catholique qui envoya contre l’Angleterre en 1588
son Invincible Armada. Grâce à ses nouveaux canons à longue portée
récemment inventés, la flotte anglaise coula les grands vaisseaux espagnols,
lourds et lents, avant qu’ils puissent accoster. Cette victoire navale assura à
l’Angleterre une suprématie maritime, encourageant son expansionnisme vers
des terres lointaines : Inde, Amérique, Afrique. Le célèbre amiral Francis
Drake parcourut les mers et fit connaître la grandeur de l’Angleterre dans le
monde entier. Toutefois, l’Angleterre resta en conflit permanent avec
l’Espagne jusqu’à la mort d’Élisabeth.
Le règne d’Élisabeth fut marqué aussi par un essor industriel, culturel et
artistique. Élisabeth autorisa l’installation d’esclaves noirs en Angleterre pour
assurer une main-d’œuvre gratuite au développement industriel. Cependant,
effrayée par la prolifération des Noirs, elle voulut s’en débarrasser, mais sans
succès.
Elle mourut sans descendant.
Marie II (Stuart, *1662, 1689-1694), fille de Jacques II, fut appelée sur le
trône par le Parlement, avec son mari, Guillaume II d’Orange, qui régna après
sa mort prématurée. Elle garantit la Déclaration des droits et consolida les
libertés traditionnelles.
Anne Ire (Stuart, *1665, 1702-1714), fille de Jacques II, régna ensuite.
Sous son règne, la guerre de Succession d’Espagne renforça la puissance
maritime anglaise. En 1707, par l’Acte d’union, elle lia définitivement
l’Angleterre et l’Écosse. Elle fut le dernier souverain Stuart.
La France
Les Capétiens-Valois-Angoulême
Louis XIII (le Juste, *1601, 1610-1643), fils d’Henri IV, régna longtemps
sous la tutelle de sa mère, Marie de Médicis, qui laissa le pouvoir à Concini.
Après l’assassinat de ce dernier en 1617, Luynes assuma la régence jusqu’à
sa mort en 1621. À la suite des années de troubles, Louis confia le pouvoir au
cardinal Richelieu, dont il suivit les conseils, malgré les intrigues de sa mère.
Il rétablit l’autorité royale en luttant contre les féodaux et les protestants.
Avec sa politique habile, il développa le commerce et la marine.
Malheureusement, en 1635, il engagea la France dans la guerre de Trente
Ans, laquelle ruina son pays et provoqua des jacqueries sanglantes.
Louis XIV (le Roi-Soleil, *1638, 1643-1715) n’avait que 5 ans à la mort
de son père, Louis XIII, qui confia sa tutelle à sa femme, Anne d’Autriche et
au cardinal Mazarin (conseillé par Richelieu). La régence des « étrangers »
déclencha de fréquents soulèvements de la noblesse jusqu’à la majorité de
Louis XIV. En 1648, la guerre de Trente Ans se termina avec la victoire de la
France, mais malgré l’amélioration considérable de la situation économique,
la Fronde, révolte parisienne de la noblesse, persista encore pendant 5 ans. Le
cardinal Mazarin l’ayant bien préparé au pouvoir, le jeune roi devint un
monarque absolu à sa majorité, en 1654, tout en suivant ses conseils. Il
rétablit l’autorité royale et se montra soucieux de la gloire du royaume et de
l’étiquette. Après la Fronde, ne se sentant pas à l’aise à Paris, il fit
transformer le pavillon de chasse de Versailles en un somptueux château où il
s’installa et où toute la grande noblesse devait être présente aux grandes
occasions.
À partir de 1682, Versailles devint ville royale. C’était un grand honneur
d’y être invité, mais en hiver, c’était presqu’une punition puisque peu de
pièces étaient chauffées et que, malgré le grand luxe, le château était
pratiquement dépourvu de moyens d’hygiène. Les hôtes effectuaient leurs
« besoins » sous les escaliers obscurs, nettoyés en permanence par un
personnel attentif et discret (près de 2 000 ans plus tôt, les Romaines
disposaient déjà de salles de bains et de waters !).
Louis XIV mena plusieurs guerres contre le roi d’Espagne, Philipe IV,
affaibli par la guerre de Trente Ans. En 1659, Philipe IV signa la paix des
Pyrénées, cédant à la France le Roussillon et l’Artois, et offrant la main de sa
fille Marie-Thérèse à Louis XIV (dont le petit-fils sera roi d’Espagne en
1700, sous le nom de Philipe V).
Après la mort de Mazarin, en 1661, le roi prit seul toutes les décisions,
mais en s’entourant d’experts de la finance (Colbert) et de l’armée (Louvois).
Il confia la fortification des frontières à Vauban, qui y construisit des
forteresses modernes. Il entretint une armée de 70 000 soldats professionnels,
qui menait une guerre presque permanente contre les pays voisins,
notamment ceux du Saint Empire romain germanique.
En dehors de son expansion européenne, il poursuivit aussi une politique
de colonisation en Nouvelle-France au Canada, à Pondichéry en Inde, en
Louisiane en Amérique, en Guyane française, en Martinique, à Madagascar et
au Sénégal.
Considérant qu’un grand état homogène ne peut avoir qu’une seule
religion, il révoqua l’édit de Nantes en 1685, entraînant la fuite des
protestants de France vers l’Amérique et l’Europe du Nord.
Durant son long règne, la France se développa considérablement, mais les
guerres permanentes et les dépenses excessives de Louis XIV l’appauvrirent.
