Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Il (*) dit: «C’est lui qui a fait descendre sur toi le Livre: il y a en lui des 4/1335
versets sûrs (muḥkamāt), qui sont la mère du Livre, et d’ autres équivoques
(mutašābihāt)» (3, 7). Ibn Ḥabīb an-Naysābūrī a relaté trois opinions sur la
question.
La première: le Coran tout entier est sûr, en fonction de sa (*) parole : « un Livre
dont les versets ont été rendus sûrs (uḥkimat)» (11, 1).
La deuxième: il est tout entier équivoque, en fonction de sa (*) parole : « un
Livre équivoque (mutašābihan) et répétitif» (39, 23).
La troisième qui est la juste: il se répartit entre ce qui est sûr et ce qui est
équivoque, en fonction du verset placé en tête.
La réponse à propos des deux autres versets est que le sens de sa sûreté
est dans sa perfection et dans le fait que la contradiction et la divergence n’y
ont pas accès; et que par son ‘équivocité (tašābuh)’ on veut dire le fait qu’ une
partie ressemble ( yušbihu) à une autre aux plans de la vérité, de la véracité et
de l’inimitabilité.
Certains disent : ‘Le verset n’indique pas la limitation à ces deux choses,
puisqu’il ne contient rien de ses procédés2, alors qu’ il (*) a dit : « pour que tu
expliques aux gens ce qui est descendu vers eux» (16, 44) ; or la connaissance de
ce qui est sûr ne dépend pas de l’explication et quant à l’ équivoque, on n’espère
pas l’expliquer’.
1 Nous proposons de suite cette interprétation, en traduisant les deux termes; certains préfè-
reront conserver la terminologie arabe tout au long du texte et ne pas prendre position. C’ est
une possibilité tout à fait légitime. Nous nous appuyons, dans notre choix, sur l’ opinion de
aṭ-Ṭībī exposée à la p. 1347.
2 A savoir les procédés de la limitation.
© koninklijke brill nv, leiden, 2018 | doi: 10.1163/9789004357112_041 Michel Lagarde - 9789004357112
Downloaded from Brill.com03/06/2023 07:28:14PM
via free access
716 chapitre 43
[Opinions personnalisées]
Ibn Abī Ḥātim cite par le truchement de ʿAlī b. Abī Ṭalḥa que Ibn ʿAbbās dit : ‘Les
versets sûrs sont l’abrogeant dans le Coran, ce qu’ il permet, ce qu’ il interdit, ses
4/1337 punitions, ses obligations, ce que l’on croit | et qu’ on met en pratique; quant
aux versets équivoques, ils concernent, dans le Coran, l’ abrogé l’ antéposé et
le postposé, les paraboles, les serments et ce que l’ on croit sans avoir à le
pratiquer’.
Al-Firyābī cite ce que dit Muğāhid: ‘Les versets sûrs sont ceux qui contien-
nent le permis et l’interdit et le reste, en dehors de cela, est l’ équivoque dont
une partie confirme l’autre’.
Ibn Abī Ḥātim cite ce que dit ar-Rabīʿ: ‘Les versets sûrs sont ceux qui ordon-
nent et préviennent’.
Il cite également, d’après Isḥāq b. Suwayd, le fait que Yaḥyā b. Yaʿmar et Abū
Fāḫita se consultaient à propos de ce verset et que Abū Fāḫita disait : ‘Ce sont
les lettres initiales des sourates’, alors que Yaḥyā disait : ‘Ce sont les obligations,
l’ ordre, l’interdiction et le permis’.
Al-Ḥākim et un autre citent ce que dit Ibn ʿAbbās: ‘Il y a trois versets, à la
fin de la sourate al-Anʿām 6 qui sont sûrs, à savoir: « Dis : Venez! … » et les deux
versets qui suivent (6, 151–153)’.
Ibn Abī Ḥātim cite d’une autre façon ce que dit Ibn ʿAbbās, à propos de sa 4/1338
parole: «il y a des versets sûrs» (3, 7): ‘A partir de « Dis : Venez! » jusqu’ à trois
versets (6, 151–153) et à partir de «Ton Seigneur a décrété que vous n’adorerez
que Lui» jusqu’à trois versets à la suite (17, 23–26)’.
ʿAbd b. Ḥumayd cite ce que dit aḍ-Ḍaḥḥāk: ‘Les versets sûrs sont ceux qu’ on
n’ a pas abrogés du Coran, tandis que les versets équivoques sont ceux qu’ on a
abrogés’.
Ibn Abī Ḥātim cite ce que dit Muqātil b. Ḥayyān: ‘Les versets équivoques,
selon ce qui nous est parvenu, sont « alif.lām.mīm » (2, 1), « alif.lām.mīm.ṣād »
(7, 1), « alif.lām.mīm.rā » (13, 1) et « alif.lām.rā » (10, 1)’. Ibn Abī Ḥātim ajoute: ‘On
rapporte de la part de ʿIkrima, de Qatāda et d’un autre que le sûr est ce que l’ on
met en pratique et que l’équivoque est ce que l’on croit sans (devoir) le mettre
en pratique’.
On diverge, selon deux opinions, pour savoir si l’ on peut acquérir la science 4/1339
de l’équivoque ou s’il n’y a que Dieu qui le connaisse. L’origine de ces deux
opinions réside dans le désaccord à propos de sa parole : « wa-r-rāsiḫūna fī l-
ʿilmi / et ceux qui sont enracinés dans la science» (3, 7) : est-elle coordonnée (à
ce qui précède), tandis que « yaqūlūna / disent» serait un complément d’ état ?
Ou s’agit-il d’un sujet nominal dont l’attribut serait « yaqūlūna / disent », le
wāw (et) étant alors le début d’un nouveau discours ?
4/1340 Ibn Abī Ḥātim cite ce que dit aḍ-Ḍaḥḥāk: ‘Ceux qui sont enracinés dans la
science connaissent son interprétation; s’ils ne connaissaient pas son interpré-
tation, ils ne distingueraient pas l’abrogeant de l’ abrogé, le permis de l’ interdit
ni le sûr de l’équivoque’. An-Nawawī choisit cette opinion et il dit dans Šarḥ
Muslim : ‘C’est l’opinion la plus juste, parce qu’ il est improbable que Dieu
puisse entretenir ses serviteurs de ce qu’aucune créature n’aurait le moyen de
connaître’.