Louis XVI (*1754, 1774-1792, † 1793), petit-fils de Louis XV, fut un roi
aimable et faible. Sa femme, Marie-Antoinette (fille de Marie-Thérèse
d’Autriche), « responsable de tous les maux », provoqua une haine viscérale
chez les Français. La situation générale était également très défavorable.
L’aide à la guerre d’Indépendance américaine avait affaibli l’économie de la
France. Même les conditions climatiques étaient défavorables, avec les
mauvaises récoltes. L’esprit des Lumières était incompatible avec la
monarchie absolue. La France avait besoin de reformes fondamentales que
Louis XVI ne pouvait pas apporter.
Le mécontentement général et les émeutes conduisirent à la Révolution
française, en 1789. Le roi convoqua les états généraux à Versailles, mais les
députés du tiers exigèrent une Assemblée nationale, puis constituante,
privant Louis XVI de tout pouvoir. Une Déclaration des droits de l’homme
fut publiée. Les privilèges et les droits féodaux furent abolis. Entre temps, la
révolution éclata à Paris. On démolit la Bastille, symbole de l’oppression (on
n’y trouva qu’un seul prisonnier !).
Louis XVI s’installa à Paris avec sa famille, puis s’échappa. On l’attrapa à
Varennes et on l’emprisonna avec sa famille. En 1792, l’Assemblée
constituante déclara la République. En 1793, Louis XVI fut décapité, ainsi
que Marie-Antoinette. Son fils malade mourut en prison en 1795, à l’âge de
10 ans.
L’Empire de France
Napoléon Ier (Bonaparte, *1769, 1804-1814, † 1821) fut couronné
empereur des Français à Notre-Dame-de-Paris, en présence du pape Pie VII.
Il prit le titre de roi d’Italie en 1805. Il établit une monarchie héréditaire dotée
d’une noblesse d’Empire. Il nomma princes les membres de sa famille et
maréchaux ses meilleurs officiers.
Il poursuivit la réorganisation et la centralisation de la France. En 1805, il
reprit la guerre contre la coalition européenne. Il échoua contre la flotte
anglaise à Trafalgar, mais après ses victoires d’Austerlitz et d’Iéna, il devint
maître de la moitié de l’Europe. En 1806, il mit fin au Saint Empire romain
germanique et se consacra à l’édification de son « Grand Empire ». Après
une nouvelle victoire contre l’Autriche en 1809, il atteignit le sommet de son
pouvoir. Sa première femme, Joséphine de Beauharnais, ne pouvant lui
donner d’héritier, il la répudia puis épousa Marie-Louise d’Autriche, fille de
François Ier d’Autriche, qui, l’année suivante, lui donna un fils (Napoléon II),
nommé roi d’Italie à sa naissance.
En 1812, il attaqua la Russie. Arrivé jusqu’à Moscou entièrement brûlée et
évacuée, il dut quitter la Russie à cause du froid et du manque de
ravitaillement. Sur le chemin du retour, son armée fatiguée subit une lourde
défaite lors de la traversée de la rivière Berezina. Il réorganisa son armée,
mais encouragée par sa défaite, une nouvelle coalition européenne l’attaqua
et le vainquit en 1813, lors de la bataille de Leipzig. La France fut envahie
par l’armée de la coalition. Napoléon dut abdiquer en faveur de son fils,
gardé à Vienne, et s’exiler sur l’île d’Elbe.
Le Second Empire
La Pologne
Sigismond Ier (*1467, 1506-1548). Sous son règne, la Pologne connut son
« siècle d’or » avec des réformes, la prospérité économique et l’essor de la
vie intellectuelle. Vers 1500, la Pologne comptait 7 millions d’habitants. En
1525, elle reçut même l’hommage du nouveau duc de Prusse, Albert de
Brandebourg, converti au luthéranisme, qui sécularisa les possessions de
l’ordre teutonique dont il était le grand maître. Mais cet éclat engendra des
ambitions excessives et désordonnées, en même temps qu’il irrita les États
voisins.
Sigismond Vasa III (*1566, 1587-1632), fils de Jean III, roi de Suède,
dont il devint également le roi après la mort de son père. Il se battit
régulièrement contre les Turcs pour défendre son royaume, mais en même
temps, il attaqua aussi la Russie et prit même Moscou.
L’Allemagne
Sachant que les Français ne pourraient pas tolérer la création d’une grande
Allemagne, il leur déclara la guerre en 1870, avant que l’Empire français y
fût préparé. Son armée envahit la France, fit prisonnier Napoléon III et arriva
aux portes de Paris. En 1871, il conclut la paix de Versailles, en annexant
l’Alsace et la Lorraine. Il déclara la création de l’Empire allemand, dont il
fut nommé empereur.
En 1872, il conclut une alliance avec les empereurs François-Joseph
d’Autriche-Hongrie et Alexandre II de Russie. Malgré sa grande popularité,
on commit deux attentats contre lui en 1878, dont le deuxième assez grave.
Afin de calmer les agitations ouvrières, il accorda des avantages sociaux,
uniques à l’époque, tels que l’assurance maladie et la retraite à 65 ans
(sachant que l’espérance de vie des ouvriers ne dépassait pas 60 ans !).
La Russie
Fédor Ier (*1557, 1584-1598), fils d’Ivan IV, fut déclaré débile mental.
Boris Godounov régna à sa place.
Alexis Ier (*1629, 1645-1676), fils de Michel Ier, régna sous l’influence de
la culture et des traditions occidentales, mais fit appliquer des lois
antilibérales. Les artisans et les commerçants n’avaient pas le droit de quitter
leur ville, et les serfs restaient la propriété des propriétaires terriens. Il mena
plusieurs guerres contre les Polonais et les Suédois. Il annexa la Biélorussie
et une grande partie de l’Ukraine, mais il fut battu par les Turcs.