3 Rappelons que la lecture actuellement officielle qui prête à confusion est la suivante: « wa-r-
rāsiḫūna fī l-ʿilmi yaqūlūna … ».
4 C’est-à-dire, Ibn ʿAbbās.
Ibn Abī Dāwūd cite, dans al-Maṣāḥif, le fait que al-Aʿmaš dit à propos de la
lecture de Ibn Masʿūd: ‘L’interprétation de l’équivoque ne se trouve qu’ auprès
de Dieu et les enracinés dans la science disent : nous y croyons’. Tel est le
commentaire du verset.
Les deux Šayḫ-s (al-Buḫārī, Ṣaḥīḥ 8/209 et Muslim, Ṣaḥīḥ 4/2053) et un autre
citent le fait que ʿĀʾiša dit: ‘L’Envoyé de Dieu (.) récitait ce verset: « C’ est lui qui
a fait descendre sur toi le Livre» jusqu’à: «les doués d’ intelligence» (3, 7)’. Elle
ajoute: ‘L’Envoyé de Dieu (.) disait alors: Lorsque tu vois ceux qui suivent ce
qui est équivoque dans le Coran, ce sont ceux-là que Dieu a désignés du doigt,
soyez donc en garde contre eux’.
Aṭ-Ṭabarānī cite, dans al-Kabīr, le fait que Abū Mālik al-Ašʿarī entendit l’ En- 4/1343
voyé de Dieu (.) qui disait: ‘Je ne crains pour ma communauté que trois travers:
que la richesse n’augmente pour eux, au point de se jalouser et de s’ entretuer;
qu’ on ne leur ouvre le Livre et que le croyant ne le prenne dans le désir de
l’ interpréter, alors qu’il n’y a que Dieu qui connaisse son interprétation …’ et la
suite de la tradition.
Ibn Mardawayh cite, à partir de la tradition de ʿAmr b. Šuʿayb, de la part
de son père, de son oncle, le fait que l’Envoyé de Dieu (.) dit : ‘Le Coran n’est
pas descendu pour qu’une partie en démente une autre. Donc ce que vous en
comprenez, mettez-le en pratique et ce qui est équivoque, croyez-y’.
Al-Ḥākim cite, d’après Ibn Masʿūd, ce que dit le Prophète (.) : ‘Le premier
livre était descendu sur une seule matière (bāb) et selon un seul genre (ḥarf ) ;
le Coran est descendu sur sept matières | et selon sept genres: ce qui restreint, 4/1344
ce qui ordonne, ce qui est permis, ce qui est interdit, ce qui est sûr, ce qui est
équivoque et les paraboles. Permettez ce qu’il permet, interdisez ce qu’ il inter-
dit, faites ce qui vous est ordonné, abstenez-vous de ce qui vous est prohibé,
tenez compte de ses paraboles, mettez en pratique ce qu’ il a de sûr et croyez à
ce qu’il a d’équivoque, car tout vient d’auprès de notre Seigneur’.
Al-Bayhaqī cite une chose semblable, dans aš-Šuʿab, à partir d’ une tradition
de Abū Hurayra.
Ibn Ğarīr cite, d’après Ibn ʿAbbās, une tradition remontant jusqu’ au Pro-
phète (marfūʿ): ‘Le Coran est descendu selon quatre genres (aḥruf ) : le permis
et l’interdit, qu’on n’a aucune excuse d’ignorer, ce qui est commenté par les
arabes, ce qui l’est par les savants et l’équivoque que ne connaît que Dieu, et
qui prétend le connaître en dehors de Dieu est un menteur’.
Puis, il cite une chose semblable d’une autre façon, d’ après Ibn ʿAbbās, en
remontant jusqu’à un compagnon (mawqūf ).
Ibn Abī Ḥātim cite, par le truchement de al-ʿAwfī, ce que dit Ibn ʿAbbās: 4/1345
‘Nous croyons à ce qui est sûr et nous le professons ; nous croyons aussi à ce
qui est équivoque, mais nous ne le professons pas, alors que tout cela vient de
Dieu’.
Il cite également ce que disent Abū š-Šaʿṯāʾ et Abū Nahīk: ‘Vous liez ce verset,
alors qu’il est interrompu’5.
Ad-Dārimī cite, dans son Musnad (1/252–254), de la part de Sulayman b.
4/1346 Yasār, le fait qu’un homme, appelé | Ṣabīġ, se présenta à al-Madīna, en posant
des questions au sujet de l’équivoque dans le Coran. ʿUmar l’ envoya chercher,
alors qu’il lui avait préparé des rafles de dattes. Il lui dit : ‘Qui es-tu ?’. Il répondit:
‘Je suis ʿAbd Allāh Ṣabīġ’. Alors ʿUmar prit un de ces rafles et le frappa jusqu’ à
ce qu’il saignât de la tête. Et dans une autre recension, toujours chez lui : Il le
frappa avec une branche de palmier dépouillée de feuilles, au point qu’ il laissa
son dos couvert de plaies. Puis, il le laissa jusqu’ à ce qu’ il guérît. Puis, il revint
vers lui et ʿUmar le laissa jusqu’à ce qu’il guérît. Alors, il le fit appeler pour qu’ il
revienne. Celui-ci lui dit: ‘Si tu as l’intention de me tuer, tue-moi donc bel et
bien’. Alors, ʿUmar lui permit de retourner dans son pays, tout en écrivant à Abū
Mūsā al-Ašʿarī qu’aucun musulman ne le fréquente.
Ad-Dārimī (Musnad, 1/240–241) cite ce que dit ʿUmar b. al-Ḫaṭṭāb: ‘Vien-
dront vous trouver des gens qui vous chercheront querelle au sujet des versets
équivoques du Coran. Imposez-leur les Sunan, car les auteurs des Sunan sont
ceux qui connaissent le mieux le Livre de Dieu’.
Ces traditions et ces dits montrent que l’équivoque (dans le Coran) fait
partie de ce que ne connaît que Dieu; donc s’ y plonger est répréhensible.
Prochainement, viendra un complément à ce sujet.