Pierre Ier le Grand (*1672, 1682-1725), fils d’Alexis Ier. Durant son
enfance il partagea le pouvoir avec son demi-frère, mais jusqu’à sa majorité,
c’est sa mère et sa sœur qui gouvernèrent à sa place. Comme Ivan III, il se fit
appeler le « tsar des Russes ».
Il essaya d’implanter dans son pays la culture et les techniques de l’Europe
occidentale, qu’il avait étudiées durant ses voyages secrets. Il rendit
obligatoire l’utilisation du calendrier chrétien. Il conclut la paix avec les
Turcs afin de pouvoir consacrer toute son énergie à la modernisation de la
Russie.
Il se lança dans la fabrication de la flotte russe, dont il confia l’armement à
l’amirauté. Son œuvre terminée, il reprit Azov aux Turcs.
Il fonda en 1701 l’École d’artillerie, rendit obligatoire le service militaire,
puis créa une armée impériale. En 1703, il créa la ville de Saint-Pétersbourg,
à l’embouchure du fleuve Neva, qui devint la capitale de la Russie en 1712. Il
mena plusieurs guerres contre la Pologne et la Suède, puis annexa les
principautés baltiques.
Il divisa la Russie en plusieurs régions, administrées par des gouverneurs
responsables, nommés par lui-même. Il décida que tous les membres de la
noblesse devaient servir son pays.
Les propriétés devinrent indivisibles en limitant la succession à un seul
membre de chaque famille. Les autres fils devaient servir dans l’armée ou
dans l’administration.
En 1721, Pierre Ier le Grand prit le titre d’empereur de Russie.
Afin de pouvoir financer ses dépenses de guerre et la modernisation de son
pays, il instaura des taxes de moulins, de bains, de ruches d’abeilles et même
de barbe ! Plus tard, il interdit le port de la barbe pour rendre plus occidentale
sa cour.
Il commença à industrialiser la Russie en créant des usines détaxées. À sa
mort en 1725, il y avait déjà en Russie 86 aciéries, des usines de canons et 15
usines de textile. Sa flotte disposait de 800 bateaux et de galères. La Russie
devint un immense pays, faisant un grand pas vers l’Empire russe.
Catherine Ire (*1684, 1725-1727), deuxième femme de Pierre Ier le Grand,
devint première tsarine de Russie. C’était une simple paysanne qui
accompagnait son mari à la guerre, mais n’hésitait pas à le tromper
régulièrement. Elle aimait boire et s’amuser. Le pouvoir ne l’intéressait pas et
elle le confia au Conseil supérieur secret. Toutefois, elle poursuivit
consciencieusement les travaux de son mari, la construction des premiers
ponts sur le Neva et la fondation de l’Académie des Sciences de Russie.
Élisabeth Ire (*1709, 1740-1761), fille de Pierre Ier et de Catherine Ire vit
sa légitimité contestée du fait qu’elle était née avant le mariage de ses
parents. Toutefois, elle fut protégée par les officiers et les nobles de la cour.
Elle gouverna sous l’influence de Shuvalov, que l’on appela « Pompadour de
la Russie ».
À cause de la mauvaise situation économique de son pays, elle augmenta
les impôts et créa des banques assurant les prêts nécessaires au
développement.
Elle aida les artistes et favorisa l’enseignement. Sous son règne,
Lomonosov, célèbre chimiste, réorganisa l’académie des Sciences et fonda
l’université de Moscou. En 1757, Shuvalov fonda l’Académie des Beaux-
arts. Élisabeth aimait la musique et la gaîté. Les bals et les spectacles furent
fréquents dans son palais.
Elle fit alliance avec l’Autriche et la France contre la Prusse et son armée
entra à Berlin.
N’ayant pas eu d’enfant, elle désigna son neveu, Pierre III, pour lui
succéder. Elle le maria avec Sophie, princesse prussienne (qui prit le nom de
Catherine), pour établir de bonnes relations avec la Prusse.
Paul Ier (*1754, 1796-1801) réforma son pays au début de son règne. Il
changea l’uniforme de l’armée, diminua les dépenses d’État, puis créa le
premier ministère de Russie, chargé de la gestion des propriétés de la famille
royale. Il imposa la noblesse. Il créa ensuite un ministère du commerce. Il
interdit le travail dominical des serfs et limita à trois jours par semaine le
travail obligatoire dû à leur seigneur.
Il participa à la coalition Prusse-Angleterre-Autriche contre la France
révolutionnaire.
Alexandre Ier (*1777, 1801-1825) fut un souverain éclairé, mais les
évènements de son époque l’empêchèrent de réaliser les réformes envisagées,
notamment la libération des serfs. Il créa 8 ministères, dont il nomma lui-
même les ministres. Il dissolut la Chancellerie secrète, libéra les prisonniers
politiques et rapatria de nombreux exilés. Il annexa à la Russie la Géorgie et
une partie du Caucase.
Il se rallia à la troisième coalition de l’Angleterre et de l’Autriche, mais
son armée fut battue à la bataille d’Austerlitz. Il participa ensuite, en 1806, à
la nouvelle coalition Prusse-Angleterre-Suède-Russie.