4/1347 Aṭ-Ṭibī dit: ‘Par sûr, on veut dire ce dont le sens est clair et par équivoque,
le contraire. En effet, l’expression qui reçoit un sens peut en contenir un autre
ou non; dans ce second cas, il s’agit de l’univoque (naṣṣ). Dans le premier cas,
la signification de cet autre sens peut être prévalente ou non ; dans le premier
cas, il s’agit du sens apparent (ẓāhir); dans le second cas, les deux sens peuvent
être égaux ou non; dans le premier cas, il s’agit du confus (muğmal) et dans le
second cas, de ce qui est sujet à interprétation (muʾawwal). Si bien que ce qui
est, à la fois, univoque et apparent est sûr, tandis que ce qui est, à la fois, confus
et sujet à interprétation est équivoque’.
Le fait qu’il (*) ait placé le sûr en contraste avec l’ équivoque confirme cette
division. Donc il faut commenter le sûr en fonction de ce qui lui est opposé. La
façon de procéder du verset sert d’appui à cela, à savoir la mise ensemble et
la division. Car il (*) divise ce qu’il a mis ensemble à propos de la signification
du Livre, en disant: «Il y a en lui des versets sûrs (…) et d’ autres équivoques»
(3, 7) et il a comme intention de joindre à chacune des deux catégories ce qu’ il
veut; aussi dit-il en premier: «quant à ceux dans le cœur desquels il y a une
déviation», pour dire ensuite: «et les enracinés dans la science disent : nous y
croyons». On pourrait dire: quant à ceux dans le cœur desquels il y a la droiture,
ils suivent le sûr. Mais il a mis à la place de cela: «les enracinés dans la science »,
pour employer l’expression d’enracinement, parce que cela n’arrive qu’ après
avoir suivi parfaitement et avoir pratiqué intensément l’ effort d’ interprétation.
Celui dont le cœur se tient droit sur les chemins d’ une conduite intègre et
dont les pieds s’enracinent dans la science s’exprime éloquemment dans un
langage vrai et il se satisfait de l’invocation des enracinés dans la science : | 4/1348
« Notre Seigneur! Ne fais pas dévier nos cœurs … » jusqu’ à la fin (3, 8–9),
témoignant par là que l’expression des «enracinés dans la science » est à
l’ opposé de sa parole: «ceux dans le cœur desquels il y a une déviation ». Cela
montre que l’arrêt sur sa parole « illā llāhu / que Dieu » est complet, que la
science d’une partie de l’équivoque est réservée à Dieu (*) et que quiconque
tente de la connaître est celui qui est désigné dans la tradition prophétique par
l’ expression: ‘Soyez en garde contre eux’.
ensemble, on sait que s’arrêter sur sa parole: «et ne connaît son interprétation
que Dieu» (3, 7) ou la lier avec cette autre: «et ceux qui sont enracinés dans la
foi» sont tous les deux permis et que chacun des deux a sa raison d’ être, selon
l’explication détaillée qui précède’. Fin de citation.
Al-Imām Faḫr ad-Dīn (ar-Rāzī) déclare: ‘Il faut avoir une preuve disjonctive
pour faire passer une expression de la prévalence à la non-prévalence. Cette
preuve sera formelle ou rationnelle.
On ne peut pas considérer la première dans les questions touchant aux
principes, parce qu’elle n’est pas décisive; en effet, elle dépend de l’ épuisement
des dix possibilités bien connues6 ; or cet épuisement relève de l’ opinion ; et ce
4/1353 qui dépend de l’opinion | est lui-même une opinion ; et l’ opinion ne suffit pas
pour ce qui touche aux principes.
Quant à la preuve rationnelle, elle signifie l’ abandon du sens apparent de
l’expression, du fait que ce sens est impossible. Quant à l’ établissement du sens
voulu, il n’est pas possible rationnellement, car cette façon de faire se ramène
à faire prévaloir un sens figuré sur un autre et une interprétation sur une autre;
donc une telle prévalence n’est possible que grâce à une preuve formelle. Or
une telle preuve pour la prévalence est faible et ne signifie qu’ une opinion ; et
on ne peut pas recourir à l’opinion dans les questions décisives relatives aux
principes. Voilà pourquoi les imāms spécialistes parmi les ancêtres dignes de
foi et les successeurs, après avoir établi la preuve décisive que l’ expression ne
peut pas être prise dans son sens apparent, ont choisi d’ abandonner l’ examen
approfondi d’une interprétation précise’. Fin de citation. Cela suffit avec ce
discours de al-Imām7.
4/1354 Parmi l’équivoque, on compte les versets relatifs aux attributs (divins). Et à ce
sujet, Ibn al-Labbān a composé un volume à part8.
4/1358 a. Il y a parmi cela l’attribution d’ al-istiwāʾ (se tenir assis sur). Le résultat de ce
que j’ai vu à ce sujet se ramène à sept points de vue.
1. Le premier: Muqātil et al-Kalbī relatent le fait que, selon Ibn ʿAbbās, « il se
tient assis / istawā » (20, 5) signifierait qu’il s’est installé bien assis (istaqarra).
Si c’est juste, cela a besoin d’une interprétation, car être installé bien assis
connote la corporéité.
2. Le deuxième: «il se tient assis» signifierait qu’ il prend possession
(istawlā). Cela est réfuté de deux façons. D’abord, Dieu a déjà pris possession
des deux univers, du Jardin, du Feu et de leurs hôtes. A quoi sert donc de spé-
cifier le Trône? Ensuite, la prise de possession n’a lieu qu’ après une conquête
et une victoire, or Dieu transcende tout cela.
Al-Lālikāʾī cite dans as-Sunna le fait qu’on interrogea Ibn al-Aʿrābī au sujet
du sens de «il se tient assis». Il répondit: ‘Il est sur son Trône, comme il l’ a
4/1359 fait savoir’. On lui dit: ‘Ô ʿAbd Allāh! Cela signifie | qu’ il a pris possession’. Il
répondit: ‘Silence! On ne dit que quelqu’un a pris possession d’ une chose que
9 Avec un alif sous forme de yāʾ sans points, il s’agit d’une préposition, comme il est écrit
dans la version actuellement officielle du Coran. Nous pourrions transcrire la préposition
comme suit: ʿalā, et le verbe comme suit: ‘ala!.
10 Ce qui veut dire que Ismāʿīl aḍ-Ḍarīr lit comme suit: ar-raḥmānu ʿala ! / al-ʿaršu istawā.
4/1362 c. Il y a de même parmi cela l’expression al-wağh (la face) qui est interprétée
comme étant l’essence. Ibn al-Labbān dit: ‘Dans sa parole: « Ils désirent son
wağh » (18, 28), dans «Nous vous nourrissons uniquement pour le wağh de
Dieu» (76, 9) et dans «si ce n’est par désir du wağh de son Seigneur » (92, 20),
cela signifie la pureté d’intention’.
Un autre dit à propos de sa parole: «car là se trouve le wağh de Dieu » (2,
115), c’est-à-dire, la direction vers laquelle il a ordonné de se tourner.
d. Il y a encore parmi cela l’expression al-ʿayn (l’ œil) qui est interprétée comme
étant la faculté de la vision (al-baṣar) ou celle de la connaissance (al-idrāk).
4/1363 Bien plus, certains disent | qu’il s’agit là d’un sens réel, contrairement à ce
que s’imaginent certaines personnes pensant qu’ il s’ agit d’ un sens figuré;
le sens figuré est uniquement dans la dénomination de l’ organe par cette
expression11.
Ibn al-Labbān dit: ‘L’attribution de al-ʿayn qui lui (*) est faite est un nom
désignant ses signes ‘clairvoyants’ (al-mubṣira) grâce auxquels il (§) voit
( yanẓuru ilā) les croyants et eux le voient’. Il dit : ‘ « Lorsque leur sont parve-
nus nos signes ‘clairvoyants’ (mubṣiratan)» (27, 13); il attribue effectivement
dans un sens figuré la faculté de la vision (al-baṣar) aux signes, parce qu’ ils
sont signifiés par al-ʿayn qui lui est attribué’. Il dit : ‘ « Vous sont parvenus des
appels à la clairvoyance (baṣāʾiru) de la part de votre Seigneur. Qui est clair-
voyant (abṣara) l’est pour lui-même et qui est aveugle l’ est à son détriment »
(6, 104)’. Il dit encore: ‘Sa parole: «Sois patient à l’égard du jugement de ton Sei-
gneur, car tu es sous nos yeux (bi-aʿyuninā)» (52, 48) signifie : car tu es sous nos
signes grâce auxquels tu nous vois et nous te voyons’. Il ajoute: ‘Ce qui confirme
qu’ ici le sens de al-aʿyun est bien celui de signes, c’ est que le fait qu’ il justifie
grâce à eux la patience à l’égard du jugement de son Seigneur est clairement
exprimé dans sa parole: «Certes, nous avons vraiment fait descendre sur toi
le Coran * Sois donc patient à l’égard du jugement de ton Seigneur » (76, 23–
24)’. Il continue: ‘Et sa parole à propos de l’arche de Nūḥ : « Elle vogue sous nos
yeux (bi-aʿyuninā) » (54, 14) signifie: grâce à nos signes et la preuve en est : « Il
dit : montez-y au nom de Dieu, qu’elle vogue et arrive à bon port ! » (11, 41). Il
dit : «… pour que tu sois élevé sous mon œil (ʿalā ʿaynī) » (20, 39), c’ est-à-dire,
selon la décision de mon signe que j’ai révélé à ta mère: « Allaite-le et si tu as
peur pour lui, jette-le dans le fleuve …» (28, 7)’. Fin de citation.
e. Il y a aussi parmi cela l’expression al-yad (la main) dans sa parole : « … devant
ce que j’ai créé de mes deux mains (bi-yadayya) » (38, 75); « la main ( yadu)
de Dieu est sur leurs mains (aydīhim)» (48, 10); « … parmi ce que nos mains
(aydīnā) on fait» (36, 71); | «Certes, la faveur est dans la main (bi-yadi) de Dieu » 4/1364
(3, 73): elle est interprétée comme étant la puissance.
As-Suhaylī dit: ‘al-yad, fondamentalement comme l’ action verbale, exprime
la qualité de ce qui est qualifié. Voilà pourquoi, dans sa parole, il (§) fait l’ éloge
des mains / force (bi-l-aydī), en les liant aux regards / clairvoyance (al-abṣār) :
« ceux qui sont doués de force (al-aydī) et de clairvoyance (al-abṣār) » (38, 45) ;
il ne fait pas l’éloge des membres, parce que la louange ne s’ attache qu’ aux
attributs et non aux réalités substantielles’. Il dit encore: ‘Voilà pourquoi, al-
Ašʿarī dit que al-yad est un attribut que la révélation utilise. Et, à ce qu’ il
semble, le sens de cet attribut est proche de celui de la puissance, si ce n’est
qu’ il est plus spécifique, alors que la puissance est un attribut plus générique,
comme l’amour avec le vouloir et la volonté. A l’expression al-yad est attaché
un ennoblissement intrinsèque.’
Al-Baġawī dit, à propos de sa parole « bi-yadayya / [devant ce que j’ ai créé]
de mes deux mains» (38, 75): ‘Le fait que Dieu emploie effectivement le duel de
al-yad est une preuve qu’elle n’a pas le sens de puissance, de force ou de faveur;
elles sont uniquement deux attributs parmi les attributs de son essence’.
4/1365 Muğāhid dit: ‘al-yad, dans ce cas, est une cheville de langage et une marque
d’insistance, comme sa parole: «La face (wağhu) de ton Seigneur demeure» (5,
27)’. Al-Baġawī dit: ‘C’est là une interprétation faible, parce que s’ il s’ agissait
d’une cheville de langage, Iblīs aurait dû répondre: Si tu l’ as créé, tu m’as
également créé. Il en serait de même pour la puissance et la faveur: il n’y aurait
pas dans la création de Ādam de privilège par rapport à celle de Iblīs’.