En 1812, Napoléon attaqua la Russie, gagna la bataille de Borodino et
arriva jusqu’à Moscou. Cependant, poursuivi par le général Koutousov, il dut
se retirer à cause du froid et du manque de ravitaillement sur les « terres
brûlées » de la Russie. Son armée affaiblie fut battue par Koutousov lors de la
traversée de la rivière Berezina. Alexandre Ier ne se contenta pas de sa
victoire. Il fit une nouvelle alliance avec la Prusse et l’Autriche, laquelle
vainquit Napoléon à la bataille de Leipzig, en 1813. Napoléon fut exilé sur
l’île d’Elbe.
Après cette victoire, Alexandre Ier compta parmi les plus grands souverains
d’Europe.
Alexandre III (*1845, 1881-1894) monta sur le trône d’un pays affaibli,
ruiné par la famine et le choléra. Il créa des organismes de bienfaisance et
interdit l’exportation des céréales.
Par ses réformes, il interdit le travail aux enfants de moins de 12 ans et
limita la durée du travail de ceux de moins de 15 ans. Il contrôla la marche
des usines et interdit la grève.
Afin d’assurer sa sécurité, il fit alliance avec les empires allemand et
austro-hongrois, sachant toutefois qu’en cas de conflit, il ne pourrait pas
compter sur eux. Il se rapprocha aussi de la France en demandant une aide
économique par des investissements, pour l’industrialisation et pour sortir la
Russie de la crise.
Prudemment, sans toucher aux colonies des Occidentaux, il commença une
extension vers le Moyen-Orient. L’Angleterre l’observa avec inquiétude, puis
trouva un arrangement avec la Russie.
L’Espagne
Joseph Bonaparte (*1768, 1808-1813), mis sur le trône par son frère, fut
le « roi non reconnu de l’Espagne ».
Alfonse XII (*1857, 1874-1885), fils d’Isabelle II, mit fin aux guerres
internes. Après sa mort, sa femme Marie-Christine gouverna jusqu’à la
majorité de leur fils, Alfonse XIII.
La Hongrie
János Zápolya (*1487, 1526-1540) fut élu roi de Hongrie après la mort de
Lajos II. En même temps, Ferdinand Habsbourg se fit couronner à Bratislava
par quelques barons hongrois, amis des Autrichiens. La Hongrie entra dans la
plus sombre période de son histoire.
Dans des conditions normales, la défaite de Mohács n’aurait été qu’une
bataille perdue. Les 15 000 soldats perdus ne représentaient qu’une petite
fraction de la capacité militaire de la Hongrie et Soliman II ne poursuivit pas
les fuyards.
Mais à peine à 100 km au nord de Mohács, à Fehérvár, l’armée de Moravie
de Frangepán arrivait déjà et celle de János Zápolya approchait.
Malheureusement, le jeune Lajos II, survolté, ne les attendit pas. Une contre-
attaque bien organisée aurait permis de chasser les Turcs.
La nouvelle de la défaite de Mohács bouleversa le pays entier. La reine
Marie quitta immédiatement son château de Buda pour Bratislava, avec toute
sa cour, emportant tout le trésor qu’elle pouvait charger sur ses chariots. Sa
fuite ne fit qu’accentuer la colère des Hongrois contre les Autrichiens.
L’ambiance devint favorable à János Zápolya pour accéder au trône de
Hongrie. Deux mois après la bataille de Mohács, il fut élu roi de Hongrie à
Tokaj par l’Assemblée nationale. Il entra victorieusement au château royal de
Buda, puis se fit couronner à Fehérvár, avec la Sainte Couronne.
La reine Marie, veuve de Lajos II, convoqua à Bratislava les barons
sympathisants autrichiens. Elle exigea le trône de Hongrie pour son frère
Ferdinand, prince d’Autriche et roi de Bohême, qui selon le pacte signé entre
Ulászló II et l’ex empereur Maximilien, devait lui revenir, suite au double
mariage de ses enfants, en l’absence d’héritier de Lajos II.
Ferdinand (*1503, 1526-1564) aussi, fut donc élu roi de Hongrie, mais on
ne pouvait pas le couronner avec la Sainte Couronne sans la démission de
János Zápolya. Ainsi débuta la lutte entre les deux rois pour le pouvoir.
Zápolya cherchait des alliés à l’Occident, alors que Ferdinand recrutait des
mercenaires et demandait l’aide de son frère, l’empereur Charles Quint.
Comme il obtint plus de succès que Zápolya, les amis de ce dernier
commencèrent à changer de camp.
La Grande Hongrie cessa d’exister. Son territoire fut partagé entre deux
puissances étrangères cherchant à imposer leur pouvoir. Les Hongrois, qui
pouvaient, durent choisir leur camp. Leur chrétienté les poussa vers
l’Occident, mais ils furent vite désenchantés par son mépris et par ses guerres
de religion.
La Transylvanie, partie orientale de la Hongrie, opta pour son
indépendance, contre un tribut lourd, payé aux Turcs, que la fière noblesse
hongroise trouva humiliant et accepta difficilement. Elle oscilla entre les
deux camps, entre « la peste et le choléra ». Heureusement, le sultan, trop
occupé par les problèmes internes de son empire, fermait les yeux devant les
tentatives d’infidélité de la Transylvanie. Tout compte fait, dans cette période
obscure et incertaine, la situation de la Transylvanie était la plus sûre, mais
elle la payait cher.
Cette même année, il fut élu roi de Hongrie, mais l’année suivante, il
renonça au trône. En compensation, il obtint le titre de prince impérial, la
Silésie et quelques départements du nord de la Hongrie.
En 1624, une nouvelle guerre contre l’empereur se termina par la paix de
Vienne. La Transylvanie vécut son âge d’or durant son règne. Il créa des
écoles, aida les sciences et les arts. Il enrichit son pays avec des taxes
commerciales. Il soutint les minorités et favorisa l’installation des étrangers.