Ibn al-Labbān dit: ‘Si l’on demande ce que représentent réellement les deux
mains dans la création de Ādam, je réponds que Dieu est celui qui sait le
mieux ce qu’il veut signifier; cependant, ce que j’ ai obtenu comme résultat
de ma réflexion sur son Livre, c’est que les deux mains (al-yadayn) sont une
métaphore de la lumière de sa puissance qui se trouve dans l’ attribut de sa
faveur et dans celui de sa justice. Il attire l’attention sur la particularisation
de Ādam et sur son ennoblissement par le fait qu’ ont été mises ensemble pour
lui, dans sa création, sa faveur et sa justice’. Il ajoute : ‘Celle qui détient la faveur,
c’est la droite mentionnée dans sa parole: «et les cieux sont pliés dans sa droite
(bi-yamīnihi)» (39, 67)’.
dans cela; elle ne se vérifie jamais à propos du ‘côté’ au sens bien connu de ce
mot13.
h. Il y a aussi parmi cela l’attribut de al-qurb (la proximité), dans sa parole: « Car
je suis proche (qarībun)» (2, 186) et dans: «Nous sommes plus proche (aqrabu)
de lui que ne l’est sa veine jugulaire» (50, 16), qui signifie la connaissance.
i. Il y a de même parmi cela l’attribut de al-fawqiyya (le fait d’ être sur) dans 4/1367
sa parole: «Il est le Maître absolu sur ( fawqa) ses serviteurs» (6, 18) et dans :
« Ils craignent leur Seigneur au-dessus d’eux (min fawqihim) » (16, 50). Cela
signifie la supériorité sans idée de spatialité. Firʿawn dit : « Nous sommes au-
dessus d’eux ( fawqahum) maîtres absolus» (7, 127). Il est évident qu’ il ne veut
pas signifier la supériorité spatiale.
13 Voir p. 1357.
la colère. Son principe est dans l’ébullition du sang dans le cœur et sa fin est
dans la volonté de causer un dommage à celui qui est l’ objet de la colère. Donc
l’expression al-ġaḍab (la colère), dans le cas de Dieu, n’est pas prise dans le
sens de son principe, à savoir l’ébullition du sang dans le cœur, mais dans celui
de son but qui est celui de vouloir nuire. Il en est de même pour la honte: elle
a un principe, à savoir une brisure qui se produit dans l’ âme, et elle a un but,
à savoir l’abandon de l’acte. Par conséquent, l’ expression al-ḥayāʾ (la honte),
dans le cas de Dieu, est employée dans le sens d’ abandon de l’ acte et non dans
celui de la brisure de l’âme’. Fin de citation.
4/1370 Al-Ḥusayn b. al-Faḍl dit: ‘L’étonnement, de la part de Dieu, réside dans le
fait de déclarer répréhensible une chose et dans celui de la magnifier’. On
interrogea al-Ğunayd au sujet de sa parole: «Si tu t’ étonnes, alors leur parole
est étonnante» (13, 5). Il répondit: ‘Certes, Dieu ne s’ étonne de rien ; mais,
Dieu s’accorde avec son Envoyé et dit: «Si tu t’ étonnes, alors leur parole est
étonnante», c’est-à-dire, il en est comme tu dis’.
m. Il y a encore parmi cela sa parole: «Il est avec vous (maʿakum) où que vous
soyez» (57, 4) c’est-à-dire, grâce à sa science.
n. Il y a aussi sa parole: «Il est dans ( fī) les cieux et sur ( fī) la terre; il connaît
4/1371 …» (6, 3). Al-Bayhaqī dit |: ‘Le plus juste est que cela signifie qu’ il est l’ adoré
dans les cieux et sur la terre; tout comme sa parole: « C’ est celui qui dans ( fī)
le ciel est Dieu et sur ( fī) la terre est Dieu» (43, 84)’.
Al-Ašʿarī dit: ‘La préposition ( fī / dans, sur) est liée au verbe ‘il connaît’ (6,
3), ce qui veut dire qu’il connaît ce qu’il y a dans (ʿālimun bimā fī) les cieux et
sur la terre’.
Ibn al-Labbān dit: ‘Sa parole: «La rigueur (baṭša) de ton Seigneur est redou-
table» (85, 12) ne fait pas partie de l’équivoque, parce qu’ il l’ a commentée
par la suite, en disant: «Il est celui qui commence et qui répète» (85, 13),
pour faire remarquer que sa rigueur exprime sa manière de se comporter
quand il commence, quand il répète et dans toutes ses façons d’ agir avec ses
créatures’.
Les lettres initiales des sourates font également partie de l’ équivoque et l’ opi- 4/1372
nion que l’on doit choisir à leur sujet est qu’elles constituent des secrets que
Dieu seul connaît.
Ibn al-Munḏir et un autre citent le fait qu’on interrogea aš-Šaʿbī au sujet
des lettres qui ouvrent les sourates. Il répondit: ‘Chaque livre a son secret et
les lettres qui ouvrent les sourates forment le secret de ce Coran’. D’ autres ont
approfondi le sens de ces lettres.
15 Allusion probable à 7, 52: «Nous leur avons apporté un Livre que nous expliquons ( faṣṣal-
nāhu)».
Ce qui veut dire: wa-in šarran fa-šarrun (et un mal est un mal) ; et wa-illā an
tašāʾ (à moins que tu ne veuilles). Il dit encore:
Ce qui veut dire: a-lā tarkabūna (ne montez-vous pas ?) et a-lā fa-rkabū (Mon-
tez donc, n’est-ce pas?). Cette opinion est le choix de az-Zağğāğ. Il dit : ‘Les
arabes prononcent une seule lettre, indiquant par là le mot dont elle fait par-
tie’.
2. On dit qu’elles équivalent au Nom Suprême; mais nous ne savons pas
comment le composer à partir de ces lettres; c’ est ce que rapporte Ibn ʿAṭiyya.
Ibn Ğarīr cite, avec une chaîne de transmission authentique, le propos de
Ibn Masʿūd disant: ‘Il s’agit du Nom Suprême de Dieu’.
4/1379 Ibn Abī Ḥātim cite, par le truchement de as-Suddī, le fait que lui parvint
ce propos d’Ibn ʿAbbās disant: ‘« a.l.m. » (2, 1) est un des noms de Dieu, le
Suprême’.
3. Ibn Ğarīr (aṭ-Ṭabarī) et un autre citent, par le truchement de ʿAlī b. Abī
Ṭalḥa, le propos de Ibn ʿAbbas disant: ‘« a.l.m. » (2, 1), « ṭ.s.m. » (26, 1), « ṣ »
(38, 1) et leurs semblables sont un serment par lequel Dieu jure sur lui-même ;
cela fait partie des noms de Dieu’. Il convient que cela soit considéré comme
une troisième opinion, à savoir que ces lettres, dans leur ensemble, sont des
noms de Dieu; et il convient aussi que cela fasse partie de la première et de la
deuxième opinion.
Ibn ʿAṭiyya et un autre suivent la première opinion ; elle est confirmée par
ce que cite Ibn Māğah dans son commentaire coranique, par le truchement de
4/1380 Nāfiʿ b. Abī Nuʿaym, le lecteur, de la part de Fāṭima Bint ʿAlī b. Abī | Ṭālib, à savoir
quelle entendit ʿAlī b. Abī Ṭālib dire: ‘Ô k.h.y.ʿ.ṣ! pardonne-moi.’
Elle est également confirmée par ce que cite Ibn Abī Ḥātim de la part de
ar-Rabīʿ b. Anas, au sujet de sa parole: « k.h.y.ʿ.ṣ. » (19, 1), disant : ‘Ô Toi qui
protèges sans être protégé!’
Il cite aussi le propos de Ašhab disant: ‘J’ai demandé à Mālik b. Anas s’ il était
convenable que quelqu’un s’appelle Yā Sīn’. Il répondit: ‘Je ne pense pas que ce
soit convenable. Dieu dit: « Yā Sīn * Par le noble Coran! » (36, 1–2)’ et il ajoute:
‘Tel est le nom par lequel je suis appelé’.
4. On dit que ce sont des noms du Coran, comme al-furqān (le Discrimi-
nateur) et aḏ-ḏikr (le Rappel); c’est ce que cite ʿAbd ar-Razzāq de la part de
Qatāda. Le cite également Ibn Abī Ḥātim en ces termes: ‘Toute lettre épelée
dans le Coran est un des noms du Coran’.
5. On dit aussi que ce sont des noms de sourates; c’ est ce que transmettent
al-Māwardī et un autre de la part de Zayd b. Aslam et l’ auteur (az-Zamaḫšarī)
de al-Kaššāf attribue cette opinion à la majorité.
4/1381 6. On dit également que ce sont des ouvertures de sourates, comme cela se
pratique au début des poèmes: bal et lā bal.
Ibn Ğarīr cite, par le truchement de aṯ-Ṯawrī, de la part de Ibn Abī Nağīḥ, le
propos de Muğāhid disant: ‘« a.l.m. » (2, 1), «ḥ.m. » (40, 1), « a.l.m.ṣ. » (7, 1),
« ṣ » (38, 1) et leurs semblables sont des ouvertures grâce auxquelles Dieu ouvre
le Coran’.
un et deux cent soixante et onze, ce qui donne la somme de sept cent quatre
ans?’ Ils répondirent: ‘Son cas demeure pour nous équivoque’. On prétend que
les versets suivants descendirent à propos d’eux : « C’ est lui qui a fait descendre
sur toi le Livre: il y a en lui des versets sûrs qui sont la mère du Livre, et d’ autres
équivoques …» (3, 7)’. Ibn Ğarīr cite cela de cette façon et Ibn al-Munḏir le cite
d’après Ibn Ğurayğ, d’une autre façon défectueuse (muʿḍalan)21.
4/1384 Ibn Ğarīr et Ibn Ḥātim citent le propos de Ibn al-ʿĀliya, au sujet de sa parole:
« a.l.m. » (2, 1), disant: ‘Ces trois lettres font partie des vingt-neuf lettres autour
desquelles tournent les discussions. Il n’y en a pas une seule qui ne soit la clé
d’un de ses (*) noms; il n’y en a pas une seule qui ne soit une de ses grâces et
une de ses épreuves; et il n’y en pas une seule qui ne soit relative à la durée des
peuples et à leur terme. En effet, Alif est la clé de son nom Allāh (Dieu), Lām
celle de son nom laṭīf (Aimable) et Mīm celle de son nom mağīd (Glorieux) ;
Alif représente les grâces (ālāʾ) de Dieu, Lām sa gentillesse (luṭf ) et Mīm sa
gloire (mağd); Alif équivaut à un an, Lām à trente et Mīm à quarante’.
Al-Ḫuwayyī dit: ‘Un (Abū l-Ḥakam b. Barrağān) des imāms déduit de sa (*)
parole: « a.l.m. * Les byzantins ont été vaincus » (30, 1–2) que les musulmans
prendraient Jérusalem en l’an 583 et il en a été comme il a dit’.
As-Suhaylī dit: ‘Peut-être que la valeur numérique des lettres qui se trouvent
au début des sourates, si l’on omet celles qui se répètent, indique-t-elle le temps
de la durée de cette communauté’.
4/1385 Ibn Ḥağar dit: ‘Cela est une fausse (opinion) sur laquelle on ne peut se
fonder. En effet, il est établi, d’après Ibn ʿAbbās, qu’ il faut se méfier du calcul
de Abū Ğād (al-abğad)22 et montrer que cela fait partie de l’ ensemble de la
magie; ce qui n’est pas improbable. En effet, cela n’a aucun fondement dans la
Loi révélée’. Al-Qāḍī Abū Bakr b. al-ʿArabī dit dans Fawāʾid ar-Riḥla: ‘La science
des lettres séparées du début des sourates fait partie de ce qui est faux. Me sont
parvenues à leur sujet une vingtaine d’opinions ou plus ; je ne connais personne
qui puisse en juger en connaissance de cause et qui puisse en comprendre
quelque chose.
Ce que je dis, c’est que si les arabes n’avaient pas su qu’ elles avaient une
signification courante parmi eux, ils auraient été les premiers à refuser cela au
Prophète (.). Bien au contraire, il leur récita: «ḥ.m. » de Fuṣṣilat (41, 1) et «ṣ »
(38,1), etc … et ils ne le refusèrent pas; bien plus, ils déclarèrent se soumettre à
lui au plan de la rhétorique et de l’éloquence, malgré leur attention à ce qu’ il
21 Chaîne de transmission dont, en plein milieu, deux transmetteurs à la suite sont tombés
dans l’oubli (NdE).
22 Voir p. 1381, note 17.
fasse un faux pas et leur désir ardent de le voir trébucher. Cela montre donc
que c’était une chose bien connue parmi eux et qu’ on ne pouvait nier’. Fin de
citation.