Il reconnut et autorisa les différentes religions, y compris le judaïsme.
Il participa à la guerre de religion de Trente Ans aux côtés des protestants
contre Ferdinand II.
Durant son règne, l’Europe reconnut la grandeur de la Transylvanie.
La Monarchie d’Autriche-Hongrie
Les écrivains et poètes Mór Jókai, Kálmán Mikszáth, János Arany, Endre
Ady, Géza Gárdony, etc.
J’ai déjà parlé des grandes civilisations millénaires des Indiens du Sud
(Aztèques, Incas, Mayas, Olmèques) et de leur décadence. Il n’y avait aucune
relation entre eux et les Indiens du Nord, qui vivaient primitivement, en
tribus nomades, de la chasse et d’un peu d’agriculture.
Ces derniers cohabitaient en paix avec les premiers immigrés européens et
faisaient du « troc » avec eux. Cependant, au bout d’un siècle, les immigrés
devinrent très nombreux et chassèrent les Indiens de leurs terrains de chasse,
entraînant des combats avec eux, puis plus tard, leur extermination.
Les côtes du Nord furent envahies par des Français, Hollandais, Suédois,
puis plus tard, par les Anglais. Les premiers Français arrivèrent dès le règne
de François Ier, dans la première moitié du XVIe siècle. Ils occupèrent les
régions des cinq Grands Lacs. Les autres nationalités s’installèrent sur les
côtes orientales.
Durant le règne d’Henri IV, les Français occupèrent le territoire du
Canada, appelé Nouvelle-France, sous Louis XIV. De pauvres paysans, des
aventuriers et les victimes des guerres de religion s’installèrent dans ce
paradis terrestre où ils purent disposer de terres illimitées pour la culture. Plus
tard, ils partirent aussi vers l’ouest et vers le sud, jusqu’à la Louisiane. Leur
production fut achetée par la France, ce qui nécessitait une liaison régulière
entre l’Amérique et l’Europe.
Vers la fin du XVIIe siècle, des conflits éclatèrent entre la Nouvelle-France
et la Nouvelle-Angleterre. Lors de la paix d’Utrecht, en 1713, Louis XIV
renonça à l’Acadie en faveur des Anglais, calmant provisoirement les
tensions. Les conflits se déplacèrent vers l’ouest. En 1763, après la guerre de
Sept Ans, Louis XV perdit ses colonies d’Inde et la Nouvelle-France.
L’Espagne céda la Floride aux Anglais et reçut en compensation les
territoires français du sud du Mississipi.
Au XVIIIe siècle, les activités et les traditions des habitants des 13 États
devinrent différentes :
• Au nord, dans les quatre États, New Hampshire, Massachusetts,
Connecticut et Rhodes Island, habitaient surtout des Anglais puritains,
agriculteurs, artisans et pêcheurs. La ville principale, Boston, avait 20 000
habitants à la fin du XVIIIe siècle.
• Plus au sud, les États de New York, du New Jersey, du Delaware et de
Pennsylvanie étaient habités par des immigrés de diverses nations,
Hollandais, Suédois et Anglais, tous puritains. La ville principale,
Philadelphie, comptait 30 000 habitants.
• Au sud, les 5 États du Maryland, de Virginie, de Caroline du Nord et du
Sud et de Géorgie étaient occupés surtout par des aristocrates européens
faisant la culture du tabac, du coton, du riz et de l’indigo, utilisant des
esclaves noirs.
À la fin du siècle, les États-Unis comptaient parmi les plus grands États
industrialisés, mais n’étaient pas encore une « grande puissance », puisqu’ils
ne disposaient pas de territoires en dehors des frontières de l’Amérique du
Nord. Ils envisagèrent leur extension sur mer, notamment l’invasion des îles
Philippines et de Cuba, appartenant aux Espagnols. Mais dans un premier
temps, ils étaient plus intéressés par leur marché et par le développement de
leur économie. Toutefois, les Espagnols observaient avec inquiétude la
popularité des Américains à Cuba.
Le 15 février 1898, dans la rade de Cuba, le bateau de guerre américain
Maine explosa et coula. C’était un accident, mais les Américains accusèrent
de provocation les Espagnols. La guerre éclata entre les États-Unis montants
et l’Espagne affaiblie. La bataille des deux flottes se déroula près des
Philippines et se termina par la victoire des Américains. Dans le cadre de la
paix de Paris, Cuba devint indépendante, sous influence américaine.
L’Espagne céda aux États-Unis Porto Rico et les Philippines. La région de
Panama tomba également sous l’influence américaine. Quelques mois plus
tard, les États-Unis annexèrent Hawaï.
LES CONCLUSIONS DE L’ÉPOQUE MODERNE
Comme je l’ai déjà dit, le Moyen Âge fut l’âge d’or des Hongrois. Les
nombreuses tribus dispersées sur les vastes territoires de l’Asie et de l’Europe
se regroupèrent progressivement et fondèrent un grand État, la Hongrie, dans
le bassin des Carpates, faisant partie des grandes puissances européennes.
Malheureusement, après la mort du dernier grand roi hongrois, Mátyás, le
pays commença une chute brutale vers la disparition.
Comment peut-on expliquer une telle situation catastrophique dans un
aussi grand pays ? Certains la considèrent comme la conséquence de la perte
de la bataille de Mohács contre les Turcs en 1526. C’est faux !
N’oublions pas qu’à peine quelques années après l’invasion des Mongoles,
détruisant le pays et décimant sa population, en 1242, la Hongrie se redressa
et devint encore plus puissante qu’avant avec son roi, Béla IV. Elle aurait pu
donc se redresser à nouveau avec un roi fort et respecté.