8. On dit que ce sont des façons d’attirer l’attention, comme quand on 4/1386
appelle. Ibn ʿAṭiyya estime que cette opinion diffère de celle qui soutient que
ce sont des ouvertures, alors qu’apparemment elle en a le sens.
Abū ʿUbayda dit: ‘« a.l.m. » (2, 1) ouvre le discours’.
Al-Ḫuwayyī dit: ‘L’opinion, selon laquelle ce sont des façons d’ attirer l’ atten-
tion, est excellente; en effet, le Coran est un discours puissant et ses remarques
sont puissantes; par conséquent, il faut qu’il parvienne aux oreilles de quel-
qu’ un qui est pleinement attentif. Il est permis de penser que Dieu savait qu’ à
certains moments le Prophète (.), dans le monde des hommes, était occupé.
Aussi, ordonnait-il à Ğibrīl de dire, quand il descendait : a.l.m., a.l.m.r. et
ḥ.m., pour que le Prophète (.) entende la voix de Ğibrīl, l’ accueille et l’ écoute’.
Il ajoute: ‘Des paroles bien connues pour attirer l’ attention, comme a lā et a
mā (n’est-ce pas?) n’étaient pas utilisées, uniquement parce que c’ était des
expressions auxquelles les gens étaient trop habitués dans leur façon de parler ;
or le Coran est une façon de parler qui ne ressemblait pas à la leur. Donc il
convenait qu’y soient employées des expressions pour attirer l’ attention qui
ne soient pas familières, pour qu’elles soient plus aptes à frapper son oreille’.
Fin de citation.
On dit que lorsque les arabes entendaient le Coran, ils se trompaient à son
sujet. Alors, Dieu fit descendre cette combinaison singulière, pour qu’ ils en
soient surpris et que leur surprise sollicite leur écoute, si bien que leur écoute de
cela entraînerait celle de ce qui vient après et ainsi leur cœur s’ adoucirait et leur
âme s’attendrirait. Un groupe (de savants) considère cela comme une opinion
indépendante. Mais apparemment, c’est le contraire. Elle ne vaut qu’ en tant
qu’ analogie avec quelque opinion que ce soit et non comme une opinion (à
part) sur le sens de ces lettres, puisqu’elle n’a pas d’ indication de sens.
9. On dit que ces lettres sont mentionnées pour montrer que le Coran est 4/1387
composé des lettres suivantes, à savoir, alif, bāʾ, tāʾ, ṯāʾ, etc … Certaines d’ entres
elles sont séparées, alors que leur ensemble est composé, pour montrer aux
gens, dans la langue desquels est descendu le Coran, que ce dernier est fait
de lettres qu’ils connaissent bien; et cela sert à leur faire connaître et à leur
montrer leur propre impuissance à produire une chose semblable après avoir
constaté qu’il est descendu avec les lettres qu’ils reconnaissent et avec les-
quelles ils forment leur langage.
10. On dit (// az-Zamaḫšarī) que le but de ces lettres est de donner une infor-
mation sur les lettres avec lesquelles le langage est composé. Il en a mentionné
quatorze, ce qui est la moitié de la totalité des lettres. De chaque genre, il en a
mentionné la moitié. Parmi les gutturales (ḥurūf al-ḥalq), il y a ḥāʾ, ʿayn et hāʾ ;
parmi celles qui sont au-dessus, il y a qāf et kāf ; parmi les deux labiales (šafa-
hiyyān), il y a mīm ; parmi les sourdes (mahmūsa), il y a sīn, ḥāʾ, kāf, ṣād et hāʾ ;
parmi les occlusives (šadīda), il y a hamza, ṭāʾ, qāf et kāf ; parmi les vélarisées
(muṭbaqa), il y a ṭāʾ et ṣād ; parmi les sonores (mağhūra), il y a hamza, lām, mīm,
ʿayn, rāʾ, ṭāʾ, qāf, yāʾ et nūn ; parmi les non-vélarisées (munfatiḥa), il y a hamza,
mīm, rāʾ, kāf, hāʾ, ʿayn, sīn, ḥāʾ, qāf, yāʾ et nūn ; parmi les élevées (mustaʿliya),
il y a qāf, ṣād et ṭāʾ ; parmi les abaissées (munḫafiḍa), il y a hamza, lām, mīm,
rāʾ, kāf, hāʾ, yāʾ, ʿayn, sīn, ḥāʾ et nūn ; parmi les explosives (muqalqala), il y a
4/1388 qāf et ṭāʾ. Puis, il a cité ces lettres par une, | par deux, par trois, par quatre et
par cinq, parce que la composition du langage suit cette modalité et ne dépasse
pas cinq23.
11. On dit qu’elles sont un signe que Dieu a disposé pour les Gens de l’ Ecri-
ture, à savoir qu’il ferait descendre sur Muḥammad un livre dont certaines
sourates commenceraient par des lettres séparées.
Voilà les opinions relatives aux débuts des sourates sur lesquelles je me suis
arrêté de façon globale.
25 Cela se fonde probablement sur le fait que Yūnus est traditionnellement appelé Ḏū n-Nūn,
l’homme du Nūn, c’est-à-dire, l’homme du poisson.
Conclusion
4/1393 Certains posent la question suivante: Est-ce que le sûr est supérieur à l’ équi-
voque ou non? Si l’on répond non, cela est contraire au consensus général
et si l’on dit oui, on viole votre principe selon lequel sa (§) Parole, dans son
ensemble, est égale et qu’elle est descendue avec sagesse.
Abū ʿAbd Allāh al-Bakrābāḏī26 répond, en disant que, d’ un côté, le sûr est
comme l’équivoque et que, d’un autre côté, il est différent. Ils se correspondent,
puisque l’argumentation avec les deux n’est possible que si l’ on connaît la
sagesse de l’Auteur et le fait qu’il ne choisit jamais ce qui est repoussant. Ils sont
différents, puisque le sûr, selon l’usage de la langue, ne supporte qu’ un seul sens
et donc celui qui le comprend peut argumenter de suite grâce à lui ; alors que
l’ équivoque a besoin de quelque réflexion et considération pour être employé
dans le sens adéquat. De plus, le sûr représente le principe ; et la connaissance
du principe est bien antérieure. En outre, le sûr est connu de façon détaillée,
tandis que l’équivoque n’est connu que de façon vague.