Après la bataille de Mohács, les Turcs n’occupèrent pas la Hongrie, qui
perdit 26 000 soldats et son jeune roi inexpérimenté, qui n’attendit pas le
regroupement de toutes les armées hongroises, comprenant près de 200 000
soldats, sans parler de l’armée impériale prête à intervenir pour défendre
l’Europe chrétienne.
Cette bataille ne fut pas la cause de la chute de la Hongrie, mais en offrit
l’occasion.
Elle n’était pas capable ou ne voulait pas élire un roi hongrois fort,
réunissant tout le pays derrière lui. Elle aurait pu en trouver en Hongrie, mais
elle préféra élire des étrangers faibles, polonais, tchèques, autrichiens, ou
Zápolya, ami des Turcs.
À la fin de l’époque moderne, naquit la monarchie d’Autriche-Hongrie
sous l’autorité d’un souverain fort, François-Joseph, haï par les Hongrois au
début de son règne.
La Grande-Hongrie se redressa en quelques années, rattrapant son retard de
plusieurs siècles. On pouvait croire qu’elle deviendrait riche et puissante,
comme dans le passé, mais pour cela, il aurait fallu s’entraider, reconnaître
l’égalité et les droits des minorités d’origine étrangère, et que la noblesse
partage un peu son immense richesse. Or, les Hongrois recommencèrent à se
disputer entre eux. Ils formèrent plusieurs partis politiques, s’opposant à tout
et critiquant tout le monde.
Le début du XXe siècle fut une des périodes les plus variées et les plus
insouciantes de notre histoire.
L’Empire ottoman
L’Empire allemand
La monarchie d’Autriche-Hongrie
Le Royaume-Uni
La République française
Sans entrer dans les détails, je présente brièvement son évolution et ses
conséquences.
Trotski créa l’Armée Rouge (y acceptant les officiers tsaristes !), laquelle
se battit durant des années contre les Blancs, la résistance interne (opposition
du reste de l’armée tsariste, la noblesse, les opposants politiques et les États
membres révoltés) et les agressions externes de l’Allemagne et de l’Entente.
Ces dernières abandonnèrent assez vite leurs attaques, mais la résistance
interne à laquelle s’ajoutèrent les révoltes des ouvriers et des paysans affamés
dura jusqu’à 1922.
La République d’Autriche
La République de Hongrie
Incontestablement, la Hongrie fut la plus grande perdante de cette guerre
mondiale, même si elle n’en était nullement responsable. Elle y avait été
entraînée par la monarchie d’Autriche-Hongrie.
Après sa défaite contre l’Italie, en octobre 1918, la monarchie éclata et
cessa d’exister. Ses États membres devinrent des républiques indépendantes.
Ils auraient pu continuer à vivre ensemble, comme durant des siècles dans la
Grande-Hongrie et avoir leur indépendance dans une « fédération des États
du bassin des Carpates ». Cependant, des politiciens haineux poussèrent ces
populations minoritaires à se séparer des Hongrois. Ils exigèrent le découpage
de la Hongrie et la création de nouveaux États autour d’un petit territoire
laissé aux Hongrois.
Dès le début de son règne, il fut contacté par Charles IV (roi de Hongrie
déchu) qui réclama son trône. Après le refus du gouvernement hongrois, il
organisa une petite armée, avec ses anciens fidèles, pour reprendre son trône
par la force, mais face à l’armée d’Horthy, ses soldats renoncèrent à la
bataille et se dispersèrent. Charles IV fut fait prisonnier, puis exilé sur l’île de
Madère.
Horthy renforça son pouvoir, rétablissant l’ordre du pays. La Hongrie resta
un royaume sans roi, dont il fut le régent. Il nomma le comte Gábor Bethlen
nouveau Premier ministre. Le gouvernement de Bethlen accepta « la
déchéance de la maison d’Autriche » et fonda un parti d’unité, lui assurant
une majorité permanente au Parlement. Il changea de système de monnaie,
rendit obligatoire l’assurance maladie et l’assurance retraite et améliora le
système scolaire. Durant son long mandat, il poursuivit une politique de paix,
tout en essayant d’obtenir la révision du traité de Trianon.
Je ne veux pas parler ici de l’injustice dont fut victime la Hongrie, jugée
inexplicable et inacceptable par tous les historiens honnêtes et intègres. Ce fut
une décision volontairement anti hongroise de la part de quelques politiciens
haineux et malhonnêtes, déformant la vérité historique, ethnique et
géographique de la Hongrie. Je veux seulement présenter quelques données
concernant ce dictat.
La Chine doit être aussi citée. Même si elle ne participa pas à la guerre
mondiale, ses conséquences la touchèrent. En 1912, après la chute de
l’Empire de Chine, on proclama la République chinoise. Sun Yat-sen fonda
le parti national populaire, le Koumintang. Durant les premières années, la
Chine fut partagée entre les « seigneurs de guerre ». En 1921, Sun Yat-sen
créa un gouvernement à Canton. Il fit alliance avec Mao Tsé-toung,
fondateur du parti communiste chinois et accepta l’aide matérielle de l’Union
soviétique. Après le mort de Sun Yat-sen, en 1925, Tchang Kaï-chek prit le
pouvoir. Son armée prit le Nord de la Chine. En 1927, il rompit l’alliance
avec les communistes et les chassa des territoires de son gouvernement.