Certains disent: ‘Si l’on dit: Quelle est la raison de la descente de l’ équivoque
de la part de celui qui veut la clarté et la guidance pour ses serviteurs? Nous
répondons: S’il fait partie de ce que l’on peut connaître, il comporte divers
avantages, comme le fait d’inciter les savants à la réflexion qui entraîne la
connaissance de ses énigmes, et comme la recherche de ses subtilités. Pousser
à avoir le zèle de la connaissance de cela est la plus grande des bonnes œuvres.
Autre avantage: la manifestation de la préférence et de la différence de 4/1394
degrés. En effet, si le Coran en entier était (un texte) sûr qui n’aurait besoin
ni d’interprétation ni de réflexion, la position des gens serait la même et
n’ apparaîtrait pas l’excellence du savant par rapport à celui qui ne l’ est pas.
Même si l’équivoque fait partie de ce que l’on ne peut pas connaître, il com-
porte des avantages, dont l’épreuve des serviteurs, quand ils s’ y arrêtent, l’ indé-
cision à son sujet, l’abandon, la remise de soi et l’ obéissance servile, quand on
s’ engage à le réciter, comme ce qui est abrogé, même s’ il n’est pas permis de
mettre en pratique ce qu’il contient et le fait que cela constitue une preuve
contre eux. En effet, étant donné que cela est descendu dans leur langue et
selon leur façon de parler et qu’ils sont impuissants à en comprendre le sens,
malgré leur éloquence et leur capacité de compréhension, ce fait montre que
cela est descendu d’auprès de Dieu et que c’est cela même qui les rend impuis-
sants à le comprendre’.
Al-Imām Faḫr ad-Dīn (ar-Rāzī) déclare: ‘Certains, parmi les hérétiques, cri-
tiquent le Coran parce qu’il contient les versets équivoques’. Il poursuit : ‘Vous
dites que les devoirs des créatures sont liés à ce Coran jusqu’ à l’ avènement de
l’ Heure. Puis, nous voyons que le tenant de chaque doctrine le prend en fonc-
tion de sa doctrine; ainsi le ğabarite prend-il les versets de la prédestination,
comme sa parole: |: «Nous avons mis sur leur cœur un voile épais et rendu 4/1395
leurs oreilles dures, de peur qu’ils ne le comprennent» (6, 25) ; tandis que le
qadarite déclare que c’est la doctrine des mécréants, en donnant pour preuve
qu’ il (*) a relaté cela de leur part dans l’exposition du blâme à leur intention
dans sa parole: «Ils disent: Nos cœurs sont dans un voile épais (qui nous cache)
ce vers quoi tu nous appelles; nos oreilles sont dures … » (41, 5) ; et dans un
autre endroit: «Ils disent: Nos cœurs sont incirconcis» (2, 88). Le négateur de
la vision (de Dieu) prend sa parole: «Les regards ne l’ atteignent pas » (6, 103)
Le partisan de la spatialité prend sa parole: «Ils craignent leur Seigneur au-
4/1396 dessus d’eux» (16, 50) et: | «Le Miséricordieux sur le Trône se tient assis » (20,
5); tandis que celui qui la nie prend sa parole: « Rien n’est semblable à lui » (42,
11). Ensuite, chacun d’eux qualifie de sûrs les versets conformes à sa doctrine
et d’équivoques les versets opposés. Or la prévalence de certains versets sur
d’autres ne se ramène qu’à de légères prévalences et à de faibles raisons. Alors,
comment convient-il pour le Sage d’arranger ainsi le Livre qui sera la référence
pour toute la religion jusqu’au jour de la résurrection ?’.
Il déclare: ‘Voici la réponse. Les savants ont mentionné plusieurs avantages
dus à l’existence de l’équivoque dans le Coran.
1. Entre autres, il exige davantage de labeur pour arriver à savoir ce qu’ il
signifie; or le surcroît de labeur entraîne un surcroît de récompense.
2. Autre avantage: si tout le Coran était sûr, il ne s’ appliquerait qu’ à une seule
doctrine et, du fait de son évidence, il annulerait tout ce qui serait différent
d’elle; et cela procurerait de la répugnance aux tenants des autres doctrines
à l’accepter, à le prendre en considération et à en tirer profit. Par contre, si le
Coran contient le sûr et l’équivoque, le tenant de chaque doctrine aspire à y
trouver ce qui confirme la sienne et soutient ce qu’ il affirme. Aussi tous les
tenants des doctrines passent-ils le Coran en revue et chacun d’ eux s’ efforce-t-
il à y réfléchir. Et quand ils y arrivent, les versets sûrs servent de commentaire
aux versets équivoques; et de cette façon, le falsificateur est libéré de sa fausseté
et parvient à la vérité.
3. Autre avantage: étant donné que le Coran contient l’ équivoque, on a
besoin de la science par le truchement des interprétations et de la prépondé-
rance de l’une sur l’autre; on a également besoin, pour cet apprentissage, de
parvenir à acquérir de nombreuses sciences, comme la linguistique, la gram-
maire, la sémantique, la rhétorique et les principes de la connaissance. S’ il n’en
était pas ainsi, on n’aurait pas besoin d’acquérir ces nombreuses sciences. Ainsi
la mention de l’ équivoque comporte-t-elle de nombreux avantages.
4/1397 4. Autre avantage: le Coran contient l’appel adressé à l’ élite et aux gens du
commun; or la plupart du temps, les gens du commun répugnent naturelle-
ment à atteindre la réalité des choses; si bien que si l’ un d’ entre eux entend
dire, tout de go, qu’on affirme qu’il y a un être qui n’a ni corporéité ni spatia-
lité ni visibilité, il pense que cela est inexistant et exclu; aussi tombe-t-il dans
le négationnisme. Donc le mieux est de leur parler avec des expressions qui
signifient un peu ce qui correspond à ce qu’ils croient et imaginent, si bien que
cela se mêle à ce qui signifie la pure vérité. Donc la première chose dont on les
entretiendra, en premier lieu, fait partie des versets équivoques (anthropomor-
phiques); et la seconde chose qui leur sera dévoilée, en dernier lieu, fait partie
des versets sûrs’.
4/1398 (blanc)