Mao Tsé-toung voulut instaurer un régime communiste en Chine avec la
participation des paysans. Son armée, battue par l’armée gouvernementale de
Tchang Kaï-chek, se réfugia dans les montagnes de Jiangxi, où Mao Tsé-
toung réorganisa son parti communiste. Comme il voulait rester indépendant
de l’Union soviétique, Staline cessa de l’aider.
Sciences et technologie
L’aviation se développa très vite, après ses débuts durant la guerre. Dès la
fin de la guerre, on ouvrit des lignes régulières pour transporter de 10 à 20
personnes par avion, sur des trajets de quelques centaines de kilomètres. En
1927, Charles Lindbergh traversa l’océan Atlantique et arriva de l’Amérique
à Paris en 33 heures, prouvant la possibilité des vols à grande distance. Après
cette performance, le courrier postal par avion se développa très vite.
En 1928, on relia Paris à New York par câble téléphonique.
À la fin des années 1920, Staline devint le seul chef de l’Union Soviétique.
Il élimina ses adversaires et même les fidèles communistes, fondateurs du
régime, en les faisant exécuter ou exiler en Sibérie.
Les quelques « rescapés », restant dans son entourage, le craignirent, lui
obéirent aveuglément et pratiquèrent un culte de la personnalité démesuré
pour le flatter. Les artistes ne louèrent que la grandeur de Staline. Malgré sa
popularité, il souffrait de paranoïa aiguë. Il n’avait confiance en personne et
imaginait des ennemis partout. Entre 1937 et 1939, il fit exécuter près de
700 000 personnalités importantes, parmi lesquelles le chef d’état-major de
l’Armée rouge, accusé de haute trahison par ses espions, désinformés par
l’entourage d’Hitler !
Le gouvernement était dirigé par le parti communiste, c’est-à-dire par son
chef, Staline, qui ne pouvait jamais se tromper. Staline dirigea également les
partis communistes des pays étrangers, lesquels devaient suivre la voie
définie par lui. En Union soviétique, il n’existait que le parti communiste,
lequel fut toujours réélu avec la totalité des voix des électeurs !
Dès le début des années 1930, Staline mit fin au secteur privé, instaura le
plan quinquennal et imposa aux paysans la collectivisation des terres. Il
définit même la quantité de production à livrer à l’État, sans tenir compte des
résultats des récoltes. Les paysans moururent de faim par millions durant des
années car, souvent, ils ne pouvaient même pas garder le grain nécessaire à la
semence !
Le peuple souffrit beaucoup, mais l’Union soviétique, très riche en
minerais et en matières premières, se transforma et s’industrialisa. De
nouvelles villes naquirent partout, avec des usines et des centrales
énergétiques. Cependant, la population ne put pas profiter de l’essor
industriel à cause des abus du pouvoir centralisé et de la mauvaise gestion.
Elle vivait dans la misère et dans la terreur.
La situation en Chine fut très compliquée, car une grande partie du pays
était entre les mains de « seigneurs de guerre ». En 1932, le Japon annexa la
Mandchourie.
Tchang Kaï-chek occupait de plus en plus de territoires et reprit la guerre
contre les communistes, retirés au Sud, dans un État de conseils, sous la
direction de Mao Tsé-toung. Il les encercla, mais les communistes réussirent
à se dégager et fuirent vers l’est. Guidés par Mao Tsé-toung et par Chou En-
Laï, plus de 10 000 Chinois entamèrent la célèbre Longue Marche de 9 000
kilomètres à travers la Chine. Des milliers moururent lors des combats et par
épuisement, mais de nouveaux paysans les rejoignirent. Après une année de
marche, ils arrivèrent au nord, dans la région du Shanxi.
En 1937, le Japon attaqua la Chine à nouveau. Pour faire face, la
Koumintang fit alliance avec les communistes.
Adolf Hitler (*1889, 1933-1945), chancelier, aidé par les industriels, par
les intellectuels de droite et par une grande partie de la classe ouvrière,
lesquels ne voyaient que l’aspect positif de sa politique, transforma la
République allemande en dictature despotique, dès sa prise de pouvoir. Il
suspendit le paiement des indemnités de guerre, supprima le chômage et
relança l’économie en diminuant les salaires. Il réprima toute opposition
idéologique et politique. Afin d’interdire le parti communiste, il fit mettre le
feu au Reichstag et en accusa les communistes. Il les fit arrêter, les
emprisonna ou les expulsa de l’Allemagne. Les membres des autres partis
d’opposition subirent le même sort.
Après la mort d’Hindenburg en 1934, à la place des élections
présidentielles, il instaura le IIIe Reich, dont il devint le seul dirigeant, sous
le nom de chef et chancelier national, regroupant tous les pouvoirs.
Cette même année, il débarrassa son propre parti de ses éléments moins
fidèles et réfractaires.
Au cours de la Nuit des longs couteaux, il fit arrêter les membres de sa
première milice, les SA, et fit exécuter ses chefs.
En 1935, il proclama la révision de la paix de Versailles. Il rendit
obligatoire le service militaire et relança l’économie de l’Allemagne avec les
industries aéronautique et navale. Cette même année, il déchut tous les juifs
de leur nationalité allemande. Il leur était interdit de voyager et d’exercer des
fonctions publiques. Ils devaient porter une étoile jaune et subir des vexations
quotidiennes. Le drapeau à croix gammée devint le nouveau drapeau de
l’Allemagne.
En 1935, après référendum, la région de la Sarre rejoignit la nouvelle
Allemagne, renforçant considérablement son industrie. L’année suivante,
l’armée allemande occupa la zone démilitarisée du Rhin. Comme les
puissances occidentales ne se manifestaient pas, au printemps 1938, l’armée
allemande entra en Autriche et Hitler proclama l’unification des deux pays
dans le cadre de l’Anschluss. Cette même année, à la conférence de Munich,
Hitler réclama l’annexion des Sudètes à l’Allemagne. Dans l’intérêt de la
paix, l’Anglais Neville Chamberlain et le Français Édouard Daladier
acceptèrent cette nouvelle exigence.
En 1939, les Allemands occupèrent la Tchécoslovaquie, puis la Pologne.
Hitler, sachant que ces nouvelles invasions ne pourraient être acceptées par
les puissances occidentales, conclut une alliance de non-agression avec
l’Union soviétique afin d’assurer ses frontières orientales en cas de guerre
avec l’Occident.
L’Italie fasciste
En 1943, la défaite de Stalingrad fut une très grande perte pour les
Allemands. Plus de 100 000 soldats tombèrent entre les mains de Russes,
avec leur général, von Paulus. Après deux autres batailles perdues par les
Allemands, celles du Don et de Koursk, l’Armée rouge avança
irrésistiblement vers l’ouest.
Les armées américaines et anglaises d’Afrique débarquèrent en Sicile,
remontèrent en Italie et arrêtèrent Mussolini. L’intervention de l’armée
allemande arrêta la progression des Anglais et des Américains en Italie, puis
les parachutistes allemands libérèrent Mussolini.
À l’automne 1943, Staline, Roosevelt et Churchill se retrouvèrent au
congrès de Téhéran pour étudier le débarquement des alliés en France et le
découpage de l’Allemagne, après la guerre.
L’Italie fut la plus chanceuse des perdants, voire de tous les pays
européens, pourtant, principale alliée d’Hitler et responsable des batailles des
Balkans et de l’Afrique. Elle eut peu de pertes matérielles, territoriales et
humaines (1 % de sa population). Même la répression et les exigences des
vainqueurs la touchèrent peu.
Le monde découpé
La Grande-Bretagne
La France
L’Italie
Dès après la guerre, on procéda à des élections libres dans les pays
européens aussi sous occupation soviétique. Cependant, les gouvernements
démocratiquement élus ne durèrent pas longtemps. Avec le soutien de
l’Union soviétique, les partis communistes de ces pays prirent le pouvoir,
en écartant les élus, accusés de collaboration avec l’Occident. Le bloc de
l’Est naquit, dont firent partie la RDA et tous les pays de la partie orientale
de l’Europe, victimes ou responsables de guerre. Les Polonais et Tchèques
« résistants » subirent le même sort que les « criminels » allemands, bulgares,
hongrois et roumains. Dans tous ces pays, on devait appeler « libérateurs »
les Russes, vainqueurs du nazisme. Les « mauvaises langues » dirent que les
Russes les libérèrent de tous leurs biens, de tout ce qu’ils possédaient, y
compris de leur liberté.
La Grèce, position stratégique de l’Angleterre, resta cependant sous
influence occidentale. La Yougoslavie garda son indépendante vis-à-vis de
l’Union soviétique grâce à la victoire de ses partisans communistes et de leur
chef, Tito, sur l’armée occupante allemande. Elle résista à toute tentative
d’approche de l’Union soviétique qui, plus tard, appela Tito « chien enchaîné
des capitalistes ».
Dès 1948, les Russes fermèrent définitivement les frontières occidentales
par des barbelés électrifiés et des zones minées, renforcés de miradors,
occupés par des gardes-frontières armés, isolant ainsi le bloc de l’Est de
l’Occident.
L’Union soviétique
En 1960, le jeune John Fitzgerald Kennedy fut élu président des États-
Unis.
La France fit exploser au Sahara sa première bombe atomique.
La conquête de l’espace
En 1972, une sonde russe se posa sur Mars et transmit des données
durant peu de temps. Par la suite, on étudia également d’autres planètes. En
1973, une sonde américaine atteignit Jupiter.
Cependant, la crise économique mondiale dut freiner la recherche spatiale
coûteuse. Les deux adversaires ne pouvaient plus continuer les surenchères.
Dans certains domaines, ils commencèrent même à travailler ensemble.
L’année 1989 mit fin à la « guerre froide » qui durait depuis plusieurs de
décennies, entre les blocs de l’Ouest et de l’Est. L’Union soviétique, affaiblie
politiquement et économiquement, et ses démocraties populaires ne
pouvaient plus faire la course avec les pays occidentaux. Cette situation
durait déjà depuis plusieurs années, mais il manquait encore « l’étincelle »
qui provoquerait la chute de l’idéologie communiste. En 1989, le bloc des
démocraties populaires éclata et le « pacte de Varsovie » se dissolut. Ses
anciens membres cherchèrent leur sécurité auprès de l’OTAN.
La Pologne vivait une situation très tendue depuis des grèves de 1980. Le
syndicat ouvrier Solidarnosc était interdit. Son responsable, Lech Walesa,
obtint le prix Nobel de la Paix en 1983. En février 1989, Lech Walesa fit
voter les élections parlementaires libres, conduisant à une nouvelle structure
d’État, dont il fut élu le premier président entre 1990 et 1995. Selon les
nouveaux statuts, le gouvernement polonais était dirigé par les élus des
nouveaux partis ou par les héritiers de l’ancien régime.
La nouvelle Chine
Nouvelles orientations
La protection de l’environnement
La protection de la santé
L’informatique
En 1978, Jean-Paul II, pape polonais, fut élu par le Vatican. Il fut célèbre
par sa popularité et par sa politique pacifique de réconciliation. Il prit position
contre le terrorisme et contre le réarmement. Il aurait joué aussi un rôle
important dans la chute du communisme.